Différences n°45 - mai 1985

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Sommaire du numéro

n°45 de mai1985

  • Aux côtés des Karens (Birmanie) par Peter Radley
  • Mais qu'est-ce qu'on va faire (réponse au racisme) par J.M. Olle
  • Pour un nouveau civisme par Albert Levy
  • Existe-t-il un racisme anti-français par Durand-Dupont
  • Le rock des géants (rock mondial)
  • Si les femmes s'y mettent par C. Minot
  • Immigrés: parlons clair (statuts des étrangers en France) par D. Lahalle et C.Rodier [législation]
  • Printemps de Bourges: la minute de silence par Daniel Chaput
  • Ça brasse en France; des musiques de toutes les couleurs par Julien Boaz
  • Des anges aux figures sales (Le thé au Harem d'Archiméde de Mehdi Charef) par J.P. Garcia
  • Langues africaines au programme par Viviane Cohen
  • Les massacres de Sétif par C. Dancie
  • Identité: Qu'est-ce qu'un français ? [identité]
  • La parole à Jean-Marie Teno (cinéaste) propos recueillis par J. Boaz
  • L'amiral des mots (suite et fin) par P. Aroneanu


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, Le magazine de l'amitie entre· les peuples ~ ~ ~ ~ ~ !li .. ..z.. "c 2""i .-0 . 'c" ~ -• Cl LE COLLECTIF @)lJùOWù@[f ALTERNATIVES ECONOMI UES JlU'f'OGES'IIOIIS Revue internationale. Pratiques alternatives, mouvements sociaux et créations culturelles: des utopies aux expérimentaDE DIFFUSION tions. VOUS PROPOSE Action culturelle, animation, éducation populaire, pratiques et réflexions. 5 numéros par an. Tarif: 195 F. 'Différences Un magazine consacré à la lutte contre le racisme - Un outil indispensable pour s'y retrouver dans la France pluri-multi- inter culturelle. 11 numéros par an. Tarif: 160 F. mon vi1lose,mon poys Le bagage des acteurs du développement en milieu rural. 6 numéros par an. Tarif: 100 F. Publication pour la formation, /'information sur la vie civique, économique et tous sujets d'actualité. 4 numéros par an. Tarif: 100 F. Journal d'information critique sur l'actualité économique et sociale Dossiers pédagogiques et enquêtes sur les expérimentations sociales. 7 numéros par an. Tarif: 75 F. LE ,a~~ ~" PIED . Un outil pédagogique et de réflexion sur le football et son environnement. 4 numéros par an. Tarif :100 F. DES INFORMATIONS 4 numéros par an. Tarif: Individuel: 145F. Institution: 180 F. Informations, analyses et synthèses mélant le technique et le politique, outil de travail indispensable à tous ceux qui interviennent dans la vie locale. 10 numéros par an. Tarif: Individuel: 190 F. Institution : 230 F. DES OUTILS DE FORMATION A DES CONDITIONS PARTICULIEREMENT AVANTAGEUSES ECONOMISEZ 20 A 30 0/0 EN GROUPANT VOS ABONNEMENTS "Ocole~@[J®[[jJlI~ education a permanente fonda lettre d'information POUR Des réponses à vos problèmes quotidiens (petite enfance, adolescence, couple, scolarité, loisirs, etc.). Une information sérieuse et une réflexion. 10 numéros par an. Tarif: 194 F. Animer mon village, mon pays Alternatives économiques Autogestions Les Cahiers de l'Animation Les Cahiers d'Education Civique Le Contrepied Correspondance Municipale Différences L'Ecole des Parents Education permanente Fonda, lettre d'infonnation Pour (*) Cocher les revues choisies D~ Tous les aspects de la formation des Adultes. 5 numéros par an. Tarif: 240 F. Mme, M.: 0 Organisme: 0 nO ___ rue: 0 Ville: Code postal: 0 0 0 0 0 0 0 0 0 F. Questions d'actualité ayant une incidence sur la vie associative. Réflexions et propositions pour la promotion de la vie associative. 8 numéros par an. Tarif: 310 F. La société en mutation: Information, Education populaire, milieu rural, associations. 6 numéros par an. Tarif: 260 F. _____ F. F. F. + _____ F. + F. + _____ F. Total: ____ F. + F. + _____ F. Remise 20 %: Total: F. + F. ______ F. Remise - 25 %: Total: F. Net à Payer : _____ -'F. Remise - 30 % : ___ F. Net à Payer : ______ F. ___ F. (*) Remplir la formule choisie ___ F. Net à Payer : Chèque à joindre à l'ordre de C-O. FNEPE Service A retourner à Collectif Diffusion - FNEPE Service Im~''A Bon Secours - 75011 Paris 2 Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par kl Société des éditions Différences, 89, rue Oberkampf 75011 PARIS Tél. .' (1) 806.88.33 DIRECTEUR DE LA PUBUCATION Albert Lévy RÉDACTION Rédacteur en chef Jean-Michel Ollé Secrétariat de rédaction/maquettes: Véronique Mortaigne Service photos : Abdelhak Senna Culture: Daniel Chaput Re1oJions extérieures : Danièle Simon ADMINISTRATION/GESTION Khaled Debbah ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO: Peter RADLEY, IVAN, Catherine MINOT, Jean ROCC/A, DURAND-DUPONT, Domi. nique LAHALLE, Claire RODIER, Marguerite ROLLINDE, Kamel R., Stéphane JAKIN, Julien BOAZ, Bernard GOLFIER, Jean-Pierre GARCIA, Richard GARCIA, Yves THORA VAL, Robert PAC, Anna SEBAG, Alain RAUCHVARGER, Mame IBRA-SENE, Viviane COHEN, Christiane DANC/E, Dolorès ALOIA, Pierre ARONEANU. ABONNEMENTS / an: /60 F ; / an à l'étranger: 190 F ; 6 mois: 90 F. Etudiants et chômeurs, 1 an : 140 F, 6 mois : 80 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien : 200 F ; Abonnement d'honneur: 1 000 F. Vente à l'étranger : Algérie 14 dinars, Belgique: 140 FB, Canada 3 dollars, Maroc 10 dirhams. PUBUCITÉ AU JOURNAL PhotocomposiJion - photogravure impression: PCP, 17, place de Villiers, 93100 Montreuil. Tél. : 287.31.00 Commission paritaire n' 63634, ISSN 0247-9095. Dépôt légal: 1985-5 PHOTO COUVERTURE: Madjid, le héros du Thé au harem Jacques Prayer, Gamma Différences - N° 45 - Mai 1985 /SOMMAIRE' MAI ACTUEL ______________________________ ___ 10 Mais qu'est-ce qu'on va faire? Une typologie des réponses au racisme. Pour un nouveau civisme Jean-Michel OLLÉ Une interview d'Albert Lévy, secrétaire général du MRAP PREJUGE ______________________________ __ 13 Existe-t-il un racisme antifrançais ? Le Pen le dit. Mais est-ce bien sûr? DURAND-DUPONT GROS PLAN 14 Le rock des géants Les USA n'ont qu'à bien se tenir: le rock est au Brésil, en Chine, en URSS DOSSIER 16 Immigrés: parlons clair Tous mis dans le même sac, les étrangers en France vivent pourtant sous de multiples statuts. Un dossier pour s'y retrouver Dominique LAHALLE, Claire RODIER CULTURES:~::::---------1~~I~~·~·It------- Ça brasse en France 24 Des musiques de toutes les couleurs Des anges aux figures sales Le premier film de Mehdi Charef, l'événement de ce mois. Julien BOAZ le Thé au harem d'Archimède, Jean-Pierre GARCIA REFLEXION 32 Langues africaines au programme On dit que le français est la seule langue commune en Afrique. Faux. Viviane COHEN H~TOIRE ______________________________ ___ 34 Les massacres de Sétif Alors que l'Europe fêtait la victoire, des milliers d'Algériens étaient tués le 8 mai 1945 Christiane DANCIE HUMEUR ______________________________ __ 41 L'amiral des mots Suite et fin de notre jeu-concours Pierre ARONEANU Et toujours : pour mémoire, la parole à, l'agenda, les petites annonces. 3 nces le journal • qUI défrise ITE, je m'abonne à DitTérences, o 160 F (1 an) 0 90 F (6 mois) 0 200 F (soutien) NOM _________________ _ Prénom Adresse ____________________________ Code postal _____ _ Commune _________________ Profession Bulletin d(;ment rempU IICcompagni d'un chèque à retourner à : Différences (Service Abonnements), 89, rue Oberkampf, 750U PARIS. Abonnementl an : étranger: 190 F ; chômeur et étudiant: 140 F. DlFF 4 -CHERS LECTEURS FABLE Il Dans un petit pays au bord de la mer, un soir de gala pour les droits de l'Homme, un président et un acteur se rencontrent. Un petit four, monsieur le Président, volontiers, monsieur l'acteur; dites-moi, qu'est-ce que vous allez faire pour le pays, vous? Moi, dit l'acteur, je vais dire aux gens: si vous ne vous remuez pas un peu, vous aurez la guerre. Pas mal, l'idée de les faire bouger, dit le président, on dirait du Kennedy. Moi, je vais leur dire: si vous vous remuez un peu, vous aurez le droit de vote aux ' immigrés. Et ils partent parler à la télévision du petit pays au bord de la mer. Las! Un sondage dans un journal indique que bien peu des habitants du petit pays au bord de la mer ont vraiment peur de la guerre. Et d'autres sondages indiquent que beaucoup des habitants du petit pays au bord de la mer ont peur du droit de vote aux immigrés. Quelquesjours plus tard, le président et l'acteur se retrouvent dans un meeting de soutien au Polognistan. Alors, monsieur l'acteur, dit le président, ça n'a pas marché, la guerre. Je m'excuse, monsieur le Président, j'ai passé une semaine entière à la télévision. En revanche, votre droit de vote ... Quoi, mon droit de vote? Vous n'avez pas vu, dans le poste, tous ces gens qui venaient dire qu'ils étaient contre, tous les non, les oui mais, les oui mais non ? J'en ai remué du monde! Comme il n'y avait plus de petits fours, le président et l'acteur décidèrent que c'en était assez pour le Polognistan, et partirent ensemble soutenir un autre pays lointain. Quand tout le monde fut parti, un homme, qui n'avait pas l'air d'être du petit pays du bord de la mer, vint balayer la salle et vider les cendriers, comme il le faisait tous les jours. D Différences - N° 45 - Mai 1985 5 POINT CHAUD - Birmanie- AUX CÔTÉS DES KARENS Les Karens luttent depuis 1948 contre le pouvoir central de Rangoon. A peine cités en Occident lors de l'enlèvement d'un couple de Français, les Bossu, ils luttent pour un Etat fédéral birman depuis trente-cinq ans. Peter Radley a pu visiter leurs bases en Thaïlande. L e soleil inonde la végétation tropicale d'un bleu-vert. La chaleur s'étend sur les collines pointues, trop petites pour être des montagnes, trop abruptes pour n'être que de collines. Sur la piste défoncée, où la dernière saison des pluies a laissé de nombreuses ornières, je croise des éléphants enchaînés, des femmes et des enfants fumant la pipe, leur bêche sur l'épaule, et des:: petits villages sur pilotis aux §....".. .... c~ toits de feuilles de teck. Puis, piste oblige, on s'arrête. '-L_ ........ --"'.uL.I.:....-.-.... _ Il faut continuer à pied. Un peuple d'origine mongole, arrivé en Birmanie entre le Alors, on marche, traversant X· et le XI/' siècle avant J.-c. les rizières, empruntant les digues qui séparent les petits champs de paddy(1). On passe dans un marigot d'où l'on sort avec des sangsues collées aux jambes. On progresse sous la végétation, écartant feuilles et branches qui, sans cesse, vous caressent le visage. Parfois, on rencontre un homme jeune, mutilé, ou un enfant amputé, signe que la guerre n'est pas loin ... Parfois, on croise un groupe mystérieux qui tire ou pousse de gros buffles ; contrebande ou transhumance? On se regarde... Il n'y a pas de réponse. Et c'est la découverte, entre les pitons, d'un village dépenaillé où les gosses et les poules se poursuivent... On est aussi loin que l'on peut. Au bout, un fleuve, la MoeL .. en face, c'est la Birmanie. C'est la région la plus impaludée de Thaïlande. Depuis toujours, des Karens se sont installés ici, sur la frontière birmane, et vivent paisiblement selon leurs coutumes et culture. Peuplade d'origine mongole, les Karens sont venus par le Tibet et le Yunnan entre le Xe et le XIIe siècle avant J. -c., s'installer dans le sud de la Birmanie. Ils disent être les premiers habitants de la Birmanie. Avis qui n'est pas partagé par une autre ethnie, les Môms, qui prétendent être les plus anciens. Venus quelques siècles plus tard, les Birmans sont d'origine indo-tibétaine. De langue, de culture et de traditions hindoues, bien supérieurs en nombre, ils procèdent au cours des siècles suivants à une répression systématique du peuple karen qui se voit progressivement refoulé vers les jungles incultes et malsaines de l'Est. En 1813, deux missionnaires baptistes américains convertissent les Karens au christianisme. C'est ainsi qu'ils se sont retrouvés du côté des 6 Anglais au temps des guerres de conquêtes (1826, 1852, 1885) qui aboutissent à l'annexion de la Birmanie par la Couronne britannique. En combattant l'Armée d'indépendance birmane aux côtés des Anglais, les Karens obtiennent leur protection. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils restent fidèles aux Britanniques durant l'occupation japonaise et se font remarquer par leur combativité et leurs opérations militaires contre les Japonais. A la fin de la guerre, les Karens veulent former un Etat séparé. Les leaders des différents mouvements se réunissent lors de la Convention nationale des Karens en février 1947 à Rangoon. De cette réunion, est né un mouvement unique: l'Union nationale des Karens, qui réclamait liberté, égalité, paix et unité nationale. En janvier 1948, la Birmanie devient indépendante. Les minorités ethniques demandent un Etat fédéral. L'Union nationale des Karens coopère avec les responsables des neuf autres minorités ethniques de Birmanie qui sont aussi opprimées sous les jougs successifs de U-Nu, puis de Ne-Win et San-Yu. Depuis décembre 1948, les Karens sont passés de la joute politique à la lutte armée. Pour la paix et la cessation de la guerre, les Karens ont, à trois reprises, essayé de négocier avec les différents gouvernements de Rangoon (eh avril 1949, à Insein, en février 1960 et octobre 1983 à Rangoon) qui n'ont jusqu'à présent rien voulu entendre. L'Armée nationale de libération karen compte entre cinq et dix mille hommes tous volontaires. Il s'agit d'une petite armée, structurée à la manière britannique, et bien organisée. Equipée de façon assez hétéroclite, la guérilla karen est, en Birmanie, la plus crédible. Un bateau de l'armée karen est venu nous chercher. Nous descendons cette rivière aux rives couvertes d'une végétation très dense où règne un silence impressionnant seulement perturbé par le bruit que fait le moteur de l'embarcation. Nous allons arriver dans dix minutes au quartier général de la 7 brigade. Là, le major commandant cette place me reçoit dans un maison qui n'a plus de murs. Seuls, le plancher, le toit en feuilles d'arbre et la charpente en bois restent. Non loin de nous, de jeunes garçons d'une dizaine d'années sont occupés à des petites tâches diverses, ou à ne rien faire. Ils sont nombreux. peut-être vingt-cinq, trente. je ne sais pas. Déjà habillés comme des soldats, ils font ici leur premier apprentissage de la vie militaire. La plupart d'entre eux sont orphelins et sont nourris ici au quartier général. Le plus souvent, ils sont occupés à des travaux d'intendance et de manutention. Le major et son adjoint m'accompagnent à une centaine de mètres de là, dans une petite baraque en bois où habitaient deux soldats chargés de l'intendance. Ce sera mon camp de base durant mon séjour. Dîner préparé par mes deux compagnons de maison. J'ai retenu le nom de l'un d'entre eux: Le-Tu. Ici depuis trois mois, il vient de Birmanie centrale où sont encore sa mère et ses soeurs. L'une est professeur dans un petit village, l'autre travaille dans un hôpital. Lui a 27 ans. Après avoir fini ses études, il a fui le régime de Rangoon pour venir rejoindre la révolution karen. Sa famille n'était pas au courant de son départ. Il ne supportait plus la domination birmane et les difficultés économiques. La Birmanie compte quarante- deux millions d'habitants, dont huit millions de Karens. Un million de Karensvivent dans l'Etat du Kawthoolei, en Thaïlande. Les sept autres millions de Karens sont plus ou moins intégrés à la population birmane. L'adjoint du major est venu me rejoindre. Il m'explique la situation militaire à Mae Lah. Enfin, nous mettons au point les derniers détails pour mon départ le lendemain pour le front. Soudain, une lumière apparaît dans le ciel. Tout le monde se précipite dehors. C'est la première fusée éclairante de cette soirée, puis soudain, des explosions très rapprochées les unes des autres. Six ou huit, je ne sais plus. Il est 19 h 30. L'inquiétude envahit tout le monde. Des tirs d'armes automatiques craquent sporadiquement. Les tirs de mortiers repren- Différences - N° 45 - Mai 1985 Mae Lah, tout près du front. Celle amuie, plus de Irois mille ellgagemellts militaires. , nent régulièrement. On voit quelquefois des flashes blancs accompagnés du bruit de l'explosion, toujours suivie de son écho sur le flanc de la montagne. La nuit se passe dans le froid et un calme relatif. Réveil dans l'humidité et le brouillard. Et nous partons pour le front, en territoire birman. Me voici dans un petit groupe, marchant en file sur un sentier ouvert dans la jungle épaisse parsemée de pièges et de mines, laissés par les Birmans. Après une demiheure de marche, nous atteignons un petit village de résistants karens. Voilà bien longtemps qu'ils n'avaient pas vu un Occidental chez eux. Aussitôt, ils me prient de m'asseoir pour partager le thé et la maigre nourriture du petit déjeuner. Du riz ou des nouilles avec un bouillon d'un feuillage quelconque. Un silence menaçant Des soldats qui m'ont escorté, distribuent quelques provisions qu'ils ont apportées avec eux depuis la frontière thaïlandaise, du sel et des médicaments. Il faudra encore une heure de marche pour arriver sur le front de Mae Lah. C'est, en fait, une ancienne position de l'armée birmane qui a été reprise par les Karens et qui a été fortifiée par ces derniers. L'armée birmane du gouvernement de 7 Rangoon a ses positions à cent-cinquante et deux cents mètres du front karen. Les Birmans se sont enterrés dans des tranchées, parfois visibles des positions karens, dans des «bunkers» construits dans le sol, et dissimulés par les feuillages. Entre ces deux fronts règne un silence menaçant, qui n'est interrompu que par le bruit des tirs. Bien que les échanges de tirs soient très fréquents, les positions restent assez stables. L'ennemi est soumis à une observation permanente et à des pilonnages d'armes automatiques et de mortier. Pendant mon séjour avec eux, les pertes du côté birman ont été élevées (cinq morts et plusieurs blessés), chez les Karens, un seul blessé. Le général Né-Win, l'homme fort du régime du gouvernement de Rangoon, vient de visiter les différents pays européens pour acheter des armes modernes. Il a donné à son armée l'instruction de liquider les « rebels » avant le mois de juin 1985. Ainsi, depuis quelque temps, les Birmans ont lancé une violente offensive contre les Karens sur les fronts de Mae Salid, Mopouké, Mae Lah et Wang Kha. Ils ont ainsi obligé environ huit mille Karens à trouver refuge temporairement en Thaïlande. Mais depuis septembre 1984, après avoir passé une alliance avec d'autres ethnies, les Karens développent une contieoffensive en coordonnant'. leurs actions avec les armées des autres ethnies et d'autres groupes opposés au gouvernement birman. Le Front démocratique national a, au~ jourd'hui, une certaine réalité. Profitant du mauvais moral des troupes birmanes, les Karens, poursuivant leur pression avec leurs alliés, ont . reconquis un peu de terrain en certains endroits. Selon les autorités birmanes; plus de trois mille engagements militaires ont eu lieu cette année, faisant plus de trois mille morts du côt~ rebelle. Dans ces combats, l'enjeu politique n'est pas toujours très clair. Les diversesar" mées rebelles, si elles' repré~ sentent des ethnies ou des religions différentes de celle du pouvoir central, sont aussi souvent soutenues par ' l'étranger. Le gouvernement de Ran~ goon s'épuise à lutter contre les résistants pour étendre son contrôle sur l'ensemble du pays et s'assurer dès ressources minérales et forestières. Une guerre à peiné connue en Occident, quie'st pourtant appelée à s'intensifier. Peter RADLEY (1) Paddy: riz non décortiqué. LE MOIS Talkie-walkie et mobylette Barded Barka roule en cyclomoteur, sans casque, sur la ZUP de Vaulx-en-Velin, soeur jumelle de celle des Minguettes. Passent deux îlotiers qui « lui lancent leur talkie-walkie à la figure » disent les témoins. « Simple chute » répondent les policiers. Certitude , Barded est mort (8 mars). Amende honorable Le directeur du journal Sport cérébral, dont nous avions publié un dessin à caractère raciste, fait amende honorable et nous assure que cela ne se reproduira plus (11 mars). Le bureau soviétique d'information s'insurge contre le dernier polar de Gérard de Villiers, dans lequel celui-ci présente l'Afrique du Sud comme le dernier rempart de l'Occident en Afrique, et relève les nombreuses inexactitudes du livre , qui place par exemple Principe et Sao-Tome sur le littoral de la GuinéeBissau (13 mars). Roots L'Agence télégraphique j uive signale que le « nouveau passetemps branché des juifs américains est la généalogie ». Dixhuit villes auraient d'ores et déjà leur section du Mouvement généalogique juif moderne (14 mars). Au bon boeuf Une publicité dans le Monde vante les vertus du charolais français, élevé au Botswana, dans les installations les plus modernes du monde. Plus de la moitié des Botswanais, ont, pour vivre chaque jour, l'équivalent du P AM (programme d'aide alimentaire de l'ONU) , soit 100 grammes de sorgho, 15 grammes de matière grasse, 10 grammes de lait écrémé, et 60 grammes de haricots. Miammiam (17 mars). Projet de loi Un texte prévoit que désormais la négation de l'holocauste sera passible de poursuite en RF A (voir courrier des lecteurs) (18 mars). Remboursez Deux nouveaux Baha'is exécutés en Iran. Ils avaient été arrêtés lors de la vague d'arrestations déclenchée depuis plusieurs mois. On demande notamment aux Baha'is anciens fonctionnaires de rembourser tous les traitements reçus sous la monarchie du Shah (19 mars). Menton « Touche pas à ma pote », version Menton, revue et corrigée de sept ou huit coups de 22 long rifle. Bilan: un mort, Aziz Madak, Marocain de 28 ans ; un blessé, Jean-Luc Louis-Jean, jeune Martiniquais de 17 ans et demi; un miraculé, Ali Belathel, algérien. Pourquoi? Les deux inculpés Yves Podolsski et Francis Piovano apportent une réponse simple à une pratique qui se banalise: « Nous, on n'aime pas les Arabes. » Le racisme par évidence, la « sincérité » imbécile comme plaidoyer de la défense (21 mars). Panique Lors du cambriolage de trois maisons vides de la banlieue nantaise , à Couéron, trois jeunes du quartier de Bellevue, à Nantes, sont interpellés par les gendarmes du groupe d'intervention de Saint-Herblain, appelés en renfort par les gendarmes de Couéron. Deux des jeunes gens tentent de s'enfuir. L'un d'eux, Redouane Farhane se réfugie dans un abri de jardin. Il y est poursuivi par un jeune gendarme auxiliaire , appelé du contingent qui fait son service dans cette arme. Affolé, le jeune gendarme tire , et tue Redouane d'une balle dans la région du coeur (21 mars). Autocollants, auto brisée Rentrant de la fête du MRAP à Grasse, une jeune femme avait apposé des autocollants « Non au racisme » sur son auto. Ça lui a d'abord valu d'être poussée deux fois dans le fossé. Le lendemain , elle retrouvait sa voiture ravagée, toutes vitres brisées. « Non au racisme » était devenu « Non aux Arabes », et deux tracts du Front National l'attendaient sur la banquette avant. Elle a porté plainte (23 mars). la voix du Seigneur « J'ai peur d'avoir honte pour mon pays quand je sens que le respect de la dignité des autres commence à se perdre » déclare Mgr Lustiger, archevêque de Paris sur TF1 (24 mars). 8 Week-end sanglant La vague ininterrompue de violence dans la région de PortElisabeth, à l'est de la province du Cap coûte la vie à dix Noirs sud-africains au cours du weekend. Depuis une semaine, quarante- quatre Noirs ont trouvé la mort au cours de manifestations et émeutes qui ont secoué les cités-dortoirs entourant PortElisabeth, port situé sur l'océan Indien et actuellement plongé dans une grave crise économique (35 p . 100 de chômeurs) . Concernant le massacre de jeudi à Langa, une représentante du Parti progressiste fédéral (Opposition libérale) pour la région de Port-Elisabeth., Molly Blackburn, déclare qu'« à aucun moment, ces manifestants n'avaient représenté de menace pour la police ou pour les zones blanches voisines, comme l'a prétendu le ministre de la Loi et l'Ordre » (24 mars). Pour Tarnopolski Manifestation de soutien au refusnik Youri Tarnopolski , emprisonné depuis 1983 en URSS, devant le stand de la Librairie du Globe au Salon du Livre (25 mars). Bataille Le maire de Montreuil, J.-P. Brard, bloque la mise en place d'un chantier de la société LOGIREP qui construit des foyers pour travailleurs immigrés. La municipalité rappelle qu'elle s'est opposée unanimement à la construction d'un dixième foyer sur son territoire, et qu'elle a reçu des assurances des pouvoirs publics en ce sens depuis janvier (25 mars). Manif Le comité de soutien contre le racisme de Menton, regroupant une vingtaine de mouvements dont le MRAP, Amnesty Inter· national et la communauté juive, appelle à une manifestation à 18 h 30, à Menton, destinée à démontrer « la détermination à lutter contre l'intolérance, le racisme et le facisme ». Avec eux et SOS-racisme, des milliers de lycéens porteurs du badge « Touche pas à mon pote » passent aux actes, avec comme mascotte, un Coluche revendiquant ses origines d'immigré : « Pas beur, mais fromage .. . d'origine parmesan » (26 mars). Sur la touche N'en déplaise à l'International Board et à ses communiqués à tiroirs, le premier tournoi mondial de rugby, prévu en 1987 en Australie et en Nouvelle-Zélande, se fera sans l'Afrique du Sud ou ne se fera pas. Deux prises de position officielles nous le confirme. La première vient du Premier ministre australien, qui précise dans une interview accordée à la télévision australienne au cours de sa visite officielle au Canada: « Aucun joueur de rugby sud-· africain ne se verra attribuer de visa pour jouer en Australie pour quelque raison que ce soit. » Bob Hawke déclare d'autre part que « si la coupe du monde était organisée dans un autre pays avec la participation de l'Afrique du Sud, l'Australie ne se présenterait pas ». La seconde nous vient de Nouvelle-Zélande, qui prend la balle au bond. Ainsi David Lange, Premier ministre, laisse entendre que les joueurs de l'équipe nationale, les All Blacks, employés dans les services publics perdraient leur emploi s'ils acceptaient de participer cet été à la tournée prévue en Afrique du Sud. « Par ailleurs ajoute-t-il, si la fédération ne revient pas sur le projet de cette tournée, le gouvernement coupera toute subvention de l'Etat envers les clubs et les écoles de rugby. » Bien que d'un poids beaucoup plus faible, il faut également noter la prise de position de la fédération soviétique de rugby : « Nous sommes pour le déroulement d'un tournoi international de rugby mais contre la participation de l'Afrique du Sud » (27 mars). Oublis Le Président Reagan, qui doit venir en Allemagne pour commémorer le quarantième anniversaire de la victoire sur le nazisme se refuse à visiter un camp de concentration : « On ne devrait pas imposer [aux Allemands] un complexe de culpabilité, car ils ont depuis créé une démocratie » (25 mars). Bravo Ernst Zundel, la version canadienne de Faurisson, qui nie la réal ité de l'Holocauste, est condamné par la cour de Toronto (28 mars). Au rapport Le Collège de France remet à M. Mitterrand un rapport sur l'enseignement. Les distingués membres insistent notamment sur la nécessité de renforcer lé pluralisme des cultures dans nos écoles (30 mars). Afrique du Sud: des morts, une répression sans faille. la bombe Vers 21 h 45, le film sur le procès d'Eichmann projeté à l'occasion du 4' Festival international du cinéma juif s'achève quand une explosion provoque un début d'incendie et l'effondreinent du plafond : un engin de faible puissance a été déposé sous un fauteuil à l'arrière de la salle. Pierre Joxe, ministre de l'Intérieur arrive sur les lieux. Dix minutes plus tard , Jacques Chirac le suit. Deux visites éclairs et quelques propos de circonstance. « Il s'agit d'un attentat raciste que rien ne peut justifier », déclare le maire de Paris, devant une meute de photographes. Pierre Joxe de son côté déclare très affecté: « Tout attentat est abominable, et spécialement celui-ci, qui visait un festival de cinéma juif un vendredi soir. » Plusieurs milliers de 'personnes se rassemblent devant le cinéma Rivoli-Beaubourg, avant de se rendre au mémorial du martyr juif à l'appel de la LICRA, du MRAP et de diverses associations juives (30 mars). Différences - N° 45 - Mai 1985 Miramas L'abri-bus est monumental. Une sorte de pagode de bois vernis et de verre fumé, haute comme une maison, sortie du cerveau d'un architecte soucieux de donner de la vie et du style à la Rousse, ce quartier de béton qui a poussé à la périphérie de Miramas. Mais ce dimanche matin, entre les cubes caca d'oie et la haute barrière blanche de HLM qui leur fait face , une tache sur le macadam suffit à briser cette harmonie factice . Une énorme flaque de sang, entourée de pierres soigneusement alignées en ovale, comme un parterre macabre, comme une tombe ouverte. C'est là qu'on a retrouvé Nouredine Hassène Daoudji, un jeune Algérien de 18 ans, abattu d'un coup de fusil après une altercation dans un bar (30 mars). Enlèvements Le Dr Elie Hallak, vice-presIdent de la communauté juive de Beyrouth ainsi que trois autres personnalités juives sont enlevés à Beyrouth. Personne n'a revendiqué cette action qui a beaucoup surpris la communauté jusqu'ici épargnée par la guerre civile et les conflits libano-israéliens (5 avril). 9 le pOids du sport L'Equipe magazine dénonce l'utilisation par la propagande sudafricaine de la renommée sportive des Springboks. Une récente publicité parue dans l'Expansion, montre en effet une photo de cette équipe, et annonce: « Comme ses fameux Springboks, l'Afrique du Sud joue un jeu ouvert et loyal. » Un bon point pour l'Equipe magazine, qui montre ainsi les liens entre sport et politique (6 avril). Chicaneries Mohamed Naciri, salarié et militant syndical à Dijon, rentre en vacances chez lui au Maroc en mars. Les autorités marocaines l'arrêtent et lui confisquent son passeport. Depuis, Mohamed Naciri attend qu'on le lui rende pour rentrer travailler en France (5 avril). Back-rooms Le CUARH, comité d'urgence antirépression homosexuelle , proteste vivement contre la fermeture par la police des backrooms, lieux de rencontres homosexuelles privés et ne gênant personne. Le CUARH demande qu'on laisse aux homosexuels leur liberté de choix (6 avril). Fort-Dimanche Réfugiée en France, l'épouse de M. S. Marin, dirigeant du Rassemblement démocratique national progressiste, nous informe que son mari, arrêté en septembre pour des raisons politiques, vient d'être transféré dans la sinistre prison de Fort-Dimanche, réputée à Port-auPrince pour être l'antichambre de l'exécution pure et simple (7 avril). Cagoules Antenne 2 diffuse le film de Claude Chelli, « l'Empire invisible », consacré à l'affaire de Grennsboro , où, le 3 novembre 1979, le KKK abattait froidement cinq dirigeants syndicaux (18 avril). Plaisir Les Tsiganes et gens du voyage organisent à Plaisir (Yvelines) une rencontre avec la presse pour attirer l'attention de l'opinion sur les difficultés de stationnement que rencontrent en France tous les itinérants (25 avril). " .,'."4.

