Différences n°229 - mai 2001
Sommaire du numéro
n°229 de mai 2001
- Mouvement: Voyage au pays d'Apt, capitale mondiale de la cerise par Hillel Fenerwerker
- La Caravane de la citoyenneté prend des couleurs par Y. Lechevalier
- Congrès mondial contre la peine de mort
- Deux peuples, deux états par Mouloud Aounit [moyen-orient]
- Dossier: la résistance des amérindiens [U.S.A.]
- Comment les « premiers Américains » sont devenus les derniers « Etatsuniens » par Marine Nibodeau
- Entretien avec Sylvain Duez Alessandrini membre du CSIA réalisé par C. Benabdessadok
- Autoportrait de Bobby Castillo porte-parole de Léonard Peltier
- Leur lutte appelle notre solidarité par Catherine Busseuil
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Texte brut du numéro
1)ifférences Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peu~es Mai 2001 - N' 229 Mouvement Voyage au pays dlApt, capitale mondiale de la ··cerise Le comité local d'Apt célèbre le dixième anniversaire de sa renaissance. Son président trace à cette occasion un tour d'horizon de l'action menée. Le comité nous a fait parvenir l'ensemble des documents iconographiques. C'EST SANS DOUTE pour nous une manière de fêter le dixième anniversaire d'existence du comité local du pays d'Apt que de répondre à l' invitation de Différences. En effet, c'était après la chute du mur de Berlin, la profanation du cimetière de Carpentras, la guerre du Golfe et la montée en voix du Front national; un noyau de militants a pris en charge, sous l'impulsion de PierreMarie Danquigny, alors président fédéral et national, l'initiative de remonter un CL très actif dans les années quatre-vingt, mais qui, pour diverses raisons, avait cessé toute activité. Nous avons ainsi rejoint le cortège des six autres CL de la Fédération du Vaucluse. Le fait de nous trouver dans un milieu rural a certainement eu des incidences sur notre action militante. Par sa situation géographique excentrée, Apt nous renvoie à une aspiration vers la centralité d'Avignon et donc de la fédération, malgré nos efforts pour ne pas en rester captifs. Apt n'est pas un lieu d'enjeux politiques extrêmes, immédiats, même si nous sommes situés sur l'axe Toulon, Vitrolles, Marignane, Orange, ce qui nous met de fait au coeur d'un département, le Vaucluse, et d'une région, PACA, qui seraient parmi les plus infectés de l'hexagone. A peine éclos, notre CL a défendu le droit d'asile en France. Nous avons très vite été confrontés à l'affluence des déboutés par l 'Ofpra, leurs demandes ayant été déposées vers le milieu ou la fin des années quatre-vingt, des Kurdes pour la plupart ayant échappé aux massacres en Turquie et en Irak. La ré- 2 Différences n° 229 mai 2001 ponse politique avait été «les odeurs », « toute la misère du monde» et une fin de non-recevoir. Pour nous ce fut la création d'un comité de soutien pour Salman G. et ensuite au niveau départemental, cela aboutira au soutien d'une longue grève de la faim à trente quatre personnes, qui finalement obtiendront toutes un titre de séjour, même si l'administration française s'est dédit pour au moins l'un d'entre eux. Qu'il nous soit permis d'évoquer ici et à ce propos la mémoire d'un compagnon, André Schweitzer, le président du CL de Bollène, trop tôt disparu il y a un an, et qui avait tant oeuvré pour cette victoire. C'est très certainement ce travail de relais entre les comités locaux à travers la Fédération, qui a toujours été enrichissant, stimulant et fortifiant. Nous avons réalisé des choses qui auraient été impossibles si nous étions restés isolés. Puis se sont profilées les circulaires Bianco et Marchand, les lois Pasqua et Debré pour aboutir tristement à la loi Chevènement, qui ont rendu la vie (survie) impossible et engendré une augmentation du nombre de ceux que l'on va appelerles« sans-papiers ». En 1999, une deuxième grève de la faim n'a pas eu le même dénouement, ce fut un échec cuisant et ce n'est pas terminé. Par ailleurs, nous avons porté plainte contre une publication raciste, négationniste, antisémite dont l'auteur a été condamné à une amende de 20 000 F, le Mrap obtenant le franc symbolique. Cette affaire nous a amenés à réviser notre politique de dommages et intérêts et à tenir compte du coût des procédures. C'est en prenant exemple sur d'autres comités que nous avons systématisé la présentation annuelle, voire bi-annuelle, d'expositions en partageant avec d'autres associations les coûts et l'ampleur de la communication. Et puis grâce à un travail sur la longue durée ASTIA, CARREFOUR DES CITOYENS, MRAP, RAS L'FRONT 84, LE SURSAUT proposent Un Film de Mehdi LALLAOUI Un Siècle d'Immigration en France Suivi d' un débat avec le Réalisateur Salle des Fêtes d'Apt Le Mardi 31 Mars 1998 à 20h15 méditerranée S.l\eur'S SllflS. ln1a:;~~ l' lr(\lc~ d'ici et de là. samedi 25 mars 2000 19 h 00 à la rnjc d'Apt Diaporama Impro-musicalc Contes Joël Escotlier Michèle Veronique Evelyne Julhan Fatiha Mehelleb Buffet à partager nous avons réussi à pénétrer le lycée d'Apt et instaurer une présence pendant la semaine nationale d'éducation contre le racisme. Au début des années quatre-vingt-dix, le poids de cette opération incombait à la seule Fédération du Mrap, puis la Fédération des oeuvres laïques a pris en charge son organisation au niveau départemental, le Mrap demeurant un partenaire privilégié. Nous avons tremblé, pétitionné, manifesté, vendu les livres, débattu, projeté une vidéo, pour Mumia Abu-Jamal, une première fois en 1994, puis une seconde en 1999 et obtenu un écho plus ample et bien relayé au niveau départemental. Nous avons subi un séisme avec le résultat des élections communales de 1995. Brutalement, le Front national accédait à la direction de quatre villes. Puis ce fut l'annonce de la venue le Il novembre de Le Pen qui venait demander réparation à Carpentras, où il avait déjà préparé le terrain dès le mois de juillet dans une sorte de grand méchoui université d'été à Saint Ponchon. C'est alors qu'un collectif de 23 associations, syndicats, partis, s' est constitué, « Le Sursaut» et a organisé une contre-manifestation qui a regroupé 3 000 personnes, dont notre secrétaire général Mouloud Aounit : c'était la première riposte massive à l'arrogance duFN, bien avant Strasbourg, Lyon et Nice. Nous n'en menions pas large à l'époque, mais de Menton à Montpellier en passant par Nîmes, les antiracistes ont répondu présent. A Apt en particulier, au fil des actions menées en commun Le Sursaut et le Mrap sont devenus des associations soeurs, jusqu'à une certaine confusion (qui a été critiquée). Si le noyau dur du Mrap ne s'altérait pas, il avait pourtant des difficultés à s'amplifier, mais l' aspect local (départemental) du Sursaut semblait séduire davantage, plus proche de l'histoire des gens, et permettait de toucher un plus large public. De pétitions en débats, d'expositions en animations, les deux associations se sont mutuellement enrichies des forces et des initiatives de l'une et de l'autre. Et l'aventure dure toujours. Le pays d'Apt appartient aussi au milieu forestier et il se trouve qu'il abrite depuis la fin de la guerre d'Algérie une communauté de Harkis qui ont été intégrés à partir des camps de transit dans les Eaux et Forets. Lors des dernières grèves et occupations où les enfants de la deuxième génération issus de Harkis manifestaient leur révolte et leurs sentiments d'injustice dont ils sentaient victimes leur communauté, le CL du pays d'Apt s'est porté à leur rencontre pour les écouter et exprimer sa solidarité. Ils ressentent un profond Le M.R.A.P et Le SURSAUT Il Main Basse sur Orange Il (VM .... :Ie Q 1 !