Différences n°29 - décembre 1983

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Sommaire du numéro

n°29 de décembre 1983

  • Allemagne terre blafarde: des menaces néo-nazies aux remises en cause du droit d'asile, la RFA n'est pas tendre avec ses turcs par Fausto Guidice [racisme]
  • A la ville comme à la scène: 3ème journées cinématographiques d'Amiens, consacrées à l'antiracisme par J.M. Ollé
  • Ils ont tous les droits: ceux qui prétendent que les étrangers sont plus favorisés que les français par le Gouvernement se font taper sur les doigts par Martine Mehl [immigration]
  • Les enfants nus; le quart-monde sauvé par ses enfants par Anne Sizaire
  • Le Japon et ses parias par Albert Levy
  • Vers le soleil de tous les Brésils: une rencontre avec Bernard Lavilliers par Théodore Muggle
  • L'apartheid, cet anti-humanisme par Jorge Amado
  • Un vieillard mal connu: une histoire du cinema indien par Yves Thoraval
  • Nés de parents étrangers: qu'est-ce que c'est la seconde génération? Des jeunes répondent par Dolorés Aloïa, Bernard Bulliard, Jean-Jacques Pikon [immigratiion]
  • La parole à Catherine Sauvage. par Julien Boaz

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R IX vêtements BESANçoN: 1, rue Gambetta LA ROCHE-SUR·YON: 11, rue Stéphane-Gulllemé BESANCON : 1 , rue Gambetta LA ROCHE-SUR-YON: 11, rue Stéphane-Guillemé GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES: 72, avenue Gabrlel-Pérl GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72, av. G.-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE FONTAINE: Centre Commercial Record ORGEVAL: Centre Commercial "Les seize arpents" Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences. 89, rue Oberkampf 75011 PARIS Tél. : (1) 806.88.33 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Albert Lévy RÉDACTION Rédacteur en chef .Jean-Michel Ollé Secrétariat de rédaction/maquettes: Véronique Mortalsne Service photos : Abdelhak Senna Culture: Daniel Chaput Relations extérieures : Danièle Simon ADMINISTRA TION/GESTION Khaled Debbah ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO: Dolorès ALO/A, Julien BOAZ, Bernard B ULL/A RD, Annick CAMPRASSE, Christiane DANC/E, Claude FERRAN, Jean-Pierre GARC/A, Dominique GODRECHE, Pauline JA COB, Stéphane JAK/N, Victor MA TTH/AS, Kilic Ali NA/L, Robert PA C, JeanJacques P/KON, Fausto G/UD/ CE, Martine MELH, Théodore MUGGLE, Jorge AMADO, Yves THORA VAL, Anne S/ZA/RE. ABONNEMENTS 1 an : 150 F; 1 an à l'étranger: 180 F ; 6 mois: 80 F. Etudiants et chômeurs, 1 an : 130 F, 6 mois: 70 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien : 200 F ; Abonnement d'honneur: 1 000 F. Vente à l'étranger: Algérie 14 dinars, Belgique 140 FB, Canada 3 dollars, Maroc 10 dirhams. PUBLICITÉ AU JOURNAL I!hotocomposition - photogravure lmpression : c.P. Paris Commission paritaire n 0 63634, ISSN 0247-9095. Dépôt légal nO 3082. PHOTO COUVERTURE: Abdelhak Senna Statuette japonaise de la région de Hakata Différences - N° 29 - Décembre 1983 SBMMAIRE' DECEMBRE POINTCHAUD ........................................ 7 Allemagne, mère blafarde Des menaces néo-nazies aux remises en cause du droit d'asile, la RFA n'est pas tendre avec ses Turcs. Fausto GIUDICE ACTUEL ........................................ ·10 A la ville comme à la scène Amiens 1983 : troisièmes journées cinématographiques consacrées à l'antiracisme. Au même moment, nouvelle vague d'attentats racistes . Jean-Michel OLLE PRÉJUGÉS ...................................... -13 Ils ont tous les droits ? Ceux qui prétendent que les étrangers sont plus favorisés que les Français par le Gouvernement se font taper sur les doigts. Martine MEHL GROS PLAN ....................................... 14 Les enfants nus Le Quart-Monde, celui de la misère, sauvé par ses enfants. Anne SIZAIRE DOSSIER ........................ --------1 a Le .Japon et ses parias Un pays modèle, même dans la ségrégation raciale ? Albert LEVY CUL TURES ..................................... 2 & Vers le soleil de tous les Brésils Une rencontre avec Bernard Lavilliers. Théodore MUGGLE RÉFLEXION"""""""""""""""""'" 33 L'apartheid, cet anti-humanisme Les intellectuels se mobilisent autour de l'expo Art contre/against apartheid. Le grand écrivain brésilien Jorge Amado nous a donné ce texte. Jorge AMADO H~TOIRE ...................................... 34 Un vieillard mal connu Une histoire du cinéma indien Yves THORA V AL DÉBAT .................................... ·3& Nés de parents étrangers Qu'est-ce que c'est, la seconde génération? Des jeûnes répondent. Dolorès ALOIA, Bernard BULLIARD, Jean-Jacques PIKON 3 , ... Vous êtes abonne a 1)1fférenC8S l'amitié (entre les peuples) le mensuel de . de J'anvier 1984 à partIr De la part de : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .......... . J'abonne à Différences, le cadeau qui dure plus , au prix exceptionnel de 100 F pour un an : NOM _______________________________ _ Prénom _______________________________ __ Adres~ __________________________________________________________________ _ Code postal __________________ Commune ___________________________________ _ Profession . _______ --------------------~------------------------------- Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à: Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS. Abonnement 1 an : étranger: 180 F ; chômeur et étudiant: 130 F. DIFF.29 4 CHERS lECTEUR COMMENT EST-CE POSSIBLE? a· deux nuits d'intervalle, dans une petite ville alsacienne, puis dans le train BordeauxVintimille, l'horreur raciste éclate, secoue la France. Est-ce possible? Chez nous? On ne comprend pas. L'émotion est profonde, sincère. Des personnalités, des organisations s'indignent. Des silences, aussi, attirent l'attention. Et bientôt, ces insatiables dévoreurs d'« actualité» que sont les médias passent à d'autres sujets, un peu nouveaux parfois, souvent fort anciens. En vingt-quatre heures, le racisme a disparu. Et voilà toujours les missiles, le chômage, l'inflation, les barrages d'agriculteurs, la fronde des pompistes, les prochains licenciements dans les mines et ailleurs, les divers massacres au Liban ... Où allons-nous ? Où va le monde ? Insécurité tous azimuts: crainte de perdre son emploi, de ne pas boucler la fin du mois,. peur de la guerre, du terrorisme et des voleurs de sac-à-mains ,. angoisse de l'avenir. Accumulation d'images traumatisantes. . Désarroi. Tout bouge. Jamais ~e vie n'a été aussi instable: on change de domicile, de métier, de région, de milieu. On est bloqué dans un environnement inhumain, on se terre ou on se jette à corps perdu dans n'importe quel dérivatif. Au milieu du tourbillon effréné des bruits et des fureurs, on ne s'entend plus, on ne se reconnaît plus, on ne reconnaît plus son pays. On n'est plus soi-même. On n'est plus chez soi... En se gardant d'exagérer ou de généraliser outre mesure, cette vision affolante de l'existence actuelle peut traduire ce que ressentent bien des gens, ceux justement que guette le racisme. Car il est vrai qu'une certaine conception de l'information, de même qu'une certaine stratégie politique tendent à dramatiser au maximum les manifestations et les effets de la crise, liée aux mutations de toutes sortes qui ébranlent la société traditionnelle depuis nombre d'années. Dans unerécente émission de Différences à T.S.F. 93, une femme interviewée à la descente de son train, s'écrie, excédée: « Je n'en peux plus, chaque jour, dans mon compartiment, il n'y a que des immigrés » ... Est-ce bien la cause de son désespoir? Le racisme, en 1983, commence sans doute par cette tentation de reporter les inquiétudes, les frustrations, les pulsions agressives de notre temps sur des voisins qui, parce qu'ils sont« différents », incarnent l'inconnu et ses menaces. Ils font office à la fois d'explication, d'exutoire, de repoussoir, de bouc émissaire. Faudrait-il donc peindre la réalité en rose pour apaiser les esprits ? Mieux vaut, certainement, s'employer à la faire comprendre, et agir pour l'affronter dans de meilleures conditions. Cela, bien sûr, ne concerne pas que les médias, mais aussi et surtout les responsables politiques. Ils surmonteront d'autant mieux les difficultés (celle-là mêmes qui attisent les tensions racistes) qu'ils s'appuieront sur l'intervention lucide de tous, en ouvrant des perspectives crédibles. C'est tout le contraire qui se produit quand, au lieu de mettre en garde contre les errements du racisme, on le renforce délibérément, non seulement par des attaques virulentes contre les travailleurs étrangers, mais plus encore par des mensonges banalisés, en un langage rassurant, sous l'apparence d'une honnête analyse. .. Lorsqu'on dénonce l'immigré comme responsable du chômage, de l'insécurité, des déficits sociaux, du déséquilibre de la balance commerciale, des mauvais logements, des échecs scolaires et . de mille autres maux collectifs ou individuels, comment s'étonner que des Français voient en lui l'ennemi à éliminer par tous les moyens, celui dont la disparition résoudra leurs problèmes ? Et comment s'étonner que des être frustes, au cerveau embrumé par ces insanités cruelles, les vapeurs de l'alcool aidant, puissent voir dans le premier« bougnoul» rencontré un gibier à« sefaire »pour prouver leur « virilité» ? 0 1iHérences Différences - N° 29 - Décembre 1983 5 LES PIEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, du 38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT : SULLY, 85 rue de Sèvres, Paris 6e 5 % sur présentation de cette annonce ~~ ~~c:, ~-lDOO~ \)\~~: \~\) lesdfOlt'i \c:,\ Jean Louis DUCAMP defhoIl1d - racontés LES DROITS DE L'HOMME allxenfunts RACONTES AUX ENFANTS « On ne peut pas s'intéresser à l'Afrique et se désintéresser de la Caraïbe» I.CAR Information Caraïbe Chaque semaine 8 pages d'informations sur les Antilles-Guyane Françaises et toute la Caraïbe POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE, VIE LOCALE 50 NUMÉROS France- 200-F- , Étranger 52 US $ ou 390 FF CENTRE GABEL, BP 959, 97176 Pointe à Pitre Cedex ÇCP 33 820 83 T La Source 6 Pour que tu saches. 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-------République fédérale ------

Allemagne, mère blafarde Les immigrés turcs en RFA sont malmenés, tant par le po~voir que par l'extrême droite Jeune nazi ouest-allemand Différences - N ° 29 - Décembre 1983 7 On a eu chaud à Berlin dans 108 semaines précédant la rencontre de football entre les équipes nationales de R.F.A. et de Turquie. Le 26 octobre, un pogrom de Turcs avait en effet été annoncé par des groupes néo-nazis auxquels s'était ralliée la fraction des « skinheads» organisés autour de la revue «attacke ». Le pogrom n'a pas eu lieu; l'émotion suscitée par cette «initiative» des nostalgiques du grand Reich avait conduit le Sénat berlinois et le gouvernement fédéral à prendre d'importantes mesures de sécurité. 6 000 policiers ont été mobilisés pour assurer le déroulement serein du match, auquel ont assisté le chancelier Kohl et le maire de Berlin-Ouest, le chrétien-démocrate von Weizsacker. Les néo-nazis de Michael Kühnen et de Hoffmann (aujourd'hui emprisonné) avaient lancé le mot d'ordre; « Kreuzberg doit brûler» au lendemain de la rencontre fascite européenne de Diksmuide en Belgique le 3 juillet dernier. Leurs troupes auraient dû être recrutées parmi les jeunes des clubs de supporters, dont une bonne douzaine ont été infiltrés, et certains mis en coupe réglée, par les néo-nazis. L'un deux s:appelle même « Zyclon 2 », du nOIIl du gaz utilisé pour l'extermination dans les camps. Finalement, on a pu assister à cet étonnant spectacle, le 26 octobre, au Stade Olympique de SInIstre mémoire ; 800 écervelés isolés du reste du stade par un important cordon sanitaire faisaient le salut hitlérien et lançaient leurs slogans antiturcs en présence de hauts représentants des pouvoirs en place ... Quant aux groupes de jeunes: squatters, « punks» apprentis - venus pour «balayer» les néonazis, ils se sont retrouvés presque aussi entourés par la police que les excités nationalistes. Le stade était à moitié vide, beaucoup de gens ayant eu peur d'être mêlés à des affrontements violents. Kreuzberg, le « Barbès» de Berlin, n'a pas brûlé mais plus que la tolérancl:l c'est le monopole de l'Etat sur la dis-crimination qui est sorti gagnant de cette journée. Une fois de plus, il s'est avéré que les Allemands; à la différence des Français, délèguent entièrement à l'Etat le soin de régler « dans le bon sens» la « question des immigrés », et c'est sûrement la raison pour laquelle les 22 long rifles sont restés silencieux en R.F.A. Türken raus Quant aux Turcs, leur amour enthousiaste pour l'Allemagne dans les années 60 et 70 s'est désormais largement mué en déception, amertume et désespoir. La «mère amère» ne leur a pas rendu leur amour; après avoir fermé ses frontières en 1974, « Almanya» (Allemagne en turc) a pris successivement des mesures restrictives et répressives. Les refus massifs d'asile politique aux rescapés du coup d'état militaire de septembre 80, l'alliance cordiale avec le grand partenaire au sein de l'OTAN qu'est la Turquie, les extraditions de militants politiques antifascites (23 depuis septembre 1980, plusieurs dizaines en attente d'extradition dans les prisons allemandes), les restrictions au regroupement familial ont été autant de facteurs de déception. En match aller de qualification pour le Championnat d'Europe, au printemps dernier, le stade Atatürk d'Izmir n'avait-il pas résonné pendant deux heures d'un cri repris par 80 000 poitrines; «Deustche raus!» ( les Allemands dehors! »), symétrique du «Türken raus» ( les Turcs dehors ») des racistes allemands? Comme aux Jeux Méditerranées de Casablanca en septembre, où les stades ont repris en choeur; «les Français dehors ». __ Non décidément, ce n'est pas dans les stades que l'amitié entre les peuples progresse, au seuil de 1984. 0 Fausto GIUDICE lE MBIS cc Kreuzberg doit flamber n Des néo-nazis, sèment la panique dans la communauté turque de Berlin-Ouest à l'occasion du match RFA-Turquie au stade olympique dans le cadre du championnat d'Europe. Depuis plusieurs jours, les journaux locaux s'émeuvent du déferlement de violence xénophobe annoncé dans des tracts distribués à Berlin-Ouest et dans plusieurs grandes villes de RFA, sous le mot d'ordre: «Kreuzberg doit flambler ». Kreuzberg est le quartier de Berlin dans lequel vivent de nombreux Turcs. (26 octobre). Décor macabre La mort de 276 personnes la semaine dernière au Salvador constitue un « décor macabre » pour la visite qu'effectue l'ancien secrétaire d'Etat américain, M. Henry Kissinger, déclare Mgr Gregorio Rosa Chavez, archevêque auxiliaire de San Salvador. De retour à Washington, M. Kissinger se montre néanmoins optimiste: «L'Amérique centrale est une région en crise, mais aussi une région où de grands espoirs sont permis » ... (19 octobre). Marche pour l'égalité Une trentaine de personnes quittent Marseille pour rejoindre Paris. Les trente marcheurs ne visent aucun exploit sportif, et les étapes quotidiennes ont été sagement limitées à une trentaine de kilomètres. Ils entendent manifester de cette manière pour l'égalité et contre le racisme, notamment contre les agressions dont sont victimes les immigrés. De nombreuses associations dont le MRAP soutiennent l'initiative. L'idée avait été lancée fm juin depuis son lit d'hôpital par Tourni Djaidja, 20 ans, président de « SOS avenir Minguettes» grièvement blessé le 17 juin dernier d'une balle tirée par un policier à Vénissieux. (15 octobre). Cache-tampon La DST interpelle un Libyen recherché par les Italiens, M. Saïd Mohamed Rachid en vertu d'un mandat international lancé en 1982 par un juge d'instruction de Milan. TI est accusé d'avoir participé, le 11 juin 1980 en Italie, au meurtre de Azzdin Lahaderi, un opposant au régime du Colonel Kadhafi. (6 octobre). A Tripoli, 37 Français ne peuvent embarquer sur le vol d'UTA. (9 octobre). Paris demande des explications. (10 octobre). Interdiction pour les Français résidant en Libye de quitter le pays. (11 octobre). Dénouement, levée de « l'embargo ». (12 octobre). Namibie L'Afrique du Sud reste intransigeante sur son refus de permettre l'indépendance de la Namibie sans retrait préalable des troupes cubaines d'Angola. Le représentant de Prétoria qualifie cette position d'« irrévocable», lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur la question narnibienne. (22 octobre). Sur un même banc Le synode du Cap, l'un des onze synodes de la NGK (Nederduiste Gereformeere Kerk), d'obédience calviniste vient d'annoncer l'ouverture immédiate de ses portes aux fidèles de toutes races, qualifiant la ségrégation de « péché ». Dans un rapport diffusé à la presse, les ecclésiastiques de la péninsule du Cap, décrètent qu'on ne saurait trouver de justification à l'apartheid, déclarant ce dernier contraire aux Ecritures saintes et à «l'éthique chrétienne ». Ils se prononcent par ailleurs en faveur d'une totale liberté du mariage, « entre deux êtres rassemblés par un même amour ». H eureusement, l'heure n'est plus à la lutte contre l'occupant nazi. Heureusement, l'heure n'est plus à la lutte contre l'indépendance du peuple algérien. La France est, à peu près, à l'abri de la barbarie. Le temps est plutôt au souvenir et aux commémorations. Trentecinquième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, issue précisément de la lutte contre le nazisme. Procès de Klaus Barbie, où l'on juge enfin un homme pour les crimes qu'il a commis contre l'humanité. Procès dont à peu près tout le monde se rend compte qu'il peut jouer un rôle important dans la vigilance des Français face au fascisme. Barbie n'est pas un ennemi, c'est un accusé. Me Vergès, qui a longtemps combattu contre le nazisme, puis le colonialisme, assure sa défense. Tout cela est signe que depuis 1943, le vent a, heureusement, tourné. Malheureusement, Me Vergès a choisi ce qu'il appelle une défense de rupture. La technique consiste à ouvrir un deuxième front: il s'agit de minimiser le rôle de Barbie à Lyon pendant la guerre, et en même temps, de nier à l'Etat français le droit de le juger, à cause de ses propres turpitudes. Le point de rencontre de ces deux lignes forces, c'est le faurissonisme

banaliser le nazisme, pour en faire une idéologie comme une autre, et se servir de cette

