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Sommaire du numéro
n°39 de novembre 1984
- Déportations massives au Mexique par Sonia Jimenez et Pierre Lejeune [Amérique latine]
- Poilus et bronzés (Algériens morts pour la France) par F. Guidice
- « Les H.L.M. Il n'y en a que pour eux » enquête de Mariette Hubert
- Quel prénom pour bébé (couples mixtes) par Sonia Charfedinne
- Lorris shoote et gagne, histoire d'un tournoi de foot par Lerome Richard
- La terre de la grande promesse (Brésil) par V. Mortaigne
- Suivez notre regard (mois de la photo)
- Huis clos sous la neige (enfermés une semaine avec des racistes) par J.P. Friedman [racisme]
- Diderot contre le colonialisme par Catherine Helbert
- Cinéma; Quilombo: foule esclave debout, drbout par J.P. Garcia
- La parole à: Moussa Lebkiri par Julien Boaz
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DIFFUSION scapl()~1 VENTE EXCLUSIVE AUX PROFESSIONNELS p r êta port e r 35, rue des petits carreaux 75002 paris • ® 233.48.36 'Différences Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences. 89, rue Oberkampf 75011 PARIS Tél. : (1) 806.88.33 DIRECTEUR DE LA PUBLlCA TION Albert Lévy RÉDACTION Rédacteur en chef '-ean-Mlchel Ollé Secrétariat de rédaction/maquettes: Véronique Mortalgne Service photos : Abdelhak Senna Culture: Daniel Chaput Relations extérieures: Danièle Simon ADMINISTRA TION /GESTION Khaled Debbah ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO : Dolorès ALOIA, Julien BOAZ, Saïda CHARFEDDINE, Jean-Pierre FRIEDMAN, Jean-Pierre GARCIA, Fausto GIUDICE, Catherine HELBERT, Mariette HUBERT, Pauline JACOB, Stéphane JAKIN, Annie LA URAN, Sonia JIMENEZ, Pierre LEJEUNE, Robert PAC, JeanJacques PIKON, Olivier RANSON, Alain RA UCH V ARGER, Jérôme RICHARD, Yves THORA VAL. ABONNEMENTS 1 an: 160 F; 1 an à l'étranger: 190 F ; 6 mois: 90 F. Etudiants et chômeurs, 1 an : 140 F, 6 mois : 80 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien : 200 F ; Abonnement d'honneur: 1 000 F. Vente à l'étranger: Algérie 14 dinars, Belgique 140 FB, Canada 3 dollars. Maroc 10 dirhams. PUBLICITÉ AU JOURNAL Photocomposition - photogravure impression : C.P. Paris Commission paritaire n 0 63634, ISSN 0247-9095. Dépôt légal: 3187 PHOTO COUVERTURE: Abdelhak Senna Différences - N° 39 - Novembre 1984 ISOMMAIRE' NOVEMBRt.' POINTCHAUD ------__________ & Déportations massives au Mexique Traqués par l'armée guatémaltèque, les Mayas fuient au Mexique, où l'armée les déplace à son gré. . Sonia JIMENEZ, Pierre LEJEUNE ACTUEL _______________________________ 1() Poilus et bro~~és En ces jours de comniéinoration, une pensée pour les Algériens morts pour la France. Fausto GIUDICE PRÉJUGÉs _______________________________ 1~ Il Les HLM, il n'yen a que pour eux n Notre enquête à Aubervilliers fait le point. Mariette HUBERT GROSPLAN _____________________________ Quel prénom pour bébé? Les enfants du mélange ont souvent le prénom entre deux chaises. Saïda CHARFEDDINE RENCONTRE ______________________________ 1Ei Lorris shoote et gagne L'histoire d'un tournoi de foot. Jérôme RICHARD DOS~ER ________________________________ 111 La terre de la grande promesse Qu'en est-il du Brésil, pays dont on vante partout l'interculturalité heureuse? Véronique MORTAIGNE CULTURES------------------------______ ~!i Suivez notre regard C'est le mois de la photo, Différences vous en offre quatre pages. RÉFLEXION----------------------_______ ~!i Huis-clos sous la neige. Un sociologue a eu l'idée d'enfermer pendant une semaine dans un chalet suisse des Blancs racistes, des Noirs et des Arabes. Jean-Pierre FRIEDMAN HISTOIRE------------------------------~& Diderot contre le colonialisme Dans le Supplément au voyage de Bougainville, on voit de vieux Tahitiens prédire les horreurs de l'impérialisme. . Catherine HELBERT HUMEUR _______________________________ ~1 Un dessinateur mis en cause par un journal d'extrême-droite, lui répond en bandes dessinées dans Différences. Olivier RANSON Et toujours ... Le mois, les flashes, la parole à, le courrier, les petites annonces et l'agenda. 3 Faites trois heureux Deux de vos amis, que vous abonnez à Différences au prix exceptionnel de 260 F, soit 60 F d'économie sur le prix de deux abonnements, et vous-même qui recevrez EN CADEA U le superbe calendrier annoncé en dernière page, d'une valeur de 35 F. J~bonneAl ______________________ adresse: code postal: ___ commune: __ _ etAl _________________________ _ adresse: code postal: ___ commune: ___ _ Je recevrai le calendrier 1985 de l'amitié entre les peuples Comment, vous n'êtes pas vousmême abonné? Vite, je m'abonne à Différences Nom : ________ Prénom : _______ adresse: code postal: __ _ commune: __ _ profession: ____________________ 160F (1 an) 90F (6 mois) 200F (soutien) Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à Différences, service abonnements, 89, rue Oberkampf, 75011 PARIS Abonnement 1 an étranger: 180 F. Etudiant et chômeur 140 F. / Faites des heureux Faites des heureux Faites des heureux Faites des 4 CHERS lECTEURS - GENeES L 'histoire ne se répète pas, dit-on. En tout cas, en ce moment, elle rime. Voici ce que nous avons relevé ce mois-ci : Négligences: voici plusieurs conseils des Ministres qu'on nous promet qu'au prochain sera adopté un projet de loi qui étendra le champ d'application de la loi de 1972 contre le racisme. Divergences: Pierre Bas, député RPR, veut que la droite s'accomode de l'extrême droite. Simone Veil ne veut pas, Raymond Barre non plus. Léotard est d'accord, mais pas Chirac. Résurgences: refleurissent sur les murs les « juifs au four» et autres gracieusetés bien connues. Attention, un racisme en cache toujours, au moins, un autre. Résurgences (bis) : ceux qui sont heureux que Mitterrand serre la main de Kohl ne veulent pas que Cheysson serre celle de Chadli. Indigences: on reparle de nouveaux pauvres. On ferait peut-être bien de regarder pourquoi ils le sont, ça expliquerait peut-être bien des choses. Indulgences: par deux fois ce mois-ci, des gens qui ont tiré sur des cam~ brio leurs ont été condamnés, au pire, à des peines légères avec sursis. Toumi Djaidja, convaincu' d'un casse dans un supermarché, Cf pris quinze mois fermes. On dirait que l'actualité s'amure à écrire, comme jadis les Précieuses dans les salons, des bouts-rimés, ces petits poèmes sur une rime imposée. . Nous ne saurions rester à l'écart de tant de poésie. En voici donc quelques autres. Exigence: un Gouvernement français se doit de ne pas toucher à un droit universellement reconnu, celui de vivre avec sa famille dans le pays où on travaille. Les restrictions au regroupement familial des immigrés, annoncées récemment, choquent tout le monde, même ses amis. Convergence (84) : depuis quelques jours sont partis cinq convois de mobylettes, qui roulent, au mélange, pour l'égalité. Ils vont passer près de chez vous. Ne les ratez pas, et, au besoin, poussez à la roue. D 'Différences Différences - N° 39 - Novembre 1984 5 PBINT CHAUD Les Mayas: une cible privilégiée du gouvernement militaire du Guatemala 6 - La fin des Mayas ? Déportations massi• ves au Mexique C'est le sort réservé aux cent cinquante mille Indiens qui s'y sont réfugiés pour fuir la répression de l'armée guatémaltèque Le Guatemala, depuis quelques années, subit l'une des dictactures les plus sanglantes de l'histoire du xxe siècle, dans l'indifférence à peu près générale. Les Indiens mayas de ce pays, du moins ceux qui ont survécu à la conquête espagnole de 1524, où dit-on, les deux tiers de la population indigène fut exterminée, forment une cible privilégiée du gouvernement militaire : il les suspecte, a priori, de soutenir ses opposants. Entre 1954 et 1978, la répression a fait soixante dix mille morts au nom de Dieu, de la démocratie et de la lutte contre le communisme. De 1978 à mars 1982, il y eu treize mille cinq cents morts "" de plus. Depuis 1981, la résistance s'est faite plus dure dans le nord du pays, aux confins du Mexique, où vivent de nombreux Indiens. Le 23 mars 1982, un coup d'état militaire amène au pouvoir un triumvirat dirigé par le général Rios Mont. La répression devient plus subtile
- les militaires revètent des
vêtements civils pour attaquer les villages ! En juillet 1983, Rios Mont est remplacé par le général Victor Meya. Pendant toute cette période, la population indigène, toujours suspectée d'appartenir à la guérilla, émigre massivement vers le Mexique, pour échapper à une mort certaine. Le 30 avril dernier, un raid de militaires guatémaltèques attaque, en territoire mexicain, le camp de réfugiés « Chupadero ». Pour préserver son intégrité territoriale, le gouvernement mexicain décide de transférer les camps à Campeche, dans la presqu'île du Yucatan, plus loin de la frontière. Il octroie en mai le statut de réfugié à quarante· six' mille Guatémaltèques, les cent mille autres sont considérés comme « immigrants pour raisons économiques». La COMAR, (Comité mexicain d'aide aux réfugiés) est chargée du transfert. Fin mai, les habitants du Chupadero refusent de partir à Campeche, où le climat est complètement différent, et qui les éloigne peut-être à jamais de leur pays. Manger des racines La COMAR propose alors comme alternative ou le retour au Guatemala ou le transfert à Campeche. Les quatre mille réfugiés du Chupadero se dispersent dans la jungle et se regroupent au lieu dit « La gloire de San Caralampio ». La COMAR interdit l'entrée de toute aide alimentaire dans ce nouveau camp. Sans abri, dans la jungle en pleine saison des pluies, de nombreux réfugiés tomben t malades. Le 27 juin, quatre mille personnes d'un autre camp, Puerto Rico, traversent le fleuve Lacantun sur des pirogues pour se protéger des militaires guatémaltèques qui rodent près de la frontière. En juillet, la marine mexicaine incendie le camp et confisque tous les outils (limes, machettes, etc.) aux réfugiés qui refusent d'être transférés. Les militaires détruisent les pirogues pour interdire tout mouvement, les Indiens n'ont plus que des racines à manger. Le 6 juillet, deux mille personnes du camp d'Ixcan se réfugient par petits groupes dans la jungle. Des rumeurs sur le déroulement du transfert par bateau commencent à circuler. Au lieu de partir vers le nord, cinq bateaux auraient ramené deux cent cinquante réfugiés vers le Guatémala. Le lendemain, les Indiens parviennent à retenir quelques heures un militaire guatémaltèque, ce qui confirme la coopération des armées mexicaine et guatémaltèque. Des hangars de tôle Le Il juillet, le camp de Chajul est isolé par l'armée. Commence le « cercle de la faim» pour mille huit cents personnes. Pendant ce temps, le transfert forcé continue : le 12, six cents personnes qui n'ont pu être embarquées dans le train du transfert restent sur le quai dans la gare de Palenque. On les héberge dans le gymnase municipal. Le local est si petit que les gens ne peuvent s'asseoir. L'eau est contaminée, l'unique toilette se bouche. Une femme qui vient d'accoucher est laissée à l'hôpital, son mari embarqué de force le lendemain avec les autres. Elle mourra le lendemain, les deux enfants resteront seuls. Cinquante cinq familles retournent au Guatémala, sous la protection de l'ACNUR, ils sont ensuite installés dans des camps où ils subissent un programme de rééducation. On annonce que les personnes qui essaieraient de rentrer seules au pays seraient irrémédiablement abattues. (Voir encadré). Différences - N° 39 - Novembre 1984 Le 21 juillet, le camp de Pico de Oro est détruit par le feu. Le 29, de nombreux cadavres charriés par le fleuve Lacantun arrivent du Guatémala. Les réfugiés commencent à les enterrer, mais devant l'ampleur de la tâche, ils finissent par n'arrêter que les membres de leur famille qu'ils reconnaissent et laissent passer les autres. De nouveaux réfugiés arrivent, qui racontent le massacre d'un village dans la jungle. Début août, la COMAR interrompte le transfert. L'entrée de toute personne étrangère à l'organisme ou à l'armée est interdite dans la zone des nouveaux camps, on Au camp de Benito Suarez. près des lagunes de Montebello : des conditions de vie désastreuses peut donc difficilement connaître la situation faite aux quinze mille réfugiés déjà rassemblés là. L'hébergement se fait pour l'instant sous de grands hangars de tôle où sont entassés trois mille personnes sous une chaleur suffocante. Le programme de construction de maisons est considérablement retardé. Le 16 août, on apprend l'arrestation des cinq principaux dirigeants de la COMAR de la zone frontière pour vol et falsification de factures. Ils e:; avaient préalablement annoncé que toute aide humanitaire devait passer par eux. Les transferts sont donc interrompus, l'aide humanitaire aussi. La situation continue à être dramatique, les gens n'ayant plus d'abri en pleine saison des pluies. Les assassinats continuent de se perpétrer dans l'indifférence et le secret. Pour se protéger des tireurs embusqués à la frontière, les Indiens ont renoncé à porter leurs costumes traditionnels, trop facilement identifiables. Les quarante six mille réfugiés vivant à la frontière ne sont pas les seuls à subir cette situation. Il en est de même pour les cent mille réfugiés dits économiques qui vivent dans les banlieues du Sud. En situation illégale, ces gens sont honteusement exploités par des Mexicains. Dans la banlieue de Cristo bal de Las cases, nous avons rencontré des réfugiés indiens qui gagnaient six cents pesos par semaine et par famille, salaire insuffisan t pour nourrir même une seule personne. « Nos jours sont comptés, dit le livre du conseil maya, en 300 "avant J.C., pensez à nous, ne nous effacez pas de vos mémoires, ne nous oubliez pas ». 0 Pierre LEJEUNE Sonia JIMENEZ QL--L __________ ~~ _ ~ DES CAMPS MODÈLES u Guatemala, la situation des 1 200 000 Indiens A chassés de leurs terres pour être regroupés au sein de « camps' modèles» est to"ùt aussi préoccupante. Ces indigènes, baptisés « réfugiés intérieurs », vivent dans des villages récemment construits par l'armée qui continue à leur fournir l'eau, la nourriture, et le travail, généralement la construction de •.. casernes. Ils sont soumis à des contrôles d'identité quotidiens, au minimum à l'entrée et à la sortie du camp, où se trouve invariablement une garnison militaire. Il semblerait que dans l'état actuel des choses, tous les Mayas soient condamnés à une vie de réfugiés, même sur leur propres terres. 0 7 L-----------------------------------------~ lE MOIS Lueur d'espoir Après la mort de deux grévistes de la faim dans les prisons marocaines, le pouvoir de Rabat assouplit légèrement sa position : le transfert des prisonniers devrait faciliter leur surveillance médicale. (31 août) Tchao Yilmaz Les seules images de la Turquie . que nous ayons, c'est à lui que nous les devons. Tour à tour acteur, auteur, taulard, exilé, Yilmaz Güney, Palme d'Or au festi val de Cannes 1982 (pour Yol) vient de mourir à Paris, à l'âge de quarante-sept ans. (9 septembre) La colère noire Les émeutes qui éclatent dans les ghettos noirs du sud-est de Johannesburg, font vingt-six morts et plus de trois cents blessés. Déclenchées par la hausse des loyers, ces émeutes marquent le refus par la majorité noire d'un système qui l'exclue . (5 septembre) Défiant l'interdiction de tout rassemblement, des manifestants noirs s'en prennent aux alliés noirs du pouvoir blanc, deux maires de ghettos. (10 septembre) La première grève légale organisée en Afrique du Sud par un syndicat noir, celui des mineurs, n'est que partiellement suivie, alors qu'un second mouvement, illégal celui-là, éclate dans une mine à l'ouest de Johannesburg, donnant lieu à de violents incidents. Entre trente mille mineurs, (d'après un porte-parole de la compagnie mllllere « AngloAméricain », l'une des deux concernées par l'ordre de grève légal) et quarante mille selon le NUM (Syndicat des mineurs) viennent de débrayer, sur un total de soixante quinze mille employés dans les sept mines du groupe où le NUM est reconnu. (17 septembre) Sept ou dix morts selon les sources, cinq cents blessés et une situation explosive: tel est le bilan (provisoire) de la première grève légale des mineurs noirs sud-africains. (18 septembre) « Environ neuf cents personnes sont arrêtées dans les villes satellites du triangle de Vaal (sud de Johannesburg), où les violences continuent », déclare le chef des services de sécurité pour le triangle de Vaal, le colonel Louis Sauer. Les personnes arrêtées, pour la plupart des parents ou amis réunis pour les funérailles des victimes des émeutes, sont détenues pour violence publique, participation à des rassemblements illégaux et détournement de bus. Un porte-parole de la police annonce, à Prétoria que six cent quatre vingt sept personnes de race noire viennent d'être arrêtées. (24 septembre) La cour suprême de Prétoria, condamne, lors d'un procès à huis-clos, trois Blancs antiapartheid à des peines de deux à cinq ans de prison en vertu des lois sur la défense et sur la sécurité intérieure. L'un d'entre eux est inculpé pour avoir rendu publiques «des informations militaires délicates », et les deux autres pour possession de publications interdites. (28 septembre) Conférence nationale Une fois n'est pas coutume, la perche de la décrispation est tendue par un membre de l'opposi- . tion à Laurent Fabius. Pierre Schiele, sénateur centriste du Haut-Rhin et maire de Thann, adresse une lettre au Premier ministre afin que soit organisée « une conférence nationale sur l'immigration ». Selon lui, cette conférence devrait rassembler « les responsables politiques de tous bords, les associations spécialisées, les responsables des collectivités locales et les pouvoirs publics ». Cette proposition, écrit P. Schiele, serait «susceptible de faire progresser une solution juste, équitable et efficace des graves questions que pose l'immigration en France ». Bref, des Assises nationales ? (11 septembre) , Riposte Dans un communiqué, le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) déclare : « Une fois de plus, le sang des Noirs coule en Afrique du Sud. A la jeunesse, à la population des ghettos qui réclament la liberté et la dignité, les dirigeants racistes répondent par les armes. On compte en quelques jours des dizaines de morts et des centaines de