>evre lcpen;~l Q 1'«.::c13oo tk Jo 1~i~ &J hre de Reger t.'tQr/i"l Le SAMEDI 19 SEPTEMBRE 1998 J à 20h { ô la SALLE DES FÊTES DE LA VILLE D'APT r sentiment d'exclusion: les enfants de la deuxième génération en déshérence revendiquent de la dignité et de la reconnaissance. Ce fut une rencontre difficile où les préjugés ont dû être surmontés de part et d'autre, car nous n'étions pas les seuls à nous approcher, l'extrême droite était là aussi en délégation, et il y eut même un« couac ». En effet, un tract provenant de la coordination nationale dénonçait la préférence des « immigrés» par rapport aux Français. Et ce fut avec une rare exemplarité qu'un rectificatif avec des excuses a été publié le lendemain dans le journal La Provence. Tout un travail de mémoire reste à faire pour extirper la douleur d'un drame qui ne peut pas encore dire son nom. C'est pour répondre à l'appel de l'association Lumière pour l'Algérie, que le CL du Mrap, Le Sursaut et quelques citoyens ont décidé de créer à Apt un collectif « Pour la paix civile en Algérie ». Il a organisé des projections de films suivies de débats, un rassemblement avec lecture publique d'oeuvres d'écrivains algériens le 4 avril 1998 devant la sous préfecture et un appel pour un moratoire des expulsions en Algérie; le 6 juin 1998 une journée de présentation des différents aspects de la culture algérienne, (théâtre, littérature, musique, arts plastiques). Créer des passerelles pour découvrir la culture algérienne au moment où elle était justement mise à mal, tel était notre objectif. POUR AFFIRMER, haut et fort que le respect du droit et de la dignité de l'autre, et donc de soi, l'emporte sur la haine, le racisme, la xénophobie et l'exclusion. POUR MANIFESTER, notre volonté de partager les valeurs de Liberté, d' Egalité et de Fraternité qui sont mises à mal aujourd'hui, ici dans notre département et ailleurs dans notre région. Capitale mondiale de la cerise et du fruit confit, Apt est situé sur le parcours des saisonniers et notamment, étape obligée et séculaire, sur l' itinéraire des gens du Voyage. La crise de la cerise et de la lavande concurrencées par les pays de l'Est a mis en évidence le manque d'aires d'accueil. Les agri- POUR DEMONTRER, que le Pays d'APT, au coeur du Luberon, a aussi pour vocation de défendre et d'illustrer des valeurs de Liberté, d'Egalité et de Fraternité. D'AUCUNS JOUENT SUR LA DIFFERENCE POUR DIVISER JOUONS SUR NOS DIFFERENCES POUR NOUS RASSEMBLER. POUR PARTAGER, dans" la joie et la bonne humeur 11 les multiples et diverses facettes d'une culture qui se veut solidaire. culteurs qui jusqu'alors logeaient les Voyageurs sur un coin de leurs terres, s 'y sont refusés en récusant leurs services. Cette population participant activement à la production et dont la présence était utile si ce n'est agréable était désormais perçue comme « gênante », « parasitaire », cantonnée à l' occupation de ronds points et autres terrains vagues, renvoyée aux fantasmes de « voleurs de poules» et présumée coupable des délits non identifiés ou imaginaires. La rumeur surpasse tous les moyens de communications quand elle ne les remplace pas. Conscients de notre incompétence face à ce problème, nous avons préparé une journée de formation en 1994 et invité Bertrand Bary. Nous avons ensuite interpellé les pouvoirs publics et une fois le schéma directeur des aires d'accueil élaboré et mis en place, nous avons pu demander des comptes sur son application. Il nous aura fallu revenir à la charge à plusieurs reprises, car la confusion semblait volontairement entretenue entre sédentaires, semi-sédentaires (qui avaient obtenu un campement à Roquefure) et itinérants (qui eux en étaient privés). L'évolution de la loi Besson inversant la charge des communes (passant de 80 % à 20 %), nous allions obtenir une aire d'accueil. Un résultat pas tout à fait à la hauteur de nos espérances, car si aire d'accueil il y a, elle est située à l'entrée de la station d'épuration. Le bruit du moteur de la turbine, l'odeur des effluves à la merci d'un vent contraire, un seul point d'eau, une seule prise d'électricité pour une trentaine de caravanes, avec des fils électriques qui baignent dans des flaques d'eau, et pour couronner le tout un éloignement et un état d'abandon de tout et de tous. C'est à se demander si c'est vraiment mieux que rien. Toutes ces nuisances ont provoqué des maladies de peau et de poumons, et ce sont les plus jeunes enfants qui en pâtissent. Pour conclure cet aperçu non exhaustif, force est constater que la tâche est loin d'être achevée, mais surtout que ce travail a été réalisé par des personnes d'origines différentes, d'horizons philosophiques, politiques, religieux divers, dans un esprit de tolérance, jusqu'à saisir dans ces différences, leurs similitudes. Et cela grâce au cadre que leur proposait le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples . • Hillel Feuerwerker M.RA.P. Comité Local du Pays d'Apt EXPOSITION Les Préjugés Racistes à l'E.R.E. Espace de RCltcQlltres Educatives Jardill Public - APT du Samedi 17 Décembre 1994 à pllYtir de 14H00 au Mardi 20 Décembre 1994 18H00 Ouverture de 9h30 à 1111 00 & de 14h00 li 18h00 (sm! dlffUlnÛU!) Inauguration de l'exposition le Samedi 17 à 18h30 Entrée libre ctgratuite Différences nO 229 mai 2001 3 Mouvement la caravane de La ~. citoyenneté prend des couleurs DE NOUVEAUX COMITÉS locaux rejoignent la Caravane. C'est ainsi au tour de Grenoble, Strasbourg, de la Fédération du Rhône et de Nice de finaliser leurs projets. Le maillage du territoire prend des couleurs ... Le film « Discriminations, ouvrons les yeux » : une centaine de cassettes sont déj à diffusées et une première estimation, fort partielle' indique que plus de 2000 personnes (scolaires et extra-scolaires) ont déjà vu le film. Nous ne doutons pas de pouvoir vous indiquer, dès juin, une estimation plus précise (et de plus grande ampleur) grâce au retour des fiches bilans des comités ayant commandé la cassette. Le partenariat des comités locaux avec les Codac : dans le cadre d'une rencontre avec le ministre de l'Intérieur, le Mrap a réalisé un bilan (peu flatteur pour les pouvoirs publics) du travail avec les Codac. Ce bilan s'ajoute aux rapports internes réalisés fin 2000. Le Mrap participait aussi, le vendredi 20 avril, à une «réunion de concertation et d'écoute concernant la lutte contre les discriminations et l'accès au droit» présidée par Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Par ailleurs, le CIDEM diffuse sur son site (1) une interview d'Emmanuelle Le Chevallier, présidente de la fédération de Paris, sur la participation du Mrap aux travaux de la Codac. Conformément aux conventions signées avec les ministres de l'Intérieur et de l'Emploi, nous souhaitons augmenter le partenariat avec les Commissions départementales. Afin de renforcer l'action des comités locaux, nous diffusons désormais un document bilan, présentant les difficultés mais aussi les expériences intéressantes des comités avec leurs Codac. Ce document sera remis à jour trimestriellement et diffusé aux comités engagés dans des partenariats ou à ceux qui en feront la demande. Les Chartes: une première synthèse thématique sur les chartes a été produite par la coordination de la Caravane, grâce aux différentes informations envoyées par les comités locaux. Ce document présente différentes opérations départementales et régionales et regroupe les différents textes utiles aux comités souhaitant s'engager: exemples de chartes, textes nationaux à appliquer localement par les professionnels et/ou pouvoirs publics ... Mou/oud Aounit est fait chevalier de l'Ordre national du mérite LE 3 MARS 200 1, Mouloud Aounit recevait l'Insigne de l'Ordre national du Mérite, décerné sur proposition d'Elisabeth Guigou, des mains de Charles Palant lui-même officier de la Légion d'honneur. A cette cérémonie qui se déroulait au salon d'honneur de l 'Hôtel de ville d'Aubervilliers, assistaient entre autres Albert Lévy, George Pau-Langevin, mais aussi Jacques Gaillot, les présidents d'Amnesty international et de la Ligue des droits de l'homme et plusieurs personnalités proches. Le député-maire d'Aubervilliers, Jack Ralite, a rendu hommage à la carrière professionnelle et à la famille de M. Aounit en précisant
- « Tu vois Mouloud, ton nom, ton travail,
