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Sommaire du numéro
n°66 de avril 1987
- Haïti an 01 par J.J. Pikon
- Domiens: nouvelle vague par Liliane Levy
- Sida connection par Jean Roccia
- Paris XXème: samedi fiévreux par Fausto Guidice
- Le Mali: un pays, vingt ethnies par J.P et Lily Franey
- Kassav: l'explosion antillaise par J.L. Gaillard
- Madagascar 1947: vingt mois de révolte par Jean Tourier
- Afrique du Sud: Albertini; Un dirigeant de l'ANC accuse
- Cinéma:
- Cinéma de femme, printemps tchèque Véra Chytlova par C Dancié
- Cinéma arabe: cartes blanches par Yves Thoraval
- Les dangers du sport, propos de Roger Dadoun recueillis par Jean Montarlot
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Le magazine de l'amitié entre les peuples L' 10 A TILLAISE LE GROUPE JEUNE AFRIQUE
Leaders de la presse francophone en Afrique et au Moyen-Orient Les quatre titres du groupe: Jeune Afrique (hebdomadaire) Jeune Afrique économie (mensuel) Jeune Afrique magazine (mensuel) Télex confidentiel (bi-hebdomadaire) atteignent plus de deux millions de lecteurs par semaine
Publicité-abonnements: DIFCOM, 3, rue Roquépine, 75008 Paris. Tél. : 42.65.69.30. POUR DE FAUX A vant, pour gouverner, il fallait jouer les durs, tailler la route les yeux fIXés sur le bien de la France sans se soucier des criailleries annexes. C'était le style de Gaulle. Après 1981, la gauche a montré qu'on pouvait retirer un projet sous la pression populaire, ce qui se faisait déjà, mais aussi l'avouer sans perdre la face. C'est le style Mitterrand. Le nouveau gouvernement va encore plus loin: maintenant, on gouverne pour de faux. Il faut durcir l'université. Les étudiants ne veulent pas. Pensez donc, dit M. Chirac, c'était pour rire, je vire Devaquet et on fait comme avant. Il faut durcir le code de la nationalité. Deux cents associations, 50 000 personnes dans la rue. Ouh la la, dit Chalandon, ne vous fâchez pas, c'était pour de faux. On continue comme avant. Il faut durcir nos lois morales. Au milieu d'une poignée de magazines de fesse, on veut interdire Gai Pied, la «voix historique» des homos de France. Tollé, manifs. Mais pas du tout dit le ministère, c'est un malentendu, on continue comme avant. De deux choses l'une : ou ils sont bêtes, ou ils se croient intelligents. S'ils sont bêtes il faut les aider à comprendre: manifestez. S'ils se croient intelligents, hop, un pas vers . l'extrême droite, hop, un pas au centre, je laisse faire et je ressors les mêmes projets trois mois après, une seule solution
- manifestez. Sinon, dans
les deux cas, ils sont bien capable de faire des bêtises. Pour de vrai. D Différences - n° 66 - Avril 1987 AVRIL u:t 6 Haïti, an 01 ... U cc Jean Métellus, ecrlvam haïtien, fait le point, un an après la chute de Bébé Doc. JEAN-JACQUES PIKON 10 Domiens : nouvelle vague La mobilité des Domiens vers la Métropole a repris, sans grande perspective d'emploi. LILIANE LEVY 12 SIDA connection La nouvelle peur est arrivée JEAN ROCCIA 14 Parix XX' : samedi fiévreux Les victimes des incendies ne sont toujours pas relogées. FAUSTO GIUDICE el 18 Le Mali: un pays, vingt ethnies US Une des Etats les plus pauvres du en monde, mais une incomparable g richesse ethnique. JEAN-PIERRE et LILY FRANEY ABONNEMENTS 1 an: 200 F. 1 an à l'étranger : 220 F. 6 mois : 120 F. Etudiants et chômeurs, 1 an : 150 F. 6 mois: 80 F (joindre une photocopie des cartes d'étudiant ou de pointage). Soutien : 240 F Abonnement d'honneur: 1000 F. Algérie: 15 dinars. Belgique : 140 FB. Canada : 3 dollars. Maroc : 10 dirhams. Publicité au journal Photocomposition PCP, 17, place de Villiers, 93100 Montreuil. Tél. : 42.87.31.00 Impression Montligeon. Tél. : 33.83.80.22. Commission paritaire n° 63634 ISSN 0247-9095. Dépôt légal : 1986-12 La rédaction ne peut être tenue pour responsable des photos, textes et documents confiés. Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entres les peuples), édité par la Société des éditions Différences 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : (1) 48.06.88.33. ~ 30 Kassav' : l'explosion antillaise ICI: Pour la première fois, un groupe ~ de musique antillaise atteint la :5 renommée mondiale. Une sortie U du ghetto. JEAN-LOUIS GAILLARD ~ 58 Madagascar, 1947 : vingt mois t: de révolte 10loi Une des répressions les plus 5; féroces menées par le colonialisme C) français, soigneusement occultée rd par les historiens. a JEAN TOURIER ~ Jeux, ~ courrier, petites annonces DIRECTEUR DE LA PUBLICA TlON Albert Lévy REDACTION Rédacteur en chef Jean-Michel Ollé Secrétariat de rédactionmaquettes: Véronique Mortaigne Service photos : Abdelhak Senna ADMINISTRA TlON/GESTION Khaled Debbah PHOTO COUVERTURE Michel Bocandé ONT PARTICIPE A CE NUMERO; Jacqueline Grumfeld, Jean-Jacques Pikon, Liliane Lévy, Jean Roccia, Fausto Giudice, Robert Pac, Jean-Pierre et Lily Franey, Marielle Hubert, Jean Montarlot, Bernard Golfier, Joëlle Tavano, Christiane Dancie, Yves Thoraval, Jean Tourier, Pierre Vallée . Maquette: Jean-Claude Nègre. .. • UBU Octobre 1986: l'association des écrivains roumains organise un symposium sur les chemins de la paix au Proche Orient. Sont prévus des invités palestiniens, et, ce qui est beaucoup moins habituel, israéliens. Quatre intellectuels israéliens, engagés dans le pacifisme, MM. Latif Dori, Eliezer Feiler, Yael Lotan, Reuven Kaminer ont accepté de participer à ce symposium et d'y rencontrer des Palestiniens. Dans une lettre collective, ils déclarent: «Nous considérions comme évident qu'un dialogue sur des solutions pacifiques incluât des représentants de l'autre côté du conflit. » Evidence qui n'est pas partagée par l'Etat d'Israël, qui les a arrêtés à leur retour et inculpés grâce à un amendement d'août 1986 à l'ordonnance antiterroriste, qui rend délictueux pour un citoyen ou un résident israélien « d'établir des contacts avec toute personne SUITES Maignant/Warion : ça continue. Rétablis dans leurs droits par le tribunal administratif qui a cassé la décision du ministère de la Défense les renvoyant du lycée militaire d'Aix, les deux professeurs se sont présentés pour reprendre leur poste. Aimablement reçus ... par le planton de garde, ils n'ont pu pénétrer dans l'Etablissement. Entre temps, prenant acte de la décision de justice qui les remettait à la disposition du ministère de la Défense, le recteur d'Aix-Marseille leur a signifié qu'ils ne les maintenait pas sur leur poste au lycée civil d'Aix. Rémunérés sans postes, MM. Maignant et Warion ne demandent qu'à travailler. Mais où ? Deuxième affaire: renseignés par le MRAP sur l'apartheid en Afrique du Sud, et notamment sur l'impossibilité pour toute branche professionnelle de tourner les lois raciales, la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes Latif Dari, à Paris. ayant une position dans n'importe quelle organisation que le gouvernement d'Israël a proclamé être une organisation terroriste » . L'acte d'accusation y confine au grotesque: au point 4, il déclare: «A la date du 6 novembre 1986, à 1 8 heures ou à une heure voisine, une rencontre débuta entre les accusés et des représentants d'or - vient de voter à l'unanimité l'exclusion de la Fédération sud-africaine des instances internationales de la profession. Le MRAP déclare se tenir à la disposition de Total, Crédit Lyonnais, et toute autre entreprise collaborant avec l'apartheid, pour lui fournir les mêmes renseignements. POLITIQUE SPECTACLE J.-P. Elkkabach ganisations terroristes dans une salle de l'hôtel, les accusés et d'autres étant assis à des tables, faisant face à quelques mètres de distance à des tables parallèles où étaient assis des représentants d'or ganisations terroristes. » Les quatre pacifistes israéliens sont en instance de jugement. Latif Dori a tenu une conférence de presse à Paris fin mars. Manquent pas d'air, les étudiants. Au cours du Ile Salon de l'étudiant qui vient de se tenir à Paris, ils ont inauguré une nouvelle forme de meeting baptisée «conférence spectacle ». La recette est simple : vous demandez à un leader politique de venir semer sa bonne parole (là, c'était Rocard), un journaliste connu pour le faire causer (Elkabbach), vous faites payer l'entrée, et vous envoyez les sous à 40 écoles autour du fleuve Niger pour qu'elles s'~chètent des crayons. HabIle: Les esprits chagrins pourraient dire que c'est de la politique-spectacle, mais là, au moins c'est clair. Et puis, c'est p~ur la bonne cause. Si on a bien compris, mais ce n'est pas complètement sûr, le Vatican vient de condamner les méthodes de procréation artificielle, y compris la fécondation in vitro, parce que l'enfant doit naître de l'acte charnel consommé par ses parents. Voilà pour les catholiques. Quant aux juifs, un groupe de médecins, rabbins et personnalités juives vient de décider que « l'obligation pour l'enfant juif de connaître son identité interdit toute intervention extérieure au couple dans les nouvelles formes de procréation artificielle ». Si on a bien compris, on est juif par la race et catholique par l'amour. Si on a bien compris, il y a un certain nombre de juifs et de catholiques dans le monde qui ne doivent pas se sentir "très juifs ou très catholiques. SION A BIEN COMPRIS Ce sont peut-être les mêmes:-.: qui déclarent qu'ils ne tien- ~ dront pas compte des interdits i3.-._ ....... _____________ ......;. _ .....!l::::... _ """"-....... ..z:....I des ~utorités religieuses pour Tenir compte ou non des interdits religieux pour continuer ses recherches. voi là la contmuer leurs recherches. question. La fécondation in vitro réveille de vieux démons. TERRORISTES Septembre 1986 : ça chauffe à Paris. Un attentat vient de ravager le bureau de poste de l'Hôtel de Ville, tuant au passage des gens qui n'ont strictement rien à voir avec la politique de M. Chirac, hôte du même Hôtel de Ville. Le gouvernement s'émeut, il faut faire quelque chose, «terroriser les terroristes ». On regarde dans les fichiers, on repère quelques Libanais installés à Paris : ça ira bien, on expulse. Devant la levée de boucliers, le gouvernement recule, relâche la plupart des personnes arrêtées, mais en garde quatre, MM. Ibrahim, Bachaalani, Kobbessi et Saad, pour lesquels il décide d'appliquer la procédure d'urgence absolue: il est vrai que ceux-là sont communistes ou proches de l'OLP. Ils sont donc, a priori, coupables. Nouvelle levée de boucliers, nouvelle reculade, l'expulsion est transformée en assignation à résidènce. Grâce à un recours administratif, la procédure Différences - n° 66 - Avril 1987 vient d'être cassée. L'affaire avait fait des titres longs comme le bras dans tous les journaux à l'annonce par la police d'arrestations de « suspects ». Si les quatre Libanais n'avaient tenu à remercier publiquement les associations qui les avaient aidés, personne n'aurait jamais su qu'ils avaient été « blanchis» par la justice. Un étranger, surtout libanais, pour la presse, c'est fait pour être suspect, pas innocenté. CAMPING Il y a une sorte de fatalité, à l'OPHLM de la ville de Paris, qui fait que lorsqu'il doit reloger des familles immigrées, une soudaine langueur s'empare de lui. Ainsi dans le XIe arrondissement. Le 16 octobre 1986, neuf familles sont expulsées par la police, au 24, rue de l'Orillon. L'expulsion se fait dans des conditions exquises: portes défoncées à coups de piegs.., femmes obligées de s'hàhlrféî devant les CRS. On s'aperçoit après coup que ces familles payaient bien des loyers, mais à des propriétaire véreux ou fantômes. Qu'à cela ne tienne : considérés comme squatters, cinq familles attendent encore d'être relogées. Six mois après. CHAINES Une initiative de journalistes et de plasticiens. Vous êtes écoeurés par le sort réservé aux enfants noirs en Afrique du Sud (voir Pour mémoire). Vous le dites à votre manière (texte, photo, GAI PIED HEBOO 'NTEROIl? , 1'1 térieur Gai Pied hebdo Selon le minislete d~ ur ~a jeunesse en raison de
- Charles 17 janvier 2012 à 13
- 45 (UTC)è~
- g:::~~u: ou pornographique".
dessin, etc.). Vous envoyez l'original à Résistances (1), et une copie à l'ambassade de RSA à Paris 2e. Vous envoyez aussi des copies de votre message à vos amis, en leur, enjoignant de faire de même. L'ensemble des témoignages sera présenté le 16 juin à l'Unesco, au cours de la cérémonie du dixième anniversaire des massacres de Soweto. (1) Antenne 2, Résistances, Noël Mamère, 22, avenue Montaigne, 75387 Paris cedex 08. (2) 59, quai d'Orsay, 75007 Paris. . ' 1 blicilé el à ta vente L'interdiction à l'alflc~age, a Ma ~:squa enlraine de la aux mineurs demandee par . . de la dislribulion part des messageries de. presse taJ:'~'agil en lait d'une chez les !"archands, dse,.mIOp~~naq~f·enlraine la mort d'un inlerdlctlon pure e Le Gai Pied, premier journal homo de France, en taille et en date, subit les foudres du ministère de l'Intérieur. Un des symboles de la libération des moeurs des années 70 est menacé d'interdiction d'affichage et de vente aux mineurs. Vives réactions: des pétitions circulent, une manif programmée. M. Pasqua fait marchearrière, mais la manif est maintenue, pour éviter à l'hebdomadaire de vivre avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus des colonnes. 0 journal. • C n'est pas te minislte de Les gais sont. mda!/eudérsC' id! le conlenu de la presse l'tnléneur quI 01 homosexuelle. .' d l'lnlérieur, adressez Oites·te. Ec,,~eGz aUpmldnr~Z:dOeIBP 189 75523 Paris votre lenre a al le Céde: 11}. NouS la transmettrons. La liberté de la La liberté des gaIs ne se partage pas. presse homosexuelle non plus. Il L'Eglise pourrait pourtant faire avancer les choses à ce niveau, si elle se mettait vraiment au service de la population, en faisant front avec les mouvements démocratiques spontanés . Mais je crois qu'elle a une peur - injustifiée d'ailleurs - du communisme en Haïti. Différences: Peur d'un nouveau Cuba? J.M. : Oui, sans doute. J'ai moi-même beaucoup de réticences vis-à-vis de la révolution fidéliste, où la liberté individuelle n'est guère respectée, mais je peux aussi la saluer pour ses réalisations. A Cuba, les gens mangent à leur faim et tout le monde y sait lire; une situation générale nettement meilleure qu'en Haïti. aussi vite que la junte le souhaite, on peut craindre que le peuple ne se retrouve d'ici un an ou deux dans un régime néo-duvaliériste sans Duvalier; certes, dans un régime moins brutal et pilleur, mais tout aussi discrétionnaire et tout autant manipulé par les Etats-Unis. Sur le plan politique rien n'a été entrepris pour tendre vers l'autonomie. Des hommes aujourd'hui prétendent incarner la nouvelle conscience populaire, mais sont surtout prêts à occuper des places, avec parmi eux de nombreux carriéristes, c'est plutôt inquiétant. Différences: Jean Métellus, votre roman, l'Année Dessalines, qui vient de paraître, fait retour au contexte haïtien ce dernier livre, j'ai voulu rendre hommage à la mémoire de Jean-Jacques Dessalines, cet ancien esclave noir continuateur de l'oeuvre de libération de Toussaint Louverture et qui nous a menés à l'indépendance un jour de 1804. Cet extraordinaire Dessalines avait d'ailleurs concocté un plan de vraie réforme agraire dès 1806 (Marx n'était pas encore né !) et deux ans seulement après l'abolition de l'esclavage en Haïti, il allait jusqu'à donner la nationalité haïtienne à des Polonais venus là-bas pour le contrer et tenter militairement de le battre sur ordre de Napoléon. Ce visionnaire, cet homme génial, qui fut aussi à l'ori- Peur d'un nouveau Cuba ? Ecrivain, poète ét neurologue dans un hôpital de la région parisienne, l'Haïtien Jean Métellus vient de publier l'Année Dessalines. Un roman qui nous plonge dans l'île de 1960. Début 87 : Tout juste un an que l'île s'est enfin libérée de la tyrannique « dynastie» des Duvalier, de la personne de Baby Doc. Différences a tenu à souffler la bougie anniversaire avec Jean Métellus qui fait partie de la diaspora haïtienne. Différences: Vous êtes allé récemment en Haïti. Au bout d'un an d'après-Duvalier, quels changements concrets dans la vie du pays? J .M. : Très peu de changements. J'ai vu beaucoup de gens démunis, sans toit, et une situation économique toujours à vau-l'eau. Rien n'a encore été solidement structuré . Répression en moins, l'Haïtien de base ne Différences: Comment ana- vit pas mieux matériellelysez- vous la situation du pays ment. aujourd'hui? Cependant, il y a quelque J.M. : Haïti vit à l'heure d'un chose d'incontestablement inter-règne et la situation est positif: on peut se remettre très préoccupante. Le vrai là-bas à parler librement. courant vainqueur de la ty- Une liberté que j'ai d'ailleurs rannie Duvalier est celui de pu expérimenter moi-même l'Eglise catholique puissante en étant interviewé par une dans le pays, la seule grande petite chaîne de télé où j'ai Différences: Un an déjà hors- Jean Métellus : Dès les pre- la fuite du dictateur en antici- remarquer que les Macoutes force organisée en regard de dit ce que je pensais sans la régime Duvalier pour votre mières semaines suivant la pant sur la situation, afin tués par la vengeance popu- l'armée et des petits partis. moindre censure. Cela était pays d'origine! Quand Baby chute de Duvalier-fils et son d'éviter la création d'un véri- laire n'étaient que les petits C'est elle qui a «déchou- impensable il y a encore un Doc est arrivé en France, il y départ précipité, j'ai craint table mouvement révolution- commissionnaires de l'ancien qué» (extirpé), comme on an et demi ... a eu ici dans l'opinion publi- que le mouvement révolu- naire structuré en Haïti. régime et non les grands dit en créole, le gouverne- Cette reconquête de la parole que une sorte de baroud tionnaire qui avait lieu ne se Différences: Le peuple s'est Tontons qui avaient, eux, ment Duvalier. par le peuple haïtien est, je d'horreur, une répulsion sui- trouve menacé; qu'il ne s'a- néanmoins senti libéré de déjà quitté Haïti dans la Or dans le contexte actuel, l'espère, un acquis et un vie de protestations sponta- gisse d'une révolution confis- trente années de dictature foulée de Baby Doc. Avec dans cette période transitoire atout définitif. Restent néannées. Puis, depuis son instal- quée avant même un renou- (celle de Duvalier-père, puis l'aide d'ailleurs de certains mi li taro-civile et la course moins de gros problèmes; lation près de Grasse dans un veau social et politique. du fils). Au point d'exercer hommes de la junte militaire électorale à la présidence, sans compter certains disexil doré, le silence est revenu. Le gouvernement américain dans les premiers temps une actuelle. Et aujourd'hui on trop d'individualités pensent parus depuis la chute de des années soixante, d'un pays alors sous la férule du père de Baby Doc; ce n'est pas par hasard .. . J.M. : Ce roman, je l'ai écrit d'août à novembre 1985, avant la chute de Duvalierfils. Mais déjà dans mes précédents livres - et même si leur action se situait en Europe (en Suisse ou en France) - courait toujours en filigrane les thèmes de la difficulté d'expression et de la parole entravée . Si en tant que neurologue ces problèmes me concernent médicalement, ils touchaient aussi à mon haïtianité. Dans gine de l'émancipation révolutionnaire de l'Amérique latine (il aida Bolivar en lui faisant parvenir des armes) , il fallait lui rendre justice dans une histoire si souvent constituée de mensonges et d'oublis. Pour moi, évoquer l'Haïti des années soixante au travers de la figure d'un tel homme est plus qu'un symbole pour réfléchir aujourd'hui à un devenir positif de mon pays d'origine. D Propos recueillis par JEAN-JACQUES PIKON Comment avez-vous réagi à - qui savait pertinemment justice vengeresse et expé- peut voir quelques-uns de ces à leur candidature, sans vrai Baby Doc et des morts au l'époque aux événements que le régime Baby Doc ditive. Macoutes refaire surface, ce souci de réorganiser la vie cours de manifestations... Jean Métellus : « Dessalines, un visionnaire • IDI Ld~'H~a:i:n~?