Différences n°196 - mai 1998

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Sommaire du numéro

n°196 de mai 1998

  • Edito: L'abolition a 150 ans par Mouloud Aounit
  • Législation contre le racisme: arguments pour une réforme par Nina Ventura et Sophie Pisk
  • L'avis de la CNCDH
  • Vitrolles: à propos d'une prime de 5000 francs
  • Dela discrimination entre Français et Etrangers à la discrimination entre Français
  • Paroles et portraits contre les préjugés par Juliette Rennes
  • Developpement: l'heure des bilans par J.C. Dulieu
  • Miroir des activités locales par E. Lathière-Lavergne
  • Gros plan sur le comité de Clermont-Ferrand
  • Du nouveau dans l'affaire Rosenberg par Albert Levy
  • Entretien avec le président de la Fédération de Dordogne recueilli par E. Lathière-Lavergne
  • Un voyage pas comme les autres par Alain Pellé
  • Maurice Papon condamné
  • Des exclus dans l'oubli par J.B. Bary
  • Lettre ouverte à M. Chevènement ministre de l'intérieur

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Texte brut du numéro

Mai 1998-N° 196 LI SOMMAIRE VHroll .. Législation contre le racisme A propos d'une prime de 5 000 F 3 Chérifa Benabdessadok Jean-Marc Candella Exposition 4 ARGUMENTS PO R Juliette Rennes Dévelop I lnto 5 Jean-Claude OuHeu Eric lathière-Lavergne NERÉFO ME Jean Laffite Affaire Rosenberg Du nouveau 7 Albert Lévy Initiative Un voyage pas comme les autres 9 Alain Pallé Le MRAP souhaite une réforme de la loi française contre le racisme afin de la rendre plus efficace, notamment face aux cc professionnels de Lecture /a xénophobie ", qui en exploitent les insuffisances. Le sympt6me Le Pen 9 Eric L-t. Chrono 10 Présentation synthétique de quelques arguments par le Service juridique ainsi que Chérifa B. le texte quasi-intégral de l'avis de Gens du voyage Des exclus dans l'oubli 12 la Commission nationale consultatil{e Jean-Bertrand Bary des droits de l'Homme sur ce sujet. Formation A destination des jeunes 12 Lettre ouverte à M. Chevènement r:r pages 2 et 3 Permanence d'accueil 12 l"abolition a 150 ans J'ai rencontré en Martinique le 27 avril 98 les« petits enfants de l'esclavage » . Quel décalage avec la commémoration officielle franco-française du 150" anni versaire de l'abolition! Ce moment d'autosatisfaction et de paroles généreuses semblait bien éloigné des exigences de réparation de ceux qui savent le prix payé par le sang, les larmes et la sueur de leurs arrière-grands-parents. Ces descendants d'esclaves sonl prêts à pardonner mais ils ne sont pas prêts pas à oublier. Quatre siècles durant, vingt millions d'êtres humains furent déportés. Ce génocide sur lequel se sont édifiés la prospérité et le décollage industriel des économies occidentales représente une dette immense à l'égard de ces hommes, de ces femmes, el du continent africain. Avec beaucoup de force, les enfants des esclaves d'hier nous ont rappelé que l'abolition résulte de la résistance et de la lutte des esclaves eux-mêmes. On trouve encore aujourd'hui dans la déchirure entre le Nord et le Sud des séquelles de celte tragédi co Elle se prolonge dans le racisme anti-africain encore prégnant chez nous. Le mépris avec lequel sont traités les hommes et les femmes d'Afrique et la civilisation africaine témoigne de celte période. Aussi, l'heure est à l'exigence de justice et de mémoire pour les victimes de l'esclavage. Il faut pour cela reconnaître pleinement ce qui s'est passé elle considérer comme un crime contre l'humanité. On ne se dédouane pas d'une tri ste page de t'histoire de l'humanité par une pétition de principe pour« les droits de l'Homme ~>. Comme le déclarait Victor Schoelcher, « La liberté d'un homme est une parcelle de la liberté universelle, vous ne pouvez toucher à l'une sans compromettre l'autre tout à la fois » .• Mouloud Aounit Il La législation contre le racisme ARGUMENTS POUR UNE RÉFORME L E MRAP SE PRÉOCCUPE depuis plusieurs années des lacunes de la législation de lutte contre le racisme et de son inadaptation aux manifestations nouvelles du racisme. II mène sa réflexion et son action sous plusieurs formes: à travers ses contributions au rapport annuel de la CNCDH sur l'état du racisme en France, auprès des parlementaires, des différents gardes des Sceaux et de l'opinion publique. Face à la recrudescence des provocations des « professionnels du racisme », qui exploitent les failles de la loi pour diffuser leur propagande raciste en toute impunité et pour tenir compte des engagements européens et internationaux souscrits par la France, le MRAP estime qu'il est temps de se donner les moyens d'engager une campagne nationale autour de la législation en question. Cette campagne s'inscrit dans le prolongement du colloque organisé à Paris le 28 mars dernier par notre Mouvement sur la loi et la prévention comme moyens de lutte contre le racisme. Ce colloque a réuni des juristes, spécialistes de la législation interne et de la jurisprudence de la Commission et de la Cour Européenne des Droits de l'Homme sur la liberté d'expression et ses limites, ainsi qu'un enseignant qui forme de futurs professeurs des écoles à l' éducation aux droits de l'homme. Les intervenants ont souligné la qualité de l'arsenal législatif français mais ils constatent également l'existence de dysfonctionnements et le fait que notre législation « a pris des rides », selon l'expression de Martine Valdès-Boulouque, Premier substitut au parquet de Paris. La nécessité de modifier la loi a également fait l'objet d'un avis rendu par la CNCDH le 5 novembre 1997 (lire ci-dessous). Ce constat a été à l'origine de l'élaboration de deux projets de loi, en 1994 et 1996, qui n'ont jamais été discutés au Parlement. Parmi les causes de ces l-AVIS DE lA CNCOH Cet avis porte sur « la mise en conformité de la législation française avec l'action commune de l'Union européenne concernant l'action contre le racisme et la xénophobie » (1). La CNCDH formule ses recommandations en trois parties: 1 - Relevant que sur certains points, le droit français va au-delà des dispositions contenues dans l'action commune, notamment dans les domaines de la discrimination et du « négationnisme » ; Exprime le souhait, comme l'y invite l'action commune, que: - la législation française poursuive son évolution dans le sens d'une meilleure efficacité dans la lutte contre le racisme; - le Gouvernement français incite ses partenaires de l'UE, dans le respect des engagements souscrits et pour promouvoir une véritable Europe des citoyens, à se conformer en ce domaine aux dispositions de l'action commune; - encourage le Gouvernement à promouvoir une coopération policière et judiciaire aussi efficace que possible entre les quinze Etats membres pour lutter contre le racisme et la xénophobie, et à mettre en place les mécanismes nécessaires à l'application effective de l'action commune. II - Constatant que sur d'autres points, le droit français n'est pas en conformité avec les engagements souscrits dans l'action commune; Relevant que cette non-conformité provient essentiellement du fait que les dispositions législatives antiracistes sont intégrées dans la loi sur la presse de 1881, dont elles subissent le régime spécifique très strict, dans les domaines: A - de l'incrimination: - constatant que la diffusion ou la distribution publiques d'écrits, d'images ou d'autres supports contenant des manifestations racistes ou xénophobes, telle que prévue par l'action commune ne fait pas l'objet, en droit français, d'une incrimination générale; Différences n° 196 mai 1998 échecs, figurent l'absence réelle de volonté politique, les risques d'atteinte à la liberté d'expression et la crainte d'ouvrir la boîte de Pandore. Sortir du faux débat Or, en refusant d'affronter les difficultés, en s'enlisant dans un faux débat confrontant d'un côté les défenseurs de la liberté d'expression et de l'autre ceux de l'antiracisme, on laisse la voie libre à la propagation du racisme. Car, il faut le rappeler, le racisme ne constitue pas une opinion, mais une atteinte au droit au respect de la dignité et de la réputation des droits d'autrui . Les partisans du Front national et des thèses d'extrême droite, de manière plus générale, n'invoquent la liberté d'expression