ta famille, ton Aubervilliers, ta mission local, ton Mrap et quand je dis « ton» ce n'est pas un sentiment de propriété mais un sentiment de maîtrise et de coeur, tout cela rapproche, fédère, mêle et créé un bel en commun, « un universel qui est le local sans les murs» comme dit Torga. Charles Palant a 4 Différences n° 229 mai 2001 pour sa part présenté une biographie de M. Aounit et de son action au sein du Mrap soulignant: « On sait combien est lourde à porter la responsabilité qui est la tienne, à la tête du Mouvement pluraliste et unitaire que nous forgeons depuis plus de cinq décennies. Ces dernières années, en partie grâce à ton charisme, ton intelligence, ton dynamisme, ton empressement à te saisir des réalités à affi·onter chaque jour, le Mrap a marqué des progrès. Je salue autour de toi celles et ceux qui, venus de tous les horizons de la pensée, et j'allais dire, mais est-ce bien sérieux? des quatre coins de l'hexagone où ils mènent le bon combat pour la fraternité humaine. ». Mouloud Aounit a dédié cette décoration a tous ceux qui souffrent, ainsi qu'aux militants de la lutte contre le racisme et pour les droits del'Homme . • Formations pour les permanences d'accueil : pour accompagner les différentes permanences créées par les comités, la coordination de la Caravane et le service juridique du Mrap national ont mis en place un plan de formation qui concerne les comités de LanguedocRoussillon (21-22 avril), du Vaucluse et limitrophes (12-13 mai), du Nord-Pas-de-Calais (19-20 mai) ... D'autres formations, les 16-17 juin et 23-24 juin sur l'écoute et l'appuijuridique seront organisées. Si vous souhaitez y participer, contactez la coordination. Par ailleurs, nous renouvelons la rencontre d'échanges et de formation nationale, entre les différents responsables locaux des projets « caravane» les 19 et 20 mai prochains. Pour reprendre la formule de Différences « Le parcours de lutte contre les discriminations progresse. Les militants du Mrap s'y engagent » .• Yannick Lechevallier (1) www.cidem.org - Civisme et Démocratie regroupe de nombreuses associations dont le Mrap (cf. Différences n° 222) Liste des permanences et documents sur les discriminations sur le site Internet du Mrap : www.mrap.asso.fr En bref Annonce du CL Mrap Paris 5°/13e Deux rencontres sont prévues pour le mois de juin au cinéma La Clé. Le 14 juin à 20 h une rencontre sur La Palestine à laquelle participera Leïla Shahid, Déléguée générale de Palestine en France. Le 19 juin à 20 h une soirée co-organisée par Le Mrap et Le Temps des cerises avec Aline Pailler,journaliste et ancienne députée, à l'occasion de la sortie de son livre« Femmes en marche ». La coordination nationale des sans-papiers appelle à une manifestation le 9 juin à Paris (14 h Place de la République) pour« la solidarité et contre la division ». La Coordination dénonce « l'existence d'un travail non déclaré dont les patrons vivent et s'enrichissent: dans le bâtiment, la restauration, l'hôtellerie, la sous-traitance de la confection, du textile, le gardiennage, la sécurité [ ... ] » et demande entre autres la régularisation de tous les sans-papiers. ______ _ Congrès mondial contre la peine de mort UN CONGRÈS mondial devrait se dérouler, à l'initiative de l'association Ensemble contre la peine de mort, les 21,22 et 23 juin prochains à Strasbourg. Au moment où nous mettons ce numéro sous presse, l'ensemble des modalités ne sont pas encore définitivement arrêtées et le programme en cours de finalisation. Néanmoins, le Mrap fait partie du comité de pilotage pour la préparation de cet événement, ainsi que Amnesty international, Penal Reform International, la FIDH, l'ACAT, France Libertés, le Barreau de Paris et l'association « Action Droits de l'HommeLouis- Edmond Pettiti ». Les problématiques suivantes seront étudiées: l'histoire de l'abolition ou comment plus de la moitié des Etats ont déjà aboli; les arguments pour l'abolition (problématiques régionales et nationales, Droit et Justice, morales et religions face à la peine capitale ... ) ; comment obtenir l'abolition universelle: présence de grands défenseurs de l'abolition, le rôle des médecins face à la mise à mort des condamnés, le rôle des associations ... ; le Barreau de Paris invitera les Bâtonniers du monde entier qui travailleront sur les conditions juridiques de l'abolition universelle et proposeront d'adopter, pendant le congrès, un texte sur le rôle des avocats contre la peine de mort. Dans le cadre de discussions publiques, les ONG présenteront chacune une facette du problème. Tandis que le Mrap sera chargé d'aborder le thème « Peine de mort et discrimination aux Etats-Unis », la LDH présentera l'histoire de la peine de mort et de son abolition en France, et l'ACAT « Familles de victimes en faveur de l'abolition » ... De nombreuses autres rencontres sont prévues en particulier l'ouverture du Parlement européen le 26 juin aux présidents des parlements du monde entier. Pour toute information complémentaire, prendre contact avec Hélène Fossey au Mrap .• Rendez-vous avec quatre photographes INAUGURÉE le 26 avril, une exposition intitulée « La Palestine entre le bleu du ciel et le sable de la mémoire» est présentée au public jusqu'au 1er juillet prochain à la Maison Robert Doisneau à Gentilly (1). Construite autour de quatre photographes - Joss Dray (française), Miki Kratsman (israélien), Fayez Nureldine (palestinien) et John Tordai (anglais) - elle propose une vision de l'avenir avec laquelle le visiteur puisse se sentir solidaire tout en faisant l'état des lieux de la Palestine actuelle (le morcellement de son territoire, la dispersion de son peuple, la révolte désespérée de sa jeunesse et l'escalade de la répression). Commissaires de l'exposition, qui devrait entamer après Gennevilliers un long circuit itinérant, Joss Dray et Annie-Laure Wanaverbecq ont mis en exergue ces paroles fraternelles du poète Mahmoud Darwish : « Car en fin de compte, nous sommes tous des exilés. Moi et l'Occupant, nous souffrons tous les deux de l'exil. Il est exilé en moi et je suis victime de son exil. Nous tous sur cette belle planète, nous sommes tous voisins, tous exilés, la même destinée humaine nous attend, et ce qui nous unit c'est de raconter l'histoire de cet exil. » Fabien Cohen, maire adjoint à la Culture, résume l'engagement de sa municipalité aux côtés de la campagne de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine: « Du plan de partage des Nations unies en 1948 aux accords de paix de ces dernières années, l'histoire nous montre que seule la pression internationale associée aux Mouvements de la paix en Palestine et en Israël peuvent contribuer, par leur engagement, à créer une chaîne de solidarité imposant aux extrémistes de tout bord, aux bellicistes et autres marchands, le chemin qui mettra fin au drame que vit le peuple palestinien. C'est cet appel que nous avons voulu lancer avec cette exposition à la Maison Robert Doisneau, maison de la photographie humaniste, en hommage à celui qui fut jusqu'à ces derniers jours « l'enfant de la ville ». Un événement qui nous éloigne, de ce côté-ci de notre « belle planète », des manipulations identitaires et des di,scours démagogiques. Chérifa B. (1) 1 rue de la Division du général Leclerc 94250 Gentilly T : 0147408833 Fax: 0141 242719 Deux peuples, deux Etats Depuis son élection, Ariel Sharon a fait savoir qu'il ne renonçait à aucune colonie israélienne des territoires occupés depuis 1967, ni à Jérusalem dans son ensemble, ni à céder à un éventuel Etat palestinien plus de la moitié de la Cisjordanie. Le résultat de sa politique ne s'est pas fait attendre. Il a fait de l'intifada des pierres une intifada des armes: une guerre. Sa logique d'apartheid, qui confine les Palestiniens dans une enclave territoriale, l'étranglement militaire, le blocus économique, son intransigeance quant au démantèlement des colonies, son mépris à l'égard du droit international, et les résolutions de l'ONU, font encourir un risque énorme de voir tous les espoirs de paix engloutis dans une fureur destructrice. Cette politique est un désastre pour les deux peuples. Terrible aveuglement que de ne pas voir que l'avenir de la sécurité d'Israël est indissociable des droits du peuple palestinien à une terre, un Etat, à la réciprocité du respect des droits nationaux et démocratiques. Il est vrai qu'autour de nous et même dans le Mrap, le découragement