At:tUEL

- Attentats - MAIS QU'EST-CE QU'ON VA FAIRE? Le racisme est à l'oeuvre, le Président cause droit de vote, les antiracistes sont mobilisés. Pourquoi ça ne marche pas mieux? T out homme de culture '. qui a vu Le livre de la '. jungle de Walt Disney n'aura pas oublié ces sympathiques vautours, perdus sur un arbre décharné au milieu d'une lande désolée. . A chaque événement, l'un deux se secoue et demande aux autres : «Mais qu'est-ce qu'on va faire? » Et chaque fois, il perd quelques plumes qui tombent doucement vers le sol. La comparaison n'est pas injurieuse : pour les malheùreux qui n'auraient pas vu le film, les vautours y ont un rôle positif, face au méchant Shêrè Khan, le tigre qui dévore tous les étrangers de son territoire. Mais elle rend bien èompte du désarroi des , hommes et femmes de bonne volonté face à la montée du , racisme. Quel désarroi? dira-t-on. Jamais la riposte , contre la bête immonde n'a été ~ussi forte, diversifiée. JaIl)ais on n'en a tant parlé dans les journaux. Pourtant, Menton, Miramas, Festival du cinéma juif, Annonay: ça continue. . L'exemple de la percée de SOS-racisme est intéressant. Aû commencement étaient une main et une formule. Toutes deux quasi parfaites: ~n badge, dans cette période de , dépolitisation, c'est un , programme minimal, agréé par beaucoup s'il est convaincant, ce qui est le cas. La form,ule, « Touche pas à mon pote », est jeune, généreuse, et vague, trois raisons pour y souscrire. Et cinq cent mille mains sur cinq cent mille poitrines, c'est bien, l'antiracisme s'affiche. Hasselle LJaouadji, assassillé le JO mars 8S à Miramas. Au commencement. était aussi une intelligence certaine du monde moderne. Les dirigeants de SOS-racisme ont su convaincre quelques stars, BHL, Marek Halter, Coluche, qui ont ramené la presse . Qu'est-ce qu'on dit aux journaux? Nous sommes jeunes, nous sommes neufs, les autres mouvements sont de vieilles barbes. Juste ce qu'ils avaient envie d'entendre (1). Résultat