planche pourrie comme estrade pour accuser ses accusateurs. C'est ainsi que Barbie est progressivement virginisé : Jean Moulin se serait suicidé, il aurait été donné par la Résistance elle-même, Barbie n'aurait pas été au courant de l'existence des camps, etc. Par un cheminement inverse, l'Etat français serait d'autant noirci: il a commis des atrocités en Algérie, il n'a donc pas de comptes à demander, c'est trop facile, etc. On en va pas se livrer ici à un hit-parade des atrocités. Me Vergès a raison, tout n'est pas encore clair dans les années 1954-1962, mais ce n'est pas en éclairant cette période qu'on dédouanera Barbie. Et surtout, la guerre d'Algérie est une sale guerre, mais ce n'est pas le nazisme. Un charnier n'est pas un camp d'extermination. Ce n'est pas mieux, ni moins bien, ce n'est pas pareil. Et on ne peut se servir de l'existence de charniers pour faire pardonner, ou même oublier, les camps de concentration. Klaus Barbie n'a pas à justifier ses meurtres devant les gouvernants français et les membres de la Résistance, il doit rendre compte de sa participation active au nazisme devant l'humanité toute entière. Partir en guerre contre l'Etat français et son histoire, c'est peut-être une bonne chose, je n'en sais rien, mais se servir de Barbie, et à travers lui du nazisme pour le faire, c'est risquer de blanchir le bébé et l'eau du bain en accusant la savonnette. Jack LESSONGINER 8 Décidant de passer à l'acte, la NGK annonce que dès dimanche les croyants noirs, blancs, métis ou indiens pourront partager les mêmes bancs d'église. (28 octobre). Condamnation à mo Les électeurs sud-africains blancs approuvent à une très forte majorité (66 0/0) la nouvelle Constitution du pays instaurant un régime présidentiel fort, et l'association partielle des Métis et des Indiens à la vie politique dont la majorité noire reste totalement exclue. Votée par le Parlement en septembre dernier, la nouvelle Constitution sud-africaine sera mise en oeuvre à partir du second semestre 1984, après consultation des 2,6 millions de Métis et 850 000 Indiens, déclare Pieter Botha, le Premier ministre. Il qualifie par ailleurs «d'écrasante » la victoire du « oui ». Gatsha Buthelezi, Premier ministre du «homeland autonome » du Kwazoulou avait affirmé, quelques jours avant le scrutin qu'un succès du « oui» constituerait une «condamnation à mort politique» des 24,7 millions de Noirs qui représente 72 % de la population totale. (3 novembre). Qui? Deux explosions, à quelques minutes d'intervalle, anéantissent les immeubles abritant le QG des Marines américaines et un cantonnement français de la force multinationale à Beyrouth. Le bilan est lourd, plus de deux cent morts américains, cinquante-quatre Français. L'opération est revendiquée par un « Mouvement de la révolution islamique libre», organisation inconnue qui pourrait regrouper des chiites libanais pro-iraniens. Israël accuse la Syrie. Washington soupçonne l'Iran. Paris imagine un « montage » plus complexe. Mais ni les Américains, ni les Français n'envisagent de retirer leurs troupes. (23 octobre). Selon le même scénario, un camionsuicide fait exploser le QG des renseignements israéliens à Tyr. (4 novembre). Les Palestiniens fidèles à Yasser Arafat se regroupent dans les camps de Nahr el Bared et Baddaoui, pour résister à l'agression menée contre eux par les éléments dissidents, appuyés par les troupes syriennes. (5 novembre). Pendant ce temps s'ouvre à Genève la conférence nationale de la réconciliation, qui met face à face les divers acteurs du drame libanais. (2 novembre). Le président Chadli à Paris : la première visite d'un président algérien depuis l'indépendance. Syrie L a Syrie est certainement l'un des pays du monde les plus fertiles en civilisations qui s'y sont écloses, depuis des millénaires, marquées par les multiples invasions qui l'ont parcourue: Egyptiens, Babyloniens, Hittites, Philistins, Assyriens, Perses, Grecs, Romains, Arabes. . Cette exposition, en montrant des pièces dont la majorité n'était jamais sortie des musées syriens, réussit à nous donner un panorama du creuset que fut son sol, de la Préhistoire à la brillante dynastie arabomusulmane des Omeyyadés. Quelques noms brillent encore, au-delà des siècles, pour la place qu'ils ont occupée dans l'avancement des civilisations ou pour la beauté de leurs monuments: Mari et sa « bibliothèque» de 20 000 tablettes gravées, Ebla, centre d'une civilisation sémitique tout récemment mise à jour, Ougarit, où l'abécédaire le plus ancien du monde, sans doute, a été découvert, Palmyre, l'oasis-capitale de la grande Zénobie, Doura-Europos, et sa rarissime synagogue décorée de peintures figurati~. 0 Musée du Petit Palais du 26 octobre 83 au 8 janvier 84. Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de JO h. à 17 h 40. Différences - N° 29 - Décembre 1983 Refusnik octeur en sciences techniques, Yos~ D sip Begun, 51 ans, citoyen soviétique, demande en 1971 un visa pour émigrer en Israël. Les autorités lui refusent, arguant du fait qu'il a travaillé entre 1967 et 1969 sur des sujets classés secrets. Destitué de ses fonctions, il survit en donnant des cours privés d'hébreu. Envoyé deux fois en exil, il est finalement arrêté le 6 novembre .1982 et inculpé d:agitation et de propagande antisoviétique. En dehors du fait que ce n'estpas la première fois que nous avons à relever ce genre de brimades envers des personnes désireuses d'émigrer, signalons simplement que les délais prescrits par la loi soviétique pour la conservation des secrets d'Etat sont largement dépassés aujourd'hui. Y. Begun est condamné à douze ans de rélégation, peine maximum. (18 octobre). Le M.R.A.P. est intervenu auprès des autorités soviétiques pour demander qu'il ait le droit d'émigrer. Une manifestation a eu lieu à Paris, à l'appel du C.R.I.F. (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France), place du Panthéon. (6 novembre). D L'Île géante ans le sillage victorieux de l' America's Cup et de ses montées au filet dans la Coupe Davis, l'Australie 9 semble décidément jeter son vieux complexe antipodique et insulaire; même côté culture ... Au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, (1) vingt-deux artistes australiens des deux dernières générations (les trente/quarante ans et les moins de vingtcinq) présentent leurs travaux. Des expressions très fortement «branchées» sur le media électronique, l'art vidéo dans tous ses états - et les derniers avatars de la figuration (du pop-art au néo-expressionisme). Pour cette même expo, douze artistes aborigènes de la tribu Warlpiri (Australie centrale) sont venus spécialement réaliser sur place une « ground-painting ». Une peinture cérémonielle au sol et sur sable; d'inspiration rituelle et totémique: une «première» à Paris, après les « prestations» musique et danse aborigènes au Théâtre des Bouffes du Nord (du 19 au 23 octobre dernier). Il reste à s'interroger sur ce qui fait et constitue l'état actuel du «problème aborigène» dans l'Australie d'aujourd'hui et ce par-delà l'opération-prestige des instances culturelles et d'une ambassade. Tout en comprenant que pour les quelques Aborigènes venus visiter les autochtones français, cette participation au Festival d'Automne de Paris a sa valeur symbolique. 0 (1) 11, av. du Président-Wilson - 75016 Paris (jusqu'au 4 décembre). (2) Films et vidéos «Autour des Aborigènes» (lnfos au : 723.61.27). (3) cf. Différences nO 23 (mai 83). )CTUEl Cinéma a" Amiens Un festival consacré à l'antiracisme, alors que, le racisme a encore tué cet automne -, La figure de l'Autre dans le film de guerre: un des thèmes du Festival d'Amiens, ici les Bérets verts. Deux des candidats lègionnaires auteurs du crime raciste du Bordeaux-Vintimille. A LA VILLE CO MME A LA SCÈNE s ur l'écran, la police charge les Noirs de Soweto, en Afrique du Sud. A Porto-Rico, on stérilise les femmes pauvres, ou de couleur, ce qui revient au même. En Rhodésie d'avant le Zimbabwe, les écrivains noirs s'exilent. Au Mozambique d'avant l'indépendance, les étudiants noirs sont surveillés par la PIDE, la police politique. Dans la France de la fin du XIxe siècle, le capitaine Dreyfus est condamné parce qu'il est juif. Sur l'écran: ce sont là quelques images des troisièmes Journées cinématographiques d'Amiens, qui se sont déroulées du 15 au 23 novembre, et qui luttent depuis leur création contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples. Des jeunes gens fêtent leur futur engagement dans la Légion. Un Algérien dans leur train. Ils lui tombent dessus, pour rien, parce qu'il est arabe. Le contrôleur s'interpose et emmène la victime en tête de train. Mais on n'arrête pas la Légion comme ça : les candidats « p'tits gars» remontent le train, retrouvent Habib Grimzi et le balancent par le fenêtre. On retrouve son corps déchiqueté sur le ballast. Un remake de Dupont-Lajoie présenté au Festival? Pas vraiment: c'était le soir du 14 novembre, vers Castelsarrazin. Une seule question: ces jeunes gens n'ont probablement pas inventé l'eau tiède. Qui leur a dit que les Algériens, après tout, c'était pas des gens comme nous, et qu'on pouvait bien de temps en temps en défénestrer un, c'était pas bien grave ? Des Sud-africains dénoncent leur boy noir aux autorités, parce qu'il n'a pas de papiers : on doit le renvoyer dans un bantoustan, pardon, un homeland. C'est sur l'écran d'Amiens. Un tract tricolore avec ce texte : « Debout les Français, faisons halte aux envahisseurs étrangers. Dehors les émigrés ». C'était sur tous les murs d'Amiens il y a quelques semaines, et c'était signé, voyezvous ça, DDLF : Défense de la France. Travail luxueux: beau papier, nombreux caractères différents, et des coquetteries : les lettres entrelacées du sigle évoquaient une croix gammée. Qui c'est, la DDLF ? Et l'imprimerie? A Strasbourg, des immigrés rossés par une bande. A Troyes, le président de la Ligue des droits de l'Homme arrangé au rasoir parce qu'« il s'occupait des bougnoules ». Le soir de l'inauguration, notre ami Jean-Pierre Garcia, président du festi- 10 val, s'interrogeait dans son allocution sur l'utilité d'un festival antiraciste. Qu'il ne s'inquiète pas, les milliers de personnes qui sont venus avaler de la pellicule, c'est autant de monde pour empêcher la naissance d'autres DDLF. Parce qu'on ne regarde pas les films d'Amiens avec la passivité béate du spectateur venu voir sur l'écran ce qui n'existe pas dans sa vie. Même si on se cale dans son fauteuil, chaque film, aussi lointain soit-il, résonne des images de notre vie quotidienne. Faux mouvement My country my hat, film sud-africain indépendant des capitaux de l'apartheid. Un Noir sans pass, qui cherche à avoir ne serait-ce qu'une existence, et son patron blanc, qui, dans un mouvement de colère tue un autre Noir. L'employé finira par récupérer le pass de la victime. Exultation de l'homme qui vient d'accéder enfin à une existence légale, bien que de ce fait il se fasse le complice d'un assassinat. Les bons sentiments, il faut exister pour avoir le droit d'en avoir. Visages de parents d'un militant de FANC assassiné par Pretoria, la même dignité que la mère du petit Toufik abattu cet été. (The sun will rise, hommage aux combattants de FANC). Clarence et Angel : deux mômes de NewYork, l'un porto-ricain, l'autre noir, régulièrement vidés de leur classe. L'un ne tient pas en place, l'autre n'arrive pas à lire, ça l'énerve et il le montre. Des institutrices noires, compétentes, attentives, mais débordées par l'ampleur du désastre éducatif de cette société. S'il y avait des profs ce soir là, dans la salle, ils ont dû retrouver la vanité de leurs efforts face à une inadaptation scolaire qui dépasse leurs possibilités ... Même décalage pour le jeune écrivain rhodésien noir, héros du film House of hunger. En exil à Londres, il y est d'abord filmé par Chris Austin, qui le ramène au Zimbabwe après l'indépendance. Impossible alors de communiquer

l'écrivain, perdu dans sa lutte personnelle

n'arrive ni à s'intégrer dans l'évolution de son pays, ni à cadrer avec l'image de « banni de retour au pays libéré» que cherche à lui donner le réalisateur ... Une remise en cause, peut-être involontaire, des schémas romantiques sur les intellectuels et les luttes. Mais la grande leçon de ce festival, c'est sans doute Los comprometidos. De la révolution russe au Nicaragua, en pas- Différences - N° 29 - Décembre 1983 sant par la Libération, les vainqueurs ont souvent été présentés comme des assoiffés de vengeance se défaisant de leur passé à grands coups d'arrestations arbitraires et de procès sommaires. Ce film est un fabuleux montage d'archives de la télévision mozambicaine, qui a suivi une séance-marathon d'autocritique des collaborateurs avec la puissance portugaise avant l'indépendance du pays. Une semaine de débats, sous la présidence de Samora Machel, leader de la lutte d'indépendance. Avant que le film commence, tout le monde se crispait sur son siège, attendait un film de propagande tout à la gloire de Machel, qu'il faudrait trouver bien, solidarité oblige. Crispés, on était, cloués, on a été. Des centaines d'hommes, libres. Tremblants non de peur, mais de honte sous les interrogations de Machel, tantôt patelin, tantôt méprisant; s'accusant plus que nécessaire, et Machel leur demandant de replacer leur collaboration dans le contexte historique de la colonisation, dépénalisant les accusés de leur faute pour en faire les victimes d'un système. Au moment du procès de Klaus Barbie, ce film est une grande leçon de justice : ce n'est plus l'accusé qui, comme Bar- 11 bie, tente de noyer les faits en accusant d'autres personnes, c'est l'accusateur lui-même qui se sert des motivations personnelles de l'accusé pour condamner un système. Ce festival nous a apporté les leçons de l'Afrique. C'était encore net dans le film Caméra d'Afrique, une rétrospective de la façon dont le cinéma de ce continent n'en finit pas de naître, englué qu'il est dans les systèmes de production, de distribution, et de référence qui lui imposent l'Europe et les EtatsUnis. A une question du réalisateur Ferid Boughedir, Sembène Osmane répond dans le film : « Mettez vous bien ceci dans la tête, ma référence, ce n'est pas l'Europe. L'Europe est à la périphérie de l'Afrique, mon centre, c'est moi ». J'en oublie.; Mais pour un public français, ces films ne sont pas que de lointains témoignages de lutte. Ce sont des références pour la compréhension des problèmes qui agitent notre société, ici et maintenant. C'est cela le festival d'Amiens: l'amitié entre les peuples, ce n'est pas un vague désir d'exotisme, c'est un enseignement. Ça explique aussi bien les DDLF, que les moyens de les combattre. 0 Jean-Michel OLLE AMICALE FRANCO-ITALIENNE 56, rue des Vinaigriers, 75010 Paris Tél. : 206.70.64 Pour la défense de vos droits. Pour la culture , l'école et la différence-. Pour la paix et l'amitié entre les peupÏes. Pour la solidarité et l'entraide entre les hommes . Adhérez à l'amicale. Ecrivez-nous. Abonnez-vous à notre journal l'Emigrante. 12 Obrey HORLOGER- ,JOAILLIER 199, rue de la Convention, 75015 PARIS Tél. : 532.85.05 13, rue Tronchet 75008 PARIS Tél. : 265.31.33 PREJUIiESt -~-Immigrés --- Ils ont tous les droits ? En tous cas, celui d'être défendus quand on les diffame Mon trés cher MUSTAPHA, Avec la grâce d' ALLAg tout puissant, nous sotmles devenus les !nai tre~r et les seigr-eurs de PARIS. je me demande pourquot tu hésites à venlr nous rejoir-dre. Toi tu travailleras J et tu s.eras considèré. Ta ferm:e et tes enfants viendront te rejoindre.~ verras,~'est très interéressant, les allocations familiales :-rur tout, lorsque tu as 10: à 15 enfa.."'lts. Attention: une S~OLE de te~ tecces . sera ccns1dérée ici co~e légitime, les autres seront inscrites cocme célibatairee, ayant charge de f~ille pour les lcis sociales,c'e~t très intéressant!!! Tu r:!ettras tes feeH au traVê.il,pas longte~p3,juste le te:: q,u' il faut pour pouvoir tou:ner les allocations de chômage. BIles tie!!è.ront to~ o.énage et ellE!:~ iront- pointer. Sois sans crainte,ce-n'est pas diffic~le et cela ne pre~d presque pas àe temps, ~une èj.za±ne-de- cinutes parce .. qu t il faut faiI la file à cause de tous les ét-~g;rs( les Dup~t,les ~rand etc_ • qu'il faut quand ~êoee faire passer.lorsque nous seron~ au ;ouvoi~, « Mon très cher Mustapha» : un tract qui en dit long sur la montée du racisme. L ' immigration apparaît actuellement comme le bouc émissaire de toutes les difficultés que la France peut connaître. L'opposition, et plus particulièrement, ses courants d'extrême-droite, contribuent par leurs écrits, leurs propos et leurs discours à renforcer ces idées dans l'esprit d'une partie de l'opinion publique et, ainsi, à attiser le racisme latent à l'encontre de la population immigrée. Dans le même esprit, un tract anonyme circule partout en France depuis plus d'un an. Il est discrètement, mais largement, distribué au sein des entreprises et dans les boîtes aux lettres. Dans certains cas, il est reproduit dans des journaux locaux. Ce tract sournois intitulé Mon très cher Mustapha se présente sous forme d'une lettre adressée par Ali ou Kadoum, Différences - N° 29 - Décembre 1983 ' travailleur immigré, à l'un de ses cousins Mustapha vivant dans un pays du Maghreb. Il l'invite instamment à le rejoindre en France puisque les immigrés sont «devenus les maîtres et les seigneurs de Paris», profitant au détriment des Français de tous les avantages sociaux. Français qui paient» . " « avec les allocations familiales de dix gosses tu peux très bien vivre et pour rester en forme, tu travailles au noir ». Les propos sont provocateurs