guette. Il est vrai aussi que les partisans de la paix en Israël semblent paralysés. Aussi faut-il arrêter ce processus dément, et éviter les retombées vénéneuses, telles que les dérives racistes dans notre pays. Par ailleurs, défendre le mot d'ordre « deux peuples, deux Etats », pour se projeter d'un bond dans un avenir de paix, de fraternité, de justice, relève de la fidélité du Mrap à ses missions. Il est urgent de sortir de l'engrenage. Il faut refuser de se laisser tirer par l'histoire vers l'arrière, vers la répétition, pour au contraire comprendre que l'histoire est un mouvement vers l'avant, vers le nouveau. Ce nouveau ce sont deux peuples, deux Etats, vivant dans l'association, puis l'amitié librement et patiemment construite. L'Europe a devant elle désormais une responsabilité immense; elle a les moyens politiques, économiques, diplomatiques et juridiques pour imposer la paix. Et le Mrap pèsera pour que la France joue son rôle. Les militants du M rap doivent et peuvent inventer les moyens de faire pression dans ce senslà. Toute initiative prise localement en faveur de ce défi est une pierre précieuse pour édifier la paix tant attendue. Mouloud Aounit Différences nO 229 mai 2001 5 DOSSIER Comment les « premiers Am~ricains » sont devenus les « derniers Etasuniens » La communauté indienne des Etats-Unis ne fait pas beaucoup de bruit : « les premiers Américains », comme on les appelle aux Etats-Unis, sont, dans bien des domaines, les « derniers Américains ». Après avoir reçu de plein fouet la « civilisation et le progrès» occidentaux, les Indiens sont aujourd'hui les plus pauvres, les plus méprisés de toutes les minorités du pays: plus vraiment indienne, pas vraiment étasunienne, la communauté indienne va mal. Marine Nibodeau, qui signe l'article d'ouverture de ce dossier (réalisé avec la collaboration du Comité de soutien aux Indiens d'Amérique), parie qu'ils n'ont pas dit leur dernier mot. Suivons le guide. EN 1990, le Bureau du Recensement américain comptabilisait 1 937391 Indiens, répartis en 556 tribus, plus les 130 autres qui tentent de se faire reconnaître par le gouvernement fédéral (1). Ces tribus vivent sur des réserves dont le nombre estimé varie entre 270 et 320. On comprend donc combien il est difficile de parler de la communauté indienne dans sa globalité; par exemple, les tribus du Nord-Est, comme les Pequot, n'ont rien à voir avec les Navajo du Sud-Ouest. L'âge moyen de la population indienne est de 27 ans contre 33 pour le reste de la population américaine. Les soins médicaux sont gratuits sur les réserves mais les hôpitaux du Service indien de la santé (IHS) sont petits, disposent de moins de 45 lits en général, n'ont pas de maternité ni de service d'urgence; c'est de fait la minorité ethnique à la santé la plus dégradée. Le plus connu de tous les problèmes dont souffrent les Indiens est bien sûr l'alcoolisme: l'alcool provoque des cirrhoses et d'autres maladies du foi ; de plus, Un peu de vocabulaire le taux de mortalité par homicide ou accident dû à l'alcool est le double de la moyenne nationale. L'exemple de Pine Ridge (2) est le plus frappant: le taux de mortalité lié à l' alcoolisme est 9 fois plus élevé que la moyenne nationale. La population est très touchée par le diabète et les maladies cardiovasculaires : les Indiens détiennent le taux mondial de diabétiques; chez les Prima d'Arizona, la moitié des adultes en sont atteints. L'espérance de vie oscille entre 45 et 50 ans, contre plus de 75 ans pour le reste de la population américaine. Le suicide frappe très durement les 15/ 35 ans: 2,5 fois plus que les autres jeunes Américains; c'est ce que Joëlle Rotskowski (3) appelle« la maladie indienne» : le désordre psychique et l'affaiblissement physique résultent de l'inadéquation entre l'être humain et son environnement. Autre coup dur qui montre le désespoir et le mal de vivre de la majorité des Indiens: la consommation de drogues. Chaque année le nombre de consommateurs ne cesse d'aug- Indien: Pour le Bureau de recensement est indien quiconque affirme l'être, ensuite c'est au conseil tribal de décider si la personne remplit les conditions nécessaires pour être acceptée au sein d'une communauté (parenté, ascendance, etc). Tribu: Ethnie dont les relations de parenté unissent les membres en un ensemble socioculturel. Nation: L'accent porte sur l'organisation politique et économique par rapport à un autre ensemble. Réserves: Ce sont les ({ territoires réservés à l'usage des Indiens », créés lorsque les Blancs prirent conscience de la richesse des terres de l'Ouest vers lesquels les Indiens étaient déportés. Sous la supervision du BIA (Bureau des Affaires indiennes), ces terres appartiennent à la fois à la tribu et au gouvernement et aucune des parties ne peut théoriquement en disposer sans l'accord de l'autre. Deux tiers des Indiens ne vivent pas dans les réserves. Une tribu peut s'étendre sur plusieurs réserves (c'est le cas des Sioux qui vivent sur les réserves de Pine Ridge, Rosebud et même au Canada). Toutes les tribus ne possèdent pas une réserve. Des Blancs vivent aussi sur les réserves et deux tribus peuvent se partager une réserve. Souveraineté: Jusqu'en 1871, les traités étaient signés« de gouvernement à gouvernement )) et dépendaient des Affaires extérieures. En 1827, l'arrêt Worcester fit des tribus des « nations domestiques et dépendantes » du gouvernement américain. 6 Différences nO 229 mai 2001 menter et le nombre de décès dû à la consommation de drogues est 18 fois plus élevé parmi la communauté indienne. Si la santé de la minorité indienne n'est guère meilleure que dans les pays du Tiers-Monde, les données économiques ne le démentent pas. Les indiens forment la communauté la plus pauvre des Etats-Unis. Le revenu moyen d'un Indien est de 26 769 dollars et celui d'un Blanc de 42 349 dollars. Le seuil de pauvreté est atteint par 31 % des indiens (67% sur Pine Ridge) contre 10 % de la population américaine. Dans les années 90, 46 % des logements n'avaient pas d'électricité et 54 % d'eau courante. La situation ne risque malheureusement pas de s'améliorer, car depuis 1996, le Welfare Reform Act a réduit les programmes d'aide sociale du gouvernement fé déral qui a, en plus, chargé les Etats de l'Union de les gérer, ce qui a engendré bien souvent une baisse des aides sociales. Rien n'est fait pour que les jeunes Indiens accèdent à la même qualité d'enseignement que ceux appartenant aux autres communautés. Du fait de l' insalubrité des établissements, seulement 8 % des jeunes étudient dans les écoles des réserves fournies et fi nancées par le BIA; cela est dû à l'insalubrité des établissements: il faudrait environ 200 ans pour mettre aux normes les 187 écoles du BIA; 87 % des jeunes Indiens suivent donc leur scolarité dans des écoles locales, mêlés aux autres jeunes; mais, ces expériences sont souvent un échec: 0,5 % des licences sont attribuées à des Indiens qui en général laissent tomber l'école, le choc culturel semble trop épuisant et perturbant. Pour vaincre la pauvreté des réserves, de nombreux conseils tribaux sont tentés de louer les terres de la réserve à des entreprises minières ou charbonnières. Si cela a le mérite de fournir des liquidités aux réserves, il n'en demeure pas moins que rares sont les emplois attribués aux Indiens. Souvent ces entreprises ne respectent pas les normes environnementales et les transforment tout bonnement en décharges privées ou en sites de stockage de déchets toxiques. Pour les spécialistes, le paupérisme indien est avant tout une création de toute pièce des administrations américaines pour éviter le développement de modèles socio-économiques subversifs. Venons-en à l'annihilation de l'indianité. Quand les colons arrivèrent au début du 17e siècle aux Etats-Unis, ils trouvèrent un peuple bienveillant, vivant sur des terres fertiles et entretenant des relations dans l'ensemble pacifiques. Ne sachant survivre sur les terres du «Nouveau Monde », les colons durent compter sur l'aide des Indiens, de nature généreuse et accueillante. Les colons furent certes touchés par cet accueil et ne