200 journalistes, cinq

télévisions, tout le chic du choc à la première conférence de presse, en mars. «Qu'est-ce qu'on va faire? », demande le vautour. C'est là que sombre la nouveauté. SOS-racisme propose des assises de la jeunesse, une agence de presse, un comité d'éthique: toutes choses qui, peu ou prou, existent déjà. Après l'air de nouveauté, reviennent les antiennes éprouvées. C'était sensible à la conférence de presse qui a suivi le 10 meurtre de Miramas. Les dirigeants de SOS-racisme avaient envoyé une commission d'enquête sur place. J'étais à la conférence, et, sans méchanceté, ça ne faisait pas très sérieux : enquête faite en deux heures, sur simple audition de la famille de la victime, pas de confrontations des thèses, etc. Les journalistes, pas trop contents d'avoir été convoqués pour n'entendre que ça, se tortillent sur leurs chaises et posent des questions perfides. Mais enfin, dans la presse du lendemain, on leur accorde le bénéfice du neuf, et ils sont bien traités. Fin du sujet dans les médias, le racisme repart dans l'ombre. Sans jouer les Cassandre, on peut aisément prédire que si SOS-racisme continue comme ça, les petites mains iront rejoindre au fond des tiroirs les « Peace-and-Iove » des années 70. Et les mouvements traditionnels? Le MRAP continue son travail de fourmi. Mais il n'est pas à la mode. Tenu à l'écart des médias nationaux, alors qu'il est très favorisé par la presse régionale, il est écartelé entre une présence forte partout en France et l'absence, ou presque, d'audience nationale, comme s'il était présent dans le pays réel, et gommé de l'image que se donne ce pays à luimême. Sollicité ces derniers temps, on lui demande de se positionner par rapport à SOS-racisme. Le standard du siège explose chaque jour face aux demandes... de badges « Touche pas à mon pote ». Preuve, d'ailleurs, que dans l'esprit des gens, la lutte antiraciste est uniforme et uniformisée. Sans médias pour le relayer, le MRAP, comme les autres mouvements dits traditionnels, n'arrive pas à tenir la place qui lui revient. « Mais que fait le gouvernement? » dit-on au comptoir. Pas grand-chose. Enfermé dans le jeu politique du « qui est avec qui» des cantonales, il n'a pas réussi à susciter le sursaut national de résistance au racisme. Depuis, c'est le silence, le Président parle tout seul. Le PCF se cherche une place de meilleur rempart contre l'extrême-droite, puisque le plus attaqué par elle. La droite (voir Différences n° 44) ne sait pas trop quoi faire du dernier-né. Résultat: le racisme reste en piste. L'explication est sans doute plus profonde: peut-être que les idées manquent. On sait depuis longtemps lutter contre l'austérité, ou les droits de l'homme en général, surtout lointains. On a toujours su se battre contre une extrême-droite minoritaire et imprudente. Mais la société civile reste démunie devant le racisme comme mouvement de masse, comme devant la crise. Ce désarroi est peut-être le seul rapprochement valable avec la montée du nazisme, tant (trop?) de fois évoquée comme élément de comparaison pour l'extrême-droite actuelle. «Mais qu'est-ce qu'on va faire? », dit le vautour. Paradoxalement, la réponse est limpide. Comme aurait sans doute dit Verlaine, il faut que l'immigration pour tous cesse d'être un problème. Il faudrait que les hommes politi- :.. ques, les médias, les corps :: constitués, les zintellectuels, 29 mars 8S : le Rivoli-Beaubourg saute. Pour un nouveau civisme bref, les gens, cessent de dire que Le Pen est méchant, ce qui le sert, mais qu'ils prouvent qu'il a tort. Or rien n'est plus simple que de montrer que l'immigration n'a rien à voir avec la crise, qu'elle n'est pas responsable du chômage, de l'insécurité, que parler école et immigration, logement et immigration, c'est additionner des poires avec des bananes, dont on sait tous, depuis la communale, que c'est interdit. C'est facile à prouver. Pourtant, une étrange pudeur em, pêche tout le monde de le faire. Et pourquoi donc? , Jean-Michel OLLE (1) D'autant que les mêmes journaux avaient joué à se faire peur pendant deux mois en interviewant Le Pen à longueur de colonnes. Bien oc cou-, vrir,. SOS-racisme c'était tordre le bâton dans l'autre sens, en montrant au passage la merveilleuse objectivité de la presse. Pour Albert Lévy, secrétaire général du MRAP, la lutte contre le racisme prend un nouvel essor. P lus de cinquante ~~ manifestations " dan s t 0 u tel a France en un mois, après l'avalanche de crimes et d'attentats racistes de cette dernière période. Le MRAP était présent dans toutes, comme organisateur, initiateur ou catalyseur de cet élan. C'est dire l'importance de la prise de conscience. Il faut en souligner les aspects nouveaux. Il nous semble qu'au-delà de l'indignation provoquée par ces crimes, on remonte plus facilement à leurs causes, à l'idéologie raciste et au~ déséquilibres sur lesquels elle s'appuie. Les gens perçoivent mieux le danger. Théo Klein, président du CRIF (1), disait, après l'attentat contre le cinéma Rivoli-Beaubourg: « Contre le racisme, rien ne doit nous diviser. »Et de fait, beaucoup de ceux qui, dans les deux sens, n'étaient sensibles qu'à un racisme, se sont mobilisés contre tous les racismes. On sent un désir d'agir. Mais comment? Se mobiliser, c'est bien, s'afficher antiraciste, il le faut, dénoncer le danger aussi. Mais reste à Différences - N° 45 - Mai 1985 s'attaquer au mal dans ses causes mêmes. Pour nous, au départ du développement du racisme, il y a une profonde mystification. On veut nous faire croire que toutes les difficultés que traverse la société française sont le fait de l'immigration. Nous devons cette « explication », bien sûr, au Front national, mais beaucoup lui ont allégrement emboîté le pas. Or il n'y'a pas de « problème» de l'immigration. Il y a des problèmes dans la société française, qu'on attribue faussement aux immigrés ... Une de nos tâches est donc de rétablir la vérité, dans chacun des domaines accolés à l'immigration: logement, chômage, insécurité, crise du système scolaire, sentiment de perte de l'identité. Ce devrait être le rôle des médias, des forces politiques, de tous ceux qui ont la possibilité de s'exprimer. Un exemple: dès que Le Pen parle du chômage, il l'attribue à la présence d'immigrés en France. Mais quand les journalistes parlent du chômage, en avez-vous entendu beaucoup dire que 11 les immigrés n'en sont pas responsables ? La volonté de rétablir la vérité n'existe pas. Nous serions heureux qu'il y ait débat, même vif, sur les causes des problèmes qui agitent la société française, mais nous trouvons déloyal et malhonnête de les attribuer à l'immigration. C'est pourquoi nous allons contacter les élus politiques de tous niveaux pour qu'ils se prononcent sur un document comportant dix vérités élémentaires sur l'immigration, et les médias pour qu'ils propagent ces vérités, avec la même force que celle qui est offerte à Le Pen. Mais il ne suffit pas de faire cette démonstration théorique. Il faut, ensemble, chercher les solutions sur le terrain. Les problèmes de notre société concernent Français et immigrés; ils trouveront leur solution si l'analyse et l'action réunissent Français et immigrés. Là aussi, c'est un phénomène nouveau. Doit se développer une nouvelle façon de prendre en main les problèmes, un nouveau civisme qui englobe tous ceux qui sont concernés par les difficultés de notre pays, sans distinction d'origines. Les immigrés ne doivent plus être un objet d'étude ou de dénigrement, mais des acteurs parmi tous ceux qui tentent d'agir pour l'avancée de notre société. Les immigrés, pendant longtemps, ont lutté pour la reconnaissance de leurs droits. Ils ont lutté avec les travailleurs français au plan syndical pour défendre leurs intérêts communs. Il faut'créer les conditions pour qu'ils participent pleinement à ce mou~ verne nt plus large. La ques~ tion du droit de vote, évo~ quée ces derniers jours, ne rencontrerait pas les mêmes résistances si tous les habitants d'une même commune prenaient conscience de la concordance de leurs intérêts, et de la nécessité de lutter ensemble. Touche pas à mon pote, d'accord. Mais, puisque tout le monde a sa version de la formule, je vous propose celle-ci : nous et nos potes, main dans la main.» Propos recueillis (1) Conseil représentatif des institutions juives de France. ACTUEL Un humour incertain. - BourdeÇa l'affiche mal· Au festival de jazz du Mans C' était l'affiche du festival de jazz du Mans, qui s'est tenu du 18 au 21 avril à l'abbaye de l'Epau. Son côté Banania, sans aucun doute humoristique et référentiel a fait faire des couacs à plus d'un jazzman. L'International Herald Tribune, pas moins, fait état d'un beau tollé dans la communauté qui swingue. Hart Leroy Bibbs, poète, romancier et photographe, est allé jusqu'à la mettre en rapport avec la montée du racisme en Fr;lOce et les succès de Le Pen. C'est, sans doute, faire trop d'honneur à ce dernier. En tout cas, les organisateurs interpellés, ont publié, sous la signature d'Armand Meignan, une mise au point indiquant qu'il « ne s'agit là que d'une caricature tentant de situer avec humour le jazz européen d'aujourd'hui par rapport au jazz américain ». - Kidnapping - En effet, on remarque que le batteur noir en chapeau rond, stéréotype du musicien New Orleans tel que les Français l'ont longtemps vu, est visé par des flèches reprenant les différents drapeaux européens, symboles (eux aussi) de l'année européenne de la musique dans laquelle s'inscrit le festival. L'affiche · elle-même, et le débat de forme qu'elle a suscité nous paraissent terrain glissant, aux marges de l'humour et de la maladresse, et nous ne nous y aventurerons pas. Rappelons simplement que le débat n'est pas neuf, et qu'à vouloir choisir entre la légitimité afro-américaine et le foisonnement européen, il y a de quoi manger sa trompette. Quant au festival lui-même, merci pour lui, il s'est très bien passé. 0 Jean ROCCIA Une communauté bien tranquille Toujours épargnés par la guerre, les juifs de Beyrouth se sentent maintenant menacés depuis l'enlèvement de quatre des leurs. L' enlèvement non revendiqué de quatre personnalités juives de Beyrouth a jeté un grand trouble dans cette petite communauté qui avait jusqu'à ce jour réussi le tour de force de rester à l'écart du conflit israélo-libanais. Profondément enracmee . dans l'histoire du pays, la .communauté juive n'a jamais pris part aux luttes confes. si9nnelles pour le pouvoir. , Trop petite pour être concurrentielle, elle a toujours été épargnée par les autres groupes. Bien sûr, les rapports se sont un peu tendus ces dernières années. Une bonne partie des jeunes qui en avaient les moyens, comme dans toutes les autres communautés, ont quitté le pays pour tenter leur chance dans les autres pays du monde. Mais les vieux et les pauvres sont restés à Beyrouth- Ouest, au milieu des chiites qui, depuis le début de la guerre, se sont installés dans le quartier. Entre anciens et nouveaux habitants, l'entraide a toujours été exemplaire. D'ailleurs, quand les Israéliens sont entrés dans Beyrouth, une de leur première préoccupation a été de vouloir mettre la population juive « à l'abri » . Mais les juifs ont refusé de bouger. Et, à dire vrai, les seuls obus qui soient jamais tombés sur la synagogue étaient israéliens. Un quartier sous contrôle C'est pour tout cela qu'à Beyrouth, on ne comprend par les raisons de ces enlèvements. Les personnes enlevées avaient de grandes responsabilités dans la communauté. C'est elles par exemple, qui étaient chargées de distribuer l'aide des juifs les plus riches aux plus déshérités. En tout cas, les 12 enlèvements ont réussi là où · dix années de guerre civile · avaient échoué : nombre de juifs qui restaient se sont réfugiés à Beyrouth-Est ces derniers jours. Circule ac- · tuellement une pétition que signent les habitants du quartier, juifs ou chiites, et. qui sera envoyée à Nabib Berri, ' le dirigeant d'Amal. Indication qu'il faut manier avec prudence: c'est surtout la preuve que le quartier est · contrôlé par Amal, ce n'est pas une présomption de responsabilité dans l'enlèvement. 0 Correspondance particulière. ·PREJUliES Une opinion récente voudrait démontrer que se développe chez nous un « racisme anti-Français ». Afin de lutter contre cette nouvelle forme de racisme, et celle-là seule, une association s'est même créée: l'AGRIF (Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne). Cette association est à l'origine de l'assignation en justice du dernier film de Jean-Luc Godard, Je vous salue Marie (1). Dans l'exposé des motifs, son avocat, maître de Saint Just, affirma que Godard n'avait pas le droit à un tel « irrespect des croyances, de notre croyance », car le droit au respect des croyances est proclamé par la Constitution comme par la loi de 1972 qui condamne la discrimination en raison de l'appartenance à une race ou à une religion. Le film, on le sait, n'a été ni saisi, ni censuré. L'AGRIF, dont le but est «la lutte contre le racisme anti-Français» mais aussi «les idées subversives », est présidée par Romain Marie - alias Bernard Antony -, président des Comités chrétienté solidarité, député européen du Front national. Les liens entre l'AGRIF et le FN ne sont un mystère pour personne. C'est d'ailleurs lors du Conseil national, du FN à Annecy les 24 et 25 février 1984 que Romain Marie a présenté son association. Se protéger A un journaliste qui lui demandait s'il fallait interdire le film Train d'enfer, JeanMarie Le Pen répondit qu'il fallait le poursuivre et qu'il avait personnellement demandé aux dirigeants de l'AGRIF « de déférer le film de M. Hanin devant les tribunaux », car il « constitue une provocation à la haine raciale ». A cette occasion, il présentait l'AGRIF comme « l'association antiraciste de droite contre le racisme antiFrançais » (2). L'antiracisme serait donc divisible? Assurément non. Quand il a impulsé le vote de la loi du le, juillet 1972, le Différences - N° 45 - Mai 1985 - Chez nous- Existe-t-il un racisme anti-Français ? On l'entend dire, mais ça reste à prouver. ~/i:Ui T UN SALe: ANTi. ~a.AN ç-Ais ff MRAP n'a jamais cherché à lutter contre le racisme en en imposant un autre. Cette loi punit toutes les discriminations raciales. Pour preuve : « En octobre 1980, le tribunal de Montbéliard a condamné un Turc pour injures raciales envers deux gardiens de la paix qu'il avait traités de « putains de Français» à mille francs d'amende. Le MRAP, qui s'était constitué partie civile, obtenait six cents francs de dommages et intérêts. » (3) L'argument suivant lequel «le catholique français ne dispose d'aucune association reconnue' d'utilité publique, telle que le MRAP ou la LIeRA pour se protéger du racisme anti-chrétien » (4) ne tient pas. On peut, d'autre part, s'é- A~f,t1Ais ALOQ.S,t'" CHAIit(ôt TouT •.. jE vous NUS jOSTE. ON PtTiT P.". PouQ. "CH"'SS~ pQ.oHiai.t . " E.N "111.'-" ••• tonner que cette association soit présidée par quelqu'un faisant ' l'objet d'une inculpation pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales, à la suite de propos tenus lors de la Journée d'amitié française du 16 octobre 1983. Comment ne pas s'étonper aussi quand les mêmes qui considéraient la loi de 1972 comme un loi antinationale l'utilisent maintenant devant les tribunaux? Derrière cette lutte contre le racisme anti-Français se profile peut-être un racisme tout court, doublé d'une opération politique. Lorsque National Hebdo, organe du Front national titrait dans un éditorial « Racisme (anti-Français) : les rai- 13 sons de la une », (5), c'était pour reprocher au Matin de faire une discrimination entre les cadavres, en n'accordant aux vieilles dames tuées dans le XVIIIe arrondissement qu'une place secondaire par rapport au meurtre des trois Turcs à Châteaubriant et à Epône. L'antiracisme supposé a priori privilégiei' les immigrés au détriment des Français serait un racisme contre ces derniers, un racisme qui mettrait en danger l'identité française. Autant l'antiracisme, par nature, ne peut être la défense d'une race contre une autre, puisque c'est précisément la notion de race et de son emploi qu'il combat, autant le racisme anti-Français . ressemble fort à une invention qui s'appuie sur une définition étriquée, voire racisante, du Français. L'AGRIF défendrait-elle des Antillais français, ou des immigrés de la seconde génération? Constamment obligés de se ! défendre de tout racisme, les leaders de l'extrême droite ont trouvé le moyen de passer désormais à l'offensive en dénonçant l'anti-France. C'est sans rire que Romain Marie a pu commémorer la journée du 21 mars contre la discrimination raciale en tenant un meeting à Paris. 0 DURAND-DUPONT (1) Avec une autre association, la Confédération nationale des associations familiales catholiques. (2) Forum RMC, 17 février 1985. (3) Cf. Chronique du flagrant racisme, ouvrage collectif du MRAP, éd. La Découverte, 1984, p. 56. (4) Propos tenus par Romain Marie dans une interview accordée au journal Le Monde, 27 et 28 novembre 1983. (5) NalWnal Rebdo, n° 23, 16 février 1984, p. 2.

RENCONTRE - Initiatives - SI LES FEMMES S'Y METTENT ... A Paris, à Nanterre, Maghrébines ou Portugaises, ça bouge chez les jeunes issues de l'immigration Un petit centre commercial à Nanterre, comme tant d'autres, avec sa dizaine de boutiques soigneusement alignées autour d'un carré de pelouse. Une heure de l'après-midi, tout est fermé. Mais alors, ces bruits de voix, cette musique ? .. Ce constant va-etvient? Petit, tout petit, dans un angle, un salon de thé avec, en vitrine, des pâtisseries :; orientales. A l'intérieur quelques ban- - quettes, deux tables, une étagère avec La Nadha : coijfure et culture. livres et revues. Juste à côté, un salon de leur faciliter une insertion toujours de coiffure. Le rapport entre les deux? rude. Soins naturels et coiffure à doLa Nahda, une association de femmes micile, ce salon tourne bien. Il reçoit maghrébines, créée en janvier 1982. qu el que cen t·cm qu ante cl1· ente s par Elle compte à présent cent cinquante semaine. L'ouverture, en novembre adhérentes et une dizaine de perm a- dernier, du salon de thé a facilité la nents et vacataires. « L'option première venue de femmes maghrébines, des de notre association est le culturel », jeunes surtout, mais la clientèle reste ~I12 janvier 2012 à 18:06 (UTC) ~:jCharlesa:~~d;;~~;~ra~:u~~ cependant majoritairement française. traditionnelles, c'est un peu comme donner une colonne vertébrale à un enfant. N'importe qui peut, avec ces bases, tenir le coup sans rien d'autre. C'est dans cette optique que nous avons mis sur pied une chorale, un cours de guitare et un cours de langue arabe, auquel assistent une trentaine d'enfants. D'autre part, nous possédons une bibliothèque en français et en arabe, axée sur le tiers monde et l'immigration. » Mais la Nahda a d'autres cordes à son arc. D'abord, la cellule d'information et action, un lieu d'échanges et de rencontres entre les femmes et la production économique. En juin 1984, l'association reprend un salon de coiffure. Géré par une professionnelle, il emploie, à présent, quatre jeunes ouvrières en cours d'études, afin L es difficultés budgétaires, l'absence de locaux en propre, ont, l'année dernière, obligé l'association à fermer divers ateliers, tels ceux de couture et de costumes traditionnels. Ces obstacles n'affaiblissent cependant en rien le dynamisme de la Nahda : le mois dernier a démarré un atelier de mécanique auquel participent une dizaine de femmes. Parallèlement, un camp itinérant au Portugal est en préparation en relation avec Centopeia. En août 1984, elles ont organisé un camp itinérant en Algérie et Tunisie. Les mères devaient servir de guide à leurs filles. Le choc auquel elles s'attendaient a été, là-bas, multiplié par dix. Choc véritable pour elles comme pour 16 les gens rencontrés. Pour la première fois, ils voyaient une association d'immigrées, des femmes organisées, et partageant leur vie car, bien qu'étant une trentaine, elles n'ont pas usé de structures particulières d'accueil ou transport. « De notre côté, dit Nejma, bien des idées reçues ont volé en éclats. Nous avons vu des femmes, des jeunes filles dehors, dans la rue, dans les écoles et sur les lieux de travail parlant le français comme l'arabe classique. Et puis, nous avons trouvé un pays en plein chantier, offrant de réelles possibilités d'emploi. La réinsertion est possible. » Certaines parmi elles ont, à la suite de ce voyage, envisagé de retourner au pays, mais pas dans n'importe quelles conditions: pour la réussite de ce retour, l'association est, là encore, une donnée de poids. A ctuellement la Nahda travaille, avec quatre associations nanterroises, sur le projet d'un lieu de vie, de santé et de loisir qui comprendrait notamment une salle de sport, une salle de cinéma et un hammam. «Nahda veut dire renaissance. La renaissance, c'est tout à la fois une nécessité et un danger. Ce que nous voulons, c'est renouer avec les traditions, en préserver les acquis positifs, comme, par exemple, cette convivialité propre aux populations méditerranéennes, tout en les adaptant à la société contemporaine. Car notre objectif demeure l'intégration, la participation à cette société dans laquelle nous vivons. Pour cela, il nous faut créer, inventer des structures intermédiaires qui allient et conjuguent nos deux cultures. » 0 s ur l'écran, témoignages, saynètes et images du quotidien. La salle se tait, attentive, sous l'emprise de ce court métrage qui mêle les genres avec bonheur. Ni pensum ni film à thèse, Portugaises d'origine est regard: regard intime, plein d'émotion, que promènent, sans complaisance aucune, des jeunes femmes issues de l'immigration, sur leur communauté d'origine. C'est le retour définitif au Portugal, rêve toujours présent à l'horizon, que les parents reportent d'année en année. Ou les dimanches dans les associations entre danses folkloriques, parties de cartes et repas collectifs. Ou encore l'école portugaise, le samedi aprèsmidi, un surcroît de travail et un enseignement inadapté. La vie des adolescentes, entre des structures scolaires, ignorantes des embûches de la double culture, et leurs amours soigneusement cachées au père. Et puis, les témoignages de trois jeunes femmes de vingt-cinq ans: calmement, mais avec fermeté, elles racontent leur travail, leurs choix, leur cheminement. «Je ne me sens pas immigrée », conclut l'une d'elles. « Se sentir immigrée, c'est sentir les deux clans. Moi, je ne les ressens plus maintenant. » Française, alors? «Oui. Et Portugaise aussi », répond une autre. « Au Portugal, où nous l'avons diffusé dès sa sortie en juillet dernier, c'est sur la question de l'identité que nous avons été le plus attaquées, explique Maria, membre du collectif Centopeia qui a réalisé Portugaises d'origine. On les a accusées de renier leurs origines, de renier le Portugal. Difjërenc,s - N ' -15 - Mai j485 «Parallèlement, les Portugais ont très peur que nous, les immigrés, nous retournions définitivement là-bas ! » Centopeia (le « mille-pattes »), une association loi 1901, existe depuis maintenant plus de deux ans. Au départ, un groupe informel de six amies, chacune appartenant à l'une de ces multiples associations portugaises (près de neuf cents en France). Elles discutaient souvent ensemble des difficultés rencontrées au sein de leurs associations respectives, qui vivent un peu repliées sur elles-mêmes. Elles avaient envie d'autre chose, de casser l'image que se font les Français de la communauté portugaise pas toujours aussi assimilée qu'on veut le croire. Pour entamer un dialogue avec les Français, comme avec les autres communautés, notamment la communauté maghrébine, elles ont d'abord élaboré un projet commun, qu'elles comptaient faire endosser par l'une ou l'autre des associations existantes. « Puis, nous nous sommes aperçues que nous étions assez solides pour en assumer l'entière responsabilité et nous avons fondé Centopeia », dit Maria. Rapidement, des jeunes femmes de dix-huit à vingt ans se sont ajoutées au noyau de départ, bientôt suivies de quelques hommes: actuellement Centopeia compte quinze membres. C entopeia met en ce moment la dernière main à un ouvrage collectif mêlant analyses, réflexions et témoignages. Prochainement, doit s'ouvrir un atelier de bandes dessinées qui 17 adaptera des contes portugais. A long terme, des projets, tel ce voyage au Portugal avec des jeunes de toutes origines et peut-être un deuxième court métrage axé, celui-ci, sur les rapports de la communauté portugaise avec la France. Centopeia est régulièrement sollicité, environ deux fois par semaine, pour animer des débats. Dans l'immédiat, Maria et ses amis ont surtout l'intention d'exploiter les supports produits : ce film, leur ouvrage et deux émissions de radio. Au début, le film était projeté devant un public mélangé mais la présence des parents gênai~ les enfants et réciproquement. Maintenant Portugaines d'origine est projeté à des auditoires spécifiques. Ce qui choque le plus les parents, ce sont les séquences où est abordée la sexualité. Les jeunes, eux, réagissent positivement, s'identifient. «Mais, pour Maria, entre eux et nous, existe déjà un écart : les filles qui ont témoigné,sont en quelque sorte les grandes soeurs. Maintenant, le retour n'est plus pour les jeunes un problème: si les parents veulent rentrer, très bien. Eux, ils restent. Les filles sont, quant à elles, plus résolues, plus déterminées. Notre génération, face aux incompréhensions du père, ne faisait pas rupture, elle négociait aveC la mère. Les filles de maintenant sont, quitte à partir, prêtes à tenir leurs positions jusqu'au bout. » 0 Catherine MINOT Centopeia, 24, rue Saint-Ambroise, 75011 Paris. Tél. : (1) 200.47.90. Portugaises d'origine, film réalisé par Serge Gordey, est diffusé par Inter Service Migrant. Nahda, centre commercial des Pâquerettes, 92 Nanterre. Tél. : (l) 784.84.05. Portugaises d'origine: un regard intime. Un statut souvent incertain ...

