Différences n°238 - mars 2002

De Archives
Aller à la navigation Aller à la recherche

Sommaire du numéro

n°238 de mars 2002

  • Mouvement: A la rencontre de femmes israéliennes et palestiniennes par Isabelle Sirot
  • En France, agir ensemble contre l'antisémitisme par Serge Goldberg
  • Le procès Aussaresses, un enjeu de vérité et de justice (suite) par P. Mairat
  • Le marigot de la haine par Gérard Gallois
  • Dossier: carrefour indien, tolérance ou fanatisme?
    • Les turbulences du creuset indien par Michel Garcia
    • Arhundati Virmani: l'hindouisme agressif et intolérant n'est pas majoritaire
    • L'Inde « corrige » ses livres d'Histoire par Agnès Horrière
    • Les paradoxes de la discrimination positive par C. Benabdessadok
  • Le gérant d'une discothèque condamné (fédération des Landes)


Numéro au format PDF

Cliquez sur l'image ci-dessous pour avoir accès au document numérisé. Cliquez ensuite sur l'onglet "précédent" de votre navigateur pour revenir à cette page.

Voir-pdf.jpg

Texte brut du numéro

'Différences Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les pe!Jples Mars 2002 ~ N' 238 Carrefours indiens 1 Tolérance ou fanatisme? Dossier pages 6 à 10 Lire aussi dans ce numéro ~ À la rencontre de femmes palestiniennes et israéliennes page 2 ~ Agir ensemble contre l'antisémitisme page 3 ~ Le procès Aussaresses, un enjeu de vérité et de justice page 4 ~ Le marigot de la haine page 5 ~ Edito page 5 . Mouvement , A la rencontre de femmes palestiniennes et israéliennes Une délégation de femmes appartenant au monde politique, syndical et associatif s'est rendue en Palestine et en Israël à la fin du mois de janvier. Isabelle Sirot, secrétaire nationale du Mrap, en faisait partie. Elle témoigne ici de la dureté de l'occupation israélienne mais aussi de l'action des mouvements de solidarité israélo-palestiniens. NOUS sommes allées à la rencontre de femmes palestiniennes et de femmes israéliennes. Nous avons séjourné dans la bande de Gaza, à Ramallah, à Bethléem et à Jérusalem. Nous avons été témoins d'une situation particulièrement aggravée dans les territoires occupés, la tension est extrême et la population vit dans l'angoisse des représailles qui succèdent aux attentats suicides. Les Palestiniens de Gaza vivent dans une prison à ciel ouvert, le cauchemar le jour, l' enfer la nuit. Quand le territoire n'est pas bouclé, le passage est tributaire du bon vouloir des soldats. Plusieurs femmes ont accouché sur ces barrages militaires car on les a empêchées de passer. Deux d'entre elles y ont laissé la vie. Les Palestiniens vivent dans l'humiliation quotidienne et ils sont asphyxiés par la pauvreté. Dans la bande de Gaza, 60 % de la population a moins de 18 ans, 70 % vit en dessous du seuil de pauvreté. Nous avons visité des camps de réfugiés à Gaza et à Ramallah. Les conditions de vie y sont difficiles. La plupart étaient journaliers en Israël, ils sont aujourd'hui au chômage. Les familles sont nombreuses et les camps sont surpeuplés. Les ruelles sont étroites, certaines maisons sont sans fenêtre, sans sanitaires correctes, humides. Les toits sont souvent fait de tôle ondulée. Les habitants sont aidés par l'UNRWAmais depuis 1982, les services ont été réduits de plus de 70 %. Les paysans des 2 Différences nO 238 mars 2002 villages vivent de la culture et de la vente de leurs produits. Aujourd'hui la plupart des cultures ont été rasées par les autorités israéliennes, 50 % des oliviers ont été déracinés en Cisjordanie. Les pêcheurs de la bande de Gaza, ne peuvent pas sortir au-delà de quelques milles, l'armée israélienne patrouille. Quand ils sortent trop nombreux, dans les zones autorisées, l'armée israélienne tire dans l'eau pour les disperser. Le gouvernement israélien cherche à affaiblir l ' Autorité palestinienne par tous les moyens. Tout d'abord financièrement. Selon l'accord de Paris, une partie des taxes prélevées par les Israéliens doit revenir à l'Autorité palestinienne. Depuis 17 mois les Israéliens collectent les taxes mais ne reversent rien. L'Autorité palestinienne a du maI à payer les fonctionnaires même si les Européens aident à compenser cette somme. L'armée israélienne détruit également systématiquement toutes les infrastructures que contrôle l'Autorité palestinienne, port, aéroport, télévision mais aussi des centres de santé. Des usines en Cisjordanie et dans la bande de gaza ont été démolies, aggravant un peu plus le chômage. Nous avons visité les décombres de la télévision palestinienne détruite quelques semaines auparavant. Le décor est chaotique, il ne reste plus rien. Les studios ont été détruits, des années d 'archives également. La télévision palestinienne avait été financée par Les décombres des locaux de la RadioTélévision palestinienne Manifestation de femmes à Gaza la France et la Communauté européenne. Les femmes que nous avons rencontrées sont engagées dans la libération de leur pays mais aussi pour faire avancer leurs droits de femmes. Yasser Arafat représente pour elles un défenseur de la condition féminine. Des lois ont été votées: le droit au travail, le droit de vote et d 'éligibilité, une égalité des droits pour l'éducation des enfants. Lors de l'élection en 96, cinq femmes ont été élues sur 88 députés mais le Ramas n'avait pas participé à ces élections. Durant la première Intifada, les écoles étaient fermées. Depuis 17 mois, depuis le début de la seconde, les écoles fonctionnent quand les professeurs ne sont pas bloqués par des barrages israéliens. Quand les professeurs n'arrivent pas, les femmes s'organisent pour combler leur absence. Des rencontres se font depuis quinze ans entre des femmes palestiniennes et les femmes israéliennes pacifistes. A Jérusalem nous avons rencontré ces femmes israéliennes pour la paix. Réunissant des femmes juives et palestiniennes, la Coalition des Femmes pour une Paix juste appelle Israël à mettre fin à l'occupation et à négocier une paix juste. Cette coalition rassemble plusieurs associations. (Femmes en noir, le comité contre les démolitions, Bat Shalom, Matchsom Watch .. . ). Matchsom Watch est un groupe de femmes qui surveillent et préviennent les violations des droits aux points de contrôle militaires. Elles considèrent que les barrages militaires servent uniquement à rendre la vie des Palestiniens insupportable et n'ont aucun effet sur le terrorisme. Aussi chaque semaine, elles se rendent sur ces barrages, elles observent, notent les moindres faits gestes et paroles des soldats. Elles constatent que peu à peu l' attitude des soldats change et les Palestiniens savent qu'elles sont là. L'association Femmes en Noir a été fondée pendant la première Intifada, en 1987. Inspirés du mouvement des « Folles de la place de mai » en Argentine, elles se réunissent toutes les semaines, vêtues de noir, sur une place publique dans les grandes villes d'Israël. A Paris, elles manifestent tous les quinze jours le samedi à la Fontaine des Innocents. Comme Bat Shalom, une association de femmes partenaire des femmes palestiniennes depuis la première Intifada, elles manifestent contre l 'occupation. Quant au Comité contre les démolitions, ses membres se rendent immédiatement sur les liem quand une maison va être détruite. S'ils ne peuvent empêcher la démolition, ils manifestent leurs désaccords. Plusieurs procédures judiciaires ont été engagées, trois ont abouti. Ces femmes sont encore très minoritaires en Israël mais leur influence est grandissante. Les Palestiniens que nous avons rencontrés (politiques ou simple citoyens) pensent que la communauté internationale doit réagir rapidement pour relancer le processus de paix. Ils se sentent seuls et oubliés du monde. Ils attendent beaucoup des gouvernements et des peuples européens. Ils espèrent un réveil politique de la population israélienne. Le message des officiers israéliens qui refusent de tirer sur les Palestiniens est pour eux quelque chose fondamental. Depuis quelques semaines les forces de paix se font de plus en plus entendre en Israël. Des manifestations contre l 'occupation ont réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes à Jérusalem. La pétition des officiers et des réservistes israéliens réunit maintenant près de 300 signatures : ils refusent de servir dans les territoires occupés et déclarent que les ordres qui sont leur sont donnés détruisent toutes les valeurs qu'ils ont acquises en grandissant en Israël. Il faut espérer que cette prise de conscience se généralise et que les forces de paix vont étendre leur influence. Il y a urgence pour les Palestiniens, mais aussi pour l'ensemble de la société israélienne .• Passage d'Eretz entre la bande de Gaza et Israël "~..,.IIftI'.jti: Isabelle Sirot En fronce, agir ensemble contre Ilantisémitisme QUE Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crit), écrive qu' « il plal ux dirigeants de ce pays de minimiser les actes antisémites », c' est son droit. Mais qu' il ajoute qu' « il plaît à certains juifs qui ont perdu contact avec la réalité juive d' affirmer leur existence personnelle en étant sourds et aveugles aux dangers» (Le Monde 13 février) est une manière de rejeter tous ceux qui ne pensent pas comme lui. En effet, d' éminents scientifiques, dont un certain nombre d 'origine juive, ont déclaré leur attachement à un règlement pacifique au Proche-Orient tout en s' inquiétant « des retombées néfastes de ce conflit au sein de la République française » (Le Monde 19 février). Il en va de même de plusieurs associations progressistes juives. La plus ancienne d ' entre elles, l'Union des Juifs pour la Résistance et l 'Entraide (UJRE), issue comme son nom l'indique de la résistance et du sauvetage d'enfants juifs, membre fondateur du Crif, s'est prononcée à l'occasion de son Assemblée générale de février, organisée pour le 20e anniversaire de son magazine Presse Nouvelle, en condamnant « avec la plus grande énergie les actes ou manifestations antisémites », en n'acceptant pas « la banalisation de l' antisémitisme » et en soulignant que « les communautés juives, chrétiennes et musulmanes, dans leur immense majorité, sont profondément attachées aux valeurs de la démocratie et de la laïcité ». L' association la plus récente, l'Union juive française pour la paix (UJFP), que l'on a beaucoup vue dans les manifestations de soutien au peuple palestinien, déclarait en janvier « se démarquer de la politique répressive menée par Israël dans les territoires palestiniens, l'image ainsi projeté par "l'Etat juif' sur les Juifs du monde entier est catastrophique [ . .. ] et provoque indéniablement des sentiments de frustration chez nos concitoyens d 'origine arabe [ ... ] frustrations ressenties à l' encontre des Juifs tout court. En fait, cet amalgame est erroné car les Juifs de France ne sont pas des Israéliens et ne sont pas tous sionistes. » L'UJFP est passée des paroles aux actes, en organisant fin février avec l'Association des travailleurs maghrébins de France la première mission française judéo-arabe dans les territoires occupés. Rencontre Progressiste Juive fait sensiblement la même analyse ; dans un communiqué du 29 janvier, stigmatisant d'une part tous les actes antisémites de cet hiver, rejetant l'amalgame « juifs = Israël» fait par les auteurs de ces actes mais aussi par certains juifs de France

