Différences n°6 - Décembre 1981
Sommaire du numéro
- n°6 de décembre 1981
- Edito: Du bon usage de Noël par Albert Levy
- Attentats: que de coïncidences par Claude Picand (extrême droite)
- Ces cadeaux venus d'ailleurs par Isabelle Baillancourt et Danielle Dreyfus
- Qui sont les rats de l'hôpital d'Amiens? par Marc Mangin et Jean-Pierre Garcia
- Lyon: le mal des banlieues
- Un continent de compétitions (antarctique)
- Les dessous de métopolice
- Les mauvaises notes du gendarme
- Les couples de couleur par Renée David
- L'appel au racisme tombe à plat (Fumel) par Jean-Michel Ollé
- A Erevan: la colline du souvenir par Yves Thoraval
- La tragédie Arménienne, dossier réalisé par le collectif des Arméniens de Paris
- Reflexion: racisme et hétérophobie par Albert Memmi
- Histoire: Louise Michel chez les canaques
- Culture: renouveau de l'architecture de terre par Maïten Bouisset
- Culture: Tarzan broie du noir par Jean-Pierre Bergeon
- "Amok" ou le voyage au bout de l'enfer de l'apartheid: propos du réalisateur Souhai Ben Barka recueillis par Jean-Pirre Garcia
- En débat: se priver pour vaincre la faim, interventions de Vincent Labeyrie, Amadou Mahtar M'Bow, Brice Lalonde, Philippe Farine
- George Pau-Langevin: dialogue avec les lecteurs
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· N° - EéEMBRE 81 - PRIX 12 F - MENS DES MAGASI S POU DES TEMPS NOUYEAUX vêtements BESANÇON: 1, rue Gambetta LA ROCHE·SUR·YON: 11, rue Stéphane·Guillemé LE HAVRE: 222/228, rue Aristide-Briand BESANÇON: 1, rue Gambetta LA ROCHE·SUR·YON : 11, rue Stéphane-Guillemé LE HAVRE: 222/228, rue Aristide-Briand GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES: 72, avenue Gabriel-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place ORGEVAL: Lieudit "Les seize arpent" GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES: 72, av. G.-Pt:':ri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place DU BON USAGE DE NOEL D ans ce quartier d'une ville lorraine, l'autre année, où devait s'édifier une mosquée, des citoyens vigilants firent circuler une pétition hostile au projet. Ils refusaient, disaient-ils, la nuisance causée par les appels du muezzin à la prière. Est-il besoin de souligner que ce rite, pratiqué en terre d'Islam, ne se conçoit guère en France et que, le cas échéant, il ne perturberait pas plus le voisinage que ne le font les cloches des églises ... sans parler du tintamarre des véhicules à moteur. Dans d'autres villes, pour s'opposer au culte musulman, les prétextes avancés, lorsqu'ils n'expriment pas ouvertement la peur ou la haine de l'Autre, se réfèrent aussi d'une façon quelconque à la défense de "l'environnement". Prodigues de l'imagination: on alimente la bêtise comme on peut. L'approche de Noël dans ce pays massivement chrétien offre l'occasion de méditer, précisément, sur ce que peuvent ressentir les minorités quand le consensus majoritaire se manifeste à leur détriment, ou simplement dans l'ignorance, consciente ou non, de leur identité particulière. Les juifs croyants, s'ils doivent, par la force des choses, se conformer aux jours fériés du calendrier, le plus souvent d'inspiration catholique, ont obtenu qu'au moins la plus importante de leurs célébrations religieuses justifie l'absence au lieu de travail ou d'étude. Il n'en est pas de même pour les musulmans, qui viennent seulement de se voir octroyer une émission à la télévision comme les autres confessions. Et qu'en est-il des travailleurs étrangers qui - par millions - une fois quittée l'usine ou le chantier, se trouvent séparés des conduites et des options dominantes, par la langue, la culture, le mode de vie, l'histoire, quand ce n'est pas par des discriminations délibérées, voire des violences? On comprend, pour ces diverses communautés (auxquelles s'ajoutent, dans une certaine mesure, au plan religieux les protestants, et, parmi les migrants, les originaires des D.O.M.-T.O.M.) l'impression de frustration et la tentation du repliement qu'ils éprouvent fréquemment. Bien sûr, il arrive que le mouvement de la vie comble les distances, rapproche les hommes en bousculant les institutions et les frontières. Qu'on le regrette ou non, la plupart des fêtes religieuses ou patriotiques ont perdu pour une grande part leur caractère initial,. elles tendent à devenir surtout des dates dont on s'empresse de vérifier chaque année, selon leur place dans la semaine, la longueur du pont qu'elles promettent. Noël et le Jour de la Circoncision se sont largement laïcisés même si, en cette période, les médias, soudain, nous enveloppent d'un flot de bons sentiments. Plus que la messe de minuit, Noël évoque l'arbre, les bûches, les jouets, le Père du même nom, les réveillons, les cadeaux échangés(l). Il reste, tout au long des jours, qu'une meilleure compréhension, des échanges féconds entre les hommes, entre les groupes différents exigent que chacun soit reconnu égal dans lesfaitset estimable dans son être. Recherche obstinée, chemin ardu, qui peuvent fort bien s'illuminer d'un joyeux Noël. Albert LE VY (1 ) Au fait, avez-\'ous pensé à o ffrir des abonnements à " Différences" ? Logique, non ? 3 ~ ~~ ~~.~~ ~~ \.J~ fl,;~ O--u-i,- j-e- d-é-si-re- -m-'-a-b-on-n-e-r- à- -D-i-f-f-é-r-e-n-c-e-s- --~--------------- Je vous joins un chèque de o 120 F (1 an) 0 75 F (6 mois) D 200 F (soutien) Je recevrai Différences à partir du numéro _ _____ . En outre, si je m'abonne au moins pour un an, je recevrai 13 numéros au lieu de 12 (Valable jusqu'au 31 janvier 1982) NOM Prénom ---------- --------- Adresse ___ ____________ ___ _ ____________ ______ __ _ Code postal _ _ ____ Commune _ __ . _____ _ _ _________________ _ Profession Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à : Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS, • Abonnement 1 an : étranger: 170 F, chômeur et étudiant: 110 F
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SOIl1Illaire 20 40 10 LES COUPLES DU RACISMEl EN COULEURS ET DE Le mariage mixte : L'HETEROPHOBIE Enquête de Renée DA VID CADEAUX 24 Quand le mot racisme ne suffit plus Albert MEMMI D'AILLEURS 43 Quand le Père Noël troque son vieil habit rouge contre une capeline indienne ou un kimono chinois Enquête d'Isabelle BAILLANCOURT L'APPEL et Danièle DREYFUS AU RACISME LOUISE MICHEL TOMBE APLAT CHEZ 15 Victimes d'une diatribe de Monsieur le Maire de Fumel, LES CANAQUES les immigrés de Condat ripostent Déportés en Nouvelle-Calédonie en se repliant sur eux-mêmes la "vierge rouge" prend partie Reportage de Jean-Michel OLLÉ pour les indigènes LA REVOLTE 28 Eve RUGGIERI DES BANLIEUES LYONNAISES 45 L'effervescence passée, la vie de la "seconde génération" continue, A EREVAN Leur mal-vie aussi, Ils continuent SUR LA COLLINE RENOUVEAU DANS de crier Reportage de Joëlle LASSISSI-PINTO DU SOUVENIR L'ARCHITECTURE Voyage au coeur de l'Arménie DE TERRE 14 soviétique De primitif, voici un art Reportage d'Yves THORA VAL qui redevient d'avant-garde 33 MaUen BOUISSET QUI SONT 48 LES RATS DE L'HOPITAL LA TRAGEDIE TARZAN D'AMIENS? ARMENIENNE BROIE DU NOIR Une vie de 2 500 ans soignée Les ouvriers Français musulmans se par le premier génocide Le roi de la jungle reprend du changent dans le local aux poubelles de l'histoire service, mais c'est Jane qui tient Reportage de Marc MANGIN et Dossier réalisé par le Collectif le haut de l'affiche Jean-Pierre GARCIA des Arméniens de Paris Jean-Pierre BERGEON DIFFERENCES maaazlne m..,.uel idl.t plr Il SED (Soclt.t dOl Edltlo.s DIUt«.c .. ) , 89, rue OberkUDpl - 75011 Paris - Til. : 806.88.33 Abonnements: 1 an 140 F; 1 ln itranRtr 170 F j 21ns 270 F; 6 mols 7S F ; Ehldllob et cbômeuR : 1 ln lU) F ; 6 mois 6S F. Joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage· Soudai: 100 F • AboaaeIDnl( d'ho.Beur : 1 000 F. Directeur de la publica.ion : Albert LEVY: Concep.ion e. rUlisa.ion : Philippe TROJAN; Iconograpbie : Aloi. FONTERAY ; On. coUabore à ce numtro : l .. belJe BAILLANCOURT, MIIÏ.e. BOUISSET, J ... -Plene BERG EON , Da.lel CHAIZE, Re.H DAVID, Daalene DREYFUSS, Jn.-Ple ... GARCIA, Joëlle LASSISSI-PINTO, Anae LAURENT, Marc MANGIN, Albert MEl\IMI, Jea.-Mkbel oui:, Robert PAC, Goo'lle PAU-LANGEVIN, Cloude PICANT, Yves THORAVAL. Déba. avec la participa.ion de: Amadou Mahuir M'BOW, PhlUppe FARINE, Vince •• LABEYRIE, Brice LA LONDE. Pho.o de couverture: Abdelab'" SENNA avec l'aimable participa.ion de PIER lM PORT - Publici.é : Hubert BISMUTH, Paul NAT AF - Administra.ion Khaled DUBAH - Secretariat : DIlIlitIe SIMON - Photocomposition et photogravure: ART compo -Impression: ImprbDèrle DULAC et JARDIN - Diffusion: N.M.P.P. Numtro de la commission paritaire: 63634 - ISSN : 0247 -909~ 5 ........ , Actualité ATTENTATS: QUE DE COINCIDENCE ! A. SENNA Quand, le lundi 9 novembre 1981, François Hamon est inculpé par le Juge d'ins ruction du Tribunal de Bobigny pour détention d'explosifs et transports d'armes, le quotidien "Le Monde" titre: "Un néo-nazi qui ne désarme pas". C'est le moins que l'on puisse dire du personnage. D'extrême-droite, il l'était déjà, quand, policier dans les années 60, il fut accusé de frapper avec des collègues, un ressortissant algérien, Belaid Chitti, découvert mort le lendemain au commissariat Picpus. Finalement jamais jugé, il rejoignit alors, dit-on, les rangs de l'OAS. On le retrouve en 1978. Les 16 et 17 juin, il prend l'initiative d'un rassemblement de jeunes à l'occasion des feux de la SaintJean, et cc, au chateau de Blandy-lès-Tours. Charmant, non! L'ennui c'est que sur fond de musique militaire allemande, de chemises brunes défilant au pas, un drapeau nazi est monté en berne sur une tour. Appelée par la population indignée, la police interpelle six Allemands, deux Belges, un Suisse et quatre Français. M. Hamon pense déjà le national-socialisme à l'échelle européenne. Et il n'est pas le seul. C'est ce que se sont dit les autorités de R.F.A. qui, justement, en vertu d'une commission rogatoire internationale , sont à l'origine de l'arrestation de novembre dernier. Il faut dire que quelques joms plus tôt, un Français, Paul Coleua, s'illustrait sur le territoire allemand. C'était le 20 octobre à Munich lors d'une fusillade qui opposa cinq néonazis - dont il était - aux policiers présents au moment du hold-up qu'ils s'apprêtaient à commettre. Touché, il devait décéder ainsi qu'un jeune allemand, Klaus Lud\vig Uhl. Or, cc dernier, connaissait bien la France. En novembre 1980, la télévision bavaroise le montre, dans les locaux de la F.A.N.E., en compagnie de Fredriksen. Lieu privilégié pour se faire de bonnes relations. Parmi celles-ci, Axel Kühl. 6 Paris deviendrait-il la capitale du terrorisme européen ? A voir surgir ces multiples "coïncidences" où armes et personnages réapparaissent dans plusieurs affaires, la question se pose. Encore un nom inconnu dirczvous? Malheureusement oui pour le grand public et pourtant son cas est des plus intéressants. Quelques jours après l'attentat de la rue de Copern ic, il est arrêté au domicile de Christian Bonniol (membre de la F.A.N.E.) et extradé presqu'aussitôt en R.F.A. parce que les autorités militaires le recherchent pour désertion et vols. Apparemment, la police, à la recherche des moindres indices. ne s'inquiète pas de ce qui aurait pu immédiatement apparaître comme une piste noire. La France et le Liban bases arrière du néo-nazisme allemand N'est-cc pas le ministre de l'Intérieur de R.F.A. lui-même. M. G. Baum, qui déclare, en novembre 1981, que "les bases arrière du néo-nazisme allemand sont la France et le Liban". Ces propos s'appuient sur une autre affaire. Le lundi 2 novcmbre, la police de Basse-Saxe termine un week-end champêtre bien chargé. Dans les forêts, elle vient de découvrir 20 dépôts, 125 kilogrammes d'explosifs, 40 bazookas, des dizaines de mitrailleuses, mitraillettes et autres engins de guerre. Immédiatement, on pense à Heinz Lembbe, néo-nazi, garde forestier de son état, ct disponible puisqu'en prison. Une source de renseignements à portée de main, le rêve quoi! Pas de chance, le jour même il se suicide dans sa cellule. Avec de tels moyens, la nécessité de bases arrière se fait effectivement sentir. La France et le Liban, deux noms qui rappellent un vieil "incident". Ce jour-là, un membre d'un groupe d'extrême-droite français, revenant de Beyrouth, se fait prendre lors de l'escale à Novembre 81 : Avec ses étudiants du 16', l'extrême-droite défile. C'est la première étape d'un climat de tension bien organisé. Chypre en possession d'une mitraillette trop encombrante. La France et le Liban donc, deux plates-formes qui, en ces jours d'attentats multipliés à Paris, font beaucoup parler d'elles. La même série de passeports que pour Copernic Le Liban de la guerre civile, c'est celui aussi où se trouvent de nombreuses bases de groupes terroristes d'extrême-droite. Et de nouveau, la même connotation y est systématiquement reliée. Pour Copernic, c'était la piste palestinienne, aujourd'hui, après l'attentat de la Gare de l'Est, c'est la piste arménienne. Et ce, malgré les protestations répétées 7 de l 'OLP dans le premier cas et de la communauté arménienne pour le second. Il reste que le passeport du dénommé Dimitriu Giorgu a le même numéro de série que celui du "suspect" de Copernic. La personnalité de Franck Terpil qui vit encore au Liban peut nous montrer que ce n'est pas aussi simple, loin de là. Dans les années 1977-78 il était le "patron" de certains centres d'entraînement. Particularité: il fut n° 4 de la C.I.A. ct avec son collègue de bureau, Georges Korbola, il rendit des "services" à la Lybie mais aussi à Amin Dada. A cette époque-là, le "big chief" de la C.I.A. était Georges Bush, aujourd 'hui le "ticket" de Ronald Reagan. On comprend mieux que la justice américaine qui les recherche pour quel- A. SENNA ques affaires louches - soit si lente à les retrouver. III est des témoignages qui pourraient s'avérer gênants. Quant à la France, ce n'est pas d'hier que l'extrême-droite y est implantée. Juste après l'assassinat de John Kennedy, les services secrets français et leurs homologues américains échangeaient des renseignements sur la présence possible de militants actifs de l'O.A.S. sur le continent nord-américain, y compris à DaUas, le jour du crime. Plusieurs dizaines de télégrammes "top secret" furent ainsi échangés. Plus récemment, l'affaire Hazan (le P.D.G. de la maison de disques Phonogram enlevé par des "truands" tous membres de mouvements d'extrême-droite) révéla que des centres d'entraÎnement existent en France. Par ailleurs, comment se fait-il que le même pistolet Beretta, d'après certaines sources, ait servi à trois attentats en plein Paris fin 1979, début 1980: l'assassinat d'un conseiller de l'ambassade de Turquie, celui perpétré contre Chapour Baktiar, et enfin celui qui causa la mort de M. et Mme Dowek, dont l'agence de voyage était spécialisée dans les voyages à destination d'Israël et l'Egypte. Mais le couple était aussi connu pour ses positions favorables au droit à l'existence du peuple palestinien. Certes, toutes ces coïncidences ne peuvent permettre que des hypothèses. Mais aujourd'hui où les sigles téléphonés à l'A.F.P. sont aussi lancés pour brouiller les pistes, toutes les hypothèses doivent être posées pour aboutir à la vérité. Il ne reste plus qu'à espérer voir les enquêtes menées à l'heure actuelle prendre une autre direction. En ce sens 1982 pourrait lever bien des incertitudes et reconstituer les pourtours d'un puzzle qui ressemblent fort à un cadre noir. Claude PICANT Le Mois 16.11.81 Cuba/solidarité à la mutu 14.11.81 avec l'A.I.D.A. les fones de Mai à Paris 17.11.81 manifestation haïtienne. 26 OCTOBRE ETATS-UNIS C Trente-trois réfugiés haïtiens au moins, qui fuyaient la dictature sanglante de Duvalier, se noient dans le naufrage d'un voilier de bois transportant 67 réfugiés qui a coulé près des côtes de Floride. 17 OCTOBRE ETATS-UNIS l.J M. Andrew Young, ancien adjoint de Martin Luther King et ancien ambassadeur auprès de l'O. N. U. sous la présidence de Jimmy Carter, est élu maire d'Atlanta (Georgie), après avoir obtenu 55 070 des suffrages contre 45 070 à son rival bl.anc M. Sydney Marcus. ISRAEL o Les journalistes de la télévision israélienne s'élèvent contre une décision de l'Office de la radio et de la télévision israélienne leur interdisant l'emploi des termes "Cisjordanie", "territoires occupés", "rive occidentale du Jourdain" et leur imposant l'appellation biblique "Judée-Samarie" . 28 OCTOBRE ! FRANCE r Le Comité d'Urgence AntiRépression Homosexuellc (C.U.A.R.H.) est reçu à la Préfecture de Police de Paris par le chef de la brigade des stupéfiants et du proxénétisme(!) qui dément qu'il existe un fichier concernant les homosexuels. 29 OCTOBRE 1 1er NOVEMBRE CARAÏBES u Les îles d'Antigua, Barbuda et Redonda accèdent à l 'indépendance sous le nom d'Antigua et Barbuda. 2 NOVEMBRE FRANCE n Une trentaine de travailleurs immigrés, entrés clandestinement en France il y a quelques années, vivent, mangent et dorment sur un trottoir du Boulevard de la Bastille à Paris, près du siège de Leur employeur, EHO 33.33. lis protestent contre le refus de cette entreprisc de dépannage, pour laquelle ils distribuaient dcs prospectus publicitaircs, de leur signer un contrat de travail régulier d'un an, permettant la régularisation de leur situation, conformément aux dispositions act uellemen t en vigueur. 3 NOVEMBRE FRANCE o Ouverture à Paris du huitième sommet franco-africain qui réunit plus de trente pays. Dans son discours d'ouverture, M. François Mitterrand propose commc bases des nouvelles relations franco-africaines la solidarité entre la France et l'Afrique dans le respect de la souvera.ineté de chacun des Etats qui la composent et la non-ingérence dans leurs affaires. TURQUIE Les autorités turques annoncent que le nombre des prisonniers politiques en Turquie s'élève à 30000 et (jue 43 140 personnes ont été interpellées depuis le coup d'Etat du 12 sep- SliiSSE U L'ordonnance limitant le tembre 1980. nombre des travaillcurs étrangers est reconduite pour un an, alors 1ue l'économie suisse sou ffre actuellement d'un manque de main-d'oeuvre. ISRAEL Il On indique à Amman qu'Israël a expulsé 2 0\ 5 personnalités palestiniennes de Cisjordanie et de la bande de Gaza depuis 1967. 30 OCTOBRE IRLANDE DU NORD o Des soldats britanniques tirent à Belfast sur une voiture à un barrage routier, blessant grièvement les deux enfants du conducteur, âgés de 14 et 16 ans. 8 4 NOVEMBRE FRANCE C Le mercenaire Olivier Danet, arrêté et écroué au début d'octobre pour trafic d'armes, est inculpé pour homicides involontaires. Ce millitant d'extrêmedroite appartenait au groupe de mercenaires dirigés par Bob Denard qui tenta, en janvier 1977, de renverser le pouvoir au Bénin, tuant six personnes. C'est le rapport d'une commission de l'O.N.U. qui a abouti à l'inculpation d'Olivier Danet, le seul membre du commando arrêté à ce jour. EL SALVADOR D Près de II 000 personnes ont l'E.U.O. veulent être de vrais salariés. été massacrées en 9 mois, entre janvier et septembre 1981, sans compter les victimes des combats entre l'armée et les guerilleros, indique "Solidaridad", le bulletin du secours juridique de l'archevêché salvadorien. 5 NOVEMBRE ISRAEL Il L'Université palestinienne de Bir Zeit, la plus importante de Cisjordanie, fermée "sine die" par ordre des autorités militaires israéliennes à la suite des manifestations qui s'y sont déroulées pendant trois jours. Les soldats israéliens ont tiré des grenades lacrymogènes et arrêté plusieurs étudiants et professeurs. Ces arrestations s'ajoutent aux 26 autres déjà effectuées le 29 octobre. 6 NOVEMBRE FRANCE [ 1 Six marins pakistanais embarqués sur un navire grec, obtiennent au Havre le paiement de congés payés correspondant à trois années de travail, grâce à l'action conduite par la C.G.T. r Une centaine d'Indiens du Canada défilent dans les rues de Paris, de l'ambassade du Canada à celle de Grande-Bretagne, pour protester contre la nouvelle Constitution, dont M. Trudeau veut doter son pays, qui ignore complètement la présence des nations indiennes et les traités que celles-ci ont signés avec la Grande-Bretagne. NOUVELLE-CALEDONIE C De violents incidents se produisent à Nouméa au cours desquels des centaines de manifestants se sont attaqués aux magasins du centre ville. Une cinquantaine de jeunes Mélanésiens sont interpellés. 7 NOVEMBRE ETATS-UNIS -' Plusieurs douzaines d'organisations de défense de la Loi sur le Droit de Vote déclarent que le Président Reagan a proposé des modifications de cette loi qui menaceraient les droits de millions d'électeurs membres des minorités ethniques. Par ailleurs, le chômage atteint le taux record de 8 070 ce qui représente 8 520 000 chômeurs. Le taux de chômage atteint maintenant officiellement 16,7 070 chez les Noirs. 9 NOVEMBRE 1 1 FRANCE o A Marseille, M. Gaston Defferre, ministre de l'Intérieur, déclare qu'il faut "venir à bout" des mouvements "à caractère nazi ou néo-nazi" qui sont "une cause d'insécurité". 10 NOVEMBRE ROME [J A la tribune de la 21 c conférence de l'Organisation Mondiale de l'Alimentation (FAO) à Rome, Madame Indira Gandhi déclare: "Avec la somme investie dans un seul missile intercontinental, on pourrait irriguer un million d 'hectares, nourrir 50 millions d'enfants sous-alimentés des pays en voie de développement, acheter un million de tonnes d'engrais, construire 65 000 hôpitaux ou 340 000 écoles" . Il NOVEMBRE EL SALVADOR , L'Eglise catholique salvadorien ne accuse l'armée d'avoir abattu 78 paysans désarmés au cours d'une récente opération. FRANCE II Le MRAP demande à M. Pierre Mauroy d'intervenir pour régler le conflit qui oppose les travailleurs immigrés de l'entreprise EHO à leur patron. Il estime "inadmissible que des travailleurs soient obligés de mettre en péril leur santé pour se faire reconnaître un droit fondamental" . 12 NOVEMBRE ETATS-UNIS o La décision de l'administration Reagan d'envoyer 2 500 réfugiés haïtiens et cubains à Fort Drum, dans le nord de l'Etat de New York, est jugée raciste par le nouveau maire de Miami. Les juristes et les organisations d.e défense des droits civiques s'élèvent contre ce qu'ils appellent un camp de concentration. 13 NOVEMBRE ISRAEL D L' Assemblée générale des Nations Unies condamne le raid israélien du 7 juin dernier contre la centrale atomique irakienne de Tamuz et invite tous les Etats à s'abstenir de livrer des armes à Israël. La résolution votée demande également à Israël de DIFFÉRENCES DECEMBRE 81 payer des dommages à l' 1 rak pour les destructions causées. 14 NOVEMBRE AFRIQUE DU SUD 22 NOVEMBRE ESPAGNE o Plusieurs centaines de milliers de phalangistes et de personnes d'extrême-droite manifestent à Madrid pour marquer le sixième anniversaire de la mort du générai Franco. r] Cinq mines explosent dans la nuit, dans une centrale électrique auxiliaire de la région de Pretoria, interrompant pendant plusieurs heures l'approvisionne- -F""R-A"'N"'C"',"'E---------'" ment en courant des faubourgs 0 Au cours de son congrès de la ville. annuel la LICRA réclame une F·RANCE "J Plusieurs milliers de personnes manifestent à l'appel de L'AIDA à Paris en faveur des disparus argentins. 17 NOVEMBRE AFRIQUE DU SUD o M. Tshifhiwa Muofhe, ancien leader de la "Black People's Convention" meurt dans les locaux d'un poste de police du Bantoustan "indépendant" du Venda. D'après ses amis, il était en parfaite santé au moment de son arrestation par la police sudafricaine. FRANCE [' Les haïtiens de Paris manifestent Place de la Bastille pour demande .. la libération de milliers de patriotes haïtiens emprisonnés par le clan Duvalier. 18 NOVEMBRE GUATEMALA L.. Trente personnes sont assassinées, victimes de l'armée de la dictature et des groupes armés qui lui son liés. 19 NOVEMBRE BRESIL [] Une soixantaine de personnes ont été abattues au cours des dix derniers mois par "l'Escadron de la mort" dans une petite ville de Pernam bouc. COLOMBIE o Deux cents enfants âgés de moins de 5 ans meurent chaque jour de malnutrition, indique un document officiel de l'Institut Colombien du bien-être familial. 20 NOVEMBRE FRANCE U Deux cafés d' Aix-enProvence sont fermés pour quinze jours après des incidents ayant entraînés le dépôt de plaintes pour racisme et refus de servir des clients d'origines marocaine et africaine. 9 nouvelle législation contre le racisme: "tendant à réprimer, par la création d'une incrimination nouvelle, ou d'une circonstance aggravante, tous les actes de violence à caractère raciste commis contre des personnes et/ou contre leurs biens". Une vieille demande du MRAP. 23 NOVEMBRE ISRAEL o La France, la GrandeBretagne, l'[talie et les Pays-Bas acceptent de participer à la force de maintien de la paix dans le Sinaï, après le retrait des forces israéliennes, prévu pour avril 1982. Mais ces pays ne veulent pas cautionner les accords de Camp David. Ils entendent au contraire favoriser une nouvelle procédure pour résoudre les problèmes palestinien et libanais. 1 25 NOVEMBRE O.N.U. fJ La Commission plénière de J'Assemblée Générale demande l'interdiction de la bombe à neutrons. Le représentant de la France vote contre. R.D.A. o Le sous-lieutenant Heinz Barthe est interpellé et arrêté. Agé de 20 ans en 1944, il appartenait à la 3 compagnie de la Ile division "Das Reich", responsable du massacre d'Oradour-sur-Glane. L'Association d,, c- nilles des ~.~::.. -J" u:lIlande son extradition et jugement en France. 26 NOVEMBRE FRANCE n AI' Assemblée Nationale les députés adoptent une proposition de loi tendant à abroger la loi du 8 juin 1970, dite loi anticasseur. DERNIÈRE MINUTE--------, SDEC~BRE U.R.S.S. Au bout de sa deuximte semaine de grève de la faim le prix Nobel de la Paix, Andre! Sakha· rov est hospitalis~ de force. Son action a pour rut d'obtenir un visa pour sa bru qui ne peut librement rejoindre son mari. vivant aux EtatsUnis depuis plusieurs années. Actualité Evidemment, un bol chinois est moins séduisant coincé entre le paquet de shop-suey et la soupe aux seiches que sur les rayons raffinés de Pier Import. L e Père Noël est fatigué de toujours porter son vieil habit rouge et blanc, usé, un peu démodé. II l'a troqué depuis quelques temps contre une capeline indienne et un kimono chinois. Cela plaît. Cela fait plus chic .. . et plus dans le vent. Et de sa hotte, il sort des trésors insolites, distillant ù bas prix un peu de rêve et d'exotisme dans nos demeures. L'embarras du choix nous est proposé. ~etites échopes dont le nom seul est une invitation au voyage. Vitrines bariolées pleines à craquer d'objets-plaisir à tous les prix, de toutes les formes, venus des 4 coins du monde. Grandes surfaces qui recréent un cadre asiatique, mexicain ou africain, supermarchés bien organisés de l'import. Beaucoup d'objet s ont acquis en France leur lettre d~ noblesse, et sont même devenus des produits de consommation mondialement connus. Qui n'a pas entendu parler du "fauteuil d'Emmanuelle", best -seller de Pier Import, vendu chaque année à 10 000 exemplaires? Qui n'a jamais franchi le seuil d'une boutique au parfum oriental pour acheter des bâtonnets d'encens à trois sous? Qui n'a pas rêvé de servir le thé dans un service de porcelaine chinoise? L'attrait pour la production made hors frontières pourrait n'être qu'un phénomène de mode, un péché passager de snobisme. Seule la convergence de nom- 10 breux facteurs expliquc quc ce nouveau marché soit prospère et florissant. Réussite du Made in Ailleurs Depuis 1973, le style exotique, rotin, bambou, laque, osier vient ù la fois satisfaire un désir d'évasion, un goût contemporain, et un budget de crise. Dans une des boutiques de la Compagnie de la Chine, Sylvie tourne depuis une demi-heure: "Je cherche un cadeau pour ma soeur aînée. Je n'ai vraiment pas d'idée. J'en ai assez de lui offrir banalement des livres, des disques, des foulards. Les bijoux, c'est trop cher. Ici, je suis sûre de trouver un trésor insolite. Une petite corbeille en bambou ou une boîte à thé." Elle rit "50 F pour un aller-retour Canton, c'est bon marché, non? " En cherchant l'évasion dans un objet au coin d'une rue· parisienne, Sophie est peut-être l'héritière des aventuriers des chemins de Katmandou d'hier. "C'est vrai que les "routards" ont longtemps contribué à notre succès" explique JeanPierre Martin, le dynamique directeur du marketing cie Pi cr Import. "Ils revivaient par le truchement des objets leurs voyagcs ct leurs découvertes personnelles. Ils se rattachaient à une catégorie que les ~ociologues modernes, experts en comportcments d'achats, ont baptisé "courant d'aventure", c'est-à-dire extravertis et sans cesse en ébullition." Aujourd'hui, les nouveaux "aventuriers" cherchent d'autres horizons, (High tcch .. . ), et l'exotisme s'est ouvert il toute une frange de la population moins téméraire grâce aux charters, aux tours opérators, et aux mass-média. "Notre clientèle est maintenant assez homogène" précise .J.-P. Martin. "Elle fait partie des courants de rccentrage, ce qui, traduit, signifie un certain repli sur soi, au sei n mêmc dc la sociét é. " Beaucoup de jeunes cou pics, chez Pier Import ou à la Compagnie de la Chine et cie l'Orient. "II ya six mois, nous avons trouvé un service à thé cn porcelaine blanchc qui s'harmonise très bien avec la vaissellc de notre mariage", explique Christine, 25 ans, le look sage mais résolument moderne. "Nous venons d'acheter un plateau en osier et une natte thaïlandaise. Nous aménageons progrcssivemcnt notre appartement. J'ai envie d'avoir une maison agréable et des objets sympas, et ici, en plus, c'est économ iq ue. " La part du budget consacré à la maison a considérablement augmenté ces dernières années, et le règne du formicaplastique est révolu. On exige aujourd'hui d'un objet, même exotiql~e, qu'il allie le beau et J'utile. Les mouvements écologiques n'y sont pas çtrangers. Label exotique L'attrait pour ces produits dimportation est aussi lié à des circonstances politiques. En 1964, la France reconnaît la Chine de Mao. Et en 1971, Nixon, chantre du capitalisme et de l'économie de marché rend une visite historique au grand Timonier. Le chemin d'une politique commerciale est ouvert. Il débarrasse du même coup la culpabilité qui imprègne les échanges de l'Occident avec le Tiers-Monde. Ainsi, depuis quelques années, la Chine est un marché leader dans l'importation de produits exotiques. A l'opposé, certains produits restent marginaux et sont mal acceptés. Il est des pays comme ceux de l'Afrique du Nord où la xénophobie et la réalité historique enlève à l'objet son auréole magiquc. Le royaume de l'exotisme ne commence pas une fois les frontièrcs franchies. Persone aujourd'hui (ou presque) ne va assouvir dans un cuir italien, une procelaine anglaise ou un tee-shirt américain sa soif d'exotisme. Ces environnements nous sont trop familiers. Un ananas ou un avocat ont-ils encore la même saveur qu'une mangue ou un lychee? "L'exotisme n'cst pas une valeur marchande à 100 0,10" constate Mario, fin SENNA limier de l'importation. Opinion partagée par tous les importateurs, acheteurs, diffuseurs, et autrcs marchands de rêve. Mode, besoin, utilité et prix, autant de facteurs fluctuants qui marqueront du label "exotique" l'objet. Devant un bracelet d'argent africain ou une tenture indienne, les sensations de dépaysement ont aujourd'hui disparu. Bien que des objets achetés sur un coup de surprise perdent tout pouvoir faute d'avoir trouvé leur place dans leur nouvel environnement. Chez Valérie, amoureuse de l'Inde, on vivait dans la caverne des mille et une nuits. Au fil des années, un tri s'est fait: "J'ai acheté un éléphant coloré du Rahdjastan, un temple de Ganesch, le 11 dieu éléphant hindou. Ils dorment aujourd'hui au fond d'une malle. Lùbas, ils étaient naturels, ici ils détonnent, ils ne sont plus que folkloriques." Une mauvaise note pour l'objet taxé de folklore. Les importateurs ne s'y trompent pas. "Quand je vais en Chinc, dit Mario, je laisse tomber les "chinoiseries", même si je pense qu'elles peuvent séduire un certain public. C'est le type même d'objets qui ne se transplantent pas, sau l' peut-êt re dans un musée." Autres parias de l'exotisme: les robes mexicaines, les panchos péruviens, les boubous africains, les sahris indiens. Trop codés. Pour répondre aux désirs du "madc in ailleurs", les marchands d'aujourd'hui n'hésitent pas à appliquer les t~chniques modernes de marketing. De la grande surface, au petit négoce, à coups de patience, d'organisation et de flair, tout un circuit s'est construit autour de l'importation. Vannerie d'ailleurs et gestion d'ici Marco Polo comptait jadis ses caravanes. Aujourd'hui, c'est le chiffre d'affaires qui compte. Pier Import réalise un chiffre d'affaires annuel de 200 millions de francs (chiffre qui a quintuplé depuis 1976). Cam el Diffusion connaît le succès avec 20 millions de francs. Autre réussite, celle de la Compagnie de l'Orient et de la Chine: 12 millions de francs. Les routes dc la soie étaient jadis interminables et risquées. Aujourd'hui, des relais bien organisés balisent les voyages de milliers d'objets. Avant de trôner sur la table dc chevet ou sur la cheminée, le cache-pot népalais ou la corbeille dc Bali connaît beaucoup de monde: du créateur au consommateur en passant par le transporteur, le contrôleur, le diffuseur, le détaillant. "Pas moins de 150 personnes travaillent pour un seul objet" affirme Paul Rouillé, importateur chez Camel Diffusion. Cette longue chaîne, la Compagnie de la Chine a décidé de la contrôler de bout en bout. Peut-être parce que premiers venus sur le marché, il leur a fallu tout organiser. L'image du bon importateur Françoise Dautresme, toute de dynamisme et de passion, a bien le sentiment d'avoir été une pionnière: "Nous avons commencé en 1966. On nous prenait pour des fous parce que nous nous intéressions à l'Extrême-Orient. Qui plus est aux "natives products". c'est-à-dire les objets quotidiens et utilitaires. Nous avons sillonné les pays pour rapporter en France ces objets d'artisanat local. On nous assimilait même a des trafiquants de drogue." Aujourd'hui les 3 mousquetaires Dautresme de l'Empire Céleste ont eu raison d'un marché timide et d'un public ignorant
