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Sommaire du numéro

n°70 septembre 1987

  • Hautes pression pour un été pourri (crimes racistes, apartheid …) J.M. Ollé, R. Pac, C. *Benabdessadok
  • La mafia sud-africaine entre dans les casinos (Afrique du Sud)
  • Mozambique le pays est condamné à la famine par J. Tourier
  • On expulse à tour de bras par Rabha Attaf [immigration]
  • Ah les jolies vacances! (agression raciste) par Rabha Attaf
  • Dossier: la Réunion: des hauts et des bas [DOM-TOM]
    • Le grand zanbrocal par J.P. Benoit
    • La créole change de pôle par S. Gilli
    • un évêque dans la mousson: interview de Mgr Aubry par Suzanna Gilli
  • Un trésor africain à Paris: interview du sculpteur Guiré Yacouba par C. Benabdessadok
  • Comment sortir le cinéma français de la crise par M.ajid Mezzouri
  • Cinéma; Dieu bénisse leur petit cœur; interview du réalisateur Billy Woodberry par J.P Garcia et G. Laprevotte
  • Sinbad sur le divan: l'adaptation des maghrébins en France par Renée David [immigration]
  • « Juifs pas français »: comment les juifs ont pu obtenir leur émancipation à la Révolution française par J.L. Sagot-Duvauroux
  • Un sondage sur Différences


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Le magazine de l'amitié entre tes peuples Pour garder une colonie envers et contre tous, en plein XX, siècle, il Y a encore une recette efficace, à condition de s'y être pris assez tôt. Vous prenez un territoire déjà habité par un peuple. Pas trop gros, c'est plus facile. Vous cantonnez ledit peuple en brousse, et vous installez une bonne dose de vos ressortissants qui, sur place, s'approprient les terres et le sous-sol et font fortune. Ensuite, vous transvasez des autres territoires que vous avez perdus entre-temps une bonne partie des indigènes qui travaillaient là-bas avec vous. Comme vous en avez perdu pas mal, ça fait du monde et, au bout d'un moment, vous aurez plus d'immigrés que d'indigènes. Seconde phase : vous organisez un référendum très démocratique puisque tout le monde vote. La question est: faut-il rendre la terre et le pouvoir aux habitants d'origine? Vous verrez, ça ne peut pas rater. Mais attention, c'est une recette locale: ce n'est quand même pas parce qu'onfait voter les immigrés en Nouvelle-Calédonie qu'il faut leur donner le droit de vote en France. Ça ferait désordre. 'Différences SEPTEMBRE u:I 4 Hautes pressions pour un

été pourri

t; Une avalanche de mauvais CI: coups sur la société française, des skinheads aux parlementaires ambassadeurs de l'apartheid. JEAN MICHEL OLLE ROBERT PAC CHERIFA BENABDESSADOK 10 On expulse à tour de bras La valse des reconduites à la frontière continue. RABBA ATTAF aelUn: 18 dLae sR béausn ion: des hauts et en Ct Les dessous du grand mythe du mélange interculturel à la Réunion. SUZANNA GILLI, JEAN-PHILIPPE BENOIT ABONNEMENTS 1 an.' 200 F. 1 an à l'étranger.' 220 F. 6 mois .' 120 F. Etudiants et chômeurs, 1 an .' 150 F. 6 mois.' 80 F (joindre une photocopie des cartes d'étudiant ou de pointage). Soutien .' 240 F Abonnement d'honneur .' 1 000 F. Algérie .' 15 dinars. Belgique.' 140 FB. Canada .' 3 dollars. Maroc .' 10 dirhams. Publicité au journal Photocomposition PCP, 17, place de Villiers, 93100 Montreuil. Tél . .' 42.87.31.00 1mpression Montligeon. Tél. .' 33.83.80.22. Commission paritaire n° 63634 1SSN 0247-9095. 1Jépôt légal.' 1986-12 Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : (1) 48.06.88.33. en 28 Comment sortir le cinéma lU a: français . de la crise Les recettes d'un acteur. !:i MAJID MEZZO URI U

a 38
lU 

Ct cc Juifs, pas français» Comment les juifs ont pu obtenir leur émancipation à la Révolution française. U lU JEAN-LOUIS SAGOT DUVAUROUX 40 Un sondage sur Différences DIRECTEUR DE LA PUBLICA TlON Albert Lévy REDACTION Rédacteur en chef Jean-Michel Ollé Secrétariat de rédactionmaquettes .' Véronique Mortaigne Service photos .' Abdelhak Senna ADMINISTRA TlON/GESTION Khaled Debbah ONT PARTICIPE A CE NUMERO: Jean Tourier, Rabba Attaf. Cherifa Benabdessadok. Robert Pac, Suzanna Gilli, Majid Mezzouri, Yves Thoraval, JeanPierre Garcia, Renée David, Jean-Louis Sagot-Duvauroux. Pierre Vallée, Jean Roccia, Jean-Philippe Benoît. La rédaction ne peut être tenue pour responsable PHOTO COWERTURE: .. __ Charlesd~e:s~ph~o~w~s~,~oe:x~oes~et~d~o~cu~m~e~nCharlesc~o~nfi~ie~s~. ________ :A:.F:.P~. ____________________________ ~ Différences - no70 - Septembre 1987 HAUTES PRESSIONS POUR UN ETE POURRI Difficile d'attribuer à la chaleur la vague de crimes racistes de cet été. 1/ faudrait plutôt voir du côté des appels à la haine et à la croisade, des petites compromissions d'état-major, des louanges faites à l'apartheid. Cela fait beaucoup de nuages sur la paix C'est quo; un sk;nhead à Châteauroux? », demande le journaliste de la télé, ravi d'avoir pu coincer la petite frappe sur les bancs du palais de Justice pour «faire de l'image ». « Ben, c'est être nationaliste », répond le jeune homme du bout des lèvres, en baissant les yeux. On est le 18 août. La veille, ce petit bonhomme au crâne rasé, bien sanglé dans les attributs de sa charge, blouson flight, jean noir et rangers et bien entouré de ses petits camarades de jeu a défoncé la tête de jeunes Français d'origine maghrébine, devant un troquet de Châteauroux. Châteauroux, Nice, Le Crotoy, Paris, Les Sablesd'Olonne, la liste de l'été est longue (voir page 7). Et ce qui est plus inquiétant, elle est d'une nature nouvelle. Rappelez-vous 1983, dit l'été chaud. On avait eu, en France, une série de crimes racistes, alors imputés à la canicule. L'explication était un peu courte, mais avait le mérite de montrer le côté réactif, incontrôlé, des actes racistes. Dans les quelques affaires de cet été, tout énervement a disparu : on bouffe de l'Arabe parce qu'on n'aime pas les Arabes. Point. Entre ces deux discours, on peut mesurer le chemin parcouru par la France sur la pente savonneuse du racisme. C'est que les savonneurs de planches se sont multipliés. En cet été 1987, on ne peut malheureusement plus se contenter du schéma classique

un parti, grand ou

petit, appelle à la haine et de petits marlous un peu débiles appliquent à la lettre le discours de l'exclusion. Malheureusement, parce que la situation est désormais beaucoup plus grave et saisit la société dans son ensemble, à grands coups de consensus, d'arrangements, ou même de faux pas et d'oublis. Consensus, la quasi-totalité de la classe politique qui crie • civile. Trop de faux pas, trop d'oublis. de joie au départ en croisade Il ' I_ _____________________L -~_ _______ _ _______ ------------____ ~ ____ ~~------17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)Charles---------------------------------------------d-u~p~o-r-te---a-vi_o_n_s_C_le__m _en _c_e_a_u~, Différences - nQ70 - Septembre 1987 .. qui va enfin casser de l'Iranien. Arrangements, le grand débat et les petites magouilles de la droite et de l'extrême droite sur le thème: « Alliances locales, désaccords nationaux ». Faux pas, les déclarations de la délégation parlementaire française, de retour d'Afrique du Sud. Le racisme en France, ce n'est plus un petit nuage qui crève ici ou là, c'est un ensemble de hautes pressions stationnaires sur tout le pays, qui pourrit le temps de façon durable. P ,em;èce haute pcession, l'affaire iranienne. Quand on regarde de près les différents épisodes du feuilleton , on s'aperçoit à chaque fois de graves lacunes dans le scénario. On commence début juillet avec l'affaire Gordji. La police bloque l'ambassade d'Irqn où s'est réfugié M. Gordji, convoqué au palais de Justice pour témoigner. Gros titres partout. Mais il faudra attendre la fin du mois et les réactions à l'étranger, pour qu'on s'aperçoive, premièrement, que le cas Gordji n'est pas bien clair, à tel point que le Monde se demande s'il n'y a pas du montage DST derrière tout cela et, deuxièmement, que la France, pays dit démocratique, se met à employer exactement les mêmes méthodes que 1'« empire du Mal », à savoir l'Iran intégriste. Et attendre encore plus pour que, timidement, s'affirme l'hypothèse que l'affaire Gordji n'a été qu'un prétexte pour revenir sur une politique de normalisation avec l'Iran, politique engagée par J .-B . Raymond, qUI aurait pu se traduire par une libération des otages, mais jugée finalement trop contradictoire avec les intérêts de la liaison avec l'Irak. Deuxième épisode, la rupture des relations diplomatiques, très largement condamnée dans le monde, alors même que le Conseil de sécurité, où la France est membre de droit, prenait des initiatives pour arnver au vote d'une résolution qui LA MAFIA SUD-AFRICAINE ENTRE DANS LES CASINOS FRANÇAIS L'année 1987 verra-t-elle s'installer en France la très sale alliance entre les milieux, déjà passablement maffiosiques, du jeu et les financiers du régime de l'apartheid? Une rumeur persistante depuis plusieurs semaines est aujourd'hui devenue quasi-certitude: sept des plus grands casinos français - Deauville été, Deauville hiver, Trouville, Enghien-les-Bains, Palm Beach et Municipal de C a n n es, Div 0 nne- les-Bains, sont investis par des capitaux sud-africains. Plus précisément, une filiale américaine, Royal Ressorts International Ltd, commune à la société sud-africaine Sun International et à la société anglaise British and Commonwealth Shipping Cornpagny a pris des participations, souvent majoritaires, dans les sept casinos. Les ministres de l'Intérieur et du Budget, ainsi que le Premier ministre, doivent maintenant donner leur autorisation pour que l'opération soit avalisée. Le danger d'une telle opération est grave dans la mesure où la loi de l'argent et du profit risque de faire céder les autorités de tutelle qui laisseront ainsi se créer un véritable monopole américano- sud-africain sur l'industrie des jeux. L'imbrication complexe et souvent souterraine des intérêts communs aux potent.ats locaux, aux intermédiaires et blanchisseurs de l'argent de la mafia ne sont pas de moindres facteurs qui pèseront - positivement ou négativement - sur la décision du pouvoir central. Déjà, plusieurs «cadeaux » ont été offerts ces derniers mois aux patrons des casinos. A la fin de l'année 1986, tandis que le gouvernement cherchait la meilleure manière pour faire passer l'augmentation de 7 % de la carte orange, M. Juppé, ministre délégué au Budget, accordait une baisse de 10 % de la fiscalité frappant les recettes des casinos 1 Quelques semaines plus tard, l'autorisation des «jackpots» (machines à sous) était accordée. Elle va permettre de multiplier par trois ou quatre le produit de l'exploitation des jeux, déjà bien juteux. Ainsi va donc la crise dans les puissants milieux du jeu, sans que l'on s'inquiète outre mesure du milliard annuel d'impayés que se permet le deuxième casino de France, le Palm Beach, les scandales politico-financiers du Ruhl (Nice), réouvert en avril de cette année en la présence du ministre de l'Industrie et du Commerce du Paraguay (une vedette de la démocratie et des droits de l'homme 1). Des manoeuvres qui ratent aux Etats-Unis, mais en passe de réussir en France. Tel est le contexte dans lequel les groupes sud-africains et américains cherchent à s'ouvrir de nouveaux marchés. Et /il que l'on n'argue pas du nécessaire maintien de l'emploi pour les travailleurs noirs de l'Afrique du Sud pour éviter d'appliquer des sanctions économiques. L'apartheid veut lancer des tentacules dans les milieux du jeu 1 Voilà une excellente stratégie pour s'offrir toutes les manipulations financières, bien sûr, mais aussi les pressions politiques que ce milieu induit. Du règlement de compte par voie d'assassinats - lesquels agrémentent périodiquement la chronique du jeu - à l'ouverture d'un marché occuÜe qui permet toutes sortes de contacts et de relations, la part risque d'être belle. Sachons simplement que Sun International a créé au Bophuthatswana, un bantoustan dit indépendant, une ville-mirage, à Sun City prés de Johannesburg. Là-bas, c'est un peu le Cuba du temps de Batista, une immense maison close où se vendent et s'achètent les «plaisirs»: films porno, prostitution haut de gamme, jeu, spéculation. L'opération en cours a déjà été tentée, en vain, aux Etats-Unis. Les mouvements antiracistes américains ont réussi à s'opposer à l'implantation de Sun International, qui opérait à l'époque, en 1982, sous un autre nom, Southern Sun Hotel Holding. C'était à Atlantic City, dans le New Jersey. Les militants ont organisé des campagnes de protestation et, sous la pression, plusieurs conseils municipaux ont voté des résolutions, refusant l'autorisation à la Southern Hotel de racheter des casinos ou des hôtels. Dans une lettre adressée à la Commission de contrôle des casinos, Kenneth et d'autres militants écrivaient: «Ce serait une insulte au peuple du New Jersey de permettre à une société sud-africaine de contrôler un casino.,. Conseillers municipaux et membres de la Commission des droits de l'homme eurent gain de cause. Pour sa part, le MRAP .a rendu public un communiqué et demandé audience au Premier ministre et au ministre de l'Intérieur pour qu'ils n'autorisent pas ces casinos à fonctionner avec l'argent de l'apartheid. permet aux deux belligérants de terminer cette guerre épouvantable sans trop perdre la face. mêmes oppositions (voir Différences de juin): les vertueux (Michel Noir, B. Stasi, Simone Veil) contre les réalistes (Gaudin, Toubon), comme si chaque formation de droite se devait maintenant d'avoir sa grande gueule morale et son comptable qui gère les sièges à prendre, le tout évitant aux grands leaders d'avoir à se prononcer contre ou pour. Ce qui est désormais clairement annoncé, c'est l'enjeu: les présidentielles de 1988, certes, mais aussi les municipales de 1989. Pour les présidentielles, le FN en est à définir les postes qu'il lui faut en cas de victoire. Réclamé par Le Pen, un « grand ministère de la population », regroupant la famille, la démographie et l'immigration. CHRONIQUE Le gouvernement est-il si naïf qu'il pense à la fois rompre ses relations avec un seul des belligérants et voter une motion équilibrée entre les deux parties ? Ou bien est-ce une façon de torpiller à l'avance cette motion ? DU RACISME ORDINAIRE Dernier épisode, le plus écoeurant: la quasi-unanimité de la presse française, debout, le petit doigt sur la couture du pantalon, pour regarder s'éloigner le Clemenceau, qui va investir le golfe Persique, en contradiction totale avec la résolution du Conseil de sécurité. D'un certain point de vue, l'Iran a bien réussi son coup et c'est peut-être l'explication de l'aide apportée par Gbrdji aux nazillons des éditions Ogmyos : il a réussi à amener la France, état de droit, sur son terrain de la guerre sainte. Ce n'est plus la démocratie contre le terrorisme, c'est la croisade contre le Jihad. Les bûchers ont toujours été le complément intérieur de la croisade extérieure

on voit donc ressortir

les vieilles thèses du danger intégriste, la suspicion jetée sur tout ce qui est musulman en France. • • Le 22 mai, c'est un gérant de bar marseillais qui tue deux hommes d'un coup de fuSil. Ils sont Français, mais ils ont aussi le type maghrébin. Le gérant est écroué. Puis, c'est une caféteria de Rouen qui refuse l'entrée aux Noirs et aux «basanés », constat d'huissier à l'appui. • Le 27 mai, 1'« ange exterminateur » de Nice, un jeune néo-nazi dont les idoles sont Hitler et Le Pen, qui a assassiné une vieille dame uniquement parce qu'elle était juive, est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. • Le 5 juin, un épicier algérien de Caen (Calvados) est tué et un client tunisien légérement atteint par un inconnu qui a ouvert le feu dans le magasin avant de prendre la O fuite. • Puis, c'est un jeune Turc de 14 ans, Muammer Inik, qui est u côté majorité, Hervé abattu par deux policiers au de Fontmichel lance une cours d'un contrôle policier à grande idée dont on peut Chalette-sur-Loing (Loiret). prédire qu'elle va faire son • Six mois après les faits, chemin, ou du moins, un Patrick Savray, le policier ivre qui avait tué avec son arme nouveau chemin: « L'Union Abdel Benyahia à Pantin le 6 nationale que souhaite la décembre 1986, est enfin in- France profonde.» On culpé d'homicide volontaire et connaît l'usage, l'abus même écroué. de cette formule depuis la • Début juin, trois jeunes AIPremière Guerre mondiale. gériens se voient interdire de Remarquons simplement visiter la centrale atomique de A que, pour la première fois, la Bugey avec leur classe du formule, bizarrement arti- lycée. • Le 22 juin, un patron d'aterrangements, mainte- culée à la France profonde, lier de confection clandestin du nant : l'été a été en grande ne recouvre que l'électorat de faubourg du Temple, poipartie consacré aux mamours droite et d'extrême droite. gnarde de sept coups de cientre droite et extrême seaux un ouvrier guinéen qui droite. 12 juillet: M. H. de Le résultat de cette longue lui réclamait un certifu:at de Fontmichel, radical valoisien, polémique, jointe à la cou- travail. se fait réélire maire de Grasse verture étonnante de la • Le 28 juin, deux jeunes de d ans une municipale partielle tournée des plages du FN, 19 et 22 ans sont condamnés à sur une liste UDF/FN. Pas de c'est Le Pen lui-même qui un an de prison ferme par le quoi sauter au plafond : ce l'énonce dans sa Lettre: « Je pmobuu nai co.r.r.e.c tioén.nze l de .M etz suis devenu le centre de la vie r avou .,ac "es sIgnes n'est pas la première fois, 1 nazis et des graffUi antisémites d'ailleurs, M. de Fontmichel po itique française. » Et, au sur des magasins appartenant avait déjà bénéficié de passage, il y a gagné une à des commerçants juifs. l'appui du FN lors des muni- partie de ce à quoi il aspire, • La direction de l'Ecole sucipales de 1983. Mais là, à la banalisation de son parti périeure de journalisme de huit mois des présidentielles, politique. Lille révèle que deux de ses étudiants camerounais ont été jeune ivoirienne à se déshabiller entièrement dans les toilettes d'un square parisien, sous prétexte de contrôle et à voler 10 000 F à un fraudeur du métro, homme de couleur encore. Il est condamné le 9 juillet à huit mois de prison. • M. Mabiala Molu, Zaïrois, se promenait au marché aux puces le 5 juillet quand il fut interpelépar des policiers qui lui demandèrent ses papiers. L'un des policiers le frappa et continua de le faire dans un car de police. Ilfut enfermé au cachot au commissariat du 18' arrondissement. • Le 11 juillet, M. Onambele, citoyen camerounais de 38 ans, qui se promenait paisiblement sur le boulevard des Filles-du-Calvaire à Paris, est roué de coups par des policiers, d'abord sur le boulevard, puis dans le commissariat du Il' arrondissement. • M. Jean-Pierre Gérant, Guadeloupéen, lui, est arrêté aux Halles le 14 juillet alors qu'il regarde un groupe de danseurs africains dispersés par la police. Menotté, il est entrainé de force dans un local de police où il est frappé jusqu'à perdre connaissance. • Le mois d'août sera le «mois skinhead ». A Paris, aux Sables-d'Olonne, à Châteauroux, dans les Pyrénées- Atlantiques, des jeunes au crâne rasé attaquent des Maghrébins au nom d'un nationalisme aussi confus que meurtrier. Le MRAP s'est porté partie civile dans presque toutes ces affaires. • On a procédé le 19 juillet à la reconstitution en gare de Vigneux (Essonne) des conditions dans lesquelles M. Benjamin Tsila, fonctionnaire congolais, est mort à la suite d'un contrôle le 3 juin 1986. Selon l'avocat de la famille, Me Roland Weyll, «des éléments instructifs ont été mis en lumière au cours des quatre heures de cet acte judiciaire». c'est beaucoup plus voyant, Il y a eu, en effet, cet été un « insultés et bousculés par des ça pose le problème des dé- virage extrêmement grave : policiers ,. de Roubaix et ont sistements à droite en 1988 et toute la polémique déve- passé une nuit en garde à vue ça arrive au moment où des loppée autour de l'accord pour vérification d'identité le parlementaires reviennent éventuel avec le Front na- l' Juillet. • Le 31 juillet, on arrête à Nice 6 jeunes gens agés de 17 à 21 ans qui ont battu à mort, le 13 juin, un ouvrier tunisien, parce qu'il était arabe. • d'Afrique du Sud. tional s'est centré sur le ca- • Flic de choc, Pierre Gerbier Du coup, panique dans Lan- ractère autoritaire de ce n'avait pas hésité à obliger une ROBERTPAC derneau. On retrouve les parti Ce q' t' t b' • 17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)Charles _._ ___. ~ u_l_e_s~J_us e~ , le_ n_ _______________- ::::::::::::::::::::::::::::~ Différences no70 Septembre 1987 • sûr, mais cela occulte d'autant le caractère fondamentalement raciste du Front national. N'insister que sur l'autoritarisme du FN, c'est déjà le légitimer, le présenter comme une des façons possibles de diriger l'Etat. Alors que son caractère raciste l'exclut de cet éventail et lui interdit toute participation à la direction de l'Etat. Résultat