ils proposent d'assimiler

les membres de cette communauté à des profiteurs et des fraudeurs. Profiteurs, les cc Tu touches la moutouelle n De très nombreuses plaintes ont été déposées qui ont déjà donné lieu à des décisions judiciaires rendues parfois à un double degré de juridiction. Celles-ci s'élèvent contre toutes ces allégations fallacieuses et concluent que ce texte est à la fois provocateur et diffamatoire à l'encontre de la population immigrée maghrébine. « Si un gosse tombe malade ou une de tes femmes non légitimes, ce sont encore les 13 travailleurs immigrés le seraient aussi puisque « tu travailles six mois et puis ... tu tombes malade et tu touches de la moutouelle ». Or, le bénéfice des lois sociales françaises appartient de droit à tout travailleur, quelle que soit son origine, et par conséquent aux travailleurs imr,nigrés, de façon tout à fait légitime. Et c'est en prônant de tels mensonges qu'est facilitée la discrimination puisque seule la population française travaillerait pour entretenir à ne rien faire la communauté immigrée. « Les allocations chômage, la moutouelle, les allocations familiales et le travail au noir » semblant être les seules préoccupations de la population immigrée, ce texte est diffamatoire. Il porte atteinte à l'honneur et à la considération de cette communauté dont les membres sont taxés de paresse et de parasitisme aux frais d'un pays d'accueil, la France en l'espèce. Cette présentation de~ immigrés est d'autant plus choquante et irréaliste qu'ils ont contribué à faire prospérer la richesse nationale depuis de nombreuses années. Il est important que la justice ait pris nettement position à l'encontre de ce tract. Elle n'a fait qu'appliquer la Loi du 1 er juillet 1972 contre le racisme. 0 Martine MEHL fliRBS PLAN' - Ghettos- LES ENFANTS NUS Le quart monde, un univers au-delà de la pauvreté. N Un seul espoir : l'école. oisy /Champs. Champ de HLM. Carrés, crénelés, fenêtres rondes et barreaux torsadés, coktail de couleurs douteux. Fantasmes d'architectes qui n'y vivront jamais. Cités dédales, labyrinthes de cours et d'escaliers, coupés parfois d'un ilôt de maigre verdure. En bas de la cité des Hauts Bâtons, tout en bas du dernier escalier : la cité de transit. Deux ou trois bâtiments d'un à deux étages, tristes comme des casernes, aux murs d'un jaune sale et écaillé, implantés au milieu d'un terrain vague. Pauvres parmi les pauvres, ses habitants sont montrés du doigt : « Ah, il est de la cité jaune! ». Mépris ridicule et dramatique du prolétaire contre le sousprolétaire, derrière lequel se cache la peur viscérale de le rejoindre un jour. Surtout en ces temps de crise. Grand alibi social pour masquer les plaies honteuses. Soixante-dix familles vivent dans la cité jaune de Noisy. 350000 familles sur la France (dont 15 070 d'immigrés). Dix . millions d'hommes, de femmes et d 'enfants à travers toute l'Europe. Une réalité niée, nommée du bout des lèvres, Une cité de transit en banlieue parisienne le Quart-Monde. Celui-ci a pourtant un porte-parole infatigable depuis vingtsept ans: le Mouvement ATD (Aide à toute détresse). ATD a précisément pris naissance à Noisy, à l'initiative du père Joseph Wrésinski, dans le Camp des sans-logis : deux-cent cinquante-deux familles - plus de mille enfants - y vivaient sans eau, sans électricité, sans ramassage d'ordures, dans des abris de huit mètres sur cinq. Pour la première fois, cette pôpulation fatali~te, persuadée de son incapacité, est appellée à se battre pour briser le cercle vicieux de l'exclusion, perpétrée de g~ération en génération. Les combats d'ATD sont les multiples facettes d'un même but: rendre au peuple du Quart-Monde sa dignité en lui faisant appliquer les droits élémentaires de tout être humain. Droit à l'unité familiale : . des centaines de familles vivent dans l'angoisse permanente du placement des enfants, qui passe par le. droit à un habitat décent et le droit à la santé. Droit à la formation professionnelle, et, par conséquent droit à l'éducation. Nous touchons là l'enjeu essentiel de la lutte d'ATD. Le milieu sous-prolétaire comprend un million d'analphabètes. 14 L'illettrisme engendre l'incommunication avec l'extérieur et est à la source de toutes les difficultés du Quart-Monde. L'acquisition du savoir est donc l'objectif prioritaire et absolu. En 1977, un militant du Mouvement lance ce défi: « Dans dix ans, plus un seul illettré dans nos cités, et il ajoute : tout viendra par les enfants ». Les enfants, unique trésor du QuartMonde. C'est pour eux et grâce à eux, que les volontaires d' ATD arrivent à mobiliser l'énergie d'une population habituée à subir. Une naissance est ici toujours un miracle. Ce petit bébé si vulnérable (la mortalité infantile reste élevée en Quart-Monde) porte en lui . l'espoir fragile mais neuf, celui qui n'est pas encore déçu. La destruction de la misère passe par l'école. Les parents le savent aussi bien que le Mouvement: « Je veux qu'on apprenne à Thérèse ses lettres. Je ne sais pas lire, je ne veux pas que ma petite fille soit pareille» déclare une jeune femme. Un homme de quarante ans, très doué en mécanique, ne trouve pas de travail, faute de diplôme. « Il faut le dire aux gosses - insiste-t-il - pour que cela les encourage à apprendre ». Mais on peut entendre aussi d'autres réflexions: « Ma fille, on l'a mise en perfectionnement dès sa sortie de maternelle. Elle a quatorze ans, elle y est toujours. Elle sait à peine lire... Il n'y a aucun avenir» - « Dès le premier jour, l'institutrice m'a dit: il prend un mauvais départ dans la vie, votre gamin. J'en ai trente-cinq. Celui qui est pénible, il faut bien le punir ». L'école, service public, profite le moins à ceux qui en ont le plus besoin par inadéquation des méthodes pédagogiques à la réalité très particulière du quartmonde. Exemple: Marie, sept ans, est chargée par sa mère d'aller chercher à la mairie un bon d'AMG (Aide médicale gratuite) pour son petit frère malad'e. Marie a l'habitude de cette démarche, elle ne connait, d'ailleurs, que cette manière pour se soigner, sa famille ne bénéficiant pas de la Sécurité sociale. Peu de temps après, la maîtresse de Marie fait une leçon sur les métiers et demande : « Où va-t-on quand on est malade? » Marie s'écrie aussitôt: « A la mairie ! » Rire général de la classe et commentaire accablé de la maîtresse. Résultat: Marie est profondément humiliée et, en plus, elle prend la maîtresse pour une idiote qui raconte des histoires. Elle perd confiance et en ellemême, et en l'école. L'engrenage commence et les chiffres sont sans surprises : 30 % des enfants sont dirigés vers l'enseignement spécial dès le cycle élémentaire (contre 3 % de l'ensemble de la population). Trois enfants sur quatre sont en échec total au niveau du premier cycle du collège: 80 % quittent l'école à seize ans. Les enfants, unique trésor Les différentes actions d' ATD tentent de « rattraper » les choses en cours de route: pivot culturel, « club du savoir », bibliothèques de rues. Mais l'initiative la plus importante semble être la pré-école. La création de la première pré-école remonte à la fondation du Mouvement, il y a un quart de siècle, à Noisy. A cette époque, il n'existe aucune maternelle à proximité et, de toute façon, les enfants n'ont pas de domiciliation légale. Le but de la pré-école est de permettre un passage réussi en primaire. Mais, dès le début, elle ne veut en aucun cas être une structure de substitution à une institution défaillante. Elle se propose, au contraire, d'être une expérience pilote à généraliser dans tous les quartiers très défavorisés. Différences - N° 29 - Décembre 1983 Le bidonville de Noisy est devenu cité de transit au milieu des HLM et trois écoles maternelles publiques se sont implantées. Les enfants de cinq ans, puis de quatre, puis de trois, y ont été inscrits et la pré-école s'adresse aujourd'hui aux dix-huit mois/deux ans. En visant cette tranche d'âge, la pré-école a changé de fonctionnement: elle a abandonné la salle de classe et les rythmes scolaires et va directement dans chaque famille. Mais elle repose sur le même principe : l'adaptation au milieu et la participation des parents. « Comment veux-tu que je fasse jouer mon enfant? Je ne sais pas, on n'a jamais joué avec moi ». Et puis, le faire jouer avec quoi, du reste? Les appartements de la cité de transit sont peut-être plus confortables que le bidonville, l'ameublement, lui, est toujours réduit au minimum. Alors, le tout-petit passe des heures dans son lit, sans aucune stimulation. « llfaut casser cet engrenage, le plus vite possible et avec les parents, déclare Isabelle Scynthille, volontaire de la pré-école familiale, leur prouver qu'ils ont tous quelque chose à apprendre, à donner. Que chaqlJ,e mère, chaque père, peut raconter les plus belles histoires du monde ». Avant l'école Isabelle va régulièrement dans vingtquatre familles, sa boîte à idées sous le bras. Avec du papier, de la colle et un vieux magazine, on manipule, on regarde, on invente. Avec des boules de couleur, on classe les objets selon leur teinte, les fruits, les vêtements. Ce travail d'éducatrice, si simple, si évident, prend un dimension immense en quartmonde: la mère ré-apprend la communication pendant que son enfant la découvre. « Et, un jour, ils se mettent à parler ensemble. Ils m'ont presque oubliée, ils n'ont plus besoin de moi, au moins pour le moment. Une étape essentielle vient d'être franchie ». Ensuite, il faut continuer de leur faire toucher du doigt le positif, le constructif. Ne pas comparer leur enfant à la « norme », mais insister sur ses progrès personnels. Mettre systématiquement en valeur leurs propres capacités : ainsi certains pères chômeurs arrêtent de tourner en rond pour montrer, sur l'insistance d'Isabelle, leurs prouesses en menuiserie, ou comment ils savent tout faire à partir de rien. « Il s'agit qu'ils soient, une fois pour toutes, persuadés de leur capacité parentale et surtout, « acteurs» de leur existence ». Le dynamisme qui en résulte rejaillit sur les enfants. L'acquis est là, tangible: le petit enfant qui a connu la pré-école arrive épanoui aux portes de la maternelle. Ludovic 15 était dans ce cas. Quinze jours après la rentrée de septembre, une femme de service le ramène chez lui : « Cet enfant n'est pas propre, nous ne le gardons pas ». La fragile confiance en elle de la mère s'évanouit aussitôt. « Ne cassez pas l'acquis des préécoles! » demande Isabelle. « Soyez solidaires» reprennent les militants ATD. Leurs combats n'ont pas de raison d'être s'ils ne sont pas menés avec tout le corps social. Trois cents volontaires, de treize pays, sont engagés aujourd'hui dans la lutte du quartmonde. Des milliers d'« alliés », issus de tous milieux, les entourent. Leur rôle : ouvrir les portes, s'infiltrer dans les écoles, les mairies, les entreprises, les usines. Etre les grains de poussière qui dévient les rouages bien huilés d'une société aveugle. La solidarité c'est aussi l'insertion du Mouvement dans les pays du TiersMonde: « Partout où il y a de l'injustice, nous sommes concernés ». C'est encore l'entraide ponctuelle entre les militants du quart-monde ou vis-à-vis des migrants. A Mulhouse, des femmes sous-prolétaires ont rejoint publiquement des femmes immigrées insultées. A Versailles, deux cent familles françaises et maghrébines se sont unies pour lutter contre la misère. L'échec scolaire est aussi le problème des immigrés : le risque est grand pour la « deuxième génération » de rejoindre le Quart-Monde, faute de formation adaptée. Le mouvement ATD demande l'application des principes de la préécole au niveau de la maternelle, et même du primaire: effectifs réduits, enseignants formés à comprendre les enfants des milieux défavorisés, à dialoguer avec les parents, reconnus comme des partenaires. Une telle transformation passe par l'acceptation de la différence: accepter qu'une petite tête remplie de poux - ou frisée comme un mouton noir - puisse renfermer autant d'intelligence que les autres. Les enfants l'ont compris depuis longtemps: le mouvement le plus solidaire d'ATD, Tapori, a été créé en 1967 par des gosses. A la suite d'une émission télévisée, huit cent enfants disent leur désir de rencontrer ceux des bidonvilles. Le mouvement Tapori naît par les enfants pour les enfants. En mai 1979, une fête rassemble à Paris deux mille gamins de dix-sept pays, qui discutent avec gravité des Droits de l'Homme: « On veut se mettre ensemble pour que plus personne soit rejeté ou méprisé» commente Delphine, quatorze ans. Et Jean ajoute : « Après qu'on se connaît, on n'a plus la honte. On peut chanter, danser ensemble. On peut vivre ». 0 Anne SIZAIRE Saint-Chinian, bourgade du Minervois couronnée de vignes rousses et dorées. C'est la fin de l'automne. A la mairie, on célèbre la fête du vin nouveau. Monsieur le maire officie devant un assortiment de SaintChinian, cru récemment promu au rang d' A.O .C. (Appellation d'origine contrôlée). Bedonnant, rubicond, l'élu local fait l'éloge de la culture méditérranéenne du vin, célèbre sa place dans la liturgie chrétienne, puis, levant l'index tel un Pantocrator, désigne Bruxelles à la vindicte populaire ... « Quand l'Espagne rentrera dans le marché commun ce sera pour nous la catastrophe ». Dans les environs, nombreux sont les villages comptant 50 070 de familles d'origine espagnole. Y en avait-il dans l'assistance, ont-ils eu un petit pincement de coeur, ces descendants des paysans pauvres parvenus en Languedoc, d'Alicante, de Murcie, d'Albacete ? De la vigne, toujours de la vigne, encore de la vigne. 70 % de la production agricole régionale. Le Languedoc-Roussillon, cet amphitéâtre face à la mer, possède le plus ancien vignoble de France, présent dès l'époque grecque et celte-ibère. Ce n'est qu'au début de ce siècle que la région se lance dans la production du vin de table des travailleurs de l'ère industrielle naissante. C'était le temps où les Gabach (montagnards) poussés par la ruine de l'agriculture de montagne descendaient vendanger de la montage noire et du Mont Lozère. Ils se sont petit à petit fixés dans la plaine. Devenus pour la plupart viticulteurs, il leur a fallu trouver de la main d'oeuvre de l'autre côté des Pyrénées. Conjonction d 'intérêts: les hommes fuyaient alors la guerre coloniale de Cuba (1898) puis les années de misère de grande dépression (20-30). Le flux n'a cessé d'augmenter pour décroître à partir de 1975. 1 Is étaient 64 000 travailleurs saisonniers espagnols à venir travailler en France en 1981 dont 49,2 % absorbés par les départements de l'Hérault, de l'Aude et du Gard. L'écrasante majorité, 90,4 % vient pour les vendanges.« On dormait à la cave ou au grenier sur de la paille» raconte M. Gabriel Rodriguez de Pardailla~ (Hérault) ancien directeur du crédit agricole, tisserand, maçon et vendangeur. .. «On était huit coupeurs par colle (équipe), à chaque bout de rang, le chef de colle sifflait et on partait en sens inverse, le bagne ... ». Trois à cinq semaines de travail intensif. On ne prenait connaissance de son salaire qu'à la frontière, pour ceux qui n'étaient pas satisfaits, le voyage de retour était à leur charge. Il y avait les patrons qui embauchaient 23 jours pour ne pas payer les deux jours de salaire supplémentaires dûs au bout de 24 jours de travail. Ces conditions difficiles n'ont pas empêché des liens de se tisser entre villages espagnols et français. A NOël, le viticulteur français envoie ses bons voeux au chef d'équipe espagnol. Et la saison suivante voit réapparaître les mêmes villageois. Il 16 y a les bals ou l'Espagne et la France fraternisent dans les flons-flons et les jupons, les guitares andalouses à la veillée, la paëlla géante du dernier soir. Certains se sont fixés dans les années 50, pour devenir ramonets (régisseurs) de domaines viticoles. Marie-Ange Gomez, 38 ans, fille de ramonet, raconte son enfance sans histoire à Béziers ... «Je vivais dans un quartier populaire peuplé à 50 % d'Espagnols ... jamais je n'ai été traitée de sale Espagnole ... il faut dire que ma culture d'origine ressemble beaucoup à celle d'ici ... Même religion, même patriarcat, même cuisine à l'huile ». D efait, les espagnols se sont intégrés dans la plaine aussi bien que les italiens proven caux de l'ancien Comté de Nice. Enfance heureuse de l'après-guerre. Pour Gaby Rodriguez, l'intégration ne s'est pas faite dans d'aussi bonnes conditions. Fils de socialiste, il est né en France en 1931. Enfance studieuse, ... « pour montrer que j'étais capable de faire aussi bien que les Français ». Puis ce fut la catastrophe. Franco prend le pouvoir en 1939. Les réfugiés affluent. Parqués dans des camps des Pyrénées Orientales, ils seront refoulés par les lois scélérates de Vichy en 1941. La famille Rodriguez est priée de retourner «chez elle ». Gaby ne rentre en France qu'en 1948. Un cousin maçon lui trouve du travail. La rencontre avec son ancien instituteur de Saint-Pons sera décisive. Il passe son certificat d'études à 26 ans, entre au Crédit agricole et sera nommé directeur 20 ans plus tard. Passionné de spéléologie et d'archéologie, il prépare une thèse de troisième cycle. Parcours exemplaire pour un de ces « espagnols des montagnes » dont l'intégration s'est faite moins aisément que dans la plaine ... «Quand j'étais représentant chez Singer, je préférais dire que j'étais Gaby le spéléo plutôt que Rodriguez» explique cet intégré à la force du poignet. Il est aujourd'hui à la retraite anticipée. Je l'ai surpris en train de superviser la construction de sa belle maison de toute une vie ... Dans un coin son fils, 26 ans, licencié en maths et au chômage. Ce soir, ils vont discuter de l'avenir entre hommes .. . plutôt sombre, fils d'espagnol ou pas. R odriguez ou Dauzats, tout le monde est logé à la même enseigne. On se fait fonctionnaire ou maçon pour les résidences secondaires des allemands, hollandais ou intellectuels de Montpellier. Ou alors, on émigre. « Mon aîné qui a 26 ans est au chômage, il travaillait dans une usine d'accessoires en plastic, ma seconde est mariée à un maçon français, mon troisième est peintre tapissier et la dernière n'est pas encore mariée» explique M. André Pino, espagnol d'origine et facteur sur la région de Saint-Chinian ... « J'ai un frère retraité de la S.N.C.F. et une soeur aux P. T. T. à Paris ». Au choix. Certains descendants d'espagnols ont cependant décidé de rester sur la terre ... Marie-Ange a planté des mûriers et va démarrer une magnanerie (élevage de vers à soie). Elle possède aussi un hectare de vigne mais Jean-Paul, son mari, travaille dans une imprimerie de Montpellier la semaine. La marmite ne bout pas encore de la terre. Le fera-t-elle un jour ? Malade de sa monoculture, le Minervois et avec lui tout le Languedoc appréhende l'entrée de l'Espagne dans le marché commun. Saint-Pons, centre d'une vallée textile autrefois prospère se désertifie. L a population s'élevait à 10 000 habitants dans les années 50, elle est descendue aujourd'hui à 3 000. Les jeunes partent. Dans la plaine, le nombre de travailleurs saisonniers français a baissé de 25 % entre 1980 et 1981, celui des espagnols de 4 % sur la même période. La région ouverte à la circulation des personnes depuis les temps préhistoriques va-t-elle se replier sur elle-même? Quelques jeunes gens tentent, à leur échelle, de renverser la vapeur. Ce sont les néo-ruraux, « descendants» des gauchistes, écologistes des années 60 et 70 : Français, Allemands, Anglais. Ils se sont attachés à ce terroir sur lequel ils ne sont pas nés, aux côtés des Marie-Ange. Ainsi Claude et Frédérique « immigrés » parisien et lyonnaise, occitanistes d'adoption . Leur fille, Aurélie, jolie petite blonde aux yeux bleus, parle avec un bel accent occitan ... Sa meilleure amie s'appelle Pilar, une autre petite blonde aux yeux bleus, de parents hollandais et anglais, lui répond sur le même ton. Cahin-caha, le Languedoc poursuit son histoire de rencontres. D Pauline JACOB 17 Le vignoble languedocien et la fête des vendanges 1 En japonais, discrimination et origine des Buraku (Maspéro). LES BURAKUMIN La première partie d'une grande enquête sur les parias de l'empire des miracles 18 arce que toute passion tend à déformer son objet, un amour excessif du fameux « modèle japonais » peut conduire à lui prêter des qualités imaginaires et douteuses. Ainsi dans ce cri du coeur de quinze Français littéralement éblouis par leurs découvertes : « Il n y a pour ainsi dire pas de Japonais blonds, ni de Japonais roux, ni de Japonais aux yeux bleus ! Contrairement à la population de nos pays occidentaux, la population japonaise donne l'impression d'une extraordinaire homogénéité. Le Japon n'ajamais été « envahi» et n 'a jamais utilisé de main-d'oeuvre étrangère! ( .. .) On constate que cette population dense a adopté un comportement calme, discipliné et souriant qui fait notre admiration» (1). Il y aurait énormément à dire sur cette vision superficielle et condescendante qui fait d'un peuple « différent» une Différences - N° 29 - Décembre 1983 19 masse indifférenciée: tous pareils, ces Japonais, et leur uniformité physique reflèterait providentiellement leur « consensus » psychologique et social ! Or, il suffit de regarder dans la rue, dans le métro, pour percevoir l'extrême variété des visages, tant par la forme et l'expression que par le teint de la peau: qui a décrété qu'ils étaient « jaunes » ? .. Inutile d'être anthropologue pour savoir que l'immense majorité de l'humanité a les yeux et les cheveux noirs ou brun foncé, et que la « bride mongolique» de la paupière supérieure caractérise la plus grande partie des habitants de l'Asie. Rien, donc, dans l'aspect extérieur des gens, qui soit totalement spécifique au Japon. C'est que, depuis le fond des âges, l'archipel a été « envahi» - mais oui ! - par de multiples migrations qui se sont heurtées et métissées pour engendrer la population d'aujourd'hui. Il a même été occupé, après la seconde Guerre mondiale, par les Américains. La main-d'oeuvre étrangère? L'économie japonaise en a usé sans scrupules à l'époque coloniale, et ce n'est pas fini. De plus, comme pour briser un peu plus encore l'image d'une « homogénéité» parfaite, un peu d'attention permet de discerner dans cette société toute en cloisonnements et en hiérarchies, le drame séculaire des quelque trois millions de Burakumin ... A une heure de voiture du centre d'Osaka, la ville d'Izumi s'efforce de réduire peu à ~u l'étendue de son buraku. Ce mot, qui signifie à l'origine «hameau », a pris au cours des âges le sens de « ghetto ». Selon les derniers chiffres officiels, en 1975 il existait au Japon 4 374 buraku, ruraux et urbains, où vivaient 1 840 000 Burakumin (les gens des hameaux). Mais on en admet au moins 1 500 de plus, avec un nombre d'habitants nettement supérieur, auxquels s'ajciUtent les centaines de milliers de Burakumin « invisibles» qui ont pu se fondre dans la population des grandes agglomérations. . Passés le cimetière et la décharge d'ordures, puis l'école nouvelle, la route se heurte au quartier de Saiwai-Oji, un bidonville à la manière de Nanterre ou Champigny des années 60. Dans les ruelles qui vont se rétrécissant, les cases de bois couvertes de tôle ou de carton goudronné voisinent avec des petites maisons en dur, au toit de tuiles peintes, relevé aux angles. Une poussette ou un vélo sous un minuscule auvent de plastique; du linge séchant entre les cloisons disjointes d'un hangar exigu; un jardinet de poche méticuleusement soi- 20 gné : les gens vivent, s'organisent dans ce cadre misérable, mais d'une remarquable propreté. Pourtant, les eaux usées courent dans les caniveaux, traversant parfois une allée. Quand il pleut, la boue englue les venelles non-asphaltées. Au croisement de deux sentiers herbus, se dressent des débris calcinés : le feu a détruit plusieurs habitations, car les voitures des pompiers ne peuvent pénétrer dans ce labyrinthe. On devine, aux écheveaux de laine, aux vêtements confectionnés aperçus par une fenêtre ou une porte entr'ouverte, les petits travaux à domicile qui occupent certaines familles. Une construction plus étendue: la fabrique de perles artificielles, l'une des rares « industries» du lieu. Sous le plafond bas, une demi-douzaine d'hommes et de 'femmes, aux traits tirés, s'affairent lugubrement dans l'odeur suffocante' d'acétone. Non loin de là, une boutique, par comparaison luxueuse, dont la vitrine offre les colliers, les broches, les épingles de cravates réalisés grâce à leur labeur, dans des écrins flatteurs de velours rouge. A Saiwai-Oji, le chômage est sévère, les revenus des plus médiocres. On y compte 10 % de la population d'Izumi sur 1 % du territoire communal, et 87 % des personnes assistées. Parmi les salariés, 29 % seulement perçoivent des rétributions mensuelles, les autres étant payés à la pièce ou à la journée. Mais tout le monde n'est pas pauvre