blessés. Les prétendues réformes constitutionnelles, qui excluent de toute responsabilité politique les Sud-africains noirs, et ne font que renforcer le régime d'apartheid, sont rejetées par la quasitotalité du peuple sud-africain qui manifeste à cette occasion la puissance de son unité. L'ONU a condamné le régime d'apartheid comme un crime contre l'humanité. » En solidarité avec les hommes et les femmes d'Afrique du Sud dressés contre l'oppression raciste, l'AFASPA (Association Française d'Amitié et de Solidarité avec les Peuples d'Afrique), 8 la Ligue des Droits de l'Homme, le Mouvement Anti-Apartheid, et le MRAP, appellent tous ceux qui sont attachés aux droits de l'homme à se rassembler, place de l'Opéra . (12 septembre) Le meurtre Mohamed Benzouaou, premier imam de la grande mosquée de Paris, meurt des suites d'une agression survenue quinze jours plus tôt. « Tué par un fou mystique », disent les policiers. (16 septembre) L'ambassade de la honte Au numéro 59, quai d'Orsay, l'immeuble de l'ambassade d'Afrique du Sud avec ses vitres fumées et ses murs en créneaux est toujours aussi imposant. Brusquement, venant d'on ne sait où, des centaines de jeunes, le visage peint en noir, escaladent en silence les murs de 1'« ambassade de la honte », et s'installent dans la cour. Ils sont là à l'appel du Mouvement de la jeunesse communiste pour protester contre les massacres de jeunes Noirs en Afrique du sud. Ils hissent un drapeau de Prétoria maculé de rouge au mât de l'ambassade, et peignent les murs en noir. « Nous sommes ici, parce qu'en Afrique du Sud on assassine des jeunes comme nous» déclare Josiane Voyant, membre du bureau national du MJCF. • « Le racisme est insupportable, et il est insupportable de voir ce pays bafouer les Droits de l'Homme en refusant le droit de vie à vingt-cinq millions de Noirs ». (22 septembre) Rosh Haschana Pour la première fois, un rabbin américain célèbre à Berlin-Est l'office religieux pour la fête du nouvel an juif, le Rosh Haschana. La petite communauté juive de Berlin-Est, qui compte environ deux cents membres, n'a plus de rabbin. Le rabbin Ernst Lorge est venu spécialement de Chicago, à l'occasion des grandes cérémonies religieuses . (27 septembre) La dernière corrida L'un des plus grands noms de la tauromachie, l'un des plus beaux hommes de l'arène aussi, ' succombe des suites d'un' coup de corne reçu dans une petite ville près de Cordoue. «Calmezvous, ce n'est rien. J'en ai vu d'autres », disait Paquiri à ses médecins alors qu'il perdait son sang, l'artère fémorale déchirée. (27 septembre) Les mal-logés Bonnes intentions et cris d'alarme: le Conseil économique et social rend publique son étude sur «La situation du logement des immigrés en Ile-de-France ». Une situation d'autant plus difficile à cerner qu'on n'arrive même pas à chiffrer les besoins. D'après les estimations du CES, il faudrait, au minimum, 81 000 logements familiaux en région parisienne pour les immigrés, dont 37 500 sont reconnus « prioritaires ». Or le critère « prioritaire» s'applique aux familles qui disposent de moins de 4 m' par personne. A titre d'exemple, le rapport souligne qu'une famille de cinq personnes dans un deux pièces de 40 m' n'est pas prioritaire. Il lui faudrait au moins cinq enfants de plus. En fait, la probabilité pour les étrangers d'obtenir un logement correct diminue en fonction d'un ensemble de critères qui vont de la nationalité (décisive pour l'attribution d'un logement), aux revenus, en passant par la composition familiale. Un Algérien ou un Marocain, vivant seul, qui a un emploi d'OS, n'a pratiquement aucune chance de se loger à Paris ou en proche banlieue autrement que chez les marchands de sommeil ou dans des logements vétustes . (27 septembre) Travail gratuit Le tribunal correctionnel de Besançon condamne à quarante heures de travail gratuit au bénéfice de la communauté un habitant de la ville reconnu coupable d'injures racistes. Cette condamnation fait suite à un incident survenu il y a quelques semaines. Un piéton avait été légèrement bousculé par la voiture d'un commerçant israélite sortant de son garage. Furieux, il avait injurié l'automobiliste, allant jusqu'à vanter les mérites des camps de concentration. Poursuivi, le piéton purgera sa peine ... au musée de Besançon consacré à la Résistance et à la Déportation. (28 septembre) Flux migratoire Georgina Dufoix déclare « qu'une des conditions de la réussite de la politique d'insertion des immigrés en France est notre capacité à maîtriser les flux migratoires ». Le ministre des Affaires sociales reçoit dans l'après-midi le Conseil national de la population immigrée, et Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix plusieurs associations d'immigrés, et précise « qu'elle a cependant deux inquiétudes ». Tout d'abord le « système du diptyque (qui permet de contrôler les entrées des ressortissants des trois pays du Maghreb, en France) dont on peut craindre qu'il n'ait pas bien fonctionné et d'autre part, le problème du regroupement familial ». Le ministre estime sur ce dernier point que certains détournent un peu les procédures «pour s'introduire en France» avant de souligner « qu'insérer quatre millions de personnes est à notre portée, mais nous ne pouvons faire davantage ». Elle indique enfin que les cartes uniques de dix ans (séjour et travail) ne commenceraient à être distribuées qu'en décembre à l'expiration, pour les personnes concernées, de leur titre actuel de séjour et de travail. Elle se félicite au passage de « la volonté politique commune» de la majorité et de l'opposition qui ont voté le texte instituant cette carte unique à l'unanimité, au printemps. Le conseil des ministres devrait examiner les différents aspects évoqués par Mme Dufoix au cours d'une de ses prochaines réunions. (1 octobre) Différences - N° 39 - Novembre 1984 Les modalités du retrait Le porte-parole du gouvernement israélien, Yossi Belin, déclare qu'Israël « ne pose plus comme condition du retrait de ses troupes du Liban un retrait parallèle des troupes syriennes de ce territoire ». Evoquant la position d'Israël concernant les modalités d'un retrait des troupes israéliennes du Liban, telles qu'elles ont été définies par le conseil des ministres israéliens, Yossi Belin précise : « Les seules conditions posées par Israël sont l'obtention d'arrangements de sécurité pour la Galilée ». Ces arrangements de sécurité peuvent être obtenus par une « combinaison des missions de la force interimaire des Nations Unies au Sud-Liban (F/NUL) et de l'armée du Liban-Sud» (ALS, armée et financée par Israël). « Les Syriens devront s'engager à ne pas bouger des lignes où ils se trouvent actuellement et empêcher que les éléments hostiles à Israël s'attaquent au territoire (nord) d'Israël en passant par leurs lignes », précise le porteparole. (1er octobre) 9 En vrac Le MRAP lance une pétition nationale dénonçant la répression raciste en Afrique du Sud, réclamant la libération de tous les détenus politiques, et l'arrêt de toute collaboration économique, militaire et nucléaire avec Pretoria. De très nombreuses personnalités ont signé (5 octobre) Desmond Tutu, premier eveque anglican noir, secrétaire général du Conseil sud-africain des Eglises, reçoit le Prix Nobel de la paix, vingt-quatre ans après le président de l'ANC (16 octobre, voir photo). Pour la première fois depuis 1960, la police et l'armée sudafricaines se retrouvent au coude à coude dans une vaste opération de ratissage des quartiers noirs du Triangle du Vaal, ce qui se traduit par des centaines d'arrestations (25' octobre). Trois émissions successives sur FR 3, réalisées par Tewfik Farès, abordent pour la première fois les problèmes auxquels sont confrontés les immigrés en prison. Titrées « Il est encore loin le printemps », on souhaite les voir figurer dans les sélections françaises dans les compétitions (28 octobre). Après l'annonce des mesures gouvernementales, concernant en particulier le ralentissement de fait du regroupement familial pour les immigrés, le MRAP rappelle que «vivre avec son conjoint et ses enfants est un droit inaliénable, universellement reconnu. Les restrictions apportées ne peuvent que favoriser l'arbitraire et aggraver, au plan moral, social, et économique, la situation sociale des familles immigrées (11 octopre). A Bismarck, dans le Dakota du Nord, Leonard Peltier et ses avocats comparaissent devant le Juge Benson au cours d'une audience. Les avocats ont démontré que le rapport balistique de l'expert du FBI, à l'aide duquel on avait condamné Leonard ' Peltier, n'était pas crédible et qu'il avait pu lui être inspiré par des personnalités extérieures. On a pu également identifier l'auteur des annotations figurant dans la marge du rapport alors que l'expert et son adjoint affirment ne pas en être les auteurs. (1er octobre). Novembre, c'est le mois des guerres. Armistice de la Grande Guerre en France, début de la guerre d'Indépendance en 1954 en Algérie, déclenchée par les fils de ceux qui sont morts dans les tranchées. novembre : pour la Il soixante sixième fois, la France officielle commémorera la Victoire. Devenue journée des anciens combattants de toutes les guerres, "j us tes " et "injustes", menées sous le drapeau tricolore, cette date a perdu de son sens au fil des années pour des raisons "biologiques" évidentes. A la lumière des préoccupations de la société française de 1984, une question peut être posée : y aurait-il une Victoire sans les étrangers, coloniaux et indigènes? La «Kultur» aurait-elle été vaincue sur les fronts occidentaux et des Balkans sans la participation d'un demi-million de soldats et ouvriers africains, asiatiques, océaniens, malgaches et res juifs, Arméniens, mands? 1er novembre: Il y a trente ans, l'étincelle de la révolution algérienne était allumée par neuf hommes. L'un d'eux, ancien militaire héroïque de l'armée française pendant la campagne d'Italie, a fini la deuxième guerre mondiale comme adjudant pluridécoré. Son frère aîné était mort des suites de ses blessures de 14-18. Quel rapport entre le. Il et le 1er novembre? D'abord celui-cl: «Les fils de nombreux "officiers indigènes" (de 14-18) seront des cadres militaires de l'Armée de libération nationale algérienne puis de l'ANP (Armée nationale populaire). La discrimination dont eux-mêmes ou - Monument POILUS E pères ont été victimes pèsera sans doute sur leurs choix politiques. Elle survivra à l'indépendance: les pensions des anciens combattants algériens seront bloquées aux taux de 1962 quand celles des Français seront régulièrement revalorisées. En 1973 la République française évaluait la peau d'un ancien combattant français deux Jois et demi (le prix dei celle d'un ancien combattant algérien» (1). 35900morts 170 000 Algériens furent mobilisés sous l'uniforme de 1914 à 1918. 35900 furent tués, soit plus du quart des 120 000 hommes environ qui furent jetés sur les fronts. Ajoutés à ces immigrés en . 80 000 travailleurs réquisitionnés et environ 40 000 travailleurs migrants "libres" ; on n'est pas loin d'un chiffre impressionnant d'environ 300000 participants algériens à l'effort de guerre français. On les trouvait au premier rang de la boucherie, avec les , Sénégalais, les Bretons, les Marocains, les Tunisiens, et autres "fils de la France". On les trouvait à l'arrière dans les usines, les chantiers, aux champs, sur les docks et les canaux, dans les usines d'armement, bref, partout. Et très vite, dans les cimetières. La floraison des cimetières musulmans sur la terre de France date de cette époque. D'août à décembre 1914, ils sont six mille cinq cents à 'Q" I_ d__e _t_re_n_t_e_ d_e_u_x_ _m_i_ll_e_ _v_o_lo_n_t_a_i-_______________________________ tomber sous le feu. C'est ~L_ _____________________________________________ __ Près de Corbeil, 1916 : le mufti El Mokrani prêche à la poudrière de Vert le Petit aux morts- BRONZES Différences - N° 39 - Novembre 1984 1 1 alors seulement que l~ France découvre les "indigènes". Car on ne parle alors ni d'Algériens ni de Tunisiens ou de Marocains, mais d'indigènes, parfois d'Arabes, souvent de Kabyles ou de Musulmans. C'est alors que la France profonde découvre, ébahie, badaude, curieuse, intriguée, rêveuse, ou "passionnelle" le couscous et le méchoui, la nouba et le thé à la menthe, le café maure et la narguilé. Les gentils kablls Lus en 1984, les documents de cette rencontre sont étonnants. La France métropolitaine, post-dreyfusarde, n'avait eu jusque là que des contacts rares et superficiels avec les Algériens réels. Les confrontations physiques qui avaient eu lieu à la veille de la grande boucherie avaient en fait opposé Kabyles (les "sidis") et grévistes italoespagnols (à Marseille) ou Kabyles (les "tchoukstchouks") et grévistes belgesflamands (à Fouquières-IesLens, où la population, suivant les patrons, avait trouvé les Kabyles nettement plus "gentils" que les Belges ... ). Les colons, eux, avaient mis la Métropole en garde: l'usine et l'armée étaient des écoles dangereuses pour les indigènes. L' histoire leur donnera raison, au moins sur ce point. cc Relations passionnelles n Mais le Grand QG réclamait toujours plus de chair fraîche: aux hordes germaniques, on lança en pâture tant les ouvriers juifs polonais, la veille encore syndicalistes révolutionnaires, que les armées noires et, comme on disait alors, les "armées bronzées". Dans les six premiers mois de la guerre, le terrible hiver 14, dans le Nord et dans l'Est, le gel, la faim, la soif firent des ravages chez les "indigènes" . Les exactions du commandement contre les récalcitrants, avec leur lot de désertions, insoumissions et autres refus de mourir, s'ajoutaient à la découverte, fascinée, d'un monde inconnu pour les milliers de jeunes, engagés "volontaires" ("les mercenaires"), puis, dès 1916, les conscrits et enfin les appelés. L'encadrement policier, les brimades, la répression, la discrimination des Algériens et des Maghrébins dans la société française d'aujourd'hui trouve ses origines dans la Grande Guerre: les obstacles au regroupement familial dressés aujourd'hui par les préfectures et les municipalités apparaissent comme une copie conforme, "retournée", de tout l'appareil bureaucratique mis en place par les autorités militaires, il y a soixante dix ans, pour empêcher les tirailleurs algériens blessés, malades ou permissionnaires de rejoindre leurs familles en Algérie. Cinquante permissions accordées dans la première année de guerre : dérisoire. Les réponses à ces blocages furent multiples : grèves de la faim, passages clandestins, manifs. Tout fut fait par l'armée pour faire passer aux familles françaises l'envie d'héberger des tirailleurs "bronzés" . Les mouchards militaires (au premier rang les interprètes) produisaient des rapports hallucinants sur les "relations passionnel/es", entre tirailleurs et femmes françaises, dangereuses à tous points de vue, politiques (démoralisation des troupes , subversion musulmane "turcophile"), sociales (dans les villes du Midi, surtout, mais aussi à Paris, les fêtes algérofrançaises populaires, civil(e)s et militaires mêlés, troublent l'ordre public) et... sanitaires ("tirailleurs vérole'ï. On voit là très clairement comment le racisme est implanté, imposé même, d'en haut. Pas plus que l'immigration il n'est "spontané". Le combattre dans ses formes actuelles, c'est aussi remonter à ses sources. Une manière efficace de "commémorer" la "Victoire" . Fausto GIUDICE (1) Gilbert Meynier, L'Algérie révélée, Droz Genève 1981. L'ouvrage de ~éférence fondamental sur la lIues ·ti9n abordée ici. PREJUIiES Logement « Des HLM, il n'yen a que pour eux ~ Et en plus, ils saliraient tout. Nous sommes allés dans une commune où vivent beaucoup d'immigrés voir comment ça se passait I ls dégueulassent // tout, ils cassent ~es " carreaux, les gamins pissent dans les ascenseurs et font des graffitis sur les murs. Il faut dire que ces gens-là n'ont pas l'habitude du monde moderne. Ils sont sous-développés. On devrait leur apprendre la propreté avant de leur donner un logement » déclamait une honnête commerçante d'Aubervilliers. Discours classique. Depuis la crise économique qui sévit dans ce pays, les immigrés sont sans cesse placés au banc des accusés. En matière de logement, ils ne sont pas épargnés. Leur situation sociale (famille nombreuse, un seul salaire, le plus souvent celui du père) et l'étrangeté culturelle provoque des remous au sein de la population française qui y voit, là-aussi, une main mise des étrangers sur la France. Espace restreint ~ ((f) ~ M. Sivy, maire-adjoint et pré- ,,: I!12 janvier 2012 à 11:59 (UTC)12 janvier 2012 à 11:59 (UTC)12 janvier 2012 à 11:59 (UTC):;~~ sident de l'Office public d'HLM d'Aubervilliers, émet un avis plutôt favorable sur l'émigration dans cette ville: « C'est , tout d'abord une expérience historique ; l'immigration a commencé dans cette ville avec le début de l'industrialisation. Et cela continue. Aussi est-il important de pratiquer une véritable politique du logement. Nous nous efforçons de proposer des logements tant aux familles françaises qu'aux familles ' immigrées. Néanmoins, les Français nous reprochent de reloger plus facilement les immigrés. Parallèlement, les immigrés se De St Jean de la Ruelle à Gennevilliers, de la cité de transit à la cité d'urgence. L..,Zl:...;...