manquèrent pas de faire remarquer la délicatesse de certains traits de caractères indiens. Néanmoins, les colons ne cessèrent de croire que les Indiens les adoraient comme des Dieux et que leur destin était d'être dominés par les Blancs, ce qu'ils firent: 90 % de la population environ succomba aux massacres, famines et épidémies déclenchés par les Européens qui n'en avaient assez d' or, de terres et de fourrures . Mais l'expérience vécue par les Indiens depuis la fin du 1ge siècle est probablement la plus pénible, peut-être davantage que la période coloniale et la conquête, ce qui n'est pas peu dire ! Elle se caractérise par deux 1 orientations successives: d'une part la con- 1 tinuation de la destruction de l'identité indienne, d'autre part, le désengagement de j l'Etat américain vis-à-vis de ses obligations. Vers les années 1880, l'Indien est considéré presque comme un mineur: le gouvernement est son tuteur, le prend en charge et le protège. Le but de cette manoeuvre est d'en finir avec les réserves. Ainsi, la loi Dawes prescrivant de donner à chaque Indien un lopin de 64 ha de terre, il s'agissait de mettre un terme à la possession collective des terres et inculquer aux Indiens les valeurs européennes individualistes de la possession de la terre. Les conséquences de cette loi furent catastrophiques
- les 2/3 des terres indiennes disparurent
entte 1887 et 1931, les Blancs s'en acca- La résistance des Amérindiens Famille sioux, réserve de Pine Ridge (Dakota) parèrent pour la construction de barrages et de chemins de fer. L'assimilation se fit également par le biais de l'éducation: de nombreux petits Indiens furent enlevés de leur communauté pour être placés dans des pensionnats; le but officiel de ces placements était de leur donner un enseignement leur permettant de trouver plus tard un emploi, de ménagère pour les filles et d'artisans pour les garçons! Mais le but inavoué était de couper les enfants de leurs racines indiennes; on leur apprenait à détester leur identité, à renier leur communauté, on les battait et les humiliait quand ils s'exprimaient dans une langue autre que l'anglais. Pratique régulière jusque dans les années 40, elle persista néanmoins jusque dans les années 70, dans une variante consistant à les placer dans des familles blanches desquelles ils devaient apprendre à vivre de façon« civilisée» (4). Encore plus radical, dans l'espoir de réduire au maximum le nombre d'Indiens sur le territoire américain, le gouvernement fédéral eut également recours à la stérilisation des femmes indiennes sans leur consentement: en 1976, le General Accounting Office a rapporté que dans un tiers des hôpitaux régionaux de l'IHS, 3 406 stérilisations avaient été pratiquées entre 1973 et 1976. Le gouvernement eut l'idée, en 1924, de les naturaliser américains (le nombre d'indiens devenus officiellement américains entre 1890 et 1910 est passé de 24% à 75%). Au même moment, de nombreux Indiens quittèrent leur réserve pour se réfugier en ville : la population urbaine passa de 4 % en 1910 à 12 % en 1930 à44,5 % en 1970. Aujourd'hui le nombre d'Indiens vivant en ville tourne autour de 70 % mais c'est une donnée difficile à vérifier car les aller-retour entre la réserve et la ville d'adoption sont fréquents et difficilement estimables. Mais le fait est que, dans les années 50, fut mis en place un programme d'assistance à l'emploi dont l'objectif était de pousser les Indiens à abandonner les réserves. Ce programme (appelé « relocation pro gram ») consistait à verser des indernnités à ceux qui quittaient leur réserve pour la ville. Mal logés, engagés à bas salaire et inaccoutumés au monde du travail tel qu'il se passe dans les villes, ils reviennent en effet souvent sur leur réserve d'origine. Après avoir tout mis en oeuvre pour subjuguer les Indiens (et y avoir réussi), le gouvernement estima vite que la communauté indienne, une fois dépossédée de ses terres, n'allait plus servir à grand chose; pire encore, elle lui revenait trop cher. Il lui fallait donc trouver un moyen légal pour garder les terres mais limiter les dépenses. Ce désengagement de la part du gouvernement américain se manifesta dès 1908 : la Cour Suprême des EtatsUnis permit en effet au Congrès d'abroger unilatéralement les traités quand il en allait de l'intérêt général de la nation américaine. Plus tard, dans les années 50, deux lois s'y ajoutèrent; en 1953 , la Termination Policy (<< Resolution 1 08 ») supprimait la spécificité du statut territorial des tribus jusque-là garantie par les traités: les territoires indiens perdaient leur statut spécifique, leurs gouvernements étaient abolis et les réserves devenaient une simple fraction de l'Etat fédéré, le gouvernement américain se trouvant ainsi libéré de la charge que représentaient les programmes d'aide sociale. Cette résolution s' appliqua à 61 tribus et prit fin en 1958. La seconde loi, la Public Law 280, donnait à cinq Etats de l'Union le pouvoir d'appliquer unilatéralement leur pouvoir de juridiction aux réserves indiennes, en matière fiscale et pénale alors que, en général, les réserves sont dotés de tribunaux« indiens », dont les décisions tiennent compte, dans leurs jugements, de la spécificité indienne, ce que ne font pas les tribunaux d'Etat. Elle est toujours en vigueur aujourd'hui. Aujourd'hui, la résistance indienne renaît; la cause de Leonard Peltier est de plus en plus médiatisée, les Indiens s'organisent au nord comme au sud du continent américain pour faire entendre leur voix dans les instances internationales telles que l'ONU .• Marine Nibodeau (1) Pour bénéficier des programme d'aide sociale il faut être reconnu officiellement et remplir certaines conditions (2) Pine Ridge est une réserve Lakota en Dakota du Nord connue pour son extrême pauvreté (3) Fonctionnaire internationale, auteure de nombreux ouvrages dont« Le Renouveau indien », l'Harmattan, 1986 (4) Exemple parfait de ce phénomène dans « Indian Killer» de Sherman Alexie (auteur indien appartenant aux tribus Spokane et Coeur d' Alène), il a également publié« Indian Blues» Différences nO 229 mai 2001 7 DOSSIE Entretien avec Sylvain DuezAlesandrini, membre du CSIA Le Comité de soutien aux Indiens d'Amérique, créé en 1978, a pour but de diffuser l'information sur les réalités de l'Amérique indienne (Amérique du Nord, centrale et du Sud>' s. Duez-Alesandrini, l'un de ses responsables, et co-coordinateur international du comité de défense de Leonard Peltier (LPDC), répond à nos questions. Différences: Dans quelles circonstances l'American Indian Movement est-il né ? Sylvain Duez-Alesandrini : Les communautés amérindiennes ont toujours résisté à l' oppression et à la colonisation de leurs terres par les Etats-Unis. Ils n'ont été reconnus comme citoyens américains qu'en 1924. Le mythe réducteur véhiculé à leur encontre par Hollywood leur a fait beaucoup de mal ainsi que le mythe qui a suivi, celui de leur disparition. Ils ont été les marginalisés et les oubliés· du« rêve américain ». S'inspirant des modèles revendicatifs tels que le mouvement des droits civiques des Africains-américains, des Young Lords pour les Portoricains, ou des Brown Berets pour les Chicanos, les Indiens se sont organisés à partir de la fin des années soixante-dix et ont créé l' American indian movement (AIM). L'objectif de cette organisation était de lutter contre le racisme et de revendiquer une spécificité identitaire, en s'appuyant notamment sur les 371 traités passés entre les Etats-Unis et les nations indiennes mais qui n'ont jamais été respectés. En 1972, l' AIM a organisé une « piste des traités violés» qui est partie de la côte Ouest pour arriver à Washington où ils ont occupé le bureau des Affaires indiennes. Par cette action, le Mouvement indien a réussi à projeter les oubliés de toujours devant les médias américains pour affirmer leur existence. Il s'en est suivi une répression très dure de la part du FBI, la police fédérale, qui a utilisé les mêmes méthodes que celles pratiquées contre les Black Panthers ou d'autres mouvements revendicatifs : il fallait détruire l' AIM. Quels ont été les moments