que pour mieux la détruire. Ce débat sur la liberté d'expression articulée sur la question de la répression de certaines expressions du racisme n'a lieu qu'en France car cette législation relève de la loi sur la liberté de la presse qui répond à des règles dérogatoires destinées à protéger la liberté d'information et de communication. Les Etats européens qui se sont dotés d'une législation contre le racisme échappent à cette vision des choses dans la mesure où ils considèrent qu'il s'agit là d'infractions de (fT" - constatant que l'incitation publique à la discrimination, à la haine et à la violence raciale, telle que prévue par l'action commune, est plus large que le délit prévu en droit français (article 24-6) ; la loi française réprimant la provocation et définissant restrictivement le groupe visé; Propose la création d'un délit réprimant d'une manière générale la diffusion de messages racistes. - constatant que la participation aux activités de groupes, organisation ou associations dont les activités impliquent la discrimination, la violence ou la haine raciale, ethnique ou religieuse, telle que prévue par l'action commune, n'est pas incriminée en droit français; Propose que, sur ce point précis, soit créée en droit français une incrimination réprimant les activités au sein de ces groupes. B - des procédures : - relevant que la procédure applicable en matière de lutte contre le racisme est pour l'essentiel régie par les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, que notamment, sur le (fT" droit commun, les propos racistes sont donc réprimés en tant que tels et non comme des abus de la liberté d'expression. Par la campagne qu'il a décidé d'engager, le MRAP souhaite sensibiliser et mobiliser l'ensemble des citoyens sur la nécessité de réfléchir à l'adoption de nouvelles dispositions législatives permettant de lutter efficacement contre le racisme. Néanmoins, pour que cette sensibilisation puisse porter ses fruits, il est nécessaire que la campagne soit soutenue par l'ensemble des militants et sympathisants du MRAP. De l 'utilité de la loi Car la lutte contre le Front national et les thèses racistes et xénophobes implique, bien évidemment, un travail sur le terrain. Il présuppose aussi que tous soient conscients et convaincus de l'utilité de la loi dans un combat plus général. II est donc du devoir de chacun de lutter pour une meilleure législation en faveur des victimes du racisme, au même titre que l'on se bat pour réformer la législation en faveur des étrangers. C'est le même combat: la défense des droits de l'Homme . • Nina Ventu ra et Sophie Pisk Service juridique plan des saisies et confiscations d'écrits, d'images et autres supports, le droit fran çais est de ce fait beaucoup plus restrictif; - souhaitant que référence soit faite plus clairement à l'article 6 de la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à la notion de « recours effectif ». Propose que ces dispositions soient régies par le droit commun de la procédure pénale, ce qui permettrait d'améliorer sensiblement l'efficacité de la répression dans ce domaine, tout en respectant strictement les libertés publiques, et plus particulièrement la liberté d'expression. III - Observant que chaque Etat membre est formellement invité à présenter des propositions appropriées visant à mettre en oeuvre l'action commune ; Exprime le souhait d'être associée aux réflexions qui seront menées en ce domaine, ainsi qu'au bilan qui sera présenté au Conseil, par la France, à la fin de l'année 1998. (1) Texte adopté par le Conseil de l'UE le 15.07.96. Cet extrait de l'avis n~ comporte pas la partie introductive. Vitrolles A PROPOS D'UNE PRIME DE 5 000 FRANCS ' • RAPPEL DES FAITS LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF de Marseille a annulé le 15 avril la délibération du conseil municipal de Vitrolles en date du 20 janvier dernier en vertu de laquelle était octroyée une prime à la naissance de 5 000 francs aux familles résidant dans la ville et dont au moins l'un des deux parents était français ou ressortissant de l'Union européenne (Cf. Différences n° 195, avril 98, rubrique Chrono). Le tribunal a notamment considéré que « il ne rEssort pas des pièces du dossier que la différence de traitement opérée entre les familles par la délibération contestée soit la conséquence de la loi» et « qu'il n'existe pas entre les familles résidant dans la commune de Vitrolles, au regard des charges occasionnées par la naissance d'un enfant, de différences de situation tenant à la nationalité des parents ». Le tribunal a laissé par ailleurs le soin à la municipalité à majorité FN de tirer les conclusions quant au remboursement des sommes déjà allouées. Le tribunal a ordonné au maire de retirer dans un délai de quinze jours les affiches placardées sur le mobilier urbain visant à publier l'information sur cette allocation. Les juges soulignent de plus le caractère « tronqué» de cette information: en effet, expliquent-ils, les affiches litigieuses laissaient entendre que seuls les parents fran çais bénéficieraient de l'allocation alors que la délibération étendait ce bénéfice aux ressortissants de l'Union européenne. De ce fait, « l'exécutif communal a méconnu les obligations de loyauté et d'exactitude qui lui incombaient en matière d'information municipale ». La plainte du MRAP a été jugée recevable malgré les arguties des avocats de la municipalité. La richesse du monde Quelques jours avant ce jugement, la première des mères qui avait bénéficié de cette allocation, et qui s'était prêtée avec son époux et son bébé à une remise de chèque sous les flashes des caméras orchestrée par Bruno Mégret, a confié au quotidien La Provence son regret d'avoir été l'objet d'une manipulation dont elle n'avait pas mesuré toutes les conséquences. « l'ai cru, a-t-elle affirmé, que nous pouvions empocher l'argent et oublier les idées qui vont avec ». Cette mère de quatre enfants que la prime de 5 000 francs venait soulager financièrement a clairement pris ses distances avec l'idée de préférence nationale en s'engageant soit à rembourser cette somme à la municipalité soit à la reverser à une association humanitaire. Elle affirmait toujours dans le même entretien: « La richesse du monde, c'est la différence entre les peuples et non l'indifférence avec laquelle, ce jour-là, j'ai fermé ma porte et touché la prime » . • Chérifa Benabdessadok • DE LA DISCRIMINATION ENTRE FRANÇAIS ET ÉTRANGERS À LA DISCRIMINATION ENTRE FRANÇAIS AINSI QUE LE PORTE- PAROLE de la mairie de Vitrolles, Bruno Mégret, l' a assu~ ré lui même au cours d'une conférence de presse, le 3 février 1998, cette allocation à la naissance ne relève pas d'une opération de communication. II faut bien y voir le prémisse d'une généralisation de la discrimination selon la nationalité en matière de Différences n° 196 mai 1998 protection sociale. Une telle proposition est une véritable provocation si l'on considère que la préférence nationale heurte l'un des principes fondateurs de la République, le principe d'égalité. Mais il n'est pas inutile d'en envisager aussi les possibles enjeux économiques et les conséquences plus générales qu'elle pourrait induire. (fT" • Il V itrolles (suite de la page 3) On doit pour cela rapprocher cette mesure (avortée) du discours qui consiste à contester le monopole des organismes de sécurité sociale pour les soumettre aux règles de la concurrence. Cette thèse a été notamment soutenue dans le contexte de la décision de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) dite « Poucet et Pistre » du 17 février 1993. Les personnes concernées souhaitaient se soustraire aux versements des cotisations sociales à l'URSSAF au profit d'un organisme privé ce qui leur semblait financièrement plus rentable. Leur contestation se fondait sur l'article 8 de l'ordonnance du 1 cr décembre 1986 et l' article 86 du Traité des communautés européennes par lesquels est prohibé l'abus de position dominante. La Cour de justice européenne les a déboutés de leur demande en soulignant, de façon explici te, que le principe de solidarité gouvernant l'octroi des prestations de sécurité sociale justifie l'exclusion des organismes de sécurité sociale du droit