~ _______________: to:u:c:h:a:it~a:'~s:a~f:in-~~a~o~rg~anis~é_ _~ J._M_ . _ :_A--c_e~p_r~op~o_s~,~j~e_f_e_rai_ _~ qui es_t~g~r_ave·_ _________________e ~'c~o~n:.o~m~l:·q~u:e~e:t~s~oc~:ia~l:e~.~~ __~ S~i~l:es~é:le:c:t:io~n:s~s'~o:rg~a:n:i:se:n:t~ ____________________~ g~é~n~ia:I~»~ __________________1 Différences - n° 66 - Avril 1987 ALBERTINI : ÇA MARCHE A TOUS LES COUPS Pierre-André Albertini vient d'être . condamné par un tribunal sud-africain. C'est normal, si on peut dire : quelle que soit la défense choisie, il devait l'être, selon la loi de l'état d'urgence. Soit il témoignait à charge contre l'ANC, et il était condamné pour avoir eu contact avec elle. Soit il refusait de témoigner, ce qu'il a fait, et il était condamné pour refus de témoignage, ce qui a eu lieu. Il a pris quatre ans. Petit détail : P.-A Albertini est emprisonné depuis six mois. Il était envoyé officiellement en coopération par le gouvernement français. Le seul moyen de lui éviter une condamnation, alors qu'aucune preuve n'a pu être retenue contre lui, c'était une action du gouvernement français avant le procès. Lors d'une rencontre avec des organisations anti-apartheid un représentant du gouvernement avait promis d'envoyer un émissaire en RSA pour ramener Albertini. La France a, malheureusement , suffisamment de poids en Afrique du Sud pour faire cela. Elle ne l'a pas fait. Elle continue à envoyer des coopérants en Afrique du Sud. Une autre fois, l'arbitraire sud-africains décidera de mette en tôle, sans preuve, un autre coopérant. Question : A partir de combien on se décidera à agir ? VITE, JE M'ABONNE A DIFFERENCES o 200 F (1 an) o 120 F (6 mois) o 240 F (soutien) Nom : Prénom : Adresse: Bulletin dûment rempli à retourner. accompagné d'un chèque. à : Différences, service abonnements 89. rue Oberkampf. 75011 Paris UN DIRIGEANT DE L'ANC ACCUSE Au cours d'un voyage d'études en Zambie, Jacqueline Grumfeld, présidente de MRAP-Solidarité (1) a pu rencontrer un dirigeant de l'ANC et recueillir ses Impressions. J.G: Vous réclamez des sanctions globales contre l'Afrique du Sud. Pouvezvous préciser ? ANC: Nous voulons que cesse tout échange avec l'apartheid. Non seulement le commerce, vente ou achat, mais aussi les envois de sportifs, les échanges scientifiques et culturels. J.G. : Mais que penser des groupes de chanteurs, musiciens, acteurs, généralement opposés à l'apartheid, qui viennent en Europe et font connaître la situation ? ANC: Il ne devrait pas y avoir d'exception. Pour ceux qui font partie de ces troupes, cela peut être dangereux pour eux à leur retour. D'autre part, si on commence à laisser venir des troupes ... pourquoi pas des savants? Et c'est là que cela touche le plus l'apartheid
- être isolé de tout ce
qui est leur univers, je parle des savants, des intellectuels, des chercheurs, des médecins. J.G.: Les sanctions peuvent- elles être préjudiciables dans certains cas au peuple noir ? ANC : Non. La lutte est telle actuellement que tout doit contribuer à l'isolement total. On ne sait rien, en Europe, ne filtrent que les informations que les dirigeants veulent bien laisser passer. Ainsi, sachez qu'actuellement, il y a beaucoup de Blancs dans l'ANC. Pas autant que des Noirs, mais beaucoup. J.G. : Etes-vous au courant du cas Albertini ? ANC: Bien sûr. Nous ne comprenons pas que la France n'ait pas exigé le retour immédiat de ce coopérant. C'était très grave et très dangereux de le laisser passer en jugement. L'avoir envoyé au Siskeï, c'était ignorer les dangers qu'il courait. Mais il y a d'autre coopérants français . Nous en revenons au même point: sanctions globales, donc culturelles aussi. J.G. : Qu'attend l'ANC des mouvements contre l'Apartheid en Europe ? ANC: C'est simple: peser pour que vos pays, et surtout la France, respectent leurs traditions démocratiques, et s'engagent plus intensément, notamment à l'ONU, dans la mise en piace de l'isolement du régime actuel de l'Afrique du Sud. (1) MRAP-Solidarité vient de faire partir de Marseille, sur le Languedoc, 12 tonnes de matériel pour l'école Solomon Malhangu Freedom college, en Tanzanie. Le matériel a été collecté en France, et est transporté par la Compagnie des Chargeurs Réunis MRAP-Solidarité, association de bienfaisance, 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : 48.06.88.00. 1ICharlesL~'é~co~le~s~al~om~o~n~M~al~ha~n~g~u~e~n~T~an~z~an~i~e. __________ ~ Le 21 mars, Journée internationale contre le racisme, 3000 personnes ont couru contre le racisme. Différences - n° 66 - Avril 1987 LES FOULEES MULTICOLORES A Montreuil, les enfants des écoles s en sont donné à coeur joie avec l'autorisation de l'inspecteur dAcadémie. Pas de classement, pas de trophée pour le vainqueur mais des médailles pour les plus endurants. C'était une course de fond. Il 1&1 ........ 1&1
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z un arrêt de plusieurs années de la migration organisée, les avions en provenance de la Réunion débarquent de plus en plus de stagi 1 aires de formation professionnelle. Pour quel avenir, alors que le chômage atteint ! déja durement les Domiens en Métropole? . e Changement de cap pour les orlg Inalres des Dom. Après T iens, encore un car! C'est le deuxième cette semaine. Mais d'où viennent-ils, de Nouvelle Calédonie ? » Le nez en l'air et le cabas à la main au milieu du trottoir, deux habitantes du boulevard Morland, à Paris, regardent une vingtaine de jeunes, filles et garçons, descendre d'un bus beige. D'un pas hésitant, frileusement serrés dans leurs vêtements, ils suivent le chauffeur vers l'entrée vitrée de l' ANT, l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, située rue de Brissac, sur le trottoir d'en face . tropole grâce au voyage - aller simple - que leur payait le Bumidom. » Cette migration, qu'on appelait «organisée », suscitait dans le même temps un important courant de migration spoÏltanée. Ceux qui quittaient les Dom, et une situation économique difficile, partaient pour la France avec une vision idéalisée de la «mère-patrie », l'ANT s'est employée à appliquer cette politique, en cessant toute migration organisée. « Les problèmes des communautés d'outre-mer ici, n'étaient pas résolus pour autant, ajoute-t-elle. Il restait encore beaucoup à faire. Et on n'élimine pas les problèmes sociaux par décret. .. » Changement de nom qui bien souvent les décevait. Dans l'un des cafés du bouleD'après le rapport Lucas (1) vard Morland, Jean-Marc, établi en 1982, « ils venaient l'un des jeunes arrivés ce remplir dans le secteur public, matin, est venu boire un les administrations, les collec- crème pour distraire l'attente tivités locales, le même rôle dans le hall de l'ANT. «Je que 1 a mai n -d ' oe u v r e me sens abruti: quatorze étrangère dans le secteur heures de voyage, le départ de privé » . A savoir, des postes Saint-Denis, l'escale à Abidde basse qualification. J·an. l'aimerais voir Paris, Une vision idéalisée Et 1'1 s de' couvral. en t s0 uv ent mais on repart pour un centre Réunionnais, ils arrivent en que leur qualité de Français de formation en province. » France, - en métropole n'était qu'une faible barrière Depuis l'automne dernier, comme on dit - en applica- face au racisme: difficultés les arrivées de stagiaires de tion d'une politique nouvelle de logement, problèmes formation professionnelle mise en place par le gouver- d'emploi et de qualification, réunionnais se multiplient. Selon les derniers chiffres INSEE (1982), la population des originaires des Dom-Tom a été mUltipliée par 12 entre 1954 et 1982, conséquence de la politique de migration alors en vigueur. nement. Ratifiée par le Sénat d'insertion dans la société La loi programme pour les peut-être changement de six mois sont loin d'être réaet l'Assemblée lors du vote métropolitaine. Dom, dont le projet a été nom: d'après les déclara- lisés. Pendant ce temps les de la Loi-programme pour les De plus, cette migration qui inspiré par M. Michel Debré, tions du nouveau directeur stagiaires arrivent ». départements d'outre-mer - vidait les Dom de leurs forces qui fut en son temps l'un des général de l'ANT, Edmond Cependant, le système ac- Martinique, Guadeloupe, vives suscita rapidement fondateurs du Bumidom et Lauret, à la presse de son tuellement en place prévoit Guyane, Réunion - la poli- d'âpres critiques de «néo- partisan acharné de la migra- département d'origine, la un billet de retour gratuit tique pour la « mobilité entre esclavagisme» et de «gé- tion, établit le principe d'une Réunion, l'ANT devrait dans les trois ans, pratique les Dom et la métropole» est nocide par substitution ». A mobilité accrue. Celle-ci doit bientôt s'appeler Agence instituée par l'ANT dès sa en marche. « Autrefois, au partir de 1974, avec la dé gr a- permettre à de nombreux pour la mobilité. « Il faut que création en 1982, et qui n'étemps du Bumidom, "on par- dation de l'emploi en mé- jeunes de venir se former en nous ayons la chance d'une tait pas celle du Bumidom. lait de migration.» Claire tropole, la migration «orga- métropole dans des qualifica- bonne formation en mé- « Si je ne trouve rien, soupire était employée à l'ANT, elle nisée» perdait sa justifica- tions qui n'existent pas outre- trop ole et d'une possibilité de Jean-Marc, je pourrai touen est partie et souhaite que tion. mer. nous y installer, dit Jean- jours rentrer. Avec le prix des son vrai nom ne soit pas cité. « Après 1981, reprend Claire, Ce projet a rencontré une Marc. Si je réussis ma forma- voyages, ma formation aura Cette convention avait déjà été mise en place par l'ancienne direction, pour élargir les possibilités de formation professionnelle de ce département. Elle concernait environ 260 stagiaires par an. D'après le projet actuel, ils devraient se compter en milliers. Et les Antillais ? Le Bumidom - bureau pour le la politique a changé. Il ne vive opposition, lors de la tion, je pourrai trouver un coûté très cher à l'Etat. Et La mobilité semble peu développement des migra- s'agissait plus de faire venir en discussion parlementaire, des emploi, avec l'aide de l'Agen- c'est sûr, je serai déçu ». concerner les Antillais. Le tions intéressant les départe- métropole les Antillais, Guya- élus de la gauche antillaise, ce ». Le coût de la mobilité peut en Bumidom et sa politique de ments d'outre-mer - était nais. Réunionnais, mais de formellement opposés à « C'est vrai, reconnaît Claire, effet sembler élevé. Quatre migration avaient très mauchargé d'encourager et orga- donner la possibilité à ceux toute reprise de la migration, mais ce n'est pas sûr. Il faut millions de francs prévus par vaise réputation aux Antilles. niser cette migration. Sup- qui s'y trouvaient de mieux sous n'importe quelle forme. tenir compte des problèmes la loi de finances, sans De plus, les problèmes écoprimé en 1982, il a été rem- s'insérer socialement, de se Il a néanmoins été voté, et sa d'emploi des jeunes. De plus compter le budget de fonc- nomiques et démographiques pour des conventions analogues à celle de la Réunion. Elles semblent se révéler très difficiles. En métropole, certains membres de la communauté antillaise et présidents d'association expriment une certaine inquiétude. La nomination d'un élu local réunionnais, Edmond Lauret, à la tête de l'ANT, après le départ de Jean-Michel Etienne, dont la qualité d'administrateur civil et de métropolitain était un gage d'impartialité, a suscité des interrogations. Après un ralentissement des activités de l'Agence de près d'un an, lié au changement de cap, les communautés en métropole attendent les effets de la nouvelle politique. « Quelles que soient les options concernant la migration, la mobilité, ['insertion, explique Claire, le fond du problème n'est pas là » . Le ministre des Dom-Tom, Bernard Pons, déclarait en juin dernier, lors du lancement d'une campagne sur la défiscalisation outre-mer, que le redressement économique des Dom était une priorité absolue. Georges Lemoine, secrétaire d'Etat avant mars 1986, affirmait « La solution (au problème de la migration) réside dans le développement local ». « Déplacer les gens des Dom, affirme Claire, ne revient qu'à déplacer le problème. Quels que soient les efforts, face au problème économique des Dom,la migration n'est qu'un accessoire ». Qui risque de cacher la réalité. D placé par l'ANT. former, de mieux vivre. Le mise en application a com- l'Agence semble mettre la char- tionnement de l'ANT, plus sont différents de ceux de la LILIANE LEVY « De 1963 à 1981, ajoute retour au pays était malheu- mencé dès avant ce vote. rue avant les boeufs. La mise quinze millions de francs qui Réunion. L'actuelle direction (1) Rapport du groupe de travail Claire, plus de 160000 per- reusement presque impos- Changement de directeur gé- en place de la nouvelle direc- seraient versés par les ins- de l'ANT mène avec les ins- pour l'insertion des ressortissants des sonnes originaires des An- sible, à cause des conditions néral, départ de ses proches tion est très lente. Les mesures tances locales de la Réunion, tances régionales et départe- départements d'outre-mer en méIP. I tilles, de la Réunion et de économiques et d'emploi collaborateurs dans de mau- annoncées pour le placement sur la base d'une convention mentales de Martinique et tLruocpaosl,e c, hepfr dées idl'éIn sppeacrt ioMn .g Méniécrhaelel • iii L-____ ~ _______________ 1_~G:u~y~an~e~s~o~n~t-v~e~n~u~e~s-e-n--m--é-___0_ u_ù_e_-_m_e_r_._» _J~ u~sq~u_'_e_n_ _1_ 9_8_6~, _v_ a_is_e_s_ _c _o-n_d_i-t-io-n_s~, __b i_e_n_tô_t _______d e~c~es _je _u_n_e_s~d~ep_u_l~s_p~lus~d~e _si~ g_n_é_e_a_v_e_c_I_'A N_ T_._ _________G _ u_ a_d_e_lo_u~p~e _d_e _s_n_é~g_o_cl_·a_tI_·o_n_s_ _de_ s_A_OE_a_ir_e_s_so_c_ia_le_s._ _________~ Différences - n° 66 - Avril 1987 ,. ~ .- .- .. . .....' j-•••• - ....... • • • .......... ... -. .... .. ... .........' \ ,~ ..... ... ....... . ,. .... . • •••• f •• • •• • • •• • • • •• ' • .:... :.• : •. •.•.: . •• •••••: ............ .:• •••••: .· tl-------------, ' .. :.: .......... :.: ... ' , . .. ...: .: ....: . ~ ... .. . ' ... • ••• t ••• .... , ..... , ..... . ...... . '. '. ' ••• ( .' • ... '.' • .'. ' •••• '1 •••• ( .. . .. . ... _. ,. .•..•..•.. . ~ . . . . .... . ' .... . .' .. ' .... ·. ..... . ..'. •.•.•• ' , ..... ' '. ..' • • " •••f " .' . .' " '" •••••• • .' •• ' ••• ' • 1 .' ., ••••• ..' .. ' ", , .' . . .. •• •• •••• •• •••• •• •" •. ••. •. ••. •. •,• ••••• ...... . . -. . ... •••••• • ••••• f:!:!!:! !~~tcôNNEè·Îliiii~ •••••••• '........ • •••; .... ' J •••; .......; .......; •• .. . . , .... ...... , ... . • •• ' '.' •• ' J.' •• ' .............. ' ••••••• 1 ••••• a •• J. .... .. .... .. . ...... ' , ......... , .•.•.•.•.•.•..•.•.• • , ••• ' • ••• • •• ..' '.. ( ..' c ·. . .. •• ' j •••••••••• , ••••• ' •••• ,. ..... ...... _. ' ' ......... ... ............. ~... ........ ... .... . ...... , •• _. .... • 1 .... _. .. _ ._ Après le péril jaune, le cancer et les petites vieilles du XVIIIe, voici le SIDA, Toute auréolée d'un immence succès aux Etats-Unis, et s'appuyant sur le grand nombre de cas déclarés en France (1 500, premier pays européen en masse (1)), la campagne pour la peur du SIDA semble reprendre, après une fausse entrée en 1986. Rappelez-vous, début 1986, il Y a un an. Emissions de télé, déclarations des chercheurs, fausses nouvelles sur la découverte de médicaments miracles successifs, préoccupation du gouvernement, le tout pimenté d'un soupçon de chauvinisme quant à la concurrence entre chercheurs français et amériregain d'ostracisme. Dans un récent sondage (voir le Monde du 11 mars), si 57 % des jeunes se disent un peu ou beaucoup préoccupés par le SIDA, ils ne sont qu'un tiers à en faire une des grandes peurs de l'avenir, après la guerre nucléaire et le terrorisme. Sans doute la campagne était mal ciblée. Malgré les immédiates dénégations des scientifiques et des associations d'homosexuels, on a d'abord voulu faire du SIDA la maladie de la marginalité : les homos, les drogués, les Africains. Ce qui excluait du danger, et donc de la peur, tous les majoritaires, en augmentant du même coup la pression morale sur les minoritaires. Puis on s'est aperçu, et le même sondage est significatif sur ce point, que la maladie se propageait de façon indifférenciée, et qu'a priori personne n'était à l'abri. Le SIDA pouvait dès lors devenir une maladie, et une peur, nationales. C'est le sens de la campagne actuelle. L'extension de la peur des groupes « à risque» aux personnes ayant une sexualité plus ou moins libre est déjà faite. Restaient tous les autres, les fidèles, ce qui est plus difficile étant donné les critères connus de transmission, et l'effondrement des thèses fantaisistes de la transmission par salive, contact, etc. (2). On en est au moustique. Accusé par cer.tains groupes de pression de transmettre le virus (Lindon La Rouche aux Etats-Unis, le POE en Europe, le GRECE, etc. (3)) le moustique, dans cette nouvelle phase de la campagne, a l'immense avantage de ne pas faire de choix moraux, et de transmettre le virus à tous. Jouant ainsi l'ancien rôle de la transfusion sanguine, dont la dangerosité aveugle s'essouffle, et les si do maniaques le savent, au gré du renforcement des contrôles. Si le SIDA devient, par ce biais, une maladie nationale, et une psychose non plus sectorielle mais collective, la politique peut dès lors s'en saisir. D'abord muet sur la question quand on ne parlait que des homos et des drogués, sauf bien sûr pour se féliciter de la punition divine, le Front national vient de faire une entrée remarquée sur le thème de la peur du SIDA, qui, à condition de frapper tout le monde, devient un vecteur de synthèse de toutes les thèses de l'extrême droite (condamnation de l'homosexualité, de la sexualité libre, méfiance envers l'étranger porteur présumé, et même, plus généralement, haine de la mixité et du mélange). Dans une inter- Une campagne à la croisée des chemins: d'abord vendu comme punition divine infligée aux déviants, on essaie en ce moment de recentrer le SIDA en nouvelle peste frappant aveuglément les bons et les méchants. ID Pas facile. cains: tout était en place pour une belle vague de trouille collective. Et puis, ça n'a pas marché. Quelques semaines de discussions en ville, et plus rien. Bien sûr, il Y a eu quelques résultats à moyen terme. Dans les métaphores qu'emploient les journalistes pour éviter les répétitions, la « maladie » SIDA a gagné le rang de «nouvelle peste », ou, dans le très sérieux Monde, de « fléau ». Mais dans l'ensemble, et c'est qu'il y a quelque chose de sain dans le royaume de France, la grandpeur n'a pas pris en 1986. Le bilan de cette première vague avortée ? Les milieux homosexuels (voir Gai Pied du 10 février, si vous arrivez à le trouver !), s'ils déclarent avoir modifié leurs pratiques, ne semblent pas souffrir d'un view à Libération du 13 février, un député FN, M. Bachelot, fait le point des mesures à prendre : contrôle de toute la population, création de sidatorium, etc., une sorte de pot-pourri des mesures coercitives inventées au XXe siècle, du camp de concentration au «pass» sud-africain. Réussissant même, et c'est un tour de force, à incriminer les juifs, coupables de transmission ... par circoncision. On peut donc s'attendre à un recentrage de la campagne de peur : dépossédé en partie de son épouvantail habituel, l'immigration, par la droite traditionnelle qui l'a repris à son compte avec les lois que l'on sait, le FN va sans doute foncer sur le SIDA pour tous, comme une nouvelle aubaine. Le gouvernement a vécu, à son niveau, le même genre de contradiction. Une grandpeur de plus, après le chômage et l'insécurité, ne peut que l'arranger: on tient mieux une société qui a peur. L'ordre moral est respecté, la méfiance s'installe entre les gens, et pendant ce temps-là, au moins, ils ne font pas grève. Les minorités sont montrées du doigt, et on peut NEW YORK: Des milliers d' homosexuels sont descendus dans les rues pour réclamer une aide accrue du gouvernement contre le SIDA. Lors de cette manifestation, de nombreuses personnes ont marqué leur opposition à sans doute voir l'interdiction du Gai Pied, journal homosexuel, comme une mesure tardive allant dans ce sens. Mais en même temps, quand on gouverne, on ne peut pas laisser mourir les gens. Et si la libéralisation de la vente des seringues pour éviter la propagation du virus par aiguille infectée a dû faire grincer beaucoup de dents du côté de la majorité, il a bien fallu le faire tout de même. Le seul moyen pour dépasser cette contradiction, c'est de faire de la maladie une cause nationale. C'est sans doute pourquoi, à l'exemple de la très réactionnaire Angleterre, les murs de France vont-ils se couvrir d'affiches de mise en garde contre le SIDA au mois d'avril. Allez, ne nous plaignons pas trop, c'est toujours mieux qu'aller attaquer les Malouines pour faire oublier le chômage. JEAN ROCCIA (1) Mais pas en pourcentage, la palme étant détenue ... par la Suisse . (2) Dans une société hypermédra· tisée, où l'information même est objet de concurrence, il est difficile de maintenir longtemps de fausses informations. (3) Guillaume Faye, ancien fondateur du GREeE, a sorti un luxueux journal, « J'ai tout compris », entièrement consacré à cette thèse. l'homosexualité. r:I... ___ IdiI_~ibII.-..... d ___ .. ...i.Joe.... LE SIDA, UNE AUBAINE POUR L 'EXTREME-DROITE. .. AMERICAINE Une offensive générale contre les homosexuels et les lesbiennes par les racistes de l'extrême-droite et la « New Right" (nouvelle droite, tiens, tiens!) a permis aux groupes extrémistes de s'introduire dans le débat politique a~tuel aux Eta~s-Unis. Au même moment, une vague de Violence fanatique sans précédent, dirigée contre les homosexuels, a été largement passée sous silence. La peur du SIDA a fourni à l'extrême-droite raciste et antisémite un nouveau champ de bataille. Les disciples de Lyndon La Rouche ont pu mener une campagne électorale en Californie qui a encore eu plus de succès que ses inquiétantes victoires lors des primaires de l'Illinois. Au début de 1985, les diverses organisations et publications des disciples de La Rouche, le « Schiller Institute " le "National Democratic Policy Committee ", « Ne~ Solidarity " et la " Executive Intelligence Review " commencèrent à répandre la peur du SIDA dans la population. L~ Rouche. a réuni environ 700 000 signatures pour la mise en vigueur de la Proposition 64 qui demande l'examen de tous les citoyens pour le SIDA et la mise en quarantaine de toutes les victimes du virus. contre le SIDA ... fait partie intégralement d'un puissant programme de défense nationale. Pour défendre notre pars, nous avons besoin d'un programme de lutte pour vamcre le SIDA aussi important que celui de "Strategic Defense Initiative". " (La « Guerre des Etoiles») The African connection La Rouche a peut-être été le premier raciste à exploiter le préjugé anti-homosexuel pour viser le peuple noir africain mais il n'est plus maintenant le seul. Le « GANPAC Brief ", qui auparavant, se bornait à des attaques contre les juifS et à réécrire l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, titrait son édition de janvier 1986 avec : « L'ère de la bombe SIDA et la réponse germano-américaine. » Hans Schmidt, rédacteur en chef de « GANPAC » écrit: « D'où vient le SIDA? On a de nombreuses raisons de penser que l'Afrique (l'Afrique noire) est le berceau de cette maladie meurtrière... Le SIDA semble exister de façon disproportionnée parmi les groupes raciaux non germaniques ... " Les fanatiques de l'extrême droite ne se contentent pas seulement de cette propagande; il y en a beaucoup qui sont plus intéressés par les actes. Le groupe néo-nazi, le « America First Committee» (Amérique d'abord) organise chaque année une manifestation a~ti-homosexuels à Chicago). DepuiS deux ans, les ~gre~~lons contre les homosexuels ont augmenté de façon inqUietante. La littérature éditée par La Rouche est pleine d'attaques sectaires contre les homosexuels. Cependant, la campagne anti-homosexuels n'est que le point de départ vers les intentions finales de La Rouche. Une brochure publiée par le "National Democratic Policy Committee " de La Rouche déc!are: " ... La vérité sur le SIDA, c'est que cette maladIe se répand sans qu'on puisse la contrôler da~~ des conditions d'effondrement économique et d~ mlsere comme on en rencontre en Afrique et dans les D'après « The Monitor" d'Atlanta ~ ___t _au_d__~ _d_ e_b_e_a_uc_o_u_p_d_e_ _~_ n_es_ _am _ é~_ k_a_m_e_s._oo_ _OE_ _c o _m_b_a_t _________________________u_ a_dU_i_tP_a_r_R_O_BE_R_T_P._~_c ____~ 1I SAMEDI FIEVREUX .., . \ -... ~_:::: ~~.. . ".:~'!;- ,w ' Un week-end de mars: au milieu du XXe arrondissement de Paris, on installe une tente: une façon de rappeler que plusieurs mois après les incendies qui ont ravagé le quartier, 29 familles immigrées attendent leur relogement. Samedi g,is au pied du Père-Lachaise. Le café Le Rond-Point déborde d'une clientèle inhabituellement mélangée: retraitées de l'Education nationale, jeunes femmes des Caraïbes, ouvriers kabyles et arabes, jeunes conjuguant divers temps et modes du look beurisant. Au comptoir, Vincent de Langlade s'enquiert pardessus ses besicles rouges du motif de ce remue-ménage : les incendies dans le 20e • « Ah, oui, moi qui n'ai jamais fait de politique, monsieur, rique, surgit: celui de Mouna, le discoureur fou des rues parisiennes, le poète engagé de l'Urbain. Il fait rapidement sa tournée, serre des mains, ramasse les tracts. Des militants épinglent à leurs revers des badges, tout neufs et colorés, d'ATDQuart Monde. La jeune femme noire sérieuse, dont les tresses s'ornent d'un éclatant ruban, se considère-telle comme du «quart monde» ? Couleur locale litains qui émergent à l'air libre de l'escalier mécanique sont pris en tenaille par les distributeurs de tracts. Personne n'y échappe. Une dame asiatique est la plus ardente diffuseuse. Beaucoup de gens la reconnaissent, la saluent, l'embrassent. Le mégaphone commence à siffler et cracher. Un moustachu blond prend la parole, annonce le pourquoi et le comment de la manif. Objectif: obtenir le relogement de 29 familles mises à la rue par des incendies criminels. Destination: la station de métro après le 16 mars je me suis « Allô TC 85, je vous Ménilmontant. révolté, j'ai adhéré à.. . Ce écoute»: les trois loustics n'est pas grand-chose, mais qui tentent de se donner des La foule traverse le carrefour quand même. Bon, voilà mes apparences de jeunes gens et prend forme devant la clients. »Ils sont six puis dix à modernes - aujourd'hui, ils Caisse d'épargne. Le soleil l'attendre. Aujourd'hui, n'ont pas leurs kefiéhs de tente une percée. La lente et l'historien du cimetière leur banalisation - font joujou brève marche vers l'ouest propose, à l'habituel tarif de avec leurs talkies. Trois commence. Pendant ce ~ 38 F, un « Itinéraire d'évo- autres collègues en civil les temps, dans le square, une ~ cation de la Ill' République épauleront pour ce samedi douzaine de militants aux ..( au Père-Lachaise, de Thiers à pas comme les autres: un mines de conspirateurs ont Daladier ». grand Noir, un homme à commencé à monter une La foule a grossi. Des ban- cheveux blancs et une jeune grande tente. Les CRS arrideroles, un mégaphone, une femme en blouson. Il faut le vent, les travaux sont susvoiture de police. Une jeune reconnaître, l'équipe fait très pendus. Flottement. Attente. femme pose son vélo rouge couleur locale, à part le petit Enfin, le cortège arrive. FR3 1 contre la grille verte du détail des talkies. tIime. Ils suivent fidèlement Il L ___________. .::m:.::et:': ro::::,:...:q!u:::a::n:.::d:..:u:::n.:..::au::t:.re:::,:...:h:.::i.:st::o~---l.:l...:h.:.:e::u::re::s:...:. ....:T:..:o:..:u:.:s..:.le::s:...:Mé..::tr:..:o~p..:o_-_1_a_b_a_ta_il_Ie~p_ou_r_l_e_r_e_lo-::g::.--e_m_e_n---lt des sinistrés depuis le mois de décembre. Une drôle d'équipe: tous blonds, on dirait une famille. La tente La foule envahit le square. Un bref dialogue s'engage entre le moustachu - Roland - et le préfet de police, par talkie. «Pas question de monter la tente. » « Ce n'est pas moi qui décide, ce sont les manifestants. » Cinquante mains s'emparent des tuyaux métalliques, de la bâche, des ficelles . Ambiance de colo. Soudain, la précaire maison de toile bleue se dresse. Il fait froid. On se serre. Roland reprend le mégaphone. Lui succèdent Christian Delorme, Henri Malberg, puis un membre de la toute nouvelle Coordination des locataires d'hôtels meublés, un militant de Un logement d'abord, une autre d'ATD. Un télégramme fraternel de l'Abbé Pierre, hospitalisé, est applaudi. Un Malien, rescapé de l'incendie d'un meublé, clot les interventions. Avec soixante-dix autres personnes, il a réalisé une « réquisition populaire» d'un immeuble : le tribunal leur a donné un sursis jusqu'au 31 inars. Et après? Midi est passé. Les adultes se dispersent. Les enfants, qui furent les premiers à manifester contre les incendies, occupent le terrain. Pour Roland, Nadia - la Chinoise au nom russe - et quelques autres, la journée n'est pas finie. AG Changement de décor. Un peu plus haut sur la colline, une salle de réunion au Relais, haut lieu de la vie associative du XXe arrondissement. Le comité du MRAP des XIXe et XXe arrondissement tient son assemblée générale statutaire. On fait le point. En novembre dernier, le comité a gagné un procès que lui avait intenté le maire du XIXe pour diffamation, à la suite des affrontements avec les nationalistes en 1985 sur le marché de la place des Fêtes. Différences - n° 66 - Avril 1987 En mai, le comité avait organisé une journée de formation sur le thème « Immigration, racisme, délinquance », qui fut un franc succès. Tout comme la brochure sur le même thème, vendue à plus de 400 exemplaires. 40 dimanches sur 52, les Mrapistes ont été présents sur le marché de la place des Fêtes. Alors, tout va bien ? Tout, non: sur 200 adhérents, seuls 130 ont adhéré directement au comité local. Les autres préfèrent adhérer centralement et «on ne les voit pas ». Le nombre d'adhérents a baissé. Les activistes sont une dizaine. Tout le monde s'accorde à constater qu'il en va de même ailleurs, dans le monde associatif, syndical ou politique. Mais les jeunes? Ils sont actifs, mais n'adhèrent pas aux organisations ayant pignon sur rue. Des perspectives? Elles ne manquent pas : le Code de la nationalité, qu'il soit ou non en définitive réformé, préoccupe les militants. L'extrême- droite aussi. C'est ici que Le Pen a commencé sa résistible ascension, du conseil municipal du XXe jusqu'au Parlement européen et au Palais Bourbon ensuite . 18 puis 14 % de voix dans cet arrondissement, et 19 % dans le XIX', ça n'est pas rien! L'appareil législatif mis en place autour des immigrés, les pratiques administratives dures à leur encontre nécessiteraient la mise en place de permanences juridiques dans les deux arrondissements. Le Comité s'y attellera avec d'autres associations. La collaboration avec celles-ci est d'ailleurs entrée dans les moeurs. La composition du Comité de soutien aux sinistrés en est certainement le meilleur exemple. Quand la nuit tombe sur Paris, les Hauts de Belleville s'animent: à la MJC un groupe folk affute ses violons. On danse pour les sinistrés. L'idée était venue d'un instit. Le bal rapportera 4000 F. «On aurait dû mettre l'entrée un peu plus cher .. . » D FAUSTO GIUD/CE Expulsion, incend ies: on s'organise fermement, tranquillement aussi. l~ • PROCES. Ouverture en Israël du procès de John Demanjuk, suspecté d'avoir été Ivan le Terrible, le tortionnaire en chef du camp de Treblinka où sont morts plusieurs centaines de milliers de juifs, victimes du nazisme (16 février). • FUSILLADE. A Chambéry, un inconnu masqué ouvre le feu sur les clients d'un bar fréquenté par des immigrés, faisant deux blessés (16 février). • RETROUVAILLES. Les mères françaises et anglaises qui, depuis le 10 février, marchent vers Genève pour que la: France et l'Algérie signent enfin une convention permettant de régler les conflits au su- Dans une interview au Monde, M. Pandraud affirme, en parlant de Malik Oussekine, l'étudiant tabassé à mort par ses services lors des manifestations de décembre dernier : « Si j'avais un fils sous dyalise, je l'empêcherais d'aller faire le con la nuit. » Puis il continue sur sa lancée, traitant Malik au passe de «raté de geoisie ». ciation de M. Robert Faurisson, bien connu pour ses thèses visant à mettre en doute l'existence des chambres à gaz et du génocide des juifs (17 février). • DEBOUTE. M. Henri Roques, auteur d'une thèse contestée tendant à nier l'existence des chambres à gaz et dont la soutenance avait été annulée par M. Alain Devaquet en juillet dernier, est débouté de ses poursuites contre des journalistes de Libération qui avaient qualifié cette thèse d'« antisémite» (18 février). • LIBERE. Iossif Begun est libéré de la prison de Tchistopol où son épouse est allée le chercher (20 février). L'HOMME QUI TIRE PLUS VITE QUE SES TROUPES la bourrapide Bordeaux Vintimille le 14 novembre 1983, qui avait fait appel voit sa peine de réclusion à perpétuité ramenée à 20 ans par la cour d'assises (20 février). • REFERENCE. Le nouveau directeur des communications de la Maison Blanche reconnaît qu'il a été membre d'un mouvement de jeunes nazis en Allemagne (20 février). • PAS DE VISA, PAS D'AVION. Les parents de Pierre-André Albertini arrivent à Johannesburg, mais ils sont bloqués à la salle de transit de l'aéroport. TI avait fallu des manifestations d'amis de Pierre-André a l'aéroport de Roissy et l'intervention du Quai condamnent pas Robert Pandraud. Seul, M. Malhuretjuge malheureuses les déclarations de celui-ci. Quant à Charles Pasqua, il le défend avec cette phrase sibylline : «M. Pandraud n'est pas plus raciste que n'importe quel autre membre du gouvernement. » En réponse à ces aimables propos, 10000 étudiants et lycéens manifestent le 11 mars au Quartier latin à Paris. Pour sa part, le MRAP condamne« les propos injurieux» de M. Pandraud, et « attend du gouvernement, non seulement qu'il affirme un désaccord avec les propos de M. Pandraud, mais qu'il stigmatise clairement les méthodes utilisées pour réprimer les mouvements étudiants et prenne des sanctions exemplaires contre les meurtriers de Malik Oussekine pour empêcher que de tels actes ne puissent se reproduire ». Les membres du gouvernement ne Nous voilà rassurés. A noter dans la manifestation, ce panneau
- « Si j'avais un père ministre,
