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Sommaire du numéro
n°28 de novembre 1983 [immigration]
- Apartheid: le boycott est possible par René Chastin
- Les quatre volontés de Georgina Dufoix: la secrétaire d'Etat chargée des travailleurs immigrés répond à quatre questions
- Ils pillent la Sécu? Une réfutation de l'un des préjugés les plus répandus à l'encontre des étrangers par J.M. Ollé
- La journée d'un chômeur ordinaire par Alain Rauchvarger
- Les premiers pas des Minguettes: la deuxième génération cherche à se faire entendre par Pauline Jacob
- Les indiens d'Europe: à la rencontre des lapons par Bernard Bulliard
- Les princes: un film tzigane par Dominique Godreche
- Silence, on ne tourne pas: le cinéma français et la guerre d'Algérie par Christiane Dancie
- La vigilance n'est plus ce qu'elle était: le pasteur Jacques Galtier président du groupe "racisme" des églises protestantes s'interroge
- Le mystère Audin par Christiane Dancie
- Histoire et enseignement: le passé utile. Jean Louis Margolin, Jean Peyrot, Jean Suret-Canale; débat préparé par Dolorés Aloïa.
- La parole à Henri Tachan , par Julien Boaz
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vêtements
BESANçoN: 1, rue Gambetta
LA ROCHE-SUR·YON: 11, rue Stéphane-Gulllemé
BESANCON : 1 • rue Gambetta
LA ROCHE-SUR-YON: 11. rue Stéphane-Guillemé
GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES:
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GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place
GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72. av. G.-Péri
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ORGEVAL: Centre Commercial "Les seize arpents"
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(Mouvement contre le
racisme et pour l'amitié
entre les peuples), édité par
la Société des éditions
Différences.
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RÉDACTION
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Service photos:
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Culture: Daniel Chaput
Relations extérieures :
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ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO:
Dolorès ALOIA, Julien BOAZ,
Bernard BULLIARD, Annick
CAMPRASSE, Christiane DANCIE,
Claude FERRAN, Jean-Pierre
GARCIA, Dominique GODRECHE,
Pauline JACOB, Stéphane
JAKIN, Victor MATTHIAS, Kilic
Ali NAIL, Robert PAC, JeanJacques
PIKON, Alain RA UCHVARGER.
ABONNEMENTS
1 an : 150 F; 1 an à l'étranger:
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Etudiants et chômeurs, 1 an : 130 F,
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de la carte d'étudiant ou de la carte de
pointage).
Soutien : 200 F ;
Abonnement d'honneur: J 000 F.
Vente à l'étranger: Algérie 14 dinars,
Belgique 140 FB, Canada 3 dollars.
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Photocomposition - photogravure
impression : c.P. Paris
Commission paritaire n 0 63634,
ISSN 0247-9095.
Dépôt légal 3060
PHOTO COUVERTURE:
Sipa-Press
Différences - N ° 28 - Novembre /983
SOMMAIRE'
NOVEMBRE
POINTCHAUD ........................................ &
Apartheid : le boycott est possible
On peut cesser toutes relations commerciales avec l'Afrique du Sud.
Les marchés de substitution existent. Différences le prouve.
René CHASTIN
ACTUEL .................................... -10
Les quatre volontés de Georgina Dufoix
Le Secrétaire d'Etat chargé des travailleurs immigrés répond à quatre questions.
PRÉJUGÉS ...................................... -13
Ils pillent la Sécu ?
Une réfutation de l'un des préjugés les plus répandus à l'encontre des étrangers.
Jean-Michel OLLE
GROS PLAN .................................... -14
La journée d'un chômeur ordinaire
Une nouvelle minorité nationale?
Alain RAUCHV ARGER
RENCONTRE"""""""""""""""""". 1 &
Les premiers pas des Minguettes
La « deuxième génération» cherche à se faire entendre.
Pauline JACOB
DOSSIER ........................................ IB
Les Indiens d'Europe
A la rencontre des Lapons.
Bernard BULLIARD
CULTURES .................................... 27
Les princes
Un film tzigane.
Dominique GODRECHE
Silence, on ne tourne pas. ______ 30
Le cinéma français et la guerre d'Algérie.
Christiane DANCIE
RÉFLEXION ....................................... 32
La vigilance n'est plus ce qu'elle était.
Le pasteur Jacques Galtier, président du groupe « Racisme» des Eglises protestantes,
s'interroge.
HOETOIRE .................................... 34
Le mystère Audin
Sa veuve reçoit la Légion d'Honneur. Mais la mort de Maurice Audin reste obscure.
Christiane DAN CIE
DÉBAT .................................... ·3&
Histoire et Enseignement :
Le passé utile.
Jean-Louis Margolin, Jean Peyrot, Jean Suret-Canale s'interrogent sur l'utilité de cette
science.
Débat préparé par Dolorès ALOÏA
3
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4
CHERS LECTEUR
,
ALGERIE,
NOTRE
HISTOIRE ...
ans la mémoire des peuples comme dans celle des individus, les évènements poursuivent
leur vie propre longtemps après qu'ils soient survenus. Le passé et le présent interfèrent
pour les éclairer, les expliquer ou les transformer de façons variables, parfois contradictoires, en fonction
des évolutions ultérieures. Et leur évocation peut jouer un rôle, des années, des siècles plus tard,
dans des circonstances imprévisibles.
L'actualité met l'accent sur ce phénomène à propos de la guerre d'Algérie, traumatisme d'une génération
dont les effets n'en finissent pas de disparaître. A l'évidence, le récent voyage à Alger d'une délégation
gouvernementale française conduite par le Premier ministre, puis la visite à Paris - fait sans
précédent - du Président de la République algérienne devraient modifier la vision que les deux peuples
ont l'un de l'autre et situer dans une optique renouvelée les affrontements qu'ils ont vécu
naguère.
Par un indéniable consensus national, le referendum de 1962 mettait fin à près de huit années de
guerre et reconnaissait à l'Algérie son droit à l'indépendance. Mais nombreux sont ceux, en France,
qui refusent encore le verdict des urnes et de l'Histoire. Figés dans leurs conceptions étroites, ils
n'admettent pas, ne comprennent pas que le colonianisme est périmé. Les « indigènes », ils les adorent,
mais à condition qu'ils restent à leur place, c'est-à-dire au dessous d'eux, sans se rebiffer. Leur
système de valeurs ayant été bouleversé, la France d'aujourd'hui n'étant pas l'Algérie d'hier, et
l'Algérie étant devenue elle-même, le désarroi se mue en rancoeur, et la rancoeur en haine ou violence.
Constatons-le: quand les racistes patentés, et les malheureux qu'ils trompent, s'en prennent aux
immigrés, c'est en fait aux Arabes qu'ils pensent. Et parmi les Arabes, les Algériens sont les plus
directement visés.
C'est un service rendu à notre société que de considérer désormais l'Algérie comme un partenaire normal-
et pourquoi pas? privilégié, en raison même des liens conflictuels d'autrefois - avec lequel se
développent des relations économiques croissantes, mutuellement avantageuses. La terre tourne, et ne
va-t-on pas la main dans la main avec maints « ennemis héréditaires ».
Le peuple algérien existe, des échanges solides et loyaux peuvent s'établir avec lui, ses enfants venus
de l'autre côté de la Méditerranée sont comme nous des êtres de chair et de sang, sa culture est digne
de respect et mérite d'être mieux connue, sa libération - si douloureuse fût-elle - était légitime:
voilà des vérités hélas ! trop longtemps obscurcies et qu'il faut aider à gagner du terrain, à la faveur
des circonstances nouvelles, en dépit des calomnies et des provocations qui ne manqueront pas. C'est
cela, la civilisation, n'en déplaise à ceux qui s'en réclament à grands cris pour justifier leur mépris et
leur agressivité.
Se comprendre et s'entendre sur un pied d'égalité ne signifie pas oublier. Une véritable amitié implique
la franchise. Le temps viendra sans doute où l'on pourra sans passions examiner le bilan de la
colonisation et les soubressauts de son agonie. D'ores-et-déjà, en ce mois anniversaire de l'insurrection
de 1954, il n'est pas vain de rappeler ce qu'a été le drame des« années de braise », que le cinéma
français pour sa part n'a que timidement exploré jusqu'à ce jour. Un Algérien, dixième victime de la
tuerie de Charonne, perpétrée en 1962 sous le règne de M. Papon, vient de mourir après un long calvaire.
On reparle de l'Affaire Audin.
Alors qu'un grand débat s'engage sur l'enseignement de l'Histoire, Différences y participe. Pour dire
qu'il ne faut rien cacher à la jeunesse si l'on veut que l'étude du passé, inséparable du présent, nourrisse
un civisme lucide et humain. 0
'Différences
DifFérences - N " 28 - Novembre /983 5
/P0111 CHAUD!
--Afrique du Sud--
LE BOYCOTT
EST POSSIBLE
l'usine
Chrysler
au
pays de
l'apartheid :
réservée
aux
Blancs
La France peut se passer des matières premières sud-africaines.
Un document confidentiel révélé par Différences le prouve.
a récente réunion L franco-africaine de Vittel,
la dixième du
genre, a permis de mesurer
une fois de plus l'importance
que la France attache à ses
relations avec l'Afrique;
parallèlement, plus d'une
trentaine de pays du continent
africain prouvaient leur attachement,
par delà les régimes
et les gouvernements, à l'une
des grandes puissances impérialistes
de ce siècle.
Réunion d'autant plus paradoxale
que les sujets de divergence
entre les Africains et la
France n'y ont même pas été
évoqués, Laissons à d'autres
le soin d'analyser le traitement
de faveur dont bénéficie
la France, mais brisons le
silence sur au moins l'une des
questions qui opposent depuis
vingt ans Paris à l'Organisation
de l'Vnité Africaine et
qu'aucun chef d'État présent
à Vittel n'a eu le mauvais goût
de rappeler : celle des relations
franco-sud africaines.
Certes, le gouvernement de la
gauche a donné partiellement
satisfaction aux demandes
répétées de l'Afrique en ce qui
concerne les échanges sportifs
amateurs. Vne telle décision a
eu un impact psychologique
considérable en Afrique du
Sud, où le sport est étroitement
lié, dans la mentalité des
racistes au pouvoir, aux thèmes
de la supériorité raciale.
Mais elle ne pouvait avoir
d'effet sur la politique du
6
gouvernement sud-africain.
Celui-ci poursuit le renforcement
systématique de l'apartheid,
continue de refuser de
libérer la Namibie et multiplie
les agressions contre
l'Angola, le Mozambique, le
Lesotho et le Zimbabwe. La
seule mesure susceptible de
contraindre Pretoria à réviser
radicalement sa politique
serait un embargo économique.
L'Afrique du Sud, la première
puissance économique
du continent africain, reste
vulnérable uniquement dans
ce domaine depuis la décision
d'un embargo sur les armes,
prise par le Conseil de Sécurité
de l'O.N.V. en 1977. Son
économie reste en effet très
dépendante des pays occidentaux
importateurs de matières
premières et exportateurs de
capitaux.
Le boycott à
l'étude
En France, les partisans d'un
tel embargo ne manquent pas,
dans les allées du pouvoir et à
l'intérieur. Différences peut
révéler qu'un projet visant à
rechercher des solutions
excluant l'Afrique du Sud
pour l'approvisionnement de
la France en matières premières
minières est à l'étude au
ministère des Relations extérieures
depuis plus d'un an.
Ses auteurs tentent de réfuter,
chiffres - très détaillés - à
l'appui, les thèses du gouvernement
sud-africain et des
propagandistes hexagonaux.
Au premier rang, la prétendue
dépendance de l'Occident
vis-à-vis de l'Afrique du Sud,
en ce qui concerne des minerais,
comme le chrome, le
manganèse, l'uranium ou le
charbon, indispensable à
l'industrie,
L'étude précitée souligne que
« l'Afrique du Sud a infiniment
plus besoin des Occidentaux
que le contraire. » Les
auteurs se déclarent convaincus
que « sans l'afflux continuel
de devises, de capitaux,
de technologie et d'équipements
lourds qu'a su drainer
le pouvoir blanc de Pretoria
depuis vingt ans, il est à peu
près certain que l'apartheid
aurait disparu aujourd'hui et
que bien des humiliations, des
souffrances et des morts
auraient été épargnés aux
peuples d'Afrique australe ».
Vendre, vendre
Pourquoi donc le gouvernement
n'agit pas? Il semble
même qu'en l'absence de consignes
claires allant dans le
sens d'un boycottage, l'administration
ou les services
publics et nationalisés, cèdent
de plus en plus au milieux
d'affaires traditionnellement
liés au pays de l'apartheid en
prêtant leur concours aux
opérations visant au développement
des relations avec
l'Afrique du Sud. Nous avons
tous en tête le tapage sans précédent
fait par la Régie
Renault, avec la connivence
béate de tous les médias au
moment du Grand Prix
d'Afrique du Sud. Il existe
d'autres signes, bien moins
visibles mais plus inquiétants
pour l'avenir.
C'est ainsi que la Chambre de
Commerce et d'Industrie de
Paris a pu réunir fin Septembre
les membres d'une centaine
d'entreprises françaises
autour des représentants
patentés de l'apartheid pour
leur vanter les mérites du
marché sud-africain. Parmi
les orateurs, on remarquait
un responsable d'Indosuez
(dont la filiale sud-africaine,
French bank of Southern
Africa, continue de croître et
de prospérer), ainsi que l'atta-
Différences - N ° 28 - Novembre /983
ché commercial à l'ambassade
française à Pretoria. Le
contexte politique national et
régional de l'Afrique du Sud
n'a pas préoccupé olÏtremesure
ces hommes d'affaires
d'habitude plus frileux. Au
contraire, l'assistance s'est
contentée d'une lointaine
allusion à l'apartheid pour se
rassurer bien vite en constatant
que le « le potentiel économique
de l'Afrique du Sud
est prometteur au delà d'une
crise dont les causes sont
internationales avant d'êtres
locales ».
A en croire les cadres dynamiques
présents à cette réunion
parisienne, à quelques semaines
de la mission préparée par
la Chambre de Commerce
pour le mois de décembre en
Afrique du Sud, la France est
trop absente de ce pays « très
prometteur ». Très critiquées
également les résistances officielles
au lobby nucléaire qui
souhaite proposer une nouvelle
centrale - Koeberg Il -
à l'Afrique du Sud.
Il est vrai que des responsables
politiques souhaitent, au
nom d'un certain réalisme,
mettre en veilleuse toutes
considérations éthiques ou
même politiques, pour ne voir
que les courbes du commerce
extérieur et de l'emploi. Chiffres
de douanes à l'appui, ils
font remarquer que le
commerce franco-sudafricain
est régulièrement
déficitaire, au détriment de la
France - à l'exception de
l'année 1981 - et que pour y
remédier, il n'y a qu'une seule
solution: vendre d'avantage.
D'autre possibilité, réduire les
importations, ne les effleure
même pas. Pourtant cette
solution est la plus réaliste à
long terme. Du point de vue
de l'intérêt national, dépendre,
même pour une part,
d'une telle poudrière n'est-il
pas une véritable folie? Des
solutions de rechange existent
pour l'approvisionnement de
la France. Les auteurs de
l'étude déjà citée l'ont
démontré, en commençant
par les matières les plus « sensibles
» :
« La France importe d'Afrique
du Sud et pour des quan-
7
tités plus ou moins significatives
une trentaine de produits
miniers (bruts ou ayant subi
une première transformation) ...