de la concurrence. La protection sociale menacée par les lois du marché La préférence nationale dont le maire de Vitrolles et son époux se font les champions est à considérer comme une estocade donnée à ce principe. En effet, montrer une préférence pour le citoyen français à l'égard de l'étranger, qui, au demeurant, travaille et cotise en France, n'est-ce pas les «désolidariser » ? Si une telle atteinte préparait les esprits à admettre l' application d'un critère discriminatoire dans l' octroi des prestations sociales et favoriserait de ce fait l'entrée des organismes de Sécurité Sociale dans le droit de la concurrence, l'enjeu n' est pas mince pour des acteurs financiers tels que les compagnies d'assurance, en quête de nouveaux marchés. Il est clair qu'en présence d'une telle concurrence, les organismes de Sécurité Sociale pourraient chercher à se décharger des personnes les plus vulnérables. L' idée d'une protection sociale à deux vitesses, distinguant les étrangers des Français, fait aujourd'hui quelques émules. Mais cette idée leur paraîtrait moins séduisante, s'ils se rendaient compte qu'ils sont peutêtre, du même coup, en train de préparer une protection sociale à deux vitesses, entre Français ! • Jean-Marc Candella PAROlES ET PORTRAITS CONTRE lES PRÉJUGÉS L E COMITÉ LOCAL DU MRAP prépare une exposition sur le thème « Vitrolles et préjugés» qui sera présentée en octobre prochain à l'occasion du Temps des li vres (1 ). Les organisateurs prévoient d' articuler l'exposition autour de sept préjugés qui constituent pour l' instant la base d'un questionnaire adressé aux habitants. Il s' agit de confronter des points de vue individuels aux clichés propagés par les médias, énoncés par les Vitrollais euxmêmes, exploités par la propagande du Front national. Sept clichés capitaux Pour Evelyne Pierrot, membre du CL, le but est de donner « une représentation de notre ville qui, à travers des témoignages variés rétablirait une vi sion plus fine des choses ». « Vitrolles sans âme » est le plus caractéristique des préjugés concernant la ville nou velle. Le Front national s'est largement appuyé sur cette image négative en prétendant redonner à cette ville une âme provençale (on connaît l'importance du thème du réenracinement dans le discours de l' extrême droite). Le thème de l' insécurité constitue un autre préjugé que l' exposition vise à démonter. «Le préjugé ville nouvelle (banlieue, délinquance, drogue, insécurité ... ) mis en avant par les médias, déshonore un quartier, celui des Pins. Ce quartier, devenu pour la circonstance Cité des Pins est systématiquement mis en cause, alors même que certaines photos de presse montrent les immeubles d'un autre quartier, le Centre urbain, qui n'a rien à voir mais dont l' aspect correspond mieux à l'image traditionnelle d'une banlieue à problèmes », poursuit Evelyne Pierrot qui regrette « la méconnaissance de notre ville par la presse ». Un panneau sur les « étrangers » devrait réunir diverses définitions de l' étranger proposées par les habitants. Témoignages et portraits visent à faire éclaterl' amalgame immigrés = insécurité. Les autres préjugés examinés sont relatifs à l' urbanité: Vitrolles est perçue comme une cité sans lieu d'animation autre que le magasin Carrefour, où l'on ne « peut rien Différences n° 196 mai 1998 faire sans voiture »tant elle est étendue. Un gros plan sur les « chemins de traverse » devrait refléter une autre image de l' espace urbain en montrant comment on peut se rendre du vieux village au centre commercial en passant uniquement par des jardins. Rendre compte de perceptions personnelles de la ville loin des clichés et des idées reçues, telle est finalement l'ambition de ce projet qui allie le militantisme et ]' art. Ce projet d'exposition s'inscrit dans un contexte général de dynamisme du tissu associatif local. Après la victoire du Front national aux élections municipales de fé vrier 1997, différentes associations se sont regroupées pour former la CAV ( Coordination associative de Vitrolles). Parmi el-" les: Ras l'Front, le MRAP, la ligue des: droits de l'homme, SOS Racisme, ATDQuart Monde. Par ailleurs, des associations,. comme le Sous-Marin ou Charlie free ont conjugué avec succès actions militantes et culturelles: promotion du rap et du reggae à travers une tournée nationale baptisée «délit de sale musique », hommage à Martin Luther King ... Platon, déjà L'association « les journées de ]' Antiquité » travaille à faire connaître le passé dans le but d' aider à la compréhension de la société actuelle. Elle prépare un travail sur « les Gaulois du Midi » qui vise à présenter la Provence comme terre d' accueil ouverte sur la Méditerranée depuis l' Antiquité. On y apprendra par exemple que les maisons gauloises en terre crue de la région étaient construites selon des techniques marocaines. Au moment où l' association « Culture en Provence », proche du FN, prépare une journée sur les Gaulois, il s'agit de lutter par la diffusion de la connaissance du passé contre toutes les formes de crispation identitaire... Les journées de l'Antiquité devraient participer au projet d'exposition du MRAP à travers des interventions de sociologues urbanistes dans un débat sur les préjugés contre lesquels luttait déjà Platon . • Juliette Rennes (1) Evénement national organisé par la Drac Dévelop Ilnfo L 'heure des bilans L E CONGRÈS NATIONAL S'OUVRE LE 8 MAI, il débutera naturel lement par le rapport d'activités relatant nos interventions locales, nationales et internationales pour la période d'avril 1995 à mai 1998. C'est l'occasion pour l'ensemble du Mouvement de mesurer à sa juste valeur l'ensemble des diverses actions que nous avons déployées, ce qui nous permettra d'évaluer la santé du MRAP ainsi que sa capacité à répondre aux exigences du combat antiraciste. Ce bilan est impressionnant pour nos actions, expressions et interventions nationales ou internationales. Quelques exemples pourront illustrer ce constat positif. Sur le plan national Sur le plan national, nous avons connu une période très intense avec une pression permanente due aux effets dramatiques des lois Pasqua-Debré au combat pour leur abrogation, aux actions liées à la lutte citoyenne des sans-papiers pour leur régularisation, face à la circulaire Chevènement, et la définition d'une nouvelle poli tique d' immigration lors du débat sur la loi sur l'immigration. Notre Mouvement a toujours tenté localement comme nationale ment d'être directement et concrètement impliqué dans ces combats. Au fil de ces luttes, notre Mouvement a développé des analyses, organisé des réactions et interventions (un seul chiffre: 156 communiqués nationaux sur ces thèmes en trois ans) qui furent très appréciées, et qui nécessitent un engagement et une disponibilité sans réserve de nos adhérents et des comités locaux. La liste des actions spécifiques du MRAP ou nos participations à des initiatives collectives est conséquente. Notre combat contre l'extrême droite s'est fortement intensifié du fait de l' évolution des thèses du FN dans l'opinion publique, en particulier lors des élections: 51 prises de position publiques nationales, organisation ou participation aux dizaines de manifestations nationales et régionales ... Une activité souvent réactive qui nous a amenés ces derniers mois à redéfinir une stratégie de lutte plus offensive contre l'extrême droite. Nos activités pour une éducation à la citoyenneté, avec la place incontestée que nous tenons dans le succès de la semaine éducative, ou encore, nos apports dans la mobilisation des intellectuels français et étrangers pour la défense des droits de l'Homme, contre le délit de solidarité, pour la désobéissance civique (pour ne citer qu'elles) sont innombrables. Sur le plan international Sur le plan international, que ce soit pour Mumia Abu-Jamal, Sarah Balabagan, ou plus généralement pour la Palestine, le Maghreb, l'Afrique, l'Amérique, l'Europe où le racisme a une tradition séculaire, nous avons marqué de notre empreinte bon nombre de combats contre le racisme, pour le respect des droits de l'Homme, pour la Paix .. . Pour assumer nos engagements, nous avons mis en place, sous l'impulsion de Jean-Jacques Kirkyacharian, des groupes