Différences n°152 - mai 1994

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Sommaire du numéro

n°152 de mai 1994

  • Edito: par Mouloud Aounit
  • Portraits:
    • idylle au parc Montsouris par C. Benabdessadok
    • des paroles sacrées par C. Benabdessadok
    • Handicap majeur: être blanche
  • Assemblée générale du MRAP: une rencontre pour réfléchir
  • Semaine nationale d'éducation contre le racisme: l'école un lieu privilégié par Norbert Haddad et Mireille Maner
  • Autour d'un colloque à Montreuil: entre terre et Mars, interview de Jean-Pierre Brard par C. Benabdessadok

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) ED 1 T 0 l. lIOIIde s'Hiiy daogerou ..... t. En ex·Y. slavie, l'I!orrew s'crffiOe quotidlHllellelt el se "'eoOque ..... de ~ purification etHique. El Algérie, le fasdSIH iltégriste ossossite 1011 ce qli est diHémt. A. Rwanda, les àcatrkes cil (olonioiisili s'ouvrell, laissDlL1 jaillir le salg entre COIIIIIIIlGlfés. El Afrique d. Sud, l'espoi est lnsgilsi ,.. ~ violence _e et ~s ~~ ,0(0IiOIS des exlrêlllistes de tous bords. ,~ Procle-Orleot, les at_II de, .. t ~ ~~ ctSSIIS dt pei ..... , les bras des eIfrêllistes israélien e' palestllielS. DoIS ['ex-URSS au g.erres civilIS e' lo'iOilles se superpose 'II 1IIIioooI ... ~sy qoi affkIe parlais sa fioation Wtlérie.e. En cette fil de siècle à "'t risque, aux Iagipes de Ioaine et de IIIGII, s' ",OIt d'Oltres do!gers: l'accDul •• allcI il narreur, l'enfermellenl, le repli séoritaire, l' "Yi oltSsi. l'éllolkll SOIIeVée par l'aduatdé révolle légitilM. enl, .ais les dOlgers SOIt DISSi daIS Cet· taius répouel vuirmses. On ne pel' faire taire la haile el rOlipre l'elgreaage de la . art ,..Ies ...... les salutiaos nitrtaires .. ""Olt de!aIIetIettt assécher ~s IIO"'ageS de oeIIe spirale idenale. Aucn issue n'est possible $ClIS III clllllbat pel1llClaenl, vigNlt, opiliâtre OliM de ~ dioacratie, de développement et de ~ madelenIioatioo. Auctne sohItion ne peut IfOlVer de répolse SCIIS ule perception citoyenne de 10 résol.tiol des (ds qli gormllisse dems le respect lili tue/, Ifs d_roits .é.l.é. u.r.ta. ires el fOldame.taux de la pero l'iIiIitié eIIlre les pelfles est la 11ère du radSlle et le lIOIIrit en pemGnem: noire (ombat (OIlre tous les raôslHs est sorMiaire de la lutte po.r l'anitié entre les peopIe~ PlIs que ~ .. ~ ,.lre 1IOIa1satÎOl polir faie vivre les deu deoières lettres de noire lIOII est iIIIspensable, lIètIe si ~ pet! paraiIre pet de cho .. devant ~s atradtés qlOtidiennes: solidarité, mobilisation des (OISÔH(eS, ortioa l1li qHlid'1eII, nous le faisOis déjà SmlS dovte, 1 fan (OIItiluet', a faudra faire ~ .. ""'. MoaIood AOliNff M AI 1994 . N' 152 • 10 F PORTRAITS IDYLLE AU PARC MONTSOURIS Corinne et Hassan sont amoureux et se sont mariés pour "régulariser" leur situation. Trop tard, Pasqua est passé par là: la procédure de regroupement familial a été supprimée pour les conjoints de Français. L orsque Hassan naît au Maroc en 1967, son père est déjà ouvrier en France depuis plusieurs années, et il l'est encore à ce jour. Le père d' Hassan n'a jamais décidé de fa ire venir sa femme et ses enfants, Aujourd ' hui , il s'cn mord les doigts et il a raison; il a mis son fils dans le pétrin. Voici ce que nous a raconlé Corinne, épouse d' Hassan, 24 ans(l ). J' ai rencontré Hassan il y a dcux an s; j'habitais à Paris et je faisais du jogging avec deux amis au Parc Montsouris; on y all ait le dimanche entre 13 et 15 heures. L'AFFAIRE DREYFUS et le tournant du siècle On avait dû se croiser plusieurs fois auparavant car son visage ne m'était pas inconnu. Ce jour-là, je le vois à l' une des sorties du Parc qui me fait des grands signes; je lui ai répondu , par jeu, avec des signes aussi, en lui donnant rendez-vous à l'autre bout du Parc. Nous nous y sommes retrouvés; nous avons discuté un peu, échangé nos numéros de téléphone el puis une quinzaine de jours plus tard, on s'est appelé, on s'est vu, revu, et on n'a plus cessé de se voir, Durant plusieurs semaines, il m'a caché la vérité. Je trouvais bizarres certains de ses comportements; il ne voulait pas sonir ni aner danser le soir et quand je lui demandais pourquoi, il me donn ait des argu ments qui ne tenaient pas la route. Un jour, il m'a raconté toute son histoire. Et j 'ai alors compris qu ' il avait peur parce qu' il était clandestin .. Alors on a fait le test du Sida et puisque notre relation devenait sérieuse et durable, il fallait régulariser sa situation pour vivre lire la suite page 4 ,1/3 ,4S6 , 7 , U C'est en décembre 1894 que le capitaine Dreyfus est condam né à la déponation à vic 11 l'issue d'un procès à huis-dos où toutes les irégularités sont accumulées. A cette occasion, le Musée d' Histoi re contemporaine. avec le concours du Musée de Bretagne ct la ville de Rellnes. présente du 9 avril au 30 juill ulle exposition à ne pas mter à l'Hôtel des Invalides à Paris. ra n' ~"'dlcYlo ,U REPÈRES DAKAR, DÉVALUATION ET VIOLENCES Après les violents affrontements qui ont suivi la dévaluation du franc CFA, Dakar est encore en proie à la contestation "de la rue". Le 17 février, le gouverne- APPEL DU CONSEIL NATIONAL AIDER L'AL.GÉRIE ET LES ALGERIENS Comme beaucoup de nos amis et beaucoup de Français, nous sommes meurtris par la situation de l'Algérie et des Algériens et Algériennes, et nous sommes inquiets de cette dégradation ininterrompue à laquelle nous assistons. Chaque jour davantage, le terrorisme fanatiq ue attaque. intimide, assassine les militants des Droits de l'Homme, les enseignants, les syndicalistes, les femmes, les intellectuels. En même temps la répression. selon tout ce qui nous en est rapporté par des témoins, accroit chaque jour. par sa brutalité. le nombre des sympathisants du FIS. Des mesures politiques qui répondraient à la légitime attente du peuple, aucune n'est prise. Il est indispensable que se manifeste encore plus forl notre solidarité à r égard des Algériennes et Algériens: solidarité avec celles et ceux qui sont menacés et qui résistent avec tant de courage, avec les familles des victimes. avec les forces démocratiques qui luttent pour un vrai renouveau. Mais il fa ut aussi manifester une solidarité plus forte envers ceux qui n'ont d'autre ressource que de quitter momentanément leur pays et de trouver asile en France. La plupart de ceux qui sont déjà parmi nous ne déposent pas de demande d'asile politique auprès de l'OFPRA: ils espèrent que leur exil actuel ne sera que momentané. Cela devrait se traduire par l'attribution d' un titre de séjour provisoire d' un an, permettant d'exercer une activité avec la possibilité, s'ils retournent voir sur place comment évoluent les choses. de revenir s'ils le souhaitent. Nous lançons un appel en ce sens au gouvernement de notre pays, certains d' être rejoints par les organisations et personnalités qui ont déjà consti tué un peu partout des comités de soutien. Nous souhaitons que le gouvernement entende notre appel. le 31 mars 1994 ment interdisait toute activité à un mouvement islamiste "Hommes et femmes de vérité", le désignant implici tement comme l'instigateur des troubles. La manifestation a tout de même eu lieu provoquant des heurts violents entre manifestants et forces de l'ordre. La hausse des prix de produits première nécessité (30 % au Sénégal) qui touche l'ensemble des pays de la zone franc ajoutée à l'inflation provoquent un grave abaissement du niveau de vie de la majorité de la population. Au Sénégal, les jeunes de moins de vingt ans représentent 60 % de la population globale et, ici comme ailleurs, les mouvements d'opposition d'inspiration religieuse ou plus franchement intégriste y puisent leur "base de masse". PAYS-B{lS, L'EXTREME DROITE DOUBLE SES SCORES A l'issue du scrutin municipal du 2 mars, les deux partis d'extrême droite ont progressé de manière très sensible par rapport aux municipales de 1990. Le parti xénophobe Centrum Democraten et les néo-nazis de CP' 86 ont fait 14 % à Rotterdam, 12 % à La Haye, 10 % à Amsterdam et 10,2 % à Utrecht. Ce scrutin qui précède de deux mois les élections législatives, a profité de l'impopularité du gouvernement actuel (coalition entre chrétiensdémocrates et socialistes) et du climat de plus en plus hostile à l'égard des immigrés. KHALfD CHANTE AU ZENITH ET FAIT LE RAMADAN Le roi du raï, Cheb Khaled, est le premier artiste algérien à faire une carrière internationale dans le showbiz. Son passage au Zénith les 5 et 6 mars en a ébloui plus d'un. Par ses chansons qui célèbrent les joies de l'amour et de l'ivresse, et sa personnalité au sourire pétillant d'appétit, Khaled bat en outre quelques records plutôt étonnants; il a d'une part réussi à séduire le public égyptien, ce qui est inédit pour un artiste dont les textes sont en arabe dialectal algérien mâtiné de français ; il s'est d'autre part hissé au Top 50 israélien; enfin, il est considéré comme le premier chanteur "français" en Inde. Mais Khaled est aussi une des 2 bêtes noires des intégristes algériens. Pourtant, Khaled est musulman pratiquant et il l'affirme à propos du ramadan: "c'est, dit-il, le mois de la réconciliation. Si vous êtes fâché avec quelqu 'un, il faut faire la paix pendant le ramadan. Chez nous, c'est un peu les restaurants du coeur, on invite tout le monde à manger à la maison le soir. Cela nous permet aussi de comprendre qu'il y a des gens qui ontfaim et souffrent". IfAUT CPNSEIL A L'INTEGRATION Cette structure créée en 1990 par Michel Rocard, reconduite dans ses fonctions, est renouvelée pour une partie de ses membres par M. Balladur le 10 mars. Après plusieurs mois d'interruption, sa nouvelle configuration a été arrêtée par décret présidentiel. Les partants sont Marceau Long, Philippe Farine et JeanPierre Delalande. Parmi les nouveaux venus, il y a notamment François Autain, sénateur, Georges Charpak, prix Nobel de physique, Pierre Chaunu, historien, René Lenoir, ancien secrétaire d'Etat aux Affaires sociales, et Alain Touraine, sociologue. D'après l'Humanité du 11 mars, M. Balladur