« Quand des ministres de Sharon appellent

depuis Jérusalem les Juifs de France à immigrer en Israël, aide financière à l'appui, à cause de "la vague d'antisémitisme en France", alors l'amalgame inadmissible juifs = Israël se banalise» . Même les sionistes du Cercle Bernard Lazare, correspondant français du Meretz (parti de gauche israélien), font entendre une voix différente à l'intérieur du Crif. Dans leur dernière livraison des Cahiers Bernard Lazare, le chroniqueur Roger Ascot écrit: « oui des Beurs, mais pas "les Beurs" dans leur ensemble, commettent des actes anti-juifs répétitifs et violents ». Au moment où cet article est écrit, un comité de liaison des associations juives laïques de France, regroupant une quinzaine d'entre elles, s'apprêtent à rendre public un communiqué dénonçant les récentes déclarations de Sharon sur « la dangereuse vague d' antisémitisme en France ». Ces diverses voix sont certes minoritaires dans la communauté juive mais elles ont le mérite d'exister et de s' amplifier et le Mrap y est très attentif. Sa commission « Lutte contre l'antisémitisme et le néonazisme» a d 'ailleurs invité les responsables de ces associations progressistes juives à une rencontre pour discuter de l' antisémitisme en France et décider d'éventuelles actions communes .• Serge Goldberg UJRE 14 rue de Paradis 75010 Paris UJ FP Boîte postale 102 75960 Paris Cedex 20 RP J 15 rue Henri Ribière 75019 Paris Cercle Bernard Lazal'e 10 rue Saint Claude 75003 Paris Différences nO 238 mars 2002 3 Mouvement Le procès Aussaresses : un enjeu de vérité et de justice d'un pardon qui ne peut en aucun cas s'appliquer aux crimes contre l'Humanité. La France a reconnu, le 26 décembre 1964, le caractère imprescriptible des crimes contre l'Humanité: « les crimes contre l'Humanité tels qu'ils sont définis par la résolution des Nations unies du 13 février 1946, prenant acte de la définition des crimes contre l 'Humanité, telle qu'elle figure dans la charte du Tribunal International du 8 août 1945 sont imprescriptibles par leur nature. » La prohibition des crimes contre l'humanité trouve à travers le droit international des applications permanentes et généralisées et le caractère universel de l'imprescriptibilité de tels crimes est constamment réaffirmé. Après avoir présenté, dans notre dernière livraison,I'arrière-fond historique du procès Aussaresses, Pierre Mairat aborde ici les aspects juridiques et pol itiques. REFUSER de juger Paul Aussaresses pour les crimes qu'il a reconnu luimême avoir commis et le condamner pour en avoir fait l'apologie est le résultat bien paradoxal de la construction juridicopolitique qui est réalisé à ce jour à l'issue des différentes procédures pendantes devant le Tribunal de grande instance de Paris. En effet, si la 17ème Chambre du Tribunal a condamné, sans équivoque, Paul Aussaresses dans un jugement motivé, pour apologie de crimes de guerre, en revanche, à ce jour, les magistrats instructeurs et la Chambre de l'instruction ont refusé d'informer les plaintes du Mrap ainsi que celles d'autres associations pour crimes contre l'Humanité. « Disons n'y avoir lieu à instruire sur les faits dénoncés, l'action publique étant éteinte» : voilà comment le magistrat instructeur a motivé le Il juillet 2001 l'ordonnance de refus d'informer sur la plainte pour crimes contre l'Humanité que le Mrap avait déposée en s'appuyant sur plusieurs extraits du livre de Paul Aussaresses publié aux éditions Perrin le 3 mai 2001 sous le titre « Services spéciauxAlgérie 1955-1957 ». L'essentiel de l'argumentation juridique qui a été développée par le juge d'instruction comme par la Chambre de l'instruction repose sur l'absence de qualification pénale des faits et sur l'amnistie qui a été octroyée pour toutes les infractions commises en relation avec les évènements d'Algérie, notamment par une loi en date du 31 juillet 1968. Deux principes de droit sont invoqués: la légalité des délits et des peines et la non- rétroactivité de la loi pénale. Il est un fait que dans un pays démocratique, il est indispensable de respecter des principes de droit de nature à assurer une sécurité juridique. Ainsi on ne comprendrait pas que l'on puisse être condamné pour des faits qui ne seraient pas identifiés par une loi en vigueur au moment de la commission de ces faits. Or, nous dit on, c'est une loi du 1 er mars 1994 qui a intégré la notion de crimes contre l'humanité dans notre droit interne et les faits relatifs aux poursuites s'étalent, si l'on s'en tient à la période de la guerre d'Algérie, du 1er novembre 1954 jusqu'aux accords d'Evian signés le 19 mars 1962. Cette analyse se heurte cependant à la norme coutumière internationale qui était visée dans Louisette Ighilahriz dédicace son livre « Algérienne» 4 Différences nO 238 mars 2002 la plainte déposée par le Mrap et l'évolution de la valeur juridique qui lui est accordée. Dans un arrêt du 6 octobre 1983, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu la possibilité d'invoquer des normes non écrites du droit international dans les juridictions internes. Dès lors, le Mrap est fondé à invoquer les normes coutumières de droit international pour qualifier les faits poursuivis de crime contre l'Humanité. En vertu de l'article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, les règles résultant clairement de la coutume internationale sont directement intégrées à l'ordre judiciaire interne et ont une autorité supérieure à celle des lois. Au regard de ces principes, il suffit que les agissements visés présentent tous les éléments constitutifs du crime contre l 'Humanité et soient contraires aux principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées, pour que leurs poursuites et leurs qualifications soient justifiées. Or, ceIL" -ci répondent précisément aux conditions requises pour une telle définition : ils ont été perpétrés dans le cadre d'une politique d'hégémonie idéologique constituée par l' oppression coloniale. La qualité des victimes est définie comme l'appartenance à une collectivité religieuse et en l'espèce la communauté musulmane. Enfin, il a été exercé une oppression à l'encontre des victimes à la politique d'hégémonie idéologique comme à l'encontre de tous ceux qui se sont opposés à cette politique. De même, pas plus que la qualification pénale, l'amnistie proclamée ne saurait être un obstacle aux poursuites engagées. Le caractère imprescriptible du crime contre l'Humanité est admis en raison de l'atteinte inoubliable portée aux victimes et de la violation manifeste des droits de l 'Homme qui le caractérise. Or, la loi d'amnistie est l'e:\.'pression Les décrets d' anmistie du 22 mars 1962 et la loi du 1 er juillet 1968 auraient pour effet de soustraire la France aux normes internationales qu'elle a par ailleurs adoptées et interdirait aux victimes d'obtenir réparation des violations des droits de l 'Homme dont elles ont été victimes. Cela reviendrait à permettre aux Etats de s'absoudre des crimes contre l'Humanité perpétrés par leurs propres forces de l'ordre ! Qu'en serait il alors des poursuites contre Pinochet et d'autres qui auraient pris la précaution de s'auto-amnistier de leurs crimes? Tout ceci peut paraître bien aride à qui ne pratique le droit. En fait, l'histoire démontre qu' il ne s'agit uniquement que de volonté politique. Qu'on se souvienne du légitime tollé occasionné par l'ordonnance de non-lieu prononcé par la Chambre d'accusation au bénéfice de Paul Touvier Celle-ci considérait que seuls les ressortissants des puissances de l'Axe pouvaient être poursuivis pour des faits de crimes contre l 'Humanité. La Cour de cassation, sous la pression d'une immense indignation collective, l'a renvoyé devant la Cour d'assises de Versailles sur le chef de complicité de crimes contre l 'Humanité. Il en fut de même pour Maurice Papon qui a pu être jugé et condanmé du fait d'une interprétation large et évolutive de la qualification de crimes contre l'humanité de la Cour de cassation. Et pourtant ! Al' époque de la Seconde guerre mondiale, il n'existait bien évidemment pas d'incrimination pénale pour qualifier les crimes contre l'Humanité ! Il aura fallu attendre le statut du Tribunal militaire de Nuremberg annexé à l 'accord de Londres du 8 