  1. ~1R-ltOE;

t 1 0.:._ ci La fabrication d'objets en bambou, une des principales occupations des Burakumin. Sur le IIJur d'une école d'Osaka des graffiti racistes : « les Burakumin sont nos ennemis ». Un Buraku, à Nagoya. dans les buraku. Des employeurs avisés profitent du manque de débouchés, des discriminations pratiquées au dehors, qui ramènent à leurs entreprises les plus récalcitrants. A la lisière du ghetto, des villas orgueilleuses, aux belles proportions, se dressent avec des allures de forteresses. Il est vrai qu'en quelques années, le bidonville d'Izumi s'est notablement réduit. Les militants de la Ligue de Libération des Buraku (2) sont fiers de montrer, en face, les bâtiments bien alignés de la cité toute neuve, où sont progressivement relogés les habitants des baraques, après le passage des bulldozers. A l'école-modèle, où l'on doit se chausser de pantoufles pour entrer, les enfants du ghetto ne sont plus, comme ceux d'autrefois, voués à un enseignement au rabais qui limitera leurs chances; ils s'épanouissent dans la joie et la conscience de leurs origines. Il y a aussi le dispensaire, bien équipé, les crèches, la douillette maison des retraités le centre socioculturel, destinés aux Burakumin et gérés ~ar leurs associations. Cependant, malgré la résorption de certains buraku, cette lèpre prolifère encore, surtout dans l'île méridionale de Kyushu et autour de la mer Intérieure. Dans les départements de Fukuoka, Hiroshima et Osaka, on compte respectivement 605, 472 et 55 buraku, avec 230000, 82000 et 149 000 habitants. C'est à Kobé que se trouve le plus grand buraku du Japon: il groupe plus de 1 000 foyers. 208000 Burakum~n vivent dans le département de Hyogo, 58 000 dans celUI de Kyoto, l'ancienne capitale, berceau de l'art et de la spiritualité du Japon ... Différences· N ° 29· Décembre 1983 21 Pourquoi cette marginalité d'une fraction de la population ? Il faut savoir que les Burakumin sont d'authentiques Japonais, de même ethnie et même culture que les autres. Traités comme chez nous les travailleurs étrangers, on leur imposait autrefois, comme aux Juifs d'Europe, le port de vêtements spéciaux ou d'une marque distinctive' comme les Tsiganes, ils sont entourés de craintes et d~ superstitions. Leur douloureuse histoire, qui se poursuit dans le Japon du 20e siècle, se rattache à des divisions socioéconomiques, à des tabous religieux remontant aux premiers siècles de notre ère. Déjà, dans la société primitive de la plaine de Yamato, autour de Nara, on relève l'existence de deux groupes: d'une part, les artisans et les cultivateurs, qui vivent groupés dans des huttes, et, d'autre part, ceux qui se consacrent aux travaux ayant rapport au bétail et à la mort - de la garde des troupeaux et la boucherie aux rites funéraires - sans lieu d'habitation permanent, à l'écart. Le pur et l'impur Au 7e siècle, quand apparaissent les registres familiaux (koseki), forme de l'état-civil qui demeure aujourd'hui ils indiquent l'appartenance sociale de chaque personne. ' Pendant les sept siècles de gouvernement militaire des Shogun, la définition et la séparation des classes, leur hiérarchie, se codifient et se figent. Il y a, de haut en bas, les guerri: rs (subdivi~és en daimyo, seigneurs, et samouraï), les fermIers, les artIsans, les marchands ; et puis les hors-classes, rejetés loin d:s cités, établis près des cours d'eau, et qu'on appelle parfOIs pour cela kawaramono, les gens-des-bordsdes- rivières. C'est à partir du 13e siècle qu'on les désigne, dans des documents ou sur des pierres tombales du nom de hinin (non-humain), eta (impurs), chikunan 'ou chikujo (homme ou femme-animal). Méprise-t-on un groupe parce qu'il accomplit des tâches jugées dégradantes ? Ou l'oblige-t-on à accomplir ces tâches parce qu'on le méprise ? La question surgit dans toutes les situations de racisme, et l'on s'aperçoit que les deux attitudes se complètent, s'enchaînent. Dans le cas de ces exclus nommés aujourd'hui les Burakumin - seul terme qui ne soit pas péjoratif, et que revendiquent les mouvements de libération - se combinent l'infériorité sociale et l'idéologie religieuse. Les notions de pur et d'impur, de souillure et de purification, tiennent une place majeure dans le shintoïsme. A l'entrée des temples, une fontaine permet aux fidèles de se laver les mains et de se rincer la bouche avant d'aller se recueillir et méditer; ils brassent la fumée de l'encens et se touchent le corps pour se protéger des maladies. Impurs, les eta le sont parce qu'ils abattent les animaux ~t traitent le cuir, parce qu'ils assurent le nettoiement, parce qu'ils font office de bourreaux et gardent les cadavres des criminels exécutés, parce qu'ils s'occupent des morts et des tombes, même si beaucoup cultivent de maigres lopins de terre ou sont artisans. C'est pourquoi, selon un magistrat de la seconde moitié du 1ge siècle, la vie d 'un eta vaut sept fois moins que celle d'un homme ordinaire ! Il Au long des siècles, les gouvernants ne manqueront pas, pour mieux assurer leur pouvoir, de jouer, quand besoin est, sur leur « différence ». Celle-ci est systématiquement rendue visible pendant l'Ere Tokugawa (1603-1868) au moyen de prescriptions draconiennes: c'est le temps où les eta doivent, selon les lieux, suspendre une peau d'animal au bord du toit de leur maison, porter une ceinture de corde, et chausser des sandales de paille, arborer un rectangle de cuir sur leur vêtement, qui est d'une couleur déterminée; quand ils vont chez d'autres personnes, défense leur est faite de passer la pièce d'entrée; parfois, ils sont soumis au couvre-feu, et dans certaines régions, n'ont pas le droit de posséder ou louer de la terre. Bien entendu, ils ne peuvent se marier qu'avec de's congénères. Lors des révoltes paysannes, auxquelles ils participent, la répression se déchaîne avec une rigueur particulière contre les gens-des-ghettos (3). Mais après la réforme de la taxe foncière, en 1873, qui accroît encore la misère des paysans pauvres et en fait les prolétaires de l'industrie en rap'ide développement, les Burakumin deviennent les boucs émissaires dans le climat de peur qui s'instaure. Dans le centre et le sud du Japon, au cours de véritables pogromes, des milliers de maisons de Burakumin seront dévastées à Fukuoka et à Okayama; on comptera dix-huit morts. L'empereur Meiji venait de proclamer, en 1871, par l'Edit d'émancipation, que « les appellations de eta et hinin étant abolies, les perSOf1'les appartenant à ces catégories seront traitées dans les domaines de l'emploi et de la situation sociale de la même façon que tous les autres citoyens ». 22 Cette mesure, réclamée au cours de multiples luttes, révoltes, appels d'intellectuels, est accueillie avec joie. Très vite, les gens-des-ghettos perdent les professions artisanales (tanneurs, maroquiniers, cordonniers) dont ils avaient le monopole de fait, et que balaie l'industrialisation, pour devenir la main-d'oeuvre mobile et bon marché qu'exige le capitalisme triomphant. Ils travaillent massivement dans les mines et l'industrie textile. Mais la rapide mutation de la société japonaise laisse subsister sous diverses formes les structures hiérarchisées de l'époque féodale, avec le pouvoir absolu de l'empereur, les pairs, les nobles devenus sénateurs et les samouraïs reconvertis en cadres et notables, la propriété de la terre inchangée, le système patriarcal donnant un rôle prépondérant à la naissance, à la lignée, au sexe (masculin). Les registres familiaux, les recensements continuent de mentionner l'ancienne origine, et s'il n'est plus question officiellement d'eta ou de hinin, les termes employés rappellent le passé: heimin (gens ordinaires), shinheimin (nouvellement homme ou femmes ordinaires), membres de « communautés spéciales ». De fait, après l'émancipation de 1871, qui mettait fin à l'opprobre séculaire marquant les Burakumin, loin de s'éteindre spontanément, les discriminations ont persisté, d'autant plus intolérables que le système social avait changé. j Deux images du Japon : Tokyo et son modernisme. Les parents de Kazuo Ishikawa, un Burakumin injustement condamné. Aujourd'hui, les ghettos les plus importants ne se situent pas, comme autrefois, au bord des rivières ou au pied des montagnes, mais en marge des grandes cités industrielles. En plus forte proportion que les autres Japonais, les Burakumin sont éboueurs, égoutiers, chiffonniers, terrassiers, gardiens d'immeubles, colporteurs de fruits, légumes, fleurs ou poissons. Ils travaillent majoritairement dans les petites entreprises, subordonnées aux firmes importantes

il y a parmi eux, en moyenne, dix fois plus de chômeurs

que dans l'ensemble de la population. S'ils cultivent la terre, 'c'est sur des parcelles minuscules (et après la guerre, comme par hasard, leurs champs furent plus particulièrement réquisitionnés pour l'installation de bases américaines et de terrains de manoeuvres militaires) ; beaucoup sont devenus ouvriers agricoles. S'ils sont fonctionnaires, c'est à des postes subalternes. Malgré les indéniables progrès réalisés au cours des dernières décennies pour établir l'égalité des chances, les plus récentes statistiques montrent que les Burakumin sont moins nombreux que les autres Japonais à entrer dans l'enseignement secondaire (- 5 0,10) et à y poursuivre leur études jusqu'au bout (- 20 0,10) ; leur taux d'accès à l'université est de 37 0,10 inférieur. Leur revenu moyen par foyer n'atteignait, en 1969, que 63,4 0,10 du revenu moyen national, et il semble que ce chiffre ne se soit guère amélioré depuis. Ces inégalités structurelles trouvent encore souvent prétexte ou justification dans les préjugés anciens. Il n'est pas rare que des graffiti soient barbouillés autour des buraku, ou même dans des universités, reprenant le terme injurieux de eta, assorti parfois d'appels au meurtre. A Izumi, on a pu lire cette inscription : « Tous les Burakumin en camps de concentration. Gazez-les à mort ». Lorsqu'a commencé la résorption du ghetto de cette ville, certains relogements étaient prévus dans une autre partie de l'agglomération. Les habitants du quartier concerné, hostiles mais n'osant pas exprimer ouvertement leur racisme, ont signé une pétition sans texte, sur des feuilles blanches, dont ils ont ensuite expliqué verbalement le sens aux autorités. Aussi, les bâtiments neufs où vivent les originaires du buraku maintiennent-ils la ségrégation, même si c'est dans des conditions plus confortables. La haine trouve alors de nouveaux aliments : on dit et on écrit que « les Burakumin dépensent notre argent comme de l'eau », qu'ils exploitent le peuple » ... Refrains connus. Différences· N ° 29· Décembre 1983 23 La Ligue de Libération des Buraku ayant obtenu que les registres familiaux ne puissent plus être consultés sans l'accord des intéressés, des listes d'habitants des buraku ont été commercialisées avec l'indication « top secret». On a pu repérer, entre 1975 et 1981, deux cent dix neuf acheteurs, parmi lesquels les plus importantes firmes industrielles et commerciales du Japon. L'embauche dans ces entreprises donne lieu à une enquête approfondie sur les candidats. Il en est de même, traditionnellement, pour les mariages, à l'égard des fiancés. De prospères agences de détectives privés se consacrent ainsi, quotidiennement, à la chasse aux Burakumin. A cause de son origine, on peut perdre son travail ou son amour. Plusieurs suicides en ont résulté ces dernières années encore. La jeune Kayo Asano, en 1976, écrit à son ami, avant de se donner la mort: « Je viens d'une famille du buraku. J'avais espéré le garder secret ... C'est pour cela que je ne suis pas allée chez mes parents avec toi. Maintenant, j'espère que tu épouseras une jeune fille en pleine santé, d'une bonne famille, qui puisse convenir à ta mère. Au revoir ». L'administration, la police, la justice, ne sont pas exemptes de comportements anti-Burakumin. Un jeune garçon, Kazuo Ishikawa, a été condamné pour meurtre dans des conditions douteuses laissant croire que le fait d'habiter un buraku a pesé d'un poids essentiel contre lui. Depuis vingt ans, se poursuit une campagne ardente pour sa libération. Même s'ils ne forment pas un groupe ethnique ou culturel particulier, on comprend le sentiment de solidarité et l'esprit combatif qui unissent les Burakumin, dont la communauté a connu une longue histoire de ségrégation et de souffrances, mais aussi de luttes. En 1874, ils se joignent nombreux au Mouvement démocratique pour le respect des droits de l'Homme, visant à concrétiser les promesses de démocratisation de l'Ere Meiji. Au début du 20e siècle, tandis que les révolutions russes de 1905 et 1917 stimulent les mouvements populaires au Japon, avec les Révoltes du riz (août 1918), naissent les premières organisations propres aux Burakumin ,. les autorités doivent en tenir compte, soit en s'efforçant de les « récupérer », soit en prenant des mesures budgétaires pour améliorer les conditions de vie dans les ghettos (1920). Le 3 mars 1922, trois mille congressistes, à Kyoto, acclament la création de l' ~ssociation japonaise pour l'égalité (littéralement: asso- JAPON: sabre,paravent, miroir Frédéric BRICNET Jean-Pierre CENDRON JAPON: SABRE, PARAVENT, MIROIR Ni miracle, ni modèle, la réussite japonaise interroge nos faiblesses. ColI.«Alternatives économiques)) 23267· 204 pages· 60 F , ciation des niveleurs). Se référant à la fois au marxisme, au christianisme et au bouddhisme, la Déclaration adoptée soulève une intense émotion : « Nos ancêtres ( ... ) victimes de l'abjecte politique de la classe dirigeante, sont devenus les martyrs courageux de l'industrialisation. Pour les remercier de travailler la peau des bêtes, on les a dépouillés vivants de la leur; pour les remercier de retirer les entrailles des bêtes, leurs entrailles encore chaudes ora été arrachées de leur propre corps; de plus, ils étaient tournés en ridicule ( ... ). Le temps est venu pour les victimes de refuser leurs stigmates, pour les martyrs d'être bénis pour leurs couronnes d 'épines. Le temps est venu pour nous de la fierté d'être eta » ... Manifestation, procès, campagnes de dénonciation et d'information n'ont cessé, depuis, de se multiplier. Avec parfois des tendances au repliement du groupe sur lui-même, mais le plus souvent en concordance avec l'ensemble des luttes pour la démocratie, contre le fascisme et la guerre, en lien avec les autres victimes de discriminations. Ainsi furent obtenues les mesures - toujours insuffisantes et d'une extrême lenteur - tendant à effacer des siècles d'inégalité et d'humiliation. La Constitution de 1946 confirmait l'égalité en droits de tous les Japonais. Il a fallu des batailles acharnées avant que la « Commission consultative pour une politique d'insertion» des Burakumin (créée en 1960) se voie confier un objectif précis (1961), présente un rapport (1965), débouchant sur une enquête (1967) et que la Diète vote enfin la Loi sur les mesures spéciales pour les projets d'insertion Guillet 1969). Loi applicable pendant dix ans, prolongée de trois ans en 1978, remplacée le 1er avril 1982 par la Loi sur les mesures spéciales pour les projets des zones d'amélioration d'une durée de cinq ans. Sur le terrain, la mise en oeuvre de ces mesures ne va pas sans problèmes, financiers d'abord, mais aussi de priorités, de méthodes, de contrôles, de participation des intéressés. La Ligue de Libération des Buraku revendique un programme plus complet de transformation de l'habitat, d'élévation du niveau social et culturel, de stabilisation de l'emploi, de protection des droits humains, à poursuivre résolument sous la responsabilité de l'Etat, des collectivités locales et du peuple, sans limite de temps, jusqu'à ce qu'aient disparu toutes les inégalités et les discriminations. Nous voilà bien loin du Japon tant vanté, ultra-moderne, paradis de l'informatique, avec ses autoroutes, ses métropoles géantes, ses usines robotisées, ses ouvriers heureux et pleins d'allant. Que ce pays super-développé - le « Troisième Grand» de l'économie mondiale - présente de telles poches de sousdéveloppement, de tels anachronismes, peut surprendre. S'agit-il d'un « Japon insolite », peu significatif, qui ne doit pas masquer le vrai ? de simples séquelles du passé, en voie d'être résorbées? des scories d'une expansion impétueuse? Une étude de l'historien Martin Kaneko (4) montre que l'extension des buraku ne peut s'expliquer par la fécondité, serait-elle forte, de leur population du Moyen-Age. A Kobé, le buraku de Bancho comptait 388 habitants en 1868, 1 004 en 1877, 2208 en 1887, 10 000 en 1980. Une multitude de laissés-pour-compte de la société et, plus tard, de victimes de l'industrialisation (paysans ruinés, chômeurs, travailleurs non-qualifiés) ont sans cesse gonflé leurs effectifs. La discrimination, constate-t-il, n'est pas causée par le fait de vivre dans un buraku, mais, à l'inverse, c'est la discrimination sociale, qui cause le buraku. Pour lui, les 24 buraku n'existeraient pas aujourd'hui s'ils n'étaient le résultat des structures socio-économiques du Japon. Il faudrait longuement les analyser. Mais quelques données aideront peut-être à éclairer le contexte qui implique l'existence des buraku et comporte bien d'autres réalités moins brillantes qu'on ne dit. D'abord, le phénomène de la sous-traitance. Dans les grandes firmes-vitrines, internationalement connues, les avantages sociaux, les emplois à vie - avec les formes de « participation »qui s'y attachent - ne sont possibles que grâce à la soupape de sûreté que constituent les milliers d'entreprises, petites ou moyennes, qui gravitent autour et reçoivent d'elles, au total, 80070 de leurs commandes. Certaines fournissent des services particuliers dans l'unité de production principale (travaux spécialisés, pénibles, dangereux ou temporaires)

d'autres se consacrent à des fabrications partielles.

