Différences n°244 - octobre 2002

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Sommaire du numéro

n°244 de octobre 2002

  • Mouvement: Le MRAP et le mouvement des sans-papiers par B. Hétier
  • Abdulaye: futur ex sans-papier par Séverine Pierrot
  • Loi Sarkozy Perben: l'éducation aussi par Monique Lelouche
  • La Codac du Nord Pas-de-Calais mise au pied du mur par J.C. Dulieu
  • Drôle de premier pas de ce gouvernement par Mouloud Aounit
  • Dossier: Histoire et mémoire coloniale
    • Partager les mémoires, bâtir l'Histoire par Claude Liauzu
    • Dissimulation d'un massacre, documentaire de D. Kupferstein (17 octobre 1961) par C. Benabdessadok
    • La mémoire est un dur labeur par Paul Muzard
    • 2003: année de l'Algérie en France par C. Benabdessadok


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1>iHérences Mouvement contre le racisme el pour ramitié entre les peuples Octobre 2002 - N" 244 Le dossier du mois Histoire et mémoires coloniales

, Bâtir l'Histoire, partager les mémoires
, « Dissimulation d'un massacre », un documentaire

de Daniel Kupferstein sur le 17 octobre 1961

, La mémoire est un dur labeur
, Courrier du Mrap au ministre de l'Education nationale
, 2003, Année de l'Algérie en France
, L'Histoire coloniale en chansons
, « Zoos humains », sous la direction de Nicolas Bancel ...

Mouvement Le Mrap et le mouvement des sans-papiers Abdulaye, futur ex-sans-papiers Lois Sarkozy/Perben : l'éducation aussi La Codac du Nord-Pas-de-Calais au pied du mur Éditorial Actu Les supports du Mrap : • une exposition à Rouen • le gant s'exporte en Allemagne • parution du guide juridique Kiosques - « Détruire la Palestine », de Tanya Reinhart - « Il faut désobéir» par Didier Daeninckx et Pef - « Les frontières du droit d'asile », Hommes et Migratiol/s page 6 pane 7 i'age 8 page 9 Dage 10 r ag910 page Il page 2 page 1 rage 4 pageS pa. eS page '2 .... ile l' Mouvement Le Mrap et le mouvement des sans-papiers La mobilisation des sans-papiers a connu un véritable regain depuis la fin du mois d'août. Rappel des faits et commentaires, Bernadette Hétier. A PRÈS la manifestation « Saint-Bernard, An VI » du 24 août dernier sous le mot d'ordre de la Coordination nationale des sans-papiers « Les sans-papiers ne retourneront pas dans la clandestinité ! Chirac-Raffarin-Sarkozy, régulari sez ! » et l'éloignement forcé pendant l'été de très nombreux sans-papiers, dont deux « marcheurs» de la Marche Marseille-Paris du printemps 2002, l'accueil par le curé de la basilique de Saint-Denis, le 17 août, d'un groupe de 130 sans-papiers de la Coordination de Seine-Saint-Denis, se révèle le catalyseur d'une formidable [re]-mobilisation de milliers de sans-papiers. Le 5 septembre, une délégation de personnalités (Guy Bedos, Dan Franck et Valère Staraselski, accompagnés de Michel Tubiana, président de la LDH, et de Mouloud Aounit, secrétaire général du Mrap), signataires d'un appel pour la régularisation, est reçue par le ministre de l'Intérieur. Lors de cet entretien, Nicolas Sarkozy annonce des décisions confirmées par un communiqué de presse : pas de régularisation globale mais un réexamen « au cas par cas» ; éloignement de toute personne « éloignable » ; traitement avec « bon sens, humanité et réalisme» des cas de « ni-ni» (ni régularisables-ni éloignables) que la loi aurait laissé subsister; présentation des accords franco-algérien et franco-tunisien à la ratification du Parlement dès les premiers jours de la session parlementaire et anticipation immédiate de leur application ; prise en compte des spécificités « sociales et humaines» de certaines situations (en particulier les preuves de dix ans de séjour en France « même s'il manque 15 jourS» et les dossiers « vie privée et familiale ») ; création d'une« Mission» dirigée par Mme Escoffier, Inspectrice générale de l'Administration « chargée d'identi- Extraits de la réponse du ministre de l'Intérieur Vous indiquez d'abord avoir demandé, à plusieurs reprises, la communication des instructions qui auraient été adressées aux services pour traiter le réexamen des dossiers. Si ces instructions ne vous ont pas été communiquées, c'est tout simplement qu'elles n'existent pas. A l'exception de l'instruction sur l'application anticipée des avenants aux accords franco-algérien et franco-tunisien, je n'ai adressé à ce jour aucune instruction écrite aux services. [ ... ] J'ai demandé aux services par voie de consignes orales, par l'envoi de mes différentes interventions publiques, ou lors de réunions aux ministères : - de réexaminer les dossiers des « sanspapiers » qui le demandaient ; - d'envisager la régularisation des personnes se trouvant dans une situation humanitaire particulière, notamment au regard de leur famille, de leurs projets d'insertion et de leur durée de présence sur le territoire français; - de faire preuve de souplesse et d'intelligence au regard des preuves de la condition de résidence de 10 ans, lorsque la bonne foi des demandeurs ne peut être mise en cause. 2 Différences n° 244 octobre 2002 A tous les préfets réunis au ministère de l'Intérieur le 27 septembre dernier, j'ai répété les mêmes instructions. [ ... ] En ce qui concerne les préfectures, je vous remercie de m'en avoir communiqué la liste. Je fais immédiatement procéder à l'analyse de vos observations sur ce point et, le cas échéant, à la rectification des pratiques. [ .. . ] Comme le gouvernement s'en est expliqué à plusieurs reprises, une réforme du droit d'asile est toutefois en train de se mettre en place et des moyens exceptionnels ont été mis en place pour traiter le stock des dossiers en cours. J'espère que ces mesures auront rapidement des résultats significatifs. S'agissant des procédures de reconduites pour lesquelles vous demandez un moratoire, il va de soi qu'aucune reconduite ne sera mise en oeuvre pour une personne se maintenant irrégulièrement sur le territoire et ayant demandé que son dossier soit revu dans le cadre de la procédure de réexamen actuellement en cours. Naturellement, si ce réexamen n'a pas été demandé ou s'il a conduit à un rejet, rien ne s'oppose à l'exécution de la mesure de reconduite. » fier les situations juridiques et sociales mal réglées ... , de veiller à un traitement homogène des dossiers sur l'ensemble du territoire ... [et qui] entendra les personnalités qu'il lui semblera utile d'entendre ainsi que les associations» ; « la concertation du ministre avec les associations se poursuivra » (une rencontre bimestrielle est proposée par le ministre). Le Mrap, qui n'a en rien renoncé à son rejet du cas par cas, ni à sa revendication d'une régularisation globale, décide de mettre son énergie au service du soutien au mouvement renaissant des sans-papiers renvoyés aux négociations avec les différentes préfectures. Plusieurs rencontres sont, à ce titre, organisées avec la préfecture de police de Paris pour la remise de dossiers « représentatifs » des dysfonctionnements dénoncés, en présence de la LDH et du Mrap. Le Mrap est également reçu par Madame Escoffier. Une réunion nationale a été organisée le 21 septembre au siège du Mrap, à l'initiative de la LDH (Michel Tubiana), du Mrap (Mouloud Aounit) et du Syndicat des avocats de France (Gérard Tchokalian) en présence de l'association pour la défense des droits des étrangers du Barreau de Paris (Me Lagrue) et de nombreuses sections et comités locaux LDH et Mrap des départements suivants: 13, 27, 31, 33, 35, 37, 44, 54, 59, 63, 69, 71, 75, 76, 78, 91 , 93, 95. Après une information sur la rencontre avec le ministre de l'Intérieur, un échange portant sur les disparités des situations locales, une réflexion sur les perspectives politiques telles que « toilettage» des lois en matière de droit d'asile (fusion asile conventionnel et asile territorial, compétences Ofpra et Sangatte) et double peine, il en ressort la volonté de renforcer les coopérations dans le soutien local aux collectifs de sans-papiers qui se constituent et de faire remonter toutes les informations sur dysfonctionnements et rejets au niveau national. Le SAF demande à ses sections de contacter la LDH et le Mrap, sollicite un rendez-vous du Directeur des Libertés Publiques et propose la formation des acteurs de terrain et l'aide à la constitution de dossiers. Il est jugé préférable de ne présenter que de solides dossiers pour éviter les déconvenues de sans-papiers autant que les fâcheuses conclusions des préfectures. Comme décidé en réunion, un courrier commun LDH-Mrap est envoyé au ministre pour redemander le texte des instructions aux préfets, signaler contradictions et dysfonctionnements préfectoraux et réclamer un moratoire sur les éloignements forcés. Il est également décidé de réclamer des moyens permettant de désengorger les tribunaux administratifs dont les délais de jugement ( de 18 mois à 4 ans) bloquent les dossiers. Les principaux extraits de la réponse du ministre sont publiés dans l'encadré ci-contre .• Ab du laye, futur ex-sans-papiers Lorsque les militants de la permanence d'accueil lui apprennent la bonne nouvelle, Abdulaye n'y croit pas. Pourtant, il va enfin obtenir un titre de séjour. Portrait signé Séverine Pierrot. LE RÉVEIL du mouvement des sans-papiers a notamment permis d'entamer des négociations avec le préfet de police. Ce dernier a annoncé qu'il n'y aurait pas de régularisation massive, mais que « chacun des dossiers sera examiné au cas par cas, avec pragmatisme et humanité.» Il s'est engagé à examiner personnellement les cent premiers dossiers et à faire connaître les résultats la semaine d'après « pour que chacun comprenne dans la plus grande transparence le pourquoi des dossiers retenus et le pourquoi de ceux qui seront rejetés». Une délégation, dont le Mrap faisait partie, est reçue par le préfet obtient que les cent dossiers ne soient pas le résultat d'une loterie mais soient choisis par les sans-papiers et leurs soutiens, en fonction de leur représentativité. Ils ont été déposés le 29 septembre, le 5 octobre la préfecture remettait aux organisations une liste de 69 noms de personnes qui seront régularisées. Parmi eux, figurait celui d'Abdulaye, dont le Mrap avait remis le dossier. Celui-ci sera régularisé sur le fondement de ses dix ans de présence en France. Abdulaye avait déjà déposé, avec le soutien du Mrap, une demande de régularisation. Celle-ci avait été arbitrairement rejetée par le préfet alors qu' Abdu laye remplissait les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de s~jour comme les soixante-neuf personnes qui vont être régularisées. Retour sur une histoire de galère. Abdulaye est arrivé en France en 1988. Fuyant le Sénégal à cause des persécutions dont il était victime en raison de sa participation aux manifestations estudiantines de Dakar de cette année-là, il saisit l'Ofpra d'une demande de statut de réfugié politique. Celle-ci rejette sa demande, considérant qu'il n'apportait pas la preuve des persécutions dont il était victime, malgré le mandat d'arrêt dont il était l'objet. Après épuisement de toutes les voies de recours, Abdulaye est devenu sans-papier. Lorsqu'il fut question de régulariser les déboutés du droit d'asile en 1991, Abdulaye s'est rendu à la préfecture de police: il est sur le champ arrêté, menotté et isolé dans une pièce, avant d'être emmené au dépôt de la Cité, puis transféré au centre de rétention de Roissy. Le jour où deux gendarmes sont venus le chercher dans sa cellule pour le mettre dans un avion à destination du Sénégal, Abdulaye s'accroche au pied de son lit et ne lache pas prise malgré les efforts des gendarmes. Abdulaye avoue aujourd'hui ne pas savoir où il a trouvé la force d'une telle résistance. Il est libéré et continue sa vie de sans-papiers. Au moment de la circulaire Chevènement de régularisation (24 juin 1997), Abdulaye dépose un dossier avec le soutien de la permanence d'accueil du Mrap. Il a malheureusement essuyé un refus, comme la plupart des célibataires, les grands oubliés de cette circulaire. Il ne restait donc à la permanence qu'à lui conseiller d'attendre patiemment de boucler ses dix ans de présence en France avant de tenter une nouvelle régularisation. C'est alors l'ultime démarche pour Abdulaye. Aidé par la permanence, il tente de réunir les preuves de dix ans d'inexistence légale en France. L'exercice n'était pas facile : ces dix années Abdulaye les a vécues « à droite, à gauche », hébergé par des connaissances, à qui il a confié ses affaires, mais aussi de squat en squat. Le dossier en main, il se rend au centre de réception des étrangers de Gaité pour le déposer. Le dossier d'Abdulaye comporte deux années « faibles », pour lesquelles il n'y avait pas d'éléments probants selon la préfecture, les cour- ..~ , riers de sa maman ne sont pas suffisants ... La préfecture a alors demandé à Abdulaye d'apporter des suppléments de preuves dont un timbre fiscal pour une éventuelle régularisation