août 1945 pour que ce chef de poursuite soit intégré aux instruments internationaux et strictement limité par la jurisprudence de la Cour de cassation aux crimes perpétrés pendant la seconde guerre mondiale. ~ Le 12 mars, la chambre de l'Instruction de] vait évoquer la plainte déposée par Louisette il Ighilahriz et le Mrap. Gageons qu'une même ~ indignation permettra de faire évoluer la ju~ risprudence de la Cour de cassation. • Q Pierre Mairat Le marigot de la haine , A L'ÉVIDENCE, il existe une extrême droite juive qui ne se limite pas aux propos anti-arabes ou anti-palestiniens. Ainsi le Bétar-Tagar France, ce regroupement sioniste ultra, n'hésite pas à utiliser la violence pour faire valoir ses positions. Cette formation d'extrême droite est de plus liée au Likoud France puisque, ensemble ils ont, par le passé, déjà appelé à des manifestations de soutien à la politique de Sharon Dénoncé par les organisations juives progressistes, le Bétar-Tagar est à l'origine des agressions contre le site du Mrap. L'un de ses correspondants revendique d'ailleurs, sur le site Israelfr, et avec suffisamment de précisions, la signature du Tagar sur les murs de notre local national. Le Bétar est une organisation violemment anti-palestinienne et négationniste à sa façon puisqu'elle nie le passé du peuple palestinien dans la région: « pour comprendre le mythe palestinien» ou « La légende d'une Palestine occidentale arabe» tel est le titre de l'une de leur pages internet. Dans le journal israélien Ha 'aretz du 23 décembre 1997, Avirama Golan écrit: « Si les membres du Bétar français n'étaient pas juifs, Le Pen les accueillerait à bras ouverts». Avirama Golan les qualifie de « reflet du miroir de l'extrême droite, mais avec des kippas » Une analyse confirmée par la phraséologie extrémiste relevée sur le site du Bétar dans sa page appelant à l'adhésion: « Nous rejoindre, c'est se battre pour l'intégrité d'Eretz Israël alors que les pressions internationales s'accentuent pour qu'Israël abandonne la Judée-Samarie, le Goush Katif, Golan ainsi que Jérusalem, capitale éternelle et indivisible du Peuple Juif et de l'Etat d'Israël. » Si l'on doutait encore du caractère extrémiste et fascisant de cette formation, il suffirait de se rendre sur le site Israelfr et parcourir son forum, où certains intervenants très proches de cette sensibilité, y déversent un racisme qui n'a rien à envier à la phraséologie des antisémites. Par un curieux retour de l' histoire, ces juifs d'extrême droite entretiennent les meilleures relations avec les fascistes classiques du site sos-racaille, site lui-même en bonne relation avec les antisémites de radikalweb. Dans ce marigot de la haine, la mémoire a semble-t-il de singuliers oublis. On s'étonnera alors du silence des institutions juives sur ces mouvements extrémistes ; il leur appartient en effet d'isoler en les dénonçant clairement ces racistes plus favorables au maniement du gourdin que de l'argument démocratique. De plus, on ne peut passer sous silence d'autres complaisances. Ainsi Arno Klarsfield le diffamateur bien connu contre le Mrap mais aussi Marc Knobel du conseil exécutif de la Licra étaient annoncés comme intervenants dans les stages Tagar du Bétar les 25, 26, 27 septembre 1997 (voir le site Bétar : http:// www.Betarfrance.com/voyage2.htm).Mais d'autres sites traduisent aussi la dérive de certains secteurs de la droite se réclamant du judaïsme ; ainsi nous recommandons la visite de cette page internet: http: // www.arnisraelhai.orglhumour1.htm du site « site am israel hai ! .. », on y découvrira une caricature d'Arafat qui rappelle « l'humour» des journaux antisémites des heures sombres de notre histoire . • Gérard Gallois Double peine : Jamal Abidi libéré La campagne nationale contre la double peine informe de la libération de Jamel Abidi (Cf Différences février 2002), lundi 11 mars à 11 h 30, du centre de rétention d'Arenc où il séjournait depuis sa sortie de prison. L'absence d'un laisser-passer délivré par le consulat d'Algérie a contraint les autorités françaises à le libérer. La Campagne se réjouit de ce résultat pour toute la famille Abidi. La Campagne rappelle qu'une demande d'assignation à résidence avait été refusée par le ministère de l'Intérieur quelques semaines . avant la sortie de prison de M. Abidi. Dès sa sortie, plusieurs démarches ont été effectuées: demande de référé liberté fondamentale devant le tribunal administratif de Lyon , demande d'annulation de la décision du préfet de Savoie de renvoi en Algérie devant le tribunal administratif de Grenoble. Ces deux instances n'ont pas considéré que le sauvage assassinat d'un frère de M. Abidi, il Y a moins d'un an, en Algérie, représel'ltait des risques sérieux pour sa vie et sa sécurité. Le refus du tribunal administratif de Lyon a été porté devant le Conseil d'Etat Une demande d'asile conventionnel a également été refusée par l'Ofpra. Enfin, un référé en urgence devant la Cour européenne de Strasbourg n'a pas non plus abouti. La Campagne salue particulièrement le courage et la ténacité des proches de Jamel Abidi qui ont su mobiliser en sa faveur les associations, des institutions, des personnalités, des parlementaires. Enfin, la Campagne s'interroge sur la situation actuelle de M. Abidi et renouvelle sa demande d'assignation avec droit au travail dans les plus brefs délais. La Campagne nationale contre la double peine, considérant que le Parti socialiste a inscrit dans son programme l'abolition de la double peine pour les étrangers arrivés en France avant l'âge de 10 ans, ainsi que ceux y résidant depuis plus de quinze ans, demande un moratoire pour toutes les personnes concernées, dans l'attente de la prochaine session parlementaire. (Extraits) Fidèle au pluralisme qui fonde et soude notre mouvement, le Mrap ne donnera aucune consigne de vote pour les deux importants rendez-vous électoraux que sont la présidentielle et les législatives. Pour autant, nous ne nous désengagerons pas d'une présence déterminée dans ce débat, afin que nos préoccupations puissent trouver place auprès des différents candidats. Nous souhaitons les voir apporter des réponses et des engagements concrets sur un certains nombre de sujets. Premièrement, un positionnement clair à l'endroit de l'insupportable et intenable existence des sans-papiers, qui malgré les promesses sont contraints de vivre dans une clandestinité connue de tous. Deuxièmement, sur la fracture due aux pratiques discriminatoires, dans les domaines de l'emploi, du logement, des loisirs, mais aussi aux discriminations institutionnelles, que ce soit certaines pratiques de la police et de la justice, mais aussi pour l'ensemble de l'administration, notamment à propos des emplOiS publics fermés aux étrangers. Troisièmement, sur les mesures pour rendre effective la citoyenneté de résidence, qui suppose l'égalité des droits économiques, sociaux, culturels, et civiques, dont le droit de vote des étrangers non-communautaires aux élections locales et européennes. Quatrièmement, sur l'engagement de l'Etat à oeuvrer avec ténacité et énergie dans l'action contre tous les racismes, et les moyens d'y parvenir. Cinquièmement, sur la reconnaissance par la France des forfaits commis au nom de son peuple, notamment durant les guerres coloniales, avec la torture, l'esclavage, le travail forcé et les autres formes d'exploitation. Il faut que la France dédommage enfin les ex-coloniaux engagés au service de la France, qu'elle valorise l'apport de l'immigration dans le patrimoine historique français. Sixièmement, la condamnation de toute alliance ouverte ou hypocrite avec les mouvements et les organisations qui se réclament du racisme et avec leurs thèses. Septièmement, sur le plan international, nos attentes sont fortes pour l'action en faveur du respect des droits et libertés fondamentales de tous les peuples. Dans l'urgence, nous demanderons aux candidats leurs propositions, aux fins de permettre à la France de contribuer à dénouer la tragédie qui se joue au Proche et Moyen-Orient. Enfin, les mesures et les engagements des candidats pour que la France oeuvre, au sein de l'Europe, pour une politique plus offensive, plus visible, en matière d'aide aux pays en développement, et pour l'amélioration