Il a été décidé d'en sélectionner
quelques-uns, les plus
« sensibles », en fonction des
critères suivants: 1) les produits
pour lesquels l'Afrique
du Sud détient une part
importante des réserves mondiales
connues; 2) les produits
dont l'Afrique du Sud
est un important exportateur
- 3) les produits pour lesquels
l'Afrique du Sud représentait ces dernières années plus de 20 % de l'approvisionnement de la France. L'application de ces critères nous a amené à retenir les produits suivants: le minerai de chrome et le ferrochrome, le minerai de manganèse et le ferromanganèse, l'uranium, le charbon, les pierres précieuses, l'or et le platine. Pourquoi pas au Gabon? En tenant compte des critères de sécurité, mais aussi des coûts, les auteurs affirment que pour le minerai de chrome, la France peut s'adresser davantage à l'VRSS, Madagascar, la Turquie et la Finlande ainsi qu'à la Nouvelle Calédonie (territoire français). Pour le ferrochrome, on pourrait faire appel plus particulièrement au Zimbabwe, mais une dizaine d'autres pays pourraient accroître leurs fournitures sans délai majeur. En ce qui concerne le manganèse, on se trouve devant une situation paradoxale, puisque les importateurs donnent jusqu'ici préférence à l'Afrique du Sud au détriment du Gabon, oÛ opère pourtant une société franco-gabonaise disposée à augmenter sa production et ses exportations vers la France. Quant au ferromanganèse (dont la France est exportratrice) un accroissement des achats aux fournisseurs européens traditionnels est possible. L'uranium et le charbon, deux produits particulièrement importants puisqu'ils touchent à la politique énergétique, mais aussi aux choix de société, ·posent d'avantage de problème. Les gouvernements précédents ont en effet lié la France à des sociétés sud-africaines pour des contrats de longue durée. Des investissements considérables directs ont même été faits dans l'uranium namibien (au mépris des décisions de l'O.N.V. et même des promesses officielles) et le charbon sud-africain, à des conditions qui paraissent aujourd'hui totalement insensées, sur le simple plan de la rentabilité économique. On se souvient à ce sujet que M. Claude Cheysson, qui venait à peine d'être nommé ministre des Relations extérieures, n'avait pas craint de déclarer au moment où se tenait à Paris la première conférence internationale sur des sanctions contre l'Afrique du Sud: « La signature de la France est sacrée. Les contrats commerciaux et les contrats d'armement seront intégralement respectés. » (26 mai 1981, au micro d'Europe 1). Mais, même ainsi, la France peut diminuer ses imponations d'Afrique du Sud, car des alternatives existent également, d'autant plus que la production d'électricité a baissé dans des proportions considérables par rapport aux prévisions effectuées il y a une dizaine d'années. Quant au marché international des diamants, or et platine, on sait qu'il est dominé par les trusts sud-africains même si l'approvisionnement de la France se fait principalement à Londres, Anvers ou Zurich. Sans oser s'attaquer seule à la refonte entière du système monétaire international, à la spéculation et aux aléas de la mode, la France pourrait également diminuer ses achats directs à l'Afrique du Sud sans dommage pour son industrie. Les auteurs affirment même que la France « ne souffrira pas beaucoup d'un arrêt total de tout achat direct à l'Afrique du Sud. » La volonté politique existet- elle pour mettre en pratique les recommandations de ce rapport? La question est posée. René CHASTIN. flE MBISl Goutte d'Or et bulldozers L'îlot de la Goutte d'Or, dans le 18e arrondissement parisien, est peu reluisant malgré son nom. Les élus s'accordent à vouloir le nettoyer et c'est à l'unanimité qu'est voté le projet de rénovation qui sera réalisé sous l'égide du gouvernement. Une rénovation qui concerne à peu près tous les immeubles de part et d'autre de la rue de la Goutte d'Or, sur un triangle formé par la rue Palonceau au nord, le boulevard de la Chapelle au sud et le boulevard Barbès (19 septembre). Les habitants, français et immigrés, s'inquiètent pour leur avenir et celui de leur quartier. 1 La guerre de la montagne Pour la première fois depuis son engagement au Liban, la France riposte aux bombardements druzes et syriens. Une flotte de Super Etendard quitte le porte-avions Foch pour bombarder des positions adverses aux alentours de Beyrouth. Cette action fait suite à un pilonnage incessant du quartier général du détachement français à Beyrouth et de la résidence de l'ambassadeur de France. (22 septembre). Le PCF évoque publiquement et pour la première fois, le retrait des troupes françaises du Liban. Le secrétaire général du PCF estime que l'ONU doit se saisir de l'affaire libanaise, mais en cas d'échec, il demande « le rapatriement des troupes françaises. » (23 septembre). Le premier secrétaire du PS justifie la riposte de l'aviation française au Liban, mais s'inquiète d'une situation où la France pourrait être engagée au-delà de ce qui est souhaitable. (24 septembre). Claude Estier, député socialiste de Paris déclare au micro de France-Inter, « que le rôle de la France, n'est pas d'entrer en guerre contre la Syrie» mais que « le gouvernement français avait prévenu à plusieurs reprises qu'il y aurait riposte si les forces françaises étaient attaquées. Il convenait de marquer un coup d'arrêt et d'éviter peut-être de la sorte un engrenage plus grave ». (24 septembre) Un cessez-le feu intervient qui prévoit la réunion d'une assemblée de réconciliation nationale (25 septembre). Pershing go home 1 A la veille des grandes manifestations pacifistes d'octobre, six fédérations régionales du SPD sur onze se prononcent pour le refus radical des missiles américains sur leur territoire, même si les négociations de Genève devaient aboutir. (26 septembre). Deux autres fédérations les rejoignent sur cette thèse (9 octobre). Clin d'oeil Les juges de la cour criminelle de Dubaï (Emirats Arabes Unis)
- considèrent qu'adresser un clin
d'oeil à une femme est indécent et passible d'une peine de prison. Ils viennent de condamner à quinze jours de prison, suivis d'une expulsion du pays, un commerçant étranger qui, dans un restaurant, avait fait un clin d'oeil à une femme (29 septembre). J:jAGNEAU DOI{É CRÉATIONS PARIS-CUIR TOUJOURS AVEC DES PRIX ÉTUDIÉS AU PLUS JUSTE Fournisseur: spécialisé Sur les CUIR PEAUX FOURRURES REMISE à la caisse 10 % 44, RUE DES VINAIGRIERS 75010 PARIS dans la cour MÉTRO: GARE DE L'EST ou JACQUES BONSERGENT Ouvert du Lundi au Samedi de 10 h à 19 h sans interruptiop R_C_ PARIS B 304 802 135 8 Loin de Rueil M. Jacques Baumel, députémaire de Rueil-Malmaison, envoie une lettre aux agences immobilières de la Ville pour les dissuader de céder des logements à des familles maghrébines, qui risquent de « perturber l'équilibre et la tranquillité des quartiers de Rueil ». Dans un communiqué, le MRAP s'insurge contre de telles pratiques qui aboutissent dans les communes plus accueillantes alentour, à la constitution de « cités ghettos» (30 septembre). rève des coupeur de canne La tension est vive dans tout l'Etat de Pernambouc (nord-est du Brésil) où 240 000 coupeurs de canne à sucre sont en grève depuis trois jours pour obtenir des augmentations de salaires. Au siège de la Fédération des Travailleurs de l'Agriculture à Récife, on fait état d'un mort et dix-neuf blessés, tous victimes des milices privées qui, selon les syndicats, obligent les coupeurs à travailler sous la menace. Les intimidations contre les responsables syndicaux se multiplient : coups de feu contre les maisons ou les pneus de voiture, menaces de mort, etc. (26 septembre). Une bombe dans la foule 16 h 20 à la Foire Internationale de Marseille, une bombe explose à proximité des pavillons algérien et américain, on relève un mort et cinq blessés graves. Le dépôt de ce kilo et demi de plastic fait l'objet de deux « revendications» tardives, l'une au nom du groupe arménien Orly, l'autre pour le groupe d ' extrême-droite marseillais Charles Martel. Le maire de Marseille semble prendre cette seconde revendication plus au sérieux en dénonçant « un acte odieux contre l'Algérie ». (30 septembre). Manif anti-nazie Cinquante et une personnes, dont trente et un policiers, sont blessés en RFA au cours des affrontements qui opposent à la police de Fallingsbottel quinze cents manifestants anti-nazis. Ces derniers entendent protester contre la tenue _ dans cette ville, proche de l'ancien camp nazi de Bergen-Belsen, d'une réunion du parti d'extrême-droite NPD. (1er octobre). Haute trahison Trois militants noirs du Congrès national africain (ANC) sont condamnés à de lourdes peines de prison par un tribunal de Pietermaritsburg, ville de la province de Natal. Les trois hommes, Lungile Magxwalisa, Siphiwo Dinca et Newake Cikozani, sont déclarés coupables de haute trahison et de sabotage, à la suite d'attentats contre les ponts ferroviaires, à Upington (province du Cap) et Umfolozzi (Natal). Agés respectivement de vingt-sept, vingt-trois et trente-et-un ans, ils sont frappés de peines de vingtquatre, quinze et douze ans de détention. (30 septembre). Une journée d'information est prévue le 29 septembre par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris en collaboration avec des responsables sudafricains, en vue de favoriser les investissements français en Afrique du Sud. Le MRAP dans un communiqué « s'élève contre cette initiative, qui, de l'aveu même des organisateurs a pour but de soutenir l'économie sud-africaine en difficulté. Alors que la France condamne officiellement l'apartheid, il est particulièrement choquant que soit annoncé le concours d'un diplomate français et d'un représentant de la Banque Indosuez, nationalisée ». Le MRAP intervient auprès du Premier Ministre, pour demander que ces participations soient annulées. (28 septembre). Le 15 octobre, Renault doit participer à une course en Afrique du Sud, dans le cadre du Championnat du monde de Formule 1 des pilotes et des constructeurs. Le 15 octobre 1983, en Afrique du Sud, la population de couleur et les démocrates blancs seront toujours victimes du régime d'apartheid, dénoncé par l'ONU comme un crime contre l'humanité. Dans un communiqué le MRAP « s'étonne que les responsables du groupe nationalisé Renault aient accepté le principe d'une course en Afrique du Sud. Ils se prêtent ainsi à une opération de propagande au service du système raciste sud-africain ». Peut-on pour le moins attendre des correspondants français de presse et de télévision, qu'ils donnent à cette occasion une image véridique de la société esclavagiste d'Afrique du Sud ? (7 octobre). Ë~- iVE LE En avant-première, un des dessins du concours MRAP-RFI-Différences. Malheureusement anonyme, il n'a pu participer à la compétition. La muraille L'Inde entreprend la construction d'une barrière métallique le long des 3 900 kilomètres de sa frontière avec le Bangladesh, afin d'enrayer les infiltrations de réfugiés clandestins. Le « mur » long de 270 km sera constitué de barbelés et de grillages. Soixante quinze tours de guet gardées par deux sentinelles seront construites, et mille cinq cents hommes ont été spécialement recrutés pour la garde de la frontière et des tours. (1er octobre). Meurtre raciste aux assises «Je vais me faire un Arabe », avait dit Jacky Heintz, vingt-trois ans. C'est ainsi que le soir du vendredi 16 juillet 1982 dans la banlieue nord de Strasbourg, à Schiltigheim, a été tué froidement et gratuitement un paisible manoeuvre algérien de cinquantequatre ans, M. Mohammed Boufenrouche. Les deux jeunes gens, qui comparaissent à présent Différences - N ° 28 - Novembre 1983 devant la cour d'assises du BasRhin, n'avaient même jamais vu leur victime. Jacky Heintz et Christian Klein, vingt ans, répondront, respectivement, pour ce crime raciste et absurde « d'assassinat et de complicité ». (3 octobre). Ils sont condamnés, à 20 ans de réclusion pour Jacky Heintz, 15 ans pour Christian Klein. (5 octobre). L'OUA reprend le flambeau « La Lybie est prête à participer à toute initiative de paix au Tchad, y compris la création d'une force pan-africaine, à condition qu'elle soit acceptée par le GUNT de Goukouni Oueddeï », déclare M. Abdelati Obeidi, le ministre lybien des Affaires étrangères, réitérant son refus de négocier directement avec Hissène Habré, comme le demande le président tchadien : « Le conflit tchadien est une guerre civile, Hissène Habré doit discuter avec Goukouni et le GUNT, nous n'avons rien à débattre avec/ui ». (22 septembre). 9 Hissène Habré répond négativemet à l'offre de négociations lancée par le président du GUNT depuis Tripoli, à la veille du sommet franco-africain de Vittel. (23 septembre). Goukouni Oueddeï déclare: « Je veux réaffirmer la volonté du GUNT et du peuple martyr du Tchad de résoudre la crise par la voie de la négociation avec nous. » (23 septembre). Dans une interview à Jeune Afrique, le président tchadien interrogé sur la poursuite du statut quo après Vittel, affirme : « Le Nord du Tchad appartient au Tchad. Le jour où nous aurons réuni suffisamment de forces, le jour où nous nous en sentirons capables, nous n 'hésiterons pas une seconde à aller affronter les expansionnistes lybiens ». Hissène Habré ajoute au sujet de la stratégie française : «A cela, nous n'avons pas encore obtenu de réponse précise ». (30 octobre). La conférence de presse finale du sommet de Vittel, révèle l'absence d'une déclaration commune des pays africains, même si François Mitterrand parle d'« avancée ». Le président français décrit les points de synthèse entre les participants
- « Les deux grands principes
qui marquent les limites à l'intérieur desquelles nous comptons avancer : respect de l'intégrité territoriale du Tchad, comme de tout autre Etat, nécessaire recherche d'une solution pacifique par la négociation ». François Mitterrand ajoute : « Le voeu général est la recherche de la conciliation entre Tchadiens. Aucune fraction ne doit être a priori exclue de la réunification des tendances. Nous en avons parlé en présence du président du Tchad ». Pour l'ensemble des participants à la conférence c'est maintenant à l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) de reprendre le flambeau et de « s'engager dans la recherche pratique de la paix ». (4 octobre). ~C1UEl LES QUATRE VOLONTÉS DE Différences : L'ensemble des mesures visant à l'insertion de la population étrangère est important. Les jugez-vous suffisantes, et quelles sont vos intentions pour qu'elles soient toutes appliquées ? Pensez-vous, en particulier, que les médias puissent prendre efficacement le relais de ces décisions d'insertion et de la lutte contre le racisme? Comment interprétez-vous le fait que les médias aient plus insisté sur les mesures de répression décidées à l'égard des clandestins, que sur les mesures d'insertion présentées au même moment ? Georgina Dufoix : Les mesures d'insertion sont importantes. Sont-elles suffisantes? Je pense qu'elles sont un pas important, même si, en ce domaine, je suis parfaitement convaincue qu'il faut un travail profond et continu. On ne peut en effet, en matière d'insertion, faire du spectaculaire. Les mesures arrêtées en Conseil des ministres sont une étape mais elles ne sont pas une fin. Quant à leur application, soyez assuré que je mettrai toute mon énergie, en accord avec les autres ministres concernés - en particulier le ministre de l'Education nationale, le ministre de l'Urbanisme et du Logement - pour que rien ne vienne entraver cette application. Le rôle des médias dans la lutte contre le racisme et pour l'établissement d'un véritable dialogue entre les différentes communautés qui vivent en France est en effet primordial. L'image qui est véhiculée par les médias, particulièrement dans le domaine de l'immigration, a une importance considérable. Le fait, par exemple, de ne montrer les immigrés qu'en situation négative : délinquance, chômage, misère ... ne peut pas ne pas induire dans l'esprit du téléspectateur que l'immigré est une charge pour le pays. Et il est vrai que l'on voit assez peu de reportages ou d'articles sur l'apport des immigrés à la société française. Il est certain, par exemple, que la presse dans son ensemble a plus insisté sur les mesures de répression à l'égard des clandestins que sur les mesures d'insertion. Mais, dans ce cas comme souvent, les journalistes n'ont en fait que répondu à l'attente de la population. Avant le Conseil des ministres du 31 août dernier, l'opinion publique attendait en effet que le Gouvernement se montre ferme à l'égard du travail clandestin. La crise a des répercussions importantes pour l'ensemble des travailleurs français et, plus ou moins consciemment, les gens ont besoin d'un «coupable ». L'idée Après la campagne tendant à concernant l'immigration, aux quatre qu'il puisse y avoir du travail clandestin était devenue insupportable, et cela est normal. Les mesures décidées à l'encontre des employeurs de clandestins et des clandestins eux-mêmes ont donc été fortement répercutées parce qu'elles étaient fortement attendues . Mais, je le répète, je serai également ferme sur cet aspect de ma politique et sur la mise en oeuvre des mesures d'insertion. Différences : Ne craignez-vous pas que la multiplication des contrôles d'identité et le renforcement des mesures administratives ne soient ressentis comme un poids supplémentaire par la population immigrée, et ne crée un climat de suspicion généralisé à son égard ? Georgina Dufoix : Je comprends très bien que la multiplication des contrôles d'identité et le renforcement des mesures administratives puissent être perçus par la population immigrée comme astreignants, mais les populations immigrées - comme d'ailleurs l'ensemble de la population française - ont des droits et des devoirs. L'un de ces devoirs est très clair, et il est d'être en accord avec la loi française. Les mesures de contrôle sont nécessaires au respect de cette loi. Je 10 souhaite qu'elles soient effectuées dans un climat de dignité mais - je le répète - je pense qu'elles sont indispensables. Différences : L'ensemble des mesures prises est-il suffisant pour que s'opère un changement des mentalités en France? A cet égard, le gouvernement juge-t-il de son ressort d'intervenir face au développement de certaines thèses visant soit à déconsidérer la population immigrée, soit à nier son utilité économique? Que pensez-vous des thèses de l'opposition quand elle accuse le gouvernement d'être laxiste envers les immigrés qui en profiteraient pour obtenir de lui des privilèges particuliers ? Georgina Dufoix : Je ne pense pas, honnêtement, que des mesures suffisent pour changer des mentalités. Cela serait trop simple. Je pense qu'elles peuvent contribuer à faire évoluer les choses, et particulièrement à faire prendre conso cience à la population française que, pour la majorité d'entre eux, les immigrés présents sur notre sol y resteront, que leurs enfants pour beaucoup seront français, que l'apport d'autres cultures est un apport positif. Mais changer les mentalités ? C'est un travail long. Je considère qu'il est tout à fait, comme GEORGINA DUFOIX dénaturer l'ensemble de ses mesures le ministre répond ... questions de Différences vous le dites, « de mon ressort» d 'intervenir face aux thèses visant à déconsidérer la population immigrée ou à nier son utilité économique. D'autre part, l'opposition nous accuse d'être laxistes envers les immigrés en se fondant principalement sur l'opération des régularisations. En 1981, le Gouvernement a trouvé une situation détériorée sur le plan de l'immigration. Des gens qui étaient, souvent depuis plusieurs années, sur notre territoire et qui y travaillaient, étaient en situation illégale. Nous avions des devoirs envers eux. Nous avons voulu assainir la situation. 