c'est encore un refus qui arrive en

bout de chaîne. Abdulaye et la permanence tentent tous les recours et saisissent le tribunal administratif. La requête est rejetée. Alors, désarmés, nous avons dû lui dire qu'il n'y avait cette fois, plus rien à faire. Pour Abdulaye, le silence qui s'en ait suivi a été « un silence de mort». ,~ Grâce au « réveil» du mouvement des sansCl papiers, Abdulaye va être régularisé. Lors~ Qi que nous lui avons appris la nouvelle de sa ~ convocation à la préfecture, il ne semblait ~ pas réaliser que les papiers pour lesquels il @ se battait depuis tant d'années allaient lui être délivrés. Pendant plusieurs jours, il n'y croit pas. Il dit : « La nouvelle n 'arrivait pas à entrer dans mon esprit », « merci à tous, depuis que je suis en France, je n'ai pas revu ma famille, toutes ces années vous avez été ma famille ». Revoir ma mère La galère devrait enfin prendre fin pour Abdulaye. Il nous avoue qu'il recommence à dormir un peu, mais qu' il lui faudra du temps pour se reconstruire. Abdulaye évoque sa situation de sans-papier avec amertume: « J'étais enchaîné par l 'esprit; on dit que l'esprit est libre, mais pas dans ma situation. Tu perds le gout de la vie. Je reviens de loin, de très loin. Tous les gens qui vivent cette situation sont des zombies, ils marchent sans âme. Il faut chercher une issue à la question des sans-papiers pour éviter qu'ils tombent dans l'abîme. » Abdulaye nous confie qu' il a failli abandonner, mais « ici au Mrap j 'étais le bienvenu, j y ai trouvé des gens gentils avec moi, une chaleur humaine formidable. Ici les gens sont sensibles, ils sont dans la peau des sans-papiers. Ils sont là administrativement mais surtout p sychologiquement. C'était très important pour moi, je n 'ai personne en France. !vialgré tout ce que j'ai vécu, je n 'éprouve aucune haine envers la France, car la France c'est aussi des gens humbles et gentils comme ceux que j 'ai rencontrés. » Lorsqu'il aura son titre de séjour, Abdulaye retournera chez son ancien employeur, chez qui il travaillait lorsqu'il était demandeur d'asile. En effet, lorsque Abdulaye est allé le voir pour lui annoncer la bonne nouvelle, celui-ci lui a immédiatement proposé du boulot. Abdulaye ne sait pas encore pour quelle tâche il sera employé mais il pense déjà à l'avenir et évoque l'idée de se marier, de fonder une famille. Mais ce qui compte surtout pour Abdulaye, dans l'immédiat, c'est de travailler suffisamment afin de se payer un billet d'avion pour aller voir sa maman qu'il n'a pas revu depuis treize ans. • Différences nO 244 octobre 2002 3 1JI ouvement Lois Sarkozy /Perben : Iléducation aussi M ÈME si les mesures envisagées par rapport à l'école sont (provisoirement ?) abandonnées ou prétendues symboliques, elles sont très significatives de l'esprit de ces lois: s'attaquer avant tout aux plus faibles, aux plus démunis (les gens du voyage, les pauvres, les étrangers, les jeunes des quartiers dits « sensibles », les prostituées étrangères, les mendiants, les SDF ... ) et donner la priorité au répressif, au sécuritaire sur la prévention et l'éducatif. On peut d'abord s'étonner que des mesures touchant l'école soient du ressort des ministères de l'Intérieur et de la Justice! Première mesure, prévue dans la Loi Sarkozy «pour la sécurité intérieure ». Les parents d'élèves absentéistes devaient être punis d'une amende de 2 000 €. Cette mesure est retirée du texte présenté au Conseil d'État. Le 1 er octobre un groupe de travail est constitué pour analyser la question; les conclusions seront données en fin d'année ... à suivre. Ainsi, le texte, reliant de manière implicite mais forte absentéisme et délinquance, est déjà contestable. De plus, un amalgame s'opère entre toutes les formes d'absentéisme, depuis la non-inscription sur les listes scolaires pour les moins de 16 ans (déjà punie de 6 mois de prison et 7 500 € d'amende), l'absentéisme lourd, la déscolarisation, jusqu'à un absentéisme défini par 4 demi-journées d'absence non justifiées par mois, le simple « zapping» de cours qui existe de plus en plus même dans les établissements dits sans problème. De plus, rappelons que, depuis 1966, les Allocations familiales peuvent être supprimées ou suspendues (9 000 cas par an). Quelle est l'ampleur du phénomène d'absentéisme ? Pour le moment, nous ne disposons pas de chiffres globaux (on avancerait 100 000 cas), 20 % des élèves se dispenseraient régulièrement de cours, une enquête du ministère de l'Éducation est diligentée. Le profil d'un absentéiste de moins de 16 ans (astreint à l'obligation scolaire) qui zappe certains cours ou des journées, voire « s'évanouit» est un garçon de 12/14 ans, collégien, en grande difficulté scolaire de milieu modeste ou pauvre. Ceci étant, le plus intéressant est de se poser des questions sur les causes de ces faits . Pour la Loi Sarkozy, la « démission» des parents expliquerait ce phénomène d'où une sanction de 2 000 € d'amende. Or, tout un travail sociologique est en cours actuellement pour analyser les relations avec les familles (une des bases de la réussite des enfants). Ainsi, on voit que les parents les plus défavorisés, voire exclus, ont des dif- 4 Différences nO 244 octobre 2002 ficultés dans toutes les relations sociales. Les codes culturels différents peuvent constituer également un handicap scolaire. De plus, ils ont peu fréquenté l'école. Toutefois, ceci ne doit pas nous faire oublier que beaucoup de parents, peu favorisés, immigrés, malgré les difficultés, investissent dans l'école, base de la réussite professionnelle et sociale et que leurs enfants, à catégorie socioprofessionnelle égale, réussissent mieux que les autres (surtout les filles). Contrôle social et pénalisation En fait, une fois de plus, les causes profondes d'un malaise social sont escamotées; il serait donc question d'incriminer les parents les plus démunis, souvent déjà discriminés. En effet, une représentation négative des familles les plus pauvres, a fortiori si elles sont immigrées, s'est construite, les parents devenant le bouc émissaire de l'échec des enfants et de l'école dans une certaine mesure. Or, l'absentéisme répété touche d'abord les enfants qui cumulent plusieurs facteurs de risque: précarité, pauvreté, exclusion sociale, retard voire échec scolaire, orientation non désirée, difficultés d'intégration dues au choc d'une immigration récente, ruptures familiales, maladie, accident. L'absentéisme répété fait ainsi émerger au grand jour des problèmes sociaux, scolaires, psychologiques. Pourtant des solutions immédiates sont proposées pour responsabiliser les familles et les jeunes, par exemple, créer des « équipes de suivi» pour élèves en grande difficulté scolaire (CPE, enseignants, assistantes sociales, psychologues ) pour comprendre les causes de l'absentéisme et mener un réel dialogue avec les parents et les jeunes, développer la médiation. Une autre solution est de travailler en direction des parents, dans les quartiers défavorisés, avec les associations de quartier, créer des« groupes de paroles». Mettre ainsi l'éducatif et le préventif en avant, et non le répressif. En fait, on voit s'installer un contrôle social accru en direction des familles les plus démunies, ainsi qu'une pénalisation des conduites déviantes dans la vie quotidienne. Cette démarche est particulièrement inquiétante. Deuxième mesure, envisagée par la Loi Perben «sur la justice ». Six mois de prison ferme pour outrage à l'encontre du persolmcl qui travaille dans un établissement scolaire. Cette mesure existait déjà pour toute personne dépositaire de l'autorité publique (en fait, directeur et proviseur). Ainsi, les auteurs de l'outrage peuvent être mis en garde à vue. On imagine un policier arrêter un élève en plein cours, séance tenante. Si l'on ne saurait nier les graves problèmes qui existent dans certains établissements et les souffrances qu' ils engendrent, force est de constater que ce type de mesure est difficile à meUre en place et n'est pas la meilleure pour restaurer la confiance , base du rapport pédagogique. L'outrage est défini dans le Code Pénal (parole, acte, etc à l'encontre d'une personne chargée d'une mission de service public) ; quand passe-t-on de l'insulte à l'outrage? La confrontation entre les témoignages du personnel et ceux des élèves pourrait s'avérer délicate et générer des contentieux à l'infini. Conscient des difficultés, le ministre affirme que ces mesures seraient appliquées de manière exceptionnelle, symbolique (à suivre). Quoiqu'il en soit, devant les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes qui travaillent dans les établissements scolaires et la judiciarisation de la société, le nombre de plaintes déposées par les enseignants a été multiplié par 3 en 6 ans selon la Fédération autonome de solidarité, celles pour outrage par 4 ; elles visent surtout les parents, les exactions des élèves étant davantage traitées en interne. D'ailleurs, dans de nombreuses Académies, des partenariats sont organisés avec les parquets, et les commissariats pour les « procédures de signalement». La Loi Perben prévoit leur développement. Les enseignants sont partagés sur ces mesures. Pour les uns, elles permettent de restaurer l'ordre, le respect et l'autorité par un effet symbolique et dissuasif. Pour les