je l'empêcherais de dire des conneries. » On a beaucoup glosé dans la presse, , sur le caractère volontaire ou nom de cette bourde du ministre. Quelles motivations: contenter l'extrême droite, jouer les durs, voire détourner l'attention des médias de M. Pasqua? Rappelons que M. Pandraud, candidat, avant d'être ministre, à la députation en Seine-Saint-Denis, avait été accrOChé par le MRAP local pour d'autres propos de ce genre. On ne se refait pas. Mais on peut toujours changer de métier. 0 jet des enfants de couples binationaux, revoient leurs enfants à Strasbourg, accompagnés d'officiels algériens et de leurs pères (17 février). • DEMISSION. M. Henri Caillavet, ancien sénateur du Lot-et-Garonne, démissionne de l'Union des athées à la suite de l'adhésion à cette asso- • MINIMUM. Serge Flaud, un cafetier qui avait tué à coups de fusil un de ses clients algériens, est condamné à 5 ans de prison, dont 3 avec sursis, par la cour d'assises de Carpentras (20 février). • PEINE DIMINUEE. Marc Beani, l'un des légionnaires assassins d'un jeune algérien dans le d'Orsay pour que ses parents puissent récupérer leurs passeports, retenus à l'ambassade d'Afrique du Sud et embarquer dans un avion de l'UT A (21 février). CARMELITES. Les carmélites d'Auschwitz seront relogées d'ici deux ans hors de l'enceinte du camp de concentration. Ainsi en ont décidé 17 personnalités juives et catholiques réunies à huis-clos près de Genève. Cette décision met fin à la polémique provoquée par l'installation, en octobre 1984, d'un couvent de carmélites sur le lieu où les bourreaux nazis stockaient les gaz meurtriers et les restes monnayables (vêtements, chaussures, etc .) de leurs victimes (22 février). • TETE DE TURC. Après que plusieurs firmes allemandes eurent tenté en vain de faire condamner et censurer Günter Wallraff, auteur de Tête de Turc, une grande enquête sur l'exploitation des immigrés turcs outre-Rhin, Thyssen, trust sidérurgique parvient à faire condamner Wallraff par un tribunal de Düsseldorf à modifier deux passages de son livre mettant en cause les pratiques de négrier employées dans ses usines (23 février). • JOURNALISTE ARRETE. Graham Brown, le journaliste sud-africain de l'Agence France-Presse, qui avait été arrêté le 21 février , est libéré. Il avait été appréhendé pour «comportement suspect », sans autre précision, alors qu'il enquêtait sur les querelles entre bantoustans (23 février). • RETOUR. Une quarantaine d'anciens émigrés soviétiques regagnent Moscou en provenance des Etats-Unis, ce qui porte leur nombre à 200 depuis la fin de l'année dernière (23 février). • PROCES BARBIE. La date d'ouverture du procès de Klaus Barbie devant la cour d'assises du Rhône est fixé officiellement au lundi 11 mai 1987, annonce le procureur général de la cour d'appel de Lyon (24 février). • BONNE PAIRE. Le Quotidien de Paris publie une photo de M. Jean-Marie Le Pen serrant la main du président Reagan, lors d'une réception à Washington. La personnalité qui aurait conduit M. Le Pen à cette réception serait le colonel Bo Hi Pak, le bras du révérend Moon, chef de file de la secte du même nom (24 février). • INACCEPTABLE. La quasi-totalité des Français - 93 % des personnes interrogées - jugent « inacceptable» le refus du droit de vote aux Noirs d'Afrique du Sud, indique un sondage CSA (25 février). • RATONNADES. Des colons israéliens, membre de l'organisation raciste Kach du rabbin Meir Kahana, se livrent à des actes de vandalisme contre des voitures et des maisons appartenant à des Palestiniens, à Khalkhoul en Cisjordanie occupée (26 février). • MADAME APARTHEID. Dans la luxueuse revue Géopolitique, éditée par Marie-France Garaud, dont le dernier numéro est consacré à l'Afrique du Sud, Paul-Marc Henry, ambassadeur de France: «Les Noirs sont, par nature, des ressortissants de leurs propres territoires tribaux et sont et resteront à la limite des résidents d'origine étrangère sur le territoire sud-africain. » (28 février). • CRITIQUE. Les pays membres du Forum du Pacifique Sud adressent à la France un message critiquant vivement le futur référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie (3 mars). • TAMPON. L'agence angolaise de presse ANGOP indique que l'Afrique du Sud tente de créer une « zone tampon» permanente dans le sud angolais où s'abriteraient les contrerévolutionnaires de l'UNIT A (3 mars). • REMORQUAGE. Deux Sud-africains blancs qui ont reconnu avoir attaché un Noir derrière un camion après l'avoir battu, peu avant qu'il ne meure, sont acquittés à Johannesburg (4 mars). • EFFICACITE. Les Tziganes ouest-allemands protestent contre un publication de l'agence touristique TUI, de RFA, qui prétend Paris, 15 mars: 30 000 personnes demandent le retrait du projet Chalendon de réforme du Code de la nationalité. Les bébés sont alertés. que Franco avait « manqué d'efficacité» dans l'extermination des Tziganes. La revue est retirée de la vente (4 mars). • INTERDICTION. La revue israélienne News from Inside, éditée par le Centre d'information alternative, est interdite par Tel-Aviv. Son directeur, Michel Warschawski est arrêté et inculpé d'avoir «incité des détenus suspectés d'être des terroristes à résister aux interrogatoires ». Cette accusation est fondée sur le fait qu'on a trouvé au domicile de l'accusé un ouvrage expliquant comment on pouvait résister à la torture ... (4 mars). • DISCRIMINATION. A Bruxelles, les étudiants noirs africains s'élèvent contre les mesures décidées par le gouvernement belge de les soumettre à des tests sanguins pour dépister le SIDA. Cette mesure est jugée humiliante, discriminatoire et raciste (4 mars). • EXPULSION. Rue de la Goutte-d'Or, dans le XVIII arrondissement de Paris, la police procède à l'expulsion de 49 Maliens d'un immeuble pour «raisons de sécurité ». Ils ne sont pas relogés, mais accueillis dans un foyer du bureau d'aide sociale de la mairie de Paris. Six Français qui habitaient l'immeuble ont été immédiatement relogés (5 mars). • AMBASSADEUR. Le chanteur noir américain Harry Bellafonte remplace l'acteur Danny Kaye, qui vient de mourir, comme ambassadeur itinérant de l'UNICEF, aux côtés de Peter Ustinov et de Liv Ullmann (5 mars). • PAS DE SANCTIONS. En visite officielle à New Delhi, le ministre français des Affaires étrangères, J ean-Bernard Raimond, déclare que Paris maintenait son opposition à des sanctions obligatoires contre l'Afrique du Sud, car celles-ci ne seraient pas «productives» (6 mars). • PACIFISTES POURSUIVIS. Quatre militants pacifistes israéliens sont présentés au tribunal de Ramaleh (Tel-Aviv). Ils sont accusés d'entretenir des relations avec « des organisations terroristes » pour avoir participé à une rencontre israélo-palestinienne en novembre 1986 à Bucarest (9 mars). Différences - n° 66 - Avril 1987 • CONDAMNATION. Le Figaro est condamné à 30 000 F de dommages et intérêts pour diffamation envers un ressortissant libanais que ce journal avait présenté comme un terroriste des F ARL, à la suite de l'attentat de la galerie Point Show le 20 mars 1986 (10 mars). • GOLAN. Des milliers d'habitants du Golan sy- BLACK BABIES. 557 enfants noirs sont emprisonnés en Afrique du Sud. Le comité de soutien aux parents d'enfants détenus en RSA signale que 60 jeunes de moins de 17ans ont été victimes de sévices. L'hebdo sud-africain Weekly Mail révèle qu'un garçonnet noir de deux ans a été libéré la semaine derrien annexé par Israël participent aux obsèques de Ghalia Farhat, mortellement blessée le 8 mars par les troupes de Tel-Aviv lors d'une manifestation contre les occupants (10 mars). • SANCTION. Le gouvernement suédois décide d'arrêter ses échanges économiques avec l'Afrique du Sud à partir du 1 c juillet prochain 1987 (12 mars). nière. Il avait passé huit mois en prison avec sa mère. Poussé dans ses retranchements après ces révélations, le ministère de la Justice de Prétoria a dû annoncer qu'en 1986, les geôles sud-africaines avaient «accueilli » 2 280 bébés. Autre précision: sur les 716 victimes de la répression en 1986, une centaine étaient des enfants et des adolescents. C'est chouette d'être un enfant noir en Afrique du Sud. 0 • EXPULSES. Les familles sinistrées au lendemain des incendies criminels dans le XX' arrondissement de Paris occupent le hall de la préfecture. Elles exigent d'être relogées. La police les a expulsées après la promesse d'un rendez-vous avec le directeur chargé du logement à la préfecture de Paris. Depuis 4 mois, ces familles occupent un immeuble qu'elles squattent dans le XX, arrondissement et dont elles doivent être expulsées le 31 mars 1987 (12 mars). • LIBERE. Mme Elena Bonner annonce la libération du père Gleb Yakounine, condamné en 1980 pour «calomnie contre l'Etat soviétique» (12 mars). • MANIF. Chiffre officiel
- 30 000, chiffre probable
50000. A
l'appel de plus de deux cents organisations dont le MRAP, des dizaines de milliers de personnes défilent à Paris pour exiger le retrait définitif du projet de réforme du code de la nationalité (15 mars). Réalisé par ROBERT PAC Il UN PAYS, VINGT ETHNIES PHOTOS : LIL Y FRANEY Un Malien sur douze vit en France. Dramatiquement mise en scène par MM. Pasqua et Pandraud et leurs expulsions-charter, cette immigration est surtout signe de pauvreté. Quatrième pays le plus pauvre du monde, le Mali est pourtant riche du mélange de ses vingt ethnies, des Bambaras aux Touaregs. III Différences - n° 66 - Avril 1987 Toutes couleurs Agé d'une douzaine d'années, les traits fins dans un visage d'un bel ovale, le teint clair, Ibrahim sort de l'école coranique, une table de lecture plaquée sur la poitrine. Dans sa djelaba écrue, il ressemble beaucoup aux autres enfants entrevus à la sortie des nombreuses médersas, les écoles religieuses de Djenné. Ibrahim vient vers nous et nous invite à la lecture. Devant notre mutisme, il nous explique dans un français parfait que l'arabe est la quatrième langue qu'il apprend. Comme la plupart des enfants de son âge ayant la chance de fréquenter l'école, Ibrahim a dû, en quelques années, assimiler quatre langues. D'abord sa langue maternelle, le foula, le langage des Peuls. Puis le bambara, principale langue véhiculaire du Mali. A l'école publique, il a appris à lire et à écrire en français. Maintenant, il reçoit l'enseignement religieux en arabe. Au Mali, comme ailleurs en Afrique, plusieurs ethnies vivent côte à côte tout en conservant leurs particularismes, dont le plus évident est la pratique de langues parfois très différentes les unes des autres. La colonisation et l'Islam ont rajouté la leur. Les langues indigènes commencent seulement à être orthographiées et utilisées pour l'alphabétisation des adultes ou dans des écoles expérimentales. Un programme important, avec le concours de l'Unesco, est entrepris pour généraliser l'enseignement en langue maternelle, tout en conservant le français (langue officielle) comme seconde langue. La situation est loin d'être simple. Les spécialistes dénombrent plusieurs dizaines d'éthnies différentes et six grandes familles linguistiques qui comportent en leur sein de nombreuses variantes. Dans ce contexte, la quasitotalité des Maliens est au moins bilingue et les lettrés parlent généralement quatre ou cinq langues. La rigidité des frontières nées de la colonisation, l'existence d'un espace délimité pour les échanges économiques entraînent progressivement la généralisation d'une 1111 17 janvier 2012 à 13:45 (UTC)~::::::::::::::::~ __la _n~g_u_ e _v_ é_h_ic_u_l_arr_' e_. A_ u _M _a_l_i, _c 'e_s_t _le __b_ a_m_b_a_r_a,_ _( _le_s~ Bambaras sont la principale ethnie, estimée à plus du quart de la population totale) qui apparaît le plus souvent comme langue du commerce, des voyages, des rencontres. Les problèmes du langage ne sont pas les seuls, les fonctions sociales, l'existence de castes, entraînent un cloisonnement assez étanche entre différents groupes. A côté des Bambaras, vivent les Malinkés, les Senoufos, les Sarakollés, les Songhais, les Dogons, les Bobos, les Toucouleurs, les Bozos... sans oublier les Peuls, les Touaregs et les Maures, classés généralement à part en raison de leur teint clair. Les a priori sur la couleur de la peau, existent là-bas aussi. Nous en prendrons conscience en entendant un ami, appartenant à une caste considérée comme basse, se désoler devant la noirceur de sa peau. La comparant à celle d'un de ses proches qui gagne bien sa vie il nous Tatouages ou scarifications constituent parfois des signes distinctifs supplémentaires. Du coup, dans les villes, on vend de plus en plus de produits blanchissants pour la peau. Poursuivant leur conquête commerciale, certaines compagnies occidentales ne se contentent plus de vendre aliments et produits manufacturés. A grand renfort de publicité, on vante les cosmétiques qui rendent le teint clair et les cheveux soyeux. De nombreux Africains s'insurgent contre ces pratiques. Les produits sont le plus souvent corrosifs et ont déjà provoqué des accidents. Pour les trois quarts de la population malienne, la vie est réglée par les structures traditionnelles et le rythme des saisons. Que l'hivernage soit plus ou moins précoce, court ou long, la pluie suffisante ou non, et pour les familles ce AiIsi, DII naiI et fDII demeIIe iIfJIÏIIIIf!II oemme /es Dogons, éIt!ftfB tDIIIIIIe /es PeIJs, lIêtJIeW comme /es Bt1ztJs. •• confiera: « Oui, mais, lui, il a de la chance. Il est beau parce qu'il a la peau claire, ce n'est pas comme moi. » Le teint clair des hommes de certaines castes nobles, d'origine Peul ou Arabo-Berbère, la domination marocaine, la conquête coloniale, puis aujourd'hui l'hégémonie technologique des pays du Nord ont contribué à faire du Blanc, dans l'imagerie populaire, le symbole de la réussite. Aussi ·existe-t-il une multitude de nuances pour classer la couleur de la peau entre les rouges, les blancs, les gris, les noirs et les bruns, le tout compliqué par des considérations de paternité qui déterminent l'appartenance au groupe. Différences - n° 66 - Avril 1987 sera la famine ou l'abondance relative. Le Mali est l'un des quatre ou cinq pays les plus pauvres de la planète. En dehors des villes, l'organisation sociale est définie par l'attribution d'une fonction précise à un groupe, une caste, une ethnie. Ainsi, on naît et l'on demeure agriculteur comme les Dogons, éleveur comme les Peuls, forgeron comme certains Dellas, pêcheur comme les Bozos, griot comme dans quelques familles Malinké. Chaque fonction attribuée est assurée de père en fils. Les états de noble, d'homme libre ou d'ancien esclave sont encore très marqués. Sans lm que cela entraîne généralement de conflits aigus, la préséance est scrupuleusement respectée, soulignée par des plaisanteries traditionnelles. Les plaisanteries, comparables à nos histoires belges, sont courantes. Le culivateur dogon considère le Peul comme efféminé, fourbe, peu travailleur, le Peul dit du Dogon qu'il est rustre, balourd et tête brûlée. C'est ainsi qu'existent les cousins à plaisanterie. Entre deux groupes cousins à plaisanterie, il ne peut y avoir de paturages dégagés par la baisse des eaux du Niger et du Bani, les troupeaux traversent par milliers la rivière Bani. C'est un spectacle incroyable, réglé comme une grande fête. Pendant des heures, sans discontinuer, les animaux s'élancent comme des troupes au combat, soulevant une poussière épaisse. La pluie, les crues des fleuves régentent aussi la vie des pêcheurs, celle de nombreux voyageurs et commerçants qui profitent des hautes eaux pour se déplacer en pirogue ou en pinasse (barque à fond plat). AuItJI6 de raïett se _ /es étJDUseS, /es Ils et Ieuts fenInes, /es enIiJIIJ. .. /es taSeS abtiIiJrt la 8niIIe élargie ltJnnenI /1iIIItJiS III vétiIilIJIe Ianeau discorde, les chamailleries, les farces (même de mauvais goût) faisant partie intégrante de la convivialité. Malgré des. conditions d'existence extrêmement pauvres, un taux de mortalité infantile élevé, la société rurale au Mali assure sa pérennité. L'organisation de base est la famille élargie. Autour de l'aïeul. se regroupent les épouses, les fils et leurs femmes, les filles non mariées, les petits enfants et parfois les arrières petits enfants. Les cases abritant la famille élargie forment souvent de véritables petits hameaux. La plupart des travaux sont organisés collectivement pour le village entier et ne sont pas rémunérés. C'est le cas des labours, des récoltes et de la construction des maisons. Les enfants participent très jeunes à ces travaux. Chez les Peuls, pasteurs nomades, la vie s'organise autour des troupeaux de vaches d'une race particulière s'apparentant au zébu. Il semble que le but soit de constituer le troupeau le plus important possible, signe du rang social et de la richesse de la famille. Dès lors, on ne vend pas ses vaches, on conserve son patrimoine. Certains économistes considèrent ce phénomène comme négatif: le rendement laitier des animaux est quasiment nul, et la commercialisation de la viande inexistante. On peut se faire une idée de l'immensité des troupeaux au moment de la transhumance. Pour rejoindre les nouveaux Ainsi la société perpétue des structures qui semblent immuables. Quand parfois des modifications se produisent, en raison d'un facteur extérieur (commerce, tourisme, petite entreprise), c'est le plus souvent en créant une structure sur le mode traditionnel que les nouvelles fonctions sont remplies. Patrice Maïga, Dogon converti au christianisme et récemment émigré en ville en fournit un exemple frappant. Né dans un petit village près des falaises de Bandiagara, ayant subi comme ses frères les rites initiatiques de la société dogon, il était destiné à cultiver les minuscules parcelles de terre que ses ancêtres avaient arrachées à la montagne. Mais la société singulière des Dogons a attiré les touristes et les falaises de Bandiagara constituent une des principales attractions du Mali. C'est ainsi que Patrice s'est retrouvé en ville comme serveur dans un des nombreux établissements destinés à accueillir les visiteurs. Beau costume bleu ciel. mais un peu défraichi, il explique: « Nous les Dogons, les gens savent qu'ils peuvent nous faire confiance, nous ignorons le vol ou le mensonge, le travail est notre nature. Comme nous ne sommes pas musulmans, nous pouvons travailler dans un lieu où l'on sert de l'alcool. » Ainsi s'est créé un nouveau groupe parmi les Dogons: les serveurs de restaurant. 