a expliqué aux membres du tout nouveau Conseil à l'Intégration que son gouvernement "s'effo rçait de mettre en oeuvre une politique d'intégration globale et équilibrée". ÉGYPTE, LES COPTES DANS LE COLLIMATEUR Le 11 mars, cinq coptes dont deux prêtres ont été tués au cours d'une attaque sanglante non revendiquée, près d'Assiout en Haute-Egypte. Depuis quelques mois, les attentats commis par les extrémistes islamistes contre les coptes s'étaient espacés, les tueurs ayant déplacé leur cible vers les policiers. Pour le député copte Gamal Assaad Abdel Malak, cet attentat "signifie que des consignes d'escalade contre les coptes ont été données par la Jamaa Islamia à ses militants". LE PUZZLE '~ÉTRANGERS ET IMMIGRES" Michèle Tribalat, spécialiste de l'immigration à l'INED (Institut national d 'études démographiques) a fait parler d'elle dans CHRONO la presse de la semaine du 7 mars. Selon ses travaux, entamés en 199 l , près d'un Français sur 5 possède au moins un parent ou un grand-parent immigré. Selon Le Monde du 8 mars, "la France compte 3,5 millions d'étrangers, ce sont plus de 10 millions de personnes qui doivent aujourd'hui leur présence dans ce pays à l'immigration. Il convient donc de dépasser le miroir déformant de la "nationalité", qui écarte des statistiques la femme africaine en boubou si elle possède la nationalité française, mais inclut le retraité espagnol qui a conservé sa nationalité". Michèle Tribalat s'est donc décidée à travailler non pas sur une catégorie juridique -la nationalité- mais selon la "perception sociale" des immigrés. Cette manière de voir permet, peutêtre, de clarifier les mots "étrangers" et "immigrés" que l'on utilise souvent l'un pour l'autre:" les deux populations "immigrée" et "étrangère" ne se recoupent pas nécessairement. Parmi les immigrés, on trouve à la fois des personnes nées hors de France ayant acquis la nationalité française (31 %) et des étrangers (69 %). A l'inverse, certains étrangers sont des immigrés car nés à l'étranger (79 %), les autres sont nés en France et ne sont donc pas immigrés (21 %)". COMMENT PRÉVENIR LES CAMPAGNES XENOPHOBES? AI' occasion des élections cantonales, le MRAP a rendu public un communiqué dans lequel il se prononce pour des mesures de prévention: "En pratique, les commissions départementales de propagande que préside un magistrat de l'ordre judiciaire se limitent à un contrôle restreint et technique des supports des campagnes (format des tracts, bulletins, affiches) mais se refusent à s'ingérer dans le contenu des messages proposés. Doit-on, pour autant, se résoudre à ce que des campagnes fondées sur l'incitation à la haine raciale puissent être diffusées à nos domiciles et jusque dans les bureaux de vote? Le MRAP exprime le souhait que, dans le respect des principes constitutionnels de libre communication des pensées et des opinions, puisse être instaurée une procédure de prévention, donnant aux commissions départementales de propagande le pouvoir d'infor- DU MOIS mer tant le Parquet que les associations de défense des droits de l'homme, de l'existence de campagnes manifestement constitutives de délits prévus par la loi". 17 mars. CANTONALES, LE FN S'INCRUSTE Dimanche 20 mars, le Front national a emporté 9,78 % des voix exprimées lors du premier tour des cantonales, contre 5 % en 1988. Cette année, poursuivant son implantation, le FN disposait d'un candidat dans 96 % des cantons de métropole, dont 369 femmes, soit le cinquième de son contingent de candidats. Il compte désormais quatre conseillers généraux: Fernand Le Rachinel, dans la Manche; Marie-France Stirbois, à Dreux-Est; Eliane Guillet de la Brosse à Toulon-6 dans le Var; et Jacques Peyrat (dont le mandat n'était pas renouvelable cette année) dans les Alpes-Maritimes. MIDI LIBRE RETIRE SA PLAINTE CONTRE HOMMES ET MIGRATIONS Hommes et Migrations a publié dans son numéro d'octobre 93 un article de recherche linguistique signé par deux universitaires de Montpellier. Ce qu'on appelle à la fac le "processus linguistique de production de sens" a donné lieu, en l'occurrence, à une étude portant sur 816 articles du Midi Libre en 1992 qui montrait comment et en quoi le triptyque "chômage, immigration, insécurité" y revient d'une façon récurrente. La direction du quotidien régional, mécontente, a attaqué en diffamation les auteurs et le mensuel dirigé par Philippe Dewitte. Après une réaction massive de la communauté universitaire et de vifs débats à l'intérieur de la rédaction du Midi Libre, celui-ci a retiré sa plainte en contrepartie d'une texte de conciliation publié par Hommes et Migrations d'avril. EXPULSION DES JEUflES DE LYON, LE MRAP ECRIT AU PREMIER MINISTRE "Le 23 mars 1994, Mouloud Madaci, 18 ans et Abdel Hakim y oubi, 19 ans, résidant en France depuis de nombreuses années, en situation régulière, ont été expulsés à l'issue de la manifestation anti -CIP au motif de l'urgence absolue pour la sécurité publique et la sûreté de l'Etat sur décision du ministère de l' Intérieur. Le MRAP, qui condamne toute violence quels qu'en soient les insti gateurs' ne peut accepter ces expulsions contraires aux principes élémentaires d'un Etat de droit. le Juge du Tribunal de Grande Instance a décidé de reporter la décision à 15 jours. ( ... ) Nous vous demandons, Monsieur le Premier Ministre, d'abroger immédiatement ces deux arrêtés d'expulsion et d'ordonner le retour en France sans délai de Mouloud Madaci et de Abdel Hakim Youbi" .(31 mars). Au moment où nos mettons ce numéro sous presse, A. y oubi est revenu est France sur décision du tribunal administratif de Lyon qui a estimé qu ' il n'y avait pas de "nécessité absolue" pour justifier les expulsions. Le ministère de l'Intérieur n'est pas content. On s'en serait douté. COURBEVOIE, L'URGENCE Le 30 mars, une chaufferie explose dans une usine; bilan: deux morts et 59 blessés, deux immeubles dévastés dont un foyer de travailleurs immigrés, où vivent trois ce'nts personnes, est rendu inhabitable. Selon un communiqué du MRAP du 30 mars, "Les personnes sont à la rue et le maire de Courbevoie ne veut pas s'engager à les aider au-delà de 48 heures. Cette attitude inhumaine est inadmissible de la part d'un élu. Ceci étant, pour le MRAP, un problème d'une telle ampleur ne saurait être laissé aux bonnes volontés ni au hasard. Le devoir de la solidarité s'impose. Le MRAP demande que les représentants des communes limitrophes, le Maire de Paris, organisent la solidarité" ( ... ). Une semaine après l'accident, les habitants du foyer qui ont été hébergés durant 48 heures au stade municipal, ont dû regagner ce foyer rafistolé à la hâte. Les conditions de vie y sont gravement précaires: panneaux de contreplaqué à la place des vitres, poutres de bois au plafond ... Le maire de la ville refuse d'envisager le relogement des travailleurs et des familles qui habitaient le second immeuble endommagé. BOSNIE, ON PEUT TOUJOURS PENSER ••. Après Sarajevo où les combats ont cessé à l' issue de l'ultimatum de l'OTAN du 9 février, Gorazde était la dernière grande ville de Bosnie-Herzégovine sur la rivière 3 Drina sous contrôle de l'armée bosniaque. Une semaine avant le raid aérien de l'OTAN, le 10 avril, la ville était assiégée par l'armée serbe. Lorsque ce raid a été déclenché, pour venir en aide aux Casques Bleus menacés, la partie sud-est de la ville était déjà tombée aux mains des forces serbes en Bosnie. Selon le HCR, les 15000 habitants de cette partie de la ville tentent, dans un mouvement de panique, de fuir de l'autre côté. C'est semble-t-il, à la demande de la FORPRONU, que deux avions américains de l'OTAN ont bombardé des "cibles" autour de Gorazde. On peut penser que, de cette manière, l'ONU affirme aux Serbes sa détermination à aller plus loin, mais on peut aussi penser que l'OTAN a attendu que des militaires soient menacés avant d'agir alors que les civils font l'objet de violences dans un espace déclaré par l'organisation internationale elle-même "zone de sécurité". ALGÉRIE, QUE DIRE? C'est au bord du gouffre que l' Algérie a cédé: un accord d'un an a été signé entre le FMI et les autorités algériennes. Il se décline notamment par des crédits financiers importants et un rééchelonnement de la dette en échange notamment d'une dévaluation du dinar annoncée le 9 avril et de la libération des obstacles au commerce extérieur. La situation politique s'alourdit chaque jour. Cinquante mille femmes ont manifesté le 22 mars à Alger et dans plusieurs grandes villes contre le fanatisme intégriste. Des jeunes filles sont assassinées par balles à la sortie de l'école, les étrangers et les binationaux vivent désormais sous la menace ou bien ils partent. On craint en France aussi bien les prétextes xénophobes ainsi donnés à la xénophobie anti-arabe que l'influence du FIS dans certaines banlieues coincées entre chômage et désespoir. DROIT DE VOTE COMMUN~UTAIRE, UN MYSTERIEUX SILENCE Depuis la loi du février 1993, les ressortissants de la Communauté européenne résidant en France, soit 1,I million de personnes doivent disposer dans chaque commune d'une liste électorale complémentaire leur permettant de s'inscrire pour pouvoir prendre R EPÈRES par au vote. Mais ces listes n'ayant été ouvertes que le 14 mars et clôturées le 15 avril, le pourcentage des communautaires qui voteront le 12 juin prochain pour élire les députés français au Parlement européen est évalué à 1 % . En plus du délai d'ouverture des listes beaucoup trop court, aucune campagne d'information sérieuse n'a été engagée par les pouvoirs publics pour marquer ce qui aurait dû constituer un moment fort de l'histoire de la construction européenne. Chrono établie par Chérifa Benabdessadok COURBEVOIE: LE "RAP REÇU EN PREFECTURE DES HAUTS-DE-SEINE Une délégation du MRAP accompagnée par des représentants des familles et des résidents sinistrés de Courbevoie a été reçue ce jour par M. Guérin, sous-préfet, chargé des questions de la Ville, de la Préfecture des Hauts-de-Seine. Cette rencontre a permis de faire le point