le racisme est devenu

un argument politique comme un autre. Là~dessus, le 13 juillet 1987, neuf parlementaires (3 UDF, 3 RPR, 3 FN), membres du groupe parlementaire Amitié avec l'Afrique du Sud, reviennent d'un «voyage d'études» en République sud-africaine et déclarent que l'apartheid n'existe plus, que les Noirs ne votent pas parce qu'ils ne sont pas assez formés pour cela et qu'Albertini est un terroriste. Ce qui est, point par point, l'argumentaire développé par le gouvernement de Pretoria depuis des années. La clairvoyance de ces myopes qui, comme le dit Alain Krivine, « auraient visité Auschwitz sans voir de camp de concentration », ne mérite aucun commentaire. C'est plutôt les dessous de cette affaire qui sont intéressants. On peut y voir d'abord une montée en puissance du lobby sud-africain en France. Longtemps cantonné à quelques personnalités connues comme Michel Droit ou Albert Ferrasse, vaguement cité à la création d'une association mort-née, l'Internationale de la Résistance, le lobby sud-africain en France ne s'est jamais beaucoup manifesté. Il est vrai que la lutte anti-apartheid est cantonnée à quelques associations, partis et syndicats, et mobilise moins de monde que dans d'autres pays. D'autre part, les relations économiques entre les deux pays n'ont jamais eu à souffrir du boycott. Le Canard enchaîné du 8 juillet révèle que 1 million de tonnes de charbon sud-africain sont entrées en France cette année, via la Belgique et sous l'appellation « toutes origines ». Mais la montée de l' opposi tion mondiale à l'apartheid, conjuguée avec l'arrestation de Pierre-André Albertini, ont sans doute poussé les officines sud-africaines à rechercher de nouveaux débouchés en France et à « activer» leurs soutiens dans ce pays. Ce n'est guère un hasard si cette délégation a été invitée au moment même (voir encadré) où les Sud-Africains tentent d'investir en masse dans les casinos français, bons observatoires de la vie politique française. N os gugusses soot donc revenus pétris d'admiration pour Botha. Quelques clameurs, à droite, pour se désolidariser d'eux, mais sans plus: personne n'a rien trouvé à redire, dans les états-majors de l'UDF et du RPR, au fait que des parlementaires de la majorité partent en «voyage d'études» avec trois députés du Front national. Rien à redire au fait que les trois tendances représentées signent un communiqué commun. Aucun d'entre eux n'a été exclu, de peur sans doute qu'ils passent avec armes et circonscription dans les rangs du FN. Interpellés par le PS, le président de l'Assemblée nationale, J acq ues Chaban- Delmas, d'habitude si pointilleux sur l'honneur de sa maison, n'a pas bronché. La délégation doit repartir en septembre. C'est dire comme ils ont été sermonnés. On connaît le prix du déshonneur pour les trois députés du Front national: la création en Afrique du Sud d'une antenne du FN, fédérant les Français installés en RSA. Heureusement que le contrôle des changes a été aboli. Combien pour les autres? Résultat de cette hautre pression: l'apartheid est maintenant un sujet d'études et non plus une saloperie. Au milieu de ce pot-au-noir de hautes pressions, une dépression très sensible : le cas Albertini. Rappelons, une fois pour toutes, que les accusations portées contre Albertini par Pretoria n'ont pas été retenues par le tribunal, pourtant fantoche, du Ciskei. Que P.-A. Albertini a été condamné à quatre ans de prison uniquement parce qu'il a refusé de témoigner contre des militants anti-apartheid. P.-A. Albertini est un otage français. Mais tout le monde, ou presque, s'en fout. Une démarche du Parti communiste auprès d'Antenne 2 pour que son nom apparaisse aux côtés des otages français du Liban n'a pas abouti. Albertini n'est pas un cas intéressant. Imaginez une seconde qu'il ait refusé de témoigner contre des militants de Solidarnosc en Pologne, et soit emprisonné à Varsovie. Et vous pouvez rêver du nombre de pressions, interventions, reportages, comités de soutien, pétitions, grandes signatures, manifestations que cela aurait déclenché. Pour avoir visité Albertini en prison, l'évêque d'Evreux, dont le jeune homme est originaire, a été traité de sous-marin du PCF. Voilà le climat actuel de la France. Cocorico, nous partons bouter l'Iranien hors du golfe. Cocorico, voilà l'Union nationale. Cocorico, l'Afrique du Sud est notre amie et tant pis pour les traîtres qui s'opposent à elle. Sur le banc du palais de Justice de Châteauroux, le skinhead n'est plus raciste, nuance: il est nationaliste. D J.-M. O. NOUVELLE-CALEDONIE: UN REFERENDUM DANGEREUX POUR LA PAIX CIVILE Décret paru au Journal Officielle dimanche 2 aoat 1987 : le référendum en Nouvelle Calédonie a été fIXé au 13 septembre 1987. Réaction du FLNKS : « Nous organisons une marche pacifique du 23 août au 3 septembre. » Les partis indépendantistes (LKS, OPAO) appellent également au boycott. Le RCPR décide une contre marche, en réaction au FLNKS. BernardPons, ministre des DOM TOM, interdit les deux marches pour « que le référendum se passe dans le calme! ». Aucune réaction contre le FN qui demande des sanctions contre tous les indépendantistes ! Dans une conférence de presse donnée à Paris le

21 août, J. Ouneï,

responsable du FLNKS, révèle lafafon dont ies autorités tentent de s'opposer au rassemblement des Kanaks sur GrandeTe" e : avions interdits de vol, bateaux a"aisonnés, etc. Néanmoins, le mot d'ordre est maintenu et aboutit, le 23 août, à un sit-in silencieux et paciftque dans la capitale. La répression policière estféroce. Les équipes de télévision sur place transmettront des images tembles de matraquage de militants paciftques. SaufRFO, le réseau d'Etat local, qui préférera ce jour-là suivre les évolutions de Mme Lucette Michauxchevry dans une quelconque inauguraiion de chrysanthèmes. C'est ça, l'information. Quatre ans de sécheresse implacable Les experts s'arrachent les cheveux. Quatre millions de personnes, soit 1 Mozambicain sur 3 seront bientôt touchés par la famine. 9 provinces sur 10 sont atteintes, et seule la région de Cabo Delgado est épargnée. 1986 a connu la plus mauvaise récolte de l'histoire mozambicaine. Et pourtant, après la grande sécheresse de 1984, des efforts avaient été faits, le pays avait connu un mieux relatif, l'aide internationale était arrivée. Mais les problèmes sont restés; structuraux et économiques. La guerre d'abord: cela fait vingt ans que le Mozambique n'a pratiquement pas connu la paix. La RNM, mouvement d'opposition armée soutenu par l'Afrique du Sud, semble se déplacer à sa guise, attaquant le plus souvent des objectifs économiques, et les voies de communication. «Les bandits armés », selon les autorités de Maputo, forts d'un effectif de 20 000 personnes maintenant, recrutent parmi les jeunes de 16-17 ans, sans compter les raids punitifs de l'Afrique du Sud, qui visent en principe les réfugiés de ce pays cherchant abri au Mozambique, mais s'abattent aussi sur les Mozambicains. Pour faire face à la guerilla, le gouvernement mozambicain doit consacrer 43 % de son budget à la défense nationale. Sécheresse et cyclone Ce qui n'est pas pour atténuer les effets de la crise qui atteint ici des résultats particulièrement dramatiques. Les Nations unies estiment à au moins 670 000 tonnes l'aide alimentaire d'urgence Différences - no70 - Septembre 1987 MOZAMBIQUE nécessaire pour l'année agricole 1987-1988. En 1985, seules quelque 59 800 tonnes de céréales furent commercialisées, soit 31 % du niveau atteint en 1975. Les raisons: la guerre, mais aussi les moyens de transport aléatoires, les voies de communication régulièrement sabotées, et à ajouter à cela, quatre ans de sécheresse implacable qui ont ravagé ce pays grand comme une fois et demie la France. De plus en 1985, les pluies apportées par le cyclone Domoina ont provoqué de graves inondations dans le nord du pays, tandis que le sud devait · faire face à une invasion de criquets. Sont-ce là les raisons principales de la situation grave au Mozambique? Oui, sûrement: malgré le Plan de socialisation des campagnes, une partie importante de la production relève de l'agriculture familiale, qu'il s'agisse de la production destinée à la subsistance des populations agricoles elles-mêmes ou destinée à la vente, les fermes d'Etat (200 fermes, 40 % des terres cultivées) fournissent 15 à 20 % de la production mozambicaine. Des moyens importants leur ont été donnés, tant en matériel et moyens financiers qu'en cadres, pour lesquels il a été fait appel à la coopération étrangère. En fait, l'expérience s'est heurtée à une pénurie de cadres, à une méfiance des paysans, qui se sont trouvés face à des choix technologiques, voire technocratiques, pour lesquels ils n'ont pas été consultés. L'analyse tient aussi pour les villages communautaires où la désorganisation des critères de commercialisation à la suite du départ de ceux qui assuraient la collecte et le transport des produits agricoles n'a rien arrangé. La réorganisation mise en place actuellement donne à l'Etat un droit de contrôle sur un certain nombre de magasins de gros, et permet à des brigades de commercialisation, ou à des commerçants privés d'en assurer la bonne marche. Retour du Mozambique vers un régime libéral ? Le traité de N'Komati, traité de nonaggression signé en 1986, avec l'Afrique du Sud, permet toutes les supputa- Le pays est condamné à la famine tions. Faut-il pour cela parler de la faillite du socialisme mozambicain ? Le Mozambique va devoir dépendre de l'aide internationale pour survivre dans les temps prochains. Mais, contrairement à d'autres pays, le gouvernement mozambicain n'a pas joué la politique de l'autruche. Un effort notable a été fait pour sensibiliser et mobiliser l'ensemble de la population. Des commissions spéciales ont été mises en place dans les provinces touchées, la cellule d'urgence et le département contre les calamités naturelles ont été créés pour accueillir et répartir les dons. L'appel à l'aide d'urgence est structuré. Le 30 avril 1987, une conférence des Nations unies a permis à 56 pays de tirer la sonnette d'alarme. En France, un collectif français s'est créé pour informer et recueillir des dons pour le Mozambique. De nouveau des images terribles d'enfants hagards, les yeux trop grands, le ventre balloné ? 80 000 enfants mozambicains sont directement victimes de la guerre et à court terme 320 000 vont périr de la famine . Les dons commencent à venir, le Mozambique se restructure, donnant la priorité aux paysans, qu'il essaie de regrouper le long des voies de communication. Cela suffira-t-il pour conjurer le marasme? Peut-être. Une chose doit être reconnue, la volonté de ce pays de s'en sortir. 0 JEAN TOURIER Collectiffrançais urgence Mozambique: 8, boulevard Bonne-Nouvelle, 75010 Paris. • La machine à exclure est en marche. Depuis un an en effet, la Loi Pasqua sur les Conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est en vigueur. Et ce texte, qui anticipe une réforme éventuelle du Code de la nationalité, est d'ores et déjà - dans son application - un véritable arsenal de guerre contre les enfants d 'immigrés. Les circulaires relatives à cette loi donnent des consignes précises en la matière. Et les préfectures se hâtent de les appliquer avec zèle. Désormais, l'administration peut refuser de délivrer un titre de séjour à tout étranger dont la présence « constitue une menace pour l'ordre public », et expulser celui condamné à six mois de prison ferme ou un an avec sursis. Ne sont donc plus protégés contre l'expulsion, ni ceux qui sont entrés en France avant l'âge de dix ans, ni ceux qui y résident depuis plus de dix ans, ni même ceux qui y sont nés. A Bobigny, par exemple, le service des étrangers ne chôme pas. Les tracasseries administratives se multiplient, en particulier pour les familles dont la situation s'y prête et pour qui les dossiers aterrissent très vite au « service éloignement» bureau vers lequel on aiguille les futurs refoulés. Ainsi le cas de Khédoudja Mezrag, une mère de famille algérienne de trente-huit ans, est exemplaire . « Je suis abonnée depuis trois ans au guichet des étrangers », ditelle en me montrant ses papiers tamponnés de tous les côtés. Elle s'y présente effectivement tous les trois mois pour renouveler son titre provisoire de séjour. Cette femme, habillée d'un tailleur sobre, contrasté par un foulard aux couleurs cha- ON EXPULSE A TOUR DE BRAS . •• Attention: un charter peut en cacher un autre. Pendant que M. Pandraud d'autres convois, les préfectures expulsent jour après jour et un par un, en trois actes : préparer les valises, faire la toyantes qui entoure ses cheveux châtain clair, est venue en France à l'âge de neuf ans, raconte-t-elle. A la fin de sa scolarité, en 1967 , elle épouse un commerçant algérien, M. Mezrag, propriétaire d'un café-hôtel-restaurant de Saint-Denis. En 1968, ce dernier est frappé d'un arrêté d'expulsion et les Mezrag partent pour l'Algérie où naîtront leurs trois premiers enfants. En mai 1973, ils reviennent en France et y restent trois ~ ans sans papiers, dans le ~ café-hôtel dont M. Mezrag ~ est toujours propriétaire. ": '-----------------"---'-~-- Deux autres enfants naissent à Saint-Denis durant cette période. En 1976, las de leur clandestinité, les Mezrag repartent en Algérie, en attendant des jours meilleurs. L'occasion se présente en avril 1981, M. Mezrag revient seul et dépose une demande d'abrogation de son arrêté d'expulsion. Il obtiendra gain de cause en 1983, et sa carte de résidence de dix ans lui sera enfin remise en 1986. Entre temps, en septembre 1984, Khédoudja est venue rejoindre son mari avec leurs cinq enfants. La peur d'être refoulé La préfecture de Bobigny refuse depuis cette date de régulariser sa situation et de lui délivrer une carte de résidence à laquelle elle a pourtant droit. Et ce, à double titre: Khédoudja est en France depuis au moins trois ans, et surtout, elle est mère de deux enfants français, Sonia (onze ans) et Djamel (treize ans), scolarisés à Saint-Denis. Elle est donc inexpulsable, conformément aux articles 14 et 15 de la Loi Pasqua. Sauf si sa présence « constitue une menace pour l'ordre public » .. . Mais à Bobigny on n'en est plus à une bavure près. Et Khédoudja n'ose plus se présenter à la préfecture de peur d'être refoulée. D'autant plus que le dossier de son fils aîné Rachid, mineur de dix-sept ans, est au fameux «service éloignement ». On refuse de lui délivrer un titre de séjour. Motif : il aurait dû se présenter trois mois avant la date de ses seize ans. Au service des étrangers, on lui conseille tout simplement de « repartir dans son pays » , sous peine d'être poursuivi pour infraction à la législation des étrangers. Il risque deux mois à trois ans de prison ferme. Alors, depuis six mois, ce jeune homme brun aux yeux rieurs se terre chez lui. « A cause de cette histoire, j'ai perdu le stage de maçonnerie que j'avais eu du mal à trouver », lance-t-il, amer. Et pour cause, Rachid est lui aussi inexpulsable. Car sa situation est conforme à l'article 17 (Titre II) de la loi en vigueur. Il est effectivement entré en France avant le 7 décembre 1984, alors qu'il n'avait pas atteint l'âge de seize ans, et a été scolarisé depuis cette date. Il aurait dû de ce fait « recevoir de plein droit un titre de séjour de même nature que celui de son père » . En l'occurence, une carte de résidence de dix ans. Séparer le bon grain de l'ivraie « Nous expulserons les immigrés qui se sont rendus coupables de délits. C'est la moindre des choses, quand même » , insistait Charles Pasqua le 12 mai dernier, lors des assises départementales du RPR du Val-de-Marne. En fait , le retour à la notion de «menace à l'ordre public » permet à l'administration d'aller jusqu'au bout du processus de marginalisation des immigrés, avec pour cible principale leurs enfants. Surtout s'ils sont délinquants. Comme au temps de la loi Bonnet, les commissions d'expulsion (Comex) ont repris du poil de la bête et marchent à plein rendement. Centres de tri administratif, les Comex ont pour fonction de séparer le bon grain de l'ivraie. Elles existent dans chaque département et se réunissent à un rythme plus ou moins rapide selon les besoins. joue les gros bras en annonçant à qui veut l'entendre qu'il yaura tous ceux qu'elles estiment indésirables. Voici donc une comédie queue à la préfecture, prendre -l'avion. Triste. A Paris, par exemple, c'est la course contre la montre. Dès qu'un étranger est condamné, le parquet transmet systématiquement son dossier-à la Préfecture, qui convoque la Comex. Celle-ci en arrive maintenant à se réunir trois fois par mois. A chaque fois c'est le même scénario. Le lieu, austère, de la 16" Chambre correctionnelle du tribunal de Paris, où il faut montrer patte blanche pour pénétrer. Il Y règne le même cérémonial que dans une cour de justice. Sauf qu'ici, le droit est bafoué; c'est l'administration qui tranche, par le biais de deux magistrats, d'un représentant Différences - no70 - Septembre 1987 de la préfecture et d'un émissaire de la DDASS. Le président y fait la pluie et le beau temps. A neuf heures trente l'audience démarre au quart de tour. A onze heures l'affaire est réglée. Entre temps, onze à treize dossiers ont été traités. A peine sept minutes chacun. Juste le temps pour les « accusés » d'être assommés par un réquisitoire résumant tous les chefs d'accusation, passés et présents. Les avocats - quand il y en a - doivent user de trésors d'éloquence pour faire valoir le droit de leur client à vivre en France. On y donne parfois dans le spectaculaire en faisant appel a Interpol pour identifier un étranger sans papiers. En fait, ces étrangers qui sont-ils? Pour la Comex, « des personnes connues défavorablement des services de police » . Mais l'amalgame fait entre les « criminels notoires » - relevant du grand banditisme - et les petits délinquants, n'est pas sans conséquence sur le sort réservé à ces derniers. Ainsi comparaissent côte à côte trafiquants et proxénètes - souvent en situation clandestine - et petits délinquants, venus en France dans les premières années de leur enfance, quand il n'y sont pas tout simplement nés. « J'en reviens pas d'être là », s'exclame Abdelrahmane Mahni. Ce jeune algérien de vingt-six ans est né à Paris, dans le XIX" arrondissement. «A seize ans mon père m'a mis une laisse autour du cou et m'a emmené au consulat pour faire ma carte d'identité algérienne. » Comme tous les enfants nés en France avant 1963, de parents algériens, Abdelrahmane a une carte de résidence depuis l'âge de seize ans. Il aurait pu effectuer une demande de réintégration à la nationalité française à sa majorité. S'il ne l'a pas fait, dit-il, «c'est pour des raisons familiales ». Devenu «petit délinquant d'occase » , comme il se qualifie lui-même, il est sorti de prison en juin 1986, après avoir purgé une peine de quatre mois et demi. Il se présente alors à la préfecture de Paris pour renouveler sa carte de résidence périmée depuis le mois de mai. Surprise: il se heurte à un refus. AbdeIrahmane est ensuite convoqué devant la Comex en février par le biais du consulat d'Algérie. Motif inscrit sur sa convocation: « Menace à l'ordre public » . En fait, ce qu'on lui reproche, c'est son casier judiciaire. « Depuis 1978, mon client a été condamné à des petites peines, explique Me Roux,mais le cumul de cellesci dépasse le seuil fatidique des six mois de prison pouvant justifier une expulsion. » Pour Abdelrahmane, c'est l'impasse : « Le consul m'a lui-même dit qu'il ne me reconnaissait pas comme citoyen algérien. » Quoi qu'il arrive, son choix est fait. « Pas question de quitter ma famille, quitte à vivre clandestinement ici », lance-t-il, déterminé. Bien sûr, l'avis de la commission d'expulsion n'est que consultatif. C'est le ministre de l'Intérieur qui tranche en dernier ressort. Mais celui-ci maintient systématiquement l'expulsion quand l'avis de la commission est favorable. Mieux, il statue bien souvent en faveur de l'expulsion contre l'avis même de celleci. Dans la plupart des cas, les « expulsables » reçoivent la notification pendant leur détention et l'expulsion intervient le jour même de leur sortie de prison. Commence alors pour les avocats un véritable parcours du combattant. Même si certains tribunaux administratifs, comme celui de Lyon , statuent sur la non-rétroactivité de la Loi Pasqua (arrêt Elfenzi du 1er avril 1987), ces décisions ne font pas pour autant jurisprudence. A Paris, par exemple. la procédure de recours met au minimum un an avant d'aboutir. .. à un rejet systématique. De plus, elle ne suspend en rien l'expulsion. Et dans le meilleur des cas, l'affaire n'est pas forcément réglée. Mieux vaut rester en prison Reste alors, selon certains avocats, une solution ultime même si elle est illégale : le refus d'embarquer. «Mieux vaut rester en prison que d'aller manger des cailloux en Tunisie ~, s'exclamait en connaissance de cause Mohamed Barhouni à la Comex d'Evry en avril dernier. Son jeune frère Ridah se trouvait avec cinq autres détenus, menottes aux poignets, dans le box des accusés. Pleurant de dépit, Mohamed s'en prenait ce jour-là au président de la Commision et lui lançait : « De quel droit l'expulsezvous? C'est un homme, comme vous ! » RABHA ATTAF .. AH ! LES JOLIES VACANCES Des incidents partout en France entre « Beurs » et « locaux ». Mais c'est Le Crotoy, une jolie plage du Nord, qui tient fa pafme ____________ Rien ne laissait p,évoir à ces huit jeunes domiciliés dans les Hauts-de-Seine que leur week-end estival du 1 er août allait se terminer en un véritable cauchemar. Djamila, sa soeur Zohra, Dalila, Sabine, Lakhdar, ~ohamed, Abdelkader et Khalid - agés de dix-huit à vingt-cinq ans - avaient décidé d'aller se dorer la pilule sur la plage du Crotoy, dans la baie de Somme, en Picardie. Lakdar, Zohra, Djamila, Mohamed : quatre des huit jeunes partis en week-end dans la baie de Somme. Le propriétaire de la pension de famille et ses fils ont tiré au fusil. Bilan: un poumon perforé, une décharge en pleine figure ... remise avant leur départ. Et là, surprise: trois molosses les attendaient de crocs fermes. « Mme Langlois avait omis de nous indiquer ce détail, précise Djamila. Alors, pendant que Lakhdar attirait leur attention avec un poste de radio, nous sommes entrés dans l'hôtel deux par deux, et ce, jusqu'au dernier. Le seul bruit que nous aurions pu faire à ce moment là, c'est le mot chut. » Et là, il se retrouve nez à nez avec le père Langlois, debout devant la porte ouverte de sa chambre, un fusil à la main. Derrière lui, ses deux fils, eux aussi armés. « Ils me braquaient, raconte ~ohamed, et le père Langlois, menaçant, m'a demandé ce que je faisais là. Je n'ai pas eu le temps de lui répondre, car il m'a frappé tout de suite d'un coup de canon sur le front, plus exactement au-dessus de la tempe droite. » Un coup de feu, puis deux A partir de ce moment-là, les événements vont se dérouler très vite et en l'espace d'une minute, tout va basculer dans l'horreur. Aussitôt le coup reçu, ~ohamed regagne sa chambre pour récupérer ses baskets. « Il n'était pas question pour moi de jouer les héros, dit-il, je pissais le sang et je n'avais qu'une hâte, Ils trouvent quatre chambres Tout le monde réintègre sa trouver un médecin. » au café-hôtel-restaurant chambre. ~ais quelques ins- Jeanne-d'Arc, place du~o- tants plus tard, Abdelkader A cet instant, un premier nu ment aux morts. Cette est pris de nausée et sort pour coup de feu retentit dans pension est tenue par la fa- se rendre aux toilettes, qui se l'hôtel. ~ohamed redescend mille Langlois, le père, la trouvent sur le palier du pre- au premier, croyant qu'Abmère et leurs trois fils. mier étage, juste à côté de delkader, qui était resté Après dîner, ils décident de l'appartement des Langlois. coincé dans les toilettes, avait sortir en boîte. Vers 1 heure été touché. du matin, retour à l'hôtel: Dans le même temps, ~o- Lakhdar et Djamila étaient arrivés devant le portail situé hamed dont la chambre est eux aussi sortis de leur derrière l'hôtel Jeanne- au deuxième étage, était lui chambre, qui jouxte celle des d'Arc, Djamila introduit la aussi sorti pour aller au Langlois, tandis qu'Ab- III ,_ _________________________c_ le_f_q~u_e_ la ~p_at_r_o_n_n_e_lu_i_·_ av_a_i_t _m ê_m__e _e_ n_d_ro_i_t_. ____________d e_l_k ad _e_r _av a_i_t _r_ eJ~'o_i_n_t __la ~ sienne en courant. Il voient ~ohamed arriver en sang et lui demandent de leur expliquer ce qu'il se passe. Les Langlois ressortent au même moment. « La mère Langlois leur barrait le chemin, explique Lakhdar, et leur disait de se calmer, car ils étaient surexcités. Il y en avait notamment un qui se trouvait debout sur le lit et qui nous visait avec son fusil au-dessus de sa mère, poursuit-il. Alors, je demande à tout le monde de réunir ses affaires pour partir. » ~ais à peine Djamila avaitelle descendu quelques marches de l'escalier qui donne au rez-de-chaussée, qu'elle se retrouve bloquée par un autre fils Langlois, le plus jeune des trois, qui montait . « Il a mis le canon de son fusil entre mes deux yeux, dit-elle, m'a saisi par l'épaule en criant.' "Sale bougnoule, je vais te faire ta peau". » « Là, raconte Djamila, on avait des fusils braqués de tous les côtés. Le père Langlois, devant sa chambre, le moustachu en slip noir sur le lit et celui qui montait. » Panique générale. Le moustachu leur tire dessus. « On a tout juste eu le temps de plomger pour éviter les plombs, précise Lakhdar, tandis que la mère Langlois précise cette dernière. Je l'ai vu, il était à la fenêtre de la chambre située au-dessus de l'enseigne de l'hôtel. » Pendant ce temps, Dalila s'était cachée dans sa chambre. « J'était terrorisée, raconte-t-elle en revivant la scène. J'entendais un fils Langlois crier.' il en reste une. » ,Profitant d'un moment d'accalmie, elle sort de sa chambre et descend au premier étage. Elle croise un client de l'hôtel qui était sorti sur le pas de sa porte - alors que tous les autres s'étaient bouclés dans leur chambre. Il l'accompagne jusqu'en bas et remonte. Versions grossières Les gendarmes du Crotoy sont venus à ce moment là, suivis de près par ceux de la brigade d'Abbeville. Juste pour faire le constat. « L'un ~. et ~me Langlois furent relâchés dès dimanche matin et leurs trois fils , dès lundi, sous contrôle judiciaire. Leur avocat, ~e Anne Firmin, du barreau d'Abbeville, précise que, pour elle, les victimes sont évidemment ses clients qui furent malmenés par des « individus déchaînés » . « La version des intéressés est tellement grossière que ç' en est ridicule, dit -elle, il s'agit là d'une fumisterie.» Et de porter son cynisme jusqu'à trouver les injures racistes « systématiques ». Pas étonnant de la part d'un avocat encarté au Front national d'Amiens. Les véritables victimes, quant à elles, ont chargé leur avocat ~e Quibel, bâtonnier au barreau de Nanterre, de porter plainte pour tentative d'homicide volontaire et injures racistes, avec constitution de partie civile. L'hôtel Jeanne-D'Arc, tenu par M. Langlois, sa femme et ses trois enfants. « ... Un des fils a mis le canon de son fusil entre mes deux yeux, m'a saisi par les épaules, en criant: "Sale bougnoule, je vais te faire la peau ... " » poussait le fusil de son fils d'entre eux demandait par A leur côté, le ~RAP s'est vers le plafond. » Alors que téléphone au SAMU de se également porté partie civile le groupe monte l'escalier en dépêcher, précise un témoin, par l'intermédiaire de ~e courant pour se rabattre au de peur de se retrouver avec Laugery, du barreau de Nandeuxième étage, un autre fils un cadavre sur les bras. » terre, et ~e Croissant du Langlois leur tire dessus. Ils Zohra avait effectivement un barreau d'Abbeville. décident ensuite de « faire poumon perforé et a été Une instruction a été ouune descente en force » et, transportée aux urgences du verte, mais pour le procureur dans la bousculade qui s'en- centre hospitalier d'Abbe- de la République,~. Van desl'uhiôvtiet, l . réussissent à sortir de Vi1 1 e, avec Dj.a mi'1 a, ~o- casteele, comme pour le juge hamed et Dalila qui était d'instruction , ~. Lyon : « Il ~alheureusement, les choses «tombée dans les pommes ». n'est pas question pour eux de ne vont pas en rester là. Les autres, Lakhdar, Khalid, se laisser entraîner sur le ter~ ohamed , Lakhdar et Abdelkader et Sabine furent rain du racisme. » Pour eux, Kahlid se mettent vite hors emmenés au poste de gendar- il s'agit là d'une simple afde portée des fusils des fils me rie du Crotoy et gardés à faire de droit commun, Langlois. Djamila, Zohra et vue durant douze heures. Ils comme il s'en passe régulièAbdelkader foncent vers la furent relâchés dimanche rement dans le Crotoy. voiture stationnée en face de matin (le 2 août), après avoir Certes, la baie de Somme est l'hôtel. Une détonation ré- fait leurs dépositions et subi un pays de chasseurs à la sonne dans la nuit. Zohra un alcootest qui s'est révélé gachette facile et le produit s'écroule, touchée en pleine négatif. du cru est la chasse à la hutte poitrine. Djamila accourt (chasse aux canards). ~ais de aussitôt vers sa soeur et reçoit Quant aux Langlois, ils fu- là à prendre huit jeunes pour elle aussi une décharge en rent emmenés à la gendar- du gibier ... 0 pleine figure. « C'est le père merie de Rue, où ils firent • Langlois qui m'a tiré dessus, eux aussi leurs dépositions. RABHA ATTAF D~iffi~e~'re~n-c-~--~noCharlesO~--~Se-p~re-m-b~r-e~1~9~8-7------------17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)--------------17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)----------------------~ . POUR MEMOIRE • MANIFESTATION. Plus de 200 personnes manifestent à Paris, devant la SNCF, à l'appel du Comité pour la vérité sur la mort de Viviane Borderie, pour demander que « toute la lumière soit faite » sur la mort de cette infirmière antillaise de 42 ans, tuée le 23 mars dernier en tombant d'un train en gare d'Evry-Courcouronnes (Essonne), après une altercation avec deux contrôleurs (4 juin). • ASSASSINAT. Nkosinathi Shabangu, dirigeant syndical étudiant noir, est abattu par trois hommes armés, dans son école, près de Johannesburg. Il était membre du Congrès des étudiants de Soweto (SOSCO), organisation affiliée au Front démocratique UTI! (UDF) (5 juin). • DESAVOUE. Le Révérend Jesse Jackson annonce qu'il n'accepterait feu à hauteur d'homme et se livrant à des actes de vandalisme. Par chance, cette attaque n'a fait aucune victime (7 juin). • lE KU KLUX KLAN DEFILE. Environ 150 membres du Ku Klux Klan, en robe et cagoule, défilent dans les rues de Greensboro, en Caroline du Sud. C'est la première manifestation de l'organisation raciste depuis 1979 où cinq commu- APARTHEID TI ne fait pas bon être grenaille par les polijournaliste étranger en ciers. Deux journalistes Afrique du Sud depuis de la télévision austral'instauration de l'état lienne avaient été exd'urgence, le 12 juin ET pulsés la semaine précé- 1986. Surtout si vous dente. voulez faire honnête- Le correspondant de ment votre métier, l'hebdomadaire améric'est- à·dire rapporter cain Business week se vit ce que vous voyez. A la INFORMA TION aussi signifier la même date du 14 mai, cinq mesure. correspondants perma- Le 29 juin, c'est un nents étrangers avaient L-_________ --.I journaliste indépendant déjà été expulsés. français, Olivier Daube, Le jeudi 14 mai, les autorités sud- correspondant du Point et du Matin, africaines ont signifié à deux journa- qui est prié de quitter le territoire listes britanniques, un correspon- sud·africain. dant de la BBC et un autre de la chaîne de télévision indépendante ITN, leur refus de renouveler leurs permis de travail, ce qui équivaut à une mesure d'expulsion. Les deux journalistes avaient dix jours pour quitter le pays. La BBC et l'ITN avaient diffusé, le mois précédent, des images des affrontements qui avaient opposé la police aux grévistes des chemins de fer sud-africains, ainsi que les heurts entre les forces de l'ordre et les étudiants, montrant notamment l'usage de fouets et de pistolets à Le 23 juin, le ministre sud-africain des Affaires intérieures indiquait que 238 journalistes n'avaient pu obtenir ou Caire renouveler leurs visas pour pouvoir travailler en Afrique du Sud. La grève des mineurs déclenchée par le syndicat noir semble une importance considérable. Néanmoins, les informations ne parviennent que difficilement, via le canal du NUM, le syndicat des mineurs et l'Anglo-American, une des sociétés concernées (10 août). • OSEZ l'APARTHEID. pas le soutien politique L'Express, dans son de Louis Farrakhan, le supplément Style et Le leader des Musulmans Figaro consacrent plu- noirs dont les déclarasieurs pages à la publi- tions violentes sur le Jucité pour l'Afrique du daïsme et Hitler avaient Sud, « un pays à voir et à causé du tort à la camrevoir ». « Laissez-vous pagne de 1984 de Jesse séduire par la faune et la Jackson pour la reprénature exotique et sau- sentation du Parti démovage » des réserves na- crate aux élections présiturelles. Mais l'Express dentielles (6 juin). et Le Figaro ne parlent pas d'autres réserves, • AGRESSION. Un groupe celles où sont parqués de colons juifs mène, les Noirs (5 juin). dans la nuit, une attaque sans précédent dans les • EMBARGO. L'Espagne annales de la Cisjordécide d'interdire tout danie occupée, contre nouvel investissement un camp de réfugiés pa- Il direct espagnol en Afri- lestiniens proche de o ni stes avaient été tués par des membres du KKK (7 juin). • DEMISSIONNE. En Israël, le rabbin raciste Meir Kahana, député du parti d'extrême-droite Kach, ne pourra plus siéger et s'est vu retirer tous ses privilèges parlementaires