autres, ainsi que pour tous les syndicats représentatifs et des associations de parents d'élèves, il faut faire le pari de l'éd,ucatif, du dialogue. Le dernier budget de l'Education (suppression de 5 600 postes de surveillants, disparition de 10 000 postes d'aides éducateurs) ne va pas dans ce sens ... Ces mesures, ou à l'étude ou dites symboliques, qui pénaliseraient les familles et les jeunes (souvent les plus démunis) et développeraient une politique sécuritaire à l'école, ne correspondent pas à l'idéal démocratique de cette dernière. Restons vigilants ! • Monique Lellouche Du côté de Saintes Au sommaire du n° 17de Mrap-Infos, le bulletin trimestriel édité par le comité local de Saintes (Charentes-Maritimes) : un édito portant sur l'analyse des résultats électoraux de l' ex.1rême droite dans le département, un bref rappel historique de l'extrême droite en France, un « bêtisier» des proclamations de ses leaders (sur l'avortement, la peine de mort, Vichy, etc) ; ainsi qu'une série d'infomlations sur l'action du comité et la vie associative locale. La Codac du Nord-Pas-deCalais mise au pied du mur DISCRIMINATIONS à l'emploi, à la formation, au logement ou encore aux loisirs constituent dorénavant un phénomène reconnu de chacun, et notamment par les pouvoirs publics qui, sous l'ampleur et la pression des associations, ont mis en place ces dernières années des dispositifs d'observation et de lutte: Codac, Geld (en 1999) et 114 (mai 2000). En outre, la lutte contre les discriminations a été labellisée « grande cause nationale» pour l'année en cours. Ces dispositifs institutionnels sont pourtant encore largement insuffisants pour garantir les droits des victimes. Une situation que le Mrap Nord-Pas-de-Calais ne cesse de dénoncer. L'expérience du testing L'exemple des discriminations à l'entrée des boîtes de nuit (lesquelles font l'objet d'environ 20 % des appels reçus au 114 émanant du Nord-Pas-de-Calais) est à cet égard révélateur de l'état du problème. Désireux d'agir concrètement dans« sa» CODAC en utilisant cette thématique des discriminations aux lieux de nuit comme cheval de Troyes, le collectif régional Nord-Pas-deCalais s'est impliqué fortement dans l'élaboration d'une convention départementale et d'une « charte professionnelle des exploitants de discothèques et d'établissements à ambiance musicale» visant à éradiquer cette forme de racisme en acte. La première, liant la Préfecture du Nord, l'UMlli (Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie, syndicat professionnel ultra majoritaire chez les gérants de boîtes de nuit) et le Mrap, se donnait pour objectif de créer au sein de la Codac « commission départementale pour un égal accès aux loisirs» pouvant notanunent mettre en place des actions de sensibilisation, de concertation et de médiation. Avec la charte, les gérants des boîtes de nuit signataires s'engageaient à ne procéder à aucune discrimination raciale, à former leur personnel et à afficher à l'entrée de leur établissement les critères de sélection commerciau~ qui y prévalaient, lesquels excluant bien entendu toutes formes de discrimination « raciales». Ces deux documents furent rendus publiques et signés le 14 mai 2001 sous le parrainage de la secrétaire d'Etat au Tourisme. En outre, afin d'assurer le suivi des dossiers, pas moins de 7 militants des différents comités locaux de la région se sont fait connaître à ce jour auprès de la Préfecture COlllme référents du Mrap à la Codac.( et non comme référent de la Codac). Ainsi reçoivent- ils des fiches de signalement rédigées au standard du 114, accompagnent-ils individuellement les victimes et oeuvrent-ils pour que réparation soit donnée à ces derniers. Mais, précisément, alors que ces différentes mesures ont été prises depuis plus d'un an, aucune mesure concrète contenue dans ces textes n'a été mise en oeuvre, aucune médiation n'a été proposée aux multiples victimes de discrimination à l'entrée des boîtes de nuit, aucune affaire signalée à la Codac ne semble aboutir, la préfecture ne paraît pas désireuse de faire appliquer les différents points auxquels se sont engagés les gérants de discothèques. Las d'une telle attitude, le Mrap régional a décidé d'enfoncer le clou et de contraindre les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités. Pour ce faire, pour les confronter à la réalité de la discrimination raciste aux loisirs, nous avons choisi de renouer en compagnie de journalistes, avec la pratique délaissée du testing. Ainsi, dans la nuit du 23 au 24 février 2001, avec les membres du CL du Bassin Minier, nous testions les discothèques Le Tremplin (Noeux-les-Mines) et Les Bermudes (Billy-Berclau). Le test se révéla « positif» (si l'on peut s'exprimer ainsi) : toutes deux pratiquent à n'en pas douter la discrimination raciale à l'entrée. Dans la nuit du 5 au 6 octobre dernier, le CL du Valenciennois prenait le relais et testait les boîtes de nuit Le Troubadour et L 'Oceleyos (Valenciennes). A nouveau, tests «positifs ». Informées de ces délits, par nos soins et par les articles de presse, la Codac et les autorités préfectorales sont maintenant condamnées à prendre parti. Soit elles convoquent rapidement les différents partenaires afin de donner vie aux décisions du 14 mai 200 1, de mettre en place de la commission pour un égal accès aux loisirs et interpellent les responsables de ces établissements. Soit elles demeurent silencieuses à nos griefs et avouent ainsi de facto leur manque de volonté pour lutter contre les discriminations aux loisirs. Si tel devait être le cas, le collectif régional du Mrap, considérant avoir été instrumentalisé, se verrait contraint de se désolidariser de la Codac et de condamner publiquement ce que l'on serait alors en droit de considérer comme étant un dispositif fantôme, une simple coquille vide mise en place pour donner bonne conscience à certains .• Pour la fédération du Nord J.-c. Dulieu (secrétaire général-adjoint, président régional) et J. Grzelczyk , Editorial Drôle de premier pas de ce gouvernement Avec une habilité certaine et un sens prononcé de la communication, il nous surprend là où on ne l'attendait pas. En ouvrant le débat sur le droit de vote des étrangers et la double peine, le gouvernement surprend son camp et prend à contre- pied la gauche en la débordant sur son propre terrain. Montant en première ligne, avec une incontestable arrière-pensée d'intérêt économique, le présid e nt de la République et le Premier min istre nous préconisent un contrat d' intégration. Ils vont jusqu' à re pre ndre l'ex igence de longue date d'une revendication en proposant la création d'u ne haute autorité contre les discriminations. Après la caresse, la tonte. Le projet de loi sur la sécurité, véritable machine de guerre contre les plus démunis, les plus précaires et les plus vulnérables, côtoie l'an nonce d' un dialogue avec les associations dans le dossier des sans-papiers. Le ministre de l'Intérieur va même faire sienne nos critiqu es sur les pratiques inhumaines des préfectures. Il ratifi e et fait voter ce que M. Chevènement et M. Vaillant avaient toujours refusé: l'avenant des accords franco-algérien s. Dans le même temps, le centre de Sangatte est fermé et les expulsions continue nt. La leçon de tout cela est que la droite que nous avons a contestablement retiré les leçons du passé. Elle a compris que la hache qui a fracturé la porte de l'église Saint-Bernard n'a pas fait partir un seu l san s- pap ie rs. De même elle sait aussi que les pratiques de la double peine sont porte uses de graves tensions et désordres publ ics. Devant cette situation, le Mrap, sans dogmatisme ni naïveté, mais avec vigilance et pragmatisme, a essayé de faire avancer, autant que faire se peut, ses combats. Ceci étant, les effets d' annonce y compris celles qui vont dans la bonne direction, n'auront de validité que par leur traduction concrète sur le terrain. Il reste qu'i 1 faut nous méfier car les timides é clairc ies peuve nt être annonciatrices de gros nuages dont on sait qu'ils peuvent être arrêtés que par les seules mobilisations citoyennes. Mouloud Aounit Différences nO 244 octobre 2002 5 Partager les mémoires, bâtir IIHistoire La guerre d'Algérie n'en finit pas de peser sur les représe ntations. Malgré quelques avancées, dont la reconnaissance du massacre du 17 octobre 1961, il reste beaucoup à faire pour briser les tabous. Récaptitulat if de Claude Liauzu, historien. LAGUERRE d'Algérie a bien eu lieu : la loi du 10 juin 1999 a utilisé le terme, pour la première fois, dans le vocabulaire officiel concernant le contingent. Une plaque à l'Arc de Triomphe rappelle son rôle. Une journée nationale d'hommage aux harkis a été organisée en 2001. Mais, ce qui a été reconnu, quarante ans après, et sous la contrainte des anciens combattants le plus souvent, a concerné ces derniers, non pas les populations civiles, et moins encore l'adversaire d'hier. Cette guerre n'est d' ailleurs pas achevée, puisque aucune date n'a marqué sa fin. Dans ces conditions, elle se prolonge indéfiniment dans les conflits de mémoires entre les acteurs et leurs ayants droit, pieds noirs, partisans de l'Algérie française, anciens combattants, immigrés et leurs descendants. Trois procès le rappelleront en 2003 : le procès en appel du général Aussaresses