sur la situation actuelle et à venir des victimes de l'explosion: - des assurances ont été données quant au relogement des familles confornlément à la loi en partie par l'Etat. en partie par la Mairie de Courbevoie. La délégation a, à ce sujet, stigmatisé l'attitude honteuse et dictatoriale du maire de Courbevoie qui s'oppose toujours aux droits des familles hébergées temporairement au gymnase de Courbevoie à se réunir et recevoir les représentants des associations; - à propos des résidents du foyer Soundiata. il a été proposé: la réfection immédiate du foyer actuel pour une vie décente. A plus long terme, les résidents du foyer seront associés dans le cadre d' une MOUS (Maîtrise d'Oeuvre Urbaine et Sociale) à toutes les décisions devant aboutir au déplacement et à la restructuration du foyer afin d' assurer le relogement de la totalité des résidents actuels. Au cours de cette rencontre. le MRAP a réaffirmé deux principes essentiels à toute bonne résolution de ce problème: la concertation permanente avec les intéressés et l'exigence que toutes les communes, sans distinction. assument leur devoir de solidarité el d'accueil. le 8 avril 1994 PORTRAITS IDYLLE AU PARC MONTSOURIS Suite de la page 1 ensemble. Notre dossier de mariage a été accepté en mai 93. Et nous nous sommes effectivement mariés devant le Maire le 24 mai. A ce moment-là, nous avons commencé à constituer un dossier de regroupement familial; mais on m'a dit à la DDASS que tous les dossiers de Français qui sollicitaient un regroupement étaient bloqués depuis quatre mois. Ce qui voulait dire que si j'étais marocaine, ç' aurait été plus facile, c'est un comble! Nous y avons renoncé. Nous avons cherché à avoir des informations; chacun y allait de son petit conseil. Nous avons obtenu la liste des documents à fournir pour faire une demande de titre de séjour auprès de la préfecture, nous avons eu une convocation pour mi-juillet. Nous avions prévu d'aller en vacances au Maroc, et puis ce rendez-vous bloquait tout, alors on s'est dit qu'on partirait juste après le rendezvous. Le jour du rendez-vous, un récépissé de demande de titre de séjour valable 3 mois a été remis à Hassan, qui ne l' autorisait ni à travailler, ni à rentrer en France s'il quittait le pays; il n' était plus question de vacances! On nous a dit qu ' il fallait attendre la convocation de la Commission du séjour, mais que de toutes les façons on avait peu de chance, qu'il fallait aller au Maroc demander un visa. J'ai réfléchi: quel pourcentage de chances avionsnous pour qu'il obtienne ce visa? pratiquement nul! Je me suis demandée s'il fallait partir là-bas, ce que j'allais pouvoir faire à attendre pendant des mois dans un pays que je ne connais pas et où je ne m'adapterai pas. La réunion de la Commission de séjour avait lieu au Palais de Justice. Nous nous y sommes rendus quelques jours avant notre tour, en repérage, pour voir comment ça se passe: il y avait trois juges qui visiblement se foutaient de la gueule des Africains qui passaient en commission. Il y avait notamment un Zaïrois dont je me souviens très bien; un juge lui demandait où se situaient les locaux du parti d'opposition auquel il affirmait avoir appartenu. Lui expliquait à sa façon, il a dit "passez-moi un stylo" et il a commencé à dessiner en se déplaçant vers le bureau des juges qui semblaient terrifiés de le voir s' approcher si près d'eux. Et le juge, visiblement énervé, lui a dit "quelle forme ça a Kinshasa, celle d'un haricot vert ou d'un ananas?" et l'homme continuait à s'expliquer, et plus il parlait, plus on avait l' impression qu'il exaspérait les juges, qu'il s'enfonçait. On sentait la cause perdue d'avance. J'ai pensé: on est mal barré! Hassan est timide, il parle à voix basse quand il est en public, j'ai senti la catastrophe arriver! Le jour de notre passage devant la Commission, toute la famille était au Palais de Justice; on voulait qu'il soit clair que ce n'était pas un mariage de complaisance. Il y avait ma mère, qui est venue de province, mon père qui habite à Paris, mon oncle qui est fonctionnaire dans un ministère et le père d'Hassan; on était assis en rang d'oignons sur un banc. Hassan a commencé à raconter sa vie mais il a oublié beaucoup de détails importants; il était intimidé. Le président de la commission lui a dit "retournez à votre place"; j'ai demandé si je pouvais prendre la parole; le président m'a répondu: "normalement, non, mais allez-y". On voyait bien que la décision était déjà prise. On s'y attendait un peu mais je gardais l'espoir qu'ils réfléchiraient un peu. Ils n'ont pas réfléchi. Ils ont dit: avis défavorable. Nous étions consternés et épuisés. Nous avons marché longtemps avant de rentrer à la maison. Je suis alors retournée à la DDASS pour constituer une demande de regroupement familial. La préfecture nous a convoqué le 19 octobre à 9 heures; ils nous ont fait attendre toute la journée pour finir par nous dire qu'un avis de reconduite à la frontière allait être adressé à Hassan et que nous aurions 48 heures pour faire appel; en fait, nous avons eu cette lettre le 20 octobre, elle était datée de la veille, journée que nous avions passée à la préfecture; il restait 24 heures pour faire appel. Comment ne pas voir dans cette coïncidence une volonté délibérée de nous "blouser"? Nous sommes allés au tribunal administratif et l'audience a été fixée au lendemain; le délégué de la Préfecture était très excité, il affirmait que Hassan ne s'était pas présenté à la convocation de la préfecture, 4 ce qui était faux, nous avions les preuves en mains mais l'appel a été rejeté. Il a donc fallu en désespoir de cause se rabattre sur une demande de visa pour redémarrer notre régularisation avec une entrée régulière en France. Dans la liste des papiers à fournir, qui est impressionnante, certains sont impossibles à obtenir: par exemple, des certificats de travail: comment voulez-vous que Hassan trouve du travail du jour au lendemain dans un pays ravagé par le chômage? Alors qu'il avait envoyé tous les papiers nécessaires à la constitution du dossier auprès du consulat de France, il a reçu un courrier dans lequel on lui fait parvenir des fiches à remplir et une note qui rend ce visa particulièrement hypothétique; elle comporte quatre points: l)aucun renseignement ne sera transmis par téléphone; 2)toute intervention ne pourra que retarder la procédure; 3)tout dossier incomplet pourra être classé sans suite; 4)on ne peut pénétrer au consulat que muni d'une convocation. Ces notes sont réellement angoissantes. Si on ne peut pas avoir d'information sur l'évolution d'un dossier, comment envisager de poursuivre des démarches, des requêtes? Ma grand-mère qui est assez franchement raciste ne comprend pas. Elle a apprécié que ma relation avec Hassan soit sanctionnée par un mariage et elle ne cesse de dire: "mais tu es française, mais tu es mariée, comment peuvent- ils empêcher ton mari de vivre avec toi?" En attendant c'est l'angoisse. Qu'est-ce que je ferais au Maroc si je devais aller là-bas? Et puis, j'ai parfois du mal à me mettre à la place d'Hassan. Je ne suis pas aussi résistante que lui. D'ailleurs, je n'aurais même pas osé venir en France, traverser les Pyrénées comme il a fait! En même temps, je trouve ça beau de chercher à échapper par tous les moyens à un destin dont on ne veut pas. Je sais que la résolution de ces problèmes administratifs viendra, mais je sais aussi que ce sera long et difficile. Propos recueillis par Chérifa Benabdessadok ( 1) Corinne et Hassan ne sont pas les vrais prénoms de l'histoire vraie qui est ici rapportée. La jeune femme que nous avons interviewée a tenu à garder l'anonymat de crainte d'entraver les démarches administratives qu'elle poursuit avec l'aide de la Permanence du MRAP. PORTRAITS , DES PAROLES SACREES Monsieur Ndualu Mbwilwa, 33 ans, zaïrois, né à Kinshasa, est troublant par la profonde sérénité qui semble reposer en lui. Pourtant, sa situation administrative est désespérée. Sa conclusion, à l'issue de l'entretien qu'il nous a accordé, est simple: "les lois sont là, dit-il, mais moi aussi je suis là et j'ai des droits que personne ne peut me retirer". M Ndualu est arrivé en France par la Belgique le 5 juillet • 1983; il a fait une demande d'asile politique le 15 septembre de cette année-là, auprès de l'OFPRA qui lui a délivré un récépissé renouvelable lui permettant de travailler pour subvenir à ses besoins en attendant de statuer sur son cas. Et il a trouvé du travail: distribution de prospectus, manutention, restauration. Il regrette douloureusement son dernier emploi à l'hôpital de Bondy où il a été employé de mai 90 à avril 91. M. Ndualu a donc séjourné en France régulièrement de 1983 à 1991. Pourtant, il est prié de quitter le territoire le 12 octobre 92. Le rejet de sa demande d'asile est daté du 30 janvier 85 mais il affirme n'en avoir eu connaissance que quelques années plus tard. Le recours auprès de l'OFPRA est rejeté. Conséquence immédiate: il n'a plus le droit de travailler. Mais, depuis, jeune homme dans la force de l'âge, M. Ndualu a fait sa vie que l'on peut résumer en deux faits majeurs: six mois de prison pour tentative d'escroquerie et liaison amoureuse, avec une jeune femme française, de laquelle naît un enfant, Christopher. M. Ndualu se déclare innocent du délit qui lui est reproché, il fait six mois de détention préventive, est jugé deux ans après les faits, en l'absence de l'avocat qui lui avait été commis d'office, est condamné aux six mois qu'il a déjà effectués. Dès qu'il sort de prison, il retrouve du travail. Il aime la fête, la musique antillaise, danser, lire et regarder la télévision le soir. Et c'est lors d'une soirée antillaise qu'il rencontre la future mère de son enfant, Peggy. Est-ce bien raisonnable de faire un enfant quand on est dans la "mouise"? La réponse de M. Ndualu est simple: "Si la personne avec qui vous êtes a vraiment envie d'un enfant, et si vous l'aimez vous ne pouvez pas refuser. Sinon elle te dira: alors, c'est