C'est là que sont imposées des conditions de travail draconiennes, que se répercutent les fluctuations de la conjoncture et de l'emploi. Pour fonctionner, ce systèmes exige une vaste réserve de main-d'oeuvre flottante, à bas niveau de vie - celle, notamment, qui peuple les buraku. Ensuite, le mode des relations sociales, fondées sur de multiples réseaux traditionnels (autorité patriarcale, parrainages) ou modernes (liens avec l'entreprise, syndicats-maison, clientélisme politique). Si les enquêtes en vue de l'embauche ou de mariages font apparaître les préjugés envers les Burakumin, elles ne concernent pas qu'eux: ce sont des pratiques largement répandues. Nous voilà loin du ~apon tant vanté, ultra-moderne On le voit: à l'âge industriel, les préjugés médiévaux contre les eta trouvent leur prolongement dans une surexploitation qui s'appuie ailleurs sur d'autres « différences ». Mais il n'y a pas, dans les buraku actuels, que les descendants des « intouchables» d'antan; et ceux-ci ne sont pas seuls à connaître la situation peu enviable de travailleurs sousqualifiés et de minorité méprisée. Des progrès ont été accomplis dans la lutte contre les discriminations. Mais les 6 000 buraku restent sur la carte du Japon autant de clignotants rouges, révélateurs de maux qui les dépassent. On peut craindre que, pour les raisons qui s'inscrivent au plus profond de la vie japonaise, ce pays de civilisation raffinée et de techniques de pointe, conserve encore longtemps un grand nombre de parias. D Albert LEVY (1) Quinze Français cherchent une explication aux performances japonaises, rapport du Conseil National du Patronat Français sur un séminaire itinérant au Japon, septembre 1979. Cité par Francis Ginsbourger, dans la préface de: Japon: l'envers du miracle, de Kamata Satoshi (Ed. Maspero). (2) La Ligue de Libération des Buraku a organisé du 2 au 7 décembre 1982, une Conférence internationale contre la discrimination, qui comportait deux colloques, à Osaka et Tokyo, un meeting à Fukuoka, et de nombreuses rencontres. Outre ceux du Japon, des participants de six pays étaient présents; parmi eux, pour la France, Albert Lévy, secrétaire général de MRAP, directeur de Différences. Il existe une autre organisation, créée à la suite d'une scission, la Fédération du Mouvement National de Libération des Buraku. (3) Juidri Suginohara : The Status Discrimination in Japan. Introduction of Buraku Problem (The Hyogo Institute of Buraku Problem, 1982). (4) Martin Kaneko : Some reconsiderations concerning the history of discrimination against Burakumin and the use of discriminatory terms, in Long-Suffering brothers and sisters, unite! (Buraku Kaiho Kenkynsho, 1981). L'arrivée de Breytenbach à Roissy en 1982 MOUROIR. J'ai connu le peintre Breyten Breytenbach, à l'époque où il venait travailler dans ce qu'on appelait pompeusement «l'atelier », étendue délabrée sous le toit de ma maison. Il était parfois accompagné de sa femme, si jolie, d'origine vietnamienne (qu'il n'avait pu présenter à ses parents résidant en Afrique du Sud qu'en leur donnant rendez-vous au Swaziland). A ce moment, je ne le savais pas poète, écrivain, mais j'étais fascinée par la sensibilité émanant de ses tableaux, l'obsession des souvenirs de son pays, dont il dénonçait le régime d'apartheid. C'était un conteur extraordinaire, narrant une époque de sa vie, où, marin sur un yacht fantomatique, dépourvu de radio, il avait affronté nombre de tempêtes à travers le monde. Les textespoèmes que nous apporte Mouroir, un recueil de nouvelles écrites en prison (Breyten, arrêté lors d'un voyage clandestin, fut, en 75, condamné à neuf ans d'incarcération par Pretoria) sont des souvenirs-images de la vie. « L'endroit reste un peu rugueux dans la mémoire », dit l'auteur, « et pourtant il faut crever l'abcès, car nous sommes les miroirs, et, les miroirs ont leur vie propre. Ce qui se trouve pris en eux continue à y exister. La réalité est une version de l'imagemiroir ». Nous voici donc entraînés dans des lieux inconnus et sombres, « tout ce que l'oeil peut voir », écrit Breyten, « est gris, stérile et desséché... Toutes ces teintes de gris se soulevaient et affluaient ». Et puis émergeant de cette grisaille, soudain s'élèvent des pics, couleurs inattendues, infinies, « des arbres à fleurs rouges comme des étoiles, les roses de Ceylan ... le ciel d'un bleu profond, presque pourpre» des images aveuglantes, terribles, désespérées dans leur froideur. On a comparé le peintre à Goya, mais on trouve chez Breyten« une cruauté et une pitié qui n'ont rien d'hispaniques, dont on devine tout de suite les origines à la fois néerlandaises et bantoues» (1) ; on a voulu rapprocher Mouroir de Kafka, en fait toute comparaison ne peut qu'amoindrir les textes professionnels, 25 étonnants, inimitables du livre. La nouvelle la plus retenue par les critiques est celle qui, froidement chirurgicalement, expose La double mort d'un criminel ordinaire. Mais si l'ensemble de Mouroir semble organisé autour de ces pages princeps, aussi envoûtantes sont les autres, piquées par l'enfance, quelquefois burlesques, où les rêves du prisonnier qui n'a plus la force d'envisager la liberté nous transportent par l'étrangeté et la richesse de leur pauvreté. Libéré sous la pression de ceux que l'apartheid scandalise, Breyten Breytenbach, poète, écrivain, peintre est revenu à Paris et va nous permettre d'enrichir nos conceptions de l'humain. D Annie L. ... - Mouroir - Nouvelles de Breyten Breytenbach. Ecrit pour deux tiers en afrikans, le reste en anglais. Traduit de l'anglais par Jean Guiloineau. Ed. Stock. Coll. Nouveau cabinet cosmopolite. (1) Ed. Roditi. - ICUlTURES,'

Méli-mélomanie

STOP. « They go loose / War is west / war is east... / AlI is confusion / No imagination / No simplicity / No love, no love ». . Le leader du groupe reggae Az Yaya and Think nous expose sa démarche. « 'Mon nom est Az Yaya, je suis né en Afrique, je ne suis qu'un Rasta parmi tant d'autres. Nous sommes aujourd'hui, la génération de la Conscience sans prêtre et sans église. La musique est le seul métier qui me permette de me réconcilier avec moi-même, de me retrouver. L'album Stop that train résume assez bien la vision que nous avons du monde, celui de la haine sans amour. Le groupe s'appelle Think, nous ne faisons qu'un. Faire de la musique à Paris, c'est difficile, mais nous essayons de rester positifs. Nous sommes obligés de venir enregistrer ici, car, en Afrique, il n'y a rien. Parmi les nombreux groupes présents à Paris, au bout du compte peu produisent des disques, c'est le système qui veut ça. Les maisons de disques sont des firmes multinationales et leurs ordres viennent d'ailleurs, notamment des U.S.A. Je suis tr-ès exigeant, j'ai besoin de jouer avec des musiciens qui sentent réellement le retour en Afrique, question de vibration. Pour que cesse la confusion, il faut que nous installions en Afrique. Là-bas nous serons préservés de la destruction. Nous espérons partir pour la Jamaïque dans quelques mois, malgré le climat peu favorable. Mais nous avons de nombreux projets. Rita Marley trouve notre reggae « très africain ». Les Rastas parlent souvent de Babylone, nous croyons à la réincarnation des cités, Babylone existe, elle est déjà tombée, elle tombera encore ». D Propos recueillis par Stéphane JAKIN Az Yaya & Think. Stop that train. S.F.P.P .. ITALIE. Dans les coulisses des Bouffes du Nord, Giovanna Marini, interprète de « l' opératorie » Le cadeau de l'empereur, répond à quelques unes de nos questions. « L'Italie du Sud est très concernée par la question de l'immigration. Beaucoup d'Italiens vont travailler en Suisse ou en Allemagne. De retour au pays certains d'entre eux ont comme «perdu la présence », ils ne parlent plus, ils ne s'habitent plus, ils ne s'appartiennent plus. Différences - N° 29 - Décembre 1983 LAVILLIERS. Il aurait pu être ouvrier ou paysan, il n'était pas prince ou chevalier, ce pur anar est devenu célèbre avec l'intense jubilation des aventuriers. Il est né sous le signe du rêve. La première chanson apprise l'emmenait vers le soleil de tous les Brésils. Alors, l'action, la fidélité, la générosité, mots terribles et doux, souvent, l'obligent au voyage. Aller voir et raconter, voir et ne pas oublier, témoigner: comme l'ont fait avant lui les romanciers (Kessel, Hemingway) des poètes (Rimbaud, Maïajivski, Couté, Cendrars), des journalistes (Londres) ou des chanteurs (Ferré, Morrisson). Ceux avec lesquels, pour notre bonheur, il vit, en mélodies métisses. La tête dans les étoiles. Les deux pieds et les poings sur la terre : « J'ai vu l'horreur/J'ai vu du sang/J'ai vu des m6mes avec des machines guns/ J'ai vu des cadavres pourrir sur le bord des routes,/J'ai vu des genssefaire Lavilliers : VERS LE SOLEIL DE TOUS LES BRÉSILS C'est une angoisse terrible, quasi une maladie mentale qu'éprouvent les membres de toutes les minorités. Tous les rituels musicaux des minorités du sud de l'Italie sont liés à la nécessité intérieure de protéger son identité. Ma musique, je la sens très proche de ce souffle vital. Par exemple, au sud de Rome, les gens acceptent mal d'être photographiés, ils ont peur qu'on leur vole leur image. A Galatino, dans les Pouilles, quand quelqu'un est mordu par la tarentule, l'orchestre du village vient l'exorciser de sa musique. A la fin de notre première représentation l'autre soir, tout le groupe était très ému sous les applaudissements, nous avions pu chanter, témoigner et nous étions reconnus. Autant dire que nous étions 26 mitrailler pour rien, car tout le monde est parano,/J'ai vu des gens mourir de faim./J'ai vu, à la télévision, le Président dire/que la situation était parfaitement claire/et qu'il avait toutes les choses en mains/J'ai vu la Main blanche descendre dans des/fermes et les faire brûler,/J'ai vu des intellectuels barbus se paumer/dans des raisonnements d'enfer alors que dehors .. ./ J'ai vu tout ce qu'on peut voir dans la caricature de la révolution, / J'ai vu le parti communiste lutter contre le parti socialiste. J'ai vu les gens du Guatémala masser leurs/armées aux frontières et faire des raids au Salvador, / J' ai vu les instructeurs américains débarquer avec les hélicoptères

/J'étais là à ce moment là .»

Les poètes font de drôles de métier. celui-ci est chanteur de variétés. D Théodore MUGGLE Etat d'urgence, Bernard Lavilliers. Barclay. comblés, dans une société dominée par le pouvoir et l'argent, cela compte énormément. » D J .B. AMALGAME. Nour Eddine, «Africain de race blanche », chante avec sa jeunesse et la Méditerranée dans la voix, la nostalgie de tous les Algériens émigrés qui vivent loin de leur terre natale et qui ruminent sans cesse l'obssession du retour au pays. Ghetto Blues est son premier album, il y a amalgame avec un certain bonheur, les paroles d'un écorché avec une musicalité très moderne. Il chante la Samba africaine et l'espoir: « prends la vie du bon c6té, elle en sera très flattée », il chante surtout l'amour et ça tient chaud au coeur. D S.K. Ghetto Blues Nour Eddine. S.F.P.P. c ___ Lectures __ _ LOGIQUES. L'Occident philosophe ? L'Orient superstitieux? Les stéréotypes ne manquent pas de santé. De temps en temps, un ouvrage tente de mettre un peu 'd'ordre dans les idées que l'un se fait sur l'autre. Christian Jambet, agrégé de philosophie, apporte sa contribution en publiant La logique des orientaux en hommage au philosophe Henry Corbin qui, le premier, a imposé l'idée d'une philosophie proprement orientale. Comment la logique des orientaux peut-elle éclairer la logique de nos représentations ? Comment soutenir de façon réglée leur comparaison? Autant de questions indispensables et préalables au lever du rideau de fumée séparant les systèmes de pensée occidentaux et orientaux. D Paulin!' JACOB La logique des orientaux par Christian Jambet - Henry Corbin et les formes. Collection l'ordre philosophique. Seuil 1983. TYPES. Légitime retour de ... miroir face aux revues féministes; Types/paroles d'hommes est pensée et mijotée - depuis janvier 81 - par des hommes. Ni phallos, ni machos ou masos, et contre tout sexisme (ils invitent d'ailleurs lecteurs et sympathisants à signer une pétition en ce sens). A l'origine: la tentative de parler de sa condition «masculine », du célibat et du mariage, de la paternité hors-contrat, du rapport à soi et à l'autre (féminin singulier inclus). Cinq numéros sont déjà parus et encore disponibles. Pour s'entendre parler plus juste du désir, de l'amour, de sa vie affective et sociale en remisant les vieux (et nouveaux) clichés virils. Cette revue se veut aussi l'expression vivante et vécue de témoignages et de débats. Déjà loin aujourd'hui des anciennes militances, Types prépare son sixième numéro. Après ces «paroles d'hommes» sur les femmes; insolites au programme, un juste retournement de la situation s'opérera vers la mixité. La guerre des sexes n'aurait plus lieu. J.-J. PIKON Types/Paroles d'hommes n° 5. A propos des femmes. Ed. A.D.A.M. (Association pour la Disparition des Archétypes Masculins) ; 59 bis, rue de la Tombe Issoire 75014 Paris. DIASPORA Les juifs? Aussitôt les yeux se tournent vers l'Etat d'Israël, le grand génocide ou le grand rabbinat. Différences - N° 29 - Décembre 1983 L'histoire des diasporas et en leur sein, des socialismes juifs demeurent très méconnues. La revue Combat pour la diaspora tente de réparer l'ignorance en leur accordant tout l'espace de son numéro Il - 12 : « Les socialismes juifs - les minorités en France aujourd'hui ». Y sont notamment retracés, l'action du mouvement juif ouvrier - le Bund - en Pologne (Pavel Korzec), la sécularisation et la politisation de la société juive à la fin du XIxe siècle (Rachel Ertel), les socialismes sionistes et la question arabe (Ammon Kapeliouk). Pour ce qui est du quotidien dans l'hexagone, sont évoqués, l'identité, le territoire et la politique des minorités juive, arménienne, tsigane, occitane ... Et tout ce monde se ressemble plus qu'il n'y paraît au premier abord. Pauline JACOB Combat pour la diaspora - éditions Syros, 6 rue Montmartre 75001 - Paris. LA HONTE. Trois millions de lettres de dénonciation ont été adressées en France à la seule Kommandantur. C'est cette délation très ordinaire qu'André Halimi ressort des placards de l'histoire. Une série de témoignages et surtout la publication in-extenso de quelques spécimens. D La délation sous l'occupation d'André Halimi - Ed. Alain Moreau. CUBA. Publié en 1959 quatre ans après Compère Général Soleil, L'espace d'un cillement est l' oeuvre très intérieure de ce grand mulâtre cubain, militant syndicaliste, bagarreur solitaire assassiné en 1961, comme son père, compagnon de José Marti quelques années auparavant. D L'espace d'un cillement de Jacques Stephen Alexis. Réédition, coll. L'imaginaire ed. Gallimard. CHRONIQUES DE LA CITADELLE D'EXIL. Ecriture de l'imminence, confluence du cri et de l'absence, rien ne se perd qui soit authentiquement vécu. Abdellatif Lâabi en témoigne d'une façon majeure. Un choix de lettres arrachées au silence des murs de la prison, « Cité interdite où les horloges ont cessé de fonctionner », là même où il a passé huit ans de sa vie comme Breyten Bretenbach, pour «reconstitution de ligue dissoute et troubles à l'ordre public ». Lettres tendues vers les rives du poème. Il lutte corps rompu par l'exiguité contre la dictature du néant, «permanente mobilisation intérieure qui nous permet 27 sans cesse d'être autre chose que des cadavres titubant dans le cirque des horreurs ». Entre les «moments d'abattement et d'incertitude» Il touche du doigt ce qui dégrade et «étouffe les hommes en général ». Interminable confrontation avec lui-même, il puise à même le passé pour vivre le présent avec « la force des mots tocsin» (1), contre « l'ordre» et les « valeurs fossibles ». Amnésie élective qui le porte au devant de l'être aimé. Métamorphose d'un homme jusqu'à l'ulcère, qui du murmure et de l'appel fait jaillir le poème, « j'ai aboli bien des déserts en moi, bien des murailles ». Il chevauche le temps sous les écorces de la mémoire avec « cette fureur de mordre à tout ce qui est vie ». Une parole errante, retenue prisonnière, qui nous donne peut être un peu moins de bonheur quand elle s'épanche sur l'Histoire, la condition de la femme ou l'éducation des enfants, alors qu'elle est superbe quand elle s'en prend avec « hargne aux ténèbres de l'indicible ». Autant de lettres, autant de variations sur le thème de l'enfermement, de l'exil et de l'amour, qui nous renvoient de la solitude d'une nuit sans oiseaux au « destin de tous les emmurés, nos frères ». Bribes de poèmes inarticulés dans lesquelles le rapport à la vie devient plus simple, plus essentiel. Daniel CHAPUT (1) Maïakovsky Chroniques de la citadelle d'exil par Abdellatif Laâbi - Denoël. Sélection/Livres L'occupation allemande, la mémoire, l'amour, la vengeance et le pardon. Un miroir brisé à même le sol dont ilfaut recoller les morçeaux. La loi humaine de Rezvani, Le Seuil. A la veille de la seconde guerre mondiale, une libre plongée à l'intérieur de la comunauté antillaise en plein coeur de New York. Fille noire, Pierre sombre, de Paule Marshall, chez Balland Le destin de deux hommes, l'un est blanc l'autre est noir. Le problème de « l'identité» est posé; à mesure que le blanc devient noir et que le noir devient blanc. Blanc Cassé de Gilles Rosset, chez Gallimard. 0 .., 1 1 CULTURES ___ Cinémois nfin ! Depuis Kriss Romani de E Jean Schmidt, le cinéma français de grande diffusion n'avait pas produit de film vraiment pertinent sur les Gitans. Avec Les Princes Tony Gatlif, gitan lui-même, parvient à nous secouer les tripes avec ses héros qui ne sont jamais à la fête, même si comme le dit Mara, le personnage principal « les gitans n'intéressent les gens qu'au moment du pélérinage des Sain tesMaries- de-la-Mer ... parce que c'est la fête ». C'est Gérard Darmon, déjà remarqué dans Diva, dans Le Grand Pardon d'Alexandre Arcady et surtout dans Baraka de Jean Valère, qui est Mara, un jeune gitan vivant dans un de ces H.L.M. délabré où l'on entasse, ceux qui parmi les Fils du Vent ont dû se sédentariser. Mara vit de petits boulots sans lendemains, en exil dans une société qui ne comprend ni ses traditions, ni son sens des valeurs. Mara se débat pour survire. Gérard Darmon donne au personnage une force qui s'appelle désespoir et violence, finesse et pudeur. Robert Enrico qui, en pleine guerre d'Algérie nous proposa un film résolument antimilitariste, La rivière du Hibou (film interdit et étouffé dans l' oeuf) nous donne dans un registre grand public une oeuvre forte dans la dénonciation du racisme hitlérien. Robert Enrico vient d'adapter pour l'écran le roman de Martin Gray, Au nom de tous les miens. C'est trente ans de la vie d'un homme qui sont mise en image en 2 heure~ et demie pour le cinéma (en huit heures pour la version télé). Le réalisateur a privilégié pour la version cinéma la partie de la vie de Martin Gray dans le ghetto de Varsovie (il avait 20 ans en 1940): difficultés pour survivre, résistance et insurrection, déportation des êtres les plus chers, maquis russo-polonais, etc. Nul ne doute que ce film aura un succès aussi important que le roman de Martin Gray (cinq millions de lecteurs en France). Cannes a un peu boudé le dernier film du réalisateur brésilo-mozambicain Ruy Guerra Erendira. Pourtant l'interprétation de l'oeuvre de Gabriel Garcia Marquez qui nous est offerte là est riche de la même sensualité, lourde de la même ambiguïté permanente. Fidèle à l'idée centrale de Garcia Marquez, Ruy Guerra a su trouver un langage cinématographique et une direction d'acteur originale. Si Irène Papas, la comédienne grecque connue internationalement n'a pas (loin s'en faut) le physique pachidermique de l'Erendira de Marquez, elle n'en a pas moins l'épaisseur dramatique nécessaire. A ceux qui lui reprochaient la lenteur de son film, Ruy Guerra répondait « si j'avais pu encore plus en mesurer le rythme je l'aurais fait. Erendira est un film sud-américain, vivant au diapason des gens des campagnes. Erendira n'est pas bâti à partir des canons cinématographiques d'Hollywood! ». Allez voir Erendira. Novembre a vu aussi la sortie de Prin- 28 cesse de Pal Erdoss, un petit chef d'oeuvre du cinéma hongrois. A retenir pour les salles art-et-essai, la reprise de Senso de Luchino Visconti, à voir et à revoir avec délectation. Avec JeanPierre Sentier et Daniel Laloux, la poésie et la tendresse réinvestit un certain cinéma français. Un bruit qui court est une oeuvre baroque, à mi-chemin entre la rationalité la plus absurde et le fantastique. Un bruit qui court nous révèle un Robinson Crusoé moderne, Robinson dans son île et... dans le cinéma français. Pour terminer enfin, si vous avez rêvé de voir un film de femme sur une vie de femme, bourré de talent, et massacré par la distribution commerciale, transformez vos désirs en réalité. Cherchez et rencontrez Le destin de Juliette d'Aline Isserman. Ne soyez pas coupable de négligence complice. Laissez tomber les Wargames de John Badham que va vous servir la publicité. Pensez à vous, pensez au Destin de Juliette. Jean-Pierre GARCIA CAMÉLÉON. «J'ignore, dit Woody Allen de son dernier film, Zelig, si c'est une comédie, un film sérieux, une comédie sérieuse, un documentaire, un drame; ou quoi que ce soit d'autre ». Zelig le personnage qu'il interprète, est . un homme caméléon, il ne peut souffrir les différences, il les abolit. En présence d'un Noir, il devient noir, indien avec les Indiens. Lorsqu'il arrive en France, et Anna Shygulla et Angela Winkler, dans L'amie de Margarethe Von Trotta. Au centre: Toujours à l'affiche, Les Princes de Tony Gatlif, un très beau film sur les Gitans. A gauche: Irène Papas, principale interprète d'Erendira, de Ruy Guerra. qu'en présence de juifs il le devient, les antisémites menacent de le faire déporter à l'Ile du Diable. Le film se présente comme une enquêtedocumentaire sur ce Zelig qui aurait vécu dans les années 20. Des interviews des personnages censés l'avoir connu à cette époque, des témoignages d'intellectuels américains tels Susan Sontag ou Bruno Bettelhe,im sont là pour attester de la réalité du personnage, Zelig apparait sur des documents d'archives en noir et blanc. Tous parlent de l'originalité de l'homme et l'impossibilité pour l'Amérique à la fois moraliste et libérale de digérer un tel phénomène. Tous les efforts des psychiatres et des hommes de loi ne peuvent venir à bout de sa personnalité. Zelig est un hommage à une Amérique, véritable démocratie où toutes les minorités seraient enfin reconnues. Rêve de l'abolition de toutes les différences, de la fin des discriminations. [J Christiane DAN CIE PRUSSIEN. Tout comme l'avaient fait J .-P. Wenzel et B. Bloch avec Vater-Land (joué par le Théâtre de la Tempête à la Cartoucherie de Vincennes), Fritz Poppenberg interroge, dans son dernier film, l'Histoire à travers la mémoire de son propre père, ancien national socialiste, et toujours ardent défenseur de la terre et de la race contre le mal représenté alors par les communistes et les juifs, les francs maçons et les homosexuels. Différences - N° 29 - Décembre ~983 Fils de faciste ? Le réalisateur se pose la question de savoir ce que cela signifie, surtout lorsqu'il s'agit de soi-même. Le long d'un mur de briques, les souvenirs s'égrènent, les pages du journal se tournent, le fils cherche à comprendre le père. Le dialogue s'engage, authentique et sincère, dans la ferme familiale à deux pas de Bergen Belsen, l'un des nombreux camps de concentration nazi de la seconde guerre mondiale. Un témoignage rarissime sur l'Allemagne d'aujourd'hui: «Cinq millions d'étrangers chez nous, nous sommes les esclaves des juifs et des Américains. Je suis Prussien et mon drapeau est noir et blanc ». Nous avons même droit à la prière du père au « Père », « Notre Père qui êtes aux cieux, envoyez-nous quelqu'un très vite: un homme grand comme Bismarck, allemand comme Fritz Ebert, populaire comme Hindenburg, excjtant comme Adolf Hitler et aussi malin que le petit père Staline ». C'est terrible, on croit rêver, on ne peut souhaiter qu'une chose, c'est que cette prière ne soit jamais exaucée. Mais quel film, quel courage, quelle lucidité de la part du réalisateur. Les années à venir risque d'être difficiles, l'histoire ayant trop souvent tendance à se répéter. D. D.C • Imagine news. Lieu de rencontres et d'échanges audiovisuels, 5, rue Claude Tillier 75012 Paris. Tél. : 356.19.39. 29 Coup de Foudre DES FEMMES. L'une est blonde, l'autre brune. L'amie, le dernier film de Magarethe Von Trotta, nous entraîne dans l'univers intime et mystérieux de deux femmes. Leur rencontre, un coup de foudre (platonique, contrairement à ce que suggère l'affiche particulièrement racoleuse) a lieu, un soir, dans un mas provençal. La blonde, Olga, divorcée, mère d'un grand fils, amante d'un pianiste russe et fauché, mène la vie normale d'une jeune professeur d'université. La brune, Ruth, peintre amateur, se cache. Traumatisée par le suicide de son frère, elle est prise d'angoisse devant les gens, le téléphone, les couleurs (elle ne peint qu'en noir et blanc). Son repère, c'est Frantz, son mari, un professeur pacifiste, conférencier de haut vol. Ni méchant, ni mysogine, il pêche par excès de paternalisme. Avec du temps de la patience et l'aveu de ses propres faiblesses, Olga va rendre à Ruth le goût de vivre. Tout à tour amoureux jaloux ( tu me négliges »), perdu ( qu'est-ce qu'elle fait que je ne sais pas faire »), odieux ( sans moi, tu serais chez les cinglées »), Frantz prend peur. Pour Ruth, dit-il. Pour lui, nous confie Margarethe Von Trotta. Passé de mode le féminisme ? Film féministe! Certes oui, mais aussi une approche très fine de la culpabilité, du pouvoir sur autrui et de l'ambiguité des sentiments. « Il m'aime comme ça: angoissée, sombre », confie Ruth à son amie. Et le film se termine par le meurtre - symbolique - du mari, filmé en noir et blanc comme toutes les autres scènes de fantasme. Assassiné par la critique, nostalgique des Années de Plomb, le précédent long métrage de Margarethe Von trotta" L'ami~ remplit l'attente des spectateurs, maIgre ses maladresses, ses aspects caricaturaux ou trop symboliques. Pour les uns, le féminisme est passé de mode. Pour les autres, L'amie décrit le combat que chacune (et chacun) d'entre nous doit mener pour sauvegarder son identité et son autonomie. Un faux problème? 0 Véronique MORTAIGNE L'amie, de Margarethe Von Trotta avec Anna Schygulla et Angela Winkler .1". ,Ii,,':. ,dt (, I.'~ f