forts de l'action del'AIM ? L'AIM a été fondé par des jeunes Indiens ayant vécu en ville qui voulaient réapprendre leur histoire et retrouver leur fierté d'Indiens. C'est dans cette optique que dans le Dakota du Sud, sur la réserve de Pine Ridge, les anciens ont fait appel à l' AIM pour que ses militants viennent se ressourcer dans les traditions et valeurs indiennes mais aussi pour élaborer une façon d'agir ensemble. De plus, les réserves étant gérées par des conseils tribaux le plus souvent soumis aux Blancs, qui s'accaparaient du pouvoir et des subsides accordés par le gouvernement fé- 8 Différences n° 229 mai 2001 déral, la présence de l'AIM permettait de soutenir les revendications des membres de la communauté. Un des moments forts de cette période a été l'occupation par trois cents Dakota-Sioux d'un petit village du nom de Wounded Knee en 1973. Cette occupation avait un caractère symbolique très fort puisque c'est là qu'a eu lieu le dernier massacre des guerres indien nes au 19c siècle: en 1890, plus de 350 hommes, femmes et enfants ont été massacrés. Il existe toujours une tombe commune. Le gouvernement américain et le FBI ne pouvaient pas tolérer une telle contestation de l'ordre et ils déclenchèrent un conflit armé qui a duré soixante-douze jours. Les militants indiens ont été encerclés par le FBI, les Marshall, les Blancs racistes, il y avait des tanks, des avions, des conseillers militaires .. . Plus de deux cent mille balles ont été tirées .. . Les Indiens demandaient la restitution de leurs terres et une réelle souveraineté, c'està- dire la destitution du conseil tribal d'alors et son remplacement par une instance reconnue par les membres de la communauté ... Deux militants de l' AIM ont trouvé la mort. En échange de la reddition des militants, la Maison blanche a promis qu'une enquête sur les circonstances de ces morts serait diligentée et qu'une réforme de l'administration américaine aurait lieu dans le sens d'une meilleure prise en compte des droits des peuples autochtones. La promesse ne fut pas tenue. Plus de trois cents personnes ont été arrêtées, le FBI a cherché à cibler les leaders afin de les mettre hors d'état de nuire. Une période de terreur s'est alors installée sur cette réserve. Rappelez-nous dans quelles circonstances Leonard Peltier a été arrêté, jugé et condamné. Le FBI a utilisé les mêmes méthodes que celles qui étaient pratiquées au Salvador et au Guatemala. Mettant en oeuvre le concept de « guerre de basse intensité », ils ont recruté des Indiens inféodés au conseil tribal corrompu, qu'ils ont équipés pour former des escadrons de la mort, ils leur fournissaient Leonard Peltier est emprisonné depuis 26 ans. Devenu le symbole de la résistance, il est considéré comme le Nelson Mandela des Amérindiens. des munitions, des informations, etc. Cela a constitué une milice appelée les « go ons » (que l'on peut traduire par gorilles ou gros bras) qui a installé un climat de terreur dans la réserve de Pine Ridge. Entre 1973 et 1976, plus de 64 militants ou proches de l' AIM ont trouvé la mort, assassinés par les go ons, par la police tribale ou par le FBI. Ces événements ont entraîné le tragique incident à Oglala, un village au centre de la réserve. Dans ce contexte de meurtres sans enquête, de patrouilles du FBI et de répression menée par les go ons, les anciens ont demandé à l'AIM de venir installer un camp pour protéger les membres de la communauté. Leonard Peltier et d'autres militants du groupe Nord-Ouest de l' AIM ont accepté de tenir ce rôle. Ce camp a été attaqué le 26 juin 1975 par le FBI, deux agents du FBI et un jeune Indien du nom de Joseph Killsright Stuntz ont trouvé la mort dans l'échange de coups de feu. Quatre mandats d'arrêt ont été lancés, contre Leonard Peltier, Dino Butler, Bob Robideau et un jeune Dakota qui s'appelle Jimmy Eagle. Les trois pre- ~ miers ont été ciblés parce que c'étaient les seuls militants adultes, le camp de l' AIM étant composé essentiellement de femmes et d'enfants ... Ils ont arrêté Dino Butler et Bob Robideau qui, à la surprise du FBI, ont été acquittés, leurs avocats ayant réussi à montrer le climat de terreur et l'implication du FBI dans les malversations à l'encontre de l' AIM. Le jury a admis que les deux co-défendants avaient réagi en légitime défense. Le FBI a donc décidé de mettre toute la pression sur Leonard Peltier. Il a été arrêté au Canada et extradé vers les Etats-Unis. Le juge qui avait instruit la première affaire a été dessaisi du cas Peltier, et son dossier transféré à un juge du N ord-Dakota, le juge Benson, connu pour ses positions racistes anti-indiennes. Ensuite arrive un procès truqué, le juge refusant d'entendre des témoignages, rendant la défense impossible. Leonard est condamné à deux peines de prison à vie. Mais en 1981 , grâce à une nouvelle loi sur la liberté d'information, les avocats de Leonard Peltier obtiennent l'accès à 12000 pages, sur les 18000 consacrées à cette affaire, jusque-là classées « secret défense ». Là, toutes les preuves de l'innocence de Leonard Peltier sont démontrées, notamment le rapport balistique du FBI qui stipule que l'arme attribuée à Leonard Peltiern' est pas l'arme du crime. Malgré cela, tous les appels ont été rejetés, alors que Leonard Peltier en est à sa 26e année d'incarcération
- pourtant, depuis 1986, le gouvernement
américain, par la voix de son procureur et d'autres agents gouvernementaux, a reconnu devant les cours de justice l'impossibilité de prouver la culpabilité de Leonard Peltier devenu le symbole de la résistance, le Nelson Mandela des Amérindiens. Le mouvement de soutien à Leonard Peltier a reçu l'appui de nombreuses personnalités aux Etats-Unis et à travers le monde. Qu'en est-il ? L'un des juges de la cour d'appel, le juge Heany, a appuyé et appuie toujours la libération de Leonard Peltier. Il a soutenu la campagne qui demandait la grâce présidentielle; lui et d'autres, Mary Robinson, la Haut commissaire aux droits de l'Homme aux Nations unies, Nelson Mandela, Desmond Tutu, Rigoberta Menchu, Amnesty international, ont fait pression sur la Maison blanche pour que Leonard Peltier soit gracié mais -+ La résistance des Amérindiens Autoportrait de Bobby Castillo Porte-parole international de Leonard Peltier Bobby Castillo (à l'extrême gauche) et d'autres dirigeants de l 'American national JE SUIS un apache chicano,j'ai vécu toute infernal qui les entraîne vers les prisons. Je « ma vie en Californie. J'ai compris dès l' en- lutte principalement pour les jeunes indiens fance que l'on ne voulait pas de moi aux Etats- et chicanos, mais je me bats également pour Unis vu la couleur de ma peau. Les Indiens les jeunes noirs et portoricains pour que cesse de ma génération ont eu 1 'horrible choix entre cette folie. Le racisme de la société américaine aller en prison, tomber dans la drogue ou est plus sophistiqué et plus pernicieux qu'il mourir au Vietnam. Pendant les quatorze an- ne l'était hier. Nous essayons de nous organées que j'ai passées en prison, je me suis niser au niveau international mais, malheurendu compte que je n'étais qu'un produit de reusement, les Etats-Unis n'en tiennent pas la société. J'ai été arrêté pour des petits délits compte. Les propriétaires terriens californiens puis j'ai braqué une banque pour survivre. A sont parmi les plus conservateurs, et parmi partir de là,j'ai fait l'expérience du racisme de eux ceux qui organisent la récolte du vin pour l'institution pénitentiaire. Les gardiens, la production vinicole. Ils font travailler des blancs, se croient investis de maintenir les autochtones ou des migrants mexicains et ne prisonniers dans un état de servitude. Mais respectent aucun de leurs droits. Après en ce qui était encore plus dur pour nous, c' était avoir discuté avec des associations le racisme entre les diverses communautés californiennes et aux Nations unies,j'ai donc au sein même des prisons. Ces conflits étaient commencé à travailler avec des syndicats orchestrées pari' administration carcérale,je suisses pour lancer un boycott des vins me suis constamment affairé à éviter qu'ils californiens