que tu ne m'aimes pas. Vous le faites, malgré vos réticences, pour ne pas perdre l'autre, pour continuer à aimer la vie". Ses souvenirs du Zaïre à l'issue de toutes ces années passées en France? Voici son histoire. "De ma période à l'école primaire, j'ai gardé le sentiment que l'on vivait bien, riches ou pauvres; au fur et à mesure les choses se sont dégradées à cause de la dictature de Mobutu; au moment où je suis parti, j'avais 22 ans, il y avait beaucoup de manifestations contre le régime, des étudiants surtout. Là-bas, les lois ne sont pas respectées comme ici; si la police ou l'armée vient chercher quelqu'un, et qu'elle ne le trouve pas, elle prend un autre membre de la famille. Mon frère était très impliqué dans les manifestations, alors j'ai eu peur, et lui-même m'a conseillé de partir. Il a été arrêté et grâce à des pots de vin, on a pu le faire sortir, après il est venu en France où il a obtenu l'asile politique". Après un séjour dans un foyer pour femmes seules, Peggy décide de ne plus quitter son compagnon. Ils décident de vivre ensemble dans une chambre d'hÔtel à Paris. Et attendent un second enfant dont la naissance est proche. Le Zaïre pourrait-il tenter ce couple plongé dans l'impasse administrative? Pas du tout! "Je n'ai plus rien à faire au Zaïre, affirme M. Ndualu, encore moins Peggy et les enfants. Toute cette expérience m'a beaucoup instruit. Je vivais dans un pays bloqué par la dictature. Je peux mieux défendre mes droits ici que là-bas. Ici, on prend conscience de ses droits et de l'exercice de sa liberté". Et la liberté qu'est-ce que c'est? "C'est quelqu'un qui travaille. Ici, il y a plusieurs sortes de vie; il y a la liberté des gens, le mode de vie. On ne sent pas vraiment la différence entre riches et pauvres, il n 'y a pas la même barrière que chez nous; on va acheter notre baguette dans la même boulangerie, on va dans les mêmes boutiques. Tout cela manque au Zaïre; pourtant c'est un pays riche en ressources, mais que s'est-il passé pour qu'on en soit là? D'ailleurs je n'envoie plus de photos à ma famille; si tu es en Europe, la vie est rose pour toi; mes parents, ma famille ne peuvent pas comprendre que j'ai des problèmes de papiers; on pense: il a un enfant, alors des papiers, pourquoi des problèmes de papiers? Quelles que soient les difficultés, on arrive à vivre; mais je ne peux plus vivre les choses de la même manière que les gens de mon pays, je 5 craquerais. Peggy dit: on n'ira jamais au Zaïre; elle a peur, et je crois qu'elle a raison; ce ne serait pas bon pour les enfants". A vant les lois du 24 août dernier, M. Ndualu n'aurait qu'un souci: retrouver l'emploi qu'il a perdu. En effet, le récépissé de l'OFPRA validait a posteriori l'entrée irrégulière. Aujourd'hui, cette entrée irrégulière, il y a plus de onze ans, lui colle à la peau. S'il est protégé de la reconduite à la frontière en tant que parent d'enfant français, il ne peut pas travailler, ni épouser la mère de son enfant. Une seule issue: un recours à titre humanitaire que la permanence juridique du MRAP soutient attentivement. Il reste à M. Ndualu une espèce de pudique bonne humeur qui lui fait dire comme dans une confidence: "j'aime beaucoup la France; je sais que ces problèmes sont passagers. Vous savez, je suis croyant et je suis d'accord avec ce que dit la Bible sur les lois: c'est nous qui les faisons; la terre appartient à tout le monde; on peut et on doit vivre là où l'on se sent mieux; ce sont ces lois qui séparent les gens dans la réalité; les lois sont là, mais moi aussi je suis là et j'ai mes droits". Le racisme ne semble pas inquiéter ce candidat à l'intégration qui pense quil y a toujours des gens qui vous acceptent et d'autres qui ne vous acceptent pas. C'est sûr que si vous guettez le moindre regard méprisant qui pourrait être du racisme, vous allez être mal; moi, je me dis: ça sert à quoi? Chez les Noirs aussi il y a du racisme; les uns n'aiment pas les Sénégalais, les autres les Maliens .. .Je pense que les gens ne sont pas fondamentalement racistes mais on leur met des choses dans la tête auxquelles ils finissent par croire. Dans tous les cas, si ça m'arrivait, je laisserais tomber. «a ne changerait ni mon mode de vie, ni ma personnalité, ni mon identité". M. Ndualu se "concentre", comme il le dit lui-même, sur sa petite famille; son fils Christopher va avoir dix-huit mois et va bientôt commencer à parler. M. Ndualu semble guetter les premières paroles de son fils comme on attend des paroles sacrées. Chérifa Benabdessadok PORTRAITS HANDICAP MAJEUR •• ~ ETRE BLANCHE! Monsieur L.S, médecin habitant dans la région parisienne, et son épouse ont adopté à titre de parrain et de marraine un jeune Zaïrois auquel il est arrivé quelques mésaventures. Dans une lettre que nous publions intégralement, Monsieur A.L.S rapporte l'histoire de ce jeune homme et de sa fiancée, ainsi que ses sentiments personnels. Une affaire qui suit son cours. "ce soir, j'ai honte d'être français". Il y a quelques mois encore, je n'aurais jamais imaginé que j'aurais à prendre ma plume, pour écrire une lettre ouverte à tous les grands quotidiens nationaux, et formuler une telle phrase ... Je suis un citoyen de 55 ans, au passé irréprochable. J'ai servi mon pays sous les drapeaux au début des années soixante, et bien que l'ayant fait comme simple matelot, puis quartier-maître, un décret du 3 décembre 1975 de la République française, sous la Présidence de Monsieur Giscard d'Estaing, m'a fait l'insigne honneur, vu ce passé, vu mes états de service et vu mes titres, de me promouvoir au rang d'officier, à compter de ce jour, comme médecin de réserve des Armées. Or, j'ai assisté aujourd'hui à un déni de justice, révoltant dans mon pays, ce pays qui se targue depuis longtemps d'être celui des droits de l'homme. Il s'agit d'un refus de mariage, prononcé par un élu de la Nation, à l'encontre d'un de mes proches, et de sa fiancée. Je m' explique: W.V. est un jeune homme zaïrois. Il est entré en France en 1988, et a demandé immédiatement l'asile politique. Je le connais depuis le début de 1989 et je découvre petit à petit un jeune homme foncièrement bon, courageux et travailleur. Mon épouse et moi décidons de le parrainer et de l'aider dans ses démarches, et son insertion dans l'hexagone. Malheureusement en 1992, notre filleul est définitivement débouté de sa demande d'asile et à partir de ce moment là, il est en situation irrégulière. Entre-temps, il a connu une jeune femme, F. qui travaille, et qui a seulement un handicap majeur: elle est blanche, complètement blanche, sans un gramme de négritude en elle, et en outre elle est française! Les deux jeunes gens s'aiment, et décident de vivre ensemble, malgré l'hostilité déclarée, les menaces et les chantages de la famille de la jeune femme. Et très vite, ils décident de se marier. La date du mariage et la publication des bans seront reculées deux fois. En effet, compte tenu de la situation de mon filleul, il y a une enquête confiée aux Renseignements Généraux. Des pressions de toutes sortes sont exercées sur la jeune femme, pour qu'elle renonce à son projet... en vain. Enfin, le feu vert est donné par les services préfectoraux, la publication des bans est faite, la date de mariage fixée, les deux jeunes gens choisissent amoureusement les alliances, et préparent la fête pour les amis ... La scène sinistre du 12 mars se passe à l'Hôtel de Ville d'une petite ville de Seine et Marne, près de Melun. Le salon d'honneur des mariages est ouvert, le Député-Maire attend avec son écharpe tricolore. Je ressens d'emblée un malaise ... Il y a deux voitures de police avec des policiers équipés de talkie walkie. Je remarque un long entretien entre le père de la mariée et le Maire. Les deux mariés arrivent...F. est ravissante avec son tailleur et ce petit bouquet qu'elle tient fort dans sa main, et ses grands yeux remplis d'espoir. Le premier magistrat de la ville s'avance sur le perron, s'adresse au "marié", vérifie son identité et lui déclare en substance: "Je suis désolé, mais au vu des informations qui viennent de m'être données, je suis dans l'impossibilité de célébrer ce mariage". En tant que premier témoin, je demande à Monsieur le Maire, si on peut connaître la nature de ces informations, j'obtiens une réponse sèchement négative ... Nous sommes tous transis de consternation sur ce perron, et la mariée est au bord 6 des larmes. Tous les amis présents et nous allons rester avec les jeunes gens tard dans la soirée pour ne pas les laisser seuls. Dans leur maison, F. a gardé son petit bouquet dans la main, mais dans ses yeux, ce n'est plus l'espoir que je lis, c'est une immense détresse. Je suis rentré à Paris, avec mon épouse et ma fille, et pour la première fois, je ressens cette expression qu'emploient souvent nos enfants: "J'ai la haine", la haine de cette entorse grave à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dans un pays qui se considère comme un "Etat de Droit", la haine de ce racisme rampant et hypocrite, qui de dérapage en dérapage, risque de nous conduire un jour, à un régime qui ressemblera comme un clone à celui de Vichy. Ce soir, j'ai honte d'être français, et tous les soirs qui suivront, j'aurai honte, tant que cette ignominie ne sera pas lavée, tant que ce déni de justice ne sera pas réparé." SOLIDARITÉ AVEC LES KURDES Le 19 mars s'est tenue la première réunion de coordination des collectifs de soutien avec les Kurdes emprisonnés. Il a été émis le souhait de transformer ces collectifs en collectifs de soutien au peuple kurde. Le 22 avril, l'ensemble des comités doivent porter leurs pétitions au ministère de l'Intérieur. Depuis le numéro de mars de Différences, trois personnes ont été libérées: Zeki Baskara prévenu n0228584 M Elif Manaz prévenu n028485 N Servet Cobanogzu prévenu n0228587 Q Continuez à envoyer vos messages de solidarité qui sont un réconfort précieux. Un jeu de quatre cartes est toujours à votre disposition auprès de votre comité local ou au siège. Renée