Différences n°117 118 - mai juin 1991
Sommaire du numéro
n°117 118 mai juin 1991
- Edito: Dealers (vente d'armes par Cherifa Benabdessadok
- Droit d'asile: réfugiés sans avenir par Alain Callès et Claire Rodier [législation]
- Corse; peuple ou pas
- Chômage des jeunes
- Banlieues en fièvre
- Israël Palestine: blocage [moyen-orient]
- Europe: la logique sécuritaire triomphe
- Citoyenneté des gens du voyage:
- Chartres les raisons d'un choix par Antoine Seel
- Table ronde et débat: citoyenneté et identité
- Le droit au stationnement par Jacqueline Charlemagne
- Témoignage: dîtes le avec des pleurs par Ruth Feingold
- Conclusion: aider sans assister par Bertrand Bary
- Pourquoi Julius et Ethel Rosenberg ont été exécutés par Albert Levy
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l ) MAI/JUIN 1991 - N ° 117/118 - 20F E DIT 0 DEALERS n es quutions de Déf.ns. nltionll. I.t la clone de vent .. d'annes) sont lU coeur des d6bats de rllCtueUe session de rAssemblée ni' tionele. Ils se poursuiwont: en automne 91 et lU printamps 92. Faut·il oser a.socier cette actualité de la via po. litique françll.a • un réc.nt congr" sur les neufOscienc .. durant lequel, pout Il première fois au monde, deux chercheurs ont ~ il fil· mer, grka i dei moyens hyper·sophistiqués, le croissance des cellules du c.rv.au chaz l'em· bryon d. la souris 1 Un. novation importante pour la science lU service de l'Humanite. L'a.· lOCiation d'idii .. peut PIIraitre bien forcée bien que 616 scientiflqu .. fra~is aient Ilnd la 6 février dernier un appel dénonçant i propos de la guerre du Golfe .. "illu.ion d'uni guerre "propre" pirci qUI techno/ogiqul, "scitmti· fiquI" ". On imagine .ujourd'hui 1 .. éternels arguments du complexa militaro·industrlel, ce • chou· chou" du commerce e.tétieur. Selon du chiffres cités par le bulletin d' • Agir ici pour un monde solid.ire .. qui lanc. une cempagne ct Pour un contrôle parl.mentalra des ventes crarmes • : cOt' industrie fra~ill, 1. valeur des contrats a doublé depuis le 2 août 1991, tandis que les Etats-Unis aurlient déji condu pour pius de 30 millierdl de dollars da contrets avec CIr' tain, pays arabu de la coalition .nti·Saddam. Si la reconv.rsion das industri .. militair ... POli de r'.ls probl"mu 1260 000 emplois dont 54 000 poYr rexportationJ, il reste que le com· merce dei I~ constitua une viritloble plaie • l'!khelle da 1. pilnlo1e, favorise l'engrenage du cycl. de la violence, conditionne trop souv.nt lu politiques 'trlngères du grandes puis· senen au mèpris dei v.""," éthlqu ... et humanistes. De surcroit, il échappe au contrôle dei citoy.ns. Un. commission perm.nente sur .... ventes d'erm ... ",,"lit bient6t Il constituer au sein du Parlement européen. D. mime qu' ... t .nvisag'e la .uppr.ssion de l'articl. 223 du Traité de Rome (qui exclut 1 .. compétences parlementaim sur les questions da OêIenseJ. O'ici là. il Frlnctl, SOI'I gouvernement. ses dépu. tés commencet'ont-ils il agir en rendant déj' plus InInsparent le commerce d ... armes ... 7 Le 17 mari dernilr, lIIurent Fabius, président de rAssemblée, déclarait: " C',.t un peu corn· me 1. drogutI ; il I.ut .i.,. ,.. . edlet..m i .. dHintoxiqu., "..;. illiut eussi ~ 1ft Mdlll,,,M. Or, f •• d.e/.rs, c'e.t nOliS, plu. queIque:J lutTtII .• Alors 1 Chérifa B. o R o T o A 5 L E RÉFUGIÉS SANS AVENIR L a nouvelle esllombée le 25 mai : 10 000 .c clandestins» défilaient ensemble à Paris. Ils se nomment les .c déboulés du droit d'asile ». L'expression a fail son chemin. Il s'agit en fail de tous ceux qui, ayam demandé l'asile politique en France, se sont vu refuser le statut de réfugié p0- litique par l'OFPRA (Office Français de Proleclion des Réfugiés el Apatrides), el de ce fail, sonl (selon la fonnule préfectorale) « invilés à quiner le lerritoire français» dans un délai Ires rapide. Le départ esi impossible pOUf la plupart d'entre eux. Si le pays des Droits de l'Homme leur fenne la pone, ils y reslent, et préfèrent la clandestinité à un relour forcé, dangereux. On estime à environ 100 000 le nombre des déboutés en France. Comment en est-on arrivé là 1 Depuis une dizaine d'années, l'inadéquation entre les moyens des organismes chargés d'élUdier les demandes d'asile - l'OFPRA el la Commission des Recours - et le nombre croissant des demandeurs a créé une situation sans précédent; en raison des délais d'inSlruclion extrêmement longs (parfois supérieurs à cinq ans), des milliers de personnes, autorisées à séjourner et à travailler en France en applicalion de la Convenlion de Genève, s'y sont insérées professionnellement, y ont tissé des auaches, onl parfois fondé une famille. A la fin de l'année 1989, le gouvernement décidait de renforcer les moyens de l'OFPRA afin d'accélérer le traitement des demandes: le résullat, la liquidation d'un « stock» de poslulants à l'asile, des dizaines de milliers d'hommes. de femmes el d'enfants jetés brutalement dans la clandeslinilé. Par ailleurs, une application restrictive de la Convention de Génève - car la France des Droits de l'Homme prolège ses frontières - a conduil à multiplier les refus sans que des critères cohérents soient mis en évidence; il est rnrement aisé d'apponer les preuves des persécutions qu'on a subies, et pour cause! Mais si elles sont pnxluites, la suspicion pèse sur elles. C'est la conjugaison de ces deux phénomènes: procédures expéditives et inlerprétalion étroite de la Convention de Genève, nolamment depuis 1984, qui a entraîné la situalion d'aujourd'hui; malgré les sonnettes d'alanne mainles fois tirées par les associations depuis un an, les pouvoirs publics n'avaient. jusqu'à présent. jamais voulu envisager un règlemenl global des silUations dramatiques dont ils étaiem responsables. Des circulaires ponctuelles prévoient bien des possibilités de régularisalion pour les déboulés, ayant apponé des signes manifesles de leur insertion en France. Mais leur application, variable selon les préfectures, suppose des délais d'instruclion beacoup trop longs pour être salisfaisants ; en oUlre, aucun SiaM ne protège le demandeur d'asile déboulé qui a solli cilé sa régula ri sai ion : au moindre contrôle d' identilé, et même lors d'une visile à la préfeclure. il peut êlre arrelé el reconduil à la frontière. SOUDARITÉ DES ASSOCIAnONS Depuis le mois de juillel 1990, les associations regroupées dans le Réseau d'Infonna· tion et de Solidarité, dont fail parlie le MRAP, organisenl une pennanence inlerassociative réservée aux déboutés. Deux objec- A L R E .. En pa .... dossl.r, compte-rendu d. 1. « Rencontre netlonel. : quell. cltoyennet6 pour ... ven. du voy .... 1 » Df'9IInl'" .. Citerne. le 26 mel par 1. comlt6 k»cIIl et le ... netlCHIIII. ... 8r.f tour de Fr.nc. d •• comltt. locaoua:, par N. Hatddad, p.1 •. ... L'Affelr. ROHnberg 40 en. epr'., par Albert Lévy, pp 14-16. tifs ont guidé celle démarche: d'une part se donner les moyens de faire face à une af· fluence croissante qu'il n'était plus possible de gérer dans les pennanences de chaque as· sociation. D'autre pari, créer, par l'envoi massif de recours·type aux adminislrations concernées, une dynamique susceptible de faire comprend aux pouvoirs publics qu'il n'esl plus possible de traiter les dossiers au cas par cas. Celle permanence, à laquelle s'associaienl rapidement les communaulés coocernées (lurques el kurdes. haïtiens. ressonissants d'Afrique de l'Ouesl et Centrale, Cap-Vert et Guinée Bissau) et bienlôt relayée dans une trentaine de villes de province, recensait. après trois mois de fonctionnement, plus de 1 000 dossiers. Dès la renlrée (suite p. 4) E N B R E F • MOSQUÉE le maire de Libercourt (Pasde- Calais) a fait organiser fin avril un référendum à l'issue duquel les électeurs conviés aux urnes (y compris les étrangers) ont refusé l'agrandissement d'une mosquée. le ministre de l'Intérieur a fait demander au préfet de « prendre toutes dispositions » afin de faire respecter « la liberté des cultes » (*). Pour le MRAP, accorder le droit de vote tant revendiqué par l'association sur une seule question constitue une déformation du concept de citoyenneté. la concertation ne peut se dérouler sans une parfaite clarté et une information approfondie, surtout quand il s'agit d'une religion, en l'ocurrence, l'Islam, largement méconnue et le plus souvent caricaturée. (*) Une affiche réalisée par M. Quarez sur ce thème est disponible au siège du Mouvement. • FONCTIONNAIRES DOM-TOM: INQUIÉTUDE Grand émoi parmi les fonctionnaires originaires des DOM-TOM: les congés bonifiés - 30 jours de congés supplémentaires qui autorisent leur retour « au pays », voyage payé tous les trois ans - sont, à l'horizon d'un projet gouvernemental, en passe d'être supprimés. Cette mesure, en vigueur depuis 1910, paraît périmée au regard du ministère de la Fonction publique et encombrante au ministère des DOMTOM pour cause de perturbation dans la gestion du service public. Elle demeure néanmoins essentielle aux yeux des Antillais, Guyannais et Réunionnais, qui considèrent la disparition de ce droit comme une manière de les « couper de leurs racines ». • RADIO-COURTOISIE Des élus RPR et UDF ont apporté leur soutien au FN au cours d'une conférence de presse commune à Marseille pour défendre au nom de la liberté d'expression, l'attribution d'une fréquence sur le Sud-Est à Radio-Courtoisie. Cette liberté préfigure-elle de nouveaux accords électoraux avec le parti de le Pen, qui est, come on le sait « un parti parmi les autres » ? A c T u E L CORSE: PEUPLE OU PAS ? • La question est complexe. Entre tradition assimilationniste et réaffirmation des identités locales ou originelles, la France n'échappe pas au débat. •• La région corse •• constitue une collectivité territoriale dont l'organisation administrative garantit la défense des intérêts économiques, sociaux et culturels propres, liés à son histoire et à son insularité" ». Tel en a décidé le Sénat, réuni deux jours durant en mars pour définir le statut de la Corse, après le vote en première lecture par l'Assemblée en novembre 1990, du projet présenté par Pierre Joxe. Une même langue - reconnue officiellement langue régionale en 1974 et enseignée comme telle depuis lors - une même terre insulaire, une même histoire ... unissent le peuple corse. Que la Constitution française ne reconnaît pas en tant que peuple. « En affirmant que le peuple français est un ensemble de composantes et non de citoyens, on prend le risque de devoir accorder demain à d'autres ce que nous accordons aux Corses », écrit Roland Caraz, député socialiste, dans le journal très républicain de Jean-Pierre Chevènement Socialisme et République, niant donc au peuple corse son statut de peuple. Il explique, rejoignant pour une part les réserves de Robert Pandreau au « Projet Joxe » : « L'article premier qui introduit la notion de peuple corse, composante du peuple français, bouleverse la conception de la souveraineté nationale, qui fonde notre ordre politique et institutionnel ». Et il explique: « Si la nation devenait une somme de composantes, à quoi pourrions-nous demain inviter ces jeunes [originaires du Maghreb et du continent noir 1 à s'intégrer et comment refuserions-nous la reconnaissance d'un peuple arabe de France? ». La question est sérieuse et ne saurait être balayée d'un revers de main. Cependant, comment nier une réalité, tangible, au nom des conséquences constitutionnelles qu'elle risque d'engendrer? Le débat, aujourd'hui, est donc loin d'être clos. Et, qu'ils défendent des projets ultra-nationalistes, d'autonomie, ou « d'intégration » plus harmonieuse à la France, n'abandonnant pas l'île de Beauté aux promoteurs et spéculateurs, les Corses, qui se revendiquent comme peuple, tiennent pour le moins à le poursuivre. LES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS EN FRANCE Chirac dérape Dans un communiqué rendu public le 21 juin, "le MRAP constate qu'à l'heure où les difficultés liées à l'insuportable dégradation de vie dans nos banlieues, M. Chirac jette de 1'h uile sur le feu contribuant à détourner vers les objectifs de l'extrême droite raciste et xénophobe la partie la plus vulnérable de l'opinion publique, celle qui est principalement exposée aux problèmes de chômage, de logement, d'échec scolaire, de pauvreté, de mal-vie et dont il rend responsable les immigrés ( ... ). Considérant que les propos tenus relèvent de la loi française contre le racisme, le MRAP engage les poursuites judiciaires appropriées contre M. Jacques Chirac" et a appelé à une manifestation le 25 juin 1991 devant l'Hôtel de Ville de Paris. Antisémitisme Le MRAP se félicite de la décision de la Cour d'Appel de Paris rendue le 15 mai 1991 confirmant le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 11 juillet 1990 qui condamnait Bernard Notin pour diffamation à l'égard de la communauté juive. Il avait porté plainte contre Bernard Notin à la suite de la parution d'un article où il défendait la thèse tristement connue du «juif dominateur ». (17.05.91) La Commission « Jeunes» du MRAP soutient l'action menée par diverses organisations étudiantes de Paris III (Censier) en vue d'obtenir la régularisation par le ministère de l'Intérieur de la situation de six étudiants marocains menacés d'expulsion. Il faut savoir qu'être étudiant étranger en France est loin d'être facile. Pour obtenir sa carte de séjour, l'étudiant étranger doit justifier d'une attestation de pré-inscription dans un établissement, de ressources suffisantes, d'une couverture sociale, et surtout d'un visa d'entrée long séjour. Or, depuis la loi du 2 août 1990, ce visa est extrêment difficile à obtenir auprès des ambassades françaises. La « non-réalité » des études est également un motif invoqué par la préfecture pour refuser la délivrance de la carte de séjour. Dans les textes, l'administration n'a pas à vérifier le résultat des examens; cependant, redoubler une année empêche bien souvent le renouvellement de sa carte. De fait, de nombreux étudiants en situation irrégulière ne vont plus suivre leurs cours et se terrent chez eux de peur d'être arrêtés et expulsés. Pour tous, la carte de séjour est la condition sine qua non d'études réussies. Plusieurs dizaines d'étudiants marocains ont fait une grève de la faim il y a quelques mois, pour que leur soit accordé le droit aux études. Malheureusement, les autorités administratives ont une parade: remplacer la délivrance de la carte par une PAS (autorisation provisoire de séjour) valable quelques mois seulement. Celle-ci oblige à un retour au pays, et dans la plupart des cas, l'étudiant n'obtient jamais l'autorisaiton de revenir en France terminer ses études. C'est ce qui est déjà arrivé à deux étudiants marocains de Paris III. Commission « Jeunes» du MRAP 2 A c T u E L .