-_________ ---'tll: plaignent de ne pas pouvoir se résorbera. Mais, pour l'insobtel1[ raiséiiiènt un apparte- tant, des problèmes subsisment parce qu'ils sont étran- tent ». gers. C'est une contradiction La plupart des immigrés ne véritable à laquelle nous sont pas immédiatement logés devons faire face. L'engorge- dans des HLM. Bien souvent, ment est réel. Nous avons ils n'y accèdent que s'ils justiactuellement deux mille qua- fient d'un certain nombre tre cents demandes qui ne d'années de présence en peuvent être satisfaités. Nous France, ce qui explique que ne ménageons pas notre ef- beaucoup d'entre eux n'aient fort. Chaque année, et cela eu d'autres solutions que les pendant une dizaine d'an- taudis. Le secteur HLM a nées, cent cinquante loge- joué un rôle décisif dans ments seront mis en location. l'amélioration des conditions Ainsi, petit à petit, le manque de logement des travailleurs 12 immigrés. Néanmoins, entre 1968 et 1975 un phénomène apparaît : la prolétarisation de la population des HLM, tant française qu'étrangère. C'est la période du plein emploi. La crise est encore loin et les immigrés arrivent par milliers dans ce pays qui a besoin de main-d'oeuvre. On construit, mais on construit vite et mal. On entasse les gens. Les tours poussent comme des champignons. «C'est l'essentiel de notre patrimoine ». M. Sivy admet, en outre, que cette politique a donné naissance à des minighettos dans la ville même, ces fameuses tours qui ont provoqués la concentration de familles immigrées. A présent elles sont là, bien là, avec leurs traditions leur mode de vie. Les Français commencent à rechigner et à se sentir envahis ! Au parking Amar, ouvrier algérien, père de six enfants vit avec sa famille, depuis six ans, dans un trois pièces. « Malgré plusieurs demandes, je n'ai pu avoir accès à un appartement plus grand. Mes enfants manquent de place. Quand ils veulent aller jouer, je les envoie sur le parking. Je n'ai pas d'autres solutions ». Les difficultés se trouvent encore accentuées par l'animosité qui règne entre les communautés françaises et immigrées, activée sans cesse PlU" la propagande raciste de certains partis politiques. A ce sujet, M. Sivy relate une anectode: « Une famille française décide de quitter le logement HLM qu'elle occupe depuis plusieurs années. Toutefois, huit jours après le déménagement, les enfants décident de reprendre l'appartement. Or, celui-ci a déjà été reloué à une famille immigrée. Imaginez alors ce qui se passe dans la tête de ces gens. Nous sommes alors accusés de tous les maux et plus particulièrement, d'attirer les immigrés à Aubervilliers au détriment des Français ». Les taudis sont encore nombreux à Aubervilliers. M. Sivy annonce les chiffres suivants : 220 logements n'ont pas l'eau, 3 860, que l'eau droide, et 8000 ont des WC communs. Ces appartements insalubres sont souvent loués à des immigrés ou à des familles françaises déshéritées. Aussi ces familles sont-elles relogées en priorité, dès que le taudis est démoli. La ville d'Aubervilliers achète maintenant les vieux immeubles sans confort, d'une part, pour les rénover et èn faire des HLM, d'autre part, pour démanteler la toile d'araignée patiemment tissée par les agences immobilières parisiennes et les marchands de Différences - N° 39 - Novembre 1984 sommeil. En effet, jusqu'à maintenant, elles achetaient des logements insalubres dans Aubervilliers. A Paris, lorsque les immigrés se présentaient en quête d'un appartement, elles les envoyaient directement vers ces taudis. Les familles immigrées sont, en général, des familles nombreuses et, le plus souvent, les appartements qui leurs sont proposés ne sont pas suffisamment grands. M. Sivy donne l'exemple suivant : « Sur un palier, on pouvait trouver jusqu'à trente sept gosses! Il faut effectivement limiter le nombre d'habitants en fonction de la structure de l'immeuble, mais, cesfamilles nombreuses, il faut bien les loger. Il faut donc construire suffisamment grand et ne pas laisser se créer des poches de surpeuplement, de misère, de pauvreté et faire en sorte que les gens, quelles que soient leurs origines ethniques, puissent vivre ensemble. Les immeubles ne doivent pas être délaissés, car la dégradation amène la dégradation. Si vous avez mille personnes matin et soir qui empruntent le même ascenseur, comment voulezvous qu'il ne soit pas en mauvais état au bout de quelques années ? Dire que les immigrés cassent tout, ce n'est pas vrai, dans nos cités où nous avons évité les ghettos. Ils ne sont pas plus démolisseurs que d'autres. Je connais toutes les familles qui nous enquiquinent et parmi elles se trouvent de bonnes familles françaises ». Comment sauvegarder ses traditions quand on vit en collectivité sans risquer d'être traité de malpropre ? Là aussi, tout est prétexte pour les «braves gens » à vomir des insanitiés sur « ces immigrés qui ne connaissent pas l'utilité d'une baignoire sinon pour y tuer un mouton ». Une mère de famille algérienne, habitant en ILM, était venue demander l'autorisation à M. Sivy de tuer un mouton dans sa cave. Il l'en dissuada en lui expliquant que cela ne pouvait se faire en raison des règles d'hygiène en vigueur. Elle ne s'en offusqua pas pour autant. 0 Mariette HUBERT 13 FLASH A Bonneville (Haute-Savoie), on sait causer correct: des parents d'élèves ont demandé à Monsieur le Maire de changer leur gamin d'école. Motif: «groupe leucoderme minoritaire ». «Leucoderme », du grec «leucos », blanc: à peau blanche. Bref, « trop d'immigrés », mais en plus joli, ou moins voyant. P aru dans Stratégies, une pub pour « Déclic, le magazine des hommes qui dépensent tout ». En photo, un rabbin, avec chapeau, couettes, et le Livre à la main, qui dit: « J'ai lu Déclic, c'est horrible ». Déclenchez-vous, les antisémites. Meir Kahana, le rabbin extrémite, a envoyé cette lettre à des épouses juives de musulmans, à Taybeh, en Israël : «Nous viendrons vous remettre dans le droit chemin ». En les tondant peut-être? S i vous voulez tout savoir sur l'Afrique du Sud, deux moyens: ou bien vous demandez à l'Office du tourisme de vous envoyer leur nouvelle brochure. L'adresse est dans le Quotidien du Médecin, qui vante au passage « ce pays aussi vaste et original », et recommande particulièrement une visite au Zoulouland, « où vous verrez vivre les très aimables Zoulous ». Ou bien vous allez à la Rencontre nationale contre l'apartheid, les 24 et 25 novembre à la Faculté de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Pour tous renseignements, appelez le 858.71.20. « L a France multi-cu/turelle, c'est la négation de la France! » déclare l'adjoint au maire du xxe arrondissement de Paris, M. Guastavino. « Tout le monde peut pas s'appeler Dupont », répondait Brassens dans une de ses chansons. V ous voulez réinventer l'écriture? Rencontrez donc les animateurs du CICLOP, centre international de communication, langues et orientation pédagogique, au 566.63.11, et 264.81.24 à Paris. p..l\ON I\"t..t-.J\\GR au sommaire CJ . ONOI"'lIi'\ E OE \. l'l' DOSSIER: Des chiffres qui remet- i~:r \.' E C tent les idées en place· Les charters internationaux de l'immigration . ~d ' L'industrie automobile et les immi- 0 grés. Régularisation: ce qu'a changé -~. la politique socialiste • Le retour vu ,;: d'Algérie· Une Scop de Pakistanais. 2 ACTUALITÉ: Contrainte extérieure
- la voie étroite. Entretien avec
Alain Lipietz • La politique des modèles · Les entreprises publiques et le tiers monde· Indice et lutte contre l'inflation • ro CL ro z g [ "Jo 9 44 pages - 20 F ~ - - - - - - - - - _ .- - - - - - - - - - - - - - - - !Qi;ï o Je commande ce numéro. Ci-joint mon règlement de 20 F. ~ o Je m'abonne à l'Economie en Questions (4 nO/an et le nO hors-série ~ sur l'Europe paru en juin 84). Ci-joint mon règlement à l'ordre de l'EEQ : ~ 100 F (étudiant 80 F, étranger 150 F). ~ 0- Nom Prénom ... . . , . ....... N W Adresse ..... . ... ................... .. .... . Découper et retourner à EEQ, 14, rue d;; Nanteuil, 75015 Paris. IiRBB PlAN - Lorsque l'enfant paraît ... - APPELEZ-MOI JO ... Karim, Madi, Eddy, Hedi, Bernard-Raouf et les autres Les bébés n'ont pas toujours la vie rose. Leurs problèmes commencent dès le bureau de l'état-civil, quand Il faut leur choisir un prénom. L e prénom n'est-il pas le véritable nom propre de chacun ? Après tout, le patronyme concerne non seulement tous les membres d'une famille, mais peut aussi se trouver chez d'autres individus sans aucun lien de parenté. Choisir un prénom pour ses enfants peut être générateur de complicité, ou de désaccord, entre deux individus d'un couple mixte tant la conception de l'acte nommant diffère selon les cultures. Pour l'Européen, le calendrier des saints ou la longue pléiade des noms consacrés par l'histoire a résolu le problème du choix dans bon nombre de foyers ... S'en libérer pour chercher le prénom celtique, viking, ou le diminutif nord-américain relève d'une originalité provocatrice. On peut aussi puiser dans la manne des héros admirés dans un livre ou au cours du débarquement de la dernière guerre. Une fois le prénom européen ainsi choisi, il reste à l'individu à le porter, le mériter, l'assumer, ou le subir. .. Ce sera son affaire. Pour le prénommé arabe, « l'affaire» est toute autre. Dans l'aire culturelle arabe, ce n'est pas « l'intimité» de l'individu qui décide de son prénom, 14 mais plutôt l'accord de la communauté. L'entourage lui donne son caractère unique, indicateur. En arabe, « prénom » se dit « Ism al am », c'est-à-dire « nom drapeau ». Le prénom est choisi dans un jeu de cercles concentriques : on choisit dans l'espace restreint des proches disparus, ou alors parmi les noms de la communauté ou même de la ville, ou encore dans le chaos absolument indifférencié de l'univers culturel des parents qui tiennent compte alors du simple jeu des concordances phonétiques. Ceci leur donne, ainsi qu'à la communauté. un sens aigu de la responsabilité face au prénom qu'ils ont donné. La religion vient souvent au secours des individus en mal d'intégration. Elle permet aux africains noirs christianisés ou aux latino-américains d'entrer dans la communauté sans être alourdis par la charge d'un prénom étrange, même s'il convient alors de déformer la phonétique de leurs langues respectives. De Maria à Marie ou de Jorge à Georges, il n'y qu'un pas. Ainsi, les statistiques indiquent une tendance à esquiver le problème par le choix de prénoms de prononciation facile qui gardent la même sonorité dans des langues aussi différentes que l'arabe, l'espagnol, l'italien, le français... Il s'agit souvent de prénoms méditerranéens, pour la plupart féminins, les parents trouvent alors un bonheur simple à bercer Nadia, Sonia, Aïda, Sofie (ou Sofia), Sarah (ou Sarrah) ... Pour les garçons, la gamme est plus restreinte. On choisit Karim ou Mahdi seulement pour des raisons de commodité phonétique. La triche Souvent le compromis s'installe tellement aux dépens de l'élément étranger du couple que les apparences ne résistent pas à un examen sérieux. Il est facile de repérer un prénom savamment masqué pour qu'il « passe» dans les deux langues, voire dans les deux autres cultures. On force sur Samuel, nom choisi sciemment dans l'hagiographie biblique, pour l'orienter, avec une mauvaise foi cousue de fil blanc, vers une signification se situant sur un tout autre registre historique et sémantique qui comble d'aise les arabisants les plus puristes : le petit Samuel se métamosphose en Tunisie en Samaouel, personnage mythique des premières aurores de l'Islam, héros de dévouement, image idéale de la fidélité, et de surcroit, poète savoureux ... Il en va de même pour Eddy qui devient « Hédi » (éclaireur ou phare), Rita qui de retour au Maroc devient « Ghitta » (recours), Tommy qui devient, dans les quartiers de Gabès, « Toumi» (le jumeau, c'est-à-dire l'un des deux fils d'Ali, Hassen ou Houssein), ou enfin Karine qui pendant les vacances d'été sur les plages de Sousse ou d' Aghadir répond au prénom de « Karima » (généreuse). Le compromis Lorsque l'enfant paraît, la lutte dans le cercle de famille (mixte), sans atteindre la déchirure ou le drame, laisse entrevoir une grande volonté « de tirer la couverture à soi ». Il faut ruser et entretenir la complicité pour que la décision se négocie sans que personne n'en fasse les frais Différences - N° 39 - Novembre 1984 et que chacun se sente quitte à l'égard de la communauté dont il s'honore. Souvent, c'est le compromis banal- du moins en apparence -. La décision finale reviendra au porteur du prénom, une fois à même de trancher la question. Deux frères franco-tunisiens donnent à ce sujet un exemple édifiant : BernardRaouf et Jean-Marie-Férid. Celui-ci a endossé son prénom bien arabe (Férid) à l'occasion du retour en force de la mode Beur, après avoir subi pendant une trentaine d'années le prénom de Jean-Marie, alors que le premier frère garde jalousement son étiquette française. Cette pratique du prénom double ou composé devient quasi systématique chez les couples franco-asiatiques. Les Asiatiques souvent issus des camps de réfugiés en Thaïlande, au Cambodge ou au Viet-Nam choisissent de s'intégrer dans la communauté d'accueil. Le mariage contracté dans ces camps étant considéré comme nul et non avenu par l'administration française, ces migrants sont donc obligés de se marier en France et croient achever leur effort d'intégration en baptisant leurs enfants de prénoms doubles ou de prénoms français. Pour le Maghrébin, tout se passe comme s'il croyait fortement à la dichotomie culturelle de sa propre communauté et de la communauté d'accueil, comme s'il revendiquait simplement une intégration lui permettant de déguiser son origine plutôt que de l'effacer. L'Asiatique, en revanche, exprime le désir de mettre entre parenthèses, ses ascendances en devenant citoyen à part entière de son pays d'accueil. Le diminutif à l'américaine Jusqu'ici l'effort du compromis - même quand il prend une valeur de concession, n'atteint jamais le tragique. Il reste toujours au premier concerné, le porteur du prénom, la possibilité de le sauver, in extremis, du grotesque et d'éviter le refus ou la moquerie des deux communautés à la fois. La menace est réelle : très souvent, l'enfant du mariage mixte, devenu conscient de son étrangeté et du refus de l'entourage a acquis un désir si pressant, si présent de se dissoudre dans le pays d'accueil qu'il en arrive à gommer une syllabe ou deux de son prénom, à le casser par une entorse phonétique afin de ~ lui redonner les sonorités familières de la ~ société qui le rejette : Saliha se reconnaît ~ alors dans « Saly », Mahdi dans « Mad» ~ "ACK, YESTOUFIK, NO Une employée de l'Etat civil de Paris nous signale qu'il est souvent refusé aux couples franco-français de choisir un prénom arabe pour leur rejeton. Des amis de Différences, qui voulaient appeler leur gamin Toufik, en l'honneur d'un enfant descendu l'an dernier dans le parking des «4000» à la Courneuve, en ont été pour leur frais. Par contre, James, Jack, William, no problem. Où va se nicher l'impérialisime, tout de même... 0 ner son ombre, quelle que soit la position du soleil, quelle que soit l'heure ». Le héros de Rachid Boudjedra dans les Mille et une années de nostalgie s'appelle SNP, Sans Nom Propre... 0 Saïda CHARFEDDINE/POM et Youssef répondrait plus volontiers à 15 L--_____ -- --_ __ ....... i!JL. __ .:.---1 « Jo ». Un nécessaire « Il était tellement méfiant qu'il s'était effort de compromis toujours arrangé pour ne pas laisser traÎ- 15 RENCDNTRE - Initiatives - A chacun ses loisirs : à Montargis, les militantss du Front National tirent sur tout ce qui n'est pas d'accord avec eux. A quelques kilomètres de là, à Lorris, on organise des tournois de foot antiracistes. A Montargis, quatre cents personfles se rassemblaient récemment, derrière la banderole du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) et observaient une minute de silence devant les anciens locaux de la Gestapo, rue Dom-Pèdre. Ils étaient venus « protester contre le climat actuel d'incitation à la haine, la banalisation de la violence et contre les atteintes à la liberté qui en découlent ». Deux jours plus tard, à vingt kilomètres de là, à Lorris, quatre cents personnes se serrent sous de grands marabouts, pour partager un méchoui de l'amitié, malgré la pluie: la fête de l'Amitié entre les peuples, parrainée par Différences et organisée par l'AFADEM (Association pour la Formation, l'Animation culturelle et l'Expression des Minorités). Tant à Montargis, 50 000 habitants qu'à Lorris, un canton rural de 7 000 habitants, 8 070 de la population est d'origine étrangère. Mais dans les deux cas, l'actualité est propre à l'histoire de chacune des deux villes .. prévenir plutôt guérir A Lorris, une immigration récente, des Français et des immigrés développent une association et des activités "ensemble" pour ne plus vivre de façon séparée. Ils souhaitent « prcivenir plutôt que guérir ». A Montargis, une immigration séculaire, toujours concentrée sur une seule commune, Châlette-sur-Loing, où l'on 16 trouve 80 % des immigrés de l'agglomération. Une situation d'exclusion marquante. A tel point qu'on refuse de loger les immigrés à l'extérieur de Châlette. ' Beaucoup, surtout les enfants n'ont jamais quitté la ville. De même, la plupart des Français de l'agglomération n'ont jamais mis les pieds à Vésines, un quartier à 60 % d'immigrés: un jeune en apprentissage, craignant de revenir avec un couteau dans le dos, avait d'abord refusé de suivre sa classe en déplacement à Châlette-V ésines pour visiter l'exposition «Vivre ensemble avec nos différences» que le MRAP y avait organisé. Du coup, un Turc abattu sur le pavé de Montargis est qualifié sommairement par la presse "d'origine Châlettoise". Par contre l'arrestation de la "Bande de Vésines" qui a nourri longtemps l'imaginaire des Montargois, n'est passée qu'en filigrane dans la presse locale: la "bande" n'était composée que de Français. Quand un rapport du commissariat a démontré que la délinquance n'était pas plus immigrée que française, il est passé à côté des gens et dans un petit coin du journal, qui préfère titrer sur le "Chicago du Gâtinais". Le Front National a réalisé aux européennes de 14,50 à 19,20 % au centre ville de Montargis. Les affiches "les Français d'abord", "Bleu, blanc, rouge", où les bombages "immigrés dehors" couvrent massivement les murs de la ville. D ans ce contexte, le 4 septembre, à un angle de rue du centre ville de Montargis, cinq jeunes de dix sept à vingt ans (trois Espagnols, un Tunisien, et un Français), s'arrêtent par curiosité pour voir les affiches que collaient deux militants du Front National, tard dans la nuit. Les jeunes veulent discuter, ils font part, naïvement, de leur désaccord avec le racisme, s'indignent des idées du Front National : « Vous voulez nous foutre dehors! ». L'un d'eux va jusqu'à décoller quelques affiches. C'est là qu'un des deux militants du Front National pulvérise du gaz lacrymogène au visage des jeunes. Ceux qui ont encore l'usage de leurs yeux s'enfuient. Il dégaine un révolver à grenailles et fait feu en direction du plus jeune qui, aveuglé n'avait pu fuir. La victime, d'origine