Différences n°12 13 - juin-juillet 1982

De Archives
Révision datée du 1 mars 2012 à 11:12 par Pantchovilla (discussion | contributions) (Remplacement du texte — « </div> » par « </div>{{Notes de bas de page}} »)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à la navigation Aller à la recherche

Sommaire du numéro

n°12-13 de juin-juillet 1982

  • Edito: arênes sanglantes (guerre des malouines) par Albert Levy
  • Citroën et ses "enchainés" récalcitrants par Patrick Kamenka
  • Ombre et soleil sur le mundial, attention au mélange par Jean-claude Grivot
  • S'ils perdent tout va bien! (racisme et sport) par Dominique Dujardin
  • Les convictions contagieuses du MRAP (congrès) par Robert Decombe
  • Expliquez-moi: les inégalités légales par Serge Cappe
  • Le retour des machos par Josette Sicsic
  • Juin: les douces nuits du Ramadan par Nabile Farès
  • Sarcelles ou les tours apprivoisées par René Duchet
  • Les Domiens de la plage aux pavés (DOM-TOM) Père Lacroix et George Pau-Langevin
  • L'aventure métropolitaine par Christian Villain
  • Le délire négateur Faurissonien par Pierre-André Taguieff
  • Histoire: quand les juifs du pape portaient le chapeau jaune par René Moulinas
  • Cannes 82 itinéraire au cœur du monde par J.P. Garcia
  • La poésie retourne à l'école par J.M. Ollé
  • En débat: le désarmement, bonne conscience ou nécessité. Interventions de Sean Mac Bride, Michel Langignon, Antoine Sanguinetti, Alain Joxe
  • La parole à Isabelle Mayereau
  • Humeur: Mais que s'est-il passé vraiment? Les arabes en Espagne
  • Enquête: lecteur qui êtes-vous?

Numéro au format PDF

Cliquez sur l'image ci-dessous pour avoir accès au document numérisé. Cliquez ensuite sur l'onglet "précédent" de votre navigateur pour revenir à cette page.

Voir-pdf.jpg

Texte brut

Le texte brut de ce document numérisé a été caché mais il est encore visible dans le code source de cette page. Ce texte ne sert qu'à faire des recherches avec la fonction "rechercher" dans la colonne de gauche. Si une recherche vous a amené sur cette page, nous vous conseillons de vous reporter ci-dessus au document numérisé pour en voir le contenu.

ARÊNES SANGLANTES P endant plusieurs semaines, les grands médias ontfait du conflit des Malouines une sorte de match Argentine-Grande-Bretagne, ayant pour terrain l'Atlantique et pour enjeu cet archipel circulaire, surgi de l'inconnu. En somme, une éliminatoire avant le Mun dia 1, d'autant plus digne d'intérêt que la rencontre en elle-même risquait de conduire auforfait simultanément les deux adversaires. Jusque-là, rien de dramatique. On s'amusait un peu des défis puérils que se lançaient les concurrents, du chauvinisme inévitable en pareil cas, tournant parfois à la xénophobie. Quand la « bataille navale» cessa de se jouer sur le papier desjournaux et les écrans électroniques de la télévision, quand un croiseur coula pour de bon, la disparition de deux ou trois cents jeunes hommes causa quelque malaise. Ils étaient Argentins, c'est vrai, « rastaquouères » et danseurs de tango, de plus dotés d'un régime fort antipathique: des gens auxquels, malgré la latinité et la tradition, les Européens ne s'ident(fïent guère. A vec la mort de trente Britanniques - nos proches, nos semblables, civilisés comme nous - les choses devenaient sérieuses. Ce n'était donc pas un tournoi de pureforme ? .. C'est alors qu'il afallu amorcer un semblant de négociation. Et puis, la bataille s'est déchaÎnée, comme la tempête au large de la Terre de Feu. On a vu, par l'e/let des alliances, de la géographie, de l'économie et des options planétaires, d'autres pays entrer en mouvement, et par-delà les hésitations, le monde de proche en proche se scinder en deux vastes camps. Mais, paradoxalement, plus s'accroÎt le nombre des 'victimes, et plus diminue la place qui leur est accordée dans /'information. On compte les na'vires et les DIFFÉRENCES N° 12-13 JUIN-JUILLET 82 avions perdus, non les hommes. Sang et brouillard. Quant à l'invasion semglante du Liban par Israël, le premier choc passé, elle risque à son tour d'aboutir à une prochaine « banalisation» de l'horreur, tandis que le Mundial s'avance sur le devant de la scène. Olé, France! Faut-il donc croire que certains souhaitent masquer les horreurs de la guerre? Ne suffit-il pas qu'à grand renfort d'images d'Epinal, l'opinion anglaise et argentine soit amenée à accepter la tuerie ? Voudrait-on, pour d'autres éventualités, nous prémunir nous aussi contre une indignation inopportune? Bien sûr, le football pourrait être une revanche de l'amitié entre les peuples? Ce n'est pas, hélas! la tonalité majeure des entreprises hautement commercialisées qui occupent aujourd'hui les médias et engendrent des passions souvent inquiétantes, tandis que des massacres se poursuivent sous le couvert d'un consensus quasi général. Dans ces conditions, même la participation au Mundial de l'Argentine et de la Grande-Bretagne ou d'autres pays en conflit ne saurait apporter qu'une piètre consolation. Mais sans doute manquonsnous désespérément d'esprit sportif? Albert LEVY 3 1 AN rences VOUS OFFRE SON CADEAU ANNIVERSAIRE choisissez votre livre Pour 1 abonnement SERVIR EN FRANCE - L'autelU, Annie Lauran, a interrogé des employées de maison - espagnoles et portugaises -et leurs patronnes. Préface d'A Ibert Lévy, et étude juridique de Me Hermantin. (Ed. Droit et Liberté - Prix 20F) - MALGRÉ TOUT - Contes à voix basse des prisons argentines, par Miguel Benasayag. (Ed. PC Maspéro - Prix 25 F). Pour 2 abonnements ÉNERGIE NUCLÉAIRE et FREUD. Deux livres, en bandes dessinées, de la collection Maspéro qui offrent aux débutants les moyens de mieux comprendre ces deux domaines. Pour le premier, texte de Stephen Croall et dessins de Kaïaders Sempler .. pour le second, texte de Richard Appignanesi et dessins d'Oscar Zarate (Prix 40 F l'un). lean·marc théo"l leJ I't LBS IIO-I.&ZIS Pour 3 abonnements LES NÉO-NAZIS - Le /ivre de Jean-Marc Théolleyre, des Ed. Messidor/Temps actuels, pénètre dans le monde des zélateurs du cauchemar hitlérien. (Prix 69 F). L 'ÉTAT DU MONDE - Par 56 spécialistes: 104 articles, 134 tableaux statistiques, 40 cartes et bibliographies, 500 adresses utiles concernant 163 Etats. Ed. Maspéro - (Prix 56 F). o ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• VEUILLEZ M'ADRESSER LE CADEAU DE DIFFÉRENCES CI-JOINT: 1 ABONNEMENT (140 F) 0 - 2 (280 F) 0 - 3 (420 F) 0 2 (FRAIS DE PORT EN SUS 7 F) 3 1 NOM ........... .. ...... ..... . .... NOM ............................. NOM .............................. . Prénom Adresse LIVRE CHOISI: Prénom Adresse Prénom Adresse Retourner ce talon à Différences 89 rue Oberkampf 75011 Paris Sommaire§§§§§§§§§§§§§§§§ DIFFÉRENCES No 12-13 JUIN-JUILLET 82 POINT CHAUD 6 CITROEN ET SES « ENCHAINÉS» RÉCALCITRANTS Le ras-le-bol des immigrés contre le mépris, le racisme, le syndicat-maison est devenu un événement national. Patrick KAMENKA ACTUALITÉ 10 OMBRE ET SOLEIL SUR LE MUNDIAL Politique, commerce, chauvinisme ... un mélange détonant. Jean-Claude GRIVOT 13 LES CONVICTIONS CONTAGIEUSES DU MRAP Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples a tenu congrès ... Rencontre de générations, d'idées et de certitudes communes. Robert DÉCOMBE EXPLIQUEZ-MOI 15 LES INÉGALITÉS LÉGALES C'est dit et répété: « \ls )) pillent la Sécurité Sociale. « \ls )) envahissent les hôpitaux. Serge CAPPE 17 LE RETOUR DES M'ACHOS La différence entre le mulet stérile et bâtard et l'homme supérieurement mâle? Josette SICSIC Nous signalons à nos lecteurs que, pendant l'été, paraîtront deux numéros de Différences, l'un daté juin-juillet, l'autre août-septembre. NOTRE TEMPS 18 LES DOUCES NUITS DU RAMADAN Un mois de jeûne et puis, après l'Aïd el Kbir, le sacrifice rituel... Nabile FARÉS RÉGIONALE 22 SARCELLES OU LES TOURS APPRIVOISÉES Le béton, trente-sept nationalités ... Tout ça. en fin de compte, fait d'excellents Sarcellois. René DUCHET CONNAITRE 26 LES DOMIENS DE LA PLAGE AUX PAVÉS 480000 originaires des Antilles, de Guyane et de la Réunion, les Domiens, vivent en France ... Christian VILLAIN RÉFLEXION 34 LE DÉLIRE NÉGATEUR FAURISSONIEN Comment faire disparaître les chambres à gaz hitlériennes et le génocide des juifs? Pierre-André TAGUIEFF HISTOIRE 36 QUAND LES JUIFS DU PAPE ·PORTAIENT LE CHAPEAU JAUNE Dans les Etats pontificaux, le peuple « perfide )) était soumis à des lois draconiennes. René MOULINAS CULTURE 38 CANNES: ITINÉRAIRES AU COEUR DU MONDE Le XXXV" Festival international du film, un fantastique bra~sage de cultures et une surprise: Yol, d'Ylmaz Güney. Envoyé spécial Jean-Pierre GARCIA 41 LA POÉSIE RETOURNE A L'ÉCOLE Changer l'image culturelle que le public se fait du Lycée d'enseignement professionnel. Une ex périence. Jean-Michel OLLÉ 49 LECTEURS, QUI ÊTES-VOUS? Dites-le rapidement pour que DIFFÉRENCES s'adapte mieux à vous et, par conséquent, vous à lui. DlI-l·l::RI-:N('ES. ma211.1.ine mensuel créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples). édité par la Société des Editions Différences. 89 rue Oberkampf. 7~011 Paris,lél. 806.88 .. '-'. Abonnement: 1 an: 140 ... - 1 an à l'étran2ef : 170 F - 6 mois: 75 ... - Etudiants et chômeurs: 1 an : 120 ... - 6 mois: 65 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de poinhl~e). Soutien: 200 F - Abonnement d'honneur: 1 000 .... Dirl'l'tcur de la puhlication : Albert I.évy - Secrét .. ire de rcdaction et m'lI.jUeHes : Francis I"urenl - Service photos : Abdelhak Senna. Ont collahoré à ee numcro: Ser~e Cappé. Robert Décombe. René Duchet. Dominique Dujardin. Nabile Farès. Jean-Pierre Garcia. Jean-Claude Grivot. Patrick Kamenka. Pierre Krausl, Annie I.auran. Marc Man2in, René Moulinas, Jean-Michel Ollé. Robert Pac. Marie-Jeanne Salmon. Josette Sicsic. Pierre-André Taltuierr. Yves Thoranl. Christian Villain. Administration: Khaled Debbah - Secretariat : Danièle Simon - Puhlicité : Hubert Bismuth et Paul Nataf (tél. 806.88.,U) - Imprimerie : SIRG. 9 rue Delounin 75019 Paris. tél. 249.24.00 - Diffusion : N.M.P.P.

\:uméro dl' commission paritaire. 6.1.634 - ISS~ : 0247-9095 - Coun:rture : Abdelh.k Senn •.

5 Le ras-le-bol des immigrés contre le mépris, le racisme, les chefs parallèles, l'interprète-maison, le syndicat-maison, est devenu un événement national. CITROEN ET S-ES « ENCHAINES » RECALCITRANTS Dignité, liberté. Ces deux mots, on les retrouve sans cesse dans la bouche des immigrés OS à Aulnay-Citroën, en grève pendant plus d'un mois. « Je suis OS dans ceffe hoÎte depuis des années, nous dit Ahmed, et depuis des années, c'est la peur, les menaces, les insultes racistes ... » C'était Aulnay-la-peur, avant le 22 avril dernier, avec ses kilomètres de grillage entourant, comme une forteresse, d'immenses blocs gris clairs, les ateliers, hérissés de cheminées, et des parkings à perte de vue. Créée en 1974, l'usine d'Aulnay- Citroën, située en banlieue nord de Paris, comptait six mille OS, immigrés principalement. « Surtout des Marocains, selon Ali. Mais il l'a aussi des AIKériens, des Tuni- - siens, des YouKoslaves, des ~ Turcs et des PortuKais. » Il A Aulnay-la-peur, un beau jour, ils ont eu assez de la loi de Citroën, une loi au-dessus des autres. lls ont relevé la tête. Hocine était parmi les premiers grévistes. Il raconte; « On s'est arrêté dix minutes dans l'atelier de montaKe. Un cher avait traité d'esclave un déiéKué CGT.». « Ensuite, c'est à l'assemhlage de la 1. NA qu'ils se .l'ont arrêtés», poursuit Omar. « IR ieudi soir, il ra eu trois heures d'arrêt de tral'ail », reprend Hocine.« On a d~filé dans les ateliers. C'est inouhliahle. Tout d'un coup, nous étions devenus des hommes. » Avec les travailleurs de Citroën. En fait, les premiers craquements dans la muraille Citroën avaient été ressentis avec les mesures prises dans l'après 10 mai 1981. Ainsi, le changement politique, en France, avait permis la régularisation des immigrés sans papier. Une délégation de travailleurs de Citroën avait été reçue au ministère du Travail. Des inspecteurs du Travail étaient venus à Aulnay. « Pas pour nous surveiller, indique Mohamed, mais pour empêcher qu'on truque les voteS» (lors des élections professionnelles). 6 « Mais les menaces ont continué contre les candidats CG T. poursuit-il. Alors, on a décidé de ne pas les laisser seuls et on afait une liste CGT. »Depuis, l'atmosphère a changé à Aulnay. Les OS en lutte, Français et immigrés, sont rassemblés en permanence devant l'usine. lls commentent les nouvelles, On chante, on danse. On hue la CSL (le bras musclé de la direction). On applaudit des délégations venues apporter leur solidarité. Puis vient l'heure du repas servi grâce à l'aide des municipalités de Seine- St-Denis. C'est le moment où on communique, entre différents groupes nationaux, comme pour dire à la tour de Babel qu'avait voulu créér Citroën, notamment en mettant sur une chaîne des travailleurs de plusieurs nationalités, que ce temps-là est fini . Tout comme leurs camarades français, les travailleurs immigrés veulent que cette bastille des temps modernes dispa~ raisse à tout jamais, par exemple en ayant la liberté de choisir leur syndicat, de voter librement, d'en finir avec les cadences infernales, les mutations arbitraires. En tant z z Ul '" Ils chantent victoire. qu'immigrés, ils ont, en plus des revendications propres. Ainsi, Nazim, un travailleur turc, qui a été recruté directement dans son pays par Citroën, raconte comment on lui a donné pour tout papier en Turquie une carte Citroën et une carte de la CSL. « A mon arrivée à Aulnay, confie-t-il, j'ai été soumis à un interroKataire d'intimidation en compaKnie d'un interprète-maison. » « Nous ne voulons plus de ça, poursuit un de ses camarades, nous voulons choisir notre interprète. EIre accompaKné par un camarade qui connaÎt le Fançais. » « On comprend ceffe revendication, souligne un délégué syndical, surtout quand on sait que les Kens de la CSLsont souvent recrutés parmi les oustachi (1 J, ou parmi les anciens memhres de la PIDE portuKaise (police politique de Salazar J, ou hien dans les 01'Kanisationsfascistes turques. » Outre les difficultés de la langue, l'éloignement du pays, de la famille - à qui ils envoient la plus gn:nde partie de leur paie - , les tracasseri~s administratives que multipliait l'ancien pouvoir, les travailleurs immigrés devaient également affronter les injures racistes des petits chefs de la hiérarchie parallèle. Les « BouKnoules .'» « Ratons .'» et autres insultes étaient monnaie courante. « Quel OS n'a pas entendu dans son atelier un cherde secteur en interpeller un autre en lui demandant: « t'as pas un immiKré à me prêter:)), déclare Sombou, un travailleur africain. « Ou hien être ohliKé, ·comme le dit aussi Omar, un DIFFÉRENCES N" 12-13 JUIN-JUILLET 82 OS marocain d'offrir au chef; le pastis pour partir en vacances. » « Ou rapporter des cadeaux au cher interprète au retour des conKés», surenchérit Nazim. De ce temps là, ils n'en veulent plus. Ils veulent pouvoir vivre dans la reconnaissance de leurs nationalités, de leurs droits et de leurs croyances. « Pourquoi ne pas avoir une salle pour prier:) demande Omar. Et qu'on nous permeffe de respecter nos fêtes comme le Ramadan ave(: des mesures adaptées à ce Kenre de période. ». « Une usine a été affaquée », « c'était des actions de Kuerre civile », assurait récemment le directeur central du personnel de Citroën dans Le Quotidien de Paris. Et un « Kardien chevronné » de l'usine n'est pas moins affirmatif: « Calculez vous-même: combien d'immiKrés, comhien de chômeurs ... c'est une Kuerre de reliKion. » Logique, Dr Watson! « On ne sait pas ce qu'ils veulentfaire, écrit Le FiKaro MaKazine en parlant des grévistes. Il faut protéKer l'outil de travail. Ils veulent meffre une hombe H. » Son envoyée spéciale n'a vu « Kuère plus de deux cents Krévistes », sur « six mille cinq cents imll1iKrés ». « lm 111 i Kr é s 111 a n i p u lés », « Kros hras» qui cherchent à « déstahiliser» le groupe PSA ou à «provoquer» la CSL. La « caissière de l'usine » est là pour la renseigner. « Elle les connaÎt tous puisqu'ils viennent la voir chaque semaine. Elle n'en a pas reconnu heaucoup. » Seulement... « Ceux q/.li cassent les voitures sur le park inK du supermarché », « ceux qui ont pourchassé les .filles du selr» .. . Du directeur du personnel aux gardiens, tout le monde était, on le voit, aux petits soins pour les immigrés. 7 Akka, travailleur africain, ne veut plus, lui, de « la médecine maison qui interdit les certUicats médicaux extérieurs ». « On veut, explique Abdou, en cas d'accident, avoir droit à une amhulance ou à être transporté en taxi et ne plus être ohliKé de travailler quand on est hlessé. » Ce travailleur algérien, Yaya Himiche, quarante ans, OS depuis 1965, chez Citroën est « interdit de travail au Quai de Javel», comme il dit luimême, pour avoir fait la grève en 68. En 74, muté à Aulnay, il a été envoyé au groupe chauffage, où il doit, huit heures par jour, en position accroupie, manipuler des blocs de treize kilos. Toujours OS, il est isolé de ses camarades, prévenus qu'il était sur la liste rouge. Il a mangé seul, pendant deux ans, à la cantine. « Il m'a été impossihle de lI1'approcher d'un travailleur, explique-t-il, sans me retrouver aussitôt escorté par un cher». « IlI1miKré manipulé», Benhatti Barek? Ce travailleur marocain qui refusait la carte CSL et qui, poursuivi jusque chez lui par les nervis de la maison, s'est jeté par la fenêtre de son logement pour leur échapper. Le « bosse et tais-toi »; c'est fini! Travailleurs, français et immigrés, .se solidarisent ayec ceux d'Aulnay: Levallois, Asnières, St-Ouen, Rennes ont débrayé. Solidarité financière des autres corporations égaIement, sans oublier la manifestation des syndicats CGT, CFDT, FEN, soutenue par les partis de gauche et à laquelle le M RAP s'est associée. Le ministre du Travail, luimême, a qualifié la situation actuelle d'« inacceptahle» et a nommé un médiateur. Il a parIé, à propos de ce conflit, d'« employeurs qui ont perdu la notion de respect des lihertés des salariés ». « Contre le « hosse et tais-toi » des patrons, explique Mohamed, nous voulons être lihres et les voitures qui sortiront seront plus helles. Des hommes lihres fant du meilleur travail . que des hommes enchaÎnés. » Patrick KAMENKA (1) Oustachi: nom des hommes de main d'Ante Pavelic, chef fasciste yougoslave pour qui les nazis avaient créé pendant la guerre, l'Etat indépendant croate. La plupart des chefs oustachis de la guerre sont reconnus comme des criminels de guerre. II s'agit ici de membres de groupes en exil qui entretiennent la même idéologie et s'activent dans des mouvements d'extrême-droite. 26 AVRIL FRANCE M. Robert Faurisson déjà condamné pour racisme et falsification de l'histoire devait projeter un enregistrement vidéo. Le MRAP, prévenu, avait obtenu du tribunal l'autorisation de faire procéder à la saisie conservatoire de la bande vidéo. Cette saisie n'a pu avoir lieu, un commando ayant saccagé les locaux et le matériel qui s'y trouvait. Dans un communiqué, le MRAP désapprouve cette opération provocatrice qui ne peut que gêner la marche de la justice. 28 AVRIL L'abolition de l'esclavage commémorée Le gouvernement décide que l'abolition de l'esclavage réalisée sous l'impulsion de Victor Schoelcher les 4 mars et 27 avril 1848, sera dorénavant commémorée. Le secrétaire d'Etat François Autain rappelle les orientations de la politique gouvernementale à l'égard des immigrés: « ReconnaÎtre aux immigrés établis en France leur place dans la vie sociale, culturelle et économique du pays .. mellre un terme à l'immigration et au travail clandestin » « Interdit aux singes et aux juifs» : amende Pour avoir apposé sur sa vitrine une affiche: « Interdit aux singes et aux juifs », le tenancier d'un débit de boissons de Besançon, est condamné à 5 000 F et à verser en dommages et intérêts: 500 F à la L1CRA et 1500 F au MRAP. 29 AVRIL ISRAEL Troisjeunes Palestiniens sont tués et une vingtaine blessés lors de fusillades contre les manifestants en Cisjordanie et à Gaza. 3 MAI FRANCE Un attentat à l'explosif détruit la mosquée à Romans (Drôme). Dans un communiqué, « le M RA P dénonce la campagne d'intolérance raciste qui a précédé cet événement, entretenu la haine et favorisé la violence ... /1 assure la communauté islamique et tout spécialement celle de Romans, de sa sympathie et de son soutien ». Le M RAP appelle à une manifes-. tation de solidarité devant la Mosquée de Paris. Elle réunira plusieurs centaines de personnes le 7 mai. NAMIBIE L'Organisation des Peuples du Sud-Ouest Africain (SWAPO) rejette officiellement les dernières propositions occidentales concernant l'accession de la:' Namibie à l'indépendance et réclame la convocation d'une conférence internationale. 4 MAI ETATS-UNIS Le consul honoraire de Turquie à Boston est tué au cours d'un attentat revendiqué par les « commandos de lajustice pour le génocide arménien ». ISRAEL La Knesset vote une résolution rejetant l'idée d'évacuation des implantations israéliennes dans les territoires' occupés, dans le cas de futures négociations. M. Begin déclare: « Si le sionisme et une idéologie morale, il est moral de s'implanter partout, y compris dans les zones à forte densité arabe ». L'armée tire sur des jeunes filles manifestant dans leur école à Khan-Younes. L'une d'entre elles est tuée, cinq sont blessées. 5 MAI FRANCE Hôtel meublé en feu à Issy-IesMoulineaux (Hauts-de-Seine). Deux cent vingt travailleurs immigrés s'y entassaient dans soixante-trois chambres. Il n'y a heureusement pas de victimes. IRLANDE DU NORD Premier anniversaire de la mort de Bobby Sand s, républicain irlandais et député à la Chambre des Communes, au terme d'une grève de la faim de soixante-six jours. Plus de cinq mille personnes défilent dans BelfastOuest. A Paris, rassemblement devant l'ambassade britannique. Le frère de Bobby Sands, Sean, est à la tête d'une manifestation à Los Angeles, aux Etats-Unis. ISRAEL Deux réservistes israéliens sont condamnés à vingt-huit jours de prison ferme pour avoir refusé de servir en Cisjordanie occupée. Ils avaient invoqué des motifs de conscience. 6 MAI FRANCE Les partis et mouvements anticolonialistes de Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion, réunis à Paris demandent la constitution 8 23 mai: le président Mitterrand accueilli en Côte d'Ivoire, d'assemblées régionales élues à la proportionnelle. Des syndicalistes sud-africains arrêtés Trois syndicalistes noirs, MM. Thomazile Goweta, président du syndicat sud-africain des travailleurs alliés (SAA WU), Sam Kikine et Sisa Njikelana sont arrêtés en vertu de la loi sur le terrorisme. 7 MAI FRANCE Une sélection de l'Ile de France de la FSGT rencontre à Arcueil l'équipe nationale palestinienne de football dont c'est le premier match d'une tournée en France. La FSGT qui entretient égaiement des relations avec la Fédération sportive travailliste israélienne HAPOEL (70 % du sport israélien), rappelle à cette occasion que son objectif est « le développement de l'olympisme, à partir de l'application, dans toutes les situations,du principe de non discrimination raciale et politique dans le sport ». 8 MAI FRANCE Des cérémonies officielles marquent dans tout le pays le trenteseptième anniversaire-de l'écrasement du nazisme. Le président de la République notamment dépose une gerbe à l'Arc de Triomphe, et visite le centre Jean-Moulin à Bordeaux; le ministre des Anciens combattants reçoit des délégations étrangères d'une vingtaine de pays. Les chefs du 3e régiment d'hélicoptères de combat basé à Etain- Rouvres (Meuse) refusent de fournir un contingent, pour défiler à Bouligny à la demande du maire communiste de la ville, en raison de la présence d'une délégation de la CGT et de son ~rapeau parmi les invités, ce qUI ne serait pas autorisé par les règrements. Dans la nuit, des croix gammées ont fait leur apparition sur les murs intérieurs de l'immeuble où réside M. Charles Hernu, ministre de la Défense. La librairie Ombres blanches, à Toulouse, installée depuis un mois à peine dans de nouveaux locaux, est saccagée par un commando particulièrement acharné à détruire des livres. Le congrès du M RAP s'ouvre à Paris où il réunit plus de six cents délégués venus de toutes les régions. 9 MAI FRANCE Le Mémorial Frantz Fanon réunit à Paris diverses personnalités autour de la veuve de l'écrivain. Au cours d'une rencontre nationale à Montreuil (Seine-St-Denis), la Jeunesse Ouvrière Chrétienne dresse le bilan de son action parmi les jeunes chômeurs, en présence de cinq cents délégués de trois cents comités de chômeurs. ILES MALOUINES La Grande-Bretagne lance une offensive militaire alors que les bons offices du secrétaire général de l'ONU tentaient d'empêcher l'aggravation de la situation et d'obtenir un règlement pacifique. JAPON Douze cortèges partent de différentes villes du Japon pour rallier 7 mai: à l'appel du MRAP devant la Mosquée de Paris, Hiroshima où se déroulera en août un rassemblement pour la paix. 10 MAI FRANCE Après l'incendie qui a causé la mort de deux personnes dans un immeuble de la rue de Fleury(Paris 18.e), le M RAP, dans un communiqué, s'inquiète de la multiplication des incendies dans le quartier de la Goutte d'Or et dénonce les conditions intolérables de logement qui sont celles des immigrés dans ce quartier. Nouvelles plaintes contre M. Papon Six nouvelles plaintes sont déposées par des familles de juifs déportés, contre M. Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de la Gironde sous l'occupation. M. Cousté, député, attire l'attention du ministre des Relations extérieures sur le fait que M. Gérard Israël qui devait conduire une délégation du Parlement européen au Pakistan, s'est vu refuser l'entrée de ce pays en raison de son appartenance à l'Alliance israélite universelle. IRLANDE Deux Irlandais du Nord sont nommés au Sénat de Dublin par le Premier Ministre. C'est la première fois que des Irlandais du Nord sont choisis parmi les onze sénateurs directement nommés par le Premier Ministre. ISRAEL Six officiers de réserve affiliés au mouvement « La paix maintenant », dénoncent les pratiques répressives de l'armée israélienne dans les territoires occupés, notamment la « multiplication des tirs' contre les manifestants palestiniens », les «punitions collec- 9 DIFFÉRENCES N" 12-13 JUIN-JUILLET 82 tives» et les « provocations des colons ». 12 MAI FRANCE Un gardien de la paix qui avait comparu le 14 avril devant la 17e chambre correctionnelle de Paris pour avoir frappé et sérieusement blessé un Algérien le 14 juillet dans un réduit de la station de métro Madeleine, est relaxé. 13 MAI LE CAIRE L'Egypte et les Etats-Unis entament des conversations sur l'autonomie des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza. 14 MAI FRANCE Un dossier sur « les mesures de protection de la population civile en cas d'allaque nucléaire », est en préparatïon au ministère de l'intérieur, répond M. Gaston Defferre à la question d'un député. ETATS-UNIS Le président Reagan réaffirme l'appui. américain à Israël. Il ne permettra jamais « que l'avantage militaire qualitat(f' et quantitatif' d'Israël sur ses voisins disparaisse ». Une aide supplémentaire de deux cents millions de dollars est envisagée. 15 MAI GRECE Dans le stade antique d'Olympie, au cours d'un rassemblement pour la détente internationale et la paix, des flambeaux sont allumés pour témoigner de la volonté commune des peuples. L'un d'eux a pris' la route pour Nîmes où il rejoindra le Festival de la Jeunesse pour la Paix et l'Amitié, d'autres se dirigent vers l'Europe du Nord et l'Amérique. Des dizaines de milliers de personnes manifestent pour la paix et le désarmement à Vienne en Autriche, Hanovre en RFA et Goteborg en Suède. 16 MAI NAMIBIE Au terme d'une enquête dans la province namibienne de l'Ovamboland, une délégation d'évêques, conduite par Mgr Denis Hurley, président de la conférence épiscopale d'Afrique australe, condamne sévèrement les atrocités commises par l'armée sud-africaine. URSS Quelque six cents personnalités religieuses d'une centaine de pays, dont deux représentants du Vatican, lancent un appel aux gouvernements pour qu'en aucune circonstance, ils ne recourent aux armes nucléaires. Ils demandent aussi à l'ONU que la session spéciale sur le désarmement nettoie « la terre de la saleté nucléaire ». 18 MAI FRANCE Une manifestation se déroule devant le siège de l'union locale CGT du ge arrondissement de Paris pour protester contre les attentats de caractère fasciste qui se sont produits les nuits du 1 0 mai et du 16 mai contre les locaux syndicaux. AFRIQUE DU SUD Le secrétaire général de l'ON U adresse au gouvernement sudafricain un appel urgent à la clémence, en faveur des trois militants de l'A.N.C. condamnés à mort. 19 MAI FRANCE M. François Mitterrand part pour une visite africaine qui le conduira, après escale à Alger, au Niger, en Côte d'ivoire, au Sénégal et en Mauritanie. 20 MAI ISRAEL Trente Druzes du Golan sont condamnés à des peines de prison avec sursis et à des amendes pour avoir refusé la carte d'identité israélienne. Dix l'avaient été la semaine précédente. Le responsable pour l'éducation annonce que les lycéens druzes sans carte d'identité israélienne ne pourront se présenter au baccalauréat. 24 MAI LIBAN Une voiture piégée explose à l'entrée de l'ambassade de France à Beyrouth faisant onze morts dont cinq parmi les membres du personnel. 25 MAI Fusillés à Ajaccio Deux piétons d'origine maghrébine sont victimes de coups de feu tirés d'une voiture dans une rue d'Ajaccio. L'un d'eux est tué l'autre grièvement blessé. Actualité Politique, commerce, chauvinisme, violences, ballon rond, vingtquatre équipes et des millions de supporters ... A ttention au mélange OMBRE ET SOLEIL SUR LE MUNDIAL S ouhaitons d'abord que le douzième championnat du monde de football se déroule normalement, sans boycottage ni forfait, dans un monde en paix, du 13 juin au II juillet, en Espagne. Si un tel championnat n'eut pas lieu en 1942 et 1946, c'est en raison de la Deuxième Guerre mondiale et de ses séquelles, souvenonsnous en. Comme les Jeux Olympiques qu'ils égalent presque en audience et en signification, les championnats du monde de football sont un baromètre où l'on peut déceler l'état du monde. En les analysant on constate, hélas, l'emprise du fascisme et du nazisme en 1934 et 1938 quand certaines équipes saluaient le public bras tendu, tandis qu'une propagande éhontée récupérait les succès de la sélection italienne. Plus heureusement, depuis 1950, on discerne la montée des pays en voie de développement et nouvellement indépendants comme le Brésil, le Maroc, Israël, le Zaïre, la Tunisie, ainsi que l'affirmation des pays socialistes, l'épopée des Coréens du Nord qui éliminèrent l'Italie et le Chili en 1966, étant l'exemple le plus fameux de révélation d'une équipe totalement inconnue. Ce qui précède explique notamment pourquoi la phase finale de la compétition vacomprendre en Espagne non plus seize pays comme dans le passé mais vingt-quatre dont deux africains, l'Algérie et le Cameroun. Le football est universel et le monde change; la Fédération internationale des associations de football (FIFA) a dû en tenir compte. L'Afrique reste néanmoins sous-représentée alors que l'Asie est absente. Encore une fois, seul le canon qui tonne aux Malouines pourrait contrarier ce moment dé paix et de rassemblement que doit être le Mundial espagnol. Il était question au début du mois de mai d'un forfait éventuel des équipes britanniques (Angleterre, Ecosse, Irlande du Nord). Il était à craindre aussi qu'en cas d'extension du conflit, l'Argentine soit empêchée de défendre le titre mondial qu'elle avait conquis en 1978. Le sport ne vit pas en vase clos ... L'absence des Britanniques et du tenant du trophée réduirait sensiblement la signification de la compétition, mais le Mundial aurait lieu quand même, sans aucun doute. D'ailleurs, le Portugal, la Roumanie, la Suède et l'Uruguay ont fait acte de candidature pour remplacer les absents éventuels. Les intérêts en jeu sont trop importants pour que la compétition soit annulée. Intérêts sportifs, certes, car il s'agit d'une épreuve significative qui va façonner le football pour quatre ans jusqu'au prochain Mundial en Colombie, mais aussi intérêts de tous ordres, économiques et financiers notamI1')ent. Coût: 800 millions de francs Il faut savoir d'abord que cette compétition-marathon de près d'un mois coûte cher. Dix-sept stades sont concernés; il a fallu les rénover, voire les transformer et même en construire un, le Nuevo estadio de Valladolid où l'équipe de France jouera deux matches justement. Heureusement pour elle, l'Espagne est un grand pays du football et les recettes s'annoncent considérables. 10 Le ballon rond, une grosse affaire. Ces recettes diverses laisseront un bénéfice que l'on peut d'ores et déjà prévoir coquet et qui sera réparti ainsi: 10 % à la Fédération internationale (FIFA), 65 % aux vingt-quatre pays qualifiés en fonction de leurs résultats pendant le Mundial et 25 % à la Fédération espagnole organisatrice. Un produit juteux Pourtant, les bénéfices risquent de ne pas être aussi élevés que les promoteurs l'espéraient dans certains domaines. Ils ont confié par exemple la publicité à un trust international West Nally, lequel se serait vu retirer le marché ensuite au profit d'une société monégasque tandis que l'accueil des candidats spectateurs était cédé à un consortium d'agences touristiques Mundiespana lequel a commis des erreurs dans sa recherche frénétique de gains maximum. En contraignant d'abord les étrangers désireux d'obtenir des billets pour les matches à acheter des séjours de deux semaines minimum à un mois avec demi-pension dans des hôtels aux tarifs élevés, Mundiespana a fait fuir la majorité d'entre eux, en particulier les Français qui sont à portée de