des rapports nord-sud. Moulaud Aounit Différences nO 238 mars 2002 5 SIE Les turbulences du creuset indien Gageure! Prétendre évoquer l'Inde en quelques pages est un pari difficile. Nous avons pourtant saisi l'opportunité d'un voyage au pays de Gandhi pour présenter à nos lecteurs une brève incursion dans l'histoire du souscontinent indien (ci-dessous), nous entretenir avec Arundhati Virmani, chercheuse à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence (page 8), tenter de comprendre les politiques indiennes de discrimination positive, les ressorts des violences intercommunautaires, les enjeux de la révision des manuels d' Histoire et les dangers de ce que Le Courrier international appelle « la fièvre hindouiste » . Suivez les guides. L'INDE indépendante est née le 15 août 1947, après deux siècles de conquête et de domination anglaise, d'une partition du sous-continent en deux Etats, l'Inde et le Pakistan. La constitution qu'elle s'est donnée en 1950 établit une union qui, de 17 Etats à l'origine, en compte aujourd'hui 28, chacun doté de son propre gouvernement. Déjà, un pouvoir central fort , contrepoids au fédéralisme, devait s'imposer. Tout d'abord pour faire face aux menaces extérieures. L'adhésion de l'Etat du Jammu et Cachemire (revendiqué par le Pakistan) à l'Union indienne en 1947 fut le déclencheur du premier conflit indo-pakistanais - d'autres suivront en 1965 et plus récemment en 1999 toujours à propos du Cachemire -, en 1971 au sujet de la partie orientale du Pakistan qui donnera naissance au Bangladesh. Les litiges frontaliers avec son puissant voisin, la Chine, déboucheront sur une guerre limitée entre les deux pays en 1962. Mais aussi pour des raisons de cohésion interne. L'indépendance de l'Inde rendait juridiquement souverains les anciens Etats féodaux princiers. Ceux-ci adhérèrent à l'Union, non sans résistance parfois (Junagadh et le Hyderabad). A l'Est les populations d'origine tibéto-birmane s' opposèrent dès 1947 à leur intégration à l'Inde et revendiquaient leur indépendance. L'Etat central trouvait aussi sa justification dans les conditions mêmes de l'accès de l'Inde à l'indépendance. La partition en deux Etats s'était accompagnée d'un bain de sang Lex brahmanica, lex britanannica ••• Depuis le 18" siècle, lorsqu 'ils établirent en Inde leurs premiers comptoirs jusqu 'à l'aube du 19", les Anglais - militaires, fonctionnaires, agents de la Compagnie anglaise des Indes - prenaient femmes et concubines parmi les Indiennes. Dans le but, certes louable, de respecter les traditions et les coutumes du pays. Mais surtout avec l'objectif d'établir et de mieux faire accepter par les peuples de l'Inde leur hégémonie, les Anglais créèrent en 1785 la Société asiatique de Calcutta. Celle-ci entreprit avec l'aide des brahmanes anglicisés d'étudier, de traduire et d'éditer des textes sanskrit fondamentaux. Parmi ceuxci « les lois de Manou », ouvrage à destination des brahmanes, et fixant les règles endogamiques que les castes doivent respecter pour éviter que celles-ci ne mélangent leur sang. Dans ce texte les brahmanes sont considérés comme ayant la primauté sur tout autre groupe humain, une primauté quasi génétique. Le brahmane est comme un dieu sur Terre. Cette division de la société indienne ne pouvait que satisfaire les Anglais. Adoptant et appuyant la vision des brahmanes, les Anglais firent des « lois de Manou» un code normatif régissant la totalité de la société indienne. La lex brahmanica devenait ainsi la lex britannica. Par cette adhésion , les Anglais parvenaient à un double objectif: maintenant et affirmant les brahmanes comme groupe privilégié, dominant, et avec leur participation active, ils s'assuraient une domination sur l'ensemble des groupes et des peuples de l'Inde. Par ailleurs, et par un mouvement en retour, les Indiens accoutumés à leurs brahmanes admirent sans peine la supériorité de cette « nouvelle» caste: la plus haute bien entendu. Les Anglais se brahmanisèrent Ainsi, à partir de 1800, affinèrent-ils le concept d'apartheid. Une « color bar» s'instituant entre Anglais et indigènes. Les premiers s'installèrent aux abords des villes pour constituer leurs cantonnements, instaurent une barrière absolue entre le peuple conquérant et le peuple conquis. Ils firent venir d'Europe leurs épouses et créèrent leurs écoles et leurs clubs que ne devait jamais fréquenter aucun Indien. Ils inventèrent aussi le concept de « half caste» pour stigmatiser ceux dont le père était blanc et la mère indienne. M.G. 6 Différences nO 238 mars 2002 dû à l'exacerbation des passions religieuses. Les déplacements de population (plusieurs millions de personnes), la division entre les deux Etats de l'armée, de la police, des moyens financiers, l'aide aux réfugiés, le rétablissement de l'ordre, l'intégration concrète des anciens Etats princiers, l'instauration d'une langue officielle (le hindi), la mise en place d'une économie planifiée, l'élaboration d'une constitution, ne pouvaient trouver de solutions qu'en centralisant les pouvoirs. Aujourd'hui, de nombreux Etats dénoncent une concentration excessive et réclament davantage d'autonomie économique, culturelle et linguistique, sans pour autant remettre en cause leur appartenance à l'Union. A partir de 1965, une réforme modifie les contours de nombrelL,( Etats afin de les rendre plus conformes alL'( réalités ethniques et linguistiques. Une autre évolution tend à créer de nouveaux Etats (trois en 2000) sur des bases économiques et sociales mais aussi ethniques (pour favoriser les populations aborigènes et tribales au Chhattisgarh et au Jhakhland ainsi que les basses castes en Uttaranchal). L'Inde connaît une démographie galopante, une grande diversité de populations (langues, pratiques religieuses ... ) sur une superficie équivalente à celle de l'Europe. C'est pourquoi il est difficile de penser l'Inde sans lui conférer une dimension continentale. Ses relations avec les pays proches ou limitrophes doivent autant à l'histoire contemporaine qu'à une histoire plus ancienne. Dans les derniers siècles de notre ère, le sous-continent indien était une des régions les plus riches et les plus . développées au monde. A mi-chemin entre le monde méditerranéen (Europe/ProcheOrient) et l'Asie du Sud-Est (philippines et Indonésie comprises), porte vers l'immense Empire chinois, son commerce y était florissant. Au fil des siècles, les marchands s'y établirent, ouvrant ports et comptoirs. Cette vitalité économique et commerciale se doublait d'une vitalité philosophique et religieuse. Si l'on connaît encore trop peu l'influence qu'exercèrent les théologies nées dans le souscontinent indien sur les civilisations qui se développèrent entre le Tigre et l'Euphrate, en Perse et en Haute Egypte, et les religions qui donnèrent naissance aux monothéismes, on connaît davantage leurs zones d'expansion. De l'Iran à l'Afghanistan à l'ouest, du Népal au nord, à l'Asie du Sud-Est,jusqu'en Indonésie pour les pratiques religieuses issues . des Védas (1). De l'Afghanistan à l'Asie cen- ' traIe, la Mongolie, le Tibet, le Sri Lanka, et l'ensemble de l'Asie du Sud-Est pour le bouddhisme, né en Inde en réaction aux croyances, mythes et pratiques védiques (refus de la division de la société en castes, du monopole de la caste des brahmanes sur le savoir). Le jaïnisme, contemporain du bouddhisme et le sikhisme apparu au 16" siècle (surtout implanté au Pendjab) - refusant tous delL,( sonne sur six dans le monde sera au milieu de ce siècle de nationalité ou d'origine indienne, alors que l'Inde est une puissance nucléaire, la pauvreté, l'analphabétisme, une corruption endémique, la confrontation entre castes ou entre communautés religieuses obèrent sa cohésion et son développement. Carrefours indiens ]~ le système des castes - sont issus de ce substrat philosophico-religieux, qui n'a jamais été l Le pays s'est engagé dans des politiques aptes à le sortir du sous-développement (autosuffisance alimentaire, informaticiens formés en nombre et en qualité), à maintenir sa cohésion (laïcité, respect des pratiques et croyances religieuses minoritaires), son unité territoriale (il n'y a plus de réelles velléités sécessionnistes) et à résorber les différences sociales (l'intouchabilité est illégale, politique des quotas pour certains emplois et à l'université) ... Pourtant on assiste depuis quelques années à la montée en puissance du nationalisme hindou. Sous le prétexte de la recherche d'une identité perdue (celle d'une « Inde éternelle» qui n'a jamais existé), les mouvements hindouistes radicaux veulent remettre en cause certains acquis fondamentaux de l'indépendance. Les partis politiques créés par les hautes castes s'alliant ou s' appuyant à d'autres castes de statut inférieur (notamment avec celles des zamindars, castes de propriétaires terriens dépossédés de leurs pouvoirs à l'indépendance) tentent de castéiser la société indienne afin d'assurer au travers du pouvoir central et des pouvoirs fédéraux leur hégémonie sur l'ensemble de la société. Agitant la menace d'un danger extérieur (le Pakistan) et pratiquant la politique du bouc émissaire, ils s'attaquent aux minorités religieuses (chrétiens et musulmans notamment accusés de prosélytisme et de n'être pas des religions d'origine indienne), alL'( associations laïques et partis multiconfessionnels, à tous ceux qui prennent la défense des dalits (intouchables). Ils multiplient écoles et groupes para-militaires et tentent de revisiter l'Histoire en fonction d 'une vision chauvine et sectaire .• ni homogène, ni centralisé, ni incontesté. D'autres religions, le christianisme qui s'implanta dans le sud de l'Inde (Kerala) avec la venue de Saint Thomas dès le premier siècle de notre ère et sera vivifié par les marchands et colonisateurs européens, et l'islam qui se développera avec les conquêtes et le règne des dynasties mogholes sur le Nord de l'Inde à partir du 16" siècle, ont aussi durablement façonné le creuset indien. Cette longue et riche Histoire conditionne le présent de l'Inde et nombre d'événements qui s'y déroulent y renvoient. Alors qu'une per- Les 28 États de l'Union indienne AFGHANISTAN Kabcu • , IMA admiuistré par la Cl!ùw et 7<'1.'l:II(/i11/(' par nu,l .. PRAOES~ PENDJAB c~~ndogar1l' CHINE PAKISTAN C/IarId/fJam· -D6IJf1Mun "-~tnanllf)Sgar GUJARA-r- ~ HARYANA UTTARANCI-l'AL 0etIl,' -DelhI RAJASTHAN • .Ia/put .8hop1J1 MADHYA PRADESH JHARKHAND R1ncl" BENGALE Daman & Diu' : OCCIDENTAL Dadra & CHHAr:'SGARH if-a Nager Haveli' _MlJmba (Bombay) Ra/pur ORISSA ..,., MAHARASHTRA BhubaneshwBr. ;. ~::::::.. / GOII, ~ I<,ARNATAKA r Mer d'Arahie / • Bangdtore " ~. ChennJ/(Madras) liés Laquedives' ondicherry' TAMIL NADU KE~AlA Océal11ndien Thiruvana.1thapuram. (r;/Vandrllm) , " G /) J' Iles Andaman ,) & Nicobar' Sources: n° 866 de Problèmes politiques et sociaux édité par la Documentation . française, source initiale documents officiels du gouvernement et du ministère des . Affaires étrangères de l'Inde Michel Garcia (1) Ensemble de textes religieux et poétiques qui forment les premiers documents littérai res de l'Inde, écrits en sanskrit 1,027 milliards d'habitants Langue officielle: le hindi (pour l'Union), une quinzaine de langues officielles ont été adoptées par les parlements des Etats Religions: Hindous (82 %) ; Musulmans (12,12 %) ; Chrétiens (2,34 %) ; Sikhs 1,94 % ; Bouddhistes (0,74 %) ; Jains (0,40 %) ; Autres (0,39 %). Les castes. Admettons d'emblée avec Marie-C. Saglio-Yatzimirsky (1), que la division en castes est « un ordre socio-cosmique ». Cela signifie que pour l'hindou, l'échelle sociale est dans le même temps une échelle de valeur morale. L'inégalité des naissances et donc l'inégalité des castes est non seulement moralement juste mais métaphysiquement fondée. Sa vision du monde n'étant pas limitée à l'ordre économique et social, l'hindou se sent intégré à l'univers tout entier. « Le but final des renaissances et de toute cette série de réincarnations, c'est la délivrance de toute naissance, c'est-à-dire la dissolution dans l'absolu qui est l'unique réalité ». Dans ce contexte, « la prééminence appartient aux groupes fermés, complémentaires et interdépendants et non pas à l'individu». La société hindoue est donc divisée selon un découpage religieux théorique et ancien en quatre varna (terme signifiant « couleur » pour désigner ce que nous appelons caste) : les prêtres (brahmanes), les guerriers (kshtriya), les marchands (vaishya) et les artisans, castes de service et cultivateurs, desquels sont séparés les intouchables. (1) Dossier d'actualité sociale nO 866 édité l)ar La Documentation française, nov. 2001 Différences nO 238 mars 2002 7 DOSSI R Arundhati Virmani : Llhindouisme agressif et intolérant nlest pas majoritaire Chercheur associé au Centre d'études et de recherches sur les sociétés de l'Océan Indien (CERSOn à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence, Arundhati Virmani (1) a également enseigné l'Histoire à l'université de Delhi. Entretien. Différences: Quelle est dans l'Inde d'aujourd'hui la congruence entre caste et discrimination, entre statut rituel inférieur et pauvreté? Malgré les principes constitutionnels d'égalité entre les citoyens de l'Union indienne, malgré plusieurs décennies de discrimination positive, les castes, dont le nombre ne cesse d'augmenter d'un recensement à un autre, continuent, tant en ville qu'à la campagne, à jouer un rôle important dans le quotidien des Indiens, notamment dans les échanges matrimoniaux, dans le marché du travail (en particulier dans l'emploi domestique, toujours très important en Inde), dans tout ce qui plus largement peut mettre en oeuvre la distinction entre le pur et l'impur en particulier le contact avec la nourriture ou avec le corps, vivant ou mort. La question de la discrimination ne se pose bien évidemment dans toute son ampleur qu'à propos des basses castes, ceux qui ont été longtemps appelés « parias» (intouchables), que Gandhi avait voulu promouvoir en les désignant comme « harijans » (les enfants de Dieu), et qui sont actuellement reconnus officiellement comme « dalits », c'est-à-dire « opprimés ». Dans les campagnes qui regroupent encore plus de 70 % de la population indienne, cette discrimination reste actuellement très visible dans le quotidien, et peut revêtir des formes particulièrement violentes, car elle renvoie à des conflits autour de la propriété des terres, des droits de culture et de pâturage, du système de cré- 8 Différences n° 238 mars 2002 dit, de l'accès à l'eau et à l'aide publique. La discrimination vis-à-vis des dalits (qui constituent la moitié des travailleurs sans terre) est non seulement le fait des castes supérieures à eux, mais aussi de l 'administration et des forces de l'ordre, en particulier dans les états de Bihar, de Rajasthan et d'Uttar Pradesh. Notons que les femmes sont les principales victimes de formes de violence qui vont bien au-delà d'une simple discrimination et qui échappent le plus souvent aux statistiques officielles. La pauvreté est un phénomène qui concerne toujours massivement l'Inde: plus de 400 millions de personnes y vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté, pour l'essentiel appartenant aux « scheduled castes and tribes » et aux « backwards castes ». La pauvreté touche moins les basses castes dans les Etats qui ont réussi à imposer des réformes foncières ou de fortes aides publiques, comme au Bengale, ou qui ont mis en oeuvre une politique de scolarisation massive, comme au Kerala. Quelle évaluation peut-on faire de la politique de discrimination positive, en particulier à l'égard des intouchables et des tribus? La politique de réservation d'emplois da~s l'administration publique est prévue par la Constitution dès 1950 pour mettre fin à une tradition d'oppression qui interdisait à certaines castes tout progrès, social ou économique, ou tout changement professionnel. Elle cherchait ainsi à créer une société où le mérite compterait plus que la naissance. Cinquante ans plus tard, l'Inde n'est toujours pas une société égalitaire, même si on met en avant quelques cas exemplaires, comme l'élection récente d'un intouchable à la présidence de la République. Au contraire, la discrimination positive a renforcé l 'importance de la caste, sans pour autant mettre fin à des préjugés anciens, toujours forts dans la vie quotidienne. Les hautes castes, qui ont vu se restreindre leurs débouchés professionnels traditionnels, dénoncent les effets de la réservation