espagnole, a été touchée à l'oeil. Elle est toujours hospitalisée à Paris. Les médecins ne se prononcent pas encore. Le militant du Front National a été inculpé de coups et blessures volontaires avec arme. L'affaire est en cours .. . mais elle se corse quand le soutien au tireur (fils d'un notable conseiller municipal) s'exprime publiquement par le Front National, par l'association de légitime défense du coin, mais aussi par le porteparole PR-UDF et le maire en conseil municipal. Une dizaine d'organisations sont venus à l'appel du MRAP, «protester contre la montée de l'intolérance, de l'aveugle- . Différences - N° 39 - Novembre 1984 ment, du fanatisme et de l'insécurité, auxquels nous amènent des campagnes d'idées fausses ou simplistes ». Pendant ce temps, des militants de l' AFACEM préparaient leur fête de l'amitié entre les peuples. L'idée en était venue lors de l'exposition « Vivre ensemble à Lorris» en mars 1984. Des Marocains avaient proposé un méchoui ... On mit sur pied une commission « fête de l'amitié ». On y ajouta un tournoi de football pluri-ethnique, un concert de jazz tzigane avec Coco Briaval et son . groupe, un groupe folklorique portugais, des jeux d'enfants, des maquillages, des dessins, une mini-exposition pour présenter l' AFACEM, un stand de Différences ... L a Fête était partie, la fête se construisait, les contributions se multipliaient. Pour le foot -bail, dix équipes ont répondu à l'invitation de l'AFACEM et de l'Union sportive de Lorris: les clubs portugais de Malesherbes et de Châlette, celui de l'association portugaise de Chateauneuf, de l'Association sportive turque, de clubs "pluri-ethniques" : Nogentsur- Vernisson, Thimory, mais aussi des équipes constituées pour l'occasion: Maghrébins du foyers AFT AM de Châlette, jeunes du cours d'arabe de Gien, ainsi qu'une équipe des adhérents de l'AFACEM, et bien sûr l'équipe de Lorris, qui, d'ailleurs, remporta le tournoi. Au coup d'envoi du tournoi, on commençait la cuisson de douze moutons abattus selon le rite coranique, « pour que tout le monde puisse en manger» et que l'on découvre le sens de l'Aïd El K-bir, qui avait eu lieu huit jours plus tôt, ce geste d'Abraham commun aux religions juive, chrétienne et musulmane, que les musulmans perpétuent aujourd'hui. (1) Et ce tournoi, un tournoi comme les autres? Certains s'en inquiétaient: « A vec tous ces étrangers, ça va sauter» ou se demandaient si, quand des étrangers gagnent, on entendrait les quolibets proférés trop souvent dans le "feu de l'action" ... sportive? Dans la réalité sur les terrains, on n'aura jamais autant entendu: « On joue pour jouer, par pour gagner, c'est ça le sport ». On était bien loin de ce fanatisme grossier et bruyant qui anime parfois les stades et qui nuit tant au football. Bien loin du chauvinisme, qui dans le sport transpose des aspirations de domination, des certitudes de supériorité. Bien loin des Jeux Olympiques 84, ou parfois la compétition entre les différents pays a fait 17 peu de cas du projet olympique: oeuvrer pour la paix et le rapprochement des hommes, sans distinction de religion ou de race, le plus important étant moins de gagner que d'y prendre part. On aurait pu pourtant repenser cet été à Coubertin quand il disait: «Nous n'avons pas travaillé, mes amis et moi, à vous rendre les Jeux Olympiques pour en faire un objet de théatre, de musée ou de cinéma, ni pour que les intérêts mercantiles ou électoraux s'en emparent ». E n tout cas à Lorris, c'est la solidarité et l'amitié entre les peuples qui ont triomphé avec une démonstration de ce qui constitue le sport "français". On le voit au sommet: Noah, Platini, Tigana, témoignent de l'apport des différentes immigra- . tions, mais on voit moins dans la vie sportive française de tous les jours, ce bouillonnement des minorités. C'est en cela que le football aussi, ce jour-là à Lorris, a permis de porter un regard sur l'autre pour ce qu'il apporte, et pas seulement pour ce qu'il a de différent. Ce regard, Différences y a contribué, en parrainant cette fête. Le président de l'AFACEM définissait notre journal comme « un mensuel d'information, de réflexion, d'ouverture, un mensuel de partage qui fait la place à toutes les minorités, à toutes les communautés ». La fête finie, chacun repartit avec un quelque chose d'espoir de lendemains différents, comme deux jours plus tôt quatre cents personnes étaient reparties avec cette minute de silence dans la tête, pour que les lendemains soient différents. Jérome RICHARD (1) Cf. Différences nO 12/13, juin-juillet 1982. 4Jea nCU isLinieerg-~ronasenrvedur TOUTE L'ANNEE Foie Gras Frais d'Oie et Canard Ses magrets de canard frais ou fumés Ses plats grande cuisine 58, rue des Mathurins 75008 PARIS Tél. : 265.50.46 18, rue Montmartre @ 75001 PARIS Tél. : 236.03.52 DOSSIE - Paradis artificiel - LA TERRE DE LA GRANDE PROMESSE ntait le Brésil pays de modernités. _. 1'(2il des gratter- IIAIC de Brasilia, vivait la seule société sans racisme, le rêve du melting-pot réussi. On est allé voir: promesse non tenue, hélas. « Diretas, jà » : des élections, tout de suite, un mot d 'ordre répété à travers le Brésil tout entier. 18 .. Différences - N° 39 - Novembre 1984 19 Qui possède la plus vaste forêt de la planète, le carnaval le plus chaud et les meilleurs footballeurs ? Devinez. Et la seule véritable démocratie raciale du monde? Le Brésil, vous l'aviez compris . Mais faut-il le croire ? On aimerait bien, tant ce pays tropical et mulâtre y trouve son identité. Cinquante trois millions (1) ~ L-_ _ .... _"'--...z. _ ~- de Noirs et de Métis brésiliens ont imprimé une marque indélébile sur la vie quotidienne, culturelle et sociale. Avec les Indiens, les Allemands, les Japonais, les Italiens, et bien d'autres encore, ils ont fondé une société pluri-ethnique et l'ont élevée par la suite à la hauteur d'un mythe. Magie et violence du carnaval, rires et pleurs des matchs de football, foi et superstition des religions africaines, le Brésil offre l'image d'un deuxième continent noir. Il est vrai que 70 0J0 des dix millions d ' Africains réduits en esclavage de 1500 à 1870 ont été absorbés par le Brésil. Des caboclos (mélange de Noirs et d'Indiens) aux mulatos (les mulâtres) le géant sud-américain s'est taillé au fil des ans une réputation en or : un pays d'où le racisme est banni. A preuve ces billets de banque où en filigramme sont inscrits côte à côte les quatre races dont s'enorgueillit le Brésil: les Noirs, les Indiens, les Blancs et les Cafuzos (métis de Noirs et d'Indiens). A preuve ces cafés, ces fêtes où l'on boit au coude à coude sur un rythme de samba. A preuve, ces affiches publicitaires où un couple mixte admire un mixer pour les aliments de Bébé. Ici, toutes les couleurs sont admises. Un Brésilien sur deux vous rappellera que le ministre de l'Industrie est d'origine japonaise, ou que l'ex-gouverneur de Sao Paulo, actuel candidat à la présidence de la République, Paulo Maluf, a de fortes ascendances syro-libanaises. Et pourtant le parlement ne compte qu'un seul député noir , Abdias do Nascimento, et un Indien, Mario Juruna. Ne faudrait-il pas dès lors s'interroger sur la véracité de la démocratie raciale? Le géant sud-américain s'est taillé une réputation en or Deux études divulguées en 1982, l'une, frileusement, par l'Institut brésilien de géographie et de statistiques (IEOE) et l'autre par la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) ont donné la mesure des disparités. 58 0J0 des travailleurs brésiliens sont blancs, 30 070 mulâtres et 9,3 0J0 noirs. Les emplois les moins qualifiés et les moins bien rémunérés sont réservés aux Noirs et aux Métis, coupeurs de canne, maçons ou domestiques. Le taux de chômage atteint des records dans les quartiers périphériques des grandes villes, rarement habités par la population blanche. Dans le secteur agricole, le salaire d 'un Métis atteint à peine 75 0J0 de celui d'un Blanc, et celui d'un travailleur noir, 60 0J0 . L'écart se creuse pour un ouvrier spécialisé: un Métis gagne 50 0J0 de moins qu'un Blanc, et un Noir 65 0J0 . Plus on grimpe dans l'échelle sociale, plus les inégalités s'affirment. Ainsi, 8,5 0J0 des Blancs sont cadres ou techniciens, contre 2 0J0 des Métis et 1 0J0 des Noirs. Ces statistiques ont été perçues comme un pavé dans la mare, tant le sujet est tabou au pays de l'or et du café. « Ici, i! n 'existe que des barrières de classe. Le système économique accule les pauvres, souvent noirs i! est vrai, à la misère. »Eirton, documentaliste dans un news magazine de gauche, reflète l'opinion de millions de Brésiliens: chez eux, le racisme n1existe pas. Des faubourgs de Rio aux bidonvilles de Salvador, jusqu'aux champs de canne à sucre du Nordeste, les plus défavorisés sont noirs. 0: Abdias do Nascimento et Mario Juruna : 2 deux députés champions de la défense de 0 , -l leurs communautes. ;;; ~--. Si vous voulez blesser l'orgueil national d'un Brésilien, qui n'a pourtant pas la réputation de se choquer si facilement, demandez lui de vous citer des cas de discriminations, d'insultes, de violences racistes. « Bien sûr, il y en a eu, mais ce ne sont que de petits tremblements de terre en comparaison des explosions américaines ou rhodésiennes » affirmait récemment un sociologue réputé. Pourtant, chaque semaine a son lot de disparus, de morts dans les commissariats et d'exécutés par les milices parallèles, Escadron de la mort ou Main blanche. Ces expéditions punitives ont un trait commun : elles ne touchent que très rarement les Blancs. Dans les favellas ou les banlieues, un Noir pauvre est forcément suspect de délinquance, donc susceptible de récolter une balle dans la tête ou une séance de torture à l'occasion d'une « blitz » (rafle). En 1978, à la faveur de l'ouverture politique, les langues se délient. Marli, une domestique de la Baixada Fluminense, à Rio, assiste au meurtre de son frère et de son amant par l'Escadron de la mort. Elle reconnait les assassins et porte plainte. Traitée de « prostituée noire », menacée de mort et privée d'emploi, elle se réfugie dans la clandestinité. Elle sera soutenue par les féministes et militants noirs, en vain. 20 Quelques mois plus tard, un procès éclate, qui fut vite classé mais donna l'impulsion nécessaire à la création du Mouvement Noir Unifié (MNU). L'affaire se passe au Club Regate Tiété, un de ces clubs de loisirs bon chic-bon genre, dont la fréquentation ponctue la vie de tous les Brésiliens biens nés, ou se considérant comme tels. Quatre cadets de l'équipe de volley-ball, un sport extrêmement répandu au Brésil, se font barrer l'entrée de la salle d'entraînement. Motif: « Nous n'acceptons plus les Noirs dans les équipes de volley bail ». Le juge passa outre les dépositions des témoins, et choisit de croire le directeur ( J'ai interdit l'entraînement les samedis, et c'est tout. D'ailleurs, le club compte cinquante adhérents et trente employés noirs »). Classée également, l'affaire Emilia Félix. Conseiller municipal de Ribeirao Preto, une ville de la zone caféière de Sao Paulo, Wilson Santiago était connu pour ses écarts de langage, son faible pour la boisson et les armes à feu. Une phrase « malencontreuse» ( Hitler aurait dû tuer tous les Juifs ») lui avait déjà valu un avertissement du maire. Chaque jour, l'intrépide conseiller inondait Emilia Felix, officier d'état civil, d'injures racistes ( Negra nogenta, preguiçosa
- sale nègre paresseuse »). Un jour, excédée, Emilia
s'en va demander justice au maire. Le Conseil se réunit et vote à l'unanimité moins une voix une motion d'appui à Wilson Santiago. Le procès n'eut pas de suite, mais permit pourtant de lever le voile sur le racisme ambiant. Des conseillers municipaux noirs confièrent à la presse qu'ils avaient déjà été priés de quitter une salle réservée aux conseillers, « mais pas aux Noirs », ou encore que leur famille, contrairement à celle des élus blancs, n'avaient pas le droit de fréquenter le coiffeur de la mairie ... Bien d'autres affaires furent abandonnés en route. Ainsi, une avocate noire, Nair Silveira, se vit, en août 79, refuser l'entrée d'un immeuble du centre de Sao Paulo. « Les Noirs doivent emprunter l'escalier de service ». Le portier réaffirma par la suite devant les policiers et les reporters d'une chaîne de télévision: « J'obéis aux ordres des propriétaires, et j'ai déja viré plus de cinq cents Noirs ». « Le juge n'a ni lu les résultats de l'enquête ni entendu les témoins », constate, amère, Nair Silveira. Première incriminée, la loi elle-même. Depuis quelques années, organisations noires et partis d'opposition demandent sans succès la révision de la loi Afonso Arino qui régit les discriminations raciales. Né en 1951 des campagnes menées par la presse noire, alors florissante, et d'un scandale international - l'inter- 1 _ _ ~ ___ .30.:::"'-__ --Z._....J diction faite à l'artiste noire américaine Catherine Dunham de louer une chambre dans un grand hôtel de Sao Paulo - ce texte s'est avéré complétement inefficace. Outre l'insuffisance des peines prévues, Différences - N° 39 - Novembre 1984 21 POUR UN SOCIALISME NOIR Abdias do Nascimento, député du Parti démocratique des travailleurs (PDT) dirigé par Leonel Brlzzola, gouverneur de l'Etat de Rio, a fondé en 1944 le théâtre expérimentai du Noir, puis le Musée de l'Art nègre en 19&8. Monsieur le Député, quelle est la situation du Noir brésilien aujourd'hui? Abdias do Nascimento: Elle est pire aujourd 'hui qu'avant le I3 mai 1888 (NDLR: abolition de l'esclavage). Au moins à cette époque, il était légalement considéré comme une « chose» et devait lutter contre cette déshumanisation ostensible et légale. Aujourd'hui, il jouit de la même situation de « chose », mais il ne peut plus le prouver. Le racisme dont souffre le Nègre ici est profond. Au Brésil, la « légalité institutionnelle» du pays nous empêche de mener une lutte plus ample contre le racisme. En réalité, ce qui les intéresse, c'est que les Noirs demeurent une main-d 'oeuvre bon marché, folklorique et décorative, mais jamais des êtres humains égaux aux autres. Vous n'exagérez pas un peu? A. do Nascimento : Non, regardez les statistiques. Bien que les Noirs constituent 70 % de la population, le pourcentage qui atteint l'enseignement secondaire et supérieur, et même primaire, est minime. Au niveau du pouvoir, le Noir n'a aucune action. Sous l'empire, Rebouças (NDLR : un des plus grands leaders antiesclavagistes du XIxe siècle) mettait en doute publiquement la légitimité des ministères quand· ils ne comportaient aucun Noir. Aujourd'hui, le Noir n'a droit à rien, on ne peut même pas poser la question. Tout est calme ! La démocratie raciale au Brésit est-elle plus un mythe qu'une réalité? A. do N. : R s'agit là tout simplement d'une idéologie qui renie les droits des Noirs et les met au pas. C'est le stratagème des classes dominantes pour maintenir leur statut de privilégiés. Ils commandent, le Nègre obéit. Ils sont beaux, le Nègre est laid. Rs sont honnêtes, le Nègre est un voyou. Cela nous vient du temps de l'esclavage. Aujourd'hui, il existe des idéologues du métissage comme Gilberto Freire, qui se prétend scientifique, ou Jorge Amado qui utilise les forces créatives des Nègres pour faire des romans folkloriques. Ce mythe de la démocratie raciale au Brésil aide à occulter l 'humiliation des Noirs. Mais le métissage ne constue- toit pas justement le résultat d'une influence interculturelle ? A. do N. : La manière dont il est pratiqué le dément et ne fait ressortir que le viol des populations noires par les populations d'origine européenne. Nous ne sommes pas du tout contre le métissage comme acte spontané. Mais au Brésil, il y a eu usurpation de nos droits. Quelle est la contribution culturelle de la communauté noire dans la construction du socialisme brésilien ? A. do N.: Le socialisme à la brésilienne doit se baser sur l'expérience quilombiste, s'il ne veut pas devenir une fleur fânée. Nous avons notre socialisme « moreno », je veux dire noir. Quand la population d'origine africaine va prendre conscience de cet héritage fabuleux légué par nos ancêtres, elle va imposer sa reconnaissance. 