Nouvelle Calédonie

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Violences en Nouvelle-Calédonie

Retour au passé colonial

Dés 1964,,Droit et liberté dénonce "le retour au passé colonial en Nouvelle-Calédonie": En 1951, pour la première fois, en Nouvelle-Calédonie, les autochtones participaient aux élections législatives. Celles-ci avaient lieu au collège unique. Par l'apport massif de leurs voix nouvelles, c'est leur candidat, M. Lenormand, qui était élu député et l'est resté depuis lors, L'ancienne politique locale dominée par le Haut-Commerce et la puissante Société "le Nickel" se trouvait mise en échec par ce changement...Les installations atomiques en Polynésie française et le renforcement de la base stratégique de Nouméa allaient étre l'occasion pour les tenants de l'ancien régime colonial de prendre une revanche espérée et patiemment attendue.<br /< Et le 10 décembre dernier, à l'Assemblée Nationale, dans un débat à la sauvette, en fin de session , le Gouvernement a fait voter d'urgence une loi qui supprime le gouvernement local de la Nouvelle-Calédonie." Les groupements autochtones dénoncent: "Veut-on non seulement nous enlever les charges politiques et administratives qui nous étaient confiées, mais aussi modifier la. structure actuelle de la société autochtone et contre notre gré ? Si on touche aussi facilement à nos institutions, nous sommes en droit de nous demander ce que vont devenir nos coutumes, nos réserves, auxquelles nous somme tout aussi attachés qu'à nos institutions politiques ? .. .Pourquoi veut-on donc aujourd'hui, pour des raisons qu 'on ne nous dit pas, punir les enfants de ceux qui ont défendu une France qu'ils ne connaissaient pas en leur enlevant ce à quoi ils tiennent le plus ? .. .
Nous retournons à l'époque coloniale." De plus, Lors de la récente discussion du budget des Territoires d'outre-mer, le rapporteur spécial de la Commission des finances, M. Pierre Bas (U.N.R.), a demandé pour la Nouvelle-Calédonie une réforme agraire permettant l'implantation d'une immigration « pied-noir ». L'inquiétude des Mélanésiens, menacés d'une nouvelle vague de colonisation européenne, ne serait donc pas vaine." DL n°228 (voir le document)

Puis en 1978, DL revient sur les "bantoustans de Nouvelle-Calédonie". Jean Guiart, professeur d'ethnologie, écrit:"La Création récente, imposée par la complicité des pouvoirs publics et de parlementaires RPR ignorants des données du problème, de deux circonscriptions électorales aux élections législatives, l'une à majorité européenne (Nouméa et côte ouest de la Nouvelle Calédonie), l'autre à majorité mélanésienne (Iles Loyalty et côte est) est une nouvelle forme du double collège dont les hommes politiques européens ont toujours rêvé. Il aboutira au même résultat: rendre impossible la coexistence des deux peuples l'expérience montre que, dans le cadre de l'équilibre actuel des forces dans le monde, c'est toujours le Blanc qui s'en va. Il serait pourtant si facile, dans un si petit pays, d'organiser la coexistence en réparant les injustices du passé et en amenant la société blanche à jouer la carte de la technologie au lieu de la laisser s'accrocher à des terres volées et même pas mises en valeur." DL n°371 (voir le document)
En 1983, aprés des violences à Coindé, Jean Guiart lance un nouvel avertissement: "Le problème actuel est posé par la plus jeune génération, qui échappe aux Eglises aussi bien qu'aux partis. Elle est condamnée au chômage par la politique d'immigration à tout va pratiquée par le RPCR depuis quinze ans. Cette génération, sortie de nos écoles, passée par le service militaire ne croit plus aux jeux politiques pratiqués à Nouméa.
La droite locale crie au complot, incapable de voir que le complot est de son fait." Diff n°21 (voir le document)