PARLIJ'NS CLAIR

Vedettes sporadiques, mais ils s'en passeraient, de l'actualité et du discours politique, les étran! gers, immigrés, étudiants, réfugiés sont toujours saisis comme un tout. Voici un dossier qui vous permettra de comprendre la multiplicité de leui 'S statuts. 18 Différences _. N° 45 - Mai 1985 19 On a beaucoup parlé d'une certaine «montée» du racisme et de la xénophobie en France et de celui qui en apparaît comme le porteparole, Jean-Marie Le Pen, lui faisant, du même coup, une publicité tout à fait excessive et inopportune. Mais on oublie de parler de la xénophobie et du racisme qu'on pourrait appeler d'Etat! La République française, en dépit des quelques améliorations apportées depuis 1981, conserve des institutions ségrégatives et discriminatoires à l'égard des immigrés et des réfugiés. Quant aux administrations publiques, on s'y heurte trop souvent à des pratiques - pas forcément réglementaires, ni même légales - carrément racistes. Nous avons voulu faire le point pour les lecteurs sur les droits et les devoirs des immigrés et les réfugiés politiques en France (1). Les immigrés et les réfugiés relèvent de divers - et nombreux ...:. régimes. Les propagandes réactionnaires et racistes ont coutume, pour en faire plus facilement un bouc émissaire, de parler de l'immigration comme d'un tout, pour mieux faire peur. Bien qu'il ne soit pas possible de signaler ici toutes les différences des régimes juridiques auxquels ils se trouvent assujettis, il est nécessaire de distinguer six catégories d'immigrés: 1. Ceux qui ont la nationalité française - mais pas toujours en fait les mêmes droits que les Français « de souche » ! - comme les jeunes Algériens nés en France après 1963, les anciens harkis, les originaires des Dom-Tom et les naturalisés (recensés comme Français, ils n'apparaissent pas dans les statistiques). 2. Les ressortissants des pays de la Communauté européenne, dont le régime est en principe le plus favorable (630000). 3. Les étrangers du régime dit général (2 700000). 4. Les Algériens, dont le statut est fixé par les Accords d'Evian (800 000). 5. Les ressortissants des pays qui ont conclu avec la France des accords bilatéraux (130000) (2). 6. Les réfugiés politiques et les apatrides (140 000). Sauf quand nous le signalerons, ce sera le régime général des 'étrangers que nous résumerons ci-dessous ; le régime auquel sont soumis les Algériens est, sur plusieurs points, moins favorable. Six régimes juridiques différents L'entrée sur le territoire et le droit au séjour. La principale amélioration apportée par la loi du 17 juiIlet 1984 est la création d'un titre unique de séjour et de travail de dix ans (carte de résident), remplaçant les anciennes cartes de séjour et de travail de trois et dix ans. Elle est délivrée de plein droit à neuf catégories d'étrangers