il a refusé de

prêter serment et choisi de conserver sa nationalité américaine (8 juin). • RAPPORT ACCABLANT. Constituée à l'initiative de la Ligue des droits de l'homme, la Commission d'enquête sur les manifestations étudiantes du 4 décembre dernier, publie un rapport très sévère sur le comportement de la police et du parquet de Paris. Charles Palant, vice-président du MRAP, est membre de cette commission dont le rapport est publié aux éditions La Découverte, collection Cahiers libres (8 juin). • REHABILITATION. Après Bernard Pivot (voir Différences, mai 1987), c'est Alain Decaux qui apporte sa contribution à la réhabilitation de Robert Brasillach au cours de son émission Alain Decaux raconte ... , sous prétexte de ne parler que de son oeuvre littéraire ! Bràsillach était « trop gentil », il s'est laissé entraîné par ses amis, il croyait sincèrement oeuvrer pour le salut de la France ... (10 juin). • MAL ACCUEilLIE. Nancy Reagan est accueillie à Stockholm par des jeunes en colère qui ont déployé devant son hôtel une banderole accusatrice: «Reagan soutient le racisme en Afrique du Sud. » Il y a eu 90 interpellations (9 juin). • AIDE. L'administration Reagan informe le Congrès qu'elle a décidé de continuer l'aide aux rebelles angolais de l'UNIT A (11 juin). • TOUTE NUE. L'ex-femme de Jean-Marie Le Pen pose nue dans Playboy, en réponse aux propos désobligeants que M. Le Pen avait tenus à son égard dans le même périodique (11 juin). • RENCONTRE. Une délégation d'une vingtaine de militants de la gauche israélienne rencontre à Budapest une délégation de l'OLP. La délégation israélienne se prononce pour l'évacuation totale des territoires occupés par Israël et pour la création d'un Etat palestinien. Les membres de la délégation israélienne risquent, aux termes d'une loi votée en août 1986 par la Knesset, trois ans de prison pour avoir rencontré des membres de l'OLP (11 juin). • CINGLANTE RIPOSTE. A l'appel de 50 organisations, dont le MRAP, 30 000 personnes défilent à Marseille pour protester contre la venue de Jean-Marie Le Pen à Marseille et les agissements racistes du Front National dans cette ville (11 juin). • DROlE DE CELEBRATION. Alors que l'on s'apprête à célébrer le 200' anniversaire de la Révolution française, MM. Chirac, Barre, Léotard et Le Pen se rendent au Puy-du-Fou pour participer à une manifestation glorifiant la contre-révolution des Chouans vendéens (12 juin). • AGRESSEURS. Treize colons juifs qui s'étaient livrés à une attaque armée le 6 juin contre un camp de réfugiés palestiniens sont inculpés pour violences, coups de feu et attaques contre l'armée, mais sept d'entre eux sont remis en liberté (13 juin). • RECENSEMENT. Le projet du Conseil général des Alpes-Maritimes de recenser les personnes séropositives pour le virus du SIDA a fait long feu. Après les multiples réactions que ce projet avait s usci tées, M. J acq ues Médecin, maire de Nice et président du Conseil général, annonce en effet qu'il retirait les crédits affectés à ce recensement (15 juin). • SOWETO. Onzième anniversaire du massacre de Soweto. Le 16 juin 1976, la police tirait contre les écoliers noirs faisant plus de 700 morts. Aujourd'hui, cette journée est célébrée en Afrique du Sud par une grève générale, malgré l'état d'urgence (16 juin). • PROSTITUTION. Un important réseau de prostitution employant sous la que du Sud (5 juin). Bethléem, ouvrant le contrainte des ressortis- I17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)~----------------------------------------------------------~ Quatre cents morts pour un pèlerinage. Provocation, répression: pour la deuxième fois en dix ans, le lieu saint des Musulmans devient champ de bataille sous le poids de l'intoléance. santes ghanéennes dans les foyers d'immigrés est démantelé à Paris (16 juin). • FORD OUT. Ford, deuxième constructeur automobile américain décide de se désengager en Afrique du Sud en raison de « pressions politiques substantielles », sans toutefois se retirer de ce marché (16 juin). • INQUIETUDES DU NOUVEAU RABBIN. M. Joseph Sitruk, nouveau grand rabbin de France, qualifie le projet de code de nationalité de «danger majeur ». Il s'inquiète aussi des déclarations de Jean-Marie Le Pen. (17 juin). remettre au gouvernement un avis sur la réforme du code de la nationalité (18 juin). • REFUS DE l'OUBLI. Le Parlemen t européen vote une résolution reconnaissant que les Arfonctionnant en Afri- • DROlES D'ANTIRA- que du Sud. Il a aussi CISTES! Dans une lettre exprimé son accord méniens ont été victimes d'un génocide en Turquie en 1915 (18 juin). adressée à Harlem pour un embargo éco- • LE JUSTICIER ACQUITTE. Désir, le MRAP décline nomique du pays de Bernhard Goetz, le cé- l'invitation de SOS Ra- l'apartheid. • PREMIER. M. Mitterrand décide d'ajourner la remise des lettres de créance du nouvel ambassadeur de Pretoria à Paris pour protester contre le maintien en détention du coopérant Pierre-André Albertini, condamné le 20 mars à quatre ans de prison pour avoir refusé de témoigner contre des mililèbre «J·usticier du cisme pour le colloque L e co d e d u R everen d tants de l'ANC (19 juin). métro» new yorkais, un et la fête du château de Leon Sullivan est ac- Blanc qui avait tiré sur Vincennes du 20 J'uin cepte' par 1'/7'0 compa- • TRIANGLES ROSES. Pl uquatre jeunes Noirs qu'il mis au point par cette gm.e s ame"nca.zn es qUl. S.I eurs ml'1 1l' ers d'ho mosoupçonnait de vouloir organisation. En effet, L e R evere·nd' L eon app lI' quent ses d1' - sexue 1s , h ommes et le rançonner, est le MRAP note la partici- S uU I· van, un pasteur rect.lves .antl-a par- f emmes, maTI!' esftent 'a acquitté de douze des Pation au colloque de nOI.r de Ph ,",-"-"'e 1 p hl'e , the id, comme ac h eter P an.s contre « l' ord re treize chefs d'accusation M. Patrick Devedjian, s'est vu refuser par les des maisons pour moral, la haine et l'exretenus contre lui. Seule ancien membre d'Occi- autorités sud-a,Jçr i- loger des Noirs dans c1 u sion » et contre Jeana été retenue l'accusa- dent et le parrainage de cain es l'autorisation des quartiers Blancs. Marie Le Pen. Les mation de port d'arme pro- la fête par la Cinq ap- de pénétrer sur le ter- Le Reverend Leon nifestants arborent à hibé. C'est bien le partenant, entre autres, ritoire du pays de l'a- Sullivan ne pourra leur revers un triangle moins! Bien que le ra- à M. Robert Hersant partheid. Le Reverend donc pas accomplir la rose portant le mot « sicisme ait été occulté des (18 juin). est l'auteur d'un code tournée d'étude sur daïque ». Ces triangles, débats, on se demande pour établir l'égalité l'apartheid qu'il pro- de sinistre mémoire, si le verdict des jurés eut • MISE EN PLACE. Le mi- des droits entre les jetait. Mais cela n'a étaient portés par les été le même si l'accusé nistère de la Justice rend Noirs et les Blancs fait que renforcer sa déportés homosexuels avait été noir et les publique la composition employés dans les en- volonté de combattre dans les camps de dévictimes blanches ... (16 de la Commission de la treprises américaines l'apartheid. 0 portation nazis (20 juin). Il ~ju~iTtn~)f,'Charles 17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)7tf::Charlesn~a;t7io~n~a~l:it:é~c:h~a:rg~e~'e~~de~~:::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::: __________________ ~:J • ENTETEMENT. Dans une interview au Monde, Albert Ferrasse, président de l'International board du rugby, se déclare « scandalisé par l'absence de l'Afrique du Sud » à la dernière Coupe du monde de rugby qui vient de se dérouler en Australie. Il ne faut pas « oublier qu'il y a une évolution en Afrique du Sud... Je crois qu'i! faut lutter contre leurs excès, mais il faut aussi chercher à les aider » . Il renouvelle son souhait qu'une tournée en Afrique du Sud soit officiellement mise sur pied d'une équipe de joueurs, tous volontaires bien sûr, venant des nations britanniques et de France (20 juin). • LACUNES. Le colloque Droit et discrimination tenu à Paris au palais de Justice, dresse le bilan de 15 ans d'application de la loi contre le racisme du 1" juillet 1972. Les différents rapporteurs, réunis sur l'initiative des avocats du barreau de Paris, de la LICRA, du MRAP et de l'Institut des droits de l'homme du barreau de Paris, ont mis en évidence les lacunes de la loi qu'ont révélées ces 15 ans d'application (19 et 20 juin). lévision d'Etat sud-africaine (SABC), le tournage des sept premiers épisodes d'une série qui doit être ultérieurement diffusée à la fois sur les canaux sudafricains et français, ainsi qu'en Europe occidentale et peut-être aux Etats-Unis. La série, qui doit comporter treize épisodes retracera , de 1820 à 1880, la saga de la dynastie des Breauvilliers, constituée de descendants de l'un des 200 Huguenots français qui firent souche au cap à la fin du XVII' siècle. On peut d'ores et déjà émettre les plus sérieuses réserves sur une série arrosée par les services de M. Botha et qui vise à donner une légitimité à la perpétuation du pire système colonial (22 juin). étrangers et proteste en outre contre le fait d'utiliser le personnel pour des contrôles qui relèvent habituellement de la compétence du personnel de la police (24 juin). • RETRAIT. 250 organisations sont signataires de l'Appel pour le retrait « pur et simple » du projet de réforme du Code de nationalité (24 juin). • PAS DE SPOT. 43 personnalités françaises et plusieurs organisations, dont MRAP-Solidarité, répondent positivement à l'appel de la Rencontre nationale contre l'apartheid exigeant que le satellite Spot ne soit pas mis au service du régime raciste de Pretoria (24 juin). transmises au gouverneur de l'Alabama par l'intermédiaire du secrétariat d'Etat américain (25 juin). • MAIN TENDUE. Le débat à l'Assemblée nationale sur l'indemnisation des rapatriés d'Algérie est utilisé par le gouvernement comme alibi pour passer l'éponge sur le terrorisme OAS. Le secrétaire d'Etat, André Santini est félicité par l'ancien chef terroriste OAS Pierre Sergent (26 juin). • CONFIRMATION. Le Ciskei, bantoustan sudafricain, confirme la peine de prison prononcée en mars dernier contre le coopérant français Pierre-André ~ Albertini (26 juin). )! ~ l:; .~. ..: • ENFANTS EN PRISON. Un symposium tenu à Washington et ouvert par le sénateur Edward Kennedy, révèle que plus de 10 000 enfants noirs sudafricains ont été emprisonnés sans accusation ni procès depuis la proclamation de l'état d'urgence par le régime d'apartheid, il y a un peu plus d'un an. La plupart d'entre eux ont été torturés. (26 juin). • NAZISME SUR ORDINATEUR. L'hebdomadaire ouest-allemand Der Spiegel révèle que les néo-nazis utilisent désormais l'informatique • RECEPTION. Le prési- pour diffuser leur pro padent autrichien Kurt gande. A Berlin ouest, • JUMEAUX. Environ 80 Waldheim est reçu au les nostalgiques de Hit- jumeaux juifs qui ont Vatican par 1e pape 1er se voient ainsi offrir survécu aux expériences J ean-P au 1 II ,mal gre, 1e s des programmes dits de de Joseph Mengele, le protestations d'I sraë 1 et « divertissement », du docteur des camps nazis, des communautés juives genre: « Fête anti-turque vont recevoir une in- européennes et améri- à Buchenwald, copyright demnité de l'Allemagne cam. es (25JU"In) . by Hitler and Hess ». Dans un autre «diverde l'Ouest. La plupart • SAUVER IMANI. Une dé- tissement », il est prode ceux-ci vivent en Israël et recevront légation des trois organi- posé quatre réponses à qualité à ce film, ajoutant qu'il n'a reçu aucune récompense au festival de Cannes, alors que Shoah n'a jamais été présenté à ce festival ! (29 juin). • LES MEDECINS PROTESTENT. Plus de 300 médecins signent une pétition dénonçant les « affirmations pseudo-scientifiques » du docteur François Bachelot, député du Front national, sur le SIDA et 1'« utilisation qu'il fait de sa qualité de médecin pour propager des thèses d'exclusion et de xénophobie. Ce faisant, ajoutent-ils, il s'est mis de lui-même au ban de la communauté médicale et scientifique ». (30 juin). • CASSEZ LA TELE! Des tracts néo-nazis niant l'existence des chambres à gaz circulent à Paris. Sous le titre: « Ouvrez les yeux et cassez la télé! », ils remettent en cause le film de Claude Lanzmann, Shoah, projeté sur TF1 (30 juin). • LEONARD PELTIER. Deux ophtalmologistes soviétiques en visite aux Etats-Unis sont autorisés à visiter dans sa prison Léonard Peltier, leader de l'American Indian movement (AIM), qui souffre d'une maladie des yeux et est menacé de cécité totale (1" juillet). • EPILOGUE. La Cour suprême de l'URSS annonce que le criminel de guerre Larl Linnas, condamné à mort par contumace en URSS en 1962 et extradé des Etats-Unis en avril dernier, est mort à Moscou d'une grave maladie (2 juillet). chacun entre 11 000 et sations: ACAT (action la question: « Pourquoi 14 000 dollars (23 juin). des chrétiens pour l'abo- les Turcs ne parlent pas • BOYCon. Le maire de lition de la torture) , allemand? » Il y a aussi Jérusalem ne participera • DISCRIMINATION. Dans ligue des droits de un« jeu » de garde de pas aux cérémonies orun communiqué, le l'homme et MRAP, camp de concentration ganisées le 14 juillet par MRAP proteste contre remet à l'ambassade des (28 juin). l'ambassade de France. les mesures discrimina- Etats-Unis à Paris, Il ne «supporte plus» • TELE-BOTHA. Une dé- toires adoptées à l'inten- 12100 signatures en fa- • INOPPORTUNE. Dans le que, comme chaque pêche de l'AFP datée de tion des candidats étran- veur de la grâce de Figaro, M. Hersant, année, la célébration ait Johannesburg, annonce gers au baccalauréat Johnny « Imani », Har- propriétaire de ce lieu à la fois à l'Ouest que la société de pro- dans l'Académie de ris, un jeune noir améri- journal et de la 5, (partie juive) et à l'Est duction française Té- Rouen qui sont desti- ca in in jus t e men t conteste l'opportunité (partie arabe) illégale- _ lécip vient d'achever, en nées à faire peser une condamné à mort. Ces de la projection de Shoah ment annexée par Israël IiII~co~I~la:b~o:r~a:ti:o:n~a:v~e:c~la~t:é~-____g ~r:a:v~e~s~us~p~i~c:io:n~s:u~r-Ie~s _~ s_i~g~n_a_ tu_ _r_ e_s _s _e r_ o_n_t_ ___su _r _T F_ l_. II _n _i_e __to _u_t~e----e-n~j-u-in--1-9-67_._ (2_ J~·u_i_1I_et_)_.~ • SAXO AU VIOLON. Le grand saxophoniste noir américain Dexter Gordon est retenu pendant cinq heures à son arrivée à l'aéroport Charles-de-Gaulle par la police française sous prétexte d'une vieille accusation d'usage de drogue datant de 1967. Il est libéré, mais son visa est ramené à une durée de 9 jours, alors que sa tournée en France est prévue pour 3 semaines. Un député communiste demande au ministre de l'Intérieur si le fait que Dexter Gordon est noir n'est pas le motif réel du comportement des autorités françaises, comme paraît le confirmer le fait que, selon l'International Herald Tribune, un policier a confié à l'artiste, alors retenu dans les locaux de l'aéroport, que son chef était un raciste (2 juillet). • CODE ET XENOPHOBIE. Dans un communiqué, le MRAP considère que «d'une manière générale, dans le climat actuel, un débat parlementaire sur le code de nationalité ne s'impose pas et qu'il risque de favoriser les campagnes xénophobes ». Si le projet était déposé par le gouvernement, le MRAP estime, en ce qui concerne l'accès à la nationalité française des enfants de parents étrangers, que ces enfants «doivent exercer librement le choix de leur nationalité ». (6 juillet). • MINUTE CONDAMNE. La première chambre du tribunal de grande instance de Paris condamne l'hebdomadaire Minute à verser à Mme Françoise Oussekine, soeur de Malik Oussekine, 100 000 F de dommages-intérêts pour atteinte à sa vie privée dans un article paru le 19 mars dans cet hebdomadaire (6 juillet). constitué par des personnalités. Ce Comité souhaite « prendre à témoin l'opinion ». «Cette affaire ne doit pas être enterrée, ce serait permettre à l'institution militaire de se placer au-dessus des lois et de la justice. » (8 juillet). • MAIRE ANTISEMITE. Nouvel épisode dans l'affaire du président autrichien Kurt Waldheim. Le maire adjoint de Linz, la troisième ville d'Autriche, adresse au président du Congrès juif mondial la déclaration suivante: «Vous vous comportez (à l'égard de Kurt Waldheim) comme vos coreligionnaires qui, il y a deux mille ans, ont condamné le Christ à mort à l'issue d'un simulacre de procès, parce qu'il se mettait en travers du chemin des puissants de Jérusalem. » (9 juillet). • DIALOGUE. Des opposants sud-africains blancs et une «délégation de l'ANC aux pouvoirs importants» se rencontrent à Dakar au cours d'un colloque in- . ternational sur les droits de l'homme en Afrique du Sud (9 au 12 juillet). • L'AMBASSADEUR DE L'APARTHEID. Neuf députés (3 RPR, 3 UDF et 3 du Front national) rentrent d'un séjour en Afrique du Sud où ils avaient été invités par les racistes de Pretoria. Ils tiennent des propos scandaleux. Ils ne craignent pas d'affirmer, entre autres, que l'apartheid n'existe plus, que Botha et son équipe font merveille et que le jeune coopérant français Pierre-André Albertini, emprisonné là-bas pour avoir refusé d'être un délateur, n'est en réalité qu'un terroriste (11 juillet). 6 ans. Le -tribunal avait estimé que les faits constituant des mutilations devaient être jugés par une Cour d'assises. Vraisemblablement, le parquet va engager une procédure criminelle. La peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité (12 juillet). • RENCONTRE. L'agence soviétique T ASS annonce l'arrivée en Israël d'une délégation consulaire dirigée par Engueni Antipov, chef adjoint de la direction consulaire au ministère soviétique des Affaires étrangères. Elle rencontrera des officiels israé- ' liens pour «régler des questions techniques consulaires relatives au séjour de citoyens soviétiques en Israël (14 juillet). • TOURNEE DES PLAGES. Jean-Marie Le Pen entame sa tournée des plages qui se révélera un bide. Elle sera émaillée de contre-manifestations et les spectateurs ne seront pas légion. De petits « ennuis techniques » obligeront aussi Jean-Marie Le Pen à annuler plusieurs de ses prestations (15 juillet). • CROIX GAMMEE. Heinz Dieter Becker, conseiller municipal social-démocrate de Vnna, en RFA, est découvert mort, attaché à un arbre, une croix gammée épinglée sur la peau (15 juillet). • LES PIEDS DANS LE PLAT. L'un des neufs députés français, ambassadeurs de l'apartheid persiste et signe. Il estime dans une interview donnée à L'Evénement du Jeudi que les Noirs d'Afrique du Sud ne sont pas en état d'exercer leur droit de vote. Ils ne le désirent d'ailleurs pas. Ce qu'ils veulent, c'est manger et se loger. Pour pouvoir voter, il faut comprendre ce que l'on fait », ajoutetoi!. Et encore: « 95 % des Noirs ne veulent pas de cette démocratie abstraite. » Si la majorité noire prenait le pouvoir grâce au prinCipe «un homme, une voix », elle opprimerait les minorités blanche et métisse, et il s'ensuivrait «un épouvantable massacre entre les différentes ethnies» (15 juillet). • REGINE S'EN VA. La chanteuse Régine dépose symboliquement l'enseigne du cabaret le New Jimmy's qu'elle possède à Saint-Tropez, pour protester contre la présence dans cette ville de Jean-Marie Le Pen qui en a fait une étape de son tour des plages. Elle explique sa décision par la volonté de marquer le coup contre les idées développées par le Front national (17 . juillet). • NOUVEAUX CHARTERS. Dans une interview accordée à L'Express, M. Pandraud déclare que « le gouvernement français aura de nouveau recours à l'organisation de vols de charters pour expulser de France des immigrés clandestins » (17 juillet). • BOUCHE COUSUE. Le docteur François Bachelot, député du Front national déclare: « Jean-Marie Le Pen ne parlera plus du SIDA» (20 juillet). • LA MAISON D'IZIEU. J acques Chirac répond favorablement à la proposition qui lui a été faite le 3 juin par André Lajoinie pour que la maison d'Izieu (Ain) où 44 enfants juifs ont été arrêtés par la Gestapo, puis conduits à la mort, devienne un musée (22 juillet). • PESTIFERE. M. Edgar Faure, président du parti radical valoisien affirme