la plainte en diffamation de Jean-

, ARCHIVES 6 Différences nO 244 octobre 2002 Marie Le Pen contre Le Monde où il était accusé d'être un tortionnaire; une plainte en diffamation d'un ancien soldat du contingent et d'une combattante du FLN, Louisette Ighilahriz contre le général Schmitt. Jusqu' ici, à la différence de Yichy, les appels adressés à la classe politique pour que soient reconnus et condamnés la torture et les massacres, pour lesquels le général Massu a exprimé ses regrets, se sont heurtés à une loi du silence. Mais les amnisties concernant les actes commis dans le cadre des « opérations de maintien de l'ordre» couvrent les pires exactions: sévices, viols, meurtres. .. Le général Aussaresses a été condamné pour ... délit d'opinion et non pour ses crimes ! La plaque rappelant la mort de nombreux Algériens le 17 octobre 1961, apposée l'an dernier au Pont Saint-Michel, sans référence aux auteurs du massacre, est due à l'initiative de la municipalité de Paris, et aucun membre du gouvernement alors socialiste ne s'y est associé. Cela rappelle que la guerre d'Algérie a été menée par la y e République, mais d'abord par la Iye, qui en est morte sous le coup du putsch; par de Gaulle, mais d'abord par Guy Mollet et la SFIO et qu'une partie de la classe politique y a participé. C'est donc dans les tribunaux que la vérité avance ! Comme cela a été le cas en mars 1999 quand Maurice Papon a perdu son procès en diffamation contre Jean-Luc Einaudi