conjoint, enfants ou parents d'un Français, étrangers

résidant régulièrement en France depuis plus de quinze ans ou arrivés avant l'âge de dix ans, conjoint et enfants d'un résident, s'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial, accidentés du travail indemnisés à un taux d'au moins 20 %, réfugiés politiques, apatrides après trois ans de séjour. La carte de résident doit également être délivrée de plein droit aux titulaires d'une ancienne carte de séjour de trois ans. Elle pourra être accordée à des étrangers séjournant régulièrement en France depuis au moins trois ans, en fonction des conditions de leur activité professionnelle ou de léurs moyens d'existence. Scèlles de la vie quotidielllle : métro, préfecture. Avec, à l' horizoll, peut-être, le retour au pays. Tous les étrangers ne bénéficiant pas de plein droit d'une carte de résident, et désirant rester en France au-delà du délai de leur visa, doivent demander une carte de séjour temporaire d'une validité maximale d'un an. Cette carte est destinée aux étrangers qui viennent pour une durée limitée: étudiants, « visiteurs» (c'est-à-dire disposant de ressources suffisantes pour vivre sans exercer une activité professionnelle), «membres de famille» ou étrangers autorisés à exercer une activité professionnelle temporaire. Les deux catégories de titres de séjour peuvent être refusées à tout étranger « dont la présence constitue une menace pour l'ordre public ». Le droit au travail. Les « résidents » peuvent dorénavant exercer sur tout le territoire métropolitain (3) la profession de leur choix, y compris les professions commerciales, à l'exception toutefois de certaines professions libérales et de la fonction publique. Les titulaires d'une carte de séjour temporaire doivent demander l'autorisation de la direction du Travail et de l'Emploi pour eXercer une profession salariée. «La situation de l'emploi» peut leur être opposée, à l'exception des ressortissants de la CEE, des demandeurs d'asile et des ressortissants des quelques pays qui ont conclu des accords avec la France. Cette procédure exclut, en fait, dans les conditions économiques actuelles, la quasi-totalité des demandes nouvellement formulées. Ils ne peuvent exercer une profession commerciale qu'à condition d'avoir obtenu une carte d'identité de commer- 20 çant, à l'exception des ressortissants de la CEE, des Algériens et des ressortissants de pays qui ont conclu des accords avec la France. Le droit au regroupement familial. Le principe fondamental du droit de vivre en famille est affirmé, mais son exercice est singulièrement restreint par l'exigence de remplir deux conditions impératives: justifier de ressources stables et suffisantes, ce qui exclut les chômeurs et même les salariés dont l'emploi est précaire, et disposer d'un «logement adapté ». Cette deuxième condition, lorsqu'on sait les difficultés rencoptrées par les étrangers pour se loger tant dans le secteur privé que dans le secteur public du logement social, est en passe de devenir une barrière insurmontable au regroupement familial. Un décret de décembre 1984 exige que la demande d'autorisation de regroupement familial soit faite et obtenue avant la venue de la famille en France : aucune régularisation n'est désormais possible. Impôts, cotisations sociales . les mêmes pour tous Les obligations fiscales et de solidarité. C'est sur le plan des obligations financières que les immigrés de tQutes catégories se trouvent à égalité complète avec les Français. S'il n'y a pas d'égalité de droits, il y a une parfaite égalité des devoirs, service national mis à part. Il faut noter que les étrangers sont soumis aux mêmes impôts sur le revenu, aux mêmes impôts locaux et aux mêmes cotisations sociales, y compris quand ils ne bénéficient pas des mêmes services ou des mêmes prestations ! Les droits à l'instruction et à la formation. L'égalité des immigrés et des Français est en principe assurée en ce qui concerne la scolarité obligatoire, avec toutefois une inconnue en ce qui concerne les enfants dont les parents chômeurs se verront refuser le renouvellement de leur carte de séJour; seront-ils obligés d'interrompre leur scolarité et de la recommencer dans un autre pays ? L'inscription à l'école maternelle est parfois refusée aux enfants de travailleurs qui sont en situation régulière, mais à qui le droit au regroupement familial a été refusé parce que leur logement ne répondait pas aux normes. Les jeunes et les adultes ont en principe les mêmes droits que les Français en matière de formation professionnelle, mais ils ne peuvent souvent pas en bénéficier faute d'une connaissance suffisante du français écrit. Le Fonds d'action sociale pour les travailleurs migrants dispose de crédits pour assurer une alphabétisation et une « mise à niveau » de ceux qui sont dans ce cas, mais ce réseau de formation est mal articulé avec la formation professionnelle ; ceux qui Différences - N° 45 - Mai 1985 21 sortent avec un niveau suffisant des stages de préfonriation trouvent rarement de place dans un centre de formation professionnelle. Les étudiants étrangers qui ont une connaissance suffisante de la langue française peuvent suivre des études supérieures en France, mais ils sont soumis à des contrôles d'assiduité et de progression par le ministère de l'Intérieur, (!) qui s'ajoutent aux sanctions universitaires normales (4). Les droits sociaux. Les immigrés assujettis à la Sécurité sociale bénéficient des mêmes droits que les Français. De même, pour les allocations familiales lorsque leur famille réside en France. Lorsqu'elle est restée au pays, ils touchent des allocations réduites conformément à des accords bilatéraux avec les Etats intéressés. Une partie de la différence est versée au Fonds d'action sociale dont elle constitue la ressource principale ; l'autre vient au crédit de la Caisse d'allocations familiales. La situation des familles qui vont se voir refuser le droit au regroupement familial, faute d'un logement « adapté », et seront donc mises en situation irrégulière, n'est pas élucidée. Les droits aux diverses allocations de chômage sont en principe les mêmes pour les immigrés que pour les Français, avec toutefois une grave différence: le renouvellement des titres de séjour n'est pas assuré au-delà de la durée des droits aux allocations de chômage. L'expression politique, une menace à l'ordre public ? Le droit au logement est sans doute celui où la discrimination raciale est la plus grave : de nombreux propriétaires refusent, bien que ce soit illégal, de louer à des gens de couleur et de nombreux logements sociaux sont également inaccessibles aux immigrés, y compris ceux qui ·ont a nationalité française, en vertu des quotas décrétés par, ou avec l'accord, des municipalités. Les droits syndicaux. Les travailleurs immigrés ont pratiquement acquis une complète égalité des droits syndicaux, à l'exception de l'éligibilité aux conseils de prud'hommes (où ils sont électeurs). Les droits et devoirs politiques. La liberté d'association a été reconnue aux étrangers par la loi du 9 octobre 1981. Le droit d'expression politique ne leur est pas explicitement refusé, à l'exception des réfugiés politiques qui doivent s'engager à s'abstenir de toute ingérence dans les affaires françaises. Le ministère de l'Intérieur peut cependant considérer que l'expression politique de certains étrangers constitue une menace pour l'ordre public et décider de leur assignation à résidence ou de leur expulsion. Seuls les immigrés de nationalité française ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections politiques. Tous les autres en sont privés, quelle que soit la durée de leur séjour en France et bien qu'ils participent aux charges des citoyens français. En ce qui concerne le service national, les étrangers n'y sont pas soumis, mais les immigrés de nationalité française doivent normalement remplir leurs obligations militaires. Cependant, un accord de reconnaissance de la double nationalité signé avec l'Espagne évite que les jeunes franco-espagnols soient obligés d'effectuer deux fois leur service. Un accord semblable à été conclu avec l'Algérie. Le droit au retour dans le pays d'origine. L'aide au retour, accompagnée d'une interdiction définitive de jamais revenir en France, mise en place par l'ancien ministre Stoleru a été abrogée en 1981. Elle a été récemment remplacée par une aide publique à la réinsertion, s'ajoutant aux allocations versées par les employeurs et les Assedic, pour les travailleurs immigrés licenciés économiques (tous les immigrés n'y ont donc pas droit). Une partie de cette aide peut être constituée par une formation professionnelle adaptée à la réinsertion dans le pays d'origine. L'expulsion. Il faut distinguer deux procédures différentes, l'une administrative, l'autre judiciaire. L'expulsion peut être décidée par le ministère de l'Intérieur quand il considère que la présence d'un étranger représente une «menace grave» pour l'ordre public. La procédure d'expulsion peut s'appliquer aux étrangers titulaires d'une carte de séjour ou de résident, à l'exception de certaines catégories. Toutefois, en cas d' « urgence absolue» cette protection disparaît (à l'exception des mineurs qui ne peuvent pas être expulsés avant dix-huit ans). On constate, en pratique, une interprétation large de la notion d'urgence, alors que l'intention du législateur était de n'en permettre qu'une application restreinte. La reconduite à la frontière est une décision de justice, prononcée par les tribunaux comme peine principale ou comme peine annexe, à l'issue d'une peine de prison. Comme peine principale, elle vise essentiellement les étrangers en situation irrégulière, qui ne sont pas des déliquants au sens propre du terme. Cette procédure a été conçue comme une amélioration du système antérieur où l'administration pouvait expulser les sans-papiers. Elle préserve en principe le droit à la défense ; mais, prononcée dans le cadre d'une comparution immédiate, elle laisse très peu de temps à l'étranger pour prouver sa bonne foi. D'autre part, comme elle peut être immédiatement exécutée, le droit à l'appel- théoriquement possible - est difficile à exercer après avoir quitté la France. Une loi récente permet, en outre, au juge de prononcer une interdiction de séjour pouvant aller jusqu'à trois ans. Ces deux aspects, peu de possibilité d'appel et interdiction de séjour, font échec au principe d'une même justice pour tous. 0 Dominique LAHALLE Claire RODIER (1) Devant résumer en quelques pages une réglementation qui tient en plusieurs volumes de lois, décrets, arrêtés et circulaires, nous nous en tiendrons évidemment aux caractéristiques essentielles. Le service juridique du MRAP, ou d'autres associations comme le GISTI, pourront répondre à des demandes d'informations plus détaillées. (2) U s'agit de certains Etats du sud du Sahara, anciennes colonies françaises. (3) Les étrangers résidant dans les Dom-Tom restent soumis à l'obligation d'obtenir une autorisation de travail spécifique. (4) Le fait d'avoir fait des études en France pendant plus de trois ans ne donne pas droit au renouvellement du titre de séjour à la fm des études. LES PRINCIPAUX TEXTES • Entrée, séjour et travail des étrangers en France - loi n° 84-622 du 17.07.1984 ; - décret n° 84-1078 du 4.12.1984 (ministère de l'Intérieur) ; - décret n° 84-1079 du 4.12.1984 (ministère des Affaires socùdes); - circulaire du 31.12.1984 (ministère de l'Intérieur). • Regroupement familial - décret n° 84-1080 du 4.12.1984 (ministère des Affaires sociales); - circulaire du 4.01.1985 (ministère des Affaires sociales). (Ces textes sont publiés aux J.O. des 19.07.1984, 5.12.1984 et 12.01.1985). • Statut des Algériens - accord franco-algérien du 27.12.1968 ; - décret n° 69-243 du 18.03.1969 ; - décret du 28.03.1985. • Statut des ressortissants de la CEE - décret n° 81-405 du 28.04.1981 ; - circulaire du 7.08.1981 (ministère de l'Intérieur). • Expulsion, reconduite à la frontière -loi n° 81-973 du 29.10.1981 ; - loi n° 83-466 du 10.06.1983. • Droit d'association -loi n° 81-909 du 9.10.1981. 22 - Cas particulier- LE STATUT DES ETUDIANTS ETRANGERS Il suffit d'aller faire un tour du côté de Jussieu, Censier ou Saint-Denis, pour ne parler que d'universités parisiennes, pour constater que les étrangers, en France, ne sont pas tous des «travailleurs analphabètes» : en effet, beaucoup poursuivent des cycles d'enseignement supérieur. Mui~ oette ul1Ill.'e, ils sunt en colère. Meetings et assemblées générales se succèdent, à l'initiative de leurs associations et de l'UNEF pour protester contre les dernières mesures prises à leur encontre. En effet, le 17 septembre 1984, Pierre Joxe, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation, a fait distribuer une circulaire qui lie désormais l'obtention de la carte de séjour ou son renouvellement à la justification du niveau d'études de l'étudiant et à ses résultats, ainsi qu'à son niveau de ressources. Auparavant, au cours de sa première année, un étudiant étranger pouvait travailler jusqu'à vingt heures par semaine. Une carte d'étudiant ou une attestation d'inscription donnait droit au titre de séjour annuel et à une autorisation provisoire de travail. Il lui était demandé une garantie de ressources de 1 500 F par mois. Dorénavant, plus question de travailla première année. En revanche, il devra garantir des ressources d'un montant de 1 800 F par mois. Outre cela, pour délivrer cette autorisation et pour le renouvellement de la carte de séjour, les préfectures de police pourront demander aux étudiants de deuxième année une attestation d'assiduité et de présentation aux· examens. De la réussite scolaire dépend donc le droit de rester en France. Et dans quelles conditions? Quand on sait que les étudiants boursiers de leur pays n'ont pas le droit de travailler, que la bourse marocaine, par exemple, est de 900 F par mois, on peut se demander à juste titre qui pourra continuer ses études en France, en dehors de quelques-uns. Le but du gouvernement, tel que l'indique la circulaire du 22 octobre 1984 signée par Jean Massot, directeur de la Population et des Migrations, est, « d'éviter, dans toute la mesure du possible, les abus d'étrangers qui, sous prétexte d'y poursuivre des études, cherchent en réalité à exercer à titre principal une activité salariée sur notre territoire ». Qui sont ces étudiants qui viennent « envahir» notre sol (ils ne représentent que 15 % des étudiants français) et prendre notre travail ? La plupart du temps des personnes qui n'ont pas la possibilité, ou le droit tout simplement, de poursuivre leurs études dans leur pays. Ainsi 13 % d'entre eux viennent d'Iran où les universités sont fermées, la répression très dure et l'émigration interdite. Arrivés ici clandestinement, ils doivent obtenir le statut de réfugiés, mais ne peuvent recevoir d'argent de leur pays, tout comme les Turcs, empêchés, eux aussi, de sortir du territoire. Etudiant: un parcours en zig-zag. De même, les Libanais peuve~t difficilement poursuivre des études dans l'état de guerre actuel. Le cas des étudiants palestiniens venus des territoires occupés pose un problème particulier. Les universités sont fermées ou fonctionnent très mal, la répression israélienne est forte. Alors, ils partent. Mais, ayant refusé la nationalité israélienne, ils sont considérés comme apatrides. Ils sont confrontés à de graves difficultés pour l'obtention de la carte de séjour, mais aussi vis-à-vis de la Sécurité sociale étudiante, qui est fonction de la nationalité de l'intéressé en raison d'accords passés entre Etats. «Eviter les abus d'étrangers qui, sous prétexte d'effectuer des études ... » Ils se heurtent également à un refus psychologique de la part de la population et de l'administration française qui assimilent fréquemment «Palestinien» et « terroriste » et leur refusent souvent logement et travail. Et pourtant, cette circulaire Joxe commence à être appliquée et des étudiants ont déjà été renvoyés dans leur pays. Ainsi, Abdellatif Chorfi, marocain diplômé venu continuer ses études en France et régulièrement inscrit, a été arrêté et emprisonné le 12 janvier 1985 parce qu'il n'avait pas récupéré à temps sa carte de séjour. Il a été condamné à trois mois de prison ferme et à l'expulsion. De nombreux étudiants ivoiriens ont été expulsés. Les étudiants réclament l'abrogation de ce décret, mais parallèlement, ils ont décidé de s'unir, afin de travailler à l'amélioration des conditions de vie, en particulier en créant des commissions d'aide aux nouveaux arrivants dans leurs démarches pour s'inscrire à l'université, en demandant la construction de nouvelles cités universitaires et la modification des conditions d'allocation des chambres. 0 Marguerite ROLLINDE Différences - N° 45 - Mai 1985 23 DU CÔTÉ DE LA FAC DE SAINT-DENIS Serge (Français - psychologie) Les relations entre Français et étrangers à la fac sont ambivalentes. C'est vrai qu'à la fois ça se passe bien, on rencontre plein de gens de toutes nationalités, et obligatoirement on en trouve certains pour qui on a de la sympathie. Mais je ne veux pas céder à une fausse mode antiraciste qui dit tout va bien, tout se passe bien. En réalité, je trouve que ce type de relations n'est pas simple, n'est pas facile ... A mon avis quand on dit « fac ouverte aux étrangers» ça veut dire simplement qu'ils ont le droit de s'inscrire. Quand on sait qu'il y a 80 % d'échec et d'abandon, en 1" année, pour tout le monde, ça veut dire qu'on autorise les jeunes, français ou étrangers, à avoir une carte d'étudiant. En fait on ne les autorise pas à réussir. Si on veut réellement accueillir d'autres cultures, ça supposerait davantage de moyens. Par exemple, il faudrait une vraie politique d'acquisition du langage. J'ai passé une unité de valeur avec une Coréenne sur les théories de Piaget. C'est déjà bigrement compliqué pour un Français, mais pour quelqu'un qui ne comprend pas bien la langue c'est abominable. Cette Coréenne n'a rien apporté au cours faute de moyens de s'exprimer. Alors que je suis sûr qu'avec sa culture profondément différente elle aurait pu nous donner des éléments tout à fait originaux ... Patricia (Française - sociologie). J'ai beaucoup de copains et copines de toutes nationalités. La fac, pour moi, est le seul lieu où je peux voyager, c'està- dire découvrir, connaître et apprécier des coutumes différentes, des cultures, des langues, des vécus personnels. Purfois, el c ·es! Lolif il fuit normal avec ce mélange de cultures, je vois des gens qui ont des attitudes qu'on pourrait appeler racistes. Surtout dans les cours, mais je crois que c'est négligeable. L'an dernier, j'étais dans un atelier basé sur l'écriture libre, les expériences personnelles, etc. Pendant un an, par le contact avec des étudiants d'autres régions ou pays, j'ai appris beaucoup plus et mieux sur les cultures de différents pays que ce qu'il y a dans les livres. Sur la magie en Afrique Noire, sur la situation de la femme dans tous les pays. Fadi (Libanais - AES) Il y a un racisme relatif dans la fac, c'est assez négligeable. Il y a surtout des relations très amicales entre étudiants français et étrangers qu'on ne trouve pas dans les autres facultés. En revanche, j'ai des amis à lafac de Dauphine (Paris), où il y a, à la cafétéria, une séparation très nette entre Français et étrangers ... Je crois qu'il faut qu'on arrive à coexister, qu'on dépasse cette question banale de la discrimination entre les races. La modernisation, pour moi ce n'est pas seulement la technique, l'informatique, il faut aussi évoluer moralement, il faut dépasser ces questions du Moyen Age. Pour illustrer le danger du racisme en France je prendrai un exemple: j'ai vécu avant 1975 dans le quartier est de Beyrouth. Dans l'école il y avait toutes les communautés - sunnites, chiites, Druzes, Kurdes, Arméniens, maronites, orthodoxes, chrétiens ... On s'entendait bien entre nous, à l'école et dehors. Mais petit à petit des élèves disaient: « Moi je suis chrétien, toi tu es différent. » C'est comme ça que ça a commencé. La suite vous la connaissez. Le Liban a été un exemple. L'Etat français n'a qu'à faire son travail avec Le Pen ... 0 Propos recueillis par Kamel R. Grande kermesse du rock, métissage de toutes les musiques du monde, cc Le Printemps de Bourges », neuvième symphonie, a célébré aussi ses idoles noires en un fantastique pèlerinage aux sources du blues, celui de l'Afrique profonde aux percussions décoiffantes. Un Dédé-St-Prix (1) en pleine forme à la recherche de nouvelles sonorités. Un Mory Kanté (2) visiblement à l'aise et content d'en être de ses grioteries mandingues aux accents funky. Une Janet N'Diaye (3) survoltée, qui fait un tabac, le soul au ventre, et qui se révèle une graine de superstar, alors que le groupe Malopoets (4), de plus en plus juju-music dans son · inspiration est salué comme il convient par le public très averti du Palais des Congrès. Au milieu de toute cette agitation, de ces montagnes de décibels, de cette folie collective, une voix s'est élevée pour réclamer une minute de silence. Celle de Oku Onuora, au nom de Nelson Mandela, des récentes victimes de l'apartheid et de Michael Smith. Oku Onuora aussi, débarqué sans musiciens, alors que son reggae aurait été le bienvenu. Avec lui, une très bonne surprise en la personne de Jean' Binta' Breeze (5), représentante féminine de la « dub poetry », qui de ses paroles de chair, en quelques mots, nous a dit de la condition humaine et des siens. Libérez Fela Après Joan Baez, Raimon, Théodorakis, Angel Parra, Fouad Negme, Cheikh Iman, Oku Onuara, Miguel Angel Estrella, d'autres connaissent la prison. C'est le cas aujourd'hui du magistral Fela, musicien de haute gamme, militant pan-africaniste, qu'à nouveau les sbires du général Mohamed Buhari essaient de briser. C'est au cri de « Libérez Pela» qu'une grande campagne d'information a été lancée sur les parvis de la cathédrale par l'équipe du journal Paroles et Musique et celle du « Printemps de Bourges». Une campagne de signatures est en cours, préalable à une action d'envergure qui sera menée du côté des autorités du Nigeria. Une grande fête très réussie que celle de Bourges, en hommage à Bessie Smith, à Ray Charles, à Brassens, à Brel et à Piaf, malgré l'environnement 24 - Printemps de Bourges - LA MINUTE DE SILENCE Différences - N" -15 - Mai /)85 Du public (à gauche) et des vedettes : le rock anglais des Stranglers, la Camerounaise Janet N' Diaye, survoltée, bientôt superstar et le Martiniquais Dédé StPrix, celui qui fait danser tout le monde. 25 maussade, glauque, que se partagent la trop grande majorité des habitants de la planète. Joa Bosco, Michel Jonasz, le tandem Johnny-Eddy, Diane Dufresne tombée dedans quand elle était petite, le groupe « Café noir» en . partance pour une tournée dans les émirats arabes, Moktar, Karim Kacel, Zachary Richard et un paquet d'autres, ont donné le meilleur de leur sang, sous un ciel balayé de soleil d'abord, puis de pluie et de vent. Alors que Ferré, avec « larmes et valises » nous invitait à le suivre dans sa vie « d'outre là-bas », quand il « allait aux parfums ... ». (1) Martinique (2) Mali (3) Cameroun (4) Afrique du Sud (5) Jamaïque Daniel CHAPUT BOITE A MUSIQUE Sélection/disques Touré Kunda, Natalia, Celluloïd Une musique qui réconcilie la production sophistiquée et l'ambiance des bords du fleuve. Du bon travail, c'est simple, dépouillé et terriblement percutant. Jean-Philippe Marthely, G.D., Production Sonodisc Musique de la Caraïbe. C'est vif, raffiné, exubérant, dansant, la bande à Kassaz a trouvé le son. Un son Guadeloupe-Martinique unique et réjouissant. Feso Trombone, Freedom train, AntIer records De l'afro-beat insolite par l'ancien tromboniste de Pela. Jazz dans l'es-! prit, cette musique enrichit la palette africaine de sonorités inhabituelles. Solomon Burke, Soul alive, Rounder Carrère King Solomon, the Bishop (l'Evêque), the King of Rock'n'soul, prêche encore avec toute sa verve. Une longue incantation blues qui fait monter la tension. Malopoets, Emi America, Pathé . Une musique sud-africaine native des ghettos. Une musique chaloupée, tendre, sans violence, très proche du reggae dans son balancement. Expression musicale d'un peuple qui sait qu'un jour prochain, il vaincra la ségrégation imposée par une minorité blanche. C'est vraiment super. 0 MUSIQUE METISSE. Heureuse initiative que la programmation, fin avril, par le Théâtre de la Bastille de trois concerts ,« pour célébrer la complémentarité des cultures et le métissage des émotions musicales », au moment où une sensibilisation antiraciste plus large est en train de s'affirmer ici et là, La musique des Maîtres musiciens de Jajouka qui, bien avant l'introduction de l'Islam, célébrait les rites de Pan lors d'une grande fête qui durait sept jours et sept nuits, est connue notamment pour sa technique du «souffle continu ». Le concert d'avril redonnera peut-être vie et sens à la vieille légende qui rapporte que les flûtes de Ben Jeloud (Pan) représentent l'harmonie des sphères. Le second concert sera donné par une vieille dame de quatre-vingts ans, Reinette l'Oranaise, cette artiste d'origine juive qui depuis soixante ans chante, s'accompagnant au luth, les classiques de la tradition arabo-andalause, mais aussi les airs du folklore oranais. Elle est l'héritière d'un lignage d'artistes issus de Grenade et Cordoue, il y a huit ou dix siècles, époque ou juifs et Arabes formlient comme les deux branches soeurs d'une même culture. Enfin, c'est Jon Hassel, compositeur et trompettiste américain, connu pour sa collaboration avec Brian Eno et les Talking Heads, qui clôturera cette série de concerts. On lui doit le concept d'une musique du «quatrième monde », métissage des traditions musicales primitives et de la technologie occidentale, « par delà les différences de genre créées artificiellement, comme toutes les frontières, explique Jon Hassel. Il s'agit de faire fusionner des trames musicales exotiques d'origine primitive ou électronique avec les aspects évolutifs qui caractérisent la musique classique dans de nombreuses cultures ». 0 Bernard GOLFIER Les Maîtres Musiciens de Jajouka : 28 et 29 avril à 21 heures. Reinette l'Oranaise : 5 et 6 mai à 21 heures. Jon Hassel: 12 et 13 mai à 21 heures. Au Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette (XI'), tél. : 357.42.14. De David Calvet à M'Voutoukoulou (1) SUR LA POCHmE. Très jeune à Kinshasa, j'allais écouter les comédies musicales de la jeunesse katangaise. Rapatrié au Zaïre, à Brazzaville je suis rentré en contact avec de grandes formations musicales. Petit à petit, je me suis intégré aux « Echos noirs », le premier groupe avec lequel j'ai vraiment commencé. Puis, je suis rentré aux «Elus », un autre groupe. Avec eux, je suis allé jouer au Festival panafricain d'Alger et dans la lancée, en redescendant, nous avons sillonné'le Congo. Vers les années soixante-quinze, le Centre culturel français de Brazzaville nous a organisé une grande tournée à travers l'Afrique de l'Ouest. Du Cameroun au Bénin, du Togo au Ghana, de la Côte d'Ivoire au Sénégal. Puis, nous sommes allés au Mexique en 1978, 26 - Musique, théâtre, sculpturereprésenter l'Afrique sur le plan culturel pendant les Olympiades. Nous sommes restés un moment à Vera Cruz sous l'influence de la salsa, musique qui me paraît très proche du style bamba, surtout dans la rythmique. En France, j'ai fait un disque chez Pathé Marconi avec les « Elus », sur une musique populaire et traditionnelle du Congo. Puis un autre, Safari ambiance, avec le groupe « Bayenbi », une synthèse cette fois entre la musique traditionnelle et la musique moderne. En fait, la source de ma musique, c'est essentiellement le Congo, mais c'est aussi un ensemble de musiques de l'Afrique de l'Ouest, que j'ai apprises à connaître et à différencier. Ma musique est devenue un métissage total. La musique africaine s'ouvre, évolue, ce n'est plus seulement des percussions. De grands musiciens comme Manu Des émotions musicales, il y en aura au Théâtre de la Bastille avec le trompettiste «d'avantgarde » Jon Hassel et Reinette l'Oranaise, 80 ans. David Calvet, musicien d'origine congolaise nous explique, quant à lui, son retour aux sources et le passage de la musique traditionnelle aux sonorités funk et new-wave. Un auteur haïtien vivant au Sénégal, Gérard Chenet, a écrit une ode, au Sahel. Abdé Bouhadef sculpte la roche, de Montparnasse au Tassili. Tout bouge. Chacun de ces artistes est un métissage à lui tout seul. 'De gauche à droite, ,1 M'Voutoukoulon, la pièce Images de sécheresse, Abdé Bouhadef. Au centre, les maîtres musiciens de Jajouka. Dibango, Francis Dédé, Touré Kunda ou King Sunny Adé sont passés, avec beaucoup d'inspiration, de la musique traditionnelle à une musique moderne, avec des sonorités funk, new-wave, rock et jazzy selon les cas. Ces derniers temps, j'ai rencontré énormément de difficultés en matière de promotion. Mais cette fois-ci, quel que soit la largeur de mon nom et la difficulté de le prononcer, je veux le mettre entièrement sur la pochette de mon prochain disque, je veux affirmer mon identité. Aken~engué s'en tire très bien avec un nom aussi long que le mien. 0 Propos recueillis par Stéphane JAKIN M'Voutoukoulou and Bayembi-Africa Dist. Dom. (1) Retour, en langue kikongo. Différences - N° 45 - Mai 1985 Le Sahel au Théâtre de la Vache Cruelle QUE FAIRE ENTRE NAITRE ET MOURIR? En quelques chants Images de sécheresse évoque le désespoir de ces hommes et femmes du Sahel « consumés par la chaux vive des savanes » : la sécheresse, cette « hargne de notre temps» qui tarit les puits éteint les vies et frappe d'exode de~ peuples entiers. Images de sécheresse de Gérard Chenet auteur haïtien vivant au Sénégal, est u~ long texte poétique nourri de rythmes inspirés des rites de transe du ndoëp et du vaudou ainsi que de chants peuls. Cette ode, Pierre Orma, le metteur en scène, a voulu qu'elle soit rencontre des cultures, que du wolof du peul et du français naisse un cérémonial nouveau. 27 Cérémonial .religieux - dans l'acception première du terme - épuré, essentiel. Ainsi le décor est un vaste drapé changeant de couleur sable, tour à tour tentes, puits ou dunes d'où émergeront, vêtus du même sable, les huit comédiens (quatre d'entre eux sont sénégalais, quatre français). Quant au rythmes et chants, ils sont scandés par les acteurs à l'aide de pierres ou martelés par leurs poings sur leur thorax. Parfois encore un flûtiste apparaît, jouant avec cette technique peule particulière qui mêle musique et chant. Créé par le Théâtre de la Vache cruelle, installé en Aquitaine, Images de sécheresse se veut avant tout temps fort d'un travail de réflexion sur le Sahel: la troupe anime depuis plusieurs mois des ateliers en milieu scolaire et le spectacle sera accompagné d'une exposition et d'un film. Catherine MINOT Images de sécheresse. Théâtre de la Vache cruelle. Périgueux (voir l'agenda, p.40). Erosion, érotisme de la pierre LE SANG DES PIERRES. Mémoire de sable, parole de miel où souffle du Sud un baume d'obsidienne à l'infini, l'oeuvre du sculpteur Abdé Bouhadef, natif de la Grande Kabylie, chemine. sans voile la marche du temps à reculons. Erosion, érotisme où la roche devient sable, sable agglutiné, couleur de sang, du sang des pierres, puis à nouveau roche. Cycle qui nous plonge aux racines de son art, là même où l'identité revendiquée est pétrie de soif, d'espace et d'errance. De Montparnasse au Tassili, de l'oasis de Timimoun à la chaîne du Djurdjura, des mains fouillent la terre. L'artiste, telle Pyrrha sur son rocher, nous restitue les ruines enfouies de la ville antique, où domine la scénographie liquide du désert à même l'organisation des murs de la cité. Des murs de sa tête qu'il repousse vers l'archaïque écho, pour redorer les heures des rivages du passé. A l'époque où la Rose des Sables, sa muse, s'apprêtait à accoucher du monde. Et que le sable roulait de ses mains dans les siennes. 0 Julien BOAZ - Cannes?- LES ANGES AUX FIGURES SALES Ce vieux titre pourrait être celui du film très neuf de Mehdi Charef, Le thé au harem d'Archimède, l'événement de ce mois. La banlieue, la solitude dans la promiscuité, la beauté dans la grisaille, l'amitié malgré tout, et les hautes lucarnes d'immeubles blessés qui se reflètent l'un dans l'autre. La banlieue, celle que chante Karim Kacel: « Mehdi (Charef) sortait son livre (Le thé au harem d'Archi Ahmed), moi je sortais Banlieue. Il m'a dit c'est drôle, mon livre, c'est ta chanson! » Du coup, Mehdi Charef a demandé à Karim Kacel de faire la musique du film qu'il a tiré de son roman. Cette association entre un réalisateur et un musicien, tous deux marqués par cet univers de béton a donné le film, Le thé au harem d'Archimède, mi-cri de désespoir, mi-chant d'amour. Pour Charef, le sujet est grave, mais il n'implique pas une désignation spécifique du malheur: « On n'a pas voulu tomber dans le misérabilisme. D'ailleurs, la cité est photogénique. Ce n'est pas un problème de banlieue, c'est un problème de société. » Et c'est vrai que dans le film, nul événement n'est dramatique jusqu'au bout. Chaque situation, même très grave, est suivie d'une autre, drôle ou cocasse, qui vient désamorcer la première. « En fin de compte, dit Charef, il y a plus de tendresse dans ce béton qu'on dit infernal que dans les quartiers huppés, parce qu'il y a effectivement plus de communication. Ils se voient plus, c'est l'école de la cité, le supermarché de la cité, les escaliers de la cité. A un moment ou un autre, ils sont obligés de communiquer, même s'ils ne le veulent pas. C'est sans doute pour ça qu'il y a plus de tendresse. » Chronique de la vie moderne dans un grand ensemble banlieusard, Le thé au harem d'Archimède est centré autour de deux jeunes personnages, Madjid et Pat. Parcours plus que classique, le chômage après l'école, et ce travail qui ne vient pas et qu'ils ne cherchent même plus. Plus leur avenir semble fermé, plus ils rêvent d'un ailleurs qu'ils ne parviennent même pas à formuler. Leur seul point d'ancrage, c'est la famille, en positif ou en négatif. Leur façon d'être, c'est le groupe de copains. Madjid subit les plaintes de sa mère qui Madjid, le héros, el au second plan, Mehdi ChareI ne comprend pas qu'il n'ait pas encore trouvé du travail. Pat ne cesse de revenir sur la fuite de son père avec une jeune femme. Le thé au harem, c'est l'errance de deux jeunes qui « marchent parce qu'ils se sont fait jeter de partout » , dit Mehdi Charef. Pudeur, tendresse, espoir L'écriture du film découle directement de cette situation. Nous sommes placés dans la peau de ces jeunes et partageons leur mal de vivre. Nul doute que le film y gagne en intensité. Pour son premier film, Charef a réussi le difficile pari qui consistait à montrer la banlieue et notamment les jeunes, sans artifices et sans sacrifier à la mode, tout en assurant une qualité cinématographique évidente. C'est qu'on évite à tout prix l'exhibition et l'exhibitionnisme. Charef s'explique à ce propos: « Pat et Madjid parlent peu. C'est que dans leur univers, on ne parle pas beaucoup. Il y a tellement de pudeur entre eux que parfois ça me gêne, je me dis, merde, ils pourraient se dire ce qui leur fait mal! » Le thé au harem, c'est aussi une foule d'autres personnages, ceux qu'au cinéma on appelle les seconds rôles. Ils ont ici une place et un rôle déterminant, 28 sortes de pièces indispensables de ces puzzles géants que sont les grands ensembles. Des images reviennent: Malika, la mère de Madjid, c'est elle qui porte toute la famille , qui va calmer le mari ivrogne qui bat sa femme, qui sauve, dans une scène bouleversante , la jeune voisine du suicide, un soir de réveillon. Il y a Malika, et aussi les jeunes de l'immeuble, pris entre le ras-le-bol de la vie en cité, les tentations de la délinquance et de la drogue, et un humour implacable qui en sauve quelques-uns. Pour Mehdi Charef : « Les mots clés sont pudeur, tendresse, espoir. » Pour nous aussi .D Jean-Pierre GARCIA Si vous ne les avez pas encore vus, courez donc: Blanche et Marie, ou la Résistance des femmes pendant la guerre. Le flic de Beverley Hills, un acteur noir qui ne joue pas un rôle de Noir. Trop rare pour être manqué. Brother: (presque) suite du commentaire précédent. Un acteur noir dans un rôle d'extra-terrestre. Extra , et terrestre. Hollywood graffiti: des morcemix de prises de vue ratées de Marylin. Bogart, plus Sinatra en prof expliquant le nazisme. Pas la maffia. Une excellente idée, la rétrospective de l'oeuvre de Loys Weber, la première femme cinéaste américaine. Très bien, vraiment. «Mais pourquoi, mesdames, mesdemoiselles, passer ces films muets à vingt-quatre images/seconde, alors qu'elles ont été tournées en dix-huit, ce qui donne un côté burlesque au jeu des acteurs?» Voilà. Les femmes ne connaissent rien à la technique, ils ne peuvent pas s'empêcher de le dire, même à Libé. Moi, j'ai toujours vu Charlot marcher trop vite, mais, enfin, je ne suis plus sûre de rien ... Certes, depuis sa création en 1978, le Festival de films de femmes en a vu de toutes les couleurs. Des réalisatrices aux spectatrices, elles avaient mauvaise réputation: celle d'égéries planquées aux avant-postes de la guerre des sexes. On en est aujourd'hui à la septième édition du Festival, et le changement est indéniable, même si les stéréotypes ont la vie dure. Sur la forme d'abord. Loin du bricolage militant qu'on voudrait bien leur attribuer, des réalisatrices du monde entier (trois cent cinquante films de dix-neuf pays visionnés en présélection) ont présenté des oeuvres d'une grande qualité technique. De Miroirs brisés, sur les prostituées d'Amsterdam (Marleen Gorris, prix spécial du Jury) à Scrubbers (Mai Zetterling, prix des Femmes journalistes), en passant par l'intégrale d'Helma Sanders-Brahms, auteur d'Allemagne mère blafarde, l'expression cinématographique a repris tous ses droits. De la distance Sur le fond, ensuite. Le cinéma de femmes change de cap grâce à de jeunes réalisatrices moins touchées par les discriminations sexistes que leurs aînées, et qui ont su profiter des acquis militants des années 70. Humour (la Chambre de mariage, de la cinéaste turque Bilge Olgac, qui a obtenu le prix du Jury, (la Grosse, court métrage de Brigitte Rouant), imagination poétique (Gold diggers, de Sally Potter) , regards sur les minorités (Tsiamelo, de Bette Wolpeit, tourné avec les femmes de Soweto; What sex am l, de Lee Grant, sur les transsexuels) : tout cela apporte une bouffée d'air frais et d'ironie qui faisaient auparavant défaut. « Dans un premier temps, il fallait faire un cinéma d'urgence, explique Jackie Buet, une des organisatrices. En 1978, des récits naïfs, illustratifs, mettaient en scène le viol, l'avortement, l'oppression quotidienne: narration classique dans un univers fermé. Aujourd'hui, le noeud s'est dénoué et les femmes réfléchissent en profondeur, sur elles-mêmes, sur les Différences - N° 45 - Mai /985 - Cinéma de femmes - LA NOUVELLE VAGUE Voici venir les jeunes réalisatrices: plus à l'aise, plus ironiques. Un nouveau militantisme tout en souplesse, les yeux grands ouverts sur les minorités du monde, que nous a révélé le septième Festival de films de femmes. modèles sexuels et sociaux, le rôle de l'individu. Elles prennent de la distance. » Symbolique de cette transformation, Gold diggers (les Chercheuses d'or), allégorie poétique axée sur l'or - le pouvoir, l'argent, l'alchimie, la star et, surtout, la découverte de ses propres richesses inconscientes. Retour sur soimême, donc. Pour la jeune réalisatrice anglaise Sally Potter: «Si les mouvements féministes, qui sont pourtant à l'origine d'une des plus importantes révolutions de l'histoire, connaissent une telle désaffection, c'est que le changement s'opère actuellement de l'intérieur. Par exemple, au cinéma comme ailleurs, les femmes n'osent pas encore rêver leur vie, car elles manquent totalement de confiance en elles. A nous de la restaurer. » Sally Potter prépare actuellement quatre courts métrages pour la TV anglaise sur le rire, les pleurs, la colère et la peur. « Des sujets typiquement féminins, souligne Jackie Buet. Le regard des femmes n'est jamais d'un bloc. Les contraires s'y mélangent.» A quoi ajoute Delphine Seyrig : « Croyez-vous sincèrement qu'une femme puisse faire . des films à la lean-Paul Belmondo, avec bagarres, courses-poursuites et drague au grand hôtel ? » Rangés dans les cartons En présence de films où le contenu militant, antipatriarcal au premier degré, s'est estompé, les organisatrices ont choisi la politique de la « discrimination positive ». « Un film se définit par le regard qu'il porte sur le monde et non forcément parce qu'il a été fait par une femme. » Certains films n'ont ainsi pas droit de cité au Festival, pour véhiculer des fantasmes par trop masculins. Reste qu'en 1985 on oppose aux femmes des barrages plus sévères qu'à leurs homologues masculins, tant à la production qu'à la distribution. «Dès leur sortie, les premières oeuvres de Fassbinder ou de Schloendorf ont été présentées au Festival de Berlin. C'est très rarement le cas pour les jeunes réalisatrices. De nombreux films de 29 femmes sont sortis cette année en salle. C'est bon signe, mais combien ont été rangés dans les cartons? », interroge Jackie Buet. Toujours est-il que le septième Festival de films de femmes , installé cette fois à la Maison des arts de Créteil, s'est taillé un beau succès. Grâce à ses fidèles et à l'apport d'un nouveau public local, le cap des vingt-cinq mille entrées a été dépassé. Mais, tiens, au fait, la caissière savait-elle compter juste? 0 Véronique MORT AIGNE Sally Potter, réalisatrice de Gold Diggers et Grischa H uber l'actrice préférée d' H elma Sanders. -1 CULTURES Cinémois FILBERT, DEUX FOIS. Au cours du Festival du cinéma juif, au maintenant tristement célèbre Rivoli-Beaubourg, deux films ont retenu notre attention parmi d'autres: Wundkanal de Thomas Harlan et Notre nazi de Robert Kramer. Le premier montre la séquestration d'un criminel de guerre nazi, Filbert ; il s'agit d'un film de fiction. Le second film est une sorte de documentaire sur le tournage du premier. Dès lors, il est difficile de parler de deux films distincts. Ne serait-il pas plus juste de parler d'un seul film à deux volets? C'est qu'en effet l'un ne va pas sans l'aYtre: le second pouvant être pris comme un « acting out » du premier. Les deux étant porteurs d'une interrogation sur la démarche artistique. L'oeuvre en cours d'élaboration ne cesse de remuer l'artiste (ici, le cinéaste et toute l'équipe de tournage), de le défier. Une fois produite, elle libère une force d'impact allant jusqu'à être pressentie comme un danger (comme l'ont montré les réactions du public au cours d'un débat suivant la projection des deux films). Ici, point d'images d'archives, point d'atrocités visibles pour évoquer ce que furent les camps, mais tout simplement le criminel de guerre lui-même, en chair et en os, vu sous tous les angles, en double, triple image parfois sur l'écran, acteur de fiction dans le premier film, objet de document dans le deuxième. Fictivement séquestré dans le premier, réellement dans le deuxième où, on le voit aux prises avec d'anciens déportés, avec Thomas Harlan, mais aussi avec la caméra. Ce criminel de guerre qui, hors de la prison, n'est pas concevable (que les survivants de son espèce aient des situations socio-économiques apréciables, on ne veut rien en savoir), cet homme, on lui fait parler le seul langage possible à un accusé, celui des faits. Mais dans le second film, il nous est montré tentant désespérément de parler avec des sentiments: discours impossible dans le séquestre. Les deux films révèlent une absence totall' de complaisance pour un sujet aussi grd\'e, mais aussi la violence. Violence contagieuse que celle du nazisme