de travail sur chacun de ces points. Notre Mouvement est maintenant très connu et reconnu dans les structures internationales. Cela nous vaut l' amitié et la confiance des ONG et d'être écoutés dans les instances telles que l'ONU. Ces quelques exemples montrent que nous pouvons ressentir une satisfaction certaine; mais gardons toutefois en tête la progression du racisme dans le pays etdu FN aux dernières élections, l'alliance dans certaines régions de ce parti avec la droite traditionnelle et le fait qu'une partie de la droite épouse de plus en plus les thèses défendues par le parti de Jean-Marie Le Pen. Nos activités, réactives ou offensives, des trois années écoulées ont inévitablement interpellé les militants sur nos stratégies relatives aux grandes questions telles que la politique d'immigration, l'extrême droite, le racisme de proximité, l'éducation - réflexions qui sont au coeur de nos travaux les 8, 9 et 10 mai à Bobigny. Sans le dévouement et la moti vation des adhérents, un tel bilan ne pourrait aujourd' hui être présenté. Sans une progression sensible des effectifs (+ 11,2%) et la création de 16 comités locaux en 1997, nous n'aurions pas connu un tel rayonnement. Devant ces résultats encourageants, qui montrent les potentialités existantes, ne nous laissons pas bercer par une facile autosatisfaction. En effet, les exigences nouvelles liées à l'actualité politique et à l'expression d'un racisme quotidien, nous obligent inévitablement à poursuivre une réflexion collective sur le développement du MRAP, sur ses instances ainsi que sur le rôle de chacune d'elles. En un mot, « passer le cap » de la mutation décidée lors du dernier Congrès. C' est l'un des défis à relever aujourd'hui . • J ean-Claude Dulieu En ouverture du Congrès, un rapport sur l'intégralité des activités recensées par le National ainsi que le rapport d'ouverture sont remis à tous les congressistes. Chaque adhérent peut se procurer ces documents auprès de son Président de comité. i Différences n° 196 mai 1998 • Il Dévelop Ilnfo MIROIR DES Précisions Dans la synthèse des débats au sein des comités locaux publiée dans Différences d'avril dernier (n° 195), les amis de la Fédération du Val -de-Marne, lors de leur Congrès départemental, se sont clairement prononcés contre les quotas et ont exprimé leur scepticisme sur la mise en place d'une politique de codéveloppement à « l'heure du li béralisme triomphant ». Contre les accords entre la droite et le FN A l'appel du comité de vigilance contre le FN, plus de 20 000 personnes ont défilé dans les rues de Montpellier, samedi 18 avril, afin de dénoncer l'accord entre Jacques Blanc et les élus du FN et exiger sa démission de la présidence de la Région Languedoc- Roussillon. Dans l'immense foule, des militants de Vitrolles et de Toulon, d'innombrables lycéens et beaucoup de gens de culture. Cette manifestation fut un énorme succès populaire avec les slogans repris avec enthousiasme et de nombreux panneaux, graves, « En 1940 mes parents ne savaient pas, en 1998,je sais », ou plus humoristique « Blanc, t'es pas clair ». Alors que sous la banderole du MRAP, on notait la présence de nombreux amis et sympathisants venus spontanément. C'est un jeune lycéen qui a lu à la tribune la déclaration de la journée puis, les artistes Philippe Caubère et Claire Engel ont clos la manifestation par un texte des gens de culture qui se terminait par ces mots: « Non à la préférence nationale, oui au métissage culturel, non à la haine, oui à la vie ». Comité de Montpellier - 27 Bld Louis Blanc - 34000 Montpellier. Campagne maSSIve contre le FN A la suite de la réorganisation de la Fédération des Bouchesdu- Rhône, celle-ci s'étant enrichie ces dernières années des comités de Miramas, CalasCabries, Marignane et Fos-surMer, une grande campagne de sensibilisation contre le Front national et le danger qu'il représente débute dans les tous premiers jours du mois de mai. Avec plus de 3 000 affiches « Le détail », « Culture inflammable ! »et« Eteindre le Feu» placardées essentiellement dans les villes de Vitrolles et Marignane

cette campagne viendra

appuyer les différentes actions qui peuvent être menées par les comités de ce département dans les domaines de l'éducation ou de l'information. Comité de Fos-sur-Mer - Centre Social Jas de Gouin - 13270 Fos sur Mer Comité de Marignane-BP 132 - 13722 Marignane cedex Comité de Marseille - BP 12 - 13471 Marseille République cedex Comité de Vitrolles - BP 81 - 13743 Vitrolles cedex Comité de Miramas et CalasCabries - Contacter le Siège Semaine n ationale de l'éducation Cette année a de nouveau été marquée par l'implication importante du Mouvement dans le cadre de la semaine nationale d'éducation contre le raci sme, dont la date officielle était du 21 au 28 mars, mais qui s'est déroulée en fait de la mi-mars à la mi-avril. En effet, partout en France, les comités locaux ont organisé des expositions, des débats et des manifestations

on dénombre pas moins

d'une centaine d'initiatives. Nous ne pourrons dès lors pas toutes les citer et ne mentionnons qu'une sélection qui sera obligatoirement restrictive. • La solidarité avec le peuple algérien s'exprimait notamment à Saint-Lô, avec le « Printemps des communautés », à Périgueux, avec un 31 ème rassemblement autour de « l'Arbre de la liberté», à Marmande avec une conférence sur « l'Algérie et les Algériens » et l'annonce de la création d'un collectif départemental de soutien au peuple algérien « Urgence Algérie », et une activité devenue permanente à Clermont-Ferrand (lire encadré ci-contre). • Cette semaine permit également la projection de films, « Le Gone du Chaaba » de Christophe Ruggia à Annonay, Mourenx et Privas, Fos- sur-Mer ou Lunel et « Mémoires d'immigrés» de Yamina Benguigui à Pau, Mourenx et Marseille. Diverses expositions furent également à l'honneur, notamment «Tous parents, tous différents» à Pau, Mourenx, Privas et Poitiers alors que les expositions du MRAP n'étaient pas en reste puisque les comités de Valréas, Morsang-sur-Orge, Saint- Gros plan sur le comité de Clermont-Ferrand Le comité de Clermont-Ferrand est par sa taille, l'un des plus importants du MRAP. Ses actions sont nombreuses et concernent tous les domaines d'intervention du Mouvement. Très sensible à la situation en Algérie, le comité organise fréquemment des manifestations culturelles ou conviviales de « totale solidarité avec le peuple algérien et la communauté algérienne de la région». Aussi, dans le cadre de la semaine nationale de l' éducation, l'accent fut mis sur la solidarité avec le peuple algérien avec en particulier l'exposition<< Lettres algériennes» réalisée en 1996 avec le concours d' auteurs et d'artistes-peintres algériens et la projection de films . Toujours dans le cadre de cette semaine, « L'humour contre le racisme» fut l'occasion de la présentation d'une exposition avec le comité d'établissement Michelin tandis que la présentation de l'exposition « Si tu diffères de moi, tu m'enrichis », en collaboration avec le Festival de la Bande dessinée de Clermont-Ferrand, fut l'occasion d'une rencontre avec les créateurs de bande dessinée et dessinateurs de presse. Le comité dispose également régulièrement d' une parution intitulée MRAP 63. MRAP Clermont-Ferrand - Centre Blaise Pascal- Salle 248 - 3 rue du Maréchal Joffre - 63000 Clermont-Ferrand. Différences n° 196 mai 1998 ACTIVITE" S LOCALES Denis, Annonay, Fos sur Mer, Mourenx, Villefontaine, Marmande, Saint-Nazaire ou les Fédérations de Dordogne et du Bas-Rhin présentaient et débattaient autour de « Préjugés et stéréotypes racistes », de «L'esclavage aujourd'hui », des« Oubliés de l'Histoire» ou de l'exposition « 45-95, un enseignement pour la Paix ». • « Le jeu de loi » du MRAP fut inauguré dans le Nord et les Bouches-du-Rhône. Dans les quartiers de Saint-Aignan et au centre ville de Pithiviers, un jeu de loi classique pour découvrir « la loi contre le racisme et l'amitié entre les peuples» était organisé avec le concours des commerçants et de deux classes de CM2. Création de la Fédération des Vosges Alors que notre Mouvement avait quitté depuis de nombreuses années le département des Vosges, c'est avec un immense plaisir que nous annonçons