les attendus du jugement ont qualifié

de « massacres» les violences policières contre les manifestants protestant contre un couvre-feu imposé aux Français de souche nord-africaine. Dans une situation aussi confuse, les historiens ont une responsabilité particulière d'information et de formation. Mais l'exercice de leur métier n'est pas facile. L'établissement des faits dépend en partie de la consultation des archives de l'Etat. Or, quantité de documents ont disparu corps et biens, et non des moindres : ceux du service d'identification de Yincennes, qui a fiché en particulier les milliers de manifestants arrêtés et parqués le 17 octobre 1961, ceux du service d'assistance technique aux Français Musulmans d'Algérie, « qui était chargé d'une action sociale en même temps que d'une surveillance discrète de la population algérienne », et, pour faire bonne mesure, ceux de la brigade fluviale, qui recensait les corps des noyés trouvés dans la Seine. En outre, la préfecture de police de Paris, qui avait la charge du maintien de l' ordre dans la capitale, et qui a les fonds d'archives les plus riches, a privilégié des historiens de proximité, interdisant longtemps aux autres la possibilité de travailler dans ses archives. Bien sûr, des travaux historiques récents ont fait progresser nos connaissances sur la torture et sur les violations des droits de 1 'Homme. Mais la loi de 1979, qui régit la consultation des archives publiques, impose des délais de consultation qui vont de trente ans au moins à un siècle pour les dossiers « sensibles ». On est loin des principes fondateurs de la République, qui prévoient que « tout citoyen pourra demander dans tous les dépôts communication des pièces qu'ils renferment » (loi du 7 messidor an II, 1792). Il ne s'agit pas là que d'affaires d'historiens. Ce passé algérien qui ne passe pas nourrit des attitudes xénophobes envers les immigrés du tiers monde et les Algériens surtout, contre lesquelles le Mrap lutte depuis longtemps. Ce passé est aussi à l'origine des troubles de mémoires des jeunes « beurs », qui errent entre deux histoires dont aucune n'est la leur. Ces troubles peuvent susciter un enfermement dans la victimisation ou pousser à des identifications illusoires, comme le rappelle le match de football France- Algérie en 2001 ! On doit ajouter que, pour dépasser rancoeur et haine, il faut aller vers un partage des mémoires entre les sociétés concernées. Ce qu'ont fait la France et l'Allemagne après trois guerres, par exemple, est-il hors de portée entre l'Algérie et la France? Les migrations, les échanges culturels, les « métissages » de toutes sortes, ont tissé des liens étroits qui ne peuvent en rester à l'actuel « je t'aime moi non plus ». Cela exige que le silence de l'Etat français mais aussi le discours de légitimité de l'Etat algérien, qui puise abondamment dans une mémoire manipulée, fassent l'objet d'une double critique historique. Il ne s'agit certes pas de mettre la violence d'une lutte de libération nationale légitime sur le même plan que la violence colonialiste . Mais on ne peut plus faire l'économie d'une réflexion sur les racines de la dictature et de la guerre civile actuelle, des racines qui plongent dans le mode de pouvoir établi par le FLN lors de la guerre d'Algérie. Il faut espérer que « l'année de l'Algérie » sera celle des sociétés et non celle des Etats et de leur langue de bois officielle . • Histoire et mémoires coloniales « Dissimulation d1un massacre » un documentaire de D. Kupferstein 1 LE PREMIER film sur le 17 octobre 61 a été censuré: « Octobre à Paris» réalisé par Jacques Panijel sur la base d'un travail dans le bidonville de Nanterre et des photographies désormais célèbres d'Elie Kagan n'a connu qu'une diffusion clandestine au printemps de 1962. Trente ans plus tard, « Le Silence du fleuve» signé Mehdi Lallaoui et Agnès Denis et « Une journée portée disparue» de Philip Brooks et Alan Hayling arrachent l'événement à l'occultation politique. « Dissimulation d'un massacre », diffusé en avant-première lors des manifestations du 40"l11e anniversaire, appartient à une nouvelle étape de l'exploration documentaire: il ne s'agit plus prioritairement de revenir sur les faits eux-mêmes pour en attester l'existence mais de tenter de comprendre comment le silence s'est fait et comment il se défait. Le choix de cette ligne de traitement correspond bien évidemment à une évolution de } , la question. Plu~ieurs livres sont parus ces 'l dix dernièr€s années, dont l'inaugural « BaJ taille de Paris» de Jean-Luc Einaudi, de très nombreux articles de presse ont été publiés, des chercheurs travaillent sur divers aspects inédits de la guerre d'Algérie. Les faits, encore minimisés par les rapports officiels et peut-être pour certains définitivement effacés à cause de la disparition d'archives, commencent à s'affirmer comme singulièrement têtus. Le choix de ce traitement revient aussi aux convictions du réalisateur,: Daniel Kupferstein a pour vocation de « traiter des jilms d 'Histoire pour mieux éclairer le présent ». « On m'a, précise-t-il, plusieurs fois posé la question: pourquoi est-ce vous qui avez fait ce jilm ?" Sur le moment, j'ai répondu que Je connaissais le sujet depuis fort longtemps et que le moment était venu de le traiter. Puis, j'ai réfléchi et je me suis demandé si l'interrogation autour du "vous" ne s'adressait pas implicitement à mon nom. Je pense auj ourd'hui que ça a rapport avec mon histoire familiale ; ma mère a été déportée et nous n'en avons pratiquement jamais parlé. Je partage avec les enfants des manifes tants du 17 octobre la même expérience d 'une souffrance cachée, une souffrance qu'on a du mal à mettre en mots, et donc à dépasser et à transmettre. Cette histoire personnelle m'a peut-être rendu plus sensible que d'autres à ce type de problématique. Il s'agit pour moi de témoigner pour prévenir et lutter contre les dérives totalitaires ». Si la motivation politique et personnelle du Pour vos débats Dissimulation d'un massacre (54 mn) a été réalisé grâce au soutien de Laure Friant de Morgane Production et de Chantal Knecht pour la chaîne cablée Histoire. Pour louer le film et inviter le réalisateur s'adresser à Morgane Production Tél : 01 43 14 92 03 Plaque commémorative apposée au Pont Saint-Michel lors du 40ème anniversaire réalisateur est bien là, il n'y a rien de définitivement prémédité au départ. Le réalisateur veut consacrer un travail au procès que Maurice Papon intente à Jean-Luc Einaudi et il commence à tourner à ce moment-là; ce procès mémorable, qui voit défiler à la bar- "'" re de la défense les témoins d' hier et d'aujourd'hui, dont certains ne s'étaientjamais exprimés, prend une telle ampleur, notamment par son verdict - il Y a bien eu « un massacre » le 17 octobre 1961 - que cette o "0 ct> eenn Q) "0 .0 ct> c Q) al question maintes fois formulée demande ~

~ enquête et investigation : quels sont les élé- u ments constitutifs de l'occultation et de la

@ résistance à cette occultation ? Et c'est à cela que s'attache« Dissimulation d'un massacre » : sont abordés, grâce aux principaux protagonistes, le problème de l'ouverture des archives, la sélection des historiens qui y ont accès, la mémoire des enfants de l'immigration algérienne, le rôle des militants, de la justice, de la presse, du monde de la recherche universitaire ... Daniel Kupferstein ayant terminé de filmer juste avant les nombreuses initiatives de l' année dernière, il n'a pu aborder le contexte de cette commémoration : une plaque installée au Pont Saint-Michel qui rend hommage « A la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 » mais n'en nomme pas les auteurs ; les manifestations haineuses du FN et du MNR contre l'apposition de cette plaque; et la scandaleuse réaction d'une bonne moitié des députés de droite qui quittèrent l'hémicycle lorsqu'un de leurs confrères de gauche évoqua ... le 17 octobre 61 ! Curieux comportement face à « une page d'Histoire devenue emblématique de l 'Histoire coloniale » (Daniel Kupferstein). Ils n'ont pas encore compris ou ne souhaitent pas comprendre que le devoir d'Histoire, s'il doit laisser toute sa place aux mémoires divergentes, voire conflictuelles, n'a pas pour objet de raviver un conflit définitivement clos, mais de reconnaître la vérité comme seule perspective crédible pour tous les citoyens de ce pays . • Chérifa Benabdessadok Bibliographie, fi lmographie, agenda ... sur le site: 17octobre1 961.free.fr Différences n° 244 octobre 2002 7 La mémoire est un dur labeur La colonisation comme «vaste entreprise de domination et d'exploitation» 1 le « devoir de mémoire» comme réparation des préjudices subis. Analyse de Paul Muzard, membre de la présidence du Mrap. L E DEVOIR de mémoire s'impose comme un signe évident de solidarité quand les victimes sont des nôtres, qu'elles aient combattu l'oppression, et/ou qu'elles en aient été les victimes. Ainsi en est-il par exemple des victimes de la Shoah ou de celles de la Résistance, victimes d'une agression atroce du nazisme contre l'homme, victimes dans un combat pour le retour à la liberté comme valeur fondamentale. Le refus ou l'affadissement de la mémoire, le consentement passif aux thèses négationnistes des camps de concentration conduisent hélas à l'oubli d'un élément capital du patrimoine humain: la valeur suprême qu'est la dignité de l 'homme sur cette planète. La mémoire des sacrifices subis doit demeurer vivante contre les dangers du retour en arrière : « plus jamais ça ! » La mémoire est un labeur bien plus délaissé quand elle nous concerne comme agresseur(s). Il n'est pas supportable de se reconnaître comme coupable(s) d'une domination criminelle. C'est le cas pour la colonisation qui demeure une réalité inavouée parce que inavouable. Une personne me disait au cours d'un débat récent« votre propos est exagéré, parce que vous ne parlez que d'un côté / Nous avons quand même construit dans ces pays, vous devriez avoir un discours plus équilibré! » J'ai répondu que je ne pouvais pas équilibrer une réalité totalement déséquilibrée, la colonisation étant un système oppresseur et négateur de la liberté. Nos contemporains, hélas !, ne savent rien ou pas grand chose de l'histoire coloniale; plus précisément il ne faut pas qu'ils sachent; et si des parcelles de connaissance de la vérité émergent, tout est fait ou beaucoup est fait, pour en atténuer la portée. Quand, au cours de l'année 2000, des révélations sur l'ampleur de la torture pendant la guerre d'Algérie ont été mises en lumière, pressés de condamner de telles pratiques Tombes de soldats musulmans tombés lors de la Première guerre mondiale, cimetière de Chalons-sur-Marne Coll. Musée d'histoire contemporaine BDIC 8 Différences nO 244 octobre 2002 par une déclaration publique « en vue des rapprochements des personnes et des communautés », le Président de la République, craignant les plaies du passé, a préféré « s'en remettre au temps» pour oublier, tandis que le Premier ministre a parlé de « dévoiements minoritaires» ; or il s'agissait d'une question de vérité attendue par des hommes qui voulaient enfin pouvoir parler et cicatriser des plaies ouvertes depuis plus de quarante ans. Aussi le travail de mémoire sur ce sujet n'est-il sans doute pas allé jusqu'au terme attendu. Des élèves de seconde ou de première rencontrés récemment disaient que leur cours d'histoire sur l'Algérie avait pris en tout et pour tout environ deux heures dans l'année; ils avaient donc entendu parler de la colonisation mais pas de la décolonisation. Comme s'il était tacitement interdit que la vérité se découvre, en particulier celle du colonialisme. En effet la colonisation a été une vaste entreprise de domination et d'exploitation qui a prolongé plusieurs siècles d'esclavage et une déportation transatlantique de plus de 15 millions de personnes. Une entreprise qui a mobilisé plusieurs pays européens qui se sont réunis à Berlin le 15 novembre 1884 pour dépecer et se partager l'Afrique. Au-delà de l'Afrique, les Européens ont conquis en Asie d'importants territoires, la France accaparant notamment l'Indochine, l'Angleterre entrant en possession de l'Inde et d'une partie du MoyenOrient, y compris l'Egypte, l'Espagne, le Portugal, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, etc, participant à ce «code de rapine ». Tous ces pays trouvaient ainsi d'heureux réservoirs de matières premières et des débouchés pour le développement de leur industrie naissante, et éventuellement des hommes à recruter pour les guerres, comme ce fut le cas pour des milliers d'Algériens, Sénégalais et autres, lors des guerres mondiales. La colonisation tombait à point. La conquête de ces territoires et des habitants qui les peuplaient, ainsi que les méthodes pour maintenir leur occupation dans le cadre dc la République pendant quelque quatre-vingts ans, étaient très éloignés des idéaux d'exportation des bienfaits de la civilisation. C'est par des massacres, par l'infériorisation et 1 'humiliation permanentes des populations que la domination coloniale s'est maintenue. Faut-il encore « laisser faire le temps» pour avouer les enfumades de milliers de gens pratiquées en Algérie en 1840, les destructions de récoltes et autres razzias, les massacres de 1871, les massacres de 45 000 hommes à Sétif le 8 mai 1945 le jour où la métropole célébrait la liberté retrouvée, les 80 000 victimes de l'insurrection de Madagascar qui réclamaient autonomie ou indépendance, 6000 morts bombardés à Haiphong en 1946 peut -être 2 millions de victimes pour la guerre de la France en Indochine qui prit fin à Dien Bien Phu, etc ... Des Algériens ont été massacrés jusqu'en métropole le 17 octobre 1961 ; manifestant sans armes, voire en famille, pour protester contre un couvre-feu discriminatoire, plusieurs centaines d'entre eux ont été victimes d'une véritable « ratonnade », un nombre important des victimes ayant été précipitées dans la Seine. On ne sait pas aujourd'hui en France que pour bien faire accepter la colonisation, les Français, comme les autres pays européens, ont inventé les zoos humains ; pendant plus de 40 ans, des Noirs africains, mais aussi des Kanaks et des Asiatiques ont été exhibés dans de vrais zoos comme s'il s'agissait d'animaux et présentés comme des sauvages