0 LILY ET JEAN-PIERRE FRANEY J PETITS, PETITES Petite bouille ronde, de grands yeux noirs, la fillette qui lave son linge sur le bord du fleuve n'a pas plus de trois ans. Pourtant elle s'applique consciencieusement. Elle savonne, frotte, bat et rince le linge avec les mêmes gestes que sa maman. Ici les filles commencent à travailler dès leur plus jeune âge. Leur première tache est de distraire les nouveau-nés, de les surveiller et dès que leurs frêles jambes le peuvent elles transportent les petits sur leurs dos une grande partie de la journée. Les familles ont souvent plus de dix enfants aussi les fillettes partagent-elles avec la mère les multiples taches ménagères, laver le linge, récurer les chaudrons, s'occuper des plus petits, ramasser et couper le bois, puiser l'eau et la transporter jusqu'à la maison. Dans les campagnes, une part non négligeable des travaux des champs sont réalisés par les jeunes filles. Il n'est pas surprenant que dans ces conditions le taux de fréquentation de l'école par les filles soit très bas. Les garçons connaissent souvent des conditions un peu meilleures dans les premières années de leur vie, ils ont quelques loisirs et fréquentent plus régulièrement l'école. Pour les plus pauvres, cette trève est de courte durée. Dès l'âge de six ou sept ans, de nombreux gamins sont livrés à eux-mêmes. Certains n'ont d'autres recours que de mendier leur pitance, d'autres sont embauchés comme apprentis et ne perçoivent pratiquement aucun salaire pour un travail parfois très dur. Les autres garçons entrent généralement dans la vie active sans avoir terminé leurs études primaires. Ils sont intégrés au travail de leur groupe familial, de leur caste. La plupart d'entre eux perpétueront la tradition et n'auront pas d'autre choix pendant toute leur existence. Du Soudan au Mali L'empire Songhaï Victorieux de l'empire du Mali, Sonni Ali Ber donna naissance à l'empire Songhaï. Plus tard, Askia Mohamed Touré, fervent musulman, é tendit encore les limites de (XI/'-XVIII') l'empire vers l'est et assura une grande prospérité à sa cour grâce au contrôle de l'or et du commerce, fructueux à l'époque. En proclamant, le 22 septembre 1960, que l'ancien Soudan, dont les frontières avaient été tracées par l'administration coloniale, devenait la République du Mali , le Rassemblement démocratique africain du Soudan signifiait qu 'il se voulait l'héritier d'un passé glorieux qui vit la naissance du premier grand empire noir connu en Europe. L'empire du A l'époque où Clovis unifiait les tribus franques, se créait sur les rives du haut Sénégal et du delta central du Niger, un Ghana empire: le Ghana, pays de l'or, qui eut une existence continue pendant plus de cinq (VI-XI') siècles. Le Ghana fut connu jusqu'en Europe et vit la première grande vague d'islamisation de l'Afrique noire. Et l'on sait que celle-ci s'étendra, tout en coexistant avec l'animisme. . L'empire du Mali Au XIIIe siècle, partant du royaume du Mali dont la capitale était proche de l'actuelle Bamako, Keita Soundiata entreprit la conquête d'un empire qui, à son apogée, s'étendait sur l'essentiel des territoires ac- (XI'-XVII') tuels du Sénégal. de la Gambie et du Mali réunis. Un immense territoire de près de 1 500000 km2, soit trois fois la France! Le royaume Résistant à la conquête marocaine, les Bambaras fondèrent un royaume, dont la de capitale Segou était située à quelques Segou kilomètres de l'actuelle Segou. Avec le réveil de l'Islam, El Aadj Omar, fondateur de (XIII'-XIX') l'empire toucouleur, mit fin au royaume de Segou, et s'opposa ,à l'avance des troupes coloniales. Au XVe siècle, eurent lieu les premiers La voyages importants d'Européens en Afrique. . . Ce fut ensuite l'époque des grands exploracolOnisatIOn teurs. Le séjour de René Caillé à Tom- (XIX') bouctou en demeure un épisode fameux. Rapidement, les militaires organisent la conquête coloniale mettant fin aux missions scientifiques des explorateurs. Bénéficiant d'une supériorité technologique, les armées de l'empire « pacifient» l'Afrique de l'ouest. Le 16 juin 1895 est -~ - ,a creee l'Afrique occidentale française qui regroupe les territoires du Sénégal, de la Mauritanie, du Soudan (Mali), de la Haute Volta (Burkina Faso), du Niger, de la Guinée, de la Côte d'Ivoire et du Dahomey (Benin) et dont la capitale est située à Dakar. Les limites de ces différents territoires sont le résultat du partage colonial entre les grandes puissances ou des frontières arbitraires tracées par les états-majors. Recrutement Parallèlement à la conquête, la France . coloniale organise le pillage des pays et travail dominés. Pour assurer la fourniture réguforcés lière de matières premières à la métropole, de grands travaux sont réalisés: du chemin (XX"· 1 de fer de Kayes au grand barrage de Markala, l'essentiel de la main-d'oeuvre proviendra du travail forcé. Le premier conflit mondial entraînera le recrutement d'un fort contingent africain. La majorité des tirailleurs sénégalais é tait d'origine bambara. L'indépendance (1960) A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la victoire de la démocratie sur le nazisme eut des répercussions importantes en Afrique. C'est à Bamako en 1946 qu'est créé le Rassemblement démocratique africain. Le RDA, développant des idées indépendantistes et progressistes, deviendra rapidement la principale force politique des pays de l'AOF. Le statut des colonies est alors celui de l'Union française. Houphouët-Boigny en Côte-d'Ivoire, Madibo Keita au Soudan, Sékou Touré en Guinée, Léopold Sedar Senghor au Sénégal, sont alors les figures de proue du mouvement indépendantiste. En 1958, est créée la Communauté française. En 1959, le Soudan et le Sénégal/forment la Fédération du Mali. Après l'échec de la Fédération du Mali, le 22 septembre 1960, est proclamée la République du Mali. Modibo Keita devient le chef de l'état de l'ancien Soudan français. Le coup d'état (1968) Le 19 novembre 1968, un coup d'état militaire renverse Modibo Keita, les options socialistes du Mali sont mises en veilleuse, de nombreux militants syndicalistes et politiques sont arrêtés. Le lieutenant Moussa Traoré, actuel président du Mali, s'affirme progressivement comme leader du nouveau régime. Les liens avec la France sont renforcés, les bonnes relations avec l'Union soviétique et la Chine, conservées. En 1973, la mort en détention de Modibo Keita est confirmée. C'est une victime supplémentaire du bagne de Taoudeni situé près de salines isolées, en plein coeur du désert, et où seraient emprisonnés encore aujourd'hui de nombreux détenus politiques. Le régime de Mousa Traoré sera marqué par deux conflits frontaliers avec le Burkina Faso, alors Haute-Volta (1974- 1975 et 1985) et surtout par deux grandes sécheresses; (1970-1974 et 1984-1985), dont souffrira atrocement une grande partie de la population du Mali. 0 ~------------------------------------------------------------------------------~ AUSTERITE La tutelle du Fonds monétaire international a contraint le Mali à une réorganisation de son économie, qui s'est traduite par une austérité renforcée et J'effondrement de certaines industries privatisées (avec, au passage, la constitution de quelques belles fortunes spéculatives). La France, principal partenaire économique, dispose de moyens de pression considérables, notamment en raison de l'importance dans la balance commerciale du rapatriement des fonds des travailleurs maliens en France. Les cours du coton (principale ressource à l'exportation) se sont effondrés et l'on s'interroge encore sur l'arrivée importante de céréales, aide des Etats-Unis, alors que les récoltes sont excédentaires cette année et que de nombreux paysans n'ont pu vendre leurs produits. Ces phénomènes, dramatiques pour l'économie, n'ont cependant que des répercussions secondaires pour une grande partie de la population. Les paysans les plus pauvres vivent dans les conditions précaires d'une quasi-autarcie, Différences - n° 66 - Avril 1987 S'écartant plus ou moins de la société traditionnelle, les anciennes villes coloniales ont grossi démesurément. L'administration, l'aImée, caricaturés du modèle français du début du siècle sont en décalage évident avec les besoins et les ressources du pays. Malgré de formidables potentialités, l'industrie reste à l'état embryonnaire. Entre l'immobilisme de la société traditionnelle et l'absence de grands projets gouvernementaux, les possibilités d'une évolution rapide de la société malienne paraissent bien minces. Cependant, l'armée semble rentrée dans les casernes, certaines coopératives agricoles connaissent de bons résultats, de nombreux intellectuels mettent en valeur ce qu'il y a de positif dans le patrimoine historique et traditionnel du Mali. La pauvreté, la misère sont l'univers quotidien de la majorité des Maliens, Les injustices, les inégalités sociales renforcent l'aspiration a une démocratie bien réelle. Nombreux sont les hommes qui n'ont pas renoncé au vieux rêve de fraternité panafricain et l'ampleur du mouvement de lutte an ti-apartheid a redonné ici beaucoup d'espoir, 1200 000 km" (deux [ois la France) 8 000 000 habitants dont 3/4 de population agricole et 50 % de moins de 20 ans. 70 % de musulmans, et forte influence de l'animisme. PNB.' environ 1 000 F par an. Dette extérieure: 1 milliard de dollars, soit J'équivalent du produit intérieur brut. Il ~ L v R E s D"lel ET D'AILLEURS CORPS A CORPS. Depuis plus de dix ans la revue Quel corps? n'a cessé de poser et d'analyser les questions touchant aux divers types de fonctionnements et de représentations (réels, imaginaires, médiatiqùes, etc.) de la machine corporelle et d'ouvrir sur ces thèmes la brèche d'une réflexion en profondeur, Du corps individuel aux « corps» collectifs et de leurs avatars: historiques, sociaux, politiques ... D'aucuns ont reproché à cette revue de tendre au constat réducteur: sport fascisme; ce serait nier J'éventail d'analyses tous azimuts qu'au fil du temps la revue a produit. Comme autant de miroirs où se démultiplient et se réfrac- '" "':L.--"-_ -:'''''':--'-' tent des problèmes intimement liés aux idéologies et aux modes de vie qui - et c'est selon - privilégient telle ou telle image du corps; quitte à nier sa réalité multiforme. A cet égard, la toute récente publication d'un recueil d'interviews et d'articles critiques (dont de remarquables contributions: celles de Michel Foucault, Vladimir Jankélévitch, Paul Virilio ... ) fait événement. Un livre-essai qui aborde les questions du corps par rapport au pouvoir, à l'oppression, la violence, l'espace, etc. Une tentative de ne pas laisser macérer ce sujet qui nous concerne tous dans le bain tiède spectacularo-médiatique (TV, presse spécialisée sport/beauté, etc.) où notre société le confine sous l'alibi des hédonismes de surface. 0 J.-J. P. Quel Corps?, éditions de la Passion, 258 bis, rue de Paris 93100 Montreuil. BONNE NUIT. Eitima, qu'est-ce que c'est? Peut-être un prénom de fille venue d'une contrée lointaine, ou bien le titre d'une chanson douce, venue de sous les palmiers, une danse exotique, une musique qui sent bon le soleil. C'est un peu tout cela. A l'envers, Eitima c'est Amitié, l'amitié qui fait s'aimer les enfants de tous pays avec leur différences, et au-delà. Cinq histoires ou poèmes écrits par cinq auteurs venus d'Uruguay, du Viêt-nam, d'Algérie, de Guadeloupe et d'un pays qui n'a pas de frontières pour un Tzigane, le monde. Dialogue avant de s'endormir, la première histoire, invite au voyage, au creux des vagues, entre le tropique du Cancer et le tropique du Capricorne, avant de fermer les paupières. Le rêve terminé, on joue aux billes avec Hung, le petit Vietnamien. Puis, on s'éprend de liberté quand arrive Justo, l'enfant tzigane et son chat Voyou, réincarnation d'un grand-père chéri qu'il vient de perdre. L'école, l'univers heureux des mômes qui se découvrent et qui deviennent amis, car ils n'ont pas encore eu le temps d'apprendre la haine et le mot racisme. Et, comme tout finit bien, on termine le livre avec la chanson de la pluie qui trépigne sur les tôles ondulées, au pays du manguier et des mabouyas, le lézard gris et blanc. « Il pleut .. ./Viens enfant/Viens petit monde/ écouter la chanson d'amour d'une gouttelette d'eau/Viens jusqu'ici avec moi, écouter pleurer la pluie/Dans une autre langue qu'ici. » Avant de s'endormir le soir, il fera bon mettre ce livre sur la couverture, et le garder précieusement comme on garde un ami. De chouettes histoires à se raconter entre parents et enfants quand le sommeil est encore 10in.D MARIETTE HUBERT Eitima, par Norah Giraldi-Dei Cas, Tanh, Gérard Gartner, Keltoum Guerbi, Liliane Liseron. Ed. Le grain de sable. VRAIE DAME. A la fin du XIXe siècle, Isabelle Eberhardt, une femme éprise de liberté, quitta la Suisse pour s'en aller en terre d'Isla,m, en Algérie où ses attitudes et son comportement défrayèrent la chronique pa~mi les «gentils colonisateurs français». Travestie en homme, convertie à l'Islam, mariée à un Algérien, elle mena une vie hors du commun, mais de courte durée, puisqu'elle mourut à l'âge de vingt-sept ans (1). De ses périples à travers le Sahara, de ses rencontres avec le peuple algérien misérable, sont nés des ouvrages aujourd'hui introuvables, dans lesquels est rapportée la vie des colonisés et des colonisateurs. Toutefois, plusieurs nouvelles viennent d'être rassemblées dans le recueil Yasmina, qui est d'ailleurs l'un des titres d'une de ces nouvelles. Isabelle y aborde les problèmes qui se posent à la femme algérienne à cette époque. Victime de l'injustice des hommes, des traditions et de la colonisation, on la retrouve soit soumise et cloîtrée, soit prostituée lorsque l'amour d'un roumi (2), ou tout simplement la misère, la jette sur le trottoir, dans les maisons closes. Dans M'Tourni (le Converti), on perçoit à travers l'itinéraire religieux de l'Italien catholique devenu musulman, celui d'Isabelle, devenue Si Mahmoud. Le lancinant appel du désert, telle la mélopée du muezzin a l'heure de la prière, les terres arides, crevassées et déchiquetées par le soleil, voilà la raison de vivre d'Isabelle. Les dunes de sable mouvant, le silence et la solitude exacerbèrent son mysticisme et sa foi maraboutique. Aussi, est-elle exaspérée lorsqu'elle voit dans la colonisation de l'Algérie, l'écrasement des structures fondamentales de l'Islam et de la culture d'un peuple. Le mépris qu'elle affiche envers les colons, lui vaudra d'être mise au ban d'une société qui ne tolère guère les incartades d'une excentrique qui a préféré le burnous et les bottes de cavalier aux chemisiers en dentelle et aux jupes froufroutantes des dames respectables. Les inconditionnels d'Isabelle seront d'autant plus ravis que les éditions Actes Sud viennent de rééditer Lettres et Journaliers textes d'une écriture troublante qui nous apportent des témoignages essentiels sur la colonisation de l'Algérie. Certains d'entre eux figuraient sur des manuscrits maculés de boue qui furent retrouvés après l'inondation qui coûta la vie à Isabelle à Aïn Sefra en 1904. 0 M.H. (1) Voir Différences, n° 48, septembre 1985. (2) Mot arabe désignant autrefois les Romains. Aujourd'hui, par extension, il désigne les Français, les Européens. Sables de Delacour et Huleu, éditions Liana Levi. Lettres et Journaliers d'Isabelle Eberhard, présentation et commentaires par Eglal Errera, éditions Actes Sud. Différences - n° 66 - Avril 1987 COUSCOUS-FRITES. Martine Muller a décidé de jeter l'anathème purement et simplement sur ces couples biculturels, que l'on appelle mixtes, et plus particulièrement sur les unions francomaghrébines. Ce livre donne le grand frisson du début jusqu'à la fin et vous laisse une sensation de malaise. Elle frôle la xénophobie et ne laisse aucune chance à ceux ou à celles qui ont choisi de vivre avec un conjoint de culture différente. Ça sent la mauvaise cuisine (n'est-on pas en plein mélange, en pleine mixture ?) et on croirait entendre les ragots d'une concierge de bas-étage avec un vocabulaire plus choisi, bien sûr. Ce livre est avant tout un acte de vengeance. Martine Muller a ellemême contracté un mariage avec un Tunisien qui s'est avéré être malheureux. Elle projette donc l'échec de son union sur tous ces couples, qui, pour elles, ne peuvent qu'entraîner drames psychologiques et phénomènes de rejet de la société. Un bon conseil, ne vous unissez qu'avec des gens de votre sorte ! Il n'y a qu'un pas à franchir pour prêcher l'endogamie. Selon Augustin Barbara, les mariages « mixtes» sont une sorte de laboratoire de la relation conjugale en général. Ce n'est certes pas l'avis de Martine Muller qui n ' a même ;;;: pas proposé ~ un point de comparaison avec uri mariage monoculturel où, là aussi, deux personnes ont à apprendre à se connaître et se respecter mutuellement. Un moment du livre se révèle particulièrement cinglant pour celles qui ont ou qui vont choisir un partenaire étranger. Les Françaises qui épousent des Maghrébins sont, en général des provinciales, pas trop dégourdies et peu instruites, qui, ayant ellesmêmes des problèmes avec leur propre famille, s'en vont se jeter aveuglément dans les bras de ces hommes immigrés, eux-mêmes en proie à la détresse provoquée par l'exil. Les citadines, toujours selon l'auteur, plus évoluées, rechignent davantage à se lier avec « l'étrange » partenaire . Bécassine, c'est ma cousine ... Une part importante est faite aux enlèvements d'enfants. Le quart du livre y est consacré. Le problème existe, il est vrai, personne ne peut le nier, tant le vide juridique apparaissant entre les lois de deux pays dont l'un a subi l'emprise de l'autre est grand. Mais, là encore, on tombe dans la vulgaire caricature. «Les couscous pommes frites », nom donné, il paraît, aux enfants de couples mixtes, sont des bâtards. L'image du Maghrébin n'est autre que celle d'un salaud qui s'empresse de faire des gosses à sa femme française, la laisse tomber et lui enlève ses enfants. L'exception fait la règle. L'auteur ne conçoit pas qu'un mariage franco -maghrébin puisse réussir. Le malheur est le lot de celles qui ont osé transgresser les lois de leur groupe pour s'adonner à des plaisirs que leur offrent les sexes (circoncis) de leur partenaire. Il faut lire ou relire le très bon livre d'Augustin Barbara Mariages sans frontières (Ed. Le Centurion) et prendre avec des pincettes l'ouvrage de Martine Muller, qui s'est donné bonne conscience en le faisant préfacer par Charles-André Julien, doyen honoraire de la faculté de lettres de Rabat, professeur honoraire à la Sorbonne. A ne pas mettre entre toutes les mains. 0 M.H. Couscous pommes frites, le couple franco-maghrébin d'hier à aujourd'hui, I l de Martine Muller, éd. Ramsay. IRONIE. Je ne vais pas bien, mais il faut que j'y aille ... Drôle de vrai titre pour une énième oeuvre signée Maurice Roche et sous-titrée
- roman. Manière pour