- "Il a fallu plusieurs années pour
imposer le bambou. Nos clients pensaient que ce matériau ne résisterait jamais il notre climat. En 1971, ce fut enfin le ru sh." Malgré le succès commercial, l'éq uipe , dit-elle, ne se fige pas dans une technique marketing: "Nous restons soucieux de faire connaître d'autres provinces, d'autres artisanats, ct de révéler, par exemple, que la production chinoise de Tsien Tsin n'est pas la même que sur les rives du Yang Tsé Kiang." Les contacts avec les créateurs et les sources d'approvisionnement restent privilégiés: "A Suato, raconte Gérard Dautresme, ils fabriquaient à la main de la porcelaine décorée (l'assiette carpe, le bol coq) ; ils ont voulu cesser ce mode de fabrication pour répondre à une demande croissante, poussés par les acheteurs. Nous leur avons demandé de poursuivre leur production artisanale, quitte à la rayer plus chère. La qualité était à nos yeux primordiale." Pourtant, à côté de ces objectifs culturels dont ils se flattent, ils ne rechignent pas devant les impératifs de la vente. L'ombrelle chinoise côtoye sans aucune gêne les articles grande série reproduits à 500000 exemplaires, tels que les chaussures pantou fies chinoises, les plateaux laqués ou les innombrables boîtes à pilules. Marketing et exotisme premières . Grâce à un système cie frêt astucieux, le container, les frais de tra sport ont été considérablement diminués . Mais l'importation même bien contrôlée reste une opération difficile, pas touiours rentable . "C'est le cas cles pays d'Afrique et d'Amérique latine où le manque total de structures limite la politiquc commerciale." En se développant , Pier Impor! s' éloigne de l'es prit pionnier de n. En 1980, il sort le produit Cargo, mobilier lourd made in France. Le supermarché de l'exotisme cède aux impératifs cie la vente. Sous couvert de culture Les grands magasins avouent facilement que les expositions qu'ils consacrent aux contrées lointaines contribuent à imposer une image de marque dynamique et actuelle . "Mais nous tenons beaucoup à susciter un intérêt culturel. Nous présentons un mode de vie, une civilisation , que beaucoup de gens ignorent" indique un importateur des Galeries Lafayette. Bien sûr les "nobles" buts n'existent qu'en fonction d'un chiffre d'affaires potentiel à plus long terme. A parier que quand la Chine n'intéressera plus personne, les grands magasins sauront tout aussi bien vendre le zoulou. L'effet boomerang A trop exploiter le filon de l'exotisme, on risque parfois l'effet boomerang. Privilégier le goût du public français nc va pas sans risque d'exploiter une main d'oeuvre mal préparée a ces assauts Le succès du "concept Pier Import" étrangers. Nos globes-trotters du négoce tient plus ouvertement aux techniques de ont la réponse facile: "Nous faisons vente qu'a un enthousiasme désintéressé travailler directement 7000 personnes" pour les produits d'ailleurs. argue l'un, tandis que J'autre raconte :· L'histoire commence en 1972, quand « F. Lemarchancl débarque d'Outre ~ UJ Atlantique, pour diriger Pier One Vl Import France, devenue aujourd'hui sa société. Le public peut acheter dans 27 magasins 10 000 articles provenant cie 50 pays du monde (Asie 50 070, Amérique latine 8 070, Europe de l'Est 15 070, Afrique 5 070). L'acheteur a pour mission de trouver l'objet rare, de négocier avec le chef cie village, la corporation oul'organi sme d'Etat, les conditions de fabrication et de vente. Pier Impor! s'adapte, bon gré mal gré, a la capacité de production souvent très réduite. Secrètement, on sent bien qu'il rêverait d'une capacité plus industrielle, ce qui faciliterait le contrôle et le suivi. Mais ils s'en défendent bien. Ils aiment a répéter qu'l'il est essentiel de préserver le tissu local. Nous essayons de ne pas orienter ce que l'on nous propose". Pier Import avance l'argent nécessaire a l'achat des matières 12 "Nous enrayons l'hémorragie des artisa ns vers les favellas de Caracas; grâce à nos commandes, plusieurs villages ont pu survivre par leur production." La règle générale du négoce a aussi ses except ions-alibis. En France, les marchands ambulants africains qui croulent sous les sacs de cuir, imitation croco, bijoux et tapis made in Aubervilliers, ne contrôlent rien. "J'ai achet é à mon arrivée en France plein d'objets, dit Ahmed. Je les revends comme ça, dans la rue. " Peu lui importe qu'ils aient été fabriqués dans son village natal ou par un industriel français peu scrupuleux. Seul compte l'argent qu'il enverra à sa famille. Certains, heureusement, contribuent à développer en France une image authentique de l'artisanat étranger. La Fédération pour le développement de l'arti sanat utilitaire, FEDEAU, association à but non lucratif, se niche dans une petite rue calme de Pari s. Son but: aider les pays en voie de développement à tirer parti de leur artisanat utilitaire. Dominique Bouchard, délégué général, explique: "L'Afrique aujourd'hui répond le mieux au désir d'authenticité et de contact avec la nat ure qu'exprime la curiosité occidentale. FEDEAU veut ouvrir des marchés qui prèservent l'offre tout cn répondant à la demande : "L'organisation de la procluction locale ne doit pas être perturbée par une demande trop rapide et trop importante." Et de dénoncer ceux qui n 'hésitent pas à tricher, à faire fabriquer à Macao, Séoul ou Taiwan l'artisanat local d'ailleurs pour rester compétitifs. Chinatown Restent .les circuits qui vivent totalement en autarcie. Enclaves étrangères sur le territoire français. Que ce soit dans le 13, rebaptisé Chinatown, ou dans le centre de la capitale. Les Français ne sont pas nombreux à pousser les portes de ces magasins . Evidemment, un bol chinois est moins séduisant coincé entre le paquet de shop-suey et la soupe aux seiches, que sur les rayons raffinés de Pier Import. De plus les étiquettes "made in Holland" rassurent. Un bien modeste am bassadeur Bref, 3 règles dictent l'importation et par conséquence la vie de l'objet. "Qu'il ait eté fabriqué sur demande expresse du client européen, modifié pour être adapté à leur environnement ou qu'il ait trouvé une autre fonction que sa fonction originelle, philosophe Mario, notre voyageur au long cours, l'objet mal utilisé , mal compris, devient inutile. On vit plus mal que si l'on n'avait rien. Ce sont de faux talismans." Pour Caroline, sympathique propriétaire d'unc vraie cavcrne cl' Ali-Baba "Jadis et Naguère", "vendre un objet exoi ique est un acre de désir et de plaisir." Pourtant, avoue-t-elle, elle n'a jamais voya.l.!.é dans tous ces pays. "Aussi me suis-je fait une obligation cie voyager autour de ma boutique avec mes objets . .le connais leur histoire , leur provenance, leur voyage et leur utilisation . Ainsi très souvent, à partir d'un peigne, d'une boîte, ou d'un flacon de parfum, me voila en train d'évoquer une terre lointaine aussi précisément que si j'y avais passé 3 mois." Caroline par ses coups au coeur, filtre les objets. "Ils finissent aussi par me ressembler et je leur ressemble. Quand je les vends, c'est un bout de terre de rêve et un petit bout de ma personnalité que je perds. " Paul Rouillé, lui, se rlaint des dikdats de la mode: "De l'inédit, toujours de l'inédit, réclament les marchands . Il est dommage de voir des objets à peine découverts par le public disparaître de notre marché avant que le public n'ait pris le temps de les découvrir, de les comprendre et d'y adhérer de façon heureuse. Trop d'originalité nuit a la connaissa nce." Non sans regret, il se souvient d'un fiasco brûlant d'un de ses trésors. "J'avais commandé des services japonais couleur saumon et noir, reproduction des teintes des murs de la maison Chiriti - la geisha la plus célèbre cie Tokyo - Des stocks entiers sont restés invendue. " L'art se mérite? Plus élitiste, la Compagnie de l'Inde est presque un véritable musée des Arts de l'As ie. Le négociant de chefs-d'oeuvre millénaires est un peu contrarié devant ce qu'il nomme: l'asian style et ses supermarchés: "Voir des objets qui font partie du patrimoine culturel d'un pays divulgués à des milliers d'exemplaires, je ne crois pas que cela contribue à la circulation cles idées. Les Français en plus ne so nt pas curieux. Pire, ils sont crédules et se font "fourguer" n 'i mporte quelle camelote." Réflexion peut-être excessive mais qui a le mérite de montrer les limites du pouvoir d'un objet. "L'objet arrive chez nous déformç par le temps, le voyage et les distances, explique Henri, petit importateur à Marse ille . Et c'est un leurre de penser que l'objet, tel une boule de cristal, dévoile les us et coutumes de ses origines." Pour lui conserver une id entité, a chacun de remplir l'objet de ses prorres émotions, même si les puristes crient à la perversion. Alors comment ces objets peuvent-ils vraiment jouer aux ambassadeurs? Dominique Bouchard, de l'association FEDEAU, tient peut-être une des clés: "L'artisanat exotique ne pourra plus bientôt reposer sur un artisanat touri stique à bon marché. Il devra être sélectionné pour son authenticité, et mis en valeur afin que l'hommage qui lui est dtî soit rendu, et que ce soit aussi rendu hommage aux civilisations qui ont contribué à sa création et à son évolution." Alors peut-être les objets offriront une réponse à nos rêves et à notre imagination. Les contraires peuvent faire bon ménage! Isabelle BAILLANCOURT Danielle DREYFUS Insolites et pas chers, le rêve à portée de la main... 13 LES TlSSUS 5, RUE 0 E S JEU N E URS 75002 PARIS 1 e l 2\6 /6·h' 1) SI} f~j.TM~~ ) , . .Ir //1 '. .--_ .. _ .... LAYETTE FAIT MAIN ET ROBES SMOKEES MAIN DU 6 MOIS AU 4 ANS 73 RUE O RF I A 75020 PAR I S TËL 3663557 3663558 creations GERARD GRIS 259, ru,;! Saint-Martin, 75003 PARIS 271.92-1 t Actualité Point de départ, des Français musulmans se changent dans le local aux poubelles. Point d'arrivée, toute une conception de la Santé Publique. QUI SONT LES RATS DE L'HOPITAL D'AMIENS? Sion avait demandé au générai de Gaulle: "Que se passe- t-il à l'hôpital d'Amiens ?", il aurait sans doute répondu : "Vaste problème". Il n 'aurait pas eu tort, car ce que l'on nomme déjà "l'affaire" dans lcs couloirs du C. H. R. de la capitale picarde peut prétendre rivaliser avec les charades les plus fumantes. A l'origine, un petit chef: M. Duvanel, à la tête d'un petit service: le service dc salubrité (traduction: service dcs poubelles) qui emploie neuf ouvriers, dont cinq Français musulmans, pour un travail aussi pénible qu'insalubre . Qui a décidé de mettre ces derniers à l'écart et pourquoi? Première question. Mais il est trop tard pour la poser, les faits sont là : dans l'équipe le vestiaire des cinq Français musulmans est séparé de celui de leurs compagnons de travail français, catholiques probablement? Le premier a été placé dans le local où les poubelles sont nettoyées au jet. Conséquence: l'eau arrive sous les bancs où les hommes se changent. Mais les différences de traitement ne s'arrêtent malheureusement pas là. Depuis deux ans, la sit uation ne cesse de s'aggraver, sans que personne ne trouve à redire. Aujourd'hui, la liste des discriminations est longue: le matériel moderne (et donc léger) est réservé aux Français nonmusulmans. Les musulmans, eux, doivent utiliser un matériel lourd pour lequel des efforts supplémentaires sont demandés. Les chaussures de sécurité sont remplacées pour les uns, pas pour les autres; les cirés manquent aussi ... Et puis l'avancement? Certains travailleurs, avec dix-sept ans d'ancienneté sont toujours au bas de l'échelle (O.P.3) alors que ùs vestiaires? Au fond à droite, après les poubelles. d'autres ont gravi les échelons après quelques années de présellce. Faut-il voir les raisons de cette situation dans le fait que les premiers sont musulmans, les seconds non? Deuxième question. On veut bien croire à l'hôpital, à la C.G.T., à la C.F.D.T. et au M.R.A.P., "qu'i! y a parfois des problèmes sur le terrain" entre ouvriers d'un même service, comme le dit M. Cornillon, le directeur général. Mais à cc point, on est tenté de parler dc raci sme. Des bougnouls contagieux Non, pourrait rétorquer M. Duvanel, le chef du service incriminé, puisque un Antillais partage le vestiaire des Français non-musulmans. 14 Dans la cour de l' hôpital, on rapporte des propos de M. Duvanel, du genre: "Les bougnouls, vaut mieux pas rentrer dans leur vestiaire, ils sont contagieux". Ou alors, plus concret cc refus, l'année dernière, d'accorder aux Français musulmans un congé à l'occasion de la fête de l'Aïd cl Kébir. Disposition pourtant prévue par la loi . Après des mois d'un tel climat , il fallait bien que l'abcès crève. Les syndicats C.G.T. et C.F.D.T. sont intervenus. Pour seule réponse, ils ont cu cIroit à un tract du syndicat F.O., dont le secrétaire n'est autre que M. Duvanel, et dans lequel on peut lire: "Nous avons maintenants des rats pilleurs, voleurs d'idées, porteurs de germes. Des rats! tels qu'on les uime !! Ces rats-là ont accusé l'un des nôtres de raciste.l(. .. ) Celui-ci les emmerde à pied et à cheval ( ... ). Amis hospitaliers, méfiez-vous! Ces rats-là sont porteurs de ger/ 1/es, celui de la connerie, et contagieux en plus. Ne les approchez pas, ferme z vos oreilles, calfeutrez-vous! Un bon raticide à votre disposition: la carte F.O. ". Qui sont les rats? Troisième question. Après quelques années d'un tel régime, un travailleur musulman s'est décidé à parler. "C'est mon dernier espoir, a-t-il déclaré. Si ça ne marche pas, je fais la grève de la faim." Petite enquêtc discrètc au C.H.R.: les militants du M.R.A.P. prennent quelques photos et constatent le bienfondé des plaintes des travailleurs. Une conférence de presse est organisée quelques jours plus tard, au cours de laquelle le M.R.A.P. tranche net le problème: "/1 s'agit d'un apartheid". Le Courrier Picard, le seul quotidien local, y consacre une demi-page sous le titre Discrimination racial", au C.H.R. ? La station locale FR J RadioPicardie diffuse pour sa part un reportage dc quin ze minutes au cour.'i de son journal uc 12 hcures. Qui n'aime pas les Arabes n'aime pas les boiteux L'effet est immédiat. A l'hôpital , , on s'agite dans tous les sens, mais on ne dément pas. Tous les travailleurs musulmans sont convoqués dans le bureau du directeur général. On veut savoir d'où vient la fuite. Côté public, le directeur !!énéral essaie de minimiser l'affaire: "Vous exagérez . .le n'ai jamais été informé d'un tel problème. A ma connaissance, il n'y a pas de discriminations. D'ailleurs, nous confie-t-il, je suis boiteux .. or ceux qui n'aiment pas les Ara!J",s Il 'aiment pas non plus les !JOiteux. Vous voyez bien (/", qu",1 côté de lu barrière je me situe . .. M. Duvanel fait le mort. JI ne veut pas rencontrer les journalistes. Pour lui, tout est clair: "C'est une machination dirigée par la C. G. T. 1/05 veulent ma p",au. " Le directeur-adjoint admet avoir reçu une lett re de t rois pages de la C.G.T. sur ce problème: ".l'ai aussitôt ordonné une enquête . .. 11 reconnaît certains faits, en conteste d'autres. Il laisse entendre que l'affaire est plus sy ndicalc que raciale . Mais il a néanmoins pris des mesures contre les discriminations dénoncées par le M.R.A .P. Aujourd'hui, il planche sur la question des vestiaires. Après avoir été mis il l'écart, les musulmans hésitent à faire chambre commune avec leurs collègue. non-musulmans. Une occasioll que certains ne ratent pas pour dire : "C'est eux (lui veulent être cl part. " Alors, si ce problème est effectivement un problème syndical, pourquoi avoir attendu tout ce temps pour le dire? La querelle syndicale n'est-elle pas aujourù 'hui le prétexte pour camoufler une situation intolérabic? Quatrième question. Peutêtre la bonne? M:Îr,: MA 'GIN Jean-Pierre GARCIA LYON: LE MAL DES BANLIEUES Chaque morceau de gazon parait un paradoxe ... Seconde génération, ils subissent le même racisme que leurs pères, refusent d'être les éboueurs de la France, veulent être entendus, reconnus. Ils crient. L es Minguettes, la Grappinière, Olivier de Serres, autant de noms évocateurs, presque empreints de poésie, mais qui pourtant recouvrent une réalité sordide ... Citésdortoirs, forteresses des angoisses et de la mal vie avec leur architecture inhumaine, écrasante, du béton à l'infini, des trottoirs où chaque arbre, chaque morceau de gazon paraît un paradoxe, la laideur érigée en système d 'habitat. Comment dès lors s'étonner des répercussions traumatiques d'un tel environnement sur la sensibilité enfantine? Répercussions que l'on désigne sous les termes de délinquance, révolte anarchique, c'est -à-dire finalement souffrance. Les enfants d'immigrés, - ceux de la seconde génération - et les autres, défraient la chronique 15 depuis plusieurs mois : voitures incendiées, affrontements systématiques avec la police durant les séances de rodéos, attitudes provocatrices de plus en plus généralisées même si ee n'est pas, de loin, le fait de tous. La presse s'empare de l'événement , on crie à l'émeute, on rappelle le bilan catastrophique (près de 150 voitmes incendiées), on souligne même parfois la facture alourdie des assurances et l'on oublie l'essentiel, le noeud du problème qui se nomme: exploitation, exil, déséquilibre culturel, racisme. Des ghettos dans l'Est lyonnais ? .. La politique de l'anCien gouvernement a abouti à la création de concentrations de poches de misère, de véritablE: ghettos" constate M. Leprince, chef de cabinet de la mairie de Vaulx-enVelin. Avant-guerre, Lyon comptait 600000 habitants, aujourd'hui la municipalité ne regroupe plus que 150 DOO âmes: "II y a eu rejet de la population la plus démunie vers un certain nombre de communes de l'Est lyonnais". Naissance d'une population de banlieusards à forte proportion immigrée vivant dans les conditions que l'on sait: parcs H.L.ivl. unit'ormément laids, grands ensembles bâtis à la sauvette, Zone d'Urbanisation Périphérique, terme barbare mais significatif. Et lorsque ces défav~ risés sont des immigrés, le problème se complique. "Dans un premier temps", déclare un jeune Maghrébin, animateur à la i'vlaison du Peuple des Minguettes, "la LU. P., c'était bien pour les immigrés, pour les familles modestes qui vivaient dans le 3' arrondissement de Lyon, dans des conditions déplorables". Mais dans un second temps, la formidable pression de l'environnement inhumain, associée à l'absence d'échanges et aux difficultés de cohabitation cntre immigrés ct non-immigrés, créent le traumatisme. Le seul terrain d'animation, c'était le marché. Pas de boulanger au pied de ces tours carrées, numérotées en série et que l'on aperçoit à vingt kilomèt res à la ronde, pas de vie de quartier, pas de dialogue. Difficultés de cohabitation dûes aux DIFFÉRENCES DECEMBRE 81 difficultés de moeurs. aggravées du fait que les Français de souche forment une population fluctuante et que les immigrés sont des "permanents" en vertu du sacro-saint seuil de tolérance (12070). Traités comme des parias, comme des "robots en qui on ne reconnaît que la vènte de sa force humaine", déclare avec amertume Ahmed Djemal, directeur du centre social René Vaillant aux Minguettes. Rue Olivier de Serres, un enfant montre le mur qui sépare son ensemble - ou plutôt ce qu'il en reste depuis les mesures de démolition décrétées en 1978 sans consultation préalable des habitants - avec "l'autre côté" où "ils ont du gazon, des terrains de tenni~". "Nous, ils nous laissent un terrain vague avec des cailloux ... Regarde ce mur, ils nous séparent des autres habitants comme si on avait la peste". Révolte ou délinquance ? Le même enfant poursuit: "Des cailloux, on n'a que ça, alors il faut bien jouer avec ces pierres". Alors, ils (les gamins de la "wne lyonnaise") s'amusent à bombarder les voitures de flics, Tèques pour les uns, Hanouchs (les serpents) pour les autres; à jouer les chefs d'orchestre sur les poubelles métallisées il toutes heures de la journée; à démolir les boîtes aux lettres; à uriner dans les ascenseurs; à organiser des rodéos, des "couines", "comme en Amérique" entre les Tèques racistes pour la plupart qui les traitent de bougnoules ct leur font des bras d 'honneur et leurs héros du moment, âgés de 15 à 18 ans et qui vivent sauvagement leurs crise d'adolescence. Car c'est bien de cela dont il s'agit, d'une crise de croissance, d'une prise de conscience de l'injustice, du racisme. de l'horizon barré de leur existence, du chômage à venir, de l'impossibilité d'un véritable retour aux sources. Kier, jeune Algérien de 25 ans frappé injustement d'une mesure d'expulsion sous "l'ancien régime" ct revenu en hâte dès la victoire de la gauche, raconte que là-bas, en Algérie, on les appelle les "immigrés" ... ou les "Fakans" (les vacanciers), con firme Aamiri Bouchaid, éducateur marocain à Olivier de SCI"res. Insupportable paradoxe de ces enfants dont la majorité possède la "carte jaune" (la carte d'id entité française) ct qui sont rejetés de part ct d'autre de la Méditerranée. Ajouter à cela les perturbations propres à un milieu social et familial défavorisé: 10 % de mères ma{!hrébines célibataires aux Ming~ettes; problèmes de prosmiseuité pour ses familles véritablement nombreuses (de huit à douze enfants) entassées dans l'espace exigu de F 5 ; éthylisme de certains pères en but te au chômage ou frustrés par des EN 1981 années d'exploitation et de racisme ... Le tour est joué: divorce culturel entre immigrés de première génération et jeunes de la seconde qui refusent d'être les "éboueurs de la France" ; révolte ouverte contre ces parents souvent illettrés, à l'exemple de cette jeune fille qui fut retirée à ses parents sur sa propre demande parce qu" 'ils n'étaient pas civilisés". Là où le bât blesse, c'est que la société française n'est pas encore disposée à "accepter leur différence". A preuve: Aziz, vingt ans, jeune marié au chômage: Ca me travaille, quand je cherche du travail et qu'on me dit qu'on veut pas parce que je suis Algérien". A preuve, un jeune "rat" des Minguettes, champion amer du rodéo, qui s'était fait "bourrer", passer à tabac, par les policiers: "Tvloi, j'ai ch e rché, je me suis présenté dans une boîte, on m'a dit qu'on écrirait et quand je suis revenu, on m'a dit qu'on voulait pas de Nord-Africain". A preuve encore, l'im["lossible tentative de Jeannette Rose, une jeune Française habitant les Minguettes, pour réconcilier les voisins de son immeuble et les "rats" qui se défoulaient au bas de la tour. Eux, les gamins de la "zone lyonnaise" avaient accepté le principe du dialogue, les autres le refusèrent et. rajoute Jeannette, "aujourd'hui on me dit boujour, mais ça s'arrête là !" Joëlle LASSISSI-PINTO 3.000.000 FOYERS FRANCAIS (1 SUR 6) , ACHÈTENT LEURS LIVRES CHEZ FRANCE LOISIRS Chaque trimestre les adhérents peuvent choisir: • des livres, peuvent effectuer leurs achats: • des disques, • des jeux, sur un catalogue gratuit de 100 pages en couleurs. • par correspondance, • dans les 200 librai- ".------- . France l2Vf'\ 'Loisirs ~ ries et Boutiques du Club. 16 LE PlUS GRAI'D UUB DE FRANCE Expliquez-moi UN CONTINENT DE J.