0 Propos recueillis par José FUCS in Espaco Democratico juillet 1984 Marchés africains, religion, musique: depuis quatre cents ans les Noirs ont façonné l'image du Brésil. les cas passibles de contraventions sont extrêmement limités. Seuls sont pris en compte les cas de discrimination dans les lieux publics, les endroits à usages commerciaux. Nair Silveira perdit aussi son procès parce que « un immeuble d'habitation n'entre pas dans le champ de la loi Afonso Arino ». Dans les rares affaires traitées avec succès, le dénouement touche à l'ubuesque: une lettre d'excuses pour un chef de services de la compagnie d'Etat Petrobras, qui avait sussuré à son subordonné, entre deux avertissements, «je ne supporte pas les Noirs ». Dix francs d'amende (la peine maximale prévue) pour un patron de boîte qui avait refusé l'entrée de son établissement à une jeune Noire. Il paya, après intervention personnelle du président de la République. « Ce sont des exemples isolés, et puis quoi de plus normal pour un club ou une boîte plutôt chic de sélectionner sa clientèle. Si on est mal habillé, on ne peut pas rentrer ». Dona Zelda n'est pas particulièrement raciste. « Je viens d'Europe centrale, une bonne partie de ma famille est juive ». Mais elle est partisane du statu-quo: les riches avec les riches, les pauvres avec les pauvres. Est-ce que c'est sa faute à elle si les uns sont Noirs et les autres Blancs? Bien sûr, question discrimination « sociale », il y a quelques bavures. Ademar da Silva, champion du monde du triple saut, un héros national en quelque sorte, fut bien prié l'an dernier de changer de place dans un restaurant de luxe, et de «rejoindre les places réservées aux chauffeurs particuliers ». « Qui pouvait deviner qu'il était champion 22 du monde? » conclut Dona Zelda. Bien sûr, la chanteuse noire Carmen Silva ne put jamais acheter l'appartement qu'elle convoitait sur l'avenue Higiénopolis, la plus chic de Sao Paulo ... Mais qui pouvait deviner que, bien que Noire, elle était chanteuse? Teresa Santos, la prostituée du film de Marcel Ophüls, Orfeu Negro, se souvient de son premier contact avec le racisme : « J'étais avec des amis blancs au Club Federal de Leblon à Rio, il y a environ sept ans. On m'a dit : « Nous n'acceptons les Noirs que comme personnel de service ». La justice enterra le cas, comme il est d'usage, et Teresa fonda le Centre de culture et d'art noir, puis s'en fut en Guinée Bissau « lutter aux côtés de ses frères de race ». « Nous ne pouvons plus nous taire» : les leaders noirs se fâchent Au Brésil même, l'émergence des mouvements noirs reste un phénomène relativement récent. En 1931, apparait la Frente Negra Brasileira, première tentative de parti politique noir. Après sa disparition en 1938, sous la dictature de Getulio Vargas, l'Association Culturelle du Noir prend le relais. Elle se videra petit à petit de son contenu politique pour ne plus offrir que des services associatifs. Le sociologue Clovis Moura note bien d'autres formes de groupements visant à ! Les Indiens sans terre cc Malgré leur retard culturel et leur vie primitive, nos Indiens ont contribué à la construction de la nation brésilienne n (Histoire du Brésil, classe de 1ere) n. . Si tout le monde s'accorde à penser que la discrimination raciale à l 'encontre des Noirs et des Métis est quasiment inexistante au Brésil, celle qui frappe les Indiens est universellement reconnue. Traqués par les colons blancs, disséminés par la variole souvent inoculée volontairement, les seuls véritables natifs brésiliens ne sont plus aujourd'hui que deux cent vingt mille. Traités comme des sauvages, ces laissés pour compte de la société pluri-ethnique doivent, à l'origine, leur salut aux « sertanistes », premiers anthropologues brésiliens à les avoir regardé avec un minimum d'intérêt curieux. Dans les manuels d 'histoire, ils n'apparaissent qu'au moment de la découverte du Brésil. Puis, plus rien. Les tentatives des Portugais à les. réduire en esclavage furent vaines. Impossible de faire couper la canne à un Indien, nomade par essence. On les utilisa donc pour le déboisement et la recherche du pau-brasil, ce bois qui donna son nom au Brésil (Brasa signifie braise, la couleur du palissandre). Leur apport au « génie» du peuple brésilien n'est pourtant pas négligeable. La toponimie du pays est essentiellement issue des langues indiennes, tout comme les noms de fleurs, de fruits et d'animaux. Tout en revendiquant une origine indienne à leur culture (toujours en vertu des mélanges raciaux, nombreux, il est vrai), les Brésiliens continuent de considérer les Indigènes comme des sous-hommes et des primitifs. conserver l'identité noire: les écoles de sambas, les religions d'origine africaine (macumba, condom blé, umbanda). A partir des années 75, le mouvement Blaque pau (Black power) prend son essor à Bahia, sous l'égide d'artistes noirs, comme le chanteur Gilberto GiL Petit à petit, le contexte national se modifie. Les mouvements noirs abandonnent le champ culturel pour aborder celui de la politique. 1978 : la dette extérieure du Brésil se creuse, les scandales financiers se multiplient. Le régime militaire est contraint de mett're en marche la libéralisation avant que son image de mar- ~il::2.:2:c.. __ ~Bill.::2JJ que - incorruptible et garant de l'ordre - ne se ternisse tout à fait. Le président de la République, le général Figuereido, amnistie les exilés politiques. En 1980, les premières élections pour les députés et gouverneurs d'Etat se déroulent dans une fièvre qui ne s'est pas éteinte jusqu'à aujourd'hui, bien au contraire. Dans cette période d'effervescence, naissent de nouveaux journaux, des partis politiques jusqu'alors interdits. Le leader syndicaliste Lula mène la grève des métallos de Sao Différences - N° 39 - Novembre 1984 23 La création de la Funai (Fondation nationale de l'Indien), en 1960, loin d'améliorer leur situation l'a empirée en institutionnalisant le système des réserves et la tutelle de l'Etat sur les nations indigènes. Longtemps tenus à l'écart du jeu politique, les Indiens brésiliens réagissent aujourd'hui. L 'action de Mario Juruna, député de Rio, qui enregistrait sur son magnéto à cassettes les promesses des reponsables de la Funai pour les leur rappeler par la suite, les coups de force et les prises d'otages réalisés par plusieurs tribus (les Pataxos, les Txnkahamâe) pour obtenir la délimitation de leurs terres, laisse présager d'une lutte à venir plus dure encore. La nomination d'un Indien, Mégaron, à la tête du Parque do Xingu, la plus grande des réserves, en mai dernier démontre que le gouvernement commence à craindre que le mouvement ne s'amplifie. Cette année, la veille de la commémoration du coup d'état militaire du 4 avril 1964, quatre cents leaders indiens, certains venus avec arcs et flèches, ont dénoncé lors des Ile Rencontres nationales des peuples indigènes « la bureaucratie dictatoriale de Brasilia » et affirmé la nécessité de « s'allier avec les autres victimes du régime ». « La question raciale se pose différemment pour les Noirs et les Indiens, explique Antonio Brand, un des responsables de la CIMI (Conseil missionnaire indigène). Pour les uns, il s'agit avant tout de se faire reconnaître en tant qu'individus, et pour les autres de récupérer leurs terres: c'est une question de vie ou de mort ». Menacés par les gros propriétaires, les multinationales, les paysans en mal de terre, les routes qui coupent leur territoire en deux, les Indiens sont confrontés à l 'urgence. Rs ont cependant remporté des victoires largement symboliques. Elf Aquitaine s'est ainsi vue condamnée à verser 6 000 dollars d'indemnisations aux Munduruku et aux Satéré Maué (qui en réclament 300000) : ayant effectué des prospections pétrolières sur le territoire de ces tribus en vertu d'un contrat avec la Pétrobas, la compagnie française avait oublié des bâtons de dynamite. Quatre Indiens sont morts. 0 Paulo, une centrale syndicale unique (CUT) proche du parti des travailleurs (PT, fondé par le même Lula) voit le jour. L'indien Jurana enregistre les fausses promesses des hommes politiques au magnétophone, puis est élu député. Le Mouvement Noir Unifié (MNU) est fondé à Rio. Nous ne pouvons plus nous taire, lit-on dans la déclaration préliminaire, la discrimination raciale est un fait dans la société brésilienne. Elle s'oppose au développement harmonieux des Noirs, détruit leur âme et leur possibilités de se réaliser en tant qu'être humain ». Le MNU organise plusieurs manifestations de rue, défend la cause noire. Aujourd'hui, il amorce un virage d'importance. 25 avril 1984. Les députés doivent se prononcer à Brasilia pour ou contre les élections du président de la République au suffrage universel. Quelques jours plutôt, plusieurs millions de Brésiliens avaient manifesté dans la rue leur volonté d'un retour à la démocratie. Les casernes sont mises.en état d'alerte. « Le 24 avril, on était tous aux fenêtres pour le concert de casseroles ». Le lendemain, la sanction tombe: les députés ont trahi le peuple, la majorité a voté contre. « On est descendu dans la rue pour pleurer ». Helio avait vingt ans en 1964 quand l'armée a sorti ses chars pour empêcher le président Joa Goulart, dit Django, « de donner le pouvoir au peuple et aux communistes ». Aujourd'hui Helio porte un T-shirt à la double inscription, côté pile, « Nao rias de min, Argentina » - Ne te moque pas de nous, Argentine. ( Eux, ils peuvent voter »), Côté .face. Noir et Indien à la fois. « Diretas, jà ». Le suffrage universel, tout de suite. Un mot d'ordre inscrit à présent sur tous les murs du pays, sur les chemises et les ballons. La campagne des « Diretas, jà », soutenue par la plupart des intellectuels et des artistes brésiliens, est loin d'être terminée, puisqu'en janvier 85, c'est encore un collège électoral qui désignera le premier président civil depuis le coup d'état de 64. Deux candidats restent en lice. Paulo Maluf (PDS, parti gouvernemental) et Tancredo Neves (PMDB) qui a obtenu un large consensus parmi les partis d'opposition, et conquis la frange gauche du PDS. Impliqué dans bon nombre d'affaires de corruption et allié à l'extrême droite militaire de l'ex-président Médicis, Paulo Maluf bénéficie de l'appui de la bourgeoisie d'affaire, des Etats-Unis et du FMI. Tancredo Neves, 75 ans, social démocrate de la première heure, a toutes les chances, en théorie, de l'emporter. Mais les pots de vin versés par Paulo Maluf aux grands électeurs, que l'ont dit sensibles à ce genre d'arguments, sont de notoriété publique. Cette élection représente un enjeu de taille, celui du retour aux libertés publiques. Les minorités se sont bien sûr lancées dans la bataille des Diretas jà. «Nous devons d'abord transformer la société pour changer la condition noire. Mais un parti qui n 'incluerait pas les minorités dans sa lutte serait suspect d'avance ». Antonio Leite, membre fondateur du MNU et un des responsables du Movimento negro socialisto democratico, une branche du PDT, ne croit pas au subtil distingo opéré entre discriminations sociale et raciale. « Le Nègre dérange quand il sort de sa favela ». « Si vous êtes noir, vous avez plusieurs rôles à votre disposition " prostituée, alcoolique, domestique, voleur, «macumbeira », ou petit noir fils d'esclave. Le préjugé à notre encontre n'est pas social comme le prétendent certains, il est économique, politique et culturel, s'insurge Teresa Santos. Ce sont les Noirs qui ont construit ce pays depuis quatre cents ans. En échange, ils n'ont reçu que misère, faim et discrimination ». D'où provient donc le mythe d'une démocratie raciale réussie, si souvent répandu au Brésil et hors de ses frontières ? 24 ODEURS DE CUISINE La feijoada Prendre 1 kg d'haricots noirs (pas rouges). Laisser tremper une demi-journée. Faire revenir dans une cocotte 1 kg de palette de porc coupée en dés, et, si vous en trouvez, de la viande séchée (non fumée), avec oignons, ail, thym, laurier et un gros bouquet de coriandre fraîche. Ajouter les haricots, de l'eau (beaucoup, car les haricots gonflent: à surveiller de près), du sel et du poivre en grain. Laisser cuire (compter deux heures environ). Faire blanchir le choux dans l'eau bouillante, égoutter, puis le couper en fines lamelles. La feijoada se sert avec le choux, des oranges coupées en tranches, du riz et du piment. 0 Se forger des préjugés favorables: voici un exercice auquel excellent les Brésiliens. Ainsi, des générations d'écoliers apprennent que leur pays a traversé toutes ses crises de croissance en douceur. Ici, on croit dur comme fer que le sang n'a jamais été versé au cours des siècles. L'esclavage aurait été bénin, les maîtres auraient traité leurs esclaves commes des fils naturels, avec bonhomie. Ceci en vertu du « luso-tropicalisme », soutenu par les meilleurs sociologues et historiens brésiliens, dont Gilberto Freire. L'hypothèse est simple: les Portugais (comme race) ont une prédilection pour les peuples de couleur. Leur « amour» pour les femmes noires aurait favorisé des mélanges raciaux et une certaine démocratisation du régime colonial. La lutte pour l'indépendance des pays africains lusophones a démontré l'inanité de tels arguments. « La libération de l'esclavage se serait faite sans heurts, poursuit Clovis Moura. En réalité, de nombreux foyers de révoltes avaient éclaté depuis l'indépendance en 1825. La noblesse craignait un soulèvement comme à Haïti et avait besoin d'une main-d'oeuvre spécialisée. L'abolition tardive de l'esclavage en 1888 ne fut donc pas un don de la princesse Isabelle, comme le dit l'histoire, mais une nécessité ». De même pour l'opération portes ouvertes entamée immédiatement après. Certes, à la fin du XIX· siècle, on accueille tous les migrants à bras ouverts, mais de préférence des Européens blancs et pas vraiment par amour des étrangers, mais afin d'équilibrer les races et de marginaliser les Noirs. « De cette manière, nous avons été dépossédés de notre histoire, constate Antonio Leite. Nous avons été réduits à l'imagerie commerciale,' samba, condomblé, capoeira. Mais où sont les traits marquants de notre lutte? » La sortie du film de Carlos Diégues, Quilombo, accueilli fraîchement au Brésil, parce que jugé trop « carnavalesque », a cependant levé le voile sur les quilombos (2), ces communautés de Noirs fugitifs auxquelles se mêlaient des Blancs et des Indiens. Il s'agit là pour beaucoup du réel embryon d'une société multiraciale brésilienne. Pour anéantir celle de Palmarès au nord, fondée en 1630, les Portugais durent lever une armée de plusieurs milliers d'hommes. Ils en vinrent à bout après soixante cinq ans d'existence. « Pour en finir avec la discrimination raciale qui règne au Brésil nous devons entrer dans le combat politique, explique Antonio Leite, et nous retourner sur notre passé. Nous cesserons alors de demander à un pays bâti sur une structure esclavagiste de générer la première démocratie raciale du monde ». 0 Véronique MORTAIGNE (1) Ces· chiffres sont contestés par les organisations noires. Le désir de paraître blanc et de « blanchir la race» empêche bon nombre de Métis de se ranger dans la catégorie des gens de couleur. Le critère racial a été pris en compte pour la première fois au recensement de 1977. Selon le député Abdias do N ascimento, 70 % des Brésiliens sont « noirs». (2) Les quilombos possédaient une organisation sociale communautaire : culture de la terre, pouvoir politique partagé au sein d'un conseil ... __ Théâtrissimo __ C'EST FOU. Peintre, écrivain, Marie Bashkirtseff voyagera beaucoup, entretiendra une correspondance avec Maupassant, collaborera au journal féministe La citoyenne, jusqu'à ce que la mort l'emporte à l'âge de vingt-quatre ans. C'est à travers quelques extraits de son journal (1) que Victor Viala et son équipe ont choisi de la faire revivre pour nous, avec beaucoup d'amour et de sensibilité. Du bon boulot, Le Journal de Marie Bashkirtseff. Avec Psycause toujours, de Jean-Loup Horwitz, sur une mise en scène de Michel Jestin, François Domange, sur le divan de son psychanalyste, réalise une authentique performance d'acteur autour de quelques-uns de ses fantasmes, racontés de l'intérieur. Un texte difficile, une tendance un peu criarde dans l'interprétation, mais au bout du compte, un bon moment, entrecoupé de quelques pages de publicité. Imaginez quelques plantureux rôts, Burr ... Burrrq ... suivis de « Perrier c'est fou », et vous avez pigé l'essentiel (2). Paradoxalement, si le cinéma kurde est mondialement connu grâce à l'oeuvre de Yilmaz Güney, le théâtre kurde, lui, demeure tout à fait clandestin. Halk Oyunculari, «le théâtre du peuple» était cependant de passage à Paris, avec Les fleurs de Newroz. Un théâtre authentiquement populaire, un théâtre L'IDOLE DES BLANCS Sélection/Disques Bleu de Marseille, de Carte de Séjour. Le nouveau 45 T de nos Beatles arabes. CBS. The woman in reu, de Stevie Wonder. Fun fun fun, black music et humour semblent vivre un amour incommensurable. 33 T. RCA. Live « Paris-Ziguinchor », de Toure Kunda. Explosif, géant, plus qu'un concert, c'est une fête. Celluloïd 33 T. Farewelle my summer, love 1984, de Michael Jackson. Un noir idole des Blancs. RCA 33 T. Abele Dance, de Manu Dibango. Après trente de bourlingue, Manu Dibango se lance dans l'électro-funk. Maxi 45 T. The Voice, de Bobby Mc Ferrin. Impressionnant, deux faces entièrement acapella, il faut les tenir. Elektra/ WEA. Différences - N° 39 - Novembre 1984 de lutte et de résistance, animé par des écrivains, des musiciens, des acteurs, tous condamnés pour délit politique dans leur propre pays. Une pièce écrite par Ayse Emel et Mahmut Baksi, qui raconte l'oppression dont est victime le peuple kurde, en lutte pour sa libération, dans un petit village de montagne. Un spectacle (3) très riche, très percutant, où danses et chants se taillent la part belle ... Newroz, c'est aussi le nouvel an kurde, le printemps, symbole de la renaissance et de la liberté, dont les fleurs sont celles de l'espoir. Opéra bouffe, avec fugues, duos, choeurs a capella, cantates, bergerettes, de Schubert, Bach et Verdi. Il y avait tout ça dans L'apologue (4) de Guénolé Azerthiope. Une succession de sketches drôlissimes autour des problèmes cruciaux de notre civilisation occidentale. Créé à la Biennale de Paris, en 1971, c'est toujours aussi frais. Un grand coup de chapeau à l'ensemble instrumental et choral du Fénomenal Bazar Illimited. A faire leurs conneries, ils auront toujours soixante-cinq ans, c'est vraiment pas banal. 0 (1) Théâtre Essaïon/Cie Sylvie Faure (2) Théâtre 3 sur 4, 122, Bld de Montparnasse. 75014. (3) Institut Kurde, 106, rue Lafayette. 75010. (4) Café de la Gare, 41, rue du Temple. 75014. raconte de succulentes histoires d'entre fromages et dessert, sur un ton classe. Il y a Giovanna la « rouge» qui chantait des chansons révolutionnaires dans les comices à Fuimiccino, la banlieue de Rome. Celle-là transmet la passion des grands révoltés. Comme Pasolini, Giovanna Marini a connu ces deux mondes et aimé le dernier, celui du peuple. Italienne, l'accent le dit assez, la cinquantaine alerte, elle livre aujourd'hui sa version de Pasolini, mort il y a neuf ans. Pour Pier Paolo, présenté à Beaubourg dans le cadre du Fertival d'automne, nous donne à découvrir un aspect méconnu du grand cinéaste italien: le paysan-poète du Frioul. «Jo i soj neri di am6ur/nè frut nè rosign6ul!dut antèir coma un fl6ur/i brami sensa sen. (Je suis noir d'amour/ni garçon ni rossignol! tout entier comme une fleuri je désire sans désir) ». Pendant plus d'une heure Giovanna Marini donne la traduction des poèmes de cette Suite Furlana (1), les chante avec sa troupe (quatre chanteurs et cinq musiciens) et raconte: Pasolini, les contestataires de la Mostra de Venise, les comices ouvriers. Poèmes d'amour, et de lutte, écrits en 1944 en dialecte du Frioul (ce que l'époque mussolinienne ne pouvait tolérer), ces textes sont beaux et forts comme la musique à la fois recherchée et ancrée dans les traditions populaires. PAOLO E GIOVANNA. Il y a la Et comme Pier Paolo. Ce n'est pas « Marini », la jeune bourgeoise qui moi qui le dit, c'est elle, Giovanna jouait de la guitare classique dans les Marini. 