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.1- t .... f$. Au théâtre des Bouffes du Nord, Transsibérien, un opéra ferroviaire sur un texte de Blaise Cendrars.

Lever de rideau 

FERROVIAIRE. C'est à la fois un chant, une musique, une danse et un poème-souvenir, entre 1913 et 1983, entre Moscou et Kharbine, entre Jeanne (1), la prostituée, nostalgique de Montmartre, et Blaise Cendrars, le journalistepoète et l'aventurier-témoin. Dans la gare désaffectée d'où le train doit partir, l'harmonica donne un ton presque « country», le spectacle s'installe, s'improvise, la locomotive s'ébranle. La voix de Cendrars (2) s'érige dans le désastre du début du siècle, pour proclamer qu'il est du côté des vivants. Il n'y a ni trame, ni récit, c'est un peu le Bateau Ivre de Rimbaud. Une pièce montée par Lucien Melki qui échappe à la mise en scène traditionnelle, en laissant beaucoup d'autonomie aux comédiens et aux musiciens. C'est du direct à chaque fois. Musicalement, elle est orchestrée par Antoine Duhamel, passé maître en l'art de marier la musique à l'événement. Il s'était déjà essayé à la mise en musique des poèmes d'Henri Michaux Espace du dedans, il est l'auteur de la musique des films Pierrot le fou, L'enfant sauvage et Mort en direct. Sur scène il précise les interventions de l'Art Ensemble B 12, un groupe de percussionistes très singuliers, de musiciens arméniens et d'un choeur de basses bulgare qui ponctuent les vrais et faux arrêts de ce trainspectacle. Une fenêtre-écran prolonge l'espace et donne à voir des images qui s'enchevêtrent dans la violence du contexte de l'époque, la guerre et la venue du « Grand Christ Rouge », pour « témoignerde ce voyage à travers la réalité de la folie ». Il s'agit d'un véritable « Opéra ferroviaire », sur un texte de Blaise Cendrars, construit sur la rythmique du train et la mémoire des voyageurs. Apportez vos instruments de musique et réservez vos places, il risque d'y avoir du monde sur le quai. D D.C. (1) Jane Watts: danseuse. (2) En alternance celle des solites Franz Petri et Luis Masson. Transsibérien aux Bouffes du Nord, du 29 novembre au JO décembre. 30 NOSTALGIE. On n'écoute pas seulement Gisela May, on la regarde, on la ressent. «Actrice-chanteuse» et « diseuse » selon la définition de Brecht qu'elle revendique, elle frémit et nous fait vivre ce qu'elle chante, murmure, sanglote, crie. Les textes splendides de Brecht, mis en musique par Kurt Weil, la rendent tour à tour Mère Courage, amante éplorée de Surabaya Johnny, Fiancée du Pirate vengeresse, ou Femme du soldat nazi. La deuxième partie de son répertoire, en hommage à Marlène Dietrich, célèbre le Berlin des années 20, titre de son spectacle. Et c'est toute l'âme allemande qui resurgit, celle de ce Berlin disparu à jamais. Unter den Linden (sous les tilleuls), les Champs-Elysées berlinois, sont aujourd'hui dans Berlin-Est. Gisela May, la seule manière de retrouver le Berlin de Cabaret, de Georg Grosz, ou d'Albert Dôblin (Berlin Alexander platz, récemment réédité chez Folio). D Sophia SORIA Berlin des années 20, de Gisela May, au Déjazet. ET TOU"OURS KAFKA. L'uniforme est trop lourd pour les tropiques, mais atteste cependant de la présence de la mère-patrie dans la Colonie pénitentiaire de Franz Kafka. Ici «la faute est toujours certaine », voilà le principe qui préside à la décision de justice. D'un bout à l'autre de la pièce, très proche du texte original, il est question de la «machine» à torture avec des détails d'une cruauté extrême. Ce n'était pas par un pari facile, il est à moitié tenu par Farid Paya et son équipe, grâce à une utilisation très pertinente d'un matériel vidéo qui élargit l'espace scènique d'une façon considérable. D D.C. La Colonie pénitentiaire de Franz Kafka par Le Lierre Théâtre. VA MA TERRE ... C'est d'abord un conte, l'histoire de Saïda la petite fille devenue soleil sur les rives de la mer , des ténèbres. C'est en même temps l'histoire de l'enfermement d'Abdellatif Laâbi, d'après son livre Le chemin des Ordalies adapté par Ghislain Ripault. L'arrestation, l'humiliation dans la séparation, l'épreuve carcérale à la CentraIe de-Kenitra, puis cette interminable tentative d'évasion par le rêve, vers l'espoir. ' C'est très poétique, très sonore, le chant éclate, pulsation intime avec Ahmed ben Dhiab aux confins du sacré, de l'incantation, avec l'ampleur saisissante d'un appel de muezzin. François Marié et Catherine de Seynes donnent beaucoup de sobriété à leurs interprétations particulièrement émouvants. D D.C. Va ma terre, quelle belle idée. par la Compagnie des Quatre chemins au théâtre des Déchargeurs. MÈRES. Marthe Villalonga, principale interprète de Comment devenir une mère juive en dix leçons, a confié ses impressions à Différences. « Dans la pièce, il s'agit d'une mère juive, parce que l'auteur est juif. Mais elle aurait pu être tout aussi bien arabe ou orientale. La Mère possède un côté universel. Elle est ici abusive, castratrice, possessive, débordante jusqu'à l'étouffement, d'amour et de générosité pour ses enfants. Elle bouffe, elle bouffe tout son monde. Novembre, un mois maussade. Reiser est mort. Hara-Kiri lui rend hommage. Différences - N ° 29 - Décembre 1983 31 Elle reproche par exemple à son fils de ne pas être encore marié, mais dès que le pauvre se pointe avec la future, elle trouve le moyen de ne pas l'aimer. Ce qui conduira le fils tout droit sur le divan du psychalyste. Dans tout cela le père est réduit à l'état de meuble, il n'est pas tout à fait muet mais il a démissionné. C'est une pièce que je crois profonde, traitée sur le mode de l'humour, dans laquelle chaque mère et, d'une façon plus générale, chacun d'entre nous, pourra se retrouver. A la fin du spectacle, sa fille se surprend à parler comme elle. Eternel recommencement ! » D Julien BOAZ Comment devenir une mère juive en dix leçons. Théâtre du Montparnasse, du 3 novembre au 31 décembre. ___ A ['oeil TOILES Une oeuvre, de loin, vous attire vous éveille, vous happe. Elle vient d'un monde de profondeurs surgies du sérieux de l'enfance, de l'abîme des rêves. Vous la reconnaissez, vous vous sentez complété, différent'. Les grands formats de Bertrand Bordon se situent dans cet affrontement: donner la vérité d'une peinture nue, essentielle. D'abord éclate une série de toiles vibrantes, violentes; des formes plus qu'humaines se déploient emportées en des tourbillons de courbes : ces ectoplasmes surgissent du tableau ou s'anéantissent en un cri. Parfois le mouvement s'alanguit - orientalisme érotique-, s'immobilise pour la joie d'une découverte étonnante, la rareté d'un vert pur, la joliesse d'un jaune. Peinture de désir et d'urgence, peinture hâtive, pressée d'exister, qu'une cohérence interne tend. La seconde salle de l'exposition se consacre aux pastels. Des toiles bleues, couleur de commencement et de bonheur, couleur de terre incantent le désespoir sensuel d'être au monde. Une agonie délicate de volutes enfiévrées envahit le regard. Tendrement, la douleur se dissout, courbée drapée, en teintes fluides, translucides qu'un point de rouge ou de noir égratigne. Impression de limbes, d'enfantement, de souveraineté. Choc, angoisse, grâce devant ce travail de conventin athée; l'oeil se noie dans les tourbillons, les enchevêtrements, les cheminements de mains, de visage, de sexes. Allez voir cette peinture viscérale, lumineuse. Vous quitterez la galerie veuf ou orphelin, bref, touché. D Claudine GOLDSTEIN Bertrand Bordon, à la galerie Pinçon (8, rue de Sévigné). CRÉATIONS PREY A PORTER FEMININ 19 rue d'Hauteville - 75010 Paris Tél. : 770.34.89 32 2222733 Le reFUGe sporTS LE REFUGE 46, rue Saint-Placide 75006 Paris Tous les services de la , Caissed 'Epargne Compte-Chèques. Livret A • Livret ~ • Livret d'Epargne Populaire. 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La haine raciale, caractéristique fondamentale ' de la contre-civilisation sudafricaine, ne met pas de bornes à ses agissements et à ses agressions: la terreur et la mort sont les emblèmes de cette idéologie monstrueuse. Comment est-il possible de concevoir et de tolérer de nos jours un forfait de cette ampleur? Le venin putride de l'apartheid se répand sur le monde. Son défi ne trouve son pareil dans l 'histoire de l'humanité que dans les années durant lesquelles le nazisme fourbissait ses armes pour tî détruire tout ce que l'homme a conçu et ~