il fallait bien faire croire qu'ils étaient

des inférieurs et que la France était fondée à les coloniser pour les civiliser. Cette mascarade a duré de 1875 environ jusqu'à 1930 ; il y a un peu plus de 70 ans. Mais personne n'en parle aujourd'hui et beaucoup ne veulent pas y croire. C'est trop honteux. Or il reste sûrement des visiteurs survivants de cette époque. Exodes et massacres d'origine coloniale sont oubliés, sauf dans les mémoires des peuples qui les ont vécus. Les pays pauvres, ravagés par la colonisation demeurent appauvris par les pays riches. A Durban, en 2001, les Occidentaux n'ont pas voulu présenter des excuses pour les conséquences de la colonisation ou de l'esclavage; au Sommet contre la faim de 2002 à Rome, 180 pays étaient représentés mais un seul chef d'Etat européen, pour décider des mesures contre un drame dont souffrent plus de 800 millions de personnes et qui tue annuellement 30 millions de personnes, une personne toutes les quatre minutes. Mais les pays riches persistent à subventionner leurs produits comme les céréales, concurrençant de ce fait les produits des pays pauvres et condamnant les agriculteurs de ces derniers à ne pouvoir vendre leurs propres produits ; constatant que les décisions prises au précédent Sommet de 1996 avaient été sans lendemain, les riches ont cependant persisté et signé en refusant de s'engager résolument à combattre le fléau de la faim. « La lutte contre la faim dans le monde est au point mort », vient dc déclarer le directeur delaFAO. Lourdement endettés par les riches au moyen de prêts consentis à des taux usuraires, les pauvres voient leur développement complètement bloqué par une dette qu' ils ont en fait remboursée, pour certains d'entre eux, déjà trois fois. Ainsi, en réalité par Histoire et mémoires coloniales tout ce qui leur a été pris et volé pendant la colonisation, par le véritable pillage qu'ils subissent, ce sont les pays occidentaux qui ont une énorme dette vis-à-vis des pauvres, grâce à qui ils ont édifié leur développement industriel, assuré leur puissance économique et militaire; en asservissant les pauvres, ils sont devenus les maîtres du monde. Or, jusque sur le territoire national, la France continue de pratiquer le racisme en criminalisant les hommes qui, fuyant la misère ou la faim, tentent, par une immigration parfois désespérée, de demander réparation. Les ressortissants du tiers-monde demeurent les exclus du développement, les parias de l'égalité proclamée par la Constitution française; les gouvernants français prétendent aujourd'hui - sans rire! - qu'ils veulent assurer une formation aux nouveaux immigrés, le problème étant de les rendre acceptables. Or aujourd'hui des enfants français, nés de parents algériens et parfois bardés de diplômes, ne trouvent pas de travail, auraient-ils été majors de leur promotion! A des jeunes, il est proposé pour obtenir un emploi de changer de nom. Comme s'il fallait donner des signes de répudiation d'une sauvagerie ancestrale ! Aux anciens zoos, on substitue une discrimination qui est comme un prolongement, par l'institution d'enclos symboliques d'exclusion. Ainsi, très officiellement, publiquement, en toute connaissance de cause, les lois de la République sont foulées aux pieds; les lois contre le racisme sont peu appliquées, et il n'y a pas ou peu de discours pour condamner avec force, au nom de la loi et de la République, des discriminations qui se rattachent à la domination et à la haine coloniales qui ont donné lieu à tant de massacres dans le passé. Plutôt que de distribuer des carnets de bonne conduite aux immigrés, il vaudrait mieux d'abord d'enseigner aux Français les valeurs fondamentales de la République. A juste titre, l'Occident, et pas seulement lui, est traumatisé par les atroces et criminels attentats aveugles qui, depuis quelques mois, font des victimes innocentes. Ces attentats sont affreux et inacceptables. Mais nos pays coloniaux pourraient en ces circonstances tragiques se souvenir des pratiques tout aussi inhumaines et cruelles dont ils ont été les auteurs au cours de leur histoire de domination. C'est en faisant mémoire du passé, et en l'assumant, que nous pourrons retrouver le chemin de l'humanité et un peu de discernement avant de déclencher de nouvelles guerres . • Courrier du Mrap au ministre de l'Education nationale A l'occasion du 4 P anniversaire du 17 octobre 1961, je me permets d'attirer votre attention sur des faits lourds de sens dans la société française, particulièrement pour les jeunes. Le Mrap a toujours souligné l'importance du devoir de mémoire, de vérité sur la colonisation et ses conséquences, en particulier sur la guerre d'Algérie. En effet, le non-dit, le silence officiel sur ces événements entretient le racisme anti-algérien, et encourage les logiques de revanche. Il est fondamental tout d'abord pour les jeunes, en l'occurrence de parents algériens, mais aussi pour tous les enfants d'immigrés de connaître et comprendre l'histoire de leurs parents sans qu'il n'en soit rien occulté, ceci étant un gage d'intégration. Plus encore, pour tous les jeunes de France, dans le cadre des programmes scolaires, étudier les événements du 17 octobre 1961 autorise à lever le nondit, ce qui est éminemment formateur et salutaire. Prendre conscience d'une histoire commune, même douloureuse, avec ses camarades de classe, analyser une des racines du racisme actuel, crée de la solidarité, du lien social. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'inciter à l'étude du 17 octobre 1961, par exemple: 1 / dans le cadre de la formation initiale des enseignants, dans les IUFM, en Histoire et Education civique, ainsi que dans la formation continue 2 / dans les travaux pratiques encadrés 3 / en introduisant les thèmes de la colonisation et de la décolonisation dans les programmes de terminale BEP. Tout en étant persuadé, Monsieur le Ministre, que vous êtes particulièrement attentif à ces questions touchant l'éducation de la jeunesse, veuillez croire à l'assurance de ma très haute considération. Le Secrétaire général Mouloud Aounit Différences nO 244 octobre 2002 9 2003, année de IIAlgérie en France semblées par le Centre des Archives d'Outre-Mer d'Aix-en-Provence? On nous annonce toutes sortes d'expériences originales et d'événements de premières importance comme la réouverture de l'Opéra national d'Alger fermé depuis trente ans. C'est un musicien et chef d'orchestre algérien de trente cinq ans qui dirigera le concert d'inauguration avec l'Orchestre philharmonique d'Alger; au programme: une première partie de musique traditionnelle arabo-andalouse et Shéhérazade de Rimsky Korsakov. Amine Kouider travaille aussi à une « Carmen à la Casbah» .. . De nombreux jeunes Algériens, notamment des danseurs, seront accueillis et leur travail ainsi valorisé. La société civile algérienne devrait en principe être sollicitée comme partenaire privilégié tout comme les initiatives du secteur associatif français. LES autorités françaises et algériennes ont décidé d'organiser du 1 er au 31 décembre 2003 une Année de l'Algérie en France. Les innombrables manifestations culturelles d'ores et déjà programmées semblent augurer d'un dépassement significatif des échanges conventionnels. Les informations publiées sur le site Internet créé pour l'occasion comme les professions de foi des responsables de cette manifestation - Hervé Bourges (président de l' Année), Françoise Allaire (commissaire générale française de l'organisation de l'Année), Mohamed Raouraou (commissaire général algérien)manifestent la volonté de faire découvrir aux publics français les multiples facettes du patrimoine historique et culturel algérien mais aussi toutes les tendances de la création artistique et littéraire contemporaine; une part belle reviendra légitimement aux intellectuels, créateurs et artistes algériens qu'ils travaillent en France ou en Algérie. Pour cela, affirme Hervé Bourges, « la France a donc décidé de présenter la richesse et la diversité de la culture de l'Algérie, dans tous ses musées, dans toutes les salles de spectacles, à travers toutes ses institutions culturelles. Est décrétée la mobilisation de tout le tissu d'associations, d'institutions, de collectivités, de lieux d'expositions, de bibliothèques, qui couvre le territoire français! » On notera pour l'heure la présence de tous les domaines des arts et de la recherche : la musique, la danse, la chanson, la littérature, le théâtre, la peinture mais aussi l'Histoire (aussi bien la préhistoire et l'Antiquité que les événements contemporains) , l'architecture, l'ethnologie, la décoration, l'urbanisme, etc. Si les expressions culturelles les plus connues (la chanson ou le roman) seront accueillies notamment par un concert inaugural le 31 décembre 2002 à Bercy, on pourra découvrir des pratiques ou des courants, récents ou plus anciens, dont on ne En très bref Les archivistes Brigitte Lainé et Philippe Grand font l'objet depuis leur témoignage au procès EinaudilPapon d'une mise au placard, toutes leurs délégations et attributions leur ayant été retirées. Une pétition est lancée pour s'opposer à cette injustice. S'adresser à la section de Toulon de la LDH BP 5170/ 8394 Tél 04 94 36 22 50 l 0 Différences nO 244 octobre 2002 soupçonne généralement pas l'existence. On découvrira ainsi aussi bien les oeuvres des fondateurs de la peinture algérienne contemporaine - Racim, Khadda, Issiakhem ... - que la jeune peinture née après la répression de 1988 à l'issue de laquelle l'Algérie s'est ouvelte sur la pluralité politique. On peut dès maintenant visiter sur Internet les galeries d'un groupe de huit jeunes peintres nommé « Essabaghine» que le webmaster appelle aussi, non sans humour, le « G8 d' Alger ». On attend avec délectation l'hommage aux anciens chanteurs de l'immigration qui essaimaient les scènes parisiennes dans les années 50 (un rendez-vous préparé par Nidam Abdi, spécialiste de la musique du Maghreb et animateur de l ' association « Sons pluriels»), la publication de l' oeuvre intégrale du dramaturge Abdelkader Alloula, assassiné par les islamistes et l'adaptation théâtrale du roman-phare de Kateb Yacine, Nedjma, à la Comédie Française ... Comment ne pas se préparer à la découverte des sept sites algériens classés « patrimoine mondial de l'humanité» par l'Unesco, à l'exposition sur les « Saharas d'Algérie» que le Museum national d 'Histoire naturelle installera au Jardin des Plantes ou au colloque sur les relations franco-algériennes analysées « à la lumière de documents écrits, iconographiques et cartographiques» ras- On ne terminera pas cette invitation aux voyages algériens en France sans citer Claude Cintès, directeur du Musée de l'Arles Antique et commissaire de l'exposition « L'Algérie antique», qui se réjouit ainsi de l'Année de l'Algérie en France: « C'est une excellente idée qui va permettre de donner à ce pays la possibilité de montrer qu'il a autre chose chez lui que des terroristes». Un propos que ne démentiront pas les Algériens qui se battent sur le double front de la lutte contre l'islamisme et pour la démocratie . • Chérifa Benabdessadok Faites votre programme en consultant le site de l'Année de l'Algérie en France: www.djazair2003.org QUAND ON CHANTAIT LES COLONIES Claude et Josette Liauzu Editions Syllepse, mai 2002 Sous-titré « Colonisation et culture populaire de 1830 à nos jours », cet ouvrage original est le résultat de l'étude d'un millier de chansons. Les analyses des textes replacés dans leur contexte historique, présentées dans un ordre chronologique, éclairent le lecteur sur les enjeux politiques pas toujours immédiatement perceptibles et montrent l'évolution de l'opinion, les divergences, les résistances. C'est là une véritable histoire de la colonisation par la chanson; y sont massivement représentés les figures du bon sauvage, l'exotisme et les fantasmes autour du harem, l'invitation à visiter l'Exposition coloniale, le racisme et l'antisémitisme, etc mais aussi, le doute, les hésitations entre anticolonialisme et patriotisme, la chanson anticoloniale, « Le Chant des Africains» comme « Le Déserteur» ou des chansons plus récentes de Maxime Le Forestier, Lavilliers, Renaud. Ce travail de défrichage gagnerait à se décliner en CD-Rom dans lequel les chansons seraient nécessairement encadrées par une présentation critique car, pour certaines, la violence raciste n'est pas que symbolique. c.B. DÉTRUIRE LA PALESTINE Tanya Reinhart La Fabrique éditions, 2002 Le ton est vif, le propos documenté, la démonstration implacable. L'auteur, universitaire, assure une rubrique régulière dans le Yediot Aharonot depuis 1994; elle reprend et développe dans ce volume un certain nombre de textes rédigés tout au long du « processus d'Oslo ». Il faut IL FAUT DÉSOBÉIR Texte: Didier Daeninckx, illustrations: Pef 36 pages quadrichromie format 19 x 26 cm Rue du Monde, collection Histoire d'Histoire, 2002 Cet album destiné aux enfants à partir de l'âge de huit ans est dédié aux huit policiers de Nancy qui, en juin 1944, ont décidé de désobéir au gouvernement de Vichy. L'histoire se passe aujourd'hui. Alors qu'Alexandra accompagne ses grands-parents à une cérémonie qui se déroule à la mairie, elle va apprendre ce qui s'est passé cinquante ans auparavant et comment ses grands-parents ont échappé à la Kiosques Observatrice engagée, elle met en Reinhart insiste enfin sur les relief les silences et les faux- venins que cette paix empêchée semblants qui auront émaillé les sécrète en Israël même, en différentes étapes des particulier une militarisation négociations israélo- croissante de la société et de