130 000 personnes ont été ainsi régularisées. Mais le Gouvernement a toujours dit, et je le redis fermement, que l'opération de régularisation était définie dans le temps. Elle est terminée. Il n'yen aura pas d 'autre. Cela n'aurait aucun sens . Je ne pense pas, par ailleurs, que les mesures présentées le 31 août puissent être taxées , honnêtement, de « laxistes ». Différences : D'après un sondage du Parisien Libéré, 51 % des Français penseraient que le départ des immigrés résoudrait le problème du chômage. A votre avis, si les étrangers partaient, que deviendrait la France ? DU/erel1ces - N" 28 - Novembre /983 Georgina Dufoix : Les Français font souvent, effectivement, une soustraction simple: il y a 2 millions de chômeurs en France et environ 2 millions de travailleurs étrangers. Si les travailleurs étrangers partaient, il n'y aurait plus de chômeurs. C'est simple mais faux. Deux exemples le prouvent. Depuis huit ans que l'immigration est arrêtée en France, le nombre des chômeurs s'est multiplié par 4 1/2. D'autre part, le chômage a progressé de 30 070 en 1981 dans les pays de la C.E.E. alors que ceux-ci observent une politique rigoureuse de fermeture des frontières. Une présence décisive Mais la réponse au sondage du Parisien Libéré à laquelle vous faites allusion n'est pas du domaine rationnel. Les Français ont besoin de trouver une explication extérieure à la crise, d'où leur attitude vis-à-vis des immigrés. A nous de leur expliquer que la présence d'étrangers est décisive dans certains secteurs-clé de notre économie et que la France s'est construite par l'accueil constant de nouvelles populations. 0 11 FLASH LANCÉ le 21 mars 1983, par le MRAP, Radio France Internationale et Différences, le concours international de dessins d'enfants a connu un succès considérable. MarieJeanne Salmon, qui en assurait l'organisation, a disparu sous deux mille cinq cents oeuvres, arrivées des quatre coins du monde, de Dunkerque à Tamanrasset, de l'Atlantique à l'Oural, sans oublier l'Amérique latine. Proclamation officielle des résultats le 10 décembre, à l'occasion du trentecinquième anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme. Un calendrier rassemblant les treize meilleurs dessins sera édité. 0 l est bien temps de « considérer la signification du mot "solidarité", de telle sorte que vous n'offriez pas un soutien paternaliste, mais plutôt que ce soit une véritable alliance humaine, construite sur un développement moral, spirituel, éthique, de façon à utiliser cette planète, notre mère la Terre, à partir de l'humanité consciente ». C'est ainsi que Bill Wapepah, du Conseil national des traités indiens, définit la solidarité à l'indienne. C'est ainsi que s'est vécue la Journée internationale de soutien aux Indiens d'Amérique, le 15 octobre à Paris, sous l'égide du CISA, de Diffusion-Inti et du MRAP.D L'expo « Art contre/ against apartheid» se déroulera à partir du 22 novembre. Ernest Pignon Ernest, un des artistes peintres à l'origine de cette initiative, raconte (voir Différences n° 21) : « A l'origine, j'ai été amené a prQtester contre le jumelage de la ville de Nice avec celle du Cap, en Afrique du Sud. Decefait,jesuis entré en contact avec les instances des Nations Unies. Une mobilisation croissante des artistes nous a permis, à l'instar du musée Salvador Allende, de jeter les bases d'un musée international contre l'apartheid, qui sera préfiguré à Paris, Il, rue Berryer, à partir du 22 novembre jusqu'à la fin décembre, à la Fondation Nationale des Arts Plastiques, sous la présidence de Yusuff MaUama-Sulé, président du Comité des Nations Unies contre l'apartheid, Jack Lang, ministre de la Culture, le président de l'UNESCO et Antonio Saura - peintre espagnol et frère du cinéaste - président du Comité des artistes du monde contre l'apartheid. A vec des oeuvres de très nombreux peintres mondialement connus, comme Héro, Arman, Rauschenberg, Lichtenstein .. . Ce musée, dans son principe immédiat, est itinérant et doit voyager à travers le monde. Tout comme le Guernica de Picasso l'a été dans une Espagne libérée de Franco, il sera offert aux premières autorités démocratiques de l'Afrique du Sud ». 0 dorothée bis 12 Entre voisins on se comprend! @) 5OEIETE GENERALE Le bien-être à sa banque. l'IEJUIiES
Coûts sociaux----
Ils pillent la Sécu ? • ,---------------- -----------------------r On accuse les étrangers . de vider les caisses de la Sécurité sociale. En fait, c'est tout le contraire n dit partout que les O immigrés coûtent cher à la Sécurité sociale. « C'est le préjugé le plus faux mais aussi le plus répandu, et paradoxalement le plus difficile à combattre », disait l'économiste Albano Cordeiro (1) sur le plateau de l'émission Mosaïque/Différences du 9 octobre. Un préjugé, ça se nourrit d'ignorance. Rappelons d'abord que les travailleurs immigrés cotisent à la Sécurité sociale comme leurs collègues français, sur la base de Il % de leur salaire brut. Les employeurs paient les charges sociales de tous leurs salariés, français ou étrangers. Si on regarde d'un peu plus près le fonctionnement de la Sécurité sociale, on s'aperçoit que non seulement les étrangers ont droit aux prestations de cet organisme puisqu'ils y cotisel).t, mais qu'en plus, ils lui font gagner de l'argent. La Sécurité sociale est divisée en trois secteurs: les assurances- maladie (CNAM), la caisse vieillesse (CNA V) et les allocations familiales Différences - N ° 28 - Novembre 1983 . (CNAF), qui couvrent respectivement les dépenses des adultes, des personnes âgées et des enfants. Dans ces trois caisses, les immigrés cotisent plus qu'ils n'encaissent. En ce qui concerne les assurances-maladie, la population étrangère, qui représente 12 070 du total des cotisants à la CNAM, devrait, si elle « consommait » autant de médecine et de soins que la population totale, coûter 4,5 milliards de francs de remboursements. De fait, elle ne consomme que les trois quarts de cette somme, soit un milliard d'économies pour la Sécurité sociale. Les raisons sont multiples, qui vont du désarroi devant les démarches administratives à la proportion plus grande dans cette population d'actifs, moindres consommateurs de soins. A noter que d'une manière générale, les classes défavorisées (dont les immigrés) font moins souvent appel aux soins que les autres (voir l'interview de Jacques Ralite, Différences n° 18,décembre 1982). ÇA VA ENGOQE cooTE~ 13 A LA SËc.u!AHf pQoFiTE.NT Bi EN .... / / // ,fi ',' '.,
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. " . :~ . , ,;. , " .... ' , :. ' Les études sont moins avancées dans le cas de l'assurance vieillesse (CNAV). Cependant, les pensions non réclamées après le retour au pays (surtout en cas de bref séjour en France), l'espérance de vie plus faible de ces travailleurs soumis à des tâches souvent pénibles, la non-réversion des pensions aux veuves, sont autant de bénéfices pour la Sécurité sociale. Bénéfices Mais c'est surtout pour la Caisse d'Allocations familiales que la population étrangère constitue une véritable manne. Il faut savoir que les allocations familiales en faveur des enfants de cotisants étrangers sont très inférieures à celles délivrées aux enfants français. Egales quand l'enfant est en France, elles sont calculées sur le taux du pays d'origine quand il y est encore (sans que cela diminue en quoi que ce soit la cotisation des parents). Au passage, nombre de prestations (allocation-maternité, aIiocationlogement, etc.) sont supprimés. Une partie, mais une partie seulement de ce « bénéfice» est reversée au FAS (Fonds d'Action Sociale). Beaucoup de travailleurs étrangers cotisent ainsi comme les Français, mais ne reçoivent comme dans leur pays d'origine. Après la reversion partielle du FAS, il restait en 1981 1,5 milliard de francs soit à peu près le bénéfice de gestion de la CNAF. A additionner les trois postes, c'est une économie d'au bas mot cinq milliards de francs que les étrangers offrent à la Sécurité sociale. On espère que ses dirigeants, fraîchement élus, leur en sauront gré. 0 Jean-Michel OLLE Pour plus d'informations, voir L 'immigration et le système de prestations sociales de S. Cavard, A. Cordeiro et R.E. Verhaeren (Université de Grenoble), et Pourquoi l'immigration en France, (OMMC, 5 bis, rue Félix-Maire, 94000 Créteil) -d'Albano Cordeiro, dont sont tirées la plupart des informations ici présentées. 6RBB PIAN , --Profil JOURNEE ORDINAIRE D'UN CHO" MEUR Ils ne sont plus qu'un nombre. Mals ils vivent mal leur différence NoPas oublier, ne pas oublier ././ d'aller pointer, ne pas , , oublier ... » Au moment d'ouvrir les yeux cette phrase résonnait dans sa tête, clignotait comme l'enseigne lumineuse d'un quartier de gare. C'est que le mois dernier il avait bien failli louper le jour. Il jeta un coup d'oeil par la fenêtre: il allait encore pleuvoir. Même le temps ne s'arrangeait pas. Un automne plein de nuages, de grisaille. Le réveil indiquait sept heures et demie. Dans la cuisine, l'odeur refroidie du petit déjeuner. On était ma.rdi. Marthe avait déjeuné avec les enfants - le mardi ils ont cours à huit heures. Tout le monde était parti, le laissant seul à la maison. Vaguement, dans une espèce de demisommeil, il avait entendu des voix étouffées, des portes qui grinçaient, des bruits de pas. C'était peut-être bien le calme, le silence revenu qui avait fini de le réveil- 1er. Depuis quelques temps il avait de plus en plus de mal à supporter leur . départ matinal. Tous les trois partaient, Marthe et les deux garçons, et lui allait se retrouver seul dans la maison vide. Sur le pas de la porte les garçons lui souhaitaient une bonne journée. A ce moment-là, il sentait quelque chose de nouveau, comme une gêne dans leur voix. Peut-être aussi que ce n'était là qu'une impression. Il mit le café à chauffer. Ce matin encore ses jambes lui semblaient lourdes. Il reculait de jour en jour une visite chez le médecin. De plus il n'avait pas faim. Marthe lui avait pourtant laissé une tartine pain-beurre-confiture comme il les aimait, avant. Il en croqua une bouchée, et fit passer le reste au vide-ordures. Machinalement il alluma la radio. Un speaker, au ton faussement enjoué causait comme seuls parlent les gens entre 14 soi. Un repère sonore, un indicatif connu, il sut que c'était huit heures. Il tendit l'oreille pour écouter le journal parlé. Les nouvelles, pourquoi les appelle-t-on ainsi? C'était à peu de choses près les mêmes que la veille. « ... satisfàction dans les milieux officiels: le nombre des demandeurs d'emploi est en régression compte tenu des variations saisonnières ... » Pourquoi ne pas appeler un chat un chat? Il sourit. Variations saisonOleres: il voyait les nombres se rétrécir sous l'effet du gel hivernal, fleurir avec le printemps, se dilater à la chaleur de l'été. Demandeur d'emploi, c'était ça qu'il était devenu. Pourquoi les types de la radio ne pouvaient pas appeler un chat, un chat, un chômeur par son nom. Dans deux mois ça allait faire un an, un an qu'à cause de tout un tas de raisons il s'était retrouvé licencié, au chômage. C'est comme les accidents de la route ou le cancer, ça n'arrive qu'aux autres. Il se coupa en se rasant. En se regardant dans la glace, il se dit une fois encore qu'il avait pris un coup de vieux. Marthe pouvait toujours dire le contraire, lui en restait convaincu. En descendant, il aperçut le gardien de l'immeuble. Etait-ce une impression, mais celui-ci fit une nouvelle fois semblant de ne pas le voir. Dans la boîte à lettres, du courrier. Il sentit un petit pincement au coeur en y découvrant une enveloppe bistre, frappée du sigle d'une grande entreprise nationale. Avant d'avoir ouvert il savait que c'était un refus: l'enveloppe étaittrop lourde pour ne contenir qu'une convocation à un entretien. Elle contenait son curriculum vitae qu'on lui retournait. Par avance il devinait la formule « ... le regret de ne pouvoir donner une suite favorable ... » Qu'allaient-ils avoir inventé ceux-là? Trop vieux? Trop qualifié? Trop jeune? Trop inexpérimenté ? Sûr qu'ils allaient eux aussi le trouver "trop" quelque chose. « Votre profil ne correspondant pas exactement à celui que nous recherchons ... » Il avait découvert ça : ce qui était recherché, c'était des profils. Jamais, avant il n'avait pensé qu'on puisse en avoir un. Avant. En fait tout ça n'était que faux prétextes et compagnie ! Il se dirigea vers le métro, non pas vers la station la plus proche mais vers l'autre, plus loin. Il n'avait pas envie de rencontrer des voisins, des connaissances qu'il savait habitués de ces horaires. Il n'avait pas envie de parler, de s'expliquer. Certains étaient bien gentils, pleins de tact, mais il sentait chez certains autres comme de la condescendance mêlée de pitié. Combien de fois n'avait-il été appelé "mon pauvre ami" ou "mon pauvre Monsieur". Avec un drôle de regard un ancien collègue lui avait sorti : « Quand je pense qu'il existe un tas de faux chômeurs, des gens qui à ne rien faire vivent bien mieux que vous et moi. Et tout ça aux crochets des contribuables! Je ne dis pas ça pour vous bien sûr! » Etait-ce si sûr que ça ? Au passage il prit deux quotidiens du matin. En attendant la rame, stylo en main, il se plongea dans l'inspection des petites annonces, méticuleusement, craignant de louper l'Annonce, le Poste, sa Chance. Il était tellement absorbé par ce travail qu'il en loupa une rame. Pendant tout le trajet, il poursuivit ses investigations. Son "profil" ne correspondait jamais tout à fait. Dijjërences - N ° 28 - Novembre /983 Il arriva à l'antenne de l'ANPE. Plusieurs files ce matin. On pointe par année d'âge. Son éducation lui faisait trouver désobligeante ce genre de pratique, pas pour lui, mais pour les femmes. Il se souvint que deux mois auparavant deux types en étaient presque venus aux mains: l'un prétendait que l'autre avait voulu resquiller. Comme si on était au cinéma! On était tous embarqués d~lOS la même situation, non? Il se dit aussi que pour un quelconque sentiment de solidarité, il fallait aller chercher ailleurs. Et puis il y avait les employés à qui il n'osait pas trop demander des renseignements. Ils répondaient d'un air de dire « vous ne voyez donc pas que je travaille moi! ». Après avoir fait pointer sa carte, il alla voir les différents panneaux, les différentes listes, mis à la disposition des chômeurs. Rien ne correspondait vraiment, mais par acquit de conscience, il releva quand même trois possibilités. Avec les quatre qu'il avait relevés dans les journaux ce matin cela faisait sept curriculum vitae à expédier avec «lettre manuscrite-photo-et-prétentions » selon la formule consacrée. Craignant de tomber en panne de papier à lettres, il entra dans une papeterie. Conune si on était au cinéma! Il avait hâte de rentrer car il savait combien était longue la rédaction de chaque réponse à une annonce. En fonction de l'emploi auquel il postulait, il convenait de mettre en valeur tel ou tel aspect de son expérience, tel point fort de sa carrière. Il traitait chaque annonce comme un cas particulier. De plus il ne fallait pas trop se presser, faire attention à ne pas faire de rature. Par moment, il se demandait s'il savait se présenter. Il en était même arrivé à en acheter des bouquins du genre Comment rédiger votre curriculum vitae. Il n'y avait trouvé aucun conseil, aucune recette qu'il ne connut point. Il se mit même en colère contre leurs auteurs, sorte d'exploiteurs du désarroi des autres. Avant de rentrer il passa encore au super-marché prendre une tranche de jambon. Il avait renoncé aux petits commerçants auxquels il était habitué, avant. Là, encore il avait l'impression que leur attitude s'était imperceptiblement modifiée. Une fois encore cette sorte d'apitoiement, avec ici une pointe de défiance, d 'hostilité comme si ses billets avaient été faux. Il n'aimait pas les supermarchés, leur musique doucereuse et 15 insipide, leur aspect faussement aseptisé et égalitariste. Mais ici personne ne lui demandait rien, il n'avait pas de regards lourds à supporter. Il rentra juste pour les informations d'une heure. Sur le coin de la table de la cuisine il avala en vitesse sa tranche de jambon, se servit un grand verre d'eau. Et ses jambes qui se remettaient à peser. A la radio un ministre commentait les chiffres du chômage. Il eut l'impression qu'il en parlait comme d'une maladie honteuse qu'on à peine à nommer. Et encore se dit-il, on a plus d'égards pour certains microbes que pour les chômeurs, ceux-là sont toujours les demandeurs d'emplois. Pourtant il y en a deux millions dans ce pays! On parlait d'eux comme des exclus, des immigrés de l'intérieur. Bien sûr le ministre disait qu'il existait des solutions, qu'il fallait créer des emplois. Dfes lapalissades. Allez dire à quelqu'un iJ.ui se noie qu'on a décidé de construire des piscines pour que, demain les enfants apprennent à nager. Lui entendait bien qu'il fallait créer des emplois, mais surtout un emploi, un seul, le sien. Il tourna le bouton, un peu agacé. Autrefois il se serait mis un disque, se serait pris le temps de fumer une bonne pipe. Aujourd'hui non. Il prépara son matériel: papier, enveloppes, stylos, photos. A propos de photos, il faudrait qu'il s'en fasse retirer bientôt d'autres. Et pas de Photomaton, s'il vous plaît. Récemment lors d'un entretien, un recruteur lui avait laissé entendre qu'une photo de Photomaton dévalorisait l'image de marque d'un postulant. Il fallait donc de belles photographies pour mieux se vendre. D'une certaine façon on en revenait au profil. Il était près de cinq heures quand il eut terminé. Il alla jusqu'au bureau de poste et attendit un bon bout de temps pour y être servi. Il se fit d'ailleurs la réflexion que les PTT pourraient engager du personnel, ce qui ferait gagner du temps ... et créerait des emplois. Après les avoir affranchies, il jeta ses lettres à la boîte en croisant les doigts. Sur le chemin du retour, il prit son journal du soir. En marchant il commenca à jeter un coup d'oeil sur les pages de petites annonces, plus nombreuses le mardi. Il n'y avait pas eu de courrier à la distribution de l'après-midi « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles », pensa-t-il. Il était juste en train de se dire qu'il était déjà six heures et qu'il n'avait rien eu le temps de faire aujourd'hui quand il entendit la porte s'ouvrir. Marthe, souriante était là : « Bonsoir, mon chéri, tu as passé une bonne journée ? » l Alain RAUCH V ARGER RENCDNTlf Vénissieux: devant les tours récemment détruites par l'Office HLM. ~ i5 il:
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~~----------~~--------------Charles 11 janvier 2012 à 15:24 (UTC) Marche pour l'égalité .. LES PREMIERS PAS DES MINGUETTES La question n'est pas de savoir qui a dégainé en premier. Quel loubard a donné le premier coup de barre de fer. Quel flic a tiré la première balle de Magnum 357 ... Il faut faire reconnaÎtre la cc seconde génération n L es Minguettes. Un quartier de Vénissieux dans la banlieue de l'Est lyonnais. Plus de 50 % d'immigrés. Effondrée, une tour gît au pied des autres encore debout, les carreaux brisés, vides. Au loin, des usines et des lignes à très haute tension. C'est là qu'habitent Toumi Djaïdja (vingt et un ans), maghrébin de la seconde génération, ses parents et ses six frères et soeurs. Sans travail, petit délinquant qu'une balle dans le ventre tirée en juin dernier par un "maîtrechien" a poussé à s'interroger, à sortir du cycle infernal de la violence. Il est président de l'association S.O.S. Avenir Minguettes qui organise une marche pour l'égalité entre Marseille et Paris jusqu'au 3 décembre prochain. Aux Minguettes, comme dans les autres Z.U.P. de la région (1), 50 % de la population a moins de vingt-cinq ans, presque tous des enfants d'immigrés maghrébins. Fils et filles de ceux appelés en urgence pendant les années de croissance ... A Vaulx-en-Velin, 44 % des chômeurs ont entre seize et vingt-cinq ans. A Bron, Rilleux, St Fons, Decines, Givors, la situation n'est guère plus brillante ... 16 Chez Toumi, les plus jeunes parlent français entre eux et à leur mère. Une maman-gâteau qui roule le couscous audessus de l'évier et dit: « Ah, la mosquée, c'est fini, assieds-toi. Toumi va rentrer du marché aux puces, il est parti acheter quelque chose pour la voiture ». . 1 ssus de milieu rural, les parents de Toumi et leurs semblables sont arrivés nantis d'une culture orale, parlant un arabe dialectal. Le tout n'a pas résisté au choc des grands ensembles. Ils y sont devenus de grands isolés. Déculturation: les enfants n'ont rien à dire à leurs parents ... Ils n'utilisent même plus la même langue. Inter-Service-Migrants de Lyon organise une exposition, la deuxième génération, qui explique tout cela et circule dans les lycées et MJC lyonnais. Scolarisées, les filles épousent avec enthousiasme la relative liberté de leurs camarades françaises de souche. Elles ne veulent plus épouser l'homme du choix de leurs parents, résistent à l'autorité du père et des frères. Les mères se font volontiers "complices". On intrigue entre femmes pour que le père accepte qu'une fille entre en stage, parle aux hommes, soient sous leur regard ... Bon gré, mal gré, les frères se mettent au goût du jour... Eux aussi ont le "cul entre deux chaises", rejetés dans la délinquance par un système scolaire inadéquat et un marché de l'emploi dont l'accueil est plus que réseryé ... M. Marvy, éducateur et formateur à la mission locale de Vaulx-en-Velin dans le cadre du programme 16 - 18 ans mis en place par le ministère de la Formation professionnelle explique : « Ces jeunes ne peuvent acquérir une formation qu'après une solide remise à niveau, sans quoi ils ne peuvent accéder à de véritables stages qualifiants, du reste fort rares ». A Vaulx-en-Velin, la mission a accueilli plus de 1300 jeunes dont 65 % d'origine maghrébine et 20 % des DOM-TOM. La grande majorité n'a pas de CAP, sort de CPPN, sait mal lire et compter. Souvent, de jeunes Maghrébins chaudement recommandés par leur formateur ne passent pas la barre du faciès à l'apprentissage. Mises en place en hâte à la suite de "l'été chaud" de 1981, sept cellules de formation, emploi, loisirs jeunesse fonctionnent grâce aux préfectures et organismes de formation. Objectif: occuper à tout prix ces jeunes, tentés par la délinquance. D epuis 1975, les entrées sur le marché du travail de jeunes issus de parents étrangers non naturalisés assurent aux trois-quart le remplacement simple des travailleurs immigrés quittant le marché du travail (2). Toumi, lui, comme beaucoup de jeunes des Minguettes, quartier devenu tristement célèbre depuis les "rodéos" de juin 1981, ne trouve pas de boulot. Surtout depuis qu'une certaine presse s'est emparée de ce quartier symbole de "la délinquance maghrébine" .. « Dès qu'ils voient notre gueule et Minguettes sur la carte d'identité, on a beau être Français, ils ne nous prennent pas ». Différences - N ° 28 - Novembre 1983 L es laissés-pour-compte du contrat d'aprentissage rejoignent les rangs de ceux que la grande presse se plait à désigner du nom de loubard ... Vous savez, ceux qui font des rodéos! On vole une voiture, on la fait tourner sur elle-même, puis on la brûle. Symbole, s'il en fût, de notre société de consommation en ruines, la voiture brûlée s'étale sur les unes des grands journaux. De graves affrontements ont eu lieu le 21 mars dernier entre CRS et jeunes Maghrébins. Motif: des voleurs poursuivis par une police qui investit les appartements et bousculent les femmes. Coups de barre de fer, tirs de bombes lacrymogènes. M. Grasset, le préfet de police de Lyon se déplace sur les lieux et congédie les deux parties. Un quotidien titre: « Les loubards font la loi ». A la suite de ces affrontements, cinquante jeunes, tous "loubards" font une grève de la faim soutenue par la Cimade. Leurs revendications: les méthodes policières expéditives doivent cesser. La 17 justice doit traiter les jeunes d'origine maghrébine en citoyens égaux en droits. Que valent six mois de prison pour l'assassin du jeune Ahmed Bouteldja contre les six mois de détention préventive infligés à Rachid pour vol à la tire? Parmi les autres revendications : le droit au logement. Au quartier de Monmousseau, quatre-vingts logements sont occupés sur quatre cents. Raisons: les Français de souche quittent les Minguettes dès qu'ils le peuvent et l'office des HLM fait des difficultés aux immigrés pour y entrer. Dans le cadre du projet de rénovation, d'un coût de 22 millions de francs, adopté après "l'été chaud", les six tours qui subsistent devraient être réhabilitées, des espaces verts créés à la place des amas de gravats ; restes des trois tours dynamitées le mois dernier. La grève de la faim a duré dix jours aux termes desquels M. Figeat, envoyé spécial du Premier ministre, bouleversait l 'habituelle donne lyonnaise en provoquant des concertations au niveau préfectoral. Une commission d'enquête rendait un peu plus tard un rapport bien peu élogieux pour les institutions policière et judiciaire. Est-ce pour se faire pardonner ? La police a prêté quatorze mobylettes à de jeunes Maghrébins pour descendre sur la Côte d'azur ... Voir ou revoir la mer ... P our le moment, Toumi, à peine remis de sa blessure ne pense qu'à participer de bout en bout à la Marche pour l'égalité. « On a demandé à François Mitterrand de prononcer un discours historique et de venir à notre rencontre à Paris le 3 décembre » explique Toumi, la Cimade, SOS A venir Minguettes organisent la marche avec le soutien du Mouvement pour une alternative non violente de Lyon et celui, entre autres, du MRAP. L'occasion pour les pouvoirs publics de montrer qu'il n'est pas payant de céder à la pression d'une partie de l'opinion, gagnée par l'idéologie du bouc-émissaire des temps de crise. Cette marche se veut un appel à l'autre opinion publique, celle qui souhaite que Maghrébins et Français coexistent en paix. Depuis qu'il a été blessé, Toumi a du mal à marcher. Il a la jambe un peu raide. On espère qu'il ne se déplacera pas en vain. Et qu'on ne le fera pas marcher... 0 Pauline JACOB (1) La région Centre-Est compte 8,3 % de population étrangère. Elle vient en deuxième position après l'Ile de France (11,7 %) et, avant la Méditerranée (8,5 %). (2) Les travailleurs immigrés par Albano Cordeiro. Supplément aux Cahiers français nO 209. JanvierFévrier 1983 - Le travail ouvrier - Documentation Française. 'C"l z ..: ..J z li: 'C"l 'C"l ~ ~ LesLapons Le peuple du bout de notre monde est en train de changer. .~. :LE-_n_o_n_te_k_io_,_ _e_n_ _F_i_n_l_a nde ~ ______________________ ~ ________________________________________________________ __ 18 , • Différences · N ° 28 - No\'embre 1983 19 u départ, c'était une soirée imprévue chez des amis. « Et si tu venais avec nous faire un raid en Laponie ? ». Hervé, la trentaine baroudeuse, est un passionné de 4 x 4. Depuis six mois il prépare une expédition vers le froid avec deux compagnons, Jean-Michel, mécanicien accompli, Martine aspirante en astro-physique. Deux camions Saviem TP 3. Ce sont ces anciens camions militaires servant de transport de commandos ou d'ambulance, au choix, avant, après. L'un est transformé en luxueux camping-car, l'autre baché kaki sert aux pièces détachées (500 kg). Goût de l'aventure, recherche de la vallée perdue en Laponie, c'est décidé, cap sur le Nord. Dans une ambiance survie, nous voici partis. Devises au minimum imposé, essence au maximum dans les jerricanes, topographie, secourisme, Hervé a tout prévu. C'était compter sans les Indiens ... Dans un 4 x 4la vie est dure. A 80 km/h le vent s'engouffre dans la cabine sans fenêtres. Le moteur bruyant empêche toute discussion. La direction non assistée vogue sur les petites routes sinueuses. Cramponne-toi au volant, bonjour les reins. Nous avons mis six jours pour arriver en Suède, sans arrêts sauf pour s'écrouler le soir, rythmés par les vibrations du moteur. Ereintés, mal lavés, contractés, une seule idée nous soutient, bientôt le sauna. Lacs immenses et forêts de sapins se succèdent. Le long des pistes caillouteuses, des tentes en forme de tipi attendent le touriste. Sagement alignés, peaux de rennes et tambours de sorcier sont surveillés par des lapons aux costumes colorés. La Laponie nous accueille sous un soleil éclatant et une température estivale. Le cercle polaire franchi, nous arrivons à Jokkmokk au nord de la Suède. C'est là le point de départ des touristes en mal de folklore, chasse au saumon, réserves naturelles, camps de Lapons. . Jokkmokk est une petite ville toute en longueur, maisons typiques en bois coloré, jaune, rouge, vert. Personne dans les rues du dimanche. Debouts dans une Ford Mustang, des jeunes passent en hurlant, bouteille de bière à la main. Voilà pour le décor. Pas de temps à perdre, direction le sauna ... Le musée Lapon de Jokkmokk est ouvert le dimanche. C'est là que je rencontre Christine, animatrice au musée. « Je suis Sami, ici on ne dit pas "lapon". Le Sami c'est notre langue, nos traditions, notre mode de vie. Le nomadisme a prati-.' quement disparu, il y a eu complète intégration au système social, mais nous avons conservé nos traditions vivantes dans nos coeurs. » Le nomadisme a pratiquement disparu, mais les traditions sont vivantes au coeur. Ici, le triage des rennes. Sur fond de chamanisme Christine m'entraîne dans l'histoire des Samis. « Notre tradition étant orale, l'histoire de nos origines a toujours éveillé la curiosité des savants. Pour certains, nous venons d'une antique civilisation remontant à la dernière glaciation. Une chose est certaine: à la fin de l'âge de bronze nos ancêtres vivaient déjà de chasse, de pêche, d'élevage de rennes. Leur territoire était immense, allant même au sud jusqu'à la mer Baltique. Nomades, bien ODEURS DE CUISINE Au pays des cèpes Laponie, territoire des chasseurs de gibier, des pêcheurs de saumon, nomadisme oblige. De quoi se lécher les doigts pensent les touristes alléchés par les luxueuses brochures des offices touristiques. Désolé, mais la Laponie a changé. Nourriture made in U.S.A. égale surgelé, emballages cellophane, hygiène, quoi ... Bien sûr avec un peu de chance vous trouverez les Samis. Tels nos Creusois, ils braconnent. Pêche de nuit (500 F) au saumon ou plutôt au brochet, à vous de cuisiner à votre goût, mais ici on les préfère simplement grillés au feu de bois. Assis face aux montagnes, un décor de l'aube des temps. Dans ces forêts immenses, les champignons sont rois. Pour les amateurs, cela tient du miracle. Le long des routes, des sentiers, partout, des cèpes ... à vous de les accomoder. 20 sûr ils respectaient la nature dans leur vie quotidienne. N'oubliez pas que nous sommes un peuple issu des premières nations sur terre. » Répartis sur la Suède, la Finlande, la Norvège, l'URSS, les Samis au fil des siècles et des guerres entre ces Etats ont été déportés, déracinés. De 1909 à 1945, ils ont progressivement abandonné le nomadisme. Barrages hydro-électriques noyant les pâturages, forêts mutilées, depuis trente ans ils ont dû s'organiser pour faire face et sauvegarder leur culture. Il Y a trente ans, mon père est allé à l'école de Jokkmokk pour devenir Suédois. Aujourd'hui j'y vais pour devenir Sami » Christine résume le combat de sa génération. Les quatre-vingt mille Samis parlent neuf dialectes différents et trois langues correspondant à leur ancienne répartition géographique. Au nord les pêcheurs sédentarisés. Au centre, les chasseurs, éleveurs de rennes domestiques, semi-nomades. Au .sud, les éleveurs de rennes sauvages, nomades. Ce sont eux qui ont subi de plein fouet le choc de la civilisation made in Suède. Peu à peu, les trois peuples ont dû s'unifier pour survivre, retrouver leur identité. Dès 1945, ils créaient une école supérieure Sami à Jokkmokk afin de développer l'artisanat et sauvegarder leur culture. Il y a dix ans, le gouvernement fin- Une nouvelle génération unie pour survivre. landais mettait en place une commission pour étudier "le problème lapon". Ses recommandations furent adoptées par le gouvernement en 1973. Elles se traduisirent par l'élection d'une assemblée sami en 1975. Depuis, cette assemblée se réunie régulièrement tous les deux ans. Une des mesures les plus importantes de son activité a été la création d'un Institut supérieur à Kautokieno en Norvège. Cette université travaille sur trois secteurs: langue et culture, information et éducation, lois et environnement. Depuis trois ans les responsables samis ont tenté de résou~re leur principal problème : unifier les langues, mettre au pomt une écriture. «Justement », me dit Christine, « aujourd'hui le projet est réalisé. Nous allons l'annoncer à la Conférence Sami qui s'ouvre dans deux jours à Utsjoki. Là vous trouverez ce que vous cherchez ... » Encore un petit tour de pistes, direction Utsjoki, petit village au Nord de la Finlande. Encore cinq cent kilomètres de cailloux, cahots, rase-fossés, sueurs froides. Après la frontière FinlandeNorvège, une piste sillonne une vallée. Longeant la rivière frontalière, elle mène vers notre objectif mais s'arrête sur la carte à vingt kilomètres d'Utsjoki. Pas de problème avec nos 4 x 4 en mal d'aventure. Hervé s'engage tout heureux, enfin du baroud ... DijFérences - N ° 28 - Novembre 1983 21 Surprise. La piste topographiée fait place à une superbe route. Des petits villages de pêcheurs sont annoncés par des panneaux tout neufs, écrits en Sami. Des enfants jouent devant des maisons de bois r,ouge et jaune. Tranquillement, des rennes traversent la route. Montagnes aux neiges éternelles, rivière s'alanguissant en longs méandres, luminosité exceptionnelle: voilà la vallée perdue. Appuyé sur sa canne, un vieux Sami me regarde. Au détour d'un virage, freinage en catastrophe. Une longue file de voitures arrêtées. Plus loin, un hélicoptère se pose. Le président finlandais Moino Kovisto vient inaugurer la route de la vallée Sami. Brochette d'officiels, fanfare au garde-àvous face aux montagnes, des centaines de Samis aux costumes traditionnels. Le président scie symboliquement une vieille pirogue de pêcheur, une de celles qui reliait précédemment les petits villages isolés. Assis à l'écart appuyé sur sa canne, un vieux Sami me regarde. Il se met à vitupérer en "Franglais" contre les gouvernements nordiques. « Avant nous pêchions le saumon dans cette rivière. Maintenant avec leurs bateaux usines c'est fini pour nous. Après nos terres rachetées pour une bouchée de pain, nos forêts mutilées à jamais ... » A ses côtés, Johnny, couteau à la ceinture (comme tous les Samis), style Lavilliers très prononcé. Johnny est le journaliste du journal sami qui rayonne sur les trois Etats. Sa voix couvre le discours officiel « L'inauguration de cette route, c'est une première mondiale. C'est la victoire de l'unité. Nous avons commencé à prendre la parole, maintenant nous écrivons dans la langue commune. Nous refusons ce mode de vie qui n'est pas le nôtre. Viens donc voir demain au congrès d'Utsjoki ... » Utsjoki, quinze cents habitants en majorité lapons. L'école communale accueille le congrès. Vaste école avec sa discothèque, sa bibliothèque où les ouvrages traditionnels samis côtoient Le Petit Prince ou les Mémoires du général de Gaulle ... L'effervescence règne à l'entrée. Salué par les congressistes, le président Koivisto inaugure la XIIème conférence sami qui va siéger durant quatre jours. Plusieurs centaines de délégués venus de Scandinavie (y compris un Sami soviétique) sont répartis dans deux groupes de travail. Le premier, c'est le Conseil nordique sami qui s'occupe de la mise en place de la langue commune, orthographe et grammaire. Traduction simultanée, bureau de presse, je rencontre un journaliste de Radio Suède Internationale. « En 1983, les Lapons sont le seul groupe indigène européen, et peut-être même mondial, à travailler avec les méthodes les plus modernes. Hélicoptères, scooters de neige, informatique, ils ont une approche très poussée des habitudes occidentales tout en restant fidèles à leur tradition de respect de la nature ». Se basant sur la Déclaration des Droits de l'homme et sur la Conférence Internationale du Travail, le programme politique des Samis est simple. Reconnaissance légale dans chaque pays nordique de la langue sami. Reconnaissance officielle de la société sami et de ses représentants. En accord avec leurs traditions, les Samis sont prêts à travailler pour le maintien de relations pacifiques avec leurs voisins et pour la paix dans le monde. Ouvrez une encyclopédie, au mot "lapon", toute une colAMffO XII KONFERERN. Hors des sentiers battus, à Utsjoki un congrès de l'amitié entre les peuples. lection de clichés touristiques s'envole vers le pays du "soleil de minuit". Un groupe de touristes français "excursionne" le congrès, dérouté par les Samis, vidéo en main. Au bout d'une heure, ils repartent un peu déçus. « Les Lapons sont comme nous» me lance amèrement une brave dame avant de remonter dans son car. Pourtant, tout au long des soirées post-congrès, des activités culturelles sont organisées. Théâtre moderne, sculptures, peintures clament la force de vie d'une civilisation traditionnelle ouverte sur l'avenir. Le principal support de la tradition orale, c'est le Joik. Laissant place à l'improvisation totale, le Joik est une musique, une danse, une histoire évoquant quelqu'un ou quelque chose. De tous temps le Joik était réservé au sorcier chargé d'exorciser les tensions sociales. Aujourd'hui, sur la scène du congrès, anciens conteurs et nouvelle génération se succèdent pour conter la course du soleil ou ItSs déboires du jeune braconnier incarcéré. Longtemps réprimé, pourchassé, l'art du Joik est maintenant enrichi par l'apport de jeunes Samis décidés à sauvegarder l'héritage de leurs ancêtres. A l'écart des touristes, un renouveau culturel s'appuyant sur une lutte sociale et politique est en train de naître. Le congrès d'Utsjoki, c'est aussi le congrès de la fraternité entre les peuples indigènes. Dans la dernière décade de nombreux contacts se sont mis en place avec les autres peuples de la région arctique. En 1973, une conférence réunissait pour la premlere fois Samis d'Europe du Nord, Indiens du Canada, Inuit du Groenland. Cette conférence donnait naissance en 1975 au Conseil Mondial des Peuples Indigènes (voir encadré). Maoris d'Australie, Iroquois, Indiens d'Amérique Centrale, Inuits, tous se retrouvèrent à Utsjoki pour travailler au projet de convention mondiale sur la reconnaissance du droit à l'ethnie nationale indigène dans chaque pays concerné. Ce 22 projet sera