réalisé de bon, de beau, et pour substi- 1JiI •• !!! ... ·

tuer à l'humanisme la barbarie raciste. Jorge Amado Je ne connais rien de plus monstrueux que le racisme. J'appartiens à un pays où les races se sont mêlées. De ce mélange de sangs et de cultures, dont l'accomplisssement difficile et douloureux se poursuit et s'amplifie, sont issus un peuple métis et une civilisation métisse qui constituent une nouveauté dans le monde. Un peuple qui chaque jour inflige une défaite aux racistes de la nation et impose la fusion des races - et non pas seulement la coexistence comme solution unique au problème racial, c'est-à-dire le contraire même de l'apartheid. Une civilisation fondée sur les sentiments les plus nobles et les plus féconds: la nation Différences - N° 29 - Décembre 1983 Ils disent que les Noirs travaillent en suant! dans les mines chaudes des milliers de pieds/ profondément dans les montagnes d'Afrique du Sud/ pour remonter l'Or brillant sur terre/ entre les mains des banquiers, politiciens, policiers et/ militaires blancs. Allen GINSBERG -« Loin» 7 novembre 1982 - Traduit de l'américain par Gérard-Georges Lemaire 33 brésilienne est exactement le résultat de la lutte contre les préjugés, contre le racisme et contre la haine. Bien des choses, idées, engagements politiques et religieux, sigles de partis, écoles artistiques, tendances lih téraires - divisent les artistes et les écrivains brésiliens à l'heure où nous sommes, qui marque aussi le crépulcule d'un système de dictature militaire qui nous a opprimés pendant près de vingt ans et l'aurore d'une nouvelle communauté de vie démocratique. Cependant je sais de science certaine, je sais avec une certitude absolue qu'il existe un point sur lequel nous nous rencontrons tous, tous unis, tous d'accord : ~ c'est le rejet du racisme, la dénonciation de l'apartheid et la lutte contre l'antihumanisme que représente l'apartheid. Quand les artistes. de tous les pays se réunissent pour former un Comité contre l'apartheid et préparent une exposition destinée à porter à travers le monde le message de paix, de liberté et d'amour, le message de l'art, il est nécessaire qu'ils puissent compter sur l'appui de tous ceux qui d'une façon ou d'une autre se sentent une responsabilité culturelle. Aussi longtemps que l'apartheid existera comme forme de gouvernement, comme philosophie de la vie, comme idéologie d'une caste minoritaire et agressive, les · valeurs humaines les plus nécessaires et les plus pures seront menacées. La bataille contre l'apartheid est le plus beau des combats auquel se rallier : il n'existe pas pour les intellectuels de devoir qui prime la lutte contre le racisme et la forme politique qui lui a été donnée par les gens qui « dégouvernent » l'Afrique du Sud et menacent la paix mondiale. D Jorge AMADO Bahia, mai 1983 (Traduction: Alice RAILLARD) ., - Le cinéma indien - UN ·VIEILLARD MAL ·CONNU Né en 1913, c'est pourtant le plus prolifique P lus de 40000 spectateurs sb sont pressés, pendant plus de trois mois cet été, dans les deux petites salles, cinémathèque et sousJsol du Centre Georges Pompidou pour voir les quelques bent-vingt films indiens présentés sous l'égide de Jean-Loup Passek, le « Monsieur cinéma» du centre. Un événement, cette manifestation l'a été. Jamais une rétrospective d'une 'telle ampleur, montrant des longs métrages réalisés entre 1913 et 1982 n'avait eu lieu en Europe, ni même en Inde probablement. Parallèlement, un ouvrage de base sur le sujet a été publié, qui restera un document de référence. (1) Très mal connu en France, malgré l'ébouissement produit dans les ciné-clubs à la fin des années 50 et dans les années 60 par la Trilogie de Satyajit Ray, rediffusée ces derniers temI's à la télévision et ressortie fur~' ivement cet été en salle, le plus grand cinéma du monde est cependant taxé de mauvais goût par nombre de gens qui e le connaissent pas. Pourtant, sait-on que l'inde est le premier producteur mondial de films, depuis 1971 avec plus de 750 films annuels, après avoir réalisé quelques 1500~ longs métrages depuis 1931 ? Sait-on également que ces films sont tournés dans les quatorze langues principales du so~s continent qui compte 179 langues et 544 dialectes, l'hindi Ftant la langue nationale la plus largement comprise par 50 % des 700 millions d'Indiens et l'anglais demeurant l~ Iingua franca du pays. &5 millions d'entrées par semaine Avec plus de 10 000 salles, en grarlde majorité située dans les centres urbains, en nombre insuffisant pour « l'Inde aux 500 000 villages », le pays possède lcependant un réseau de distribution plutôt satisfaisant. Il faut dire que le public indien est certainement le plus cinéphile du monde : chaque semaine, on dénombre 65 millions Id 'entrées dans les salles obscures, les masse déshéritées urbaines demandant inlassa- . blement leur part de rêve, leur « ch~wing gum des yeux» (2) au septième art. Si un double marché existe, celui des films en hindi, sur le plan national, ef un autre, en langues « nationales» des états il faut signaler que le second marché est en pleine expansion, particuliètement les films en langues dravidiennes du sud: malayaIam, tamil, telugu, qui affirment ainsi un renouveau cul~urel certain, face aux valeurs des aryens indo-européens du Nord et du Centre de l'Inde. Que nous propose le cinéhIa indien, «image de l'Inde ... un miroir à l'imagination ihtarissable, même s'il lui arrive de paraître bien pauvre» ? (3) 34 Le premier film « Lumière » est montré à Bombay en 1896 : (même phénomène à la même époque à Alexandrie, les cinémas indien et égyptien connaissant nombre de points communs à leurs débuts). (4) On estime que le premier film indien de fiction a vu le jour entre 1911 et 1913. Dès 1918, les Anglais promulguent des lois de censure, politiques et morales très victoriennes... toujours en vigueur aujourd'hui, sinon renforcées. En 1927, près de 110 films ont déjà été produits, avec Bombay comme centre principal. Si le premier film parlant étranger est montré à Calcutta en 1929, c'est en 1931 que l'Inde produit son premier « parlant » national Alam Ara d'Ardeshir Irani, qui connaît un immense succès. Une frénésie de productions s'empare des studios de Bombay, Calcutta et Madras les trois capitales de toujours du septième art indien. On assiste à un déferlement de films mythologiques, historiques, musicaux ... On s'arrache (déjà) les vedettes, adulées, surtout les hommes. Les studios rivalisent de luxe dans leurs mises en scène. L'influence hollywoodienne est très forte, surtout dans le film hindi. En Egypte on assiste au même phénomène (4). Mais l'on s'aperçoit qu'à chaque époque de l'histoire du cinéma indien, des films de qualité existent toujours à côté de la grosse artillerie commerciale. Jean-Loup Passek écrit à ce sujet « Lesfilms d'évasion sont rois ... on vendit des kilomètres de rêves stéréotypés à une population friande de divertissements musicaux et de romances sentimentales » (5). Le grand cinéma populaire, quoi qu'assez absent de cette rétrospective était représenté par quelques exemples où le kitsch le disputait à l'effusion, mise en musique ou non. Voici quelques ingrédients du cinéma hindi (6) : un bon et un mauvais garçon, une bonne et une mauvaise fille, six ou sept chansons, des larmes, des rires, des bagarres, (presque) jamais le moindre baiser, un vide social quasi absolu. Durée moyenne: 2 heures 30 ou 3 heures, avec un entracte; capitale: Bombay, qui a, en Inde, le rôle d'Hollywood en Europe: fournir des canevas à succès, des vedettes. Remarquons néanmoins qu'aujourd'hui les films hindi ne représentent plus que 20 070 de la production, les 80 % restants étant distribués dans les autres cultures nationales, qui souvent adaptent néanmoins telles quelles les recettes de Bombay. Il faut ajouter à titre documentaire, que le budget moyen d'un de ces films est de 4,5 millions de francs. Il y a quelques thèmes interchangeables, parfois présents simultanément dont voici quelques échantillons: (6) - L'extrême pauvreté des masses rurales et leur exploitation forcenée (Les Enfants de la Terre (1946), Calcutta ville cruelle (1953), Mother India (1957). La croyance en des pratiques religieu- ' ses et sociales, perçues conne unification du peuple indien, au-delà de la mosaïque et croyances, avec laquelle, il faut le rappeler, tous les films indiens doivent compter (7) (Sholay (1975), Amar, Akbar et Anthony (1977). La nostalgie pour les rites et les traditions du village et de la famille vus comme un rempart contre l'affritement des valeurs (Laawaris (1981» ou face à la corruption urbaine (Awaara (1951). La prédominance du Destin dans la vie des personnages (Pyasa (1957), Fleur de papier (le premier cinémascope indien, 1959), Maître, Maîtresse et Esclave (1962). Enfin, il y a un aspect omniprésent dans les films c'est la violence, verbale ou en actes, contre les intouchables et contre les femmes, lorsque leur est dévolu un rôle important dans l'intrigue du film. Le plus grand mérite, sans doute, de la rétrospective de Beaubourg aura été de braquer le projecteur sur les films de qualité, qui reflètent, très nombreux, des préoccupations sociales, politiques, culturelles, privilégiant dans un vaste choix, quatre réalisateurs de premières importance. A tout seigneur, tout honneur: d'abord, le grand Bengali Satyajit Ray, né en 1921, partie prenante de la renaissance bengalie post-tagorienne, libéral et cultivé au sujet duquel on pourra se reporter à une très importante étude, la seule existant en français écrite par Henri Micciolo (8) qui en étudie de près la riche thématique. Ensuite vient Mrinal Sen, également originaire d'un Bengale dont le déclin quantitatif au niveau de la production, après avoir été l'un des « phares» du cinéma indien avant la Partition de 1947, est tempéré par sa réputation d'avoir vu naître les réalisateurs les plus fins et les plus politiquement conscients. Mrinal Sen a été une révélation pour le public d'ici, en complète rupture avec le cinéma commercial traditionnel de l'Inde: il décrit avec humour mais une grande force la misère, l'exploitation des déshéri- Smita Patil : sa forte personnalité lui apporte des déboires avec les hommes qu'eUe aime. tés de la campagne ou des villes ; les conflits interfamiliaux, les problèmes des femmes, lesquelles d'ailleurs sont souvent montrées comme dotées d'une plus grande force de caractère que leurs partenaires masculins. De plus, la tentaculaire Calcutta, ville de toutes les fortunes, est omniprésente dans ses films. Presque tous ses grands films ont été montrés à Beaubourg: Les Nuages dans le ciel (1965), Mr. Shomé (1969) qualifié par l'auteur de «gifle appliquée au système », Calcutta (1972), La Chasse royale (1976), sur les sévices appliqués lors de la colonisation britannique, Le Choeur (1974) qui dénonce l'exploitation du prolétériat urbain, L'Homme à la hache (1978), sur un déraciné de la campagne à Calcutta où il devient plus misérable encore, Affaire classée (1982) illustrant l'hypocrisie des classes moyennes. (9) J'ai été également ébloui par les films de Shyam Benegal dont la maîtrise de la couleur et la simplicité forte des « messages » en font un réalisateur accessible à un vaste public, loin des poncifs traditionnels cependant. Considéré comme représentant d'une «nouvelle vague» indienne, il a réalisé quelques chefs d'~uvre : La Graine (1974), sur la tyrannie des propriétaires ruraux, et, sur la révolte contre cette même oppression,' L'Aube (1975). Le Barratage (1976), plaidoyer contre les préjugés de castes (présents dans tous les films que nous avons vus) à l'occasion de l'implantation d'une coopérative laitière dans un petit village qui devrait permettre aux intouchables de prendre un peu mieux leur destin en main ... Le Rôle (1977), avec la superbe Smita Patil est le portrait d'une actrice dont la forte personnalité lui apporte des déboires avec des hommes qu'elle aime. Ritwik Ghatak (1926-1976) est le quatrième cinéaste, également bengali, plus particulièrement mis en lumière dont on a pu dire qu'il «a toujours indentifié ses souffrances à celles-mêmes de son peuple arraché à son pays et à ses traditions ... de là sa volonté de peindre des personnages toujours reliés à une conscience collective ». (10). Les historiens du cinéma indien distinguent une période de « jeune cinéma ». En fait, il s'agirait plutôt d'un cinéma plus exigeant, plus « sérieux », en tout cas beaucoup moins dépendant des poncifs traditionnels, surtout sous l'influence de l'Etat, par le biais de la F.F.C. (Films Finance Corporation), fondée en 1960 plus remaniée, permettant à de jeunes cinéastes, à partir des années 70 d'aller plus en avant dans leurs recherches formelles. Cinéma d'« auteur» dans nombre de cas, cinéma des cultures nationales égale- ' ment, (du Sud de l'Inde en particulier) il a été abondamment . illustré dans la rétrospective du Centre Pompidou et l'on pourra retrouver tous ces « nouveaux » films dans le précieux et copieux répertoire index de Le Cinéma indien qui deviendra, gageons-le, la Bible de tous les passionnés de l'Inde et des cinémas du monde. 0 Yves THORA V AL (1) Le Cinéma indien, collectif, Ed. de l'Equerre (Centre G. Pompidou, 228 p., iII., répertoire de films, Paris, 1983) (160 francs). (2) Selon la belle expression d'Ignacio Ramonet (Le Monde diplomatique). (3) Philippe Parrain dans son « classique » sur le sujet: Regards sur le cinéma indien, Ed. du Cerf, Paris, 1969. (4) Je me permets de renvoyer à mon Regards sur le cinéma égyptien, Ed. L'Harmattan, Dar el Machret, Beyrouth, Paris, 1977. (5) Dans Le Monde Indien, (Ed. Larousse). (6) Voir l'excellente étude de la critique indienne Nasren Kebir dans Le Cinéma indien, op. cité. (7) Pour ma part, j'ai trouvé que la minorité musulmane (90 millions de personne quand même) était présentée avec objectivité et positivement dans les films que j'ai vus, et d'ailleurs, il faut remarquer que nombre de grande actrices (et acteurs) portent des noms musulmans (est-ce un signe de l'absence de castes en Islam ?). (8) Satyajit Ray, par H. Micciolo, Ed. L'Age d'Homme, Lausanne/ Paris, 1981. (8) Sur Mrinal Sen, voir l'étude détaillée de Raphaël Bassan, dans Le OEnéma indien, op. cité. L-_________________________________________ (10) Le Cinéma indien, p. 209. Différences - N° 29 - Décembre 1983 35 - Seconde génération - , NES DE PARENTS , ETRANGERS La marche pour l'égalité et contre le racisme, c'est eux, la seconde génération. Mais cette appellation non contrôlée est-elle juste, ou un effet secondaire de la marginalisation ? Aziz, 27 ans est né en France de famille marocaine. Depuis toujours, il habite en Seine-Saint-Denis. Aujourd'hui, il est agent de sécurité. « T oute ma vie j'ai eu à lutter. Sur le plan personnel, la lutte a été une prise de conscience importante au niveau des différences qu'il pouvait y avoir, pas seulement entre les individus, mais entre les castes, les ethnies existant à l'intérieur de la société française. Une prise de conscience pas seulement politique mais aussi culturelle. Ce qui m'a permis de retrouver mes origines, et quelque chose de plus qui avait besoin de s'exprimer en moi. Ça peut-être la tradition, c'est quelque chose de difficile à exprimer par des mots, ces choses qui nous ont été transmises et qui existent même si nous voulons les ignorer. Je me sens Français, j'ai fait mon choix. Chaque individu qui fait partie de cette « deuxième génération» doit faire un choix. Soit il assimile sa culture d'origine, soit il est assimilé par la culture où il vit, c'est le dilemme. Ensuite chaque individu doit tout mettre en oeuvre pour vivre son choix pleinement. Ceux qui ont choisi le retour aux sources ont leur lutte à mener, politique et culturelle, pour que la France accepte une culture, une tradition, une manière de vivre qui peut être différente. De la part des organisations françaises ce doit être une acceptation de la différence. La seule chose qui puisse permettre que les gens ne se battent plus pour des questions de race, de religion, de culture ou autre, c'est que chaque individu à son niveau prenne conscience que tout ne peut correspondre à ses désirs. Il doit accepter qu'il y ait quelque chose ou quelqu'un en face de lui qui est différent. Une fois cela accepté, beaucoup de choses changeront au niveau du racisme, pas seulement envers les immigrés mais sur un plan plus général du respect d'un mode de vie différent, homosexuels, prostitués, gitans, hippies, animaux, rockers, etc ... Alors, tu peux discuter avec un rocky qui ressent la même vie que toi, sauf qu'apparemment il l'exprime de façon différente. C'est tout un changement des mentalités qu'il y a à perpétuer, mais qui se fait automatiquement à mesure qu'apparaissent les antagonismes. Je suis optimiste à travers mon expérience quotidienne de la vie. C'est avant tout un problème de communication d'individu à individu, comprendre pourquoi, approfondir la différence en écoutant l'autre ... Le problème de la deuxième génération n'est pas spécifique. 2'est le même que rencontrent les jeunes dans la société 36 actuelle. Non acëeptation par leurs aînés de la vie qu'ils veulent mener, des nouveaux problèmes qui se posent, de leur nouvelle conception de la vie ». Aziz : « Je me sens Français» Karim, 18 ans, et né en France de famille algérienne. Depuis toujours habitant de Montreuil. Aujourd'hui lycéen en terminale comptabilité, il vient de recevoir ses papiers militaires. P our moi, le retour en Algérie, c'est un gros Î Î point d'interrogation, le problème numéro " un. Rester ici où partir là-bas? Ici, c'est pourri. Depuis quatre ans je pars en Algérie en vacances. Je me fais traiter de harki. J'ai parlé avec un mec, qui m 'a dit : « Ici on a pas la liberté totale» - Pour toi qu'est-ce que c'est la liberté totale?« n n'y a pas d'ambiance, pas defi/les, pas de boîtes ». C'est sûr, en France, il trouvera ça. Pourtant ils ont besoin des jeunes immigrés, pour changer les mentalités, apporter une culture ouverte. Ils ne se rendent pas compte de ce qui se passe ici. Je suis prêt à prendre la nationalité algérienne. Les deux ans de service ne mefont pas peur, même si c'est beaucoup. La France et l'Algérie devraient avoir des liens plus étroits en penchant plus sur l'aspect culturel que que les gadgets. En attendant, ici nous venons de créer une association, Zone Hardise pour partager les cultures, les témoignages, apporter une petite fusion à l'échelle locale. Pour le reste, c'est l'inconnu. LJ Propos recueillis par Bernard BULLIARD w. Abdel (27 ans) est, lui, d'origine marocaine. Les membres de sa famille vivent en province. Ayant travaillé plusieurs années dans le bâtiment, il se retrouve aujourd'hui chômeur à Paris dans ce quartier de la Goutte d'Or. Actuellement hébergé par un ami marocain dans une chambre de douze m'avec coin camping-gaz; le vrai « cliché ». J ' ai d'abord travaillé comme ouvrierÎ Î ferrailleur dans le bâtiment à Epernay, puis à " Reims et à Saint-Ouen. La crise, j'en ai fait les frais, voilà / ... L'année dernière, je suis allé au Maroc dans l'espoir de trouver une activité là-bas auprès d'amis de mes parents; pour rien. Aujourd'hui, j'ai seulement le ch6- mage de « fin de droits ». Dans les années 76, en province, près de ma famille, je ne ressentais pas le racisme comme en région parisienne. Quand je travaillais à Saint-Ouen, j'avais une amie française. Son beau-frère lui a dit un jour: fais attention, ces gars là sont toujours plus ou moins « maquereaux » ... Elle était écoeurée " moi aussi. On a cessé de se voir à cause de sa famille. Les violences de cet été dans plusieurs villes où il y a beaucoup d'immigrés ? .. Je crois qu'à la base c'est plus une question de conditions de vie et d'agressivité que de racisme. Mais, si entre Français, ça peut aboutir à des choses graves, on ne sort pas aussi facilement un fusil ... Nés et vivants en France, on est d'abord vu comme Arabes et jugé ceci ou celà. Quand on est au ch6mage, on se sent plus exclu que les Français à part entière et ça, c'est vraiment décourageant. En ce moment, je sais, je me sens très complexé. Heureusement, ici, à la Goutte-d'or il y a une certaine entraide et je peux mieux partager mes problèmes qu'avec des amis français. Pourtant, il y a les rondes et les fouilles de la police et le mot « raton », il sert encore souvent, je vous assure. Le gouvernement d'aujourd'hui ? .. Je crois qu'il voudrait bien aussi se débarasser du problème de l'immigration; plus intelligemment qu'avant; c'est tout / A force d'être comme ça, au ch6mage, qu'on soit de la deuxième génération ou de la première, on sent qu'on est toujours des immigrés. Moi, je suis prêt à aller vivre dans un autre pays européen si j'étais sûr d'y trouver du boulot. » Déracinés? Non, doublement enracinés D'origine algérienne, Mohamed a 29 ans. Il a toujours habité le vieux fief de l'immigration maghrébine à Paris : le quartier de la Goutte-d'Or. Depuis son BEPC, il vit d'une succession de « jobs» sans trop d'angoisse quant à « l'avenir professionnel ». Il faut dire qu'une activité bénévole l'occupe pas mal: l'encadrement d'une équipe de foot créée dans le quartier « Les Enfants de la Goutte-d'Or » ..• L a deuxième génération? .. Je n'aime pas ce ter- « me. Je pense qu'il a été inventé pour jouer sur la corde francophone. C'est une étiquette de sociologue qu'on applique surtout aux enfants d'immigrés d'origine maghrébine. Pourquoi moins aux fils ou filles de Portugais ou d'Espagnols nés ici ? .. Deuxième génération ou pas, quand on n'a qu'une carte de résidence à mettre sur la table, ça ne pèse pas lourd. Sans Différences - N° 29 - Décembre 1983 37 Un jeune de la Goutte d'Or parler des politiques qui ne pensent qu'à leur masse électorale et à bien « travailler» les voix. Mettre en cause régulièrement l'immigration pour toucher au point sensible le chauvinisme français, on l'a vu ces temps-ci. A Dreux, par exemple, et lors de la campagne municipale de Le Pen dans le 20e• Et, malheureusement, je crois qu'on le reverra encore. Ici, à la Goutte-d'Or, sous prétexte de rénovation ou de réhabilitation on a laissé le quartier se dégrader. Pour le brader aux plus offrants? .. Et puis, c'est toujours et encore contrôles et recontrôles. Qu'il soit deux heures ou quatre heures de l'après-midi ou dix heures du soir, la police reçoit et applique les ordres. Des lois Bonnet ou Stoléru à aujourd'hui, il n'y a pas vraiment de changement. Le renvoi des « clandestins », personnellement, je ne suis pas contre, mais pas par des méthodes humiliantes. Dans le club de foot du quartier, on accepte tous les jeunes. Pas d'exclusive maghrébine de la deuxième ou troisième génération ; il y a aussi des jeunes français dans nos équipes. Prochainement, les « seniors» vont rencontrer Les Cheminots de Paris et nous avons un beau match en projet : Les Enfants de la Goutte-d'Or contre l'équipe des CRS (rires) ... Des fois, les gosses d'origirie immigrée que j'entraîne se sentent Français, d'autres fois, ils se sentent Algériens ou Marocains. Ça dépend des moments et des circonstances qu'ils vivent puisqu'ils transpirent - comme moi - deux cultures. En fait, nous ne sommes pas des déracinés mais, au contraire, des doublements enracinés. Ce qui serait certainement un avantage si on sentait moins « l'effet-boomerang» de nos origines ... C'est le vécu quotidien qui fait souvent problème ; ces vieilles tensions politico-ceci-ou-cela qui traînent depuis trente ans pour refaire régulièrement surface dans certaines têtes et ça, c'est plutôt triste. » 0 Propos recueillis par J .-J. PIKON lA PAROLE A Catherine Sauvage « J'aime les gens qUl• défendent les choses auxquelles ils croient » Elle chante depuis plus d'une trentaine d'années, elle appartient à une .spèce en voie d'extinction, celle des interprètes. NoUS vivons une époque charnière, un peut trop déshumanisée. J'ai peur de l'ordinateur et des masses qui marchent comme un troupeau. On ne pense plus qu'à travers la téle, l'école ou le parti. Je me sens affreusement individualiste. C'est le règne de la prise en charge. Ce besoin d'être complètement assisté est signe de lotre temps. L'aventure aujourd'hui, c'est de ne pas être à la Sécurité sociale. Je pense qu'il est peut être plus intéressant de faire un travail sur soi que d'essayer de changer le monde. L'actualité m'inspire de moins en moins, je suis de plus en plus à la recherche d'une vie intérieure. Peut-être est-ce l'âge qui veut ça, je ne sais pas. Trop peu de gens pensent ou rentrent en eux-mêmes. Réussir trop bien sa carrière, signifie ne pas avoir vraiment le temps de vivre. Au fond moi, j'ai le temps. Paradoxalement, quand on fait de la chanson française, tout est plus facile à l'étranger. Je trouve une maison de disques à Tokyo, mais pas à Paris. Je me trouve à un tournant de ma carrière - Pour le tour de chant, il faut savoir s'arrêter assez jeune. La scène me tient à coeur. En tant que comédienne, je me sens frustrée, je me verrais bien remonter sur les planches pour jouer la comédie, c'est un appel que je lance ... En fait, je me sens bien dans ma tour d'ivoire, à m'occuper de mon jardin. Si j'avais des rentes, je n'aurais pas le temps de m'ennuyer, je suis une nature passionnée et curieuse. En ce moment je bouquine, je fais des liqueurs, des parfums, de l'astrologie. J'ai plein d'amis auxquels je fais de la bonne bouffe, je préfère les plats mitonnés au fast-food. C'est pareil pour la chanson. J'habite la campagne depuis treize ans maintenant, cela me donne un très grand équilibre. Je vis au rythme de la nature, je me couche de bonne heure, sans plus jamais prendre de somnifères. J'ai enfin l'impression de vivre en harmonie, avec ce qui m'entoure et notamment mes chats et mes chiens, c'est ça aussi le bonheur. 0 38 Propos recueillis par Julien BOAZ Dans la tête J'ai suivi avec tristesse l'affaire de Dreux. J'ai regardé comme souvent le magazine Mosaïque du 9 octobre. Comme j'aimerais que cette émission passe sur les trois chaînes à une heure de grande écoute: que de nombreux préjugés trembleraient dans la tête de chacun! Car c'est bien dans la tête de chacun de nous qu'il faut que cela change ! Et les médias ont un rôle immense à jouer. Aura-t-on un jour une télévision qui nous apprenne à vivre ensemble dans la paix, malgré nos différences ? La paix ! Même ce mot prend dans la bouche de nos journalistes une connotation péjorative : la paix ne profite qu'au KGB, alors méfiez-vous! Jean-Philippe ROBERT Paris Polonais, Yahoudims et Ost-"uden En lisant dans le N° 27 de Différences «Des macaronis aux beurs », j'ai trouvé certaines affirmations que je ne m'attendais nullement de lire dans une publication antiraciste; d'autres, ne correspondant en rien à la réalité des faits . Sur les immigrés polonais, travaillant dans l'agriculture, l'auteur affirme: « C'est parmi ces paysans, ces Sales Polaks qu'on trouve, c'est un fait attesté par les chercheurs, très souvent des délinquants et des malades mentaux ». Si le MRAP, mouvement à vocation antiraciste propage à travers ses publications ces genres d'élucubrations diffamatoires contre des immigrés, peu importe leur nationalité, basées sur des « recherches» scientifiques, que vont alors écrire les xénophobes, les racistes de tous bords? Et je m'interroge: comment la rédaction, que je suppose composée d'antiracistes éprouvés, sincères, a-t-elle pu laisser passer une monstruosité semblable, totalement contraire aux convictions, aux idéaux de tout antiraciste ? Ce genre d'affirmations fait partie intégrante de la propagande raciste, réfutée depuis belle lurette comme calomnies sans fondement aucun, même pas « scientifique ». La vie des immigrés polonais et autres, venus de tous les pays d'Europe Centrale, y compris des Russes-blancs, ne fût pas tellement idyllique comme nous le . dépeint l'auteur par ces mots: «Les ouvriers d'industries que les patrons regroupaient dans des cités où ils peuvent fonder des familles et conserver leurs traditions, lutter aux côtés de. leurs camarades français, dans des grèves par exemples ». Je n'ai pas de connaissances livresques à ce sujet. J'y ai vécu sur le tas: les maisons des corons, réservées aux immigrés, furent, pour la quasi-totalité, des habitations sans aucune installation sanitaire aussi élémentaire fût-elle. Sur les carreaux des mines existaient des douches, mais en nombre insuffisant, au point, que les hommes d'une équipe montante ne pouvaient pas se doucher en même temps. La plupart, aux visages couverts de poussière de charbon, se lavaient chez eux, debout dans un baquet en bois, aidé en cela par l'épouse ou les enfants . Il y eut des familles où ils étaient plu- . sieurs à se doucher de la sorte, dans une cuisine exiguë. Prendre part, activement, à une grève, équivalait pour un immigré l'expulsion immédiate de France. Laval, ce triste sieur, avant le Front Populaire, Daladier, premier ministre, après celui-là, expulsèrent par trains entiers des ouvriers et mineurs qui refusèrent de jouer les «jaunes ». Il y eut certes des exceptions. Ce ne fut pas la règle. L'auteur, tout en parlant de différentes phases et époques des immigrés en France, oublia, de bonne foi, je l'admets volontiers, de mentionner, ne serait-ce que d'un mot, les immigrés juifs, ouvriers et artisans d'Europe Centrale qui fuyaient la misère, l'antisémitisme, le fascisme, les pogroms. Ils. vinrent en France par leurs propres et maigres moyens, après s'être endettés. Cette immigration là ne ressemble en rien à toutes les autres : à part les tracasseries administratives de toutes sortes, ils eurent à subir le mépris des juifs autochtones. Ceux-ci, autant que les Yahoudims d'Allemagne et d' Autriche, accusèrent les OstJuden d'être la cause de l'antisémitisme dans leurs pays; de leurs si beaux pays où il faisait si bon vivre ... Un exemple pour illustrer cet état d'esprit en France: le préfet Chiappe, fascite notoire, pour limiter les nombres d'immigrés juifs à Paris, expédia, dès leur arrivée, un grand nombre de ceux-ci, dans les villes de province. A Bordeaux vivait un juif, un nommé Naquet,. banquier de profession, d'origine sépharade. A l'époque, immédiatement après le Front populaire, il demanda au Préfet de la Gironde puis à Différences. - N° 29 - Décembre 1983, monsieur Adrien Marquet, maire de la ville, d'expulser de Bordeaux tous les juifs étrangers. Les deux refusèrent. D'après ce qu'on disait à l'époque, il aurait offert plusieurs millions de francs d'avant la guerre s'ils avaient accepté. Lorsqu'on demanda à ce banquier la raison de cette démarche extravagante, il répondit: «Je ne veux pas qu'à cause d'eux je sois un jour traité de métèque et de Youpin ». Les allemands, lors d'une rafle, l'arrêtèrent et l'expédièrent dans le camps de Compiègne. Là, il aurait confié à un ami, son repentir