-B. Charcot qui étonnera par sa hardiesse tous ceux qui venus sur propositions d'un congrès inlternational de géographie sont là pour découvrir le continent. La compétition est donc acharnée. Grande-Bretagne, Allemagne, France, Norvège sont les plus actifs. Mais Américains et Russes sont aussi de la partie. En cette journée du 19 octobre 1911, une course dérisoire et dramatique est engagée sur l'Antarctique. Partis de la plate-forme de Ross, le Norvégien Amundsen ct ses quatre compagnons sont sur la route du pôle sud, avec l'objectif de le vaincre pour la première fois. Quclques jours plus tard, mais de l'autre côté, de la pointe Murdo, le Britannique Scott s'est aussi lancé avec le même but. Les deux expéditions ont demandé de longs mois de préparation. Des dépôts de vivres ont été déposés tout le long de la route ct chacun s'est entraîné dur. CO MPETITI 0 N S fit:r Charles 31 mai 2011 à 14:45 (UTC)s~Of~\~e e~e q~~c~:Charles En résulte aussi un statut de droit international de l'Antarctique très particulier. En fait il existe un "club antarctique". Tradition oblige, les anciens d'abord: la Grande-Bretagne (suivie de deux membres du Commonwealth, l'Australie et la NouvelleZélande), la France et la Norvège. Pour eux c'est la théorie de la "découverte" qui est appliquée. Les nouveaux venus ensuite: le Chili et l'Argentine d'abord qui revendiquent de larges portions sur le secteur britannique. Ces derniers invoquent la loi des "quadrants", les premiers celle de la "continuité" ou "eontiguité". L'URSS se distingue et considère que nul règlement de la région polaire sud ne saurait se faire sans elle. Et elle invoque des titres provenant de "découvertes", les Etats-Unis ne reconnaissent quant à cux aucune de ces règles. Pour eux, seul "l'établissement permanent" est signe de souveraineté sur ces terres sans maîtres d'où les thèses du "point d'appui" et de "l'activité cie contrÔle". Pourtant tout se passe à peu près bien. La situation politique de l'Antarctique fut en effet entérinée au Traité du 1 cr décembre 1959 et ce pour trente ans. La fin approche au moment même ou surgit un nouveau problème qui risque de devenir dominant: l'exploitation de gisements de pétrole. De là à prévoir un avenir noir pour le continent blanc... • A vrai dire Amundsen est mieux préparé, son expédition est même un modéle d'organisation, et le 14 décembre 1911, en véritable conquérant de l'impossible il plante le drapeau norvégien sur le pôle. Scott a du retard ct le froid augmente. Il touche le pôle le 17 janvier. Le retour sera la dernière course de l'équipe. Après deux décès en février ct mars, les trois survivants bloqués par une tempête de neige, mourront d'épuisement à 18 km seulement d'un dépôt de vivres. Deux ans après le succès de Peary au pôle nord, c'est le sud qui est vaincu. Deux siècles plus tôt, en 1739, le Français Bouvet partait à la recherche de la "Terre australe". On l'appelait ainsi parce qu'une vieille tradition héritée des Grees voulait que le district polaire austral fut occupé par un vaste continent, dont Magellan, lors de son voyage autour du monde, pensait avoir vu à l'extrême avancée en doublant la Terre de feu .. Bouvet découvre alors l'île qui depuis porte son nom. le début des grandes expéditions internationales. Avec Dumont d'Urville (1840) la France découvre la Terre Louis Philippe, l'Ile Joinville et la Terre Adélie. Plus tard, au début du siècle, ce sera ARTICLES - CADEAUX MAROOUINERIE SERVIETTES - PORTE·DOCUMENTS Le premier pôle Sud: Amundsen. Pendant un autre demi-siècle expéditions, et marins partis il la recherche des littoraux où s'assemblent les baleines, se croisent régulièrement. Le 7 février 1821, les marins de G ROS 1/2 GROS Société Anonyme au Capital de 200.000 Francs 70, RUE DU TEMPLE, 75003 PARIS Tél. : 887.72-11 17 R. VIOLLET l'Américain Davis débarquent pour la première fois sur le continent. L'intérêt scientifique prend alors le pas sur les préoccupations économiques ou territoriales. C'est Ets Thérèse BAUMAIRE PRET A PORTER FEMININ 7, rue des Filles du Calvaire 75003 PARIS Tél. : 272.32.09 et 278.37.12 1 1 '1 LES DESSOUS DE METROPOLICE A quelques jours d'intervalle, deux faits similaires ont défra yé la l'hronique. Des policiers chargés de la sécurité dans le métro sc sont vus momentanément empêchés d'arrêter des pick-pockets, parl'e que des usage rs, aux l'ris de "non au racisme", ont cru hon de s'interposer. Dans les deux cas, en effet, il s'agissait d'imllligré!,. De nom breuses voix, d'abord étonnées, sc sont ensuite élevées contre la naissance d 'un nouveau comportement: le racisme aIlliflic. Enfin quelques jours plus tard,lVI. .Iean Périer, le Préfet de police de la capitale, annonçait une séric de mesures dest inées aLi ren forcement ct à la rest ruct uration du service de sécurité du métro. L'événement a pris une import aner qui mérit e rélïexioll. Est -cc la sécurité ou le racisme qui doit être considéré comme le sujet cent rai? II semble évident qu'il s'agit en premier lieu d ' une question de sécurité. Précisons tout de suite, qu'en la matière, la dramatisation dont l'ont prcuve certains, déforme la réalité. Le métro parisien est un Etudes coordonnées par Madeleine Rebérioux JAURES ET LA CLASSE OUVRIERE Retour à Jaurès ou les valeurs, les théories les combats essentiels d'un révolutionnaire. Collection cMouvement sociah. 21949 - 240 pages des plus snrs du monde ct le nombre des agressions y est en baisse. Evidemment, bien que so uterrain, il n' est pas en marge de 1::1 société. Au contraire, la densité de population y transitant invite certains voleurs ct escrocs à espérer agir avec plus de racilité ct bons ~ésultats. Ils ne s'en privent pas. D'où l'existence de l'ancienne ct "rameuse" CCSM, Compagnie Centrale de Sécurité du métro. El c'est là que doit intervenir le deuxiéme élément: le raci sllle. La Compagnie s'illustrait par ses chasses au faciès musc lées. ;\u point qu'en mars 1979, le !'"IR;\P lançait sa grande campagne "Et'oiles vertes" pour Illanifesler cuntre les contrôles d'identité racistes. Les syndicats de police CCiT, CFDT, CFTC, le Syndicat Générai de la Police (SGP) s'y associaient sans réserves ainsi que des partis politiques pcr, l'S, RPR. Claude Quin, alor, Conseiller Général cOlllmuniste de Paris, ct aujourd'hui Président de la RÀTP (ct toujours membre du MRAP), assista it à la conférence de presse tenue à la stat ion Gare de Lvon. La chasse au faciès a bel ct bien existé dans ks couloirs clu métro ct elle a lai ssé des marques . Nul doute que les réactions cie la population lors cles deux cas qui nous intéressent sont le reflet des protestations qu'elles ont si fréquemment suscitées dam le passé. D'alllant plus, et il faut le noter, qu'clics venaient surtout d'immigrt's eux-mêmes. Mais soutenir un frère de couleur est tOll1 aulre chose que d'aider un voleur. L'annonce raite par le Préfet de police créant L1ne nouvelle compagnie, la SSM - Service cie Sécurité du métro - sera-t -elle de nature ù éviter de tels problémes ') Et surtout il créer un nouveau climat? Formé pour une moitié de jeunes gardiens de la paix nouvellement nommés ct n'y restant par roulements que trois mois suceessi l's, le se rvice ne sera plus composé cie "spécialiste,". Le, domaines réservés so nt t oujours dangereux. Espérons que le fait d'avuir choisi une femme, Nadine Joly, comme commissaire l'si un gesle symbolique d'une nouvelle volonté de communication qui en appellera d 'aut rcs. • La fin des chasses au faciès. LES MAUVAISES NOTES. DU GENDARME L a Commission Nationale de l' lr~ forma,tique et des Ltbertes (C.N.I.L) a remporté, aux points et après lin travail serré au corps, le match qui l'opposait depuis quelques mois il Interpol. L'organisation policière internationale dont le siège est situé à Saint-Cloud, dans la reglOn parisienne, devra lui déclaré, comme l'exiue la loi, ses fichiers. Cela signifi~ aussi que les magistrats-enquêteurs de la Commission auront la possibilité de les co nsulter si une des personnes fichées en fait la demande. Force est restée à la loi , seion la formule en vigueur dans les commissariats. Seconde bonne nouvelle: il n'est plus question d'informatiser la carte d'identité des Français, de la plastifier, de la magnétiser. Le ministre de l'Intérieur a décidé que les Français garderont dans leur portefeuille leur vieille carte d'identité de cOllleur jaune. Le commissariat comme au bon "ieux temps du quartier ou la mairie continueront ù le délivrer. Mais de la même manière que l'hirondelle n'annonce pas forcément le printemps, ces décisions positives n'impliquent pas que, du jour au lendemain, le cicl troublé de l' informatique et des libertés retrouvera sa sérénité. Loin de là ! Ainsi, si les Français ont échappé à la carte d'identité informatisée, les immigrés, eux, y auront droit. Christian Bonnet, le ministre de l'Intérieur du der- 18 niel' gouvernement Barrc, avait prévu d'informatiser les titres de séjour des résidents étrangers . Gaston Defferre, l'actuel locataire de la Place Beauveau, a repris l'idée à son compte et s'cst juré de la concrétiser. Lcs responsables du ministère de l'Intérieur s'e fforcent de rassurer comme s'ils n'étaient pas convaincus de la justesse de leur initiative
- non, il ne s'agit pas de
menacer les libertés individuelles des immigrés, dit-on. Mais, il paraît qu'il était impossible de faire machine arrière pour des raisons financiére et d'efficacité technique. C'est la technique qui décide, alors? Ah, bon, nous on croyait que le chef était Gaston Deffcrre, C'est, néanmoins, du côté de l'armée que parviennent les informations les plus stupéfiantes. La sécurité militaire continue à ficher les militants politiques, syndicaux et les ouvriers travaillant dans les arsenaux. Plus grave, la S.M. refuse de déclarer ces fichiers-là à la C.N.I.L Pourquoi? Parce qu'officiellement, ils n'existent pas. On ne peut pas déclarer un fichier qui n'existe pas. Logique. l'vIais, il y a des preuves. Ici même dans Différences (n ° 3, juin 1981), nous avons montré, documents à l'appui, comment l'armée fiche les jeunes appelés d'origine étrangère. La S.M. fait le mort. Y'a pas de fichiers illé: gaux dans ses cartons! On imagine l'angoisse des gens de la S.M. si les commando-surprise qui a dérobé Ic mois dernier plusieurs centaines dc pistoletsmitrailleurs dans une caserne de Foix s'était aussi emparé de ces fameux fichiers, Ils n'auraient pu, dans cette hypothèsc, émettre la moindre protestation ... puisque ces fichiers n'exi stent pas. Les militaires Ile sont pas les seuls à prendre des libertés avec les lois. La gendarmerie dont la rUllleur publique a trop souvent so us-estimé l'a , tllce , 'est constit ué, au vu et au su de tout le monde, un casier judiciaire parallèle. Pas moins! Les choses se passaient de la manière la plus simple qui soit. Les jours de procès, les gendarmes déléguaient l'un des leurs au Palais de Justice. Sa mission: relever les condamnations prononcées, même celles avec sursis. Ces informations étaient inscrites sur deux fiches (voir notre document) . La première était envoyée à la brigade de gendarmerie du lieu de domicile de la personne jugée, la seconde était transmise à la brigade de son lieu de naissance. L'affaire parut' tellement énorme que Charles Hernll, le ministre de la Défense, dut intervenir. Il a promis de mett re fin à de telles pratiques, • 19 LA BAGAGERIE ~~tk~ 12 RI,JE TRONCHET - 742.53.40 41 RllIE DU FOUR - 548.85.88 74 RUE DE PASSY - 527.14.49 TOUR MONTPARNASSE - 538.65.53 PARIS LYON - LA PART-DIEU NEW-YORK - 727 MADISON AVENUE TOKYO - 5-5 GINZA le Livret de Cajssed'~ de la POste un placement sûr, rentable et disponible à tout moment ~.' ,(1 un service public, c'est fait pour rendre service. Notre temps Li Shuang, l'infortunée amoureuse est partie se remettre les idées à l'endroit dans un camp de rééducation chinois. Argent, amour et superpuissance. Au-delil du mélodrame diplomatique, qui sont les coureurs de fond de la rencontre intime des cultures ? 20 Vingt mille mariages sont célébrés chaque année entre des ressortissants français et étrangers, soit 5 (t/o des mariages en France. Ce sont les couples mixtes au sens juridique . Au sens large, le terme désigne aussi les couples dont l'un des membres est français par acquisition ou dont les deux membres sont français mais d'origine culturelle différente. Première constatation: les femmes françaises prennent plus facilement un conjoint étranger que leurs compatriotes masculins . 12 491 femmes cont re se ulement 7667 hommes en 1976 (1). Il est vrai que les migrations économiques ont été fait d'une forte majorité d'hommes. Ce furent d'abord les polonais de l'entre deux guerres, italiens de l'après-guerre, espagnols des années 50, maghrebins et portugais des années 60. Une réalité qui n'empêche pas les parents français de rêver pour leur fille d'autres maris . Â la question: "si vous aviez une fille et qu'elle voulait se marier avec 1I/1 ressortissant d'un pays européen, lequel préféreriez vous qu '('Ile épouse?" 53 °/0 des sondés ne se sont pas prononcés, 14 070 ont choisi un belge, 10070 un anglais, 8 070 un hollandais,8 070 un italien et 7 070 un allemand. Pas d'espagnols ni de portugais (2). Circonspecte, la majorité des français cache son embarras, le reste vise seulement aux pays développés, plaçant toutefois l'allemand en dernier, contentieux historique oblige. Mais il ne faut pas croire que seuls les anciens manquent ainsi de curiosité malrimoniale. 66 070 des 15-25 ans invités à s'imaginer dans vingt ans, ne se sont pas vus mariés à un étranger, 21 (tla évitant de se prononcer. Il faut en convenir, l'éventualité du mariage mixte n'enthousiasme pas les français. Le pessimisme plane sur l'avenir du couple et surtout sur celui des enfants que l'on craint de voir tiraillés entre deux cultures. Epreuve du feu de l'anti-racisme ... ".l'ai su ce que sign(fiait vraiment ne pas être raciste lorsque je me suis résolu à l'idée que n~a fille allait épouser un étranger." C'est ainsi que s'exprime, M. Chatillon, issu de la vieille bourgeoisie chrétienne dont la fille Sylvie est mariée depuis 15 ans avec Karim, tunisien. Vivre ensemble, voilà l'épreuve clu feu de l'anti-racisme. Jusqu'où va-t-on faire abstraction de ses propres valeurs culturelies? Quand l'air vient-il à vous manquer? Christiane 27 ans, de milieu populaire, vit séparée de son mari algérien Rachid, après 5 ans de vie commune en banlieue parisienne, elle l'avait suivi chez lui dans une petite ville près d'Oran . Son fils Abdu est resté en Algérie, ne pou van t sort i r sans l'a u t orisation de son père. "Je ne supportais pas d'avoir perpétuellement du monde chez moi. Sa famille m'étouffait. Si j'avais su que le petit n'allait plus pouvoir sortir du pays ... " Anne, 30 ans, ancienne étudiante strasbourgeoise mariée pendant 10 ans à un camerounais a divorcé. Ils s'étaient rencontrés au cours d'une soirée, s'étaient plus. Au Cameroun l'attendait une situation brillante .. . "Quand il refusait de partir en voyage à cause d'un rêve prémonitoire, je souriais ... ce que je n 'ai pas supporté c'est la dépendance matérielle totale de sa famille vis-à-vis de lui et surtoU! de lui avoir découvert une seconde femme. " Toutes deux transplantées dans des milieux aussi conservateurs que le leur en France, Christiane et Anne, n'ont pas tenu le choc des cultures. Choc ou rencontre; l'attitude vis-à-vis de sa propre culture aide beaucoup à la compréhension mutuelle au sein du couple mixte. Sylvie et Karim, eux, se sont rencontrés. Avoir le même sens du partage et de la convivialité, cela aide. "Claude aussi a été bien acceptée. Seulement ma mère ne m'a jamais caché qu'elle aurait préféré que j'épouse une juive". Regret mais non rejet du côté de cette mère juive qui un jour envoya une lettre à sa belle-fille, lui confiant la crainte que son petit-fils puisse un jour traiter quelqu'un de sale juiL .. Pour l'enfant: une neutralité active ... Clopin-clopant, un couple mixte peut parvenir à un équilibre qui masque de réels problèmes d' aj ustement entre les deux cultures. Lorsque l'enfant paraît, celui-ci oblige les parents à se souvenir qu'ils font partie de ces deux groupes différents. Témoin concret de la répartition des pouvoirs au sein du couple, l'enfant oblige à se poser des questions, à faire des choix ... A commencer par celui du prénom, forme d'allégeance à z« z Ul Le mariage mixte: seulemenl 30 % des jeunes l'envisagent. '" Tous deux très attachés à leur identité, ils n'en avaient pas moins développé visà- vis d'elle d'une distance critique certaine. C'est cette distance qui leur a ouvert les voies de la concertation conjugale. Claude, antillaise catholique et Georges, français juif originaire d' Algérie, se sont mariés voici 10 ans, sous les auspices de la conscience minoritaire. ".le sais que quelque part en épousant Georges, j'ai voulu rester une immigrée, me tenir éloignée de la majorité ... ma famille l'a accepté, II/a mère lui a même trouvé un côté mulâtre typiquement antillais, sans compter qu'il venait d'un pays où /'on est aussi chaleureux que chez nous. " C'est un fait, la "distance culturelle" compte aussi beaucoup dans les chances de réussite du couple mixte. 21 l'un des deux parents. Souvent, par souci égalitaire, un prénom neutre, voire international est choisi. Le couple islamo-catholique puisera dans l'ancien Testament. Pourtant , nombreux sont les parents à se réfugier dans une idéologie du choix différé sur l'enfant responsabilisé
- "quand il sera grand" dit-on, "il
choisira sa religion, sa nationalité". De fait, tous les psychologues s'entendent à le reconnaître, le petit enfant a besoin de certitudes et si la force du milieu agit sans être relayée par les parents, elle risquera de le troubler surtout si l'identité d'un des parents est méprisé là où il vit . Farid 32 ans marocain vivant depuis 12 ans avec Jeanne à Limoges, a des idées très précises sur l'éducation de ses futurs enfants. "Ifs devront passer toutes leurs vacances scolaires au Maroc et même si possible avant d'entrer à l'école. Sinon, ils risqueraient de former des préjugés sur la culture marocaine. Je connais tant d'enfants de couples franco-maghrébins qui méprisent les Arabes. " Sylvie a sa propre conception du choix di fféré: "Nous n'élevons pas nos enfants dans /'Islam ou le Catholicisme mais prenons soin de les initier aux deux cultures religieuses; s'ils veulent aller à la messe en France où observer le Ramadan en Tunisie, libre à eux. " Cette neutralité active, Georges et Claude la pratiquent aussi. "Ce que nous souhaitons par-dessus tout, c'est que David ne soit pas élevé dans le "vide' ' ... Par sa couleur de peau, il était marqué par ma présence" ajoute Claude "en le faisant circoncir, j'ai voulu l'attacher à la culture de son père, cela dit, il n'aurait pas été question de faire appel à un rabbin pour l'opération ". Conscient de l'importance du rituel pour L'enfant parait et les problèmes de choix émergent. sécuriser l'enfant, ce couple s'est ainsi retrouvé en paix avec sa conscience laïque! Ne pas forcer l'enfant a choisir, lui apporter une double culture. Abdu 15 ans, le fils de Sylvie a été élevé au coeur de cette philosophie. Très sensible a la psychose anti-arabe qui règne en Occident, Abdu réagit violemment à toute at taque dirigée contre son identité arabe ce qui ne l'empêche pas d'être très critique vis-a-vis de la société tunisienne et de l'antisémitisme qui se manifeste sous couvert d'anti-sionisme. Traité un jour de sale arabe dans la cour du lycée, il a rejoint dans l'adversité un petit copain juif qui se faisait traiter de sale juif. Cette distance critique dont bien des adultes manquent, Abdu l'a acquise dès l'âge de 10 ans. C'est un sujet de fierté pour Sylvie qui aurait été désolée que son fils épouse aveuglément une cause. Autre enjeu de la double identité: la langue. Conditionné par le lieu de rési- . dence, l'usage d'une langue l'est aussi par l'image sociale qu'elle véhicule. Ainsi on peut supposer que dans un foyer fra nco-maghrébin, le français parlé dans les milieux aisés de la capitale, et l'arabe chez les petits bourgeois provinciau .. Le sexe des parents conditionne aussi beaucoup l'apprentissage de la langue. En effet, Sylvie s'est aperçue que si Abdu marchait très bien en arabe, Leila avait des problèmes avec celte langue. Plus proche de sa mère, française et ardente féministe, Leila sait que le statut de la femme tunisienne est inférieur a celui de la femme française. Elle a beau avoir un grand père tunisien qui en son temps éditait un journal féministe du nom de "Leila" (en arabe: "une nuit d'amour. .. "), elle se sent plus française qu'Abdu, qui lui s'identifie a son père ... Les femmes étant censées suivre leur mari, les Etats n'aiment pas abandonner leurs femmes aux étr~ngers. L'enlèvement des Sabines plane au-dessus des préfectures. Jusqu'à "La Marseillaise" qui appelle à la mobilisation contre ceux qui veulent égorger "nos fils et nos compagnes"! (Pas un mot pour les filles ... ) Prise de guerre ou prise de paix, ce petit couplet en dit long sur la crainte de perdre le seul agent de reproduction sociale: la Femme. Cette crainte est particulièrement marquée dans certains pays musulmans où la femme ne peut épouser un étranger à moins que celui-ci ne se convertisse à l'Islam . On se souvient de Dalila Maschino, algérienne, épouse d'un français qui avait été enlevée par le frère de son mari au Canada. Plus près de nous, 22 l'Italie continue d'imposer la nationalité du mari à l'épouse étrangère. Jusqu'en 1973, ce fut le cas en France. La femme française, elle, ne transmettait pas sa nationalité a l'époux étranger. Pas assez de fluide ... Né en France, l'enfant "mixte" était définitivement français, mais né à l'étranger de mère française et de père étranger, l'enfant pouvait répudier la nationalité française à sa majorité. Dans le cas inverse, la nationalité française restait définitivement acquise à l'enfant qui ne pouvait en aucun cas prendre celle de sa mère étrangère. Bref, le "jus sanguini" (la loi du sang) suffisait a l'homme pour transmettre sa nationalité alors que la femme avait besoin du sol français ("jus soli" : la loi du sol) sous ses pieds pour transmettre quelque chose. Les absentes avaient toujours tort. Depuis 1973, ces dispositions sexistes ne sont plus qu'un souvenir. Les modifications intervenues dans le code de nationalité ont introduit des rapports de reciprocité entre époux, le mariage ne modifiant plus la nationalité de la femme ét rangère. D'autre part si l'enfant de couple mixte né en France continue d'être définitivement acquis à la nationalité, le fait qu'il soit né à l'étranger lui permet de garder sa double nationalité ou d'opter pour l'une ou l'autre a sa majorité. En d'autres termes, il peut le cas échéant répudier la nationalité française de son père . Gazelle et étalon 11 yale sexisme de l'esprit des lois qui du jour au lendemain peut disparaître. 11 y a celui, ordinaire, qui a poussé Claude à se choisir pour partenaire un métropolitain féministe. Mais quelque part, elle sent avoir trahi. "J'ai très peu d'amis antillais, j'ai l'impression d'être exclue et de 111 'exclure moi-même. Quelque part, je me sens obligée d'accepter tout ce qui vient des Antilles et des antillais alors que je choisis beaucoup plus mes amis français de métropole. " Pesante fidélité au groupe si commune chez les minoritaires ... "Je voulais mener une lutte au nivedu des Antilles, le mariage avec /111 blanc m'a posé un problème. " Grande et belle comme un coeur, Claude a beaucoup souffert de ce racisme pernicieux parce qu'admiratif qui fait de la femme comme de l'homme de couleur, un foudre de sexe. "Même chez les plus gauchistes de mes amis, je restais la gazelle des îles. Plus encore que la femme blanche, j'étais avant lout un objet sexuel. " Farid a aussi beaucoup souffert de ce genre de "compliment" : "Je ne connais pas de pire racisme que celui qui ravale l'homme au rang d'étalon, c'est nous refuser ni plus ni moins le statut de personne. " Si la femme de couleur continue d'être un "sex symbol", la femme blanche reste un "status symbol" dans certains milieux aisés du Tiers-Monde qui ont gardé une mentalité de colonisé. Quoi de plus inconfortable que la situation de ces femmes qui servent de fairevaloir social? Parachutées dans des sociétés radicalement différentes des leurs, elles supportent très mal l'emprise du milieu traditionnel sur leur mari et répondent le plus souvent par la libération d'un racisme jusque là occulté. Ainsi cette mère qui faisait défriser les cheveux de sa fille métis ... Comment s'en sortir lorsqu'on appartient au sexe dominé mais au modèle dominant? Farid et Jeanne ont su éviter cet écueil: "Au Maroc, je ne devenais pas une autre personne pour Jeanne et si mes parents avaient tendance à la survaloriser, jamais elle n'a voulu exploiter ce sentiment, au contraire. Pendant le Ramadan, elle a même refusé par respect que la nourriture lui soit préparée dans la journée. " Ce dépassement des rapports de force entre sexes et cultures est chose rare. La France fait depuis quelques années appel au "vivier" des femmes antillaises et réunionnaises pour colmater les brèches ouvertes par l'exode rural des femmes. Une affaire en or pour les agences matrimoniales de Bretagne ct du Limousin. Poussées par la pauvreté et le mirage de la Métropole les belles insulaires sont accueillies par ces hommes d'âge mûr condamnés jusque-là à l'abstinence par la société industrielle. Bel enchevêtrement d'exploitation! Contre le travail au noir, un mariage blanc En même temps que la France prenait femmes au dehors, elle répugnait beaucoup à marier les siennes aux étrangers. Le 9 mai dernier, la bête noire de la loi du 2 novembre 1945 rôdait encore dans les couloirs des préfectures. Tout étranger ne détenant pas un titre de séjour supérieur à un an, ne pouvait épouser une française sans autorisation préalable de l'Etat. Cette disposition censée empêcher que le certificat de mariage ne tienne lieu de titre de séjour, a particulièrement sévi dans les années qui ont suivi le coup d'arrêt donné a l'immigration en 1974. Dans cette logique, un français ne pouvait épouser un étranger rencontré en France en vacances, sans que l'Etat ne mène son enquête. La mairie transmettait, a la préfecture qui transmettait au ministère de l'Intérieur qui en parlait au ministère des Affaires étrangères. Le moins qu'on puisse dire est que le mariage était loin d'être une affaire personnelle pour ceux qui n'avaient pas la chance d'être tous deux français. Malgré les difficultés administratives, nombreux ont été les candidats au mariage blanc, perçu comme l'ultime parade à la politique draconienne d'immigration du pouvoir précédent ... "Les candidats au mariage blanc sont de deux sortes" explique Me Ousmane, avocat parisien "1/ y a ceux, africains et maghrébins, forcés de travailler au lIoir et les réfugiés politiques sans le statut officiel de l'OFPRA (3). Dans les deux cas, il s'agissait de demeurer sur le territoire national salis risquer l'expulsion. " Parvenu en France un an avant le coup d'Etat de 1974, Pablo étudiant argentin n'a pas voulu rentre au pays. Il est donc resté à Paris, sans toutefois demander le statut OFPRA qui aurait empêché de retourner voir ses parents à BuenosAires . Touchée par l'insécurité perpétuelle dans laquelle vivait Pablo - travail au noir sous-payé et titres de séjour de plus en plus difficiles à obtenir, Camille lui a proposé un mariage blanc. Puis pour plus de sécurité, Pablo a demandé la naturalisation. "Nous devions cohabiter pour donner l'apparence d'un vrai couple" raconte Camille "Pendant ce temps-là, nous avons appris à nous connaître, Pablo a pu enfin abandonner le rôle de macho qui lui pesait tant et moi vivre avec ce sens du partage, du risque que je chéris par-dessus tout et qu'ici nous avons totalement perdu. " 23 DIFFÉRENCES DECEMBRE 81 Ironie qu'un si vibrant hommage au mariage mixte vienne d'une "mariée blanche" ? Peut-être. Mais elle n'est pas la seule. Selon Sylvie: "La richesse de mon couple tient précisément à notre "mixité". S'il venait à craquer aujourd'hui, j'incriminerais l'usure du temps, certainement pas nos origines. " De fait, le mariage mixte est à déconseiller lUX personnes immatures . L'unicité famille-cult ure-religion est brisée et le rôle constructeur de la tolérance a du mal à soutenir celui, destructeur, de la désapprobation sociale. Le développement des migrations économiques, estudiantines, scientifiques et touristiques va de plus en plus encourager ces grandes écoles du consensus conjugal que sont les mariages mixtes. Car enfin, fait remarquer Sylvie, non sans malice: "Tout mariage entre un homme est une femme n'est-il pas par définition un mariage mixte ?" Renée DAVID SENNA Une distance culturelle inéluctable. (1) Enquête de /'Institut Nationale d'Etudes Démographiques - 1976. (2) Sondage IFOP - Juin 1979. (3) OFPRA : Office Français Pour les Réfugiés et Apatrides. MARMOTTES ET CHAMOIS ENFANTS ET ADOLESCENTS DE 8 • 17 ANS VACANCES DE NoEL . FEVRIER· PÂQUES· ÉTÉ - CLASSE VERTES, DE NEIGE, DE MER, D'EQU/TA TlON 12·14, rue Beccaria· 75012 PARIS TEL. : 346.98.05 J' Régionale "Floraison des dermatoses et parasitoses en tous genres, recrudescence de la tuberculose. " Monsieur le Maire de Fumel sait de quoi il parle, il est médecin, et c'est lui qui a parqué les immigrés dans le ghetto de Condat. Mais voilà ... / "t ~ l' ,~ ' .... "" L'APPEL AU RACISME TOMBE A PLAT 24 1 1 U n bel endroit, Fumel. Une petite ville qui grimpe le long de quelques rues, des maisons basses, bien rangées. Allez donc voir le château. De la terrasse, bn voit le Lot, un panorama qui vaut le déTOur, diraient les guides. Evidemment, il faut regarder droit immigrées, pour la plupart maghrébi- C'est plus pratique pour tout le monde, nes, qui occupent SO 070 des logements. et les ouvriers se tiennent plus tranquilles. Créer un ghetto Arrivées on ne sait comment. Mais on peut s'en douter: l'usine (2200 Monsieur le maire, arrivé au pouvoir en 1971, n'a pas voulu déparer sa ville avec ces gens-là: au fur et à mesure de leur arrivée, dans les années 1970, on les a a-dessus un bien beau château pour une belle mairie. A gauche le vnli èoeur de la vilte. devant soi, parce qu'à droite, on a planté une énorme usine. Pont -àMousson. Ne regardez pas non plus à gauche: les quelques bâtiments qui émergent d'un hameau, là-bas, au bord de la rivière, c'est Chicago. Enfin, c'est ce que le maire de Fumel, le docteur Hauvezin, a déclaré au dernier Conseil Général: "Les HLM de Condat, "c'est la zone ", oû l'on vit de l'aide publique ... au milieu de l'alcoolisme, de la drogue, de l'homosexualité, de la délinquance et de la violence. " Qui peut donc habiter et faire vivre cet enfer? Vous ('aviez deviné, 64 familles emplois) a besoin de main-d'oeuvre, mobile et docile . Depuis toujours, elle a confié le recrutement de son personnel à une entreprise privée de travail temporaire, fondée par l'une des bonnes familles de la ville. On dit qu'avant la révolution des oeillets, l'agence avait la sollicit ude d'aller chercher les Port ugais à la frontière. Ne ménageant pas sa peine, elle fait désormais venir les travailleurs de plus loin. De plus, avec la crise, il faut bien adapter le recrutement aux fluctuations des besoins: au lieu du contrat de travail d'un an, l'agence offre maintenant des contrats de deux mois. 25 parqués aux HLM de Condat, où ils sont "entre eux". Fumel s'est offert son petit Soweto, des cohortes de travailleurs qui le matin traversent la ville à l'heure de l'embauche, et rentrant le soir dans leur quartier réservé. En quelques années, "être de Condat" devient infamant. Il faut dire que la vie n'y est pas rose: les lampadaires ne fonctionnent plus depuis longtemps, il n'y a pas de gardien, pas de cabine téléphonique, pas d'aire de jeux pour les 120 enfants habitant là. On a gentiment laissé pourrir la cité: c'était bien assez beau pour eux. III