Opposition à toute forme de colonialisme

Des violences éclatent en 1985, le MRAP prend position:" Le MRAP souhaite qu'une solution conforme aux droits des peuples à disposer d'eux-mêmes soit apportée de toute urgence pour éviter que la France ne s'engage dans une situation dramatique comparable à celle de la guerre d'Algérie".
"Sans doute, les Canaques, premiers occupants de l'Ile, jouissent d'un droit imprescriptible à accéder dans de bonnes conditions à la gestion des affaires de leur pays . Ce droit ne saurait être exercé au mépris des autres communautés installées de longue date sur le territoire, où s'est créée une société pluriethnique destinée à vivre dans le respect de ses diverses composantes". DL n°_435 (voir le document)
Le MRAP reçoit à Paris le président du FLNKS: "le lundi 28 janvier, le MRAP a reçu à son siège Jean-Marie Tjibaou, président du FLNKS. Il y a été accueilli par un grand nombre de membres de Paris et de la Région Parisienne du Bureau National, du Secrétariat National et de la Présidence du Mouvement. Au cours de l'échange de vues qui a eu lieu, le MRAP a exprimé sa solidarité avec la juste cause du peuple Kanak, fondée sur les mêmes principes qu' il a défendus lors des conflits d'Indochine et d'Algérie: l' opposition à toute forme de colonialisme, le droit des peuples à l' autodétermination, l' égalité entre les hommes, la libre expression des cultures. C'est ce qu'ont souligné, dans leurs interventions, à la fois, Charles Palant et Albert Lévy. Le leader kanak nous a dit qu'il comptait sur nous pour faire grandir en France ces idées généreuses." dl n°436 (voir le document)
En mai 1985, le MRAP déplore la dégradation de la situation et publie un communiqué dans Droit et Liberté:
"Le 8 mai 1985 en Nouvelle-Calédonie, 40 ans après les massacres de Sétif qui avaient fait des dizaines de milliers de morts, des violences racistes contre la population kanake, ont montré la volonté d'une poignée de privilégiés de recourir aux moyens les plus brutaux pour sauvegarder leur domination, en entraînant dans leur entreprise néfaste de simples gens qui n'ont rien à y gagner. Le MRAP a, tout en rappelant les événements de Sétif lors des rassemblements du 7 mai, appelé les démocrates sincères, ici et là-bas, à méditer les leçons de l'Histoire, et à agir pour la justice et le respect des droits du peuple Kanak. Dans cet esprit, il a participé à la manifestation du lundi 13 mai de la Nation à la République." DL n°439a (voir le document)

J.M. Ollé dans Différences, s'entretient avec Jean Guiart qui dénonce la politique de peuplement: "L'idée était de modifier l'équilibre et faire perdre aux Canaques la majorité du corps électoral...Cette politique de peuplement est, pour eux, la cause essentielle de la dégradation de la situation: la population mélanésienne a perdu sa confiance, relative, dans le système, en même temps qu'émergeait le désir de se gouverner soi-même, de ne plus être commandé.",
puis il déclare: "S'il y a tant d'incompréhension, la solution, est-ce la partition du pays, comme certains la proposent ? Certainement pas. « Tenter la partition...c'est entériner une sorte de développement séparé, et faire que les communautés se battront sur la frontière qui séparera un pays canaque vaste et misérable, et un Etat européen petit et prospère » Diff n°41 (voir le document)
Différences publie un "plaidoyer pour éviter un massacre" et rappelle: "On peut peut-être rappeler qu'il y a eu là-bas, sous le régime précédent, une politique de colonisation forcée des territoires occupés, pour reprendre une terminologie en usage dans d'autres points du globe. Depuis les colonies de déportés jusqu'à l'importation massive de population ces dernières années, c'est l'Etat français en général, et la droite en particulier, qui est entièrement responsable de cette situation." Diff n°42 (voir le document)
En 1987 Différences dénonce un référendum dangereux pour la paix civile Diff n°70 (voir le document); puis rend compte d'un meeting et de l'intervention de J.M. Djibaou:
"...Depuis la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France, nous assistons à une succession de statuts, chaque nouveau ministre érigeant un nouveau texte. Cette force étrangère qui régit et aliène notre peuple démontre bien la logique coloniale. De plus en plus, le gouvernement s'engage un peu plus dans l'impasse. Bien sûr, il fait mine de négocier avec le FLNKS, mais, en réalité, il s'agit d'un dialogue de sourds. Nous parlons tous d'un référendum, mais il faut savoir sur quels critères la consultation doit être organisée chaque étape devant être communiquée..." Diff n°67(voir le document)