qui rapportent vingt millions de n'explosent en tentant de résoudre les pro- dollars de profit chaque année. Il s' agit de blèmes. Aujourd'hui, sur les deux millions de faire respecter les droits des populations personnes incarcérées aux Etats-Unis, la ma- autochtones. jorité sont chicanos, indiens ou noirs. J'ai Je veux dédier symboliquement ce boycott à décidé de consacrer ma vie à la lutte contre Leonard Peltier et aux droits des populations les horreurs, les brutalités dont j 'ai été té- autochtones. Je sais que c'est très dur d'ormoin et victime. Il y a plus de cent prison- ganiser un boycott contre les Etats-Unis mais ni ers politiques aux Etats-Unis : c'est à eux il faut que cela ait des retombées positives que je dédie ma vie. Mumia Abu-Jamal et sur les travailleurs autochtones en Califor- Leonard Peltier sont à la fois victimes et sym- nie. » boles de cette répression et de l'injustice de Entretien réalisé par C. Benabdessadok la Justice américaine. Ma lutte consiste aussi (avec M. Nibodeau), à essayer de sortir les jeunes du processus traduction S. Duez-Alessandrini M. Castillo est également membre de l'ONG Consejo indio de Sud America Différences n° 229 mai 2001 9 DOSSIER -+ Clinton n'a pas eu le courage de prendre cette décision, surtout à cause de la pression du FBI qui a lancé toutes ses forces pour s' opposer à cette grâce. Il fàut souligner que cinq cents agents du FBI ont manifesté devant la Maison blanche pour s'opposer à la grâce, c'est un fait sans précédent aux Etats-Unis. Le Comité de défense de Leonard Peltier essaie d'obtenir maintenant les 6 000 pages toujours classées « secret défense », c'est une de nos bases de lutte juridique pour obtenir de nouvelle preuves qui pourraient amener soit un nouveau procès soit un acquittement. Cela s'est vu pour Geronimo Ji-Jagga Pratt, un ancien des Black Panthers qui a passé 27 ans en prison et qui a été libéré après que les preuves de son innocence et les malversations du FBI ont été prouvées. Parallèlement, nous travaillons avec le Congrès américain, car nombre de ses membres reconnaissent qu'il y a eu une injustice, soutiennent Leonard Peltier, demandent une enquête du Congrès et une déclassification des archives du FBI sur cette affaire. Les revendications des Indiens d'Amérique du Nord rejoignent-eUes celles d'autres peuples autochtones? Oui, bien sûr, de nombreuses communautés et peuples autochtones revendiquent la pérennisation de leurs cultures traditionnelles. Ils vivaient dans un espace défini, ils avaient des valeurs universelles, ils ont des religions et des traditions qu'ils ne veulent pas voir noyer dans une société Coca-Cola. Leur conception de la vie, leur identité sont très directement liées à la terre et à l'environnement. Ainsi, à l'heure actuelle, en Arizona, des hommes et des femmes apaches de la réserve de San Carlos se battent pour conserver une montagne, le Mont Graham, un lieu sacré. Or, on projette d'y construire un complexe astrophysique financé par l'université d'Arizona, l'Institut Max Planck d'Allemagne et Le Vatican. Les Navajo ne sont pas d'accord, imaginez qu'en France on s'avisait de détruire une cathédrale! Ailleurs, toujours en Arizona, il y a une politique de déplacement forcé des Navajo pour agrandir une mine de charbon à ciel ouvert, les Navajos font valoir qu'ils ont jours vécu sur cette terre, que leurs ancêtres y sont enterrés ... Cela est valable pour de nombreux peuples autochtones au niveau mondial... A ce propos, le rapporteur spécial des Nations unies sur les intolérances religieuses s'est rendu sur les lieux et il a reconnu que le déplacement forcé des personnes pour des intérêts miniers violait leurs droits identitaires et religieux. L'AIM existe-t-il toujours ou bien a-t-il disparu ? Comme d'autres mouvements, l' AIM a subi les contrecoups de la politique de contre-es- 10 Différences nO 229 mai 2001 pionnage interne du FBI (le COINTELPRO) et a été déstructuré. Mais cette organisation a apporté de nombreux changements dans les communautés. De nombreux responsables de conseils tribaux sont issus de l'AIM, ce qui change la donne. Tous les programmes que l' AIM a lancés dans les années soixante dix, même s'ils n'en portent pas le sigle, continuent à exister: contre les violences familiales, contre l'alcoolisme et la drogue, etc. Le mouvement existe toujours en tant qu'organisation de référence. Se voulantpan- indianiste (Etats-Unis, Canada, Amérique du Sud, Amérique centrale), l' AIM a créé un bras diplomatique, l'International Indian Treaty Council (Conseil international des traités indiens) qui a été une des premières organisations à fédérer les associations indiennes au niveau international. En 1977, a eu lieu aux Nations unies, à Genève, la première rencontre entre des organisations indiennes, des ONG et des représentants des Nations unies sur la discrimination raciale dans toute l'Amérique. Cette rencontre s'est concrétisée en 1984 par la création d'un groupe de travail sur les populations autochtones
- aborigènes d'Australie, de Sibérie, les
Lapons, les autochtones d'Afrique, etc, se rencontrent chaque année aux Nations unies pour discuter de leurs droits; la prochaine session aura lieu en juillet prochain. Quels sont les objectifs communs? Nous sommes actuellement à plus de la moitié de la décennie internationale des peuples autochtones (1995/2004). Un projet de déclaration sur 'Ies droits des peuples autochtones est en élaboration au niveau de la commission des droits de l'Homme de l'ONU. Ce travail devrait être terminé à la fin de la décennie, mais actuellement seuls quatre articles sur les 47 adoptés par les représentants des peuples autochtones ont été acceptés par les Etats. De nombreux pays, dont la France, s'opposent à tout ce qui fait référence aux droits collectifs. La France fait valoir sa constitution ... Pour les peuples autochtones, l' essentiel est de disposer à terme d'un outil international pour la reconnaissance de leurs droits. Il existe déjà une convention (numéro 169) de l'Organisation internationale du travail qui reconnaît leurs spécificités, mais il n'existe pas encore de document universel. Le combat pour cette déclaration est donc très important. • Propos recueillis par Chérif a Benabdessadok Bientôt au théâtre, poèmes et chants indiens dlAmétrique du Nord Le Théâtre Artistic Athévains présente « Partition rouge» du 12 au 23 juin prochains. Un spectacle réalisé par Claude Guedj (acteur), Hervé Bourde (musicien) et François Cabanat (plasticien), costumes de Dominique Bourde, qui met en scène poèmes et chants d'indien d'Amérique du Nord, traduits par Françoise Delay et Jacques Roubaud. Dire et écouter ces poèmes c'est ressentir à notre tour la magie de la métamorphose, accrue par l'effet de répétition des mots, phrases et vers. En somme, un voyage avec et vers nos frères et soeurs d'Amérique qui pourraient avoir tant à nous apprendre, pour vivre non pas dans le passé, mais dans la jubilation de l'harmonie et de la richesse universelle. Théâtre Artistic Athévains 45 bis rue Richard Lenoir 75011 Paris T: 01 43 56 38 32 Crédit photos de la page de couverture, de haut en pas, de gauche à droite: l/enfant sioux Dakota, © Michel Dubois/CSIA - 2/Russel Means, leader de l'AIM dans les années 70, Michel Dubois © CSIA - 3/enfant Lakota Pine Ridge © Pascal Mariller/CSIAS - 4/Bobby Castillo © CSIA Leur lutte appelle 1 notre ~ solidarité Î LES INDIENS d'Amérique sont toujours là. C'est une évidence, cinq siècles après l'arrivée de Christophe Colomb, ces hommes et ces femmes que les «habitants du nouveau monde» croyaient disparus à jamais, existent bien et se battent toujours pour ne pas« mourir» une seconde fois, affirmant qu'ils sont fiers d'être ce qu'ils sont. Car le génocide systématique, la privation des droits les plus élémentaires et l'ethnocide au quotidien n'ont pas épuisé la résistance des femmes et des hommes qui refusent obstinément la perte de leurs valeurs traditionnelles et l'assimilation par une culture étrangère et destructrice. Minorités parmi les minorités (l), même s'ils sont parfois majoritaires dans leur