soumis aux Nations Unies. Dave Monture, chef des Iroquois, représente l'Assemblée des Premières Nations au congrès d'Utsjoki. « Nous voulons établir des droits collectifs politiques pour arriver à une voie juste et équitable pour les gouvernements comme pour les Indiens. Les constitutions de ces pays sont calquées sur le modèle français datant de la révolution de 1789. C'était l'époque de l'esclavage, aujourd'hui c'est l'époque de la décolonisation ». Sans plumes, jeans, chemise à carreaux, Dave Monture n'a que faire des apparences. « Nous nous référons à nos ancêtres en pratiquant autant de souveraineté et de dignité qu'il nous est permis. Au Canada jusqu'en 1952 nos manifestations traditionnelles étaient interdites (la Danse du Soleil et le Pot Lach). Jusqu'en 1960, nous n'avions pas le droit de vote. Actuellement nous sommes dans une phase d'élaboration d'une nouvelle politique internationale en rapport avec notre rôle dans l'Univers. Ensemble, nous préserverons notre terre, les richesses naturelles, nos traditions pour les futures générations ». L'air décidé, sourire aux lèvres, Johana, jeune responsable sami, est interviewée par une équipe vidéo. « Je suis étudiante en sociologie, et je me sens bien. Notre combat n'a rien de passéiste. Nous défendons nos traditions, notre liberté. Dans le même temps nous participons au développement d'une nouvelle vision planétaire rejetant la guerre. Aujourd'hui nous souhaitons rendre visible nos connections internationales à tous les niveaux et nous unir avec tous les grands courants de penséejouant un rôle important pour la paix et l'unité ». Johana tourne son regard vers les montagnes. Il est neuf heures du soir et le soleil n'en finit pas d'absorber l'horizon dans un ciel aux reflets mauves et or. ' Au coeur de la vallée perdue nous avons rencontré les Samis ces Indiens de l'Europe, fiers de leur histoire ouverte su; l'avenir. Le congrès terminé, nous reprenons la route du raid imprévisible dans ses rencontres. « Le voyage est meilleur que le repos », proverbe lapon. Tout au long de ces 8500 km en camion, nous l'aurons vérifié. [! Bernard BULLIARD J \ Le WCIP est une organisation non gouvernementale représentant directement la majorité des peuples indiens. «Notre organisation est représentée au Conseil Economique et Social des Nations Unies. Elle se compose de cinq régions où vivent plus de 65 millions d'Indiens. Le Sud Pacifique (Australie, Nouvelle Zélande) avec les peuples Maoris. L'Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) où nous avons de très bonnes relations de travail avec le Congrès National des Indiens, organisation américaine très développée, et au Canada avec l'Assemblée des Premières Nations représentant tous les Indiens de ce pays. L'Amérique Centrale, à partir du Mexique jusqu'au Panama, où l'organisation s'appelle Coordination Régionale des Peuples Indiens avec 25 millions d'Indiens, 300 Langues et diaLectes et autant de manières de vivre différentes. L'Amérique du Sud qui va de La CoLombie jusqu'à l'Argentine et représente 35 millions d'Indiens. La cinquième région, enfin, ce sont les Samis. Nous avons égaLement de très bonnes reLations avec les Inuit du GroenLand et de l'Alaska. » Le WCIP a été créé en 1975. La première assemblée eut lieu à Vancouver (Canada) avec la présence de . nombreux délégués dont les Samis. « La lutte des peuples indigènes n'est pas une Lutte pour diviser. Nous sommes en train de développer Les organisations communautaires mondiaLes, régionales, Locales de façon à établir La solidarité avec d'autres groupes qui travaillent pour La vie, pour défendre Le milieu ambiant. En ceLa nous sommes fidèles à nos traditions de respect de La nature, de l'univers. C'est notre axe centraL et ce n'es( pas nouveau. CeLa date des Différences - N° 28 - Novembre 1983 LES INDIENS POUR LA VIE ,",osé Carlos Moralès, Président du WCIP (Conseil Mondial des Peuples Indigènes), représente la tribu des 20 000 Indiens Boruca du Costa Rica. Nous l'avons rencontré lors de la Xllème Conférence Sami qui se tenait au mois d'août à Utsjoki. cinq cents années de colonisation, de discrimination, de racisme envers les indigènes. Le colonialisme est toujours vivant. Réprimant vioLemment, comme au Guatemala, ou se camouflant derrière des procédés diplomatiques, les intrigues, le cynisme. Aujourd'hui Les peuples se réveillent pour défendre Leurs terres, Leurs eaux, Leur espace mais aussi leurs coeurs et Leurs esprits, même leurs gênes. » Axe central du Congrès d'Utsjoki, la solidarité avec les indiens mayas du Guatemala. 23 « C'est avec horreur que nous voyons continuer le brutal génocide mené contre le peuple Maya qui est en majorité au Guatemala. Près de deux cent mille réfugiés au Mexique dans des conditions dramatiques, sans statut. Près de deux cents morts chaque jour. Ce ne sont pas des Russes qui sont tués, comme voudraient le faire croire les gouvernements militaires, mais des Indiens. C'est pourquoi nous en appelons à la solidarité de tous les peuples indigènes. Une déclaration commune vient d'ailleurs d'être prise au congrès d'Utsjoki, elle appuie les propositions de la Contadora et demande la détente dans la course aux armements des grands pays. » Le WCIP face à l'affrontement Est-Ouest: « Actuellement en Amérique Centrale nous avons l'intervention directe des Etats-Unis, soi-disant pour se défendre de l'intervention soviétique. Il s'agit là d'une politique provocatrice. En attendant ce sont les Indiens qui sont massacrés au Guatemala et ceux qui combattent pour la libération ne sont pas des russes, ce sont nos peuples. il y a une grande menace de guerre entre l'Est et l'Ouest et c'est notre intérêt immédiat de nous organiser afin d'émettre une idéologie conforme à notre façon de vivre en tant que peuples indiens. En tant que premières nations sur cette terre, nous avons préservé d'importantes valeurs traditionnelles. C'est cette force de paix que nous pouvons apporter au monde en construction, celui de la solidarité, des peuples autonomes libérés de la domination matérielle et psychologique des autres. Si les gouvernements ne cherchent pas ensemble une solution pacifique immédiate, la guerre viendra tout de suite. Voilà pourquoi nous voulons chercher l'alternative pacifique. Nous avons très peu de relations avec votre pays et j'espère que cette situation changera dans les prochains mois. Nous tenons à établir des liens avec les organisations solidaires du mouvement des peuples indiens, échanger des expériences, des rapports afin que les Européens connaissent directement la situation de nos peuples. Enfin nous pensons établir des liens avec le gouvernement français, car il peut appuyer beaucoup de décisions politiques au niveau de l'Amérique Centrale. » 0 !CUlTURES' ---Musique noire Griots antillais? Les origines africaines du Gro-ka E GRO-KA, musique populaire L guadeloupéenne, occupe une place de choix dans le patrimoine culturel de l'île. C'est elle qui a le mieux résisté à travers le temps. Les esclaves venus d'Afrique se sont réfugiés dans cette danse tout comme les Noirs brésiliens dans le candomblé. La persistance du culte chez les esclaves, la connaissance de l'histoire des ancêtres, en un mot la mémoire collective permirent de résister et de supporter l'exil. Ici même, à Paris, les représentants de cet art, ambassadeurs de la culture NégroAfricaine, prouvent que le Nègre n 'a pas toujours besoin de l'écriture pour exprimer sa créativité. Parmi ces groupes, Mandingue-Ka dont l'inspiration provient directement d 'une tribu guerrière africaine, seul reste de l'empire du Mandingue et du Ka (percussion de la musique populaire guadeloupéenne). Vibration Ka-Tam est un groupe de la nouvelle génération. Leur vision est assez particulière dans l'espace musical Négro-Africain . Leur préoccupation principale, c'est de rechercher un nouveau style qui s'apparente au blues et au :ii . 0 jazz. '" ~ . CY Pour en savoir plus sur le Gro-Ka, je z \ . suis allé sur place questionner deux.~ groupes, respectivement Roots-Africa L ______________________________ -l (Gwadloup ka lévé), dont l'animateur est Jimmy Blanche et X 7 Nouvelle Dimension, animé par E. Cosaque. Tout d 'abord que veut dire "RootsAfrica" ? Et dans quelles circonstances le groupe s'est-il créé? Jimmy Blanche: Roots-Africa veut dire racines, c'est-à-dire retour aux sources, à l'Afrique la terre mère, nos origines à nous tous, qui sommes immigrés, à l'étranger, même s'il y a des Antillais et autres qui ne, veulent pas l'accepter. Le groupe s'est créé, il y a environ deux ans et demi. Pourquoi ce retour aux sources à tout prix? J .B. : Parce que un peuple qui ne connait pas sa culture, son histoire, ses sources, ses origines comme on dit, est un peuple mort et qui ne le sait pas. 24 Roots-Africa veut donner une nouvelle dynamique au peuple antillais, en com" mençant par l'éduquer, et en lui communiquant son histoire, histoire de l'esclavage. Sa culture, sa langue: le créole. Voilà une des tâches fondamentales à laquelle l'artiste doit s'attacher, c'est peut-être prétentieux, mais c'est à cette entreprise que mon groupe et moi-même s'attachent. Une africanité retrouvée en quelque sorte .. . Eric Cosaque, de retour à Paris, est l'un des pionniers du gro-ka moderne, avec à son actif près d'une dizaine de disques. Un animateur confirmé dans sa spécialité. Quand et dans quelle condition êtesvous venu à la musique ? Eric Cosaque: Depuis l'âge de seize ans, je pratique concrètement cet art. J'ai été connu seulement à vingt-deux ans, maintenant j'en ai trente et un, je suis un fils du peuple, élevé dans les quartiers populaires de la Guadeloupe, confronté aux réalités sociales de mon peuple. C'est dans ces conditions que ma conscience culturelle négro-africaine s'est forgée. Que dites-vous dans vos chansons? E.C. : Je parle des réalités sociales, de la misère, du racisme, de l'oppression et de l'exploitation, des conditions de vie aux Antilles aujourd'hui. Je fais de la musique qu'on peut écouter et danser, je parle de la vie tout simplement, des choses gaies. Je suis chanteur, auteurcompositeur, je m'efforce à ce que mes textes soient sérieux. Mon souci premier est la revalorisation de nos valeurs ancestrales. Quel est votre style ? E.C. : . Gro-Ka ancien, Gro-Ka moderne, recherche, etc. Evidemment je m'appuie sur le Gro-Ka ancien tout en recherchant un nouveau style dans l'espoir de faire avancer cet art. Mes quinze années d'expérience et de travail assidu m'encouragent à persévérer dans cette voie. Sans oublier les voyages que j'ai effectués en Afrique: les recherches sur le terrain se sont révélées très bénéfiques. La thèse qui consistait à dire que le GroKa est une musique de sauvage, à votre avis persiste-elle à nos jours ? ECLAIR NOIR. Funk, Rap, Rock, Reggae, Soul Music et Afro Beat ... Il y a tout ça dans l'émission de William Pin ville et bien plus encore, des reportages sur les communautés black, les grandes fêtes, des annonces de concerts sympas, de nombreux invités, bientôt: Manu Di Bango, Touré Kunda, M'Bamina, Apartheid Not. Flash Black ? Un éclair noir dans votre vie tous les samedis soirs. 0 V.B. Flash Black sur T.S.F. 93 MHZ. NEW-LOOK. Autour d'Alan Silva et de Jo Maka, on apprend la musique à l'Institut Art Culture Perception, avec des méthodes new look propres à l'enseignement de la musique Différences - N ° 28 - Novembre 1983 E.C. : Le Gro-Ka est une expression artistique qui a été développée de l'esclavage à nos jours, une musique dans laquelle sont utilisées des voix accompagnées par des tambours, jouant des rythmes précis arrachés à des civilisations de l'oralité. Les nègres n'ont pas eu besoin des modèles importés pour exprimer leur art. Le Gro-Ka était et est toujours une manifestation de résistance contre l'oppression. C'est la musique qui a été créée par les esclaves venus d'Afrique, donc à partir des tambours, et qui s'est adaptée à l'exil. Vous avez été en Afrique, vous portez des boubous africains et chantez en créole. Comment peut-on vous situer : chanteur traditionnel, folklorique, engage, .•..? LUTH. Musicien tunisien dont le maître à jouer a été le grand luthiste arabe Ali Sriti, auteur de plusieurs musiques de film, Anouar Braham est depuis octobre 1982 résident boursier à la Cité Internationale des Arts. Appelé à se produire dans divers pays notamment en Tunisie (festival de Carthage), en Yougoslavie (festival de Dubrovnick) et en France (UNESCO à Paris, festival de Bourges, festival d'Avignon), il vient de jouer l'hiver dernier pour Thalassa l'un des ballets du XXe siècle de Maurice Béjart. E.C. : Depuis longtemps j'ai choisi le retour aux sources. J'entends par là redonner ses lettres de noblesse au gros apport africain : la culture antillaise, toute la société d'ailleurs, sont marquées par ce fait inéluctable. Je suis un chanteur qui refuse le concept de folklore, le '" doudouisme. Je ne me réfère pas aux ~ modèles ni aux partis politiques quels qu'ils soient. La polémique n'est pas de rigueur dans ma démarche, j'ai d'autres préoccupations : celle de communiquer « Le chant étant l'expression même de la musique arabe et de la poésie, je vais à contre-courant en voulant faire de la musique intrumentale, nous a t-il confié. Aujourd'hui, je donne des concerts de luth avec mes propres compositions. Ma musique est très liée à l'émotion, elle est beaucoup plus physique, qu'intellectuelle. Je lui consacre une part essentielle de ma vie, de mon imaginaire. C'est ma façon d'être, de m'exprimer. La musique arabe, laisse une grande liberté à l'interprète, c'est une tradition musicale liée à la création. Un peu comme le jazz qui s'est toujours affirmé comme un élan créateur, c'est ce quifait sa force, sa beauté, son importance. un message au monde, message de liberté et de justice et de paix. Ce que je puis vous dire c'est que mon public apprécie mon travail. On va jusqu'à me donner la réputation de griot antillais. Quels sont vos projets immédiats ? E.C. : J'ai été très encouragé par mon disque « Chin a koun'ta kin'té ». Vont suivre bientôt deux nouveaux 45 tours : « L'arme de défense du peuple guadéloupéen » et « Musique nationale pour la Guadeloupe ». 0 Propos recueillis par V.L. MATHIAS improvisée, sur la base de l'alternance d'un travail collectif et du développement de la créativité personnelle. 0 lA CP - 93, rue Oberkampf 75011 Paris Tél. : 806.53.33. ROOTS. Du reggae dans la grande tradition, Yaya Az le Rastaman chante la lutte, l'espoir et l'amour entre les peuples, ça roule bien, c'est très sobre. Aux percussions Harry T, le percu de Jimmy Clift et Alvin Haughton, celui de Rita Marley, dont il faut noter la participation ainsi que celle des choristes de Light of Love. C'est très "Roots", l'Afrique est là partout, de sa chaleur et de ses couleurs. 0 D.C. 25 Il n 'y a que les cultures fragiles qui n'osent pas aller au-devant des autres. Par essence la culture arabe est une invitation au voyage, car elle a des racines profondes. A l'époque de la communication de masse, paradoxalement la vie artistique se drape d'un certain racisme, d'un certain nationalisme. En fait ce dont j'ai le plus peur, c'est de l'attente de l'exotisme de la part du public occidental. En ce moment je prépare une musique pour un film sur la calligraphie arabe et indienne, c'est pour moi l'occasion d'une réflexion profonde. En tant que compositeur arabe et tunisien, j'aime par exemple beaucoup la musique iranienne, mais aussi Mozart et Verdi. Je me retrouve dans tout cela, j'accepte tout, puis je fais mes choix. » LJ Propos recueillis par Julien BOAZ CULTURES
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GRIS. Une écriture théâtrale très liée à l'histoire de ses auteurs dans une France occupée par les « verts de gris» en 1944, puis à travers une Allemagne de l'après-guerre, en ruine, sans maquillage et coupable de Baden-Baden à Francfort. En effet, Jean Wenzel est né à St Etienne d 'un père déserteur de la Wehrmacht et Bernard Bloch est fils d'un juif allemand rescapé du régime nazi. Il s'agit d'une véritable quête du père, dans une Allemagne où nous parviennent encore les échos des fifres et des tambourins qui scandaient les pas d 'Hitler à Nuremberg. Le pouvoir du théâtre est infini, les preuves s'accumulent, sur la scène de Vater Land renaît l'Allemagne de Spartakus et de Toiler, celle d'Otto Dix, de ·Grozz et de Raoul Hausman. L'Allemagne des expressionnistes, l'Allemagne dégénérée, disait Goebbels. Un spectacle où le gris domine, tout comme dans la France d'aujourd'hui, où l'on n'en finit jamais de faire entendre à son père cette simple vérité : « Je suis ton fils. » [ j D.C. Vater Land, le pays de nos pères de Jean-Paul Wenzel et Bernard Bloch à la Cartoucherie de Vincennes. LES PARAVENTS. Les coups de feu claquent, les campagnes brûlent, les colons tremblent derrière Les Paravents où le mot de France s'écrit en lettre de feu. Entré en guerre du côté des Algériens, Jean Genet n'a, paraît-il, jamais voulu faire une pièce sur le colonianisme. Les Paravents sont pourtant ceux des bordels, des écoles, des hôpitaux, de la gendarmerie et de l'armée, à l'ombre desquels continue de se jouer l'exploitation de tout un peuple. Comparable à un vaisseau en haute mer Les Paravents, c'est d'abord une histoire d'amour entre Saïd et Leïla, avec les mots implacables de la haine, du mépris et de la trahison. Où les morts, les mouches et la merde de la situation coloniale remontent à la surface, à mesure que se répandent les obscénités sur le dos de "l'amère Patrie". Chef d'oeuvre poétique, l'écriture de Jean Genet est à.la France, ce que celle d'i\.ristophane était à Athènes. Mise en scène par Patrice Chéreau, elle expose d'elle-même et nous enveloppe littéralement autant côté cour que côté jardin. [j c.. '«" Les Paravents de Jean Genet, //lise en scène de Patrice Chéreau au Théâtre des Amandiers. LES ISLES. Lors d'une fête familiale, deux femmes martiniquaises âgées se confient, doucement complices ou aigrement critiques, les évènements intimes de leur passé. Maman N. (Mariann Mathéus) est une «négresse d'origine prolétarienne» à l'intelligence vive et au franc-parler. Maman F. (Myrrha Donzenac) est une « mûlatresse instruite» à la modestie un peu fausse, mais douée d'un sens poétique certain. Leurs propos, fleuris de nuances et variations subtiles sur la couleur de la peau, illustrent ce "complexe" présent à tous les degrés de la vie antillaise, en même temps qu'ils reflètent une société quasi matriarcale. A partir de récits qu'elles ont recueillis et adaptés avec l'ethnologue martiniquaise Ina Césaire et mis en scène avec JeanClaude Penchenat, Myrrha Donzenac, comédienne martiniquaise du Théâtre du Campanol, et Mariann Mathéus , chanteuse guadéloupéenne du groupe de Toto Bissainthe, communiquent l'enfermement, mais aussi la joie de vivre d'une génération dont l'enfance était proche encore du temps de l'esclavage. Maman N., toute force et pétulance - saluons la première prestation de Mariann Mathéus en tant que comédienne - et Maman F., toute finesse et humour, accordent ici deux talents complémentaires. Evitant le piège du folklore - la musique est néanmoins présente derrière une véranda aux éclairages changeants de ciels tropicaux (décor d'André Acquart) - Mémoires d'Isles a été présenté au Premier festival Rencontres de Mémoires et de Cultures Populaires de Châtenay-Malabry en septembre 1983. 