0 V.M. soirées de l'intelligentsia (elle traduit (1) La Meglio Cioventi - Ed. Sansoni. Suite Fur « l'intelligence ») romaine. Celle-ci vous lana (1944-49). L'Apologue, de Guénolé Azerthiope CUlTURES Quilombo - FOULE ESCLAVE, DEBOUT,DEBOUT Sort ces jours-ci un film de Carlos Diegues sur une république des esclaves, fondée au Brésil au XVIe siècle par des Noirs en fuite. Une analyse et un entretien avec l'auteur. Zézé Motta, interprète de Dandara, femme du grand roi Ganga Zumba A avec Ganga Zumba, Carlos Diegues avait déjà réalisé en 1964 un premier film sur le marronage, ce vaste mouvement de révolte et d'évasion des esclaves qui secoua le Nouveau Monde. Quilombo reprend le même thème et le situe dans l'histoire du Brésil naissant. A la fin du XVIe siècle un groupe d'esclaves se rebelle dans une sucrerie de la région de Pernambuco, à leur tête se trouve Ganga Zumba, un ancien prince africain. Une fois leur liberté conquise, ils rejoignent le quilombo (1), de Palmarès. Ganga Zumba y révèle ses qualités de chef et organise avec sa femme, la guerrière Dandara, la nation des anciens esclaves en la dotant d'une économie prospère et d'une structure étatique autonome. Le quilombo' résiste efficacement contre tous les assauts des Portugais. Mais ceux-ci parviennent à remporter une victoire décisive contre les Hollandais - ils avaient réussi à occuper une partie importante du Brésil - et 26 concentrent à nouveau leurs attaques contre le quilombo de Palmarès. Carlos Diegues s'appuie sur les rares faits historiquement vérifiables de cette extraordinaire aventure humaine pour créer une épopée à la mesure du Brésil. Il fait revivre avec un souci quasi anthropologique une société libre sur laquelle bien peu de choses authentiques ont été dites. Qui, à l'époque, se souciait d'écrire l 'histoire de cette expérience durable certes, mais finalement vaincue? Quilombo fait renaître des images enfouies dans le souvenir des études passées ou de la mémoire cinématographique. Zumba, dans Quilombo, répète le geste de ces guerriers ibères qui, refusant la conquête romaine, se jetèrent du haut d'une falaise avec femmes et enfants. Mais avant cela, les hommes libres de Palmarès avaient réalisé pendant un siècle le rêve de tous les esclaves évadés, la création d'une société libre et, souvent, égalitaire. L'expérience, si contagieuse, du quilombo de Palmarès, ne pouvait être tolérée par les Portugais. Quilombo de Carlos Diegues est l'un des grands films sur les révoltes d'esclaves aux côtés de Spartacus de Stanley Kubrick, Queimada de Gille Pontecorvo, L.a dernière cène de Tomas Guttierrez Aléa. Une relecture poétique Il y a dans Quilombo une poésie et une plastique que l'on retrouve rarement ailleurs. La relation des êtres à leur milieu de vie, la façon dont ils se déplacent et s'expriment, confèrent une grande crédibilité à cette reconstitution - par ce terme il faut plutôt entendre invention - de l'histoire du peuple brésilien. Cela est dû à l'écriture cinématographique et à la direction d'acteurs de Carlos Diegues, tout au!ant qu'aux techniques de construction des décors. La production du film a préféré utiliser « la paille et l'argile» plutôt que le polystyrène et le contre-plaqué. Le film ne souffre pas du côté carton-pâte des nombreuses reconstitutions historiques hollywoodiennes. De même le travail effectué sur la musique marque un respect profond de l'expression populaire brésilienne à savoir un fantastique croisement sonore de cultures. Cette pluralité de rythmes laisse bien sûr une part déterminante à l'héritage musical africain: chant de louange à la terre, célébration de la naissance d'un enfant à Palmarès, chant de deuil à la mémoire de« Ceux qui partent pour une nouvelle vie ». Les rituels religieux du Condom blé sont chantés en Yoruba, sa langue originelle africaine. C'est Gilberto Gil, interprète et compositeur brésilien de grande renommée qui a écrit la musique de Quilombo. Gilberto Gil a été un de ceux qui ont fait pénétrer le plus les rythmes et la langue Yoruba sur les ondes brésiliennes. Il faut également noter la qualité du thème d'ouverture et de clôture du film, une samba chantée en choeur et qui dit l'idéal utopique du Quilombo. 0 Jean-Pierre GARCIA (1) Quilombo : communauté libre Différences - N° 39 - Novembre 1984 CARLOS DIEGUES RACONTE A ceux qui lui reprochaient la nonprésence des Indiens dans l'univers du Quilombo, Carlos Diegues précise que s'ils n'apparaissent pas de façon explicite dans son film, ils sont partie intégrante de l'univers de la nation de Palmarès
« Etant également victimes de la domination européenne, des Indiens persécutés et des pauvres des vilies du littoral se sont installés au « quilombo », constituant, sous l'hégémonie noire, la première société démocratique et libertaire dont on ait entendu parler sur le continent américain. Il y ont inventé une langue, une religion et une culture nouvelles, qui étaient la synthèse de beaucoup d'autres; ils y pratiquaient des coutumes tout à fait originales, des Carlos Diégués au Festival de Cannes ~ 0": Cl ~ « Comme tout film historique, celui-ci est également un film d'anticipation. Comme tout voyage dans le passé ressemble à un voyage dans l'avenir, celui-ci est l'histoire d'un rêve, d'une fantaisie qui est devenue (et qui deviendra) réalité. Il s'agit d'une réalité dont les historiens ont gardé peu de souvenirs, car on sait que l'on n'a pas l'habitude d'écrire l'histoire de ceux qui ont échoué. Voilà pourquoi ce film est une hypothèse historique et une possibilité anthropologique. Quilombo raconte l'histoire de la première grande utopie brésilienne par l'intermédiaire de la vie de ses deux derniers chefs et principaux héros de Palmarès - Ganga Zumba, l'homme d'Etat sage, et Sumbi, le guerrier immortel ». Carlos Diegues conclut en distinguant nettement Quilombo des reconstitutions historiques et autres films à grands spectacle
~L-______________________ ~ _________ -L __________ ~-J rapports sociaux qui incluaient la propriété collective de la terre et le choix des gouvernants par le peuple ». Carlos Diegues oppose alors ce monde « libertaire» à celui fait de violence et d'oppression qui s'installait sous la domination blanche. On sait les drames contemporains hérités de cette situation. « Pendant que dans les villes du littoral sous domination coloniale on fondait le pays exploité, misérable et injuste dont nous avons hérité, sur les montagnes sauvages de l'intérieur on bâtissait une nouvelle civilisation, la première grande utopie américaine, fondée sur le rêve généreux brésilien de l'égalité ethnique, de la démocratie amicale, de la sensualité à la base de l'amour de la vie ». Cet univers quasi mythique prend vie et forme autour de deux héros légendaires
27 « La saga du « Quilombo dos Palmarès» est l'épopée brésilienne par excellence. Il s'agit d 'une épopée antigrecque et an ti-biblique, libérée de tout eurocentrisme, où la guerre et l'amour sont décrits avec humour, à l'aide du chant et de la danse, tel un opéra populaire, cultivant la sensualité et l'amour de la vie, contre la fascination perverse de la mort. C'est une épopée primitive et futuriste. Comme celui-ci est un film de cinéma, et le cinéma est une forme spécifique de connaissance qui ne reproduit pas des cultures, mais plutôt les invente, « Quilombo » est dédié à ceux qui savent que ce qui caractérise la grandeur de l'homme n'est pas la fidélité à son passé ou à ses origines, mais plutôt sa capacité de créer de nouvelles possibilités, d'inventer de nouveaux destins ». Propos recueillis par J.-P. G. CULTURES - Le mois de la photo - Suivez notre regard Quelques photographes du monde entier EUROPE Georges FÈVRE : Carole, Bertrand, Didier Lucien CLERGUE : Jeune musicien gitan DEFIVE: Tonkin, mars 1951 Poste de Thai Dao 28 Différences - N° 39 - Novembre 1984 29 Femme prolétaire, /938 Paolo GORI: L a photo appartient de plain pied à notre quotidien, elle est l'instant, le moment, le témoin. Elle est l'équilibre des gris et des noirs, elle est le sens de la lumière, eite est la sensibilité visuelle. De l'histoire de la photographie chinoise de 1920 à 1960 (1), à la fête des morts au Mexique (2), de Lucien Clergue (3) et de son approche du monde des Gitans à l'univers sans hommes de Helmut Newton (4), de la sélection brésilienne (5), qui témoigne des divers aspects de la réalité physique et sociale du pays, aux photos de Martine Barrat sur la Goutte d'Or (6) et sur les femmes de ce quatier (7), le mois de la photo se tiendra dans une cinquantaine de hauts lieux de la capitale. Il s'affirme cette année encore, de novembre à décembre, sous l'impulsion de Jean -Luc Montérosso et de son équipe, comme un grand rassemblement des monstres sacrés de la couleur et du noir et blanc et surtout comme une façon de vivre et de rêver. 0 Julien BOAZ (1) Mairie du 6', du 8 au 26 novembre (2) Musée des Enfants - Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris (3) Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris du 24 octobre au 6 janvier (4) Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris du 14 novembre au 27 janvier (5) Espace Latino-Américain, 44 rue du Roi de Sicile 75004 du 7 novembre au 8 décembre (6) Galerie du Jour, 3 rue du Jour 75001 d'u 21 novembre au 22 décem bre (7) Galerie Samia Saou ma, 2 impasse des Bourdonnais 75001 du 24 novembre au 22 décembre. IrURES ÉTATS-UNIS Léonard FREED Entrée libre dans la danse des fidèles ertaines photos ne trom- Cpent pas. Au premier coup d 'oeil, on sait qu'elles ont été conçues dans l'amour. C'est le cas de « La danse des fidè les » paru au Chêne, chronique picturale et internationale de la vie juive traditionnelle signé Léonard Freed. Né à New- York, de parents russes juifs, Freed s'est offert une belle crise d'identité productive dont il nous offre l'émouvant résultat. Congrégations passionnées d 'hommes tous barllus, tous livides, autour d'un « rebbe » livide et barbu. Patriarèhes entourés de leur descendance, superbes femmes yéménites couvertes de bijoux, l'air terriblement arabes. Jeunes juifs d'une public-school anglaise que le cricket laisse parfaitement froids, au désespoir placide de leur entraîneur « goy». Hommes épuisés d'arguties dormant sur les bancs d'une synagogue. La mèche coupée de l'enfant qui désormais peut entrer dans le monde éminemment masculin du verbe. Le verbe, spécialité juive servie à tout heure du jour. Les légendes de Freed sont à la hauteur de ses photos, pmjois '1lême ajoutent à l'émotion de "image. S'y mêlent aux témoignages précis, ses souvenirs d'enfance, ceux de sa famille naïvement portée à survivre aux pogroms de la Sainte Russie. Et pour clore cette chronique amoureuse, l'image d'un homme simple priant dans un train sous le regard de tous, mais seul conscient du regard de son Dieu. La photo la plus respectueuse du sentiment religieux qu'il ait été donné de faire à un homme athée. 0 Pauline JACOB 30 Différences - N° 39 - Novembre 1984 Jeunes juifs d'une publicschool, religieux en prière: Le monde juif de Léonard Freed 31 BRÉSIL CORPO E ALMA. La photographie brésilienne d'aujourd'hui n'est pas complètement inconnue en France. Ces derniers temps, deux expositions organisées au Centre Georges Pompidou - La Photographie Contemporaine en Amérique Latine (1982) et Brésil des Brésiliens (1983) - en ont dévoilé une bonne partie. Cependant, dans les deux cas, le témoignage des divers aspects de la réalité physique et sociale du pays a été privilégié. Insistant sur le côté documentaire, la photographie présentée, même de la plus haute qualité, n'a pas rendu compte d'un second vecteur tout aussi essentiel : celui de la photographie comme langage, créatrice de ses propres signes, faits et procédés, la photographie des artistes photographes - parmi eux, José Oiticica Filho, Alair Gomes, Lygia Pape, Vera Chaves Barcellos, Iole de Freitas, Hugo Denizart è Maria Cravo Nato, les sept qui constituent l'exposition Corpo e Alma. Le titre choisi est à la fois simple, presque innocent, et plein de connotations. Pour le Brésil des huit dernières années - qui a vu la jouissance du corps se répandre sans retenue après un long et ténébreux hiver répressif et qui a lancé toute son âme à la recherche d'une identité perturbée par tant de détournements et de souillures - il fonctionne comme une image motrice conservée dans l'inconscient collectif. Ce qui explique la pléthore de son usage répété : il y a du corps et de l'âme s'éparpillant à travers tout le Brésil actuel, dans les journaux et revues, sur les écrans et les vidéos, dans le commerce et le cadre quotidien. En le transformant en titre de cette exposition, il n'y avait donc aucune intention d'inédit ou d'originalité. Il est ici simplement comme la marque déposée d'un espace et d'un temps compartimentés
- le Brésil d'aujourd'hui. A tel
point que nous n'avons pas voulu le transposer en français. Corps et âme, bien que correspondant littéralement au portugais, ajoute à Corpo e Alma une touche, un condiment métaphysique qui ne se retrouve pas dans le contexte brésilien. C'est une subtilité, mais c'est par la subtilité que les différences acquièrent leur véritable saveur. Et notre exposition lutte pour créer des différences aux yeux de l'étranger réducteur. Elle se veut l'antidote contre le venin de l'exotisme. D Roberto PONTUAL Commissaire de l'exposition Photographie contemporaine au Brésil 7 novembre - 8 décembre Espace latino-américain 44, rue du Roi de Sicile 75004 CUlTURES LES PIEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, du 38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT : SULL Y, 85 rue de Sèvres, Paris 6" 5 % sur présentlltion de cette annonce CRÉA TlONS EXCLUSIVES GOTTEX HENRI DANIEL VILLE PLAGE COCKTAIL SOIR GOTTEX, la « Rolls » du maillot de bain. Vente en gros et renseignements au: 23. BD POISSONNI~RE • PARIS·2· • T~L. 236-52·53 ETS WEINER 149-151, Quai de la gare 75013 - PARIS ETS MOST 32 APPEL « J'ai ouvert la voie. Allez de l'avant! », ainsi Dora Tamana indiquait le chemin à suivre à toutes les femmes victimes de l'apartheid. Elle est née en 1901 d'une famille de paysans très pauvres, dans un lieu qui s'appelait « Nqamakwe », maintenant « Transkei Bantoustan ». Son enfance fut très dure. Elle et ses soeurs devaient aider leur père qui s'efforçait de nourrir sa famille en faisant pousser quelques céréales et légumes sur un petit lopin de terre. Il fallait aller chercher l'eau très loin pour arroser. Elle arrive, malgré cela, à suivre des cours dans une école de Missionnaires locale. Durant sa jeunesse, elle n'a guère de notion de ce qui se passe à l'extérieur, ni de la « politique ». En 1923, elle épouse John Tamana, qui dut la laisser seule, avec 6 enfants, pour chercher du travail au Cap. Elle lutte dur pour rester vivante et faire survivre ses enfants. Elle essaie de rejoindre son mari au Cap, mais la vie y était encore plus difficile. Deux de ses enfants meurent. Elle n'en voulut jamais à ses « frères ». Elle avait compris que le système des «Pass» et l'apartheid créaient et entretenaient la misère des hommes qui, désespérés, trouvaient une consolation dans l'alcool, et ne pouvaient s'en prendre qu'à elles, celles qu'ils aimaient. Elle avait entendu dire que, dans certains pays, les mères pouvaient laisser leurs enfants dans des crèches ou jardins d'enfants pour aller travailler. Elle avait compris que les femmes, pour détruire toute cette misère, devaient s'en prendre à l'apartheid et construire une Afrique du Sud fondée sur la « Charte de la Liberté ». Tout en souffrant, elle voulut aider ses soeurs à s'en sortir. Avec l'A.N.C., elle se mit au travail. Elle fit comprendre aux femmes qu'elles étaient les égales des hommes, et que Noirs, Métis, Indiens" étaient les égaux des Blancs. Elle organisa chez elle une crèche de vingt enfants. Le nom de Dora Tamana, femme courageuse, mère exemplaire, créatrice dans son pays de la première crèche pour les enfants noirs, a été donné à une crèche qui vient de se créer en Zambie pour les enfants des réfugiés d'Afrique du Sud. Les femmes qui s'en occupent sont de la même trempe et, Dora Tamana ayant ouvert la voie, elles vont de l'avant. Avec l'aide du gouvernement zambien, elles ont pu avoir un terrain, elles ont aménagé des locaux. Il y a, en ce moment, une quarantaine d'enfants de un mois à quatre ans. MRAP-SOLIDARITE (1) parraine cette crèche. Des tee-shirts en coton, des jeux d'éveil, sont partis. Mais il faut là, comme dans toutes les écoles, beaucoup de choses: depuis les produits anti-moustiques jusqu'aux jeux, en passant par des vêtements et des produits d'hygiène, et de l'argent pour des produits que l'on peut trouver sur place. Jacqueline GRUNFELD (1) MRAP-SOLIDARITE, dont l'action est complémentaire de celle du MRAP, apporte un soutien moral et matériel aux victimes du racisme, en France et dans le monde. Adhésion: 150 F. Membre donateur: 200 F. Membre bienfaiteur : 500 F et plus. 89, rue Oberkampf, 75011 PARIS. Tél. (1) 806.88.00 Lectures QUÊTE DU GRAAL. « Eclosion répétée », l'écriture de Marguerite Duras nous transporte une fois encore sur les rives de Mékong. Vers le Soleil Levant, à la rencontre de son premier amour, un Chinois. « Il sent bon la cigarette anglaise, le parfum cher, il sent le miel, à force sa peau a pris l'odeur de la soie,... il est désirable ». Mais nous 0: sommes en plein~ période coloniale et les ~ interdits pèsent lourds. «Dès les pre- ~ miers jours, nous savons qu'un amour ;;; commun n'est pas envisageable, alors ~ nous ne parlerons jamais de l'avenir ». .~ Violence de la mémoire, le style Duras ~ ...... ~-- ne nous cache rien de ce que fût sa dou- Marguerite Duras leur : « Ma mère se jette sur moi, elle m'enferme dans la chambre, elle me bat à coups de poing, elle sent mon corps, mon linge, elle dit qu'elle trouve le parfum de l'homme chinois ... que sa fille est une prostituée, qu'elle va la jeter dehors, qu'elle désire la voir crever et que personne ne voudra plus d'elle, qu'elle est déshonorée, une chienne vaut davantage ». dos de la plume. Beaucoup de scènes dialoguées, drôles et vivaces, sur les péripéties du rafiot; sa cargaison humaine allègrement « croquée ». A la balance d'un humour oscillant, gentil/acerbe (la gravité perce audessous) qui vous retourne comme un gant les lieux-communs sur et autour de l'immigration. Peut-être le premier roman à faire naviguer la question loin des sirènes militantes. Des mouettes d'Alger à la Garenne-Colombes d'Omar: l'ironique sillage d'un récit mené à toute vapeur. 