dans ces colonnes la création officielle d'une Fédération départementale. Privés de stade de football depuis quasiment deux ans, les jeunes Sénégalais et Mauritaniens de Remiremont ont reçu depuis septembre le soutien de militants du MRAP qui ont alors décidé de s'organiser en Fédération pour un combat plus efficace. MRAP des Vosges - Contacter le Siège. • Prochaines créations de comités. En ce début d'année 1998, tout laisse penser que les prochains mois seront fruc tueux en termes de créations. En effet, nous sommes en contact avec des militants ou sympathisants d' Aix-en-Provence (13), Arles (13), Capendu (11), Dax (40), Draguignan (83), Evreux (27), Istres (13), Lorient (56) et Soissons (02), intéressés par la mise en place d'une structure locale. On notera enfin une imminente création à Boinville-le-Gaillard, petite commune des Yvelines qui rassemble à pèine plus de 500 habitants où le Front national réalise des scores proches de ceux réalisés dans certains départements sinistrés du SudEst ou d'Alsace: 190/0 aux législatives de 1997,210/0 aux régionales de mars dernier. A suivre . • Eric Lathière-Lavergne Immigration: une nouvelle brochure Paul Muzard a rédigé une seconde brochure intitulée: « La contribution des travailleurs étrangers au développement industriel de la France de 1850 à nos jours » et préfacée par Gérard de Bernis, économiste. Ce travail comporte une première partie consacrée au titre lui-même et une seconde qui fait le point sur « la mobilisation des coloniaux dans les guerres de la France ». L'ensemble se termine par des annexes comportant notamment une liste des manuels scolaires consultés. Cette brochure est à votre disposition au siège du MRAP. Du nouveau dans l'affaire Rosenberg DEPUIS LE DÉBUT DE L'ANNÉE, deux émissions sur l'affaire Rosenberg, l'une à la radio, l'autre à la télévision ont été réalisées en France. Mais l'incontournable<< spécialiste », toujours sollicité, se garde d'éclairer trop crûment la machination politique conçue au temps du maccarthysme et de la guerre froide pour conduire les deux époux sur la chaise électrique en 1953. Dans la première de ces émissions, on a pu relever une bonne demidouzaine d' « erreurs» concernant les faits énoncés; sans parler des omissions. Quant à la seconde, elle se fondait sur un programme américain réalisé l'an dernier avec l'acquiescement du FBI. Aux Etats-Unis pourtant, l'opposition est nettement tranchée entre les tenants de la raison d'Etat et les chercheurs indépendants qui émettent des doutes, interrogent, avancent des informations authentiques et réclament une réouverture du dossier. Commandez la brochure Il Y a quelques mois, deux journalistes ont consacré un livre à la confession d'un savant américain, Theodore Hall, vivant aujourd'hui en Grande-Bretagne, qui reconnaît avoir communiqué à l'URSS, de même que son collègue Klaus Fuchs, des données secrètes relatives à la fabrication de la première bombe atomique. Hall déclare même qu'à l'époque, il avait envisagé de se dénoncer pour les sauver; mais les chefs soviétiques de son réseau d'espionnage l'en ont dissuadé (1). En toute logique, un tel aveu, s'ajoutant aux nombreuses autres preuves qui ressortent des archives et des témoignages, devrait aboutir à une remise en question de toute l'affaire. Il n'en est rien. Invité à Paris en mars, Aaron Katz, qui préside à New York le National Committee to Reopen the Rosenberg Case, a pu rencontrer plusieurs journalistes (2). Mais les« spécialistes» attitrés des médias se sont dérobés. Lors d'un précédent séjour, à la proposition d'un entretien, un historien avait refusé en ces termes :" « J'écris un livre sur le sujet, et je ne veux pas être influencé» ! C'est dire la nécessité d'une élucidation objective. L'Association pour le Réexamen de l'Affaire Rosenberg publie ces jours prochains une importante brochure, qui fait le point à la fois sur le déroulement de l'Affaire et sur son état actuel, compte tenu des éléments les plus récents (3) .• Albert Lévy (1) Bomshell. The secret story of America's Unknown Spy Conspiracy, Joseph Albright et Maria Kunstel, Times Books, New York, 1997 (2) Voir en particulier l'article de Dominique Alice Rouyer, « Epoux Rosenberg : du neuf dans l'affaire Dreyfus de la Guerre froide " , Témoignage chrétien 19.3.98 (3) Un enjeu de notre temps. Justice pour Ethel et Julius Rosenberg, 48 pages illustrées. En vente auprès de l'association Rosenberg, 43 boulevard de Magenta, 75010 Paris, 40 francs (+ 10 francs de frais de port) Différences n° 196 mai 1998 • Il Dévelop Ilnfo ENTRETIEN AVEC LE PRE" SIDENT DE LA FÉDÉRATION DE DORDOGNE Quand et comment est née cette Fédération de Dordogne? Jean-Michel Duretête : A la fin de l'année 1995, nous avons constaté que l'état du racisme dans notre département ne trouvait aucune explication logique et rationnelle. Aussi, nous avons estimé nécessaires une action et un travail d'information sur la réalité de l'immigration. Ce fut le point de départ de cette Fédération: nous étions deux fin 1995, nous sommes aujourd'hui une soixantaine d'adhérents. Dès les premiers mois d'existence, notre premier objectif n'a pu se réaliser pleinement: les problèmes liés à la double peine nous ont mobilisés et notre action s'est portée sur l'aide d'urgence aux personnes menacées d'expulsion. Après quelques mois, l'équipe s'est étoffée et nous avons pu prendre contact avec les établissements scolaires au sein desquels circulent désormais les différentes expositions du Mouvement. Nous travaillons au jourd' hui sur tous les terrains et notamment contre le FN, avec les établissements scolaires, nous tenons plusieurs permanences pour les sans-papiers et nous organisons depuis août dernier un rassemblement hebdomadaire de solidarité avec le peuple algérien. Nous n'avons pas encore pu nous préoccuper des conditions de circulation et de stationnement des gens du voyage, malgré un besoin important dans ce domaine. Dans les tout prochains mois, nous espérons combler cette absence. Quelles actions mène la Fédération contre le FN ? Notre Fédération mène une lutte quotidienne contre le FN, de sensibilisation, d'information, d'éducation. Ainsi, plus de 10 000 tracts-argumentaires contre les propos racistes du FN ont été distribués sur de nombreux marchés du département au cours de la dernière campagne électorale. D'autres tracts, sur la réalité de l'immigration, ont été distribués dans les lycées et collèges du Périgord, et l'exposition<< Préjugés et stéréotypes racistes» circule dans le département. Enfin, une campagne contre le FN a été menée pendant la période préélectorale: environ 500 affiches « Un détail? » ont été collées y compris sur les panneaux électoraux du FN. Comme annoncé dans Différences n° 195 d'avril, ces collages ont donné lieu à des dépôts de plaintes par le Front national. A ce jour, et à notre connaissance, deux plaintes ont été dépos~es par deux responsables frontistes de Dordogne contre moi en tant que prési dent de la Fédération, j'ai été convoqué à deux reprises pour information par deux commissariats. En tout état de cause, et si les déclarations du FN dans les médias s'avèrentexactes, nous profiterons des procédures engagées devant les tribunaux pour informer' et dénoncer la réalité des projets réels du FN qui prône depuis de nombreuses années la haine et le rejet. Si tel n'était pas le cas, si les figures de styles médiatiques du FN s'avéraient inexactes, nous introduirons une action en justice pour préjudice moral. Combattre l'extrême droite et le Front national est une priorité pour nous et pour tous les antiracistes, tous les démocrates. De nombreux soutiens et réactions favorables nous sont parvenus de la part d' adhérents, de sympathisants, de syndicalistes et de citoyens. Il expriment tous un accord sur l'action réalisée et un soutien sans faille à notre combat. Quel accueil a reçu le nouveau matériel contre le FN ? L'affiche « Un détail » a heurté et choqué certains de nos adhérents et sympathisants, mais c'est un très bon outil pour lutter contre ce parti fasciste, elle est « parlante ». Peux-tu évoquer brièvement vos projets ? Tout en continuant bien évidemment les luttes et les campagnes en cours, nous pensons, grâce à une équipe encore plus étoffée, reprendre notre campagne d'information sur la réalité de l'immigration dans notre département afin de lever les tabous et les fantasmes qui conduisent au rejet de l'Autre, à la haine et au vote Front national. • Propos recueillis par Eric L.