Le Mignot 1 ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU MRAP 4 ET 5 JUIN UNE REN, CO,N TRE POUR REFLECHIR Les adhérents et militants du MRAP sont conviés à une rencontre qui devrafaire le bilan de l'action de l'association depuis le dernier congrès et élaborer les démarches à suivre ainsi que les outils dont il faudrait se doter. L e dernier Conseil National a défini le canevas d' organisation et les grandes lignes du contenu de l'Assemblée Générale du MRAP qui aura lieu au début du mois de juin. Cette rencontre, fraternelle et militante, sera un important moment de réflexion interne. Nous proposons que la réflexion des adhérents de l'association qui viendront s' oriente autour de trois axes: 1. L'évaluation politique de l'action menée par le Mouvement à partir des objectifs fixés par le dernier Congrès 2. L'ajustement de notre stratégie et de nos moyens à partir du nouveau contexte depuis le dernier congrès 3. Clarifier et affirmer l'identité du MRAP dans son action permanente. L'évaluation devrait porter à la fois sur le terrain politique et sur les modalités de fonctionnement de l'association. Sur le plan politique, notre action depuis le dernier congrès s'est notamment caractérisée par une présence politique active du MRAP sur les différents fronts de mobilisation et notamment en ce qui concerne les liens divers entre le racisme et les exclusions. Nous avons également assuré une plus grande présence sur le front des questions d'actualité: lois Pasqua, logement, droit d'asile, Tsiganes, Kurdes. Il faut aussi noter une reconnaissance de fait plus importante par les partenaires institutionnels, le mouvement associatif et l'opinion publique. Ces éléments ont pour conséquence directe une sollicitation plus importante et une demande plus forte à l'égard du Mouvement. Mais, paradoxalement, ces données qui peuvent être assimilées à des progrès de notre association n'ont pas produit les effets que l'on aurait pu escompter en matière de développement des comités locaux. Par ailleurs, l' antiraci.sme de proximité, condition nécessaire à notre combat, s'avère en-deça des exigences que l'actualité nous dicte et que le congrès a ratifié. Le risque d'asphyxie par ces sollicitations est réel si nous n'envisageons pas une plus grande rationalité dans notre intervention. Notre réflexion doit envisager, à partir d'un diagnostic prenant en compte l'ampleur des blocages et des obstacles, de dégager les perspectives nécessaires pour atteindre nos objectifs. Sur le plan fonctionnel, la période écoulée s'est caractérisée par des avancées, des déficits et des manques. LES AVANCÉES Assainissement de notre situation financière par des mesures drastiques de licenciement et une plus grande rigueur de gestion. Le Mouvement a bénéficié aussi d'un legs salutaire. La mise en ordre des outils comptables a été réalisée. Le personnel est stabilisé et le cIimat de travail est beaucoup plus serein qu'au moment du dernier congrès. LES DÉFICITS Ils sont de deux ordres: certains élus n'ont pas honoré leurs engagements, notamment certains élus chargés du développement. Des secteurs très sensibles comme "l'Europe" sont découverts. Des commissions telle que la commission "Jeunes" n'ont même pas vu le jour. D'autres commissions s'essoufflent telle que la Commission Moyen-Orient. Les secteurs Immigration et droit d'asile se sont essentiellement focalisés sur les Lois Pasqua. Un manque significatif: l'absence de politique éditoriale cohérente; des problèmes réels de communication entre comités locaux et j,nstances nationales. Ex: commissions et comités locaux ... .. ADAPTATION DE LA STRATÉGIE AU NIVEAU DES EXIGENCES Quelques questions-clés sont posées à l'Assemblée Générale: comment adapter notre stratégie? quels ajustements de nos moyens doivent être mis en oeuvre pour répondre aux exigences nouvelles que nous imposent le contexte national et international. SUR LE PLAN NATIONAL Le pourrissement des consciences se poursuit. Le racisme demeure une donnée permanente de notre société. Il est reconnu et répandu. Neuf Français sur dix l'admettent. Un Français sur quatre reconnaît avoir eu une attitude raciste. Il faut souligner: • la sous-évaluation du danger; selon le sondage effectué pour le rapport de la CNCDH, le danger raciste arrive en 6ème position; • persistance et enracinement d'un racisme politique: le Front National passe de 4,9 % des voix en 1988 à près de 10 % en 1994 (élections cantonales) • un arsenal législatif dont les conséquences favorisent la désintégration et la déstabilisation de milliers d'immigrés. SUR LE PLAN INTERNATIONAL De nouveaux conflits sont apparus avec des faits nouveaux comme ligne de démarcation; l'affirmation des faits religieux dans leur 7 formes intégristes et le fait religieux et/ou les nationalismes : en Algérie et en ex -Y ougoslavie; le problème du peuple kurde; des processus positifs fragilisés: Afrique du Sud, question israélo-palestinienne ... A partir de ces éléments, cette Assemblée Générale pourrait rechercher à élaborer l'appréhension de ces phénomènes nouveaux d'une part, et, d'autre part, adapter les outils de travail tels que les commissions, à cette nouvelle réalité. LE MRAp, POURQUOI ET COMMENT? Compte tenu des sollicitations et de l'ensemble des éléments décrits ci-dessus, clarifier l'identité et la spécificité du MRAP dans son action permanente s'impose. Le Conseil National a retenu la constitution d'un groupe de pilotage pour préparer la réflexion du Mouvement composé de: JeanJacques Kirkyacharian, Renée Le Mignot, un juriste, Mireille Maner, Bertrand Bary, Paul Muzard, Norbert Haddad, Jacques Chevassus et Daniel Kupferstein. Le rôle de ce groupe est de préparer, à partir des expériences et des responsabilités de ces personnes, le pré-rapport qui sera soumis au Bureau National. Pour des raisons pratiques et de disponibilité, un Bureau National élargi au Secrétariat National se réunira le lundi 18 avril à 19 heures. Je vous suggère que ce groupe préparatoire se retrouve le même jour à 14h.30 au Siège. Mouloud AOUNIT Secrétaire Général Le 1er avril 1994 INTER-SERVICE .IGRANTS DES INTERPRETES 24 HEURES SUR 24 Inter-Service migrants (lSM) a étendu son service d' Interprétariat par téléphone 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, depuis le 8 novembre 1993. Ce service national donne accès , selon le responsable conununication de nSM, à des interprètes parlant 80 langues et dialectes, par le canal du (1)45 35 73 73 Il offre aux professionnels des services publics. administrations, associations, professions libérales, confrontés à la barrière linguistique ou culturelle, un outil de conununication moderne et efficace. Pour toute information complémentaire: ISM, 12 rue Guy de la Brosse, 75005, tel: 45 35 73 73, fax: 43 379741 SEMAINE NATIONALE , , L'ECOLE, UN LIEU PRIVILEGIE A l'occasion de la semaine nationale d'éducation contre le racisme (du 28 mars au 2 avril), parrainée par le ministère de l'Education nationale, douze associations(1) ont fabriqué ensemble un document destiné aux écoles. Nous publions ici trois des quatres textes fournis par le MRAP. UN DES PROBLÈMESCLES DE L'HISTOIRE DES DROITS DE L'HOMME, CELUI DE L'ESCLAVAGE Il Y a 200 ans, le 4 février 1794 la Convention Nationale "déclare aboli l'esclavage des nègres dans toutes les colonie s; en conséquence, elle décrète que tous les hommes sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution". Jusque-là, un commerce scandaleux était pratiqué: des hommes et des femmes étaient achetés puis revendus. Cela, depuis le 15ème siècle. La chronique rapporte qu 'en 1444, 235 esclaves noirs sont vendus à Lisbonne. Au 18ème siècle, les plus puissants pays d'Europe, la Hollande, l'Angleterre et la France, pratiquaient le commerce des esclaves. " Il n 'y a rien qui contribue davantage au développement des colonies et de la culture de leurs terres que le travail laborieux des nègres" (Edit de Louis XIV, 26 août 1670). En Afrique, du Sénégal, la traite s'étend progressi vement jusqu'au Cap de Bonne Espérance. Le capitaine du bateau offrait de la laine, du tabac, de l'eau-devie, de la quincaillerie, de la verroterie aux chefs de tribus. Avant d'embarquer la "marchandise", le chirurgien du navire examinait chaque esclave qui devait être robuste et sain. L'expression française de la traite des noirs est le trafic du "bois d'ébène" ou du "black ivory", ivoire noir, selon l'expression anglaise. La seconde étape du voyage commençait alors ... Les esclaves étaient marqués au fer rouge sur la poitrine ou sur le dos. Ils étaient entassés dans les cales du bateau et enchaînés les uns aux autres. Le plafond était si bas qu ' ils devaient rester assis ou couchés. Deux fois par jour, les esclaves recevaient une soupe légère avec du riz ou des fèves. La traversée, synonyme d' enfer pour les captifs, conduisait certains à se jeter à la mer en pensant qu' ils regagneraient la côte; d'autres se révoltaient. Ces tentatives se soldaient toujours par de barbares châtiments. Après plusieurs mois de navigation, le bateau négrier accostait aux Etats-Unis ou aux Antilles. Les esclaves étaient vendus à de riches planteurs de coton ou de canne à sucre. Les femmes devenaient les domestiques des planteurs. Pour utiliser de façon rationnelle cette main-d'oeuvre, le Code Noir fut adopté en mars 1685. Plus précisément, il s'agissait de "l 'Edit du Roi concernant la dis cipline de l'Eglise et de l 'Etat et la qualité des nègres esclaves aux Iles de l 'Amérique ". Pendant ce temps, le navire négrier repartait vers l'Europe les cales pleines de sucre, de café, de coton, de cacao, achetés avec la recette de la vente des esclaves . Ce commerce entre l'Europe, l'Afrique et l'Amérique appelé commerce triangulaire durera jusqu' au 19ème siècle. Parmi les messages que la Révolution a légués au monde, la condamnation de l' esclavage et sa suppression votées par la Convention Nationale en l'An II (même si celle-ci est intervenue 4 ans après la Déclaration des Droits