0 Annick CAMPRASSE 26 Jusqu'au 13, Mémuires d'Isles - au Théâtre de la Cité Universitaire d'Antony (Hauts de Seine). Les 25 et 26 novembre au Théâtre du Val de Gally à Villepreux (Yvelines), le 10 décembre au Centre Culturel de Yerres (Essonne) et courant décembre en Guadeloupe eI NlarlÎnÎque. l' 0 Rens. et réservations au Théâtre du Campagnol, tél. (1) 661.14.27. ___ Lectures __ _ LES GADGÉ S • . Véritable anthropologie penchée sur quelques os arrachés à la terre, tout est matière à la quête de l'identité d'un peuple dans le livre de Jacques Sigot, sous forme de chroniques, de documents administratifs, de fragments d'un journal de bord. I! s'agissait sans doute de faire revivre l'image de ceux qui, gens du voyage entre 1940 et 1945, ont été internés derrière les barbelés du stalag de MontreuilBellay, à la croisée du Maine-et-Loire et de la Vienne. Tout le contexte d'un passé humiliant est restitué, à commencer par la façon dont les tsiganes sont vus par les Gadgés (1), à coups d'interdictions de stationnement, de circulation et pour finir d'internement. Il y est surtout question des aspects de l'enfermement, de menus qui crient famine, de la médecine et des soins incapables d'endiguer la gale, de l'école, de la mort, et bien sûr de la poésie de la détresse humaine: « Non la liberté c'est chose belle qui règne au coeur de l'homme même s'il est seul enchaîné c'est le soleil de notre âme que Vichy n'arrive pas à voiler» (Tikno Adj am) Démarche imprégnée d'une profonde tendresse, c'est un livre qui prône le respect et l'amour envers tous sans exception. C D.C. (1) Gadgé : pluriel de gadgo, nom donné par les tsiganes aux non-tsiganes Un camp pour les Tsiganes et les autres, de Jacques Sigot. Ed. Wallada. NEIGE. Une bien belle histoire pour les petits que celle d'Apoutsiak l'Esquimau. Entre la pêche, la chasse aux phoques et à l'ours, on découvre tout l'univers de la banquise et l'aurore boréale, c'est très très frais. [j Apoutsiak, le petit flocon de neige, par Paul-Emile Victor - Les Albums du père Castor, chez Flammarion dEAN SENAC, LE POÈTE ASSASSINÉ « Si tu n'es pas belle comme un comité de gestion Comme l'abolition u es belle ~~ T comme un " comité de gestion », c'est ainsi que s'agissant de la Révolution algérienne, Jean Senac s'exprimait. Lui le berger d'une parol~ neuve (1). . Lui le chantre pied-noir q~i s'est identifié à la longue et interminable poésie du pays libéré, étouffé par la haine et l'intolérance . Lui le "roumi", le "pédé", "l'infidèle", si impatient de dire et de témoigner: Dans cette ville la jeunesse est un crime l'intelligence est un crime ... la médiocrité est la seule loi ... poésie battue jusqu'au sang (2) Lui qui écrivait en 1954, « L'orgueil, l'aveuglement des Européens d'ici est insensé. Il n 'y a rien à attendre d'eux, rien. II faut les placer devant le fait établi et leur donner à choisir: l'Algérie ou le départ » (3) Admirateur du Gide des 'Nourritures terrestres" et du Camus des "N oces", il sera victime du fanatisme, le 30 août 1973 au coeur d'un splendide été nord-africain, tout comme Pasolini dans un autre contexte. de la peine de mort Comme Bella Akhmadouline Et comme son fils aux entraves Comme les foules confiantes de Diaz Ojeda Si tu n'es pas belle comme la jeune fille fJeuhle des fresques du Tassili Comme la Dame d'Elche Comme Aicha illé illé Quand le tambour frappe à Maïtlili ... Si tu n'es pas belle comme le jour qui hésite encore entre le jour et le jour, Si tu n'es pas belle comme une rose, Vivre, pourquoi ? » (4) U Daniel CHAPUT (1) Tahar Ben Jelloun (2) extrait de Dérisions et Vertige (3) Journal de 1954, inédit de Jean Senac Jean Sénac, Dérisions et Vertige. La poésie exigeante d'un poète algérien. Actes Sud. Jean-Pierre Peroncel-Hugoz, Assassinat d'un poète. Editions du Quai. (4) Citoyens de beauté Radio Beur, 98.5 MHZ GOUTEZI TU 217 93 00 Un carrefour qui revendique plus le droit à l'interférence que le droit à la différence: l'équipe de Radio Beur nous expose ici ses projets. L e projet Radio Beur s'inscrit dans ce cadre avec un objectif central et prioritaire : prendre la parole et la véhiculer en tant qu'expression de nous-mêmes, « sujet du désir et non objet du désir de l'autre ». Radio Beur est animée actuellement par une trentaine de jeunes issus de la seconde génération de différentes nationalités. N'ayant ni terroir, ni Eldorado, pour nous il n'existe pas de retour. Plus qu'un pays, plus qu'une origine, nous revendiquons un espace social et culturel. Radio Beur doit être le moteur d'une promotion culturelle populaire réelle. Les médias ont un rôle considérable à 27 jouer dans la lutte contre la haine raciale. Face à la montée du racisme et de la xénophobie, Radio Beur propose la création sur Paris et la banlieue d'un collectif Radio against Racisme, dont le but essentiel est d'appuyer toutes les initiatives antiracistes , par exemple la Marche pour l'Egalité qui se poursuit en ce moment même. Nous avons la volonté de créer le front le plus large et le plus uni possible. Cette initiative n'est pas un "coup" . L'enjeu est tout autre, des médailles ne seront pas distribuées, ce n'est pas une initiative "bonne conscience", si l'on était présomptueux, on pourrait qualifier cette initiative d'intérêt public, un intérêt qui porterait des radios à la démocratie et à la liberté. lJ L'équipe de Radio Beur Coordination: Fréquence Montmartre cio Patrick - 259.66.07 Radio Beur cio Salah - 287.50.20 Radio Beur. BP 71. 93102 Montreuil Cedex. Tél. : 287.93.00 '.l,zJt)eii - m,ltoqllinetùz - ',lC5 llxcdll6il pt:!lIt CltallSSlllltG impoti - expt:!tt tnataia ~ ho~ Jtl'/Zosilaiuz hdg,'gfU ,WiOflS ~t ,tat/~it~ 28, tII~ JII tem·p/~ palis 75000 CUIRS & PEAUX FOURNITURES ttNERALES POUR CHAUSSURES l Les Spécialistes de Moutons et Chèvres 85, ~ue Julien-Lacroix - 75020 PARIS - TéL 63653-18 - 636.81.39 1 COMMISSION • EXPORTATION Ets PAULA BRIHO Prêt-à-Porter féminin 237 rue St Denis 75002 Paris - Tél. : 508.03.34 IMPRIMERIE AZOUZ ETS WEINER 149-151, Quai de la gare 75013 - PARIS 28 . 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Il a appris - entre autre - le suédois, le norvégien, le japonais, l'africans, ... et vient de se mettre au lep cha (une langue de Sikkim, un état indien). Une passion vécue dès l'âge de douze ans. En tombant sur une grammaire comparée des langues indo-européennes et en reconstituant le verbe ... être. Différences: Comment est-il possible d'intégrer en soi la connaissance et la pratique d'autant de langues? A. Winogradsky: A priori, on n'a aucune idée de ce que signifient. .. quarante langues; c'est pour ça que je n'aime pas qu'on dise que je les "connais". Disons que je les manipule assez bien. Le polyglotisme fonctionne par utilisations ponctuelles. Quand un traducteur travaille sur dix pages par jour, imaginez la dérision, par rapport aux tonnes de paperasses du Conseil de l'Europe, de l'ONU, de l'UNESCO, etc. et des trois mille langues qui existent sur terre. Une des choses qu'on apprend d'évidence par la pratique des langues, c'est sa propre limitation face à la personne qui vous parle dans la sienne propre. Car ce qui se véhicule à travers "sa" langue c'est toute une expérience humaine et affective. Il faudrait, par exemple, résider quinze ou vingt ans au Japon pour pouvoir lire de A à Z un grand journal du soir de ce pays. Il y a des conceptions et des différenciations - sociales, sexuelles, culturelles - qui jouent beaucoup à l'intérieur de certaines langues ; surtout celles d'Asie. Mais ce qui est frappant, c'est que du Pamir - du côté de l'Himalaya - jusqu'à l'Islande, il s'agit quasiment, à l'origine, de la même langue. Une unité Différences - N° 28 - Novembre 1983 de substrat avec des scissions permanentes. Evidemment, on n'a absolument aucune conscience de cela quand nous parlons. Différences : Et cette immense difficulté de la majorité des individus à aborder "l'étrangeté", la différence, d'une autre langue que la sienne ? A. Winogradsky : Particulièrement en France où on est très casanier. Ce qui a sans doute beaucoup nui - au-delà de sa signification historique - c'est cette volonté de la Révolution française d'unification avec centralisation sur Paris. Là, on avait déjà oublié qu'il y avait des langues minoritaires sur le territoire. D'où une grande perte de la différence et de la pluralité. Nous avons une conscience étatisée de la langue. En français, quand nous disons qu'une chose est verte, il faut qu'elle le soit. Mais en breton ou en gallois, vert et bleu, c'est le même mot. Car la mer est tantôt verte, tantôt bleue. Ce n'est pas une boutade; la manière de percevoir la réalité à travers des dispositions sémantiques particulières est différente. Et ça, c'est quelque chose que nous ne voulons pas voir. Différences ; On entre là dans la notion d'impérialisme linguistique ... A. Winogradsky : Il ya toujours eu une fascination du pouvoir: établir une relation de puissance par et dans la langue. Que l'on prenne l'espagnol en Amérique du Sud ou le russe après la révolution dans sa conquête vers l'Est. Quand on pense qu'une langue mongole comme le yakoute est écrite en caractères cyrilliques ... Ça manifeste quelque chose de l'impéralisme. Idem pour le français que parle la moitié de l'Afrique. Aux EtatsUnis, des· gens sont arrivés avec toutes les variétés'" des langues du monde. Aujourd'hui, au bout de deux ou trois générations, c'est quasi fini. Au point de voir quelqu'un de famille polonaise confondre avec sa langue parentale en entendant parler russe. Le phénomène Dallas couvrant la totalité du territoire américain créé un mode de pensée qui anéantit aussi les langues minoritaires. 29 Alexandre Winogradsky Différences : Serions-nous en train de quitter la vieille Tour de Babel ou d y replonger de plus belle, mais d'une autre façon? A. Winogradsky : Aujourd'hui il y a un mythe de l'inter-communicabilité à travers l'accès de deux ou trois langues de civilisation (l'anglais, l'allemand, le français) ... de quelques langues qui permettraient d'un chemin à l'autre de la planète de s'exprimer. Mais Babel n'est pas un mythe. Si au niveau théologique, c'est sans doute une malédiction, au niveau étymologique (une racine summérienne) cela signifie: "confusion" ; un mot bien de notre époque. D FORMES. L'amateur d'art saluera la parution de cette dixième édition, 1983/1984, dont on doit l'essentiel à l'énergie et à la volonté de Patrick Sermadiras. \ Feuilleter cet annuaire, c'est voyager le monde, celui des couleurs et des formes, de l'art académique aux expressions contemporaines, de la peinture naïve à un art qui se perd, celui de l'enluminure. C'est non seulement découvrir des artistes méconnus, mais aussi les oeuvres les plus représentatives des peintres choisis par les galeries provinciales les plus réputées. D Annuaire de ['Art international, Ed. Sermadiras - Paris. --La guerre d'Algérie et le cinémafrançais-- SILENCE, ON NE TOURNE PAS Vingt-neuf ans après le déclenchement de la lutte d'indépendance, les films qui lui sont consacrés restent peu nombreux e l'insurrection de novembre D 54 aux Accords d'Evian en 1962, la guerre d'Algérie a duré huit ans. Huit années où l'on ment aux Français, en appelant« pacification» la guerre menée contre le peuple algérien. La France sortait de la guerre d'Indochine, on pouvait penser que le cinéma français, à l'instar de ce que faisaient les Américains, évoquerait cette guerre achevée, faute de parler, à mots et images découverts, de la guerre en train de se faire. Seul un film, pourtant, en 1958, Hiroshima mon amour (d'Alain Resnais et Marguerite Duras) peut être considéré, écrit Françoise Audé (1), comme le film de «la mauvaise conscience de l'Algérie. Affirmer: tu n'as rien vu à Hiroshima au moment où il était insupportable que personne ne voie rien en Algérie, avait un sens ( ... ) il faudrait bien que se produise l'instant où le corps social français cesserait de se sentir, d'être, loin de l'Algérie ». Rares sont les films commerciaux de l'époque désignant nommément le pays où la France fait la guerre. Ni Les tricheurs (1958) ni leurs cousins, pas plus que la première nouvelle vague, ne parlent des « événements d'Algérie ». Trois films pourtant: Le petit soldat de Jean Luc Godard, Le combat dans l'île (1962) de Alain Cavalier et Cléo de cinq à sept d'Agnès Varda. Agent secret français poursuivi et torturé par un réseau ennemi, le héros de Godard ne plait ni à la censure politique ni aux distributeurs: tourné en 1960, le film restera dans les placards jusqu'en 1963. Godard exilé Certains cinéastes en âge de faire leur service se sont exilés: Godard en Suisse, Jean-Marie Straub en Allemagne. Le Manifeste des 121 qui soutient « ceux qui refusent de prendre les armes contre le peuple algérien» et affirme que « la cause du peuple algérien qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial est la cause de tous les hommes libres» (2), est signé par : Alain Resnais, Marguerite Duras, Florence Malraux, Claude Sautet, Simone Signoret, Jean-Louis Bory ... Le cinéma participe aussi à cette résistance de l'intérieur. Un circuit parallèle s'organise: les ciné-clubs, les syndicats, des mouvements montrent des films venus des maquis algériens (3), ou produits par des comités, ainsi Octobre à Paris produit par Vérité et Liberté et le comité Maurice Audin (Audin «disparu » comme déserteur selon l'armée française, mort en réalité sous la torture, est le héros de La question de L. Heynneman, 1976). La guerre finie, la censure dure encore. Robert Enrico voit son film La belle vie attendre un an pour sortir amputé. pourtant on commence à parler. Muriel d'Alain Resnais met en scène un jeune homme, de retour de l'armée, obsédé par le souvenir d'une jeune fille torturée. Il se projette les petits films qu'il a fait là-bas, il chausse des lunettes qui lui font en permanence des yeux grand ouverts, comme pour signifier de manière convulsive que l'ère du mensonge où l'on ne devait rien voir est finie. Le pays de nulle part Longtemps encore pourtant, l'Algérie reste le pays de nulle part que chante Pierre Tisserand dans Avoir vingt ans dans les Aurès de René Vautier qui douze ans après, vient de passer à la TV. La guerre d'Algérie, «refoulée» des écrans officiels, commence à se nommer à partir des 'années 70. R.A.S. d'Yves Boisset, souligne les contradictions d'une partie de la gauche. A cette époque aussi, des films documentaires évoquent l'Algérie, images d'archives et interviews contemporaines à l'appui, Français, si vous saviez, par exemple. Il est déjà important que de tels films existent avec leurs limites, mais à ce jour un vrai travail documentaire 30 reste à faire qui ne soit plus dominé par la figure conciliatrice de De Gaulle. Souci de réconciliation et de réhabilitation apparaissent dans deux films d'inspiration différente : Le complot de R. Gainville, qui veut rabibocher les égarés de tout poil, OAS ou commandant de harkis. L'autre, c'est L'Honneur d'un capitaine dont J .P. Garcia, dans Différences (n 0 17) vous a dit tout le mal qu'il fallait en penser, à un moment où l'on veut donner une retraite décente à d'anciens tortionnaires. L'Algérie, côté pieds noirs, apparaît dans le cinéma français depuis peu. Du côté des libéraux avec Certaines nouvelles de J. Davila, des petits blancs avec le Coup de sirocco. Mais dans ce film, les Algériens sont curieusement absents. L'action de Liberty belle de P. Kané, dernier en date, se situe en 1959. Le réalisateur ne reconstitue pas, il implante son héros dans ces années où les fascistes viennent cogner à la porte des lycées, où des intellectuels s'engagent dans les réseaux d'aide au FLN, où les étudiants qui interrompent leurs études se voient immédiatement envoyés à l'armée. A Julien qui déclare : «je ne la ferai pas, trois ans de ma vie pas question », son camarade répond «typique de l'anarchisme petit bourgeois ». Kané reprend les débats de l'époque, non pour les illustrer au cinéma, mais parce qu'ils font partie de l'apprentissage de son héros. Et, si l~ film dérape à la fin, c'est un défaut de mise en scène et non une falsification de l'histoire. D'autres films sont en préparation sur ces années soixante. On espère que l'époque et les producteurs voudront bien les laisser naître. 0 Christiane DANCIE (1) Cinémodèles, cinéma d'elles L'Age d'Homme éditeur. (2) La nostalgie n'est plus ce qu'elle était S. Signoret - Le Seuil (3) 1.P, Jeancolas : Le cinéma des Français Stock, ---Cinémois __ _ Rue Cases-Nègres a déferlé comme un ouragan sur les Antilles. Près de 200.000 spectateurs. Record absolu de recettes pour un film dans les DOM. Mieux que E. T., et de loin. Euzhan Paley a su donner à voir aux Antillais les images authentiques qu'ils attendaient. D'autres films poursuivent une carrière . cinématographique plus qu'honorable, d'autres oeuvres qui sont diffusées en province, de longs mois après Paris, souvent, trop souvent. Citons-les pour mémoire car leur contenu est riche d'expressions différentes. Furyo de Nagisha Oshima, La ultima cena de T. Gutierrez Alea, Le roi des Singes de Wan Lai Ming, La ballade de Narayama de Shohei Imamura, Ludwig de Luchino Visconti, diffusé enfin dans sa version intégrale. Poussière d'empire, enfin. Cette année avait débuté sous les tristes auspices d'un cinéma français qui cherchait les racines du succès dans d'insipides comédies policières. Lâm-Lê; dans Poussière d'empire, son premier long métrage, vient de révéler ce qu'il y a de meilleur - pour moi - dans la production française de -ces dernières années. Poussière d'empire tourné entre France et Vietnam accorde, symboliquement, un temps important de son scénario à un long voyage en paquebot, transition frelatée qui signifie l'exil pour les uns, le retour à la "mère patrie" pour les autres. Poussière d'empire est l'histoire d'un message qu'un combattant vietnamien veut faire passer à sa femme, poème populaire, poème d'amour pour lui dire qu'il est vivant, pour lui dire de l'attendre. De mains en mains, d'années en années, le message ne parviendra finalement qu'au bout de deux guerres, qu'au bout de deux vies. C'est la jeune fille des années 1980 qui retournera au pays de ses parents. Inutile d'essayer de dire ce film où chaque image est symbole, inutile de dire la richesse de la mise en scène, inutile de dire le message de paix, sublime et désespéré, que porte en lui Lâm-Lê. Il faut voir Poussière d'empire et pénétrer dans ce film avec pudeur et enthousiasme. Novembre nous annonce de doux plaisirs cinématographiques : Le voleur de bicyclette de Vittorio de Sica, Les joueurs d'échec de Satyajit Ray, Les Princes de Tony Gatlif, et surtout Les trois couronnes du matelot de Raoul Ruiz. Cl Jean-Pierre GARCIA Différences - N ° 28 - Novembre 1983 LES PRINCES Tony Gatlif, un Gitan de trente-cinq ans a réalisé Les Princes, qui sort en novembre sur les écrans. C'est la première fois qu'un film sur les Gitans est fait par un Gitan. Voici ce qu'il en dit. ai appelé mon film Les Princes J ' car pour moi, les Tziganes en sont. Le Gitan est quelqu'un qui n'a pas honte de son identité, qui la revendique comme telle. Même pauvres, même rejetés, nous gardons à l'intérieur de nous-mêmes quelque chose de princier, une certaine fierté à être et à vivre ainsi. Pour un Gitan, vivre dans la misère n'est pas du tout aussi noir que pour celui qui la regarde de son auto, en passant à c6té d'un terrain vague. Bien sûr qu'il souffre aussi, car on le met dans les détritus de la société, les usines cassées... Dans tous les endroits du monde, on le cache. Mon film n'est pas un film militant, les Gitans ne militent pas, ne l'ont jamais fait. Ils vivent. Vivre, ça veut dire être un prince. Si un de nous va dans la ville et campe dans un endroit pour y chercher de l'eau ou du pain, il ne veut pas qu'on le traite comme un mendiant. C'est quelqu'un qui a de la classe, de la fierté, qui a un passé et qui est très intelligent dans sa façon de vivre. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Regardez les ch6meurs, ils pleurent, 31 ils attendent qu'on leur donne de l'argent, car sans argent ils sont morts, ils sont ligotés, enfermés, emprisonnés. Le Gitan, ce n'est pas ça, c'est quelqu'un qui est libre même dans sa merde. Nara, le « héros », est décrit comme quelqu'un d'un peu fou, violent, impulsif, qui ne marche pas, qui va au bout de ses actes. Il y a beaucoup de gens qui ne le font pas. Si son patron lui fait une remarque injuste, Nara lui fout le bureau dans la gueule et s'en va. Les hommes s'écrasent pour toucher leur chèque à la fin du mois, ils mentent. Quand vous voyez les gens autour de vous, qui est sincère ? Il n y en a pas beaucoup. Tout le monde cache, critique, truque. Nara ne cache pas, c'est un héros positif pour la société. On a besoin d'hommes qui n'ont qu'une parole et c'est très rare d'en trouver un. Le jour où il y en a un, il faut le garder. 0 Propos recueillis par Dominique GODRECHE REfLEXION