un homme sans masque et sans filet de lancer un noulli.~ ...... veau coup de dé ; impromptu, nécessaire, comme nos garces de vies (quoi qu'il en soit de leurs chemins imprévisibles et singuliers) ne cessant de se jouer dans l'ici et le maintenant. Est-ce parce qu'il fut d'abord musicien et critique inspiré (1) que Maurice Roche sait faire vibrer sa prose d'un vivace allègrement macabre et l'arpèger d'un rire muet, d'un décapant rictus qui nous retrousse l'oeil à le lire? Très a capella, c'est l'un des écrivains de dernière cuvée à nous déci 11er les mirettes en s'avançant sur la corde raide biographique avec une économie de moyens qui n'a plus rien à perdre dans sa netteté d'écriture. Et Roche (qui n'amasse pas mousse) sait s'offrir au rebond comme aux calembours graves et rendre à la césure ce qui lui appartient. Parler en bien de son bouquin, ce serait le citer. Et c'est là qu'il dérange. ce plumitif non-dupe qui nous tient au collet de ses bons (ou mauvais) mots. « Ecrivain parce que malheureux, malheureux car écrivain. .. Le dernier livre remonte déjà à quelques années... Un succès? Gros tirage ? ... En particulier pour se faire payer 1... Comment rendre visible les deux souffles: celui de l'écrivain et celui de la respiration ? » Des rages de scripteur lucide consumant par savant KO (cahots ?) pas mal de nos néo-romans pour ne livrer que « l'os» de vivre, d'aimer, ! et d'apprendre à mourir. D'aucuns feront la bouche pincée ? Ce serait méconnaître l'ironique et cursif talent d'un écrivain à vif restituant au filage des jours et des nuits tous les mini-avatars mortels qui s'y trament. Une écriture rythmée au sablier où poudroie le plus bel humour noir pour que survive la vie ; un style - presque un scalpel - à redonner le mors aux dents. A vanti, lecteurs, le ' plaisir est au bout du chemin ! 0 J.J.-P. (1) Monteverdi, par M. Roche dans la collection Microcosme/solfèges (éd. du Seuil). 1 Je ne vais pas bien, mais ilfaut que j'y r aille, de Maurice Roche, (Ed. du 1 Seuil, coll. Fiction et Cie). Le Festival du film de femmes de Créteil a accueilli pour la première fois en France, l'oeuvre intégrale d'une réalisatrice d'Europe de l'Est. Avec l'hommage à Vera Chytilova, le Festival de Créteil nous invite à revisiter les années soixante, 1962 : Vera Chytilova a trente-trois ans et présente le Plafond, film diplômé où l'on découvre déjà l'ironique et tendre Vera, Elle a fait divers apprentissages avant de plonger dans le cinéma. Comme la protagoniste du Plafond, elle a été mannequin, a étudié les claquettes ... Dès le début, ce cinéma-là affirme son irrévérence: les images sont mobiles, la caméra raconte le temps des copains, s'attarde sur les objets en oubliant les personnages. D'ailleurs, il n'y a pas de personnages au sens classique, Vera Chytilova nous entraîne dans une promenade de quelques jours ou de quelques heures. Parfois telle un écolier inventif, elle plus célèbre. Ces deux héroïnes, car, cette fois, Chytilova s'installe dans la fiction, sont jeunes, jolies et parfaitement désabusées. Punk avant la lettre, elles arborent des maquillages grotesques, et répondent no future, tout en s'empiffrant aux frais des hommes qu'elles exploitent sans pitié. détourne le sujet .-_______________ -. imposé ... Elle fabrique ainsi Quelque chose d'autre. Le titre du film résume tout à la fois le Chytilova a dit de ce film qu'il est un document philosophique grotesque. C'est l'année soixante sept qui voit l'éclosion de ces Petites Marguerites et le printemps de Prague et les révoltes de la jeunesse un peu partout en Europe sont dans le paysage. Chytilova ne fait pas la morale, ne nous fournit pas une démonstration au cordeau. Elle dynamite la narration, la joliesse des images, son film explose littéralement. « Délire contrôlé », a-t-on écrit de ce film. La formule vaudrait vingt ans après pour la fin d'Après-Midi d'un faune ... Transgression permanente, du genre documentaire, on se ballade dans Prague avec un vieux séducteur aux charmes déclinants et aux illusions permanentes, tout en méditant d'une manière douce amère sur le temps qui passe et qui maltraite davantage les femmes ... propos de l'auteur et les aspirations des deux femmes qu'elle nous montre. L'une, gymnaste, est bien réelle. Chytilova la suit dans son entraînement quotidien, dans ses efforts pour améliorer, jour après jour les performances. L'autre, , ________________ -' Dans les films de Chytilova, le temps ne s'arrête une ménagère, est imaginée. Vera Chytilova Pour se distraire de l'ennui de sa vie de mère de famille et de femme au foyer, 1 elle s'est trouvé un amant. « Ces deux destinées aboutissent, simultanément à une crise et à l'échec; l'une parce qu'elle a tout sacrifié, l'autre parce qu'elle n'a rien sacrifié. » Les Petites Marguerites reste son film le pas, l'histoire, celles des pays et des hommes les traverse, elle se contente de nous renvoyer, avec un sourire, des images lucides, avec un soupçon d'irréalité, pour qu'on les aime. D CHRISTIANE OANCIE A lire : Jeune cinéma tchécoslovaque. Ed. Premier Plan, septembre 1969. PRINTEMPS TCHEQUE CARTES BLANCHES Hind Rostom, la séductrice volcanique du cinéma égyptien, le livre choix de Souhel Ben Barka: un bon cru pour le 5e Festival du cinéma arabe. Cinq ans, déjà ses premières dents ! Le Festival du Film arabe s'affiche une SC année consécutive, du 1 cc au 14 avril, au ClunyPalace. Comme les années précédentes, plusieurs sections axent la programmation, avec, depuis l'an dernier, une nouvelle venue: Cinémas de l'émigration. D'abord un double hommage: l'un à la pulpeuse et populaire grande actrice égyptienne, Hind Rostom, et l'autre à un des (et des plus prolixes) réalisateurs pionniers des bords du Nil, Niazi Moustafa. Au programme une carte blanche au réalisateur marocain Souhel Ben Barka, directeur de Centre du cinéma marocain, qui nous offre plusieurs films inédits de son pays. Le jeune cinéma arabe sera présent ( jeune» est un peu abusif pour des films de 1972), ainsi que des productions réalisées en Europe par des cinéastes arabes ou d'origine arabe ... qui montrent souvent la grande attirance de ceux-ci pour une esthétique internationale. Enfin, un panorama de productions récentes du monde arabe, toujours une occasion de découvertes, même pour le plus blasé des arabocinéphiles ! Un point fort, la venue à Paris de Hind Rostom, «la» séductrice volcanique du cinéma égyptien, premier rôle dans plus de quarante films, blonde ou brune, comique ou pathétique, dont une dizaine des meilleurs films seront visibles au Cluny-Palace. D'abord Gare centrale de Youssef Chahine (1958) où elle incarne une inoubliable vendeuse de gazouza de la grande gare cairote, allumeuse et prolétaire, jusqu'à ce que la folie de Kenawi (Chahine himself) lui fasse frôler une mort atroce. Elle est également l'un des personnages de la comédie grave du grand Salah Abouseif, un de ses films préférés, nous a-t-il déclaré (1), Entre ciel et terre (1959), huis clos d'un ascenseur en panne avec sa cargaison de passagers, qui débute comme une comédie italienne et s'achève sur un oppressant psychodrame entre une prostituée, un voleur, un dragueur, une femme mariée sur le point d'être adultère ... Un film Différences - n° 66 - Avril 1987 Hind Rostom où le réalisateur montre une fois encore sa préoccupation sur la condition des femmes dans son pays. Dans Chafika la Copte (1962), de Hassan El Imam, spécialiste des portraits féminins superficiels, Hind Rostom incarne le destin d'une danseuse orientale copte qui humilie un pacha, puis tombe dans la marginalité ... Assez mélo, mais typique. Le deuxième bénéficiaire de l'hommage est Niazi Moustafa (1911-1986), bon technicien du film et l'un des pionniers du Studio Misr, formé en Europe dans les années 30. Auteur de près de 140 (!) films, ce prolixe cinéaste débordant d'énergie a tout fait: films patriotiques baclés, westerns bédouins, bluettes, films policiers, mais c'est un auteur bien représentatif de la comédie commerciale égyptienne. Un des grands moments du festival sera la «carte blanche» de Souhel Ben Barka, car les six films qu'il a choisis illustrent les richesses potentielles et les faiblesses de la cinématographie marocaine. Quand murissent les dattes (1968), d'Abdulaziz Ramdani, traite de l'affrontement, éternel, entre tradition et modernité en utilisant abondamment un folklore quelque peu plaqué. De Mohamed Tazi, Vaincre pour vivre (1969) est un film commercial d'action, très hétéroclite dans les recettes auxquelles il fait appel,_avec la belle Leila Shenna et le chanteur à la voix d'or, Doukkali. Réalisé en 1970, le Trésor infernal de Mohamed Asfour, très artisanal du fait des moyens matériels limités de son auteur, est une sorte de film de cape et d'épée sur l'enlèvement d'une princesse dans une caravane qui allie divers éléments des cinémas populaires de tous les pays. Al Kanfoudi (1978) de Nabyl Lalou est une comédie facile proche du théâtre filmé. Des critiques sévères ont estimé que ces films ont outrageusement exploité des recettes et des trucs des cinémas égyptien et occidentaux. A vous d'aller juger! Beaucoup plus sérieux, on pourra voir dans cette sélection marocaine qui donne, au fond , un résumé de l'histoire du 7' art dans le pays (2) de Souhel Ben Barka lui-même, le très important Les mille et une mains (197~) dont on se rappelle : il a été largement diffusé en France et au Maroc, c'est une dure dénonciation de l'exploitation sociale, quasi féodale dans le pays, à travers le clair symbole de la mise en esclavage de fillettes dans les fabriques de tapis de la capitale du Sud. A revoir, ce violent cri pour la justice ! Enfin, le Mirage d'Ahmed Bouanani (1980) promet beaucoup car il renouvelle, par sa beauté plastique, ce qui s'est jusqu'ici fait dans le pays (Wechma, El Chergui mis à part), et parce qu'il puise aux sources du conte populaire maghrébin pour illustrer la quête initiatique d'un homme pauvre qui a trouvé de l'argent dans un sac de farine ... Une jeune cinématographie d'un vieux pays raffiné à suivre de près! L'idéal serait de voir le maximum des films proposés par ce festival, car ils donnent une idée de ce qui se fait dans huit pays arabes, avec des réussites et des échecs, reflets de la crise "Culturelle actuelle dans ces pays, reflet également d'un malaise dans le cinéma qui est bien universel. D YVES THORAVAL (1) Dans mon petit livre Regards sur le cinéma égyptien, dont une réimpression paraîtra en mai 1987 aux éditions L'Harmattan. (2) On pourra bientôt tout savoir sur les cinémas de tous les pays · arabes actuellement, grâce au numéro consacré par Cinémaction au Cinémas arabes aujourd'hui, 200 pages illustrées, à paraître en juin 1987. fi Il Sauve qui peut Kassav' « Zouk-Ia se sel médikaman nou-ni ". Jacob Desvarieux, Georges Décimus. Jocelyne Béroard (en couverture) et la bande Kassav' ont trouvé des remèdes à la morosité, mais pas à l'amour, ni à la vente. En tête des hits en France et en Afrique, découverts avec bonheur au Brésil et aux Etats-Unis, Kassav' fait sortir la musique antillaise de son ghetto. usique de boîte, musique M répétitive, plagiat de musique traditionnelle, perte des racines ... Tels sont les reproches les plus communément attribués au zouk. Néanmoins, le zouk touche plus de gens à travers le monde que ne l'ont fait des groupes vedettes français tels que Téléphone, et, a fortiori, les groupes antillais. Pourquoi un tel succès? Il est certain que le relais pris par les radios dans les îles et en métropole, ainsi que la programmation quasi exclusive dans les boîtes black de la capitale, favorisent l'émergence de ce style musical. De plus, le fait qu'elle soit issue d'un ghetto, confère à cette musique un intérêt supplémentaire aux yeux du public blanc, phénomène déjà observé dans l'histoire pour le cha-cha, la salsa, le reggae, mais évidemment aussi pour le blues et le rock n'roll. Par ailleurs, le caractère attrayant du zouk ne peut laisser insensible, même ses détracteurs : sensuelle, chaude, favorisant les contacts créative musicalement car intégrant des influences musicales diverses, mais surtout provoquant chez l'auditeur une irrésistible envie de danser. Néanmoins, le succès se place aussi sur un plan interculturel, puisqu'il concerne directement les échanges entre les gens sur un axe Antilles-Europe, mais aussi Antilles-Afrique (avec une sensibilité à l'Afrique du Sud) et Antilles-A mérique. Ainsi, la récente tournée brésilienne de Kassav s'est déroulée en partenariat avec d'autres formations dans le cadre de Musique métisse. L'axe Antilles-Antilles n'est pas oublié: le groupe emprunte à la culture haïtienne en créant il y a quelques années le tube Zombie. Une révolution dans les cases de Martinique et Guadeloupe. D'autres aspects soulèvent des réactions négatives chez les musiciens et les spectateurs. « Le danger n'est pas dans le succès du zouk, mais dans le risque d'abandon de notre culture. (. . .) Le public antillais est conditionné par le zouk », déclaraient récemment les musiciens de Malavoi au Matin. Cette critique est nourrie par une opinion qui veut qu'on ne construise pas sans déconstruire. IZI K ET Le risque est réel de voir disparaître les mélodies traditionnelles antillaises. De plus, si l'on admet que le zouk est une évolution de la ka-danse (musique antillaise) qui aurait assimilé les cuivres de la salsa, les rythmes de base du mérengué, la basse et la caisse claire du reggae, sur des guitares africaines, on peut alors démontrer que la création n'en est pas véritablement une. L'avenir du zouk reste incertain, et les plus méchants vont jusqu'à dire qu'un pic est déjà atteint. Une descente rapide serait à craindre, avec à la clé un retour aux sources. Mais peut-on mettre en concurrence le zouk et la musique de Malavoi ou d'Exile One ?O J.-L. G. Georges Décimus et Jacob Desvarieux. KASSAV' EN TOURNEE • A Paris au Zénith: du 30 avril au 9 mai. • En province départ de Pau le 7 avril, arrivée en beauté au Printemps de Bourges .le 24. • A l'étranger, attention, ils seront partout: à' Bruxelles le 25 avril, en Italie du 12 au 16, aux Etats-Unis du 22 au 25, avec trois concerts dans les quartiers chauds de New York Manhattan, Brooklyn, Queens, au Canada le 29 et le 30 avril. KASSAV' EN DISQUES Chez GD production - Sonodisc Kassav' GD 27 - GD 022 et Siwo, le nouveau Jocelyne Beroard GD 36 - Enfin un ancien Kassav' chez LM Production Disio Deal dist. DD 320-LM 6011. Différences: Vous jouez du zouk. Qu'est-ce que c'est? Jocelyne Béroard et Jacob Desvarieux : Avant le zouk, il y avait d'autres styles musicaux comme la ka-danse qu'on entendait partout aux Antilles. Puis, il y a eu de la part des musiciens l'envie de produire des sons plus élaborés et surtout plus précis, moins fouillis. Tout cela s'est fait en occidentalisant un peu les thèmes traditionnels antillais, avec une musique un peu plus funky. Pour la guitare par exemple, on s'est mis à créer des gimmiks (petits refrains) qui sont supportés par une basse très syncopée et ultra-précise. Et puis il y a eu l'adjonction de choeurs, de cuivres et de synthés, éléments empruntés à divers styles musicaux. Différences : Le zouk ça veut exprimer quoi? J. B. : Ça exprime d'abord la joie de vivre. Celle qu'on rencontre aux Antilles. Celle du soleil, des palmiers et des mers chaudes. C'est surtout l'expression de la jeunesse antillaise, bien que les anciens s'y retrouvent aussi. J . D. : Avec cette musique tu oublies tes problèmes, parce que tu as tellement envie de danser, de bouger. .. Un des tubes de Kassav, c'est Zouk-la se sel médikaman nou-ni. Tu comprends? Différences: Quel est le cheminement de Kassav? J. B. : On a tous des cheminements personnels, et, pour ma part, ma rencontre avec le groupe s'est opérée en 1980, pour une collaboration définitive fin 1982-début 1983, c'est donc récent. Auparavant, j'avais fait d'autres choses avec d'autres gens tels que Bernard Lavilliers et les Gibson Brothers aux Etats-Unis. Mes influences musicales sont surtout jazzy et brésiliennes. J. D. : Moi j'ai fait beaucoup de ka-danse, avec Georges Decimus (le bassiste) avec qui nous avons fondé le groupe. Différences: Quel/ès sont les qualités d'un bon musicien de zouk ? J. B. : En tant que chanteuse, il faut savoir rester naturelle. J. D. : Il faut avoir soi-même envie de bouger et sentir la musique. Différences: Qui va assister à un concert de zouk? J. B. : Aux Antilles, absolument tout le monde, sauf les infirmes! J . D. : A Paris, ça a beaucoup changé: au début il y avait plus de 90 % d'Antillais. Maintenant il y a 70 % de Français (sic): des branchés, des jeunes, des gens pas très riches et qui aiment se défoncer. Lorsque nous sommes allés jouer en Afrique, nous avons organisé deux types de concert : pour les riches où Différences - nQ 66 - Avril 1987 l'entrée était fixée à plus de 300 F, et pour les moins fortunés, à des prix corrects. Ça a toujours été plein et l'ambiance était formidable dans les deux cas. Différences: Vous vous êtes produits en métropole au Zénith avec un énorme succès, mais aussi en Afrique, puis au Brésil. Est-ce que vous n'avez pas rencontré un problème de langue qui freine la communication ? J. B. : Le créole, c'est la langue des Antilles. Mais la musique qu'on fait, elle, est internationale, et il il n'y a donc pas de barrière de langue. J . D. : Quand on est sur la scène , où que ce soit, et qu'on voit tout le monde quitter ses chaussures, comme c'était le cas en Côte d'Ivoire , où même les femmes de ministres se sont mises à zouker, on se dit qu'ils nous ont compris. Différences: Y-a-t-il des thèmes favoris dans vos chansons ? J. B. : Oui, la joie de vivre , la musique remède à l'amour, mais aussi la mort, l'esclavage, l'Afrique ... o AWOL J. D. : Il n'y a jamais de tristesse dans ce qu'on chante, même si on parle de la mort. Tout le côté traditionnel de la chanson antillaise est devenu un peu moins sérieux. Différences: Etes-vous sensibles à ce qui se passe en Afrique? J . B. : Pour ma part, enfant, l'Afrique était quelque chose de mythique . Mon premier voyage fût une découverte, concrétisée ensuite par les tournées en Afrique de l'Ouest. Je n'ai pas réellement retrouvé de racines, mais musicalement, il est certain qu'on note des simili tudes. J. D. : Ça fait partie de notre musique et notre culture musicale , notamment le reggae. Différences : Pour vous Jocelyne Beroard, est-ce que votre succès n'est pas double : en tant qu'A ntillaise et en tant que femme? J. B. : C'est certain! La femme antillaise n'a jusque-là pas eu le droit de toucher à la musique traditionnelle , à de rares exceptions près. Il est vrai aussi que je suis dans ce domaine parmi les premières. J. D. : ??? Différences: Qu'est-ce qu'une femme apporte au groupe ? J . B. : Un certain côté féminin. doux et sensible , notamment dans les textes. Mais, elle a aussi un petit rôle maternel. J. D. : C'est un peu notre maman à tous. Différences: Quels sont vos souhaits personnels en ce qui concerne l'avenir du zouk ? J . B. : Que cela ne soit pas un phénomène de mode. Je ne le pense pas au vu de notre succès. J. D. : Faire connaître le zouk partout dans le monde. Pour ma part, j'irais bien en Orient. Là-bas. ils ne nous connaissent pas encore ... 0 Propos recueillis par JEAN-LOUIS GAILLARD ml 1 AGENDA 31 au 6 avril, kermesse annuelle de la commission centale de l'enfance, 14, rue de Paradis, 75010 Paris. 3 Burning Spear, la continuité rasta, au Zénith. Le 4 à Marseille, le 5 à Nice, le 6 à Lyon, le 7 à Toulouse, le 8 à Toulon. 6 Autograph, le plus populaire des groupes rock russes, un des leaders du concert Tchernobyl , à Aubervilliers, au gymnase G.-Moquet. 6 Toulouse. L'Orchestre national de jazz, avec Antoine Hervé. A la Halle aux grains. Rens. au 61.22.24.40. 7 Maria Bethânia au Théâtre de la ville. Belle, touchante, une des plus grandes stars du Brésil pour une semaine à Paris. c'est rare . Rens. au 42.74.22.77. 8 à 17 h 30, à la FNAC Paris, rue de Rennes, diaporama musico-poétique sur le thème Les chants de la Tassaout de Patrick Flament, suivi d'une discussion sur la poésie berbère , animée par L.-S. Senghor. 9 Difficile choix pour les Parisiens: Ravel, Scelsi, Poulenc, à J'auditorium des Halles (tél.: 43.87.95.80), avec le Groupe vocal de France (entrée libre) ou Larry Coryel au New Morning. Rens. au 45.23.51.41. 1 0 et 11, Comme en passant. .. des écrivains. Rencontres à Montreuil d'écrivains étrangers résidant en France et d'écrivains français autour de Breyten Breytenbach. Deux thèmes: langues et identités culturelles , et la fonction sociale de l'écrivain. Rens . au 48.57.57.72. 1 0 Fin des Xc, Rencontres de Gennevilliers pour la création amateur. Un festival qui regroupe des modes d'expression très différents. Rens. au 47.99.55.47. 