voiture de l'Espagne. Devant la quantité de séjours invendus le consortium a révisé sa politique et proposé des aller et retour ultra-rapides pour un seul match, mais ce revirement fut tardif car le public identifie maintenant le Mundial à un spectacle prohibitif alors que les meilleures places ne dépasseront pas soixante francs. Vous l'avez compris, les marchands sont entrés en force dans le temple et le Mundial est devenu un produit juteux que d'aucuns essaient de vendre le mieux possible. Que le sport fasse marcher le commerce, pourquoi pas? Encore faut-il que la commercialisation reste dans des li- t;; mites raisonnables et que la g compétition n'en souffre pas, ~ qu'elle reste crédible. Or, le rè- ~ glement du championnat du '" 1 monde tend à favoriser tou- Le foot-bail en voit de toutes les couleurs. jours plus le pays organisateur et les grandes puissances de la balle ronde, désignées têtes de série selon des critères discutables, et pourvues d'avantages qui renforcent encore la hi~rarchie ! « Comment voulez-vous bousculer l'ordre établi dans ces conditions?» demande Michel Hidalgo, sélectionneurentraîneur des équipes de France. Mais, il est à peu près le seul à dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Et puis, n'a-t-on pas vu plus haut que tout le monde y trouve son compte, le faible comme le fort, à l'heure de la répartition des bénéfices? La part des joueurs Le championnat du monde de football, c'est comme les Jeux Olympiques, l'important est d'y participer mais, pour des raisons financières .. . Certains souriront peut-être en se disant qu'aux JO, l'argent n'est pas absent non plus; certes, mais le Mundial est en train d'établir des records dont l'image du sport risque de souffrir. Cette fois, dans un souci de clarification et d'information du public qui les honore, la Fédération française de football et ses associés ont révélé comment serait calculée la part des uns et des autres, joueurs compris. Comme en 1978, une société a été spécialement créée; il s'agit de Football France promotion. Cette société est chargée de l'exploitation publicitaire ou promotionnelle de la qualification de l'équipe de France. Il est prévu que les joueurs se partageront 60 % des sommes revenant à la F.F.F. Ensuite, viendront s'ajouter les primes d'intéressement aux résultats obtenus en Espagne et de port d'équipement, primes de trente mille francs pour la participation à la phase finale de cinquante mille francs pour la qualification éventuelle au deuxième tour, c'est-à-dire si la France termine première ou seconde d'un groupe qui comprend aussi l'Angleterre, la Tchécoslovaquie et le Koweit. Bien entendu, d'autres gratifications sont prévues si notre sélection nationale participe aux demifinales et à la finale . Si par extraordinaire les Français gagnaient le Mundial, un joueur comme Bossis se verrait attribuer au total six cent mille à sept cent mille francs. Naturellement, il lui resterait encore à payer ses impôts ... Le Mundial peut rapporter gros aussi aux joueurs espagnols. Un minimum de sept millions de francs à l'équipe et dix millions de francs si l'Espagne enlève son Mundial a la casa comme l'ont fait l'Uruguay en 1930, l'Italie en 1934, l'Angleterre en 1966, la R.F.A. en 1974 et l'Argentine en 1978. 11 C'est cela aussi le championnat du monde de football. Sport et commerce, grandeur universelle et gigantisme, rassemblement pacifique et lutte acharnée sur le terrain au détriment du spectacle car le jeu dur, la violence et le chauvinisme sont les fruits pourris de la recherche du résultat à tout prix. Le Mundial est un peu comme la langue d'Esope, la meilleure et la pire des choses. 113, rue d'Aboukir sportwear 108, rue du Faubourg Saint- Denis 75010 PARIS Toujours est-il que cette invention française -Jules Rimet en fut l'initiateur - est une institution qui, en cinquante- deux ans, s'est ancrée dans le coeur du public du monde entier au même titre que les Jeux Olympiques. C'est que ses qualités l'emportent encore sur ses défauts et que son déroulement est, malgré tout, signe de paix. Jean-Claude GRIVOT BOUTONS BOUCLES FERMOIRS GALONS TEL: 260.31.93 PAR 1 S téléphone 5230054 246 5700 246 5701 Le sport, une expression de l'amitié entre les peuples, peut être aussi l'occasion de crier son racisme de la touche « S'ils perdent, tout va bien , • » C haque fin de semaine sur les terrains de sport de France, des équipes composées partiellement ou dans leur totalité de jeunes, immigrés, originaires des D.O.M.-T.O.M. ou de Français musulmans, se retrouvent dans les compétitions diverses pour le seul plaisir du sport. Ils cherchent souvent une autre manière de s'intégrer, par le jeu, souci qui va de pair avec celui de préserver leur identité. Des équipes se constituent sur une base ethnique homogène: démarche volontaire comme dans le cas de l'équipe de football de l'Association des originaires du Portugal de Paris (A.O. P.). Ou résultat des circonstances comme pour l'Association sportive Aulnay- Nord en Seine-Saint-Denis, où la section football est uniquement composée d'Antillais. « Nous la voulions ouverte à tous, assure LouisMarie Pelaez, son président. lRS liens d'amitié, les relations ont fait que les Antillais s'y sont retrouvés nomhreux et que le recrutement s'opère désonnais dans leurs ran~s. Sans qu'il n)' ait aucune volonté d'exclusion de la part des joueurs, je crois que cet état de lait convient à leur hesoin d'i' dentité régionale, et à leur envie de se retrouver ». Mais vouloir se regrouper ainsi, n'est-ce pas introduire le ver dans le fruit, au moindre incident prêter le flanc au racisme latent, et en multiplier les risques de manifestations? Victor, responsable de l'A.O.P. de Paris ne voit pas les choses de cette façon. « Bien sûr, nous, les Portu~ais, on nous reproche souvent d'être des râleurs, de jouer dur, de parler notre lan~ue sur le terrain, ce qui énerve parfois les adversaires. Si nous avons eu des proh/èmes de violence durant certains matches, je ne crois pas qu'ils provenaient d'un quelconque racisme. Ils étaient dus à mon avis à l'énervement des joueurs du fait de l'en~a~ement physique. Alors des mots, oui, parfois. Mais rien de très ~rave. » Il y a cette volonté de minimiser les incidents chez Louis-Marie Pelaez, et de les ramener à leur seule dimension sportive. Ce n'est pas l'avis de Driss Agouzoul, jeune étudiant marocain en France depuis cinq ans. Il a, lui , mal vécu la conlrontation ethnique dans le sport. « Ma première expérience dans une équipe universitaire composée uniquement de Marocains avait déjà éte peu convaincante. Dans un milieu où on ne .l')' attend pas nous .faisions l'ohjet de discriminations. Pas de la part des responsahles certes qui ont même pr~fëré renoncer à la le seul étranger, à Quesnoy-IeMontant dans la Somme. « Je crois, dit-il, qu'ilfaut sortir du ~hetto pour ne plus constituer une cihle. » Démarche inverse à celle de Toni aujourd'hui à l'A.O. P., qui n'était pas parvenu à trouver sa place dans une équipe française et qui se sent désormais à l'aise parmi ses copains portugais. Face à deux attitudes aussi opposées, y a-t-il une chance de trouver une solution, sinon dans la disparition du racisme? Et le sport n'est que le reflet de la société où il se pratique. Les problèmes existent. lis sont parfois graves. Le comité local du M.R.A.P. d'Angoulême a dû intervenir, fin 1981, auprès de la Ligue CentreOuest de football, pour qu'il soit mis un terme au comportement de certaines équipes et de leurs supporters. Rien n'est perdu si l'on suit Ali Amir qui affirme que « c'est bien cette équipe de l' U. S. P. G., cosmopolite d'une certaine manière, qui a contribué à l'amélioration des relations intercommunautaires dans la cité Basseau, ce quartier d~favorisé d'An~oulême. Peut-être même à empêcher certains de tomber dans le piège de la délinquance. » Dominique DUJARDIN constitution d'équipes sur de r-------------------------...., telles hases pour éviter tout inchIent. Ma deuxième expérience dans une équipe de Franco-musulmans d'A miensNord, elle, a été totalement catastrophique. Au hout de quatre matches, j'ai préléré renoncer, ne supportant plus les insultes, surtout lorsque nous nous déplacions sur terrain adverse. » L'Union sportive de la PetiteGarenne, dans le Nord d'Angoulême, est confrontée aux mêmes problèmes. Les ~ars des Basseau, comme on les nomme, des jeunes Françaismusulmans, deux immigrés et des Français d'origine métropolitaine, n'ont pas la vie facile sur les terrains. « Ce n'est pas le comportement des joueurs, remarque Ali Amir, mais celui des spectateurs qui contrihue à envenimer les situations. Il.faut que nos ~ars aient un sacré san~~lroid pour supporter les « ratons» ou « bougnoules » dont on les gratifie. Bien sûr, s'ils perdent tout va bien. Mais ils savent aussi ~a~ner. Et nos attaquants, les huteurs, en conséquence, ce sont précisément les Français-musulmans de l'équipe ». Driss a voulu tirer la conclusion de ses deux premiers échecs, en choisissant de se fon- ENCORE TARZAN! H omme blanc, elle t'attend! Fine, musclée, prête à bondir, toute la fièvre de la jungle dans les yeux ... Femme, et noire: deux bonnes raisons d'être à tes genoux. Et puis, tu n'as rien à craindre, elle est en cage ... Dépêche toi, homme blanc, elle ny restera peut-être pas longtemps. Juste le temps pour Photo, magazine artistique, de publier un album de photographies, Jungle Fever, qui condense les fantasmes les plus vils de siècles de colonialisme et d'oppression des femmes. Ce numéro de mai de Photo, c'est une anthologie du genre. Il faudra, un jour, créer un musée du racisme, et lui garder une place de choix. J.M.O. dre dans une équipe où il serait L...-________________ ~ ____ ...J 12 Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples a tenu congrès les 8 et 9 mai. Rencontre de générations, d'idées, de croyances, de philosophies. Et de certitudes communes LES CONVICTIONS CONTAGIEUSES DUMRAP Deux personnes. en pleine conversatIOn, au lendemain du congrès du MRAP, pour relancer une action toujours plus indispensable malgré les changements intervenus depuis un an. Lui, l'abbé Jean Pihan, un vétéran de l'action contre le racisme. Elle, Annie Frapsauce, vingt ans, vient tout juste d'être élue au bureau national. Deux générations, deux approches différentes. J'appartenais à une commission du ministère de la Justice chargée de la protection de l'enfance en matière de presse enfantine, sur la base d'une loi de /949. Elle interdisait la violence, l'apologie du crime, etc. Les premiers législateurs n'avaient pas penséày introduire l'interdiction de ce qui pouvait conduire au racisme. A lors, à cause de ça, i/ y a eu un colloque à la Sorbonne et, à cette occasion, j'ai fait la connaissance de membres responsables du MRAP: Pierre Paraf, le président, Albert Lévy ... C'était en /960. Petit à petit, j'ai été amené à prendre davantage de contacts avec le Mouvement, Pierre Paraf m'a demandé d'entrer au bureau national, puis on m'a offert d'être l'un des viceprésidents. En fait on est venu me chercher. A lors, j'ai découvert d'une manière beaucoup plus précise ce qu'était le MRAP. Pour moi, le Mouvement a été, tout d'abord, une manifestation. Celle qui a suivi Copernic. L'attentat m'a vraiment bouleversée, choquée. Nous étions une bande de copains et on s'est aperçu qu'effectivement le racisme, l'antisémitisme, on les rencontrait à chaque instant, qu'on en avait maints exemples près de nous, en particulier dans notre faculté, alors qu'on n'en avait pas forcément conscience. Avec nos · petits moyens, nous avons essayé de faire quelque chose. Etre plus nombreux! Mais notre comité de fac, au bout d'un an, ne pouvait plus fonctionner du tout, à cause de problèmes politiques essentiellement, entre autres. l'affaire de Vitry. Et puis. partant de là, nous nous sommes trouvés comme éclatés, des gens soutenant des thèses politique opposées sans recherche d'un point d'accord. Impossible de continuer dans ces conditions là. Voyez, quand on est venu me chercher, j'avais peut-être, c'est ponible, un certain nombre de préjugés, entretenus par ce que l'on dit, que le MRAP est inféodé à un parti politique. Je dois être naïf, mais enfin, je ne m'en suis pas aperçu. Il m'est arrivé une ou deux fois de dire: « ECOUlez, non, non -' Là, c'est trop partisan, je ne peux pas signer .' ». Chaque fois, on a tenu compte de mon point de vue. Et je n'ai jamais été entraîné dans quelque chose que je ne pouvais pas admettre. Et puis, en travaillant sur le racisme, je me suis découvert raciste. On a tous, au fond de soi, quelques préjugés, on n'est pas très au courant, on n'a pas beaucoup étudié ceci ou cela, et on se rend compte que, involontairement, bien SÛT, eh ! bien, on traîne des séquelles du racisme. 1/ y a donc eu, en ce qui me J3 concerne, toute une action de purification de moi-même. Comme je le disais, en conclusion du congrès, le M RA P est quelque chose d'unique en son genre. Je ne connais aucune autre organisation susceptible d'unir dans lafraternité des gens qui sont par ai/leurs extrêmement différents, y compris dans leurs convictions, mais qui sont unis par un idéal commun qui est la lutte contre le rat-fsme et plus positivement pour la fraternité entre les hommes. Je suis heureux d'avoir été l'un de ceux - parce que je suis loin d'être tout seul - qui représentent l'une des composantes de la z z UJ z société française, ce que j'appelle la composante évangélique, pas seulement catholique, mais aussi bien protestante et d'autres encore. Elle a une certaine manière d'envisager les problèmes des rapports entre les hommes. Et puis, ça m'a permis de mieux faire connaÎtre le Mouvement dans le monde des Eglises, parce que, justement, il y avait ces préjugés. J'ai rencontré une grande compréhension de la part de l'épiscopat et c'est comme ça que nous avons eu au comité d'honneur, un évêque, non des moindres, Mgr Riobé, célèbre pour toutes ses prises de position, qui est venu une fois avec nous, entre deux trains depuis Orléans, pour une entrevue avec le ministre de l'Intérieur au moment où il y avait de grosses difficultés au sujet des immigrés. Et il n'a pas mâché ses mots. Et puis, après sa mort prématurée, nous avons eu un autre évêque que nous avons toujours d'ailleurs, Mgr Herbulot, de Corbeil, qui suit de très près ce que nous faisons. Pour ma part. j'ai essayé de comprendre ce qui se passait dans mon groupe. C'est là que j'ai vu que le pluralisme était très important. même primordial dans un mouvement comme celui-là. Et c'est ce qui m'a fait rester. Avec aussi une autre découverte. J'étais allée à une réunion dans le VI" arrondissement de Paris. sur l'apartheid. C'était une chose que je ne connaissais pas du tout, mais alors pas du tout. J'ai été littéralement effrayée. je ne croyais pas que ça pouvait exister. Pour en revenir au pluralisme. c'est quelque chose de difficile et quelque chose de nécessaire. Cela ne paraît pas évident parfois. Il ya des moments où on a envie de dire: (C Non, Je ne suis pas d'accord, ça ne correspond plus à ce que je pense ». Vous arrivez à découvrir aussi que si chacun veut aller au bout de sa politique, de l'orthodoxie de son Eglise, de son parti, de son école philosophique, mais en négligeant le point de vue des autres, il s'enfonce dans une impasse. Une des choses que j'ai appréciée, c'est que, justement, ces contacts entre des gens qui n'ont pas les mêmes convictions, étaient enrichissants pour moi. Et j'ai l'impression, sans forcer la mesure, qu'ils pouvaient l'être aussi pour l'interlocuteur, l'interlocutrice. Dans les premières rencontres, on avait un peu un col à manger de la tarte, n'est-ce pas? Eh! bien, assez rapidement, on devenait vraiment des amis, parce que chacun avait apprécié la sincérité, la largeur d'esprit de l'autre. A nnie, je trouve votre cheminement très intéressant. C'est celui de quelqu'un qui découvre à partir d'un fait précis, tout le mal, tout le drame, toute la saloperie Un mouvement unique en son genre. du racisme et qui, s'étant approché du Mouvement, voit tout-àcoup qu'il y a beaucoup d'autres choses de même nature contre quoi il faut lutter. Comme votre découverte de l'apartheid. Vous en découvrirez encore bien d'autres, comme le problème des immigrés qui n'est pas seulement un problème de racisme mais aussi un problème économique et social. Vous découvrirez ainsi que derrière les faits, il y a les causes. C'est un point sur lequel le MRAP insiste énormément. 1/ a d'ailleurs souvent cité la fameuse formule de l'abbé Pierre que je rappelle de mémoire et pas très exactement.. devant toute détresse humaine, occupe-toi à la soulager sans retard, devant toute détresse humaine, occupe-toi à en supprimer, sans retard, les causes. L'aspect social m'intéresse énormément. Il est directement lié aux études que je fais. J'ai effectué un stage au cours duquel j'ai rencontré beaucoup d'immigrés en situation économique et sociale, enfin sous beaucoup d'aspects. en situation désastreuse. J'ai vu les logements, la réalité qu'on ne peut imaginer quand on a des gens devant soi dans une permanence. On ne peut imaginer ce qu'ils vivent, ce qu'ils peuvent ressentir. Il faut avoir vu comment ils arrivent à l'hôpital, complètement malades, complètement désespérés physiquement et psychologiquement. De militer au M RAP m'a apporté une sensibilité nouvelle qui me permet de mieux les comprendre. Peut-être pas de mieux les aider matériellement. mais de mieux DIFFÉRENCES N" 12-13 JUIN-JUILLET 82 voir les causes et peut-être d'aborder leurs problèmes d'une manière différente. Simplement sous l'aspect culturel, j'estime important de connaître le mode de vie des gens, leurs traditions et. au Mouvement. j'ai appris beaucoup. Et puis, la recrudescence des idées nazies me préoccupe aussi énormément. La banalisation actuelle du nazisme me choque, ça devient dangereux dans la mesure où les gens ne savent pas. comme beaucoup de ceux de mon âge. Et cette multiplication des sectes ... Alors. quand je vois. à Assas cette oppression du GUO, qu'en fin de compte il n'y a qu'eux qui peuvent s'exprimer sur la fac, je ne comprends pas que cela puisse devenir une chose banale. Tout le monde sait qu'Assas, c'est devenu la fac réservée des activistes d'extrêmedroite, alors on se dit qu'il n'y a pas d'espoir que ça change et on laisse les choses aller. Non! A Assas, d'autres gens doivent pouvoir s'exprimer. Le racisme, c'est grave. quelque chose de dangereux qui a déjà conduit à l'idéologie hitlérienne, il faut donc être très vigilant. Vous avez tout à fait raison de rappeler la nécessité de cette vigilance parce que, lorsque la bête est endormie, elle n 'est pas morte. 1/ ne faut pas s'affoler, tout de même, parce qu'il y a un certain nombre de gens qui réagissent. Je pense à l'exposition sur la déportation, au Trocadéro. Ce qui a frappé le plus les organisateurs, et moi aussi, parce que j'y suis allé, c'est le grand nombre de jeunes qui la visitaient, qui posaient des 14 questions et qui étaient beaucoup plus attentifs à ces questions-là que les jeunes d'il y a cinq ou six ans. 1/ convient, c'est vrai, de dénoncer toute l'action pseudo-scientifique des gens qui ressortent les vieilles idées nazies. En fait, il y a une quantité de manières d'opprimer l'homme et je crois qu'un des rôles essentiels du MRAP, c'est de faire prendre conscience de ces dangers contre l'homme aux gens qui nous entourent. 1/ faut réussir à faire des convictions contagieuses. Le MRAP a un rôle considérable pour conscientiser les gens, pour reprendre l'expression de Dom Helder Camara, pour conscientiser ceux qui n'ont nulle conscience de ces problèmes. Vous avez découvert des tas de choses. 1/ y a des quantités de gens qui n'ont pas encore fait ces découvertes, qui ne croient pas que ce que nous disons est vrai, que ces choses dont nous parlons sont dangereuses, mauvaises, anti-humaines. Vous comprenez alors la nécessité pour le M RA P de gagner en audience, dans son créneau, le racisme et tout ce qui s'y rattache, qu'il se développe. Et je vous répéterai ce que j'ai dit à mes camarades au congrès, en quittant mes fonctions mais non pas le MRA P .. restez dynamiques, il faut que nous soyons dix fois plus nombreux pour créer un consensus entre tous les gens prêts à lutter pour l'homme, pour que l'homme puisse être l'homme. Conversation suivie par Robert DECOMBE Expliquez-moi10 janvier 2012 à 15:26 (UTC)10 janvier 2012 à 15:26 (UTC)~~1 C'est dit et répété: «Ils» pillent la Sécurité sociale. «Ils» envahissent les hôpitaux. Pourtant, à cotisations égales, les travailleurs immigrés n'ont pas les mêmes droits sociaux. Les inégalités légales C e travailleur algérien se faisait une joie de recevoir son fils pendant les vacan-. ces scolaires. Las! A peine arrivé, le gosse tombe malade. D'urgence l'hôpital. Bouleversé, le père. Et comme si sa peine ne lui suffisait pas, on lui demande soixante mille francs de frais d'hospitalisation. Il paie les cotisations à la Sécurité sociale, sa feuille de paie en témoigne. Les enfants-sont couverts, non? Pas le sien. Algérien. Travaux à plus grand risque, et pourtant ... Le touriste français qui traverse l'Espagne pour aller visiter le Portugal, sera couvert par la Sécurité sociale. Pas son copain d'atelier portugais qui cotise à la même caisse que lui. Quatre millions et demi d'hommes, de femmes et d'enfants , apprennent régulièr.ement à leurs dépens, que des diSpositions légales, voulues , codifiées pendant des décennies, restreignent considérablement leurs droits. Familles restées au pays, retraités, veuves, orphelins, invalides, accidentés du travail, i etc., peu y échappent. ~ Ces discriminations se sont étendues alors que l'obtention de droits nouveaux permettait d'élargir la couverture sociale de la population française. Les travailleurs étrangers peuvent prétendre à tous les droits reconnus au Français sauf à ceux qui leur sont expressément réfusés, parce qu'étrangers, par un texte officiel. Et en matière de Sécurité M'man, et tes zallocations ? sociale, ces refus sont des plus nombreux et diversifiés. Ce phénomène, moins voyant que le refus d'embaucher ou de louer, n'en est que plus grave puisqu'il donne force de loi à la discrimination. Cela permet d'utiliser à d'autres fins, d'importantes sommes qui devraient revenir aux intéressés. Elles proviennent de leurs cotisations. Une femme de travailleur immigré ne bénéficie pas de l'allocation aux mères de famille. L'enfant handicapé, à dix-huit ans, perdra le bénéfice de l'allocation spéciale. Les frontaliers espagnols, chômeurs totaux, bien qu'ayant cotisé comme les Français, n'ont pas droit aux ASSEDIC. Les frontaliers belges, eux, se voient privés des compléments aux chômeurs partiels. Toutes les' familles restées au pays sont frustrées, à des degrés divers, pour les prestations familiales . Celles d'Afrique, y compris le Maghreb, ne les perçoivent que dans la limite de quatre enfants et à un taux très modeste. La différence entre les prestations versées et celles qui auraient dû l'être aux taux français, entre 1973 et 1979, s'élève à plus de deux milliards de francs. La moitié des excédents de gestion de la Caisse nationale. Il ya quatre fois plus d'accidentés du travail parmi les immigrés que chez les Français, parce qu'employés à des travaux à plus grands 15 risques, aux moyens de protection les moins respectés, insuffisants ou inadaptés. L'analphabétisme, la méconnaissance du français, l'absence de formation professionnelle, augmentent encore les dangers. Mais, si on ne reproche pas aux victimes des accidents de la route d'envahir les hôpitaux, il en va différemment pour les immigrés

victimes, donc coupables.