«M. Le Pen est

un homme, citoyen français comme les autres. Il ne doit pas être traité comme un pestiféré.» (22 juillet). • FEU SUR L'EVEQUE. La droite se déchaîne contre Mg Gaillot, à la suite de sa visite à Pierre-André Albertini dans sa prison du Ciskei (23 juillet). • INTERLOCUTEUR VALABLE • Lors de sa visite au sanc- • EXCISION. La cour tuaire de Lourdes, Jeand'appel de Paris Marie Le Pen, devant confirme un jugement les réticences du clergé, du tribunal correc- proclame: «C'est à tionnel qui s'était dé- Dieu que je m'adresse, • COMITE. A la suite de daré incompétent pour pas à ses intermél'affaire du lycée mi li- juger un couple malien diaires ... »(23juillet). 0 taire d'Aix-en-Pro- poursuivi pour avoir exvence, un Comité pour cisé ses six fillettes agées Agenda réalisé par Il ~la~V!ér~i~té~et~la~J'~u~s~ti~ce~e~st~~d~e~q~U~e~l~q~U:e~s~m~o~i~s~à17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)~~ _________~ R~O~8~ER~T~P,CharlesCJ Différences - no70 - Septembre 1987 LA REUNION: DES HAUTS ET DES BAS « La Réunion, j'aime ton nom », une affiche pleine de végétation tropicale et de jeunes Créoles en fleurs, qu'on a vu pousser sur les murs de nos grises villes. Image du paradis tropical où les peuples des « Hauts », les montagnes, et des « Bas », le littoral, vivent ensemble une parfaite entente. « Oui, c'est vrai, on cohabite, mais on ne se mélange pas. »La réalité est plus nuancée ... Les Réunionnais, très fiers de leur île-mosaïque, vantent d'abord leur communauté heureuse """'..:.. ~ pour reconnaître ensuite que tout ne