de l'Homme et près de 50 ans avant l'abolition définitive en 1848) ont laissé des traces indélébiles. Il est clair que le droit révolutionnaire, ce qu'on appelle depuis les Droits de l 'Homme, a apporté un bouleversement fondamental concernant la situation 8 de l' individu. L'esclave était - schématiquement- une chose, sur le plan juridique, soumis au droit de propriété de son maître. Une chose, c'est-à-dire que l'esclave n' était pas considéré comme un homme, comme un individu au sens du droit. Ce qu'apportera la Révolution, notamment l'idéologie révolutionnaire des Droits de l'Homme, c'est que désormais, quelle que soit leur situation, tous les individus auront le même statut juridique: libres et égaux en droits. Il s'agit d' une cassure complète par rapport au "droit" de l' esclavage. La Révolution a ainsi opéré une rupture très nette en ce qui concerne l'autodétermination de l' indivi du. Jean-Paul Sartre avait qualifié la mémoire de l'esclavage "d'énorme cauchemar". Nous ne nous en Iibèrerons pas en oubliant, mais en assumant ce qui a été et en éduquant pour contribuer à cette oeuvre de mémoire. Depuis le 5 juillet 1980, l' esclavage n'existe plus officiellement dans le monde. Pourtant, aujourd'hui, on compte 50 millions de personnes considérées par l'ONU comme en situation d'esclavage, soit de 10 à 12 fois plus qu'il y a un siècle et demi et il existe toujours des formes de servitude... par exemple, l'exploitation des enfants. Nous estimons aujourd'hui que près de 200 millions d'enfants sont contraints de travailler dans le Tiers Monde et dans certains pays développés. Cet esclavage moderne constitue un véritable affront à la conscience humaine. L' établissement de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant en 1989 est un pas considérable qui ne peut porter tous ses fruits que si tous les pays la ratifient et si son application rigoureuse et complète est l'objet d'une exigence et d'une vigilance des jeunes et des adultes. GROIlPE MANOUCHIAN DES ETRANGERS MORTS POUR LA FRANCE A l'automne 1943 , après la bataille de Stalingrad, c'est la fin du mythe de l'invincibilité de la Wehrmacht. De la Crimée, au sud, à Léningrad au nord, la progression en éventail de l' armée soviétique va prendre en tenaille l'armée nazie par l'ouverture de ce second front à l'Est. En France, l ' occupant nazi a compris qu ' il se trouvait dans l'impossibilité d'entraîner la majorité des Français dans la collaboration. Il va tenter une ultime opération. Il s' agit pour eux de contrecarrer coûte que coûte la réalisation de l'unification des mouvements de la Résistance. Jusque-là, l'opinion publique ignorait les tortures infligées aux Résistants par la Gestapo et ses alliés vichyssois. A ce moment précis , il fallait rassembler les pièces d'une abominable machination pour discréditer la Résistance. Pour ce faire, il convenait de créer les conditions afin de présenter les combattants de l'ombre sans uniforme comme des assassins et des terroristes. Durant les mois d'octobre et de novembre, la police de Vichy et la Gestapo réussissaient, après de longues filatures et infiltrations des groupes, à capturer plusieurs centaines de résistants . Parmi eux, Misaak Manouchian et vingt-trois anti-nazis du groupe qu ' il animait. Ce sont les combattants de ce groupe qui furent choisis par la Gestapo - parce que membres de la FTPMOI( 2) composée essentiellement d'immigrés et de juifs militants communistes- pour alimenter la machination de la lutte psychologique contre la Résistance. Le 17 février 1944, en France et en Europe occupée, toute la presse de la collaboration annonce sur de larges manchettes que la Cour Martiale allemande est réunie dans les salons de l'Hôtel Continental à Paris, pour juger vingt-trois hommes et une femme qui sont présentés enchaînés deux par deux. Le verdict tombera le 21 février au matin. Les vingt-trois hommes du groupe Manouchian sont condamnés à mort. La sentence précise qu'ils disposent de cinq jours pour présenter leur recours en grâce. En fait, ils seront fusillés le jour même à quinze heures au Mont Valérien. Olga Bancic, originaire de Roumanie, ne sera pas fusillée avec ses camarades de combat. Déportée, elle sera décapitée à la hache à Stuttgart le 10 mai 1944, jour de son 32ème anniversaire. Outre la publicité exceptionnelle faite à ce "procès", une affiche est placardée dans toute la France. Sur fond rouge, on pouvait voir une photo-montage où les trains déraillés cotoyaient les corps d' officiers nazis criblés de balles et des armes saisies sur des résistants arrêtés. Au-dessus, coupées en triangle, les photos de dix des condamnés prises après des mois de tortures afin de leur donner un air effrayant. Sous chaque photo, la nationalité du Résistant et le bilan de son action au sein du groupe Manouchian . Couvrant le haut de l'affiche, un titre interroge: "des libérateurs ?", au bas, cette réponse: "La lib é ration par l 'armée du crime". Les visages et les mots choisis doivent éveiller la peur et persuader que la Résistance est le fait d' une poignée d'étrangers ennemis de la France. Au travers de cette sinistre mise en scène, il s' agit de cacher au peuple que la Résistance est un mouvement profond. Mais cette opération d' intoxication se retourne contre ses auteurs. Loin d'inspirer la réprobation, l'affiche rouge suscitera de courageuses prises de position . Au bas des murs où elles sont collées, souvent des fleurs sont déposées et des papillons étaient collés avec ces mots "Morts pour la France". L'affiche rouge renforcera la haine contre l ' occupant et la volonté de vaincre le nazisme et le fascisme, d'en libérer le pays D'ÉDUCATION CONTRE LE RACISME et l'Europe. C'est pour cela que le sacrifice des "vingt-trois" n'a pas été consenti en vain. Cinquante ans après, il nous faut témoigner de leur générosité allant jusqu 'à la mort pour que demeure vivante la mémoire. L' affiche rouge est maintenant entrée dans l'Histoire. Louis Aragon en a fait un émouvant poème, que Léo Ferré chantait. AGIR CONTRE LE RACISME Penser le racisme comme un phénomène structurel requérant un traitement général est devenu une nécessité pour notre société. Les politiques spécifiques de lutte contre le racisme n' aboutiront que si elles s'intègrent dans une approche prenant en compte les conditions de vie de tous: éducation, formation, emploi, logement. Agir contre le racisme, c'est assumer une mission fondamentale: la formation du citoyen au moyen de l'éducation, de l'information, avec le concours et les apports des sciences sociales, au travers du relais de l'école, lieu privilégié d'un combat moral et rationnel face à l'affectif et l'irrationnel; c'est participer à la connaissance et à la reconnaissance des autres civilisations et de leurs apports. Nous ne devons pas non plus rester indifférents à l'oubli, à la mutilation de la mémoire qui entourent la guerre d'Algérie et qui confortent le racisme antimaghrébin ou qui, via le défaut de jugement des tortionnaires d' hier, favorisent les offensives antisémites . La lutte contre le racisme demande par ailleurs une fermeté infaillible contre toutes les expressions et comportements qui le légitiment ou le favorisent. Cela implique la capacité de reconnaître les stéréotypes, clichés et amalgames, de démonter les faux raisonnements en se référant à des données objectives. Cela implique surtout l'action quotidienne, concrète, de chacun de nous, victime ou témoin de discriminations, d'agressions ou d'injures racistes. En France, le racisme n'est pas une opinion mais un délit: la Loi de juillet 1972, complétée et élargie en juillet 1990, 9 réprime tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, et permet d'en sanctionner les auteurs. Cette loi définit un acte raciste comme une agression physique, écrite ou verbale. La diffamation à l'égard de personnes au seul motif de leur appartenance à une ethnie, une nation ou une religion. Victimes ou témoins peuvent porter plainte s'ils disposent de deux témoignages. Les associations antiracistes ou de Droits de l'Homme ont la possibilité de déposer également plainte. L'exigence d'un scrupuleux respect des textes fondateurs de la République (Déclaration des Droits de l 'Homme et du citoyen, préambule de la Constitution de 1946) et des engagements internationaux de la France (Convention européenne des Droits de l'Homme) est indispensable. Lutter contre le racisme c'est surtout élaborer un projet de société promouvant l'égalité des droits et des peuples. Le racisme actuel se nourrit de l'exclusion économique, sociale, culturelle, de la précarité, de la marginalisation. Pour le combattre, il faut agir contre ce qui divise et jette dans le même désarroi, Français et immigrés, faire respecter le droit au travail, à la formation, au logement, exiger une justice égale pour tous, le droit au séjour, à vivre en famille, l'égalité des droits civiques. Bref, il faut promouvoir une citoyenneté réelle et entière; une citoyenneté que nous voulons ouverte sur l'Europe et sur le monde, en oeuvrant pour un nouvel ordre économique international qui n'écraserait plus les plus pauvres sous le poids d'une dette qui les affame. En Europe, les législations nationales en matière de lutte contre le racisme comportent d'importantes lacunes et faiblesses . Si les Constitutions nationales interdisent la discrimination fondée sur la race, les dispositions spécifiques antiracistes restent le plus souvent insuffisantes malgré les améliorations apportées à la suite de la ratifications de la Convention des Nations unies du 7 mars 1966 sur l'élimination de toute discrimination raciale. Ces insuffisances ont amené le Parlement européen à demander l'introduction de législations fondées sur les mesures les plus rigoureuses existant dans les Etats membres. Le racisme n'est pas une fatalité! C'est donc avec lucidité, au quotidien, dans les quartiers, les entreprises que doit se tisser une citoyenneté active, entière, sans racisme. Norbert Haddad et Mireille