une administration moins compétente,

la disparition de l'initiative et du dynamisme. Elles ont réussi à se faire entendre par la Cour Suprême, qui a interdit que la politique de réservation soit étendue à l'accès aux études médicales ou aux carrières d' ingénieurs. Cette politique a ainsi accru les tensions dans la société, et les violences contre les castes inférieures. Surtout, la politique de réservation s'est montrée insuffisante pour assurer à la fois la protection et la mobilité sociale des basses castes. Comment se manifeste ce que certains auteurs appellent la castéisation de la vie politique? Un quota de sièges parlementaires (environ 20 %) est réservé depuis l'origine aux basses castes (scheduled castes and tribes). Dans les années 1980, un mouvement s'est développé pour élargir la réservation aux « other backward castes». La caste est ainsi devenue un facteur décisif de mobilisation de l'électorat et influence les résultats électoraux. Aucun parti ou candidat ne peut ignorer cette réalité dans l'élaboration de son programme ou de ses stratégies, au niveau local et au niveau national. Cela est visible, par exemple, dans indiens le débat sur la réservation pour les femmes de 33 % des sièges au Parlement, en 2000. Le projet, officiellement appuyé par le gouvernement et par le Congrès, principal parti d'opposition, n'aboutit pas. Ces partis redoutent de perdre les voix des basses castes au profit de petits partis porte parole des basses castes qui dénoncent le risque d'un retour en force des hautes castes dans la politique par le biais des femmes. La castéisation peut ainsi conduire à mettre des intérêts de caste au centre du débat politique et à renforcer la compétition autour des ressources publiques. Paradoxalement, loin d'affaiblir les divisions de castes, elle renforce la place centrale, dans la société comme dans le débat politique, du principe même des castes dans l'organisation sociale. Qu'en est-il de l'impunité de la violence exercée contre les minorités et contre les femmes? Prevention of Atrocities Act, seuls 2 943 ont été enregistrés par les tribunaux. Au Rajasthan, où les violences contre des femmes dalits sont innombrables, aucune poursuite n'a été exercée par la justice (2). Le dépôt d'une plainte à la police entraîne souvent harcèlement, corruption ou menaces de représailles. Le phénomène a été mis en évidence grâce à l'action de nombreuses ONG, d'organisations de femmes ou de mouvements pour les droits de l 'Homme. des chrétiens que d'autres minorités religieuses. La destruction, en décembre 1992, de la mosquée d' Ayodhya, en est une manifestation forte, dont l'impact reste encore profond en 2002. Cette agressivité a toutefois déjà montré ses limites politiques. Le BJP (parti du peuple indien) au pouvoir vient de perdre les élections aux assemblées de certains Etats (comme Uttar Pradesh ou Uttaranchal). Surtout, il ne constitue en aucun cas l'attitude religieuse de la majorité des hindous. L'hindouisme reste pour l'essentiel une religion tolérante, affichant une grande diversité de pratiques et d' attitudes. Plusieurs voies, développant le yoga et la méditation sous la conduite de différents gourous, à l'intérieur de l'hindouisme, continuent à attirer des fidèles, de façon moins spectaculaire, et surtout sans intervenir dans l'arène politique. L'opposition à l'affirmation de l' « hindouité » résiderait peut être dans une réponse plus fortement articulée de la part de ces courants de l' hindouisme. • Les minorités, en particulier les basses castes et les femmes, sont soumises à une double violence, de la part des hautes castes et de l'Etat. Les brutalités policières, l'indifférence et l'inaction sont un problème chronique, sans oublier la violence exercée au sein même de la famille, par le mari ou la belle-famille. Souvent, les cas de violence venant des hautes castes ne sont même pas pris en compte. En 1995, en Uttar Pradesh, sur les 15 605 cas de violence dénoncés dans le cadre du L'hindouisme tranquille intégrant un vaste éventail de divinités et de croyances, se satisfaisant de la présence à ses côtés d'autres religions semble marquer le pas sur une hindouité agressive et ultra-nationaliste. Quels sont les risques? L'accession au pouvoir de la droite hindoue, l'affirmation publique de mouvements hindous radicaux donnent l'impression que l 'hindouisme est en passe de devenir agressif et intolérant, vis-à-vis aussi bien des musulmans, Propos l"ecueillis par Chérifa Benabdessadok (l) Mme Virmani vient de publier « India 1900- 1947. Un administrateur au coeur du Raj », Paris, Autrement (2) Données publiées dans un récent rapport,« Women speak. United Voices Against G1obalization, Poverty and Violence in India », Delhi, mars, 2000 Lllnde « corrige» ses livres dlHisfoire UN DÉBAT très politisé s'est ouvert en Inde au sujet des manuels scolaires d'Histoire. La polémique a été déclenchée par la décision d'un organisme officiel (NCERT - National Council for Education Research and Training) de retirer certaines références des manuels d'histoire relatives à la religion et plus particulièrement des passages « critiques » à l'égard de l'hindouisme comme notamment des références à l'ordre brahmanique, le système des castes et au fait que les hindous mangeaient autrefois du boeuf. Si le NCERT et le gouvernement assurent que cette décision n 'a rien de politique et qu'il s'agit uniquement de « remettre à jour les manuels scolaires », les historiens et une partie de la classe politique s'interrogent sur les réelles motivations d'une telle décision. D'une part, cette initiative est incontestablement liée à la politique du ~ parti au pouvoir qui ne cache pas sa volonté d'exacerber le caractère hindouiste de l'Inde. Cette démarche est déjà en tant que telle très contestable puisque comme le souligne Mme Virmani, la particularité même de l'Inde se trouve dans la reconnaissance de la pluralité des courants religieux. D'autre part, le fait que la révision des manuels d'Histoire soit intervenue à l'approche d'importantes élections dans l'Uttar Pradesh et au Pendjab n'est certainement pas un hasard. En effet, des groupes religieux ont fait pression pour que des références « désobligeantes» à leur communauté soit retirées des manuels. Ce fut le cas par exemple pour la religion sikh concernant des passages relatant les pillages commis par un de ses gourous, Teg Bahadur. De plus, l'absence de transparence sur la révision des manuels renforce ce sentiment de manipulation politique. En effet, le NCERT n'a pas cru bon de consulter les historiens auteurs des manuels contestés et se refuse de communiquer la liste des historiens en charge de réécrire les ouvrages. Enfin, lorsque la réponse du directeur du NCERT à la question : « pourquoi changer l'histoire? » est: « pourquoi ne pas changer l'histoire ?» n'augure pas d'une réelle réflexion de fond quant aux buts poursuivis et aux méthodes utilisées. Or, comme le rappelle Mme Virmani, toute modification des manuels d' histoire ne peut se faire que sur des bases « scientifiques » et avec des historiens plus soucieux de mettre en avant leur savoir que leurs sensibilités reli- 1 La fièvre hindouiste 1 1 gieuses ou politiques. La démarche officielle est d'autant plus choquante qu'il ne s'agit pas en l'occurrence de réinterpréter des périodes de l 'Histoire du pays mais de retirer purement et simplement des éléments factuels qui gênent les courants les plus chauvins du spectre politique . • Agnès Hor rière Sources : A. Malik, L. Iyer, « Here's a nex yesterday », India Today, 10 déc. P. Prakash, « L'Inde "safranise" son hi stoire », Libération, 24 février. Dossier du Courrier International « La fièvre hindouiste », nO 587, 31 janvier/6 février Différences nO 238 mars 2002 9 DOSSIER Carrefours indiens Les paradoxes de la discrimination positive tion des pauvres », contraire au principe d'égalité mais qui semble la condition nécessaire à leur émancipation. En 1991,138 millions d' Indiens étaient classés dans les Scheduled Castes (16 % de la population) et 67,8 millions comme Scheduled Classes. Cette politique de discrimination positive aurait du s'éteindre au bout de vingt ans (l'âge de nos Zones d'éducation priori taire sur lesquelles on colloque beaucoup en ce moment) : cinquante ans après, non seu- _' .... ,..