Ils prennent le travail des Français et s'offrent, en plus, le luxe d'occuper leur place ... à l'hôpital! Les enfants des tués au travail perdront toutes les allocations, familiales et d'orphelins, s'ils retournent, avec leur mère, dans leur pays d'origine. Des changements appréciables ont cependant été obtenus au cours des dix dernières années. N on sans actions. L'Institut confédéral de défense et d'assistance sociale, organisme commun à la CGIL italienne et à la CGT, en dresse un bilan fourni, pour les migrants italiens et ceux des pays de la Communauté européenne. Les précédents gouvernements avaient dû concéder des améliorations pour les allocations aux mères de famille, pour les handicapés adultes, le paiement intégral des pensions, la revalorisation des rentes accidents du travail, les cartes de réduction SNCF, les bourses d'études, etc. La suppression de la cotisation maladie de 1 % sur les retraites du régime général, et de 3 % du régime minier, a permis aux intéressés, originaires d'une dizaine de pays européens, qui ne relèvent plus de la Sécurité sociale française, de récupérer des centaines de millions de francs. Il a fallu quelque quinze années pour faire attribuer aux femmes immigrées, au même titre qu'aux autres, les cartes 'de priorité des mères de famille. Ainsi, a disparu une discrimination qui datait du régime de Vichy. Le nouveau gouvernement a pris des mesures favorables aux travailleurs migrants dès son installation. Il reste cependant bien des discriminations à extirper de la législation pour qu'à cotisation égale, la couverture sociale soit aussi égale pour tous, La réforme envisagée en donne l'occasion. Serge CAPPE c'est bien sûr France-Inter. France-Culture. France-Musique FIP et Radio France Internationale mais c'est aussi Radio 7 • Radio Bleue et dès maintenant Fréquence Nord • Radio Mayenne • Radio Seine et Marne • Radio Berry Sud et demain d'autres radios locales, professionnelles, animées, toutes grandes ouvertes sur la vie et la communication. 89, bis rue Lauriston 75116 Paris Métro Boissière HI--FIVIDEO 7 quai de l'Oise 75019 Paris Métro : Crimée NOUS IMPORTONS ET VENDONS DIRECTEMENT AU PUBLIC HI-FI VIDEO LIGHT - SHOW CADEAUX TELEPHONES SANS FIL TELEPHONE LONGUE DISTANCE (plus de 20 km) PROMOTIONS PERMANENTES Vne visite s'impose !!! Garantie S.A.V. assurée Mise au point et réparations d'émetteurs récepteurs professionnels et grand public 16 Aménager? Revue des ingénieurs des Travaux publics de l'État Oui, mais comment? L'urbanisme, l'environnement, les transports, l'énergie, la qualité de la vie sont au coeur de tous les débats. Un outil de réflexion et de critique est précieux. Des professionnels y travaillent. Lisez TPE : 1 an - 6 nOS - 90 F Numéro gratuit sur demande. Prochain dossier: La Mer. 163, rue Saint-Honoré - 75001 PARIS La diÇÇérence entre le mulet stérile fi.que. En peu de temps, asser- fJJ 1 vissant hommes et femmes, les et bâtard et l'homme supérieurement mâle ? A ucune. machos se con.stituèrent e~ une classe dom mante et pn- LE RETOUR DES MACHOS M achos, au début de votre carrière, au fin . fond de l'Espagne, vous n'étiez rien d'autre qu'un animal de sexe masculin. Vous avez eu, ensuite, de l'avancement et ce nom fut celui donné au produit du croisement de l'âne et de la jument, c'est-àdire au mulet. Un animal stérile, bâtard, dont la sottise et l'entêtement sautèrent si vite aux yeux des campagnards qu'il devint le surnom idéal des hommes de peu de jugeotte. Hou! Hou! ricanait-on en montrant les machos du doigt. Mais quand, selon un processus bien connu, les machos compensèrent l'atrophie de leur cervelle par le développement de leur musculature, plus personne n'eut envie de rire. Et, encore moins, le pouvoir royal qui sentit poindre une menace contre l'ordre établi. En effet, dans l'Espagne du xve siècle, le machisme s'empressa de prendre le visage de tous les hommes de condition modeste qui ne disposaient que de leurs forces physiques afin de triompher d'une société injuste. Et qu'elles furent noires les années de gloire de l'Espagne pour les machos constitués en de redoutables groupes de délinquants! A l'orée du XVIe siècle, heureusement, tandis qu'Isabelle la Catholique s'éteignait dans la satisfaction d'avoir chassé Juifs et Arabes d'Espagne, un homme vogua au secours de ses congénères. Cet homme, Christophe Clomb, ouvrit le chemin des Amériques à tous ceux que la société espagnole avait brimés. Et les machos, remplissant les caravelles de la conquête, déménagèrent sous d'autres cieux. Mais déménageant seuls, leur principal but en arrivant fut d'apaiser leur libido mise à rude épreuve par une longue traversée. Ils tombèrent donc tout naturellement dans les bras des belles indigènes qui les accueillaient. Et ils s'y trouvèrent si bien que chercher de l'or et convertir des âmes - le but de leur mission - leur sortit de l'esprit! Heureux jours que les premiers jours de nos machos s.ous le soleil des tropiques! Cependant, rapidement, de nouvelles caravelles arrivèrent, porteuses de nouveaux contingents de machos espagnols et des semonces de la couronne impériale irritée par la débauche de ses envoyés. Renonçant à des préoccupations primaires, nos machos durent donc se mettre au travail. L'intrépidité et la force de ces hommes vint facilement à bout des populations indigènes d'un naturel plutôt paci- Un « saint Il (Roger Moore) non immunisé. 17 rent une revanche sur leur passé. Mais, au bout de quelques années, la génération de métis que l'union des Espagnols avec leurs jolies maîtresses avait engendrés, devint adulte. Et cette génération, méprisée par ses pères, se rebella à son tour, faisant renaître cette violente réaction à une situation d'infériorité qu'avait toujours été le machisme en Espagne. Si bien que la Terre de Feu aux Etats-Unis - où il prit le visage des cow-boys - le nouveau machisme américain s'incarna dans une catégorie d'hommes opprimés acculés à une perpétuelle lutte pour la vie. Au moment de la révolution mexicaine d'ailleurs, ce terme de macho devint extrêmement populaire. Et, sur les pas de Zappata et de Pancho Vila, des armées entières de machos marchaient vers la victoire en chantant: «que nos importan los bolil/os. nosotros somas muy machos» ( que nous importent les boulets de canons, nous, nous sommes très machos »). En Amérique latine, on est toujours en effet très macho. On l'est tellement que, même victorieux de l'oppresseur, il n'a jamais été question de laisser à l'abandon des qualités de courage, de force et de virilité entretenues par des siècles de lutte. En se libérant, les machos firent des femmes les nouvelles victimes de leurs «qualités» ! Et c'est précisément dans l'attitude des machos vis-à-vis des femmes que les féministes américaines crurent trouver le stéréotype le plus parfait de l'oppresion des femmes. Elles popularisèrent donc le terme à tel point que celui-ci retraversa l'Atlantique et revint en Europe dépourvu de sa signification originale. Une signification oubliée par les dictionnaires eux-mêmes puisque le Petit Robert en donne la définition suivante: «L'homme quifàit sentir sa supériorité de mâle ... » Un peu court !!! Josette SICSIC Un mois de jeûne pour « être ce qu'on est » avant l'Aïd et Khir la fête du sacrifice qui terminera l'année musulmane. ' Juin •• les douces nuits du Ramadan En cette année 1982 où l'immigration venue de tous les lieux déshérités ou dépossédés du monde, demande une rec~nnaissance de ses droits à l'existence, Dillërences m'a demandé de parler de ce' qu'est le Ramadan. Il l'a demandé à un Maghrébin-Algérien, en l'occurence - qui. même s'il ne suit pas toutes les coutumes, les habitudes, les rites, les usages proprement islamiques, reste immergé dans un type de culture particulière et très vivace aujourd'hui. Du Ramadan, ce mois le plus important pour les musulmans, il me reste beaucoup de souvenirs appartenant à cette période de colonisation vécue par les Algériens dans leur propre pays. Racisme et colonialisme vont de pair et à propos du Ramadan. il importe de dire - au-delà de la signification culturelle - que c'est une de ces manifestations du choc culturel - en plus du choc politique, économique, social. et, militaire - qui a fait que, bien souvent pendant la période coloniale, avait lieu à notre égard. jeunes lycéens algériens de l'époque. l'intolérance coloniale. Nous devions exiger, puisque nous faisions le Ramadan, un repas chaud à minuit pour tenir un peu mieux le coup pendant la journée. Pour nous, faire le Ramadan, dans un lycée de la colonie Lycée Ben Aknoun, près d'Alger - c'était plus que marquer notre diflërence. • C'était, au-delà de celle-ci, peüt-être à travers elle, dire que nous existions. Oui, à part entière, même si nous étions sans existence juridique véritabl;:-encore. Un peu comme l'immigration. On pouvait travailler, parler à la rigueur, mais exister, exister comme soi, comme un être ... alors ça ? .. Et qu'est-ce que c'est le Ramadan? Ce mois de Ramadan consiste en un jeûne diurne, vingt-neuf à trente jours selon les années . Le Ramadan est le neuvième mois du calendrier islamique. Le jeûne doit être absolu, depuis le moment où l'aube permet de distinguer « le fil h/anc du.fil /loir n jusqu'au coucher du soleil (désigné par le terme de maghreb). Ce qui définit l'acte de foi en Islam ce n'est pas uniquement ou nécessairem~nt la pratique, c'est bien, avant tout, l'intentio/ l ou nrya. Le Coran prescrit l'absence de nourritur~, de boisson, de relations sexuelles. MaiS aucune restriction légale ne concerne les nuits du Ramadan. « C'est leur culture d'origine qui leur fait faire ça ! », Le Ramadan est un acte collectif car il engage la communauté elle-même, et une fois atteint ce qu'on nomme la puberté, nul n'en est dispensé. Quelques facilités sont permises: les malades, les gens âgés doivent compenser le jeûne par des aumônes; la femme enceinte ou la nourrice, le voyageur, quiconque est astreint à un travail pénible, ces catégories de personnes peuvent rompre le jeûne à condition de remplacer scrupuleusement celui omis. Et c'est parce que le Ramadan engage la communauté que pendant sa durée, « la l'le sociale rel'êt une note .Ipécifique qui fait l'miment du ieLÎne plus l'isihlement que la prière, un témoignage de la cité comme telle. » Ceci est si vrai que des personnes qui ne pratiquent pas, jeûneront cependant. Le mois de Ramadan est en réalité le mois du Coran, celui de la fête du Coran, car c'est durant ce mois que la Révélation s'est faite à Mohamed pour les hommes. Et les derniers jours du mois de Ramadan sont des commémorations 18 ferventes de cette révélation. Particulièrement la nuit du 26" au 27" jour dite I.aylat el qader, la Nuit de la Destinée de la révélation: « Nous al'Ons fait des~ cendre (le Coran) durant la Nuit de la Destinée. Qu'est-ce qui t'apprendra ce qu'est la Nuit de la Destinée :) I.a Nuit de la Destinée l'aUl mieux que mille môis. I.es Anges et l'Elprit y descendent al'ec la permission de leur seigneur, pourtoUl ordre. Elle est sall'ation (.\"alam) iusqu'au lel'er de /'Aub~ »', (;oran, Surate 97). Cette nUit-la, Il est raconté aux enfants que s'ils ont de bonnes pensées, s'ils font de beaux actes, ils verront les portes du Paradis s'ouvrir. Alors, vous parlez d'une aubaine, ce Ra. Jl1ad~n ! Sans faire grève, sans faire de mam.festation, simplement comme ça, en faisant le Ramadan, on affirmait, face à une colonisation journalière, économique et spirituelle, qui nous étions, ou notre identité. Ce n'était pas pour les zlahiyas, les maqurUls, ou les galhelouzes ( 1), qu'on faisait le Ramadan dans les lycées. Pour autre chose, autre chose de plus précieux. Cette autre chose qui fait qu'un être a telle sensibilité au monde, tel goût pour soi et pour les autres . Autour d'une bonne chorba Et savez-vous ce qu'on nous servait au lycée pour le repas de minuit? Des sardines. Des sardines, en boîte, et salées. Or, vous savez bien maintenant que pendant le mois de Ramadan, pas de collations, pas de boisson, pas d'eau, pas de cigarettes, pas de parfums, pas de regards. pas de désirs (hum !) rien de tout ça, sauf... le soir: Bien sûr, cela donne lieu à des débordements chez les personnes qui font le Ramadan pour la forme, pour hien .faire socialement. Alors le soir, ces personnes se rattrapent: elles mangent bien, elles boivent bien, etc. Ce qui n'a rien à voir avec la valeur, et, surtout, la douceur du Ramadan. Ce mois qui doit être un mois de douceur et de méditation, un mois entièrement tourné vers soi et les autres. Une sorte de bilan annuel de la foi. de la méchanceté, de l'ivresse, et de la générosité. Un mois intérieur et non pas un mois de hr::ance sociale, même si c'est la nuit que l'on se remet à vivre. Un mois de vie, de gaîté, de bonté sociale, sauf pour. .. En Tunisie, par exemple, existent les cafés chantants à Bab Swiqa, dans le quartier populaire de Tunis. Pendant le mois de Ramadan après el maghreb, c'est à dire non pas le coucher du soleil mais le repas pris après le coucher du soleil, on s'installe pour deux francs, on écoute de petits orchestres populaires, on regarde des danses en costumes traditionnels. Hommes et femmes vont dans ces cafés pour célébrer la fin dujeûne diurne, rencontrer les amis, voir, discuter. A chaque fin de présentation de danses ou de musique on dit: « El herrani'ala el herra, u el ma'rum iiedded n. Ce qui veut dire: « Celui qui n'en l'eut plus, qu'ils'maille, mais l'amoureux, qu'il renoul'e//e. » Ces cafés sont ouverts jusqu 'au dernier repas permis de la nuit, moment appelésuhur,. En Algérie, les gens organisent chez eux, des veillées avec musique andalouse, kabyle, oranaise, ou, constantinoise. Des invitations sont lancées: hommes d'un côté, femmes de l'autre; sauf dans les complexes touristiques où les personnes louent et invitent pour fêter ensemhle. Dans les villages, on raconte des histoires, ou on veille devant le pas des portes, ou on se promène - les hommes seulement, bien entendu - dans les rues où les femmes sont absentes. L'effervescence se produit dans les cours. Calendrier des fêtes musulmanes pour l'année 1982 Mawlid - Vendredi S janvier: naissance du prophète. Rabi'el uwel. lsra - Ascension du prophète. jeudi 20 mai. Ramadan - Mardi 22 juin, début du jeûne. Nuit de la Destinée. layat el Qader. samedi 17 juillet. . Aïd el Fitr ou Aïd Esghir - Rupture du jeûne. jeudi 22 juillet. Aïd el Adha ou Aïd el Kbir - Lundi 27 septembre. Ashoura - Mercredi 27 octobre. Mouloud - Mardi 2S décembre. Ces dates peuvent être avancées ou reculée de 24h. selon la vision du croissant lunaire. Offrande à Dieu, aux hommes. C'est ce qui marque aussi la particularité de ce mois: ces veillées où les gens parIent autour d'une bonne chorba et d'un bon café, ces odeurs qui traversent les murs lorsqu'on prépare la chorba et le premier café du soir. .. C'est cela qui peut être, certaines fois, difficile pour les émigrés. Non pas qu'ils tiennent tous à faire le Ramadan mais ... leur participation sociale est moins visible lorsqu'ils sont ailleurs que dans leur propre pays. De toutes façons, eux aussi, ont vécu des 19 changements et surtout des éloignements tels qu'ils préfèrent ne plus parler de ces choses là : « Non, moi l'OUS sal'e:: je ne lefais pas, le Ramadan. D'ahord ça rel'ient cher. Il faut acheter cIes honnes choses. On n'a jJas enl'ie de se pril'er. Et puis, c'estfatigant, et puis onn 'est pas au pays. Et puis ... » D'autres sont plus fermes: faire le Ramadan, c'est être ce qu'on est, des musulmans. Oui, ceux qui font le Ramadan, ce sont les musulmans ... Ce qui ressemble beaucoup à une chanson de Slimane Azem, un . vieux chanteur de l'émigration: « Twikel Shefikh ... twikel tsough. .. » ce qui correspond à: « Certaines fois, je pense à tout ce qu'est le pays, II/ai ... et certaines fois, j'ouhlie ... » Aux sources· de trois religions Parmi les jeunes qu'on a pu rencontrer, peu font actuellement le Ramadan. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas des enfants ou des adolescents qui ne le suivent pas par solidarité, par pudeur, par obéissance aux parents, ou, simplement, par singularité. Nous l'avons dit, en plus d'être un acte individuel, le Ramadan est un acte qui engage toute une communauté. Cette an~ée, en 1982 il aura lieu du 22juin au 22Julllet. Et la fameuse Nuit de la Destinée aura lieu le samedi 17 juillet. Déjà à ce moment-là, on pensera à l'autre fête, Aïd Kbir ou l'Aïd Adha, celle que l'on nomme fête du sacrifice et qui commémore le geste d'Abraham en répétant le sacrifice familial d'un mouton. Ne pas comprendre ce qu'est pour un musulman l'Aïd Kbir, c'est exactement ne pas comprendre ce qu'est la position du Christ pour un catholique ou un protestant. Ne pas comprendre. au sens non pas. philosophique, mais a~ sens imaginatif et senSible, les croyances humaines. En réalité, cette fête, l'Aïd Kbir termine l'année liturgique musulmane. De plus, elle inscrit la descendance dans la communauté d'Abraham, de Jésus. et de Mohamed. Et si le sacrifice du mouton est nécessaire, c'est que le geste d'Abraham est essentiel dans la fondation des trois religions. Juifs, chrétiens, musulmans, sont liés au même geste qui les unit et les foudroie pour le développement de l'espèce humaine, C'est cela qui est essentiel dans le geste du sacrifice et non pas comme on veut le faire croire lorsqu'on n'a que son racisme pour ne pas comprendre, l'égorgement du mouton. C'est précisément parce que l'acte d'égorger est un acte symbole, qu'il peut être fait par une personne dont habituellement ce n'est pas - lorsqu'on n'est ni cuisinier ni boucher - le métier. Voilà pourquoi la famille assiste à l'acte sacrificiel puisque celui-:i a pour fonction d'inscrire les membres de la famille dans la communauté humaine. Cela, même si les personnes ne font que répéter un geste dont elles n'arrivent pas à exprimer toutes les significations. Lorsqu'on lit encore ce genre de phrase: « Dans quelle mesure cette fête (l'A ïd Khir) correspond-elle encore à un sentiment religieux véritahle?» et cette réponse

« Il est dijjïcile de trancher », on

ne peut être que navré. Car c'est précisément ne rien comprendre de la pratique islamique que de vouloir l'isoler selon une dichotomie, une séparation du religieux et du social. Ce qui définit de nombreuses pratiques musulmanes, c'est leur ancrage dans une réalité sociale ancienne et infiniment répétée. Et on pourrait, pour montrer l'importance du sacrifice du mouton, dire en quoi cet acte lui-même, fondateur des religions, est inscrit dans un imaginaire antérieur à celui de l'app~rition des prophéties 'tels que nous les connaissons aujourd'hui. En réalité, dans la Méditerannée et au Maghreb, l'un des plus anciens mythes de fondation, est bien celui du Bélier et du culte d'Ammon, protecteur des pâturages, et des troupeaux, géniteur du Soleil et de la course des jours. Et comment vous faites, vous, pour l'Aïd Kbir? On est à Belleville, dans un de ces immeubles pas neufs, pas vieux, où ont été relogées des familles. Un immeuble où la séparation a lieu: côté Français, Européens, côté Noirs, Maghrébins, immigrés. Chacun le sait, côté immigrés, et en plaisante. Ils ont tous été mis là par les services. Le Relais Ménilmontant n'est pas loin. Il est même en bas, où s'est aussi installée Radio-Soleil. Les séparations existent, mais, on continue. Aujourd'hui, on fait avec. La famille est tunisienne, le père, jeune, quarante, quarante-cinq ans, mention travailleur salarié, la mère, jeune aussi, s'occupe des enfants, de tout ce qui concerne les papiers des gosses, de la maison, ce qui n'est pas une mince affaire. ' Alors, le Ramadan? Vous le faites? « Bien sûr, qu'on lefait. Même si on est ici, on est des Arabes, des musulmans. Onfait comme au pays. Certaines fois c'est mieux, quand on peut le faire au pays ... IIfaut attendre que les dates de congés et les dates de Ramadan correspondent. Là c'est bien, on est enfamille, Ça coûte cher, les traditions ! on voit les parents. On fait des visites ... », Et qu'est-:e que vous faites pour la fin du Ramadan? « Et bien on fait des gâteaux. On fait un bon repas. On invite. On' salue les gens. Toutes les choses qu'on fait traditionnellement. Et puis on se repose, cpr c'est le premier jour où on reprend le rythme, l'estomac, lui, il n'est pas encore hahitué. » Vous connaissez la date de Ramadan? « A peu près, vers le 20juin. Mais ('a, c'estfacile. On aura le temps ». Et les enfants? « Si ils veulent, ils le font. » Le mouton est dans l'ascenseur Et L'Aïd Kbir? « Ah! l'Aïd Khir, on le fête aussi. » 'Avec le mouton? « Oui, avec le mouton. » Et il rigole, comme si c'était une blague. En fait, ils sont au courant de tout, ces immigrés. Même de la blague qu'ils vivent, à amener les moutons dans les escaliers, l'immeu ble, l'ascenseur. « Y en a qui se sauvent. Et il faut aller les Bibliographie • L'Islam - Différences nO 5, novembre 1981 • L'Islam - de Louis Gardet - Ed. Desclée de Brouwer • L'Islam en France - (enquête sur les lieux du culte) - numéro spécial du CI E M M, 46, rue de Montreuil 750 Il Paris 20 chercher loin. Dans les fermes. Cest moi, dans l'immeuhle, qui m'en occupe. On ramène quatre ou cinq moutons pour lafête. Chacun doit porter le sien. » Et où vous le mettez? « Ben .' Dans la cuisine ... Cestlà que je le tue. y'en a qui le garde, desfais, dans les caves, ou dans la salle de hains. Mais c'est pas méchant. Nolis aussi, on est emhêté avec tout ('a. Mais qu'est-ce que tu veux, il faut ce qu'ilfaut. L'A id Khir, ilfaut un mouton, et les enfants doivent voir. » Et pourquoi les enfants doivent-ils voir? « Eh bien pour qu'ils sachent, qu'ils apprennent ». Et le sang, alors ?.. Pas de réponse, mais, imaginons la suite. Le sang. Toujours le sang. Eh ! bien le sang? Il faut qu'il soit complètement vidé, le mouton. Ce n'est pas qu'on aime voir couler le sang. Ce sont les racistes qui racontent cela. Surtout ceux qui sont racistes sans le savoir. Qui ignorent tout des ... autres mais qui ont des idées, des idées fartes, sur eux. Si on le vide, c'est pour' que la viande soit pure, débarrassée des mauvais rêves, des mauvais esprits. Ceux qui tuent, ou détruisent. De plus, on n'est pas habitué à manger tous les jours de la viande, alors ce jourlà, on achète un mouton, et, avec les autres, ceux qui ne peuvent pas, ou qui n'ont plus de famille, ou qui vivent seuls, loin des leurs, ou abandonnés par les leurs, eh bien! on partage. C'est pour cela que la viande doit être pure. Pour qu'elle puisse être partagée, sans mal. C'est pour cela qu'on n'aime pas manger Il ne reste souvent que le rêve. des bête assommées. On a toujours peur qu'il reste à l'intérieur du « mauvais sang». Son « mauvais sang». Le mouton doit être vidé de son mauvais sang. Alors, on le laisse saigner. Bien sûr, ce n'est pas très facile de faire ça, dehors. Ou du moins c'était plus facile de faire ça dehors, devant tout le monde, au village, quand on était au pays. Moi, c'est mon père qui m'a appris à faire çà. A comprendre çà. Et mon oncle. C'était moins pénible que de le faire à la 5auvette, contre tout le monde, dans les appartements, ou les cités. Ces cités construites sans souci de nous, de notre « confort », et à coup sûr, sans souci de nos, « habitudes culturelles ».Ces habitudes culturelles, figurez-vous que dans les pays dits d'origine, chez les personnes nanties, nouvellement intégrées à la bourgeoisie des villes, qui vivent dans les beaux immeubles des capitales, dans des appartements larges, eux aussi, disent la même chose que les gens qui ne nous aiment pas ici. Ils disent qu'on pratique encore nos hahitudes culturelles. Là-bas, dans le pays même, ceux .qui pratiquent encore ces hahitudes culturelles, jusque dans les villes, ceux-là sont les mêmes que ceux qui ne les pratiquent pas de la même façon: ils commandent le mouton au meilleur boucher de la ville. M~is on ne peut pas nous taxer de Maghrébins ou de musulmans, ou bien dire de nous, pour expliquer racialement, racistement les choses, c'est leur culture d'origine qui leur fait faire ça : le sang, le mouton, la prière, etc. Car là-bas dans le pays de nos origines on est tous les mêmes, hahituellement. On a ensemble les mêmes origines. 21 DIFFÉRENCES N° 12-13 JUiN-JUILLt.:T 82 Sauf, socialement, on est différent. Différents dans le pouvoir économique, dans le pouvoir politique, dans la hiérarchie sociale. C'est celle-là, la grande différence, celle que le racisme alimente. La différence de classe sociale. La différence dans l'exploitation sociale. Car làbas, dans le pays d'origine, on ne peut pas dire: « Cest parce qu'il a une culture d 'origine que ... » Mais on dit : « Ils ne sont pas civilisés .. . Ce sont des paysans ... des analphahètes. .. Ils ne sont pas comme nous, nous, les riches, les exploitants, les privilégiés de la viande et du mouton. » C'est pourquoi il faut faire attention à ces mots comme la culture des autres, ou leur culture, à eux. Ces termes - comme tous les mots d'ailleurs - peuvent tout justifier. Ils peuvent même servir à toute une politique: « Mais non, on n'a rien contre eux. On les aime bien, même. Mais, que vouiez-vous, ils sont dittërents. Vous ne pouvez pas le nier, ils sont di/Nrents. Di/lërents. Alors qu'ils restent ou retournent chez eux. On a déjà tellement de mal à vivre entre nous, avec en plus le chômage... le peu de logements ... On ne va pas leur construire des trucs, des maisons exprès pour eux, non! ». Eh ! bien oui, c'est bien ce qu'il faudrait faire. Aménager différemment l'espace, c'est-à-dire 'd'une façon autre que celle conçue jusqu'à présent pour les immigrés. Un espace différent de celui de la ségrégation sociale. Un espace qui ait le souci de la valeur, de la réalité des gens. Un espace humainement habitable. C'est pourquoi chaque fois que nous entendons parler de notre différence, à nous, immigrés, on se demande de quelle différence on parle. Celle du statut juridique? Celle de la religion? Celle de la géographie? Celle de la coutume? Celle de la culture etc, ? Ou, plus subtilement, celle de la différence même: celle de la différence sociale. Pourtant, nous , on ne se sent pas si différents au point d'en faire toute une histoire, un culte, et une ségrégation. On est si peu différent que, pendant ce prochain mois de Ramadan - comme avant, du reste - eh ! bien on va réfléchir. On va lancer un défi et on va dire : pour tout le monde, cette fois, en France, le Ramadan, c'est le mois, non pas simplement de la tolérance, mais le mois de la recherche, de l'imagination, de la compréhension et, surtout, - surtout - de l'intelligence. Nabile Farès Nabile Farès, né en 1940 à Collo, en Kabylie, militant du FLN et de l'ALN, vit en France depuis 1964. Il a, notamment, publié: Yahia pas de chance (Seuil), Un passager de l'Occident (Seuil), la Découverte du Nouveau Monde -le Chant des oliviers (Seuil), l'Exil et le Désarroi (Maspéro), l'Etat perdu, précédé de Discours pratique de l'immigré (Actes Sud). (1) Ce sont des gâteaux. De même. en cuisine, l'ouverture obligée du repas, la chorba (soupe). En tunisie; chorba el brik. Le béton... Trente-sept nationalités parmi les deux mille élèves du lycée. Des relations d'amitié et du racisme ... Tout ça, en fin de compte, fait d'excellents Sarcellois. SARCELLES OU LES TOURS APPRIVOISEES On m'avait dit: « Tu verras, Sarcelles, c'est formidable. Après avoir apprivoisé le béton, ils ont apprivoisé le racisme. Quarante ethnies difjërentes qui cohabitent, qui coexistent pacifïquement. Des peuples, des nationalités, des cultures, des langues, des religions, des goûts, des coutumes difjërents ... et pas de problème ... ». On m'avait dit aussi exactement lecontrairé: « Sarcelles, ulle l'I'aie pagaille. Non seulemelll les cOlilmU/wUlés el il yen a un paquel Ile peul'elll pas .\'1' .\'elllir, IIwis au .\'ein d'ulI mêllle groupe, il.\' .\'0111 à cOUleau liré ... » Evidemment, les tenants de ces deux points de vue, diamétralement opposés, avaient des arguments massues, des preuves irréfutables. Alors, je suis allé voir sur place. En fait, aucune des deux parties n'avait totalement tort, ni totalement raison. Sarcelles me rappelait cette histoire de parachutiste (vous connaissez sûrement) : il saute, malheureusement. son parachute ne s'ouvre pas. Heureusement. il a un ventral. Malheureusement, son ventral se met en torche. Heureusement, en bas, il y a une meule de foin . Malheureusement , sur la meule, il y a une t;; fourche. Heureusement, il est tombé à côté Ô de la fourche. Malheureusement, il est tombé 5 aussi à côté de la meule. Heureusement. .. , etc . UJ Z UJ Ct! A Sarcelles, la coexistence des communautés, c'est un peu la même histoire: une suite d'excellents moments et de fichus quarts d'h eures : des scènes d'embrassades et des actes d'empoignades. Entre communautés, et à l'intérieur des communautés. Et la vie avance comme cela, cahin-caha, et tout ça en fin de compte, fait d'excellents Sarcellois. Mais venez donc vous balader un peu dans Sarcelles et dans son histoire, dans cette ville que d'aucuns ont surnommée : la ville mosaïque. Quelques précisions avant de démarrer : Sarcelles compte environ deux cents associations diverses: sportives, culturelles, de parents d'élèves , laïques, religieuses, nationales, régionales, etc. Les réfugiés du Sud-Est asiatique se retrouvent à Accueil et Cullure. Les jeunes Antillais dans les groupes de musique folklorique, les Pieds-noirs à A mitiés méditerranéennes ... Sarcelles compte aussi des quartiers où les ethnies, les groupes, les nationalités se retrouvent, se regroupent, se rassemblent : les « Tu la vises et tu la manques, change ton tir» Vietnamiens à Chantepie, les Maghrébins à Bullier, les Pieds-noirs, place André Gide .. . Plaisir de se retrouver entre soi. Danger du ghetto. Pétanque à Bab el Oued Il faisait chaud et lourd ce jour-là. La place André Gide avait presque son visage des dimanches de printemps. Les polonias en fleurs couronnaient la place de mauve . Les boulistes, en chapeau de paillé, «liraie11l el pointaiel1l ». Les spectateurs, confortablement installés sur les bancs publics commentaient bruyamment les coups. Il ne manquait que l'anisette . Place André Gide, « Bah el Oued. calil/lle on l'appelle, ici, depuis 1962 » commenta Claude Maurice, secrétaire local du M RA P qui m'accompagnait. Bah el Oued .. . Depuis 62. Cette année-là vit l'arrivée des rapatriés d'Algérie en France. A Sarcelles, la Société de construction venait 22 '~ de terminer 1725 logements dans ce quartier qu'on appelait, alors, Sarcelles VI. Les logements furent réquisitionnés pour les arrivants. Il y eut un moment de flottement entre les Sarcellois et les nouveaux venus .. . question politique, à cause de la guerre .. . Mais, comme disait le maire de Sarcelles, Henry Canacos : « Peu à peu, ces rapalriés d'AIKérie ont compris une chose Irès simple ellrès importante: 'dans le Kraml ensemhle, nous élions IOus en d~/ïnilive des il/l/lliKrés venu.\' de BrelaKne, de l'Héraull, du IJ", de Gennevilliers ou de Bah el Oued. Tous des illlmiKrés el nous conslrui. l'ions, nous modèlions noIre nouvelle cilé, nOIre nouvelle vie. » Et ils se sont insérés dans la ville, les Piedsnoirs, sans pour autant perdre un pouce de leur personnalité, de leur identité. Mieux, ils ont été d'un poids énorme dans la bataille que menaient alors les Sarcellois contre le béton, contre la sarce IIi le et pour donner vie fUJ