, va pas pour le mieux.
«

i Il Il UN GRAND ZANBROCAL Le riz, les haricots, la viande mijotent ensemble, c'est le grand melting-pot réunionnais. Dans les vitrines des épiceries- bazars essaimées le long des routes de montagne et invariablement tenues par des Chinois, les statues en plâtre de la Vierge côtoient de plantureux Bouddhas en céramique et des masques multicolores de Ganesha. D'ailleurs, l'image la plus communément utilisée pour évoquer le melting-pot réunionnais, c'est celle du zanbroca1, plat pour la composition duquel on fait mijoter ensemble le riz, les légumes secs (ou grains) et la viande. Chaque élément s'y imprègne des autres tout en gardant sa saveur propre. Les Réunionnais aiment à décrire leur pays comme une terre préservée des conflits raciaux (l'Afrique du Sud, vis-à-vis géographique de l'île, contribue certainement à accentuer cette impression) et après s'être longtemps cherchés à travers les différentes influences culturelles qui s'y mêlent, définissent désormais leur identité comme un tout qui serait plus que la somme des « parties ethniques» qui le composent. Distinguer les origines des habitants de la Réunion est donc chose difficile, en raison à la fois des métissages et de la prudente réserve des recensements quant aux questions portant sur l'identification des ethnies. Mais on estime généralement que, environ 50 % des 550 000 Réunionnais ont leurs racines en Afrique orientale ou à Madagascar. Selon leur couleur, entre café noir et cappuccino, on les appelle cafres ou créoles. Les Blancs, quant à eux, représentent un cinquième de la population, qu'il s'agisse de Blancs-pays ou de Zoreilles venus de la métropole, au gré des mutations administratives. Les malabars, Indiens tamouls pour la plupart, originaires de la région de Madras et des comptoirs français, qui ont remplacé les esclaves affranchis dans les champs de canne à sucre, constituent eux aussi 20 % environ de la population. Les autres habitants se répartissent entre les nombreuses autres minorités ethniques et religieuses, minorités par le nombre, mais qui n'en jouent pas moins un rôle fondamental dans l'économie de l'île. Ainsi, les Chinois (environ 4 % de la population), Cantonnais le plus souvent et les Zarabes, Indiens musulmans (eux aussi environ 4 %) de la population, jouent un rôle primordial dans les échanges commerciaux. S'y ajoutent enfin les Comoriens, eux aussi musulmans, qui ont fui leur pays lorsqu'il a accédé à • l'indépendance. Sur le terrain de foot improvisé au pied des HLM, entre deux bidonvilles où ses cousins élèvent quelques poules, c'est lui « le roi Pelé ». Alain, comme la plupart de ses copains cafres, tue le temps en tapant dans un ballon pour oublier qu'il pointe au chômage après être sorti de l'école à 16 ans. Il habite chez sa mère, dans un appartement délabré des faubourgs de Saint-Denis et confie, pas vraiment triste, mais fataliste depuis longtemps: « j'ai un I_ ______________________________________fr_èr_e_ h_an_d_ic_ap_é_, _on_ _vi_t s_u_r _le_s _al_lo_ca_ti_on_s_ e_t _su_r_ le_ s_a_la~ ire de ma mère qui fait la cuisine dans un collège. Nous sommes cinq enfants, les deux plus petits vont encore à l'école. Ma soeur aînée reste à la maison pour s'occuper de mon frère, et moi j'attends d'entrer en stage pour obtenir un CAP de plombier. Je ne sais pas si ça me permettra de trouver un emploi, mais au moins je serai payé pendant ma formation. » Laurence, venue rendre visite à ses parents hauts-fonctionnaires métropolitains, à la fin de sa première année de droit international à Paris, ne voit pas l'avenir de la même façon. Elle vient de s'inscrire au club de surf créé récemment sur la plage de Boucan-Canot, où s'empilent tous les estivants et porte avec ostentation les attributs de sa caste: débardeur rose fluo et short roulé avec les indispensables lunettes noires et la tignasse blonde décolorée par l'air marin. « La Réunion, je m'y ennuyais un peu avant. Mais maintenant, je suis très contente d'y revenir en vacances. Ici, c'est mieux, j'ai un tas de copains et nous sommes très soudés, la mentalité des "Zoreilles" change beaucoup quand ils se retrouvent loin de chez eux. On ne trouve pas du tout cette indifférence qui règne à Paris. Je me sens bien plus proche de mes amis de la Réunion que de ma famille de Paris. Alors, même si mes parents sont mutés ailleurs, je crois que j'essaierai d'ouvrir mon cabinet à Saint-Denis. » Les couches sociales de la population réunionnaise correspondent étroitement aux différents groupes ethniques qui la composent et gardent l'empreinte de l'histoire Différences - n070 - Septembre 1987 de chacune de ces communautés depuis son arrivée sur l'île. Si les descendants des Africains et des Malgaches amenés par vagues successives, d'abord pour peupler l'île Bourbon, puis pour développer son agriculture, se retrouvent, dans leur ensemble, manoeuvres ou chercheurs d'emploi, en revanche, les Zoreilles, qui représentent à peine plus de 4 % de la population, occupent plus de la moitié des postes d'encadrement supérieur, tant dans le secteur public que privé et 40 % des professions libérales. Seuls 6,6 % d'entre eux sont touchés par le chômage, alors que son taux avoisine 35 % de la population active. De même, ceux que l'on appelle grands Blancs et qui sont nés au pays constituent encore une bonne partie de la classe possédante et des catégories socioprofessionnelles les plus élevées. Leurs superbes résidences, blanches maisons coloniales aux varangues cachées derrière les massifs d'hibiscus, se sont transmises de génération en génération, même si l'usine sucrière familiale a dû être fermée pour raisons économiques, la canne étant durement concurrencée sur le marché européen par la betterave et sur le marché local par la production de pays à main d'oeuvre moins coûteuse, tels que l'île Maurice. Les Petits Blants se SIInl partagéS de maigres lopins de telle, là où perSllnne ne voulail aller, dans les drllues des Hauts. En revanche, les Petits Blancs des Hauts, ces descendants de flibustiers et de paysans français venus depuis le XVIIe siècle pour tenter leur chance sur « l'île Bourbon» n'ont pas connu le même sort. Relégués dans les cirques auxquels on n'accède, comme à Mafate, qu'à pied ou en hélicoptère, ils se sont partagés de maigres lopins des terres dont les grands planteurs ne voulaient pas. Et plutôt que de travailler pour ces derniers et de se mélanger aux esclaves, ils ont préféré se replier sur eux-mêmes, contraints à l'endogamie, longtemps privés d'alphabétisation et souvent décimés par l'alcoolisme. Dans cette famille de l'Ilet-à-Cordes (un des villages les plus isolés en montagne où l'on accédait encore il y a quelques années que par des ponts de corde), le grand-père avait pris l'habitude de se faire servir ses petits verres de rhum par ses deux petites-filles âgées respectivement de quatre et six ans, leur proposant à chaque fois d'en boire un peu. Geneviève n'a pas résisté à ce traitement et a dû être transportée d'urgence à l'hôpital à la suite d'un diagnostic de coma éthylique. Il faut préciser que, dans cette famille de six personnes, les revenus, exclusivement composés d'allocations diverses, étaient aux trois-quarts consacrés à l'achat du rhum. Un tel fait divers publié dans la presse locale n'étonne plus vraiment. D'ailleurs, à votre arrivée à la Réunion, on vous prévient: «Ici, il n'existe aucun animal dangereux ou mortel, à l'exclusion de l'homme saoul. » Bien loin de ces problèmes, les Indiens tamouls et musulmans ont conservé des traditions strictes, à l'inverse des .autres communautés. Hindous originaires, non pas de la côte malabre, mais de Pondichéry, Madras et du Bengale, les Malabars, enrôlés de gré ou de force pour cultiver la canne après la défection des esclaves affranchis, ont cherché à préserver les rites tamouls en les enrichissant « à la réunionnaise» pour en faire une religion bien spécifique. Temples polychromes, saris safran ou coquelicot des femmes, végétarisme et marche sur le feu en sont les expressions les plus vivaces, maintenant que sont abandonnés progressivement les sacrifices d'animaux, boucs et coqs. Après une période de vingt jours de préparation intensive faite de carême, d'abstinence et de méditation, les Malabars célèbrent, au rythme des tambours, autour du tapis de braises ardentes que l'on foule par trois fois pour se purifier, le culte de la déesse Pandialé. Comme d'autres cérémonies telles que la fête de Kali ou le Cavadec avec les mortifications rituelles que s'infligent les pénitents en s'enfonçant des dizaines d'aiguilles d'argent dans la peau et la langue. Cet impressionnant spectacle fait entièrement partie intégrante de l'imagerie réunionnaise. Les Tamouls sont restés concentrés massivement dans les régions sucrières, mais ils accèdent de plus en plus aux professions libérales où ils se signalent par de belles réussites. A l'inverse, les Indiens musulmans ont investi les rues commerçantes des plus grandes villes. Autour des mosquées, s'alignent leurs échoppes de vêtements et meubles discount, de pièces détachées et d'électro-ménager, dont les vitrines débordantes, balafrées d'affiches oranges proposent des offres toujours plus alléchantes. lluand on va ; l'épicetie du villlge pout, "oovet mul pftlduil imaginable, on cou" chez le Chinois. Riaz, vingt -cinq ans, fine moustache, parfum de vétyver discret et élégance italienne, prendra bientôt, avec ses frères, la succession de son père à la tête de la chaîne de garages qu'il a montée tout seul. Soucieux d'en faire une entreprise modèle, Riaz a choisi d'étudier la gestion commerciale tout en continuant à vendre des BMW pendant ses périodes de stage en entreprise. Musulman sunnite, un peu tiraillé entre Orient et Occident, il fait néanmoins quelques concessions à la religion, car il ressent fortement son appartenance au groupe des Zarabes. « Nous ne sommes pas très aimés. C'est sans doute une forme de jalousie, car les Zarabes détiennent 38 % de l'économie réunionnaise. Mais nous travaillons dur. » De même, les Chinois, d'origine cantonnaise le plus souvent, détiennent une bonne partie du commerce de détail et de l'import-export. Quand on va à l'épicerie du village pour y trouver tout produit imaginable (et s'il n'existe pas en stock, le commerçant fera des pieds et des mains pour vous le procurer), on dit: « je vais chez le Chinois ». Moins repliés sur leur communauté et plus insérés dans le tissu social, les Chinois, à peine plus de 5 000 à leur arrivée, comptaient cinq hommes pour une femme, ce qui les a poussés à se « créoliser ». Convertis au catholicisme, ils continuent néanmoins à tenter de préserver un vague souvenir du bouddhisme dans des pagodes resplendissantes dues à la générosité des membres les plus riches de cette communauté. Larvées mais bien réelles, les tensions raciales ont la vie dure. Les antagonismes séculaires ' se perpétuent dans la composition sociale de la Réunion et les classes dominantes suscitent l'envie, tandis qu'elles se préservent au maximum des contacts avec le reste de la population. Les Zoreilles, les Grands Blancs, les Zarabes vivent en vase clos. Les habitants blancs des Hauts, par la force de leur isolement, perpétuent une descendance blonde aux yeux bleus. Les Tamouls n'apprécient pas que leurs enfants s'unissent avec des créoles, même s'ils ont suivi ensemc~ '~" ~ ~ ~ L-______________________________ ~ LA CREOLE CHANGE DE POLE « Méchant Zoreille, pourquoi es-tu parti en me laissant toute seule?» Carte postale réunionnaise. Sous la légende, une Malabaraise triste regarde s'éloigner un paquebot. A la Réunion, le syndrome de Madame Butterfly n'est pas mort. Rêve d'amour glorieux en métropole, inceste dans les cases : les femmes en ont marre et réagissent. Même si la carte postale doit dater d'une vingtaine d'années, si le port de la Pointe aux Galets n'a plus du tout le même aspect et si les paquebots ont été remplacés par les avions, la relation avec un Zoreille reste un must, pour certaines jeunes femmes réunionnaises. Ainsi Joséphine, 18 ans, a tout lâché: case, parents, petites soeurs, pour enfourcher la moto d'un jeune éducateur corrézien en mal de tranches de vie. Argent fini, il est reparti en métropole se faire aider par papa-maman. Et Joséphine est revenue à son village. Un peu penaude, elle qui avait fièrement promené son Zoreille; mais il n'y a pas de dégâts majeurs, elle n'est pas enceinte. Le théâtre Vollard, né à la Réunion avec une troupe presque entièrement locale, crée des pièces liées à la .. réalité réunionnaise. Co1andie est l'histoire d'une orpheline iii (suite p. 42) qui rêve d'un avenir glorieux en métropole. Elle répond à ble les cours de cathéchisme. L-________________________ ~ _ ~ _____________________________ ~ ) ) une petite annonce matrimoniale émanant d'un colonel métropolitain. Et se retrouve en France, sous un climat gris, enchaînée au fauteuil roulant d'un sous-officier à la retraite, invalide et aveugle. Ces petites annonces rencontent encore du succès et de nombreuses Réunionnaises, désireuses d'échapper à leur case dans les Hauts ou aux HLM de la banlieue de Saint-Denis viennent épouser des cultivateurs que l'exode agricole a privé de compagnes. « Oui, ça existe encore, mais il y a d'autres tendances et les femmes réunionnaises commencent à se prendre en main. » Isabelle est née dans le Sud, l'une des régions les plus belles et les plus âpres de l'île, non loin du Piton de la Fournaise et de sa mer des Sables. A dix-huit ans, elle est partie en métropole avec son fils. Quelques années plus tard, employée de l'Etat, elle a voulu retrouver son île, son lieu de vie privilégié. Un corps de danseuse, une magnifique chevelure noire striée d'argent, ses sourcils en antenne de papillon, les yeux relevés vers les tempes suggèrent davantage une ascendance persane ou indienne que celle des premiers colons de l'île qui sont ses ancêtres. «Je ne veux pas adopter un rythme de vie réunionnais, je garde celui de Paris.» Après ses huit heures de travail, elle investit Saint-Denis. Isabelle contribue à la diffusion du livre réunionnais, appartient au Centre de recherches indianocéaniques, prépare une exposition sur les femmes de Différences - no70 - Septembre 1987 l'océan Indien, coordonne un groupe de travail sur ce sujet. Elle écrit des poèmes et des romans, organise des festivals pour les enfants et les poètes. «Nous ne sommes pas passées, nous, par un mouvement féministe, trop lointain de nos perspectives. Mais une prise de conscience se fait. En avril dernier, les femmes de Saint-Denis ont manifesté contre le viol... et par là contre l'inceste. » Isabelle connaît bien la situation des Réunionnais pauvres. Les enfants faits pour percevoir les allocations familiales, l'inceste dans les cases isolées et surpeuplées, les drames d'un alcoolisme entretenu pour abêtir les plus défavorisés (le litre de rhum vaut 20 F à la Réunion). Les accidents de la route, les meurtres, les violences dus à l'alcoolisme font journellement la « une » des deux quotidiens locaux. « Quand je retourne à la Réunion, dit Thérèse, le père de mon enfant de six ans me demande de rester avec lui, de l'épouser. Il me fait la cour. » Malabaraise secrétaire à Paris, Thérèse y est arrivée depuis quatre ans. «Mais moi, je n'en ai pas envie. j'ai mon travail, ma maison. Et puis, cet homme, je ne le connais presque plus. C'est un incident de mon adolescence. » Autrefois, le catholicisme aidant, le mariage était un élément essentiel de la vie réunionnaise. Contrairement aux Antilles, il y avait peu de naissances illégitimes et de mères chef de famille. Depuis, la situation a changé. La (suite page 42) fi Il UN EVEQUE DANS LA MOUSSON Mgr Aubry: « Il ne faut pas confondre cu Itu re et race et religion. On peut être tamoul et chrétien sans être hindou. » Ni robe violette ni même habit sacerdotal, Nous sommes loin de Rome. Une veste saharienne donne à Gilbert Aubry un air militaire, accentué par sa haute stature, le teint hâlé, le regard bleu et droit L'évêque de la Réunion est un homme aimé et controversé. Aimé pour sa simplicité, son efficacité, sa présence, son talent littéraù:e, Pour sa foi qu'on sent absolue et sincère, Mais ses prises de position publiques, ses interventions parfois brutales ne plaisent pas toujours à tout le monde, Dans le panier de crabes politique qu'est la Réunion, il entretient de bonnes relations avec les élus de la majorité, aussi bien qu'avec l'opposition. Il travaille en bonne entente avec le Conseil général de droite tout en se prononçant publiquement, au nom de l'Eglise réunionnaise, sur les risques que peut comporter la politique de migration promue par celui-ci. Il est président de la section locale d'Amnesty International. Mais il a fait - au mois de mars dernier - peindre en noir les affiches publicitaires trop osées de l'île, à la manière de la reine Victoria. Il nous a reçus à l'évêché de Saint-Denis, une maison coloniale aux pièces blanches et au mobilier dépouillé, et nous a déclaré, au cours de notre entretien: « Il faut respirer tonique, humain, Il y en a ras-le-bol des lobbies qui veulent se faire du fric sur le dos de la société. » Düférences : A entendre certaines instances ou associations soucieuses de promouvoir l'image de la Réunion, celle-ci serait une sorte de paradis où toutes les commu~ nautés ethniques vivent ensemble sans frictions. Quelle est votre opinion à ce sujet? Mgr Aubry : Il n'y a pas dans le monde de vie paradisiaque, et l'île de la Réunion n'est pas un paradis. Cette île, qui était déserte à ses origines et qui a été peuplée par des personnes venues de tous les coins du monde a une histoire bien particulière, D'une part par le rôle joué par la France et, d'autre part, par l'apport original du christianisme, Derrière tout cela, à travers plus de trois cents ans d'expérience, nous avons appris mieux qu'à coexister, à partager notre vie ensemble, Il n'y a qu'une seule communauté réunionnaise, Il n'yen a pas trente-six, Nous avons en commun le sol, le climat, un imaginaire façonné par notre histoire, par le volcan, les raz-de-marée, les cyclones, une nature titanesque, qui n'est pas la douceur paradisiaque, Nous sommes dans une île violente, Parce qu'il nous a fallu vivre ensemble, nous avons appris à vivre ensemble, à nous accepter différents, à bâtir notre unique communauté réunionnaise, La France a joué un rôle très important. A part le MIR (qui est un tout petit groupe), tous les Réunionnais veulent rester et se disent français, même si l'appartenance à la République peut se moduler, Düférences : Pouztant, la culture tamoul, celle des Chinois ou des Blancs des Hauts ne sont-elles pas si différentes qu'elles peuvent paraître inconciliables? Mgr Aubry: Il ne faut pas confondre culture et race et religion, On peut être profondément tamoul et profondément chrétien sans être hindou, En Inde, la communauté catholique est très vivante. Les catholiques de la communauté chrétienne ne sont pas hindous. Il sont profondément indiens. Du point de vue de la Réunion, la situation est plus complexe. Il s'agit d'un hindouisme très particulier, avec des spécificités qu'on ne retrouve pratiquement plus en Inde. Jusqu'à il y a quelques années, un certain nombre de données tamouls étaient plutôt vécues sur le mode culturel. Cependant, depuis quelques temps, il y a des tendances pour affirmer que si on veut être profondément tamoul, on doit être hindou. Parce qu'on ne pourrait être tamoul sans être hindou et en étant catholique. Il est plus essentiel de trouver les points d'union que des différences qui pourraient entraîner une opposition. Donc, pour des groupes qui assument leur histoire et la situent dans une histoire plus vaste, l'Eglise constitue un lien privilégié pour promouvoir une dynamique. Ainsi, il y a des groupes de Chinois qui se réunissent depuis trois ans pour des messes bien « typées», S'exprimant comme ils l'entendent et avec un culte des ancêtres présidé par un patriarche de leur communauté. Pendant le reste de l'année, ils se retrouvent avec l'ensemble de la population catholique, ils participent aux activités humaines et ecclésiales, Du côté indien, il y a des groupes moins avancés, mais en construction et en devenir, Pour nous, il ne s'agit pas de voir les différences comme un obstacle, mais comme une richesse qui fait appel à l'ensemble, PETIT LEXIQUE Blancs-pays. « Petits" ou « grands ", ils sont à la Réunion depuis des générations. La Réunion est le paradis de la géné~ogie et les mêmes noms: Hoarau ou Hoareau, Paye t, Fontame, Vergès, Dijoux ... désignent la presque totalité de cette population. Cafre. Réunionnais d'origine malgache ou d'Afrique de l'Est. Dans les Hauts, à la campagne, il a sa case et vit d'agriculture et de petits tl·avaux. A Saint-Denis, à Saint-Pierre, les deux grandes villes de l'île, il habite souvent en HLM, ouvrier ou chômeur. Conscient de son statut d'ancien esclave, ressent profondément les clivages sociaux qui continuent à peser sur sa communauté. Créole. Adjectif fourre-tout. Vu pour le reste du monde, il désigne toute personne née à la Réunion et mangeant créole, ·définit les usages locaux et la langue. Vu pour l'intérieur, il désigne souvent, comme un nom commun, la population cafre ou métissée. Manger créole. Du riz et encore du riz ... Du piment, pâté-pot (purée) ou rougail (haché) accompagnée d'échalote, d'ail, citron ou gingembre. Poulet, porc, poissons locaux-bichiques, cardinal-camarons (gambas) et un apport indien, le rnassalé (épices) nappé sur le cabri ou bien les caris variés. Et encore et toujours grains (légumes secs et riz cuit à la vapeur). Malaban; ou Malban;. Indiens dravidiens, tamouls. De tradition hindouiste, les rites observés sont caractéristiques de la Réunion. Cela ne les empêche pas de pratiquer simultanément et avec un égal bonheur la religion catholique. Ils sont les derniers arrivés - après l'abolition de l'esclavage - du travail de la canne. Hauts. Partie intérieure de l'île, escarpée, montagneuse, volcanique, par opposition à la bande côtière. Cirques volcaniques inaccessibles ou pentes douces, plaines en hauteur, fertiles ou désertiques. Grands Blancs. Quelques familles souvent nobles, aux noms prestigieux. Exemple: les Kerveguen qui possèdent une bonne partie de l'île. Les enfants suivent leurs études universitaires en France, parfois avec de brillants résultats (R. Barre). Une caste fermée que l'on ne fréquente pas sans introduction. Petits Blancs. «Blancs-pays" pauvres ou moins riches. Défavorisés par le morcellement des terres, l'abolition de l'esclavage, se sont retirés dans les cirques. Endogamie, difficultés d'instruction dues à la mauvaise accessibilité. Ceux qui repartent en ville connaissent une évolution difficile. Varangue. Véranda ouverte, en avancée, qui orne les cases les plus humbles comme les plus belles maisons coloniales. Z'arabes ou Zarabes. Indiens musulmans. Leur installation à la Réunion est récente. Ils se sont rendus maîtres de la vie économique. De mosquée en ramadan, de sunnites en chiites, les seuls Réunionnais à ne pas avoir été évangélisés et à ne pas se proclamer catholiques. Z'oreille ou Zoreille. Blanc né en métropole. Il occupe un poste de cadre supérieur, public ou privé. Peut-être aussi commerçant à Saint-Denis. Perçoit 40 % de son salaire en prime d'éloignement, quelle que soit sa fonction dans le secteur public. Lotissement et piscine ou appartement de standing à Saint-Denis ... Repartira en métropole. Z'oréole ou Zoréole. C'est un Zoreille qui vit avec une Créole. Mange créole. A souvent quitté une femme française (le nombre des séductrices créoles est impressionnant). Certaines d'entre elles restent à la Réunion, appuyées par le milieu zoreille. Le Zoréole ne repartira pas en métropole (sauf repentir). 0 Cela suppose que les différents leaders soient en contact les uns avec les autres et soucieux de construire les diverses communautés, Dans une optique religieuse et non pas raciale, Parce que c'est uniquement dans le respect des différences que cela est réel et possible, D S. G. ~~ ____ Charles __ Charles 17 janvier 2012 à 13:56 (UTC)ro;p;o:s~re:c:ue:il:li:s:pa:r~S:U:SAN:N:~~G:1:LL:/~JEI Différences - no70 - Septembre 1987 UN TRESOR AFRICAIN A PARIS Guiré Yacouba sculpte des statues en bronze. En direct de Ouaga. L statuai" africaine off" un catalogue vivant des sociétés précoloniales. Travaillant divers matériaux comme le bois, le fer ou le bronze (selon la technique de la cire perdue), les très anomymes artistes africains nous parlent à travers les siècles et transmettent un véritable trésor de beauté. Jusqu'au 3 octobre se tient à Paris une exposition consacrée à la sculpture des grands empires africains précoloniaux (1). Les figurines en terre cuite, vieilles de plus de mille ans, côtoient les bronzes du XV' siècle, tandis que les splendides cavaliers de Djenné (2) du XIV' siècle imposent leur force et leur fascination. L'émotion gagne le profane comme le spécialiste devant cet art dont l'Europe ne soupçonne généralement même pas l'existence et dont l'Afrique n'a qu'une idée vague. Pourtant, la statuaire africaine continue d'exister et de vivre. Même si, malheureusement, la «culture» touristique a favorisé dans les grandes villes la prolifération médiocre et standardisée. A Ouagadougou, qui accueillera fin octobre le l Salon international de l'artisanat, nous avons rencontré un jeune sculpteur sur bronze, Guiré Yacouba. Guiré vit et travaille à Niongsin, le quartier traditionnel des bijoutiers du Mogho Naba (3), le roi des Mossis (ethnie majoritaire du Burkina-Faso). Les propos que nous avons recueillis révèlent l'originalité d'un artiste-artisan qui se refuse précisément à travailler uniquement pour «gagner de l'argent ». Narcissique, comme tous les artistes du monde, Guiré Yacouba rêve de créer du neuf, « comme Picasso », dit-il le plus tranquillement du monde, et ... d'exposer un Différences: Guiré, bon nombre de tes sculptures représentent des femmes dans un style très réaliste ou abstrait, plus sobre. Les femmes t'inspirent-elles donc plus que les hommes? Guiré Yacouba : Si tu regardes bien, tu vois que la femme fait plus de choses que l'homme. L'homme est plus limité dans ses actions. Si on parle de travail, on peut beaucoup s'inspirer du corps de l'homme, mais si on parle de la vie, c'est la femme. La femme fait la vie. Dans notre pays même, on se rend bien compte qu'on peut être président pour tout un peuple, mais pour sa propre femme, on est un simple mari. Le président Sankara a dit dans un discours que les femmes ne doivent plus se maquiller avec des produits étrangers et nous, on voit bien que sa femme continue de se parfumer avec des produits de l'étranger. Et puis, surtout, le corps de la femme est plein de courbes et de mouvement. Quand tu fais le modelage pour construire une sculpture, le plus important, c'est justement de donner un mouvement à l'être que tu fabriques. C'est le plus difficile et la femme aide l'artiste à imaginer des mouvements nouveaux. Différences: Comment es-tu devenu sculpteur? G.Y. : C'est par mon papa. D'abord, j'ai été à l'école jusqu'à la 5e du secondaire. Le papa avait trop de charges. Il fallait payer 60 000 F CFA (1) par an, il n'y arrivait pas. Un jour, il m'a dit qu'il me fallait chercher du travail. J'ai dit d'accord, je veux faire le bronze comme toi. jour à Paris. L'interview que nous Différences: Ton père pratiquait-il la publions montre également la richesse et sculpture sur bronze depuis toujours? la poésie d'un jeune homme dont la G.Y.: Non, mais nous appartenons à la façon de vivre et de penser est à la fois caste des bijoutiers du Mogho Naba qui lointaine et proche de nous. travaillent depuis toujours l'or et l'argent. Mon grand-père était un artiste( 1) AethiopÛl, vestiges de gloire, musée Drapper, 50, avenue Victor-Hugo, Paris. Tous les jours sauf potier. Un jour, il a dit aux autres le dimanche, de 11 à 19 heures. bijoutiers: «Pourquoi ne faites-vous (2) Actuel Mali. que des bijoux, il faut faire aussi des (3) Dont le pouvoir spirituel et religieux existe statuettes.» Je crois que les bijoutiers toujours sans l'exploitation économique de ses sujets, sérieusement entamée depuis la prise de de notre caste se sont désintéressés de IIZI L-______________________________~ Po_ U_v_oi_r_p_ar_l_e_c_ap_i_ta_in_e_S_a_nk_a_r_a,_I_e_4_a_ou_'t_l_9_83_. __1_ a_s_t_at_u_e_t_te _p_ a_r_c_e _q u_e_ _n_ o_m_b_r_e_ _d_ 'e_n_t_re~ eux avaient été islamisés et c'était devenu un péché que de représenter des êtres humains. On croyait que, un jour, l'un d'entre eux pouvait être habité par le diable et qu'il pourrait leur donner la vie et rivaliser avec Dieu... Certains bijoutiers ont commencé à réaliser des statuettes. Et puis, en 1941, le gouverneur général français a demandé à ceux-là de faire un concours. Mon père a gagné ce concours de statuettes en bronze. Mais il était très jeune et les vieux n'étaient pas d'accord pour que ce soit lui qui parte en Côte-d'Ivoire au centre artisanal d'Abidjan. Comme c'était le gouverneur qui commandait, il est quand même parti. Il s'est perfectionné là-bas et après, il a vécu de son travail de bronzier. Différences : Tu es bien obligé de vendre pour gagner ta vie, alors, comment t'y prends-tu ? Tu vas voir les touristes, tu vends au marché ou dans les boutiques ? G.Y. : Je ne peux pas vendre au marché ou dans les boutiques. Parce que je consacre beaucoup plus de travail à mes statuettes que les autres bronziers et donc, je suis obligé de les Ivendre plus cher. Je n'accepte pas de bazarder mes oeuvres, je préfère, dans ces cas-là, les offrir en cadeau. En 1983, quand a été organisée la première semaine nationale de la culture, j'ai exposé certaines de mes oeuvres et, depuis, il y a eu régulièrement des gens qui sont venus me voir pour me demander de leur reproduire telle ou telle sculpture qu'ils ont vue. Mais moi, je n'aime pas refaire la même chose, alors je leur propose autre chose. Après, j'ai exposé à plusieurs reprises. Et depuis, je travaille essentiellement avec les ambassadeurs et des personnalités comme le directeur de « Air Afrique » (2) qui m'a commandé, en décembre dernier, une cinquantaine de statuettes. C'était un bon marché qui m'a rapporté un peu d'argent mais, tu vois, j'ai tellement de personnes à ma charge, avec la maman qui a été malade, que je dépense très vite l'argent que j'ai gagné. Ce qui fait que je ne peux jamais garder des oeuvres pour moi. Et en plus, quand j'ai des commandes, je suis obligé de demander une avance pour acheter le matériel dont j'ai besoin. Différences: Tu as obtenu en 1986 le prix de la CEA 0 (3). Comment cela s'est-il passé ? G.Y. : C'est très simple: il y a eu un concours lancé par voix de presse et par la radio. On demandait de faire une sculpture qui représente justement la CEAO. Moi, j'ai figuré les divers représentants des pays membres de la sous-région autour d'une colline. Ils étaient ainsi réunis pour soulever en- Différences - no70 - Septembre 1987 semble la colline et pouvoir semer ensemble pour récolter les vivres que nous souhaitons avoir en plus grande quantité. J'ai entendu à la radio que j'avais été retenu. Ce qui fait que j'ai été présenté aux présidents Houphouët et Sankara. Différences: Alors, tu as été félicité par ton président ? G.Y. : Oui, et Houphouët a demandé à Sankara s'il me connaissait et lui a dit que non. Alors, à mon tour, j'ai dit que je ne le connaissais pas. Les autres m'ont demandé pourquoi. Je leur ai répondu: «Pourquoi le président ne connaît pas son artiste? » Et le président a dit qu'il ne m'a jamais rencontré. Je lui ai expliqué : «Pour vous voir, camarade Président, c'est très difficile, il faut demander des audiences, revenir plusieurs fois. »Parce que j'avais essayé de le voir après qu'on m'a rapporté que le président voulait bien aider les artistes qui veulent travailler et qui ne font pas que demander de l'argent. « Je n'accepte pas de bazarder mes oeuvres, je préfère, dans ces cas-là, les offrir en cadeau. » Différences: Parmi tes clients, en-dehors des personnalités que tu as citées, y a-t-il des Africains, et notamment des Burkinabè? G.Y.: Non, très rarement. Les Burkinabè des villes préfèrent acheter des produits qui viennent de l'étranger. Si vous prenez deux bracelets en or, l'un fait au Burkina et l'autre en France, aux Etats-Unis ou en Italie, le Burkinabè va préférer celui qui vient d'ailleurs. Au Burkina, on doit apprendre aux gens à aimer ce qui se produit chez eux. Il faut une civilisation totale. Je n'aime pas toutes les critiques qu'on me fait. Certains disent: «La jambe est comme ceci, elle devrait être comme cela », ou bien: «Le cou est trop long », je n'accepte pas ça, parce que, si on me dit ça et que j'applique tout ce que me dit celui qui commande la statuette, je ne suis plus un artiste. D'autres voudraient que l'on fasse les mêmes sculptures que celles que créent les artistes français. Ce n'est pas bon, car on n'a pas la même culture. Pourtant, à mon avis, on peut être burkinabè et le meilleur modeleur du monde. Différences: Ton père est musulman et ta mère chrétienne. Comment vis-tu cette double culture religieuse ? G. Y .. Je vais te dire franchement : la religion ne m'intéresse pas. La maman m'a donné le prénom Jean et le papa le prénom Yacouba, mais moi, je préfère rester dans la culture. Je ne vais même pas aux funérailles. Si je me déplace pour des cérémonies, c'est pour étudier les mouvements des danseurs et discuter avec les vieux pour comprendre le sens de telle ou telle danse, de telle ou telle parole que je ne comprends pas. Mais si on me réveille pour la prière, je dis : « Va faire ta prière en paix, moi, je n'ai rien fait, je ne vois pas pourquoi Dieu va me punir. » Quand certains disent: « Tu es le fils de Satan », je réponds: «D'accord, mais toi, es-tu Dieu pour connaître ce genre de fils ? » Différences: Je sais que tu as très envie de visiter la France; qu'est-ce qui t'attire dans ce pays ? G.Y. : J'ai lu des livres et des articles de journaux qui disent qu'il y a en France beaucoup d'endroits où l'on peut exposer ses oeuvres. Et aussi que tous les grands artistes, comme Picasso et les surréalistes, qui ont été, en France, se faire connaître. Mais des amis français m'ont dit que, là-bas, il y a beaucoup de Français qui ne veulent pas voir les Noirs chez eux. Moi, je ne crois pas à cela, peut-être qu'ils n'aiment pas les Africains quand ils ne sont pas valeureux. Les Ousmane Sembène et les Senghor vont en France quand ils veulent, ils peuvent même devenir français. Chez nous, si tu es français et que tu es valeureux, tu peux devenir burkinabè. 