11 et 12, au parc des Expositions d'Amiens, Espaces 1901, Salon régional de J'initiative économique et culturelle (associations, entreprises, enfance , spectacle). Rens. au 22.92.50.59. 14 Toulouse est gâtée: Trois Soirées catalanes tout un art (de vivre). Le 14, l'ensemble Arco 66 jouera du Schonberg, Albeniz et Pueyo. A 21 heures, J'Occitanie reçoit la Catalogne , un tour d'horizon des instruments traditionnels catalans, avec Irène Jorski. Le 15, le groupe Phonos (Barcelone), un panorama de la musique électro-accoustique, puis Solar Vortices. Le 16, J.M. Escribano au piano et, pour finir, les Percussions de Strasbourg. Rens. au 61.22.65.55. Djurdjura, M u s QUE COSMOPOLITES s Noël, c'est passé, mais, cela saurait-il vous interdire tout cadeau? Allez, voici quelques disques pour tous les goûts. PAAP. Un ancien du groupe Xalam. Un mixt de reggae, funky et bugarubu, un air venu de Casamance. Saxal Gorab, Paap Niang, Encore ENC 137. LA MARRAINE. The godmother of the Celts, Mamy Cornwall: des surnoms que Brenda Wooton porte avec l'aisance de sa Cornouaille natale. Une Joan Baez rétro, des chants purs, soignés, assortis de choeurs musclés, des voix d'hommes qui sortent des poitrines paysannes et nationalistes. Elle chante même en français : « Que tu me manque mon cher pays doux, tes cieux changeants, tes ports charmants. ». Guitares sèches et violons. On a envie de lui rendre sa Cornouaille, qu'elle n'a jamais perdue ni quittée. - Tamar, Brenda Wooton, Musidisc. AZ. MALA VOl. Le public les avait découverts avec Rue Case-Nègre, le très beau film d'Euzhan Paicy, dont ils avaient composé la musique. Depuis sa création en 1970 par Mano Césaire, violoniste et compositeur, le groupe Malavoi cherche à donner une autre dimension à la musique martiniquaise. Fini le clivage ancien-moderne, le folklore et les clichés tropicaux. Deux trombones, un saxo ténor, plus quatre violons, un violoncelle et une section rythmique traditionnelle: le mélange joue sur la sensibilité bigarrée des îles. De très beaux titres dans leur dernier album (Gens m win) , d'autres un peu trop mièvres. Malavoi sera au Zénith le 4 avril. - Gens Mwin, Malavoi, Blue Silver. AURENCHE. Il fait très Léo, Alain. D'ailleurs: «Je le lui ai dit, moi (Ferré), si tu dois chanter, ne demande rien à personne, jamais. Et il a chanté. » Une belle voix, saltimbanque, anar et pessimiste comme son aîné : « La détresse a sorti son fanal de gros temps, les hublots des copains ont des buées d'alcool. » (Où voyez-vous des voyous ?) Auteur-compositeur, son récent passage au Déjazet a séduit. Le disque ne donne pas la mesure de son punch, mais c'est un remède à l'indifférence. - Alain Aurenche, La Rose noire, BP 23, 95580 Andilly. ZOUK. Zouk sous les cocotiers: effets garantis toute la nuit. - Zouk machine. Expérience 7. Sonodisc. SOEURS. « Lorsque Djurdjura est apparu, un critique gourmand et connaisseur a comparé leurs chansons à des bonbons acidulés... ceux qui les ont goûtés n'en ont pas oublié la saveur. » Les trois soeurs qui ont choisi de porter le nom d'une montagne de Kabylie viennent de sortir un nouvel album, à écouter doucement. BD - BD - BD - BD - BD ETE. Un été indien, par Pratt et Manara aux Editions Casterman. Deux génies de l'art graphique, Hugo Pra« et Milo Manara, se sont associés pour notre plus grand plaisir en racontant, avec les ingrédients de chacun (concision du scénario façon Pra« et érotisme ambiant façon Manara), les rapports houleux des Indiens et d'une communauté blanche. 0 Chez le même éditeur l'archiviste de Schniten et Peeters : un méga-album pour les adeptes de ces non moins fascinants auteurs. B LOC-NOTE s YVES THORAVAL ABDALLAH. Abdallah Benanteur, né en 1931 à Mostaganem, est l'un des plasticiens issus du Maghreb les plus intéressants, un homme pour lequel tout ce qui touche à l'illustration du beau livre n'a pas de secret: il a entre autres, illustré les persans Djami, roumi, O. Khayyam, mais aussi Senac, Pelegri, Rimbaud, Milosz, etc. C'est aussi un peintre et un aquarelliste auquel son Algérie natale inspire l'austérité bien caractéristique d'un pays rude, tempérée par un goût de la couleur né d'une culture artistique immense et raffinée. L'oeuvre de Benanteur est présente dans nombre de musées du monde, à la Bibliothèque nationale de Paris par exemple. Une exposition beaucoup trop courte (6-27 mars) au Centre culturel algérien a permis de faire le point sur la créativité très riche de Benanteur, dont on peut admirer en permanence des livres illustrés à la librairie Nicaise (145, boulevard Saint-Germain) et des peintures et aquarelles dans les galeries Protée et Brigitte Schéhadé à Paris. Saluons ici le travail très intéressant du Centre culturel algérien, ouvert à tous du lundi au samedi de 9 à 18 heures, et qui propose, à côté d'expositions de qualité, des projections de films algériens ou non, des spectacles, des ateliers de musique, des cours d'arabe dialectal ou littéraire. YIDDISH. Une nouvelle collection est née aux éditions du Seuil sous la direction de Rachel Ertel : Domaine Yiddish. Ecoutons son message, car elle entend faire découvrir au lecteur francophone le continent culturel central-européen, presqu'englouti dans la tourmente antisémite nazie. Trop souvent annoncée comme en voie de complète disparition, parlée par des rescapés du génocide plutôt âgés et dispersés de par le monde, la langue yiddish, connaît un regain d'intérêt de la part de jeunes en Israël, en France, aux Etats-Unis, et, peut-être, en Pologne qui l'a vue naître. Et puis elle a inspiré une série de chefs-d'oeuvre d'un passé très proche, puisque certains datent des années 40 ... Le premier titre de la collection Le Royaume juif de Lamed Schapiro, né en Ukraine, est un superbe recueil de nouvelles, publié en 1929 à New York, longtemps capitale de l'édition yiddish(e), qui donne une peinture quasi hyperréaliste d'une société où tendresse et humour tentaient d'offrir une antidote à une condition paysanne Différences - n° 66 - Avril 1987 et ouvrière juive souvent misérable, ponctuée de pogromes ou ... d'émigrations vers d'autres cieux. Bientôt, Domaine yiddish publiera La tribu de Zalmen, du Balte Moïshé Kulbak, disparu en 1940 dans la tourmente de la guerre, qui retrace les tribulations de la descendance de grand-père Zalmen prise dans les remous de la Révolution d'Octobre. Et puis, cet automne, Charles Dobzynski, poète et journaliste, nous donnera une nouvelle édition de son indispensable Anthologie de la poésie yiddish. Une collection à suivre attentivement. Une illustration d'Abdallah Benanteur. B RASIL, BRASIL ! Art populaire du Brésil (Grand Palais, 3 avril- 18 mai), organisé par la Maison des cultures du monde, sera le contrepoint plastique de la grande rétrospective brésilienne de la cinémathèque du Centre Pompidou. Cette exposition veut refléter l'osmose permanente, selon elle, entre les cultures de base du Brésil, l'indienne, l'européenne l'africaine, en insistant sur ses mutations depuis cent ans, des exvotos, toujours aussi vivants, aux créations les plus contemporaines. On y reviendra. PLUMES ET CALUMETS. Patrimoine du monde présente du 5 avril au 5 juin (en gros), un choix parmi les plus belles pièces du musée de Denver (Colorado). L'art des Indiens d'Amérique, plus de cent chefsd'oeuvres (textiles, vêtements, masques, bijoux, objets usuels). My God ! Yiddish, arabe, brésilien, amérindien du Nord, on y perd son latin ou son « francaoui »moyen. Tant pis! 0 Centre culturel algérien: 171, rue de la Croix-Nivert, 75015 Paris. Tél. informations, programmes: 45.54.95.31. Maison des cultures du monde : 101 , boulevard Raspail, 75006 Paris. Tél. 45.44.72.30. Patrimoine du monde/art 4 : 15, place de la Défense, 92440 Courbevoie. Tél. 47.96.25.49. 17 au 25, 23" Confrontation, festival de critique historique du film de Perpignan. Cette année: l'Espagne de 36 à 86. Institut Jean-Vigo. Rens. au 68.34.13.13. 17 Murray Head ouvre Je Printemps de Bourges. 21 au 26, stage 1ni~i~tion au développement, organIse par le servIce civil international dans le cadre de l'Institut national d'éducation populaire de Marly-le-Roy. Le stage est destiné aux jeunes, 21 ans minimum. Rens. au 48.74.60.15. 24 A Bourges, J'Orchestre national de Llile Joue la 5' de Malher dans la cathédrale. 2 5 Gala de l'amitié entre les peuples à Fontenay-sous-Bois. avec Françoise de Rhuis. Fernando Tordo, Fawzy el-Aiedy, le groupe Malambo, Henri Guédon, etc. Rens. au 48.75.44.88. 2 6 Lee Aaron, à la Locomotive. boulevard de Clichv, dernière mode à Paris. De nombreux 'groupes s'y , sont produits cette année, tout comme au Rex. Deux salles aux programmations de pointe. Bravo. 2 7 Début du cycle de conférences organisé par Sciences-Po sur Je thème L 'environnement international. crises régionales et modifications de l'équilibre international. Le programme s'adresse à un public de cadres d'entreprises, d'administrations, de collectivités locales, d'associations, etc. Les 12 séances s'échelonnent jusqu'en juin. Premiers sujets prévus: Les deux grands après Reyjavilt. collision ou collusion? Liban: guerre civile. conflit régional? La gllerre d'Afghanistan dans le contexte régional. La crise philippine et la démocratie en Asie orientale. etc . Rens. au 45.49.50.50 . 3 0 Date limite de remise des manuscrits pour participer au grand prix du Livre pour la jeunesse 1987. organisé par le secrétariat d'Etat à la Jeunesse et aux Sports. Le grand prix couronne un ou plusieurs romans inédits destinés aux jeunes de 8 à 12 ans. Rens. 48.28.40.00. 3 0 Fin des représentations de l'Otage. de Claudel. mis en scène par Ewa Lewinson au théâtre Grévin à Paris, avec Benjamin Jules Rosette dans le rôle principal. la première a été donnée en J'honneur des otages français détenus au Liban. Rens. au 42.46.84.47. 3 0 Fin de l'expo Déserts. à propos de la Mauritanie. première grande exposition créée par l'équipe de la Coupole le nouveau centre culturel de Melun-Sénart ville nouvelle. Rens. au 64.88.72.05 . Il c N E M A D'AUJOURD'HUI s Bizarrement ces temps-ci la guerre envahit les écrans. Soit que certains, les Américains, cultivent une nostalgie douteuse pour le bon vieux temps du baroud, soit que d'autres essaient d'en faire leur deuil dans la dérision, la provocation robuste des images animées, ou délicatement, comme dans une élégie. GUERRE ET PAIX. Clint Eastwood est depuis longtemps dans le camp des vieux chevaliers de l'Occident, solitude des héros qu'aucune femme ne gêne plus. Le personnage principal du Maitre de guerre, s'appelle Tom Highway, autant dire nom et prénom mélés, un homme ordinaire promis à un destin hors pair. Celui d'un meneur d'hommes qui fera d'un peloton de jeunes gens rêveurs et indisciplinés des hommes responsables (sic) prêts à l'action: débarquer aux Caraîbes à l'automne 83. Champion de l'intervention US, Tom a suivi la grande voie qui mène de la Corée à l'Amérique Centrale en passant par le Viêt-nam. Olivier Stone, le metteur en scène de Platoon, a connu la guerre du Viêt-nam quand il avait vingt ans, et il affirme aujourd'hui que c'était le plus bel âge de la vie. « J'approche de la quarantaine." Je suis encore ce fantassin anonyme, attentif à la maxime de Goethe, "prends garde à tes rêves de jeunesse, car ils sont la clé de ta vie d'adulte", et je savais déjà qu'un jour j'écrirai mon histoire et me réconcillierai avec mon temps, » Comment quand on a vécu la sale guerre du Viêt-nam, et qu'on en est rentré secoué, couvert de cicatrices physiques, refaire l'histoire et redonner un visage d'ange à la mère patrie? Simple et à la mode aux Etats-Unis, ces temps-ci : « Pour survivre, je fus forcé de perdre mon innoncence", d'être à la fois bon et mauvais,., de ne plus vivre cette guerre dans ma tête mais dans mes tripes et mon âme. » La guerre du Viêt-nam comme tous les combats menés par l'Amérique, pour Stone comme pour Eastwood, sont d'ordre métaphysiques, l'enjeu, universel est la lutte du bien et du mal. TARE. Vous donner quelques définitions de Big Bang, le dessin animé pour grandes personnes conçu par Picha et Hendra suffit à vous situer le « pacifisme » de ses auteurs. Ils disent que c'est le film de guerre « le plus, .. animé, érotique, grinçant, ubuesque et taré de l'histoire du cinéma ». 1995, l'aspiration la plus profonde des hommes se réalise : la troisième guerre mondiale arrive, tous les pays sont détruits, seuls survivent unis sous un sigle USSSR, les deux grands, Russie et Amérique, unis face au féroce territoire de Vaginia. Nous regrettons cette vision pessimiste de la guerre des sexes, et la mysoginie de Picha, qui veut croire que les femmes unies peuvent survivre à la « connerie des hommes » dans un territoire comme Vaginia pour vous inviter quand bien même au voyage, Mais ne rêvez pas trop, Picha vous n'ont dérangé, Si petit qu'il soit, le domaine est toujours entretenu par des ouvriers agricoles. La banalité du quotidien où s'inscrit immuable la place de chacun, ne fait que conforter la tristesse et le deuil des personnages, NOSTALGIE. Deux films de temps de paix pour finir: Théma du soviétique Panfilov et le Grand Chemin du Français Jean-Loup Hubert. Le film soviétique arrive avec sept ans de retard, mais les problèmes qu'il pose, le portrait qu'il trace n'ont pas de coup de vieux. Dans une petite ville des environs de Moscou, un week end d'hiver et de vodka banal dans la vie de Kim Essenine, va changer ce dernier, il rencontre Sacha, une jeune femme qui ne connaît pas les compromis et les mensonges. Des morceaux d'enfance, des images de vie à la campagne gourmandes et cruelles, Jean-Loup Hubert a réussi, la rencontre de Zazie et Poil de Carotte, dans un village près de Nantes, nous sommes dans les années cinquante finissantes, mais pas de reconstitution, juste la nostalgie des amours enfantines.O CHRISTINE DANCIE ~E 8i& SANG 1 C'E.~T ~ap~~. 1 L.~ fil-M t-E: I7/..LI? _ fXCiTANT QUE. NOL\? AVON'6\l)L.UZNE'- b€"Lli6 APOC,Âl-VPJ;f. ~ow! /:" ~ (fi ~ 1't1'(:Y prévient, nous sommes déjà à '-l'-èr-e-'---d-U---~ Big Bang, et mieux vaut ne pas trop croire aux héros ! DEUIL. La guerre, dans un Adieu portugais, revient en images noir et blanc, à la fois distante et obsédante, Aujourd'hui, dix ans après la guerre coloniale du Mozambique, des hommes et des femmes vivent avec une petite douleur. La femme, les parents, le frère d'un jeune homme mort là-bas, pour rien. Ces images-là sont en couleur. Nous voyons Lisbonne aujourd'hui, la vie ralentie, un peu ennuyeuse d'employés moyens, et le monde de la campagne toujours loin de la capitale, géographiquement, et parce qu'y règne un ordre du monde que ni les guerres coloniales ni la révolution des oeillets Platoon, d'Olivier Stone. Des combats d'ordre métaphysique où l'Amérique se trouvem au centre de la lutte entre le bien et le mal. Du Viêt-nam aux Caraïbes. Big Bang, de Picha et Hendra. Quand l'URSS et les USA s'allient contre Vaginia., guerre des sexes. Yasmina ou l'oriental incognito, une jeune Beur et Un romancier miteux, une comédie musicale bouffonne, un conte, s PEe TAC L E s DANSE-THEATRE SIMPLE. Entre les sonores tuyauteries mitoyennes et les cris d'enfants dans la cour, deux voisins d'HLM, lui romancier miteux, elle, une jeune Beure, s'inventent et retrouvent devant nous une histoire en forme de mélodrame : celle de Yasmina la bédouine, telle qu'Isabelle Eberhardt la raconte après l'avoir elle-même entendue, dans un wagon de chemin de fer, de la bouche du lieutenant qui fut l'amant de Yasmina (voir p. 27). Sur un mode tantôt dérisoire tantôt émouvant (et souvent les deux à la fois !), c'est la « grandeur morte » du passé de cette femme que nous restitue Yasmina ou l'oriental incognito, qui tient à la fois de la comédie musicale bouffonne (où les porte-manteaux font office de micros) et du conte où l'on Différences - n" 66 - Avril 1987 change de costumes comme de situations. L'histoire est simple et tristement classique
- le jeune lieutenant français se
fait aimer de Yasmina puis illa plaque, retournant, après un bref enchantement naïf pour l'idée qu'il se fait de l'Orient, à sa position d'européen, à la fois culpabilisée et dédaigneuse. Car derrière cette histoire de l'honneur et des rêves bafoués d'une femme musulmane, c'est le portrait d'une certaine France qui est ici fait: une France qui, jouant la naïve, ne se rend pas compte de tout ce qu'elle a détruit dans son oeuvre de colonisation, notamment pendant la guerre d'Algérie, Si les Français ont voulu effacer de leur mémoire les épisodes de cette histoire. les chansons de l'époque, qui ponctuent le spectacle (celles de H. Salvador, de Fréhel, d'E. Piaf ou de J. Baker) en ont gardé la trace, sur un mode à la fois désuet et criant de vérité, tels Le fanion de la légion d'un côté ou J'ai deux amours (mon pays et Paris) de l'autre ... 0 BERNARD GOLFIER Yasmina ou l'oriental incognito mise en scène de Serge Hureau, théâtre de la Cité internationale. Jusqu'au 11 avril à 20 h 30 (sauf dimanche, lundi et mardi). VINCENT. Van Gogh. ce fou de peinture qui s'exclamait: «A quoi pourrais-je être utile, à quoi pourrais-je servir! Il Y a quelque chose au-dedans de moi, qu'est-ce que c'est?, a aussi tenu une correspondance passionnante qui témoigne des réflexions et du combat intérieur d'un homme qui cherchait le sens de son art et se cherchait à travers lui. Ce spectacle s'est fait à partir de fragments de cette correspondance; parallèlement se tiendra une exposition des autoportraits de Van Gogh. 0 Vincent, par le théâtre de l'Echarde. le vendredi JO avril à 21 heures à Canteleu (salle 1. Hannier) et le samedi 16 mai à 20 h 30 au Havre (théâtre de l'Hôtel-deVille) . Pour témoigner de la vitalité d'un art enraciné à la fois dans les cultures tradition:1elles et faisant partie intégrante de la création contemporaine. la sixième édition des Marionnettes à Paris présentera un large panorama de productions françaises et accueillera cette année deux compagnies néerlandaises. 