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ho:p:nm.es 1..'" l ~ A 1i0 Les früntieres du droit d'asil(~ . :foU.1I.!.J,.'i..11;:U Les ~anS -!l;;pif:rs uelgique la Fr.)fl«(!' " blil(K·bli.lIl"bli'ur~ et la nouvelle donne politique palestiniennes, jusqu'à leurs l'appareil d'État qui n'est pas sans ultimes soubresauts de Camp danger pour l'avenir démocratique David (2000) et Taba (2001). Ce du pays. La brutalité du constat faisant, elle identifie les tendances justifie la radicalité de la lourdes de la politique d'Israël conclusion de l'auteur qui plaide dans laquelle elle ne retrouve, par sans ambiguïté pour un retrait delà les nuances des alternances unilatéral des territoires occupés gouvernementales, qu'un refus et le retour aux frontières de obstiné de toute reconnaissance 1967. Elle rejoint en cela une b;:;&iiiil&il .élU véritable du fait national fraction encore minoritaire du palestinien. L'alternative semble camp de la paix et le profond LES FRONTIÈRES en effet singulièrement limitée courage des objecteurs israéliens, DU DROIT D'ASILE entre des « faucons» qui rêvent qui sont l'honneur de leur nation. Hommes et migrations d'une expulsion massive vers la C'est leur voix que Tanya Reinhart nO 1238 juillet/août 2002 Jordanie (<< terminer la guerre de fait entendre, celle de cet autre Le dossier ce numéro d' Hommes 1948 ») et des « colombes» qui Israël qui refuse les conforts et migrations dont la maquette a se satisfont d'un apartheid mensongers de la propagande et gagné en clarté est consacré à la tranquille réduisant l'Autorité les logiques mortifères de la question du droit d'asile en palestinienne à une simple force démonisation de l'Autre. France. L'ensemble des articles de police supplétive. Tanya Alain Pellé qui le constituent replacent le surafle des juifs grâce à l'inspecteur de police qui les a sauvés ... Alexandra se demande pourquoi cet homme s'est ainsi comporté et elle lui posera la question lorsqu'elle se trouve en face de lui. Les textes sont courts mais denses, toujours agréablement illustrés par les dessins de Pef et des photos d'archives légendées de façon claire et instructive. Chérifa Benabdessadok Il.1, · 1 i " , ZOOS HUMAINS De la vénus hottentote aux realit Y shows Sous la directions de Nicolas Bancel, P a scal Blanchard, Gilles Boetsch, Sandrine Lemaire. La Découverte, 2002 Tout au long du 1ge siècle dans toutes les capitales européennes et aux Etats-Unis, des hommes, des femmes et des enfants ont été arrachés à leur milieu pour être exhibés devant des millions de spectateurs. Cette mise en scène marque le passage d'un racisme scientifique à un racisme populaire. Après avoir été mesuré sous toutes le coutures par les savants, le « sauvage» est montré au peuple qui est ainsi sûr de son existence pour l'avoir vu derrière la grille.. . Voilà qui servira à légitimer la mission civilisatrice du colonialisme et reste à l' origine de bien des stéréotypes actuels. Elle est aussi significative de «la construction de l'identité occidentale ». Réalisé à l'initiative de l'Association connaissance de l'histoire de l'Afrique contemporaine (Achac) et d'une unité de recherche anthropologique de Marseille, «Zoos humains » (472 pages) est le premier ouvrage de synthèse sur la question. Un livre indispensable dans la bibliothèque de chaque antiraciste. c.B. jet dans le contexte européen (Convention de Genève, ancien contexte de la guerre froide qui rendait à l'origine l'attribution du statut de réfugié dépendant des engagements politiques des demandeurs, le projet de directive européenne) et tracent les contours de la crise de l'asile politique. Dans deux textes consacrés à Sangatte « un toit pour des fantômes » et à la « zone d'attente de Roissy», les auteurs nous font concrètement toucher du doigt les aberrations auxquelles conduisent inévitablement des politiques incohérentes et hypocrites. A Sangatte, les policiers ramènent sous ce « toit pour des fantômes » les exilés qui ont sans succès tenté la nuit de traverser la Manche! Avec le projet de directive européenne, les « indésirables » auront-ils une chance d'être traités selon des principes universels et non en fonction d'une suspicion conjoncturelle? La réponse est mitigée. Signalons hors dossier, un article sur les sans-papiers de Belgique et dans les traditionnelles rubriques du bimestriel : un futur « musée» de l'immigration ? » ; « la France "blackblanc- beur" et la nouvelle donne politique ... C.B. Différences nO 244 octobre 2002 l l Actualités Anenda • La Fédé .. tion nationa~ pour une cito)'cnncté des deux ril'CS (FTeR) a lancé une réflexion publique autour du thème « la République ct ses musulmans ~ Islam imaginaire/islam vécu}). Les deux premiers séminaires (en septembre et en octobre) ont été consacrés respectivement à l ' organisation el à la représentation de l'Islam en France cl à (~ Islam d' ici, islam de là-bas ». Le troisième intitulé « L' islam, les femmes, les jeunes » aura lieu le 21 novembre à 14h30 au siège du SNUIPP, 12 rue Cabanis, 75014. Confirmer sa présence auprès de FTCR 3 rue de Nantes 75019 Paris Tél: 01 46075404 Fax: 01 40 34 18 15 Courriel : ftcr@cluhinternet. fr • La 4' édition du FcstÎ\'al intcmatio. nal du film contre J'exclusion et flour la tolérance (Fifel) se tiendra du 13 au 19 novembre au cinéma L'Escurial à Paris. Ce festival, qui a pour ambition de favoriser la rencontre ct l'échange autour de films de fictions en présence de réalisateurs, de comédiens ou de personnalités, s'adresse au gmnd public et au public scolaire notamment dans le cadre de l'éducation à la citoyenneté, du programme d'histoire, de sciences économiques ct sociales.. Ainsi des séances spécifiquement scolaires, avec inscription préalable, sont programmés les matinées et les après-midis. Informations complètes sur le sile web: w,,".fifet.org, par courricl : info@fifet.orgou TéllFax: 01 45447281. • APllc! à , 'otation cito~'enne : Votez et faites "otcr lcs 6, 7 ct 8 décembre! A l'initiative des organisations composant les trois collectifs {( Même sol, mêmes droits, même voix », «( Un(e) résident(e), une voix», « Pour une véritable citoyenneté européenne », soutenus par la LDH, une votation nationale devra permettm aux citoyens d' exprimer leur point de vue en se déplaçant l'un des trois jours fixés pour manifester leur choix par un vote sur la question: ( EtesVOliS pour la reconnaissance du droit de vote et d'éligibiliM des étrangers aux élections locales? » . Ce n'est pas un référendum puisqu' il ne s' inscrit pas dans un dispositif légal. C'est une action citoyenne. Cette campagne vise à faire participer les citoyens et les organisations au débat démocratique