r

u 'C"l UJ Z UJ Ct! Contre la sarcellite ... à la cité. Ils som arrivés avec leur style de vie. Ils ont littéralement investi la place André Gide. Les gosses en avaient fait leur terrain de jeu (il existe toujours), les plus âgés, en avaient fait leur boulodrome (ils l'ont gardé). Beaucoup de ces rapatriés sont de religion juive et pratiquants. Quand en 1965, la nouvelle municipalité de gauche a été élue - au grand dam des gens de droite qui comptaient bien conserver la municipalité grâce à l'arrivée des rapatriés, précisément - , le nouveau maire a pris contact avec le rabbin. II s'agissait de sa'voir ce que la ville pouvait faire pour que la communauté israélite de Sarcelles, la plus importante de France, après Paris, se' sente chez-elle à Sarcelles. - « Nous aimerions avoir un carré israélile au cimetière ... » Ce fut fait. « .. . Et un menu casher au repas des anciens .. . » D'accord. Pas simple d'avancer sur ce chemin. Les membres d'une communauté, quelle qu'elle soit, ont souvent tendance à se renfermer sur ... ",' Population et fruits exotiques Mosaïques, aussi d'idées. eux-mêmes, à se barricader. Toute tentative de contact est souvent ressentie, surtout au début, comme une agression, comme une tentative d'intégration, de récupération, une tentative de supprimer la différence, justement. La communauté se méfie, se protège, se défend. A Sarcelles, le parcours se faisait pas à pas. On tentait de se comprendre ... David et Hamed Et puis il y eu l'affaire de l'école privée juive. Pour que la communauté puisse emprunter à un taux d'intérêt raisonnable, la municipalité a accordé la garantie communale. Ça n'a pas été tout seul. Et l'école Anne Franck fut construite près de la synagogue. 23 Et la stèle au Martyr juif fut inaugurée en commun, comme furent commémorés en commun les 8 mai, les Il novembre ... Une année, l'une de ces manifestations du souvenir tomba un samedi . Impossible d'être ensemble puisqu'un juif pratiquant doit respecter le jour du sabbat. - « Par canlre, dit M. Guedj , rabbin de Sarcelles, nous pouvons recevoir à la synagoKue, pendanl le culle. Venez donc en.fïn de lIIalinée, Monsieur le maire, je vous donnerai la parole. » Le discours du maire fut incontestablement apprécié puisqu'à la fin l'auditoire applaudit. « Ils l'iennent de rOlllpre une lradilion, souffla le rabbin à l'un des membres de la délégation municipale, car, en principe, 011 n'applaudil pas dans une syllagogue. » Aujourd'hui, les rapports sont un peu plus tendus entre la mairie et la communautéjuive à cause des problèmes d'Israël, du ProcheOrient, du peuple palestinien. Une tension que chacun espère momentanée, et qui ne fUJ

1:

V

o

t.J Z UJ ct! A chacun sa différence et son identité, remet pas en cause les rapports fondamentaux de la communauté et de la municipalité, car le clivage passe dans la communauté elle-même. Il ya ceux qui sont pour le grand Israël. Et puis, il y a ceux qui pensent que les Palestiniens ont, eux aussi, droit à une patrie. Ceuxlà sont quelquefois qualifiés de traîtres, de lâches par leurs coreligionnaires. II est parfois aussi difficile - pour ne pas dire plus - d'exprimer son opinion, dans son propre village et même dans sa propre famille. David est lycéen à Sarcelles. Il est l'un des dirigeants de l'organisation des jeunes juifs. Il exige de manger casher à l'école. Il refuse de travailler le jour du sabbat. Il est juif. Il revendique hautement le droit de l'être. Il veut que cela se sache. II ne sort jamais sans sa calotte. - « Mets une casquette, conseille sa mère, est-ce hien indispensahle de te faire remarquer? » Là, David se fâche: « Oui, c'est indispensahie ... » Certains prennent cela pour de la provocation. Et c'est sans doute pour répondre à cette provocation qu'Hamed ne sort jamais sans son châle noir et blanc de Palestine. N'est-ce pas normal d'être un peu pro 1'0 quand on a 18 ans? En fait, il s'agit avant tout d'affirmer son identité, et ils ne s'en privent pas, les jeunes de Sarcelles, qu'ils soient juifs, Arabes, Noirs ou musiciens reggae ... Malheureusement ... Heureusement ... Si la communauté juive de Sarcelles est la plus importante - 25 % des habitants du grand ensemble - elle n'est pas la seule. loin s'en faut. « Nous vivons à Sarcelles, explique Isabelle. cetle l'I'/le mosaïque, cosmopolite. Pour exemple, on comple trente-sept nationalités différentes au sein des 2.047 élèves du Il'cée J.-/ Rousseau, ce qui ne recouvre pas /0 l' C é m p nIa u tan 1 de d iffé r e n ces linguisliques. Dans notre ville, chacun doit pouvoir revendiquer sa différence hors de IOUle ségré- 24 gation, puisqu'il est, pour lui, nécessaire de s'intégrer à la cOl1/1l/unawé de la cilé-IIIO .\'Gi~ que dont irest memhre. » Cette mosaïque, je l'ai vue ce dimanche matin, au marchédu mail Joliot-Curie où j'avais rendez-vous avec Claude, Marie-Laure et Monique. Un vrai marché international. Les commerçants, d'abord: de toutes nations - ou presque - vendant des produits de tous pays. Les clients ensuite, nombreux en costume national. Les femmes surtout: Marocaines, toutes de blanc vêtues, Iraniennes toutes noires. Antillaises à madras savamment noués. Africaine en boubous multicolores. Mosaïque de couleurs. d'odeurs, de bruits .. . Et les histoires entendues ce jour-là au marché. au hasard des rencontres. composent aussi une véritable mosaïque que j'ai envie.de vous livrer comme tel. Lydie Dooh-Bunya est camerounaise, mère de six enfants. « Un iour, dit-elle, il l' a quelques années, j'e/1l;oie mes enfants ai'heter du pain. Ils rel'iennent en larmes. I,e pain écrasé, mouillé, plein de houe. Des enfants fUJ

1:

V

o

UJ z UJ ct! Philippe, un Monsieur Jourdain noir, Mancs l'al'aient piétiné. Je l'ais l'ers la houlangerie avec mes gamins, les aUlres gosses étaient lOuiours là, s'apprêtant à monter en l'oilure. I,eur mère les al/endail à l'intérieur. Je m'approche: « Madame, vos enfants ont piétiné le pain de mes enfants ... ». - « Et alors ! qu'elle me répond ». « Et alors ./.'.1 mon sang n'afait qu'unlOur. Je l'ai hal/ue avec la haguel/e souillée... Elle hurlait: « On veUl assassiner une infirme ... » Dans la voiture, assise, je ne m'étaÙ pas rendu cvmpte qu'elle était handicapée. C'est peUl-Rtre cela qui la rendait iniuste, inhumaine, méchante ... le racisme existe, à Sarcelles, malheureusement ... » - « Heureusement, il existe des exemples inverses, dit Albert Vilcowsky. Une famille antillaise était partie en l'acances au pays. Au relOur, ces gens trouvent leur appartement fermé, condamné, interdit. l,es scellés sont 'sur la porte sous prétexte qu'ils avaient des retards de loyer. Ils viennent se plaindre à la mairie. Là, on estime qu'il est impossihle de laisser des gens à la rue, surtoUl avec des enfants. Interventions, délégations, manifestations. On vient pour faire sauter les scellés. En même temps, on cherche l'appui populaire pour soutenir cette action illégale. Nous faisons signer une pétition. Tout l'immeuble siglle comme un seul homme, les. locataires ne supportent pas qu'unefamille, des gosses ne retrouvent pas leur « chez eux » en rentrant de vacances ... unanimement. Mais avec la même unanimité, chacun disait: « On signe, on approuve l'action humanitaire pour qu'ils ne soient pas à la rue, mais nous appréhemlons leur relOur. Quand ils sont là, c'est invivahle ... » Depuis, les choses se sont arrangées. Aujourd'hui qu'ils se connaissent mieux - et pour cause - chacun fait un effort pour ne pas empoisonner la vie de l'autre, pour que la vie soit vivable et même agréable pour tous. Les javas sont programmées. On se salue dans l'escalier. Du boudin antillais aux tripoux d'Auvergne Quelquefois. le contact est moins pénible. moins dramatique. Vous êtes absent lorsque le camion de Manufrance vous livre votre dernière commande. La voisine est là ; elle réceptionne et paye. Elle est guadeloupéenne. Et le soir. .. « Excusez-moi ... Je me suis permis. - Vous avez hien fait... prendrez hien l'apéritif .. - D'accord .. , » Et le lendemain, on « renvoie l'ascenseur » avec le ti punch. 25 DIFFÉRENCES Nu 12-13 JUIN-JUII,LET 82 « - Ça sent han chez vous ... - C'est du houdin antillais... Vous voulez goûter? - D'accvrd ... Et demain je l'ousfait goûter mes tripoux d'Auvergne ... » On apprécie les spécialités. On échange des recettes. Et on parle du pays, de son enfance. de sa culture, de l'histoire de son peuple. de ses habitudes, de ses coutumes ... On se ramène des petits souvenirs quand, après les vacances, on rentre de « chez moi » ... Et cela aboutit parfois à des résultats cocasses comme ce petit Auvergnat qui voulait absolument devenir turc parce que son meilleur copain l'était. J'ai rencontré la troupe théâtrale du collège Chantereine (classe de 5°), qui. sous la direction de M. Serment, professeur de français. a monté et joué le Bourgeois gentilhomme. Aux Flanades. les artistes ont fait un tahac. Monsieur Jourdain. c'est Philippe Merlin. II est Martiniquais. Quand j'ai posé la question d'adulte stupide: « Un Monsieur Jourdain noir, ça ne vous a pas surpris? » Ils m'ont regardé sans comprendre. Pour le coup. ils l'étaient, surpris. Qu'est-ce que la couleur de la peau pouvait bien avoir à faire dans cette affaire? Philippe, c'est lui qui connaissait le mieux le rôle, qui l'interprétait le mieux, alors? Et d'ailleurs. n'était-ce pas lui qui, déjà l'an dernier, avait magistralement interprété Orgon dans le Malade imaginaire? Nous avons continué à parler théâtre, plus racisme. Mais si· passant par Sarcelles, vous entendez dire que les collégiens de Chantereine jouent le Bourgeois gentilhomme. ne manquez pas la séance. quitte à faire un détour. Après les acteurs, les sportifs. Nous avons rencontré, s'entraînant sur le parvis des Flanades. l'une des équipes de foot de Sarcelles. Là encore. quand ils s'engueulent, c'est toujours pour une histoire de passe mal faite ou de but qui aurait pu être arrêté. Jamais pour une histoire de couleur de peau ou de religion différente. Sur le mail Joliot-Curie. oùje déambulais en compagnie de Marie-Laure - professeur de math au même lycée que David (je vous l'ai présenté plus haut) - nous sommes tombés sur David et l'un de ses copains, Marie-Laure à ce que j'ai cru comprendre, serait plutôt pro-palestinienne, et David, plutôt sioniste. Ça risquait de faire des étincelles ... Eh bien! pas du tout.., Ils se sont parlés comme deux vieux copains. Ils avaient des divergences? Allons donc! Quelques points de vue un peu différents sur quelques aspects secondaires. Et « Au revoir, bon dimanche, à lundi...». - « Cest normal, me dit Marie-Laure quand David et son copaIn se furent ~Ioignés. On peut s'accrocher, se disputer, se contrer entre nous, mais pas devant un étranger. » - « Eh, oui, ici quels que soient Ilotre origine, notre religion, notre âge, 1l0US sommes Sarcellois... » C'était moi, l'étranger, le différent!! Je m'efforçais de l'assumer stoïquement. René DUCHET 480.000 originaires des Antilles, de la Guyane, de la Réunion, vivent en France expatriés. Français à part entière ou entièrement à part? LES DOMIF:NS DE LA PLA-GE AUX PAVES Quel tableau dresser de la situation des citoyens français originaires des Dom-Tom installés en métropole '? Les questions sont innombrables depuis les raisons qui les ont conduits à l'émigration jusqu'aux difficultés de leur installation et au sentiment de se sentirétrangerau milieu des autres citoyens français. Le père Lacroix. aumônier des Antillais et des Guyanais en France. et Me George Pau-Langevin, apportent quelques explications et se livrent à quelques constats devant le micro de Diffërences. Père Lacroix. - Il ya eu un exode massif depuis 1963 avec deux points de départ. Tout d'abord le plan Nemo, de 1960. dû au général commandant la région Antilles-Guyane. Il s'agit du Service militaire adapté (SMA) qui est censé donner un début de formation professionnelle à de jeunes recrues, avec. le plus souvent. un encadrement métropolitain. De-Ià,l'organisation du départ d'un grand nombre de jeunes en direction de la Guyane et de la France métropolitaine. Un millier de Guadeloupéens environ et autant de Martiniquais effectuent chaque année leur service en France. A la fin de leur temps. ils ont la possibilité de rester en Métropole, le billet de retour étant assuré pour cinq ans. Et puis. il ya eu le Bureau pour le développement des migrations intéressant les DOM (BUMIDOM)(I). Pensé en 1962, il a été créé en 1963. La migration est cependant antérieure mais elle était beaucoup moins massive. et le fait. essentiellement. de militaires et de fonctionnaires (guerres. mutations, fonctionnaires antillais de l'administration coloniale ... ). Des Antillais, de classes modestes. partaient aussi avec des Métropolitains de passage. ou avec des bourgeois locaux. comme personnel de service. Ces personnes 'étaient plus directement motivées puisque volontaires pour cette aventure. Des étudiants aussi s'établissaient ici après leurs études. Avec la mise en place du BUM IDOM.les choses changent. Il payait le voyage aller seulement et proposait une formation dans deux centres: pour les filles à Crouy-sur-Ourcq dans la région parisienne. pour les garçons à Simandres, près de Lyon. avec inscription dans un centre de formation professionnelle. Les candidats s'imaginaient pouvoir obtenir une formation professionnelle rapide et facile et beaucoup ont été déçus. J'ai vu arriver les premières filles, à Lyon en 1963. Elles pensaient devenir infirmière alors qu'elles n'étaient là que pour être .agent hospitalier. La formation était surtout tournée vers des emplois subalternes. comme, par exemple. pour les jeunes filles. employées de maison. De plus. dans ces centres. elles « z z 'e"n 26 Les paysages de Métropole n'invitent guère au voyage. avaient vraiment l'impression d'être traitées de façon quasiment infantile. Avec le BU MI DOM, de plus en plus. des personnes venant de la campagne. des couches populaires, ont émigré. Elles partaient en raison de l'impossibilité de trouver du travail sur place. donc contraintes et forcées. A partir de 1965. leur nombre est évalué à deux mille cinq cents. deux mille sept cents pour la Guadeloupe; à peu près autant pour la Martinique. soit environ cinq mille à cinq mille cinq cents par an. une centaine de milliers en vingt ans. Pour la Guyane, l'émigration est très légère. Cependant. une forte émigration a subsisté en marge du BUM IDOM et le phénomène va s'accentuant. George Pau-Langevin. - Les difficultés, avec le BU M 1- DOM. tenaient surtout au fait qu'il était dépourvu de gestion démocratique. Les intéressés avaient l'impression que l'Etat français organisait leur départ sans qu'ils puissent avoir un droit de regard. Aujourd'hui. la gestion démocratique d'un tel organisme serait un changement intéressant. Il conviendrait également qu'il se préoccupe du retour de ceux qui le souhaitent comme de leur réinsertion dans leur pays. En fait. la politique d'émigration. en général, a été trop systématiquement organisée comme substitut d'une politique de développement. Père Lacroix. - La France métropolitaine avait besoin de main d'oeuvre alors que là-bas. dans les années soixante, il y avait des difficultés économiques et une certaine tension politique. L'ordonnance qui permet l'évacuation des fonctionnaires gênants, date de 1960. 27 George Pau-Langevin. - On ne faisait ressortir que l'aspect solution aux difficultés des Antillais ct non l'autre aspect. l'apport pour l'économie française que représente leur travail. Père Lacroix. - La départementalisation date de 1946. Elle a été suivie de l'application de lois sociales. d'où transferts sociaux. aides ... Une augmentation du niveau de vie s'en est suivie mais. dans le même temps. on enregistrait une stagnation de l'appareil productif. Ainsi. la population active de la Guadeloupe est passée de quatre-vingt dix mille personnes en 1954 à quatre-vingt quatre mille vingt ans plus tard. Ainsi. la production des cultures vivrières a chûté ... Il n'y a eu que le commerce et le secteur tertiaire pour augmenter considérablement. En 1959, des émeutes ont éclaté à la Martinique. Les partis communistes. en Guadeloupe et à la Martinique. ont pris position pour l'autonomie. Des groupements de jeunesse ont adopté des positions anti-colonialistes. En 1960, donc, c'est la loi Debré, en 1962, les premières expulsions effectives. Avec le boom démographique de l'après-guerre, la transformation, dans le même temps. de l'économie. et la stagnation de l'emploi. la situation était devenue explosive. La population des Antilles s'est élevée constamment jusqu'en 1974 pour décroître ensuite du fait de l'émigration et de la baisse de la natalité qui la prolonge. Le bilan du BUMIDOM '? Certains arrivants en métropole. par la voie de cet organisme, se sont trouvés dans une situation meilleure que d'autres émigrants venus en dehors de lui. On trouve des aspects positifs dans les statuts. mais de fait. il s'est surtout illustré comme un organisme se limitant à organiser les départs. George Pau-Langevin. - Les centres de formation ont été améliorés dans les dernières années. mais ce qui est resté dans l'esprit des gens. c'est Crouy-sur-Ourcq. symbole d'une condition servile. Les problèmes posés il l'émigré sont nombreux. L'éloignement. le déracinement climatique .. . Et puis. cette personne arrive avec une confiance totale dans son statut de Français à part entière et elle se trouve plongée dans une société où elle se sent perd ue. La course a u logement dans les premières années ,'~t IIÙ difficile. et la question s'est compliquée avec la notion de « seuil de tolérance ». Ces t".'! " :'::;;Iis de droit se sentent rejetés et ils s'interrogent sur kur identilé. Père Lacroix. - I.e racisme au logement. dans le privé, est un phénomène massif ... Et depuis deux ans. il est apparu clairement. fait encore plus choquant. que bien des Offices de H LM font de la discrimination. Les Antillais ont les mêmes d ifl'iclllté~ considéra bics que les étrangers pour se loger ... George Pau-Langevin. - Et trouver un travail... Ne pas être accepté en raison de son origine ... C'est une des raisons qui l'ont yue la l'onction publique a un tel succès. elle est sécllrisantc. Père Lacroix. - D'après une étude de 1'1 ED (Institut National d'Etudes Démographiques) en 1975, sur les quatrevingt douze"mille actifs, en France, o~iginaires des DOM. on compte quatre-vingt dix mille salariés dont 46 0( comme fonctionnaires et personnel de l'Etat et des collectivités locales. soit 21 (ié de l'ensemble des résidents en France. Où est notre soleil ? ... De Lifu à Clermont L a porte s'ouvre, Victor entre dans la chambre, sac à la main. Pour lui, le week-end se termine et, du même coup, la perm. Ce soir, il reprend le train pour la caserne, à Rochefort. A vant de partir, il passe voir les copains, là dans la petite chambre de la Cité l lniversitaire, rue Etienne-Dolé à Clermont-Ferrand. Pour tous les Canaques sous l'uniforme, comme Victor, le service militaire cela signifie dix mois coupés de tout, de la famille, du clan, des amis. Les bidasses calédoniens paraissent assez réfractaires à l'ordre des casernes et on leur fait plutôt mauvaise réputation. De quoi ne les accuse-t-on pas? De rester toujours en groupe, de se saoûler, de « tout casser » ... En Nouvelle-Calédonie, le mythe du Gai-Paris a la vie dure: en France, tout le monde s'amuse, dit-on, on rencontre des boîtes de nuit à tous les coins de rue, des boîtes où, contrairement à Nouméa, les Canaques ne sont pas interdits de séjour, etc. « Aux yeux de beaucoup de jeunes, assure Weniko, étudiant en espagnol, la France, c'est l'Amérique ». La mauvaise surprise commence avec la découverte du climat. En Calédonie, pendant la saison la plus froide, juin-juillet, il fait 23 degrés en moyenne. l :ne fois incorporés, les Canaques se voient souvent chargés des tâches les moins prisées, et Victor s'occupe des travaux d'entretien. l lne solde de deuxième classe, des proches qui vivent à 20000 km, comment « meubler ~) les quartiers libres et les permissions? Autrefois, on montait à Paris, rue des Ecoles, au foyer calédonien pour respirer un peu, mais, en 1978, le gouvernement le fermait pour « rétablir l'ordre ». Aujourd'hui, un autre foyer existe à Montpellier. Victor n'hésite pas à parcourir, de temps à autre, la distance qui le sépare de cette petite bouffée d'air du pays, et certains viennent de beaucoup plus loin. Dispersés aux quatre coins de France, les Calédoniens semblent toujours en quête d'un lieu de rencontre, et Clermont- Ferrand, ville où habitent quelques Canaques,devient pour la communauté, l'une de ces petites plaques tournantes. Félix, vingt-trois ans, né à Lifu, une des îles Loyauté, a vécu le premier acte de son épopée française' à Brest où il a fait son service militaire. Après sa libération, il a choisi de vivre quelques années en France avant de demander son rapatriement par l'armée et il a profité de ce délai pour faire un stage d'électricité-bâtiment, à Clermont- Ferrand. Au terme de sa formation, il trouve du travail, mais six mois plus tard, fin du chantier, et chômage. Son cheminement ressemble à celui de beaucoup d'autres jeunes Français du pacifique. Aussi, généralement, l'aventure métropolitaine reste de courte durée, très rarement des Canaques s'installent en France. Ici, à Clermont, on parle surtout de l'instant du retour. Originaire de Uvéa, une des trois îles Loyauté, Pierre raconte la vie du clan, la propriété communautaire des champs ... A Nouméa, sur la Grande-Terre, les employeurs préfèrent une main-d'oeuvre immigrée, walésienne ou tahitienne, aux jeunes des îles voués au chômage. Aussi, beaucoup d'entre eux décident-ils de revenir aux Loyauté pour cultiver les champs. Pierre commençait à travailler tôt le matin, puis, aux heures les plus chaudes, il s'arrêtait, pour se reposer ou aller à la pêche dans l'Océan. lIne manière de vivre qui, selon Weniko, a tendance à régresser sous la pression de la « civilisation occidentale ». Il n'y a pas d'université en Nouvelle-Calédonie, une école d'instituteurs, c'est tout. Les candidats à l'enseignement supérieur se dirigent donc vers la France. Aussi, les Calédoniens ne forment-ils pas la grande foule des campus: vingt-sept étudiants et trois étudiantes. Willidon, inscrit à l'IUT de Clermont, n'a pas fait ce choix au hasard. « Nous avons besoin, explique-t-il, de cadres Canaques au pays. Cela dans l'optique d'une émancipation de la Nouvelle-Calédonie, dans le cadre d'une certaine indépendance. ~). Même démarche pour Pierre, qui a fait un stage de soudeur: « lIfautformer une main-d'oeuvre Canaque spécialisée ~~. « A vec le mouvement qui se développe en Nouvelle-Calédonie depuis trois ou quatre ans, ajoute Weniko, les jeunes qui viennent ici, y compris les militairel', apparaissent beaucoup plus conscients qu'autrefois ~~. Notre culture, c'est notre terre. Sur le palier du troisième étage, de la cité li, au Sud de la ville, une grande fenêtre offre une vue panoramique sur Clermont, une grande île urbaine au milieu d'un massif volcanique, les flèches de la Cathédrale se dressant au beau milieu du tableau. « La Calédonie, c'est notre terre », rappelle Weniko, « La terre représente tout pour le Canaque. C'est là que se trouve sa culture ». « Aussi. et c'est Willidon qui poursuit, dès que nous prenons l'avion pour venir ici, nous ressentons une rupture complète ». Pour essayer de préserver leur mode de vie, les Canaques de J'Auvergne vivent ensemble le plus souvent possible. Ils se rencontrent chaque week-end. « Nous préférons aux heures de repas préparer une marmite de riz, et manger une boîte de sardines, plutôt que nous éparpiller. Notre culture, nous (a vivons tous les jours, c'est une sorte de religion ~). « En arrivant en France, constate Ferdinand, origine de la Grande-Terre, une chose m 'afrappé dans la mentalité des gens, ce sentiment d'indifférence ~). Clermont-Ferrand, 19 heures. Victor s'apprête à parcourir les derniers mètres qui le sépare de la quille. Il sera libéré mercredi prochain. Ses projets d'avenir? « Je veux retourner au pays ~~. 28 On dit souvent, et c'est vrai, que la venue en France constitue pour mes compatriotes un choc, aujourd'hui le plus souvent déstabilisant. Là-bas, la France leur apparaît comme un pays mythique. Ici, ils sont perçus comme étrangers et maints petits heurts le leur rappellent. George Pau-Langevin. - L'immigration ne se pose pas forcément en terme de nationalité. Etre émigré, c'est quitter son pays d'origine. Pour l'Antillais qui vient travailler en France, c'est beaucoup plus loin que pour l'Espagnol. Mais si l'Antillais peut dire: « Je suis ici, che:: II/oi», les autres le voient quand même comme un étranger, comme un immigré. ... changement de climat, le froid ... faut s'y faire. Père Lacroix. - Effectivement, l'Antillais n'a pas de problèmes juridiques, pas de problèmes de papiers, mais le regard des autres le transforme soit en hyper-Français, soit en quelqu'un qui prend conscience d'une différence. Et les statistiques révèlent bien qu'il ne s'agit pas d'une simple impression de leur part: Voyons celles du chômage: en 1975, le taux est de 3,8 % pour l'ensemble de la population active en France. Pour la population étrangère, il passe à une moyenne de 4,6 %, mais pour les Réunionnais, il atteint 6,4 % et 7 % pour les Antillais. 29 En face des difficultés, chacun réagit un peu à sa manière. Les arrivants originaires de la campagne, sont plus marqués par les ha bitudes de vie de la tradition antillaise. Certains s'affirment dans ce mode de vie antillais et l'expriment dans l'éducation des enfants, l'usage du créole, l'alimentation, les loisirs ... C'est une sorte de réaction de défense. D'autres. voire parfois les mêmes dans d'autres domaines, prennent des habitudes métropolitaines comme, par exemple. une manière de vivre la vie matrimoniale plus en couple. Les conditions y poussent: le froid, la maison plus petite, plus fermée, l'éducation des enfants ... George Pau-Langevin. - Le double mouvement existe chez bien des gens: on adopte le mode de vie occidental et on se raccroche à des traditions, même parfois, à certaines plus ou moins délaissées aux Antilles comme, parexemple, les ballets créoles. Père Lacroix. - Beaucoup d'organisations ont été créées en France pour répondre aux besoins de se donner un espace antillais, mais elles ne dépassent guère le stade de quelques manifestations sportives ou de quelques bals. Elles jouent cependant un rôle important car elles permettent de rompre un certain isolement, elles offrent un lieu de socialisation. Certains ont essayé de regrouper des gens sur la base d'une prise de conscience politique, mais, pour la plupart, ces associations ont de grandes difficultés à durer. Aujourd'hui, par exemple, l'UTEG (2) est relativement importante, mais on ne peut pas dire qu'il y ait de grandes associations de masse à caractère syndical et politique. Pour l'émigration réunionnaise, l'UGTRF (3) est assez importante du fait de l'influence du Parti communiste réunionnais. George Pau-Langevin. - Il existe en France, si je ne me trompe. deux cents soixante-sept organisations antillaises et réunionnaises ... Dans le domaine des difficultés, on ne peut ignorer non plus celles de la scolarisation des enfants et des jeunes en général. Père Lacroix. - Pour la nouvelle génération, il est difficile d'avoir une vue d'ensemble. Un ami a fait une enquête dans des écoles. Il y a trouvé une importante proportion de jeunes qui se débrouillent bien et qui ont une double culture, dans le bon sens du terme. Mais bien d'autres, de la deuxième génération, figurent dans les circuits scolaires en impasse. Il faudrait différencier ceux qui sont nés en France ou qui y ont fait leur scolarité, de ceux venus en cours de scolarité. On trouve aussi des jeune marginaux, voire des délinquants. George Pau-Langevin. - En fait, ils ne se sentent pas vraiment Guadeloupéens ou Martiniquais et s'interrogent. Comme pour leurs parents, ce qui serait fontamental serait de leur reconnaître le droit à la différence, le droit de conserver une identité spécifique dans une société qui peut s'enrichir d'être pluri-ethnique et pluri-culturelle. Père Lacroix. - Dans ces nouvelles générations, certains sont très antillais, d'autres, par contre, sont revenus très déçus d'un voyage là-bas. Il y a encore ceux qui se disent Français-noirs ou Noirs-français. Ils cherchent leur ident.ité. (1) De/mi.l· al'ri/ /981. le BU M 1 DOM a élé rempla('é par l'Age/l('l' /lalio/lale pour l'i/lsenioll el la promolio/l des lral'ailleurs origi/ laire.l· d'oUI re-mer (A NT) . .Iusqu'en/él'rier 1981. le BU M 1 DOM a orga/lisé la migralio/l de /53353 per.l·o/me.l· dl' Mani/lil/lle, Guadl'loupe, Guya/le. Réunion. 6/ J()() e/!/lll1l.l· SOI1/ liés l'II mélropole. (1) UTEG.' Ullioll de.l· l/'l/milleur.l· émigrés glladeloupéem. (3) UG T RF.' Ullioll générale des I/'{/milleurs réuniollllais l'II fi'lllt('l'. I~ La fonction publique sécurisante. Odeurs de cuisines Daube de porc au curry Pour 4 personnes 100 g d'échine de porc coupée en morceaux. 2 cuillères d'huile - 20, g. de heurre - 2 christophines - 2 auher~ines - 1 oignon France - 2 échalottes - 1 gousse d'ail- 1 houq~et garni (thym, oignon Pays, persil) - 1 cuillérée de curr\' en poudre - 2 tomates - sel - poivre - 1 piment. Fai;e revenir dans le heurre le porc coupé en morceaux avec l'oignon et les échalottes. Lorsque la viande est dorée de toutes parts, couvrir avec un peu d'eau, ajouter, une g!.usse d'ail, le houquet garni, la poudre de curry et IG/sser mIJoter 30 minutes. Saler, poivrer, puis incorporer les christophines et les auhergines épluchées et coupées en dés, les tomates pelées et épépinées, et laisser réduire encore 1/2 heure àfeu doux. La sauce ne doit pas être trop ahondante. On peut servir la Dauhe de porc avec un riz dehout, dont les grains se détachent. ...: z Z LU n .( ...: z Z LU n .( 30 « C'est au sujet de l'annonce ... ». L'aventure métropolitaine ean né à la Possession, au Nord-Ouest de l'île de la Réu- J nion, passe le concours d'ag~nt titulai,re des P.T.T. Il reçoit aussitôt sa première nominatIOn. Pour se rendre à son nouveau travail, dans la région parisienne, il doit faire dix mille kilomètres. Il prend ses fonctions aux P.T.T. le 20 août 1,956. Quinze jours plus tard, nouvelle convocatIOn: le service militaire, Coulommiers, puis l'Algérie ... Démobilisé en décembre 1958, il retrouve son emploi. Aujourd'hui. quarante-huit ans, père de famille, il vit toujours en France métropolitaine. « Emigrant de la première génératio/1 », il a vu arriver la grande vague des années 60-70. En 1963, on dénombre un peu plus de cent mille originaires des DOM installés dans l'hexagone. Moins de vingt ans plus tard, Ils sont. quatre cent quatre-vingt mille (1). Ce bond n'est pas le frUit. du hasard . Vers le milieu des années 60, l'outre-mer apparalt comme le paradis ... du chômag~ end~mi.que. Le therm~mètre de. la te,~sion politique et SOCiale indique des tempe~atures inqUietantes. En Métropole par contre, on ne connalt pas encore la crise. L'économie française ouvre grandes ses portes à la main-d'oeuvre immigrée. Les ressortissants de la France extra- muros peuvent être orientés vers les .emplois du secteur privé, et aussi vers ceux du s~cteur p~bllc. Un beau matin, Marc reçOIt sa feUille de route pour la Guyanne et quitte Fort-de-France. Il va apprend.re, la pl?mberie dans le cadre du SMA. De retour en Martinique, 11 se rend de chantier en chantier pour construire ici un collège, ailleurs une cité HLM. Mais voilà, il participe à une grève. Les patrons des deux entreprises de plomberie ont vite fait de se passer le mot. En 1972, Mar~ s'~m~arqu~ pour la grande traversée et devient agent hospitalier a Pans. Pour beaucoup, la Métropole offre souvent deux visages. Celui d'avant et celui d'après. « IR Mass{f' Central et .l'es l'ulcans Le Mont Blanc, 4801 mètres. Dans le Jura, un f'ahrique de hun. l'ins ... )) .. A trente-trois ans, Amod, un .R~unionnais originaire de Samte-Suzanne, se rappelle les }ohes formules apprises sur les bancs de l'école. Vue de lOin, la France conserve ces chaudes couleurs d'images d'Epinal. « Depuis nutre plus jeune âge, raconte Jean-Claude, lui aussi, Réunionnais, on nous a expliqué que nous étiuns français. I.ursque nous arrivuns ici nous l'oulom' à tout prix ;1OUS conduire en hons Français )). A dix-sept ans, il travaille dans une plantation de canne à sucre du côté de Saint-Pierre et sait déjà que pour devenir un vrai citoyen, il faut toujours porter une cravate. Quand en décembre 1968, il débarque à Marseille, il n'oublie pas la consigne. « Pendant ma première année en France, je mettais régulièrement une cravate y cumpris sur un pull-uver ». « Là-bas, dit Amod, nous rêvions d'être français ». Plutôt petit, les cheveux bruns, la peau foncée, « mes ancêtres, enchaîne-t-il, étaient d'urigine indienne )). En 1973, au chômage, il emprunte à son tour les chemins de la terre promise. Premières démarches, premières douches froides. La même question revient presque sur toutes les lèvres: « Est-ce que vous êtes français ?». Amod peut présenter sa carte d'identité. Et certains chefs du personnel de préciser: « Vuus sal'ez, nous cherchons quelqu'un d'urigine européenne .. . )). Au bout de ses recherches, le Français de l'Océan indien finit dans une entreprise de matériel électrique ou on lui confie même un poste de semi-responsabilité. Etrange. Alors, les remarques vont bon train. « OtFrir une telle place à un (lpe qui déharque de sa hrousse .' )) Une épreuve, devenue désormais classique pour les Antillais et les Réunionnais, la course au logement, laisse dans leurs souvenirs bien des anecdotes. En général, l'histoire se déroule selon un scénario qui confine au rituel. Une petite annonce, un coup de téléphone. On prend rendez-vous. Mais lorsque le demandeur se présente en chair et en os, on s'aperçoit qu'il a la peau noire et les cheveux plus ou moins crépüs. Du coup l'appartement est déjà pris, ou bien on avait'omis de préciser certaines conditions que, bien entendu, le candidat locataire ne peut satisfaire. « Au regard de la réalité de notre conditiun, dit Marc,je me cunsidère plutat cumme un immigré au même titre qu'un Purtugais uu un AFicain. )) Bien sûr, comparé à la situation des travailleurs étrangers, la nôtre diffère, personne ne nie les al'antage.\' que confère la nationalité française: possibilité d'accès à la fonction publique, absence de problèmes de « papiers )). « Notre situatiun se révèle un peu hatarde », explique José, Guadeloupéen de Pointe-à-Pître, employé au centre de tri postal de la gare du Nord à Paris. Une chose attire l'attention du nouveau venu, la forte proportion d'Antillais parmi les auxiliaires. « Aujourd'hui encore, indique-t-il, sur la l'ingtaine de non-titulaires, on compte quin::e Antillais )). Il se souvient de la grande grève des centres de tri en 1974, avec comme détonateur, la question des auxiliaires. Redevenir soi-même Pour José, quinze années d'exil ne peuvent faire oublier le pays d'origine. D'ailleurs, « al'ec tous les compatriotes qui tra\'(/illent al'ec moi, impossihle de rompre le cordon omhilical qui me rattache à la Guadeloupe )). « Petit à petit. dit Jean-Claude,je suis redel'enu moi-même )). Selon Amod, citant sa propre expérience, « l'émigration rend serl'ice à long terme. Après plusieurs années passées en France, nousfïnissons par prendre conscience de notre ù/entité réunionnaise. )) Maryse, née il ya vingt-trois ans à Fort-de-France, travaille ici pour une agence d'intérim. « IR créole, explique-t-elle, est notre langue maternelle. I.(] langue que j'ai parlée al'ant de connaÎtre le français. Je suis française sur le papier, si je devais choisir je me dirais mar.tiniquaise )). Chacun essa!e de donner aux semaines métropolitaines des couleurs antillaises ou réunionnaises. « Se retrouver ensemhle autour d'une tahle, dit Amod, demeure pour nous 31 ...: z Z LU n .( l'occasion de conserver une tradition culinaire, mais aussi de renouer avec un langage et un certain type de l'iefamiliale )). En septembre 73, Claude, Martiniquais, effectua son service militaire à Montélimar. A chaque permission, sa première préoccupation est de prendre le train pour Paris et de partir à la recherche du bal où se produit le meilleur orchestre de la Martinique ou d'Haïti. Se réunir avec des amis, faire la fête le samedi soir, un simple désir de danser sur une musique que l'on aime, de vivre les loisirs que l'on choisit, même s'ils ne ressemblent pas à ceux du voisin. La « chance» de l'exil ? Beaucoup ne rejettent pas l'attachement à la France. « Je refuse le terme « immigré )), affirme Marcelle, nous avons la niême religion, la même langue, la même culture, j'ai étudié Voltaire à /'école. Ma situation s'apparente à celle d'une Corse ou d'une Normande. Nous parlons un patois, le créole, comme d'autres peuvent s'exprimer en hreton ou en alsacien. )) Née à Pointe-à-Pître, il y a vingt-trois ans, Marcelle travaille comme aide-comptable: « Je suis française mais je reste, quand même, une colonisée. IRS Antilles, au départ peuplées d'Indiens ont l 'U déharquer les Espagnols. Plus tard, les Français s'imposèrent. Cest comme ça. Même principe que partout ailleurs ». ' Bon nombre d'originaires de l'outre-mer, aux dires de Claude considèrent « l'exil)) comme une chance qu'il faut utiliser. Dans ce cas, tout faire pour s'intégrer à la nouvelle vie métropolitaine devient le principal objectif. avec le souci de ne pas transformer les enfants en déracinés. Serge s'installe avec sa famille en Seine-Saint-Denis. 11 a quatorze ans et arrive tout droit de Saint-Denis-d~-Ia-Réunion. Très vite, ses parents refusent de rencontrer les quelques cousins qui vivent dans la région. Face à la crainte de l'échec scolaire, on interdit à Serge de parler créole à la maison. Pour la plupart, il s'agit d'abord de vivre et de travailler à l'endroit où l'on se trouve, que ce soit une terre d'accueil ou d'exil. D'autant que le retour au pays, envisagé par beaucoup, Aller en Bretagne cet été? semble difficilement réalisable à court terme. Des fonctionnaires renouvellent chaque année, comme une vieille habitude, leur demande de mutation. Chômeur six mois sur douze Le problème numéro un, pour les candjdats au come-hack, reste bien les débouchés, et s'ils trouvent chez eux un emploi dans l'industrie, le recyclage presque obligatoire pour certains. Où pourrait-on caser les employés de la SNCF? Il n'y a pas de chemin de fer dans les DOM-TOM. Vue la situation économique dans l'outre-mer, refaire la route en sens inverse signifie, dans bien des cas, la promesse d'une vie précaire. Travaitler six ou huit mois sur douze, compter sur la débrouillardise. Marc raconte l'histoire d'un ancien collège de travail « qui n'a pas réussi à s'adapter en France ». Un jour, il quitte tout, vend sa voiture, quelques meubles, et achète là-bas un petit fond d'épicerie. « Il habite dalls ulle case héritée de .l'a mère, dans un coin reculé de la montaglle et mène ulle l'ie presque ascétique ». Cette perspective ne provoque pas l'enthousiasme quand on a des gosses à nourrir. Des enfants, souvent, nés en France ... Pour garder le contact avec le' pays, on essaye de se rattraper avec les vacances. Mais, là encore, on se heurte au problème financier. De toute évidence, il vaut mieux avoir une grandmère dans le Morbihan que de la famille aux Antilles. Cela coûte moins cher. Les fonctionnaires ou assimilés bénéficient d'un voyage gratuit tous les trois ou cinq ans. Entre temps, inutile d'essayer de dénicher le charter bon-marché, Air France détient le monopole de ces lignes aériennes, ce qui réduit la concurrence à sa plus simple expression. Les travailleurs du secteur privé,eux, doivent compter sur leurs ... économies. Ainsi, Maryse prend ses vacances cette année à la Martinique. Dans l'avion, elle voyagera peut-être en compagnie des « Français hien Français», pour reprendre son ·expression, qui partent s'établir et investir dans les « isles ». Dossier réalisé par Christian VILLAIN (l) Dont 350 000 Antillais et 130000 Réunionnais (sources: BumiclolI/ et Secrétariat cI'Etat aux DOII/- TOII/). Sortie Porte d'Aubervilliers, direction la rue de Crimée. Il fait déjà nuit, pas un chat dans le quartier. Entrée du parking souterrain. Le gardien lève à peine le nez. Premier niveau, deuxième niveau. Plus on descend, plus la musique se fait entendre. Au dernier niveau, les boxes de voitures sont loués à des groupes de musiciens plus ou moins fauchés. Chaque soir, ils viennent là, pour ·Ies répétitions. Dans l'une de ces petites boîtes de béton, on rencontre le groupe Ganja. A la guitare, et au chant, Patrick, de Stains. A la guitare, Hamallah, Stanois lui aussi. A la basse, David, d'Aubervilliers. Au saxophone, Yves, de la Porte des Lilas. A la batterie et aux percussions, Jacques, d'Aubervilliers. Jacques et Yves sont nés en France, de parents guadeloupéens. « La musique de Ganja, précise le premier, c'est dufunk-reggae. Lefunk, la musique noire américaine, est plutôt urbain, new-yorkais. Le reggae donne cette couleur africaine que /'on aime beaucoup ». Retour aux racines I.e reggae d'accord. mais dans le groupe. personne ne se définit comme rasta. ct / i/ raron clOIII nous l 'il 'ons. clans 1'1'1/1' han/ieue. l'nul cela ùl1/}(;.uihle, affirme Jacques. Mais, II/êll/e sam II/ener une existence cie rasta, nous poul'ons être soliclaires cie /a II/otil'ation politique et sociale, soliclaire cie la II/usique elle-II/êll/e, cie Quelles sont loin mes sources ! 32 Ganja l'all/hiallce, cie l'elTel. » Pourtant. bon nombre de jeunes Antillais semblent s'engager à fond dans le mouvement rasta. ct Ils ressentent le hesoin. explique Yves. cie retourner aux racines. à l'A.fi'ique. I.e pmhlèll/ e cie lOU/e.l· les II/illorités. Dans les années soixallle, on jouait les AII/éricaills, on écoU/ail .Jall/es Bmll'//. A l'époque 'cles Black Palllhers 011 le\'(/il le poing. ToU/ cela représente quelque chose cI'ill/por/alll pour la race noire. » Mais quel rapport entre la musique de la Jamaïque et celle de la Guadeloupe ou de la Martinique '! ct Bien sûr. poursuit Yves. ilr a cI'un nité l'illfluellce anglo. wxonne, cie l'aU/rI' l'influence fi'an('aise, cela s'enleml clans les II/éloclies. Mais on Im'ul'e une sorte cie fJlulll/usical cOlI/lI/un cie Cuha à la Guyane: le l'y thil/l', la plilsation. Mêll/e clam la II/usique tracliriollnelle. Elle porte LlllnOIl/ cliffërelll clans chaque ile. Mais il .1' a lOujoU,.s la présence cles /(/II/hours. /.1' rrlhll/e l'ielll cie l'A.fi'ique, cles ancêtres. » Jacques n'est pas du même avis: «.Je pellSe que cela n'a rien à l'oir. I.e reggae l'ielll cie la .Jall/aïque, les autres Îles possèclent une II/usique cliffërel1le. » Aucun souvenir, sauf un cyclone Yves, vingt-quatre ans. grand. mince. les cheveux courts: « .J'ai reçu une éducation antillaise, dit-il. la famille unie, un grand respect des parel1ls». Les Antilles. il commence à « z z 'C"Il .( « z z 'C"Il .( PARIS S. A R. L. au Capital de 300 000 F ~ 770.73.63 . 523.08.58 . R. C. Paris 72 B 3968 CROISIËRES vOYAGES ORGANIS~S INDIVIDUElS ET EN GROUPE· VOYAGES D'AFFAIRES BILLETS' AIR · FER · MER· WAGONS·lITS . WAGONS-RESTAURANTS LOCATIONS TOUS TH~ATRES ET SPECTACLES RËSERVATIONS DE VOITURES ET HOTELS connaître: cinq voyages à la Guadeloupe. le dernier à l'âge de vmgt-deux ans. Pour Jacques. par contre. un se'ul séjour à la Guadeloupe. « A l'el' mes pa rellls , j'a mis cinq ou six ans . .Je ne 11/1' soul'iens de rien. saurd'un c.l'clone. » Le batteur. de petite taille. des lunettes. une casquette de base-bail sur la tête l'assure: " .Je n'ai pas élé éduqué conl/lle Ull Gu{uleloupéen: Mes parel1ls l'oltlaiel1l que je m'aclaple à ce pars. D'ailleurs je ne parle pas créole. » Et la musique'! «.Je n'é~'OLlle praliq~emen. t pas cie musique al1lillaise. Simplell/elll. pargoLÎt musical, ./1' Il al/Ile pas. » Je suis Albertivillarien Là encore. Yves vit les choses différemment: «.Je 1II'ill/éresse non pas à la \'{/riéré all/illaise (.~mupes !7aïliens) mais à la mu.l~/que trad/llonnelle de la Guadeloupe et de la Martinique: la hlgull1e, la maurka, le groka. » Et. après une courte pause: « M~.I· plll.'el1l;V sOllt re/~iUl'llés à la Guadeloupe . .Je compte, mal aUSSI, m II1staller la-has pour faire de la musique. Il ra toU/ un coural1l de ja al1lil/ais ... » . ~ue ~e Çrimée, pour ce soir. la répétition est terminée. Mais blentot. Il faudra trouver un nouveau local. Le parking, ça ne ~arche pl~s. En attendant. GanJa s'apprête à partiren tournée a Va! d Isere. Et Jacques de conclure: " /.(/ Guadeloupe ne /:epresente plus rren pour //loi . .Je suis lrop iII/l'régné par mon educatIOn en France ... .Je SUIS Alher/il'illarien. » lES PIEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, du 38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT : SULLY, 85 rue de Sèvres, Paris 6" 5 % sur présentation de cette annonce Pas de remise, mais .. . FABRICATION ARTISANALE PRIX ARTISANAUX Le "SUR MESURES" PAR MODELISTE DIPLOMÉE Ouvert jusqu'à 19h30 "AU RIMARD Btm" FOURRURES 68, av. des Gobelins Tél.: 33'-16-85 Métro Place d'Italie Autobus : 27-H-57-67·al - Garde en frigorifique - Garde d 'été - Service après-vente - Crédit gratuit - Parking gratuit lorrenle 2. rue de Sèvres ~ femmes 2229050 homme" 5441006 33 2. carrefour C r OIX ' Rouge 75006 PariS Comment faire disparaître les chambres à gaz hitlériennes et le génocide des juifs? Des nostalgiques du naz.isme aux « antitotalitaires de gauche», une surprenante alltance pour les extirper de l'Histoire. Quelques semaines avant son suicide, Hitler déclarait : « On sera éternellement reconnaissant au national-socialisme d'avoir effacé les juifs en Allemagne et en Europe centrale. » L'essentiel était dit sur le génocide nazi des juifs: face à la défaite militaire, Hitler rappelait que l'un de ses buts de guerre avait été atteint, l'élimination des Juifs d'Europe. Comment, plus de trente ans après, peut-on nier l'extermination de près de six millions d'hommes d'un même peuple, ose-t-on publier des livres dont le seul objet est d'innocenter le nazisme de l'exercice le plus monstrueux de sa barbarie ? Com~rendre le pourquoi des négations d'un Faunsson et de ses semblables implique de s'interroger sur le sens d'une telle « aflaire n, dont le caractère, tristement exempiaire, peut être l'occasion de dissiper de graves confusions sur l'idée de tolérance et le droit à la libreexpression des opinions. 1. Les négations fa urissoniennes L a négation qui soutient l'édifice faurisonien est ainsi énoncé par son auteur: « Jamais Hitler n'a ordonné ni admis que quiconquefuttué en raison de sa race ou de sa religion. n (1) A suivre l'analyse réfutative décisive des « vérités n révisionnistes qu'a donnée Pierre Vidal-Naquet dans la revue Esprit (2), on peut en énumérer une demi-douzaine. 1°) Il n'y a pas eu de génocide hitlérien des juifs et son instrument principal, qui le symbolise en le spécifiant dans sa monstruosité: « I.es « chamhres à gaz n homicides ne sont qu'un hohard de guerre. n 2°) Ce qui est nommé « solution ./ïnale n ne signifie rien d'autre que l'expulsion des juifs vers l'Est européen. Ils auraient été « refoulés n ou « déportés n, et non pas exterminés: « ... interner ne sif?nifïe pas exterminer n. 3°) Le nombre total des victimes juives du nazisme est beaucoup plus faible qu'on ne l'a dit. Un million (P. Rassinier, puis Butz), 200000 (le néo-nazi M. Roeder). Quant à Faurisson, il semble hésiter sur le chiffre: parmi les « Européens tués pour fait de .f?uerre n, le nombre « des Ju(fs européens pourrait être de l'ordre d'un million mais, LE DELIRE NEGATEUR FA URISSONIEN nhlhlplllpnt, de plusieurs centaines de milliers ... n. Le nombre des morts d'Auschwitz (Juifs et non-Juifs) se serait « élevé à 50 000 environ n. D'autre part, précise Faurisson, « le nombre des morts de tous les camps de concentration de 1933-1934 à 1945 ( .. .) a dû être de 200 000 ou, au plus, de 360 000 n. En guise de démonstration et de preuves factuelles, Faurisson nous offre cette promesse: « Un jour je citerai mes sources ... n. Nous attendons toujours, en juin 1982, une réponse détaillée aux réfutations conduites par P. Vidal-Naquet, G. Wellse et quelques autres. 4°) L'Allemagne hitlérienne ne porte pas la responsabilité majeure de la Seconde Guerre mondiale. « Il l'a eu entre Hitler et les Juifs une guerre inexpiable. Il est évident que chacun renvoie sur l'autre la responsabilité de ce conflit. n « HolIl'wood et l'appareil de propaf?ande stalinieri », plus l'i névita b le « sionisme international ». Voilà le scandale selon Faurisson : « En tant qu'homme, je n'admets pas qu'on ditfame le peuple allemand ... ». Ses « conclusions » : il faut contribuer à déculpahiliser l'Allemagne de son histoire nationale-socialiste, la purifier de « cette mauvaise conscience» qui n'est que l'effet de la « gigantesque imposture » du génocide. II. La méthode Faurisson Le simulacre de méthode appliqué par Faurisson aux sources documentaires se résume en quelques procédés fort simples. 1°) D'abord récuser tout témoignage direct émanant d'un juif comme mensonger, sauf si ce juif est passé dans le camp « révisionniste ». 5°) Le mal ~ersonnifié est: sO,it le. « tf!talita- 20) Disqualifier comme simple « rumeur » risme» (atteInt par l'absolue egalI~atl~n des tout document écrit pendant la guerre et démocraties, du stalinisme et de l'hltlénsme : concernant les méthodes d'extermination. puisque les chambres à g~z feraient la ditf~- ~ 30) Prendre à la lettre les textes écrits en rence irrédl!ctible du . naZisme, ~lIes ne do~- . langage codé, et négliger ou réinterpréter les vent pas eXister: versIOn des pretendus antl- . textes décrivant sans équivoque le processus totalitaires de gauche), soit le Capital et son . d'extermination. corrolaire: le principe de rentabilité (d'où 4» Refuser toute valeur de preuve, ou même l'impossibilité théorique d'~n mas~acr~ de d'indice, aux témoignages faits par les nazis masse, com.me destr.uctlOn d une .maIn~ oeu- , après la fin de la guerre. . vre nécessaire : versIOn des sectaires neo-sta- ~ Récuser corrélativement tout témOignage liniens embau,més ~a.r l'aveu~lement dogma- . provenant des Alliés. Par contre, ren~oyer tique de la demystlflcatl?n a tou~ pn~) (3); sans la moindre réserve aux pseudo-temOlsoit l'URSS (le génOCide .nazl . presente gnages de néo-nazis avérés, comme Thies comme une manoeuvre d.e ?1~erSIOn, men- Christophersen, ou à des pamphlets pseudosonge de propagande destmesa faire oublIer historiques, telle la brochure de le goulag : de Rassinier aux p~étendus et R. Harwood. arrogants libertaires anticom~u~lstes). F~u- 50) Frapper par l'usage systématique de l'hyrisson penche vers cette dermere mcarnatlOn per-critique. Pour ce faire, on habille la négadu Diable. . " tion péremptoire des faits d'un vocabulaire 6°) Le génocide est le grand mensonge msplre d'apparence technique. et imposé par « le camp des vatnqueur~ », u~e invention de la propagande des Ailles, SOIt (1) Cité in Ser!?e Thion : « Vérité historique ou vérité politique'! n, Paris. /.0 Vieille Taupe. 1980. (2) Esprit. septemhre /980 : texte repris in « Les Juifs, la mémoire et le présent n. Paris. Maspéro. /981 . (3) (/: Alain Finkielkraut :« L'avenir d'une négation. Rénexion sur la question du génocide 1), Paris Seuil, 1982. 34 z « "« .'".; M. Faurisson, bien protégé, pour ne pas être vu. 6°) Faire silence sur tous les épisodes décisifs permettant de replacer dans son contexte idéologique et historique le génocide des juifs: l'installation d'un antisémitisme d'Etat, l'extermination des malades mentaux, les massacres de masse commis par les Einsatzgruppen en territoire soviétique, le génocide des Tsiganes. Isolé dès lors dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, le génocide nazi, devenant proprement inconcevable d'être transmué en événement tombé du ciel, apparaît vite comme incroyable. Nous nous trouvons donc face à une argumentation sophistiquée dotée d'une si forte cohérence externe, comme une fiction bien faite, qu'il est impossible de l'affronter et de la détruire sans sortir du champ clos qu'elle institue. Ce qui ressemble le plus au discours de vérité, c'est le mensonge total. III. Les participants de • l'entreprise L e champ idéologico-politique du révisionnisme est désormais partagé par les tenants de la minimalisation normalisatrice de l'extermination et ceux de sa négation pure et simple. D'une part, pour parler comme Pierre Vidal-Naquet, le délire réducteur: les grands massacres seraient, par exemple, de simples faits de guerre, sans rapport avec une politique eugéniste et raciste; d'autre part, le délire néf?ateur : les faits génocidaires sont radicalement suspectés, jusqu'à la complète récusation. Mais comment peut-on ainsi remplacer le réel, qu'un immense faisceau de preuves permet d'établir, selon des approximations progressives, par un délire négateur'? On peut sommairement répondre à la question en distinguant les différentes positions de discours tenues par les acteurs dits révisionnistes, chacune possédant ses propres modes de légitimation : !§!§!§!§!§§§!§!§§!§!§!§!§§ DIFFÉRENCES N° 12-13 JUIN-JUILLET 82 1. Les nostalgiques du nazisme: les premiers révisionnistes aux lendemains du procès de Nuremberg, étaient de fait d'anciens S.S., des èollaborateurs de l'occupl!nt nazi et des sympathisants de l'ancien Ordre Nouveau. Mais si l'on retrouve une évidente continuité entre les massacreurs et certains effaceurs du massacre, d'autres révisionnistes ne relèvent nullement de la catégorie du néo-nazisme. Et c'est ce côte-à-côte, cette surprenante alliance, qui fait problème et qu'il s'agit d'expliquer. C'est là un aspect qu'Alain Finkielkraut, sans l'ignorer, a quelque peu sous-estimé dans son dernier livre. 2. Une paléo-ultra-f?auche dogmatique : c'est la seconde catégorie de réviseurs: leur rêve commun est de radicalité absolue. « Leur unique souci est de prendre position à la f?auche de toutes les gauches », note à juste titre A. Flnkielkraut. Or, le génocide hitlérien des juifs et des Tsiganes est incatégorisable dans l'espace figé de leur dogmatique: la négation obstinée du génocide ne peut donc qu'être pour eux dans le vrai puisqu'elle cor': respond miraculeusement à leur impossibilité d'expliquer le grand massacre en termes économistes. Si donc l'extermination des juifs fait exception au principe de rentabilité, et que la destruction d'une main-d'oeuvre hautement nécessaire en temps de guerre totale, est économiquement irrationnelle, on niera, plutôt que le principe, l'extermination même, suspecte d'être non conforme à la logique du Capital sommairement comprise. C'était la position des disciples du doctrinaire marxiste italien Bordiga, mais aussi celle d'un Rassinier, « ce fou d'idéologie» qui, dit bien Finkielkraut, « n'aimait pas ses bourreaux, mais sa vision du monde ». D'autres groupuscules ont pris le relais et repris l'héritage. 3. Les anti-totalitaires de gauche : d'apparition plus récente, ils n'ont pas non plus de 35 passion pour les exterminateurs S.S. Mais ils sont saisis d'une haine impérieuse du dogmatisme en général. Ils veulent la liberté d'opinion, de toutes les opinions, et à tout prix. Ce qutils perçoivent comme liherté, c'est la dénonciation de tous les tabous. Mais toute chose, en tant qu'elle est prise au sérieux, est susceptible d'être dite tahouée. Il suffit dès lors de définir une vérité historique comme objet d'un tahou pour que sa dénonciation se pense elle-même comme preuve de liberté, voire comme acte de libération. Si donc, l'on fait preuve de respect théorique devant le génocide nazi, c'est que le fait et suspect. Le raisonnement tenu est du type : « Le f?énocide des juifs est, en tant que fait historique, ohjet de respect (de consensus, de culte, de tahouaf?e, etc.), donc il n '.l'a pas eu de génocide ». L'absurdité de l'argument saute aux yeux dès lors qu'on l'applique à Jeanne d'Arc, Napoléon ou au général de Gaulle. Dans ce délire anti-totalitaire, on présente ainsi la substitution du fictif au réel comme la levée d'un tabou. La démystification est désirée et appréciée pour elle-même tandis que le débat, de moyen de parvenir au vrai, se transforme en fin. On ne peut éviter ici de toucher au difficile problème de la liberté d'opinion et d'expression. Mais la position des libéraux fanatiques défenseurs de Faurisson, porte confusion et provocation: car si le droit à la libre expression des idées n'est pas à mettre en cause, on ne peut, sans faire l'apologie du non-sens et s'adonner à quelque provocation l)1anipulatoire, nommer liberté d'opinion et assigner au principe de tolérance: le refus des faits établis par le travail historique; la falsification ou le rejet des témoignages allant à l'encontre de thèses a priori; l'accusation de mensonge vénal portée contre un peuple tout entier (et ses prétendus complices, confondus dans la même diabolisation); la dénonciation calomnieuse visant les historiens du génocide nazi non conformes au modèle révisionniste (c'est-à-dire à peu près tous). On peut aller fort loin dans le débat historique visant à élucider les conditions de possibilité et de mise en oeuvre du génocide. Mais il n'est pas question de confondre liberté de chercher à établir telle ou telle vérité historique - supposant à la fois des libres débats et des compétences en la matière - et droit d'affirmer, selon l'humeur, n'importe quelle thèse, de récuser comme déplaisantes, en toute frivolité, les approximations du vrai auxquelles le labeur intellectuel permet d'accéder. En bref, d'exalter le droit de délirer en public au dépens du réel historique, et ce au nom du libre exercice d'une sacro-sainte opinion. Car alors, pourquoi ne pas manifester pour obtenir l'inscription d'un droit à l'expression de la discrimination raciale, injustement persécutée, pourquoi ne point pétitionner pour défendre les droits des falsificateurs, discriminatoirement dénoncés? L'injustice suprême est peut-être d'aligner les droits du bourreau et ceux de la victime, au nom de l'égalité des droits, de confondre en une même défense et illustration la liberté de calomnier et celle de défendre sa dignité, le droit au mensonge et la quête du vrai. Nous avons le droit de refuser une telle confusion en la dénonçant fermement. Pierre-André TAGUIEFF Libre dans les Etats pontificaux d'A vignon et du Comtat Venaissin, le peuple «perfide» n'en était pas moins soumis à des lois draconiennes. QUAND LES JUIFS DU PAPE PORTAIENT LE CHAPEAU JAUNE usqu'à l'entrée des troupes italiennes dans Rome, en sep- J tembre 1870, le pape, tête de l'Eglise catholique, fut aussj un chef d'Etat, un souverain, plus absolu que n'importe lequel des autres princes de l'Europe puisqu'il réunissait dans ses mains tous les pouvoirs spirituels et temporels. Le Souverain Pontife et ses ministres avaient toute latitude pour traduire les principes de la doctrine chrétienne en applications pratiques à travers des règlements et une législation qui ne dépendaient que d'eux. A l'égard des juifs qui vivaient à Rome ou dans les possessions pontificales transalpines d'Avignon et du Comtat Venaissin, les bulles et les ordonnances émanant tant du pape que du Saint Office ou des évêques, fournissent donc une matière abondante pour étudier concrètement lé statut réservé à ces hétérodoxes. Car qu'on ne s'y trompe pas : si les papes ont offert un asile sûr aux juifs alors que, vers la fin du Moyen-Age, presque partout ailleurs en Europe, on les expulsait impitoyablement de leurs domaines, ce n'est pas seulement ni même essentiellement en vertu de considérations humanitaires. Ce n'est certes pas non plus par respect de la liberté religieuse: le principe n'en sera reconnu et affirmé par l'Eglise catholique qu'en 1965, au concile de Vatican Il, par la déclaration Dignitatis Humanae, et non sans opposition. Les juifs sont bien les seuls non-catholique autorisés à résider en permanence en territoire pontifical et à y célébrer ouvertement les cérémonies de leur religion. Le traitement de faveur appliqué aux juifs et à eux seuls est la conséquence d'une vision théologique de l'histoire de ce peuple, développée en particulier par St-Augustin, le grand penseur de l'Antiquité chrétienne: Israël a été autrefois le peuple choisi et chéri de Dieu; c'est par lui qu'ont été transmis au monde les mystères fondamentaux de la foi, la révélation du Dieu unique et la promesse de l'Alliance; c'est dans son sein qu'est né le Christ selon la chair; mais, dans sa grande majorité, ce peuple est resté incrédule devant la Bonne Nouvelle. C'est ce que signifie en réalité l'adjectif « perfide» régulièrement accolé au nom de juif; en particulier dans la grande prière liturgique du Vendredi Saint, qui était récitée dans toutes les églises jusqu'en 1959, et dont il sera fait un si redoutable usage au cours des siècles. Ce peuple a refusé de reconnaître en Jésus de Nazareth le Messie que les prophètes avaient annoncé, et celui que les chrétiens considèrent comme l'incarnation de Dieu a été crucifié à la demande de la foule de Jérusalem. De ces faits découle l'accusation, très tôt lancée contre les juifs, d'être collectivement responsables (et eux seuls) de la mise à mort du Christ, c'est-à-dire du déicide. Après la disparition de Jésus, la tâche de diffusion de son message a été confiée à l'Eglise, le nouveau peuple de Dieu,le nouvel Israël, mais le peuple juif, Israël selon la chair, survit et se perpétue sans se fondre dans les nations, car il n'a pas 36 perdu toute raison d'être dans le plan divin. Selon St Augustin, sa dispersion sur toute la surface de la terre a été une disposition providentielle. Mais en même temps, la diaspora des juifs et l'état misérable dans lequel ils vivent ordinairement sont aussi le témoignage du châtiment qui s'est abattu sur eux : il ya donc là une preuve des plus fortes de la divinité du Christ. En conséquence, pour être fidèle au dessein de Dieu, il convient de protéger les juifs pour qu'ils ne disparaissent pas mais, en même temps, il faut les maintenir dans une situation très visible d'humiliation et d'infériorité. C'est à ces considérations que prétendent répondre les mesures prises au sujet des juifs par les autorités pontificales, surtout à partir du XVIe siècle, au moment de cette grande révision de vie qu'a été la Réforme catholique. C'est à cette époque qu'a été mis en place le système contraignant du ghetto, imposé à tous les juifs des Etats pontificaux par la grande bulle Cum nimis absurdum de Paul IV en 1555. A Avignon et dans quelques villes du Comtat, il existait déjà, depuis le xve siècle au moins et même avant, des rues bien délimitées, réservées à l'habitation des juifs mais c'est seulement au milieu du XVIIe siècle qu'on arrivera à y enfermer vraiment toutes les familles israélites dont beaucoup vivaient dispersées dans les villages et c'est alors aussi que la clôture deviendra réellement hermétique. Le nombre de ces carrières avait été strictement limité à quatre en 1624: Avignon, Carpentras, L'Isle et Cavaillon et désormais (sauf autorisation d'absence particulière) tous les juifs doivent regagner chaque soir ce quartier réservé dont les " .' portes sont soigneusement closes à la tombée de la nuit. Pour que le juif ne puisse être confondu avec les chrétiens, on lui a imposé, depuis 1524, le port d'un insigne particulièrement voyant, un chapeau jaune, qui n'est que le dernier avatar de la rouelle ou roue des juifs exigée par le quatrième concile du Latran, en 1215. L'interdiction absolue de posséder des biens fonciers en dehors de la carrière, promulguée par PaulI V en 1555, a été mise en application au cours de la deuxième moitié du XVIe siècle. Assortie de la défense de se mêler du commerce des marchandises neuves ou des denrées indispensables à la vie (blé, vin ou huile), elle cantonne les juifs dans les occupations misérables de fripiers, ou de prêteurs d'argent à la petite semaine car les artisans chrétiens ont réussi à les faire expulser de toutes les autres professions. Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, les juifs d'Avignon et du Comtat, humilés de multiples façons, vivent péniblement d'un maigre commerce de colportage et du prêt de sommes très modestes aux paysans et au petit peuple; leurs communautés sont écrasées de dettes et leurs synagogues tombent en ruine. Mais au XVIIIe siècle, tout change dans le domaine économique: les juifs élargissent considérablement leurs activités commerciales. Dès la fin du XVIIe, ils avaient pris l'habitude d'aller faire des tournées dans les provinces voisines: ils développent encore cet usage et ils se lancent dans des trafics nouveaux, en particulier le colportage des étoffes de soie et le commerce des animaux de trait ou de bât, chevaux, ânes et mulets, qui devient une de leurs spécialités, surtout en Languedoc. Bon nombre de familles s'enrichissent: on peut suivre cette montée de la fortune dans les carrières grâce aux dots que les juifs constituent à leurs filles quand elles se marient: d'une moyenne de moins de 600 livres, dans le dernier quart du XVIIe siècle, elles passent à plus de 9.000 livres dans la période 1780-1789. Autrefois modestes fripiers et usuriers à la petite semaine, les juifs se transforment de plus en plus en négociants et en banquiers opulents. Devenus riches, ils supportent très mal les avanies continuelles, car aucune évolution ne s'est fait sentir dans la position des autorités pontificales à leur égard. En revanche, en France, où, en principe, ils n'ont absolument pas le droit de résider, l'administration royale, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, se montre de plus en plus tolérante à leur égard: le plus souvent, elle accepte de fermer les yeux sur leur présence et les laisse jouir d'une liberté complète. La différence de traitement de part et d'autre de la frontière devient si éclatante que les juifs d'Avignon ou de 37 DIFFÉRENCES N° 12-13 JUIN-JUILLET 82 Carpentras sont de plus en plus nombreux à courir le risque d'une expulsion de moins en moins probable et à venir s'installer dans le royaume avec femmes et enfants. Désertées par les plus aisés, les carrières ont bien des difficultés à vivre. Leur administration interne est désorganisée par les absences prolongées, la mauvaise volonté à accepter les charges et la répugnance à contribuer aux dépenses communes. En 1789, les carrières ont déjà perdu le quart ou le cinquième de leur population et ce sont les plus riches et les plus dynamiques qui sont partis les premiers. Les événements révolutionnaires accélèrent encore le mouvement: l'octroi de la citoyenneté française aux juifs et le rattachement d'Avignon et du Comtat à la France font disparaître tous les obstacles légaux à l'émigration en France. Après la guerre civile entre Avignon et Carpentras, le pays est durement atteint par les combats entre partisans de la Convention et rebelles fédéralistes, puis par la terreur: les juifs désertent en masse un pays aussi troublé et de deux mille ou deux mille cinq cents qu'ils étaient vers 1775, à peine en reste-t-il six cent trente-et-un pour tout le département du Vaucluse en 1808. , Peut-être faut-il rappeler en terminant que cette construction théologique sur laquelle s'appuyait la législation concernant les juifs a été totalement bouleversée à notre époque. Le drame d'Auschwits a été, pour notre temps, un choc tel qu'il a entraîné un changement considéra ble des points de vue et une réflexion toute nouvelle au sujet des juifs. C'est de cet'effort de rénovation de la pensée chrétienne sur les juifs et le judaïsme que sont nés la déclaration Nostra Aetate et tous les commentaires qui, depuis 1965, en ont approfondi et précisé le sens. Les théologiens et les pasteurs n'ont pas fini de scruter le mystère de ce peuple dont les destinées traversent les millénaires de l'histoire. On écrira certainement encore beaucoup d'ouvrages sur les juifs mais, désormais, il est probable qu'on ne trouvera plus de ces traités advesus judaecos dont les bibliothèques d'autrefois étaient si abondamment pourvues. René MOULINAS Rene MOULINAS, agrégé d'histoire, docteur ès-lettres, maître-assistant au Centre universitaire d'Avignon, a soutenu en 1979, à Aix-en-Provence, une thèse de doctorat d'Etat sur l'histoire des anciennes communautés juives d'Avignon et du Comtat. Il a publié, en ~eptembre 1981, dans la collection Franco-Judaïca, Privat (Toulouse) Lesjuif's du pape en France. Catherine PAUÇHET LES PRISONS DE L'INSECURITE Les taulards et leurs prisons. Vie, violences, exploitations. Quelles réformes possibles? Collection «Comprendre pour agir» 22384 - 204 pages - 56 F Le XXXVe Festival international du film a été un fantastique brassage de cultures avec, pour la première fois, la Chine, Cuba et le Portugal. Et la surprise de Yilmaz Guney, Yole - CANNES 82 Il'INERAIRE AU COEUR DU MONDE De notre envoyé spécial Jean-Pierre GARCIA Des Turcs à Cannes, Guney n'était pas seul. E n choisissant de projeter en ouverture Intolérance de David Ward Griffith, les organisateurs du xxxve Festival de Cannes ont fait plus qu'honorer l'un des chefs d'oeuvre de la cinématographie mondiale. Ils ont également salué l'audace d'un réalisateur qui, durant les années bellicistes de 1914-1918, a osé faire un film pour la paix et le respect des autres. Ce festival, signe des temps cinématographiques nouveaux ou effet obligé du changement, a fait, tant dans la sélection officielle que dans les sections parallèles, une large part aux cinémas du Tiersmonde et aux oeuvres des jeunes auteurs. Ce qui a provoqué bien des grincements de dents du côté de ceux pour qui, hors le cinéma américain, il n'est point de salut. La première surprise que nous a réservée ce festival fut la projection de Yol du cinéaste turc Yilmaz Guney - la participation de Yol n'a été annoncée qu'à la dernière minute pour des raisons de sécurité bien compréhensibles. Rappelons l'itinéraire courageux de cet homme. Avant de devenir metteur en scène, Yilmaz Guney fut d'abord comédien. Il renonça au statut de superstar qui était le sien pour bâtir une oeuvre d'essayiste, de romancier et de cinéaste, qui lui valut très vite des démêlés innombrables avec les autorités de son pays. Guney était en prison depuis sept ans quand, à la fin de 1981, il s'évada. Le cumul des condamnations dont il a fait l'objet le mènerait à passer plus de cent années de sa vie en prison. Emprisonnement n'a pas signifié renoncement. Guney a écrit les scénari du Troupeau, de Dusman (l'ennemi) et de Yol. A partif. d'un découpage extrêmement précis, des réalisateurs amis, réussissant à tromper la censure, ont donné vie à l'oeuvre de Guney. Yol signifie la voie (au sens littéral du terme) mais il peut se traduire également par la direction, la solution. C'est l'itiné- 38 raire de cinq prisonniers qui ont une permission d'une semaine pour visiter leur famille. La misère de ces hommes est le reflet fidèle du drame du peuple turc. Film authentiquement politique, il ne s'attaque pas pour autant de manière directe au régime militaire et à la répression. Il s'appuie sur le vécu de nombreux prisonniers, compagnons de Yilmaz Guney. Les personnages du film possèdent une authenticité psychologique étonnante, tout en ayant une force symbolique évidente. Ainsi, ce prisonnier kurde qui retourne dans son village pour y retrouver la répression contre son peuple encore plus dure qu'avant son départ; et cet homme (interprété par Tarik Akan, acteur principal du Troupeau comme du Chemin defer) dont la femme s'est prostituée pendant un temps, et de qui tout le monde attend qu'il lave, dans le sang, l'honneur de la famille. Le film de Yilmaz Guney nous parle de situations désespérées . Il est pourtant un cri d'espoir. « Faire des film s, déclare Guney, c'est l'unique condition de mon existence. Mes jilms sont le signe d'une contestation. Les murs des interdits ne peuvent être franchis autrement qu'en les piétinant. C'est pour cela que je fais mes films H. Yol est le message d'un artiste que la prison n'a pas pu étouffer. Il est riche d'expressions comme : « Cesse de parler de malheur, il faut espérer, tu m'entends