Maner Membres du Secrétariat national du MRAP (1) ClDEM, FCPE, Fédération Française des Clubs Unesco, FEN, F/DL, FSU, LFEEP, MRAP, SGEN/CFDT, SOS Racisme, UNEF-ID (2) FTP: Francs Tireurs et Partisans; MOI: Main d'Oeuvre Immigrée FONDS DOCUMENTAIRE • Exposition Stéréotypes et préjugés racistes, MRAP, prêtée aux établissements scolaires • Affiche Moi, je peux tout contre le racisme, MRAP • Dossier de Phosphore sur le racisme, 1993 • Racisme: enfants et jeunes réagissent, M. Fiévet, Ed. Ouvrières • Le ra cisme raconté aux enfanls, Georges Jean, Ed . Ouvrières • Moi el les autres. initiation à la génétique, Albert Jacquard, Seuil • Cent poèmes cOlltre le racisme, Anthologie, LDHCherche Midi Editeur • Exposition Tous parents, tous différents. Musée de l'Homme. Paris, tel: 44057200 • Passeport européen contre le racisme, France-Liberté, disponible auprès des associations antiracistes • Le racisme, descriptions. définition traitement_ Albert Memmi, Gallimard, coll. Idées, 1982 • L'espace du racisme, Michel Wieviorka. Seuil • La France raciste. M. Wieviorka, Seuil • La force du préjugé. PierreAndré Taguieff, La Découverte • Essai sur le racisme et ses doubles, P-A Taguieff, La Découverte • Film documentaire Les oubliés de l'Histoire. de Daniel Kupferstein, cassette vidéo. MRAP • Esclaves et négriers, 1. Meyer, La Découverte-Gallimard • Histoire de la traite des noirs de l'Antiquité à /lOS jours, H. Deschamps. Ed. Armand Colin • L'une est noire, l'autre blancfle. T. Jowes, Ed. Messidor, roman AUTOUR D'UN COLLOQUE À MONTREUIL Un colloque co-organisé par la Ville de Montreuil et l'Association des Amis de Passages (ADAPES) avec le soutien du FAS, s'est déroulé les 18 et 19 mars dans les locaux de la mairie. Le thème global de cette rencontre qui se déroulait aussi dans le cadre de la Journée internationale contre le racisme, portait sur "Europe et Migrations, Villes et banlieues". A côté du colloque, la ville de Montreuil organisait, comme elle le fait depuis plusieurs années, diverses manifestations (festival musical, expositions, projections defilms) étalées sur un mois et destinées à enrichir l'attachement des citoyens de la ville à "la lutte contre le racisme et l'exclusion". Les communications qui ont été faites durant ces deux journées au colloque s'articulaient autour de quatre thèmes: Mode de vie des immigrés, à Montreuil et ailleurs; Rivalités politiques, religieuses, linguistiques; Immigration et collectivités locales: les expériences d'intégration; Eglises, mosquées, laïcité. Mouloud Aounit, représentant le MRAP, est intervenu sur la réforme du code de la nationalité lors de la troisième table ronde. L'ensemble de ces interventions a été trop éclectique pour que l'on puisse en donner une synthèse mais le climat global était à l'échange plutôt amical entre des personnes versées dans des domaines très divers: histoire, philosophie, psychiatrie, représentants de communautés religieuses, de mouvements associatifs etc. Comme le note l'article "la ville de Montreuil et l'immigration" distribué dans le dossier ENTRE TERRE de presse, "cette ville est à la frontière entre les communes résidentielles bourgeoises de Vincennes, St-Mandé et Neuilly-sur-Marne, le xn ème arrondissement de Paris et les villes ouvrières de la Seine-Saint-Denis". Montreuil c'est aussi une ville à forte concentration de personnes immigrées ou issues de l'immigration. On l'appelle souvent "Montreuil-sur-Mali" ou "Bamako-sur-Seine" du fait de l'existence de neuffoyers de travailleurs immigrés; "ces structures accueillent une majorité de résidents originaires d'Afrique subsaharienne, principalement des Maliens, qui ont transformé leurs foyers en de véritables petits villages comprenant commerces, lieux de culte et services divers. L'extrême visibilité des "Africains de Montreuil" tend à occulter les traces de présence d'autres courants migratoires, souvent plus anciens. Espagnols, Italiens, Portugais, Algériens ou Marocains vivent pourtant dans la ville, certains en plus grande proportion qu'ailleurs". Pour en savoir plus sur la manière dont la ville est gérée et sur la portée du colloque, nous avons interrogé Jean-Pierre Brard, député-maire depuis dix ans. Désor!'lais, crise et c~ô~ge ~ont ~ystéI1Ulttquement aSSOCleS a ImmIgration et banlieue: qu'en pensez-vous? Jean-Pierre Brard: Le terme banlieue ne me plaît pas du tout parce qu'il a une connotation exclusivement péjorative. Pourtant, la banlieue n'est pas quelque chose d'homogène. En banlieue, il y a des villes qui ont, chacune, leur identité, avec des populations particulières et diverses. Entre Neuilly- sur-Seine et Montreuil, qui sont toutes les deux des villes de banlieue, il y a la même distance qu 'entre la Terre et la planète Mars. A Neuilly comme à 10 Montreuil, il y a des immigrés mais ce ne sont pas les mêmes. Là, ce sont les cheikhs d' Arabie Saoudite qui prennent résidence secondaire à Paris, ici ce, sont les travailleurs maghrébins de chez CitroIn ou de chez Renault. A Montreuil, les immigrés sont à l'image de la population française de souche: ce sont des gens socialement modestes. Montreuil a jusqu'ici été préservé des accès de violence qui ont touché d'autres villes de même type. Comment peut-on raisonnablement expliquer cela? J-P Brard: Pour être tout à fait honnête et prudent, il faudrait dire que pour l'instant nous n' avons pas eu de gros problèmes. Même quand une ville fait de sérieux efforts pour combattre les inégalités, elle n'est pas à l'abri d'une éruption de violence. Les gens qui sont dans le désarroi et le désespoir finissent par avoir des réactions complètement irraisonnées qui traduisent un profond désespoir. A Montreuil, il n' y a pas de raison pour que nous soyons à l'abri de quoi que ce soit. Notre politique de développement social tente de pallier aux effets de l'exclusion avec les moyens dont nous disposons. Nous intervenons pour qu'il n'y ait pas d'exclusion du fait de l'appartenance ethnique ou sociale. Tous les services publics de compétence municipale sont accessibles à tous quelle que soit l'origine, et sans que le coût du service soit un obstacle dans la mesure où l'accès aux services les plus importants implique une participation financière à la mesure des revenus des familles. Par ailleurs, des initiatives municipales spécifiques s' adressent aux personnes les plus défavorisées, qui vont de l'alphabétisation jusqu'aux efforts de réinsertion sociale y compris en matière d'emploi qui, pourtant, ne relève par de notre compétence. En matière de spécificité précisément, si un problème de foulard venait à se poser, quelle serait votre attitude? J-P Brard : Nous organisons ce genre de colloque parce que nous avons besoin de la réflexion diverse et contradictoire sur des problèmes de société très difficiles; ces réflexions peuvent nous aider à réagir de la manière la plus intelligente qui soit. J'ai retenu, de la journée d'hier, une formule, qui est un point de repère intéressant, prononcé par un Y ougoslave, qui disait: "la différence qui m'intéresse c'est la différence qui est utile aux autres". Je considère, pour ma part, que la différence qui n'est pas utile aux autres est, certes, respectable, mais doit rester une affaire privée. Si cela devait se poser, nous apprécierions la situation concrètement, nous prendrions le temps de la réflexion à l'intérieur de la ville mais nous n'hésiterions pas à confronter notre point de vue avec d'autres avant d'arrêter une décision. On ne peut pas traiter le foulard en soi, il faut voir quels en sont les soubassements, et une affaire de foulard ici n'est pas forcément la même ailleurs. Il faudrait donc faire preuve de beaucoup de retenue et de modération. Nous prendrons toutes les précautions mais nous n'acceptons pas les attitudes d'exclusion qui, sous prétexte d'identité, ris- ET MARS quent à terme de contribuer à disloquer davantage la société locale. Vous êtes, je crois, attaché au droit de vote des étrangers; quelle valeur y accordez-vous, en ayant à l'esprit que des Etats comme les Pays-Bas qui ont accordé le droit de vote aux étrangers pour les élections locales ne se sont pas prémunis pour autant de l'émergence de partis d'extrême droite particulièrement virulents? J-P Brard : Le droit de vote n'a jamais été, à mes yeux, la question essentielle; ce qui l'est, c'est l'emploi et le logement; on n'est pas citoyen si on n'a pas le droit au travail ou au logement. D'ailleurs, on le voit bien, en considérant le taux d'abstention élevé parmi les citoyens français socialement marginalisés. Le droit de vote n'est qu'un élément du puzzle. Mais il est essentiel que, par la reconnaissance du droit de vote, les ressortissants étrangers résidant dans le pays soient acceptés comme des interlocuteurs obligés par toutes les forces politiques. Les interventions de ce colloque ont été très éclectiques en ce qui concerne les thèmes abordés. On a l'impression d'assister à un balayage trop large pour en tirer un réel profit. Qu'en attendez-vous? J-P Brard : Les limites de ce colloque, tel qu'il est organisé, est, à mon avis, qu'il n'a pas réservé suffisamment de place aux débats. Je pense que, dans l'avenir, nous aurons tout intérêt à réduire le nombre d' interventions pour que le colloque ne soit pas utile uniquement aux personnes qui sont dans la salle mais aussi à celles qui sont à la tribune. En fait, pour qu'il y ait un véritable échange entre ceux dont c'est le métier de réfléchir et ceux qui réfléchissent uniquement ou surtout à partir de la réalité quotidienne. L'année prochaine, nous resserrons davantage notre sujet, en l'axant sur les relations Nord/Sud à partir de notre expérience de coopération avec le Mali. On a l'impression que les gens qui sont dans la salle sont, malgré leur engagement professionnel ou militant, un peu las ... J-P Brard : Oui, mais ils sont là. Ils sont peutêtre désorientés, mais ils cherchent à mieux comprendre les réalités auxquelles ils sont confrontés, qu'ils ont du mal à maîtriser, ils cherchent à établir de nouveaux repères. Dans un contexte confus et trouble, ce qui est encourageant c'est qu'ils soient là. Ce qui signifie qu'ils n'ont pas renoncé malgré les difficultés. Vous avez fait allusion lors du colloque du MRAP sur la question du logement(*) attachement à l'action des associations tout en I1Ulrquant vos distances, comme s'il ne fallait pas confondre les rôles. Pourriez-vous vous expliquer davantage fil-dessus ? J-p Brard : Les associations n'ont pas de responsabilité de gestion, donc elles n'ont pas à prendre en compte les équilibres nécessaires. Une association est concentrée sur un thème particulier qu'elle pousse aussi loin que possible. En cela, l'activité des associations est très positive parce que précisément elle permet INTERVIEW DE JEAN· PIERRE BRARD d'attirer l'attention des institutions, y compris les institutions communales, sur tel ou tel point particulier. Et, au travers des conflits ou des divergences que leur point de vue peut générer, elles nous obligent à réfléchir et à trouver des modus vivendi indispensables. A propos du logement par exemple, dans une ville comme Montreuil, ce qu' il faudrait, c'est que les 4300 familles qui ont besoin d'un logement soient relogées tout de suite. Mais voilà le problème: seuls 300 logements sont disponibles par an. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on reloge uniquement les plus pauvres? Evidemment non. Pourtant de prime abord, c'est ce qui serait le plus juste. Mais si nous faisions cela, nous serions amenés à favoriser la constitution d'intolérables ghettos de la misère totalement ingérables. Nous sommes obligés d'avoir une politique plus diversifiée que celle à laquelle nous conduirait telle ou telle association qui est uniquement concentré sur le thème de son objectif propre. Nous, nous avons des équilibres à gérer. Mais nous nous retrouvons sur des valeurs communes avec beaucoup d'associations. Elles sont un aiguillon tout à fait essentiel mais en même temps elles n'ont pas la légitimité du suffrage universel pour prendre les décisions. Ce qui ne m'empêche pas d'être, à titre personnel, membre d'associations dont leMRAP. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris d'essentiel depuis que vous assumez des responsabilités municipales? J-p Brard : Je suis maire-adjoint depuis 23 ans et maire depuis 10 ans. Ce que j'ai appris d'essentiel, c'est sûrement qu'il faut être très prudent dans l'appréciation des situations, et très humble quant à la qualité des décisions que nous prenons. Elles sont sûrement les plus adéquates mais il faut relativiser eu égard au temps: une décision peut être bonne à un moment et mauvaise à autre moment. Il faut relati viser aussi en fonction d'une sorte d'échelle des priorités. Je crois que nous ne prenons jamais de bonnes décisions, nous prenons les meilleures décisions possibles dans un contexte donné. Par ailleurs, je crois qu ' ici à Montreuil, nous apprenons à écouter les gens; et puis même quand on est convaincu dans son for intérieur d'avoir raison, il faut admettre qu'on ne peut pas toujours avoir raison contre tous; il faut, à mon sens, accepter de différer la mise en application d'une décision quand, pour cela il faudrait violenter l'opinion de la majorité de la population. Ceci est valable dans pratiquement tous les domaines sauf sur des questions d'éthique essentielles, comme le racisme, où il n'y a pas de compromis possible. Et là, même seul contre tous, il faut tenir. En somme, j'ai appris qu'il fallait beaucoup d'humilité en admettant notamment qu'être élu ne signifie pas être infaillible. Pour un citoyen de base, le maire c'est quelqu'un de très important. Est-ce que ça monte à la tête, et si oui, est-ce que ça se soigne? J-p Brard : Moi, je vais faire mon marché dans mon quartier, mes enfants fréquentent les écoles de la ville, mais, passer incognito dans la ville c'est évidemment très difficile. Je dois 11 dire que globalement, les gens sont très gentils. Bien sûr, quand vous êtes maire, vous êtes en première ligne: on. vous demande de résoudre des problèmes sur lesquels vous n'avez aucune compétence; nous sommes, pour résumer grossièrement, les spécialistes des problèmes qui n'ont pas de solution. Quand les gens sont en échec, c'est vers le maire qu ' ils se tournent. Mais le mandat municipal a ceci de gratifiant que c'est le seul qui permet de voir prendre forme les décisions que vous prenez; si on décide de construire une école ou un stade, vous allez voir l'école ou le stade se construire. Ce n'est pas le cas de la députation où le rapport entre la décision de l'Assemblée et la concrétisation demande beaucoup plus de temps et demande des procédures plus complexes. Les communes et les départements ont des pouvoirs réels à la mesure des moyens financiers dont ils disposent. Que pensez-vous des lois Pasqua sur l'immigration? J-P Brard : Ce que je vais vous dire peut paraître choquant, mais je crois que les lois Pasqua, notamment en ce qui concerne la réforme du code de la nationalité, ressemblent à ce qui s'est fait sous Pétain à l'encontre des Juifs. Cette comparaison peut effectivement paraître exagérée ... J-p Brard : Ce sont les faits qui parlent. Certes, on n'oblige pas les jeunes de la deuxième génération qui sont concernés à porter un signe distinctif mais, sur le fond, c'est une politique de discrimination ethnique et d'éclatement de la société française. C'est terrible et c'est porteur de ferments de division et de d'éclatement graves. Envisagez-vous des actions pour aider ces jeunes? J-p Brard : La loi Pasqua étant désormais appliquée, il faut tout faire pour que ces jeunes ne tombent pas dans la résignation et la contournent en demandant pour tous ceux qui le souhaitent devenir citoyens français; et ceci pour ne pas être en situation d'exclusion librement consentie ou librement subie, ce qui serait pire que tout. Je dois avoir une série de rencontres avec les jeunes de la ville dans les mois qui viennent et, en particulier, avec nos Beurs et nos Beurettes; je veux simplement leur expliquer que chacun doit prendre sa part de responsabilité. Ceux qui sont les plus exclus et les plus marginalisés ont encore plus de raison que les autres à utiliser la possibilité, restreinte certes mais réelle, que leur donne la qualité de citoyens, au regard de la loi électorale en particulier. Je ne suis pas trop préoccupé dans une ville comme la nôtre, car je suis persuadé que la majorité des jeunes Maghrébins utiliseront toutes les possibilités qui leur restent pour acquérir la citoyenneté française. Ce qui, à terme, prouvera l'inanité de cette loi. Propos recueillis par Chérifa Benabdessadok (") Compte-rendu détaillé dans Différences nO 149, février 94 DIVERS COMMENT PARTICIPER A L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU MRAP? QUI? Tous les adhérents du MRAP à jour de leur cotisation au 15 mai 1994 peuvent participer à l'Assemblée générale. COMMENT? En remplissant attentivement le bulletin "participation ou pouvoir" ci-dessous et en l'adressant au Secrétariat national avanlle 31 mai 1994. COMMENT VOTER PAR PROCURATION? Les personnes qui ne peuvent pas être présentes pourront donner procuration à un autre adhérent (voir bulletin d'inscription ci-dessous); un partici pant ne peut pas être porteur de plus de 10 procurations. LIEU: l'AG se déroulera en région pari sienne, toutes les précisions vous seront communiquées par courrier spécial dans la deuxième quinzaine de mai. VOYAGE ET HEBERGEMENT. Il est demandé aux participants désireux d'être logés de se faire connaître d'urgence au secrétariat (demander Monique Khellat). Pour les participants voyageant en chemin de fer, une réduction de 20 % sur les tarifs normaux est prévue; demander rapidement les fiches SNCF. DEROULEMENT. Samedi 4 juin: ouverture à 9 heures; séances à 9h30 et à 14h30. Dimanche 5 juin: Séances à 9 heures et à 14h30; clôture à 17h30. r------------------------, PARTICIPATION OU POUVOIR A RETOURNER AU MRAP 89 rue Oberkampf 7501 1 Paris Je souss igné(e): Nom (en capitales) ....................................................................................................... . Prénom .................. . Adresse ................. . Adhérent du MRAP depuis ... .. .. .. .. .. .. .. . ... .. ... .. ........................................................ .. .. . o PARTICIPERA (1) Samedi matin après-midi réservation repas midi oui - non(2) Dimanche matin après-midi réservation repas midi oui -non(2) o NE PARTICIPERA PAS (1) donne pouvoir à: ........................................................................................................ . pour me représenter à l'AG et disposer de ma voix lors des scrutins à l'ordre du jour. Porter ci-dessous la mention manuscrite: bon pour pouvoir FaitA ....................................................... .. " Signature: v (1) Cocher la men/iotl inwile db (2) Barrer la men/ion inutile .J ~------------------------ 12 FERNANDE NOJ~~LA:JlhÉs Militante de longue date de l'association, Fernande Villaeys eSI décédée le 11 avril à Paris. Cette peti te femme au regard pétillant, qui était de toules les manifs, nous manquera. Ses obsèques auront eu lieu lorsque les lecteurs de Différences recevront ce numéro. Que sa fami lle et ses proches reçoivent ici l'expression de l'affection de la direction et des salariés de l'association et du journal. Nous reparlerons de Fernande dans notre prochaine édition. 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex II Tél.: 48068800 Télécopie: 48 06 88 01 • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérant bénévole ManiaI Le Nancq • Rédactrice en chef Cherifa Bcnabdessadok • AdministratIon - gestion Patricia Jouhannet • Publicité aujoumal • Abonnements Isabel Dos Manires • Mise en page Arco -Tél.:48S01811 • Impression Montligeon Tél.: 33 85 8000 • Commission paritaire nQ 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légal 1992-10 i

Notes

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