0 Jean-Jacques PIKON Amour d'un petit frère, quête du père, les mots se déroulent les uns dans les autres. « Tout allait à son désir et lefaisait me prendre. J'étais devenue son enfant. C'était avec son enfant qu'il faisait l'amour chaque soir ». Son roman est surtout celui de la passion, mais il est aussi celui de la séparation: « La sépa- Les A.N.I. du Tassili. Ed. Seuil ration d'avec la terre s'était toujours faite dans la douleur et le même désespoir, mais ça n'avait jamais empêché les hommes de partir, les juifs, les hommes de la pensée et les purs voyageurs du seul voyage sur la mer ». Une écriture qui palpite de fièvre, dans les plis de son sang, et qui cherche l'amour, incomparable métissage, comme on quête le Graal aux lèvres des fontaines. 0 D.C. L'amant, de Marguerite Duras, éd. de Minuit TRAVERSÉE. Du port d'Alger le car-ferry Tassili appareille à destination de Marseille. Rêvant encore à l'hôtesse rousse du complexe touristique « Les Sables d'Or de Zéralda », Omar, un jeune A.N.1. (traduisez Arabe non identifié) est à bord. Il y rencontrera Chérif, Féfer, Abou .. . Batomic et les autres, un couple de « Black-panards» (traduisez « pieds-noirs »), un belge new-wave fatigué et des jeunes filles tiersmondistes. Temps d'une traversée que ce premier roman où l'auteur - trente ans, photographe de presse et. .. A.N.1. de la deuxième génération - n'y va pas du Différences - N° 39 - Novembre 1984 LE TEMPS RAYÉ. «Les sanspatrie ont toujours tort, puisqu'ils transportent du bois mort ». Hommage à Henri Thomas, à Jules Supervielle, à Jean Paulhan. Métamorphose permanente, l'écriture de Armen Lubin, de son vrai nom Chahan Chahnour Kerestedjian, est à la fois une prose et une poésie aux senteurs de l'exil. Exil de son Arménie natale d'abord, de sa terre-mère. Exil intérieur aussi, rongé par la souffrance. « Il n 'y a pas de maladie, mais des ruptures» écrira-t-il, lui, l'allongé sur les lits d'hôpitaux, comme le furent Verlaine et Joe Bousquet. Réfugié en France depuis 1923, le poète ne connaîtra que « logis provisoires» sur les hauteurs de Montmartre ou celles de Belleville. Paris, ce sera le Parnasse, les hôtels, les fêtards noctambules, les prostituées, les peintres et les écrivains. Poésie du mystère dont il trouve l'essence « dans la résine qui a coulé ». Poésie blessée « comme le loup solitaire qui se tait pour mourir », où le temps, l'espace et la mort sont inséparables. « Pas de ligne d'horizon, mais un filet de sang ». Pour Arthur Adamov, Armen Lubin, «c'est la conscience du prisonnier, 33 enfermé, limité, borné: et pour qui le temps et l'espace ne sont plus des concepts, mais des choses à réinventer ». «D'un oeil parcourant sans ciller l'espace soumis, le temps rayé, les mêmes mots, toujours que l'océan roule, l'écume y vole à la crète des dunes ». Une poésie pour finir, qui telle une musique d'espoir « où les lampions marchent devant », sent bon l'aubergine et le piment farci. D Daniel CHAPUT Les logis provisoires, de Armen Lubin, préface de Daniel Leuwers, éd. Rougerie - Mortemart - Mézières-sur-Issoire 87330 KIOSQUE Sélection/Livres Les rendez-vous de Kronstadt, de Edgar Reichmann. Les problèmes de l'exil à travers la vie d'un juif roumain. Ed. Pierre Belfond. Les barricades solitaires, de Carlos Semprun Maura. Un vieil homme évoque ses souvenirs, à travers la guerre d'Espagne, la résistance, les mouvements de libération en Amérique du Sud. Les phalènes, de Tchicaya U'Tamsi. La vie à Brazzaville dans les années cinquante. Ed. Albin Michel. Le pénitent, de Isaac Bashevis Singer. Revenu à la stricte observance de la loi juive, un homme devant le Mur des lamentations raconte l'histoire de sa vie. Ed. Stock. Le mur de la peste, de André Brink. Les intellectuels devant les problèmes que pose la situation politique en Afrique du Sud. Ed. Stock. L'été 36, de Bertrand Poirot Delpech. La défense du territoire contre l'envahisseur, le congé-payé, en passe de devenir une véritable croisade pour la sauvegarde de l'Occident chrétien. Ed. Gallimard. . Tombeza, de Rachid Mimouni. Une histoire de l'Algérie, des années trente à nos jours, vécue par un personnage monstrueux et attachant. Ed. Robert Laffont. Libération de Paris, de Francis Crémieux. Des histqriens d'occasion ont présenté la libération de Paris comme une victoire des «gaullistes », l'auteur à grand renfort de témoignages s'efforce de réta,blir la vérité. Ed. Messidor. REllENIDIl - Chalet suisse HUIS-CLOS SOUS LA NEIGE e ne suis pas un spécialiste du J racisme, toutes mes recherches portent sur les phénomènes de groupe. Et comme pour faire des expériences il faut des moyens, je réalise depuis des années des émissions de radio et de télévision à partir d'expériences d'isolement de groupes. Le problème du racisme ne m'intéresse pas plus que tout un chacun. Mais j'ai eu l'intuition d'un rapport entre la mentalité de groupe et ce phénomène, et du coup le désir d'organiser une expérience sur ce sujet. J'ai donc réuni, dans un lieu farouchement isolé, quatte Européens, dont un juif et un Algérien, un Marocain, un Congolais et un Zaïrois. Farouchement est un euphémisme, puisqu'il s'agissait d'un chalet situé à mille trois cents mètres d'altitude, en plein hiver, auquel on n'accédait qu'à skis ou en raquettes. « V OUS êtes colonialiste. Nous ne mangeons pas de porc, et il n 'y a que des saucisses ! » Le recrutement s'est fait par petites annonces. Dans la presse quotidienne suisse, j'ai inséré ce message: «Etesvous raciste? A vez-vous le courage de vos opinions? Ecrivez-moi .. . »Puis une autre série d'annonces: « Avez-vous été victime du racisme ? A vez-vous envie d'en parler? Ecrivez-moi ... ». Le résultat de ces annonces fournit un enseignement en soi: des racistes déclarés, il y en a eu une cinquantaine. En revanche, des gens qui se disaient victimes du racisme, il n 'yen a eu que trois , et très apeurés. Ils acceptaient de parler de leur expérience en privé, mais restaient très inquiets à l'idée d'étaler ça sur la place publique. Deux d'entre eux ont voulu participer à l'expérience, (je ne force jamais personne, dans la mesure où je sais les graves conséquences que peuvent avoir de telles situations). Les autres se sont recrutés de bouche à oreille. Nous avons trouvé un refuge sans électricité dans le Jura vaudois. Nous avons équipé l'endroit pour permettre le tournage, et apporté sacs de couchage et nourriture à préparer: il était important que les gens aient à coopérer pour survivre, à se débrouiller entre eux. Au jour ..Jean-Pierre Friedman, psychologue, a des idées bizarres. Pour les besoins d'une émission de la télé suisse, il a enfermé, pendant huit jours, dans un chalet isolé, quatre racistes et quatre victimes du racisme. dit, tout le monde est descendu du train. Nous les avons tous, skieurs ou pas, équipés de skis de fond, et en route. Vous savez sans doute qu'en skis de fond, si la montée est pénible, la descente est périlleuse pour les débutants. Les gens étaient bel et bien coincés làhaut. Dans le chalet, il y a eu deux sortes de phénomènes : ceux que je provoquais : rencontres, discussions ... et ceux de la vie commune. Il leur a fallu prendre possession d'un unique dortoir, disposer Jean-Pierre Friedman leurs sacs de couchage. Certains avaient dit qu'ils ne pouvaient supporter la présence d'un Noir, l'un d'entre eux était terrorisé par les Blancs. Il fallait coopérer, décider de ce que l'on allait manger, le préparer, servir à table, faire la vaisselle, se laver à un seul point d'eau ... En arrivant, tous voulaient certainement démontrer quelque chose. Mon problème d'animateur était d'aller au-delà des discours tout faits qu'ils ressassaient depuis longtemps. Au début, on philosophait, on cabotinait devant les caméras . J'ai d 'abord laissé faire, puis je suis intervenu pour qu'on quitte tout discours général pour ne s'occuper exclusivement que de ce qui se passait dans le chalet. 34 On aurait pu s'attendre à ce que ce soit la communauté de vie, les tâches quotidiennes qui engendrent le plus de conflits. Paradoxalement, dans la vie quotidienne, les gens ont fait preuve d'une courtoisie exceptionnelle, qui contrastait avec l'extrême violence des discussions. Courtoisie qui n'excluait pas les problèmes. J'ai appris plus tard qu'en fait tous vivaient dans la peur. Un des Noirs ne pouvait dormir qu'avec un couteau à la main. Mais jamais pendant le séjour cette peur n'a été énoncée, jamais les uns et les autres n'ont avoué les nuits blanches qu'ils passaient à s'épier mutuellement. Exemple de frictlOn : au bout de deux jours, l'un des racistes blancs - je dis « raciste» sans jugement, c'est eux qui se présentaient ainsi - déclare: « Finalement, on est en train ici de démontrer la suprématie des Blancs sur les autres, puisque depuis deux jours, c'est nous qui faisons la cuisine. Vous, les Noirs, vous n'êtes bons qu'aux tâches subalternes, à servir et faire la vaisselle ». Les Noirs et les Arabes, fous de rage, ont répondu en substance: « Ce n'est pas la suprématie des Blancs que vous démontrez, mais votre colonialisme : vous n'avez apporté ici que de la nourriture européenne, nous ne mangeons pas de porc et il y a beaucoup de saucisses. On peut vous faire un poulet à la mangue, mais pas une potée aux choux ». Au passage, c'était une pierre dans mon jardin, puisque c'est moi qui avait prévu la nourriture. Quant au groupe lui-même, il a suivi une trajectoire très nette: le premier jour, ils sont tous arrivés avec leur clichés. Tout le monde était contre tout le monde. Plus exactement, les Blancs maintenaient une sorte de solidarité, les Noirs aussi. Un des Noirs a commencé par attaquer violemment l'Algérien, en disant qu'il avait plus souffert du racisme pendant ses études en Algérie qu'en Suisse. Il y a eu aussi un conflit très dur entre l'Algérien et le Marocain, à propos d 'un rien. Au bout de deux ou trois jours, les rapports avaient atteint un état de tension extrême, et j'ai l'impression que les gens ont pris peur, et brusquement et sans doute inconsciemment, ils ont décidé de se constituer en groupe. Il fallait en finir, s'entretuer ou chercher la paix. Ils ont choisi la paix, le consensus sur ce mode : ici, on est tous des gens bien, des gens courageux qui disent ce qu'ils pensent, et finalement racistes ou antiracistes, nous sommes contre les injustices. blancs m'a dit au retour dans la vallée : «Deux jours de plus, et je tuais quelqu'un ». Ce quelqu'un, ce n'était pas un Noir ou un Arabe, c'était Daniel. Ces gens ont-ils changé après cette expérience ? Non. Nous avons tous déjeuné ensemble au retour dans la vallée. Un observateur moralisateur et superficiel aurait pu croire, autour de ce repas de fête, que tous étaient désormais frères . En fait, je suis retourné deux mois plus tard revoir les uns et les autres. Ils sont pires qu'avant, parce qu'ils n'ont plus « L'ennemi devient celui qui refuse le consensus. A la fin, un nouveau racisme s'était créé : le racisme an ti-Daniel » Un seul, un Blanc, a refusé le consensus, prétendant qu' il n 'était pas dupe, et que tout le monde, dans le chalet, en fait se détestait. Les autres ont tenté de le convaincre, puis finalement l'ont exclu. Le besoin de sécurité des individus passait par la constitution d'un groupe homogène au-delà des divergences, acceptables dans la société globale, mais intolérables « là-haut ». L'ennemi est devenu celui qui refusait ce consensus. A la fin, s'était créé un nouveau racisme, le « racisme anti-Daniel ». Un des racistes Différences - N° 39 - Novembre 1984 aucune raison valable de modifier leur attitude. Je ne crois pas à la perversité des gens. Je crois que leurs attitudes leur sont dictées par des phénomènes, souvent sociaux, qui leur échappent, à savoir le besoin de protéger l'intégrité d'un groupe perçue comme étant en danger. Pour ce faire, il faut exclure les déviants, les Arabes, les infirmes, les homosexuels qui sont saisis co mm me pouvant mettre en danger l'intégrité du groupe. 35 Un groupe existe à partir du moment où l'idéologie qui le structure n'est pas contestée. D'une façon plus générale, on ne voit apparaître de « bouc émissaire» que dans les sociétés malades. Dans les sociétés où ne se posent pas de problèmes de survie, ou bien dans lesquelles on n'est pas tombé dans la décadence de la trop grande facilité, ces problèmes de bouc émissaire n'existent pas. Dans la société américaine des années 60, on crève de bien-être et d'ennui, et on va lyncher quelques Nègres le samedi, histoire de se ranimer. Dans les sociétés malades de problèmes économiques, comme la société française actuelle, plutôt que d'admettre qu'on souffre de ses propres tares et faiblesses, on trouve plus commode de désigner des boucs émissaires. Le racisme est contenu en germe dans toute société, qui est un besoin d'homogénéité. Dans une société saine, il reste latent, furtif, feutré. Dans une société malade, il prend des formes répréhensibles, qui vont de la violence verbale à l'indifférence manifeste et même à la violence physique. C'est là-dessus que vient se greffer la dimension perverse individuelle, c'est là qu'on voit des gens balancer des Arabes par la fenêtre du train. 0 Jean-Pierre FRIEDMAN (Propos recueillis) Editions Pierre-Marcel Favre /81818IRf' (..')'Y~ï.~/~·/ -"7/ L7.4'; ~ 'Y'~'7 t~ ~ /~· .13" u../",u,.,;..!IL' . tf)Lalo.:;ue Ertlre-A el B,
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- « Ne vois-tu pas, dit Orou, qu'on a confondu dans
ton pays la chose qui n'a ni sensibilité, ni pensée, ni désir, ni volonté, qu'on quitte, qu'on prend, qu'on échange, sans qu'elle souffre et sans qu'elle se plaigne, avec la chose qui ne s'échange point, qui peut se donner ou se refuser pour toujours, qui se plaint et souffre, et qui ne saurait devenir un effet de commerce, sans qu'on n'oublie son caractère ou qu'on ne fasse violence à la nature? ». Diderot ne conclut pas à la supériorité de l'homme sauvage, et ne l'offre pas comme modèle à ses contemporains, malgré la justesse des remarques qu'il lui attribue. Mais il répand, par son intermédiaire, une suspicion générale sur les moeurs et toutes les idées de son époque : rien ne doit échapper à l'examen critique, tout doit passer au crible de la raison et du bon sens. Différences· N° 39 • Novembre 1984 37 La démarche n'est sans doute pas nouvelle. La littérature a déjà souvent utilisé le sauvage comme un révélateur qui par ses interrogations forcément naïves met en question la société à laquelle il est confronté. Tahiti, c'est l'anti-Europe. L'île intéresse Diderot essentiellement à ce titre, il ne s'en cache d'ailleurs pas, comme en témoigne ce dialogue: B: « (J'estime) beaucoup davantage les moeurs des Tahitiens et le discours d'Orou. A : Quoiqu'un peu modelé à l'européenne. B : Je n'en doute pas ». Mais ici, le sauvage n'est pas, comme souvent dans la littérature « débarqué» en France. Il parle de chez lui, Diderot ne borne pas son rôle au questionnement, il lui attribue un discours revendicatif, voire péremptoire. Orou ne · questionne pas comme tous les « sauvages » du genre, il donne des solutions. Et dans le dialogue avec l'aumônier, ce sont les questions de ce dernier qui apparaissent comme la mise en valeur du discours d'Orou. La pratique littéraire est dès lors inversée. cc: Un jour vous servirez sous ces hommes ambitieux n C'est de cette façon que Diderot échappe à cette condescendance qui traverse la majeure partie du discours anthropologique du XVIIIe siècle et au-delà, et affirme, même quand elle vante les charmes de l'état de nature, la supériorité de l'homme civilisé sur l'homme sauvage (1). Les plus progressistes des philosophes s'accordent tout au plus sur la nécessité de substituer à l'esprit de violence et de conquête le noble dessein de « civiliser ». On voit comment ils ont pu contribuer à faire le lit de l'idéologie colonialiste. Au contraire, au terme du Supplément, la distance qui sépare sauvage et civilisé s'est fortement réduite: l'homme sauvage devra certes se séparer de son « trop de rusticité », mais l'homme civilisé subira toujours « un retour secret vers la forêt, et un appel à la liberté première de son ancienne demeure» Quant à la leçon pratique à tirer de la confrontation