-. CHOMAGE DES JEUNES Les efforts d'intégration sociale et économique des jeunes restent durablement sans effet. Quelques chiffres en témoignent. L'impuissance rôde et les risqùes d'explosion dans les banlieues s'affirment. D ix ans déjà que se multiplient, sous diverses formes, missions d'accueil, d'information et d'orientation, développement social des quartiers, zones d'éducation prioritaires, crédit-formation individualisé, RMI et autres TUC ... Résultat des courses, une masse de jeunes au chômage: parmi les jeunes de moins de 25 ans, 50 000 apparaissent comme exclus permanents, 250 000 autres le seront à un moment ou à un autre, cependant que 100 000, dont des chômeurs de longue durée, et 110 000, un peu plus âgés, sont bénéficiaires du RMI ; sans oublier ceux qui, chaque année, quittent l'école sans formation (*). Soit une situation pire que celle du début de la décennie 80, car l'exclusion de générations de jeunes a eu pour effet social d'enrayer l'espoir de l'ascension sociale. En effet, si toute éducation commence par l'exemple, les petits frères et soeurs des jeunes chômeurs, ne peuvent que vivre dans le désespoir. Et ipso facto, les banlieues où se concentrent ces désoeuvrés sont devenues des poudrières. L'apparition des bandes, symptôme de la déchirure anarchique du tissu social, qui a partie liée avec les prémisses d'une communautarisation - ennemie de la citoyenneté - de la société, annoncet -elle une phase critique. Pour la combattre: peu de moyens, manque de concertation, confusion des autorités concernées. (*) Les chiffres sont de l'INSEE, cités dans Le Monde du 14 mai 1991. BANLIEUES EN FIÈVRE L e constat, hélas, n'est pas nouveau. La Banlieue, certaines banlieues, concentrent le désespoir de jeunes de plus en plus jeunes pour qui « l'avenir» est un mot d'un autre monde. Mais au-delà de ce constat? Les banlieues explosent. Certains font mine de le découvrir, la majorité s'inquiète, comme désemparée, comme face à une vague qui s'annoncerait de soulèvements parfois violents, généralement sans suite et sans perspectives, de jeunes à bout avant d'avoir commencé à vivre. Parfois l'inquiétude dérape, devient panique sécuritaire a posteriori, et le schéma connu et sordide de vi olence-contre-v iolence-par-laviolence, sans fin, se met en place. Des jeunes en meurent. parfois des policiers trinquent aussi. Quand l'horizon s'ouvrait il y a quelque vingt ans sur un monde à découvrir, il se borne aujourd'hui aux quatre murs d'un quartier restreint au coeur d'un ensemble anonyme de quartiers d'une même cité, où le centre commercial pousse comme un champignon inaccessible d'une consommation inabordable qui s'étale comme une provocation. Tiers-mondisation des banlieues? Explosions-feux de paille comme dans les bidonvilles qui entourent Bogota ? Et pourtant, lorsque des associations, de quartiers ou non, refusent l'exclusion, l'exclusion de l'avenir comme du présent, l'exclusion du travail, l'exclusion de l'école, l'exclusion des loisirs, l'exclusion du temps géré parce que construit dans une perspective de vie, autant que l'exclusion de la consommation, lorsque ces associations, bien au-delà des discours, s'activent pour organiser concrètement formation professionnelle, loisirs responsables, cadres de vie, elles se heurtent au silence méprisant ou aux discours permanents sur l'absence de moyens financiers ... utilisés ailleurs; soit volontairement en toute conscience, soit aveuglément, face à un enjeu qui concerne désormais non plus seulement des individus en panne d'individualité et si sommairement classés comme marginaux, mais toute la société. Vaulx-en- Velin. Sartrouville. Mantes-la-Jolie. Logique, tragiquement logique. Comment échapper aujourdh'ui non seulement à une transformation réelle des perspectives, qui concernent notamment l'emploi, non seulement à une révision urgente de certains cadres juridiques, qui touchent par exemple au système de garde à vue, mais aussi à une aide réelle à tous ces jeunes qui, responsables, prennent complètement en charge, constitués ou non en associations, le cadre de leur quotidien. Le MRAP, pour sa part, demande la mise en place d'un plan d'urgence et la mobilisation de tous les moyens pour être plus rapide et plus efficace afin d'enrayer la spirale qui conduirait à un « été chaud » dans nos banlieues. Aujourd'hui, le défi à relever va bien au-delà des propositions d'apaisement, des déclarations d'intention. Il doit contenir des mesures tangibles pour l'insertion de tous ceux qui vivent quotidiennement l'échec et l'exclusion. Face à ces problèmes de société, seules la concertation et l'action pour une nouvelle citoyenneté briseront une autre logique
- celle de l'amalgame entre
immigration, chômage et délinquance, exploité comme « solution » à des fins électorales. LES JEUNES DANS LA VILLE l"iI eux membres de la Com.... mission Jeunes ont assisté à un colloque régional sur les jeunes dans la ville, à Savignyle- Temple. Beaucoup de problèmes ont été évoqués, mais il faut bien reconnaîre que, dans l'ensemble, personne ne sait quelle politique mener. Tous les sociologues présents avouaient d'ailleurs être très pessimistes et s'attendre au pire. Au Festival de la Contestation à la Courneuve (fin mai), le stand du MRAP a bénéficié d'une bonne affluence. 3 E N B R E F • LE MRAP EN APPEL Consterné par le jugement rendu le 31 mai 1991 par la 17ème Chambre Correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris relaxant Jean-Marie le Pen, le MRAP a décidé de faire appel. le MRAP poursuit Jean-Marie le Pen pour avoir, dans le numéro du 11 août 1989 du journal « Présent », déclaré: « les grandes internationales comme l'internationale juive jouent un rôle non négligeable dans la création de cet esprit anti-national ». Cette déclaration scandaleuse doit être sanctionnée, son auteur reconnu coupable de diffamation (10.6.91). • FN APPEL Arnaud de Périer, conseiller régional du FN des Pays de la loire, a été condamné à 3 000 francs d'amende à la suite d'une campagne d'affichage associant le mot "SIDA" avec "Socialisme, Immigration Délinquance, Affairisme" et à verser 5 000 francs de dommages et intérêts au MRAP qui s'était constitué partie civile. Différences 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex 11 Tél. : 48 06 88 00 Directeur de la publication Albert Lévy Rédactrice en chef Chérita Benabdessadok Journaliste Isabelle Avran Journaliste stagiaire Marie-Adèle Bella Administration/Gestion Yves Pras Publicité au journal Abonnements Isabel de Oliveira Chargée de la communication et de la promotion Mélina Gazsi Documentation Olivier Lannuzel Alain Guioubly Maquette (P.A.O.) LA GRAF (48 51 6018) Impression Montligeon ( 33838022) Commission paritaire n' 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légal 1991-7 A c PROPOSITIONS DU RÉSEAU Octroi de la carte de résident de dix ans pour: - tout débouté étant sur le territoire français depuis plus de trois ans; - tout débouté entré sur le territoire français avant le 1.01.1990 correspondant à l'un des critères suivants: • faire partie d'une des catégories visées à l'article 15 de l'Ordonnance de 1945 ; • toute personne souffrant d'une maladie grave dont le traitement ne saurait être interrompu; • conjoint d'étranger titulaire de la carte de dix ans; • insertion sociale au sens de la Circulaire du 5 août 1987 et/ou relation au travail matérialisée par: soit un certificat de travail ou les fiches de paie des trois derniers mois au moment du rejet définitif, soit une promesse d'embauche. Séjour temporaire d'un an pour: - tout débouté entré sur le territoire français avant le 1.01.1990 et correspondant à l'un des critères suivants: • conjoint d'étranger titulaire de la carte temporaire; • contre-indication au renvoi fondée sur la situation dans le pays d'origine, l'étranger craignant d'y être exposé à des risques sérieux pour sa sécurité ou sa liberté (Circulaire du 5 août 1987). POUR LES DÉBOUTÉS ENTRÉS EN FRANCE APRES LE 1ER JANVIER 1990 Délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et d'une autorisation provisoire de travail de plus de trois mois jusqu'à ce que le demandeur, s'il n'a pas été entendu au fond du fait de l'OFPRA, soit entendu par cet 'organisme (étant précisé qu'il appartiendrait au demandeur d'en faire la demande). CASE DÉPART Au terme de la concertation avec les pouvoirs publics, le Réseau a rendu public une déclaration dans laquelle figure l'extrait suivant: "Avant qu'il ne soit trop tard, les organisations soussignées appelent le gouvernement à faire preuve de responsabilité en adoptant les mesures suivantes: - maintien durable du droit au séjour et au travail pour tous les déboutés entrés en France avant le 1.1.1990 ; - pour les déboutés entrés en France après cette date, maintien provisoire du droit au séjour et au travail pour leur permettre d'être entendus de façon approfondie et équitable par l'OFPRA. Les organisations mettent en garde le gouvernement contre des décisions sans portée réelle qui, par le maintien de fait du statu quo, seraient à court et long termes catastrophiques." (1.7.1991). T 4 u E L (suite de la première page) STATU QUO 1990, des contacts étaient pris avec les pouvoirs publics. Tant au ministère des Affaires Sociales qu'au ministère de l'Intérieur, cependant, la fin de non recevoir était claire : pas de régularisation, le traitement au cas par cas reste la règle. Début décembre, un meeting organisé par le Réseau a rassemblé un millier de personnes, et la presse ouvrait ses colonnes à la question. La guerre du Golfe a mis en sommeil la campagne publique, mais l'affluence de la permanence des déboutés apportait aux associations la confirmation de la pertinence de cette action. Les événements se sont précipités au début du mois d'avril dernier: à Bordeaux, de leur propre initiative, 25 demandeurs d'asile déboutés entament une grève de la faim. Bientôt rejoints par près de 200 personnes dans sept villes de France, et soutenus par des collectifs locaux d'associations, leur revendication porte non seulement sur le règlement de leur situation individuelle, mais sur celui de tous les déboutés. Ces revendications rejoignent la plate forme de propositions élaborée par le Réseau depuis près d'un an. Cette nouvelle phase de la lutte marque un seuil décisif pour la campagne : après la prise de position de l'abbé Pierre, et son jeûne de solidarité de deux jours parmi les 57 grévistes de la faim installés à l'église Saint-Joseph des Nations à Paris, une rencontre avec M. Bianco, ministre des Affaires sociales, se tenait le 24 mai: elle signifiait, pour la première fois, la prise en compte par le gouvernement du problème des déboutés dans son ensemble. En effet, le communiqué officiel qui a suivi cette rencontre mentionne, outre le règlement de la situation des grévistes, l'élaboration d'une circulaire concernant l'ensemble des demandeurs d'asile déboutés, en concertation avec des représentants des grévistes et des associations de soutien. Ce communiqué reconnaît de fait le caractère injuste et expéditif du traitement des dossiers de l'OFPRA. Au soir du 32ème jour, les grévistes de Paris ont décidé de mettre un terme à leur grève de la faim. Ils prennent ainsi acte de la volonté exprimée du gouvernement de trouver rapidement une solution positive. Des réunions de concertation avec les pouvoirs publics ont eu lieu, tout au cours du mois de juin, pour définir le cadre de la circulaire que le gouvernement s'est engagé à faire connaître au début du mois de juillet. Les grévistes et le Réseau ont fait savoir qu'ils resteraient vigilants: les engagements doivent être respectés et l'arrêt des grèves de la faim ne signifie pas le relâchement de l'action. LES ACCORDS DE SCHENGEN Il a fallu des mois de lutte acharnée tant de la part des organisations du Réseau, dont le MRAP, que de la part des demandeurs d'asile déboutés qui sont allés jusqu'à mettre leur existence en péril pour que les pouvoirs publics écoutent enfin les voix de ces hommes qui ont cru aux valeurs humanitaires que la France porte sur la scène internationale. Il a fallu que la presse se fasse l'écho de l'abbé Pierre réclamant le droit à la dignité pour ceux qui ont cherché refuge sur le sol français, pour que soit brisé le mur du silence autour d~ ces hommes et ces femmes acculés à l'alternative clandestinité-expulsion. A travers le Réseau, le MRAP a dès le début soutenu l'action des déboutés. Il s'est également adressé au Premier ministre et au ministre des Affaires sociales et de l'intégration sur le cas des grévistes et de la situation faite aux demandeurs d'asile en France. Par ailleurs, il faut bien faire le lien avec d'autres projets concernant le Droit d'asile et en particulier celui qui vise à la suppression de l'autorisation de travail dont ont toujours disposé les demandeurs d'asile en France. Ceci équivaudrait à une remise en cause de l'esprit de la Convention de Genève que le MRAP ne saurait accepter. L'ensemble de ces projets est marqué du sceau des accords de Schengen qui préfigurent du vrai visage de la construction de l'Europe risquant de s'édifier sur l'exclusion des non-Européens. Ils traduisent la