A la suite du référendum de septembre 1987, boycotté par le FLNKS, Différences donne à nouveau la parole à Jean Guiart qui analyse : " Le problème n'est pas politique. Il est psychologique et économique. Il faut que l'économie soit partagée dans ses conséquences entre les Canaques et les Européens, que les Canaques aient leur part de l'emploi, que les revenus de ce pays soient partagés entre les gens qui le composent. Ce qui est parfaitement concevable, on peut trouver une formule. Mais, pour cela, il faut que les deux parties négocient...
La Nouvelle Calédonie c'est une Afrique du Sud en miniature qui ne veut pas dire son nom. Les Africains du Sud sont plus honnêtes intellectuellement que les Caldoches. C'est un apertheid dont les frontières sont invisibles et on les voit quand on pratique le pays et on les rencontre à tout moment. Cela provoque la colère des Canaques qui ne sont plus d accord pour le supporter." Diff n°71 (voir le document)
En 1988 Différences titre: Nouvelle-Calédonie,la poudrière: "Depuis mars 1986, ..les durs du RPCR font ce qu'ils veulent en Nouvelle-Calédonie, avec l'aide de l'armée et d'une justice dont le procès de Hienghène - acquittement général pour un massacre de militants kanaks - a révélé la complicité...
Dans une lettre au président de la République, Jean-Marie Tjibaou tire la sonnette d'alarme: «Français et Kanaks sont considérés comme des adversaires. De plus en plus, ils vont devenir ennemis. A moins que vous acceptiez de tracer avec nous un chemin de liberté pour le peuple kanak et pour tous ceux qui habitent la Nouvelle-Calédonie ... » Diff n°78 (voir le document)

Les accords de Matignon

En août 1988, des accords sont signés entre le RPCR et le FLNKS, instituant un statut provisoire de dix ans puis un référendum d'autodétermination sur la question de l'indépendance. Différences revient vers Jean Guiart qui exprime ses réserves et définit, selon son point de vue, les conditions de la réussite:
"Tout dépendra du terrain" "C'est une façon de mettre la situation au réfrigérateur en espérant que cela va se décanter parce que l'Etat jouera son rôle d'arbitre en particulier sur le plan de la formation des Kanaks, de l'attribution des postes dans l'administration aux Mélanésiens...Le système d'apartheid de fait est extraordinairement efficace. Les Kanaks n'ont pas d'emploi parce qu'on ne leur en donne pas. On s'arrange pour cela et tout le monde est complice..."
"Si le haut commissaire faisait appliquer la loi française - qu'on n'a jamais appliquée depuis trente ans - si les fonctionnaires expatriés faisaient leur boulot pour que l'Etat et le service public soient absolument objectifs et ne favorisent pas systématiquement les caldoches, ce serait presque une révolution. Après le référendum, et jusqu'aux municipales, c'est là que la démonstration doit être faite de l'efficacité de l'administration française qui n'a pas été efficace là-bas depuis un demi-siècle sinon d'un seul côté. Alors ça n'est pas rien ! "Diff n°82 (voir le document)


En 1989 les leaders canaques J.M. Tjibaou et Y. Yéwéné sont assassinés, Différences exprime sa tristesse et son inquiétude:
"L'assassinat de Jean-Marie Tjibaou et de Yéwéné, le 4 mai dernier, a frappé de stupeur tous les amis des Kanaks et tous ceux qui pensaient que les Accords de Matignon avaient définitivement réglé la question néocalédonienne. C'était ignorer les traces profondes qu'ont laissé là-bas des années de lutte anticolonialiste difficiles, les morts de Tiendanite, le mépris caldoche, la tuerie d'Ouvéa et le sentiment très net d'une partie des Kanaks d'avoir été floués, laissés sur le bord du chemin. Ces hommes, sans perspectives réelles de voir aboutir leurs revendications corsetées par un accord limité, se sont sentis trahis." Diff n°91 (voir le document)

En 1998, un nouvel accord repousse le référendum sur l'indépendance ou le maintien au sein de la République entre 2014 et 2018.
En 2009, Différences analyse:" Politiquement la situation reste toujours régie par les accords de Matignon de 1988 et celui de Nouméa signé dix ans plus tard. Elle est en partie déterminée par les rapports démographiques entre les communautés: celle des Kanaks (40%) et celle des Caldoches et métropolitains; les Kanaks accusant le gouvernement français de favoriser la venue de ces derniers. Néanmoins depuis vingt ans, la Nouvelle Calédonie connaît un relatif consensus politique basé sur la reconnaissance de ces deux légitimités même si l'accord Matignon n'a pas été accepté par tous dans chaque camp. Le report du référendum d'autodétermination prévu dans les dix ans suivant l'accord Matignon, c'est-à-dire au plus tard en 2018, montre bien que ces accords, s'ils ont permis un retour à la paix, n'ont pas réglé la question de l'avenir institutionnel." Diff n°271 (voir le document)