pays, mis à l'écart par les différentes administrations, oubliés des statistiques officielles, le plus souvent victimes d'injustices sociales, les Indiens peuvent néanmoins compter sur un réseau international de solidarité. En France, le CSIA (Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques), fort de plus de trois cents adhérents, travaille sans relâche depuis plus de vingt ans. Le CSIA est issu d'un vaste mouvement lancé en 1977 qui, rompant avec plusieurs générations de deuil et de silence, a vu plus de cent nations amérindiennes se rendre au siège de l'ONU à Genève et imposer la reconnaissance de leur existence en tant que peuples souverains. CSIA-Nitassinan 21 ter rue Voltaire 75011 Paris T 01 43 73 05 80 E-mail: csia@libertysurf.fr Site internet en construction La résistance des Amérindiens •••••••••••••••••••••••••••••••••••••• Nitassinan n012 - janvier-Février-mars 2001 Comité de Solidarité avec les Indiens des Amériques BP 372, 75526 Paris cedex 11, France· tél. 01 437305 80 ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• Lors de cette rencontre, il a été décrété à l'ONU que le 12 octobre serait la Journée internationale de solidarité avec les nations amérindiennes. Créé en 1978, à la demande de représentants indiens réunis à Genève, le CSIA s'efforce de mieux faire connaître les différents peuples autochtones des Atnériques (Nord, Centrale, et Sud) et de les soutenir dans leurs luttes pour la reconnaissance de leurs droits et l'amélioration de leurs conditions de vie. Ces cinq siècles de résistance n'ont pas permis de protéger la terre, dévastée par l'industrie minière effrénée, la déforestation massive ou les projets de barrage de grande envergure. L'anéantissement des territoires traditionnels menace irrémédiablement la survie des cultures indigènes. Egalement, les effets de la mondialisation n'épargnent pas les peuples autochtones et souvent ce sont eux qui sont touchés les premiers. Les actions du CSIA s'inscrivent dans ces urgences et s'efforcent de retransmettre leur parole. Nos actions portent à la fois sur l'information (grâce à des publications comme la Lettre de Nitassinan, notre bulletin trimestriel envoyé aux adhérents), des contributions à d'autres publications, ainsi que l' organisation de débats et de conférences avec des représentants amérindiens. Elles portent également sur l'aspect politique des revendications autochtones (violation des droits de l'homme, droits territoriaux, droits sociaux, droits religieux), sur l'aspect social (grande pauvreté, déstructuration familiale, violence conjugale, criminalité) et sur l'aspect environnemental (destruction des territoires traditionnels et des sites sacrés, déni des droits de pêche, droits de chasse, etc .... ). Dans la mesure de ses moyens, le CSIA apporte son soutien aux projets qui tentent de remédier à ces situations et d'appuyer les évolutions positives dans les communautés. Le CSIA relaie également largement les appels à l'aide, les souffrances, les situations d'injustice et de racisme vécues par les prisonniers amérindiens notamment aux Etats-Unis. L'affaire bien connue aujourd'hui de Leonard Peltier, Indien AnishinabelLakota, un des leaders de l' American Indian Movement (AIM) emprisonné depuis 25 ans pour un crime qu'il n'a pas commis est un des combats phare du CSIA/LPSG-France (Groupe de Soutien à Leonard Peltier- France). Il faut lire à ce sujet l'excellent ouvrage de Leonard Peltier, où il décrit ses années de souffrance. Les peuples autochtones ne demandent rien de plus que le droit de déterminer eux-mêmes leur propre développement et leur avenir. Partout aux Amériques, que ce soit au Mexique, en Equateur, au Guatemala, en Guyane, au Chili, aux Etats-Unis ou au Canada, les peuples autochtones, déterminés à survivre méritent notre solidarité. Le CSIA entend bien continuer à s'y employer de toutes ses forces .• Catherine Busseuil (CSIA) (1) Les Amérindiens représentent : 4 % de la population au Canada - 0,5 % aux Etats-Unis - 65 % au Guatemala - Il % au Mexique - 3 % au Nicaragua - 66 % en Bolivie - 1 % au Brésil 9 % au Chili - 1 % en Colombie - 21 % en Equateur - 4 % en Guyane française Pour en savoir plus Ecrits de prison, le combat d'un Indien, Leonard Peltier, Albin Michel, 2000 L'entaille rouge, Nelcya Delanoe, Albin Michel, collection Terres Indiennes, 1996 Que sont les Indiens devenus? Ward Churchill, Editions du Rocher, 1996 Différences nO 229 mai 2001 11 Les (co)productions du Mrap En finir avec la guerre contre les pauvres Le racisme a partie liée avec J'histoire; il a partie liée aussi avec l'espace; avec une dimension internationale, planétaire; les problèmes de pauvreté que nous constatons autour de nous sont en phase avec le fossé qui continue de se creuser entre les pays riches et les pays pauvres; c'est dire que l'analyse du racisme et la lutte contre ce fléau dépassent le cadre hexagonal ou européen. En entrant dans la connaissance de cette histoire et de ses dimensions, nous pouvons nous donner les moyens de mieux agir pour la paix et la justice, parce que la paix et lajustice sont inséparables l'une de l'autre. « Merci à Paul Muzard, écrit dans la préface Jacques Gaillot, de nous avoir brossé la sombre histoire de l'esclavage et des guerres coloniales. Ce passé dramatique ne peut que nous tourner vers l'avenir dans un sursaut citoyen. Quand on lutte, on gagne souvent. » Prix: 120 F (+ 16 F de frais de port) , Ecrivains / Sans-papiers Ecrivains/Sans--papicrs, co-édtion MraplBérénice, préface Moulaud Aounit - II Trente quatre nouvelles inspirées par les situations faites aux sans-papiers sont rassemblées dans cet ouvrage qui fait se rencontrer des parcours de vie difficiles et des écrivains engagés. Confinnés ou méconnus, les auteurs (dont on citera au hasard Brigitte Aubonnet, Abdelkader Djemaï, Valère Staraselki, Mounsi, et bien d'autres) offrent leur témoignage ou leurs souvenirs. Inspirés de faits réels ou totalement imaginaires, ces nouvelles offrent un riche panorama social. Cenains textes sont de vrais petits joyaux. Les parcours décrits ou suggérés sont romancés mais les sans-papiers et ceux qui les aident dans leurs démarches savent que la réalité de la chute dans la (( clandestinité» dépasse parfois la fiction. En vente au siège du Mrap. Pri~ : 100 F (+ 16 F port) - Le livre du Cinquantenaire Chronique d'un combat inachevé, cG-édité par le Mrap et Le Temps des Cerises, est toujours en vente au siège du Mrap. Forrnatalbwn : 21,5 x 30,5 cm, 144 pages, iconographie riche et variée. Cet ouvrage consacré au cinquantenaire du Mrap reste d'actualité. Rédigé sous la direction d'Albert Lévy et Caroline Andréani, ce travail collectif est illustré par des oeuvres originales. Prix : 80 F (+ 21 F port) Condamné au silence Mumia Abu-Jamal 19 ans dans le couloir de la mort Préface de Danielle Mitterrand., introduction de Noëlle Hanrahan, notes et annexe de Marie Agnès Combesque, traduit de l'américain par Marc Saint-Vpéry. Prix : 125 F(+ 16 F port) Disc:rimlna1lona, ouvrons 1 • • r_ 1 «Discriminations: ouvrons les yeux 1 » a été réalisé dans le cadre de la Caravane de la citoyenneté. Film documentaire de Laurent Cibien pour le Mrap, il aborde la question de la discrimination raciste au travers des témoignages de cinq victimes qui se sont adressées au Mrap pour leur venir en aide. Vne excellente introduction à vos débats (38 minutes). Location du film pour projection en salle de cinéma: 200 F Acquisition de la cassette VHS Comités 100 F ; public: 200 F- (portinclus) 43 bld de Magenta 750 \0 Paris - T : 01 53 38 99 99 Télécopie; 01 404090 98 - E.mail: joumal.differences@free.fr 13 F le numéro - Abonnement 135 F (11 nos/an) Directeur de pUblication: Mouloud Aounit. Gérante bénévole: Isabelle Sirot. Rédactrice en chef - mise en page : Chérifa Benabdessadok. Directeur administratif: Florence Festas. Abonnements: Isabel Dos Martires. Impression : Montligeon T : 02 33 85 8000. Commission paritaire n063634 0247-9095 Dépôt légal 2000-05 12 Différences nO 229 mai 2001 ___________________________________ _
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