'» ou « Je suis partagé entre la

pitié et la haine H. Yol demande, d'une manière magistrale, à son peuple comme à tous les autres, de refuser le poids des traditions, quand elles oppressent, et des interdits. Voyages ... Si un festival de cinéma est une invitation au voyage, celui de Cannes l'est doublement cette année: par les pays si divers qu'il nous fait découvrir, par l'abondance du thème du voyage dans les films présentés. Pour la sélection, c'est La Nuit de Varennes d'Ettore Scola : une diligence roule de Paris à Varennes et

~ 1 Dakhal. .. La vie d'une tribu indienne. nous mène de l'ancien régime monarchique à la république; La Nuit de San-Lor. enzo, de Paolo et Vittorio Taviani (ItaIle): l'errance des habitants d'un petit vil.lage italien qui, à la fin de la guerre, fUIent les fascistes et les soldats allemands

Missing, de Costa Gavras (Etats-

Unis) : la descente aux enfers d'un homme d'affaires américain à la rech. erche de son fils disparu parce qu'il en salt trop sur un coup d'Etat militaire à la chilienne; l'Ile des Amours, de Paulo Rochas (Portugal) : la tentation de l'Orient dans l'imaginaire et la vie des grands voyageurs et marins portugais depuis le XVIe siècle; Fitzcarraldo, de Wernerl Herzog (RFA) : un conquérant ~e l'inutile qui, au Br.ésil, transporte un Immense et symbolique bateau d'un fleuve à un autre par-dessus une montagne

Moonlighting, de Jerzy Skolimowsky

(Grande-Bretagne) : l'errance de quatre travailleurs polonais, immigrés temporaires, à Londres, en décembre 1981 ; L'Invitation au voyage, de Peter deI Monte (France) : la recherche de l'être aim~, p~r-.delà la mort, en un long parcours initiatique. L'errance est tout autant présente dans les sections parallèles avec Bolivar, Symphonie tropicale de Diego Risquez (Vénézuela): l'histoire de l'Amérique andine, de la conquête espagnole à « l'indépendance », au travers du personnage quasi-mythique de Bolivar, parcourant et libérant ces terres colonisées; Elia Kazan, l'Outsider, d'Annie Tresgot (France) : «Jesuis un homme entre deux mondes», déclare l'auteur d'América, América ,'; Dakhal, de Goutham Ghose (Inde): la vie quotidienne d'une tribu nomade indienne, les Kakmaras et de l'une de ses filles qui essaie de posséder une terre dans un système semi-féodal ; Le Festival, c'est plus de 500 films présentés en douze jours et 'aussi quelque 40000 participants dont 3000 journalistes. La Voile enchantée, de Gianfranco Mingozz (Italie) : dans l'Italie fasciste deux frères v0!1t de village en village, 'projetant des films muets; ils s'interrogent sur le sens de leur vie et sur celui des images qui défilent sur leur toile magique; Family Rock, de José Pinheiro (France) : deux adultes et leurs deux enfants partent sur les routes avec un autocar et un manège achetés d'occasion, mais quand on n'est pas né dans le voyage, même si on est très sympathique, les choses sont loin d'être simples; Transit, de Takis Candilis (France) : un routier prisonnier en Turquie est libéré grâce à une animatrice de radio; ils se rencontrent ' L'ombre de la Terre, de Taïeb Loui~hi (Tunisie): les derniers membres d'une communauté vivent dans un campement frontalier isolé, la misère fait partir les enfants à la ville, à l'armée, à l'étranger. « Tissés dans le même fil » DIFFÉRENCES N° 12-13 JUIN-JUILLET 82 A la question: « Est-ce que vous établissez un lien entre vos films et ceux des cinéastes d'Amérique' latine et d'Afrique ? », Yilmaz Guney répondait que, tout comme lui , ils n'ont pu, dans la majorité des cas, tourner librement même si, par ailleurs, il pensait que les auteurs du monde libre ne le sont pas autant qu'il n'y paraît. « Bien que je n'ai pas pu voir l'essentiel de ces oeuvres, car . ." . .. . ' .1 ~ta~s en prison, .le peux dire que ces ~ reahsateurs et moi, nous sommes tous tissés dans le même fil », Yilmaz Guney", Des films par procuration, 39 • Deux films se détachent de la production africaine proposée à Cannes, cette année: Djum, d'Ababacar Samb (Sénégal) et Fin.l'é, de Souleymane Cissé (Mali). Djum signifie dignité, courage, l'essentiel de ce qui doit animer l'homme. Autour du personnage d'un conteur traditionnel, est brossé, par A. Samb, une large fresque qui mêle passé colonial et luttes actuelles (grèves, actions contre la bureaucratie ... ). Malgré le thème déve- 10ppé,Djom n'est pas un film militant, il est plus exposition de problèmes que démonstration. C'est peut-être là que se situe la faiblesse du film. L'ensemble manque de cohésion. L'admi.rable utilisation des couleurs et des clairs obscurs sauvent le film. Finl'é pose, avec un rare courage, la quéstion des relations complexes entre l'ancien pouvoir et le nouveau, entre l'Afrique des chefs traditionnels et celle des militaires occidentalisés et corrompus. Au-delà de ses aspects événementiels (la répression très violente d'une grève ,de lycéens, la torture et les travaux forces), Finl'é nous touche par la force des symboles qui le lient à l'essentiel .de l'âme africaine. Ainsi, la calebasse vide sur l'a tête de la femme seule, la calebasse pleine d'eau offerte par un enfant - image traditionnelle de l'échange et du partage, du respect d'!lutrui et de la transmission des connaissances. Ou encore, le vent, symbole même du mouvement, compose et rythme le film. Vent ~e l'esprit qui, tantôt dérange et tantôt Unit. Vent du renouvellement qui efface les erreurs passées ~t ren~ caduc le p.~u~oi~, les pouvoirs clOisonnes de la ~o~lete. FI~ n.l'é fait appel à la jeunesse afn,c~l~e et lUi demande clairement de se defmlr entre les deux mondes qui l'entourent. Il confirme la place originale tenue dans la cinématographie africaine par Souleymane Cissé. En sélectionnant Kisapmataet Batch81, de Mike de Léon, la Quinzaine des réalisateurs nous rappelle opportunément la vitalité du cinéma philippin, malgré la censure terrible exercée par le président Marcos vis-à-vis de toute expression politique critique. Mike de Léon est .. pour de nombreux participants du Festival d.e Cannes, une découverte étonnante à l'Image de celle occasionnée précédemment par Manille, Insiang (actuellement diffusés en France), Jaguar. Bau'h 81 décrit le phénomène des confréries étudiantes fort en vogue depuis les années quarante aux Philippine.s. Ces sectes, de type autoritaire et faSCiste. se camouflent sous une façade de fraternité et d'égalité entre ses membres. La violence qui y règne est présentée crûment, à un t~l point, diront certains, qu'elle pourrait paraître complaisan.te, tant physiquement que psychologiquement. Batch 81, comme Ksapmata, nous font entrer de plein pied dans la réalité complexe des Philippines. J.-P. G. numéro spécial LA COOPERATION • des témoignages de COOPERANTS, ce qu'Ils retirent de leurs expériences, les côtés positifs, les pièges à éviter. • une réflexion sur la COOPERATION. Que penser de cetle forme cc d'aide»? Ses ambiguïtés. Son avenir. • une analyse de la nouvelle politique de la France en matière de COOPERATION. • des INFORMATIONS PRATIQUES pour ceux qui veulent partir. Le n° 12 F. ABONNEMENT 1 AN: 120 F (avec 2 numéros spéciaux) croissance d .... rf'unp ... " .. I.on .. BULLETIN A RETOURNER A C.J.N.-DEV., 163, bd Malesherbes 75859 Paris Cedex 17 Règlement joint à l'ordre de C.J.N. nom ............... ... ............................................ . adresse ..... ...................... .................... ......... . • désire recevoir le n° 237 (numéro spécial) 12 F 0 • s'abonne pour un an (comprend 2 numéros spéciaux) offre spéciale 12 nO: 120 F 0 40 oulevard Bineau, à Neuilly-sur- B Seine: les jardins des immeubles donnent sur les marronniers de la rue. Au 102, on donne une party sur la terrasse. Au 96, le lycée d'enseignement professionnel. Le LEP, d'habitude, ça va avec la ZUP : fleuron de la réforme Haby, c'est un peu le cachot noir du système