tendance à l'uniformisation restrictive et sélective des politiques sur le droit d'asile. Alain Callès et Claire Rodier c u L , CINE-AFRIQUE Les films de deux cinéastes burkinabé, d'un Malien et d'un Camerounais, étaient présents au festival de Cannes cette année. La critique a salué avec force Laafi de Pierre Yaméogo qui raconte les tribulations d'un étudiant à la quête d'une bourse afin de poursuivre ses études de médecine en France. Un bon prétexte pour découvrir Ouagadougou où se tient par ailleurs tous les deux ans le FESPACO (Festival pan-africain du cinéma). Dans la série Un certain regard étaient présentés Ta Dona d'Adama Trabo et Sanga Malo de Bassek Ba Kobhio. Quant à Idrissa Ouedraogo, qui commence à être connu en France, il présentait Tilaï, après avoir « bouclé» une série télévisée Karim et Sala produite par FR3 et ZDF, alors qu'il a mis en A G • VAL DE MARNE EN CINÉMA Les Journées cinématographiques du Val de Marne contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples s'intituleront L'oeil vers ... les Tziganes et Voyageurs. Date : du 26 novembre au 10 décembre. Vingt villes du département se feront leurs cinémas avec une quinzaine de films (35 et 16 mm) et en la présence de plusieurs réalisateurs. Autour du cinéma: chants, danses, fêtes ... Pour tout renseignement : Corinne Turpin, MJE du Mont-MesIy, 94500 Champigny. Tél. : 4377 5056. • LIVRE Roman-regard sur la société vietnamienne d'aujourd'hui, Pham Thi Hoai nous livre La messagère de cristal. Sans concession et non dénué d'humour. Publié aux Éditions des Femmes. • PUBLICATIONS scène à la Comédie Française La Tragédie du roi Christophe, d'Aimé Césaire. Il faut par ailleurs souligner le rôle que joue l'association ATRIA créée en 1980, laissée en dehors des mannes du ministère de la Culture mais largement reconnue par la Fondation de France. BOB MARLEY me l'Afrique de l'Ouest à l'Amérique du Sud, des Caraibes à l'Europe, d'Amérique du Nord au Maghreb, il n'est de terre où le reggae n'ait laissé sa marque, influencé la musique, prodigué son message de liberté. Bob Marley, le Maître, est mort il y a dix ans : peu de choses dans la presse, pourtant la mémoire de Marley plane sur les mélodies de nos villes. E N de des rapports au développement des peuples auto~ htones et ethnies minoritaires tant dans les Amériques que dans la zone Pacifique. Ethnies, 45 rue du Faubourg du TEmple, 75010 Paris. Le GREC publie les .trayaux d'une rencontre débat sur les jeunes immigrés sans qualification dans les pays de la CEE. Cahier n07 - Groupement de recherches, d'échanges et de communication. • CHANGER LE MONDE? OUI! Vingt outils pour l'éducation au développement, document publié par la Commission nationale de la jeunesse pour le développement, co-sélectionné avec l'association Sine Qua Non. Prix: 50F. Tél. : 45 86 8432. • DIFFERÉNCES 93 EST NÉ Le numéro 13 de la revue Mensuel adressé aux adhéde Survival International, rents et amis de la FédéraEthnies se consacre à l'étu- tion. Porte l'annonce de T u R E 5 LE SILENCE DE VERCORS Le célèbre écrivain est décédé le 11 juin dernier à l'âge de 89 ans. cc La disparition de Vercors endeuille le MRAP ", écrit Albert Levy au nom de la Présidence du mouvement, dans une lettre adressée à l'épouse du disparu. Toute son oeuvre et son action furent dédiées à la dignité humaine. Si Le Silence de la mer, son livre le plus connu, exprime la souffrance et l'honneur de la conscience française sous l'occupation nazie, c'est sa vie entière qui prolonge et incarne la résistance aux oppressions, le refus des faux-semblants, le combat pour la démocratie et l'inaltérable aspiration à la lumière du progrès. A l'occasion de la création à Chaillot de sa pièce Zoo ou l'assassin philanthrope, il recevait le Prix Fraternité fondé par le MRAP; son adhésion, son soutien à notre Mouvement depuis les tensions cruelles de la guerre froide jusqu'à nos jours, relèvent de sa morale d'homme solidaire aux multiples dimensions, aux talents admirables. Nous pleurons et honorons un très grand écrivain, un militant exemplaire, un Juste. D A l'élection d'un nouveau Secrétariat fédéral et du spécial « Caraïbes-Antilles)). • UN MUSÉE EN AMÉRIQUE Résultat de plus de vingt ans de luttes des 'Indiens pour défendre leur patrimoine culturel, le Musée national des Indiens américains, affirme son directeur Richard Wert, ouvrira ses portes dans sept ans à Washington. Chose inédite pour un musée, son organisation, ses programmes et projets seront établis à partir d'une concertation continue avec le peuple qui est à l'origine de son patrimoine. Qui vivra, verra. • ERRATUM Nos excuses à A. Leduc. Le premier prix Roger-Vaillant a bien été attribué à Alain Leduc (et non à René Baillet comme nous l'écrivions dans notre dernière édition) pour son livre Les Chevaliers de Rocourt. COMMUNIQUÉ M. DOURI EXPULSÉ Le MRAP dénonce le fait que la France - signataire de la Convention de Genève, devant donc assurer la protection du réfugié politique qu'elle reconnaît - ait recours à l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour expulser en urgence absolue un réfugié politique statu raire. En application de cet article, un ressortissant étranger supposé "protégé" par la législation en vigueur et ayant le droit de vivre en famille, reconnu par la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par la France, peut être reconduit à la frontière manu militari. Ainsi, au nom de la raison d'État, la France viole ses engagements. Le MRAP demande au gouvernement l'annulation de la mesure d'expulsion ainsi que la révision de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin que les droits de la défense puissent être garantis (24.6.91). E N B R E F • JAPON AU FÉMININ Harne Kitamura est la première femme de son pays à devenir maire à l'issue du second tour des élections qui se sont déroulées fin avril. • TIBET La répression se durcit au Tibet, en particulier par la surveillance de la population, à la faveur de l'anniversaire de l'annexion du Tibet par la Chine, selon le Dalaï-Lama. • JORDANIE Des tractations entre la France et la Jordanie sont actuellement en cours, s'agissant du contrat établi en avril 1988 pour l'achat par le gouvernement jordanien de 20 Mirages 2000. • MAGHREB Soucieuse d'une coopération économique plus étroite avec le Moyen-Orient et le Maghreb, la France a proposé à ses partenaires de la CEE de créer « un fonds multilatéral alimenté par des dons pour financer des études et une assistance technique à des projets d'intérêt général ». • LOI ISLAMIQUE Arrêtées par la police iranienne pour avoir enfreint une loi qui les contraint à se montrer au dehors couvertes de la tête aux pieds, huit cents femmes sont passibles de 74 coups de verge. Quant à Danielle Mitterrand, paraissant au même moment à la télévision, au cours d'une visite à Téhéran, la tête ceinte d'un simple foulard, ce sort lui a été épargné. Dieu merci. • FIGURINES Franck Boye, un jeune organisateur danois de vente aux enchères, a frappé un grand coup sur le marché londonien en metta nt en ve nte deux mille figurines fabdquées par l'Allemagne hitlérienne ... Qu'importe? Non, quelle chance ! Elles rapportent en effet de gros sous. Et les nostalgiques du nazisme aiment à s'attarder dans les salles de vente. M o N D E ISRAËL-PALESTINE • • BLOCAGE Consternation. Aucun signe réel ne semble amorcer un dialogue entre les parties en conflit pour appliquer le Droit et revenir à la Raison. Et préparer la Paix. C oncession majeure: les dirigeants israéliens accepteraient d'envisager l'éventualité de la présence du secrétaire général des N ationsUnies dans le cadre d'une hypothétique rencontre entre Israël et des Etats arabes. A la condition expresse que Javier Perez de Cuellar, simple observateur, n'intervienne pas dans les débats. A la condition que la fin de l'occupation des terres palestiniennes ne soit pas davantage évoquée que la reconnaissance de l'Etat palestinien indépendant et qu'aucun représentant dûment choisi par le peuple palestinien lui-même ne participe à une telle rencontre. Quel pas gigantesque vers la paix! L'on aurait pu attendre, de la part des apôtres du droit international, quelque remarque, sinon quelque sanction économique, pour mettre fin à la répression, à la fermeture des universités palestiniennes, et pour contraindre l'État occupant à négocier. Point. Aujourd'hui, la confiscation des terres palestiniennes et des ressources en eau s'accélère : 52% des terres de Cisjordanie confisquées en 1984, plus de 60% aujourd'hui, et le rythme va croissant ces derniers mois, en partie grâce aux subventions (3,4 milliards de dollars) versées, malgré les discours, par les États-Unis. La Palestine occupée est divisée en quatre zones qui ressemblent à s'y méprendre à des bantoustans et réduisent au chômage près de 90 % de la population active palestinienne. Pourtant, c'est un projet dit d'« autonomie » qui est aujourd'hui envisagé, mais une autonomie qui maintiendrait le contrôle israélien sur les terres et sur les ressources en eau, interdirait tout retour sur leurs terres aux Palestiniens exilés, réfugiés à l'étranger ou déportés par Israël ces dernières années, et qui maintiendrait l'annexion illégale de Jérusalem. Concessions ... En revanche, la proposition de négocier sur la base de l'ensemble des résolutions des Na- 6 tions-unies et de son Conseil de sécurité, sous cette égide internationale, et sans faire fi du droit des peuples, du peuple palestinien, est-elle un sérieux obstacle au processus de paix, une provocation? En fait, pourquoi parler encore de droit, maintenant que celui du Koweït a triomphé, mais au prix de dizaines de milliers de morts, d'une pollution qui durera encore de nombreuses années, avec un nuage toxique qui se promène, gros de danger, au-dessus du Golfe? Le peuple kurde, menacé, n'a qu'à regagner ses pénates et ses prisons. Le peuple irakien, victime de la dictature de Saddam tenue à bouts de bras des années durant par ses ex -alliés, puis victime de la guerre, n'a qu'à, malgré les épidémies, la famine, et avec une infrastucture économique ravagée, payer les dommages de guerre. Et le peuple palestinien n'a plus qu'à attendre que le mot « droit» soit de nouveau à l'ordre du jour des discours officiels. CAMEROUN: DÉMOCRATISATION mefoulé n'est pas supprimé et des semaines de violence ont réveillé le « tribalisme» latent au Cameroun. Méfiance et haine envers l'autre habitent de nouveau les Béti, dont est issu le Président Biya, ainsi que les Bamiléké, ethnie la plus industrieuse, semble-t-il, du pays. Que les premiers reprochent abusivement aux seconds de les voler, que ces derniers se leurent concernant la situation réelle des autres, qui, loin de se partager exclusivement le pouvoir, peuvent connaître la plus grande misère et voilà que s'installe une charge explosive. En dépit de la ferme condamnation du « tribalisme » par l'opposition politique, qui s'acharne à revendiquer la tenue d'une « conférence nationale » pour démocratiser le pays. C.A.F.F. r7'1Campaign against fascisme lIIII in France» est une association anglaise qui considère le parti de Le Pen comme fasciste. Elle fait campagne pour le démontrer et le faire admettre, ce qui aboutirait à le considérer comme persona non grata dans ce pays. Pour les aider, voici leurs coordonnées: CAFF, P.O. Box Forest Gate, London. G.B. YOUGOSLAVIE : DOCUMENTS Il'exacerbation des nationalismes en Yougoslavie fait partie de ces problèmes graves sur lesquels il est difficile de se faire une idée « objective ». Le pays vit au rythme des rumeurs de coups d'état et de la guerre civile. A l'heure où les positions se crispent sur le soutien à telle ou telle République, que penser face aux projections conservatrices et ultra-nationalistes du président croate Tudjamn, face aux actes et discours du président serbe Milosevic, largement populistes et franchement discriminatoires envers la population albanaise du Kosova, que penser de leurs oppositions mêmes? Enfin, que penser de l'avenir de ces peuples, liés par l'Histoire, quelles relations entre eux dans l'espace yougoslave et européen? Pour aider à y voir clair, à réfléchir, la Documentation française a publié un dossier (1), constitué par Luc Lévy, qui comporte notamment de nombreux articles parus récemment dans la presse yougoslave. Une approche des réalités évidemment complexes, introduite par des repères précieux
- historiques, institutionnels,