0 ' CHER/FA BENABOESSAOOK (1) 1 200 FF. (2) Compagnie africaine inter-étatique. (3) Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest. COMMENT SAUVER LE CINEMA FRANÇAIS ? • av,"Z vos yeux et vos oreilles' partout, on ne parle que de crise du cinéma français et de consternation du mo~de artistique qui contemple la baisse tendancielle de la fréquentation des salles. On dit qu'une sensibilisation et mobilisation s'imposent. Plusieurs questions ont été posées dernièrement au comité examinant en profondeur le problème de cette nouvelle crise du cinéma ; la commission, après de longues délibérations, a donné les réponses suivantes : « Cette baisse est due à la surabondance des chaînes de télévision nationales, des chaînes privées et surtout à la multipication des vidéos, sans oublier l'usure plus rapide des films nationaux par la télévÏ!ion, etc. » Bien évidemment, la commission a proposé des remèdes : la mise en oeuvre de la modernisation des salles et une grande opération nationale. Ce changement est lumineux pour certains, mais il n'est pas près de rétablir le Majid Mizzouri, jeune comédien d'origine maghrébine, a une solution . filmer la différence. Un plaidoyer« pro domo » qui ne manque pas de pertinence. potentiel ' des entrées en salle. Une amélioration technique et esthétique permettra simplement un meilleur confort, mais n'entraînera aucunement un retour massif du public en salle. Il s'avère, aujourd'hui, qu'on traverse une crise économique et les questions se posent toujours au regard des difficultés et des défis du grand concurrent, les Etats-Unis. Nonobstant cette crise énorme, les Américains, en permanence, battent tous les records. Pourtant, il faut se rendre à l'évidence: eux aussi subissent un développement technique considérable au niveau médiatique, qui est plus important que le nôtre et largement plus ancien. Il n'empêche que les entrées dans les salles sont toujours en hausse. On lisait dernièrement, dans un magazine consacré au cinéma, l'article suivant: « Tous les records battus en mars 1987 aux Etats-Unis, 21 % de spectateurs de plus que l'an dernier et une hausse corollaire de 26 % des recettes.» On attend chez nous le remède miracle qui nous ferait suivre cet exemple. Et si la réussite américaine était tout simplement due à leur utilisation ingénieuse des différences? La multiplication des couleurs, des races, des cultures offre au continent américain toutes les ouvertures possibles et donne à ses oeuvres une personnalité particulière qui les rend facilement exportables. Cette tactique permet de couvrir le monde entier qui, répétons-le aux producteurs français , n'est pas seulement constitué d'un seul , et unique public. Cette bigarrure, les Américains l'expérimentent et l'utilisent suffisamment en colorant leurs sujets, sans pour autant cantonner une race dans un emploi particulier. Tout artiste, noir ou blanc, est considéré au même titre. Seul le talent l'emporte. Les Américains sontils moins racistes que les Européens? Non, mais dans le monde artistique des Etats-Unis, les sentiments personnels n'entrent pas en ligne de compte dans le domaine professionnel. C'est ce qu'on appelle des pros. En France, nous avons les moyens de faire renaître le cinéma. Il faut simplement qu'il range dans ses tiroirs ses préjugés et utilise, comme ça se fait si bien dans le sport et la musique, les multiples races. Leurs présences dans le milieu artistique sera la clé de son développement et de son économie. A l'extérieur, une distribution bigarrée sera décisive pour l'exportation, surtout dans les pays francophones. Mais aussi, en France même, il faut pr~ndre en compte cette nouvelle génération, grande consommatrice de cinéma et qui veut du changement, désire une transformation culturelle. S'enrichir des différences, donner un nouveau look au cinéma français , ne peut que relever le patrimoine et lui permettre une meilleure exportation et un retour des entrées en salles. important dans la musique et le sport. Le talent et le dynamisme sont reconnus quand ils sont jugés et approuvés sans distinction. La fidélité du public donne la preuve incontestable de l'amour consacré bien évidemment aux vedettes de musique et de sport, qu'elles soient noires ou blanches. Jugez-en vous-même, on traverse une crise du cinéma, mais le sport et la musique restent intacts. Le jeu nai1 de l'amateur ~r, . act~ellement, s'il y a quelques dlstnbutIOns de rôles pour des comédiens de couleur, ce n'est que pour les cantonner dans les figurations les plus médiocres, en faire des bouche-trous. Continuer comme cela , c ' est condamner le cinéma aux yeux du public. Il faut le dire, on frôle l'apocalypse du cinéma français si l'on n'arrête pas de tromper les spectateurs, de les submerger, de les abrutir sans scrupule à grands coups de comédiens dépourvus de talent qui ne sont là que parce qu'ils ont .une b~lle gueule. C'est du non-professIOnnahsme. Stanislavski, maître incontesté de l'art dramatique, disait: « Tout acteur usant de son charme et de son physique se remet entièrement au jeu naif d'amateur, il reste raide, sans émotions, en faisant complètement confiance à son physique, il reste inanimé. » Disons plutôt: «Stop à ce travail d'amateur, stop à ce sectarisme, stop à ce cf!nformisme, stop à cette régresSlOn. » Ne condamnons pas notre cinéma, il peut et doit mieux faire. Une révolution du marché international est à portée de nous, surtout avec les atouts 9ue possède la Fr~nce, qui est susceptible de tourner d'mnombrables sujets permettant une création cosmo- Des couleurs polite sans cantonner ses acteurs de dans les images couleur à des rôles précis, autrement dit sans chercher à cataloguer « un Noir », La France est une nation riche de «un Jaune » , « un Arabe ». C oton, prison, Café, terroristes, Richesse, sécheresse '" on n'imagine pas la vie d'un paysan au Pérou! Jouez le jeu : mettez-vous à sa place, Décidez de ce que vous voulez cultiver. Mais attention le climat, vous ne le choisisse~ pas, Et des tas d'imprévus vont surgir, Le but du jeu est de gérer au mieux votre exploitation, de faire vivre votre famille et - si possible -de vous enrichir. Le Tiers-Mondopoly se joue à partir de 12 ans, de 2 à 6 joueurs, Tout en s'amusant, en calculant, en prenant des risques, on apprend des tas de choses sur le Tiers-Monde, C'est un jeu de société vraiment nouveau, Et vraiment passionnant Bulletin de commande : Je commande '" exemplaire(s) du jeu Tiers-Mondopoly au prix de 179 FF (franco de port) Nom : ,, ' . . ' . ' " ' .'"", , . , Rue : Localité : """", . ' . ".',,' . '. Code postal: , , , , , , , , , , , , , , , . , . A remplir et à retourner au Collectif Tiers-Monde de Poitiers, rue des Trois Rois 23, 86000 Poitiers, cultur~s qui a une longue histoire, bien Balayons ces préjugés dénués de tout plus Importante que l'Amérique. Sa fondement. Il faut bien se rendre à mosaïque, son cosmopolitisme, voire l'évidence qu'un acteur symbolisant une son colonialisme, sont des phénonènes origine ou une nation donne l'avantage séculaires, sans oublier les Dom-Tom et le plaisir à son public de s'identifier à qui offrent énormément d'histoires et lui ou de jouir du contraste et de la de couleurs qui pourraient enrichir nos culture qu'il peut apporter. Les Amérisujets et un vivier d'artistes qui, actuel- cains ont su se servir de Bruce Lee lement, ne peuvent subsister dans notre O~~r Sharif, Anthony Quinn, Sidney monde cinématographique et théâtral. POltIer, Harry Belafonte, Yul Brynner, L'~rrivée de futurs artistes «origi- Maurice Chevalier. Sans parler de la naIres », MM. les scénaristes, roman- nouvelle génération, des Eddy Murphy ~~ers ~t ~crivains ne peut qu'exciter et autres, et des immigrés italiens IlmagmatIOn et donner plus d'intérêt à d'aujourd'hui qui déferlent sur les la lecture et à l'image. Un nouveau écrans américains. Pourquoi les Franbond en avant, déjà démontré par les çais l'ignorent-ils? D ~st~a~rs~d~e~co;U~lneur~q~U~i:thie~n~n~e~n7t_u_n_ _ro_ ~l_e __________________ ~M.~~J:'D~M:E.:ZlOU:R~/ __~ ::::::::::::::C:i-:jO:in:t:r:èg:l:em::en:t~ III Différences - na70 - Septembre 1987 Il DIEU BENISSE LEUR PETIT COEUR ... Charlie, solitaire éperdu dans la banlieue noire de Los Angeles: Bluesy Drearn, en français : Dieu bénisse leur petit coeur, sort dans les salles. Une histoire de chômage, de gheHo, d'Amérique. Billy Woodberry, IQ réalisateur, parle. 1·1 1 1 1·1 1 1 1·1 1 1 1·1 1 Réalisé en 1980 au prix d'innombrables difficultés, Bluesy Dream, le premier long métrage de Billy Woodberry, ne nous parvient qu'aujourd'hui sur les écrans français (1). Malgré les ans, le film n'a rien perdu de sa force et de sa poésie, donc de son actualité. Bluesy Dream nous plonge dans l'univers quotidien du monde ouvrier noir américain. Point d'images misérabilistes pourtant, encore moins de musique de rue ou de rythmes à la mode. Bluesy Dream, c'est la chronique d'une vie banale brisée d'un coup par la perte d'un emploi: celle de Charlie, à partir du jour où il devient chômeur. dans le ghetto de Watts, l'immense banlieue noire de Los Angeles, Charlie va traîner son incompréhension du monde, qu'il s'agisse de ses relations avec sa femme et ses enfants, ou de ses amitiés faites de parties de cartes et de mauvais alcools. La quête, de plus en plus inutile, d'un nouveau travail, va agir comme révélateur de son échec. Ce qu'il y a de passionnant dans le film de Billy Woodberry, c'est la mise en forme de l'univers dans lequel s'installe son personnage : la redéfinition de sa relation à l'espace urbain. La ville n'est plus la ville, elle est le lieu de la tristesse et de l'absence d'espoir. Charlie se déplace dans les rues de Watts comme le ferait un amoureux transi qui ne verrait rien que l'absence de l'autre, de sa raison de vivre. Charlie trouve sa vie complètement inconsistante; pire, il réalise qu'elle le fut toujours. La double relation de Charlie à son univers familial (toujours filmé en intérieur) et à sa propre solitude est traduite par Billy Woodberry avec une sobriété et un sens du dépouillement si juste qu'ils confèrent au film une beauté intense. Pourtant, l'ensemble du film baigné dans une poésie douce-amère comme si le fait de pouvoir évoquer un tel univers brisé prenait valeur d'exorcisme pour la communauté noire dont, à l'évidence, le réalisateur se sent complètement solidaire. Longtemps après la fin du film, restent les images, restent ces musiques magnifiques et tristes. Il faut chercher du côté du blues pour retrouver une telle pureté. 0 JEAN-PIERRE GARCIA (1) Il a, au passage, changé de nom j son titre original était Bless Their Little Hearts. 1 1·1 1 1 1·1 1 1 1·1 1 1 1·1 Différences: Dans le scénario, il y a deux lignes: une ligne sociale, sur le chômage, sur le travail et une autre sur la vie de cet homme et de sa famille. Il semble que, à la fin du film, ces deux lignes convergent. Billy Woodberry: Effectivement, au début, il esaye d'évaluer sa vie et il se dit que son problème fondamental, c'est celui de choisir ce que va être sa vie, c'est en quelque sorte un problème qui relève de la foi. Un choix entre les choses réelles, celles qu'il faut faire, gagner de l'argent pour vivre, les choses banales et celles qu'il estime spirituelles. Tout au long du film, le développement de ce processus de pensée va fonctionner comme un défi : comment assumer sa spiritualité quand il ne peut plus assurer à sa famille ce qui relève de l'ordre matériel et ce, du fait du chômage. ... Je suis originaire du Texas, de la campagne. Puis j'ai grandi dans une grande ville du Texas et je ne l'ai quittée que pour aller à l'université. Le scénariste Charles Burnett, lui, est originaire du Mississipi. Le Mississipi est un endroit où se trouvent de multiples plantations, c'est un lieu essentiel au coeur des Noirs américains. Charles a commencé à vivre à Watts à l'âge de huit ans. C'est dire que, pour lui, le ghetto est un monde qu'il connaît intimement, celui où il a grandi, connu ses premières amours ... ·Pour moi; Watts représente quelque chose de différent, parce qu'il s'est agi d'un choix conscient dans mon développement intellectuel. J'ai choisi de m'identifier avec cette classe particulière et sa réalité. Dans ma jeunesse, j'ai essayé dans mon engagement de travailler avec les gens de ce quartier. A Watts, il y a une grande usine de pneus. J'évoque cela parce que, à un moment dans le film, le personnage passe devant une usine abandonnée. C'est en fait un endroit célèbre, c'est l'usine Goodyear. Elle a été construite après la Première Guerre mondiale et représente une espèce d'industrie originelle dans la ville. Beaucoup de Noirs voulaient y travailler parce que, sans avoir fait d'études, ils pouvaient gagner un bon salaire (en travaillant dur) et faire vivre leur famille et prendre un peu de bon temps pendant le week-end. Une grande partie de la vie communautaire du quartier était basée là-bas ... Le film parle un peu de ces temps comme perdus dans un rêve. J'ai voulu faire un film sur mes relations avec ces gens ( ... ) Les problèmes de cet homme, le chômage et tout le reste, ne sont pas des problèmes qui lui sont spécifiques. On les rencontre partout et même en France. Tout en m'identifiant à ce personnage particulier, un chômeur noir dans le ghetto de Watts, j'ai apporté cette analyse plus générale. « A Watts, il y a une usine de pneus, c'est en fait un endroit célèbre, c'est l'usine Goodyear, une espèce d'industrie originelle dans la ville. » Et quand on fait ce genre de démarche, il en ressort toujours quelque chose pour soi, quelque chose que l'on avait probablement perdu. C'est aussi pour cela que je n'ai pas voulu réaliser un film simpliste, un film sur des problèmes, mais plutôt un film sur des gens, sur leurs sentiments, leurs émotions. J'ai essayé de faire passer toutes mes idées à l'aune de la réalité pour ne pas imposer de fausses solutions. Différences : La musique est particulièrement importante dans le film, elle rythme tout et, en même temps, apporte la distance nécessaire. Quelle est son origine? B. W. : La musique provient essentiellement de deux disques d'Archie Shepp. Il y a aussi une chanson très particulière d'Esther Philips, Lost in a Dream. Choisir cette chanson était très spécial, puisque Esther Philips l'a écrite quand elle était très jeune, elle n'avait que quinze ou seize ans. Originaire de Houston au Texas, elle est venue vivre à Los Angeles. Même si cette chanson peut être interprétée comme une simple chanson d'amour, elle est aussi très spécifique de ce monde, de ces gens qui ont quitté la Louisiane, le Texas, pour s'installer à Los Angeles avec l'idée, le rêve que la vie y serait meilleure. C'est une idée très courante dans le «rêve américain ~~, mais tout cela, en fin de compte, n'est qu'un rêve qui vire au cauchemar. .. 0 Propos recueillis par JEAN-PIERRE GARCIA et GILLES LAPREVOTTE Traduction: ODILE PINSSON CHARLIE, UN HEROS QUI SE DEPLACE DANS LES RUES COMME UN AMOUREUX TRANSI, INCONSISTANJ Différences - na70 - Septembre 1987 Il El AGENDA 1 au 19, à l'espace !Grou à Paris, la compagnie Astrakan présente « Concours de circonstances », un spectacle de danse entrecoupé de f ilms.. Rens. au 43.73.50.25. 2· vernissage au centre culturel canadien de Paris d'une exposition internationale d'artistes francophones, mê lant des artistes suisses, français et canadiens, dont Pieqe Blanchette, Andriana Cavalettiet John Armleder. Connexwns 87, jusqu'au 20 septembre. Rens. au centre culturel, 5, rue de Constantine, 75007 Paris. 4 le magasin Printemps~ • . I:laussmann se met à J'b~ure anglaise et învite à la découverte de la Grande-Bretagne. Mode, eXpos de tableaux et de photos. 6 fin du d ixième festival du . cinéma des minor ités nationales à Douarnenez, consacré cette année aux peuples de l'Arctique. Un panorama est prévu pour les dix ans de festival, plus UR hommage au comédien douarneniste Noël Roquevert. Rens. au 98.92.97.23. KOB. Une équipe issue de l'immigration, à laquelle se sont joints sept Français, travaille depuis plusieurs mois à la création d'un journal d'annonces gratuites distribué dans les communautés issues de l'immigration etfaisant appel à des annonceurs de ces mêmes milieux: associations, artisans, commerçants, spectacles, agences de voyage, etc. Outre les annonces, le journal comptera un espace d'informations, de rencontres et de solidarité pour les actions immédiates. Parution hebdomadaire à 120 000 exemplaires. Le projet est désormais sur pied, des organismes officiels ont apporté leur soutien. Les organisateurs de KOB ont besoin néanmoins d'appuis :financiers, moraux, publicitaires ou matériels. Vous pouvez les aider par un don ou par l'apport d'une compétence (édition, journalisme, communication, vente et distribution de journaux). Tout renseignement auprès de Mamadou Dia, (1) 48.61.38.94. Faire parvenir les dons à KOB, compte n' 04566967740, Caisse d'épargne écureuil de Paris, 25 bis, boulevard Diderot, 75012 Paris. B LOC-NOTE s YVES THORAVAL RABAT/MO/NA : Ni au Maroc, ni en Arabie, mais à Malte, conquête des Chevaliers très chrétiens du même nom, une ville où l'on parle à l'ombreet c'est bien la seule sur cet austère et pourtant souriant rocher porte-avion. A quelques encablures de la Sicile et de la Tunisie, de somptueuses églises baroques, une jolie langue sémitique très proche de l'arabe mâtinée d'italien et d'anglais - catholicisme fervent et ex-empire britannique obligent. C'est Mdina, l'ancienne capitale de l'île, qui accueillait cette année la deuxième session de l'université euro- arabe d'été (UEAE). Une ville orgueilleuse et quelque peu espagnole derrière ses murailles, tout ocre, comme la pierre l'est seulement dans ce pays, mettant riches et pauvres sur le même plan, et où les moucharabiehs orientales en bois sont devenues des gallerias vitrées. Une île étrange qui rappelle toujours quelque chose ailleurs, Chypre, le Levant, mais pas le Maghreb proche: de toute façon ce qui frappe ici, c'est une personnalité forte, indéfinissable, celle d'un carrefour unique où se sont succédé, de mémoire historique, Phéniciens, Grecs, Romains, Carthaginois, Byzantins, Arabes, Espagnols, Normands, Angevins, Français, Anglais ... Le nom d'« université » ne doit pas cacher qu'il s'agit, selon les voeux de ses promoteurs, Mohammed Aziza, diplomate et écrivain tunisien, Xavière Ulysse, et Paul Balta, journaliste, non d'une structure en dur, avec sa lourdeur et son coût faramineux, mais d'une «universitécoopérative », d'une «medersa. de rêve» où la déambulation nournt la maïeutique, une utopie, devenue réalité, du poète Chams Nadir (alias Mohammed Aziza). Le principe en est simple : un pays (et ils sont nombreux à être intéressés par le projet), prend en charge l'organisation matérielle des rencontres, cependant que tous les intervenants viennent aux frais de leur institution ou à leur propre compte, pour un forfait des plus raisonnables (1). Cette année, plus de six cents personnes, d'une vingtaine de nationalités, avec une prépondérance écrasante de francophones de France et du Maghreb, ont participé à cette session. La très active Fondation pour les études internationales de La Valette (2) a été le maître d'oeuvre de la fête avec l'appui enthousiast~ d'un gouvernement maltais, pas trop mécontent d'échapper .à un « dialogue» malto-arabe quasI UnIquement mené avec la voisine et entreprenante Libye ... Levons tout de suite une ambiguïté : 1'« université» n'a rien d'universitaire, ni d'un colloque de plus pour privilégiés, puisqu'elle se passe n'importe ?Ù, par exemple, à Malte dans la FondatIOn Luther King, sur le bord de la mer, l'ancien mess des officiers de l'Empire, où, deux jours durant des peintres, céramistes, architectes maltais, marocains, libanais, français, iraniens, italiens ont fait part de leur expérience à un large public, avec pour bouquet final, l'exécution collective par Qotbi (Maroc), Caruana et Micallef (Malte), Rougemont, Van Lith et Miotte (France), Nahlé (Liban), Langlois (Argentine) d'une superbe et immense toile collective, baptisée au vin blanc local, le Lacryma Vitis, par toute l'assistance et offerte au musée de La Valette. Rencontres et dialogue serait un titre plus approprié pour rendre compte de cette deuxième session de l'UEAE à l'ombre des altières murailles de Rabat/ Mdina couvertes de lauriers roses. Car, comment qualifier autrement ce dialogue ininterrompu et libre entre le peintre maltais Micallef avec un sp~cialiste du développement agronomique de Montpellier et une tisserande lissière de Lyon? Ou bien celui de V.E. Chagal, spécialiste de la littérature arabe à Moscou prenant contact avec l'écrivain tunisien A. Meddeb pour traduire ses oeuvres en russe, ou de 1. Kobori, spécialiste de la civilisation islamique à Tokyo, ébloui par l'art du peintre et calligraphe iranien Hossein Zenderoudi (Paris), ou de C. Butterworth traducteur d'Avicenne à Harvard se passionnant pour les voyageurs français en Orient au 19" siècle, tels que' les décrivait Denise Brahimi (Paris), J. Huré (Mulhouse) ou W. Bouzar (Alger) ? Et puis, dire l'immense séduction de Céres Wissa Wassef (Le Caire-Paris) qui à près de 70 ans parlait avec passion de l'oeuvre d'architecte de son frère, un pionnier avec Hassan Fathy de l'architecture de terre, ici l'objet d'un vaste et passionnant débat avec Van Lith (Uzés), céramiste, peintre, architecte, engagé dans plusieurs projets de développement dans le tiers monde, dans la foulée de la magnifique exposition du même nom au centre Pompidou, présentée avec brio par son auteur J. Dethiers, qui a quasiment à lui seul relancé ce matériau dans le monde entier. Et puis, il fallait voir les réactions du public maltais lorsque Youssef Chahine a présenté son Adieu Bonaparte, Bonaparte qui, sur le chemin de l'Egypte avait conquis Malte sans coup férir pour libérer les Maltais de l'oppression obscurantiste des chevaliers catholiques et. .. les avait dépouillés de l'or de leurs églises pour financer son projet! On l'aura compris, cette fréquentation courtoise d'Européens et d'Arabes n'avait pas pour but de ressasser les éternels griefs ou les béni-oui-ouismes habituels dans nombre de confrontations de ce type ; mais plutôt, comme le prône Aziza, «de casser la lourde gestion de la chose culturelle » comme nombre d'organismes officiels (Unesco compris, c'est mon point de vue) nous ont trop habitués à l'envisager. Et cela sous le signe de l'Andalousie, qui se prépare à édifier, à Grenade, une université euro-arabe en dur, une Andalousie qui a vu une réelle convivialité culturelle judéo-islamo-chrétienne (qu'il ne faut toutefois pas trop mysthifier) dans le passé. Cette technique inédite du dialogue, réunir dans un lieu significatif et beau des gens de partout, librement, pour le simple plaisir de partager un savoir, une expérience, un art de vivre, en particulier venus de pays où la liberté d'expression et même tout simplement de mouvement, est loin d'être la règle, a fait ses preuves lors de sa première session à Carthage-Hammamet en 1986. Cette année, elle a permis la découverte d'un pays très « personnel» qui tente de sortir de son statut de petite île lointaine mais cependant convoitée. En 1988, la troisième UEAE se tiendra à Bologne, alma-mater des universités européennes, avant, sans doute, Toulouse et Grenade les années suivantes. Différences - no70 - Septembre 1987 Il faut soutenir cette rencontre d'Ulysse et de Sindbad, qui annule les frontières et le poids des Etats. C'est une urgence car, comme le souligne Paul Balta: « Au tournant du XXI' siècle, la façade sud de la Méditerranée comptera 300 millions d'habitants .. . Peut-on imaginer que le destin des 600 millions d'Euro-Arabes ne se croise pas autour de la Méditerranée, à la fois mare nostrum et mater nostra ? » 0 Yves THORA VAL UEAE. Renseignements-inscriptions: 30, rue René Boulanger, 75010 Paris. (1) Par exemple cette année : une semaine ParisParis, avion, pension complète, toutes les activités, les ateliers: 2 500 F et tarif dégressif pour les autres semaines. Une possibilité à étudier pour ne pas 4( bronzer idiot ". (2) Fondation pour les études internationales, University of Malta, St-Paul's Street, La Valette, Malte. BIBLIOGRAPHIE D. Brahimi, Arabes des lumières et bédouins r011Ulntiques (Le Sycomore). G. de Boschère, Sédiments (Granit) . E. Errera, Isabelle Eberhardt (Actes-Sud) . M. Aziza, L'I11Ulge et l'Islam (A. Michel). Chems Nadir, L'Astrolabe de la mer (Stock) . P. Balta, lamil Hamoudi (ADEIAO/Sindbad) . A. Meddeb, PhantasÛl (Sindbad). C. Dagher, Poétique arabe moderne, Le livre du désir, (Toubqal, Maroc). Cinémaction, Les Cinémas arabes (Le Cerf). Architectures de Terre (Ed. centre Pompidou). Juan Vernet, Ce que la culture doit aux Arabes d'Espagne (Sindbad). T. Cabral, Le Passeur du Silence (Ed. La Découverte) . A.M. De/cambre, L'Evolution du droit de la terre à Malte, à paraître. N. Saudray, Dieu est-il gentilhomme? (Le Seuil). W. Bouzar, Les fleuves ont toujours deux rives (Enal, Alger). Ceres Wissa Wassef, L'Egypte (Hatier). H. Zenderoudi, illustrateur de : Le livre des célébrations, par Chems Nadir (Publisud). Mehdi Qotbi, illustrateur de Michel Butor, André Miquel, Adonis, Senghor, Guillevic, Naim Kattan, etc. Les chrétiens de culture arabe, leurs traditions, leurs manières de vivre et d'exprimer leur foi. Un livre-témoignage pour mieux comprendre ces chrétiens souvent victimes des remous de l'histoire. Hors coll . . 208 pages . 98 F Il Trente-cinq ans après l'invention du terme par Alfred Sauvy, plus de vingt ans après les premières indépendances, dix ans après le début de la crise économique mondiale, il est temps de faire le point sur ce tiers monde dont la diversité bien souvent se manifeste plus que son unité. La plupart des « critères » retenus il y a plus de trente ans pour le définir sont aujourd'hui largement contestés par les faits. De même, les théories économiques « explicatives » du sous-développement ne permettent guère de comprendre l'évolution de ces sociétés, et exigent une complète redéfinition. Celle-ci suppose à la fois une ouverture sur d'autres disciplines et une réoganisation des concepts et outils théoriques élaborés dans et pour les sociétés industrielles. L'Etat du tiers monde, créé à l'initiative du CFCF (Comité français contre la faim) et les Editions La Découverte, est le fruit d'une concertation entre experts, militants d'ONG, journalistes ~ialisés sur le tiers monde, etc. fi se veut autant une aruilyse de ce tiers monde pluriel qu'un instrument facilitant les solidarités internationales. Ce livre collectif a été coordonné par Elio Comarin:, journaliste à Libération, puis au Matin, travaillant actuellement au Centre de formation des journalistes. i9 francs. Une co-édition La Découverte/CFCF. COSMOPOLITES M u s Q u E s CONJONCTURE. Hilarion: avec un prénom pareil, allez donc vous faire un nom! Et puis, le physique! Petit gros, genre pot à tabac, la cinquantaine bien tapée, une casquette à la parisienne, la large cravate années 1950, voilà donc Hilarion Nguema, auteur-compositeur camerounais. Son album, Crise économique, est un petit chef-d'oeuvre de naïveté bien placée, où l'Afrique innocente nous rappelle qu'elle a aussi son opinion sur les choses de la vie. Le disque commence par traiter de la Conjoncture " « Si j'avais fait de bonnes études en langue française (rythme endiablé) comme Sedar SenghorlJe saurais peut-être/Si je savais parler français comme Aimé CésairelJe saurais peutêtre l'explication du mot conjoncture/ Conjoncture (le choeur)/Conjoncture (les cuivres)/Crise économique/ C'est la sécheresse des banques » ... Tout ça pour expliquer que le FMI exagère et qu'il n'a pas de sous pour payer le café à son ami. Puis vient la chanson d'amour