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Le charme discret de la tranquillité provinciale. Des appuis, Monsieur le Maire a su facilement s'en créer. Les HLM de Condat ont cristallisé toutes les haines . Les menus larcins des enfants énervent les voisins: on a vu l'an dernier des barbelés dans les arbres pour protéger les fruit s . Les institutions ne peuvent plus promener leurs classes dans les vignes : elles se font accuser de permettre aux gamins de repérer le raisin mûr, etc ... Une pétition dirigée contre les habitants de la cité a circulé l'an dernier . Aucune sécurité de l'emploi pour les pères, aucun travail social vers les mères au foyer, enfants abandonnés à leur sortie de l'école. Résultat inévitable : les gamins chapardent dans les vignes et les vergers alentour, salissent les bouts de pelouse qui entourent les bâtiments. Rendre une population raciste Comme dit Monsieur le Maire avec une poésie qui sent la coloniale: "Les espaces verts sont transformés en djebels OÛ les jeunes cèdres du Liban, par essence majestueux, se sont rabougris et étiolés comme des branches de fenouil". L'Arabe, cet ennemi de la végétation. On croît rêver devant de telles phrases. On a même sorti les fusils, un soir de bagarre, mais c'est trop voyant. On préfère laisser circuler des rumeurs, déclarer
- "Les braquages succèdent au racket,
et la folie meurtrière s'achève parfois par une lame de poignard entre les épaules". Autrefois, bien avant l'arrivée des immigrés, sévissait dans les bals de la région une "bande de Condat". On profite de la confusion pour ranimer les vieilles peurs. Créez un ghetto, puis dénoncez-le quand les circonstances politiques ont changé, vous êtes sûr d 'ent raÎner derrière vous les rivcrains. C'est classique: il suffit de désigner l'ennemi . Et bien décrire les dangers de 1" 'invasion" : "Floraisoll de dermatoses et parasitoses en tous genres, recrudescence de la tuberculose. " Monsieur le Maire est médecin, et prédit l'Apocalypse à sa ville. Rien d'étonnant si beaucoup de Fumelois se sont sentis "soulagés" quand la déclaration du Maire a été rendue publique. Bien sûr les termes étaient un peu durs, Monsieur le Maire a son franc-parler, mais il fallait le dire. On n'avait jamais eu bien peur à Fumel, mais on s'est dit que ces gamins qui traînaient étaient peut-être les 26 "proxénètes en herbc" désignés par le Maire . Il ne restait plus qu'à provoquer les immigrés pour faire sauter la poudrière . Ce qui a été fait dans la même déclaration: la religion musulmane y est bafouée, on y parle "du Ramadan qui dégénère en Ramdam "(?), des "croupes" de Mouris promises par le Coran". Inconscience ou volonté délibérée, nul ne le sait, mais Fumel n'est pas passée loin de l'émet.Ite, et les jeunes musulmans se sentaient prêts à répondre à la provocation du Maire. A quoi tout cela peut-il servir? Fumel vit de Pont-à-Mousson, et il ne faut certes pas déplaire à la direction de l'usine qui a besoin d'immigrés . Mais le Maire rêve depuis toujours d 'un commissariat, qui tienne tout ce monde . Noircir le tableau au Conseil Général, et peut-être même provoquer quelques troubles, n'est -ce pas le meilleur moyen d'obtenir sa police? Surtout au moment des problèmes de Venissieux. Et se faire taper sur les doigts Seulement voilà, il n'y a pas eu de troubles. Les immigrés de Condat ont énormément souffert de la déclaration du Maire, mais ont parfaitement maîtrisé la situation. Lc lendemain de la publication de la déclaration ils se sont réunis et ont nettoyé leur HLM. Depuis 10 ans, les locataires, par nécessité de chercher ailleurs du travail, changent souvent à Condat. Chaque famille qui déménage abandonne quelques vieux meubles dans les caves. L'office des HLM a toujours "négligé" de les faire nettoyer, et èe sont les locataires actuels qui en ont extrait 37 tonnes de déchets. Ce premier acte, spontané s'est transformé en une réelle prise en charge des problèmes des immigrés par eux-mêmes. S'est créée une association des HLM de Condat, qui rassemble les communautés marocaine, algérienne et harki, bien décidée à faire valoir ses droits. Soutenue par les réactions vivent de beaucoup de professeurs et d'associations laïques de la ville, elle a très vite déposé ses statuts. Un de ses membres m'a dit: "A vant, on /1(! demandait rien, mais maintenant qu'on nous tire dessus dans le journal, on va demander ce cl quoi on a droit. Ils disent toujours. "Condat c'est spécial". Alors, on a fait ulle association spéciale. On n'a jamais entretenu la cité, alors que nous payons nos charges comme n'importe quel locataire. Le Maire, le Président de l'office HLM, on ne les avait jamais vus. Les assistalltes sociales, non plus - les gendarmes, on les ne voyait pas, saz{j" quand il y avait un blessé. " Effectivement, depuis la création de l'association, et après les vives réactions de beaucoup de Fumelois, en particulier des jeunes, la plupart des revendications des immigrés a été acceptée. il faut dire qu'ils réclamaient simplement le droit de vivre: on a nommé un concierge marocain, les HLM seront remis en état par l'office et une aire de jeu sera construite. Mais tout cela ressemble beaucoup à un cataplasme sur une jambe de bois. Les problèmes de fond subsistent et ne pourront pas être réglés de cette manière. Problème de subsistance avant tout: le mal profond de Condat, c'est le chômage et la misère, mais on se garde bien, à la mairie, d'aborder ce problème. L'autre danger, c'est celui du repli sur soi. Un exemple caractéristique: frappés par les accusations de saleté proférées par le Maire, les maghrébins ont réagi cn enfermant leurs enfants et en leur interdisant les pelouses. Devant l'absence totale de structures permettant d'occuper ces enfants et de leur offrir des perspectives, ils ont organisé une école coranique, qui leur procure à la fois une identité et une occupation. Il n 'y a pas de choix possible entre une intégration forcée et un repliement total. Une institutrice se demandait si elle DIFFÉRENCES DECEMBRE 81 devait accepter de fêter Noël à l'école avec ses élèves maghrébins, qui constituent 87 070 de ses effectifs, ou bien s'effacer et accepter la solution radicalc de l'école coranique. D'autant plus que celle-ci risque de perpétuer des schémas nuisibles , tels que l'effacement des femmes, et de provoquer de violentes discussions à l'intérieur de la communauté maghrébine, entre religieux et non prat iquants. Il est possible que les immigrés de Condat finissent par satisfaire Monsieur le Maire en se repliant entièrement sur euxmêmes, et qu'à très court terme se posent de graves problèmcs d'intégration pour les enfants. Beaucoup Jc bonnes volontés à Fumel se sont dans un premier temps perdus dans ces problèmes. Une affaire "ordinaire", mais qui soulève bien des interrogations. Au delà des propos outranciers d'un homme qui croit sans doute que dire des horreurs c'est s'approcher de la vérité, on peut y voir l'histoire d'une petitc ville bien sage, qui a su par la dignité de tous, éviter le pire, mais qui n'est pas au bout de ses peines. A l' usi ne, ça va mieux: on continue à "dégraisser" les effectifs. On a même vu de~ "contrats" de travail de 15 jours. Jean-Michel OLLE LES SECRETS DE LA FORET LANDAISE L eMaire de Fumel n'est pas seul en Aquitaine a trop avoir luI' Apocalyp se. A Saint-Geours-deMarenne, dans les Landes, de grands panneaux vous invitent à quitter la nationale 10 pour venir visiter le Refuge de Notre Dame de Fatima. Calme et méditation. Mais l'endroit paraît bien grand pour méditer. C'est qu'il n'est pas prévu pour cela. Dans la deuxième moitié du vingtième siècle, "la grande, grande guerre surviendra" (Message de la mère de Dieu, à Fatima, Portugal, le 13 octobre 1917) . Quelle guerre? Une guerre civile, eommencée par une grève générale, téléguidée de Moscou, disent les organisateurs. Ce jour-là, prenez votre auto et venez à Fatima. "Votre voiture sera guidée et prendra place en un lieu où vous serez protégé militairement." Par qui? Par l'armée, et en particulier les parachuti stes qui ne manqueront pas d'apporter leur concours au Grand Rassemblement. Voilà des certitudes étranges pour de "doux illuminés". Etranges et inquiétantes quand on lit le bulletin "Encore Fatima" : les instigateurs de la guerre civile y sont clairement désignés: les 27 francs-maçons, les juifs, les Arabes, les' communistes. Tout eela a un petit air de déjà-entendu. Bien sû r, toutes précautions sont prises pour se démarquer du nazisme, mais tout de même: "NOLIS croyons fermement que ces Pharisiens du XX" siècle (un peu plus haut: "ces grands juifs") occupent des places de choix dans le complot mondialiste." Finalement, ne quittez pas la nationale 10. Ou simplement pour jeter un coup d'oeil au clocher-mirador du refuge. Il n'abrite sans doute pas que des anges. J.M.O. Ailleurs A Etchmiadzin, siège du Catholicos, le patriarche de tous les Arméniens est pour ainsi dire pape, puisque l'Eglise arménienne est indépendante de Rome, Byzance ... et Moscou A EREVAN LA COLLINE DU SOUVENIR C ' est de Tbilissi (Tiflis), capitale de la Géorgie, qu'un beau matin, un car bringuebalant conduit par un colosse doté d'une énorme moustache noire, une spécialité géorgienne semble-t-il, m'emmène, avec un groupe d'Arméniens, Français et Américains vers le sud, la terre promisc, Erevan, capitale de l'Arménie, à 273 kilomètres de IiI. Au "poste frontière" arménoazerbaidjanais, un monument très moderne célèbre l'amitié des trois républiques qui ont là une frontière commune
- Géorgie, Arménie (Haïastan, en
Arménien), Azerbaidjan (capitale: Bakou). Sur un étal, on vend du chocolat et du "champagne", comme partout dans la région, du vin et des fruits. D'ailleurs, partout les vignes dorées par un superbe soleil d'automne bordent ]a route. Des femmes en pantalons bouffants attendent les autobus à quelque distance de moustachus bruns, cachés sous de grandes casquettes rondes comme leurs cousins anatoliens ou iraniens. A un moment, des porcs en bandes sc promènent à travers champs, comme pour indiquer que nous avons quitté un territoire peuplé de musulmans. Les pics enneigés de 1 'horizon se rapprochent et le Petit Caucase s'avère littéralcmcnt couvert de forêts magnifiques illuminées par l'automne. La pureté de l'air ct du ciel ont permis l'installation, non loin de là, de l'un des plus grands observatoires du monde: Biourakan. Des bus, que nous dépassons, sont bondés de paysans qui se dirigent également vers ce puissant aimant qu'est Erevan où vivent un tiers des trois millions d'habitants de la plus petite république d'URSS (près dc 30 000 km'). En 30 km de lacets, nous passons de 600 à 2 000 mètres! Thalassa ! Vuc du col, une immense mer bleue miroite à l'infini: lc lac Sevan, deux fois et demie le lac Léman, l'une des trois "mers" sacrées pour les Arméniens, avec le lac de Van en Turquie et celui d'Ourmiah en Iran, qui tous trois irriguaient la grande Arménie de 1 'histoire passée. Les eaux du lac Scvan, d'une pureté célèbre, providence de milliers d'Erivanais qui viennent s'y baigner l'été, fuyant les canicules de la capitale en cette saison (40 0 ),.tranchent sur les tcrres brunes dénudées alentour: mais un très important effort de reboisement, visible dès maintenant, devrait changer le paysage dans les années à venir. Les eaux du lac ont fortement baissé car une partie sert à apporter l'électricité à l'Arménie tout entière. Au loin, deux églises de ce style "pré-roman" si caractéristique du pays, que nous retrouvcrons partout, se dressent sur une presqu'île, leur île originelle ayant été rattachée à la terre ferme après la baisse des eaux du lac. C'est Aghtamar. "Akh ! Tamar !" se serait écrié, selon la légende, en expirant, l'amant de la belle Tamar, à qui il 28 centrc d'Erevan, vigne dont le pays, avec la Géorgie et la côte de la Mer Noire fournit un vin généreux apprécié dans toute l'URSS. Quant au "cognac" national, l'une des gloire de l'Arménic, il paraît, d'après Wiston Churchill, que c'est le meilleur au monde avec celui des Charentes. Après un repas au bord du lac et la dégustation des fameuses truites saumonées de Sevan, notre bus emprunte l'autoroute qui traverse, taillée dans la roche volcanique et l'obsidienne, la plaine agricole de l' Arabat, mise en valeur par les rescapés du génocide turc: usines et villes modernes "HLMisées" se succèdent. Lc guide arménien nous crie en jubilant que l'on peut enfin apercevoir l'Ararat à 1 'horizon. Mais, par près de 30°, une brume monte de la plaine, ct il faut tendre le cou pour distinguer les deux volvenait chaque soir rendre visite à la nage, ne trouvant pas cette fois-là le signal convenu. Aghtamar, c'est aussi le nom de la merveille architecturale qui se trouve sur une île du même nom, au centre du lac de Van en Anatolie, et pour laquelle le coeur des Arméniens bat encore ardemment. Les maisons que nous rencontrons ont la forme de toutes les demeures situées entre lcs Balkans et la mer Caspienne, que l'on pourrait appeler "balkaniqueot toman", et elles cachent leurs toits de tôle ondulée sous de magnifiques tonnelles de vigne que l'on retrouve jusqu'au
- ,
z Cl « ~ :.: z « '""- ~ cans éteints de l'Ararat (5 160 m et 3 925 m), majestueux et enneigés, Ol! s'échoua, paraît-il, l'Arche de Noé lorsque les eaux du déluge commencèrent à baisser. Montagne sacrée tutélaire en quelque sorte de tous les Arméniens du monde, sa visite quotidienne est pour les Erivanais un coup au coeur de chaque seconde, car l'Ararat est entièrement englobé dans le territoire turc actuel, après que Moscou eût rendu à Ankara une partie des terres ottomanes que les Arméniens avaient arrachées à leurs anciens bourreaux à la fin de la première guerre mondiale. Emerge enfin la ville rose et orangée, toute bâtie de tuf volcanique: Erevan, maisonnettes et H LM où le linge sèche au balcon se succèdent, cependant que des femmes en fichu échangent des propos sur le pas de leur porte. Nous entrons dans la capitale de l'Arménie dont les habitants, réfugiés ou fils de réfugiés, ont transformé la bourgade boueuse de 1918 en une grande agglomération vivante où la circulation est largement plus "napolitaine" que dans le reste de l'URSS. En fermant à demi les yeux, on pourrait se croire à Beyrouth ou à Téhéran au La préparation d'une noce au village de Buraklln. spectacle de la roule brune el grave qui se presse dans les cafés de plein air et aux étalages abondamment pourvus de rruits et de légumes produits dans la République même. Ce qui rrappe, e'est l'unité non seulement du matériau utilisé pour la construction, mais aussi celle du beau style arménien "néo-roman" de la plupart des bâtiment du centre ville, ce qui n'exelut pas une certaine audace parfois dans les constructions modernes, ni, hélas, une certaine monotonie dans beaucoup de constructions socialcs. Le métro, à 100 0,10 "arménien", est, à mon avis, l'un des plus beaux du monde, tant par les matériaux utilisés que par la témérité de sa décoration. Par de multiples signes, outre l'architecture contemporaine, dans la présence sans doute unique en URSS, de voitures américaines ou de Mercédes envoyées par des cousins de 1 'ét ranger, et aussi dans les vêtements, on sent que les Arméniens grâce à leur immense diaspora, sont en contact régulier avec le monde extérieur. Les élégants entrelacs de l'écriture nationale très originale rappellent que les fils de l'HaÏastan sont le seul peuple de l'URSS (avec les Géorgiens et les Baltes) à ne pas avoir dû "cyrilliser" leur alphabet. Une grande partie des Arméniens 30 du monde entier sont reconnaissants à l'URSS d'abriter le seul Etat arménien national du monde où leur langue est pratiquée, enseignée, imprimée, diffusée. Dès le premier soir, une autrc particularité d'Erevan devait apparaître, à mon plus grand plaisir: des amis arméniens m'entraînent dans plusieurs de ces tavernes dont la ville a le secret, en général situées dans les sous-sol des maisons, aux murs recouverts de très beaux tapis, meublées avec goût et selon les traditions locales. Une foule joyeuse, souvent très jeune, y arrose de vins verts ou liquoreux, les spécialités, comme cela se rait dans tout le Proehe-Orient : shish kebab, bastourma, yaourts, beureks au fromage, kioftas accompagnés de délicieuses galettes dorées au four qui servent de pain. La musique arménienne, une des plus belles et des plus originales des musiques orientales est difrusée partout et il est difricile, sinon impossible, de sortir d'une taverne ou d'une maison particulière, en marchant droit, tant le nombre de toasts que l'on porte, au visiteur, à ses amours et à l'Arménie, dépasse la résistance d'un foie normalement constitué. Après tout, la Bible , J ,1 nous apprend bien que Noé, après son épreuve, n'a pu, lui non plus, résister à l'appel du vin de l'Ararat et s'est enivré. Les jours qui suivent sont bien remplis. Avant d'aller admirer quelques-uns de ces joyaux religieux que sont l'es églises (il yen a 5 000 en Arménie, dit-on), il ya trois lieux où il faut se rendre pour comprendre la profonde origiJ1alité de ce peuple et aussi les épreuves qu'il a endurées: le monument au génocide, le Musée National et le Matenadaran (Bibliothèque Nationale). Le plus poignant, le plus digne, le plus serein aussi: Tsitsernakaberd (le Fort des Hirondelles), frère du Yad Vashem de Jérusalem (dédié aux 6 millions de victimes du nazisme) . C'est la colline du Souvenir, qui témoigne du premier génocide "moderne" planifié, dont Hitler a su directement s'inspirer: celui de 1,5 millions d' Arméniens assassinés entre 1894 et 1918 par le5 Turcs . Sur la douce colline qui domine la ville et où vont les amoureux, les écoliers et les ét udiant s d'Arménie ont planté exactement 1,5 millions d'arbres, superbes en cet automne ensoleillé. Sur une esplanade le monument est sobre et très fort: deux flèches pures en pierre évoquent les deux Arménies : celle où nous sommes et la Diaspora . Puis neuf grandes dalles noires dressées symbolisent les neuf provinces de l'Arménie historique: elles s 'inclinent vers une vasque où brüle une flamme perpétuelle, cependant que des mélopées funèbres de Kamitas, de Katchatourian et d'autres compositeurs nationaux s'élèvent en permanence . Le sol est jonché de fleurs coupées qui achèvent de se faner. Le coeur se serre et les passants, peut -êt re les amoureux ent revus quelques instants auparavant, ont les larmes aux yeux, car aucune famille, aucun individu n'a été épargné par la tourmente, directement ou non. On ne peut s'empêcher de penser que le monde sait peu de eh oses de ce génocide "exemplaire" si près de nous et que cela doit changer. Un autre lieu symbolique de ce peuple à l'histoire millénaire: le Musée d'Histoire, d'une richesse extraordinaire, qui offre un choix prodigieux d'objets du IVe millénaire avant notre ère à aujourd'hui: les salles consacrées aux époques d'apogée et aux provinces perdues (puisque le coeur de J'Arménie s'est toujours situé en Anatolie et aux confins de l'Iran), ne sont pas les moins passionnantes. Puis le Matenadaran, Bibliothèque Nationale dédiée à Mesrop Machtoz, l'inventeur du très original alphabet arménien au Vie siècle, lequel, avec l'Eglise nationale a été le pilier d'une identité constamment menacée: là, le visiteur peut admirer un petit choix des 20000 manuscrits enluminés de ses collections, Alma Mater des très riches collections armelllennes du Patriarcat arménien de Jérusalem et du couvent de Erevan : la place centrale. San Lazzaro de Venise . Quinze siècles d ' un art profondément original sont là, certains des livres et des manuscrits ayant été ramenés feuille par feuille des sanctuaires de Turquie, au péril de la vie ... Si toute l'Arménie n'est pas nécessairement accessible aux étrangers, il y a néanmoins un grand nombre de balades possibles autour d'Erevan. A tout seigneur tout honneur, Etchmiadzin ! Si ee nom n'évoque pas grand chose pour tout un chacun, on peut dire que les yeux de tous les Arméniens sont tournés vers cette petite ville, à 25 kilomètres de la capitale, siège du Catholicos, patriarche de tous les Arméniens, on pourrait dire Pape, puisque l'église arménienne est totalement indépendante de Rome (aussi bien que de Byzance ... et de Moscou). Lieu saint de tous les Arméniens du monde, trésor de la Nation égalemelll bâtie sur J'ancienne ville qui a vu le christianisme proclamé la religion d'Etat au début du Ive siècle, elle éblouit par la richesse de ses collections, religieuses en particulier, séminaire et palais tout à la fois, mini-Vatican perpétuellement visité, particulièrement le dimanche. 31
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Z o ~ "QG' '" QG j":': QG « u i C'est justement le "jour du seigneur" que nous y sommes allés, et des centaines de gens après la messe, faisaient bénir des animaux (poulets, moutons) par les prêtres présents avant d'aller accomplir le "madar", l'abattage rituel, pour les manger en pique-niquant sur place. Un vieux rite païen, intelligemment assimilé par l'église! Modifiée au cours des âges, l'église d'Etchmiadzin garde cependant sa pureté d'origine et une foule ininterrompue s'y presse, dans l'encens et les cierges fumants dont l'odeur m'accompagnera jusqu'au retour à Erevan. Le soir à l'Opéra, est donné un opéra national en arménien, "David Beg", composé et écrit par un Arménien, Tigranian, et là encore l'extraordinaire ferveur culturelle de tout un peuple pour sa langue, unique entre toutes, rattachée à la grande famille indo-européenne, éclate dans ses réactions et sa passion pour la musique. Ensuite, c'est de nouveau l'hospitalité chaleureuse d'un foyer arménien où le vin coule à flots: en fait, tous les endroits publics fermant à 23 h comme dans le reste de l'URSS, c'est chez eux que les gens se reçoivent souLe château d' Ananouri en Georgie vent car ce peuple du sud n'aime pas se coucher tôt. Une des plus belles balades qui puisse se faire à partir d'Erevan est certainement celle du temrle de Garni et du monastère de Gherart, deux échantillons du génie arménien sur douze siècles. A 1 300 mètres d'altitude, surplombant de cent mètres une vallée entourée de toutes parts par des vergers, où l'on fabrique une délicieuse pâte de noix mêlée à du raisin concassé, comme en Crête, s'élève le temple hellénique de Garni (l"r siècle), parfaitement restauré après avoir été détruit par un séisme au XVIIe siècle, le seul vestige grec entièrement conservé en URSS. La route continue en serpentant pour nous conduire, par la gorge grandiose de la rivière Azat, au très ancien monastère de Gherart, "la lance", parce qu'il aurait abrité la lance qui perça le flanc du Christ. Le joyau du sanctuaire est constitué par quatre églises rupestres, d'un dépouillement bouleversant. Ma chance, au même moment une chorale religieuse répète dans l'une d'elles, profitant de l'exceptionnelle acoustique du lieu. Des pélerins se signent avec de l'eau de source qui coule dans une rigole à travers la nef. Le silen'ce est total. A la porte du sanctuaire, on vend des chapelets de bois ... du chewing gum et des cigarettes Marlboro, exclusivement. Et tout alentours, les arbres sont couverts, comme autant d'épouvantails multicolores, par des dizaines de ch i ff ons noués 1 à par des femmes désireuses de connaître une heureuse maternité. Dommage qu'il faille déjà repartir! Il faudrait trois mois pour visiter les monastères, les églises, la plupart excellement restaurées, de l'Arménie . Une chose est sûre, il faudra revenir et ne se consacrer qu'à la petite république, prendre une voiture et aller dans les vil- 32 lages dont l'hospitalité est légendaire . D~rnière vision, le nouvel aéroport d'Erevan, bâti avec l'aide d'entreprises françaises. Mini-Roissy circulaire, symbole du désir de nombeux Arméniens qu'une liaison directe soit établie avec Paris pour resserrer les liens avec la Diaspora de France, comme les courriers directs qui existent déjà pour Beyrouth et Alep amènent un grand nombre de visiteurs des communautés arméniennes de Syrie-Liban (300 000 personnes). Ce n'est pas seulement un pays passionnant et beau, un peuple attachant doté d'une extraordinaire capacité de survie au cours des âges, auquel il nous a été donné de rendre visite; c'est aussi la seule région du monde où est majoritaire, chez elle, une partie du peuple disséminé de rar le monde, dont près de 300000 de nos compatriotes français sont originaires. Aller en Arménie signifie également comprendre mieux leurs racines, leurs souffrances... ct leurs revendications. Y"es THORA V AL Odeurs de cuisine Anouch Abour Dessert Arménien de Noël (6 janvier) • 1 livre de blé (décortiqué et entier) • 300 g d'abricots secs • 1 tasse de raisins de Corinthe • 1/2 tasse d'eau de rose • 1/2 tasse de Pignon • 4 litres d'eau • 600 g de S/lcre cristallisé • cannelle, noix, amandes, noiselles Faire tremper le blé pendant une nuit. Rincer à l'eau froide puis égoutter. Faire bouillir le blé dans 4 litres d'eau . Une fois bouilli, faire cuire à petit feu dans le même récipient avec les abricots, le raisin, les pignons, pendant 2 heures, en remuant régulièrement. Alimenter el1 eau régulièrement jusqu'à ce que l'abricot soit bien cuit. Ajouter 600 g de sucre cristallisé, et 1/4 de tasse d'eau de rose, mélanger. Verser le tout encore chaud dans un plat sur lequel on ajoutera avant de servir froid l'eau de rose, la cannelle, les noix, les amandes, les noiselles. LA TRAGEDIE ARME:NIENNE La cathédrale d'Ani, dernier vestige d'un Etat reconnu indépendant. L ' histoire des Arméniens est celle d'un peuple de langue indo-européenne qui émigre à la fin du vue siècle avant J.c. , d'Europe centrale vers l'Est. Après avoir traversé les Thrace et l'Asie mineure , ce peuple se superpose aux populations autochtones du royaume d'Ourartou, établi sur le plateau arménien. Pays de hautes montagnes, avec au sud le Taurus, et au nord, la chaîne pontique et le Caucase, l'Arménie forme une forteresse naturelle; des plaines s'organisent autour du Tigre, de l'Euphrate et de l'Araxe. Pays riche, réputé dans l'Antiquité pour ses chevaux et ses ressources minières, l'Arménie est située à un carrefour de routes, aux confins de l'Europe et de l'Asie. Sa position stratégique fait de ce pays le théâtre des conflits qui opposent ses 33 , , Co. voisins. C'est une succession de soumissions et d'autonomie qui caractérisent l'histoire des Arméniens dont la vie dépend continuellement du rapport de forces des Etats qui les entourent. Témoins de l'Histoire Divisée en deux satrapies de l'Empire perse achéménide, l'Arménie profite de l'expédition d'Alexandre le Grand en Orient pour acquérir son indépendance et établir des contacts avec le monde héllénistique . La défaite d' Antiochus le Grand permet la reconnaissance par les Romains de la dynastie de ~
Co. ..J
,6 • • ~r-:::h on les appellait "bandits". Déjà le bon moyen d'éclipser la question essentielle. souche arménienne, les Artaxiades, en 190 avant J .c., après que l'Arménie fut assujettie à l'Empire séleucide. L'unité linguistique se réalise grâce à l'unité territoriale. Sous Tigrane II, la société arménienne forme un véritable régime féodal
- de la noblesse guerrière sortiront les grandes familles
arméniennes autour desquelles s'organisera la vie politique . Unc nouvelle dynastie, les Arsacides, voit la christianisation de l'Arménie, au début du IV" siècle. Dès lors, on ne peut plus séparer religion et politique. Le royaume d'Arménie s'oppose non seulement aux Sassanides mazdéens. mais aussi aux Romains et aux Byzantins. Avec l'adoption du christianisme et l'invention d'un alphabet en 405, le peuple arménien se dose d'éléments essentiels au maintien de son caractère national, alors que le partage de l' Arménie entre Romains et Perses et la perte de la royauté (428) mettent en péril son existence même. A partir du VC siècle, se constitue une liqérature très féconde, grâce aux traductions des livres saints puis des oeuvres originales (historiques, théo, logiques ... ). En 451, l'Eglise arménienne se sépare de l'Eglise universelle, au concile de Chalcédoine. Le début de la domination arabe n'apparaît pas trop contraignant; mais, à partir du V Ille siècle, la politique expansionniste des Arabes, dont l'objectif est la conquête de Constantinople, fait naître des mouvements d 'opposition. Les révoltcs nationales des Arméniens contre les musulmans sont le fait des familles telles que les Mamikonaen, les Ardzrounis, les Bagratides. Ces derniers établissent autour d'Ani, à la fin du IX" siècle, au milieu dc plusieurs autres royaumes un état reconnu par Byzance et Bagdad. Ce retour à des conditions normales favorisent le développement économique et artistique. L'arménie devient un centre important d'échanges internationaux entre l'Orient et l'Occident. Mais la politique de persécution religieuse et d'annexion de Byzance vis-à-vis des Arméniens les prive de leurs forces défensives et facilite les incursions des Turcs. Après la chute d'Ani (1064), la défaite byzantine à Manazkert, en 1071, assure l'expansion dcs Seldjoukides en Asie mineure. Un mouvement d'immigration en direction de la Criméc, de l'Egypte et de la Cilicie suit ces événements; commence alors pour la Grande Arménie une période d'instabilité qui s'étend sur près de cinq siècles (XI-XV' siècles). Après l'existence éphémère d'une principauté arménienne dans le Taurus, à la fin du XIe siècle, l'arrivée des Croisés facilite l'instauration d'un royaume arménien en Cilicie. Son ouverture sur la Méditerranée permet aussi la reprise d'échanges commerciaux, notamment avec Venise, Gênes, Marseille, Florence, qui trafiquent avec le port d'Ayas, où passe la route de la soie d'Extrême-Orient. Si, du milieu du XI" sièclc au milieu du XIIe, le contexte tourmenté a freiné la vie culturellc arménienne, elle retrouve cependant toute sa vivacité sous la dynastie roupénienne, comme en témoignent les édifices religieux et civils de cette époque, et Ics magnifiques manuscrits enluminés fabriqués dans les nombreux monastères du Taurus. En outre, le nominalisme européen colporté par les missionnaires romains, intéresse particulièrement les théologiens, et est souvent au centre de débats passionnés entre ecclésiastiques grecs, latins et arméniens, qui tentent sans succès un rapprochement doct rinal. Les ecclésiastiques-imprimeurs ouvrent la voie de la renaissance Après le départ des Croisés, le royaume arménien d~ Cilicie se retrouve enclavé dans un monde qui lui est hostile. L'arrivée des Mongols sur la scène proche-orientale freine momentanément l'expansion turque et retarde la destruction du royaume. En effet, les rois d'Arménie entretiennent d'excellentes relations avec les successeurs de Gengis Khan et s'allient avec eux . Cependant, le recul mongol au Levant, permet aux Mamelouks d'Egypte de conquérir l'espace laissé libre, et par là même, la Cilicie arménienne dont la capitale, Sis, tombe en 1375. Le siècle suivant voit se consolider en Asie mineure, le pouvoir ottoman (chute de Byzance en 1453). Parallèlement, l'instauration d li pouvoir séfévide en Perse (1500) provoque des conflits entre les deux puissances orientales. Ainsi se succèdent du début du XVIe siècle à la fin du XVII" siècle, des guerres dont l'enjeu ct le champ de bataille sont l'Arménie. La reprise économique qui se mani reste au début du XVIIe siècle permet pourtant aux marchands arméniens de retrouver la prospérité. Ceux-ci essaiment à travers le monde, trafiquant des Philippines à Amsterdam et par les Echelles du Levant où ils s'installent en grand nombre. Ainsi, se développent de nombreuses colonies arméniennes en Europe et en Asie. Les marchands arméniens ont alors une place prépondérante dans le commerce international. C'est peut-être dans cette réussite collective et dans les efforts du clergé qu'il faut rechercher les raisons du renouveau culturel et de la relative émancipation politique, perceptible dans la seconde moitié du XV W siècle. En effet, les marchands et ecclésiastiques-imprimeurs éditent des ouvrages religieux en Europe (premier livre imprimé en arménien: 1511, à Venise) . Excellents lettrés, ils traduisent nombre d'oeuvres ellropéen- 34 "-'-r- -