associations, syndicats, partis politiques,

mouvements philosophiques, collectivités locales et à remobiliser tous ceux qui se sont déjà impliqués sur la question. Elle peut être entourée de multiples initiath" es locales pour favoriser une participation aussi importante que possible. Tous résidents - tous citoyens .1 TOlls égaux .1 Contacts téléphoniques Mmp : 01 53389987 et LDH: 01 565551 00/08. 12 Différellces nO 244 octobre 2002 Supports du Mrap ~ L'antiracisme s'expose à Rouen Dix-huit affiches de diverses campagnes contre le racisme et les discriminations menées par des organisations européennes en Europe (Autriche, d'Allemagne, de Belgique, de Fmnce, de Gmnde Bretagne et des Pays-Bas) composent l'exposition du comité local de Rouen intitulée ({ L'antimcisme s'affiche». Elles ont pour thèmes le sport, la jeunesse et l'Europe. Chaque affiche est accompagnée d'un texte court autour de sujets tels que: ( le racisme », «( tous différents? », «( la discrimination ), «( notre culture: un mélange permanent »), «( le racisme dans l'histoire»), ( agir ensemble contre le racisme». Pour sa diffusion, le comité local va s'appuyer sur son réseau scolaire (lycées, collèges et éçoles), sur les centres sociaux ct de loisirs, les associations ... Publics , 'isés : les personnes victimes ou témoins de discriminations, les jeunes scolarisés ou non, les travailleurs sociaux, les enseignants, animateurs ... Ce travail de collecte et d'information fait partie de l'objectif du comité de faire en sorte que les phénomènes discriminatoires ne soient plus banalisés et que la législation soit connue par le plus gmnd nombre. Contacts: Matthieu Charlionet et Allnabelle Marchioni - 55 rue Louis Ricard 76000 Rouen. Tél: 02 35 98 56 25 - Fax : 02 35 98 45 97. Courricl: mmp76@wanadoo.fr ~ Le gant s'exporte en Allemagne Le Conseil inlerculturel d'Allemagne, une ONG fondée en 1994, a décidé d'organiser autour du 21 Mars 2003 une semaine d'éducation contre le mcisme en se basant sur l'expérience qui se poursuit en France depuis plusieurs années. Dans ce cadre, les amis allemands ont choisi de reprendre l'affiche du Mmp reproduisant le gant et le slogan «( Tous pas pareils, tous égaux » qui servim de logo officiel il cette initiative. On se souvient que le graphisme du gant avait été réalisé dans le cadre d'un concours au sein d'une école artistique parisienne à l'initiative du Secteur Education du Mrap. Cette oeuvre également reproduite en carte postale a connu un succès durable. ~ Le guide juridique vient de paraitre «( Victime ou témoin de meisme : comment agir?», le guide rédigé par Sophie Pisk et Nina Ventum, est paru aux éditions du Rouergue. Les deux juristes du Mrap y présentent les différents rouages des actions en justice pour permettre il ehaeun d'éclairer et d'exercer au mieux son droit à réparation. Les synthèses et conseils pmtiques font de ce guide un outil indispensable aux victimes de racisme, aux témoins, mais aussi aux personnes chargées de les conseiller et de les soutenir dans leurs démarches. Cet ouvrage de 160 pages illustrées a reçu le soutien financier de la Direction des populations et des migrations (DPM) ct du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration ct la lutte contre les discriminations (Fasild). Il est en vente au prix de 9 € (+ port). Le mot d'adieu de la rédactrice en chef Ce numéro de Différences sera probablement pour moi le dernier: je fais l'objet d'une procédure de licenciement économique. Il était impensable que je m'en aille sans dire adieu à mes lecteurs. Je suis persuadée d'avoir tenté tout ce qui était en mon pouvoir pour réaliser un tmvai l de qual ité, pour anticiper certaines thématiques, pour faire de ces douze pages mensuelles un espace d'information et de rénexion, modeste mais sérieux. J'ai consacré aux récents numéros spéciaux beaucoup de temps ct d'énergie ... Le fait d'assumer plusieurs segments de la chaine de production a exigé polyvalence et flexibi - lité et m'a soumise à des contraintes fortes. Tout ne fut pas toujours facile, loin s'en faut. j'avoue néanmoins avoir vécu sans retenue le bonheur de la parution et respiré avec gourmandise l'odeur de l'encre et de l'imprimerie. Le plaisir d'exercer ma profession l'a toujours emporté sur la lassitude et sur le reste. Aujourd'hui, je tire ma m 'érence ct je remercie tous ceux qui m'ont aidée. Chérifa Benabdessadok 1>iHérences 43 bld de Magenta 75010 Paris- T: 0153389999 Télécopie : 01 40 40 90 98 _ E.mail : journal.differences@free.fr 2 € le numéro -Abonnement 21 € (1 1 nO'/an) Direeteur de publieation Mouloud Aounit. Gérante bénévole : Marie-Annick Butez. Rédllctrice en chef - mise en pRge Chérifa Benabdcssadok. Direetriee administrath'e : Florence Festas. Abonnements : Isabel Dos Martires. Impression Montligeon T: 02 33 85 8000. Conunission paritllire nO 63634 0247-9095 Dépôt légal 2002/10

Notes

<references />

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