harcelante, elle force quiconque

s'approche d'elle à s'impliquer. Le second film nous montre les conflits intérieurs, mais aussi extériorisés, chez les membres de l'équipe de tournage (exemple, ce maquilleur qui n'en finit pas de se laver les mains après une séance). Mais aussi Thomas Harlan, hanté par son désir d'entendre la vérité de la bouche même de ce criminel « qui lui rappelle son père ». Le public enfin, masquant son refus de la violence par une critique parfois malsaine (Thomas Harlan, fils d'un cinéaste de propagande nazi ... ). 0 Anna SEBAG LA MAISON ET LE MONDE Le film de Satyajit Ray est l'adaptation d'un roman de Rabindranath Tagore. L'action se situe dans la demeure cossue d'un petit seigneur bengali, Nikhil, marqué par les idées occidentales, qui pousse sa femme, Bimala, à s'émanciper et à abandonner le mode de vie traditionnel. Mais la rumeur destructrice du monde perce les murs de la demeure paisible. 1905, les Anglais scindent le Bengale en deux entités administratives et attisent la rivalité hindous-musulmans. Sandip, ami de collège de Nikhil, leader nationaliste ambitieux venu de Calcutta, appelle au boycott des produits anglais. Bimala, subjuguée par son éloquence, reviendra vers son mari, mais déjà l'émeute gronde. Un très beau film, pêchant par son manichéisme : un Sandip suant trop la prétention et un Nikhil trop saint. Le personnage de Bimala reste superficiel, Ray nous avait habitué à une vision plus profonde des femmes. 0 Richard GARCIA LA PESTE. Miroir qui renvoie à chacun l'image de sa propre intolérance, le court métrage d'Huguette Marquand s'ouvre d'une façon très colorée sur des miniatures illustrant les récits des voyageurs du XIve siècle. Le regard porté sur les indigènes par les voyageurs de l'époque, comme Jean de Mandeville ou Odoric de Pordenone, témoigne de la grossièreté de celui que les gens d'aujourd'hui, dans leur immense majorité, portent sur un Arabe, un Noir ou un Asiatique. Outre qu'il donne la parole à Albert Memmi et Albert Jacquard dans une ambiance bistrot « pour rendre le propos scientifique plus accessible » , ce film est une entreprise tout à fait pertinente à l'heure où sont encore trop nombreuses les victimes de l'arbitraire des négriers et des nazis et où la population immigrée est désignée comme seule responsable de « la Peste », comme le furent les Noirs et les juifs, trop souvent au cours de notre histoire. 0 D.C. Intolérant ... Moi? Distribution les Films du bateleur. 36, rue de Ponthieu, 75008. Cassettes disponibles auprès de SOFRACIMA, même adresse. 30 Cinéma indien : Om Puri, un acteur engagé. INDIAN MOVIES. Longtemps très pauvre en ouvrages sur le cinéma indien, l'édition française vient de s'enrichir d'un livre de référence, superbement présenté de surcroît, complétant une « bibliothèque» sur le sujet qui comprend déjà Regards sur le cinéma indien de B. Parrain (même éd.), un peu ancien, et Le cinéma indien (éd. du Centre Pompidou). Ce nouvel ouvrage a l'immense intérêt de ne laisse parler que des critiques indiens, qui nous présentent, des origines à nos jours la plus riche cinématographie du monde, environ huit cents longs métrages par an, aussi variée que l'Inde immense, dont les sept cents millions d'habitants parlent une multitude de langues parmi lesquelles une quizaine sont reconnues officiellement. On peut dire que tout ce qu'il est possible de dire sur le septième art d'un pays se trouve dans ce livre : un historique complet, le contexte socioculturel, les institutions qui régissent la production, les grands « genres» qui se partagent la production et, surtout, l'analyse de s «expressions régionales ». Plus passionnant encore et plus nouveau sans doute est la partie du livre consacrée à la « psychanalyse » du film indien, à la femme «vamp ou victime? ». Une somme avec laquelle il' faudra désormais compter et dont la diffusion de plus en plus grande (Dieu merci!) des films du sous-continent, fera un « must des cinéphiles qui voient plus loin que le bout du nez de Bébel ou de Jerry Lewis!O Yves THORAVAL Les cinémas indiens. Collectif Ed. du Cerf - Cinémaction. 240 p. 150 photos - 80 F. LETTRES DE NOTRE MOULIN L'ignorant Aucun homme au monde n'a su me tendre la main ... cette main si différente des autres: A utourde moi, les gens passaient, Une couleur ... une langue étrangère, tout indifférents, blasés à mon chagrin cela se garde pour le restant de la vie. douloureux. La haine était en moi, Moi, plus que les autres ... J'ai essayé par je la sentais monter, grogner dans mon tous les moyens de mefaire des amis, des coeur, comme l'eau qui se déverserait en connaissances dans ce monde hostile, rigoles sur la chaussée trempée. Pourquoi Hélas! Le racisme est entré dans les vivre quand personne ne vous aime, ne demeures. vous comprend, je ne veux pas de vous... Je suis stupéfait, né d'une terre Je suis l'étranger, celui qui, alors Dieu, inconnue, comme on en voit sans père et n'a pas de patrie, pas de terre à lui. sans famille ... Je n'ai même pas J'ai parcouru des départements, des l'avantage d'être adopté par quelqu'un. pays; à chaque fois, partout on m'a renié ... Je suis seul, définitivement seul ... PETIT BLOC-NOTES L'Océanie est à Paris ! Le musée imaginaire des Arts de l'Océanie a ouvert ses portes jusqu'au 30 juin au musée des Arts africains et océaniens, où le visiteur pourra, par l'imagination, parcourir des milliers de kilomètres, de la Papouasie Nouvelle-Guinée à la Nouvelle- Zélande, de Tahiti aux Salomons, de Vanuatu à la Nouvelle-Calédonie . V éritable introduction aux cultures océaniennes, ces objets (et les films qui les accompagnent) illustrent neuf grands thèmes comme les dieux, la mort, le masque, les rites de fertilité, etc. Ce sera également une bonne occasion pour découvrir un grand musée (longtemps endormi), qui montre à l'occasion ses riches collections, auxquelles on a joint des pièces du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain et d'autres, venues de Grande-Bretagne et d'Allemagne. Pour rester dans le domaine de l'imaginaire des peuples, celui du Maghreb cette fois, il faut lire la Geste hilalienne, recueillie par Lucienne Saada (ed. Gallimard), aux sources de l'imaginaire collectif maghrébin, faisant inlassablement revivre, à travers contes et légendes, une suite de migrations épiques (et historiques), de tribus bédouines d'Arabie et d'Egypte lancées, jusqu'en Andalousie, au XIe siècle, et qui nous sont ici comptées par un berger tunisien. Savez-vous qui est Fernando Pessoa ? Peut-être pas: c'est pourtant le plus grand poète portugais contemporain (1888-1935) auquel on rend enfin, en France, l'hommage qui lui est dû en traduisant plusieurs de ses oeuvres marquantes et en présentant, à la bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou (jusqu'au 27 mai) , une jolie petite exposition qui recrée avec talent l'atmosphère culturelle de Lisbonne au début du siècle. Une information (peut-être) intéressante: s'il existe, dans votre commune, ou votre quartier, un édifice que vous- Différences - Nu 45 - Mai 1985 même ou votre association (chapelles, moulins, ateliers, pigeonniers, lavoirs, etc .. . ) .décidez de restaurer bénévolement lors de vos loisirs, sachez que la Caisse nationale des monuments historiques (CNMHS) dote les meilleures contributions d'un prix en espèces sonnantes et trébuchantes ... Israël et sa civilisation millénaire seront, du 6 juin au 6 juillet, au centre du Salon des Indépendants : De la Bible à nos jours: 3 000 ans d'art. Surtout, il ne faudra pas manquer l'occasion unique d'y voir les manuscrits de la mer Morte qui, exceptionnellement, quitteront le merveilleux bâtiment avantgardiste qui les abrite au musée d'Israël, à Jérusalem, pour venir à Paris. Pour rester dans le domaine de la culture juive, il est un auteur à découvrir ou à redécouvrir, grâce à une réédition en poche des décidément très futées éditions 10/18 : Israël Zangwill (1864-1926), à la fois profondément Fernando Pessoa 31 Toi qui, aujourd'hui, estfrappé par mes paroles, par mes pensées, par ma peine. Tu écoutes en disant:« ilfautfaire quelque chose » ; puis demain tu oublieras. Il pleut toujours pour moi l'étranger. Et les gens ne se retournent pas sur ma détresse. Il pleut sur ma peau de couleur. Et même cette pluie n'effacera jamais ma différence de vous tous, hommes de mauvaise volonté. Entendez-vous le silence de l'abandon? Je ne sais pas quije suis. 0 Marne IBRA-SÈNE redevable à la Yiddishkeit d'Europe centrale et tout à fait victorien et british, puisque né à Londres, il était l'ami de Jerome K. Jerome et de Conan Doyle entre autres, lui que la critique compa~ rait volontiers à un « Dickens juif ». Ses deux chefs-d'oeuvre, en «poche », les Comédies du ghetto et les Tragédies du ghetto, font revivre avec humour, brio et tendresse, l'East End londonien (qui verra naître Charlie Chaplin) à la fin du XIX· siècle, à l'époque un véritable « petit Israël ». 0 Y.T. Musée des Arts africains et océaniens, 293, avenue Daumesnil, 75012 Paris (visites de groupes), tél. : (1) 260.39.26. BPI/centre Georges-Pompidou, entrée libre, grand foyer. CNMHS, hôtel de Sully, 62, rue SaintAntoine, 75004 Paris, tél.: (1) 274.22.22. Grand Palais: Salon des Indépendants, du 6 juin au 6 juillet. REFLEXION L orsque l'on parle de langues africaines, n'entend-on pas régulièrement cette remarque: « Multitude d'ethnies, mosaïque de langues; heureusement qu'il yale français ! » ? Il yale français, oui, même si le Français n'y est plus. Ce lien trop évident entre colonialisme et langue française finit par se perdre pourtant dans l'argumentation: · le français, langue officielle, permettant la communication entre les différentes ethnies, favorisant ainsi la construction nationale, évitant la prise de pouvoir d'une langue sur les autres ... N'est-ce pas cependant aller un peu vite que de s'en tenir à des arguments utilitaires? Ne contribuent-ils pas à masquer une réalité africaine méconnue : la langue ? Méconnue mais troublante : ces chanteurs africains qui déplacent des foules, ces cinéastes qui apportent leur propre perspective artistique véhiculée par leur langue. Une chose est claire, les langues africaines existent. Un monde à l'envers Une colonisation française séculaire, vingt années d'une indépendance qu'on s'accorde à reconnaître toute formelle, ont laissé des marques profondes sur la situation linguistique africaine. Certes, le français n'est pas parvenu à s'immiscer dans tous les aspects du discours africain: les langues véhiculaires des commerçants ou des prosélytes islamiques, comme le dioula f variante du bambara et du malinké, ont un statut quasi concurrent. On entend le bambara et le malinké sur les ondes, respectivement au Mali et en Guinée, et le quotidien officiel malien Kibaru est en bambara. Sur les marchés, les langues nationales sont utilisées en permanence