Té1.noins----------~
LA VIGILANCE N'EST PLUS , , CE QU'ELLE ETAIT Une Inte~~I~vv du pasteur ~a~ques Galtler, président du groupe "Raclsrne"de la Fédération protestante. Différences : L'inquiétude des Eglises protestantes face au racisme est-elle récente? Jacques Galtier : Le Groupe Racisme a été formé il y a une dizaine d'années par la Commission des affaires sociales, économiques et internationales de la Fédération protestante de France. Longtemps dirigé par le Pasteur Paul Guiraud, il a centré son attention sur les problèmes du racisme institutionnel tels qu'ils se posent en Afrique du Sud. La doctrine de l'Apartheid nous préoécupe beaucoup en tant que chrétiens, à cause' des résonances qu'elle peut avoir dans les Eglises d'Afrique et du monde, mais aussi parce que malheureusement elle prétend avoir un fondement biblique. L'apartheid est né sur un territoire où sont présentes et actives diverses Eglises réformées, en particulier d'origine boer, bien que d'autres Eglises, réformées ou non, combattent au nom de l'évangile cette même doctrine. Puis, il y a trois ans, à l'occasion du bilan que nous demandait le Conseil oecuménique après dix ans de fonctionnement du programme de lutte contre le racisme, il nous a semblé qu'il fallait prolonger et élargir ce travail en abordant tous les problèmes de racisme qui se posent dans notre pays. J'ai succédé, à la présidence du groupe, au pasteur Jean Tartier, lorsqu'il l'a quitté en octobre 1982. Différences: Quelles sont les formes d'intervention de ce groupe ? Jacques Galtier: Nous intervenons auprès des autorités. Nous recherchons la liaison avec les autres organismes concernés, au sein de la Fédération protestante de France ou en dehors. Et surtout, nous nous efforçons de sensibiliser les membres de nos Eglises aux problèmes du racisme. C'est ce qui a amené notre groupe à publier, en 1982 une brochure, Racisme 1. Il nous est apparu qu'un certain nombre de faits concernant ce fléau restaient inconnus des membres de nos Eglises et que la vigilance ne devait pas cesser en 1981, avec la fin d'un septennat. Nous préparons, dans les mêmes conditions, une brochure Racisme 2 qui essaie de récapituler tous les problèmes que le racisme a fait surgir dans notre pays depuis deux ans. Cette brochure nous semble avoir gagné - hélas - en actualité, après les élections municipales, les faits divers de l'été et ce qui a pu se passer depuis, lors d'élections partielles, à Dreux en particulier. 32 Différences: Vous pensez donc que les problèmes liés au racisme resurgissent actuellement ? Jacques Galtier: Les problèmes sont plus importants, pour deux raisons. La première, parce que maintenant on peut se déclarer à nouveau raciste ouvertement et sans honte. Après les fruits amers que le nazisme avait portés, on avait l'impression que plus personne n'osait se réclamer au grand jour d'un racisme théorique. Mais depuis deux ans, nous avons remarqué des signes inquiétants. En particulier toutes les idées que véhicule ce mouvement que l'on baptiste, à tort ou à raison, « la Nouvelle droite ». Cette idéologie nous semble dangereuse parce qu'elle se veut réfléchie, structurée, et scientifique alors qu'elle est élitiste et raciste. Les présupposés scientifiques qui sont très discutables, peuvent faire impression. Elle peut faire des ravages par sa vulgarisation à dose homéopathique, comme cela existe dans telle publication hebdomadaire. La deuxième raison, c'est, qu'effectivement, le racisme est devenu actuellement un levier dont des médias ou un parti se servent pour agir au niveau politique. C'est apparu pendant les élections municipales, et pas seulement à Dreux : à Marseille, des attentats sont venus s'intercaler entre les propos de la campagne électorale. Malheureusement, d'un côté comme de l'autre, on n'a pas su trouver les affirmations et les réponses pertinentes qui auraient pu casser les ailes au racisme. Parfois, certains, par des déclarations mal étudiées, ont fourni un tremplin inespéré à ceux qui utilisent le racisme, non comme une fin en soi, mais comme un moyen permettant d'agir sur la société démocratique française, et de tenter de la faire basculer vers un autre régime. A part quelques rares exceptions, les hommes politiques de tous bords n'ont pas su trouver les ' paroles justes. Si cette rencontre théorique d'un racisme réfléchi avec des préoccupations politiques inavouées a pu avoir un tel impact, c'est parce que la présence d'immigrés pose aujourd 'hui des problèmes très réels, et que dans certains secteurs de la société, dans certains quartiers, il y a des difficultés. Si l'on veut lutter contre le racisme, il ne faut pas les taire, mais les aborder, en montrant qu'en fait le racisme peut essayer de s'appuyer sur elles pour s'étendre et s'enraciner, par une sorte de raisonnement faux, d'abus de langage. L'idéologie raciste se trouve ainsi mêlée à des problèmes de logement, d'insécurité, de chÔmage. Pourtant les phénomènes d'immigration sont anciens en France, datant au moins du début du siècle et de l'existence des colonies. A chaque crise dans l'économie ou dans la société française, on a rendu les étrangers responsables des problèmes et le racisme s'est servi d'eux comme de boucs-émissaires et d'un levier pour reprendre soufle et s'étendre. Différences: Vous parliez de « raisonnement faux» et « d'abus de langage» qui consistent à mêler le racisme aux problèmes qui concernent la population française. Pensez-vous que le travail d'un groupe comme le vôtre soit de s'attaquer à cet abus de langage, pour montrer que les problèmes ne sont pas liés aux races, mais à la société ? Jacques Galtier : Le problème est toujours à reprendre, puisque je crois que le racisme est profondément ancré dans la personne de chacun d'entre nous. Nous avons peur de l'autre, sa différence, croyons-nous, nous menace, alors que l'Evangile nous dit qu'elle peut être au contraire une chance, un enrichissement. Seulement ce n'est pas évident, et c'est pourquoi certains tablent sur cette réaction négative, sur cette peur de l'autre, pour à nouveau donner au racisme un visage crédible, voire une honorabilité. Dès lors, il y a là un travail d'écoute et d'information. Je crains que nos Eglises, ainsi que tous les mouvements qui luttent contre le racisme, n'aient pris trop facilement fait et cause contre le racisme en oubliant sans cesse qu'il fallait revenir aux racines et creuser profond. Trop souvent nous tenons un langage selon lequel le racisme n'existe pas ou ne devrait pas exister. Il nous faut convenir qu'un certain nombre d'évènements prouvent qu'il n'en est pas ainsi. Différences: Pensez-vous que la lutte antiraciste serait plus efficace en admettant, et non plus en niant, l'existence chez les individus d'une peur de l'autre? Différences - N ° 28 - Novembre 1983 Quelles mesures proposez-vous pour la combattre? J. Galtier : Il faut admettre cette dimension. C'est en cela que la lutte contre le racisme n'est pas épisodique et provisoire, mais permanente. Si on ne se bat pas en profondeur contre lui, on le voit resurgir là où ne l'attendait pas. Nous, protestants, qui à d'autres moments de l'Histoire avons eu à subir les persécutions que vous savez, devont y être très sensibles. Le rÔle de notre groupe n'est pas tant de proposer des solutions, mais de participer à l'évolution des mentalités, dans et hors de nos Eglises. La meilleure façon de lutter contre le racisme est d'amener les habitants de notre pays à constater que la société française telle qu'elle existe aujourd'hui est la résultante d'apports successifs de populations. Actuellement, à la première, deuxième ou troisième génération, 18 millions de Français sont d'origine étrangère! La France a longtemps été capable d'intégrer des gens qui avaient des cultures différentes. Encore faut-il prendre des mesures en ce sens. Ainsi l'Education nationale n'a jamais pu mettre sur pied un système d'éducation qui prenne en compte la multiplicité des racines de chacun. A part quelques tentatives individuelles, rien n'a été fait pour enrichir chaque élève des racines culturelles des autres. Enfin, au niveau des moeurs, nous ne sommes pas préparés à voir vivre autre- 11, rue des Fontaines-du-Temple 75003 PARIS. Tél.: 887.47.20 MËTRO: ARTS-et-MËTIERS/TEMPLE 33 ment autour de nous, ce qui pose des problèmes de cohabitation difficiles. A certains égards, il est plus facile de ne pas être raciste dans un beau quartier que dans un quartier populaire. Ces problèmes n'ont pas toujours été pris en compte. Pourtant, nous allons vers une société pluriculturelle, dans la foi, l'existence quotidienne, la culture, la vie sociale. Il faut accepter l'autre comme un enrichissement possible et pas comme une menace. Le problème auquel nous sommes confrontés en France a une dimension européenne, voire mondiale. Aucun pays n'est préparé aux brassages, aux déplacements de populations qui caractérisent notre époque. Il faut en tenir compte, et reconsidérer notre point de vue. Nous avons peut-être trop longtemps vécu sur l'image du nazisme, guettant sa résurgence, sans bien percevoir les nouvelles formes que le racisme peut prendre au contact des changements que connait la société en France comme ailleurs. D Propos recueillis par Jean-Michel OLLÉ (1) Celle-ci compte parmi ses membres les Eglises réformées et luthériennes de France, d'Alsace et de Moselle, mais aussi les Eglises baptistes et pentecôtistes, y compris la Mission évangélique tzigane. Racisme 1 « Rapport de Madeleine Barot » publié à la CIMADE, 176 rue de Grenelle, 75007 PARIS, tél. : 550.34.43. Racisme 2 « Le racisme au quotidien » à paraitre fin 1983. Racisme 3 « Paganisme et racisme de la nouvelle droite» à paraître début 1984. ,FABRIQUE DE MAROQUINERIE CREATIONS D. P. 97, rue Oberkampf 75011 PARIS 357.35.24 HIS TB IRE Guerre d'Algérie " LE MYSTERE MAURICE AUDIN A l'heure où se liquident les contentieux, son épouse reçoit la Légion d'honneur. Mais les circonstances de sa mort restent obscures 34 Année sinistre, la troisième de la guerre d'Al- 19 5 7 gérie. Le ministre résident, Robert Lacoste, tous les pouvoirs de police au général Massu. Celui-ci déclare d'emblée que la torture doit être admise comme« nécessaire et moralement valable» (1). Larbi Ben M'Hidi un responsable du FLN arrêté par le général Bigeard, trouve la mort le 4 mars: les autorités parlent de « suicide ». Quelques jours plus tard, on retrouve le corps d'un avocat Ali Boumendjel, au pied d'un immeuble d'El Biar. « Suicide », disent encore ceux qui l'avaient arrêté. René Capitant, professeur de droit public annonce alors qu'il suspendra son enseignement. Paul Teitgen, secrétaire de la préfecture de police d'Alger, démissionne. L'un et l'autre s'insurgent contre ces pratiques « dignes de la Gestapo, prescrites et tolérées» (2), par le gouvernement français. A ces protestations s'ajoutent celles d'intellectuels, d'officiers, dont le général de Bollardière qui sera sanctionné par soixante jours d'arrêt de forteresse ... Au point que le gouvernement Guy Mollet constitue une Commission permanente de sauvegarde des droits et libertés individuels. Le 19 juin 1957, deux membres de cette commission, le général Zeller et le professeur Richet, doivent visiter le centre d'El Biar. Huit jours plus tôt, Maurice Audin assistant à la faculté des sciences d'Alger, membre du Parti Communiste Algérien a été arrêté à son domicile. Le lendemain, on arrête un de ses amis, Henri Alleg, directeur du quotidien Alger Républicain, interdit depuis deux ans par le ministre de l'Intérieur. Henri Alleg est conduit au centre d'El Biar. Là, il est soumis à diverses tortures, gégène, penthotal... Presque inconscient, il entend le lieutenant Charbonnier conseiller à Maurice Audin de lui enjoindre de parler pour « éviter à Alleg le même SO-rt ». A ce moment là, Henri Alleg l'aperçoit: il est défiguré (3). Des tortionnaires amnistiés Quand la commission arrive pour la visite, on a pris soin de les évacuer. On ne reverra plus jamais l'universitaire. Le 21 juin les autorités déclarent qu'il s'est évadé lors d'un transfert. L'affaire Audin commence. Pétitions, protestations publiques se multiplient. En novembre naît le Comité Maurice Audin. Le 2 décembre 1957 a lieu la soutenance de sa thèse, in absentia. Pierre Vidal-Naquet qui fut membre de ce comité témoigne aujourd'hui: « C'était un petit groupe d'assistants qui s'est réuni autour de quelques têtes pensantes, au premier rang Laurent Schwartz. Nous nous réunissions toutes les semaines. C'est vite devenu le centre de dénonciation des tortures. Au début, il y a eu une plainte de Mme Audin, le 4 juillet 1957, instruite à Alger. Le magistrat chargé de l'affaire, a, disons en termes polis, peu instruit ». En 58, par décision de la Cour de cassation, l'affaire fut transférée à Rennes. Là, le magistrat a beaucoup travaillé, très « poliment ». « Il ne traitait pas les officiers de menteurs ni d'escrocs. Mais à partir de cette instruction, on avait des éléments sérieux. Puis il y a eu l'amnistie accordée aux combattants algériens et à ceux qui s'étaient battus contre eux. Les tortionnaires ont été amnistiés en bloc, qu'ils aient sévi en France ou en Algérie. J'ai trouvé dans les archives du ministère de la Justice, une lettre du ministre des Armées au ministre de la Justice datant du 11 avril 62 et demandant qu'on en finisse - puisque tout cela avait été amnistié -, avec les deux affaires subsistantes: le cas de Maurice Audin et celui de Djamila Différences· N ° 28 - Novembre 1983 35 Boupacha. Pour cette dernière, il était «recommandé» d'obtenir un non-lieu « coïncidant» avec sa mise en liberté. Reste une plainte déposée par Mme Audin, en dédommagement, le Conseil d'Etat ayant déc/aré que cela regardait les instances judiciaires. On en est là : un dédommagement de l'Etat français pour avoir « mal gardé» un de ses fonctionnaires. Il y a quelque chose d'amer dans tout cela. Des affaires Audin il y en a eu des dizaines de milliers, ne serait-ce que celle des massacres d'octobre à Paris (le 17 octobre 1961) et c'est la seule ayant quelque peu abouti ».Mme Josette Audin déplore, elle aussi, ce silence et tous les morts 'anonymes. De nombreux appels pendant la guerre d'Algérie (certains venant de soldats du contingent) parlaient d'un nécessaire Nuremberg pour l'Algérie. Qu'en est-il? Pour Pierre Vidal-Naquet, « il n 'y en a pas eu. Il n'yen aura pas. Après l'amnistie très conséquente du général de Gaulle, il a fallu que le gouvernement Mauroy en amnistie encore ». Que sont devenus les lieutenants tortionnaires d'Audin et Alleg ? Erulin est mort récemment. Charbonnier? « Il était chef d'escadron, c'est-à-dire commandant, il doit être quelque chose comme colonel. Pendant la guerre d'Algérie, je disais: « Je ne voudrais pas que mon fils servît un jour sous le commandement du général Charbonnier, grand croix de la Légion d'honneur ». L'affaire Audin se passe à une ép.oque particulière, celle d'une guerre coloniale qui s'enlise. Serait-elle possible aujourd'hui? « Naturellement, des erreurs judiciaires, il s'en produit tous les jours. Jean-Pierre Thévenin, c'était en pleine paix ... J'ai écrit ceci dans Les crimes de l'armée française (1) : la face atroce, laface criminelle de notre société s'est modifiée, elle n'est plus à la vil/a Serini, à El Biar ou dans les A urès, elle se trouve dans les usines où la main-d'oeuvre immigrée est surexploitée, qu'elle soit algérienne ou portugaise, dans ces villes comme Grasse où la police arrose les travailleurs étrangers avec des moto pompes, sans parler des commissariats où on les abat, comme Mohamed Diab à Versailles. Mais est-il sûr que rien ne puisse recommencer, que le danger militaire soit nul ? » [] Christiane DANCIE (1) Les crimes de l'armée française par Pierre Vidal-Naquet. Maspéro éd. (2) Les porteurs de valises par H. Hamon & Patrick Rotman. Albin Michel (3) La question par Henri Alleg. Editions de Minuit. RAISONS N° 1 Au sommaire Xavier Renou : Oser enseigner. Françoise Gaspard : Interview. Bob Skippon : les Etats-Unis: un modèle? Julien J. Samza : La gauche au pouvoir : la fin du gué? Dossier immigration: les mesures du 31 août 1983, Serge Riquier : Immigration, Droit, Justice, Albert Lévy : L'analyse du MRAP, Jean Menoux : L'insertion des immigrés : les instruments d'une politique, Michelle Dantec: Réflexions d'un militant. Mensuel. Dans les kiosques dès le 10 novembre. Abonnement 200 F. Raisons - 4 place de l'Eglise 92170 VANVES. IEN DEBAT! --Enseignement de l'histoire , LE PASSE UTILE Faut-il apprendre les peuples? Jean PEYROT président de l'As,sociation des Professeurs d'Histoire et de Géographie. L'histoire et la géographie sont, à l'école, un des carrefours de l'apprentissage des peuples à la différence. A votre question, je réponds un oui assuré. D'autant plus assuré que je regarde ce qui se passait il y a trente ans. Par ce oui, je n'entends pas signifier que tout soit parfait. Inutile de rappeler Paul Valéry: « L 'histoire enivre les peuples », ou plus récemment Yves Lacoste : « La géographie, ça sert à faire la guerre ». Tout le monde connaît les excès des histoires nationalistes ou raciales et les folies sanguinaires qui les ont accompagnées. L'histoire tout comme la géographie sont équivoques. Elles peuvent être utilisées à asservir ou à libérer et nous renvoient aux questions : au service de qui ? au service de quoi? L'une et l'autre sont instruments du pouvoir. L'histoire est née pour légitimer le pouvoir, les droits acquis à travers les listes de souverains ou de régimes. Elle était la mémoire du pouvoir tout en étant la mémoire des peuples. La géographie répertoriait les routes de transmission des ordres, les ondes de pouvoir et de richesses. L'une et l'autre portent traces de leurs origines. Dès lors, leur enseignement est lui aussi équivoque. Il exprime d'abord ce que la société pense de son passé et de 36 son espace. Le professeur qui enseigne l'histoire enseigne aussi les certitudes et les interrogations d'une société. Certes, les programmes, les manuels sont importants par la vision du monde qu'ils expriment. Depuis trente ans les programmes ont beaucoup changé. Ils se sont ouverts. On étudie d'autres civilisations que la nôtre et on les étudie pour elles mêmes. Non par exotisme, ou folklore ou par référence exclusive à notre Occident. Voyez les programmes de collège avec les civilisations musulmane, indienne, chinoise, amérindienne, hier et aujourd'hui. La géographie a abandonné les genres de vie enseignés naguère pour présenter les relations plus profondes de l'homme avec la nature. Voyez encore les programmes de seconde si mal traités dans les nombreux manuels et qui prévoyaient l'étude détaillée des composantes d'une autre civilisation que la nôtre. Voyez enfin ceux de terminale s'intéressant aux structures du monde contemporain. On peut cependant trouver les programmes de les manuels trop eurocentriques mais il faut bien, initialement, un terme de comparaison. Et pour connaître les autres on ne peut renoncer à se connaître soi-même. Les programmes et les manuels ne constituent pas tout l'enseignement, en particulier les manuels. Parce qu'il faut faire court et faire vite ils donnent des visions simplifiées d'une réalité complexe qui nécessiterait de longs développements. Heureusement, il yale maître et les élèves. Le maître garde l'initiative et le contrôle de la souplesse des programmes, du discours de l'histoire et pour une partie, des attitudes des élèves entre eux. Ce dernier point est clé. Pour moi ce ne sont pas là propos de théorie. Je pourrais citer des classes où la présence d'élèves de peuples différents, de religions différentes, est une occasion d'apprendre la différence, de cultiver les originalités sans creuser les séparations. Pourquoi l'école publique, qui a su autrefois enseigner l'histoire aux élèves catholiques, ' protestants, agnostiques, côte à côte, ne le pourrait-elle pas avec des musulmans? On enseigne pas l'histoire de la même manière à Paris ou à Marseille, quand il y a 40 % d'enfants maghrébins, ou quand il n'yen a pas. Nous avons toujours revendiqué pour le maître le droit d'adapter les programmes aux situations locales et aux centres d'intérêt des élèves. Nous sommes donc renvoyés au