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nes, scientifiques, philosophiques, théologiques, se dessine en Arménie, où des centaines de monastères sont restaurés, une renaissance aux couleurs de l'Occident. Aux XVIe et XVIIe siècles, l'Eglise arménienne renoue avec l'Eglise catholique romaine. Les monarchies européennes, dont elle espère une intervention militaire, lanceront une intervention missionnaire, non dénuée d'arrière-pensées politiques. En 1717, l'abbé Mekhitar de Sébaste crée à Venise la congrégation mekhitariste, dont le rôle culturel est tout aussi important dans la renaissance arménienne que celui de Constantinople, siège du Patriarcat, qui a juridiction sur tous les Arméniens de l'Empire ottoman. Cette période voit aussi se réaliser une tentative éphémère d'émancipation politique autour d'une principauté du nord de l'Arménie. Mais en fait. ce problème est déjà lié à l'entrée sur la scène politique proche-orientale de la puissance russe. Après avoir annexé la Crimée, réussi à enlever le nord-est de l'Arménie aux Perses (1828-1829), elle détermine largement l'avenir politique du peuple arménien. L'Occident sur la dépouille de l'Empire Ottoman On présente souvent l'Empire Ottoman à la veille du XIX" siècle comme l'homme malade de l'Europe. Empire multinational, archaïque, miné par ses problèmes internes, menacé de l'extérieur par les puissances européennes libérées alors des guerres, son maintien en tant que tel durant au moins un iècle constitue une tragédie unique pour tous les peuples assujettis à la domination ottomane. La question d'Orient , posée dès l'amorce du déclin de l'Empire, sera un problème permanent pour toutes les chancelleries européennes, car derrière elle, se profile le démembrement, ou plutôt le partage de l'Empire Turc. Les grandes puissances, confrontées au problème des nationalités, issu des idées de la Révolution française, sont, tout au long du Xlxe siècle, prises au piège de leurs contradictions idéologiques : favoriser les nationalismes naissants sans libé- Manouchian et d'autres ... Les Arméniens furent présents dans la lutte contre le nazisme. rer la vague révolutionnaire, permettre le démembrement progressi f de l'Empire en empêchant l'explosion des nationalités, faire passer du joug turc à la tutelle européenne les minorités opprimées selon les besoins de leur politique conjoncturelle, en sacrifiant perpétuellement les mouvements d'indépendance au profit de l'équilibre européen. Telle est la politique européenne, intéressée par le partage des dépouilles de cet Empire qui détient les points stratégiques, Bosphore, Dardanelles, route des Indes, dont la possession conditionne l'hégémonie mondiale. 3S REPERIES ___________ _ Les étapes d'un génocide Devenus sujets minuto jure d'un Etat musulman, les Arméniens ont été longtemps dans leur propre pays l'objet de lIIesures discriminatoires et de constantes persécutions. Les tentatives de réforme de l'Empire Q((oman, tant au X IX" siècle qu'au début du X Xe siècle, ont suscité plus d'espoirs qu'elles n 'Ofl/ réellement amélioré leur condition. Pendant tOUfe celle période, oppression fiscale, exactions, islamisation forcée et massacres sporadiques constituent en fait la toile de fond sur laquelle s'inscrivent en relief une série d'événements plus tragiques: - /877-/878: massacre de la population arménienne des régions limitrophes de la frontière russe. - /894-/896: massacres généralisés dans l'ensemhle des provinces arméniennes et à Constantinople, ordonnés par le sultan Ahdul Hamid Il. Plusieurs centaines de milliers de morts, de conversions forcées et de r~/ugiés. - /909 : massacres de Cilicie, sous le gouvernement constitutionnel jeune turc. - /915-1918: déportation et massacre, organisés par le gouvernement jeune turc du Comité Union et Progrès, de la quasi-to/(J!ité des Arméniens de l'Empire Qlloman. Un million et demi de morts; plusieurs centaines de milliers de transferts d'enfants, de conversions forcées et de réfugiés. - /920-/922 : massacre des rescapés, dans les provinces de l'Est, en Cilicie (abandonnée par l'armée française) et à SlI1yrne, par les troupes kéma!istes. Sur environ trois lIIillions d'Arméniens vivant en Turquie en /880, il ell reste en /923 une centaine de mille, à peine la moitié aujourd'hui. Le double but des auteurs du génocide - l'extermination du plus grand nombre, la désarménisatioll des territoires de l'Arménie - a été alleint. REPERES .................... .. Imprescriptibilité et droits des survivants De même que tous les crimes contre l'humanité, le génocide des Arméniens est imprescriptihle. JI y a en l'occurrence continuation - en droit - de l'Eta! turc, et transmission d'autant plus grande de la responsabilité que celui-ci, non seulement n'a jamais consellti aux survivants le moindre dédommagement, mais encore continue de jouir en toute impunité des bénéfices acquis par le crime, tout en reJi!sant d'en condamner les auteurs quand iln 'en nie pas purement et simplement la réalité. Celle auitude explique celle d'un certain nombre d'Arméniens qui se considèrent en guerre contre un Etat lui-même coupable du plus monstrueux acte de guerre qui puisse être dirigé contre une société humaine. Elle montre aussi que la Turquie n'offre aujourd'hui aux Arméniens de la diaspora aucune garantie pour une sollllion interne du problème arménien, qu'elle Ile recherche d'ailleurs pas. Les revendications des Arméniens sont directement liées à cet état de fait et, pour cette raison, rejoignent les exigences les plus élément(Jires des droits de l'homme et des peuples: - Reconnaissance et condamnation par la Turquie, les gouvernements étrangers et les instances internationales, du génocide de /9/5-/918. - Reconnaissance des droits inaliénables des Arméniens sur les territoires où leur présence s'est maintenue sans discontinuer pendant 2 500 ans. - Définition d'un statut politique à travers lequel ils soient représentés auprès des instances internationales. C'est la Russie, en tant que nouvelle puissance occidentale, qui donne une acuité particulière à la question d'Orient. Elle cherche à délivrer Constantinople, en se posant en protectrice des chrétiens d'Orient afin d'accéder à la Méditerranée. Par ailleurs, l'Angleterre veut protéger sa route des Indes. Le fragile Empire austro-hongrois voit en la Turquie l'Etattampon faisant face aux visées annexionnistes des Russes dans les Balkans. La France, quant à elle, concurrence la Russie et veut, elle aussi, "protéger" les chrétiens d'Orient. 1867 : le grand Vizir songe déjà au génocide Face à ces menaces d'intervention de l'Europe en faveur des populations chrétiennes opprimées, le Sultan ne dispos~ que d'un moyen: transformer l'Empire en un Etat multmatlOnal l'1ER moderne. Or, cette transformation s'avèrera impossible. D'abord, l'Europe préfère maintenir un empire économiquement exploitable et militairement fiable. En second lieu, la montée du nationalisme turc s'y opposera de plus en plus résolument. ;. La première tentative de réformes en 1839, qui garantit l'égalité des droits de tous les sujets de l'Empire, reste en fait lettre morte . Ce n'est qu'avec le Traité de Paris, qui met fin à la guerre de Crimée en 1856, qué de-nollveÎ,cs-rerorm.es, I:e~renant les engagements précédents, promet.l.el:lt aux mInontes le libre exercice de leur culte, la liberté d'administration de leurs biens, l'accès aux emplois publics, l"éga'ttré devant la loi et devant l'impôt. Mais ces réformes, arrachées au Sultan, ne sont que rarement appliquées et, de plus, contribuent à aviver la haine des Turcs contre les minorités, surtout chrétiennes. Celles-ci s'efforceront de se soustraire à l'oppression turq ue. Les Arméniens, qui bénéficient depuis 1863 d'une Constitution nationale, aspirent, pour leur part, non au séparatisme Batoum , - _ . / l L) .s. ';-rim: - "" ~_",D La Gr ande Arménie à l'époque de la con version au chr is t ia nisme ( IVè Siècle) ' . _::~ .. ;;~c; '. DE G~ORGIE t+~ \ URSS .. ':.. ... ~'!' .. +.t- ...... ++ '-..... 31 mai 2011 à 14:45 (UTC)?'....,Charles-~ .// +i-'" ••• -.\ .- .........A. otL S •S'. - " + ~r - --.. ® Petite Arménie Tré bizonde / • ++ + Ka rs \\ 0' ARMENIE l a \' ++-+-+t 1 !JI R ' . TUR qUIE i /' • ~.:(Ani Eriv a~n- d ";~r t+ ____ , '" oyaumearmenlen _______ ---- . ...!. ...... - Erzeroum + \ "~J + 1 de Cilicie au Xlllè Siècle 'S' 1/ (Karin) +++ "~~l~ ' c:. ~ / AZERBAIDJAN R' bl' d'A" 1919 / lvas·. !.... M'Aranlt.~' ".: " _ e pu lque rmenle en II(Sébaste) .... J' -1-.... +++++ &,,,~, \ +tl--.) ._" Frontière arméno-turque se lo?- ®2 .~. .... .......... ++.+(" .. ; ..... ,t+-+~' ~ '- " \ \, +++;., ':) l e traité de Sèvres (1920 ) 1 Kay seri /'- CD ":' t-'~).., __ .:'- l.y'( r) R.S.S. d'Arménie (1 92 1) (0(Cés a r ée ) . El azi g MOUch~ ',\ -r+++'f'+-I', .. ./ _,_ Fronti è res actuelle s d' Et at sl://'.· .. .. ...,..,.-- ·"---. \ (;) ( Kh a r pe rt ) '" • Lac d. Van :.\ / -" ® Si ège patriarcal de Si s ,/?, ......... ~~-') , ~ t r ans f é ré à Anté l ias / • -......... Di arbe ki r " .... . ... .. . ..... . i( (Li ba n) après 1915 , ®t Marac h ' ) .( Ami d) , ® Siège patriarcal ,./ @, ~ \ ++++ d' E t~hm_ia_dZin_,/® /" . ,A.r'_'-------,/--. _.J~ , - - l'~ --- S ,.. ,,--,~"_.- --. L.--. ------. ---:.: \,~ ~;::~",/ ,~-, ---- ~------;-.,.~(' /,"'/ ' _:D
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," 1 1 REPERES Déclarations officielles 1912 "Nous en sommes au temps oû l'humanité ne peut plus vivre avec, dans sa cave, le cadavre d'un peuple assassiné. " Jean Jaurès 19/7 "Si, après cette guerre, les Alliés n 'accordaient pas à l'Arménie SO/1 indépendance, et si les Arméniens faisaient sauter Constantinople à la bombe, moi, serviteur de l'Eglise, je leur donnerais l'absolution. " Monseigneur Touché, évêque d'Orléans, à la Madeleine (Paris) /7 juin 1919, devant la conférence de la paix à Paris. "A u cours de la guerre, presque tout le monde civilisé s'est ému au récit des crimes que les Turcs avaient commis. Loin de moi la pensée de travestir ces forfaits qui sont de nature à faire pour toujours tressaillir d'horreur la conscience 36 humaine. Je chercherai encore moins à atténuer le degré de culpabilité des acteurs du drame. " Grand Vizir Damad Farid Pacha Chef du gouvernement succédant aux Jeunes- Turcs J3 octobre 19SI, in "Le Monde" "Le ministre de l'Etat, M. Gaston Defferre annoncera qu'en ce qui concerne votre communauté, les forces de police ~oivent prendre toutes les dispositions pour assurer votre securilé. Devant les menaces que vous recevez de gens qui appartiennent, disent-ils, à l'Europe, et que moi je dirais, hélas! à l'OTAN, n'organisez pas votre communauté si digne et disciplinée en comités d'auto-défense, car il serait dangereux d'entrer dans une escalade. 1/ appartient cependant à la République de vous protéger. Lorsqu'il y a des agressions, il faut toujours se demander qui est le véritable agresseur. Est-ce que c'est un peuple rescapé d'un génocide qui agresse les Turcs, ou alors les Turcs les agresseurs? En ce qui conceme le peuple juif, un chancelier d'Allemagne s'est mis à genoux pou: s 'excuser des crimes des nazis. Quand un Turc le fera-t-Il aussi? JI est évident que les Arméniennes et les Arméniens mais à J'égalité des droits nationaux à J'intérieur de l'Empire. Grâce au Patriarche Khrimian, l'enfer quotidien vécu par les Arméniens des provinces est connu jusqu'à Constantinople et dans les Chancelleries européennes. Sous son influence, une commission créée en 1871 se charge de recueillir les doléances des provinces: abus pour le recouvrement de l'impôt, conversions forcées, enlèvements, viols, pillages, entraves à la libertés du culte, discrimination raciale contre les Arméniens, meurtres commis par les Circassiens et les Kurdes agissant en toute impunité, et couverts par l'administration. Ces agissements sont encouragés par le gouvernement lui-même. En 1867, le Grand Vizir déclare: "Si les Arméniens n'aiment pas les choses telles qu'elles sont dans les provinces, qu'ils quittent le pays, nous le peuplerons avec des Circassiens." Déjà, l'extermination, comme solution finale, s'inscrit clairement dans le cadre de la politique ottomane. A l'occasion de la guerre turco-russe de 1877-78 le dossier arménien est pour la première fois porté et débattu sur la scène internationale. Les Russes vainqueurs occupent l'Arménie et menacent d'y rester tant que le Sultan "n'aura pas réalisé et appliqué les améliorations et réformes garantissant la sécurité des Arméniens". Cette sollicitude est confirmée par l'article 16 du Traité de San Stefano. L'article 69, porte ouverte au droit d'intervention Mais l'Angleterre oeuvre secrètement, en échange de Chypre et réussit à démettre les Russes de leurs engagements envers les Arméniens. C'est J'article 61 du Traité de Berlin où la Sublime Porte "s'engage à réaliser sans plus de retard, les améliorations et réformes qu'exigent les besoins locaux dans les provinces habitées par les Arméniens et à garantir leur sécurité contre les Circassiens et les Kurdes". Cet article est d'une importance tragique pour l'avenir du peuple arménien, dans la mesure où son application est garantie par les gr:1des puissances - dont la Russie - qui se réservent ainsi le droit direct d'intervention. Mais une idéeforce s'annonce, aussi bien du côté russe que du côté turc, et sera celle des années à venir: "L'Arménie sans les Arméniens" . ont encore un état de liberté et de reconnaissance à conquérir. " Charles Hernu, Ministre de la défense s'adressant aux Arméniens lors d'un meeting J5 octobre 19SI, in "Le Monde" . "Si le ministre français de la Défense n'a pas perdu la ra/son, ses af/ïrmations salit de l'insolence. " Réponse de M. ILter Turkmen Ministre turc des Affaires Etrangères à la déclaration de M. Charles Hernu 17 novembre 19SI, interview au "Figaro magazine" "La question arménienne est fabriquée de toutes pièces., La Turquie, il faudrait que tous le sachent, n 'a l?as de problen~e arménien. Les Arméniens du monde enfler savent qu. ~I n'existe pas aujourd'hui d'~rménie,~ l'~ntérie.ur des/ron.t/~~ tes nationales (de la TurqUIe), et qu il n en eXistera jamaIs. Kenan El'ren, Chef de l'Etat turc 37 Le problème armemen devient plus que jamais un des éléments cie la question d'Orient. Dès lors, les Arméniens "ne sont plus qu'un instrument politique, des otages dont on négocie les libertés" (comme précise Y. Ternon dans son livre "Le génocide des Arméniens"). En 1878, l'Europe passe, non sans hypocrisie, à côté du problème arménien. Le Sultan Abdul Hamid Il joue admirablement des antagonismes nés du Congrès de Berlin et se lance dans la préparation puis l'exécution des massacres de 1894-96, première tentative de grande envergure pour résoudre le problème arménien par l'extermination de son peuple. Le bilan est lourd: 300 000 morts, 200 000 conversions et enlèvements, plusieurs milliers de villages détruits ... Constitués dans les années 1880-90, les mouvements révolutionnaires arméniens organisent, face à ces événements, la résistance armée. Le principal d'entre eux est la Fédération Révolutionnaire Arménienne (FRA) dont le rôle ne sera pas négligeable dans le renversement d'Abdul Hamid par les J eunes Turcs, au cours de la révolution de 1908. Le régime d'Abdul Hamid est intolérable non seulement aux minorités non turques mais aussi aux Turcs eux-mêmes . Une opposition, inspirée du libéralisme occidental se crée à Paris parmi les étudiants exilés, pour abolir le despotisme du Sultan et instituer un régime parlementaire. A Salonique, un comité se forme aussi, composé de jeunes officiers nationalistes soucieux avant tout de sauver l'Empire Ottoman. La fusion de ces deux organisations donne naissance au Comité Union et Progrès, dont les membres sont appelés Jeunes Turcs. Un putsch militaire en juillet 1908, à Salonique, exige et obtient le rétablissement de la Constitution de 1876. Les Arméniens, qui voient dans le mouvement Jeunes Turcs, l'occasion d 'obtenir les réformes souhaitées par eux, ont de ce fait soutenu politiquement le putsch . Mais les massacres d'Adana (30000 morts) en 1909 où la participation du nouveau gouvernement est prouvée, montrent à quel point les antagonismes races-religions subsistent dans les esprits des dirigeants et de la population. Sans écouter sa conscience l'extermination finale La perte des possessions turques en Afrique (guerre de Tripolitaine) et en Europe (guerres des Balkans), favorise chez les tenants du nationalisme le plus radical, l'extension des idées panturquistes, qui préconisent l'union des "races turques" de Constantinople à la Chine. Ce projet ne peut se réaliser, selon les Jeunes Turcs qu'avec l'absorption ou l'extermination des "races non turques" de l'Empire Ottoman. Cette idéologie rend la situation plus insupportable encore pour les Arméniens, qui sont à nouveau contraints de faire appel aux signataires de Berlin pour obtenir l'application de l'article 61. Au bout de 36 ans de tergiversations, le gouvernement turc finit par céder en février 1914. Le moment semble enfin proche pour les Arméniens de voir leur condition s'améliorer. Mais le conflit mondial arrête le processus engagé. La Turquie entre en guerre en octobre 1914 aux côtés de l'Allemagne. A la faveur des hostilités, le triumvirat Jeune Turc, Talaat, Enver et Djemal, décide de se débarrasser définitivement de la question arménienne. La décision d'exterminer les Arméniens est prise: "II a été précédemment communiqué que le gouvernement a décidé d'exterminer entièrement tous les Arméniens habitant en Turquie. Ceux qui s'opposeraient à cet ordre et à cette décision ne pourraient faire partie de l'administration. Sans égard pour les femmes, les enfants et les infirmes, quelques tragiques que puissent être les moyens Une civilisation millénaire. Détail de l'église d'Aktanar à Van en Turquie. de l'extermination, sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence". (Télégramme adressé par Talaat , le 15 septembre 1915, à toutes les préfectures). Bilan: 1 mIllion et demi de mort s. Ce génocide, premier du xxe siècle, dépasse par son ampleur et ses moyens, les massacres de 1894-96. Une documentation accablante existe à ce sujet (documents officiels turcs, rapports des consuls ct des ambassadeurs, correspondances, témoignages d'étrangers, récits des rescapés ... ). C'est une partie des rescapés qui, se joignant à la population arménienne du Caucase, proclame, en mai 1918, la République indépendante d'Arménie sur les territoires de l'Arménie russe, abandonnée par les armées après la révolution d'octobre 191 7. La Turquie, vaincue en novembre 1918, reconnaît de facto l'Etat arménien. Son existence est entérinée par le traité de paix signé à Sèvres par les puissances alliées, la Turquie et l'Armée en août 1920. Mais ce traité est rejeté par Mustapha Kemal qui a repris le flambeau du nationalisme turc . L'alliance de la Russie bolchévique et de la Turquie kémaliste ouvre la porte au partage de l'Arménie. L'arménie du traité de Sèvres disparaît avec la bénédiction de la Société des Nations en décembre 1920. L'Arménie n'existe plus. Elle n'est même pas mentionnée dans le traité de Lausanne, (24 juillet 1923), les grandes puissances l'ont définitivement 38 effacée. Entre temps, la France, qui a promis la création d'un foyer national arménien en Cilicie, où s'est regroupée une partie des rescapés des déportations, s'est récusée. Le retrait des troupes françaises de ce territoire donne aux Kémalistes l'occasion de parfaire le travail de leurs prédécesseurs . Des générations dispersées sur le globe Un génocide qui raye un peuple de la carte du monde; des territoires spoliés et saccagés, imbibés du sang d'un million cinq cent mille martyrs . Des restes exangues d'un peuple mutilé d'une nation trois fois millénaire . Des centaines de milliers de réfugiés dispersés sur la surface du globe .. . La première génération d ' émigrés, assommée par la tragédie qu'elle vient de subir, s'emploie partout où elle a jeté l'ancre, à survivre, tout en entretenant le culte du passé. Tandis que dans l'Allemagne de 1939, Hitler justifie son entreprise d'extermination du peuple juif en proclamant: "Qui donc se souvient encore du massacre des Arméniens ?", ceux-ci à peine installés précairement dans l'exil, vont connaître l'épreuve de la seconde guerre mondiale qui enverra des centaines de milliers d'entre eux, mourir sous des drapeaux divers , soldats anonymes ou héros de la résistance, tel Manouchian. Les années 1945-47 verront un vaste mouvement de retour au pays: des milliers de familles quittent le Moyen-Orient et l'Europe pour aller s' installer dans ce qui représente un dixième de leurs territoires historiques: l'Arménie sov iétiqu e. La deuxième génération diasporique, née dans tes pays d'adoption, quille rapidement le stade de sous-prolétariat qui était celui des premiers émigrés et s'élève sensiblement dans l'échelle sociale: ces Arméniens-Français, Libanais ou Américains sont médecins, avocats, architectes, commerçants. A leur image, la diaspora, petit à petit s'cst structurée avec ses partis. ses égliscs, maisons de la culture, écoles. organismes de bienfai sa nce . Elle est forte de plus de deux millions d'âmcs réparties au Moyen-Orient (Liban: 300 000 ; Iran: 200 000 ; Syrie, Ira k, Egyptc), cn Europe (France: 3000(0), aux USA: (700000), en Amérique du Sud et même en Australic (1 ). Malgré l'assimilation qui guette, malgré la conspiration du silence qui entoure l'inju stice faite au peuple arménien, celuici, chaque année, le 24 avril (date anniversaire du début des déportations) se souvient de ses martyrs. En 1965, 300000 Arméniens descendcnt dans la rue à Erevan choisissant ce jour pour scander : "Nos terres, nos terres !". Le mêmc jour des manifestations imposantes ont lieu dans toutes les capitales . Plus que jamais, par l'entremise de leurs partis traditionnels, les Arménicns lullent pacifiquement pour que soicnt reconnus les droits imprescriptibles de leur peuple. Explosions de colère et de résistance Mais ces démarches sc heurtent à un mur d'indifférence et de mépris. Jusq u'en 1975. Jusqu'à ce que la coupe soit pleine. On n'humilie pas impunément un peuple sacrifié. Déjà, en 1973, Kourken Yanikian, un Arménien de 78 ans vivant aux Etats-Unis, décide de faire justice lui-même et exécute le consul et le vice-consul de Turquie à Los Angeles. En 1975 , le gouvernement turc demande la destruction pure et simple d ' une stèle construite dans l'enceinte de l'église arménienne de Marseille, en mémoire aux victimes du génocide. A cette occasion, il rappelle son ambassadeur en poste à Paris. Quelques mois après, en octobre, à peine revenu d'Ankara, l'ambassadeur de Turquie en France est exécuté en plein Paris par des tireurs inconnus. Deux jours auparavant son homologue en poste en Autriche avait subi le même sort. Les deux actions sont revendiquées par l'Armée Secrète Arménienne pour la Libération de l'Arménie (ASA LA). De nombreuses actions suivent: plus de 200 en six ans. D'autres groupes armés tels les Justiciers du Génocide, frappent également les diplomates turcs en poste à l'étranger. D'une manière épisodique, la Nouvelle République Arménienne (NRA) pour sa part frappe les intérêts turcs mais également soviétiques, tenrant de donner un certain écho aux mouvements dissidents sévèïement réprimés en Arménie soviétique (notamment cn référence à l'exécution de trois nationali stes arméniens à Moscou en 1978). En 1979, l'ONU se ridiculise en ôtant, so us la pression du représentant turc , ce fameux paragraphe 30 qui, au sein d'un rapport, cite en trois lignes le génocide arménien comme étant le premier du sièc le . L'attitude de la Turquie vis-à-vis du problème arménien ne varie pas d'un iota. Les gouvernements turcs successifs nient jusqu'à l'existence même du génocide et refusent au peuple arménien le droit d'avancer des revendications territoriales. Comble de l'arrogance, ils glorifient les massacreurs turcs comme héros nationaux, dont le seul tort à leurs yeux, est de ne pas avoir achevé leur oeuvre exterminatrice. Estimant sans doute que l'anéantissement d'un peuple ne suffit pas, la Turquie s'ingénie également à effacer toute 39 DIFFÉRENCES DECEMBRE 81 trace des 3 000 ans de civilisation arménienne sur les territoires occupés. Après le génocide, l'ethnocide; éliminer un peuple, son passé, sa culture. Occulter son avenir. Et baillonner son présent. Il faut dire et dénoncer la répression quotidienne que subissent en Turquie les quelques 50 000 Arméniens qui y vivent encore et qui sont ni plus ni moins les otages de l'Etat turc. Certains d'entre eux croupissent littéralement dans les geôles turques pour délit d'arménité. C'est pour libérer deux d'entre eux mais à travers ce cas, reposer le problème arménien dans son ensemble, que le 24 septembre dernier un commando de l'ASALA effectue une prise d'otages au consulat de Turquie à Paris. Par cette action, il veut attirer l'attention d'une opinion internationale stupéfaite qui découvre le combat d'un peuple dont les fils ont choisi de mourir les armes à la main. D'après les auteurs de cette opération, il ne s'agit pas là de terrorisme - de ce terrorisme que les détracteurs de la lutte arménienne aimeraient savoir affilié au terrorisme international - mais au contraire, il s'agit bien d'une résistance. Résistance à une injustice intolérable. D'ailleurs, l'ASALA comme la communauté arménienne se refusent à accepter les attentats du mystérieux incontrôlé - voire provocateur - "Groupe Orly", comme soutien à leur cause. Dans un monde où l'on parle de plus en plus des droits de l'homme, Ic peuple arménien rappelle que lui aussi veut vivre libre. Dossier réalisé par le Collectir des Arméniens de Paris (1) En URSS, un million d'Arméniens vivent à l'extérieur de ta RSS d'Arménie, en particulier à Moscou, en Georgie et en Azerbaïdjan. BIBLIOGRAPHIE LES ARMENIENS: HISTOIRE D'UN GENOCIDE, par Y. Ter~on - Seuil. Le "classique" sur le génocide, avec une bonne lI1troduction sur le peuple arménien., 1915 : LE GENOCIDE DES ARMENIENS, par Y. Ternon et G. Chaliand - PUFIComplexe. Un document accablant. JUSTICIER DU GENOCIDE ARMENIEN, Diaspora. Le procès cie l'assassin arménien de Talaat, tortionnaire turc des Arméniens. LA SAGA DES ARMENIENS, par V. Katcha - Presse de la Cité. L'histoire romancée d'une famille arménienne en Turquie entre 1884 et 1918. L'ART ARMENIEN, par Der Nersessian - Flammarioll. Le plus beau et le plus complet des livres illustrés. L'ARMENIE - Bibliothèque des Arts. Un superbe album de photos et un texte chaleureux . HISTOIRE DE L'ARMENIE, par R. Groussct Payot. Des origines à la fin du Moyen Age. Y.T. DISCOGRAPHIE ARMENfE : chants liturgiques du Moyen Age (OCR 66). Disques OCORA. ARMENIE: musique cles Achoughs (OCR 59). Disques OCORA. ARMENIE: musique populaire (OCR 50). Dt·.s q ues OCORA. SIP AN-KOMIT AS : Chants de mariage; chants et danses rustiques (SK 40(0). ZARIONG : pop arménienne (DOM 5000 1). Eternelle question, le racisme est-il précis, compris lorsqu'il s'agit de l'exclusion des femmes, des jeunes, des handicapés, des homosexuels ? Professeur de sociologie, Albert Memmi propose la création d'un nouveau mot. Les actes suivront-ils ? RACISME ET HETEROPHOBIE ~. 1 : ,:.: , . .-:- '.' C'MEC .. , .