démographiques, économiques. Un dossier a également été publié dans le numéro de mai du toujours incontournable Monde diplomatique. (1) Yougoslavie : la fédération menacée, problèmes économiques et sociaux, n° 645, la Documentation française. M o N D E EUROPE: LA LOGIQUE , SECURITAIRE TRIOMPHE L e 3 juin 1991 , les députés à l'Assemblée nationale ont ratifié à une écrasante majorité les accords de Schengen. Inscrite à l'ordre du jour de cette session parlementaire avec une hâte suspecte, cette ratification expresse met fin à un processus de négociations secrètes entre les gouvernements des pays concernés, France, Bénélux, Italie, sans que le texte de cette Convention n'ait jamais fait l'objet d'un débat national ni n'ait été suivi d'une consultation des organisations de défense des Droits de l'Homme. Il révèle son caractère anti -démocratique. Aussi le MRAP qui a, à plusieurs, reprises, émis d'extrêmes réserves sur l'esprit répressif et sécuritaire qui a présidé à l'élaboration de ce texte, a le devoir de dénoncer au nom du respect des droits de l'Homme dont ceux fondamentaux des demandeurs d'asile et des réfugiés l'adoption des accords de Schengen qui fixent des objectifs essentiels de faire du territoire des six pays membres - auxquels se sont joints l'Espagne et le Portugal - un espace fermé qui tiendra de la citadelle, prémisse du 'ne Europe forteresse. Le MRAP attire l'attention de l'opinion publique sur les conséquences de la logique du système de Schengen, en particulier: - pour l'accès au territoire des pays membres une politique de visas communs qui a toutes les chances de s'aligner sur les conditions d'attribution les plus restrictives; - l'application de sanctions à l'encontre du transporteur ayant acheminé l'étranger avant qu'il ne soit désigné comme n'étant pas en règle. Il astreindra les agents des compagnies de transport à une besogne policière pour laquelle ils n'ont aucune vocation; - J'attribution à un seul Etat membre signataire de ces accords d'une délégation de la responsabilité du traitement et de la décision concernant les demandes d'asile, interdira en cas de refus toutes nouvelles demandes auprès d'un autre Etat membre et limitera d'autant le choix du pays d'accueil dans l'espace européen ; - un système d'information automatisé (SIS) permettra sur la base de la création d'un fichier la communication entre Etats membres des informations sur l'identité de tout étranger objet d'une mesure d'éloignement ou d'expulsion, la protection de l'intéressé prévue dans ce cas par les conventions européennes ' n'est plus réalisée à 100%. Sur la base de telles dispositions, force est de constater que la France vient d'accréditer un espace « asseptisé » qui s'inspire d'une logique de l'exclusion et notamment des pays et des populations les plus pauvres. Face à cette décision, le MRAP, avec détermination, oeuvrera en coopération avec ses partenaires européens pour que triomphe une Europe où les droits économiques, sociaux, culturels et politiques de chaque résident soient respecés. Il agira de toutes ses forces pour que les pays européens prennent conscience de leurs responsabilités et de leurs devoirs devant la misère du monde et mettent en place des dispositions permettant un rééquilibrage de l'ensemble des raports Nord-Sud. GRENADE DIALOGUE C 'est tout près de la célébrissime Alhambra que se sont déroulées les journées de Dialogue méditerranéen (25-28 avril). Cette rencontre et ses prolongements à venir envisagés par l'Assemblée des citoyens de Prague acquièrent une portée politique centrale de l'après-guerre du Golfe. Trois cents personnes y ont participé, venant des pays riverains et du pourtour de la Méditerranée. Elles ont travaillé autour de trois thèmes: - De la crise du Golfe à un collectif de sécurité et de désarmement en Méditerranée. - Coopération économique et écologique, intégration régionale et intégrations subrégionales. - Palestine et Israël, bases pour une paix juste et durable. - Démocratie et droits de l'Homme. Des tables rondes ont été consacrées à la « Coopération culturelle et au rôle des universités », à la « Participation de la femme aux processus démocratique », aux « Migrations et racisme ». La France était officiellement représentée par Maurice Benassayag (secrétaire d'Etat aux Rapatriés). Jacques Chevassus, président- délégué et Roland Mérieux, secrétaire national chargé des questions internationales sont intervenus pour le MRAP, notamment à la table-ronde consacrée au racisme. Cette réunion organisée par le Mouvement pour la Paix, le Désarmement et la Liberté (MDPL) a reçu le soutien de nombreuses associations et mouvements. Elle a notamment rendu possible, pour la première fois après la guerre du Golfe, le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Malgré quelques insuffisances - dont une faible expression des femmes - , la rencontre de Grenade parrainée par le Gouvernement autonome d'Andalousie et appuyée par diverses institutions espagnoles, a ouvert la voie à d'autres contacts entre « les sociétés civiles ». Ainsi, un nouveau forum pourait avoir lieu à l'initiative des Italiens et des français. Une initiative se déroulerait l'an prochain à Jérusalem. Le MRAP, pour sa part, entend poursuivre ce travail d'écoute et d'échanges dans les domaines qui le concernent et selon sa tradition humaniste. Ses représentants à Grenade ont longuement rencontré les représentants des Ligues des Droits de l'Homme au Maghreb. Le projet d'un séjour d'information et d'échange en Algérie, au Maroc et en' Tunisie est à l'étude. 7 UN NOIR EN LIBERTÉ r:'I ohny « Imani » Harris, un IIINoir emprisonné injustement aux USA, victime du racisme, a obtenu sa mise en liberté sur parole après 21 ans passés derrière les barreaux des geôles de l'Alabama, dont 15 dans le « couloir de la mort ». Il sera libre le 20 mai 1991. Durant tout ce temps, « Imani » s'est battu avec acharnement pour faire reconnaître son innocence dans le meurtre et les délits dont on l'avait accusé. Les organisations de défense des Droits de l'Homme aux EtatsUnis et en Europe s'étaient mobilisées pour sa défense et leur action a joué un grand rôle dans la décision du Bureau de mises en liberté sur parole de l'Alabama. Pour sa part, le MRAP est engagé depuis 12 ans dans ce combat aux côtés d'« Imani ». En 1987, conjointement avec la Ligue des Droits de l'Homme et l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture et de la Peine de Mort (A.C.A.T.), le MRAP avait réalisé une pétition nationale en faveur de Johny Harris qui avait réuni 12 300 sigatures transmises au Gouverneur de l'Alabama par l'intermédiaire du Secrétariat d'état des États-Unis. La peine de mort fut annulée 3 mois plus tard, ainsi que l'accusation de meurtre dont il était chargé. Cette mise en liberté de Johny « Imani » Harris est une belle victoire du courage et de la ténacité de celui-ci ainsi que des organisations qui ont bataillé depuis 20 ans pour sa libération et un encouragement dans la lutte pour les Droits de l'Homme. E M p L o Accueil et promotion, association loi 1901, recherche un 'animateur juridique, travail à temps partiel, dont le samedi et 6 à 8 soirées par mois. Mission: animer une permanence juridique. Formations de bénévoles et travailleurs sociaux. Production, rédaction, publication et diffusion de documents. Profil: connaissance de la législation des étrangers en France, capacités rédactionnelles, animation de groupe. Envoyer CV à : Commission d'embauche" Juridique, Accueil et Promotion, 51 bis, rue Piat, 75020 Paris. LA MISSION DU MRAP Le MRAP a pour mission de lutter contre le racisme, et tous les aspects qu'il peut revêtir: l'antisémitisme, le rejet des travailleurs immigrés mais aussi toutes les personnes qui veulent vivre avec leurs différences. Le rejet dont sont victimes les nomades et les gens du voyage est lié au fait qu'ils ont choisi un autre mode de vie que le modèle dominant. Cette originalité n'est pas reconnue. Les Tziganes et Gens du Voyage existent et vivent de longue date en France et en Europe, et de longue date ils ont manifesté cette volonté d'indépendance, d'autonomie, d'originalité. Le MRAP devait donc prendre occasion des dispositions juridiques récentes, notamment, la loi du 31 mai 1990 pour organiser cette rencontre. Le droit est en voie d'évolution. Pendant longtemps, les Gens du Voyage étaient en infra-droit. L'article 28 porte une disposition sur le droit au stationnement. Celui-ci est indispensable car lié à la vie du voyage; le stationnement servant aux achats, à la scolarisation des enfants, à exercer sa profession. Au niveau des mentalités, il me paraît indispensable de porter une action envers l'opinion publique. Dans sa globalité, la population rejette les gens du voyage au nom du fameux « ils ne sont pas comme nous n. Au MRAP et au-delà, nous souhaitons que les personnes qui vivent autrement puissent continuer à le faire dans des conditions de dignité et de reconnaissance. Cela nécessite une réelle présence « sur le terrain n, continue et efficace. Il appartient aussi aux TGV et à leurs associations d'être les acteurs privilégiés de leur promotion, de leur insertion sociale, de leur identité et de leurs droits. Lutter contre c'est d'abord agir pour. Pour et par des contacts vrais, sur un pied d'égalité, avec des rapports de confiance et d'estime. Jacques Chevassus Président-délégué du MRAP LA CITOYENNETÉ DES GENS DU VOYAGE CHARTRES : LES RAISONS D·UN CHOIX J 'aimerais, en quelques mots, expliquer le choix de la ville de Chartres pour la rencontre du 25 mai 1991. Non qu'il y ait eu quelque événement exceptionnel justifiant cette décision : pas de « gitan » ou de « romanichel » accusé injustement à la suite d'un délit, et servant de bouc-émissaire à la peur des citoyens. Pas de pétition de ces mêmes braves gens pour rejeter les voleurs de poules, ou prôner l'autodéfense contre « l'envahissement des gens du voyage ». Non. Plutôt une situation moyenne, tristement moyenne. Imaginez une ville de quelques dizaines de milliers d'habitants, réputée pour son confort et sa douceur de vivre, ce qui est déjà fort inquiétant. Autour de cette cité et de sa fière cathédrale, une demi-douzaine de villes plus petites. Et chacun de ces partenaires de se renvoyer la balle, de rejeter les indésirables, de repousser vers l'autre ceux dont on ne veut pas. Voilà la situation qui existait jusqu'à peu, et qui perdura pendant des décennies. Ce qui frappa d'abord le comité local, ce fut l'état scandaleux du terrain qui abritait à Chartres les gens du voyage, un terrain situé dans le quartier de Bel-Air. Bel-Air, un nom choisi peut-être par euphémisme, si l'on en juge par la puissance des vents qui allaient jusqu'à renverser les caravanes, et certainement par antiphrase, quand on respirait les effluves émanant des poubelles entassées tout autour. Des sanitaires éventrés, réduits à l'état de parois croulantes; des fils électriques traînant au sol, un robinet d'eau s'égouttant dans les mauvaises herbes, où nous pûmes admirer des spécimens de rats crevés. Le terrain servait parfois de décharge à quelques voisins sédentaires. Il était partagé en deux espaces, dans le sens de la longueur
- d'un côté, les gens du voyage, et de
l'autre les caravanes immobilisées de jeunes chômeurs et de ceux que l'on range pudiquement dans le« quart monde ». Entre ces deux groupes, unis un temps par la misère des lieux, des rivalités, des conflits plus ou moins ouverts. Le MRAP essaya alors de faire connaître cette situation; il alerta la presse locale, put faire publier quelques articles montrant cette réalité cachée. Il projeta un film qui fut l'occasion d'un débat; présenta une exposition conçue par les Études tziganes; rencontra les autorités - et, surtout, essaya d'entrer en contact avec les gens du voyage, à Chartres ou au terrain de Plaisir (78), à la gestion duquel participent ces mêmes gens du voyage. Parallèlement, le syndicat intercommunal se décida à créer une aire de stationnement: 30 places situées à Lucé, une ville voisine de 8 Chartres. Les travaux devraient commencer à la fin 1991 ; s'ajouteraient à cet espace 6 terrains viabilisés dans les communes limitrophes, dont les emplacements ne sont pas encore tous fixés. Mais l'aire principale jouxte une vaste surface qui servit longtemps de « décharge », pardon, de « centre technique d'enfouissement », comme le dit la langue officielle. Et il est à craindre que, même remplacés par des terrains de football ou des « terrains d'aventure» (re-sic), ces lieux gardent une réputation douteuse auprès de la population locale, et que les gens du voyage soient associés à ces objets de rebut écartés à la périphérie des villes, à ces détritus que l'on ne montre pas en place publique, mais que l'on veut « traiter », proprement, hygiéniquement, pour que l'engrenage de notre belle civilisation ne connaisse pas de ratés. Il serait présomptueux, et erroné, d'affirmer que le MRAP permit cette initiative. Nous ne fûmes qu'un aiguillon, un regard criitque. Mais ces actions nous permirent d'entrevoir quelles difficultés soulève l'existence même des gens du voyage. Combien la différence - faut-il s'excuser, ici, d'employer ce mot devenu suspect à certains? - peut étonner, scandaliser. Combien l'on peut être tenté de la camoufler, de la masquer pour l' « insérer» dans un monde que l'on voudrait lisse, dénué de toute aspérité. Nous n'en sommes que plus décidés à poursuivre nos actions, à essayer de rester à l'écoute des gens du voyage et de tous les autres parias de notre microcosme si plaisamment provincial. Antoine SEEL, Président du comité local de Chartres Art. 28. - Un schéma départemental prévoit les conditions d'accueil spécifiques des gens du voyage, en ce qui concerne le passage et le séjour, en y incluant les conditions de scolarisation des enfants et celles d'exercice d'activités économiques. Toute commune de plus de 5 000 habitants prévoit les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet. Dès la réalisation de l'aire d'accueil définie à l'alinéa ci-dessus, le maire ou les maires des communes qui se sont groupées pour la réaliser pourront, par arrêté, interdire le stationnement des gesn du voyage sur le reste du territoire communal. La présente loi sera exécutée comme loi de l'État. Fait à Paris, le 31 mai 1990. François Mitterrand TABLE RONDE ET DÉBATS CITOYENNETÉ ET IDENTITÉ La différence de mode de vie des Tziganes et Gens du voyage pose problème dans une société uniformisatrice. Pourtant, cette communauté existe, lutte, dialogue. • Jacques Chevassus: En Haute-Vienne, en 1984, le préfet a attiré l'attention du Conseil général sur les difficultés de stationnement des Gens du Voyage. Finalement, en six mois, nous avons fait un plan départemental (voir encadré). Tous les préfets de la HauteVienne ont suivi la même politique d'incitation des maires à aménager des aires de stationnement. • Bernard Pro vot (UNISAT) : Les Gens du Voyage doivent être considérés comme partie intégrante de la société française. Le rapport Delamon (1) est excellent par la description des conditions de vie des gens du voyage. Il annonçait un certain nombre de mesures (dont la prolongation des visas pour les carnets de circulation). Aujourd'hui, la circulaire d'application de l'article 28 (2) de la loi Besson est toujours en attente. Il faut bien prendre conscience du fait que les gens ne se déplacent pas en fonction d'aires d'accueil, mais surtout