-L. Attribution d'une salle de prière à Saint-Chély-d'Apcher. Suite et fin ? JUSTE avant l'attentat de 1996 à Paris, à la suite de demandes répétées, le maire avait accordé une salle à la petite communauté musulmane de Saint-Chély-d'Apcher pour en faire un lieu de culte. Il s'en est suivi un déchaînement de protestations et d'actes malveillants: question soulevée par Je maire en Conseil municipal, vote à bulletin secret et retrait de la salle. Avec notre Fédération, un comité de vigilance et de soutien se crée: assemblées publiques, lettres et pétitions se concluent par une confrontation infructueuse en mairie, dix huit mois plus tard. Nous annonçons alors le passage à l'étape judiciaire: une lettre du secteur juridique du Siège, expédiée à chacun des conseillers municipaux, entraîne de vifs débats. A la réunion suivante du Conseil, après les élections régionales lors desquelles il était candidat, le maire attribue une salle aux musulmans : si le principe est acquis, il reste toujours à concrétiser une attribution effective d'une salle correcte. On est enfin sorti du non-dit, de la rumeur, de la suspicion et des propos de haine pour faire entendre enfin publiquement « la voix du coeur et de la raison ». Il me semble que lajustification d' une association comme la nôtre, son but, sa spécialité en quelque sorte, c'est de regrouper tous ceux qui s'attachent à être des témoins et des moteurs dans la rencontre et le partage des richesses humaines nées de la différence. Sans quoi la société serait invivable, la preuve par aujourd'hui! Jean Laffite, membre du bureau de la Fédération et fondateur du MRAP Lozère Différences n° 196 mai 1998 .. UN VOYAGE PAS COMME lES AUTRES PARIS ACCUEILLERA cet automne « un voyage pas comme les autres » une grande exposition interactive destinée à sensibiliser le public - et en particulier les adolescents - à la situation des réfugiés, aux causes de l'exil et au droit d' asile. Dans plus de 1 500 m2 de décors, ce dispositif original propose en effet de vivre une heure dans la peau d'un réfugié: tout fonctionne selon le principe du jeu de rôle, le visiteur choisissant dès l' entrée de revêtir l'une des onze identités proposées et se retrouvant engagé dans un parcours parsemé d'aléas et d'embûches, depuis la fuite hors du pays d"origine (en proie à la dictature ou à la guerre) jusqu'aux arcanes des préfectures ou de la Commission de recours en passant par les camps du HCR, les zones d'attente ou les impasses de la clandestinité .. . L'exposition est animée par des comédiens, eux-mêmes réfugiés, qui dans chacun des espaces de l'exposition incarnent qui un policier qui un fonctionnaire onusien qui un travailleur social ou un officier de l'OFPRA... Créé en Belgique par un collectif d' associations de solidarité, « Un voyage pas comme les autres » a rencontré un très vif succès à Bruxelles et entame une tournée à travers l'Europe: l'exposition est actuellement à Rome dans les locaux de Cinecittà ... Au total, plus de cent mille personnes l'ont déjà visitée. En novembre prochain, et jusqu'en avril 1999, elle s'installera dans le parc de la Villette à Paris à l'instigation d'un comité regroupant dix organisations (AIDA, CCFD, NOTE DE lECTURE o Le symptôme Le Pen, Radiographie de l'électorat du Front national. Pascal Perrineau. Fayard, novembre 1997. Sous l'éclairage des résultats des élections législatives de mai 1997, Pascal Perrineau présente une étude de l'électorat du FN, ce parti «attrape-tout» qui, malgré son hétérogénéité, a su fidéliser son électorat en focalisant l' attention et en rassemblant autour d'une triple incantation: immigration-insécurité- chômage. Avec l'utilisation de cartes géographiques, statistiques, graphiques et sondages réalisés depuis 15 ans, Perrineau analy- 1 se une implantation initialement favorisée par « un terrain de crise sociale et urbaine ». L'auteur étudie la psychologie, le profil et les motivations de cet électorat. Fortement implanté dans les zones urbaines où les taux de criminalité sont les plus élevés, le FN parvient à capter une frange grandissante de la population dont les peurs et les fantasmes accroissent sa réceptivité aux discours sécuritaires axés sur la recherche d'un bouc émissaire. Au terme de cet ouvrage, P. Perrineau émet cinq hypothèses quant à l'avenir de l'électorat frontiste et du FN. Nous avons malheureusement pu constater lors des élections régionales, comme le prévoyait Cimade, Amnesty, Enfants réfugiés du monde, Handicap, Ligue des droits de l'Homme, France terre d'asile, Croix rouge française et MRAP). L'initiative est déjà assurée du soutien de l'Union européenne, du Haut commissariat aux réfugiés, des ministères de la Jeunesse et des Sports, de la Coopération. LeMRAPdans la partition Tout concourt donc à faire de ces cinq mois, par ailleurs ponctués de rencontres, de journées d'étude, d'événements culturels et artistiques, un moment particulièrement fort d'information de l'opinion sur les réalités concrètes vécues par les réfugiés, sur les récents avatars du droit d'asile en Europe, sur les relations NordSud et les enjeux du développement. Dans cette partition, le MRAP a sans conteste sa partie àjouer, celle que lui dictent son attachement au droit d'asile et son combat pour Je respect et la l'auteur, que le dernier scénario est en cours de réalisation: un FN aux alentours de 15% qui « s'érige en minorité de blocage ( ... ), avec le secret espoir, pour Jean-Marie Le Pen, que les élections locales de 1998 ( . .. ) enclenchent une dynamique du FN qui contribue encore davantage à perturber la droite classique et éventuellement à la casser ». «En 1949, au moment de la montée en puissance du RPF, écrit le politologue, André Malraux s' était exclamé: "Qu'est-ce qu'il y a en ce moment dans le pays? Il Y a nous, les communistes et rien." Le diagnostic était inexact. Le 28 septembre 1997, à la fête des Bleu-Blanc-Rouge, JeanMarie Le Pen s'est écrié: "Entre nous et les socialo- Différences n° 196 mai 1998 Initiative 1 Etude tolérance. Une bonne part du succès de l'opération reposera aussi sur la capacité du réseau associatif à se mobiliser autour de cet outil exceptionnel. Nous encourageons donc d'ores et déjà tous les adhérents et sympathisants du MRAP intéressés par cette opération à lui assurer la plus large publicité. Appel aux bonnes volontés Dès l' automne, les besoins humains seront nombreux, pour accueillir et encadrer pédagogiquement les goupes de jeunes visiteurs, pour aider les enseignants et les animateurs à structurer des projets éducatifs autour d'un thème souvent perçu comme complexe, pour assurer l' animation des espaces associatifs prévus dans l'exposition, et toutes les bonnes volontés seront les bienvenues. Si vous désirez une information plus détaillée ou prendre une part, même modeste, à la mise en oeuvre de cet événement, merci de contacter le secteur Education .