~. ~J":,.,: ,;" .', ' ,~~ •• k.L.' 40 vous me demandez si l'on peut toujours parler de racisme quand il est question de l'exclusion des femmes, des homosexuels, des jeunes ou des handicapés, vous tombez bien: c'est une question que je me suis posée il y a plus de 15 ans. En vérité je voulais comprendre les mécanismes généraux du racisme, et pas seulement les décrire, d'une manière pittoresque, ou simplement m'indigner. D'où la d~finition à laquelle je suis arrivée. Je me suis aperçu du reste que le racisme était lié à la domination ou à l'agression, et comme la domination est l'un de mes thèmes principaux, le racisme est vraiment au centre de ma réflexion. La difficulté de votre question, le trouble actuel, vient d'abord d'une équivoque du mot "racisme" lui-même. Le mot racisme veut signi fier "une t héorie qui propose l'exclusion nécessaire des races différentes et inférieures parce que différentes du raciste". Le sens courant et etymologique, c'est bien le sens biologique. A strictement parler donc, on ne devrait pas utiliser le mot racisme quand il est 4uestion d'autre chosc que de races. Or, on s'aperçoit de ceci: quand on interroge les gens, ils ne sont pas toujours préoccupés par le facteur biologique. Bien sûr, il existe des racistes conscients et organisés en quelque sorte, qui revendiquent ouvertement l'accusation biologique, ils soutiennent insolemment qu'il existe des peuples qui sont foncièrement mauvais, qui sont difformes, qui ont une odeur particulière, des mains crochues, etc ... Mais beaucoup de personnes négligent le facteur biologique pour insister sur autre chose: les accusés seraient plus psychologiquement néfastes, économiquement dangereux, politiquement nocifs, quelquefois même, métaphysiquement redoutables et d'ailleurs punis, les Juifs, par exemple. seraient sous le coup d'une malédiction divine, les Noirs auraient été écartés par l'Eternel des bienfaits de la civilisation. Voilà pourquoi "il est juste" qu'ils soient victimes du raciste. Alors va-t-on dire que ces accusateurs, au nom d'une prétendue psychologie, d'une prétendue économie, ne sont pas des racistes simplement parce qu'ils accordent peu d'importance à la biologie. Voilà pourquoi j'ai cru nécessaire de mettre au point une définition qui tiendrait compte de ces deux aspects du racisme: un sens étroit, qùi reposerait uniquement sur la biologie, sur la différence biologique; et un sens large qui engloberait toutes les différences, vraies ou fausses, psychologiques, politiques, économiques, etc... Avec cette exigence supplémentaire: sens étroit et sens large doivent tenir dans une même définition, puisque les mécanismes fondamentaux de tous racismes sont liés: c'est la définition que j'ai proposé à l'Encyclopédie Universalis, qui a bien voulu l'admettre et qui est devenue en effet, d'usage courant. Permettezmoi de la rappeler: Le racisme c'est la valorisation d'une d{[jërence au profit de l'accusateur et au détriment de la victime ajïn de légitimer une agression ou un privilège. Vous voyez que cette formulation prévoit les deux cas possibles: le racisme biologique raciale, et le racisme au sens large qui incluerait cette fois les femmes, les jeunes, les homosexuels, et les handicapés ... et même les animaux, si vous voulez. Chaque fois que l'on veut agresser, opprimer quelqu'un, il est toujours possible de nous découvrir une différence importante avec lui et dc là, la déclarer désast reusc à son dét riment. C'est un peu comme une balance, par exemple, les hommes abaissent les femmes pour se grandir. Cela dit et bien noté, je voudrais insister sur un point, même si cela doit heurter: si les différences sont effectivement la racine de toutes exclusions, cela ne signifie pas que les différences n'existent pas. Elles peuvent exister ou non. Le racisme n'est pas dans le constat d'une différence mais dans son utilisation contre quelqu'un. Du reste dans le cas des femmes et des hommes, les différences biologiques existent. Personnellement je serais même très chagrin qu'elles soient escamotés. Par exemple: je regrette les vêtements unisexes, la confusion dans la longueur des cheveux et tout ce qui me priverait de la grande joie de la différence féminine. Vous voyez que c'est une position exactement inverse à celle du racisme. Le racisme fait de la différence quelque chose de mauvais, moi j'en fait l'occasion possible d'une richesse ... On ne peut tout de même pas dire qu'un Noir n'est pas reconnaissable biologiquement. Mais la couleur de la peau ou même des traits différents n'ont jamais eu la moindre signification sur le quotient intellectuel ou la moralité de quelqu'un . Croyez que même les jeunes gens ne soient pas déjà d'une autre catégorie biologique? Maintenant que je suis un homme à mi-course, et même si je les aime beaucoup parce que je suis professeur, je les trouve agités, bruyants et mêmes brutaux ... mais je ne dirais pas que je leur suis supérieur, au contraire, hélas! D euxième remarque: la différence fait peur. Je lisais l'autre jour que le maire d'une petite ville balnéaire avait exprimé quelques réserves devant un séjour d'une colonie d ' handicapés sur la plage. On a crié au scandale. En tant qu'humaniste nous n'avons pas le droit, même d'hésiter sur la présence des malades dans les lieux publics. Mais si nous voulons comprendre le mécanisme de l'exclusion, et espérer y remédier, nous devons tenir compte de ces angoisses devant les ratés de la nature, les séquelles des accidents de la route ct de la maladie, la vérité est que l'on a peur de ce qu'on ne comprend pas, cie l'inconnu, donc des différences .. . Je suppose que cela vient de l'histoire de l'espèce, l'inconnu peut être la source du danger. Troisième remarque enfin: le difficile problème de l'hostilité et de l'agressivité
- prenons le meilleur des cas, la relation
érotique cntre hommes et femmes, mais là il y a hostilité, agressivité, là encore je pense qu'elle vient de la peur, elle est provoquée par une différence biologique. Cela dans les deux sens: car, si les femmes ont peur des hommes (la jeune vierge à peur de la pénétration) l'inverse est également vrai, les hommes ont peur des femmes notamment du sang, sym bole de la mort. J'ai oublié de vous parler des homosexuels. Les mêmes schémas sont valables. Il ne suffit pas de clamer son indignation devant leur exclusion. Il faut l'expliquer. Il existe indéniablement un malaise chez les gens "normaux" qui provient d'un double désordre. Le désordre biologique est manifeste. La norme biologique est la copulation hétérosexuelle . Le législateur ne peut pas ne pas en tenir compte même pour protéger les homosexuels. Il existe aussi un désordre psychologique: une société vivante est une société qui se reproduit, sinon elle est condamnée à sa disparition. Les éléments homosexuels sont des éléments condamnés à disparaître. C'est, pardonnez cette métaphore, les mulets de la race humaine, naturellement cela ne veux pas dire qu'il faille persécuter les mulets, ils peuvent même rendre de grand service, très spécifique ... 41 numéro spécial LES DISPARUS POLITIQUES • Le point sur la «disparition» comme méthode de gouvernement en Amérique latine, mais aussi en Asie et en Afrique. • Des témoignages d'anciens détenus- disparus et de leurs familles. • Un dossier sur les nouveaux problèmes juridiques posés par ces disparitions. • Une approche «éthique» de la question par plusieurs personnalités. novembre 81 - 12 F clOIssance etH JeU"" nMfOM BULLETIN A RETOURNER A C.J.N.-DEV., Lydie Bonnet, 163, bd Malesherbes 75859 Paris Cedex 17 Règlement joint à l'ordre de C.J.N. nom .................. ......... ... ........ .. .. ......... ........... . adresse ........ ............. ........................ .......... . • désire recevoir le n° 233 (numéro spécial) 12 F 0 • s'abonne pour un an (offre spéciale: 12 nOau lieu de 11) 120FD BETTY BARON prêt à porter féminin 52, rue d'Aboukir - 75002 Paris tél. 233.92.98 Au fond je ne respecte pas davantage les mythes et les tics de mes amis de gauche. Voyez l'extraordinaire succès de ce que je m'obstine à croire fallacieux. Tout le bruit que l'on fait autour d'un retour à de prétendues "racines". C'est vraiment un mythe emprunté à la droite, celle de Maurice Barrès, de Mauras. Je sais même d'où cela vient : se sont les libérations nationales qui ont eues besoin, pour s'affirmer, d'insister sur leur passé. Mais si les opprimés ont quelques raisons, provisoirement, d'affirmer leur identit é contre leurs dominants, la généralisation d'une telle entreprise me paraît dangereuse ... Mais revenons à nos affaires, oui les gens différents suscitent de l'appréhension, donc de l'agressivité, il faut donc éduquer les gens la dessus, leur apprendre à respecter les différences, les minorités et même à les aimer. Mais pour cela il raut comprendre cette appréhension . Il faut veiller à ce que cette appréhension ne se transforme pas en violence et en instrument d'oppression . Pour résumer et pour revenir à votre question, j'ai proposé d'utiliser dorénavant deux mots au lieu d'un, on réservera le mot raciste essentiellement à Charles DIFFÉIU:NCES DECEMBRE 81 G. LE QUERREC/ MAGNUM l'exclusion biologique; pour les autres différences, femmes, homosex uels, handicapés, jeunes etc., je propose le mot d'hétérophobie, qui signifie au sens large la phobie je l'autre . C'est cette phobie qui se transforme en refus de l'autre et mène à l'agressivité. C'est sur cette explication agressive que se greffent tous les prétextes et les alibis: la concurrence socio-économique fait se "légétimer", par l'infériorité, des menaces de commerçants Juirs et maintenant des commerçants Arabes, les petits épiciers ou les fournisseurs de pétrole. Question pratique, enfin, comment lut ter contre le racisme? Si les mécanismes sont communs à tous les raci smes, alors il faut agir pour qu'il y ait une luite commune avec toutes les victimes. Mais dans la mesure ou chaque racisme, ou plutôt chaque hétérophobie, est spécifique il faudra que chaque catégorie déterminée organise spécifiquement la défense de son existence. Solidarité générale et action ponctuelle. Albert MEMMI Professeur de sociologie à l'Université de Paris X Nanterre, où ces cours de oetlc année ponent précisément sur "Racisme et xénophobie" ct, sur la "Dépendance' au tabac". Ecrivain, il a publié une quinzaine d 'o uvrages; des romans, dont dernièrement "La Dépendance", qui étudie aussi bien l'alcoo l, le tabac ou le café, que la dépendance amoureuse ou la dépendance de l'an. 1\ est l'a uteur éga lement d 'une trentaine d'études techniques , dont deux articles de bases su r le "Racisme" et la "décolonisation" dans l'Encyclopédie Universalis. C'est également lui qui forga le thème de JudeHé qui a brillamment réussi. ' Aujourd 'hui rêve de se relll etire au roman, quand il en aura le temps; pour le moment il voyage pour exposer sa théorie de la dépendance, sujet d'actualité s'i l en est. VARS Alpes du Sud 1850 -25801 m UNE SEMAINE PA~~tn~!~!! 1 615 F vin compris. deDuis PARIS LE VOYAGE EN GREeE 6, rue de l'Echelle, 75001. Tél. 260.30.20 Nom Adresse: ------------------- ______ Tél. · Prière de me renvoyer sans engagemeflt de ma part votre documenlallon VARS, HOTEL OLYMPie. ~ GR!:CE 820 LICENCE 594 42 La Commune vaincue, la "vierge rouge" est déportée en Nouvelle-Calédonie. Découvrant les Canaques, elle soutiendra leur révolte en 1878 et inventera pour leurs enfants de nouvelles méthodes pédagogiques. Eve Ruggieri raconte ... L e 10 décembre 1873, "La Virginie" entre dans la baie de Nouméa. Louise est émerveillée, c'est un éblouissement. Le ciel est d'un bleu intense, la terre rouge et ocre, plus loin les collines prennent tous les toris de bleus tendres. Quel hiver inattendu pour ces Parisiens! Le gouverneur du bagne, Gautier de la Richerie, les accueille. Il a une bonne nouvelle à leur annoncer. .. les femmes n'iront pas à la presqu'île Ducos avec les hommes, c'est trop dur, on leur a préparé des logements à Bourail, sur la Grande-Terre. Comment! elles bénéficieraient de mesures de faveur! Louise et Nathalie(l) refusent avec violence et menacent, si on les sépare de leurs compagnons, de se jeter à la mer! Peu habitué à tant de détermination, le gouverneur cède. Et on s'installe. Louise retrouve d'anciens amis, arrivés avant elle. Chacun s'organise. L'administration fournit des vivres et quelques ustensiles; c'est tout. On construit donc des cases, avec un petit jardin autour. Louise ne cesse de s'extasier. Tout l'enchante: les cyclones et les tornades, les oiseaux, les serpents et même les araignées. "Une petite araignée transparente a l'air d'une goutte de rosée rouge; une grosse blanche, pareille à une énorme noi .. sette, est estimée pour son goût fin par les Canaques ... " notet- elle. Elle goûte tous les friuts : " ... figues sentant la cendre, pommes âpres de l'acajou, grosses mûres couvertes d'une couche blanche qui ressemble au sucre mais qui ne sent rien, prunes jaunes à l'énorme noyau rond ... je les aimes tels, bien mieux que ceux d'Europe". Elle observe les arbres, les plantes, les insectes et écrit les résultats de ses observations avec un sérieux réellement scientifique, mais aussi en poète. Elle obtient une serre, vaccine les papayers de l'île ... Et puis elle se lie d'amitié avec Daoumi, jeune Canaque employé à la cantine. Il lui apprend la langue canaque, l'aide à établir un glossaire usuel du vocabulaire. Elle est attirée par cette civilisation qu'elle ignore, aime entendre chanter Daoumi. Elle étudie la musique canaque, se fait traduire les paroles des chants, raconter les légendes des tribus. Et elle note tout, en première et consciencieuse ethnologue. (En 1885, à Paris, elle publiera Légendes et chants de geste des Canaques). De son côté, Louise apprend à Daoumi tout ce qu'elle peut. Elle fera de même pour d'autres Canaques mais clandestinement, car les déportés n'ont pas le droit d'aller jusqu'à la forêt où vivent les tribus, Intrépide Louise qui, une nuit, se rend toute seule dans la forêt. Qui est-elle, cette blanche qui vient désarmée parmi eux? .. Les Canaques lui demandent qui elle a tué pour être au bagne, elle leur raconte la Commune, leur expliquant par la même occasion la différence qui existe entre prisonniers de droit commun et politiques: " ... j'ai voulu avec de nombreux amis, renverser les méchants du pouvoir. - Alors toi bonne, dit le chef canaque ( ... ). Je lui expliquai le plus succinctement possible les différentes phases de la lutte qui avaient ensanglanté Paris et il n'eut pas de peine à comprendre le rôle que j'avais joué, - Toi guerrier comme nous, dit-il". (Mémoires). Hélàs, les Communards comme les autres vivent entre eux et ne daignent pas se tourner vers les autochtones, ces "cannibales", "ces sauvages" ... Qu'il y a loin des idées libertaires à leur application ! Ils ont monté un théâtre où ils jouent ce qu'on joue à l'époque à Paris: vaudevilles, opérettes, dra- LOUISE MICHEL CHEZ LES CANAQUES"IDCC~ 43 mes. "Il faut avouer, écrit Louise, que les jeunes premières avaient de grosses voix, les mains dans les poches de leur jupe comme si elles y cherchaient un cigare ... car c' étaient de grands jeunes gens." Mais elle est profondément déçu et indiguée lorsqu'elle invite un orchestre canaque, et que ses compagnons sont scandalisés, On l'accuse de "sauvagerie", elle passe pour être "plus canaque que les Canaques". Alors, fUJ ..J ..J Q
'" pour voir un peu, elle invente l'histoire d'une pièce canaque qu'on jouerait en mailiots noirs et, très sérieusement, elle décrit la chose en détail. "L'histoire alla son train, écrit-elle, passionnant mes adversaires et me faisant méchamment rire au fond .. . " "- Il paraît que vous voulez faire jouer une pièce canaque ?" lui demande le jeune déporté Henri Bauer. Perfide, elle ne dément pas. C'est pourtant cet Henri Bauer qui la décrit alors comme "d'une bonté angélique, d'une inaltérable douceur. .. Je l'ai vue, dit-il, pendant des mois, confinée à sa case en jupon, en camisole, en savates, parce qu'elle avait donné ses robes et ses chaussures. Ah ! comme auprès d'elle s'évapora la légende grotesque des pétroleuses, l'invention malfaisante qui représentait les amazones communardes versant leur boîte à lait remplie de pétrole par le soupirail des maisons incendiées !" Arrivée de Louise Michel à la gare St- Lazare en Oct. 1880. L e 20 mars 1974, la nouvelle éclate comme une bombe: Rochefort s'est évadé! Il a réussi à convaincre le capitaine d'une frégate anglaise de l'emmener, lui et cinq de ses camarades. Il faut savoir que le marquis de Rochefort disposait de 25 000 francs, somme suffisante pour convaincre bien des gens. Et Louise (qui n'a certainement pas plus que ses premiers 2,50 francs) décide de suivre l'exemple de son ami. Mais elle a beau essayer, un soir de cyclone de convaincre un capitaine de l'emmener ... rien à faire! Elle reçoit des lettres de sa mère, de Marie Ferré, de Victor Hugo, Clemenceau lui envoie de l'argent, M. de Fleurville, son ancien recteur, lui écrit les nouvelles scientifiques ... Quand les Canaques se révoltent, en juillet 1878, Louise se range à leurs côtés, celui des opprimés qui luttent pour leur liberté . Et elle voit, scandalisée, ses amis de la Commune prendre parti contre eux, pour les Blancs! Sur 3 000 Communards, elle sera la seule à manifester sympathie et compréhension pour la cause canaque. Que sont les griefs des Canaques? Ils reprochent aux Blancs de les avoir dépossédés au profit des bagnards et des quelques colons, et veulent reprendre leurs biens par la force. Et comme ils sont insaisissables, on incendie la forêt. "Des hurlements efroyables s'entendaient dans la vallée, et l'on voyait au loin des corps noirs s'agitant au milieu des flammes." Elle est leur soeur, ils le savent. Une nuit, on frappe à sa porte. C'est Nouli, un chef de la montagne, et deux autres noirs. "Leurs cheveux étaient brûlés, des plaies affreuses couvraient leurs membres." " Soeur, dit Nouli, nous perdus, nous bien malheureux ! ... " I ls sont venus lui dire adieu avant d'aller se réfugier le plus loin possible, de l'autre côté de l'îJe. Alors elle déchire en trois morceaux son écharpe rouge de la Commune et leur en donne un à chacun. "Eh bien oui, je les aimais, écrira-t-elle plus tard dans ses Mémoires, et ma foi, ceux qui m'accusaient, au temps de la révolte, de leur souhaiter la conquête de la liberté avaient raison ... Qu'on en finisse avec la supériorité qui ne se manifeste que par la destruction. " A Paris, on ne l'oublie pas et sa peine "en enceinte fortifiée" est communée en déportation libre, Je 8 mai 79. En fait, elle s'est installée à Nouméa dès le début 79, et grâce aux mandats de Clemenceau elle a fini par y ouvrir une école. Elle enseigne tout le jour aux enfants de forçats, puis, comme sa réputation grandit, à tous les enfants de Nouméa. Le dimanche, elle fait la classe aux enfants canaques, car mélanger Noirs et Blancs est impensable. Et elle invente pour les petits canaques de nouvelles méthodes pédagogiques à partir de leur manière de vivre, spécifique du peuple de la forêt. On parle à Paris, de plus en plus, d'une possible libération pour Louise. Elle fait dire à Clemenceau qu'elle rentrera "avec tous ou jamais". Le 16 octobre, le reste de sa peuine est remis mais elle refuse de partir. Et enfin, le Il juillet 1880, c'est l'amnistie générale pour les Communards. Par le même courrier, Louise apprend que sa mère vient d'être frappée d'une attaque de paralysie: elle est à l'article de la mort ... Désormais Louise n'a qu'une hâte, serrer Marianne dans ses bras; elle embarque. Sur le quai, les Communards sont là, les Canaques aussi. En larmes. - Tu ne reviendra pas ... gémissent-ils? - Si, si ! je reviendrai, crie-t-elle ? Elle ne le pourra pas . Extraits du texte "Louise Michel" par Eve Ruggieri. "Eve Ruggieri raconte ... quelques femmes remarquables" Editions Mengès - 1980. (1) Nathalie Lemel, fondatrice avec Elisabeth Dmitrieff de l'Union des Femmes en pleine Commune. Nous voulons faciliter votre vie en facilitant vos déplacements. Toujours tous les jours. '" R.41P Pour mieux vivre Paris et l'Ile-de·France. Centre d'Information Téléphonique (CIT) : 346.14.14. 44 Née avec la civilisation, elle est présente sur tous les continents, mémoire de tous les siècles. "Sommaire, rudimentaire" ont clamé les défenseurs de l'ordre urbain. Mais voilà, ils sont contestés ... MO~O~'Q"b'H'ïOEN 0 UVEA U DE L'ARCHITECTURE DETERRE Les bonnes expositions en matière d ' architecture sont celles qui posent des questions au regard du temps qui nous concerne . En ce sens, celle présentée actuellement à Beaubourg, Architecture de terre, est exemplaire. Un tiers de la population du globe vit dans un habitat de ce type. Nous l'avions oublié. Utilisée depuis des millénaires sur tous les continents, avec une diversité et une invention de formes fabuleuses qui s'adaptent aux conditions pa rticulières de chaque milieu social, économique, géographique et politique, il est grand temps de ne pas la considérer comme l'objet d~ passion de quelques fous d'ethnologie . Il faut au contraire la défendre , l'aider à survivre, et pourquoi pas dans notre univers en déroute devant la crise de l'énergie, tenter d'en retirer des leçons pour l'avenir. 45 1 Un savoir-faire millénaire Tout d'abord, de quoi est faite une architecture de terre? Sans entrer ici dans tous les détails des variantes régionales, on peut retenir deux procédés . Le pisé, constitué par une maçonnerie de terre relativement graveleuse que l'on comprime dans un coffrage assez large à l'aide d'une masse qui se manipule à la main. On déplace le coffrage au fur et à mesure du séchage. Si elle a l'inconvénient d'imposer une certaine rigidité de forme, cette technique donne des murs très homogènes, sans danger de pourrissement, ni de parasites. Deuxième méthode l'adobe. On fabrique avec une terre sableuse et argileuse à l'aide de moules en bois des petites briques que l'on sèche au soleil. Au Nouveau Mexiquc, le limon du Rio Grande constitue un mélange idéal de sable et d'argilc. Dans certains pays africains, la terre est à ce point désêchéc par le soleil qu'elle peut être découpée à même le sol. Il existe une variante pauvre de l'adobe qui consiste à pét rir à la main une boule ou un pain dc terre souvent mélangé à de la paille pour accroître sa résistance, et à superposer ensuite en lits successifs. On peut pratiquement tout faire avec cette technique, voûtes, dômes, coupoles, habitat de plan circulaire, comme dans le nord de la Côte-d'Ivoire, dont les maisons de forme cylindrique correspondent à un choix formel délibéré dans un pays soumis il des vents extrêmement violents. Le pisé ou l'adobe sont protégés par des enduits. Quand ils sont en terre, on les renouvelle chaque année dans une sorte de rituel ancestral qui correspond souvent à la fin de la saison des pluies . C'est là que l'on invente, que l'on décore, en creux ou en relief, que l'on fait jouer la magie des couleurs et des motifs. Dans l'ancienne Babylone, les murs étaient recouverts de pavements émaillés. 2 Son origine, celle de la civilisation L'histoire de l'architecture de terre se lit entre les lignes de l'histoire de la civilisation. Elle est née en Mésopotamie, et dans la steppe à l'Ouest du Tigre au VI" millénaire avant notre ère, à Tell Hassuma, où nous savons qu'une population de chasseurs établit un camp, puis un village permanent dont les maisons étaient en boue séchée. En Egypte, si la brique séchée cuite au four n'apparaît qu'en 600 av. Jésus-Christ, sur la tombe de Rekmiré à Thèbes, on peut suivre la fabrication d'un parpaing, depuis le malaxage du limon avec l'eau du lac jusqu'au terre-plein de séchage au soleil. A partir du Ille siècle avant notre ère , les empereurs de Chine ont sur de longs tronçons édifié en terre la muraille de Chine, et ce type de construction s'est avéré particulièrement efficace dans la stratégie militaire, qu'il s'agisse d'Hannibal en Espagne comme bien plus tard dans l'enceinte fortifiée de la ville de Marrakech élevée au XIIe siècle. Sur tous les continents, on a construit temples, églises, villes, villages et maisons isolées avec ce type de matériaux, qu'il s'agisse de la civilisation musulmane, de celle de l'Indus, des Indiens de l'Amérique du Nord, des Toltèques et des Aztèques, sans parler, bien sûr, de l'Afrique, des Berbères ct des Dogons, comme du Ghana et du Mali. En Europe, son emploi était déjà très développé dans l'architecture pré-hellénique, civile, religieuse ou militaire. En France, on peut encore en trouver des vestiges en Provence, en Bourgogne, dans la région du Rhône surtout, près de Lyon, l'antique Lugdunum. On estime que dans l'Hexagone, les dernières construction. en pisé auraient été réalisées Juste il la fin de la seconde guerre mondiale. 3 Un mépris injustifié Cette architecture de terre que l'on défend aujourd'hui si fort, fut pourtant l'objet de bien dcs préjugés, qui demeurcnt vivaces. Archaïque, elle serait un obstacle aux aspirations sociales de progrès de scs occupants. Fragile ct ne résistant pas au temps, ellc a pourtant par de nombreux exemples dans le monde prouvé le contrairc : dc la muraille de Chine à l'Eglise fortifiée d'Istela Pueblo édifiée en 1680 par les Espagnols, au Nouvcau Mexiquc. Soignée, régulièrement entretcnue, elle défie le temps. Et dans le cas contraire cette fragilité qui lui est reprochée ne serait-elle pas une qualité? Un tas de 46 Sanaa, ville de terre crue, Yemen du Nord. terre ne laisse ni trace indélébile, ni déchet. Il peut justement être réutilisé sans fin. Qualifiée d'inconfortable aux vues dcs normes de confort occidentales, elle s'avère au contraire offrir un confort thermique qui assure une régulation optimale naturelle entre température extérieure et intérieure, et l'on songe même aujourd'hui plus que sérieusement à en faire l'architecture idéale susceptible de réceptionner l'énergie solaire. Architecture "pauvre", "de pénurie", elle ne fait appel qu'aux ressources locales, en main-d'oeuvre comme une matière première. Ne serait-ce pas là un potentiel de richesse fantastique, les argiles et Ics latérites propices à la construction en terre crue consliluant 74 !TJo de l'écorce terrestre, que de s'offrir le luxe de refuser l'endettement lié à des contraintes li 'importation de matériaux et de main-d 'oeuvre dite qualifiée, hors de prix. "Sommaire" rudimentaire peut-être, mais certainement des merveilles d'invention où le génie créatif des bâtisseurs a su concilier le fonctionalisme des proportions d'espace propre à chacun et une ornementation qui s'intègre parfaitement dans les murs ct les sols. 4 Les militants de l'architecture de terre Les défenseurs de l'architeeturc de terre, c:eux qui ont compris que les défauts qu'on lui imputait étaient aussi ses qualités, ne sont pas tous nés d'aujourd'hui. Le premier est même un Français. Et ce n'est pas tout à fait Ull hasard, s'il est né à Lyon en 1740. Pendant la Révolution française, il tenta de rationaliser les traditions ancestrales de sa région et inventa même une technique, "le nouveau pisé", qu'il tenta de mettre au service de la société nouvelle qui s'instaurait alors en France. Cc sont ses travaux publiés en Italie, puis au Danemark, aux Etats-Unis et ensuite en Australie qui déclencheront un intérêt pour une architecture dite moderne, qui sera po urt ant en terre crue. Plus près de nous il faut citer l'architecte égyptien Hassan Fathy dont le combat militant ressemble à un sacerdoce. S'il 31 mai 2011 à 14:45 (UTC)31 mai 2011 à 14:45 (UTC)~DWFÉRENCESDECEMBRE81 construisit peu - une mosquée à Abiquiu, au Nouveau l'vlexique, qui eut un très fort impact aux Etats-Unis, - il réussit à fonder au Caire un Institut International de Recherches sur les Technologies appropriées. En Iran, les travaux de l'architecture Nader Khalili, qui cherche à revitaliser la tradition de l'architecture de terre crue méprisée du temps du Sha. Promouvoir une synthèse entre tradition et modernité, c'est aussi qu'ont tenté les architectes français et belge André Ravereau et Philippe Lauwers en construisant le centre médical de Mopti au Mali, non loin de ce monument sublime, lui aussi en terre crue, qu'est la Grande Mosquée rebâtie en 1935 . Au Mali également, il faut citer l'action du Français Roger Katan qui souligne combien de vifs préjugés subsistent contre la terre soupçonnée de faire obstacle au progrès. Aux Etats-Unis on assiste à un véritable engouement pour la terre. Et à Albuquerque, Nouveau Mexique, j'architecte Antoine Predock vient de construire une centaine de logements, somptueux certes, mais qui prouvent largement que la terre peut s'adapter aux expressions culturelles les plus traditionne. lles comme les plus modernes. 5 L'avenir: un choix politique Dans le monde entier on a voulu faire riche et faire modernc. Et faire riche, comme faire moderne en matière d'architecture, c'était adopter les stéréotypes du monde occidental: le ciment, l'acier, l'aluminium et les dérivés hyper-sophistiqués des produits pétrochimiques. Dans les pays récemment enrichis par l'or noir, c'est l'adoption effrenée du style international. Dans les autres on essaie de suivre, comme on peut. En Tunisie par exemple, L1ne à une les maisons de terre sont rasées au profit de constructions plus que médiocres, la pire copie de nos pires H .L.M. dans lesquels on étouffe, et dont les occupants sont pourtant fiers, alors qu'ils ont honte dc montrer l'ancien habitat, simplcment parce qu'ils ont le sentiment, - mais ne leur a-t-on pas assez signifié? - d'exiber leur misère. En cela d'ailleurs la déclaration, en 1977, de Julius Nyerere, Président de la République de Tanzanie se passe de tout commcntaire
- "Les habitants refusent maintcnant de bâtir Icurs