0 Les 6' Semaines de la Marionnette à Paris, jusqu'au 10 avril dans la Grande Halle de la Villette (salle B. Vian) et au théâtre Paris- Villette (salle Arletty). Rens. 46.60.05.64. B. G. Deux pièces à voir absolument, à toute force, tout de suite. « Dans la solitude des champs de coton », aux Amandiers de Nanterre, et « Nathan le Sage », au théâtre de Gennevilliers. Chéreau, d'abord, à Nanterre. On retrouve les mêmes ingrédients que naguère dans « Combat de nègre avec chiens» : Peduzzi, décorateur génial, BernardMarie Koltès, étrange jeune homme qui continue son interrogation sur le contact entre Europe et Afrique, et Chéreau à la mise en scène. Rien que ces trois noms, c'est déjà suffisant. Mais en plus, c'est bien. Gennevilliers: l' aute ur de « Nathan le Sage »n'est plus tout jeune, puisqu'il est mort depuis plus de deux cents ans. Lessing, grand critique littéraire allemand, juif intégrationniste avant l'heure, met en scène dans sa pièce un juif, un catholique, un musulman. Et comme l'Africain et le Blanc de Koltès, il leur faudra se frotter les uns aux autres, gratter l'écorce pour trouver le coeur. Nanterre Amandiers, tél. :47.21.22.25. Théâtre de Gennevilliers, tél. 47.93.26.30. LES Entre l'amateur de jogging et le supporter effréné, il Y a une grande marge. Notre dossier du mois dernier sur le sport a soulevé quelques objections, bien résumées ici par Roger Dadoun, enseignant, journaliste et essayiste. Différences : Le sport organisé, structuré, dans ses pratiques actuelles estil selon vous un vecteur d'échanges interculturels, d'intégration sociale voire d'amitié entre les peuples? Roger Dadoun: Ça me paraît largement contestable et problématique si l'on n'en reste pas au superficiel. Plutôt loin de contribuer à un véritable internationalisme et à des échanges positifs entre peuples, le sport compense surtout de grandes absences sur d'autres plans. Différences: Un ersatz d' harmonie par rapport aux problèmes fondamentaux ? R. D. : A l'heure même où l'on multiplie la fréquence des réunions internationales et alors même qu'une certaine internationalisation du sport s'est effectivement développée au niveau des diverses origines composant les équipes nationales, on n'a pas avancé d'un pouce face aux rivalités actuelles entre peuples et nations dans l'ordre d'une meilleure compréhension mutuelle. Ce n'est pas via le sport qu'on tendra à résoudre ces relations conflictuelles. Différences: Mais, par exemple, pour les gens venus d'ailleurs et vivant aujourd'hui en France, les rencontres sportives peuvent prendre au quotidien une place positive ... R. D. : L'intégration par le sport et ses performances ne se réalise finalement qu'au niveau de quelques individus. D'ailleurs elle se fait le plus souvent par l'arrachement à leur contexte socio-culturel d'origine Il OU SPORT pour se fondre, c'est le cas de le dire, dans un jeu social très rigoureusement codifié: ne serait-ce que celui des fortes hiérarchies du système sportif. Pour faire image, on pourrait dire que c'est le thème du toréador ou du boxeur quittant un milieu défavorisé et devenant vedette. Et là on tombe dans la mythologie de l'accession à un statut privilégié. Mais à quel prix ? .. En valorisant l'éthique du « s'en sortir », qui ne laisse pas d'être ambiguë et qui domine aujourd'hui toute la scène sociale. Par sa diffusion médiatique généralisée, le sport a d'ailleurs beaucoup contribué à nourrir cette nouvelle idéologie du gagneur. Avec son inévitable côté exhibitionniste, l'activité sportive s'y prête absolument. Grâce au considérable relais que constitue la télévision, plusieurs centaines de millions de gens se sentent ainsi voyeuristement concernés ; il suffit de penser par exemple au Mundial, la Coupe du monde de football. Différences: Comment percevez-vous ce phénomène assez récent des marathons amateurs ; ces manifestations rituelles organisées dans les grandes villes du monde aujourd'hui? R. D.: C'est là qu'intervient l'inévitable thème du pourquoi pas moi? ». Mais ce type d'activité sportive de masse est lié à une nOlrofelle, et très contemporaine, idée du corps individuel. A ce propos, Jean Baudrillard - dans son assez récent bouquin sur l'Amérique - caricature trop à mon sens le joggeur et force le trait. Individuellement, la pratique du jogging permet aussi de retrouver un certain équilibre mental et physique dans un milieu urbain qui refuserait plutôt, par sa topographie, ce genre d'activité. Il y a donc là un élément de responsabilité que je crois positif, car c'est d'abord une activité où le corps assume ses propres possibilités. Il ne me semble pas qu'on puisse extrapoler ou parler d'idéologie fascisante. Dans l'acte sportif tel qu'il peut être intensément vécu par un organisme humain et une subjectivité il faut aussi considérer le bénéfique développement des potentialités énergiques du corps. Courir très vite ou sauter très haut peuvent parfois toucher à un certain sublime. Je pense là au film La solitude du coureur de fond, ce film anglais de Tony Richardson, o~ l'on voit un jeune détenu qui trouve dans un explOit individuel un vrai moment d'extase, de reconquête de sa plénitude de sujet. .. Mais quand il doit ensuite performer dans le cadre d'un collectif sportif de co-détenus, il refuse sur la ligne d'arrivée la règte de .jeu et son accaparement par un système social... Un rare cas de résistance à ce qu'est aussi le sport: une activité puissamment encadrée et gérée par le monde socio-politique. Il y a donc un versant totalitaire du sport largement exploitable, mais il serait faux de trop simplifier. Ces aspects néfastes ou bénéfiques -jnterfèrent presque sans cesse. Différences: Depuis quelques années, on assiste dans les pays développés - parallèlement aux disciplines sportives traditionnelles - à un boom des gymnases privés, de salles de musculation: body-bulding, aérobic, etc. R. D.: On peut percevoir son corps et tenter de le reconstruire par divers types de gymnastiques soft ou hard. Par des mouvements où il tendra à s'exprimer en douceur et souplesse, ou le contraire. On est passé aujourd'hui du culturisme - à son côté un peu article de foire - à une phase Rambo des deux sexes qui me paraît vouée à l'éphémère d'une mode, du transitoire ... Différences: Dans le même temps, le couplage sportifs/ supporters révèle parfois de tragiques déviations, comme ce qui s'est passé au stade du Heysel. R. D. : L'espace sportif dans ses lieux réservés (stades, etc.) qui permettent l'agglutination de la masse des spectateurs et des supporters s'ouvre à de puissants mécanismes de projection, sinon d'identification . On peut même dire que le sport de compétition - amateur ou professionnel - inclut déjà une certaine violence intrinsèque (ne serait-ce d'abord que celle faite au corps sportif pour se rendre plus performant). De fait, il y a une dimension masochisme inhérente au sport, mais qui s'inscrit dans un ensemble sublimatoire. Mais les équipes et leurs vedettes prennent souvent figure de personnages tribaux et peuvent alors reconstituer un phénomène de horde primitive. Là, les facteurs libidinaux jouent un rôle important sur la base d'une relation de type sado-masochiste. Différences: Dans son fameux livre-enquête le journaliste allemand Günter Wallraft grimé en travailleur turc relate qu'assistant à un match de foot Turquie-Allemagne dans les gradins des supporters de RF A et voyant se manifester la haine contre l'équipe adverse et étrangère, il avait alors «encouragé l'équipe allemande à perdre haleine» car, ajoute-t-il : « j'avais peur ». R. D. : Les manifestations sportives donnent souvent lieu à celles du nationalisme le plus bas, voire à divers chauvifairplay devient alors une foutaise par rapport aux réalités sociales et politiques. Il suffit de se souvenir des Jeux olympiques de Berlin 1936 où le remarquable athlète noir Jessie Owens réalisa des prouesses, devenant malgré lui alibi vedettarisé de ce qui allait se tramant dans l'Allemagne nazie. Aujourd'hui, où n'importe quelle manifestation sportive peut faire l'objet d'une immense couverture médiatique, comment ne pas être vigilant ? Je ne crois pas qu'il faille renoncer au sport ou condamner ses modes d'expression en raison des effets pervers qu'il peut aussi induire. Le sport et ses pratiques devraient d'abord passer par une nouvelle vision lucide de soi-même, laquelle se construit aussi à partir d'éléments culturels et sociaux. On peut avoir une politique de son corps librement choisie, mais sans cesser pour autant d'être lucide face aux corps constitués des politiques ambiantes. 0 nismes de micro-groupes qui peuvent virer à la plus grande Propos recueillis par Il 1 agressivité comme au Heysel. La belle et noble notion de JEAN MONTARLOT L-D~i~f.f.~é-re-n-ce-s----n-o~66~--A7v-r~il~1~9~8~7~------------------------------------------------------------------------~ 1 Madagascar, 1947 VINGT MOIS Dans la nuit du 29 au 30 mars 1947, Madagascar s'embrasait. L'insurrection populaire allait durer plus d'un an et demi et touchera un million six cent mille personnes sur les quatre millions d'habitants que comptait alors l'île. Le soulèvement fut maté dans le sang et le dernier condamné à mort fut exécuté le 27 janvier 1954. Entre-temps, la répression avait fait cent mille morts. 1947 : l'île de Madagascar se relève elle aussi des efforts de guerre. Les produits de première nécessité manquent, les travaux dits, par un doux euphémisme, «d'utilité publique », continuent à envoyer les Malgaches travailler gratuitement sur les routes ou dans les concessions des colons, dix jours par mois. La misère est grande, l'insécurité fait rage, notamment dans ies campagnes, où les Dahalos, bandits de grands chemins, pillent et tuent. La population qui a déjà payé son tribut à la guerre européenne n'en peut plus. Politiquement, la situation évolue très vite. Les anciens militaires, revenus de la guerre, parlent d'indépendance. Eux, qui ont vu la France, la mère patrie vaincue, ne croient plus aux mythes que la colonisation a essayé de leur inculquer. Ils vont s'éparpiller un peu partout dans l'île, où ils créent des sociétés secrètes. Bientôt, deux grands mouvements clandestins s'organise : le Jina et le Panama. Dès octobre 1946, ces sociétés DE REVOLTE secrètes se donnent une structure et une organisation moderne, avec un comité central unifié et des comités régionaux. Ce sont elles qui canalisent alors le sentiment nationaliste malgache. A Paris, dès le mois de février 1946, le parti MDRM, ou Mouvement de rénovation malgache, domine toutes les batailles électorales de la IV· République, où les colonies sont - très partiellement - représentées à la chambre. Le MDRM sera le grand vainqueur des législatives de novembre 1946. Trois députés malgaches sont élus contre les candidats métropolitains: Ravoahangy, Raseta, Rabemananjara. Dans les milieux coloniaux, c'est l'affolement, d'autant plus qu'à partir de cette année, les mots d'autonomie, voire d'indépendance sont prononcés et ouvertement discutés. La nuit du 29 au 30 mars 1947, c'est le soulèvement sur toute la côte est de Madagascar. Dès cette nuit-là, dix Français seront tués. Après un temps d'hésitation, le gouvernement va opter pour la répression. Une répression aveugle: les effectifs militaires sont triplés, une armée surentraînée de 18 000 hommes et un potentiel militaire à l'efficacité décuplée. Les soldats, notamment des recrues sénégalaises, sont lancés dans les campagnes. Le gouvernement SFIO de l'époque ne veut pas faire traîner les choses, d'autant plus qu'il doit déjà se battre sur un autre front: la guerre d'Indochine a commencé le 23 novembre 1946 avec le bombardement d'Haïphong par le croiseur français Suffren. La répression se donnera les grands moyens. Bilan 100000 morts, première victime: le MDRM, dissous le 30 mai 1947. Or, actuellement on se pose la question de savoir si le parti MDRM, légaliste, est vraiment à l'origine du soulèvement de 1947. Ce parti était implanté en ville, alors que les mouvements eurent lieu essentiellement à la campagne. Jamais le MDRM n'a parlé d'indépendance, il militait plutôt pour un Madagascar autonome dans l'Union française. Mais il gênait les coloniaux français. Le fait que le MDRM avait été créé en France, à Paris, n'était pas pour arranger les choses. La répression décimera les rangs du MDRM, malgré les dénégations des députés, leaders du mouvement, qui nieront avoir un lien quelconque avec la rébellion. En fait, ce qui s'est passé en 1947 se répétera plus tard à nouveau à Madagascar : les intellectuels ont été dépassés par les événements et par leur peuple. Alors qu'ils parlaient à Paris de négociations, des positions dures étaient prises dans les sociétés secrètes et dans les Différences - n° 66 - Avril 1987 Rares .furent les journaux à commenter les événements de:1947 sur l'lie de Madagascar, hormis la presse communiste. et fi Extràits du quOtidien Ce soir. EditorÎal de Marcel Cachin dans l'Humanité. Pour plus amples renseignements, les éditions Karthala viennent de sortir l'Insurrection malgache ·de 1941, de Jacques Tronchon. campagnes. Et ce sont ces militants-là qui se lancèrent à l'assaut des forts français, des militants des sociétés Jina et Panama, même si quelques-uns adhéraient aussi au MDRM. Le mouvement se développa, et, dès la fin de l'année 1947, la guérilla contrôlait toute une partie de Madagascar jusqu'en décembre 1948. Chaque famille malgache aura eu au moins un de ses membres tué par la répression. Actuellement, on semble assister à un désir d'occulter cette date: dans les archives, en France, cette partie de l'histoire est encore sous le coup d'un interdit. A Madagascar, la commémoration officielle en est triste: il est vrai que, parallèlement au MDRM, un autre parti fut créé; le PADESM, ou parti des déshérités de Madagascar, créé en fait par les autorités françaises. Ses militants héritèrent de l'indépendance, et, actuellement encore, certains dirigeants malgaches sont enfants ou descendants de militants PADESM. Ceci explique peut-être cela. 0 JEAN rOURIER Il 2 3 4 5 6 7 8 9 \0 Il .i. .~...:.'.. .........~ ..... .........\.. , ..•:•.•• .
- ................... :.:.:.:.:.: ... :.:.:.:.
.................... .........: . ............. ... . .... . " ......' . ..•....... . 2 3 4 5 6 7 8 9 10 HORIZONTALEMENT: 1. Suite de roues dentées. - 2. Feraient l'éloge de. - 3. Habite Sein ou Ré. Protesta. - 4. Participe. Ancien loup. Fleuve d'Afrique. 5. Divinité nordique. Préposition. Pareil. - 6. Roi de tragédie. Habitait une péninsule. - 7. Possessif. Fis le malin. - 8. Taries. - 9. Négation. Précise. - 10. Mît en morceaux. VERTICALEMENT: 1. Nommerait. Ancienne affirmation. - 2. Louais une embarcation. - 3. Parasite à végétaux. D'une mer. - 4. Vrai. Chats exotiques. - 5. Ville de la Mayenne. - 6. Interjection. Lièrent. - 7. Aspect. Oiseau de proie. - 8. De taille exagérée. Pronom familier. - 9. Enduirait d'un matériau de construction. - 10. Dans une écurie. Pronom. .............. .. .. ...... .. :.:.:.:.:.:., .. ...............~..;. .' ................•.....•.....•.... _ ' ~! •• ~ ••• .,.' , I1'TJ ~SJEJ A partir de la liste ci-dessous, il s'agit de reconstituer le nom de 35 peintres. Chaque groupe de lettres occupant une case ne peut être utilisé qu'une seule fois. AGO AL AN Aa AR AS AT AU AU BA BET BOU DE DAV DAO CR COR CO CL CH CEl CAU BR BOU DE DEG ER ER ER ER ES ES ES ET ET ET GR GR GO GN GE GA FR FO EV EU ET ET HUS ID IN IN IN IR IX LA LAC LAN LL LO NI NG NET NE NA MON MO MI MI MA LT LT NO Nl ON ORT OT OU PI POU RD RE RE RI TO TB SS SS SP SL SI SE RO RO RN RIL UE UET UGU ua UR UR UR UT VE VI WAT lE SOLUTION DES JEUX OU NUMERO PRECEDENT Mots croisés: Horizontalement: 1. Bouteilles. - 2. Rutile. Osa. - 3. Esérine. Si. - 4. Vé ! Emacié. - 5. Eté. Usse. - 6. Arêtes. - 7. Tés. Maki. - 8. Rais. No. In. - 9. Ego. Modèle. - 10. Sentiments. Verticalement: 1. Bréviaires. - 2. Ouse. Age. - 3. Ute. Eetion. - 4. Tirettes. - 5. Elimées. Mi. - 6. Iéna. Non. - 7. Ecu. Mode. - 8. Lô. Isba. En. - 9. Esses. Kilt. - 10. Sai. Erines. Mots cassés: Les 24 noms affluents des fleuves français sont: Allier, Ardèche, Ariège, Aube, Aveyron, Baïse, Cèze, Cher, Drôme, Durance, Epte, Eure, Gard, Gers, Indre, Isère, Maine, Marne, Moselle, Nièvre, Oise, Saône, Vienne, Yonne. Etat de droit Certaines idées, bien que simples, deviennent complexes dès qu'elles sont traduites dans les faits; il en est ainsi de l'idée de l'Etat de droit, comme tant d'autres. Le principal support de l'Etat de droit est la nation, mais du passé de l'Afrique, a-t-il existé vraiment des nations africaines ? Les travaux de certains africanistes sont assez éloquents pour répondre affirmativement. Et, même à cet égard, Proudhon nous absout en écrivant: « Toutes les races ont produit et organisé en elles-mêmes, sans le secours d'initiateurs, les idées d'autorité, de propriété, de gouvernement, de justice, de culte. » De quelle incapacité congénitale ou intellectuelle les peuples africains seraient-ils passibles pour ne pas avoir créé au cours de leur histoire, des nations semblables à celles qu'ont connues les peuples européens? C'est au cours du XVIII' siècle que le concept d'Etat de droit est apparu dans les institutions politiques des pays que tels la France et l'Angleterre; cette évolution a été caractérisée par la rupture des cadres traditionnels des institutions moyenâgeuses et par l'éveil de la conscience politique des peuples de ces deux pays. L'Etat de droit est inséparable du régime démocratique, lequel se caractérise par des institutions politiques issues du suffrage universel. Dans un Etat de droit, pour ne citer que M. Duverger : «La volonté de soumettre les gouvernants au droit se manifeste alors sous la forme de l'établissement de constitutions, auxquelles ils doivent se soumettre, sans pouvoir les modifier. » La volonté générale peut sans doute s'imposer, mais à condition qu'elle soit légitime c'est-àdire conforme au droit objectif et à la morale politique. Aussi, dans un Etat de droit, le but de la philosophie politique est de comprendre l'action des hommes dans l'histoire: nos anciens gouvernants ont été des marchands d'utopie, une approche plus réaliste de l'avenir exige que les Guinéens tiennent compte de l'expérience acquise au bout d'un quart de siècle; la raison d'être de la démocratie est d'ignorer la raison d'Etat. On a pas le droit, même sous le prétexte fallacieux du développement économique, de sacrifier inutilement des vies humaines. U ne telle dévalorisation de l'homme survenue en Guinée. explique que la servitude soit. en Afrique, le seul rapport de base du droit entre l'Etat et l'individu. Or. comme l'a rappelé un homme d'Etat français: " Bannissons l'idolâtrie de l'Etat, sa grandeur est de servir, non d'étouffer ceux qu'il sert. " La Guinée a eu un passé douloureux, l'expatriation de nos compatriotes a été motivée par la politique totalitaire des responsables de l'ancien régime . une autre politique totalitaire serait désastreuse pour les Guinéens. Cependant, à travers l'histoire du développement de la conscience politique des peuples. des tensions ont toujours existé entre l'Etat et l'individu, car l'individualisme n'est pas une création des temps modernes. La culture politique des hommes en charge de l'Etat serait de veiller afin que ces tensions ne tournent pas à des affrontements inutiles dont les conséquences seraient graves pour toutes les parties en présence. 0 Ka/agban OOUMBOUYA Vincennes Les Petites Annonces de Différences 11
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Notes
<references />