mais il s'agit aussi de reconnaître

toute sa valeur à un français local qui, véhiculé dans les grands ports africains, témoigne d'une étonnante faculté de retransformer la langue et de l'enrichir presque · au jour le jour; faculté dont fait preuve toute une population de jeunes citadins (1). Toutefois, malgré ces faits linguistiques originaux et une large pratique de la langue propre, à l'école, l'enseignement de première langue reste le français ; dans beaucoup de pays, la presse est en français et c'est encore cette langue qui, dans tous les pays concernés, constitue . la langue administrative . (législation, . documents officiels, indications routières ... ). Je me suis entendu dire un jour au Burkina-Fasso: «Est-ce . vrai · qu'au Mali, même dans les ministères, ils parlent bambara?» Pour ce jeune - Paroles- LANGUES AFRICAINES AU PROGRAMME On dit: le français et l'anglais sont les seules langues comprises de tous sur le Continent noir. Faux! Apprendre une langue Iron matemeUe sur sa telTe matemeUe : Ull cOlljliJ projlJlld. 32 homme, parler sa propre langue dans son propre pays, c'est le monde à l'envers. Mais cette question posée en suggère une autre: le français n'apparaît- il pas avant tout comme une langue politique? Et c'est alors tout le projet colonisateur et ses effets qu'il faut évoquer. L'identité d'un peuple Les futurs cadres de ces pays qui allaient être décolonisés, en utilisant une langue administrative étrangère et qu'ils étaient alors les seuls à posséder, n'allaient-ils pas ainsi se trouver enfermés dans un discours politique autre? Sur un plan psychologique, comment l'enfant en apprenant à l'école, en premier lieu, une langue non maternelle sur sa terre maternelle, allait-il s'intégrer dans ses structures socio-culturelles propres? N'est-ce pas son identité et, à long terme, celle de tout un peuple qui allait en souffrir ? Politique, psychique, la question linguistique africaine s'impose par son urgence (2). Une prise de conscience semble s'être produite au niveau des pouvoirs publics de quelques pays africains, tels le Mali, le Burkina-Fasso, la Guinée, où, à un niveau expérimental, un enseignement de quelques grandes langues déclarées nationales est mis sur pied. De récentes mesures au Burkina-Fasso visent à officialiser un enseignement scolaire concernant les trois langues les plus parlées du pays: le monré, le peul et le dioula. Une telle reconnaissance témoigne de la vivacité de ces langues. On assiste même à un certain enrichissement des langues, coïncidant avec les transformations sociales issues de la colonisation : des populations sont amenées à se rapprocher, comme les Peuls, traditionnellement pasteurs, et les paysans ou les pêcheurs. Une parole grave Les langues évoluent ainsi au contact les unes des autres et constituent pour le c,hercheur un large champ d'investigation sociologique. Pour l'ethnologue comme pour l'historien, quel plus grand trésor que la langue dans ces sociétés dites sans écriture (ainsi nommées peutêtre parce que leur écriture ne se lit pas de la même manière que la nôtre ? ). « De la poussière de tout ce qui arrive, ne devient "événement" que ce dont il fut dit après coup que c'en était un », nous dit l'anthropologue Jean Bazin (3). Grave la parole du sage, de l'historien, du poète. C'est avec elle que les grands empires africains se sont construits, que les princes ont régné, que les sujets les Différences - N° 45 - Mai /985 ont contrôlés; c'est elle qui ravive une mémoire mythique, qui structure le temps social, donnant lieu à de grandes joutes poétiques annuelles chez les Peuls, qui rappelle les rites initiatiques chez les Bambaras, les Fangs du Gabon ; elle encore qui permet aux individus de participer à la vie publique par ses allusions constantes aux gouvernements en place. Un gouvernement africain ne peut, et sans doute ne pourra-t-il pas de sitôt, compter sans cette parole. Les radios malienne et togolaise, par exemple, n'attribuentelles pas une émission quotidienne à de grands conteurs nationaux? C'est dire que, en renouant le présent et le passé, la parole (en langue) africaine est un moyen sans cesse renouvelé de préserver une identité. De « Langues 0 » à Beaubourg Outre que, malgré l'insistance de certains pessimistes à prédire régulièrement la fin des conteurs africains, ceux-ci existent bel et bien; des chercheurs français et africains ont pu, depuis quelques années, créer chez Armand Colin une collection, Classiques africains, spécialisée dans l'édition de tels récits recueillis par leurs soins. Edition bilingue, elle permet à tous ceux, locuteurs ou non des langues intéressées, qui le souhaitent, une réelle approche de cette grande tradition littéraire propre à l'Afrique, qu'il s'agisse de récits peuls, fangs, rwandais, bambaras ou autres. A la lecture de quelques-unes de ces pages, c'est une grande élaboration littéraire qui apparaît avec force. Il existe, par ailleurs, pour les locuteurs · africains, une revue,Binndi e jannde, qui fait une large place aux littératures en langue africaine traditionnelles ou modernes (notons toutefois que l'éditorial est traduit en six langues africaines et en français et qu'on y trouve au moins un article en français : avis aux amateurs), et qui se donne pour tâche le développement des langues africaines (4). Indice de ce redéveloppement, les nombreuses demandes de lecteurs, français ou d'origine africaine, désireux d'apprendre ou de réapprendre une langue africaine. A Paris, il yale célèbre «Langues 0», le bien mal nommé Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) (5). A moins de considérer comme oriental tout ce qui n'est pas européen, cela en dit long sur l'exotisme qui imprégnait la démarche de ses fondateurs ... au XVIIe siècle. Il offre un bel éventail de cours de langues africaines (bambara, hausa, peul, langues 33 bantoues, swahili, amharique, malgache). On regrette toutefois que certaines langues d'importance, comme le wolof, ne figurent pas sur la liste. L'enseignement y est universitaire; ce qui signifie que l'on s'y engage pour trois ans au moins et que l'on s'intéresse également à une approche historique, littéraire, géographique aussi bien que sociologique ou ethnologique. Il n'existe hélas, à l'heure actuelle, pas d'autres structures d'enseignement de langues africaines, à moins - de se prendre par la main et de se rendre au Centre Pompidou qui possède une excellente médiathèque, où plusieurs langues africaines sont enseignées sur cassettes. S'il existe peu de structures, on assiste, en revanche, à une demande de plus en plus forte au niveau des lycées, de la part des élèves d'origine africaine et de professeurs. Certes, on peut utiliser, pour l'épreuve de troisième langue du baccalauréat, une langue africaine. Mais sans pratique pédagogique, quelle structuration de la langue les élèves peuvent-ils avoir? Quel environnement littéraire ? Or, il existe des étudiants qui, formés à l'INALCO, sont capables d'un enseignement organisé. Un encadrement potentiel pour la mise en place de cours dans certains lycées, là où la demande se révèle importante, existe. Une action envers les pouvoirs publics, sur la base d'une demande croissante en ce sens, permettra-t-elle prochainement de réaliser un tel enseignement? L'enjeu pour ces élèves est d'importance sur le plan de leur identité culturelle bien sûr, pour les autres, il y va d'un désir d'harmoniser une longue et ancienne relation que l'histoire voulut tragique. Les cubistes avaient en leur temps découvert et travaillé l'art africain. Aujourd'hui, c'est par la langue avant tout que celui-ci se donne à voir et à entendre. C'est avec elle que les Touré Kunda sénégalais ou un Gaston Kaboré, auteur du très beau WendKûuni (6), participent d'urie réflexion artistique. Faut-il nous étonner quand ce film raconte l'histoire d'un enfant muet qui, un beau jour, retrouve la parole? o Viviane COHEN (1) Bruno Mann utilise ce français d'une Afrique urbaine pour .un travail d'écriture très novateur dans sm roman, Les gosses tù es comme (Le Seuil, 1976). (2) L.-J. Calvet tente de répondre à cette question dans un livre intéressant, Linguistique et Colonialisme (Payot, 1974). (3) Voir sm très bel article la Production du ticil historique, dans Cahiers d'études afrioeines, n° 73-76. (4) On peut la trouver à « L'Harmattan ,. où à « Présence africaine ,.. (5) 2, rue de Lille, 75007 Paris. (6) Le Don de Dieu, film du Burkina-Fasso primé au Festival de Ouagadougou en 1983. HISTOIRE Massacres - , SE TIF •• 8 MA/45 Alors que le monde entier célèbre la victoire, des milliers d'Algériens meurent dans l'indifférence générale. Le début de plus de vingt ans de guerre. Pour les habitants de l'Algérie, alors partie intégrante de l'Empire français, la guerre de 39-45 et le gouvernement de Vichy ont ajouté les discriminations imposées par les nazis et les collaborateurs aux divisions de la société coloniale. La moitié « européenne » du pays a été « épurée » de ses juifs. Français depuis le décret Crémieux de 1870, ils sont désormais privés par Pétain de leurs droits de citoyens. Quant aux « musulmans» ou «indigènes », pour re- 34 • Des villages entiers sont · rayés de la carte : l'ordre est rétabli. prendre la terminologie de cette période, ceux qui n'ont pas été mobilisés vivent et travaillent comme avant-guerre. A partir de juin 40, le clivage se fait entre résistants et partisans de Vichy. Novembre 42 : les Alliés débarquent à Alger. Bientôt, après diverses péripéties, s'installe le gouvernement provisoire de la République française, présidé par le général de Gaulle et assisté d'une assemblée représentant la Résistance française et coloniale. Une ordonnance du 7 mars 1944.affirme le principe d'une égalité pour tous les emplois publIcs entre FrançaIS et musulmans. Soixante-dix mille d'entre eux peuvent voter dans le même collège électoral que les Européens, les autres votent dans un deuxième . collège. Ceux des Français musulmans qui ont combattu, pendant la guerre, aux côtés des Français « reviennent, maintenant, écrit Yves Courrière. (1) Et ils racontent ... les attaques furieuses où ils se sont conduits comme des héros - à « tel point que le maréchal Juin les appelle (sic) : « Ces « furieux qui, s'ils ne savent pas lire, n'en ont que plus le « combat dans les veines. »lls ont découvert la fraternité des champs de bataille. La moisson de médailles et le chiffre des pertes montrent l'ampleur du sacrifice ... Ils ont découvert qu'on pouvait les respecter tout comme les autres. Là-bas, ils o~t ~r~uvé ce qu'ils recherchaient depuis toujours: la digmte. » Dans le combat pour libérer la patrie française du nazisme loin d'oublier leurs sentiments nationalistes algériens: beaucoup ont trouvé des motifs d'espérer une certaine émancipation. En mars 1943, les autorités françaises n'ont-elles pas laissé publier un Manifeste du peuple algé~i~n, sel0!1I~quel la participation à la guerre pour les Algenens dOIt s accompagner de la réunion d'une assemblée nationale musulmane ? Les ordonnances de mars 44 sont une forme de réponse, une tentative de modération face à ~eux qui réclament, de plus en plus nombreux, une républIque algérienne autonome fédérée à la France. Aux amis du manifeste de Ferhat Abbas, se sont adjoints les indépendantistes du Parti populaire algérien de Messali Hadj . Réunis dans un même mouvement, ils comptent, en avril 45, quelque cinq cent mille membres. Le 25 avril Messali Hadj est arrêté et déporté vers l'Afrique noire. ' Le drapeau vert et blanc Une manifestation doit avoir lieu à Alger, le 1ee mai; c'est le moment de montrer, pensent les nationalistes, que les Algériens veulent l'égalité. La manifestation est interdite et répri~ée. Une semaine plus tard, à Sétif, en petite KabylIe, le PPA clandestin appelle à une manifestation. Le même jour, le 8 mai 1945, à Alger, Ferhat Abbas, venu au gouvernement général pour féliciter le gouverneur de la victoire alliée, est arrêté. Il ne sera relâché qu'en mars 1946~ « Un mot d'ordre du PPA clandestin a circulé (I) : Le jour de la victoire, manifestation pour exiger, après le sacrifice et la conduite des Algériens dans l'armée française, un peu de justice et de démocratie 1 Dès 8 h 30, une foule de citadins . auxquels se mêlent des paysans, des fellahs et aussi des scouts musulmans et des membres du parti se regroupent près de la gare de Sétif Ils se mêlent à la foule du marché. Les Européens s'inquiètent ... Ils sont partagés en deux clans ; ceux qui ce jour fêtent la victoire alliée - les cloches vont sonner à 15 h 45 annonçant la capitulation - et ceux qui, satisfaits de la victoire ... , n'admettent pas les nouveaux statuts accordés aux soixante-dix mille musulmans (2). » Le préfet de Constantine est de cette opinion. La police reçoit des consignes très strictes pour rétablir l'ordre. On s'attend à de grandes opérations et à ce que le PP A soit dissous. Pour la première fois dans une manifestation apparaît le drapeau algérien vert et blanc. Le PP A contrôle le défilé mais des provocateurs européens s'infiltrent. Les pancarte~ demandent la démocratie pour tous, mais aussi la libération des leaders emprisonnés. Elles célèbrent la victoire sur le nazisme. Une pancarte proclame: « Vive la victoire alliée. » Le porte~r est tué par un inspecteur de police qui perd son sang frOid . Des coups de feu sont tirés dans toutes . les ,d!rections. ~~ jeune homme, qui portait le drapeau algenen, est tue, a son tour. Des Européens sont tués. Le Différences - N° 45 - Mai /985 35 maire socialiste de Sétif, M. Deluca, qui est favorable aux Algériens, est tué. On ne saura jamais qui est responsable du meurtre. Dans la région de Sétif se déclenchent des massacres, des assassinats en série. Huit jours durant. Révolte contre les colons, mais surtout opération concertée de répression menée par le général Duval. « Sous couvert de la loi martiale, Sénégalais, légionnaires et milices européennes, soutenus par la marine et l'aviation ravagent la région et laissent derrière eux six mille à huit mille morts. (3) » Psychose de peur Des villages entiers sont rayés de la carte: on retrouve des fosses communes remplies de cadavres. Une commission d'enquêt~ est envoyée d'Alger par le gouverneur général, le 25 mal. Cette enquête ne dit rien de bon à certains colons de la riche et puissante Chambre d'Agriculture (cett~ région est le grenier à blé de l'Algérie). Ils font pressIOn sur Alger et, quarante-huit heures après, le général Tubert qui dirige l'enquête est rappelé à Alger. Il emploie le temps qui lui reste avant son retour à rédiger un ra~port, resté ultra-secret, et dont toutes les copies, sauf trOIS, seront détruites. Yves Courrière cite l'une d'elles: (~,La ~épres~i?n, dit ce r.apport, a été sévère. On peut 1 etabltr offICiellement amsi : Cinq cents à six cents indigènes tués par l'armée. Cinq cents à sept cents tués par les ~olons. Vingt à quarante musulmans tués à Sétif par la poltce et la gendarmerie ... La commission, en conclusion, ~ignale la psychose de peur qui étreint les colons. Elle signale egalement cette peur chez les musulmans. Peur qui mêlée à des sentiments de mécontentement et de suspicion, agite les masses musulmanes. » « Au panier, au pilon, le rapport l, commente Y. Courrière. D'autant que le général Tubert qui, dans les chiffres de la répression produits dans son rapport, n'a cité que les morts officiellement établis, recensés, parle en réalité de quinze mille morts. On ne saura jamais le . chiffr~ exact. Le FN L parlera plus tard de quarante-cmq mtlle morts. Il fallait étouffer dans l'oeuf ce mouvement de rebellion. C'est fait. Le sang a tout recouvert. Le rapport de Tubert est « enterré » . Au gouvernement général on n'a pas entendu son rapport. » En. France, métropolitaine, de rares articles de presse attireront 1 attentIOn sur ces événements, dont ceux d'Albert Camus dans Combat. En dépit des proclamations. sur l'éyolution néces~aire, la majorité des forces politiques fran~~lses sont en tram d~ renouer avec leur comportement traditionnel sur la questIOn coloniale. La France récemment libérée de la barbarie nazie ignore ou veut ignorer que les. autor~tés 9ui. la représentent ont encouragé d'autres barbanes. MmontaIres sont ceux qui ont le pressentiment de l'impasse sanglante où conduira le refus de remise en cause véritable de l'exploitation coloniale. Dès l'année suivante (1946), c'est le début de la première guerre d'Indochine; un an après, en 1947, la répression s'abat sur les nationalistes à Madagascar. Et en 1954, commencera la guerre d'Algérie. La I!lémoire , ~crite ~e l' ~lgérie, celle des poètes, se souvient de Setlf. « La, se Cimenta mon nationalisme, écrit Kateb Yacine. J'avais seize ans. » 0 Christiane DANCIE (1) Yves Courrière : la Guerre d'Algérie, tome I, Livre de poche. (~! L'oppositio~ des mil~eux coloniaux réactionnaires avait déjà contribué à 1 echec des projets de reforme .du statut de l'Algérie élaborés aux moment du Front populaire • (3) Jean-Pierre Roux, la France de la quatrième République collection Points. Le Seuil. ......,. ;: - Identité- ? ~\e\\\e, \tenso\Jus d\te ce que nous . , "out o.u\ sororoCharles dto\\e est \3 seroen\ que \3 nou\Je ~euteu GERMAINE VILLARD historienne La nation française est la résultante d'une très longue histoire dans laquelle toutes les composantes de la vie sociale sont impliquées. On ne peut définir une nation uniquement par le territoire, la langue, les gens ou la culture, mais par tout cet ensemble. Ce n'est qu'à partir de la Révolution que l'on peut parler de nation française. Avant, il y avait des éléments, des racines qui se mettaient en place. C'est la Révolution qui a fait émerger la nation et la conscience de la nation. Il ne faut pas s'imaginer qu'en 1790, à la fête de la Fédération, les Bretons, Marseillais, Alsaciens qui venaient se sentaient français. Ils se sont sentis fr:ançais pour un tas de raisons. A l'époque, être breton, marseillais, c'était presque aussi différent qu'être aujourd'hui en France d'origine étrangère. Une des choses qui fait la vitalité d'une nation et son enrichissement, c'est d'avoir la possibilité d'intégrer des gens ayant une expérience, une culture, une façon de poser les problèmes, différentes. Ce qui définit un Français aujourd'hui, c'est sa vie sociale spécifique. Il se trouve sous un certain régime politique, avec des habitudes de pensée. Il baigne là-dedans. Il travaille dans un appareil économique, lui aussi hérité du passé. Il va dans des écoles qui, au moins en théorie, transmettent une culture élaborée au cours des siècles. Les Français sont ceux qui correspondent à cette définition, quelle que soit leur origine. Ce qui semble aujourd'hui beaucoup compliquer les choses, c'est qu'il y a dans la vie sociale française un certain nombre de gens venus de l'étranger. La France d'aujourd'hui ne peut se concevoir sans l'apport des étrangers. 0 LOUIS XVI roi de France Les Français sont inquiets et murmura-' teurs, les rênes du gouvernement ne sont jamais conduites à leur gré ; ils crient, ils se plaignent, ils murmurent éternellement ; on dirait que la plainte et le murmure entrent dans l'essence de leur caractère ( ... ). 0 NAPOLEON BONAPARTE Premier consul Tous les hommes de génie, tous ceux qui ont obtenu un rang distingué dans la république des Lettres, sont français, quel que soit le pays qui les a vus naître. FRANÇOIS-RENE DE CHATEAUBRIAND écrivain o Les Français vont instinctivement au pouvoir; ils n'aiment point la liberté; l'égalité seule est leur idole. 36 Le Français a été dans tous les temps ( ... ) vain, léger et sociable. Il réfléchit peu sur l'ensemble des objets, mais il observe curieusement les détails ( ... ) ; il faut toujours qu'il soit en scène, et il ne peut consentir, même comme historien, à disparaître tout à fait. Les mémoires lui laissent la liberté de se livrer à son gén~. 0 VOLTAIRE écrivain Les Français sont malins et sont grands chansonniers. Les Français ne sont pas faits pour la liberté. Ils en abuseraient. 0 MONTESQUIEU écrivain On dit que l'homme est un animal sociable. Sur ce pied-là, il me paraît qu'un Français est plus homme qu'un autre; c'est l'homme par excellence, car il semble être fait uniquement pour la société. 0 JOSEPH-ARTHUR DE GOBINEAU diplomate et écrivain Dans tous les pays du monde, quand on n'est pas français, on est étranger. 0 LE CLUB DE L'HORLOGE L'identité française, il est vrai, est inséparable d'une certaine diversité. Celle de nos régions et de nos terroirs. Historiquement la France est le creuset Je, tu, il est français. Baguette, béret, vin rouge, « un Français, c'est quelqu'un qui aime la France» nous a-t-on dit. où sont venus se fondre des peuples antagonistes, Celtes, Romains, Germains: la langue, la toponymie et les traditions de nos provinces en portent le témoignage. Mais cette diversité est circonscrite au sein de l'ensemble européen, qui a subi la marque indélébile des temps forts de la même histoire : Antiquité, Moyen Age, Renaissance, Lumières. Voilà pourquoi les immigrations traditionnelles issues des pays européens n'ont pas remis en cause l'identité française. Au contraire, l'immigration de masse que nous subissons aujourd'hui en pro- Différences - N° 45 - Mai 1985 venance du monde entier est lourde de menaces. Pour qu'une greffe réussisse, il faut qu'il y ait compatibilité entre 'J'identité du receveur et celle du donneur. Entre les Français et l'immigration planétaire qu'ils subissent, il n'y a pas de compatibilité par la culture, par l'histoire, par la religion, par la langue. C'est pourquoi 1'« insertion» des immigrés ferait de la France un ensemble multiculturel qui ne pourrait durer dans l'histoire qu'au prix d'un terrible appauvrissement mutuel où les communautés étrangères comme la nation française perdraient peu à peu les valeurs essen- 37 tielles qui définissent leur caractère propre. 0 (In La préférence nationale; réponse à l'immigration, éd. Albin Michel.) RADIO-TROTTOIR - C'est un vieux con. 0 - Le général de Gaulle était le seul vrai Français. 0 - C'est quelqu'un qui aime la France, qui est attaché à la France par des liens du sang, affectifs ou culturels, plus qu'à un autre pays. 0 - C'est quelqu'un qui met de la saucisse de Toulouse sur sa pizza. LA PAROLE A lean-Marie Teno « Nous sommes l'enjeu muet d'un conflit qui divise la société. » Natif de Yaoundé, il s'est formé à l'électronique d'abord, puis à la photo et à l'audiovisuel. Aujourd'hui Jean-Marie Teno est technicien du montage et se ·Iance dans le court-métrage. J ' ai toujours désiré écrire, parler, dire ce que je voyais autour de moi. Venant d'un pays africain où il est parfois difficile de dire ce que l'on pense, l'idée m'est venue que le cinéma pourrait peut-être me permettre de faire passer la même chose d'une façon plus indirecte. A vec le peu d'argent que j'avais, je me suis payé une caméra 16 mm et j'ai foncé. Les premières images tournèrent autour de l'équipe du journal Bwana, dont j'étais, de la détermination d'une poignée de jeunes Africains de se faire entendre, dans une société sourde et repliée sur elle-même. Les gens parlent pour nous, on nous utilise pour les élections. Les uns veulent nous foutre dehors, les autres veulent nous garder. Nous sommes l'enjeu muet d'un conflit qui divise la société. On assiste à un retrait complet de la condition de l'Africain. Les élites au pouvoir ont muselé toute tentative d'expression qui questionne un tant soit peu la réalité africaine. Et la situation dans la majorité des Etats est complètement délirante. On parle de lafamine au Sahel, ce n'est pas nouveau, mais les gouvernements respectifs ne font aucun effort pour prévoir. Il y a un potentiel énorme, mais dans la majorité des cas, il est dilapidé par le pouvoir. Tout en travaillant à la récupération de nos valeurs, j'ai essayé de traduire cela dans un film de 15 minutes, qui s'appelle la Chouba (en Afrique la chouba est un cri de joie). On m'accuse d'être pessimiste, mais le cinéma africain est moribond, même si dans ces rangs on compte quelques Sembene Ousmane, des Cissé ou des Kaboré. J'ai quelques projets, j'ai commencé à écrire et à tourner l'été dernier au Cameroun un film en « hommage » à mes parents, tout en enterrant certaines valeurs du passé, comme le complexe des Africains face à l'Occident. L'homme que je rêve d'être n'est pas l'intellectuel que je suis, mais l'homme intègre qu'était mon grand-père, qui vivait de son travail de la terre et qui maîtrisait l'environnement dans lequel il baignait. 0 38 Propos recueillis par Julien BOAZ COURRIER Au ministre Trop c'est trop, arrêtez le délire ! La Marseillaise· obligatoire à la maternelle ! Pourquoi pas le salut aux couleurs? ' L'école n'est pas un lieu de conditionnement pour petits Français à l'esprit revanchard, on sait trop ce que cela entraîne. Et ci c'était à chacun d'entre nous de trouver son propre hymne, et tant pis s'il n'est pas national? . Alors, n'imposons ni aux uns ni aux autres de symbole. Cette liberté, je la revendiquerai jusqu'au bout. Xavier GUIGNE Mallemort « Le mensonge d'Auschwitz .. Le Parlement de la RFA a été appelé à délibérer sur ce qu'on appelle improprement le mensonge d'Auschwitz ». Il s'agit d'un projet de loi sanctionnant par des peines correctionnelles des affirmations telles que «à Auschwitz on n'a gazé que des poux », ou encore « le génocide des juifs est une invention des juifs eux-mêmes ». Ce projet a été élaboré én 1982 par la précédente coalition gouvernementale (SPD plus libéraux) qui sanctionnait Clairement les manifestations néo-nazies de plus en plus fréquèntes dans ce pays (comme d'ailleurs dans d'autres: voir affaire Faurisson en France, etc.). Avec l'avènement au pouvoir de la nouvelle majorité gouvemementale (CDU plus libéraux), cette affaire a été mise d'abord en sommeil et maintenant reprise sous une forme totaleqtent différente. Ce qui était une condamnation sans équivoque des thèses dites « révisionnistes », est devenu une banale condamnation de l'apologie de tous les crimes quels qu'ils soient. . En effet, sous le prétexte que toutes les opinions doivent pouvoir s'exprimer librement dans un système «libéral », la nouvelle majorité a prévu des amendements qui assimilent le crime d'Auschwitz à toutes sortes, d'autres persécutions, et plus particulièrement celles qu'auraient endurées les Allemands lors de la débâcle de. 1945. En d'autres termes, ce qu'Auschwitz avait de spécifique, c'està- dire la mise à mort systématique et de manière «industrielle » de millions de juifs et de tziganes, serait noyé dans . une réprobation englobant pratiquement l'apologie de tous les méfaits quels qu'ils soient. Ce qu'Auschwitz avait de spécifique, c'est-à-dire un génocide préparé et exécuté scientifiquement, est purement et simplement banalisé. Les forces démocratiques en RFA se mobilisent contre la deuxième mise à mort des victimes du génocide. Les forces démocratiques du monde entier se doivent de soutenir leur combat. Manfred IMERGLICK Paris Réplique La seule solution à la débauche de violence raciste qui prévaut et persiste en France et dont nous, Noirs et Arabes, sommes quotidiennement victimes résideraitelle dans la réciprocité? Nous entendons ici par réciprocité une situation dans laquelle les victimes pourraient réagir pour se défendre. En effet, le constat est évident, les Français - blancs - sont racistes dans leur immense majorité, même si la thèse officielle tendrait à accréditer le contraire. Ce n'est certainement pas à nous d'en chercher les causes. Mais s'il y en a qui veulent soutenir le contraire, à savoir que les racistes sont marginaux dans l'Hexagone, nous serions prêts à étudier la démonstration. Seule. ment, auparavant, nous aimerions qu'on daigne nous expliquer, si c'est explicable, pourquoi ce sont toujours les mêmes qui tombent sous lès balles ou les couteaux des soi-disant détraqués, alcooliques ou nerveux ... Qu'on ne vienne surtout pas nous parler d'actes isolés, d'autant moins qu'il ne se passe pas un jour sans qu'on flingue ou poignarde un Nègre ou un Arabe sous des prétextes fumeux. Puisque les défenseurs des actes racistes, eux-mêmes racistes, ont le culot, après chaque assassinat, de le justifier, en en détournant la portée, par les effets de l'alcool, de la chaleur ou du bruit, nous nous contenterons de dire ici que cette explication est illogique, voire irrationnelle. D'autant plus irrationnelle que ces individus marginaux, jamais les mêmes, choisissent toujours leurs victimes parmi les mêmes. D'où leur vient alors cette lucidité instantanée, qui leur permet toujours, non de tirer sur tout ce qui bouge, comme ce devrait être le cas, s'ils sont vraiment dérangés, mais de vider leurs chargeurs sur tout ce qui est noir ou basané? Si ce racisme séculaire et viscéral se manifeste de plus en plus brutalement par des meurtres que les auteurs se font un plaisir Différences - N° 45 - Mai /9R5 de revendiquer, et certains médias de dénaturer et même de nier, c'est aussi, parce qu'en plus de la complicité collective de la France profonde, les pouvoirs publics eux-mêmes sont complices. Il suffirait de rappeler à cet égard que les coupables de crimes racistes, c'est-à-dire ceux qui sont véritablement poursuivis pour l'exemple, ne sont pour la plupart condamnés qu'à des peines dérisoires, assorties de sursis, malgré les dispositions de la loi de 1972, qui sont, d'ailleurs, rarement appliquées. Les juges prononcent des acquittements à tour de bras et les policiers s'en prennent plus aux victimes plaignantes qu'aux Français « bon teint» coupables de ces crimes. Nègres et Arabes victimes du racisme en arrivent à avoir peur de porter plainte comme la loi les y autorise, toute l'attitude des forces de l'ordre les en dissuadant. Qu'est-ce qui peut, dès lors, empêcher ou même dissuader les Français les plus zélés ayant les policiers et les juges avec eux, de se défouler impunément? Nous n'avons que faire des slogans choc qui nous attirent les foudres de la pitié chrétienne, ni . de l'égalité théorique, encore moins des déclarations de principe. Tout cela n'a jamais empêché qu'on nous tire dessus. Il est un fait, en tout cas, que les jeunes générations africaines qui ont démystifié la civilisation judéo-chrétienne occidentale ne vont pas se laisser faire, encore moins se laisser assassiner· par des tontons et neveux flingueurs en mal de défoulement. Que les Français se flinguent entre eux, que les Européens se massacrent s'ils le désirent, nous n'avons absolument rien à dire. Mais qu'on nous laisse tranquilles, et surtout qu'on veille à ce que l'on ne nous tire plus dessus quand il fait 300 au nord de la Loire. Rappelons en effet que chez nous aussi les gens pourraient s'enivrer, invoquer la chaleur (40 0 banalement sous abri) ou le bruit, par exemple. Seydou TRAORE Reims Comparaisons Permettez-moi de proposer aux journalistes et aux lecteurs de Différences deux sujets de réflexion: Comparer les déclarations suivantes: "Je n'ai rien contre les croyants, la preuve, c'est que j'ai un ami prêtre (pasteur, rabbin)". "Je ne suis pas antisémite, la preuve, c'est que j'ai un ami juif'. Tous les Etats se sont créés dans la violence; ainsi en est-il de l'Etat hébreu. La question que je pose est celle-ci: Attendaiton du peuple juif qu'il accomplît des miracles? (Si oui, pourquoi ?) Veuillez m'excuser de la façon sommaire dont les questions ont été formulées et croyez en mes sentiments les meilleurs. Bernard SCHMITT ~mballé J'ai découvert votre revue dans les rayons de la bibliothèque de Gennevilliers. J'ai été très emballé, bien que je ne me reconnaisse pas dans cette image de l'immigration tout de même un peu trop fataliste. Je pense plus que jamais que nous autres immigrés devons aujourd'hui prendre en charge notre avenir, notre devenir dans une terre d'asile, qui est pour beaucoup d'entre nous une terre natale, puisque nous y sommes nés. Nous devons cesser d'être assistés. 1984 restera pour moi l'année de la découverte d'une population prête à se prendre en charge, et non l'année de mon identité reconnue. Ouahiba KHODRI Gennevilliers Les petites annonces de D/FFÉ-'RENCES Stages en Provence: tissage, peinture, poterie, photo, danse, sculpture, tapisserie. Pays et cadre très beaux. Piscine. Documentation contre 3 timbres à Puyharas, 04150 Banon. 68 Stages poterie sud-Aveyron l/A ds anc. ferme site excep. 15 j./1 500 F. 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T .C. la ligne (26 signes ou espaces) Texte et règlement à Différences: 89, rue Oberkampf 75011 Paris Tél. 806.88.33 L Les membres de la Société des amis de Différences bénéficient d'une insertion gratuite par an (maximum 5 lignes) 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 L-L~~LICharles 12 janvier 2012 à 18:06 (UTC)I-iI-L~I~-L-L~~I-LI'-~I~I-LI-L~I-L-L~~ 1 1 1 L 1 1 1 x-- 39 l AGENDA MAI 1er A compter de cette date, l'ensemble culturel théâtre noir propose trois spectacles de danse, du 1 au 5 l'association Fils d'Afrique avec Mamadou Doucoura et sa troupe, du 7 au 11 le centre rythme Danse Schilling (symbiose de la danse africaine et européenne) et du 16 au 17 Dole Dantou, groupe afro-antillais de percussions et de danses. Rens. : théâtre Noir, 16, rue LouisBraille, 75012 Paris. Tél. : 347.91.93. 0 3 Sara Alexander, auteur-compositeur israélienne, à Belfort , le 10 à Pau et le 1" juin au palais des Glaces à Paris. 0 4 Quinzaine contre le racisme et l'apartheid organisée par l'Office municipal de la jeunesse d'A u bervilliers (Seine-Sain tDenis), avec pour débuter concert Pierre Akendengué, sous chapiteau, rue EdouardPoisson. Le 6, à 19 h, ballet Lemba (chant, musique, danse et percussions d'Afrique) à la MJ Emile-Dubois, 156, avenue Danielle-Casanova. Du 6 au 10, de 17 à 20 h, exposition de l'ANC sur l'enfance, les jeunes... poésies, musique et diaporama à la MJ Emile-Dubois et exposition de la Swapo sur la Namibie, de'14 à 20h à la MJ James-Mangé, 1, rue des Cités. Du 14 au 21, à la MJ Jacques-Brel, 46, boulevard Félix-Faure, « La tente bédouine " réalisée par la caravane- musée mobile réunissant des objets collectés dant tout le Maghreb utilisés hier et aujourd'hui, de 14 à 20 h. Et le 22 à partir de 9 h 30, débat sur « La science face au racisme " avec Albert Jacquard et exposition du MRAP « 15 artistes peintres contre l'apartheid" au théâtre de la commune d'Aubervilliers, rue E.-Poisson . Rens. et réservation