= lement elle perdure mais elle l-_____ _ ...J.. .... ,1(l a subi deux aménagements de taille : l'élargissement des Les symboles forts comme les actes de bénéficiaires à d'autres groupes défavorisés rupture résolument progressistes ne sous l'appellation« Other Backward Castes» manquent pas dans l'histoire de l'Inde et l'introduction de critères socio-économimoderne. Il n'est pas indifférent de rappeler ques dans la définition de la population-cique c'est un intouchable militant ou« dalit », ble. C'est ainsi qu'une décision de mars 1993 B. R. Ambedkar, qui fut nommé ministre de a tenté de fixer des règles pour exclure des la Justice dans le premier gouvernement post- bénéficiaires des mesures de discrimination indépendance de Jawaharlal Nehru et prési- positive les membres des élites appartenant tensions sectaires» (1). La politique indienne de discrimination positive a manifestement permis d'améliorer la condition des plus pauvres tout particulièrement dans l'éducation: en 1991, 37 % des intouchables étaient alphabétisés (52 % pour la population globale), contre 10 % en 1961 (24 % à l'échelle du pays). Mais les effets pervers sont également prégnants. M. -c. Saglio-Yatzimirsky signale notamment l'exacerbation des rivalités entre castes pour l'obtention d'avantages avivées par le clientélisme et les stratégies électorales des partis politiques. L'auteur cite le cas d'une caste d'intouchables dans l 'Etat du Maharashtra, les Mahars : politisés de longue date, ils ont acquis une position privilé- Dessins muraux représentant mère Téresa et Ambedkar, le héros national des dent du comité chargé de rédiger la Consti- aux castes concerne,e s. extution de l'Inde indépendante. On ne Ces aménagements avaient peut-être des intouchables s'étonnera donc pas que le texte fondateur motivations électoralistes mais elles ont ausde l'Union indienne proclame dès 1950 par- si été déterminées par les transformations des mi les principes fondamentaux: l'interdiction conditions de vie et donc de la corrélation de toute discrimination dont celle fondée sur traditionnelle entre« caste» et« classe» : de la caste, l'abolition de l'intouchabilité, l'éga- ce fait, la pauvreté urbaine si ostensible dans lité entre les citoyens. Soucieux de faire avan- les villes indiennes dépasse les limites de la cer ces idées dans la réalité, les constituants caste et touche une population de plus en plus autorisent le gouvernement à prendre des hétérogène, les écarts de revenus à l'intérieur mesures spéciales - sièges réservés pour la des castes se font jour, le relâchement de représentation politique et quotas dans l'édu- l'adéquation entre positions de caste et de cation et les emplois publics - en faveur des classe est réel. populations « arriérées» (Backward Classes) Selon M. -c. Saglio-Yatzimirsky, « cet élarqu'ils définissent selon un critère de caste : gissement permet de dépasser la problématien particulier les Scheduled Castes, c'est-à- que des minorités - intouchables et tribusgiée qui les met en concurrence pour les avantages à négocier avec les autres castes intouchables minoritaires de l'Etat. S'ils ne sont pas les fruits exclusifs de la discrimination positive, la rivalité entre les pauvres, le développement du clientélisme et la démagogie des programmes électoraux en sortent néanmoins renforcés. A tel point que les actes de violences entre communautés de statuts différents se sont multipliés .• Chédfa Benabdessadok dire essentiellement les intouchables, et les pour une politique plus générale de justice (1) «Les politiques de discrimination positive Scheduled Tribes ou tribus. Nous sommes sociale, mais il éloigne d'une vision socialiste en faveur des pauvres» in Dossier d'actualité d'emblée dans le paradoxe de la « castéisa- d'intégration des plus démunis et favorise les mondiale n° 866 Ces dossiers d'actualité mondiale de la Documentation française méritent de figurer dans tous les centres de ressources: par la qualité des intervenants et la pluralité des points de vue, ces publications thématiques balaient de façon pertinente les divers aspects du sujet traité. La lecture du numéro 866 consacré à « L'Inde, une puissance en mutation », coordonné par Arundhati Virmani (et auquel notre dossier est en partie redevable), apporte en un peu plus de 70 pages une connaissance sérieuse et déjà conséquente sur le pays de GandhI. Il faut notamment citer ici le texte de Steven 1. Wilkinson symptomatiquement intitulé « Froids calculs et foules déchaînées. Les émeutes intercommunautaires en Inde », dans lequel l'auteur s'intéresse aux manipulations politiciennes dont font l'objet les communautés religieuses (essentiellement hindouistes et musulmans). Après avoir répertorié les émeutes et constaté la non pertinence des explications classiques (facteurs socio-démographiques, présence ou non de larges coalitions gouvernementales, faiblesse des institutions), .l'auteur avance !'hypothèse que les émeutes ont lieu lorsque les politiques l'ont décidé et qu'ils en ont trè~ concretement organise la mise en scène. Cela ne signifie nullement qu'il n'existe pas de préjugés ou de ressentiments entre les adeptes des diverses religions mais que le cynisme politique et électoraliste ne recule devant rien. l 0 Différences nO 238 mars 2002 Excellent dossier de la revue Globe- l\1émoires avec notamment un reportage sur une association fondée par une journaliste, Teesta Setalvad, pour mobiliser les citoyens indiens et pakistanais contre « ce mur de Berlin immatériel qui se dresse encore entre les deux pays ». Ce numéro, disponible sur commande (T. 01 44 84 84 89), est vendu avec un cédérom. Chérifa B. L'INDE, CONTINENT REBELLE Guy Deleury, Seuil, 2000 Dans cet ouvrage érudit, Guy Deleury, à près de 80 ans, réussit à nous faire partager sa passion de toute une vie (livre-testament ?) pour un pays dans lequel il vécut plus de 25 ans. Livre coup de gueule lorsqu'il fustige les idées reçues et la vision brâhmanique de la division de la société trop souvent partagée par les Occidentaux. Livre coup de coeur lorsqu'il nous parle de la religion des exclus et de la diversité de ce pays tout au long de son histoire. Une revisitation salutaire pour nous faire appréhender l'Inde de demain. L'INDE, UN DESTIN DÉMOCRATIQUE Max-Jean Zins, M.G. La Documentation française, 1999 Un livre d'une grande richesse, accessible à tous, écrit par un fin connaisseur du sous-continent, qui ne ménage pas ses critiques, mais sait aussi mettre en valeur les e~1Jériences positives. M. Zins est par ailleurs chercheur au Centre d'études et de recherches internationales. Kiosques Le PETIT GARÇON ÉTOILE Rachel Hausfater-Douieb et Olivier Latyk Ed. Duculet-Casterman, octobre 2001 « C'était un petit garçon qui ne savait pas qu'il était une étoile ... », ainsi commence l'histoire de ce petit garçon qui porte l'étoile jaune, va la voir grandir, avoir affaire aux « chasseurs d'étoiles », voir partir les grandes-étoiles papa et maman, vers la nuit... Jusqu'à ce que la nuit se termine. Une très belle histoire sur le thème de la déportation sobrement mais efficacement illustré, à destination des enfants à partir de cinq ans. Serge Goldberg MON ALBUM DE L'IMMIGRATION EN FRANCE Sous la direction de José Cover et Bérangère Orieux Ed. Tartamudo, 2001 Cet ouvrage propose aux adolescents un panorama historique de l 'immigration en France principalement axé sur les 19· et 20· siècles: il distingue plusieurs vagues migratoires, de la révolution industrielle de 1830-1860 à la décolonisation. Par ailleurs, il éclaire différents aspects de ce phénomène