« Si je reviens un jour vivant

dans ma ville, je demanderais pardon à mes coréligionnaires étrangers ». Il n'est pas revenu. A Paris, aussi il y en avait de ces yahoudims, qui, pendant le règne de Pétain firent le nécessaire pour éliminer, autant que possible, ces immigrés indésirables; Le plat de «Macaronis aux beurs» me reste sur l'estomac. Cet oubli involontaire, me rappelle l'époque où le juif fut considéré comme non-être, prélude à son extermination. Jacques ZABA WNY Paris Traumatismes et politique Si je finis par me réabonner, c'est que je suis, et cela ne date pas du 10 mai, pleinement consciente. des problèmes posés par ces douloureux affrontements que personnellement et professionnellement, j'ai pu constater et que j'ai, dans les divers domaines de mes fonctions, toujours essayé de comprendre et d'éviter. Je ne suis pas d'accord avec la façon dont vous les posez. Cette accumulation de cas hélas véridiques, mais chaque fois différents dans leur contexte, sans apporter quoi que ce soit de positif politise à l'extrême votre position: la bonne gauche .. . la mauvaise, la droite. . Attention, vous avez contribué à accentuer ce type de racisme, et nous commençons à le payer tous! Apportez-nous du concret, et si possible des analyses plus fines de ce difficile problème qui n'est pas tout d'un seul côté. Et puisque vous luttez, ce dont je vous félicite, faites le sans traumatiser ceux qui sont nombreux à oeuvrer sans appartenir à votre partialité politique. F.P. Paris 39 Marcus Garvey mythe et réalité li est vrai que le l7 août dernier, aucune des principales organisations noires des Etats-Unis n'a rien fait pour célébrer le 90" anniversaire de la naissance de Marcus Garvey. li avait pourtant, en son époque, provoqué le réveil de la conscience noire et réhabilité l'Afrique et, déjà, les Noirs ne l'avaient fmalement pas suivi après l'avoir d'abord fait en masse. Mais il ne faut pas dire, comme vous le faites, que Marcus Garvey a été « trop souvent » victime de l'incompréhension de ses propres frères. Bien au contraire, les Noirs d'Amérique comprirent que Garvey analysait le problème noir en termes de rapport de forces, face à la société capita1iste blanche. Et ce qu'il proposait n'était pas autre chose qu'une société capita1iste noire puissante, avec évidemment sa bourgeoisie, ses exploiteurs et sa classe ouvrière exploitée. Dans son « Philosophy and Opinions », il écrivait: « Je me demandais: où est le gouvernement de l'Homme noir? où se trouvent son Roi et son Royaume ? Où sont donc son Président, son pays, ses ambassadeurs, son armée, sa flotte. SES GRANDS BRASSEURSD'AFFAlRES ? ... Comme je ne les trouvais pas, je décidai donc que j'allais contribuer à les créer ... ». li alla même jusqu'à préconiser que, dans les entreprises noires, les Noirs travaillent pour des salaires inférieurs à ceux des Blancs jusqu'à ce que le capita1isme noir soit solidement établi. L'incompréhension était le fait de Marcus Garvey. TI ne réalisa jamais que les millions de Noirs qui avaient rejoint son mouvement, l'UNlA, réclamaient au contraire la fm de la société qui avait secrété le racisme, le lynchage, le colonialisme et l'exploitation capita1iste. Ce qu'ils voulaient, c'était une révolution totale et non ce qu'il leUr offrait : un capitalisme noir. Perpétuer l'exploitation de classe, fut-elle noire, n'était pas l'objectif des luttes de libération dans les années 20, pas plus qu'il ne l'est aujourd'hui. C'est cette contradiction qui mena l'UNlA à sa perte, encore plus que l'emprisonnement de Marcus Garvey. En 1960, Frantz Fanon put surmonter cette contradiction et montrer que la libération des Noirs et du Tiers-Monde ne pouvait s'accomplir dans le capita1isme privé ou d'Etat. li apporta aux luttes des Noirs .et du Tiers-Monde le concept du «nouvel humanisme ». TI les engagea à cesser de vouloir imiter l'Europe et à créer une société totalement nouvelle qui verrait Dallre un homme nOuveau .. C'est le fruit de 60 ans de lutte des Noirs en Amérique qui est l'objectif de leur combat d'aujourd'hui: l'élimination de toute exploitation, qu'elle soit la classe, raciale ou sexiste. RobertPAC chaUSSllres SUCCES


62 BOULOGNE SUCCES ALBAN. 49. rue Thiers 62 LIEVIN SUCCES, 109 bis. rue J.-B.-Defernez 14 CAEN SUCCES. 26. rue Saint-Jean 57 METZ SUCCES MARCEL, 39-43, place Saint-Louis 62 CALAIS SUCCES ALBAN. 6. boulevard Jacquard 93 MONTREUIL SUCCES CLAIRE, 24, avenue P.-V.-Couturier 51 CHALONS SUCCES, 15-17. rue de la Marne 58 NEVERS SUCCES, 71, rue du Commerce


08 CHARLEVILLE SUCCES. 23-25. rue de la République 75 PARIS SUCCEs, 8, rue jo-Pierre Timbaud 36 CHATEAUROUX SUCCES, 33. rue Victor-Hugo 76 ROUEN AU PETIT PARIS, 69-79, rue Saint-Sever 77 CHELLES SUCCES ARYS. 58 bis, av. de la Résistance 02 SOISSONS SUCCES, 52, rue Saint-M;lrtin


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76 DIEPPE SUCCES. 170. Grande-Rùe 10 TROYES SUCCES, 69, rue Emile-Zola 59 DUNKERQUE SUCCES SOULIER D·OR. 18. rue Poincaré 58 VERDUN SUCCES, 21, rue Mazel 94 FONTENAY SUCCES CLAIRE, 2. avenue de la République . 51 REIMS SUCCES (A St-Jacques), 63. rue de Vesle


62 ' LENS SUCCES.1. rue Maréchal-Leclerc . 76 LE HAVRE AU PETIT PARIS. 222-228, r. Aristide Briand


40 NOËL! rinsd 'herbe Comment on devient conteuse 1 1 était une fois, une petite fille aux très longs cheveux noirs, à la voix chaude et à l'imagination débordante. Il était une fois, une petite fille qui passait des soirées émerveillées à écouter son père raconter des histoires ou des contes. Elle s'appelait Catherine Zarcate. Déjà, elle racontait tout ce qui lui passait par la tête, tout ce qu'elle entendait lui plaisait et la touchait. Devenue jeune fille, elle décida d'être conteuse professionnelle, une voix qui raconterait les mille et une nuits des aventures d'Antar, le héros à laface noire et au coeur lumineux. Pendant plusieurs années, elle travaille avec des enfants psychotiques à qui elle apprend même à raconter. Un beaujour, à la suite d'une soirée de contes à Beaubourg, elle se jette à l'eau et raconte elle-même une histoire devant un public. En quelques mois elle est complètement acceptée dans le milieu des conteurs et les contrats affluent. « Je raconte des contes chers à mon coeur » se plaît-elle à dire. « Ce qui est formidable quand tu racontes une histoire, c'est que tu es à la fois le brin d'herbe, le désert ou le bédouin, la princesse ou la sorcière ... ». L'accouchement se passe devant un public, « c'est indispensable que je raconte un nouveau conte en direct face à des gens, à un public, je ne répète jamais seule. Le premier jet est souvent le plus beau ». Différences - N° 29 - Décembre 1983 41 A ce moment-là, les images deviennent des mots et les mots l'emportent, les silences deviennent des moments fabuleux et l'on entend le pas des bédouins dans le désert ou le bruissement d'une étoile filante. Catherine s'accompagne aussi d'une tampoura, instrument traditionnel qui met en valeur le texte ou les silences. Medium entre le passé lointain ancestral et le public vibrant et vivant d'aujourd'hui, les contes que Catherine aime partager avec son public se fabriquent à l'intérieur d'elle-même pendant neuf mois au moins. «Une véritable gestation '» explique-t-elle dans un éclat de rire. « Je lis un conte pour le plaisir, puis je referme le livre. Je laisse les images s'installer en moi, prendre forme, se transformer, bouger. Je relis une, deux fois le conte pour fixer certains détails mais c'est tout ». Catherine est une fidèle, fidèle à la tradition juive orale, fidèle à son père et aux sept contes que celui-ci lui racontait quand elle était petite et qui forment la base de son énorme répertoire, riche de milliers de personnages. Au soir du 7 janvier, quand se seront éteintes les étoiles du Nouvel an, 'allez donc l'écouter à la nuit du conteur à Montreuil. Caroline GLORION 'AIiENBA' DECEMBRE 2 Représentation de la pièce brésilienne Mansamente par le grupo Contadores de Estorias au théâtre de l'Alliance (101, bd Raspail 75006 Paris) du 2 au 23 décembre. D . . ,3, 4, 6 et 7 décembre, la 2 maison de la culture de la Seine-Saint-Denis et la Compagnie lB présentent la nouvelle création de François Verret : Une éclipse totale de soleil. D 3 première diffusion d'Interculturelles et les murs ne sont pas innocents. Deux nouvelles séries d'émissions produites par le Centre National de Documentation pédagogique dans Entrée libre sur FR3 le samedi de 14 h à 16 h. D 5 Jocelyne Auclair dit Prévert au théâtre de 10 heures 36 bd de Clichy 75018 Paris) à 18 h 30 du 5 au 20 décembre, relâche le dimanche. D 6 Jusqu'au 20, à la Mairie de Nanterre Place de l'Hôtel de Ville, rue du 8 mai 1945, exposition sur l'Afrique Australe, avec projection de film et débat avec des représentants de l'ANC et du MRAP. Rens. à la Mairie de Nanterre. 0 8 Maxime le Forestier, Bill Deraime, José William Armijo, chanteur salvadorien, se produisent, à la Mutualité, le 8 décembre à 20 h 30 dans un concert de soutien à la mission santééducation au Salvador organisé par le Mouvement international santé, éducation. D Carlo Colombaioni et 20 Alberto Vitali, artistes de la Commedia dell'arte moderne montrent leur talent du 20 décembre 1983 a~ 1 er janvier 1984 à l'Olympia. D Le nouveau spectacle 6 d'Alex Metayer Les femmes et les enfants d'abord est présenté à Bobino du 6 au 29 décembre 1983. D cipalité de Bobigny proposent une exposition du 17 janvier au 29 février 1984 sur l'oeuvre de Fernand Léger (l, Bld Lénine). D Le TEP et le GRAT présentent jusqu'au 23 décembre la mort de Danton de Georg Büchner mis en scène par Jean-Louis Hourdin (159 av. Gambetta Paris). D ~ANVIER L'oiseau vert de Carlo 5 Gozzi, mis en scène par Benno Besson est présenté à partir du 5 janvier par le TEP et la comédie de Genève. (159, Av. Gambetta Paris). D Marie des Brumes se 25 produit en concert au théâtre de la ville les 25, 26, 27 et 28 janvier. Ce spectacle est co-produit par le théâtre de Sartrouville. D Photos L'association pour les rencontres internationales d'art photographique et diaporamique de Montpellier expose à la galerie municipale de photographie 30 photos de Los Angeles de Maurice V ouga, photographe à la double nationalité suisse et américaine. D ET ENCORE Le Théâtre de la Tempête 6 présente, à la Cartoucherie: l'Albatros de Richard Demarcy. Ce spectacle fantastique est joué du 6 janvier au 18 février 1984. D Presse Nouvelle Un numéro spécial de la « la Naîe Presse », journal progressiste juif, en langue yiddish, paraît en janvier 1984, à l'occasion du 50e anniversaire de cette revue qui parut clandestinement pendant toute la durée de l'occupation allemande. D La poésie est à l'honneur au quatrième festival du livre organisé à Trappes jusqu'au 11 décembre par l'association culturelle de Trappes, la municipalité et la bibliothèque Anatole France (l, rue de l'Abreuvoir 78190 Trappes). D 17 Sur le thème : Les constructeurs à l'ALOES la Maison de la Culture de la Seine-Saint-Denis et la Muni- Henri Guédon band se produit en concert à Villeneuve-sur-Lot le 17 décembre et à Tarbes le 19. D LE COLLOQUE DE DÉCEMBRE 1 0 Colloque scientifique sur les Différences et inégalités, au Sénat, Palais du Luxembourg, Salle A, 26 rue de Vaugirard, 75006 Paris, organisé par le MRAP et Différences. Après une introduction du professeur François Gremy, président du MRAP, seront présentées : • Apprentissage et développement du système nerveux, par Jean-Pierre Changeux (Collège de France). • La quadrature du sexe, par André Langaney (Université de Genève). • Seuil de tolérance et cohabitation, par Véronique de Rudder (CNRS). • Inégalité et gaspillage d'intelligence, par Michel Schiff (CNRS). AFRIQUE NOIRE La Bibliothèque municipale Valeyre e( plusieurs associations du 9' arrondissement de Paris organisent un mois sur l'Afrique Noire d'expression française. • le 14 décembre: Le Bénin àla F.U.A.J., 10 rue Notre-Dame de Lorette. • le 9 : journée d'amitié avec les femmes noires d' organisiltions de femmes africaines), • Le 16 : Mozambique: quel développement dans un état de guerre? A 19 h : musique, projections de film, débats. A.O Racines, 28 rue Pétrelle, Tél. 526.59.24. • Exposition de photos femmes africaines 42 • Différencier pour aider, différencier pour rejeter, par Rémy Droz (Université de Lausanne). • Le droit et notre regard sur l'autre, par Jacqueline Costa-Lascoux (CNRS). • Rôle de la différenciation dans les structures sociales, par Jean-Pierre Dupuy (CNRS). • L'inaccessible égalité et l'égalitarisme, par Albert Jacquard (INED). Participation 100 F. (comprenant les Actes du Colloque), 50 F. pour les membres de la Société des Amis de Différences. Rens. (1) 806.88.33 M. Jean-Michel Ollé. D durant tout le mois à Artisans du monde, 20 rue Rochechouart. • Jusqu'au 20 décembre, exposition sur la littérature africaine d'expression française avec table ronde et rencontre avec des écrivains, griots, à la Bibliothèque Valeyre, 24 rue Rochechouart. • le 17 décembre à l'UCJG, 14 rue de Trévise, journée sénégalaise organisée par l'Union Générale des Travailleurs Sénégalais en France, avec une troupe culturelle, le ballet-théâtre Lemba et un repas sénégalais. Exposition de peinture d'artistes d'Afrique du Sud. Rens. Artisans du monde tél. (1) 878.55.54. 0 INFORMATIQUE S.A RL au capital de 20000 F - RC. Paris B. 324 677 798 - APE 7703 VOUS PROPOSE UN MATÉRIEL FRANÇAIS MICRO-ORDINATEUR COULEUR NÉ DE LA COLLABORATION ENTRE DEUX SOCIÉTÉS FRANÇAISES MATRA ~u HACHETTE Avec « ALICE " nous offrons à tous ceux qui sont attirés par la micro-informatique mais qui reculent devant la technique la méthode d'apprentissage la plus simple. DÉCOUVREZ L'INFORMATIQUE ET PARLEZ BASIC POUR 1199 F. 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Possibilité d'extension : 16 K RAM (disponible vers le 1 eT mars 1984 au prjx ·d'environ 500 F). Possibilité de sorties sur cassettes et imprimantes. - Le guide d' « ALICE »: Découvrez le BASIC » vous permettra d'installer votre micro-ordinateur et de dialoguer avec lui. Professeur sympathique, le guide d' « ALICE» vous apprendra à mettre la théorie en pratique jusqu'à ce que vous parliez couramment BASIC. Les utilisateurs avertis peuvent accéder rapidement à la description des principales instructions et commandes de ce BASIC MICROSOFT. Le guide d' « ALICE» est également une bibliothèque de programmes qui vous montre diverses utilisations de votre micro-ordinateur: mini-base, jeux, représentations graphiques, biorythme ... - Un câble de raccordement TV avec prise PÉRITEL. - un cordon d'alimentation (220 V). ATTENTION: « ALICE» est conçu pour récepteur TV SÉCAM muni de prise PÉRITEL: branchement Péritélévision inclus dans le coffret. 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Notes

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