OMJA, 22, rue Bernarde~-

Mazoyer. Tél. : 833.87.80 D, 5' Les Garibaldiens (Associa, tion française d'anciens combattants volontaires et résistants garibaldiens) convient toute l'immigration italienne à un grand rassemblement au parc Montreau, salle Daniel-Renoult de Montreuil (seine-SaintDenis) pour célébrer le quarantième anniversaire de la libération de l'Italie. Seront présents ou représentés, tous les pays alliés. Rens. : les Garibaldiens, 20, rue des Vinaigriers, 75010 Paris. Tél. : 206.94.73. 0 8 Jusqu 'au 22 , animation « Autres pays , autres cultures" à la MJC-Maison pour tous, 70, avenue Pierre-Brossolette. à Romilly-sur-Seine (Aube), avec la participation du MRAP et de l'exposition « Peuples d'ici et d'ailleurs ». Rens. : tél. : (25) 24.80.56. 0 1 0 El Hakawati, théâtre palestinien de Jérusalem, pour deux soirs seulement , à 21 h à la Maison de l'étranger. li et 16. rue A.-Zattara , Marseille 3' . Tél. :(91)95.90.15. 0 10 A 17 h jusqu'au 12 à 17 h , Rencontre juifschrétiens- musulmans sur le pardon au Centre culturel « Les Fontaines » de Chantilly (Oise), organisée par l'Association des écrivains croyants d'expression française. Rens . : tél.: (4) 457.24.60 Les Fontaines . 0 Il « Dessine-moi les gens de chez toi» à la bibliothèque municipale d'Oloron-SainteMarie (Pyrénées-Atlantiques). jusqu'au 25 mai . Cette exposition circulera dans les écoles de la vallée d'Aspre. 0 Il A partir de 19 h. Nuit du reggae à l'Espace Balard de Paris, en hommage à Bob Marley . Avec Sugar Minott, Apartheid Not, Azikmen , Whach'da, Roots of exil et Natiwcl. 0 16 Pour 30 représentations exceptionnell es , à 20 h 45 , « Fast el Food ail théâtre » , de et par les clowns Maclona, au théâtre à Déjazet , 41, boulevard du Temple, 75003 Paris . Rens.: tél. : (1) 887.97.34. 0 20 A 17 h, réunion de recherche du CHEID sur la coopération industrielle NordSud, avec Charles-Albert Michalet, professeur à l'université de Parix-X. Rens. : ISMEA, 11, rue Pierre-et-Marie-Curie, 75005 Paris. Tél. : (1) 633.73.42 . o 21 Au théâtre noir, 16, rue Louis-Braille, jusqu'au 31 mai, tous les soirs sauf lundis à 20 h 30 (dimanches à 17 h) « Images de sécheresse ", spectacle franco-sénégalais , par le Théâtre de la va,he crueile, d'après le texte de Gérard Chenet. Une tournée précédera les 3, 4 et 5 à Saint-Médard-enJalles (Gironde), le 7 à Péri- Le 12, à la MJe de Bobigny, Barbara Hendricks. gueux, le 9 à Cahors, le 11 à Léognan, le 15 à Bayonne, le 17 à Lorient . Puis en juin, le 7 à Ribérac, le 8 à Terrasson . Rens. pour les tournées: tél. : (53) 53.80.78 , au théâtre Noir: tél. : (1) 346.91.93. 0 26 Radio-Beur organise un concert au Zénith , à partir de 14 h avec entre autres Aït Mengelet, Najet Atabou et le groupe Boodjie. Rens. : Radio-Beur, tél. : 255 .17.17. 0 28 Solidarité 'en fête: autour de ce thème le Secours populaire français prépare un programme d'activités au Centre des expositions de Montreuil (mairie) de 11 à 20 h. Les «Médecins du Secours populaire » seront présents pour expliquer leur action, jusqu'au 1" juin. Rens. : Secours populaire, 9, rue Froissart, 75003 Paris. Tél. (1) 278.50.48. 0 30 et 31, au palais du Luxembourg, 1" Symposium international sur la communication gouvernementale, placé sous le patronage de l'UNESCO. Ce symposium est organisé par l'Institut de la communication sociale (ICOS), 26, boulevard Raspail, 75007 Paris. Tél. : 548.81.73. 0 JUIN 7 et 8, dans le cadre de l'Année internationale de la jeunesse, l'association Ecume organise en collaboration avec la vidéothèque régionale de l'Insitut national de l'audiovisuel, un forum sur « Les jeunes, la création, la coopération : cinéma et audiovisuel ", qui s'adresse à de jeunes « réalisateurs » de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de différents pays méditerranéens, dans les locaux 40 de la Vieille Charité, 2, rue de la Charité, Marseille 2'. Rens. : Ecume, 55 , rue Saint-Bazile, 13001 Marseille. Tél.: (91) ' 50.60.18. 0 12 Récital Barbara Hendricks, à 20 h 30 à la maison de la culture de la SeineSaint- Denis, boulevard Lénine, centre de ville de Bobigny (seine-Saint-Denis). Du 18 au 22, à 21 h. Rétrospective David Gordon 'and the Pick-Up Company dans une nouvelle chorégraphie. Rens. : tél. : (1) 831.11.45. 0 14 L'association Tiers ' Monde organise une journée sur les problèmes de la théorie et de la politique du développement. Cette réunion , animée par les responsables de l'association devrait permyttre aux jeunes chercheurs d'exposer leurs travaux et aura ,lieu au ISMEA, 11, rue Pierre-etMarie- Curie, 75005 Paris. Rens. : M. Gaston Sourd, tél. : 633 .73.42. 0 ET ENCORE A NE PAS MANQUER. Le festival du cinéma arabe à Paris. A Grenoble, un mois sur la présence marocaine en France, renseignements à l'office culturel. Le 1" juin, place des Abbesses, à Paris XVIII' , une animation par les enfants du Masque qui rit, sur proposition de MRAPSolidarité, intitulée Jeux de maso' sacres. Rendez-vous ,à 12 heures sur la place. Sous le patronage de Différences et de la revue L'enfant d'abord, le Collège de philosophie accueille les auteurs, dont Patrick Tort, du livre Misère de la sociobiologie, édité aux P.UF. mardi 4 juin à 18 h 30, ancienne école polytechnique, 1, rue Descartes, 75005 Paris. Le 2 juin, cérémonie du souvenir de l'Union des engagés volontaires et anciens combattants juifs, devant le monument aux morts du cimetière de Bagneux. Autocar à 9 h devant l'hôtel Holiday Inn, place de la République à Paris. Concert de soutien aux , prisonniers politiques des Antilles, avec Linton Krewsi Johnson et Guy Konket, le 17 mai, 20 h 30 à l'Eldorado, 4, bd de Strasbourg, 75010 Paris. Agenda réalisé par Danièle SIMON L'amiral des mots Suite au jeu concours: dans ce conte, les mots en italique viennent de langues étrangères (1). Découvrez leur origine. Il y a encore cent abonnements à gagner. ArtiQAL.,QutL.L.E ES, L.'OQi"itH. DU NO'-; "Q.AC. i S M E." ~ En un clin d'oeil, une chaîne d'esclaves fut tendue entre le palais, et une fosse contenant un liquide noir et épais comme du marc de café qui se trouvait au pied des remparts. Une noria de calebasses transporta ce liquide jusqu'à un tank situé au coeur du palais « Avec ça, vous pouvez allumer toutes les lampes que vous voulez et calfater vos navires en prime. » Les gens du pays appelèrent ce liquide «naphta» ou « quatrân » (goudron). Frappé par l'intelligence de l'ex-prisonnier, le vizir lui offrit, en plus de la liberté, la direction de la flotte marchande du calife ! Très vite, il se révéla un crac dans le monde de l'import-export grâce à des tarifs 'défiant toute concurrence. Tussor et madras des Indes, calicots de Calicut, kaolin, chantoung et laques de Chine, damas et mousselines de Syrie, patchouli de Malaisie, ilang-ilang d'Indonésie, raphia de Madagascar, palanquins et pyjamas du Bengale, s'amassaient dans ses entrepôts après avoir été transportés par des navires de tous types. Lorsqu'il fut nommé grand amiral de la flotte, il crut avoir atteint son nirvana. Mais comme chacun sait, toute réussite attire fatalement la jalousie et, accusé de comploter contre le sultan, il n'eut Différences - N° 45 - Mai /985 pe:u inpo({.TE 0'00 iL. ViE.NNtl. iL. rAoT ,,6. ({.AYE.12.. DE. TON VOCA8tJL.Ai Q. t f! que le temps de sauter sur un rapide alezan pour sauver sa tête. Il trouva refuge dans une koubba perdue du désert d'Arabie. Son sommeil fut troublé par une meute de chacals aussi affamés que lui et qui menaient une sarabande effrénée en faisant un boucan de tous les diables. Il frotta sa pierre et, une fois encore, son bon génie arriva : « Aïe pitié de moi, par Allah le Tout-Puissant! » Le génie se tapota le menton qu'il avait double comme tous ceux de sa caste, le contempla en silence un long moment, puis, il lui dit seulement: « Sois l'amiral des mots, rien de plus, rien de moins ... » et il disparut sur ces paroles sibyllines. Le jeune homme, qui espérait plus qu'une manne, resta sur sa faim. Mais n'ayant rien d'autre à se mettre sous la dent, il se mit à ruminer ladite phrase, finit par l'avaler et soudain devina tout l'or que recelait cette proposition énigmatique : Il allait désormais consacrer sa vie à la chasse aux mots, en un véritable safari verbal et, parce qu'il n'avait, malgré sa folle jeunesse, jamais dit de gros mots, son génie avait décidé que les mots allaient lui rapporter gros ! Il se vit, le dos voûté comme un coolie, transportant dans son barda des milliers de mots et allant les vendre aux académies royales 41 et à tous les faiseurs de dictionnaires. Par des amis sûrs, il réussit à gagner Venise dont il fit son quartier général et d'où il établit un réseau de correspondants vivant dans les ports les plus importants du monde connu. Il créa la première Bourse des mots, mots qu'il vendait à la criée, bien entendu. Lorsque le Nouveau Monde fut découvert, il s'y rendit et en rapporta une riche moisson de noms qu'il adapta aux diverses langues européennes. La plupart désignait des objets, des produits ou des animaux jusqu'alors inconnus tels que mocassins, canoë, toboggan, maïs, patate, tabac, tomate, chocolat, cacahuètes, puma, lama, cannibale ... La légende dit qu'il se retira sur un atoll des Maldives. Sous la véranda de son bungalow en palissandre, assis dans un fauteuil en rotin ou se balançant dans un hamac en toile de jute, la peau toute boucanée par les typhons et les ouragans de tous les océans et la mémoire tatouée par tous les mots qu'il avait récoltés, il aimait à écouter le chant de la mousson et le murmure du vent qui agitait la petite jungle de bambous de son jardin. Chacun d'eux portait gravé l'un de ces mots qui avaient fait sa fortune et sa joie. Et, à mesure que la forêt s'élevait, les mots devenaient méconnaissables ... Celui qu'il chérissait le plus, dit-on, ne recouvrait pas un objet mais un mystère dont se plaignent ou se réjouissent les hommes : le Hasard, ramassé du côté de la Syrie. Ce hasard que l'on confond souvent avec le destin et qui vous fait naître ici ou là, riche ou pauvre, blanc, noir ou jaune ! 0 Pierre ARONEANU (1) Pour plus de simplicité, on adoptera la notation suivante: (a) : arabe. (t) : turc, turco-persan. (i) : hindi, sanscrit, bengali, indonésien, malais, tibétain. (po) : polynésien. (h) : hébreu. (am) : langues amérindiennes. (1ilaI) : malgache. (ch) : chinois. (sC) : d'Afrique. LES PIEDS SENSIBLES c'est raffaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin. du 38 au 48 masculin. six largeurs CATALOGUE GRATUIT: SULL Y, 85 rue de Sèvres, Paris 6- 5 'lb sur ~_,._ de c.rt • .-.none.

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Notes

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