sa relation à l'évolution

économique; son impact sur le logement (des cités devenues banlieues) et la population française (<< la mosaïque France») ; lelien immigration/xénophobie/racisme. Il propose enfin des réflexions sur « le chemin de l'égalité» et « un avenir en commun». De nombreux témoignages humanisent le propos. La présentation colorée est largement illustrée de photos et de dessins humoristiques de Farid Boudjellal, José Cover, JefMartinez et Pef. En annexe figurent un lexique et une documentationjuridique. Emmanuelle Rigaud Jean-Michel Lecomte Enseigner l'Holocauste au 21- siècle " "t.··.",.A,._t , "" ~ , II · " ENSEIGNER L'HOLOCAUSTE AU 21e SIÈCLE Jean-Michel Lecomte Editions du Conseil de l'Europe, 2001 Malgré la récurrence du sujet, il est encore des productions qui se distinguent par une qualité excep- ALAIN GRESH tionnelle. C'est le cas de cet Israël, Palestine ouvrage édité par le Conseil de l'Europe dans le cadre d'un projet intitulé « Apprendre et enseigner l'histoire de l'Europe du 20· siècle ». Enseignant en sciences VÉRITÉS SUR sociales, l'auteur a réussi là où UN CONFLIT souvent l'on échoue: transmettre un pan d'histoire en allant à l'essentiel tout en conservant la complexité des problématiques et leurs corrélations. Il faut dire que Fayard la plume de Jean-Michel Lecom- '--- - - ---- te est au service de son souci ISRAELfPALESTINE pédagogique, le ton est alerte mais Alain Gresh, Fayard, sans affect inutile, la finesse d'écri- Rédacteur en chef du A10nde Di- ture alliée à une connaissance plomatique, l'auteur s'adresse à sa érudite du sujet est capable de fille et aux jeunes de vingt ans; rendre palpables l'horreur de la pourtant par sa clarté, sa richesse politique nazie d'extermination et sa clairvoyance, le message peut des« races inférieures», les enêtre entendu par tous. Il décrit de chaînements politiques et manière équilibrée, mais en militant techniques, les logiques sousde la cause des opprimés, les gran- jacentes, les chronologies des étapes (histoire du sionisme, parallèles. Un livre fondamental naissance d'Israël, naufrage de la pour la transmission, indispensaPalestine ... ) et les enjeux de ce ble aux enseignants, et tellement conflit. Il termine sur l'échec du utile à chacun, y compris quand traité de paix à Taba en janvier on « sait» ou que l'on croit sa- 2001 et sur ce qu'il faut penser de voir. L'enseignant dispose là d'un la pierre d'achoppement que cons- outil susceptible de lui donner à titue la question des réfugiés pa- la fois les bases de la connaissanlestiniens. Autant de vérités dont ce nécessaire à son enseignement les jeunes et moins jeunes citoyens et des repères pour organiser sa ont besoin. S. G. progression pédagogique. CB. Différences nO 238 mars 2002 l l Actualités ÉChOS • Nouvelles du 114 et des Codae. Du 16 mai au 31 décembre 2001, 18225 personnes ont communiqué avec les écoulants du 114 et 5 883 fiches de signalement ont été transmises au secrétariat permanent. Les appelants sont pour plus des deux tiers de nationalité française. le premier domaine de discrimination évoqué concerne l'emploi, la vie professionnelle et ta formation (37 % des appels) puis viennent l'accès aux lieux de loisirs ou de vacances (13 %), le logement, la vie sociale et le voisinage (11 % chacun), • Dans une délibération rendue publique le 15janvierdernler, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), déclare n'avoir conslaté « aucun manquement à la loi . de la part des organismes d'HLM lout en prenant acte de ce que ceux-ci avaient rassemblé une information nominative - en l'occurrence le pays d'origine - sans autorisation aucune. Elle remet l'accent SUf les règles suivantes : les bailleurs sociaux ne peuvent questionner un candidat locataire sur« ses origines» ou « le pays d'origine de ses parents; la nationalité, elle, peut être demandée dans le cadre exclusif d'un dossier de candidature ; le lieu de naissance ne doit apparaître que dans le champ d'information « état civil lt et ne constitue en rien un moyen de tri entre candidats tocataires. • Le 24 janvier, les députés ont adopté en première lecture, la proposition de loi concernant « la lutte contre les différentes formes d'esclavage aujourd'hui . ; le texte ne sera mis à l'ordre du jour du Sénat qu'à la reprise des travaux parlementaires. Cette proposition définit la « traite des êtres humains » et fixe les sanctions (7 ans d'emprisonnement, amende de 150 000 euros el, concernant un mineur, de 10 ans d'emprisonnement ell ,5 million d'euros). La ministre de la Justice préconise le lancement d'une commission interministérielle. • Une campagne de soutien aux Tchétchènes lançée en Europe. L'association Marcho Dotylla, fondée par un groupe de bénévoles, regroupe autour de son projet des dizaines de personnes, célèbres ou non, donl la réalisatrice Mylène Sauloy, les acteurs Jane Birkin et Marcel Bozonnet, Bernard Latarjet du Parc de la Villette, ou Alain Françon du Théêtre de la Colline. La campagne de soutien se poursuit tout au long du mois de mars par des colloques, des expositions et des spectacles monlés par des Tchétchénes. • Soiréect $oiréemosaique». A l'occasion de la Journée internationale contre le racisme, le comité local du Mrap de Chelles et environs, avec la participation des associations de défense des droits de l'Homme et des associations culturelles, organisait, le 22 mars, une soirée « Mosarque » où l'on fête les différences. Au programme de cette manifestation soutenue par la Ville de Chelles : chant, danses, théâtre, films et défilés de costumes du monde, débats et informations. • Une soirée-débat est organisée le 26 mars à la Maison crétoise des associations 12 Différences nO 238 mars 2002 Le gérant d1une discothèque condamné Le responsable de l'établissement le Zig-zag a été reconnu coupable (le 26 février) d'une pratique discriminatoire et le montant de la sanction financière, 3 000 euros d'amende et 1 210 euros pour chaque victime et le Mrap constitue une juste sanction. La Fédération des Landes se félicite donc de la décision du tribunal correctionnel de Mont de Marsan sanctionnant l'établissement concerné. Elle répare une blessure ressentie parles victimes à qui un prestataire de service de loisirs appliquait des tarifs au faciès, mais au-delà, elle réaffirme la force de la loi qui seule permet de dépasser les révoltes individuelles nées de ces pratiques Cette décision ne sanctionne pas une profession dont l'exercice est difficile et qui doi1 gérer un service de loisir tout en assurant la sécurité des clients. Le Mrap comprend les mesures sélectives et individualisées, dès lors qu'elles concernent des fauteurs de troubles précis, quels qu'ils soient, et son action citoyenne contre les discriminations ne servira pas de caution à des actes d'incivili1é. Mais, avec fermeté la fédération des landes autour du film« Réflexion faite lt d'Albin Voulfow. Les discriminations dans l'accès à t'emploi sont au centre de cette initiative mise en oeuvre par la Coordination contre le racisme et l'intolérance (CRI) qui regroupe des militants individuels, des membres du Mrap et de la licra, l'organisme Adéquation (insertion professionnelle des publics jeunes et adultes demandeurs d'emploi) et la Mission locale de la Vallée de l'Oise. • Le Comité de Montbéliard a réalisé une brochure intitulée Il Islam et laïcité Il. Pour l'acquérir au priX de 3,80 € (5,80 E port comdu Mrap réaffirme qu'elle ne tolérera jamais, comme dans le cas présent, les mesures discriminatoires de sélection qui s'exercent à l'encontre de personnes ou de groupes de personnes en fonction de leurs origines ou de l'arbitraire des stéréotypes. les droits du citoyen sont menacés par ces pratiques, c'est pourquoi les pouvoirs publics ont décidé que 2002 sera l'année de la grande cause nationale contre les discriminations et que le Mrap a lancé une grande campagne de sensibilisation. Ce procès a donc une vertu pédagogique. Il est l'occasion de rappeler que la citoyenneté doit être une valeur partagée en terme de respect des droits et des devoirs par chacun sachant que toutes les incivilités portent atteinte à fa paix de la cité. [ ... lla fédération n'a pas pour vocation de multiplier les testings, mais d'oeuvrer, par un dialogue entre tous les acteurs concernés dans les domaines des loisirs, de l'emploi et du logement, à la mise en place d'une réelle politique de prévention contre les discriminations. Communiqué de la Fédération des Landes pris) joindre le Cl 47 rue des Sources 25600 Vieux Charmont. RENDEZ-VOUS • La marche des sans-papiers devaIt démarrer le 23 mars de Marseille. Une rencontre nationale est prévue à Paris le 13 avril. • Un colloque intitulé « Qu'est-ce qu'enseigner en milieu éthnicisé ? Face à la discrimination », organisé sur l'initiative du Réseau Interculturel et Education, aura lieu les 24 et 25 mai à Paris au Lycée François Rabelais. Programme en cours d'élaboration. Le MRAP est habUité à recevoir dons et legs Pour répondre à certaines intcrrogations panni nos adhérents. et parce qu'une association comme la nôtre \"it depuis plus de cinquante ans grâce à la générosité de ses membres. 1I0US avons jugé opportun de préciser les conditions pour effcctuer des dons ct legs au Mrap. Comment faire un legs au Mrap? Si vous décidez de léguer votre patrimoine au Mrap, sachez qu' il existe trois types de legs. Le legs universel par Icquelle testateur donne il unc ou plusieurs personnes la totalité de ses biens. Le legs à titre univcrsel par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer. Le legs particulier cst constitué d'un ou plusieurs biens déterminés (maison. compte d 'épargne ... ). Les modalités. Pour cela. il vous faut rédiger un testament. Deux types de testaments existent

le testament olographe. rédigé de la main du testateur ct le testament authentique rédigé par

un notaire. Fiscalité. Le legs au bénéfice du Mrap, du fail de son statut d 'association reconnue d'assistance et de bienfaisance, est exonéré de tous droits de mutation que ce soil au titre d'une succession ou d' une donation. Pour toute infonnation complémentaire, joindre Florence Festas au Mrap 43 bld de Magenta 75010 Paris - T 01 53 38 99 99 Télécopie 01 40409098 _ E.lllail : journa1.diflèrenees0'free.fr 2 € le numéro -Abonnement 21 € (Il nO'/an) Directeur de publication . Mouloud Aounit. Gêrante bênhole : Marie-Annick Butez. Rêdactriceen chef - mise en page : Chérira Benabdessadok. Dir«tncc administrath'c . Florence Festas. Abonncments : Isabel Dos Martires. Impression Montligeon T : 0233 85 80 00. Commission paritaire n063634 0247-9095 DCpôt léga12oo2 02

Notes

<references />

Catégories