« Si tu ne fais pas tes devoirs, tu

finiras au LEP!». C'est là qu'on retrouve tous ceux que la sélection égrène, tous ëeux qui ne pourront pas pousser jusqu'au bac. Quand elles sont arrivées au LEP, les élèves étaient méfiantes (pour la plupart, les LEP ne sont pas mixtes), avec l'impression d'être déclassées, parquées à l'écart de la voie royale: « Ma soeur et moi, on lait la même spéci~lité, mais elle va le faIre avec le bac. mOI au LEP. Du coup, 'elle est mieux considérée » dit Aicha. C'est pourquoi l'un des premiers objec: tifs du projet d'action éducative propose par l'Institut coopératif de l'école .moderne (pédagogie Freinet) sous la dlr~~tion de Marie-Claude San Juan se deflnit ainsi: Changer /'image culturelle que le public se fait des LEP. Pour. cela, les élèves de nombreux LEP organisent une exposition de mille P?èmes-affi.:hes, écrits par eux et un festival de theatre, sur leurs propres textes. Plus de deux mille élèves sont concernés. Mais encore faut-il sortir du ghetto, et ne pas se contenter d'un spectacle de patronage, pour les copains e~ leurs parents. Le danger a été évité, mais non sans mal. Hourrya : « Les adultes nous gênen~. Ils nous jugent. Entre nous, on peut dISCUter sur ce qu'on lait, mais on n'est pas atteinte quand quelque chose qu'on a joué est mal ressenti. » Pourtant, Hourrya refuse de porter un masque pe?da~t la représentation: « Tout ce que .Je fats avec mon visage, ça va se perdre?» Nabile Farès, animateur du Théâtre de la Porte d'Aix, qui participe à l'expérience, confirme cet engagement: « Elles ne trichent pas ... ». Cette existence soc.iale, hors les murs, elles en ont peur, mais ne la refusent pas. Aïcha: « C'est une revanche du LEP. On crée quelque chose, et on le montre. » Beaucoup d'élèves concernés par ce projet sont enfants d'immigré~. C'~~t l'aspect le plus important de 1 expenence : ce travail se veut multiculturel, pour rendre compte de la diversité culturelle des LEP et répondre au désir des élèves de parler de leurs histo!re~ dif~ére~tes. La richesse des textes ecnts temolgne du succès de l'entreprise: dans le recueil publié, quelques poèmes en vietnamien, e!l espagnol, mais surtout des texte~ enracInés dans des modes de perceptIOn, des expériences différentes. A la répétition, Nacéra suggè~e de jouer son texte sur fond de percussIOns: « Tu sais un delbouka, ça veut dire: qui tape ... Je ne sais pas le dire en/rançais. - En quelle langue, tu le sais, alors? » On LA POESIE RETOURNE A L'ECOLE Une revanche. On crée quelque chose. se moque de ses hésitations à citer le mot arabe. Le fait que Nabile Farès soit algérien a fait tomber beaucoup de ces réticences. En fait, la confrontation des cultures différentes a mis en évidence d'autres différences. On a vite dépassé les oppositions entre cultures française, algérienne, espagnole ... pour s'apercevoir que les cultures étaient multiples à l'intérieur même des entités géographiques habituelles. C'est sans doute le plus grand succès de ces élèves: le problème, pour ces enfants nés en France, n'était pas seulement de retrouver un pays perdu, mais de se saisir soi-même comme le lieu de coexistence, parfois difficile, de plusieurs cultures, en fait de définir sa propre identité. Ça n'a pas été facile. Aïcha termine son poème sur l'Algérie ainsi: « Je ne suis pas un écrivain mais un sentiment: celui d'un arbre qui a perdu ses racines. » Au début, les poèmes, c'était « bon pour l'école primaire». Ou bien c'était trop difficile pour elles: beaucoup se perçoivent, et ont été perçues comme mauvaises en français: « C'est normal s'il y a des fautes, c'est moi qui l'ai écrit ». Enfin: « Je pourrais écrire des poèmes, mais ça donne toujours des trucs bidon. » Après un long travail de déblocage, parfois inspiré de procédés surréalistes comme l'écriture automatique. Le Noir est ma couleur Je voudrais rester ton amie noire est ma couleur blanche est ta couleur mais je voudrais rester ton amie ne me renie pas je suis ton amie souvent tu cèdes la parole de tes parents t'ensorcèle te harcèle Je suis ta souffrance tu me portes en ton âme Je soufflerai dans ton oreille mais je ne te contraindrai pas libre tu es, libre tu resteras noir seul est ma couleur pleure tu en as le droit aide les tiens à nous comprendre et tu te soulageras toi-même acide deviendra ta vie ~ douce elle retournera ~ car tu n'oublieras jamais que je voudrais rester ton amie, ta moitié. Aïcha F. Le festival création adolescents se tiendra du 10 au 12juin 1982, salle Jean-Damme, 21, rue Léopold-Bellan, 75002 Paris. L'exposition des poèmes-affiches circulera dans Paris. Renseig., tél. : 326.64.53. Le texte du projet d'action éducative est dans le numéro 9 de la revue L'Educateur (février 1982). « les mots se sont bousculés afin de prendre place sur le papier ». Elles ont cessé de se méfier de la langue: « On a appris à dire ... » Et surtout à parler d'elles. « Au début, quand quelqu'un ressentait d!ffëremment les choses, on laissait tomber. Maintenant on tient plus à ce qu'on a écrit, on se d~lend mieux. » Bien sûr, tout n'est pas gagné: dans les débats, en classe, émergent encore les lieux communs, les blocages d'origine raciste. Et là encore, parfois, on « laisse tomber » : « On n'a pas encore appris à . bien s'écouter ». Le racisme d'une société ne se dissout pas dans une expérience, mais on en parle plus, et surtout on parle de soi: on les avait si peu écoutées jusqu'à maintenant qu'elles avaient abandonné l'idée de se faire comprendre. Elles acceptent maintenant de se dire et de se jouer. Jean-Michel OLLE vous aide à recevoir sans problèmes et sans soucis. 20, rue d'Austerlitz 87000 StraSbourg T.'. 38.05.17 ou 18 41 Il vous compose vos menus, met le couvert, prévoit les fleurs, la musique, les garçons et maitres-d'hôtels, si vous le souhaitez. Lu Vu Entendu §§§§§§§§§§§ DIFFÉRENCES N" 12-13 Jl1IN-JlJILLET 82 LIVRES Complots contre la démocratie - Les multiples visages dufascisme, par Marie-José Chambart de Lauwe, édité par la Fédération nationale des déportés, internés, résistants, patriotes (FNDIRP). Dans un petit livre, remarquablement documenté, l'auteur utilise toute sa rigueur et sa sensibilité de militante et de sociologue pour nous montrer les manifestations les plus concrètes des disciples attardés du Führer. Comme aussi la filiation entre les groupes néonazis et les falsificateurs de l'histoire (Faurisson ... ) avec une partie de la pègre~ certains milieux d'affaires , la police, la droite parlementaire et les « penseurs » de la nouvelle droite. P.K. Grands moments de l'histoire juive, par Théophile Grol, Ed. Français réunis. Notre siècle est marqué par le génocide et la naissance de l'Etat d'Israël. Cela incite bien du monde à apprendre l'histoire des juifs. Les lecteurs trouveront le martyrologe et les luttes des juifs depuis les temps de la Bible. Vietnamiennes au quotidien par Françoise Corrèze - Préface de F. Yandermeersch. Ed. L'Harmattan. La paix est rétablie mais nombreuses sont les difficultés rencontrées par la femme vietnamienne. Françoise Corrèze qui a été professeur à l'Ecole des langues de Hanoï, retourne au Yietnam en 80 pour nous apporter les images de la vie journalière du pays. Sous nos yeux se déroulent les villes, Saïgon belle, vivante, Hanoï qui vous entre dans le coeur, peu àpeu S'}! installe, Hanoï tissé de vélos avec ses vendeuses de cigarettes sur les trottoirs, ses balayeuses, ses logements aux cours intérieures et la lente montée d'immeubles neufs. Témoignages aussi de femmes qui abordent le problème de leur libération dans une société retardée, donnent leur sentiment sur le mariage, l'amour, les études et les situations encore réservées aux hommes. F. Corrèze qui nous avait habitués à d'émouvants récits-vérité, donne dans ce livre peut-être le meilleur d'elle-même. Elle vient également de publier chez le même éditeur une Anthologie de la lillérature populaire du Vietnam en collaboration avec Hun Ngoc. A.L. Désenchantement national, par Hélé Béji. Ed. Maspéro. Dès les premières pages on est saisi par l'excellence du style, sa viva- PRONU~lJl5 Mille et une façons de dire oui ... Venez découvrir notre collection exclusive de Robes de Mariées dans la boutique PRONUPTIA la plus proche de chez vous. cité, le don de l'auteur pour nous faire adhérer à ses convictions. « Citoyenne de la décolonisation », Hélé Béji~ ancien maître assistant à la Faculté de Tunis, confie ses sentiements intimes des raisons de (c la dégradation politique », non seulement dans son pays, la Tunisie, mais dans tous les pays du tiers-monde. Ce livre est sans doute l'un des premiers à donner une vue lucide des difficultés qui assaillent les pays de l'Afrique indépendante. A.L. Ignescent par Hedi Bouraqui. Silex Ed. L'auteur, Tunisien d'origine, a vécu en France, aux Etats- Unis et au Canada. Dans Ignescent , brisant les barrières géographiques, il s'intéresse à tous les exploités, à la misère des immigrés maghrébins « trimant pour la gloire tricolore se faisant assassiner comme des Ambassadeurs de l'Etoile ». Sa poésie se sert du verbe pour dénoncer, accuser. Les oeuvres de Bouraqui, pleines de sensibilité, d'originalité, ont suscité un grand intérêt dans la presse internationale. A.L. L'art musulman, par Georges Marçais, éd. Quadrige/ Puf. Cétait une bonne idée de rééditer en format poche l'étude, épuisée, de l'un des meilleurs connaisseurs de l'art musulman. A travers tout le monde musulman, il y a des constantes qui donnent un air de familiarité à l'aire géographique comprise entre l'Espagne et l'Indonésie. Mais une très grande variété de styles, selon les époques et les pays n'en existent pas moins. Grâce à ce petit livre, les secrets des styles iranien, turc, andalou, maghrébin et leurs rapports avec les autres arts contemporains, vous deviendront aussi familiers que ceux qui existent entre gothique et roman, baroque et renaissance. Y.T. DISQUES 1 Winayaqui 2, par Bolivia Manta Wilka 13579 - Album 2 disques. Les musiciens indiens boliviens de Bolivia Manta viennent d'obtenir le Grand Prix de l'Académie Charles Cros pour cet album. Reconnaissance de leur authenticité et hommage rendu aux peuples des Andes. R.P. Flûtes de pan, Emi-Odéon, Collection UNESCO « Musical Atlas » nO 18528 (Pathé). La vraie musique des Indiens Quechua et Aymara des Andes, enregistrée sur place entre 1955 et 1973. Des musiques inouïes qui effacent sans rémission toutes ces années de fausses flûtes indiennes dont les Européens ont été inondés. R.P. REVUES L'Educateur nO 8. Le « droit à la différence » est un peu le thème de ce numéro. On s'appuie sur la pratique de la correspondance scolaire entre classes ou le journal scolaire, puis on s'ouvre vers l'extérieur pour découvrir ce qui se passe aux PaysBas, en Espagne, en Allemagne ou pour écouter des militants bretons ou un instituteur chanteur occitan . (Institut coopératif de l'école moderne. Pédagogie Freinet, 189, av. F.-Tonner 06322 Cannes la Bocca). Notes réalisées par Annie LAURAN, Yves THORA VA L, Robert PAC", Pierre KRA lISZ. «PUBLIMA» 42 17. RUE DE W1SSEMBOll RG 67000 STRASBOURG T ~ L ~ P HON E (88 J 32. 66. 74 LA PUBLICITE PAR L' ÉTIQUETTE LE TABLEAU ET L ' OBJET CADEAUX D'AFFAIRE ET DE FIN D'ANN'ËE 2 ju.in o Centre Georges Pompidou: cinéma-document: De sol à sol, témoignages de paysans portugais sur la réforme agraire (1976), à 18h. 9 juin: Terra de Abril (1976). 16juin : A terra Torre Bela (1978). 23 juin: Chroniques d'immigrés ( 1980). 3 juin o Centre Yarenne: soirée autour du livre d'Odile Naudin Loubards sans fard, à 20h30. 10 juin : Redonner une chance à des délinquants à partir d'exemples de l'Atelier d'informatique dijonnais, à 20h30. (Rens. : 18 rue de Yarenne, 75007 Paris, tél. 222.18.56). 4 juin o Modeste proposition concernant les enfants des classes pauvres, d'après Jonathan Swift, présentée par le Théâtre inachevé au Centre culturel municipal de Levallois Perret, 83-99 av. Paul Yaillant-Couturier. (Rens. : 270.83.84). 4/5 juin o Nuit de la paix, organisée par Pax Christi à la veille de l'ouverture de la session spéciale de l'ON U sur le désarmement. Nuit de prières à Saint-Gervais à partir de 21 h. (Rens. : Père Robin, tél. 331.05.25, le matin). 5 juin o Gala-meeting de solidarité internationale à l'Hippodrome de la Porte de Pantin, à l'occasion du Y Festival des travailleurs immigrés. Participation de nombreux mouvements de libération, chants, musique, stands, crèches. (Rens. : Maison des travailleurs immigrés, 46 rue de Montreuil, 75001 Paris, tél. 372. 75. 85). 5/13 juin .0 Focale 5 présente deux reportages audiovisuels de Pierre Brouwers à travers trois villes des Etats-Unis: San Francisco, New York, Los Angeles, au Musée des arts décoratifs et au Palais de Chaillot, heures variables. (Rens. : 263.05.99). 6 juin o Cérémonie en hommage aux combattants juifs morts pour la France, organisée par l'Union des engagés volontaires et anciens combattants juifs, devant le monument aux morts au cimetière de Bagneux-Parisien, sous le patronage de M. Jean Laurain, ministre des Anciens combattants. Rendez-vous à 9h devant l'Hôtel Holliday Inn, place de la République à Paris. (Rens. : 277. 73.32). ACAT action des chrétiens pour l'abolition de la torture à-travers de s documents de première main et de s t émoignages, üne r é flexion concrète à la lumi è re de l'Evangile EN SOUSCRIPTION-Parution Eté 82 un vol ure 84 p. -4ooul eurs--grand fomet prix uni t aire 49 F frais de port f o rfa itaire 11 F commandes et chèque s à ACAT-Publications 252 rue Saint-Jacque s-75005 PARIS PRËT A PORTER FÉMININ gerord polonr "p ~ 130, Rue Réaumur - 75002 PARIS Tél. : 236.91.15 43 DIFFÉRENCES NU 12-13 JUIN-JUILLET 82 7/12 juin o Ecritures de femmes, présentée par le Théâtre ouvert au Jardin d'hiver avec la participation de France Culture, de 18h à 24h. (Rens. : 255.74.40). 8 juin o Trappes : projection du film La mémoire courte (1982) suivie d'un débat avec le réalisateur Edouardo Gregorio, à 20h. (Rens. : Le Grenier à sel, rue de l'Abreuvoir, 78290'Trappes, tél. (3) 062.84.38). Il juin o Réunion publique, au Centre universitaire d'Assas (90 rue d'Assas, Paris 6C) à 19h30, organisée par le MRAP, la Ligue des Droits de l'homme, l'Association Henri Curie!. Sous la présidence de M. Albert Jacquard, prendront la parole: MM. Jacques Lambalais, Association Henri Curiel, Albert Lévy, secrétaire général du MRAP, Henri Noguères, président de la Ligue des Droits de l'homme, Charles Palant, vice-président du MRAP, Mme Madeleine Rébérioux, vice-présidente de la Ligue des Droits de l'homme. 12 juin o Le Comité du Souvenir à la mémoire des fusillés du Mont Yalérien organise, à 15h, un rassemblement au Mémorial de la France combattante, en hommage aux 4500 fusillés derrière les murs de la forteresse. o Dans le cadre des YIC Soirées de Saint-Aignant, récital de piano de Michel Benhaiem : Bach, Schubert, Chopin. Debussy. A 21h, à l'Hôtel Saint-Aignant, ICOMOS, 75 rue du Temple, 75003 Paris. DEls Comediants, troupe catalane, présente Demonis à 22h dans le quartier des Bleuets à Créteil. (Rens: Maison de la culture de Créteil, tél. 899.94.50). 13 juin o Y Festival des immigrés de la région de Versailles, au CentreHuit, 8 rue de la Porte-de-Buc à Yersailles, de 12h à 20h. Organisé par des immigrés et diverses associations (ASTI, M RA P, Centre-Huit, etc.), ce festival présente chants et danses du Maghreb, de l'Espagne, du Portugal, films et buffet chaud. 19 juin o Colloque : dix ans après, le bilan d'application de la loi contre le racisme du premier juillet 1972, organisé par le MRAP avec le concours d'éminentes personnalités. De 9h à 18h, salle Médicis, Palais du Luxembourg, 15 rue de Vaugirard , 75006 Paris. (Invitations et rens . : MRAP, 806.88.00). o Argenteuil : l'exposition Braque et ses amis, ouverte depuis le 5 mai, ferme ses portes. Eaux fortes et lithographies marquent le centième anniversaire de la naissance de Georges Braque dans cette ville. Galerie du Centre culturel, 3 rue des Gobelin.s._ 20 juin o Marche à Paris contre l'escalade nucléaire à l'appel d'une centaine de personnalités de tous horizons qui considèrent que la voix de la France doit se faire entendre haut et fort pour dire : la ruineuse et dangereuse escalade nucléaire, ça su.ffit .' Négociation et réduction de tous les armements. c'est la voie de la raison. Désarmement. progrès social et développement, nous choisissons' Le Mouvement de la paix et la CGTs'associent à cette initiative. 23 juin o Libre parcours de la musique arabe, soirée organisée par France-Culture à 20h45 au Grand auditorium de Radio France (116 av. du PrésidentKennedy, Paris 16, tél. 524.24.24). 1 er juillet o Ouverture de la session intensive d'étude de l'arabe dialectal maghrébin (60h de cours). Participation

700 F (1 500 F pour

entreprises) organisée par AIphatis- maghrébin. (Rens. : 27 rue de Chartres, 75018 Paris). r------------------------------K~·Charles 10 janvier 2012 à 15:26 (UTC)----------~ Jaep machine. • coudre et matériel textile. siège et bureaux : 17. route . du petit-rhin boite postale 90 67017 strasbourg cédex tél. (88) 61.63.66 télex 890 145 A dire vrai, le débat de ce mois-ci est fort peu contradictoire. C'est qu'aucun de ceux qui doutent de la nécessité de désarmer n'ont tenue à s'exprimer dans nos colonnes, malgré nos sollicitations. Nous tairons pudiquement leurs noms. De fait, ce refus confirme l'importance que prend cette exigence depuis quelques temps: en Europe, des millions de personnes se sont rassemblées pour s'opposer à l'escalade de l'armement. Le mouvement gagne les Etats-Unis, et l'Organisation des Nations unies tient une session spéciale sur ce sujet à partir du 7 juin. J.M.O. - LE DESARMEMENT, BONNE C- ONSC.IE-NCE OU NECESSITE? Sean Mac BRIDE Prix Nobel de la paix N OUs vivons la situation la plus dangereuse de l'histoire de l'humanité. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, la moralité publique et privée s'est complètement effondrée, au moment même où l'homme réussissait à mettre au point l'arme ultime, celle capable de détruire l'humanité toute entière. On dépense 1,2 millions de dollars par minute dans le monde pour fabriquer des armes, mais à ce jour, per~ sonne n'a encore trouvé le moyen de détruire une arme nucléaire. On a mis un génie dans une bouteille, on ne sait pas comment s'en débarrasser. Il n'y a pas de danger actuellement qu'une guerre éclate. Le danger le plus grand provient de l'accumulation ellemême. Dans l'état actuel des choses, celui qui appuierait le premier sur le bouton aurait un avantage de 30 % : la tentation est grande ... Pourtant les puissances continuent à dépenser d'immenses ressources pour la recherche et le développement d'armes nouvelles, pire que celles existantes. De fait, les hommes ont essayé, depuis 1945, les moyens d'éviter une troisième guerre mondiale. En 1962, l'ONU apromulgué dix-sept principes susceptibles d'éviter cette guerre. Cela impliquait un projet de désarmement général et complet, sur lequel tout le monde était d'accord. Devant les oppositions, on a fini par mettre de côté la question du désarmement dans les organisations internationales. Une session spéciale de l'ONU en 1978, consacrée au même problème est arrivée aux mêmes conclusions. Depuis, on a triplé la cadence mondiale de production annuelle d'armement. Une nouvelle session spéciale aura lieu en juin 1982. Ici en France on n'en parle pas. Personne ne semble analyser cette situation. Vous, les Français, qui aimez tant la vie, vous devez contribuer àfaire cesser cette obscénité qui consiste à continuer d'armer le monde en risquant de provoquer une troisième guerre mondiale. Michel LANGIGNON Secrétaire national du mouvement de la paix D epuis longtemps, les Etats cherchent à assurer leur sécurité par la possession d'armes. II faut bien reconnaître d'ailleurs que, dans certains cas, c'est effectivement parce qu'ils pouvaient compter sur des moyens de défense appropriés qu'ils ont survécu. Mais de nos jours, l'accumulation d'armes, en particulier d'armes nucléaires, constitue plus une menace qu'une protection pour l'humanité ». C'est en ces termes que l'ONU s'adressait aux pays et aux gouvernements, en juillet 1978. 44 L'ère nucléaire a en effet changé les données de la guerre: des millions de morts, sur plusieurs continents, en quelques minutes et les survivants promis à une longue agonie. La guerre nucléaire limitée en Europe est une vue de l'esprit de M. Reagan. C'est avant, qu'il faut agir pour empêcher son déclenchement. Après, il serait trop tard et des générations seraient décimées. Agir avant, c'est-à-dire, tout de suite. Depuis la bombe atomique, lancée par Truman sur Nagasaki, le 9 août 1945, on a construit en moyenne chaque jour, cinq bombes nucléaires et l'on arrive au stock effrayant de 60 000 bombes nucléaires (5 tonnes TNT par habitant de la planète). C'est trop! Beaucoup trop. II ne faut plus en rajouter mais en réduire partout le nombre et la puissance. Dans de nombreux pays, les opinions publiques ont pris conscience du terrible danger. Après les grandes manifestations de cet automne (3 millions dans les rues des villes d'Europe), les cent douze Marches de Pâques en R.F.A. (500 000), les manifestations de Comiso et de Milan (100000 personnes en Italie), celles de Glascow en Ecosse, de Chicago et de Vancouver, témoignent de la force du courant populaire en ce printemps 1982, qui gagne à pas de géarit de larges secteurs de l'opinion publique américaine. Après le rassemblement de la porte de Pantin, cet automne, 700 000 Français ont approuvé l'Appel de Paris à ce jour et ont fait de Nîmes, les 21-22-23 mai, la capitale européenne de la paix à l'occasion du premier Festival de la Jeunesse pour la paix et l'amitié. La deuxième session extraordinaire des Nations unies sur le désarmement (7 juin - 9 juillet) sera cette fois placée sous la vigilance attentive de l'opinion publique qui exige l'arrêt de la course aux armements, le réduction puis la destruction des euromissiles, des mesures concrètes de désarmement. Toujours plus nombreux sont ceux (55% des Français selon un récent sondage), qui ne croient plus au vieil adage « Si tu veux la paix, prépare la guerre ». Ils sont convaincus au contraire, avec le pape Paul VI, que « la paix a besoin d'autres armes que les armes ». II faut apprendre à penser autrement en matière de sécurité, nous crient par millions les jeunes. Il n'y a pas d'autres choix, aujourd'hui, pour les Etats que de négocier pour réduire de façon équilibrée. les armements. L'amiral Antoine SANGUINETTI L , humanité dépense de plus en plus d'argent à créer les moyens de sa propre destruction. Un milliard de dollars par jour dans un passé récent, un et demi aujourd'hui, deux dans un avenir proche. Les riches, bien sûr, mènent la danse. Pendant ce temps, des milliards d'hommes souffrent, des millions crèvent de faim, des gosses, un peu partout, meurent silencieusement. Les riches le déplorent, et ' compatissent; mais ils n'ont pas assez d'argent pour leur venir en aide, car leurs rivalités ou les arrièrespensées, les forcent à dépenser de 4 à 8% ou même 12 % de leur produit national brut respectif pour la sécurité. Alors, où trouver les 0,7 % qu'ils avaient promis pour l'aide aux déshérités? Mais ils y pensent, et d'y penser donne déjà bonne conscience. Et pourtant, on avait pu espérer au milieu de la décennie 70 que les hommes reviennent à la raison. II avait été question de détente jusqu'à ce que reprenne la course aux armements, en 1979, par le refus américain de ratifier les accords SALT, et par l'affaire des Euromissiles. Les deux sont aussi absurdes puisque les hommes ont déjà accumulé, de part et d'autre, plus d'armes qu'ils n'en. pourront jamais utiliser sans détruire l'espèce. Les comptes d'apothicair~ autour de l'équilibre, et la reprise forcenée du gaspillage pour construire l'apocalypse, n'ont plus aucun sens militaire. Cela dit, on pourrait s'en accommoder, comme depuis 1945, s'il ne s'ouvrait pas'de nouvelles perspectives. Car pour la première fois, dépassant la dissuasion, des discours au sommet parlent d'une guerre nucléaire possible, ou probable, limitée à l'Europe. Pour les Européens, qui sont la masse humaine la plus dense de la planète, cette hypothèse signifie leur destruction, sans espoir de survie, et c'est sans doute ce que cherchent certains. Mais le danger s'étend en fait à toute l'humanité, par contamination. Les boute-feu irréfléchis qui mènent le jeu n'ont pas mesuré la nature spécifique, et cataclysmique, de l'atome. Rompre leur logique fatale est donc une nécessité de survie pour tous. On ne désarmera pas d'un coup de baguette magique, et le déciderait-on qu'il faudrait des dizaines d'années. Mais si l'on inversait, si peu que ce soit, le processus, on recréerait un espoir d'avenir. Et cela en vaut la peine! Alain JOXE Professeur à l'école pratique de Hautes-Etudes L a course aux armements est arrivée, entre les deux superpuissances, à un tel niveau de dépenses et d'accumulation de capacité de destruction qu'on débouche aujourd'hui dans l'absurde et que le désarmement, enfait, cesse d'être un impératif" humaniste pour devenir un impératif économique et militaire. Cette constatation n'est pas purement optimiste. On va voir en effet que le désarmement nucléaire des deux Grands peut très bien accompagner, dans les années qui viennent, une course aux armements non-nucléaires et une prolifération de conf7its armés, d'interventions dans les zones « périphériques» du Tiers-Monde avec un renforcement corollaire du racisme néocolonial. Nécessaire, le désarmement l'est devenu parce qu'on ne peut plus rien dire de cohérent en s'appuyant sur l'arsenal nu( Na ire d'aujourd'hui. Les Russes comme .les Américains sont piégés. Les tête.s de fusées intercontinentales sont passées de quelques dizaines en 1962 à quelques milliers en 1970 puis, maintenant, à plusieurs dizaines de milliers. Les Russes ont rattrapé les Américains à un niveau où l'égalité ne veut plus rien dire, pas plus que l'inégalité. Etre capable de détruire 70 fois l'URSS ne rend pas les 45 DIFFÉRENCES N° 12-13 JUIN-JUILLET 82 Américains supérieurs aux Russes qui peuvent détruire seulement cinquante fois les Etats- Unis. Pour donner un sens militaire à ces chiffres, on a cherché, du côté américain, à montrer que les fusées servaient à détruire des milliers d'objectifs militaires ponctuels (stratégie contre-force) et que cette capacité rendait l'Amérique capable de limiter une guerre nucléaire à l' Europe et de la gagner (théorie de l'option limitée défendue maladroitement par Reagan à Berlin). Les Allemands ont compris brusquement cette stratégie il y a deux ans (elle est proclamée depuis 1976) parce qu'ils ont fait attention à la doctrine de défense de l'Europe. Ils ont fait attention à la doctrine de d~fense des Etats- Unis parce qu'ils étaient inquiets de l'échec du traité SALT, signé par le Président Carter, mais non ratffié. Ayant compris qu'ils étaient protégés de l'attaque soviétique par leur propre destruction, ils refusent cette doctrine et ses instruments nouveaux, les Pershing et les SS-20. Ces armes ne seront pas déployées en Allemagne. Elles ne sont d'ailleurs pas encore mises au point. Premier échec de la course aux armements, ce non-déploiement va être suivi d'une négociation reprise entre les EtatsUnis et l'Union soviétique sur lesfusées intercontinentales. Déjà Reagan propose de diminuer d'un tiers les deux arsenaux defusées terrestres. Cette proposition d~favorise les Russes qui n'ont pas, comme les Etats- Unis, une partie énorme de leurs fusées stratégiques sur sous-marins. Mais la négociation START a, en fait, repris en mai. Voici le désarmement nucléaire engagé partiellement. C'est le résultat: - des pressions des opinions publiques et notamment en Allemagne, GrandeBretagne, Benelux, Italie, - de l'absurdité des dernières doctrines stratégiques nucléaires proposées aux alliés dans l'A lIiance atlantique. - de la volonté de certains lobbies de fixer l'essentiel de la course aux armements sur les armements navals, nucléaires ou non - et sur les capacités d'intervention militaire lointaine (Instrument en préparation, la Force de déploiement rapide américaine vers le Moyen-Orient). La guerre des Malouines sert aussi cet intérêt. Produit de la nécessité, ce désarmement partiel peut s'arrêter et correspondre à une réorientation, vers la vraie guerre non à un . arrêt de la course. C'est donc une action nécessaire, de rester lucide et d'alerter l'opinion sur les évolutions en cours par des débats - au besoin contradictoires - et surtout d'éviter le silence et l'ignorance de ces questions. La parole à ... Isabelle Mayereau Une petite femme de 35 ans, originaire de Bordeaux, complexée - dit-elle - par trois kilos de trop. En 1978, Isabelle Mayereau abandonne son métier de styliste de mode pour se consacrer ·à la cha nson. Jusqu'à ce jour, elle a publié cinq albums: « L'enfance » (1977), « Tu m'écris » (1978), « Déconfiture » (1979), « Des mots étranges » (1980), et « Nuages Blancs» (1982), tous distribués par Discodis, c'est dans le second que figure « Différence ». Modeste, Isabelle Mayereau, dégage une sérénité contagieuse. « Je n'aime pas claquer les portes ». J ai été très touchée lorsqu'on m'a demandé l'autorisation d'utiliser ma chanson sur la différence dans une émission télévisée sur les handicapés. Le texte col/ait parfaitement à l'image. Il est important de montrer de telles images, car lorsque l'on côtoie le monde des handicapés, on s'aperçoit que, contrairement aux idées reçues, ce sont des gens pleins de vie. La chanson m'avait été inspirée par la différence entre deux êtres, mais je savais qu'elle pouvait avoir d'autres significations. Je n'ai pas voulu préciser le texte. C'est une chanson que j'aime beaucoup et quifait partie de tous mes tours de chant. Je veux donner à cette mélodie un rythme entêtant, obsessionnel. Je crois que c'est important de chanter la différence: reconnaître les différences est une forme d'amour. Je déteste la violence. Je me suis amusée, dans mon dernier disque, à exprimer cette violence, parce que dans une relation entre deux personnes, il y a des sentiments de violence. Mais je n'aime pas claquer les portes, je n'aime pas les bombes rue Marbeuf Ce sont des actes qui me réfrigèrent, qui me terrifient. Pourtant, je ne pense pas que mes chansons puissent avoir un impact suffisant pour faire avancer les choses. D'autres en ont eu (Ferré, Le Forestier .. .). Moi,je ne suis pas engagée. Je ne pense pas avoir le pouvoir de changer quoi que ce soit. Quand je regarde ce qui se passe, je suis inquiète. La violence devient un procédé qui tend à se généraliser dans tous les domaines de la vie quotidienne et de la vie politique. Maints exemples nous en sont donnés tous lesjours. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on ne peut rien obtenir sans la violence. Qu'on ne peut pas faire passer un message pacifiquement. En Iran, pour ne prendre qu'un seul exemple, la violence du Shah afait place à la violence de Khomeiny. A vec des aspects différents, mais la même violence est présente. Puisque je parle de l' Iran,j'aimerais bien savoir pourquoi ce peuple, comme les autres peuples islamiques, impQsent aux femmes le port du voile. Je ne connais pas ces civilisations et je n'aijamais été dans ces pays. Pourtant, je ne pense pas que le port du voile soit la meilleure façon de marquer la différence entre les hommes et lesfemmes. J'aimerais savoir pourquoi ces peuples vivent ainsi. Il y a beaucoup de choses quej'aimerais. J'aimerais par exemple que l'on puisse parler politique avec un brin d'humour, sans se fâcher, sans en venir aux mains, sans en venir aux bombes. J'ai vu un chauffeur de taxi, arrêté au milieu de la chaussée, se faire matraquer par l'automobiliste qui le suivait. Cet homme a agi devant les yeux de safemme et de safllle. Qu'ont-elles pensé de leur père, de leur mari ? Aujourd'hui, et à Paris plus qu'en province, les gens sont abrutis. La provinciale que je suis a étéfrappée par le nombre de personnes qùi parlent toute seule dans le métro. Quelle est leur disponibilité d'esprit pour s 'ouvrir aux différences ? Pour ma part, j'essaie de rester ouverte aux différences. J'adore parcourir le XlIle arrondissement, le nouveau quartier chinois. Les gens me parlent et j'apprends plein de choses. J'aime bien l'atmosphère des restaurants indiens, chinois ... Les gens expliquent ce qu'ils mettent dans l'assiette, alors que dans les restaurants français ... c'est triste à mourir. J'ai étéfascinée par la littérature indienne. Les phrases sont chargées de pureté. Ce sont des gens qui ont le sens de la beauté. Tout ce qui entoure ces gens, quelle que soit leur condition sociale, est beau. J'ai besoin de la sagesse de ces gens. 46 Propos recueillis par Marc MANGIN Réflexion sur une Réflexion Que M. Augustin Barbara (N° 10 avril 1982) ait interrogé un certain nombre de couples mixtes et entendu un certain nombre de futures mères d'enfants métis, soit, c'est un fait incontestable. Mais cela ne permet en aucune façon de généraliser à partir de ces quelques propos sur l'ensemble des couples mixtes ni sur l'ensemble des femmes attendant un enfant métis (ou en ayant attendu un). Etant moi-même mère de trois enfants métis, je me permets de signaler que mon expérience personnelle ne correspono à aucun des cas cités et que je récuse la validité des commentaires globalisants sur le sujet traité. Ainsi écrire en guise d'introduction que : « L'allenle d'un enfant dans un couple mixte ( le couple mixte en général) est la confirmation d'un choix pour une vie conjugale durable et en même temps le début d'interrogations nouvelles, etc.» est une façon abusive de faire croire que c'est comme cela dans tous les couples mixtes et pas autrement! De même à partir de la phrase : « La future mère ... ni connu », le lecteur pressé sera amené à penser que toutes les futures mères d'enfants métis réagissent ainsi. Eh bien, dans mon cas, je n'ai rien éprouvé de particulier et surtout pas cette curiosité trouble, cette inquiétude bizarre, à propos du degré de coloration de la peau de mes enfants, ni de la forme de leurs doigts de pieds! Et encore moins cette surprenante prise de conscience rétroactive dont il est fait état dans des phrases du genre