• Alain Pellé communistes, il n'y a plus rien qu'un marigot qu'il suffira d'assécher." Pour que la prophétie lepéniste soit démentie, il reste aux héritiers du RPF à démontrer qu'ils sont autre chose qu'un courant en voie d'assèchement. » Espérons que l'implosion de l'UDF, le malaise du RPR et la création de La Droite de Charles Millon n'écrivent pas la préface de la chronique d'une sécheresse annoncée. Perrineau laisse toutefois entrevoir des solutions économiques et politiques à la montée en puissance du FN : celle-ci n'est pas inéluctable et des traitements sont possibles avant qu'il ne soit trop tard. Lecture fortement recommandée . • Eric Lathière-Lavergne • Il EN BREF • Le Haut conseil à l'intégration créé en 1989, composé de neuf membre nommés par décret du président de la République sur proposition du Premier ministre et présidé aujourd'hui par Simone Veil, a auditionné M. Aounit le 18 mars pour le MRAP. Le Conseil remet chaque année un rapport au Premier ministre, le prochain devant porter sur les discriminations qui s'opposent aux politiques d'intégration. • La revue Police et Société édite dans son numéro 21 (avril 98) un document encarté reproduisant le fac-similé du « J'Accuse» de Zola paru à la une de L'Aurore du 13 janvier 1898. Le siège social et administratif de cette revue trimestrielle se trouve à Poitiers, Tél: 05 49 45 00 80. • A l'initiative du MRAP, plusieurs organisations - LlCRA, LDH, PS, ont lancé un appel pour la débaptisation de la rue Richepance, général chargé en 1802 de rétablir l'esclavage en Guadeloupe en 1802. Propos présidentiels Intervenant à la télévi sion au lendemain des élections régionales le 23 mars, Je président de la République a condamné l'attitude des cinq présidents de région qui avaient accepté les voix du Front national pour être élus: «je ne peux que désapprouver celles ou ceux qui ont préféré les jeux politiques à la voix de leur conscience », a-t-il déclaré. Il a qualifié le FN de parti raciste et xénophobe. Rwanda, la France mise en cause La mission d'information sur la politique de la France au Rwanda, composée de dix membres de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale et de dix de la commISSIOn Défense, présidée par Paul Quilès (PS) a commencé ses auditions le 24 mars. En effet, documents, enquêtes et témoignages provenant de sources di verses mettent en cause le rôle de la France dans le génocide rwandais par lequel ont péri au moins un demi-million de personnes. Le rapport de la mission devrait être rédigé avant la fin de l'année. Il faut noter que les auditions sont publiques, sauf demande de huis clos du témoin. Le Pen inéligible Le président du Front national a été condamné le 2 avril par le tribunal de Versailles à deux ans d'inéligibilité, trois mois CHRONO PO de pri son avec sursis et à une amende de 20000 francs pour violence en réunion et injures publiques

il avait agressé

une candidate lors de la campagne des dernières législatives. Il a immédiatement fait appel, ce qui lui permet de conserver ses deux mandats de député européen et de consei 11er régional en Provence-Côte d'Azur, en attendant le verdict. Pour le MRAP, l'objet du FN comme « ses activités sont une menace pour l'ordre public et la cohésion nationale car ce parti, à l'image de son président, porte en lui la violence ». CNCDH: rapport 1997 La Commission nationale consultative des droits de l'Homme a remis son 9ème rapport annuel au Premier ministre le 2 avril. Il est notamment axé sur les questions de discriminations à l'embauche et sur les lieux de travail. Une étude sur la ville de Roubaix montre que « sur cinq mille allocataires du RMI, cinq cents ont le bac, et, sur ces cinq cents, 90% portent des noms à consonance arabe. » La Commission propose la mise en place d'un « dépistage» à la manière des tests anglosaxons. Nous reviendrons ultérieurement sur ce rapport. Adoption de la loi Chevènement «Le projet RESEDA, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile, a été adopté après une troisième lecture par l'Assemblée nationale le 8 avril. ( ... ) Les conditions dans lesquelles cette loi a été préparée puis votée, constituent un rendezvous manqué. Le gouvernement a renoncé à se doter, malgré les promesses électorales, d'une législation qui aurait marqué une véritable rupture de la politique d'immigration suivie depuis des années. Le texte, malgré quelques avancées, reste marqué du sceau de la précarité et du conservatisme. ( .. . ) Rejetée par les organisations de défense des droits de l'Homme, cette loi va laisser sur les bas côtés de notre société des hommes et des femmes dont le seul délit est d'avoir fui des pays mouroirs et cherché refuge dans la patrie des droits de l'Homme. Comment ne pas partager la légitime colère et la déception de ceux qui ont cru pouvoir sortir de la clandestinité pour vivre dans des conditions dignes, et sont à nouveau destinés à vivre dans l'angoisse d'être reconduits vers des pays où ils n'ont plus aucune attache familiale et privée et où ils risquent parfois leur vie? Clandestins hier, ils sont toujours sans papiers aujourd'hui, mais fichés. Le MRAP en appelle à Maurice Papon condamné Ouvert le 7 octobre 1997, le procès de Maurice Papon s'est terminé le 2 avril dernier. Reconnu coupable de complicité de crimes contre l'humanité, l'ancien secrétaire général de la Gironde a été condamné par la Cour d'assises de Bordeaux à dix ans de réclusion criminelle et à la privation des droits civiques. Ses avocats ont fait appel. Les réactions des parties civiles, de leurs avocats et des diverses associations ont été très diverses face à ce verdict. Certains, comme maître Zaoui, ont regretté que la complicité d'assassinat n'ait pas été retenue, d'autres tels maître Klarsfeld se déclarent satisfaits du jugement. Le MRAP s'est félicité de cette condamnation et « s'interdit de critiquer le quantum de la peine décidée par les juges en leur âme et conscience et selon les règles spécifiques au principe de justice qui honore notre démocratie. Aujourd'hui, la justice est rendue. Puisse ce procès éclairer pour le présent et l'avenir les consciences de tous sur l'impérieuse nécessité de penser et d'agir contre l'inadmissible. » Plusieurs journaux tels Le Monde, Charlie Hebdo ou L 'Humanité ont consacré des numéros hors-série à cet événement. Différences n° 196 mai 1998 UR MÉMOIRE la résistance et à la mobilisation contre les mauvais coups que va incontestablement générer la nouvelle législation. Il appelle dès aujourd'hui à la mise en place de comités de vigilance. ( ... ) ». Communiqué du MRAP du 9.4.98. République et financement public Député de Paris et secrétaire général de l'UDF, Claude Goasguen a présenté le 10 avril une proposition de loi constitutionnelle visant à priver tout parti « raciste et xénophobe » d'un financement public. Il «semble choquant, explique-t-il, que la République continue à financer des organisations dont les objectifs politiques lui sont opposés ». Syndicats FN hors la loi La Cour de cassation a déclaré illégaux les syndicats FN-Police et FNPénitentiaire le 10 avril. Confirmant les termes de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 juin 1997 qui avait déclaré illicite le syndicat FNPolice, la Cour de cassation précise qu' « un syndicat professionnel ne peut pas être fondé sur une cause ou en vue d'un objet illicite ». Et ainsi, il « ne peut poursuivre des objectifs essentiellement politiques ni agir contrairement ( ... ) aux principes de non-discrimination contenus dans la Constitution, les textes à valeur constitutionnelle et les engagements internationaux ». Elle a égaIement cassé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, qui avait déclaré irrecevable le 9 juillet 1997, la demande d'interdiction du FN-Pénitentiaire présentée par la CGT, la CFDT et le directeur de l'administration pénitentiaire. Canal + enquête sur leFN «Le vrai journal» de Canal + diffusé le 19 avril a présenté une excellente série de reportages sur le FN : enquête auprès de certains de ses électeurs, mais aussi sur l'entourage sulfureux de son président. On apprend ainsi que parmi les intimes de Le Pen se trouvent le banquier Jean-Pierre Aubert « tombé» en 1991 pour blanchiment de l'argent de la drogue et Laurent Mirabaud condamné à trois ans de prison pour abus de confiance. L'émission de Karl Zéro révélait également que Le Pen a rencontré, par l'entremise du représentant du FN au Panama, Armando Nano qui a été condamné à quatre ans de prison en première instance pour une affaire d'escroquerie dont ont notamment été victimes les footballeurs de la Juventus de Turin. Le Le H de Harki ne peut épouser le F de F-Haine Le congrès du Conseil national des Français musulmans qui réunit les prinèipaJes organisations d'anciens harkis rapatriés d'Algérie s'est tenu le 18 avril à Paris. Par un article de Libération on apprend la « récente création d'une agence pour l'emploi pour le suivi individuel des chômeurs qui composent 42 % de la communauté harki ». Le 22 avril, un courrier intitulé « Lettre ouverte à mes frères harki et à leurs enfants» était adressé à Différences sous la signature de Lucien Rafa, président de l'Association des Pyrénées-Atlantique des harkis et enfants de harkis. L'auteur explique: « La rumeur qui