maisons en brique ct en tuile. Ils veulent pour leurs toits de la tôle ondulée, et pOlir les murs ce qu'ils appellent de "la terre européenne", c'est-à-dire du ciment! Si à l'avenir nous vouIons progresser, nous devons nous débarrasser de cette obsession qui devient une paralysie mentale.". . Faire machine arrière n'est pas simple, et SI en OCCident la découverte comme les soins apportés à ce patrimoine d'une richesse inouïe qu'est la tradition populaire, ajoutés à la menace de crise de l'énergie, est un appel à la conscience pour ne pas dire à la remise en question de tout un mode de vie, ailleurs les choses ne sont pas si faciles. Bien sûr, 1 'architeet ure de terre ne peut et ne doit pas êt re considérée comme la solution unique. Mais à travers elle on pourrait tenter de créer une continuité vivante, entre la tradition millénaire, celle qui est liée aux racines les plus profondes des individus, qu'elles soient d'ordre historique, religieux, culturel ou social, et l'invention comme l'audace liée au futur. Le choix est politique, cc sera aux responsables de la faire, ct de l'assumer. Maïten BOUISSET Architectures de terre - Exposition organisée par le c.c.l. au Centre Georges Pompidou. A mèntionner également l'excellent catalogue. 47 22, AVENUE DE LA GRANDE ARMEE ZILLI LE VÊTEMENT DE PEAU POUR HOMMES TELEX: 340487 F PARIS XVII 755.61.86 Culture Tarzan reprend du service. Après avoir été successivement symbole de l'Amérique rooseveltienne, militant de la guerre froide et du mac-carthysme, raciste bon teint, le voici second rôle, dominé par une Jane au sommet de l'affiche. TARZAN BROIE DU NOIR ç a y est, il est revenu, le dernier cri de la mode cinématographique: Tarzan, the ape man (en V.O.). Mais les temps sont durs pour lui aussi. Rien ne va plus. C'est Jane qui tient le haut de la liane. Avouez que ça l'affiche mal pour le seigneur de la jungle! En compagnie de Bo Derek on aurait plutôt envie de s'extasier comme Sotha dans Les semelles de le nuit (une libre adaptation du Livre de la jungle par le café de la gare) : Putain, l'homme objet 1. Dur quand même pour celui qui était censé symboliser l'homme blanc originel dans un berceau de l'humanité. Car c'est cela Tarzan, excusez du peu! Fruit des amours cachés du naturaliste anglais Darwin et de l'écrivain américain Edgar Rice Burroughs (1875-1950), Tarzan vit le jour en 1912. Un être paradisiaque au sens biblique du terme. Homme sans tache vivant en harmonie avec une jungle édénique. Ses amis, les animaux, y évoluant en paix, manifestement heureux de cette allégeance exprimée à demi-mots ("Ungawa, ungawa 1") envers ledit Tarzan. Les quelques récalcitrants - il yen a tout de même - sont remis dans le droit sentier ou envoyés de façon plus expéditive "ad patres" par ce maître des lieux transformés pour l'occasion en "seigneur" de la jungle. u ne des originalités, si l'on peut dire, de l'oeuvre d'Edgar Rice Burroughs (par ailleurs riche en imagination) ce sont ces zones d'ombre. En clair, les moyens par lesquels va se manifester la noirceur de l'âme humaine. Ces moyens se divisent en deux grands axes. D'une part les blancs dégénérés, en rupture de civilisation, amateurs rapaces de biens monnayables (ivoire, etc.), d'autre part la couleur locale: l'indigène. Enorme glissement qui métamorphose les habitants de cet eden en agresseurs féroces; l'élément étranger le blanc Tarzan - 48 devenant le propriétaire des lieux. Simple comme un retournement de veste. Le cinéma alors balbutiant (nous sommes en 1912), trop souvent friand de situations manichéennes s'appropria très rapidement cet homme nouveau. D'autant que le jeu de l'identification était facile pour l'Américain d'alors. Le rapport homme blanc/indigène, il venait de le vivre. Les guerres indiennes et le triomphe de cet homme nouveau - le colon - conquérant de terres pseudo vierges, faisaient partie de sa jeune mémoire. Quant à l'image du noir vu comme un danger permanent, l'Amérique aux racines esclavagistes ne pouvait guère faire de difficultés pour l'accepter. Le cinéma muet qui était à la recherche de sujets pouvant donner lieu à des séries (le "seriai" est le prototype du film à suivre) adopta et adapta Tarzan dès 1918, soit six ans à peine après sa création romanesque. L ' ironie voudra que le premier Tarzan soit incarné par un acteur dont le nom reste un symbole de la lutte antiesclavagiste: Lincoln. Elmo Lincoln exactement. Pas moins de quinze acteurs se succèderont ou se relaieront dans l'incarnation de ce héros de poids: Gene Pollar et Perce Dempsey Tabler en 1920, James Pierce en 1927, Frank Merrill en 1928, Johnny Weissmuller en 1932, Buster Crabbe en 1933, Herman Brix en 1935, Glenn Morris en 1938, Lex Barker en 1949, Gordon Scott en 1955, Denis Miller en 1959, Jock Mahoney en 1962, Mike Henry en 1966, Ron Ely à la télévision et enfin Miles O'Keeffe (recyclé des aventures de Hulk) en 1981. Sans compter "Tarzoon", son double animé sortie du crayon et de l'imagination délirante du Belge Picha ; "Schnarzan" son équivalent parodique successivement interprété par Charley Chase et Jimmy Durante ; "Nanou" un fils de fiction auquel Jan Michael Vincent prêtait son mâle talent dans une Walt Disniaiserie de 1972, et même un frère mal aimé, "Zartan", piteux héros créé par Jérôme Savary et le Grand Magic Circus, mais là nous sortons du cadre cinématographique. Sans vouloir faire un compte exact des multiples moutures auxquelles Tarzan fut mangé à travers le monde, notons tout de même qu'il fut chinois sous les traits de l'acteur Peng Fei. Xénophobe Tarzan? Allons donc! Véritable histoire du cinéma populaire à lui tout seul, Tarzan est en fait particulièrement révélateur des périodes historiques qu'il a traversées. Ce bon sauvage rousseauiste, fleuron attendrissant d'une poésie naïve, pratiquant avant l'heure le retour à la nature, s'est vu chargé d'une bonne part des phantasmes de l'Occident et en particulier de l'Amérique blanche. C'est essentiellement le grand cinéaste W.S. Van Dyke qui traduira le mieux la dimension poétique de l'oeuvre avec Tarzan, l'homme singe en 1932, et instituera pour six films le plus fameux couple de la série: Johnny Weissmuller et Maureen O'Sullivan. Le Tarzan des années 30 sera un symbole de l'Amérique rooseveltienne : travailleur, généreux, bon mari, père de famille... bref, prêt à construire un monde neuf. Les Américains eurent certainement grand plaisir à retrouver, transposé dans une jungle de pacotille, leurs problèmes de famille et leur "struggle for life". En bon américain, soucieux de l'effort de guerre, Tarzan luttera même en 1943 contre les nazis dans Le triomphe de Tarzan de Wilhem Thiele. Pour les Africains cette période ne sera pas la pire. On y sera raciste, en toute simplicité. Il y aura les bons noirs, en général ils portent les paquets ("Merci Bwana) et puis, par-ci par-là, quelques mauvais: des pygmées par exemple, féroces de surcroît. Le racisme ordinaire. L es choses se gâteront après guerre, de 1945 jusqu'à la fin des années 50. D'abord par la médiocrité des réalisateurs qui se succèderont, mais également par le climat de ces années-là. Tout ce qui ne sera pas américain sera rejeté. Sus à l'étranger, à celui qui est différent. Guerre froide, Plac-carthysme, etc. Ces tendances se retrouveront dans la plupart des films de genre. Et Tarzan n'échappera pas à la règle. D'homme bon il devient justicier, revanchard. Le manichéisme s'accentue. En 1946 dans Tarzan et la femme léopard il affrontera la secte fanatique des hommes léopards, mi-hommes mi-bêtes, individus pas très clairs dans toutes les acceptions du terme. S'il lui arrive de protéger des minorités (Tarzan et les amazones, Tarzan et les sirènes) c'est assez dans l'esprit "ne touchez pas à mes réserves". Dans la fin des années 50 la série interprétée par Gordon Scott (Tarzan et le safari perdu, Le combat mortel de Tarzan, La plus grande aventure de Tarzan) fut certainement une des plus efficaces au niveau du racisme. La brousse africaine n'y était plus présentée comme un paradis perdu mais comme un lieu hostile, semé de pièges. Les Africains y surgissaient souvent la nuit, dans des situations de cauchemar, le visage peint, l'oeil féroce, toujours prêts à mettre en branle quelque rituel sadique. Pour les jeunes esprits d'alors (Tarzan est, rappelons-le, un des prototypes du film pour enfant) la trouille n'était pas loin. Cette vision développée de l'Afrique et des Africains ressemblait à un "charter pour l'enfer". Une vraie peur du noir ... Les années 60-70 virent une extrême banalisation du mythe de Tarzan, due en grande partie au rôle de la télévision et à la médiocrité des réalisateurs-tâcherons employés. Et puis le personnage de Tarzan devenait quelque peu gênant. L e public américain n'était plus le même. L'image de Tarzan n'était guère monnayable sur l'énorme marche "noir" du film. Les spectateurs noirsaméricains revendiquant ses héros (Shaft par exemple). Et on n'ira pas 49 DIFFÉRENCES DECEMBRE 81 jusqu'à faire de Tarzan un noir comme on l'a fait de Dracula avec Bracula, prince des ténèbres il est vrai. .. Il faudra attendre 1975 et l'inénarrable Tarzoon, venu de Belgique, pour retrouver notre héros affublé cette fois-ci d'un slip trop grand, d'une Jane nymphomane, de la reine Bazonga et de ses . soldats-phallus ... et de quelques féroces pygmées! Au grand dam des ayants droit de l'oeuvre d'Edgar Rice Burroughs qui firent retirer le nom de Tarzoon du film. On aurait pu croire à la fin d'un mythe, bien que la rediffusion au cinéma et à la télévision des premiers Tarzan parlants (on l'imagine mal sans son cri) se soit accompagnée d'un grand succès public. Le charme discret de la naïveté ... Il y a tout de même de quoi être surpris de voir Tarzan en 1981 reprendre du service. Il est vrai que les choses ont changé. Glissement progressif du plaisir ... la bom be sexuelle Bo Derek a voulu tâter de l'homme-primate, probablement pour voir si son cerveau était toujours aussi gros. D'ailleurs, même les noirs ont changé: ne voilà-t-il pas qu'ils réduisent des blancs enfarinés à l'esclavage! Alors que voulez-vous, les noirs se mettent à singer les blancs, côté muscle Tarzan ressemble plutôt à une Tarzane, sexe sauvage (1) sortie d'un show homosexuel, quant à Jane elle lui pique la vedette. Vous parlez d'un changement (de) Derektion ! Pas étonnant que Tarzan broie du noir ... Jean-Pierre BERGEON (1) Tarzana, sexe sauvage film italien de. James Reed (1970) à légère tendance pornographique, dans lequel Tarzan est ... une femme. ~ En avant-première, ~ le réalisateur Souhail Ben Barka nous en parle " OK" OU LE VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER DE L'ARP ATHEID " J e suis très sensible à ce problème. L'apartheid est l'un des fléaux du monde moderne. Son existence en 1981 me semble pour le moins anachronique. Pourquoi ne parlet- on quasiment jamais d'un système qui opprime plus de 17 millions d' Africains ? Un tel silence était pour moi un défi; j'ai voulu le relever en réalisant "Amok". "Amok" est une espèce d'épopée, c'est le voyage d'une personne à travers l'enfer de l'apartheid. L'histoire de cet homme et de sa famille est en fait celle de tout un peuple opprimé; un instituteur africain (Robert Liensol) qui vit dans un petit village à 600 km de Johannesburg reçoit une lettre lui annonçant que sa soeur est gravement malade et qu'il doit se rendre à son chevet dans le ghetto de Soweto. Ce voyage nous permet de pénétrer l'univers de l'apartheid, d'en saisir le pourquoi et le comment. Avec cet instituteur, nous pénétrons dans ce labyrinthe inextricable qu'est la vie d'un noir dans les banlieues des grandes villes. Ce n'est pas l'apartheid mesquin qui nous a intéressé, ce sont les problème aussi fondamentaux que réels que nous avons essayé de montrer, et quasiment de définir. "Amok" n'est pourtant pas un film didactique bien qu'à certains égards on pourrait le qualifier de film documentaliste. "Nous avons reconstitué avec une grande minutie des événements qui se sont réellement passés, ainsi les manifestations au Stade Orlando, à Soweto en juin 1976. "Le film se passe dans deux univers. Celui des blancs à Johannesburg a été filmé par une équipe anglaise, celui des Africains et plus particulièrement Soweto a été reconstitué à Conakry en Guinée. "Nous avons réalisé ce film dans une optique grand public, aussi bien pour l'Europe que pour l'Afrique, car en Afrique même la majorité des gens ignorent ce qui se passe là-bas. Pour beaucoup d'Africains, l'apartheid c'est au pire le racisme tel qu'on le voit dans les films américains. "Avec cet instituteur nous allons revivre toute l'histoire de l'Afrique du Sud de 1962 à nos jours. Il n'y a pas de références précises à un personnage ayant existé, hormis un hommage aux grandes figures de la lutte de libération nationale
- Mandela, Steve Biko, etc. Dans la
bande son du film nous avons également reconstitué certaines scènes ce qui laisse apparaître bien sûr les slogans de l'ANC, du Black consciousness ... sans pour autant en faire un film à tendance politique précise. "Ce film a été co-produit par le Maroc, la Guinée et le Sénégal. "Il me faut souligner l'aide importante accordée par la Guinée et la qualité de l'engagement contre l'apartheid de tous ceux qui m'ont aidé." HA mok". Réalisateur Souhail Ben Barka, avec Myriam Makeba, Robert Liensol, Douta Seck, Richard Harrison, 1 John Garcoe, Edmond Purdom. Musique: Myriam Makeba et les Gobelins. Propos recueillis par Jean-Pierre GARCIA Précision bibliographique: suite à l'article "la Caméra enchantée" parue dans notre numéro 5, des lecteurs demandent les références exactes du livre de notre collaborateur, Yves Thoraval. Il s'agit donc de Regards sur le cinéma égyptien, éditions L 'Harmattan, seul ouvrage retraçant l'histoire du cinéma égyptien, en étudiant les principaux auteurs et donnant une filmographie détaillée. 50 11, rue des Fontaines-du-Temple 75003 PARIS. Tél.: 887.47.20 MËTRO: ARTS-et-MËTIERS/TEMPLE MANUFACTURE DE VETEMENTS CREATIONS - NOUVEAUTES SPORT et CONFECTION SPECIALITE de VETEMENTS d'ENFANTS 16, rue du Roi de Sicile PARIS 4" - Tél. : 277.36.22 SAM JUNIOR S.A.R.L. Vêtements CUIRS PEAUX FOURRURES 79, rue Charlot 75003 PARIS Tél. : 272.77.99 TRANSFORMATEURS SELFS BOBINAGES DIVERS CONSTRUCTIONS RADIO-ÉLECTRIQUES MAXWELL 296. rue de Rosny - 93 MONTREUIL Tél. 287.75.26. - Lu Vu Entendu31 mai 2011 à 14:45 (UTC)31 mai 2011 à 14:45 (UTC)~1 DISQUES The King Kong compilations (Island IRSPIZ. Imp. Phonogram) [' En surtitre "The historie reggae recordings 1968-1970". Ce n'est pas une publicité mensongère. Indispensab le pour connaître, vraiment connaître l'itinéraire de la musiq ue jamalca ine. Avec "A bird of legend" (C'.B .S .) l'autre disque sur l'histoire du reggae . Janino dos Santos " Cabo "erde nha terra" (JDS 1001) cJ Une pure beauté! Les influences portugaises se mélangent aux racines africaines comme par enchantement. De ce mariage forc é, naît un chant d'amour et d'espoir très prenant. Malheureusement non distribué, se trou ve essentiellement dans les FNAC'. Fawzy al-aiedy "Amina" (SH 301133) r_. L'audience de Fawzi al-aiedy ne suit malheureusement son talent. Celui-ci destiné aux enfants fait connaître la musique arabe dans sa diversité. Un bon cadeau pour les fêtes. Shanon Jackson and the Decoding Society "Nasty" (Moers Music 01086. Distribution DAN) r J Cinq titres carrés mais pénétrant s. Shanon Jackson (batterie) rythme avec violence les mélodies déchirantes de trois saxophones et deux basses. Un moment de silenc:e s'impose après l'écoute de ce disque. REVUES Pluriel, nO 26, 1981 o La revue Pluriel s'occupe des relations inter-ethniques, des relations raciales , des problèmes des minorités face à la question nationale. Au sommaire de ce numéro un grand dossier sur l'Occit anie. Diffusion l'Harmattan, 16, rue des Ecoles, 75005 Paris. Masques, n° Il , automne 1981 o Au sommaire un important dossier sur la répression des homosex uels en Argentine, des interviews de Pascal Bruckner, de Copi, un article so uvenir sur Violette Leduc et les rubriques habituelles
- activités militantes, critiques
de livres, de films et de pièces de théâtre. Musiki, n° 1 o Saluons la sC/rtie d'une nouvelle revue consacrée entièrement à la musique noire, tant africainc qu'américaine. Il y a aussi des rubriques de danse, de théâtre, de cinéma toujours dans le cadre du discours de la négritude. Elle est diffusée largement en France, dans les pays du Maghreb et en Afrique. l'vlusiki, 45, rue Richer, 75009 Paris, tél. : 523.32.38. ,CINEMA Coup de torchon de Bertrand Tavernier (France 1981) _ Comment notre sens de l'humour et les préjugés racist es du "temps béni des colonies" en prennent un sacré coup. Les paraboles violentes et amères ne laissent pas le spectacteur sortir indemne. Notre fille de Daniel Kamwa (Cameroun 1981) Les seèncs de la vie de province camerounaise ont toute la force d'une nalveté décapante. Le détournement de l'occidentalisation à outrance de certains africains fait beaucoup rire . Qu'en pensent les camerounais en exil forcé? l.a Fïlle offerte d'Helma Sanders (R.F.A. 1981) ~ L'une des révélations de Cannes par l'au teur de "Allemagne mère blafarde" . A ne pas manquer . C'est autre chose que Christiane F. ! THEATRE Mahjoub Mahjoub par la troupe palestinienne de Jérusalem El Hakawati Théâtre de la Tempête, 3-26 décembre [l Mahjoub meurt vers les années 1996. On évoque sa vie au cou rs de la veillée mortuaire. Mais le mort veille à ce qu ' il ne soit pas dit de bêtises . La troupe El Hakawati, créée en 1977 se veut "théâtre arabe" mais ne sacrifie jamais à l'orientalisme ou au folklore . Il s'agit pour elle de témoigner de la réalité palestini enne d'aujourd'hui "sous l'occupation israélienne". Bons et l.oyaux Services de Julio Cortazar par Rosine Gueuniaud, mise en scène de Frédérique Ruchaud Théâtre de la Huchette C Une femme simple et digne raconte une anecdote de sa vie de domestique et désigne ainsi le mépris profond de la classe des maîtres. Une excellente prestation d'une comédienne rare. Telen~' d'Oscar Wilde, mise en scène d'Yves Carlevaris Théâtre de 10 heures .J Une pièce oubliée sur les amours tragiques de deux hommes, qu'Oscar Wilde écrivit juste avant d' être emprisonné et brisé pour cause d 'homosexualité dans l'Anglet erre puritaine. Un petit spectacle très bien tourné dans un adorable théâtre du début du siècle qui risque d'être transformé en self-serv ice. Allez tous signer la pétition. l.a Chute de l'égoïste Johann F'atzer de BertoU Brecht, mise en scène de Bernard Sobel Théâtre de Gennevilliers jusqu'au 17 janvier j Qui a raison, l'homme qui ne vi t que dans, par et pour le groupe ou l'homme qui sauve sa peau et n'agit que pour son compte? Dans ces fragments écrits entre 1927 et 1930, Brecht raconte la fable des rapports de l'égoïste Fatzer avec son groupe, lui-même hors société puisqu'il s'agit d 'un groupe de déserte urs. Toujours autant de plaisir à voir Brecht s'empoigner avec l'idéologie. LIVRES Un enfant dans la guerre par Saïd Ferdi Editions du Seuil [J Saïd à 14an5, en 1958, en Algérie, arrêté par les soldats français, torturé à l'électricité, prisonnier, martyri sé, se transforme en mouchard, en larbin, pour seulement survivre . Où est l' innocence à 14 ans et comment la perd-on? C'est si jeune qu'on rate sa vie? A 18 ans, Sald n 'aura. d'autre ressource que d'entrer en France dans l'armée française. A 37 ans, aujourd'hui, il est à la retraite. l.es Hommes au triangle rose, journal d'un déporté homosexuel 1939-1945, par Heinz Heger, préface de Gu}' Hochenghem, Editions Persona LJ Dans les camps de concentration, de Buchenwald à Dachau, en passant par SashsenhausenOrienenbourg et Flossenbourg, il y avait des politiques (triangle rouge), des droits communs (triangle vert), des juifs (triangle jaune). Ça, tout le monde le sait . Il Y avait aussi des homosexuels (triangle rose) et ça on ne le savait pas, et ce n'est pas un hasard . Qui diable a]Jail exhumer ces vieilles histoires, au profit de quelle cause? Les droits de l'homme? Allons allons, tous les hommes so nt égaux, mais certains moins que d'autres et il y a 51 génocide et génocide. Comment les al.liés auraien t-ils pu fustiger les méfaits des nazis dans ce domaine alors que dans leurs pays respectifs, ils avaient de telles pratiques, plus douces certes, mais partant de la même philosophie d'exclusion de certains considérés comme sous-hommes? Le livre de Heinz Heger raconte cela exactement: comment les homosex uels avaient droit à toutes les humiliations et les tortures des autres déportés plus ce lles spéci fiques à leur sexualité et surtout conformes à l'idée que se font les hétérosex uels (ou qui se di sent tels) de cette sexualité (c'est-à-dire ignoble, effrénée, perverse, etc.) II faut lire ce livre et, dans la foulée, aller voir au Théâtre de Paris les excellents coméd iens, Bruno Cremer, JeanPierre Sentier, Didier Sauvegrain qui jouent la pièce qui en a été tirée : Bent. l.'Empire transsexuel par Janice Raymond Editions du Seuil "1 Les transsexuels sont generalement des hétérosex uels et il y a plus d'hommes que de femmes qui demandent à changer de sexe. Là-dessus tout un empire médica'i - et financier - s'est construit. Une lecture féministe d'un curieux phénomène social. Très documenté. l.'Aube d'un jour nouveau, 21 poètes africains par Catherine Belvaude et Paul Dakeyo Editions Silex cJ Dans l'Afrique du Sud raciste où les conflits sont toujours à leur point d'incandescence, où la révolution peut déferler d'un moment à l'autre, la poésie demeure la façon la plus évidente de s'exprimer et le véhicule le plus souple pour faire passer les idées politiques. Ils sont quelques uns comme Brutus, Nkosi, Mandlenkosi, Breytenbach à ne pas renoncer. Une poésie très forte . Cahiers de doléances des femmes en 1789, préface de Paule-Marie Duhet Editions des . 'emmes o En 1789, pour la convocation des Etats Généraux, les cahiers de doléances sont faits par les hommes. Les femmes, on ne demande pas leur avis. Pourtant certaines prennent la parole, surtout les femmes des com munautés religieuses et des communautés marchandes. Cet ouvrage rassemble doléances, pétitions, relations d'événements et manifestes qui vont de la défense des intérêts précis à des revendications sociales plus générales . Passionnant. En débat SE PRIVER POUR VAINCRE LA FAIM ? L es chiffres sont là, terribles. Enyiron, cinquante millions d'hom_ mes, de femmes et d'enfants meurent de faim chaque année. Autremet dit: 40 000 enfants par jour! En 1980, c'est plus d'un milliard d'hommes qui n'ont pas eu suffisamment à manger. Les années passent et l'on a l'impression que rien ne change. Pire que la situation s'aggra\'e. L'ancien président de la République française VINCENT LABEYRIE Professeur à l'Université de Pau Directeur de l'IBA (Institut de bioseniotique expérimentale des agnI-systèmes) , ,se priver pO~"' v~in.cre la faim est une Idee genereuse mais qui ne correspond pas aux nécessités. La famine est due au détournement des meiffeures terres de leur fonction primordiale: nourrir les populations autochtones. Les empires coloniaux ont conçu des structures pour l'exportation des produits agricoles générateurs de projïts élevés
- teffe est la nature des Instituts techniques
créés par la France et l'orientation des recherches du GERDA T (Groupe de Recherche pour l'Agriculture Tropicale). Les cultures vivrières et leurs tram/ormations pour une consommation locale ont rarement fait l'objet de programme de recherche. Lorsqu'elles ont été développées, c'est pour exportation par avion de primeurs vers l'Europe occidentale ou les Etats- Unis. L'extension par des multinationales de la production de viande exportable dégrade la situation alimentaire de Costa-Rica, de la Colombie, du Brésil, du Mali ... La production de cultures sarclées d'exportation, au mépris de contraintes économiques et savoir-faire locaux, a détruit les sols, tant des pays arides que des pays à forte pluviosité. Depuis le début de la dernière décennie, l'extension des cultures énergétiques pour obtenir de l'essence verte (éthanol) accroÎt la famine. Pour remplacer les gisements pétroliers qui ont échappé à leur contrôle, les groupes financiers utilisent l'agriculture du Tiers-monde plus facile à contrôler économiquement. Les forêts sont détruites, le manioc, l'ananas, la canne à sucre, les euphorbes s'étendent pour alùnenrer en essence verte les pays industrialisés soumis à la ayait même affirmé "il y aura toujours des riches et des pauyres". Certes, le fossé est loin d'être comblé, mais pour ne prendre que l'année écoulée, un changement - de ton au moins - a eu lieu. A Paris, la Conférence des pays les moins ayancés, à Caneun celle s~r le dialogue Nord-Sud. Toutes deux, si elles n'ont donné que peu de résultats concrets, ont fait surgir un nouvel politique énergetlque des compagnies pétrolières. A u Brésil, où l'essenC(! verte élimine les cultures vivrières, les premières émeutes de la faim ont ell lieu après la rarélactio! l des haricots; au Sénigal , l'euphorbe chasse le niébé ... L'exploitation énergétique de la biomasse aggrave la dépendance alimentaire et politique vis-à-vis des EtatsUnis. (Egypte, Somalie .. .). Le changement du 10 l/1ai, les déc/arations du Président de la République à Mexico et à Paris, doivent modifier radicalement la politique agro-alimentaire de coopération scientIfique, technique et économique avec le Tiers-monde. De nouvelles relatio!ls doivent permettre l'étude et la valorisation des potel/tialités agronomiques (plantes et animaux) pour IUller contre la faim et la malnutrition, pour atteindre l'indépendance alimentaire. Effes doivent stimuler puissamment la recherche et la technologie de notre pays, tout en libérant notre agriculture de la concurrence des multinationales de l'agro-alimentaire installées dans le Tiers-monde". - -,.j • - ---...t BRICE LALONDE Animateur du mouvement "Les amis de la terre" 52 esprit de solidarité, d'harmonie et de conciliation. Les pa~' s occidentaux, tous ceux quali~ iés ~e "riches" affirment plus que JamaIs leur volonté de faire des efforts. Est-ce suffisant? De quelle nature doivent-ils être? C'est à ce stade - comme toujours sommes-nous tentés de dire - que les vraies questions se posent. Il n'est plus l'heure des fausses réponses. , ,se ~river pour vaincr.~,lafai!'l' N est-ce pas ulle afflrmatlOlI . du type "il faut souffrir pour avoir de beaux bébés ". avec toute une philosophie culpabilisante en arrière plan? Oui, c 'est bien /'intervention massÏl'e des pays industrialisés qui est la cause première de la famine: perversion de l'agriculture, détournée des besoins essentiels, destruction des sociétés rurales au projït de bidonvilles géants. S'il faut se priver aujourd'hui, ce n'est pas pour apporter nos ressources aux peuples du Tiers-monde, mais pour arrêter de ponctionner les lellrs, de détruire et de détourner leur appareil de production autonome. Les meilleures terres du Bengladesh sont consacrées à la clliture du chanvre, celles de la Haute- Volta ail coton dont il faudra exporter d'immenses quantités ell échange de céréales. Les pays oû sévit la famine sont tous exportateurs de produits agricoles. 1/ leur faut bien vendre quelque chose en échange des armements modernes que nOliS devons leur vendre pour assurer l'équilibre de notre commerce extérieur. o La meilleure "aide" que 1I0US pouvons uCl apporter au Tiers-mo"de, c'est de
- s rechercher une économie plus rigou-
8 reuse, tendant à utiliser ail mieux notre 0.: potentiel propre et cl mieux répartir nos richesses, plutôt que de piller les ressources des autres pour assurer une "croissance" à tout prix. Et ce/à immédiatement, il en l'a de la survie de millions d'êtres humains. " AMADOU MAHTAR M'BOW Directeur général de l'lJnesco , 'J s~is convaincu que l'il1stauralton d'un nouvel ordre économique international et même social et politique doit être conçue comme une entreprise globale. Elle implique que soient traités simultanément des problèmes d'importaI/ce mondiale que, jusqu'à présent, on a eu trop souvent tendance à envisager séparément. A utant ou même davantage qu'à des réglementatiolls proprement économiques, les problèmes auxquels est confronté notre monde sont liés à une conception plus large de la société et même à /In choix de civilisation. Qu'il s'organise entre individus ou entre nations l'échange économique devrait retrouver: par-delà les intérêts en cause, son sens humain. A travers les objets échangés, ce sont d'abord des signes de communication inter-humaine, une reconnaissance positive d'interdépendances non pas subies mais voulues, l'occasion d'exercer des solidarités effectives. Au nombre des déjïs qui se posent à l'à'helle mondiale se trouvent ceux de la paix, du respect de la libre détermination de chaque peuple, de la protection des droits de l'homme, de l'établissement de rapports d'échange plus équitables entre pays industrialisés et pays dits en développement. Le nouvel ordre à mellre en place n'exprime pas uniquement la revendication d'une transformation radicale dans les échanges économiques actuels et dans la répartition des bèléfices qui en sont tirés. Il exprime un appel urgent pour qlle soit mis fin à la menace de catastrophe économique que font peser sur l'humanité le sous-développement et l'exploitation irraisonnée des ressources de la planète. L'instauration du nouvel ordre économique international doit permellre le rééquilibrage grâce auquel les populations des pays en développement connaÎtront plus de bien-être et les populations des pays développés plus de justice dans la répartition des ji'uits du développement. C'est aussi et surtout l'avènement à l'à'helle de la planète d'un ensemble nouveau de valeurs, gage d'lin monde plus juste et plus fraternel. Le développement est multidimensionnel
- il ne se réduit pas à la seule croissance