« Je perds tout espoir, tu me dis,'

attends, mais dix ans, ça fait long. » Bref, Hilarion nous attache mine de rien. Drôle et tendre en cadence. D Crise économique, Hilarion Nguema. Sonodisc. Jean-Jacques Gaston; CARAïBES. Voilà une jolie bande, celle d'Henri Debs. Lui, Henri, sort un disque avec Max Simon pour fêter ses trente ans de chanson. Rien d'original, mais ce sont des pros de la musique antillaise, ça balance, c'est bien léché. Henri Debs produit aussi. Des groupes de la Guadeloupe comme Expérience 7, de la famille des zoukeurs (Zouk Machine, Tanya Saint-Val), plus linéaires que leur maître Kassav' (valeur confirmée dans leur double album Live), mais qui réussissent bien à faire danser quand même. Plus mélo et solitaire, Jean-Jacques Gaston roule des Différences - n070 - Septembre 1987 mécaniques devant des bagnoles flambantes neuves sur la pochette de son dernier album. Dans l'île d'en face , le jeune Tony Chasseur que l'on avait vu sur la scène parisienne avec Simon Jurad, look Michael Jackson et intelligence «Princière » joue la carte du Dansé soleil, zouk toujours, mitonné de style crooner. Du charme, mais pas encore la force des grands. Il se profile ici une nouvelle génération de chanteurs antillais, qui, très soucieux de professionnalisme et d'un retour aux sources affirmant l'originalité de leur musique, ont envie de percer sur le marché national et international. Le résultat est parfois trop policé, pincé. Mais les belles voix ne manquent pas : celles d'Eric Virgal, Catherine Paris ou Roseline Cyrille, soprano, qui donne la note finale de l' Hymne à la liberté, du groupe Delta, un « ton » très Malavoi, sous la houlette de Claude Césaire et Gilbert Gratiant. Enfin, il y a ceux qui prennent le train en marche. La mode étant au zouk, Michèle Maillet, ex-speakerine de télévision, sort un 45 tours, Zouké (face A), Zouké instrumental (face B). Il faut bien vivre et perdurer dans les mémoires. D APARTHEID. Bien que des parlementaires français nous assurent que l'apartheid n'existe pas, certains s'acharnent à faire des disques contre. Même les mairies s'en mêlent. Celle de BlancMesnil a produit un album militant réussi, ce qui n'est pas toujours le cas. Les groupes Diminga et Malere, Towakie et Ebonite, Pierre Meige, font de la bonne musique pour une bonne cause. D Renseignements,' mairie de BlancMesnil. Service jeunesse. Tél.,' 48.65.44.58. MIXED. Peter Gabriel ne chante plus avec Genesis depuis douze ans, et pourtant l'étiquette lui reste. Difficile de sortir d'un groupe légendaire, même si c'est pour poursuivre une carrière exemplaire. Sa tournée européenne de cet été a été unanimement applaudie et elle fut l'occasion de redécouvrir l'extrême souci de Peter Gabriel de mélanger les musiques, toutes, mais celles de l'Afrique en particulier. Youssou N'dour, la star de la chanson sénégalaise, passait en première partie avec son groupe la Super Etoile de Dakar. Tous se retrouvaient à la fin pour chanter Biko, une chanson écrite il y a longtemps par Peter Gabriel pour dénoncer le meurtre de Steve Biko en Afrique du Sud. Mélange et succès également · pour Johnny Clegg, juif anglais tôt émigré avec sa mère en Afrique du Sud. Il y jOHNNYCLEGG &SAVUKA THfRDWORLD CHlLD Johnny Clegg et son nouveau groupe. découvre la musique zoulou et fréquente ses copains noirs avec innocence. L'apartheid le rappellera à l'ordre, car les Blancs n'ont, bien sûr, pas le droit d'aller dans les endroits réservés aux Noirs. Sa mère, passionnée de culture africaine et chanteuse de jazz, le sortira des mauvais pas. Bientôt, il rencontre Sipho McHunu, «guitariste et jardinier » . Avec lui, il fonde Juluka, le premier groupe mixte sud-africain. Mixité raciale, provocatrice, mixité de la musique, rock et zoulou. Interdiction, contrôles, rafles, clandestinité: malgré tout, le succès perce et dépasse les frontières du pays de l'apartheid. En 1985, Sipho part cultiver la terre dans son Zululand natal, Johnny fonde un nouveau groupe, Savuka. Une musique qui laisse entrevoir un métissage d'après-apartheid. D So, de Peter Grabriel, Virgin. Third World Chi/d, Johnny Clegg et Savuka, EMI. CADEAU ROYAL. Les rois sont rois au royaume des rois et le Maroc en est un. Et les rois, par définition, ça ordonne par ordonnance (divine ?). Celui-là, Hassan, s'en est pris à la musique. Le Festival de Marrakech, prévu à partir du 6 juillet, fut donc annulé une semaine avant la date prévue par un décret de sa Majesté. Motif: trop d'échec au bac 1987 (11 % de reçus) , la jeunesse est corrompue, etc. Les organisteurs se sont retrouvés avec les artistes, du Brésilien Nana Vasconcelos au Sud-africain Johnny Clegg sur les bras. Et ça susurre dans les coulisses: le roi n'a-t-il pas marié sa fille à Marrakech en juin? Les quinze jours de festivités internationales données à l'occasion de cet indéniable événement historique n'auraient-elles pas vidé les caisses de l'Etat? D VERONIOUE MORTAIGNE Il Identification-adaptation SINBAD SUR LE DIVAN A Grenoble, des psychologues, des psychothérapeutes et des animateurs maghrébins ont réfléchi au thème : Langage - filiation - adaptation des Maghrébins en France. Au cours de ces journées, plusieurs modèles de psychothérapies familiales ont été présentés. Principe: permettre à une famille de s'exprimer, toutes générations confondues. Tiens, est-ce que tu connais cette histoire sémite? Quelle différence y a-t-il entre l'épicier arabe du coin et un psychiatre? Réponse: une génération. Certe, l'histoire a déjà fait carrière dans un autre folklore migratoire (la différence originelle est entre un tailleur juif et son fils psychanalyste), mais vaut aussi pour la France maghrébine. Or, donc, l'Association grenobloise de psychologues, psychothérapeutes et animateurs maghrébins (APPAM) conviait les 26, 27 et 28 juin derniers à s'interroger sur les problèmes d'ordre psychologique - individuels et collectifs - de l'adaptation des Maghrébins en France (1). On a causé agression. Agression cardinale du parent sur l'enfant; le silence sur les origines, sur la langue. Dans une intervention limpide - elles étaient rares - Jean Guyotat, psychanalyste et directeur du Laboratoire de psychologie médicale à l'université de Lyon l a présenté le cas dramatique d'une jeune femme immigrée qui allait de fausses couches en tentatives de suicide, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive qu'elle ne savait rien de sa filiation. Sans aller jusqu'à de telles extrêmités, combien de jeunes Maghrébins de la deuxième génération expriment par agressivité, échec scolaire, délinquance, la douleur d'une filiation inconnue, désavouée ou inversée. Comment, sans provoquer de troubles de la personnalité, se muer en parents de ses propres parents et/ou rompre avec ces mêmes parents quand on les sait agressés par racisme et chômage ? Smaïl Hadjaj, psychanalyste parisien, au-delà de l'effet de surprise provoqué par une épouvantable cuistrerie berbéro-Iacanienne fit une intervention fort intéressante sur le statut de la langue d'origine, intitulée modestement «Palimpseste de la mémoire ». D'où il ressort que le débout age de l'arabe comme langue maternelle et du père comme modèle culturel produisent de redoutables problèmes d'identification à la jeune génération. Pour connue qu'elle soit, cette problématique de l'exil a du mal à trouver des solutions. Non par manque de bonnes volontés - elles sont nombreuses - mais d'institutions et d'individus capables de jeter un pont entre ce que vivent réellement les Maghrébins et ce que les institutions du système éducatif, social et médical ont à leur offrir. Ce précieux rôle d'intermédiaire devrait idéalement être pris en charge par des Beurs ayant réussi leur « biculturation ». L'APPAM n'en manque pas. Cette association, créée en 1981, s'est donné pour objectif de venir en aide aux familles immigrées et aux professionnels de la santé, du travail social, de l'éducation nationale, tant par des interventions directes que par des actions de conseil et de recherche théorique. «Le travail avec ces institutions n'est pas toujours facile, commente Karim Reggad, psychothérapeute de l' APP AM. Il faut constamment se repositionner, l'idéal serait de créer des aires de transition où il serait possible de travailler, dans un contexte plus neutre. » Peut-on demander à un parent maghrébin de traiter son enfant en individu et non en « mes filles », « mes garçons », d'avoir des « projets culturels » ? Il a beaucoup été question, au cours de ces journées de culture, de personnalité maghrébine, des catégories conceptuelles créées par des professionnels, mais qui n'ont pas de sens pour les populations aidées. Tout l'art consiste donc à utiliser ces . concepts pour la théorie et à les éviter comme la peste dans la pratique. Venus de milieux ruraux, les immigrés maghrébins vivent dans un univers de tradition et de religion où des catégories telles que « culture» et « individu» n'ont pas fait irruption, comme cela a été le cas dans les sociétés occidentales modernes qui ont mis quelque deux siècles à se séculariser. .. Aussi est-ce en vain qu'un enseignant demande à un parent maghrébin de traiter son enfant en individu et non en« mes filles» ou « mes garçons », d'avoir des « projets de vie» ou des « projets culturels ». Au Maghreb, beaucoup de parents n'interviennent pas dans la scolarité de leurs enfants. Non seulement parce qu'il se peut qu'ils soient analphabètes, mais aussi parce que le maître est considéré comme tout-puissant dans son domaine