« Les conjoints qui croyaient

(?) se marier en toute liberté (?) se rendent compte soudain (1) de l'énorme enjeu social qu'est devenu leur couple quand il s'agit pour eux d'avoir une descendance ». En ce qui me concerne (et j'évite de dire on pour ne pas tomber à mon tour dans les généralisations abusives à partir de mon vécu personnel) en choisissant la différence dans ma vie de couple, je savais une fois pour toutes que je choisissais la différence dans tous les actes de mon existence. Ayant déjà la conscience aiguë de la mise à l'écart qu'impliquait ma vie de couple mixte, entre autres choses, je ne vois pas en quoi l'attente d'un enfant aurait réactivité soudain cette prise de conscience. Simple question de cohérence, me semble-t-il. Ceci dit, loin de moi l'idée de mettre en cause les travaux de M. Augustin Barbara. Je veux, en fait, souligner les limites et par conséquent les dangers des arti- Sourire pour un paria Ce dont je me souviens parfaitement, c'est de notre arrivée à Béziers. C'était en 1939 et en l'absence de mon père qui était alors interné dans le camp de concentration d'Argelès-sur-Mer. Les enfants sont cruels, vous le savez; alors imaginez ce quefut mon enfance de gosse mal vêtu, parlant quatre mots de langue française avec un épouvantable accent ibérique. Les deux morceaux de planches mal taillées qui me servaient de chaussures faisaient un bruit épouvantable sur le macadam. Avec les pièces multicolores dont s'ornait mon unique culotte courte, el/es me valurent tant de railleries et d'insultes empreintes de xénophobie, que je me mis à haïr les gens et le monde. Le ' décor, le jeu et les acteurs étaient prêts pour que je me laisse aller à la violence, puis à la délinquance. C'est alors que ma route croisa celle d'un homme que je révère plus que tout au monde. Il s'appelait Puget, instituteur et directeur de l'école Auguste-Comte, de Béziers. Au milieu des coups et des invectives que je recevais de toutes parts, il vint à moi, et posa sa main sur ma tête. Son sourire et l'éclat humain de ses yeux, sa bonté, l'infinie gentil/esse de sa voix lorsqu'il me parlait, cette espèce de considération qu'il avait pour moi, moi, le paria, moi, le rebut, tout cela me réhabilita à mes propres yeux. Pour ne pas le décevoir, je me mis à travail/er d'arrache-pied. Et un beau matin, à l'heure de la récréation, il me fit signe d'approcher du groupe d'instituteurs avec lesquels il discutait. Toute une cour d'enfants cessa ses jeux, arrêta ses cris. Ce jour-là, il lut aux autres instituteurs attentifs une feuille double dont je connaissais par coeur le contenu: ma dernière composition française. Chaque instituteur me serra la main en me prodiguant des encouragements chaleureux. Après quoi, il n'y eut plus aucun risque pour le fils d'immigré, de sombrer dans la délinquance. mon père de me faire contracter un engagement dans l'armée française, acte par lequel je devenais automatiquement citoyen français. Il en fut ainsi, et je me retrouvai, sans l'avoir souhaité, sur les arroyos indochinois. Après la guerre d'Indochine, il y eut cel/e d'Algérie. Calculez : de /936 à /945, j'ai subi deux guerres consécutives, pendant dix années en tant que victime passive. De 1953 à 1958, j'ai subi deux autres guerres de suite, comme victime active. J'avais vingt-quatre ans d'existence, dont quinze années passées en temps de guerre. Détail savoureux : en espagnol, mon patronyme signifie guerrier. A mon retour d'Algérie, je fus accueilli par une affligeante nouvelle : M. Puget était mort. Il me fallut beaucoup de temps pour accepter la réalité et je n'ai jamais pu accepter l'idée de me recueillir sur sa tombe. Je préfère garder de lui l'image qu'enregistrèrent mes yeux d'enfant. cles de vulgarisation. Et je me demande - sans savoir si j'ai raison ou non - s'il ne vaudrait pas mieux ne rien écrire du tout plutôt 'que de se livrer à ce survol expéditif. Chantal CAMARA 37140 BOURGUEIL CI Pas le droit d'être Catalan! Dans son numéro de mai 82 « Différences » publie l une correspondance de M. José Machado (75018 Paris) dans laquelle l'auteur se plaint de la méconnaissance de la culture portugaise en France et du choix imposé aux travailleurs portugais: l'assimilation ou le ghetto. Je voudrais signaler un cas pire encore que celui des Portugais, et que même les revues courageuses comme Dijjërences laissent dans l'ombre. Au Sud de la France existe un département: les Pyrénées-Orientales, composé d'une petite partie occitane (le Fenouillède) et des anciens comtés de Roussillon, Cerdagne, Vallespir, Conflent et Capcir. L'immense majorité des habitants de ce département est catalane. Sa langue: le catalan. Sa nation, aussi ancienne et glo- Durant mes études techniques, il se tint constamment en contact avec mes parents. Et lorsque le consul d'Espagne à Béziers me chercha des poux, j'étais citoyen espagnol, cefut lui qui conseilla à Je ne veux pas qu'il soit mort. Comprenez-vous ? rieuse que le Portugal: la Catalogne. M. Machado est Portugais: personne ne lui refuse ce doit naturel. Eh bien les Catalans, eux, n'ont pas le droit d'être Catalans. C'est bien simple: en tant que tels, ils n'existent pas. Ainsi, en a décrété l'Etat français. Leur langue est un patois indigne; leur histoire méprisée; leur géographie ignorée. Ils sont paraît-il Français .. . par décision des Français. La situation économique qui est faite à leur pays est telle que l'immense majorité des jeunes doit s'expatrier pour trouver du travail. Si M. Machado retourne au Portugal, il pourra parler portugais ; ses enfants pourront apprendre leur langue, leur histoire, retrouver leurs origines. Aux Catalans, cela est interdit: les Français leur ont volé la langue, la mémoire et la terre. il ne leur reste que le rugby pour se consoler! Vous parlez d'assimilation: écoutez ce que dit M. Frédéric Gaussen dans Le Monde du 16 mai 1982 : « ... Algériens, Marocains, Martiniquais, Vietnamiens, Espagnols, Portugais, Italiens, Juifs, Polonais, Auvergnats, Bretons, Corses, Provençaux... et bien d'autres encore ... C'est tout cela la France, Cet assemblage disparate de groupes hétérogènes, puissamment et patiemment malaxés dans cette grande broyeuse qu'est la nation française ... » Cruelle candeur. Si M. Machado veut être heureux en France, il doit se laisser malaxer, broyer, écraser, triturer ! Qu'il oublie ses origines, méprise ses parents, sa culture, sa patrie! Qu'il change de peau, change d'âme! C'est cela, le droit à la différence Made in France ! Difficile à accepter? Bien sûr. Tous les Catalans ne l'ont pas accepté non plus, et pourtant cela fait plus de trois cents ans que la pression - l'oppression - française s'exerce sur leur petit pays. Alors, qu'il se console et espère. Qui sait? Père TAILLANT 81300 Graulhet CI Choquée !. .. J'ai longtemps hésité avant de renouveler mon abonnement à Dij: jërences, mais la recrudescence du racisme actuellement fait que je ne peux pas vous retirer mon soutien aussi modeste soit-il. En effet, plusieurs de vos articles lors des premiers numéros m'a- 47 Antoine GUERRERO 30200 Marcoule vaient profondément choquée. le pluralisme, je suis pour, encore faut-il être honnête ... et certains de vos éditorialistes ont hurlé avec les loups ... sans avancer d'arguments valables. Je pense à des articles qui n'étaient pas des informations, mais des allusions démagogiques, ne tenant pas compte des réalités objectives. L'anticommunisme primaire est apparu dans vos colonnes et cela m'a peiné. Parce que j'ai adhéré à ce Parti au moment de la guerre d'Algérie. Et vous savez pertinemment que c'est un mensonge de nous accuser de racisme.. . Je pense à l'affaire de Vitry que, moi, j'appelle de Saint-Maur.. . L'antisoviétisme, non plus, ne sert pas la cause de la paix. Exprimer sa désapprobation sur tel ou tel sujet à partir d'un examen honnête des faits est très légitime et même profitable pour tous. Mais la haine viscérale que l'on cultive à plaisir dans une certaine intelligentsia dite de gauche ... non merci ... cela ne fait que retarder toute libération des hommes, c'est d'ailleurs le but recherché, je crois. C.E. FRANÇOIS 95600 Eaubone. CI Humeur §§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§ DIFFÉRENCES Nil 12-13 JUIN-JUILLET 82 Mais que s'est-ü passé vraiment ? Le même événement raconté et enseigné de façon différentes selon les pays, c'est le tout-venant de l'orgueil national et de l'ethnocentrisme, sentiments sans doute mieux partagés que le bon sens à travers le monde. Ici, l'invasion et le rôle des Arabes en Espagne, imaginés dans deux versions contraires par le journal humoristique « La Codorniz» (1) nous en donne une illustration frappante. Mais que s'est-il passé vraiment? A vous de l'écrire dans Différences, qui publiera le résumé de la réalité historique nous paraissant le plus objectif parmi tous ceux que vous nous enverrez. Voyons, élève X ... , racontez-nous ... LES ARABES EN ESPAGNE - Voyons, dit le maître, élève Garcia Hernandez. - Oui, Monsieur. - Raconte-nous /'invasion arabe en Espagne. - Oui, Monsieur. Nous vivions tout àfait paisiblement dans notre péninsule, occupés à travailler les champs et à carder la laine, quand, au cours d'une nuit obscure, pro./ïtant de ce que tous nos ancêtres dormaient, les Maures ont débarqué et se sont injïltrés à l'improviste. Quand nos ancêtres se sont réveillés, ils se sont aperçus avec stupeur que, dans notre péninsule, il y avait des milliers de millions, des milliards de Maures. On ne pouvait plus aller se promener sans voir surgir un Maure derrière une . pierre, sous une table ou sur un toit. « Ceci est une invasion! » déclara alors un sage vieillard. Alors, nos ancêtres ont commencé à penser que ce n'était pas bien du tout et qu'ilfallaitfaire quelque chose. Au bout de neuf siècles, ils sont arrivés à une conclusion. « Dehors!» disaient les uns. « Du vent!» criaient les autres. Mais les Maures faisaient la sourde oreille et continuaient hypocritement àfaire ici des jardins, là des mosquées. Et se rendant compte qu'ils n'y arriveraient pas comme ça, nos ancêtres ./ïrent une grande provision de pierres, de pieux et defourches, avec lesquels ils ont poursuivi la multitude mauresque jusqu 'à lafrontière sud. Chacun de nos ancêtres devait combattre six mille deux cents Maures. Et les Mauresfurent vaincus, c'est pour ça qu'ils étaient in./ïdèles. Voilà. - Très bien, élève Garcia Hernandez. Assieds-toi. (1) Cité dans" Sol y Sombra 3' ». de Jean-Paul Duviols (Ed . Bordas - 1980). 48 - Voyons, dit le maÎtre, élève Ben Ali. - Oui, Monsieur. - Raconte-nous /'invasion de l'Espagne. - Oui, Monsieur. Nous vivions tout à fait impatients sur nos terres désertiques, occupés à soigner les chameaux et à nous retirer le sable des yeux, quand au cours d'une nuit de demi-lune, quelqu'un dit.' « Allons en Espagne, où il n'y a ni désert ni chameaux, ni sable qui vous rentre dans les yeux. » Nos ancêtres eurent à soutenir de dures batailles, parce que les Espagnols étaient têtus et peu portés à l'hospitalité. Finalement, nous avons maÎtrisé la situation. Le sol de l'Espagne était dans un état lamentable. Il nous a fallu enlever les pierres, remuer la terre, arranger les jardins et orner de vastes régions avec des mosquées et des forteresses. Pendant ce temps, les Espagnols passaient desjournées allongés au pied d'unfiguier, une guitare dans une main et une grappe de raisin dans l'autre. Ainsi pendant neuf siècles. Au bout de ce temps, un malin parmi nos ancêtres, dit.' « On se fait avoir. On est en train de leur faire une petite merveille, et un de ces jours, ils nous donneront un coup de pied au derrière et ni vu ni connu » Nos ancêtres ont entendu ces sages paroles et ils ont abandonné l'Espagne. Voilà. - Très bien, élève Omar Ben Ali. Assieds-toi. DIFI!1!.RENCES a 1 an. A vec sa première dent, il lance son premier cri: « Qui suis-je?» « QUI etes-vous?». · . , Grâce à vos réponses, il pourra mieux s'adapter à vous et par conséquent vous à lui (Adresser les questionnaires remplis, le 30 juin au plus tard à DIFFÉRENCES 89' rue Oberkampf 75011 Paris). " , Lecteurs qui êtes-vous? 1. vous ET LES MÉDIAS 1. C.omment avez-vous connu DIFFÉRENCES? Amls/ Parents Comité local MRAP/ Congrès Dans la rue Librairie/ Kiosque Autre origine D D D D D 2. Depuis combien de temps lisez-vous DIFFÉRENCES? depuis le mois de .......... 81 . . . . . . . . .. 82 3. En lisez-vous ... La totalité? D Une partie? D 4. C0lI!bien de temps consacrez-vous à la lecture de DIFFERENNCES? - 3 heures ou plus D - 1 à 3 heures D - moins d' 1 heure D sans réponse D 5. Dans votre entourage, en plus de vous-même combien de personnes le lisent? ' 1 D 2 D 3 D 4 D 5 Sans réponse D 6. Quels journaux lisez-vous régulièrement ... Quels quotidiens? ................................................... ..................... ;. ......... , .................. . •••••••••• o •••••••••••••• o ••••••••••••••••••••••••• Quels hebdomadaires? •• o ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• ................................................... ................................................... Quels autres mensuels? ................................................... .................................................. . ................................................... Quels magazines spécialisés? ................................................... ................................................... ................................................... 7. Combien de livres lisez-vous par mois? .................................................... ................................................... ................................................... ................................................... 8. Çom~ien de !ois par mois allez-vous au cinéma? M?ms ~ une fOiS. par mois D 5 à 9 fois par mois D 2 a 5 fOIS par mOIS D plus de 10 fois par mois D 9. Regar~ez-vous la télévision? Tous les ~~urs ...................................... . Quelque OIS ....................................... . Jamais ............................................ . Que regardez-vous le plus souvent à la télé '? ................................................... ................................................... 10. Ecoutez-vous la radio? Tous les jours Quelques fois D D 11. Pour vos lectures et vos spectacles suivez-vous les conseils de DIFFÉRENCES? ' ................................................... .................................................. . ................................................... . ................................................. . ................................................... 12. Etes-vous membre D, militant D, d'une association de lutte contre le racisme? Si oui, laquelle? •••••••••••••••••••••••••••••••• o •••••••••••••••••• •• o •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 13. Depuis combien de temps connaissez-volis le MRAP ? •••••••• •••••••••• 0 •••••••••••••••••••••••••••••••• 14. Par rapport au MRAP, vous considérez-vous comme: 1. sympathisant D 3. militant actif D 2. simple adhérent D 4. sans réponse D II. REVENONS A DIFFÉRENCES 15. Etes-vous abonné? OUI D NON D 16. ParR!i cette liste des rubriques de DIFFÉRENCES lesquelles lisez-vous? ' a) Point chaud b) Actualité c) Notre temps d) En débat II a) Expliquez-moi b) Réflexion III a) Histoire b) Culture IV a) Régionale b) Connaître toujours quelquefois jamais D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D D 17. Laquelle de ces rubriques est en général, la plus intéressante? . ................................................. · 18. De quel article ou enquête vous souvenez-vous particulièrement? ................................................... o ••••••••• •• • ••••••••••••••••••••••••••••••••••••• • ........ ... ........................................ 19. Souhaiteriez-vous d'autres rubriques? o •••••••••••••• • ••• ••••••••••••••••••••••••••••••• • ................................................... .................................................. . ................................................... o •••••••••••••••• ••••••••••••••••••••••••••••••••• • ................................................... Quel sujet aimeriez-vous voir traiter? ................................................... ................................................... ................................................... .................................................. . ................................................... 20. Que pensez-vous de la publicité dans le journal? ... ................................................ ................................................... ................................................... .................................................. . ................................................... 21. DIFFÉRENCES est-il pour vous un outil de travail ? .................................... ............... Si oui, de quelle façon? ........................... ' ....................... . .................................................. . ................................................... ................................................... ................................................... 22. Considérez-vous DIFFÉRENCES comme un magazine - informatif 0 - neutre 0 -engagé 0 - trop engagé 0 Le souhaiteriez-vous ... - plus informatif 0 - plus neutre 0 - moins engagé 0 - plus engagé 0 23. Sur l'axe suivant, où situez-vous DIFFÉRENCES? Extrême gauche 0 Gauche 0 Centre gauche LI Centre 0 Centre droit 0 Droite 0 Extrême droite D. 24. Et vous-même, où vous situez-vous? Extrême gauche 0 Gauche 0 Centre gauche 0 Centre 0 Centre droit 0 Droite 0 Extrême droite 0 III. REVENONS A VOUS 25. Etes-vous ? de sexe féminin 0 de sexe masculin 0 26 Quelle est votre nationalité ? 27. Habitez-vous ... une commune rurale (moins de 2000 habitants) 0 une agglomération (de 2000 à 20 000 habita~ts) 0 une agglomération (de 20 000 à 100 000 ~abltants) 0 une agglomération de plus de 100000 habitants en dehors de la région parisienne D. . . . . l'agglomératiOn panslenne : Ville de Pans 0 ou banlieue 0 28. Quel est votre âge ? 15 à 17 ans 0 18 à 20 ans 0 21 à 24 ans 0 25 à 34 ans 0 35 à 49 ans 0 50 à 64 ans 0 65 ans et plus 0 29. Votre situation de famille: célibataire 0 marié(e) 0 veuf(ve) 0 divorcé(e) 0 30. Le nombre de personnes de votre foyer (vous compris) : 1,2,3,4,5, et plus 31. Votre profession Votre Votre Vous conj. Vous conj. Ouvrier 0 0 Employé 0 0 Agriculteur 0 0 Etudiant 0 0 Cadre, prof. Femme au foyer 0 0 libérale 0 0 Employé 0 0 Enseignant 0 0 Etes vous actuellement au chômage oui 0 non 0 32. Le niveau de la dernière école que vous avez fréque~tée : primaire 0 primaire supérieur 0 technique ou commercial 0 secondaire 0 supérieur 0 33. Dans Quelle tranche se situe le revenu mensuel de votre foyer en comptant toutes les rentrées d'argent? moins de 3 200 0 entre 3 200 et 4 500 0 entre 4 500 et 6 500 ° 34. Possédez-vous ... une voiture 0 deux voitures 0 une résidence secondaire 0 35. Habitez-vous ... entre 6 500 et 8 500 0 entre 8 500 et 10 000 ° 10 000 et plus 0 la télévision 0 un magnétoscope 0 une chaîne hi-fi ° une maison individuelle 0 ou un appartement 0 36. Etes-vous ... Propriétaire 0 Locataire 0 de votre résidence principale? 37. L'été 1981, êtes-vous parti en vacances? OUI ° NON ° Si oui, en France 0 à l'étranger 0 , . L'été prochain, comptez-vous partir : en France 0 à l'étranger 0 En hiver 1980/1981, êtes-vous allé aux sports d'hiver? OUID ' NON 0 38. Pratiquez-vous régulièrement un sport? OUI 0 NON ° Si oui, lequel? Natation 0 Tennis 0 Equitation ° Voile 0 Ski 0 Football 0 Autres 0 39. Vos impressions sur DIFFÉRENCES. . . . . . .............. . ... . .... .. ... .. ....... .. .......... ................ ... ................ . ........ . ... .. .... .. .. . . .... .. .. .. .... .. ............. . .. .. ... . ... .. . ... . ...................................................... .. .... . ... . .. . . ... ................. . .... .. .. ....... . . . ......................................... . ............ ............................. .... ... ... .. .... ...... .. . . . ...... ......... . .. . ... .. ... .. .. .. . . .. ... .. . ..... ... . .......... ..... . ................... . .... ..... ..... . ... .......... ... ..... . ................................... ..... ... ..................... . ...................... . . ..... .... ... .. ... ....... . . .. ......... ... ......... ..... ... . . ....... ... ............... ....... ................. ...... .. . . ........... . ...... . ...... . . ................ . . .. .. ........ . ..... . .. . .. .... .... . . . ...... ..... .. .... . chaUSSllres SUCCES 62 BOULOGNE SUCCES ALBAN, 49, rue Thiers 62 LIEVIN SUCCES. 109 bis. rue J,·B,·Defernez 14 CAEN SUCCES. 26, rue Saint·Jean 57 METZ SUCCES MARCEL. 39·43. place Saint·Louis 62 CALAIS SUCCES ALBAN, 6. boulevard Jacquard 93 MONTREUIL SUCCES CLAIRE. 24, avenue p,·V,·Couturier 51 CHALONS SUCCES. 15-17, rue de la Marne 58 NEVERS SUCCES. 71 , rue du Commerce 08 CHARLEVILLE SUCCES, 23·25, rue de la République 75 PARIS SUCCES. 8. rue J.·Pierre Timbaud 36 CHATEAUROUX SUCCES. 33. rue Victor·Hugo 76 ROUEN AU PETIT PARIS. 69·79, rue Saint·Sever 77 CHELLES SUCCES ARYS, 58 bis, av. de la Résistance 02 SOISSONS SUCCES. 52. rue Saint·Martin 76 DIEPPE SUCCES, 170. Grande·Rue 10 TROYES SUCCES, 69. rue Emile·Zola 59 DUNKERQUE SUCCES SOULIER D'OR, 18, rue Poincaré 58 VERDUN SUCCES. 21, rue Mazel 94 FONTENAY SUCCES CLAIRE. 2, avenue de la République 51 REIMS SUCCES (A St-Jacques), 63, ,rue de Vesle 62 LENS SUCCES. 1, rue Maréchal·Leclerc 76 LE HAVRE AU PETIT PARIS. 222·228, r, Aristide Briand La Découverte .. la remarquable collection La Découverte.» l 'Humanité Dimanche • La colleclion tÇl Découverte esl superbe . • Les Nouvelles lilléroires . les vingt-cinq rilres déjà publiés sont chacun des livres des merveilles.» Max Gallo, t 'Ex press .. Indispensable el merveil· leuse .• Hisroriens el Géographes I.ouis-Anloint' dt' Bougaim'ill t'. Vo}a~e autour du monde par la frégate .. I ll Roudeu-.c ~ ct la nûte ,, 1 -(-" tuile ~ •• Rt'nr Caillir. Voyage il Tombouctou • deux volumes ... Jaequt'S Carlier. Voyages au Canada H Chrislopht' Colomb. La dé· couverte de l'Amériq ue - deux volumes .. James Cook, Relations des voyages autour du monde - deux volumes ... ct • Hunan Cortts. La conquête du Mex il{ ue .... Charles Darwin. Voyage d'un natura lis te autour du monde - deux \olumes •• A UX EDITIONS FRANÇOIS MASPERO • Une voie originale, une collection de poche à 10 présenlotion somptueuse. » Mathieu Lindon, l e N ouvel O bser vateur .. Avec celle collection, on passe de l'idee passablement ocodémique de .. recherche_ à 10 notion plus fouguevse et stimulonte de Découverte; découverte de livres jusquelà réservés à de fragmentai res cita tions érudites, d'au- Bernai Diaz dei Caslillo. Il istOlre véridil{ue de la con· quête de la Nom elle-Espagne · deux volumes •• D. Diderot. Voyage en Hol· lan de · Alexandre Dumas, Impres· sion de voyage en Suisse - deux volu me~ ..... Mt'hmt'd dt'ndi, Le pa r adl~ des infidèles •• Jt'IIn-Henri F abn. Promena· des ent omologil{ ues ... H&odott'. Histoi res •• Aluandre dt' Humboldt. Voyages dans r Amêrique éqUInoxiale • deux \otumcs •• VYf'fl'S .u c.n.da teurs donl les nolTl!t étaient 6 la lois célèbres et obscurs, d 'événemen~ historiques bissés dans l'ombre. la collection ajoute une pièce imP.Of.tante à une entreprise d édition incofT1XXable puisqu'elle comble les vide5 du soyoir et en propose une approche différente. A partir des premiers litres parus, s'esquisse une entreprise anthropologique d'im- Barlolomr dt' Las Casas, Tré, brève relalion de la destruction des Indes • l .ouis-Srbaslien Mt'fCier.l.e la bleau de Paris o. •• Mary Monlalu. L' Islam au péril dc~ remme! •• JUlln Pt'rt'z Jololt'. Tlot, il .. Mun~o Park. Voyage da n ~ l'lOt trieur de rAfril{ue ••• Marco Polo, I.e de\'isemenl du monde · deux \'0Iume5 •• AbN Raynal, Histoire philo~ llphll{Ue CI pohtil{ lJe des deux Jndc~ ••• F: li~ rt' Redus, L'homme ct la tcrre - deux \olumcs .. Charlts-Marit' hay Bernardino dl' 1.11 Condamine, V()}ag~' de Sll ha ~un . llI ~toirc générale ~u r l'Amafonc • Je, ch()~c~ de la Nouvelle J tan- .L.' r llnçob r V"' l.'""n e . .. dt I.apiroust'. \u~agc .JuIOlH lIorace-Bent'dict """" Voyage d'un naturaliste autour du monde portance qui nous permet de retrouver les formes - souvent brutales - des chocs de civilisation. la notion de voyage est ainsi dêgogée des panciTs qui l'encombfent el des mythes Qu 'elle projelle : I"aventure est à la mesure du voyageur et dépend de son aptitude à mener de Iront le déplacement dans I"espace et les révolutions culturelles Qu'il suggère. _ l es Cahiers Pédagogiques Stt'ndhal. Promenades dans Rome· deux \otumes ... SIt'ndhlll,M émoirc:s d'un tour i~l e - deux volumes ·" Stend hill. Voyage dans le mid i · Jelln-Bapliste Tavt'rnit'r. Les six voyage~ en TUflluie et en Perse - deux volumes ... Jun Thinnot. Voyage du Levant ... Flora Tristan, Perégrinal ions d'une pa ria .... "lora Trislan. Le lour dt' }-rance - deux \"olumcs • Mark Twain. Le voyage des innocents .... HeTSarl de la Villt'marqui. I.e Bafla] Breil ·· .... ..• volume simple ... Hllumc double \Illume tnple ~ du mondc\ur ,r A ~ lroba lc .. el dt' Sau .... urr.Prcmlère-.a'ccn_ L.tJ FRANÇOIS ~';;;;~~,"I, PLACE ';:~:;:::'~EVÉ -75005 PARIS •••• \olume 4uadrupJc

Notes

<references />

Catégories