économique; économie, culture, éducation, science et technologie sont des aspects particuliers certes, mais complémentaires et solidaires dont seule la ili convergence peut assurer un développernent centré sur l'homme. Le développement est global, il doit revêtir lin caractère planétaire, car il existe une relat ion étroite entre les dlfjërentes parties du monde; et le progrès des moins Javorisés est lié à l'évolution des groupes les plus prospères. Un développement durable ne peut être que le développement de tous. Le même caractère intégré el équilibré doit s'appliquer à la répartition des fruits du développement; il ne peut y avoir développement vrai si la croissance accentue les inégalités. La répartition équitable des fi'uits du développement, exigences de justice et d'équité, est égaIement une conditio" du dynamisme du développement, au service duquel tOlites les volontés doivent se mobiliser". Mais ces déjïs possèdellt le problème plus général de l'élimination de toutes les causes de tension en commençant par celles qui sont liées à la misère grandissante d 'une fraction importante de l'humanité. La faim, la maladie, l'ignorance constituent des fléaux dont l'éradication est à la fois nécessaire et possible. Nécessaire, carla stabilité du monde est à ce prix, possible car les moyells existent. Ce qui manque peut-être encore, c'est cl la fois une vision du monde qui transcende les égoïsmes actuels et une volonté politique de la part de ceux qui sont les plus favorisés. 1/ est de l'intérêt de tous, au Nord comme au Sud, à l'Ouest comme à l'Est, defrayerles voies d'une solidarité planétaire oû chacun trO/lve les conditions d'un progrès pacifique et continu. (Extraits de discours) PHILIPPE FARINE Président de Solidarité Internationale , ,selon l'expression de Josué de Castro, qui l'annonçait il y a quelques trente ans "la découverte de l'existence de la faim est la grande découverte de la seconde moitié du xxe siècle". Tant mieux. Et voilà que l'on commence à comprendre que ce n'est pas la seule assistance qui permettra de vaincre le fléau: augmenter les crédits affectés à la lutte contre la faim, c'est bien, mais ce ne sera jamais qu'un palliatif. La "soupe populaire' " pour indispensable qu'elle ait parfois été, n'a jamais rien 53 CONTRE lA FAN résolu dans aucun peuple du monde. Et pas davantage à l'échelle planétaire. Il faut donc agir sur les causes. Donc remettre radicalement en question un système économiqlle mondial où notre prospérité (celle des pays du "Nord" industrialisé) est fondée sur l'exploitation (dans tOIiS les sens du terme 1) des richesses des pays du Sud. C'est en cela que notre propre société est remise en cause par toute action sérieuse visant à l'élimination de la faim. Celle-ci n'est pas une fatalité. Elle est la manifestation d'une situation de sous-développement. C'est celte situation qu'il faut changer. La seule lutte contre la faim qui ait donc une quelconque chance de victoire, c'est la luite pour le développement. Celle-ci appelle la mise en oeuvre d'un nouvel ordre international. A vec toutes les conséquences que cela implique dans notre propre société, en ce qlli concerne nos modes de consommation, nos objectifs de croissance, la répartition des fruits de celle-ci, la nature des liens /loués avec les pays du Tiers-MOI/de, l'invention d'une forme de "co-développement". Isoler la luite contre la faim de ce combat pour le nouvel ordre c'est la marginaliser, la réduire à l'assistance, en faire une "bol/I/e oellvre" et finalement se condamner à l'échec ". 67, rue Quincampoix · 75004 Pari •. lél. 274.27.20 SPECIALISTE DE L'ARMENIE ET DE LA GEORGIE rous inrife à 2 royages cu/fure/s • DU 17 AU 30 JUILLET 1982 ET DU 03 AU 16 AOUT 1982 Itinéraire: ARMENIE 8 jours GEORGIE 3 jours MOSCOU 3 jours Programme détaillé envoyé sur demande
- z
z ""/l George PAU-LANGEVIN vous répond Des millions de téléspectateurs ont pu la voir dans le débat des DossÎers de l'écran consacré au racisme qui suivait le film Dupont La Joie. Ils ont été séduits par sa présence à l'écran et la pertinence de ses propos. Elle répond aujourd'hui à notre courrier. George Pau-Langevin a 33 ans. Elle est née à Pointe-àPitre, Guadeloupe. Avocate. Mariée. Deux enfants. Elle vient faire ses études à Paris en 1965. Elle passe une maîtrise de lettres et de droit et commence sa carrière d'avocate en 1972. Elle adhère au MRAP en 1972, et au Parti Socialiste en 1973. Elle est Vice-Présidente du MRAP depuis 1975. Elle est également Présidente du Groupement National des Organisations et Associations des Originaires d'Outre-mer. Remonter la rivière de la vie ( ... ) J'ai eu récemment l'occasion de suivre un reportage télévisé sur les noirs vivant au Surinam. Ceux-ci sont les descendants d'esclaves d'Amérique ayant fuit les différentes répressions dont leurs ancêtres révoltés furent victintes. 54 Aujourd'hui encore ces descendants vivent comme dans les villages d'Afrique Noire. L'un des chefs, interrogé par des chercheurs, eux-mêmes Noirs américains, sur la différence de vie quotidienne entre les descendants de ceux qui sont restés aux Etat s-Unis ct ceux qui ont fuit les Sudistes Blancs. a dit: "Les Blancs et les Noirs sont sur la même rivière de la vie. Sur une rive, les Blancs sont allés très loin dans la maîtrise des éléments naturels ce ql'i leur a donné une technologie très développée. Sur l'autre rive, nous les Noirs sommes remontés très haut sur le chemin de communication entre les hommes. Et là les Blancs ont beaucoup à apprendre de nous". Et si l'on écoutait un peu plus attentivement ce sorcier, à un moment où les riches se disent à l'écoute des pauvres ct annonçent publiquement qu'ils sont prêts à les aider? N'est-ce pas une voix pour montrer comment? Les "vivre mieux" et "autrement" qui ont récemment recouverts nos murs et dont certaines affiches ne sont pas encore complètement jaunies ne passent-ils pas aussi par ce chemin là ? L GUIBER 64200 Biarritz George PAU-LANGEVIN : On peut difficilement répondre rapidement à une lettre qui pose un problème aussi fondamental. Effectivement la civilisation occidentale me semble être allée très loin sur le plan de la technologie et de la science. Ce qui lui a permis d'assurer une certaine suprématie. Toutefois les autres civilisations ont, comme le souligne ce sorcier dans sa t{ès belle phrase, développé d'autres valeurs, qui sont tout aussi fondamentales. Ce qui me semble en revanche dangereux dans cette formulation, c'est qu'on semble considérer qu'il n'~' a qu'une seule voie sur laquelle certains sont allés plus ou moins loin que d'autres. Il me semble certain qu'il y a des voies différentes, des arts de vivre qui ne se ressemblent pas et qu'on ne peut donc pas apprécier les uns par rapport aux autres, qu'il convient au contraire de respecter dans leur diversité. Le malaise que ressentent beaucoup d'hommes et de femmes des pays occidentaux montre sans doute qu'il y a encore beaucoup à faire et beaucoup à apprendre d'autres peuples concernant la relation de l'homme à son environnement et aux autres. En apprendre toujours plus Félicitations pour le dernier numéro de Différences qui me décide à m'abonner malgré le trop grand nombre de revues qui m'arrivent déjà. J 'y trouve en effet à la fois une variété de sujets et une profondeur de travail de documentation, en particulier historique, qui me conquiert. Une ou deux suggestions néanmoins: n'est-il pas dommage et un peu superficiel de consacrer environ une demi page à l'interview de Claude Charmes? Si vous manquiez de place à lui consacrer, peutêtre aurait-il mieux valu attendre le suivant et ne pas se borner à ce simple clin d'oeil vers un sujet qui, vous en conviendrez, mérite davantage et semble, sous cette forme, tronqué. Bravo pour l'article sur l'Islam, et surtout les références, bibliographies, etc., que vous y ajout ez. Ne pourriez-vous également indiquer des adresses de centres culturels, lieux de réunions, etc., où l'on puisse assister à spectacles artistiques, projections de films, débats ... , équivalents par exemple au Théâtre noir auquel vous devriez d'ailleurs consacrer un peu d'espace. Y.c. GRANJEAT George PAU-LANGEVIN : Nous nous réjouissons de ce que ce lecteur se soit abonné. Un grand nombre d'abonnements est nécessaire à cette revue pour qu'elle puisse vivre et prospérer. L'article sur l'Islam me paraît important dans la mesure où une forte communauté vivant tant en France que dans le monde est influencée par les principes posés par cette religion. Trop souvent dans l'opinion elle est purement et simplement caricaturée et détournée. Les références bibliographiques sont en effet indispensables. Elles permettent au lecteur d'approfondir ses connaissances, une fois son intérêt provoqué. Je suis très sensible évidemment à la proposition concernant l'expérience au Théâtre noir et les lieux où s'expriment cette culture trop souvent méconnue. Humour noir et danse macabre Pourquoi ne pas le d ire, j'ai été profondément choqué par votre dernier numéro sur la mort. Il me semble que là, Différence a dépassé les attributions qui me semble lui être dues. Je crois comprendre qu'il faut apprécier la page de couvert ure comme étant une dérision, mais le peuton vraiment sur cc sujet? Le titre de l'article lui-même. "Le tour du monde des morts" avec sa connotation de danse macabre, en rajoute. Non seulement c'est de l'humour noir, mais c'est de l'humour lourd. Peut-être vais-je vous apparaître un peu vieux jeu. Pourtanr je vous assure, moi aussi je sais rire. Mais dans un monde où il y a tant d'événements dramatiques, où il y a rant de tristesse et de pleurs, je crois (lU 'avant cie porter un regard "différent" sur les morts, il faut s'occuper un peu plus cl es vivants. P. GI::RMAIN 92230 Gennevilliers George PAU-LANGEVIN : Je comprends très bien la réaction de cette personne, car la mort en soi est quelque chose qui, par définition, nous choque. C'est quand même l'échéance ultime, inévitable qui frappe d'une fragilité irrémédiable tout ce que nous entreprenons, toute notre oeuvre, toute notre vie. Mais même si je comprends cette réticence naturelle à aborder un sujet aussi grave, il ne me semble pas pour autant que Différences l'ait traité d'une manière dérisoire. Il était intéressannt de se demander si effectivement la manière que nous avons dans ce pays d'exprimer le respect des morts avait une valeur universelle. En tant que telle, cette réflexion me semble non pas relever de l'humour noir mais nous aider à réfléchir sur les différences de culture qui alimentent notre pensée sur les vivants. Quelles personnalités honorables ? La lecture des avis au débat "Faut-il brûler Shakespeare" m'incite à poser la question suivante: l'avis de l'honorable professeur Chomsky dans la scandaleuse affaire du professeur Faurisson ne diminuet- il pas l'importance des prises de position des personnalités honorables? Pourquoi faut-il limiter les sondages à quelques personnalités, honorables bien entendu? Si vous acceptiez l'avis d'un militant antiraciste dans une question qui traite du racisme, je me permets de la donner. Pourquoi une oeuvre littéraire a-t-elle plus de valeur en raison du talent de l'auteur que par son contenu? Pourquoi ne pas appliquer le même jugement à la science et de rendre hommage, par exemple, aux expériences médicales du Dr Mengele à Auschwitz en raison de l'avancement qu'elles ont fait faire à la médecine? Et si on s'avisait à rendre publiques les lettres anonymes de dénonciations à la police et à la gestapo, des dénonciations que Céline a osé signer de son nom de grand écrivain? Comment séparer le citoyen Henriot du speaker de qualité à la radio de Vichy? N'a-t-on pas dit, avec justesse, que les articles et les discours de Goebbels, remarquables par leur forme, graissaient les roues des trains de la déportation? Pourquoi ne pas renouveler les représentations àu parvis de Notre-Dame des Passions, au cours desquelles on entendait la foule crier "Mort aux juifs" ? Du point de vue théâtral c'était un beau spectacle, comme l'était le spectacle "Procés à Jésus" au Théâtre Hébertot, il y a envIron 25 ans. Au fond, n'est-ce pas le pape Jean XXII et Vatican II qui ont censuré les Evangiles? Que je sache, les oeuvres de Céline ne sont pas des Evangiles. Si mon ton est violent il correspond au souvenir du combat que nous avons mené sous l'occupation dans le Mouvement National contre le Racisme (M.N.C.R.), un combat à vie et à mort et poi,nt contre les valeurs littéraIres. S. CUKIER dit A. GRANT co)ondateur du MRAP, ancien dirigeant du Mouvement juif de Résistance à Paris George PAU-LANGEVIN : Cette lettre pose une question qui n'arrête pas de torturer l'esprit de tout militant antiraciste. Je crois profondément que l'art, l'oeuvre littéraire a de la valeur essentielled'une façon générale. Et c'est ce qu'il a fait en ce qui concerne l'affaire Faurisson. Non à la pub aux neutrons ! Je suis absolument scandalisé par la publicité d'EDF que j'ai trlOuvé dans votre revue. En effet cette entreprise nationalisée obéit aux mouvements pronucléaires, n'hésitant pas devant les mensonges pour imposer cette pollution radioactive, et fait beaucoup de publicité pour encourager la consommation d'électricité de façon à tirer parti de la consommation pour imposer une surproduction qui nécessite soit disant les centrales nucléaires, bien que celles-ci consomment plus d'énergie qu'elles n'en produiront jamais ... Quant aux affluents radioactifs, tout est fait pour minimiser leur quantité ou leur nocivité. Je vous signale que si vous continuez à faire de la publicité pour EDF, je ne renouvellerai pas mon abonnement et ferai de la contre publicité à Différenment en raison du talent de ces. l'auteur. Le contenu a un B. ANDLA UER intérêt s'agissant de thèses, d'essais, mais probablement George PAU-LANGEVIN : ne suffit pas à faire une La réaction de cet abonné me oeuvre d'art, qui se caractérise semble quelque peu excessive. précisément par la recherche Je comprends aisément que de la beauté. L'ignorer, igno- certains Français se mobilirer l'impact de la beauté sur sent contre le nucléaire. C'est l'esprit humain me semble leur droit le plus absolu. Mais méconnaître les motifs pour il s'agit d'un débat dans lesquels des hommes de grand lequel je ne me sens pas autotalent on pu entraîner derrière risée à apporter une réponse des foules abusées. Le mépris définitive en ce qui me conqu'on peut avoir pour cerne. Ce que je peux dire l'auteur, la lutte qu'on doit c'est qu'EDF ne fonctionne mener contre des idées dange- pas exclusivement à partir du reuses ou néfastes, peuvent se nucléaire et qu'elle est une dissocier de l'appréciation entreprise publique dont l'utiqu'on peut porter sur la qua- lité n'est pas à démontrer. lité littéraire de l'oeuvre. Il Sommes-nous prêts les uns et faut arriver à respecter une les autres à nous passer certaine liberté d'expression d'électricité dans la vie quotide l'auteur tout en garantis- dienne? Quant à la publicité, sant à ses adversaires la possi- 0 n sai t t r è s b i e n bilité d'attaquer les idées qu'aujourd'hui toute entrenéfastes, de faire respecter prise de presse en est tribuune dignité ou des droits taire, même celles qui en ont bafoués, rétablir la vérité his- été le plus farouche ad vertorique défigurée. C'est ce saire. Il serait dommage que, que le MRAP tâche de faire pour cette question de prin- 55 • cipe, ce lecteur arrête le soutien qu'il apporte à notre combat. Sans la publicité, ce journal ne peut continuer à vivre. L'art prémonitoire et révélateur ( ... ) La place réservée à la rubrique "culture" au sens large du mot est assez importante dans ce journal ct personnellement je trouve cela très bien. Mais je remarque qu'on n'a pas l'occasion d'y trouver des reportages ou enquêtes. Pourtant l'art me semble être un des éléments de la vie où les peuples se rencontrent le plus fréquemment et où ils communiquent et s'enrichissent le plus facilement. Qui ne connaît des cercles de personnes intéressées par la musique brésilienne, chilienne, argentine, bref d' Amérique Latine et qui, à partir de ce plaisir cherchent à connaître ce continent, sur d'autres aspects culturels. A Paris, d'ailleurs, il est de nombreux amateurs qui se lient d'amitié avec les Indiens. Dans une période passée les mêmes phénomènes ont eu lieu autour de la musique noire, le jau. Tout cela pour dire, qu'à partir d'un élément artistique, tclle que la musique, on peut faire des reportagcs ct enquêtes riches d'intérêt sur bien d'autres aspects de la vie. De grands esprits soutiennent souvent que l'art à un aspect prémonitoirc ct révélateur de not re sociét é. Je pense qu'aussi bien le cinéma, les livres et la musique d'aujourd'hui en sont des cxcmpies. J'aimerais que vous les utilisiez plus fréquemlllent. M. C. /J/:LS'PA/Jf: 75013 Paris George PAU-LANGEVIN : Je suis d'accord avec les observations très pertinentes formulées sur le rôle de l'art en tant que moyen de communiquer entre les peuples. Je crois que la musique et les autres formes d'art ne sont pas suffisamment présentes dans Différences bien qu'on y ait consacré de nombreux articles. Peut-être les reportages pourraient être répartis davantage autour de certains musiciens qui font un travail intéressant pluWt que sur des faits de société qui sont plus privilégiés dans ce journal. En effet il y a des musiques qui ne sont pas seulement des formes d'art mais aussi - surtout - des moyens d'expression uniques et particuliers à certaines minorités ou à certains peuples opprimés, comme le jazz ou la musique brésilienne. Je suis pour une certaine morale ( ... ) Je remarque avec intérêt votre souci permanent de parler de l'homosexualité. La sortir de son ghetto et mieux la faire comprendre me semble être effcctivement une des tâches de votre journal. Pourtant, permettez-moi de vous dire que vous risquez de n'être guère compris de certains lecteurs, surtout en cc moment où divers scandales - et pour moi ce sont des scandales - se produisent. Vous le comprenez je fais reférence ici aux divers ballct s bleus et autres prostitutions - ct là encore j'emploie le terme volontairement - du même type qui se multiplient. Pour moi ta perversion ct le vice existe et sans prétendre êt rc un père "fouettard", jc suis pour une certaine morale. Etant antiraciste, non sculement concernant les Blancs ct les Noirs, cet tc morale ne me semble pas incompatible avec mon action. G. U :'PR/NCE /3400 A ulJagne George PAU-LANGEVIN : Je n'avais jamais remarqué que dans Différences on s'était tellement attaché à parIer de l'homosexualité. Il est certain que cette particuladté fait partie des différences relativement mal tolérées par notre société et, à ce titre, il est intéressant pour nous d'approfondir notre réflexion sur la similitude de toutes les formes psychologiques d'exclusion des différences. C'est le but d'un colloque que nous entendons mener prochainement. Touterois il me semble que la pédophilie doit être distinguée de l'homosexualité propre dans la mesure où l'enfant n'a 1 pas encore la possession de son libre-arbitre. Il doit donc être protégé en tant que tel, que ce soit d'ailleurs en matière d 'homosexualité ou d'hétérosexualité. Différences a déaoncé récemment le trafic d'enfants dans son numéro S. 56 Obrey H OR LOGE H -. T()j\ILLIER 199, rue de la Convention, 75015 PARIS Tél. : 532.85.05 INSTITUT NATIONAL DU TAPIS 13, rue Tronchet 75008 PARIS Tél. : 265.31.33 t 00·1 02, bd. Je Magenta 7S0tù Pam lei: h07.1 US REVETEMENT, EN TOUS GENRES MOQUETIES LAINE ET TOUTE TEXTURE TEXTILES MURAUX, TAPIS CONTEMPORAINS, CLASSIQUES, INSPIRATION ORIENT TAPIS ORIENT, ROUMAINS, CHINOIS IMPORTATION DIRECTE ETUDES ET DEVIS GRA TUITS - POSE PAR SPECIALISTES LIVRAISONS PARIS ET BANLIEUE EXPEDITION DANS TOUTE LA FRANCE L"ART ARMENiEN par S. Ter Nersessian Ed. AMG/ FLAMMARION 4-18 décembre • Cinéma et handicap, thème de projections vidéo salle Jean Renoir à 18 h au Centre Georges Pompidou. Ces projections se font dans le cadre des activités de la bibliothèque publique d'information. Mentionnons tout parti· culièrement les vidéos du Il décembre, Autopsie d'une exclusion et Gestes absurdes de M. Moreau, et Tu veux que je t'aide de J.F. Dars et A. Papillaut, qui évoquent les attitudes des gens normaux devant les handicapés (fuite, rejet ou surprotection), ainsi que les anomalies des constructions dites pour handicapés qui témoignent d'une méconnaissance totale de ce monde. Centre Georges Pompidou. Tél. : 277.12.33. 5-20 décembre • Expo-Vente de tableaux et lithographies au profit de l'action du MRAP. Pour ses cadeaux de fin d'année on pourra choisir parmi des oeuvres d'Edouard Pignon, de Vasarely, de JeanMichel Folon, d'Augustin Cardenas, de Gianfranco Pedduzzi, d'Arroyo ... 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : 806.88.33. 7-12 décembre • La santé, un doir ou un luxe, tell est le t hème des journées d'information organisées au Forum des Halles, à l'espace 4, par la C1MADE en collaboration avec diverses associations, dont Terre des Hommes, les comités Quart monde, le Groupement pour l'insertion des handicapés physiques, etc. Montages, diapos, films, expositions et trois débats particuliers: le 10, de 17 à 19 h "Santé et Conditions de vie", le Il de 17 à 19 h "NordSud et Santé du Tiers Monde", le 12 de 15 à 18 h "Quelle action, quelle solidarité?". CIMADE, 176, rue de Grenelle, 75007 Paris. Tél. : 550.34.43. 9 décembre • Et tous les mercredis après le journal de 20 h sur France Inter, le musicien martiniquais Henri Guédon p r,opose son émission créole. Il passe d'excellents disques de musique antillaise et raconte de chouettes anecdotes. Une heureuse initiative de Radio France. 10 décembre • Parution du rapport annuel d'Amnesty International portant sur la période de mai 80 à avril 81. Ce rapport paraît chaque année à cette date, jour anniversaire de la déclaration des Droits de l' Homme en 1948. La version française sera disponible dès janvier au siège d'Amnesty: 18, rue Théodore Deck, 75015 Paris. Tél. : 557.65.65. • Rappelons l'existence de Chronique, mensuel d'information internationale publié par Amnesty (au siège ou par abonnement). • Et tous les jeudis de 20 h à 21 h 30, cours de turc gratuits de tous niveaux, organisés par une association de solidarité des travailleurs turcs. Possibilité d'aménagement des horaires. Information sur la situation sociale et politique en Turquie. A et P, l, rue Affre, 75018 Paris. Tél. 257.89.00. 10-12 décembre • Mario Rui, compositeur et interprète de musique angolaise et le Groupe de solidarité Cap Vert sont au programme de ces 3 soirées, données dans le cadre du secteur d'animation immigration de l'ARC (Atelier de Recherche et de Création). 3, rue du Docteur Calmette, 92110 Clichy-IaGarenne. Tél. : 270.03.18. 12 décembre • Une journée consacrée aux droits des travailleurs immigrés par la M.T.!. (Maison des Travailleurs Immigrés). Une manifestation de rue avec pri,e de paroles et sit in sur le parcours: départ 14 h à Barbès. Les mots d'ordre: égalité des droits et solidarité internationale, régularisation sans condition de tous les sans papiers. La journée verra plusieurs autres manifestations dans toute la France, notamment à Avignon, Chalon-sur-Saône, Angers ... MTl, 46, rue de Montreuil, 75011 Paris. Tél.: 372.75.85. 14 décembre • Le comité "Droit et liberté dans l'institution militaire" (OLIM) tient sa réunion plénière dans les locaux de la Ligue des Droits de l'Homme. A l'ordre du jour le bilan d'activité, la suppression des tribunaux militaires ct les affaires de Cognac (intervention illégale de la sécurité militaire contre un appelé) et de Foix (vol à main armée d'un stock d'armes dans une caserne de réserve par un commando d'extrême droite). 27, rue Jean Dollent, 75014 Paris. Tél.: 707.56.35. 15 décembre • A Sedan, en conclusion de quinze jours d'animations autour d'une expOSItion sur le racisme dans les cinq Maisons de Jeunes et de la Culture, Jean-Pierre Garcia, secrétaire national du MRAP, anime un débat-bilan. 16 décembre • Une danse, angoissante, d'un érotisme brutal, c'est "Lotus Cabaret", ballet surréaliste présenté à Beaubourg jusqu'au 21 décembre par la compagnie Sebi-Ariodone, une extraordinaire troupe japonaise. A 17 h répétition publique (entrée libre) et spectacle à 18 h 30. Centre Georges Pompidou. Tél.: 277.12.33. 18 décembre • Une grande soirée est organisée par le CUARH (Comité d'Urgence Anti-Répression Homosexuelle) à la Mutualité en faveur de l'abrogation de l'article 331 du code pénal. Rappelons que l'article 331 du code pénal punit les actes "contre nature" avec des mineurs de même sexe de 15 à 18 ans, alors que dans le cas de l'hétérosexualité la majorité est à 15 ans. Au programme de la fête, Mouloudji et Catherine Sauvage. 45 F l'entrée, 35 F pour les moins de 18 ans. CUARH, 1, rue Keller, 75011 Paris. Tél. : 806.09.39. • Au lycée Emile Dubois (75014), le comité local organise un grand débat sur le racisme. Après avoir fait remplir aux 700 élèves un questionnaire, il les rassemble en deux séances il 14 h 30 et 16 h et anime le débat à partir des réponses obtenues, en présence du secrétaire national du MRAP. 19 décembre • La troupe Ned'jma présente son nouveau spectacle Amachou à la mairie de Plaisir (78) à 15 h. Amachou, ou il était une fois mon bled ... est un spectacle de marionnettas qui raconte la journée d'un petit village de montagnes en Algérie. Il a été créé au Festival de la Marionnette de Lyon. Le spectacle sera présenté aussi du II au 16 janvier 82, accompagné d'ateliers au LPS de Chelles (77). • Sz~'mon Doubnov, le grand historien juif, à l'occasion du 40" anniversaire de sa mort dans les camps d'extermination, est le sujet d'une conférence du professeur Theophil Grol à 15 h 30, 14, rue de Paradis, 75010 Paris. Renseignements à l'UJRE (Union des Juifs dans la Résistance et l'Entraide). Tél.: 770.62.16. 57 DIFFÉRENCES DEC EMBRE 81 20 décembre • Les chanteurs exotiques, sur TF 1 émission qui rassemble Stevie Wonder, Bob Marley. Georges Moustaki, Joséphine Baker ... à 22 h 15. Il s'agit dun reportage réalisé par André Halimi. Il f'aut sans doute voir l'émission pour se rendre compte de ce que le réalisateur entend par "exotique". Mais indépendamment du cadre idéologique, on est sür d'entendre de la bonne musique. 25 décembre • Les cartes de Noël, les cartes "toutes occasions" ainsi que "agenda 82", il faut les acheter à l'UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, qui assiste les enfants de 116 pays sans distinction de race. de nationalité et de religion. Avec la seule vente de 10 cartes, l'UNICEF est à même de fournir de la vitamine A pendant 1 an à 150 tout-petits, leur évitant ainsi de devenir aveugles. Les cartes proposées sont toutes fort belles et l'oeuvre de grands artistes contemporains. On peut trouver aussi dans le catalogue UNICEF divers jeux et cadeaux. Pour toute commande, Comité français UNICEF, 35, rue Félicien David. 75781 Paris, cedex 16. Tél. : 524.60.00. 26-30 décembre • Un stage de cullure cinéma tographique est organisé à Boulouris par la Fédération Jean Vigo. Au programme lngmar Bergman, la science-fiction et les images du mouvement ouvrier. Frais de participation: 320 F, hébergement et nourriture compris, frais de voyage remboursés à 50 % par Jeunesse et Sports. Inscription à la Fédération Jean Vigo, 8, rue Lamarck, 75018 Paris. 29 décembre • Date limite de réponse au grand concours organisé par PifGadget. Depuis le 17 novembre, ce journal offre de grands récits historiques en bande dessinée et propose un concours sous le parainage notamment d 'André Castelot et d'Alain Decaux: Deviens l'historien de ta région. L'enfant a le choix du mode d'expression, écrit , BD, ou cassette pour raconter un événement historique de sa région. 126, rue Lafayette, B.P. 90, 75461 Paris. Cédex 10. 1er janvier 1982 • Le banquet annuel de l' UJRE (Union des Juifs de la Résistance) a lieu dans les salons de l'Hôtel Lutétia, bd Raspail, 75006 Paris. Réservation 14, rue de Paradis. 75010 Paris. Tél. ; 77().62. 16. Humeur31 mai 2011 à 14:45 (UTC)31 mai 2011 à 14:45 (UTC)Charles 31 mai 2011 à 14:45 (UTC)§ ATfENTiON! teci EST LE PREMIER 6TAOf DU QAlISHE. Bande dessinée de Gus, exposée lors d'une initiative du comité local du MRAP de Castres . ... 1l13l~ E;.' Jt:! tt! ,13s6LJI1?,'JI5 éta~nt Vet'3 de r~LJ".' UeLJ.~na ~it~ ~ attention à ce qu ildit.' II ~I- cam ~Jte~nfnoî ... !.' QLJOi ca ... nichan!? au ~.-ce ~lJe va~ ave,3
- !I ~f'~oche ... au x ~t"n j chanfl
vous, 1h r~t':: ln., n. D'1.Il-ï:?5 val' t1' • INEDIT VOLJ6 ave3 ~14ne dU5tt canft'"e 1~5 nai"s,vlJlJ5dewc '? f audt"aihne.5LH"el-' vas pal-'Olé!S, ban~ d~ cat'njchan~.' , E)CClJ6e~ -moi! Je ~ voùlais pas V0115 offLJ::.quet"'.' So~e3- en sîJl-4/ Mi3m,mi"m, .sct"'wlLh! Moi, je tf"'ùUVc~ ,3 plutôt :a me .. .' 8"PO M .A A P J~ 5U~ in'1uièt-! ~~6t I:a pt'emiè~ foi5,que t1.:JLJ6 r~ S.:Jm mes ras v~ danE un~ histoitlc!! d~ ,..aô5m~! r------------------------ Avec vos dons, l'UNICEF intervient partout dans le monde et constru it des bases de développement durables: puits, dispensaires, formation d'infirmiers et d'éducateurs de villages, fournitures de vaccins, de matériel agraire et médical, de nourriture essentielle. C'est beaucoup. Mais ce n'est malheureusement pas assez! . Aidez-nous à prendre la pauvreté de vitesse. • UNICEF o., ,mp'",m'"' , '" ",,,, po ',,"poo,, l 1 1 1 BON A DECOUPER à joindre au versement et à adresser: Comité Français Fise/Unicef 35 rue Félicien David 75781 Paris Cedex 16. Je désire aider l'Unicef et verse la somme de F o Par chèque bancaire à l'ordre du Comité França is pour l'UNICEF. o Par chèque postal c.c.P. 150 Paris. Nom ______________________________________ _ Adresse ______________________ _____ _ Si vous êtes une entreprise. Montant du don : _ _ __________ _ Raison sociale _ __________________________ _ Adresse _________________ __________ _ DIF Quand on est une grande compagn le, les distances sont petites. C'est pourquoi le réseau Air France couvre le monde entier. 7 jours sur 7 et sur les 5 continents, en 727 ou en 747, sur Concorde ou sur Airbus. le vous ETES CHEZ NOUS DANS LE MONDE ENTIER. personnel et les équipages d'Air France sont à votre service. Pour que votre voyage se déroule avec le maximum d'agrément. Pour que vous soyez un peu chez vous à Rio ou à Tokyo, à New York ou à l'ile Maurice. Sur toutes nos lignes et jusqu·au bout du monde, vous êtes sûr de retrouver l'accuei 1 et le service qui font notre réputation. Et il ya 161 aéroportS dans le monde où vous at1end un peu de la France et de son art de vivre. Grâce à Air France. AI PRANCE f$' LE RESEAU MONDIAL.
Notes
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