en fonction d'une structure de travail et d'habitudes sociales. Ces problèmes sont méconnus. La volonté majoritaire est d'écarter le plus possible les gens du voyage d'un territoire communal pour les remettre sur la route. Il faut relater le cas de ce maire, que je ne veux pas nommer, qui a obligé des familles sédentarisées ou résidant depuis plusieurs décennies à se munir à nouveau d'un titre de circulation en prétextant de l'état dégradé de leur terrain et les mettre sur la route. Nous sommes-là dans une position extrême d'un rejet de la population. • Jean Cochet (représentant la municipalité de Charytes) : Il faut aussi tenir compte des plans intercommunaux. Dans une agglomération comme Chartres, on recense entre 30 et 40 caravanes au minimum, parfois jusqu'à cent. Les voyageurs séjournent dans des endroits non adaptés et donc dérangeants par nature. La loi Besson ne prévoit rien concernant les communes de moins de 5 000 habitants. O,r dans notre agglomération, 3 communes sur 7 ont moins de 5 000 habitants. Chaque maire accepte d'accueillir un terrain pour une dizaine de caravanes. • Jacob Richar : A propos des carnets de circulation, la majorité des gens du voyage ne veulent pas s'en défaire. Ils considèrent que ce carnet est un acte de reconnaissance de leur identité de voyageurs. • Bertrand Bary : A propos de l'habitat, sur environ 200 000 tziganes et gens du voyage, à peu près 100 000 sont sédentarisés ou semisédentarisés. Mais tous revendiquent d'appartenir à un même monde culturel. Toute la question est là : des populations ont-elles le droit à leur identité propre tout en appartenant à la communauté nationale? En somme, quelle citoyenneté pour les gens du voyage? • Fernand Bénicourt : A Montfermeil, le stationnement est interdit. Quant à l'achat de terrains, dès que nous nous portons acquéreurs, des pressions se font sentir. A Montfermeil, rien n'est possible: le maire n'a aucun respect des lois. • René Neveu: Le problème est: comment faire passer les lois dans la pratique. Les villes de plus de 5 000 habitants ont désormais obligation d'accueil de 48 heures minimum. Quels exemples d'actions, d'initiatives réussies peut-on exposer? • Nicole Darpoux (Clermont-Ferrand) : A Cournon, grâce à l'action du MRAP, les gens du voyage ont été consultés avant que l'aire de stationnement ne soit créée. A Clermont, par contre, le projet ne tenait pas compte des besoins et il a fallu se battre. De plus, certains nomades sédentarisés ou venant d'acheter un terrain, se voient confrontés à des problèmes comme le refus d'ouvrir l'eau ou l'installation de l'électricité. Par ces tracasseries, la municipalité cherche à les faire partir. Certains maires ne veulent pas des gens du voyage parce qu'ils ont peur d'aller à l'encontre des préjugés ou des désirs de leurs électeurs. Les médias, la presse, ne devraient-ils pas mieux faire connaître toutes ces réalités? • Miatéo Maximoff (écrivain tzigane) : Au moment où notre peuple est martyrisé dans tous les pays de la planète, je regrette profondément que l'on bricole encore sur quelques emplacements. Je suis moitié Tzigane, moitié Rom, moitié Manouche. Bref, il est question de mes frères. Je le répète: nous avons besoin de vous! • Michel Dedinger: Moi qui suis sur le terrain de Plaisir, je puis dire que les relations entre Voyageurs et sédentaires ont juste un peu changé. Mon fils fait du sport avec des sédentaires, joue au foot, pratique le karaté, bref, a pas mal de liens avec les jeunes sédentaires de Plaisir; mais je dois, hélas, rapporter un autre témoignage, qui concerne les Clayes. Il y eut un temps où les rapports étaient presque bons; or, maintenant que la municipalité envisage de construire une aire de stationnement, ils se sont considérablement dégradés, à ce point qu'on semble avoir effectué un retour en 1981/82, période noire de ce problème relationnel. Il nous est arrrivé d'avoir une réunion avec les riverains dans un contexte qui avait atteint un tel degré d'aberration 9 que, si des fusils avaient été présents sur les lieux, il y aurait eu certainement des morts. Les choses ont empiré du jour où les habitants ont su que la municipalité allait faire un terrain. Aussi se demande-t-on ce qu'il faut faire pour améliorer les choses. Au lieu de progresser, on régresse. Je crois qu'il n'y a plus rien à faire. Nous sommes dans l'impasse. On se heurte partout au même obstacle : lorsqu'une municipalité veut bâtir un terrain, personne ne s'y opposera, mais pour autant que celui-ci ne soit pas situé à proximité de chez soi. • Catherine Robert (CL-Chartres) : Nous aimerions savoir ce que le ClAC a prévu, à Chartres, pour prolonger le projet d'aménagement du terrain de Lucé et faire en sorte que les habitants avoisinants acceptent la population qui va arriver? Qu'en est-il aussi des autres communes au regard de cette question touchant aux relations avec les quartiers environnants ? • Jean Cochet: Le terrain se situera dans une zone d'activités économiques où les habitants sont rares. Les situations sont diverses s'agissant des autres terrains. • Catherine Robert: Le problème à Chartres c'est que ce terrain est associé au fait que, pendant longtemps, il a été une décharge. Je pense justement que cette association d'idées va perdurer encore longtemps. • Jean Cochet: L'information est inexacte pour plusieurs raisons : d'abord, le terrain principal est vierge, il n'a jamais servi de décharge. C'est un centre d'enfouissement de produits que je dirais « propres », tels des carcasses de voitures, des vieux frigos ou des machines à laver, qui sont tous enterrés et recouverts. Cette surface deviendra complètement nette et sera le lieu d'implantation du centre technique et du centre espace vert du Syndicat intercommunal, mais aussi de deux terrains de foot et d'un espace de loisirs. A côté de ce terrain principal s'élève un bois que certains, dont le président du MRAP local, ont vu. Il est vrai, toutefois, qu'on continuera à enfouir de l'autre côté de ce site, sur un terrain placé dans la commune de Fontenay sur Orléans. On se préoccupe, comme tout le monde, du problème complexe des déchets. Il y aura donc une déchetterie mais cette situation n'est pas unique; j'ai visité des terrains, spécialement à Chambéry, où à côté de l'emplacement des Gens du Voyage se trouvait une déchetterie en voie de finition. Par ailleurs, je dirais que les gens qui sont venus depuis 2 ans sur le terrain de Lucé en ont été satisfaits. La preuve: ils m'ont demandé d'y revenir. Ce qui n'est plus possible, hormis sur le terrain, encore vierge, qui tiendra lieu d'aire principale. .. T ABLE RONDE ET DÉBATS • Bertrand Bary : La question d'un terrain est sûrement quelque chose de difficile. Mon camarade René Neveu le sait, lui qui est à la fois président du MRAP de Plaisir et président de l'association qui gère le terrain. Les riverains sont loin d'être des enfants de choeur. Lors de l'inspection du terrain par la municipalité, aux Clayes, précisément, on a vu quelqu'un jeter des ordures non loin des Voyageurs. C'est sûr qu'il y a des voyageurs qui n'entretiennent pas toujours convenablement les emplacements ; et c'est la raison pour laquelle, par ailleurs, certains Voyageurs évitent d'occuper un emplacement en même temps que d'autres, sachant qu'il risquerait d'y avoir des histoires. On ne peut dire que tout est rose du côté des Voyageurs. Cependant, il reste tout de même que c'est nous, population majoritaire, qui avons les principaux devoirs à l'égard de ce qu'on peut appeler une minorité; minorité non pas nationale, mais culturelle et de mode de vie. C'est nous qui devons aller à leur rencontre. • Jacques Chevassus : Je voudrais intervenir sur deux points : tout d'abord, s'agissant de l'évolution des mentalités, il me semble que, dans la mesure où l'on parle des Gens du Voyage, où les autorités publiques, communales, départementales, en parlent, Où les associations s'expriment davantage, l'idée de l'acceptation de personnes qui veulent vivre différemment progresse dans les esprits. L'un des effets de la loi Besson se situe aussi à ce niveau-là: dès l'instant où la construction de terrains de stationnement devient obligatoire, même si c'est sans enthousiasme ou sans goût particulier, il faudra que ces terrains soient construits. Tout cela semble refléter une assez forte progression des mentalités. Ensuite, il y a effectivement des difficultés chaque fois qu'existe un projet d'implantation d'aires de stationnement. Pour revenir à Limoges, lorsque la ville a envisagé d'aménager une aire de stationnement dans un des quartiers, situé dans le secteur où j'habite, ainsi que plusieurs membres du MRAP, nous nous sommes réunis en nous disant : que faire ? Il va y avoir des pétitions, une opposition des gens du quartier dès qu'ils apprendront la nouvelle. Nous savions que la ville avait cherché d'autres terrains et s'était heurtée à des difficultés qui ne relevaient pas forcément de la population, mais plutôt techniques. La ville ayant choisi ce terrain, nous nous sommes entendus pour raider à l'aménager, conscients qu'un tel projet susciterait partout la controverse. Nous avons réussi à désamorcer les pétitions en faisant du porteà- porte dans le quartier, en expliquant aux gens que les nomades sont des gens comme les autres, qu'ils ont le droit de vivre, le droit à la différence, avec leurs métiers, leurs spécialités
- et que nous demandions en outre à
la ville de Limoges de prendre des dispositions pour que l'implantation du terrain ne nuise pas aux habitants, en particulier au garagiste à proximité. Aussi sommes-nous parvenus à éviter que la pétition prenne une grande ampleur; en sorte qu'une fois celle-ci adressée à la municipalité, cette dernière n'en tînt pas compte. Ce fut une tâche délicate qui a supposé la mobilisation de beaucoup de gens de milieux différents ; et les discussions avec les habitants ne furent pas toujours faciles
- mais l'action fut efficace.
• Jacob Richar : Nous sommes venus là parce que ce problème nous tient à coeur. Je constate avec beaucoup de peine que, malgré les améliorations, il est toujours question de gitans, de déchets. Cela dit, je voudrais lancer un appel aux associations humanitaires, caritatives et autres, notamment au MRAP : aidez-nous à améliorer les relations entre les Gens du Voyage et les autres populations françaises, en particulier par la diffusion sous l'égide du MRAP de petits documents qu'il faudrait envoyer aux divers journaux de Tziganes et gens du voyage revendiquent l'appartenance à un même monde culturel. France. Nous, associations tziganes, sommes trop pauvres pour le faire, d'autant que nous ne recevons pas de subventions de l'État. Bien sûr, heureusement que vous êtes là. Mais certaines associations tziganes reçoivent, heureusement aussi, depuis des décennies des subventions de l'État; celles-ci leur servent souvent à faire des études sur les Gens du Voyage, les Tziganes en l'occurrence. Elles devraient aussi se rendre sur la route et faire un peu de social, ce qui serait une manière de nous aider. Nous souhaiterions que ces associations puissent nous accompagner sur la route, c'est-à-dire qu'elles interviennent auprès des maires. Nous serions très heureux de les avoir à nos côtés, qu'elles puissent recevoir comme nous, un petit coup de pied au cul des commissaires ou des gardes champêtres, ou encore des citadins. • Jacqueline Charlemagne (présidente d'Études Tziganes) : Nous essayons en ce qui nous concerne de faire ce qui nous semble possible au regard de notre vocation qui consiste en une action orientée plus du point de vue de la diversité culturelle que du terrain social. Il est vrai, toutefois, que nous essayons, chaque fois que c'est possible - l'exemple d'aujourd'hui en témoigne - de faire comprendre à tous que nos études ne visent pas à rester dans des dossiers, qu'elles doivent être largement diffusées et qu'on cherche à les faire passer auprès des pouvoirs 10 publics. Nous n'en sortons pas toujours indemmes. Un ami des Gens du Voyage est relativement indésirable. Il m'est arrivé d'être boutée hors de ministères ou d'institutions parce que je venais parler des Gens du Voyage. Il faudrait qu'on se sente tous partie prenante d'un même travail. C'est peut-être difficile de faire du social lorsqu'on a à charge la parution d'une revue, l'organisation d'une exposition, la tentative, précisément, de faire connaître à un maximum de gens les modes de vie des nomades. J'aimerais que les Gens du Voyage sachent que nous sommes ouverts à toute suggestion et que nous aimerions réellement travailler avec eux. • Bernard Pro vot : Nous sommes en contact sur le terrain avec des associations de Voyageurs, notamment à Pau où je suis souvent. Dans dix jours, je serai à Tarbes. Il s'agit donc d'actions locales. A n'en pas douter, chacun a un mode de travail spécifique. Certains sont très liés aux Voyageurs du coin dans leur travail, d'autres moins; tout cela dépend des hommes en présence, des possibilités administratives ou autres. Et, à Pau, cela donne quand même lieu à un travail intéressant qui commence à porter ses fruits. • Jacques Chevassus : Dans ce domaine il faut savoir être patient. Je le disais à l'instant ; il me semble que les idées, les réalisations progressent, sans doute trop lentement, sur le plan social. Le RMI, par exemple, profite aussi aux Gens du Voyage. Ceci est lié à une autre question, évoquée trop rapidement selon moi, celle des métiers des Gens du Voyage. Car leur dignité tient aussi à leur possibilité de vivre de leur travail, même si celui-ci sort de l'ordinaire. Les Gens du Voyage ont énormément de difficultés, compte tenu de l'évolution de la société, à exercer leurs métiers traditionnels ; certains disparaissent, d'autres se maintiennent difficilement. • Une assistante sociale de la CAFRP : Le RMI n'est pas du tout adapté aux Gens du Voyage, on n'arrive pas à monter de dossiers. RMI signifie