m'est parvenue est la raison de cet appel. Le FN envisage pour sa triste parade du 1 er mai de faire défiler des harkis! » Il se demande « comment des harkis peuvent se prêter à cette récupération malsaine? Comment les harkis peuvent-ils embrasser sans dégoût une telle idéologie qui prône, rappelons- le, l'inégalité des races? » Et il conclut en ces termes: « si l'envie (justifiée) prenait certains d'entre nous de vouloir défiler pour la reconnaissance de notre spécificité au coeur de la Nation qui est nôtre, alors soit! Rejoigons ceux qui, le 1er mai, se battent aussi pour la liberté, la fraternité et l'égalité en rejetant les thèses racistes et fascistes. Le H de Harki ne peut épouser le H de F-Haine. » Différences n° 196 mai 1998 Pen n'est pas l'homme que certains croient, ils gagneraient de vraiment le savoir. Lyon III s'insurge et dénonce Une trentaine d'étudiants ont occupé durant plusieurs jours à partir du 20 avril le bureau du président de l'université Jean-Moulin (Lyon III) pour dénoncer l'existence au sein de cette université de l'Institut d'études indo-européennes animé par des enseignants pour la pl upart membres ou proches du conseil scientifique du Front national (cf. Différences n° 195 avril 98). Meurtre raciste en Afrique du Sud Plusieurs milliers de personnes ont assisté le 21 avril aux funérailles d'un bébé de six mois tué par balle par un fermier blanc. Celui-ci a ouvert le feu sur la petite fille et sa cousine de onze ans qui la portait sur son dos, sous prétexte qu'el les se trouvaient sur son domaine. Craignant la réaction de la population noire, le fermier s'est de lui-même livré à la police et a renoncé à une éventuelle mise en liberté sous caution de crainte d'être lynché. Le président Mandela qui a rendu visite à la famille de la victime a déclaré: « C'est un terrible désastre pour ceux qui essaient de construire une nation unie. » Infos rassemblées par Chérifa Benabdessadok EN BREF • Un porte-parole du parquet de Munich a indiqué le 3 avril que la justice allemande avait demandé la levée de l'immunité parlementaire européenne de Le Pen pour ouvrir une information judiciaire contre lui pour négatlonnisme. Cette demande a été adressée au ministère français des Affaires étrangères qui doit la transmettre au Parlement européen. • Philippe Viard, adjoint FN à la mairie de Toulon, mis en examen pour discrimination raciale comparaîtra le 18 mai devant le tribunal correctionnel de Toulon. Sa mise en examen est intervenue à la suite d'une plainte déposée par une commerçante, harki, de Toulon âgée de 46 ans qui s'est vue refuser l'achat d'une concession au cimetière central de la ville. • DES EXCLUS DANS l'OUBLI FORMATION FRANCO-ALLEMANDE L'association allemande ASF (Action-signe de réconciliation) et le secteur Education du MRAP organisent à la rentrée une nouvelle session de formation à destination des jeunes (jusqu'à 27 ans). L E PROJET DE LOI contre ['exclusion s'attaque sans doute à quelques facteurs essentiels

emploi, logement.

surendettement etc. Toutefois, il ne traite pas de certains facteurs spécifiques frappant telle ou telle catégorie de la population, et c'est vrai en particulier pour les Tsiganes et Gens du Voyage: souvent rejetés, et toujours plus ou moins oubliés, et quand on regarde ['Histoire, c'cst ainsi pour le génocide nazi. Nous n'en sommes pas là, mais subsistent toujours des formes de rejet engendrées par des préjugés séculaires dans l'opinion publique courante et dont ne sont pas à l'abri les autorités politiques, administratives ou judiciaires. La commission Tsiganes et Gens du Voyage s'adresse donc aux ministères qui oeuvrent à ce projet de loi, attirant tout particulièrement leur attention sur les inégalités face aux forces de l'ord re et devant la Justice. Nous rappelons dans notre courrier qu'il a fallu attendre 1991 pour que, suite à plusieurs interventions de notre Mouvement, la rubrique injurieuse ct significalive« Nomades et vagabonds » disparaisse du Journal officiel pour céder la place à l'intitulé<< Gensdu Voyage ». Mais il ne suffit pas d'un changement d'intitulé pour que les mentalités changent elles aussi, à la base et chez les responsables .• Les travaux et les échanges porteront sur le thème de « l'identité nationale » : les conceptions française et allemande seront notamment envisagées à travers certaines problématiques (l'immigration, le code de la nationalité .. . ) et des moments-defs de ["histoire des deux pays (pour la France le passé colonial par exemple). Le stage se déroulera en région parisienne du 12 au 16 septembre prochain et réunira une vingtaine de p~rticipants. Il est ouvert à tous: aucune compétence particulière, notamment linguistisque, n'esl requise (le français sera la principale langue de travail, les éventuels besoins de traduction seront assurés). L'hébergement et les frais de transport sont intégralement pris en charge. Cette session est soutenue par l'Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ) el s' inscrit dans le cadre des échanges éducatifs internationaux que le MRAP cherche à développer. Renseignements et inscriptions (dès maintenant) auprès du secteur Education Jean-Bertrand Bary THÉÂTRE. Liens de sang, une pièce sur l'apartheid à voir jusqu'au 17 mal au théâtre de la Tempête (Paris). Un texte fort de Athol Fugard, une mise en scène sobre, une problématique qui dépasse le cadre strict de l'Afrique du Sud, un très bon spectacle. Lettre ouverte à M. Chevènement, ministre de l'Intérieur Monsieur le Ministre, Les militants bénévoles de la Pe rmanence d'accueil du MRAP que nous sommes - de tous âges et de toutes professions - faisons face depuis plusieurs mois au « rush» de toutes celles et ceux qui avaient fondé leur dernier espoir sur votre circulaire. Nous voulons vous parler de nos amis algériens, Comment dire que la France défend les droits de l'homme et agit avec humanité en feignant d'ignorer l'appel au secours d'hommes, de femmes, d'enfants algériens victimes du terrorisme qui reçoivent des visas en nombre dérisoire, malgré les risques vitaux qu'ils encourent? Et qui, une fois en France, se voient refuser massi vement le droit d'asile, y compris territorial qui est tout de même de la compétence primordiale de vOire ministère? Expliquez-nous comment l'une de vos préfectures peUl justifier un refus de régularisation au motif « qu ' il n'y a aucune circonstance vous empêchant de rentrer dans votre pays » ? Ou encore, que la même préfecture et de multiples autres conseillent au demandeur de « s'adresser à Nantes pour demander un visa de long séjour vous permettant de revenir en France légalement » ? Les réfugiés algériens qui viennent à nous, appartiennent à toutes les catégories sociales: fonc lionnaires, travailleurs, artisans, conscrits, devenus des cibles pour les « égorgeurs », tout comme les femmes seules, divorcées, mères célibataÎres exposées aux viols et à la prostilut ion. Quant aux enfants d'immigrés, restés ou devenus sans papiers et victimes de la « double peine », ils sont ici rejetés et là-bas condamnés à une précarité qui les rend particulièrement vulnérables à l'enrôlement par les groupes terroristes. Nous partageons quotidiennement le poids de leurs drames, nous les voyons « trahis », nous nous sentons inutiles. Plus fort que la« raison d ' Etat» doit être l'Etat de Droit qui impose l'accueil et la protection des innocents traqués. Face aux désespoirs suicidaires des reconduits, nous demandons d'urgence une nouvelle politique des visas et le gel de toute reconduÎte tant que le paix ne sera pas de retour en Algérie. Les militants de la permanence d'accueil du MRAP, avril 1998 Différences n° 196 msi 1998 43. bol.llevard de Magenta 75010 Paris TéL:0153389999 Télécopie· 014040 9098 E.rnail : rnrap@ras.eu.org • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérante bénévole Isabelle Sirot • Rédactrice en chef Cherifa l3enabdcssadok • Administration - gestion Patricia Jouhannet Abonnements Éric Lathière,Lavergne 120 F pour 11 numéros/an t2 F le numéro Maquette Cherifa Benabdessadok • Impression Montligeon Tél. :02 3385 8000 • Commission paritaire n° 636341SSN 0247,9095 Dépôt légal 1998-5

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