l'école. En situation d'immigration, ces comportements

perdurent, et rares sont les parents qui aident leurs enfants à faire leurs devoirs, ou même ménagent un espace réservé au travail scolaire qui ne soit pas la salle-à-manger- avec-Ia-télévision-allumée. Les voies de passage entre espaces familial et scolaire existent. Encore faut-il investir dans leur défrichement. .. Au cours d'un des ateliers consacrés à L'ethnopédagogie de l'enfant de migrant, Frida Matmati, ethnolinguiste, a fait la démonstration des infinies possibilités d'adaptation de la pédagogie du français ou des mathématiques aux référents culturels maghrébins. « La barrière de la langue peut être, dans un premier temps, brisée par une large place accordée à la gestuelle. L'accent sera mis sur les référents culturels communs aux enfants français d'origine et maghrébins. Autour de Pâques, par exemple: le poisson, la poule, l'oeuf .. » Frida Matmati n'en a pas moins choisi de cesser d'aussi fructueuses expériences. « Je n'avais aucun statut et un salaire dérisoire », explique-t-elle, résumant par là le drame de la pédagogie interculturelle en France. Ro bert B erthelier, psychothérapeute et conseiller du CEFISEM de Lyon - de loin le plus créatif - en sait quelque chose: «Nous vivons avec le présupposé idéologique mis en place par Jules Ferry, selon lequel l'unité culturelle et linguistique fonde de l'unité nationale, ce qui l'a conduit à mener en permanence une politique d'assimilation forcée aux conséquences psychopathologiques repérables. » Et en aval des dégâts occasionnés par le système scolaire, interviennent les « psy » ... Au cours de ces journées, plusieurs modèles de psychothérapies familiales ont été présentés. A commencer par celle mise au point par le Dr Abdessalem Yahyaoui, président de l'APPAM et son équipe. Son principe: permettre à une famille de s'exprimer, toutes générations confondues, devant deux psychothérapeutes, l'un maghrébin, l'autre français d'origine. La méthodologie, encore en gestation, emprunte à l'ethnopsychiatrie et aux approches familiales systémiques popularisées aux Etats-Unis et en Italie. Georgette Patriarcat, psychologue-psychothérapeute de Privas, présenta sa propre mouture, basée sur rêves et associations libres. Une sorte de parcours condensé de l'immigré d'une société traditionnelle groupale à la modernité individualiste. Il s'agit du passage, comme elle dit, de « l'illusion groupale » - se vivre ainsi est inadapté à la société d'accueil - à «l'identification culturelle» - si je réagis ainsi, c'est que je viens d'une culture particulière - pour terminer par « l'individuation biculturelle» - je suis ceci, mais aussi cela. Différences - no70 - Septembre 1987 Cela dit, ces nouvelles pratiques, en créant de nouveaux concepts, enrichissent considérablement la méthodologie analytique générale. La thérapie familiale est la forme rêvée, dans la mesure où la demande maghrébine même est familiale. Bravo Georgette Patriarcat! N'est-ce pas trop dur de porter ce nom? A propos de patriarcat, celui-ci était remarquablement représenté avec deux longues interventions sur les problèmes de stérilité et d'impuissance masculines des Maghrébins. Pas d'allusion à une possible problématique sexuelle féminine maghrébine liée à la transplantation. La femme serait-elle aussi le continent noir de Sigmund Sinbad ? Quant à l'atelier Paroles de femmes qui devait être animé par Chérifa Ben Achour, sociologue et présidente de l'association grenobloise Parfum de la terre, celui-ci fut inexplicablement annulé. En revanche, ladite association fit la cuisine pour tout le monde. Journées pleines d'enseignement, donc. Un seul reproche, mais de taille. Outre les sempiternelles querelles d'école entre psy, le jargon inénarrable de la grande majorité des communications a littéralement cloué le bec à la salle. Ecoutez un peu ce charabia : « En amont de sa scolarité, l'enfant maghrébin est requis, pour peu qu'il y ait du père, de se situer dans sa langue maternelle en tant q~e premier médiateur entré soi et l'autre.» Comment voulezvous que le « vécu» des travailleurs sociaux présents soit « interpellé» par un tel langage? Si bien que, réduite au statut d'enfant autiste, la salle a laissé les spécialistes et, qui plus est, les orateurs de la tribune, communiquer entre e~x ... Interprétation qui vaut ce qu'elle vaut: nos jeunes et inventifs psy maghrébins ne se prendraient-ils pas euxmêmes au piège de « l'hypercorrection langagière du parvenu »? Si tel est le cas, peut-on leur suggérer de se libérer de ce jargon afin de transmettre leurs indéniables savoir et créativité à tous ces gens, qui manifestement, ne demandaient qu'à apprendre et à participer? Gageons qu'ils n'y perdront pas en respectabilité scientifique et y gagneront, certes, en efficacité. D RENEE DAVID (1) Journées de réflexion «Langage, filiation, adaptation », organisées par l'APPAM (2, rue Vicat à Grenoble) et le laboratoire de psychologie clinique et pathologique de l'université de Grenoble II. bE OAbAME eentre Musulman pour l'Animation des Immigrés COURS D'ARABE ET DE FRANCAIS pour enfants et adultes Adresse: 8, rue de Tanger 75019 PARIS Tél. : 40.05.91.38 Métro: Stalingrad Il Il LUMIERES «JUIFS, Pendant des siècles, les juifs de France n'ont eu aucun des droits réservés aux sujets du Roi de France. PAS FRANÇAIS » AU XVIW siècle, le dictionnaire philosophique met son grain de sel. A l'article juif, il est écrit : « Vous ne trouverez en eux qu'un peuple ignorant et barbare. » Une fois encore, c'est la Révolution qui apportera l'égalité. vertu universelle à laquelle soumettre. 1686 : un an à peine après la Révocation de l'Edit de Nantes, Pierre Bayle, un protestant français exilé à Rotterdam, inaugure le Siècle des Lumières en publiant son Traité de tolérance universelle. Il y réclame la liberté de penser pour le « juif, païen, mahométan, romain, luthérien, calviniste, arménien, socinien ... » C'est un renversement de perspective. Le mot tolérance luimême change de sens. Il ne s'agit plus d'une concession accordée par le prince à ceux qui ne partagent pas sa foi, mais d'une chacun est invité à se Le droit divin, celui qu'a Dieu et ses mandants d'imposer la vérité, cède le pas devant un arrangement raisonnable entre hommes qui prient différemment, mais refusent de s'étriper pour quelques paragraphes dans les livres de théologie. La définition va s'affiner dans le Traité sur la tolérance écrit par Voltaire en 1763, dans la foulée de l'affaire Calas. Voltaire vient de mobiliser l'opinion philosophique contre ce crime de l'obscurantisme et Calas est réhabilité. Dans le Traité sur la tolérance, il résume la doctrine des Lumières en la matière. Le « droit naturel » a pour principe : « Ne fais pas ce que tu ne voudrais pas qu'on te fit. » Or, « on se contente à présent .. . de dire : crois, ou je t'abhorre; crois ou je te ferai tout le mal que je pourrai; monstre, tu n'as pas ma religion, tu n'as donc point de religion; il faut que tu sois en horreur à tes voisins, à ta ville, à ta province ». Cette description du droit divin est une condamnation sans appel. Le « droit de l'intolérance» est « le droit des tigres» ; il interdit la paix sociale; il nuit au bien public. C'est bien une autre France que Voltaire appelle ainsi de ses voeux. La politique religieuse de la monarchie absolue est déclarée contraire aux intérêts de l'Etat autant qu'aux préceptes de la raison. Si les huguenots sont au centre du débat sur la tolérance, ce n'est pas un hasard; ils sont les plus faciles à tolérer. Français d'origine, séparés des catholiques pour des subtilités doctrinales que raille un siècle sceptiquy, enclins à défendre la liberté de conscience par conviction comme par nécessité, souvent liés à cette bourgeoisie urbaine et libérale qui fait le public de la philosophie, les protestants bénéficieront les premiers de l'émancipation révolutionnaire. L'un d'entre eux, Rabaut de Saint-Etienne, se fait l'avocat de la tolérance à l'Assemblée constituante de 1789 : «Je demande donc, messieurs, pour les protestants français, pour tous les non-catholiques du royaume, ce que vous demandez pour vous, la liberté, légalité des droits. » Les protestants sont affranchis de toute discrimination dès le 23 décembre 1789. Mais Rabaud n'avait pas plaidé pour ses seuls corréligionnaires. Les droits égaux, il les demande également « pour ce peuple arraché de l'Asie (les juifs), toujours errant, toujours proscrit, toujours persécuté depuis plus de dix-huit siècles qui prendrait nos moeurs et nos usages, si, par nos lois, il était incorporé avec nous ». Or le «peuple arraché de l'Asie» a davantage de mal à entrer dans les catégories unificatrice de la philosophie des Lumières. Un préjugé massif et tenace refuse la qualité de Français à la nation maudite. Cantonnés dans le ghetto de Metz, errants sur les routes d'Alsace, sagement camouflés à Bordeaux, à peine présents dans la capitale, la France ne les voit quasiment jamais. Mais quand elle les rencontre, c'est à l'occasion d'un de ces rares métiers qui leur sont permis, finance, fripe, maquignonnage et qui appellent presque par nature la suspicion du client. Le voyageur qui a l'occasion de visiter un de ces quartiers où la loi les entasse, raconte horrifié la promiscuité, la crasse, les enfants livides et galeux. Comme on se doute que les juifs ne bénissent pas leurs persécuteurs, on les accuse de haine atavique à l'encontre du chrétien. Et s'ils ne se révoltent pas, c'est lâcheté et manque de nerf. Il y a des capitaines, des rois, des pays protestants. Quelle est la patrie des juifs ? Aussi éclairée soit-elle, la raison des philosophes achoppe devant ces« constatations » . Voltaire chérit la tolérance en général, mais a bien du mal à la pratiquer en particulier. Dans l'article «Juif », le plus long du Dictionnaire philosophique, il écrit : « Vous ne trouverez en eux qu'un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent. » Comment le philosophe parvient-il à accorder une telle diatribe aux impératifs de la raison ? Il ne peut, en effet, s'autoriser du vieil argument théologique refoulant le peuple déicide dans les ténèbres extérieures suite à la malédiction divine ! Les admirateurs du patriarche de Fernet font remarquer que son antijudaïsme vise d'abord les superstitions absurdes qui abondent, selon lui, dans la religion d'Israël. En quelque sorte, l'homme qui terminait toutes ses lettres par l'apostrophe anticléricale « Ecrasons l'infâme» vouerait au nom de la tolérance une haine particulière mais logique à la mère des religions. Soit! Mais retenons tout de même que le pape de l'esprit nouveau reproduit sur le mode ethnographique tous les clichés malveillants dont l'opinion du temps accable les juifs. Dans l'ensemble, les philosophes ne surmonteront pas ces préjugés. Les moins philosémites se contenteront de dire avec Voltaire : « Il ne faut pourtant pas les brûler. » Les plus engagés, comme Rabaut de Saint-Etienne, disculperont Israël de ses « vices », fruits de « notre propre barbarie et de l' humiliation à laquelle nous l'avons injustement condamné ». L'image du juif étant fixée d'après les canons ordinaires, nos rationalistes doivent expliquer, voire justifier, ces défauts. Commentant les résultats d'un concours ouvert en 1785 sur le thème : « Est-il des moyens de rendre les juifs plus heureux et plus utiles en France », l'Académie de Metz constate : « En général, tous les mémoires que nous avons reçus, à un ou deux près, accusent nos préjugés contre les juifs d'être la cause première de leurs vices, et notamment celui qui nous révolte le plus. Nous les réduisons à l'impossibilité d'être honnêtes: comment voudrions-nous qu'ils le fussent? Soyons justes envers eux pour qu'ils le deviennent envers nous, c'est le voeu de l'humanité et de tous les gens raisonnables. » La Raison rendant honneur aux emblèmes de la liberté et de l'égalité (musée historique, Lyon). L'abbé Grégoire, curé d'Emberménil et futur évêque de Blois, l'emporte en défendant cette thèse. L'homme qui fera le plus pour écarter tout racisme dans les lois de la République française (voir Différences, juin-juillet 1987) est encore marqué par le poids du préjugé. L'idée qu'il faille « régénérer les juifs » domine chez les philosémites de la période pré-révolutionnaire. Doit-on pour autant traiter par le mépris la réthorique constante des Lumières en faveur de la tolérance ? Ce serait ignorer la force des idées qui vont s'épurer dans une accélération formidable lorsque s'ébranlent les mouvements populaires qui abattront l'Ancien Régime. L'esprit critique qui caractérise le XVIIIe siècle, même lorsqu'il est encore encombré de routine et d'idées reçues, mine le respect de l'ordre établi, si profond dans l'ancienne société. De toute cette fermentation intellectuelle, la Révolution ne retient - avec quelle pureté ! - que les objectifs politiques. Elle va les traduire dans la réalité. Le pouvoir absolu est renversé. On lui substitue la liberté, la démocratie. Cela doit s'appliquer au Noir, comme au juif, comme au protestant, comme à l'écrasante majorité des Blancs Différences - no70 - Septembre 1987 catholiques. Le droit divin fait place au droit naturel et la raison impose à tous ses décrets universels. L'embrouillamini des privilèges est aboli et chacun se retrouve égal dans les droits comme dans les devoirs. Pris en charge par le mouvement populaire, les idéaux des Lumières se décantent à vive allure. En décembre 1789, Robespierre déclare encore: «Les vices des juifs naissent de l'avilissement dans lequel vous les avez plongés; ils seront bons quand ils pourront trouver quelque avantage à l'être. » Mais vite, il doute de l'existence même de ces « vices» : « On leur impute encore des vices, des préjugés, l'esprit de secte et d'intérêt, on exagère. » Les juifs de Paris avaient prévenu la critique dans une adresse à la Constituante, le 26 août 1789 : « Un objet unique domine et préoccupe nos âmes, le bien de la patrie et le désir de lui consacrer toutes nos forces. A cet égard, nous voulons ne le céder à aucun habitant en France; nous disputerons de zèle, de courage et de patriotisme avec tous les citoyens. Nous voulons même tellement nous rendre dignes de ce titre dont nous allons être revêtus; nous sommes tellement convaincus de la nécessité où sont tous les habitants d'un grand empire, de se soumettre à un plan uniforme de police et de jurisprudence que nous demandons à être soumis comme tous les Français, à la même jurisprudence, à la même police, aux mêmes tribunaux et que nous renonçons en conséquence, pour la chose publique et pour notre propre avantage, toujours subordonné à l'intérêt général, au privilège qui nous avait été accordé d'avoir des chefs particuliers tirés de notre sein et nommés par le gouvernement. » L'heure n'est pas à l'affirmation des différences ! L'accélération révolutionnaire emporte tout. Le clergé, les députés de l'Est avaient empêché que l'émancipation des juifs soit proclamée en même temps que celle des protestants. Les propos antisémites de nos grands philosophes des Lumières en disent long sur le débat actuel de la nationalité au mérite. Robespierre adoucit leurs pensées : « Les vices des juifs naissent de l'avilissement dans lequel vous les avez plongés ». Le 27 septembre 1791, les juifs de France obtiennent la totale citoyenneté. La fuite du roi à Varennes et l'effondrement de la foi monarchique qui s'ensuit balayent les dernières résistances. Le 27 septembre 1791, le représentant Regnault qui préside l'Assemblée menace: «Je demande qu'on rappelle à l'ordre tous ceux qui parleront contre cette proposition (d'émancipation), car c'est la Constitution elle-même qu'ils combattront. -, Les juifs de France obtiennent la totale citoyenneté. Selon l'expression de Clermont-Tonnerre, la loi décide de « tout accorder aux juifs comme individus » mais de tout leur refuser « comme nation ». Cela répond très exactement à l'adresse des juifs de Paris et marque un trait constant du judaïsme français jusqu'à la Seconde Guerre mondiale : nul autre privilège que les droits imprescriptibles de l'homme et du citoyen. 0 JEAN-LOUIS SAGOT-OUVAUROUX Il Différences a la bougeotte : régulièrement, nous remettons le journal en question pour mieux cerner les moyens les plus efficaces de lutter aujourd'hui contre le racisme. C'est que les temps changent, sauf, hélas, le temps de l'argent: comme toute la • Etes-vous: .sympathisant du MRAP • adhérent • militant actif • responsable local • responsable national • sans rapport avec le MRAP Il Lisez-vous Différences • entièrement • en partie • Que lisez-vous surtout (classez les rubriques de 1 à 7, par ordre de préférence) : • 1. Edito .2. Actuel .3. Dossier • 4. Cultures .5. Découvertes • 6. Histoire • 7. Services (courrier, jeux, PA) Il S'il fallait ajouter une rubrique, quelle serait-elle? Il S'il fallait supprimer une rubrique, quelle serait-elle? .. Différences vous semble surtout utile à : • l'action • l'information • la réflexion • la formation AUTOSONDAGE presse dite d'« idées» (est-ce que cela veut dire que la « grande» n'en a pas ?), Différences a des problèmes definances. Il nousfaut, en attendant la mise en place de la nouvelle formule, réduire provisoirement la pagination, dès le prochain numéro. Vous pouvez nous aider à cette mise au point en répondant massivement et rapidement au questionnaire ci-dessous, questionnaire devenu traditionnel qui nous permet, au fil des ans, de cerner vos désirs et vos besoins. Pour une fois qu'on ne vous demande pas de sous, à vos plumes! Découpez (ou photocopiez) et remplissez cette page, puis envoyez-la nous à la rédaction. Merci. • Comment utilisez-vous Différences? • en constituant vos propres dossiers • en le donnant autour de vous à des particuliers • en le donnant autour de vous à des associations • en l'utilisant lors d'interventions • simplement en le lisant Il La présentation de Différences Remarques sur l'aspect général: • sur le style: • sur la maquette : • sur la couleur : • sur le format : • sur le nombre de pages : • Les dossiers vous semblent: • bien faits • trop longs • trop théoriques • pas assez théoriques • trop courts • suggestions : • Donnez un ou plusieurs adjectifs pour Différences (pas plus de 3) • militant • théorique • technique • trop loin du quotidien • bien ancré dans le quotidien • suffisant • insuffisant • pas assez militant • Lisez-vous Droit et liberté, organe du MRAP ? Si oui, utilisez vous, dans votre pratique quotidienne • plus Différences • plus Droit et liberté • Vos impressions sur Différences Eventuellement, noms et adresse: Ton frère En juin dernier, un jeune Turc est abattu par un policier à La Chalette-surLoing. Nous avons reçu cette lettre quelques jours après: « C'est ton frère qu'on a tué, Sener. Tu habites quelque part dans le Loiret, dans une petite ville devenue, depuis quelques jours, trop célèbre. Je t'ai connu à l'école où je travaillais alors. Tu arrivais au cours préparatoire, tu entrais à la grande école, et tu étais un peu récalcitrant. Te souviens-tu de ce jour où, las de la lecture sans doute, tu avais, sous prétexte de pipi urgent, pris la clé des champs en plein après-midi pour t'en retourner à la maison ? Tu te conformais mal aux règlement, Sener. Alors, on m'avait parlé de toi : dame rééducatrice était appelée à la rescousse. Je me suis donc doctement penchée sur ton cas: gentil, poli, souriant même, tu ne m'as pas moins opposé , dans un premier temps, avec la farouche détermination de tes 6 ans, une forte hostilité. On t'a tout de même appris à lire, à écrire, et à compter. Tu t'amusais même beaucoup des dictées et des additions, simples jeux, pour toi. Mais la maîtresse se désolait, et moi avec elle: tu persévérais à commettre des fautes de français, et je persévérais à les rectifier. En pure perte, je le savais bien. Mais il fallait bien aussi que je tienne ma place. Nos entêtements se répondaient, avec cet amour que se vouent ceux qui ont reconnu en l'autre un adversaire à leur mesure. Je t'avais apporté des livres sur la Turquie. Je t'avais demandé de me parler de ta vie d'enfant turc, avec toute la sincérité de ma curiosité. D'abord, tu m'avais jeté un regard suspicieux. Puis, de temps en temps, tu me racontais quelques anecdotes. Juste quelques-unes: ça n'était pas mon affaire. Aujourd'hui, Sener, tu as les honneurs de la presse. Je te retrouve à la tête d'un cortège, parmi tes autres frères, et parmi tes copains. Tu as sept ans. Sur la photo du journal, tu es au premier plan, à ton cou, une cible est accrochée. Ton visage n'a pas changé . Heureusement, je ne te reverrai pas. Heureusement pour moi, j'aurai trop de honte et trop de peine de t'avoir demandé d'adhérer aux normes d'un monde Où tu figures en tant que gibier Différences - no70 - Septembre 1987 potentiel, de t'avoir écartelé un peu plus en te laissant croire que ce monde est prêt à t'accueillir. Quant à vous, flics flingueurs, soyez fiers de si bien savoir, d'un coup de gachette, anéantir les efforts de tous ceux qui, jour après jour, travaillent avec la volonté de donner une place à ces enfants de l'exil. » D s. V. Paris Une vie normale Je vous écris pour vous féliciter pour votre mensuel grâce auquel j'ai appris beaucoup de choses sur certains pays. Dans ces pays, on sait qu'il y a des problèmes, mais, souvent, on n'en comprend pas la cause, et on ne cherche plus à la comprendre, car c'est devenu une habitude. Ce que je regrette un peu, c'est que vous ne parliez pas suffisamment des problèmes qui existent en France. Bien sûr, les guerres, les dictatures, l'apartheid, c'est grave, très grave, mais chez nous, en France, dans ce pays où on revendique le respect des droits de l'homme plus que partout ailleurs, il y a pourtant un problème très grave: c'est le racisme, augmenté par l'indifférence ... n est dommage qu'un magazine comme Différences ou qu'un mouvement comme le MRAP soient inconnus de la plupart des gens. n faut en parler, il faut faire du bruit, SOS Racisme a réussi à se faire connaître à travers des concerts, des manifs, des badges, etc. Je suis concernée par le racisme, car je le côtoie tous les jours. En effet, je fréquente un jeune immigré algérien depuis deux ans, et c'est dur. C'est pourquoi je me bats avec d'autant plus de décision ... Toutes les portes se ferment devant lui. La première fois que nous nous sommes fait refuser l'entrée d'une boîte de nuit, j'ai, longtemps parlé avec le videur ; j'étais forte, du moins, c'est ce que je voulais qu'il croie. Mais quand je suis arrivée chez moi, j'ai pleuré de dégoût et de désespoir. Maintenant, nous n'allons plus en boîte. Nous passons nos soirées seuls dans un café ou dehors ou chez des amis (des vrais). Ni sa famille ni la mienne n'acceptent le fait que nous aimions un étranger. Le plus dur à supporter, ce qui fait le plus mal, ce sont les regards des gens, dans la rue, au cinéma, dans les cafés, n'importe où ; c'est toujours la même chose. Les insultes aussi, les amis qui vous font la morale ou qui vous laissent tomber, alors que vous attendez d'eux qu'ils vous soutiennent. On est seuls. Personne ne veut nous comprendre. Tout le monde s'en fout. Et c'est dur d'être seuls face à une mentalité générale. Mon ami, perd un peu plus d'espoir tous les jours; je le vois bien. Moi, j'en garde toujours un petit peu, mais il faut se rendre à l'évidence: les gens sont durs, injustes, dégueulasses ... Quelquefois, je me dis que si je laissais tomber Ben pour un Français, tous mes problèmes s'envoleraient. J'aurais une vie normale avec ma famille, mes amis ... Mais je n'abandonnerai jamais. C'est lui que j'aime et personne ne m'en empêchera, et je ne laisserai personne lui faire du mal. C'est un être humain, après tout. On a le droit d'avoir une vie normale et de profiter de ce que là France offre à ses habitants. De plus, avec lui, j'apprends plein de choses sur l'Algérie, ses habitants, ses traditions, ses modes de vie, sur l'Islam (moi qui ne suis pas croyante, ça ne m'empêche pas de m'intéresser. .. ). D N. R, ViennE .-------i Les Petites Annonees de "Différ--e"J,ces Un Beaujolais différent: cultivé en biodynamie. Mention «Nature et Progrès ». Doc. à René Bosse-Platière, «Les Carrières », Lucenay, 69480 Anse. Tél. 74.67.00.99. (n° 299). Faites-vous des ami(e)s, dans le monde entier comme en France, par correspondance. Documentation à : Genet International, BP 222, 75423 Paris cedex 09. (n° 300). A vendre état neuf, prix intéressants livres sur racisme, droits de l'homme, etc. Liste sur demande . Ecrire au journal qui trans. (n° 301). Plaisirs naturels et sportifs, du 13.6 au 10.10 : nombreux séjours et stages dans le Vercors (Drôme), 1 100 m. « La Sauvagine », 26410 Glandage. Tél. : 75 .21.10.06. (n° 302). Tu es objecteur de conscience? Motivé par la lutte contre la torture? Le service repro. de l' ACA T t'attend à Paris. Tél. : 43.29.88.52. (n° 303). Jeune fille, 16 ans, expenmentée cherche enfants à garder le soir ou le week-end. Tél. : 43.62.51.53 (Paris) .. (n° 304). Tarif: 25 T.T.C. la ligne (26 signes ou espaces). Texte et règlement à Différences: 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : 48.06.88.33 Les membres de la Société des amis de Différences bénéficient d'une insertion gratuite par an (maximum 5 lignes) L LJ. J 1 U __ LL--L.l_L.l~ L 1 1 1 L 1 1 1 1 1 1 L 1 I -L _L 1 I--.LJ L 1 1 1 1 III Un grand Zanbrocal (suite de la page 21) Longs cheveux noirs tressés jusqu'aux reins, Josiane, une jeune malbaraise, raconte sur le ton de la confidence: "Quand 'on allait à la confesse, on ne disait pas au curé qu'on faisait aussi la marche sur le feu.» La religion catholique imposée par le colonisateur doit bien s'accommoder de multiples entorses qui permettent aux différentes ethnies de se retrouver dans la cohésion que leur amène la pratique des rites ancestraux. Ainsi, les Malabars, issus des castes moyennes et inférieures de l'Inde, ont-ils jeté aux orties tout distinguo originel pour s'allier face au pouvoir blanc qui les obligeait à renier leur système social antérieur. Méprisés par les Blancs à leur arrivée, mais aussi par les Noirs et les métis, puisqu'ils acceptaient de se plier aux durs travaux des champs que ces derniers refusaient, les Indiens ont alors su se solidariser. Mais les Créoles, coincés entre deux groupes aux identités affirmées, vidimes de la déculturation due à la volonté des propriétaires d'esclaves et à leurs langues et origines très diverses, se cherchent encore entre modèle européen et afro-malgache. Le premier ne les accepte pas. Le second est trop loin. S'il n'y a jamais de conflit violent entre ethnies, en revanche, les groupes s'excluent mutuellement, maintenant juste une possibilité de dialogue. La créole change de pÔle (suite de la page 23) proportion de célibataires définitifs - hommes ou femmes - est plus élevée qu'en métropole, mais moins qu'aux Antilles. Le rapport des naissances dites « illégitimes» augmente par rapport au nombre de naissances totales. Depuis 1980, les nouvelles générations raccourcissent leur calendrier de naissance et ont leurs enfants avant vingtcinq ans: l'âge moyen de la procréation diminue. La baisse de la fécondité ne concerne que les femmes mariées puisque les naissances illégitimes augmentent. Mais si le nombre de femmes célibataires et mères progresse, le nombre de leurs enfants ne varie pas. Thérèse veut rester en métropole, le père de son enfant habite la Réunion. Parfois, c'est la situation inverse qui se vérifie. Le père d'un enfant - conçu ou non dans le mariage - part travailler en France. Sa famille reste dans l'océan Indien. L'émigration provoque une évolution des relations entre les sexes, qui amène de plus en plus de ménages à être dirigés par une femme seule. « Finalement, c'est logique, commente Isabelle. Chez nous, comme dans certains pays méditerranéens, ce sont les femmes qui ont souvent pourvu au quotidien, nourri les familles, travaillé le plus. » Aujourd'hui, ce rôle se traduit par une nouvelle position sociale. Travailleuse ou ménagère percevant des allocations de diverses aides sociales, la femme réunionnaise participe de plus en plus à la vie économique. Rue Juliette-Dodu dans Saint-Denis écrasé de soleil, une jeune zarabe en short et débardeur turquoise ramène sur son scooter une copine zoreille au sortir du lycée. Elles croisent une une autre petite zmabe, la tête enveloppée d'un tchador blanc, qui revient de la mosquée voisine. L'une partira peut-être en métropole suivre les cours d'une faculté parisienne; l'autre, vite mariée, mènera à la Réunion la vie traditionnelle de sa communauté, femme et mère de commerçants prospères. Quelles que soient les différences de la vie qui les attend, elles s'inscrivent l'une et l'autre dans un changement. Celui du mode de vie de la femme réunionnaise. 0 SUSANNA GILLI Les Réunionnais ne parviennent pas à franchir le niveau superficiel des contacts de voisinage pour aborder celui d'un métissage profond. Nos livres de biologie nous ont montré, au chapitre Caractères ethniques, des photos de cours d'école à la Réunion où bon nombre de races se trouvaient représentées. Ce n'est que là seulement (ou à l'église ou au marché), qu'on peut apprécier la diversité de la population réunionnaise. Dès lors qu'il s'agit de se réunir par affinités, les clans raciaux se reforment. Emmanuel Genvrin, directeur du théâtre Vollard, dont les comédies musicales très populaires à la Réunion puisent leur inspiration dans la vie quotidienne des habitants de l'île, parle: «Lorsque nous créons un spectacle, vient dans les premiers jours un public de Zoreilles qui veut se tenir au courant de tout ce qui se fait de nouveau à Saint-Denis. Et puis ici et là, dans l'assistance, des Zarabes, des Malabars ou des Chinois. Et si ça leur a plu, alors le bouche-à-oreille fonctionne très bien et certains soirs, on se retrouve avec une salle remplie de Chinois ou de Tamouls. La méfiance est vaincue, ils se sont donné le mot. » En créole, bien sûr... Car cette langue que tous utilisent a tout de même réussi à tisser le lien entre les races, à former la... Réunion. 0 LES PIEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, du 38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT : SULL Y. 85 rue de Sèvres, Paris 6" 5 % sur présentation de cette annonce JEAN-PHILIPPE BENOIT VITE, JE M'ABONNE A DIFFERENCES

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Notes

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