revenu minimum d'insertion. Il n'y a pas de problème d'insertion. • Jacob Richar : Maître luthier expert, diplômé dans un pays où les luthiers ont toujours surpassé ceux des autres pays du monde, il m'est interdit, en France, d'exercer mon métier, de l'apprendre aux autres jeunes, à cause du consortium des luthiers français qui refuse le droit aux étrangers ou ' détenteurs de diplômes étrangers d'exercer en France. Cette situation est à revoir. De très jeunes luthiers, très brillants, ne peuvent pratiquer leur métier à cause de cet interdit, alors qu'il y a un avenir certain dans cette activité. (1) Voir le compte-rendu de ce rapport dans Différences mensuel septembre 1990, nO 107. (2) Voir encadré p.8 VIVRE ET HABITER LE DROIT AU STATIONNEMENT Eviter le cycle infernal des expulsions et des stationnements illégaux. Présentation et analyse des textes de loi en ~gueurparJ.Charlemagn~ 1 1 convient de revenir sur la loi Besson du 31 mai 1990, texte qui a pour objectif de faciliter l'accès au logement des populations les plus démunies. Cette règlementation est à insérer dans tout un ensemble de lois portant sur la protection sociale, en particulier la loi sur le RMI et la loi sur le surendettement des familles, le but du gouvernement à travers ces mesures étant de lutter contre l'exclusion sociale. Un article a été ajouté (article 28) in fine de la loi Besson, concernant les gens du voyage. Par quel processus cet article spécifique a-t-il été inséré dans le cadre d'une loi qui se veut générale ? Quelle en est la raison? Le préfet Delamon et d'autres perçoivent en cet article l'amorce d'une solution possible aux difficultés multiples rencontrées par les populations itinérantes. Pour ma part, cet article me laisse perplexe. Il ne résoudra en rien ces difficultés sans la volonté indispensable des municipalités et des collectivités locales. La liberté de circulation des individus est un droit constitutionnel qui ne peut pas être remis en cause. En revanche, le droit de stationnement, corrolaire obligé de ce principe constitutionnel, n'est, lui, nullement respecté, malgré un arrêt du conseil d'Etat en date du 2 décembre 1983 qui précise ce droit au stationnement pendant le temps minimum nécessaire. Or il semble que les municipalités opposent souvent aux nomades un refus d'accueil. Afin de pallier à cette situation, une circulaire incitative a été établie en 1980 prescrivant aux départements de prévoir un schéma départemental d'aires d'accueil. Malgré la demande du gouvernement, de nombreuses municipalités et départements ont refusé d'y souscrire. Deux autres circulaires du 18 mars et du 16 décembre sont venues en 1986 rappeler aux localités leurs obligations face aux gens du voyage. Obligations qui relèvent du Code des communes, du Code de l'urbanisme, du Code pénal et du Code de la route. L'article 28 prévoit donc la nécessité de réaliser un schéma d'aires d'accueil pour passage et séjour des populations itinérantes. Il fixe par ailleurs un seuil de population (5000 habitants) en deça duquel l'obligation d'accueil n'est plus à respecter. Les principaux reproches que je ferais à cet article 28 sont: - la capacité des terrains octroyés n'est pas précisée ; - si le terrain s'avère être trop petit, ou mal adapté, le maire a malgré tout le droit d'interdire tout stationnement sur le reste de la commune. Cela facilité donc le droit à 'lexpulsion ; - les rapports entre les populations itinérantes stationnées habituellement sur les terrains communaux et la commune ne sont pas définis. Traiter le problème des gens du voyage dans une loi portant sur les populations les plus défavorisées, c'est méconnaître la diversité de ce groupe. Revenons à présent sur les travaux préparatoires de la loi Besson. A la demande de Bernard Caton (rapporteur), lors de la séance délibératoire du Parlement (le 13 décembre 1989), le problème des gens du voyage a été abordé. A cet effet, des députés ont présenté un amendement nO 107 prévoyant le stationnement et l'accueil obligatoire des populations pour les communes de plus de 500 habitants. Objectif: éviter le cycle infernal des expulsions et des stationnements illégaux, selon l'expression de M. Malandain, député des Yvelines. Pour chaque aire de stationnement, le nombre des places serait fixé par décret au Conseil d'Etat. De plus, corollaire obligé, le maire, une fois l'aire de stationnement réalisée, pourra expulser les nomades sur le reste du territoire. Le gouvernement, représenté par le ministre du Logement, Louis Besson, était opposé à cet amendement et refusait de mentionner dans ce projet de loi toute catégorie spécifique. Car pourquoi citer les gens du voyage et non les familles modestes ou les étudiants ... Le Premier ministre avait en fait demandé dès décembre 1989 au préfet Delamon un rapport sur les gens du voyage afin de formuler des propositions concrètes. Il n'était pas question alors de résoudre ces problèmes par voie législative, mais sur les bases d'une large concertation des communes. Au Sénat, mêmes réticences: les critères fixés sont trop rigides et l'on préfère attendre le rapport du préfet Delamon. La commission des Affaires sociales du Sénat n'était, quant à elle, d'accord que sur le premier alinéa de l'amendement et a aussi rappelé certains principes de la vie itinérante: la caravane doit être considérée comme un habitat social et il MRAP Haute Vienne faut tenir compte des familles qui y vivent. Après maints débats contradictoires, les députés ont modifié l'amendement portant le taux des populations des communes d'accueil de 500 à 5000 habitants. L'article 28 a été voté. Sans doute eût-il été préférable de consulter au préalable le rapport du préfet Delamon. Plutôt que de recourir à des mesures excessivement normatives, mieux aurait valu travailler à un texte spécifique aux gens du voyage: considérer la caravane comme mode d'habitat, tenir compte des itinéraires, des pélerinages, se concerter avec les associations représentatives pour déterminer lieux de passage et besoins en stationnement. Actuellement, c'est trop souvent par le recours à la force publique que se règle le problèmé de l'accueil et du stationnement des gens du voyage. Quand une municipalité ouvre une aire de stationnement, les travaux s'organisent autour de critères techniques plus qu'en fonction de la revalorisation d'une catégorie de population qui devient alors cible sociale, « bouc émissaire ». Le nomadisme n'est envisagé que comme pathologie sociale circonscrit dans un lieu chargé d'une symbolique négative. Cela rassure le reste de la collectivité sans s'attaquer par ailleurs aux problèmes réels. Si par ailleurs, on observe une réelle volonté d'intervenir au niveau des structures d'accueil, on devient « victime du succès ». L'afflux des nomades attirés par cette réalisation isolée dans la région devient insupportable et le seul recours reste encore l'expulsion. Le manque de clarté de l'article 28 est regrettable car il ne reprend pas le problème des gens du voyage dans toute sa mesure. Déjà, on voit se profiler un certain nombre de discriminations à cause des lieux de halte imposés, qui ne sont pas ceux nécessairement choisis par la communauté itinérante. Regrettable encore le désengagement croissant de certaines municipalités, leur démission face aux besoins des gens du voyage. Jacqueline Charlemagne Laboratoire de sociologie juridique, CNRS. En Haute-Vienne, le Conseil général chargeait en 1983 son vice-président. Jacques Chevassus, de coordonner un travail permettant d'établir un Plan départemental d'aménagement d'aires de stationnement pour les nomades et les gens du voyage. Après deux années d'études, ce rapport sortait en 1985. Il mérite toujours l'attention, à plus d'un titre. Partant de l'histoire des Tziganes, de leur organisation sociale, de leurs habitudes de déplacement, de leur statut juridique, ce rapport s'est attaché à décrire dans le détail la situation dans ce département. Ainsi, toutes les structures existant ont été analysées, en rapport à leur utilisation, tous les besoins ont été quantifiés, des aménagements, concrets, ont été proposés. Avec pour constante la volonté de dialogue. les positions diversifiées de 57 municipalités concernées sont contenues dans ce document. Ainsi que l'avis de Tziganes séjournant dans le département, élément évidemment essentiel. Le Plan d'aménagement évoque largement la question des moyens, des plans de financement ont été élaborés. Ce document fait donc le tour des problèmes, au plus près des réalités. Une démarche qui a déjà suscité l'intérêt de municipalités de départements voisins. Un premier bilan a été établi par le MRAP de Haute-Vienne dans son journal. Contact: MRAP Haute-Vienne, 7 rue du Masan, 87000 Limoges.
- Pour tout renseignement: Conseil général de Haute-Vienne, 43 avenue de la Libération 87000 Limoges.
11 • Jean Cochet (représentant la municipalité de Chartres)' A Chartres, nous avons un projet concernant un terrain d'accueil principal, aménagé pour trente caravanes. Dès 1992/1993, six terrains annexes seront installés dans les six autres communes du Syndicat inter-communal. • Jacob Richard (président de l'Association nationale de défense des intérêts sociaux, moraux et culturels des Français d'origine nomade) Les Tziganes et Gens du Voyage ont besoin d'être défendus car malgré les lois de la République, ils sont rejetés, non parce qu'ils ont une couleur de peau différente mais du fait de leur mode de vie. Notre mode de vie est séculaire. Les premiers Tziganes sont apparus en France en 1447 à Paris. En 1991, nous vivons encore avec beaucoup d'interdits. Nous sommes pourtant français. Nous avons parmi nous des gens de grande qualité. Nos associations demandent l'aide des autres associations (non-tziganes) mais qu'elles ne se substituent pas à nous. • Michel Dedinger (Plaisir-Yvelines) Si Chartres envisage de créer des terrains d'accueil, il me paraît important d'associer les Tziganes et Gens du Voyage à la création de ces aires pour contribuer à l'efficacité de l'initiative. • Jean Cochet Nous avons, pour notre part, tenté de faire participer les Tziganes et Gens du Voyage de Chartres mais ce n'est pas très facile. Ils ne répondent pas volontiers à notre demande. Nous avons néanmoins recueilli une foule d'informations auprès des gens concernés pour éviter des erreurs. • Fernand Bénicourt (Association régionale tzigane d'enseignement et pédagogie scolaire - A.R.T.E.P.S.) A droite, comme à gauche, la mentalité est la même : on essaie constamment de nous chasser. Mais nos associations se battent. A Montfermeil, nous travaillons dans le domaine scolaire. Une centaine de nos enfants sont scolarisés, mais l'échec est patent. Nous avons donc, avec un universitaire, formé des formateurs. Depuis un an et demi, nous avons obtenu des résultats inespérés. Les enfants se sentent sécurisés, en trois ou quatre mois, ils apprennent à lire et à écrire. • Lydia Falck - A.R.T.E.P.S. Je voulais aider les enfants. Pour cela, j'ai dû refaire mes classes avec mafille et ma nièce. Je m'occupe tous les soirs d'un groupe de dix enfants; certains d'entre eux vont à l'école, d'autres pas. Dans l'avenir, nous aimerions avoir des institutrices tziganes pour aider nos enfants. Pédagogiquement, le gain est vraiment réel. T É M o G N A G E S « DITES-LE AVEC DES PLEURS» Tel est le titre du dernier ouvrage écrit par l'un des rares auteurs roms de langue française, Matéo Maximoff. On le connaissait pour son talent de conteur : La Poupée de Mameliga, Les Usrisoty, La Septième fille, Condamnée à survivre ... Voici M. Maximoff de retour avec un roman autobiographique dont nous publions ci-dessous la préface. Quelques mots sur sa vie avant de donner la parole à Rutj Feingold, interprète et traductrice en allemand de ses oeuvres. Matéo Maximoff est né en 1917 à Barcelone, Espagne, de père tzigane russe (Rom Kalderash), c'est-à-dire tzigane chaudronnier. Sa mère est née au Pays Basque français: elle était Manouche Valsikané (Manouche française). Le grand-père paternel de Matéo, lui, est né quelque part en Hongrie et sa grandmère en Roumanie. Du côté de sa famille maternelle, son grand-père est né en Suisse et sa grand-mère en Allemagne. Quelle est la nationalité de Matéo Maximoff ? Il n'en a pas! Sur ses papiers, il est toujours apatride d'origine russe. La nationalité n'a pas d'importance pour un Rom. Matéo a parcouru plusieurs fois le monde, et partout il a rencontré ses frères, les Roms que ce soit des Kalderash ou d'autres. « Les histoires racontées dans ce livre sont de véritables perles parmi les contes de Matéo Maximof. Nul autre que lui ne saurait mieux raconter les difficultés, le désespoir et les trahisons des autres peuples à l'égard des Tziganes - mais aussi leurs joies et surtout le lien solide qui les unit! Leurs lois et leurs traditions sont sévères ... Mais n'est-ce pas à cette source-là qu'ils puisent la force de lutter pour l'épanouissement de leur existence? Depuis de longues années, j'observe le peuple tzigane et je suis heureuse de voir que, dans ce monde froid, dur et ingrat, il ya des hommes, jeunes ou plus âgés, capables de s'entraider. Le Tzigane chrétien ouvre même sa porte aux gayziés. En voici un exemple: l'une de mes connaisances, missionnaire évangélique, dut quitter subitement le pays où elle demeurait. Ne sachant où aller, elle s'adressa à une famille tzigane qu'elle connaissait un peu. Elle fut accueillie dans leur petite maison sans aucune hésitation. Elle y resta de longues semaines; elle peut y retourner n'importe quand. Bien souvent, j'ai entendu dire: « Ne nous parlez pas des Gitans! » Eh bien non! Je ne suis pas d'accord, car ce sont des hommes que Dieu aime autant que nous autres. J'en veux pour preuve la grâce de survivre qui leur a été accordée malgré la chasse, le rejet et tous les sévices dont ils ont été l'objet... Ce livre, si bien intitulé Dites-le avec des pleurs, nous raconte une histoire dont les scènes décrites par Matéo Maximoff, avec autant de finesse que de tension dramatique, ont été des épisodes de sa vie à la fin de la dernière guerre mondiale. D'ailleurs, le vécu de l'auteur, aussi bien en tant qu'homme qu'en tant qu'écrivain ou pasteur de la mission évangélique tzigane, reste toujours très mouvementé. Mais je crois que c'est là la cause de la richesse de sa vie. Depuis sa tendre enfance, il a toujours eu le besoin de vaincre les difficultés, comme de s'élever spirituellement pour connaÎtre une parfaite communion avec Dieu. Ces mots 'et ces larmes brillent comme de purs diamants dans l'azur du firmament. » Ruth Feingold (*) Pour commander Dités-Ie avec des pleurs: chèque (postal ou bancaire) d'un montant de 135 F + 12,50F de frais de port, adressé à Matéo Maximoff, 61 boulevard Edouard Branly, 93230 Romainville. 