B : « Imitons le bon aum6nier, moine en France et sauvage à Tahiti. A • Prendre le froc du pays où l'on va et garder celui du pays où l'on est ». Bien peu sauront retenir cette leçon, et Diderot le sait bien, qui imagine dans le Supplément les adieux d'un vieillard tahitien au corps expéditionnaire de Bougainville : « Pleurez, malheureux Tahitiens, mais que ce soit de l'arrivée et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants: un jour, vous les connaÎtrez mieux. Un jour ils reviendront, le morceau de bois que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci (2) dans une main, et le fer qui pend au c6té de celuilà ,dans l'autre, vous enchaÎner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices; un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vi/s, aussi malheureux qu'eux ». Si Diderot abandonne déjà dans le Supplément tout espoir d'humaniser les maîtres, c'est dans les pages qu'il écrit dans l'Histoire du Commerce des deux Indes, sous la signature de l'abbé Raynal, que, poussant le constat à son terme, il prêchera la révolte des esclaves noirs contre le sabre et le goupillon. 0 Catherine HELBERT (1) Du Club Méditerranée à la Nouvelle Droite, la pratique n'a d'ailleurs pas cessé. (2) La croix que l'aumônier porte à la ceinture. lA PARDlE A Moussa Lebkiri « Les comédiens sont les seuls fous qu'on accepte vraiment » Nomade, saltimbanque, natif de la Petite Kabylie. Passionné de théâtre depuis toujours, c'est dans la rue qu'il s'est éveillé à la vie. est toujours un peu dur de parler de soi. Je suis un optimiste, j'ai C 'navigué de métier en métier, j'ai même été photographe. A chaque fois que je monte sur des planches, cela tient du miracle. Tant que je ferai du théâtre, ce sera bon. Après, on verra bien. Ce que j'ai à dire, je le fais passer par le théâtre, par la voix et le corps. Je suis plus dans les étoiles que sur la terre. A Alès, une femme du Maghreb, était morte de rire à Je me suis retrouvé comme une chaise, spectacle qu'on a joué en A vignon cet été, et monté à partir de propos recueillis oralement, comme Les contes des Mille et une nuits, de la bouche même d'Ahmed, un ouvrier algérien. Véritable poète, car c'est un poète qui s'ignore. Ce texte colle bien à ma peau, je suis un grand timide, ce que je fais sur scène, je ne le fais pas dans la vie. C'est un dédoublement de la personnalité. Les comédiens sont les seuls fous qu'on accepte vraiment dans notre société. Notre groupe Ned'Jma, existe depuis bientôt neuf ans. Nous avons commencé sur les parvis de l 'Hôtel de Ville, avec un public très populaire. Ned'Jma est une petite famille. On écrit les textes, on fabrique les décors, bref, on fait tout avec les moyens du bord. On a pas mal tourné dans les foyers, les maisons de jeunes, les maisons de la culture. On a donné Barka, ou la vie parisienne, en pleine grève dans les foyers SONA COTRA. On y a retrouvé la rue, l'improvisation s'élaborait progressivement, y compris, et surtout, dans la salle. Un bon boulot. J'aime tes mots sauvages, les mots barbares. J'ai quelques projets. J'écris en ce moment même une suite d'anecdotes sur mon enfance en Kabylie. En fait, on pense remonter Les immigrés de Mrozek. Je ne connais rien de mieux, de plus fort. 0 Propos recueillis par Julien BOAZ NED'JMA. Théâtre de chez nous. 3, rue de Stalingrad, Le Pré-Saint-Gervais 93310 - Tél. 845.86.69 - 700.80.00 38 CDURRIE Lupin Tout d'abord, laissez-moi vous féliciter pour votre magazine, auquel ma mère est abonnée et que je lis volontiers. Je viens récemment de lire "L'éclat d'obus" de Maurice Leblanc, dans le Livre de Poche. J'ai été profondément choquée du racisme violent et très primaire, très ouvert contre les Allemands présentés comme une race inférieure, cruelle, bestiale, sournoise qu'il faut haïr et écraser. En face, un chauvinisme (français) exacerbé profondément ridicule, mais que les enfants prennent pour argent comptant; j'avais déjà lu ce livre, étant beaucoup plus jeune et sans sens critique, et n'avais pas réagi. Ce livre baptisé "Lupin" sur la couverture (Lupin n'intervient que sur une demi-page où il y est fait allusion) est évidemment lu par des enfants ou des adolescents. Et pas une ligne de mise en garde aux parents. Comment s'étonner alors de la persistance du racisme anti-allemand qui subsiste parmi une bonne partie de la population française et qui est suffisamment entretenue par les films de guerre? Peut-être pourrez-vous tirer un article de ce livre, dont je vous recommande très vivement la lecture
- d'ailleurs vous serez édifié
dès les premières pages. C'est vraiment horrible; le ridicule doit apparaître de suite aux adultes tellement c'est outré et manichéen, mais j'ai peur de ce que trop d'enfants gobent de telles inepties. Catherine LA YBROS Rueil-Malmaison Statues Lors d'un séjour à Lourdes (Hautes-Pyrénées) haut lieu comme vous ne l'ignorez pas du catholiscisme, j'ai eu la curiosité de visiter le Chemin de Croix de cette ville, situé sur une colline près de la Basilique. Quel n'a pas été tout d'abord mon étonnement, puis ma stupeur et enfin mon indignation à la vision de certaines statues figurant dans les groupes représentant la passion de Jésus-Christ. Dans certaines d'entre elles, le sculpteur, dans un esprit très caractéristique de la pensée française du début du siècle, a mis sur le visage et dans les attitudes des israélites représentés la haine et l'invective. Qu'en 1984, après ce que l'on a appris sur l'histoire de l'époque des faits représentés, après les souffrances endurées par le peuple juif dans les années noires 1933-1945, on laisse encore à la vision du public une telle représentation des juifs est ignominieux et dépasse l'entendement et la bienséance. G.CAZALOT Tarbes Un jeune homme insignifiant La radio, la télé l'ont dit, et les journaux l'ont répété: "C'était un jeune homme insignifiant". D'ailleurs sa famille vous le confirmera, et aussi ses anciens profs. Oui. Devant un micro matinal j'ai entendu un professeur oser dire de l'un de ses élèves devenu assassin: "C'était un jeune hO'l1me insignifiant" D'insignifiance en insignifiance et de "peut mieux faire" en "ne travaille pas assez", le "petit Chose de Lille" se sentait devenir transparent. Certains, lorsque l'existence les oublie, quand les autres leur mangent la vie sur la tête, deviennent poètes, ou bien champions cyclistes, ou bien pères de famille, bricoleurs du dimanche, pêcheur à la ligne... Lui, "le jeune homme insignifiant", devint jardinier à Cannes. Beau métier, qui fait rêver les philosophes et se pâmer les écolos... J'imagine assez ce qu'il avait à faire, le garçon transparent du jardin des festivals ... le repiquage des hortensias dans des squares poussiéreux. Le remuage de la merde aux pieds des palmiers nains ... bref un travail très beau, très enrichissant... quand on s'appelle Tolstoï! Mais, le "jeune homme insignifiant", lui, il se sentait de plus en plus insignifiant, de plus en plus transparent. De plus en plus inutile. A-t-il jamais rencontré une fille? A-t-il jamais rencontré un copain? A-t-il jamais rencontré un chien? A-t-il jamais rencontré une pierre, qui lui dise: « Tu sers à quelque chose, tu existes pour quelque chose. Tu portes en toi une parcelle inviolable du feu qui fait de toi un homme uniQue et irremplaçable» ? ...• Il avait commencé dans son collège, en barbouillant les murs de slogans nazis: les murs des chiottes, et ça n'est peut-être pas aussi gratuit qu'il paraît: un jeune homme insignifiant dans un lieu trivial (et scatologique) barbouille les murs, sans doute sales, de phrases ineptes et anachroniques. Différences - N° 39 - Novembre 1984 Toute cette médiocrité pourquoi? Pour prouver à lui-même et aux autres qu'il existe, qu'il est digne d'intérêt et "capable de" .. (c'est-à-dire doué d'une certaine puissance). Plus tard, toujours aussi insignifiant, et sans doute toujours aussi seul, le petit jeune homme assassinera le seul être avec lequel semble-t-il il avait créé des liens affectifs. Comme si c'était le prix à payer pour atteindre au statut "d'homme supérieur", dans une communauté de rêve où de beaux anges chevaliers, aryens et blonds, l'accueilleraient comme un frère. Crime raciste? Sans· aucun doute. Crime odieux. Crime gratuit, dont nous nous sentons tous tellement étrangers. Et dont nous sommes pourtant tous capables ! Pour une bonne ou une mauvaise cause. Ou sans cause du tout. Ce crime, d'un "jeune homme insignifiant" est pourtant bien "signifiant", (porteur de signes) pour une société qui se satisfait trop facilement des 10 070 du Front National. Mais c'est aussi un signal d'alarme pour chacun d'entre-nous, pour le "petit jeune homme insignifiant" qu'il y a en chacun de nous, et qui parfois, nous réveille la nuit en criant: « J'existe! ». Yves LORIETTE Vitry Un autre Club J'ai le plaisir de vous envoyer, par ce pli, un bilan non exhaustif des activités du "Club Différences" du collège Edgar Quinet de Saintes, qui existe depuis 1980. Nous avons rencontré des personnes d'origines différentes venues au Club nous parler de leur pays, de leur religion, de leur langue, de leurs coutumes: musulman marocain, Indien hindou, français israëlite, français antillais, etc... Chaque causerie aboutissait à un dialogue avec les élèves. Souvent on y ajoutait des projections de films ou diapositives. Nous sommes allés aussi rendre visite à une famille de Tsiganes vanniers et éleveurs de chevaux. Un chanteur chilien est venu au collège et les enfants ont appris des chansons. Un danseur bolivien est venu apprendre des danses ainsi qu'un danseur du Bénin. Puis nous avons discuté autour du thème des immigrés. L'an dernier, pour ouvrir un débat sur "la différence" nous avons loué un magnétoscope et projeté "Elephant Man ", puis organisé des débats (gros succès). Nous avons profité du jumelage officiel de la ville de Saintes avec Tombouctou (Mali) pour correspondre avec le collège Al Iman Essayouti de cette ville - lettres, échanges d'informations, etc ... - organiser une exposition et fait venir un groupe de musiciens maliens, ceci nous permettant de mettre tout le collège "à l'heure africaine", y compris la cantine. Cette année, nous prévoyons d'offrir aux enfants du collège de Tombouctou une bibliothèque (livres offerts par les enfants ou achetés grâce à une tombola). Nous allons également monter un spectacle de danses et musiques africaines que nous présenterons à la fin de l'année. Nous faisons également des expositions lors de la journée du Tiers-Monde du 21 mars, journée contre le racisme, etc ... A.M. FOURNIER Saintes Les petites annonces de DIFFÉRENCES Jeune homme, Tunisien, 24 ans, DESS psychologie clinique, cherche travail région parisienne. 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(1) 297.53.47. 0 20 Jusqu'au 25, Racisme et Résistance: aujourd'hui -les leçons de l'Histoire, un séminaire franco-allemand à l'initiative de la Cimade et d'Aktion Sühnezeichen, au Foyer d'Amitié Internationale de Rothau (Bas-Rhin), autour des thèmes : Le racisme au quotidien aujourd'hui en France et en RFA : les situations politiques et juridiques, la sensibilisation de l'opinion publique, la montée de l'extrême-droite; l'histoire du fascisme: oubli, falsification et banalisation de cette histoire; table-ronde: les leçons de l'histoire. Discussion entre combattants anti-fascistes français et allemands. Les formes et les possibilités actuelles de la lutte contre le racisme et pour la paix, avec Madeleine Barot, première, secrétaire générale de la Cimade, Pasteur Aimé Bonifas, Marie-José Chombart de Lauwe et Jacques Grynberg de la FNRDIP, Werner Güngerich d' Aktion Sühne- Philippe, 46 cours de la République à Villeurbanne (Rhône), jusqu'au 1er décembre . Ce spectacle sera également présenté à Marseille, Paris, Saint-Etienne, Rennes, Colmar et Montpellier. Rens. ARC, tél. (7) 894.26.44. 0 DECEMBRE 3 Le comité du MRAP des Mureaux, en association avec la Maison des jeunes, organisent jusqu'au 9 décembre, deux expositions Peuples d'ici et d'ailleurs et Quinze artistes peintres contre l'Apartheid, à la Maison des jeunes, rue Aristide-Briand, ainsi qu'un concours de dessins pour les classes de CM 1 et 2 sur le thème Dessine les gens de ton pays ou du pays de tes camarades, dans le cadre de la journée Tiers-Monde. 0 4 A 20 h 30, Ondeko-za et ses tambours géants Ondaïko, à la Maison de la culture de Bourges, Place André-Malraux. Ondeko-za est un groupe de femmes et d'hommes qui jouent une musique primitive et contemporaine à l'aide d'instruments japonais: shakuhachi (flûte en bambou), shamisen (instrument à trois cordes) au programme égaIement des danses de Buraki et Kabuki, scènes tribales avec tambours, danse du démon avec sabre et masques grinçants. Rens. (48) 20.13.84 0 zeich~n /Fre.idensdiens~e, . Ma~cel A 20 h 30, Touré Kounda en Hennet.' directeur d ~mma"lOn 8 concert au Théâtre Paulde la CImade et des a.ntl-fasclstes Bluard, avenue de Villeneuve-Stallemands. Rens. CImad~, 1?6 . Qeorges, à Choisy-le-Roi, dans le rue de Grenelle, 75007 Pans, tel. . c~dre d'une Semaine de solidarité 550.34.43. 0 avec les pays d'Amérique latine 20 Jusqu'au 23 décembre, à 20 h 30, (le dimanche à 16 h). Dialogues d'exilés de Bertoit Brecht, dans une mise en scène de Bernard Djaoui, au Théâtre 18, 16 rue Georgette Agutte, 75018 Paris. Rens . (1) 226.47.47. 0 22 Le Centre Culturel Mathis, 15 rue Mathis, 75019 Paris, organise une conférence sur l'Autriche avec projection d'un film sur ce pays. Rens. (1) 241.50.80. 0 2 7 Sixième Festival des trois continents de Nantes, jusqu'au 4 décembre. Au programme: les cinématographies d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. Rens. Nantes (40) 89.74.17. 0 28 Les Bonnes de Jean Genet, par le Groupe O'Valete de Salvador de Bahia (Brésil) en français, dans une mise en scène d'Eric Podor, à la Salle Gérard (1 er au 8 décembre). Rens. (1) 890.98.70. 0 ET ENCORE SUL AMERICA. La Bi blio th èq ue-d i s co thèq ue Valeyre organise, en novembre et décembre 1984, des expositions, débats, concerts et théâtre d'Amérique Latine. • Le 9 novembre, à 20 h 30, la poésie chilienne, ces dix dernières années. Lecture de poèmes (avec traduction) par leurs auteurs: Luis Mizon, Waldo Rojas et Gustavo Mulica. • Le 16, à 20 h 30, spectacle Tango, textes en français par Eve Griliquez, chants en espagnol et piano par Oscar Sisto, chanteur argentin. ·Le 24, à 17h, Chants uruguayens, par Daniel Viglietti. • Le 30, à 20 h 30, Luis Bocaz, professeur à la Sorbonne, présente un aspect de la littérature, la nouvelle, genre littéraire de beaucoup de grands auteurs latino-américains. 40 CONVERGENCE 84 POUR L'ÉGALITÉ our le premier anniversaire de la Marche pour l'égalité, P Convergence 84 veut « montrer qu'on peut vivre et lutter ensemble si on ne fait pas de la différence une barrière incontournable ». Le samedi 3 novembre, cinq groupes partiront de cinq grandes villes: Dunkerque, Strasbourg, Marseille, Toulouse, Brest pour arriver à Paris le 1er décembre. Le trajet se fera en mobylette (1) car « la France est comme une mobylette, pour avancer, il lui faut du mélange ». Chaque groupe comprendra un noyau de personnes d'origines voisines. 11 y aura un noyau de Maghrébins, un d'Africains et d'Antillais, un de Portugais, un d'Asiatiques et un de Français. Parmi les membres de ces noyaux, certains seront associés à un ami, un collègue de travail, un conjoint ou un voisin d'une origine différente: chacun roulant dans son groupe, ils se retrouveront à l'arrivée. Leur présence montrera la profondeur du mélange en France. Leurs retrouvailles démontreront la ressemblance de tous. Autour des noyaux, des personnes de toutes origines, individus volontaires, feront également tout le trajet. Cela permettra une présence de toutes les origines: Espagnols, Polonais, Bretons, Juifs, Italiens, Occitans, Pakistanais, Corses, Turcs, Gitans, etc. Cela permettra aussi de visualiser la diversité sur les cinq parcours. La convergence de ces groupes se fera à Paris et sera suivie d'un grand carnaval, les enfants y tiendront une large place, ainsi que de la reconstitution d'unejresque de 5 m sur 5, sorte de puzzle géant représentant la France de toutes les couleurs. Pour tous renseignements: Coordination Nationale Convergence 84, 85 bis rue Ménilmontant, 75020 Paris, tél. (1) 366.34.64. c.c.P. 1021.50.N. Paris. 0 (1) Cf. Différences nO 38, octobre 1984, p. 10. • Le Jer décembre, à 15 h, démonstrations et fabrications de livres-objets, de cerf-volants et de flûtes, par Mario Murua, Francisco Carro et Felipe Ramirez. • Le 7, à 20 h 30, théâtre argentin avec Images de Mussolini en hiver d'Armando LIamas, mise en voix par le Théâtre Ouvert. • Le 15, à partir de 18 h, grande fête sud-américaine à l'UCJG, 14, rue de Trévise, Paris ge. Rens. Bibliothèque-discothèque Valeyre, 24 rue Rochechouart, 75009 Paris, tél. (1) 285.27.56. 0 CINEMA A AMIENS. Du 16 au 24 novembre, les quatrièmes journées cinématographiques d'Amiens contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples. Au programme : • Douze films inédits en compétition (qui donnent à voir les situations de discriminations ou d'exils, les rejets fondés sur la différence ethnique, culturelle ... ), • Une sélection inédite en France de courts métrages documentaires indiens (Mani Kaul, Ritwik Ghatak, etc.), de 1949 à nos jours, • Une section information faisant le point sur le cinéma noir américain, le cinéma des immigrations et des Beurs, cinéma et apartheid, le cinéma africain et les stars de la comédie arabe. • Pour la première fois en Europe, un Gros plan sur le cinéma des Caraïbes, avec notamment l'image des Caraïbes dans le cinéma hollywoodien (les pirates, les zombies, l'exotisme; sélection réalisée en collaboration avec les Archives du Film de Ucla à Los Angeles), le cinéma réalisé dans les îles (Antilles, Cuba, Haïti, Porto Rico, Grenade, Trinidad .. . ) et les exils (Etats-Unis, Angleterre, France). Comme les festivals précédents, il sera ouvert au plus large public et sera décentralisé dans l'ensemble de la Picardie. Rens. Journées Cinématographiques d'Amiens, 36 rue de Noyon, 80000 Amiens, tél. (22) 91.01.44. 0 COURS. Le Centre Sèvres, centre jésuite de formation, signale les cours suivants : • Théologie africaine, par le P.N. Ossama, les vendredis de 20 à 22 h, du 2 novembre au 14 décembre. • Philosophie chinoise, par M. 1. Bergeron, les mardis (par quinzaine) de 20 à 21 h 30, du 13 novembre au 21 mai. • Initiation à l'Islam, par le P. Serain, les lundis de 20 à 22 h, du 19 novembre au 11 février. Rens. et inscriptions au secrétariat, 35 rue de Sèvres, 75006 Paris, tél. (1) 544.58.91 de 14 h à 18 h. 0 Agenda réalisé par Danièle SIMON _.~ ~- 'D~Jt:: 9.J1S R2ANÇA.Îs,JF- N'~ FM QU~CRmQLl82MESlOMfJjI..1RiO\I:.'S, OEA t-If; SéRAIT-II .. li'JT02DIT:1z ~ NA.ll0folA.L(.()I%IDÈRERJIIT-II .. QUE LOIC;;QLJ 'c)\! ~T -.JUlf~ON t-1'~ JI.I1A;S lbLfr À: Ff.\ r R2A.N (,AIS?,I .JOllTMlT"J'f',J ~DANS\.NJ)URNl\L D~E D~ UN OC t-Ie D~I~ /IQOMPAc.NÉ: D'uNE TEJ.LE: A.CCl.I5À110N ... Une « provocation raciste » Dt:SSin pa", Jans Tribu"II,c.iu.i.n ;,0 834 du 30 tWHt ail ., sept~. Comnu q.oi la . loi Pkwii -1'odit:lIS~sant anti-racistt: dt: 1972 -'- M s'appliq_t: jtlinais 1111 r4CÎsmt: anti-franÇlfis. n est désormais offid't:Onnent admis qll 'ni Franu m~ les . . Français soimt traités tk« b~a_fs .. etl ou d~ .. Dllpont-Ltjoie 1 . r-EnUIS QUI \()fnU UNE A.1lÀQU~ c.ËNéAu; COI\l1l2E LES R2ÀNÇAlS ? lE. FRON1"NATI()NN.$ F12ENDRArr- IL R:lUR UNE: RAOE À. P~Qr~/ ... Kt\\S QuE LE: FRONfNA.TiON.bJ.. \;f;:rA'S-& l12E,JE NE. \h.IS F1G ru:uRtoR Ct-tE:è EPDIt-ITER. QUll.ND ~ t-.I!; TI?t.1TE: DE: RAûSTE, MOI_ .. C:a;r~COHME:UlID/Ns P;;ITENTIÛN t.,OEQUEVOUS INSINUEZ! .b.LLON\;! mtN CE CES VIlES CALDMNlEE! IL N' Y 1. RIEN DE QA.C6ff; DÂNS l.5S fCUR1El2MINER.,JE. VCU; ÇQ()FO;E UN! IMUSMfIE DE.VIN~: UN RKlsn;: S~ f'RJfOSmCNS DJl'kûNTl'Jo\oK..~l..~ ou NtJURAUSI\llONoe; IMM\Ci~. DI§lt-IUIE IGNOMINIEUbEMENlrANS Cf; oes:;INt9\LIQU.-\OLb I.E Ré:1ROLNER?· '---~---;"""-I _____. ::.._ _-é_' ..J "'LARffi::lNsE fXtIOEf:O-.INE. ad:XrAUNt:: R.lBRlQUI~T~NS LE J()U~"PRÉSENT.:: -.lEoe;OI!~: c.an;: ~S' OE ~,l(~ ~é:E. 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Notes
<references />