12 CONCLUSIONS AIDER SANS ASSISTER On a souligné l'importance des médias, et donc des actions que chacun, et chaque association, peuvent et doivent mener dans ce domaine. Cela va de la protestation - voire de la plainte en vertu de la loi de 1972 - contre les articles diffamatoires, jusqu'à la proposition constructive d'informations par contacts vrais - au-delà du « folklore» - avec des gens du voyage. Bien d'autres « petits moyens» également: des militants sont allés faire du porte-à-porte dans un quartier pour dire la vie réelle des gens du voyage et faire accepter leur voisinage. Mobiliser l'opinion! La rencontre de Chartres se déroulait le même jour que la Manifestation pour le Droit d'asile. Au-delà de cette coïncidence conjoncturelle, la sensibilisation, la conscientisation sur les problèmes vécus en France pour plus de deux cent mille Tziganes et Voyageurs reste une question entière. Ainsi, le Rapport annuel de la Commission des Droits de l'Homme ne consacre aux Tziganes que 3 pages sur 250 et ne puise qu'à deux sources: l'apport de notre commission et celle de la conférence de presse de M. Hubert Prévot. Sensibiliser, conscientiser (à l'intérieur même de notre mouvement pour bien commencer) ne peut remplacer le contact direct, les amitiés entre sédentaires et voyageurs. Et c'est l'action commune, dans l'égalité de l'échange, qui tisse plus forts et plus solides les liens d'amitiés. Prendre partie pour les droits, la reconnaissance de la citoyenneté B B L Initiation Jean·Pierre Liégeois, Les Tziganes, coll. " Le temps qui court », Le Seuil. 1971. Jean·Pierre Liégeois, Tziganes, Petite coll. Maspéro, La Découverte - Maspéro, 1983. Collectif, Les Tziganes, Association N.D. des Gitans, f984. Dossiers de documentation nO 15, Les Tziganes, Centre National de Documentation Pédagogique, 1987. F. de Vaux de Foletier, Le Monde des Tziganes, Berger· Levrault. 1983. NB. : Le livre de la collection (( Que sais·je », collection consultée par beaucoup d'étudiants. Le livre Les Tziganes de N. Martinez (1986) est malheureusement à déconseiller. Il ne vaut pas l'ancien de MA Bloch (Président d'honneur du CLJPR). Histoire F. de Vaux de Foletier, Les Tziganes dans l'ancienne France, Connaissance du Monde, 1961. F. de Vaux de Foletier, Les Bohémiens au XIXème siècle, J.C. Lattès, 1981. Socio·culturel Hommes et Migrations, n° 124, Tziganes et nomades Itendances actuelles de la recherche). Actes d'une table ronde internationale de 1977, H. et M., 1978. J.P. Liégeois, Tziganes et Voyageurs, Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1985. Patrick Williams, Tziganes: identité, révolution, Actes du Colloque pour le 30ème anniversaire des Etudes Tziganes, Syro·Alternatives, 1989. C.N.I.N., Femmes Tziganes, ICNIN, devenu UNISAT), 1981. '. à part entière des minorités, n'est-ce pas prendre parti pour la dignité de tous, et l'authenticité d'une démocratie? La Défense des Droits et de la Dignité des Tziganes et Gens du Voyage s'inscrit, pour le MRAP, dans sa lutte globale contre les discriminations et pour l'Amitié entre les Peuples. L'Amitié entre les Peuples, c'est aussi celle entre les groupes humains qui tiennent à garder leur identité propre au sein de chaque peuple. C'est le cas des Tziganes, dans le cadre du peuple français, dont la plupart sont membres depuis des si~cles. Quelle citoyenneté, pleine et entière, sans réduction à l'uniformité? C'est aux Tziganes et Voyageurs d'être euxmêmes les premiers acteurs de leur promotion, et de leur « insertion» ( « insertion» ou « intégration» ?, le débat sur les termes peut avoir son importance). Les Tziganes ont créé des associations spécifiques. Un témoignage a été donné aussi au plan éducatif, d'un effort remarquable pour le soutien scolaire des enfants. Les Gens du Voyage demandent à être aidés - mais non assistés - par les organisations nontziganes, où ils peuvent d'ailleurs prendre aussi leur place. Les Tziganes et leurs associations doivent être consultés et pour l'élaboration des lois et de leur réglementation et pour leur application. Des exemples ont été donnés au sujet de la création d'aires d'accueil: la participation des Voyageurs est capitale et ce par des « détails » pratiques. Elle peut se réaliser grâce à o G R A Sur les persécutions en France sous l'occupation Jacques Sigot, Un camp pour les Tziganes et les autres, chez l'auteur là Montreuil Bellay). Revues En France: Etudes Tziganes, 2 rue Autpoul ; Monde gitan, revue trimestrielle, 4 ter rue du Boulqi, 75001, Paris. En Italie: Lacio Drom En Allemagne: La revue Pogrom, publiée par l'Association pour les peuples menacés, a consacré plusieurs numéros aux Tziganes, en particulier le compte rendu du Congrès mondial de 1981. Rapports Populations nomades et pauvreté. Rédaction: J. Charlemagne, Etudes Tziganes, 1980. La scolarisation des enfants tziganes et nomades IJournées d'études E.N. Instituteurs). Direction: J.P. Liégeois, Centre de recherche tziganes, 1980. Les Gitans sédentaires les plus démunis. Un exemple: Marseille, Comité interministériel des Villes, ARFAT, 1990., URAVIF, L'habitat caravane, 1989. Délégation UNISAT Ouest: L'habitat des Gens du Voyage, Etudes et propositions, Laval. Etudes locales ou régionales L'accueil des Tziganes en région Provence·Alpes·Côte d'Azur, ARFAT, 1985. Les Gens du Voyage dans la Sarthe, Association sarthoise. L'accueil des Tziganes en Aulnoye, 1985. Accueil et promotion des Gens du voyage, Centre social de Saintes, 1990. 13 une commission extra-municipale, comme à l'échelon intercommunal et départemental. Les meilleures lois risquent d'obtenir peu d'effets, ou de tarder lourdement à devenir applicables sans une profonde évolution des mentalités - un travail de longue haleine quand il s'agit de rejets et de préjugés séculaires - à tous les niveaux. Les pouvoirs publics ont à exercer leur rôle : ainsi des directives très nettes devraient être données aux forces de l'ordre: peut-on admettre qu'au cours d'un trajet entre Paris et Nice un Voyageur ait été contrôlé ... dix-sept fois! A la base, la difficulté de vaincre le préjugé apparaît de façon évidente lorsqu'il s'agit de réaliser une aire d'accueil. Rares sont les gens qui disent carrément le refuser mais ... plus loin ... pas à côté de chez nous. Il faut du courage à une municipalité pour braver l'opinion vigoureusement manifestée de tout un quartier! Bertrand Bary Président de la Commission « Tziganes et Gens du Voyage », MRAP. Nous venons d'apprendre le décès de Jean-François, aumônier des Gens du Voyage de Toulouse, membre actif du comité local de la Commission Tziganes du MRAP. Une foule imposante de gitans assistait à ses obsèques. p H E Tziganes de Romainville, (( Le Droit de cité », coll. de Travailleurs sociaux et Enseignants, 1982. Droits et devoirs des collectivités locales, Agence d'urbanisme agglo·toulousaine, 1990. Aux éditions Droit et liberté, nous avons publié: J.C. Sangan, Une école chez les Tziganes, lexpérience de Laval),1974. Tziganes et Gens du Voyage. Quelle place dans la société 11981. Une petite plaquette, Tziganes et Gens du Voyage: ce que vous devez savoir, 1984, rééditée en 1987, que nous devons mettre à jour probablement dès que les textes législatifs réglementaires seront parus. Témoignages et récits Jan Yoors, J'ai vécu chez les Tziganes, Stock, 1960. A. Barthélémy, Routes de gitanie, Le Centurion, 1982. J. Coustals et L. Romann, La Pancarte, Groupe pour le Droit des minorités, 1988. Van Hamme, Terrains vagues Ipoèmes et dessins), Editions Instant Présent, 1988. B. Jaulin, Fragments tziganes; Pour jeunes et enfants Bernard Solet, Tziganes, Gitans, Manouches, Messidor La Farandole, 1982. B. Solet, La Flûte tzigane, album du Père Castor, Flammarion, 1982. Sandra Jayat, La longue route d'une Zingarina, Bordas, 1978. Sandra Jayat, El Romanès, Magnard, 1986. Gaby Cozian, Sarah, petite fille du Voyage, Flammarion. 1972. Avec le temps, la thèse de l'innocence des époux Rosenberg déchire les tissus de mensonges dans lesquels se drapait le pouvoir américain en cette noire époque. Pour comprendre - ou se rememorer - ce que fut le maccarthysme des années 50 aux États-Unis, il faut voir La Liste noire, le nouveau film d'Irwin Winkler, où Robert De Niro, décidément capable de toutes le métamorphoses, incarne un réalisateur de Hollywood pris dans le collimateur de la Commision des activités anti-américaines. L'affaire Rosenberg n'apparaît qu'à travers une brève séquence, mais de façon si juste et si poignante que son rôle décisif dans cette vaste entreprise de manipulation politique, saute aux yeux. L'arrestation et le procès d'Ethel et Julius Rosenberg (été 1950), la campagne de haine organisée contre eux, leur exécution le 19 juin 1953 après un dramatique suspense, constituèrent un formidable moyen d'intimidation et de chantage sur une opinion publique chauffée à blanc. Voilà le sort qui attendait les « communistes » et leurs complices ! Plus exactement : tout dissident qui manquerait de zèle dans la chasse aux « rouges » à l'intérieur du pays, ou souhaiterait, au plan international, de meilleures relations avec l'URSS, l'allié de la guerre contre le nazisme. UN ANTISÉMITISME DE LA GUERRE FROIDE Les époux Rosenberg étaient des Américains modestes : elle, secrétaire
- lui, ingénieur électricien,
se débattant pour faire vivre un petit atelier familial. Ils étaient juifs. La guerre froide a suscité, à cette époque, un antisémitisme spécifique. Ce n'est pas un hasard si, dans les deux camps, des juifs furent arbitrairement désignés comme coupables d'espionnage et de trahison. A l'Est, leur « cosmopolitisme » faisait d'eux par excellence des agents de toutes les déviations idéologiques, en particulier, bien M A C CAR T H Y S M E POURQUOI JULIUS ET ETHEL sûr, le sionisme, support inévitable de leurs connivences avec l'Occident. Ce genre d'accusations, surgies lors du procès Rajk en Hongrie (1949), atteignaient leur paroxysme en 1952, avec le procès Slansky à Prague et l'affaire des « blouses blanches » à Moscou, brisée net par la mort de Staline. A l'ouest, après le renversement des alliances, l'inquiétude des juifs face au relèvement éconoavant même les transformations radicales de ces dernières années. Aux États-Unis, les victimes du maccarthysme, mis au ban de la société, emprisonnés ou exilés, ont retrouvé (à peu près) leurs activités normales. UNE MULTITUDE D'ÉLÉMENTS NOUVEAUX Restent les Rosenberg. Sans doute parce que, dans leur cas, l'appareil judiciaire et l'État ont
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I---- ~ Pou" ... h ... ,II .. ioftd·(' ..... tJullu.Ro .. nbo'g 0' ... Morton Sobell volume qui allait convaincre le MRAP de s'engager en leur faveur. Le Comité de défense des Rosenberg, dont il prit l'initiative, suscita un extraordinaire mouvement d'opinion. D'innombrables personnalités, dans tous les milieux, le président de la République, le Pape, lancèrent jusqu'au dernier moment des appels à la clémence, tandis que des foules immenses manifestaient. --- - - - - - - - ----- - ------ - --- - ----- - Portraits réalisés par Picasso pour le Comité de défense des Rosenberg dont le MRAP prit l'initiative il ya 36 ans. mique et militaire de l'Allemagne non-dénazifiée les rendait suspects aux stratèges antisoviétiques. Objectif commun: utiliser les vieilles passions anti-juives en renfort de l'hostilité politique attisée contre l'adversaire. Pourtant, les circonstances sont si différentes de part et d'autre qu'on ne saurait rechercher une comparaison entre les attitudes et les décisions des autorités dans les pays concernés, depuis ces procès iniques des débuts de la guerre froide. Tout au plus peut -on mesurer les résultats. En Europe orientale, vivants ou morts, les condamnés ont été réhabilités en plusieurs étapes, de manière flagrante comploté l'assassinat de deux innocents, on se heurte à un blocage : du point de vue officiel, réviser le procès est hors de question. Or, la mobilisation massive dans le monde pour tenter de les sauver, ne se fondait pas seulement, à l'époque, sur des sentiments d'humanité, mais d'abord sur les truquages de la procédure, les forfaitures du F.B.I. et du juge Kaufman, les provocations des médias, qui ont systématiquement abusé l'opinion américaine. La première décision du comité créé aux États-Unis pour prouver leur innocence fut de reproduire in extenso les minutes du procès. En France, c'est la lecture de ce 14 Aujourd'hui, les efforts poursuivis par le Comité national américain pour la révision du procès s'appuient sur une multitude d'éléments nouveaux. En application de la loi sur la liberté d'information, qui permet d'accéder, par décision de justice, aux archives de l'État (avec maintes exceptions), Michaël et Robert, les fils d'Ethel et Julius, ont découvert, et révélé, des documents qui confirment les manoeuvres illégales perpétrées par le gouvernement, sa police et ses juges: fabrication de faux, subornation de témoins, confusions et mensonges destinés à alimenter la suspicion au sein du tribunal et au dehors. MACCARTHYSME ROSENBERG ONT-ILS ÉTÉ ÉXÉCUTÉS ., • On sait que le juge Kaufman, qui dirigeait les débats, avait donné avant le procès l'assurance au procureur que Julius serait condamné à mort. On sait qu'il a trompé les jurés, leur affirmant qu'ils devaient considérer « coupables» les deux inculpés si ceux-ci avaient simplement, selon eux, conspiré en vue de transmettre des informations secrètes, sans s'être effectivement livrés à des actes d'espionnage. Une loi ad hoc sur la « sécurité intérieure» avait été votée par le Congrès entre l'arrestation et le procès des Rosenberg, déclarant tous les communistes et leurs sympathisants « agents de l'Union Soviétique ». Choisis pour leur non-appartenance à 300 associations listées comme « rouges », ces jurés, dans le climat d'alors, ne pouvaient que se prononcer dans le sens souhaité: Ethel et Julius « conspiraient » au service de l'URSS puisqu'ils étaient des suppôts du « Front communiste ». Mais le juge, en prononçant ensuite sa sentence, la justifia en reprochant au couple d'avoir « mis la bombe atomique entre les mains des Russes », d'avoir par là-même causé la guerre de Corée, et de porter la responsabilité, dans le futur, d'un nombre incalculable de millions de morts. LA THÈSE DE L'INNOCENCE GAGNE DU TERRAIN Lors du procès et depuis, d'éminents savants ont montré que le prétendu « secret de la bombe A » - un schéma et une « description » en quelques pages, que David Greenglass, simple mécanicien au centre atomique de Los Alamos, prétendait avoir réalisé à l'instigation de Julius - n'était qu'un ridicule canular sans la moindre valeur scientifique. On a su en 1979 que le général Leslie Groves, responsable du Projet de la bombe atomique, y voyait dès 1954 un « matériel d'intérêt mineur ». Des témoignages soviétiques sont venus, avec la « glasnost », corroborer ces appréciations: s'il est certain que l'URSS (comme tous les pays) recourt autant que possible aux services d'agents secrets, ce n'est pas avec leur aide que ses chercheurs ont mené à bien leurs travaux dans le domaine nucléaire. Et, en tout état de cause, soulignent-ils, les Rosenberg n'étaient pas des espions. « Vous les avez assis sur la chaise électrique pour rien. Nous n'avons rien reçu d'eux », déclarait au New York Times, en 1989, l'un de ceux qui ont réalisé la bombe soviétique. D'autre part, les études juridiques abondent, qui démontent la machination indigne et grossière mise en oeuvre pour conduire les Rosenberg à la mort. Si bien que d'année en année, la thèse de leur innocence gagne du terrain aux USA. Dans le même temps, les partisans de l'infaillibilité de l'Etat, imprégnés de relents du maccarthysme, s'acharnent à les accabler. Leur mauvaise cause requiert évidemment des méthodes comparables à celles d'il y a 40 ans. Un livre de Ronald Radosh et Joyce Milton: « Le dossier Rosenberg
- recherche de la vérité »,
paru en 1893, tout en reconnaissant que Julius, et moins encore Ethel, ne méritaient pas d'être exécutés, se base sur des « confidences » policières pour prétendre que Julius avait tout de même commis des actes répréhensibles
- le F.B.I. ne pouvait
les présenter publiquement, faute de preuves suffisantes, mais en a informé le juge qui en a tenu compte. Ces auteurs font également état de déclarations de trois anciens communistes qui, par la suite, ont protesté : ils ont été, disentils, mal compris et mal cités. Mais les médias ne retiennent de tout cela que la « culpabilité» invérifiable de Julius et se gardent de publier les démentis. En 1990, le troisième tome des Mémoires de Khrouchtchev, éditées aux États-Unis, a donné lieu à une opération plus que douteuse. Une phrase mettant en cause les Rosenberg a été exploitée à grand fracas. Or, les experts qui avaient authentifié la voix du leader soviétiqe sur 96% des enregistrements relatifs aux deux pre- 15 miers tomes, s'y sont refusés pour la totalité des bandes magnétiques servant de base à celui-là. C'est dire que la bataille fait rage aujourd'hui, autour de ce qu'on a nommé « l'Affaire Dreyfus de l'Amérique ». Patiemment, le Comité national pour la révision du procès Rosenberg, animé par Aaron Katz, répond à toutes les falsifications, leur opposant les faits exacts et les arguments du bon sens. Avec obstination, il réclame au Congrès la création d'une commission d'enquête. Comme le disait en son temps Emile Zola, « la vérité est en marche ». Espérons qu'elle surmontera les multiples obstacles sans cesse renouvelés, dressés devant elle pour l'arrêter. Albert Lévy « Les Rosenberg ne doivent pas mourir» Sous ce titre, Alain Decaux a écrit une pièce de théâtre représentée à Paris et dans plusieurs villes de France, dont il a tiré le scénario d'un téléfim, réalisé en 1975 par Stellio Lorenzi. Cette cc dramatique }} a été de nouveau programmée par Antenne 2 en hommage à Stellio Lorenzi, après son décès en octobre 1990. C'est une authentique oeuvre d'art, belle aux plans esthétique autant qu'humain, qui établit de façon convaincante l'innocence d'Ethel et Julius Rosenberg, en se fondant simplement sur la vérité des faits, telle qu'elle ressort notamment des minutes du procès et des événements qui l'ont entouré. Présentant l'émission réalisée par son ami, Alain Decaux déclarait en substance qu'aujourd'hui il ne serait pas aussi affirmatif, car des éléments portés depuis à sa connaisance le conduisaient à admettre une certaine culpabilité de Julius. Il avait déjà exprimé ses doutes dans la presse ; mais nombre de téléspectateurs, qui l'ignoraient, en furent surpris et choqués. S'agit-il d'un écho de la campagne menée aux EtatsUnis, qui fait feu de tout bois pour s'opposer à la révision du procès Rosenberg ? Dans les ouvrages publiés ces dernières années outre-Atlantique, ou dans les déclarations, témoignages et articles de presse, qui se sont multipliés, on ne voit guère ce qui peut avoir modifié la conviction de l'historien, alors ministre de la Francophonie. On souhaiterait en savoir davantage sur les actes qu'il attribue à Julius Rosenberg et qui justifieraient sinon son exécution sur la chaise électrique, du moins une condamnation mieux adaptée. Se trouvant à Paris pour une semaine, en février 1991, le président du Comité national pour la révision du procès Rosenberg, M. Aaron Katz a proposé à Alain Decaux de le rencontrer. cc J'ai passé les quarante dernières années, lui écrivaitil, à lire et étudier tous les ouvrages importants sur cette affaire [ ... J. Je suis convaincu de la totale innocence [des Rosenberg] [ ... J Je suis sûr qu'il serait fructueux que nous nous rencontrions et discutions sereinement, car nous sommes l'un et l'autre intéressés avant tout par la vérité plutôt que par l'afirmation de nos opinions. Je voudrais apprendre de vous si vous avez connnaissance de certains faits qui m'ont échappés et pourraient affecter ma position, tout comme vous pourriez vous-même accueillir une opportunité similaire. }) La rencontre n'a pas eu lieu. Le débat reste ouvert. A c T o N s TOUR DE FRANCE MRAP Notre secrétaire national chargé des comités lo caux revient d'un tour de France des structures locales du Mouvement. Brève synthèse des contacts directs avec les militants, des actions entreprises et à venir. D cvan! le massac re qu'endure le peuple kurde irakien, nos comités ont manifesté leur réprobation et leur rejet du régime criminel de Saddam Hussein. Ils en ont appelé à tou tes les ins- DIFFÉRENCES, Spêcial PROCHE-ORIENT. L'URGENCE DE LA PAIX Avec, notamment : Georges Montaron. Jacques Serque, Ou ~i Deke1. Joseph Algazy, Hammadi Essid, Jean Kahn, Elisabeth Picard, Marius Schatner. Arié Shapir, Elias Samba', Claude Cheysson, L"';I,, Shahid, Marie-Claire Mendès France, Eyal Sivan . lances ;;m, ;;;;",,;;;;;e;- lièrement à l'ONU pour que le droit tant mis en avant au COUN de la guerre du Golfe ne soit pas une nouvelle fois piétiné et bafoué. Face à cette tragédie inhumaine d'un peuple balloté, rejeté, banni et déporté, des mesures humani taires s'imposent d'ugence. A l'appel du MRAP, des collectes en faveur du peuple kurde n'ont pas laissé indifférents. Les Kurdes ont reçu le soutien du MRAP à Belfort, Limoges, Poitiers, Alès, Troyes, Nantes, Marseille, Montpellier, Tarbes, Marmande, Grenoble, Nîmes, Saint Nazaire, Avignon, Bollène, Crépy en Valois ... qui entendaient ainsi dénoncer cette situation tragique d'un droit internationa l à géométrie variable et mobiliser l'opinion française dans sa diversité envers la cause kurde_ A chaque initiative ont été réaffimées la nécessité et l'urgence de la tenue d'une conférence internationale de paix pour le règlement juste et durable des problèmes de la région, prenant en compte les aspirations légitimes des peuples kurde, palestinien et libanais à vivre en paix et en sécurité. « La France n'est pas une province d'Israël )', affinne le texte d'une affiche à caractère antisémite. Ces affiches signées « Renouveau national socialiste » et frappées de la croix gammée ont été collées en diveN endroits de Limoges. Le MRAP a porté plainte contre X et se propose de lancer à travers la région une grande campagne de débats sur le thème de la lutte contre la résurgence du nazisme afin que cessent ces délits antisémites et racistes. Un an après la profanation du cimetière de Carpentras, à un moment où l'on commémore la libération des camps de concentration, le PNFE a réuni ses membres pour fêter un curieux anniversaire nationaliste, la naissance d'Adolf Hitler, le comité de Meaux a réagi avec promptitude en menant une action devant le restaurant, lieu du mssemblement. LE SENS D'UN SIGLE Par vos courriers, par la presse locale, régionale ou nationale, nous avons eu connaissance des initiatives qui ont été prises ces dernières semaines. Le sens du sigle MRAP a pris toute sa fortce, « mouvement contre le racisme » et (( amitié entre les peuples ». La guerre du Golfe a mis dans une perspective dramatique les préoccupations qui conduisent notre action, notre éthique. Une éthique qui présuppose la reconnaissance positive de l'Autre. En somme, quel monde voulonsnous et dans quel état allonsnous le livrer à l'humanité de demain? Pour lutter contre le racisme et toute fonne d'exclusion, la chenille redémarre à Saint Avold_ Des jeunes de toutes origines ont fait connaître, le 8 juin dernier, au cours de cette journée POUR DES CONSULTATIONS POPULAIRES ÉTENDUES À TOUS LES RÉSIDENTS DE LA COMMUNE me MRAP a suivi avec inté~ t la discussion parlementaire du projet de loi relatif à l'administration territoriale de la République_ Sans avoir à prendre parti sur l'ensemble des dispositions du projet, il s'est félicité de voir que dans le but d',( associer davantage les citoyens à la vie locale », il était envisagé d'organiser des {( consultations populaires » (et non des référendums locaux) pour pernlettre aux élus municipaux de mieux connaître l'avis de leurs administrés. Sa déception a été grande de constater, en prenant connaissance du texte définitif voté en première lecture par l'Assemblée Nationale, que derrière l'intitulé trompeur du titre Il de la loi : {( De la participation des habitants à la vie locale», l'arL 16 stipulait, d'une façon discriminatoire el restrictive, que {( ... les électeurs de la commune peuvent être consultés »). Le remplacement d'« habitant ') par « électeur» aboutit à exclure de la consultation plusieurs catégories des adm inistrés (et souvent celles qui sont précisément les plus difficiles à connaître) comme les jeunes de moi ns de 18 ans ou les résidents étrangers de la commune. Une telle exclusion est en totale contradiction avec la politique d'intégration affichée par le gouvernement. Elle n'est aucunement justifiée par les dispositions constitutionnelles qui s'opposent à ce que des mineurs ou des non-nationaux prennent part à des consultations électorales, puisque le projet ne donne aucun pouvoir délibératif à la consultation et que rien dans la contittution ni dans aucune loi ne s'oppose à ce que les élus s'informent de l'avis de tous leurs administrés avant de prendre une décision les concernant. On doit d'ailleurs ajouter que cette disposition va à l'encontre du but recherché, aider les élus à être bien infonnés_ interculturelle, leur envie de promouvoir la solidarité et le respect des autres. « Fête sans passeport » à Chartres, le comité a organisé une grande rencontre des communautés étrangères pour fêter la journée internationale contre la discrimination raciale. La musique, avec une tonalité éclectique, a eu une place d'importance tout au long de cc forum. Marquer son opposition au régime de l'apartheid, c'est sur le parcours de l'amitié organisé par la Fédération des Charentes que le kilométrage parcouru par les coureurs était noté de façon symbolique pour atteindre la distance qui sépare la France de l'Afrique du Sud. Cette initiative est la 7e du genre. A Saintes, la course a attiré la foule, l'amitié entre les peuples a fait courir les Saintais. Avec la part icipation de Jacques Chevassus, membre de la Présidence, une réunion débat à Montmorillon sur les Gens du Voyage: la scolarisat ion des enfants, les prob lèmes des aires de stationnement. A Lunel, le rideau s'est levé sur la 7e édition de la « Semaine cinéma méditerranéen» présentée par un collectif d'associations dont une des chevilles ouvrières est J. Choukroun, militant de notre mouvemenL Norbert Haddad Face à cette entorse à la participation, le MRAP demande que le texte définitif revienne à l'esprit du projet cn permettant à tous les résidents d'une commune, sans exception, d'être consultés sur les problèmes qui les concernent. Il demande que l'article 16 soit amendé en remplaçant « élec teurs »par« résidents ». Le MRAP vient de saisir dans ce sens le Président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, ainsi que les différents groupes ~arlementaires. A l'heure où nous mettons sous presse, plus de quinze maires ont répondu à l'appel du MRAP.
Notes
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