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maître et à la société environnante. Pour la faire évoluer, pour extirper les attitudes racistes et d'incompréhension la besogne ne manque pas. Même mal faites, l'histoire et la géographie sont à l'école un des carrefours de l'apprentissage des peuples à la différence. Car elles sont nuances et relativité et non pas esprit de système. On n'éduquera pas à la différence par les seuls bons sentiments, mais par la connaissance des faits, connaissance la plus lucide possible, sans culpabilisation morbide. Cette connaissance là est libérante. D Jean SURETCANALE historien Les dernières années, nous nous sommes dirigés vers une complète démolition de l'enseignement de l'histoire. L ' histoire est une science humaine. De ce fait, son objectivité est toute relative et un consensus dans ce domaine est difficile à atteindre. Le fait historique résulte d'un choix. Les évènements allégués peuvent toujours être vérifiés,. cependant, des falsifications sont toujours possibles. Si nous considérons l'histoire telle qu'elle a été conçue pendant le Xlxe siècle et au début du XXe, nous constatons qu'elle a été utilisée au prix d'une entorse à la réalité, de mensonges purs et parfois même de mensonges par omission. Ses fins étaient civiques et patriotiques, ce qui n'est pas condamnable en soi. Mais malheureusement, le patriotisme a tourné en chauvinisme. Au lendemain de la Grande Guerre et surtout après la Seconde Guerre Mondiale, un mouvement de réaction contre cette histoire mystificatrice s'est dessiné. Ce mouvement s'est amplifié dans les années 50 jusqu 'à aujourd'hui. Il faut dire que ces dernières années, nous nous sommes dirigés petit à petit vers une complète démolition de l'enseignement de l'histoire. Il est vrai que cette science qui permet de développer l'esprit critique des gens peut être dérangeante pour certains. En outre, cette démolition a permis de faire prévaloir plus facilement les conceptions des classes dirigeantes. Il est évident que, dans la mesure où la lutte contre le racisme repose non pas sur une mythologie mais sur la prise en compte de la réalité, l'histoire, de par sa nature, fournit les bases de cette lutte en exposant les faits. Finalement, une connaissance sérieuse et réelle de l'histoire permet de lutter contre toutes les mystifications et tout particulièrement de consolider la lutte contre le racisme, car le racisme est une mystification. Errata, suite et (peut-être) fin : Dans la contribution d'Albert Memmi du mois dernier, il fallait lire : « pureté des races» et non « parité »'. Dans celle d'Albert Lévy, il fallait lire: « On observe que le racisme se développe à partir de facteurs bien déterminés : psychologiques, sociaux, économiques. » Les propos de Jean Daniel étaient recueillis par Dolorès Aloïa. Différences - N° 28 - Novembre 1983 37 Jean-Louis MARGO LIN animateur de la revue EspaceTemps Pour comprendre les nations il faut savoir qu'elles n'ont rien d'éternel ou d'absolu. Si les historiens d'aujourd'hui refusent en général de placer leurs travaux au service d'une cause - même si en tant que citoyens ils la trouvent noble -, c'est qu'ils savent quelle entrave au progrès de leur science fut, pendant des siècles, l'histoire morale. L'histoire n'a recommencé à progresser qu'au moment où les historiens ont cessé d'être historiographes des rois ou précepteurs des dauphins
- le développement de l'édition et des universités, au
XIxe siècle, leur ont permis l'indépendance. Le mal qu'ont infligé aux études historiques de leurs pays les régimes de Hitler, Staline ou Mao renforce encore la méfiance légitime à l'égard de tout ce qui ressemble à l'histoire morale ... Il est illusoire de prétendre à une objectivité parfaite, même pour l'historien le plus serein et le plus honnête: nous sommes, que nous le voulions ou non, conditionnés par nos conceptions du monde, par les modes, les discours, nos problèmes personnels ou collectifs. Dans le simple choix de ce qui est important et de ce qui l'est moins, nous sommes tributaires de ce conditionnement. Qu'il n'y ait aucune leçon « inscrite» dans l'histoire est encore indiqué par l'extrême diversité des points de vue sur un même phénomène (en ne considérant bien sûr que les historiens qui s'efforcent honnêtement et sérieusement de comprendre: il y a des charlatans et des faussaires partout...). L'historien n'est, en soi, ni raciste ni anti-raciste, ni nationaliste ni internationaliste, ni de droite ni de gauche ... Il n'y a pas de leçon, ou plutôt il y en a une infinité de possibles, et chaque époque en découvre de nouvelles à partir des mêmes phénomènes. Si l'historien ne peut prétendre à la vérité, il peut contribuer à chasser le mensonge. Si nous ne sommes pas très sûrs de ce qui fut, nous pouvons souvent être certains de ce qui n'est que faux, déformation, imaginaire, absurdité. Ainsi, récemment, les méthodes éprouvées de critique scientifique des historiens ont permis de mettre en pièce l'odieux mythe de l'inexistence des chambres à gaz. Enfin, plus profondément, il me semble que tous les systèmes d'explication historique ne se valent pas, au sens où certains permettent plus que d'autres des percées dans la connaissance du passé. Ainsi l'apparition, au XI xe siècle, du concept de lutte des classes a révolutionné jusqu'à l'histoire de la Grèce antique, sans qu'on découvrit aucun document nouveau important. Bref, pour comprendre les nations, leurs différences et même leurs affrontements, il fallait savoir qu'elles n'ont rien d'éternel ou d'absolu. Plus généralement, pour évaluer correctement les ressemblances, les différences, les relations entre les groupes humains, il vaut mieux ne pas ignorer que ce ne sont là que constructions historiques en perpétuelle transformation, que les frontières n'arrêtent pas de s'ouvrir, pour se refermer éventuellement, mais un peu plus 10in ... D Débat préparé par Dolorès ALOÏA lA PAROLE A Henri Tachan «Mes grands hommes, ce sont Laurel et Hardy» Depuis bientôt vingt ans, fidèle à ses convictions, il promène son regard d'enfant, le long des chemins de la chanson française. Tachan n'aime pas ceux qui tuent pour faire joujou. Tachan n'aime pas ceux qui tuent pour faire carrière. out va vite, tout le monde est pressé, y'a plus le contact. La vie est ././ Tmécanisée, gadgetisée, stéréotypée, y'a plus personne. " Je ne m 'y retrouve plus, je suis en retard d'un siècle. Je suis un rêveur, pas un homme de progrès. n fut un temps où je prenais les horreurs de la vie en pleine gueule, aujourd 'hui je me sens mieux, plus proche de moi peut-être. J'ai quarante-quatre ans et il y a toujours de l'enfance en moi, j'y tiens beaucoup. Je ne suis pas très à l'aise en ville, j'habite la campagne maintenant. Là-bas, je prends le temps de regarder les arbres, j'ai besoin de calme et de silence. J'ai débuté en 1965, nous voilà ce soir. Entre temps je pense avoir évolué, cela n 'a jamais été facile. En ce moment je prépare Bobino, comme l'année dernière. Je remets ça, j'espère que cela marchera aussi bien et quitte à avoir le trac, je préfère l'avoir avec treize chansons nouvelles. Y'a mille choses àfaire, ma maison de disques a de graves difficultés financières, alors comme d 'habitude on fait tout nous-mêmes pour assurer la promotion du spectacle. C'est un peu la galère, en fait comme tous les paresseux je suis très actif, je prépare encore un bouquin avec tous les copains d'Hara Kiri. n y aura trois musiciens avec moi cette année, l'homme orchestre Patrice Peyriéras, au piano, à la guitare et au synthé, Marc Goldfeder le James Bond du synthétiseur et enfin Michel Gaudry le Rostropovitch de la contrebasse. Le titre de mon prochain 33 T, sera « Laissez venir à moi les petites fans », un p 'tit coup de fraîcheur quoi. En fait ce qui m'intéresse, c'est d'écrire. J'écris une chanson, si elle me plaît je la chante. Je Iveux chanter l'émotion, le sourire, le truc drôle quoi. n est plus facile de faire pleurer Margot, que de la faire rire. Si l'on ne rigole pas un peu tous les jours c'est foutu. Tant que le public pleurera et rira avec moi, ce sera gagné et je continuerais.» [] Julien BOAZ 38 ICOURRIER' Délabrement Le festival du cinéma tzigane de Douarnenez nous interroge: que dire d'une communauté nomade présentée dans la plupart des films comme souffrant de cette identité de « déclassé», en crise avec ses propres valeurs, opprimée par ses propres lois ? On pourrait imaginer que le nomadisme induirait des notions de temps et d'espace différents où il n'y aurait plus d'attachement nostalgique au passé et de fuite en avant ou de projection dans le futur. Mais au contraire une présence au moment, une intensité du présent dans laquelle l'individu trouverait sa force, sa liberté, où une nouvelle forme de culture qui serait notre contreculture naîtrait. Or, dans les films que nous voyons pointent l'exclusion, la misère, le délabrement culturel des groupes tziganes. Dans plusieurs films, on nous montre des jeunes Tziganes étouffés par le groupe, désireux d'en sortir tout en souffran1; de la perte de leur identité, renforcée par le groupe, qui, dès qu'il sent la menace de départ d'un de ses membres, l'accable de son rejet, de son mépris. Peut-être que notre habitude à nous, sédentaires, de tout «fixer » et « mettre en boîte » ne nous permet pas d'avoir un regard plus avant dans une culture mobile, dans laquelle nous ne retrouvons pas nos référents. On serait tenté de conclure que c'est dans le mode de vie, mais au geste près, qu'il faudrait aller à la découverte de la culture tzigane : observer de l'intérieur et non en plaquant nos critères culturels. C'est dans ce rapport très particulier à l'espace et au temps transformés du nomade que naît une nouvelle façon d'être au monde. Que ce soient les rapports à l'argent, cette façon de le flamber, ou au plaisir: le sens de la fête, la musique, ou à la mort: lorsqu'un tzigane meurt on brûle sa roulotte ainsi que l'ensemble de ses biens. Que faire de la découverte de cette différence ? Ne serait-il pas possible de les reconnaître dans les points positifs de leur culture ? N'y a-t-il pas quelque chose à apprendre ou à respecter d'une communauté qui fait du déplacement un mode de vie mais aussi une philosophie de vie? L, Dominique GAUMONT Paris l 1 La vie des bêtes immondes J'ai trouvé dans le dernier numéro de Différences un certain nombre de remarques sur le racisme qui confirment une évolution que je trouve dangereuse. Le débat portait sur le caractère naturel, ou non, du racisme. Tous les intervenants, à l'exception d'Albert Lévy infirmaient la naturalité du racisme, pour s'acheminer, à plus ou moins grands pas, vers une peur de l'autre qui, elle, serait inscrite dans nos gènes. Actuellement, même les plus fervents accusateurs du racisme en viennent à admettre qu'à trop concentrer les gens, quand la vie se fait crise, etc, on réveille la bête immonde, toujours tapie en nos coeurs, et rebaptisée à la hâte « peur de l'autre ». Du coup, et comme d'habitude, on redescend d'une saisie globale et contradictoire des phénomènes sociaux au discours masochiste et résigné sur la nature humaine, éternelle, immuable, pas bien jolie mais si pratique! La Vie des bêtes a fait son temps: non, la peur de l'autre n'est pas une concession de l 'homme à l'animal, quant aux bestioles, fussent-elles immondes, qui seraient censées nous mastiquer les intestins depuis la nuit des temps ... Que certains s'amusent à faire de la psychologie à la place de l'histoire, c'est leur intérêt. Mais les antiracistes n'ont pas à les suivre sur ce terrain. Il est tout aussi « naturel» d'avoir envie de l'autre que d'en avoir peur. 0 Jean PETIT Marseille Message? Pendant qu'à Budapest, du 30 juillet au 8 août dernier, le 68e Congrès Universel d'Esperanto réunissait près de 5 000 participants, parallèlement se déroulait le vingtième «Petit Congrès d'enfants» ; venus de douze pays (Irlande, Finlande, Italie, Hongrie, Bulgarie, Yougoslavie, Belgique, Pays-Bas, Allemagne de l'Ouest et de l'Est, Pologne et France), ils étaient quarantedeux, dont un tiers pratiquant l'Esperanto comme première langue (ou, selon la formule esperanto, « de 'naissance », c'est-àdire l'ayant appris directement de leurs parents qui parlent entre eux la langue internationale) ; ces enfants-là utilisaient donc l'Esperanto tout à fait couramment, mais d'autres également réussissaient aussi très bien à se comprendre au moyen de cette langue. La compétence générale des enfants était d'un niveau très élevé, et le congrès leur a fourni de multiples occasions soit de consolider leurs connaissances, soit d'en faire profiter leurs camarades. Le programme quotidien commençait par des activités sportives, puis récréatives : chant, danse, concours divers ; ensuite, présentation de diapositives, petits exposés sur les pays respectifs et, enfin, consignation obligatoire sur le journal personnel des faits marquants de la journée. Pour les tout petits, encore incapables d'écrire eux-mêmes, quelqu'un notait sous leur dictée ... Et puis des excursions, des visites: au congrès des grands, à des « collègues » installés tout près dans un camping international ; on a reçu les représentants de l'Universala Esperanto-Asocio, les parents, un Coréen plein d'idées pour s'amuser, des journalistes de Budapest, et même le magicien espérantiste Arpad Szeged, qu'on a aidé dans sa prestation, et dont on a reçu quelques secrets. 1 On a échangé j'es adresses, et promis de maintenir le contact, jusqu'au prochain Petit Congrès. Pour les plus de treize ans, hélas, c'était le dernier - mais ils vont découvrir maintenant les Congrès de Jeunes, puis les congrès de grandes personnes. Le but essentiel de ces Congrès d'enfants, d'après les organisateurs - venus de Hongrie, Belgique, Irlande, Pologne, Allemagne - est indubitablement atteint: dans une atmosphère de fête et de liberté mêlées de respect réciproque, ces tout jeunes participants n'apprennent pas seulement la langue internationale, mais aussi le sens profond de la véritable compréhension, du respect des droits d'autrui, de l'amitié et de la paix. M.T. LLOANCRY PAU boutiques PARIS 6e - 54, rue Bonaparte PARIS 16e - 23, Av. Victor Hugo ENGHIEN - 24, rue Charles de Gaulle MONTPELLIER - Il, rue de l'Argenterie LYON - 15, cours Vitton BORDE A UX - 54 bis, rue Porte Dijeaux Dijjërences - N " 28 - Novembre 1983 39 LUXEMBOURG - 20, Place d'Armes BR UXELLES - 227, Galerie Louise GENEVE - 13, rue de Rive MONTREAL - 2070 CRESCENT HOUSTON - 5360 WESTHEIMER NEW YORK - 711, Madison Avenue at 63 RD Street LA CHAINE DES GRANDS MAGASINS BRITANNIQUES Magasins à Paris Bld Haussmann. Bruxelles. Lyon Reims. Strasbourg Rosny et Lille 40 LA BAGAGE!IE Charles 11 janvier 2012 à 15:24 (UTC) 12 RUE TRONCHET - 742.53.40 41 RUE DU FOUR - 548.85.88 74 RUE DE ·PASSY . 527.14.49 TOUR MONTPARNASSE - 538.65.53 PARIS LYON - LA PART-DIEU NEW-YORK - 727 MADISON AVENUE TOKYO - 5-5 GINZA K ILIC ALI NAIL est un jeune dessinateur turc qui jusqu'à aujourd'hui vivait à Dreux. Il nous a donné quelques-uns de ses dessins. A l'heure actuelle, il ne sait pas trop ce qu'il va devenir ... " .- Différences - N ° 28 - Novembre /983 o o o o t:\LI C ,, ". 41 !AIiENDA/ NOVEMBRE 5 Jusqu'au 18 décembre, Dele Pa've par le groupe Armason, spectacle musical montrant plusieurs images de l'âme colombienne, représentées par la musique, le théâtre et la danse (Carolina Perea, première danseuse du Ballet National de Colombie), au Théâtre de la Plaine, 13, rue du général Guillaumat, 75015 Paris. Rens. (1) 250.15.65 et 842.32.25. D 6 Au théâtre des Amandiers de Nanterre, dernière représentation des Paravents de Jean Genet. Du 9 novembre au 23 décembre : création de Lulu au Bataclan d'après Frank Wedekind, dans une mise en scène d'André Engel. Du 14 novembre au 10 décembre : en coproduction avec le Festival d'Automne, création de Tonio Kroger de Thomas Mann, dans une mise en scène de Pierre Romans. D 7 A 19 h 30, Patrick LheureuxBouron reçoit sur TSF, 93 MgH, Mateo Maximoff, sociologue, Patrick William, ethnosociologue, et Gérard Gardner, critique, pour un débat autour de la création d'un prix littéraire destiné à récompenser une oeuvre favorisant le developpement de la culture tzigane. D 9 Et 10, à la grande salle de la Maison de la Culture du Havre, création du nouvel opéra de Bob Wilson, The Civil Wars : on mesure mieux un arbre à terre. 15 jusqu'au 23, le troisième Festival international du film contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples se tiendra à Amiens (Somme). Né de la rencontre des militants du MRAP et des militants du cinéma, le Festival d'Amiens a su ne pas s'enfermer dans le ghetto du cinéma d'intervention, de même qu'il a refusé les conceptions esthétisantes (ou uniquement cinéphiles) d'un certain regard sur le Tiers-Monde. Les films proposés à Amiens et en Picardie, les rencontres avec des réalisateurs et des représentants de minorités ou peuples discriminés constituent une approche dynamique des "différences". Programme général • Compétition: 8 films de long métrage. The Civil Wars compose un panorama de la lutte de l'homme et de sa survie à travers les âges. La première mondiale de cet opéra dans son intégralité (neuf heures) aura lieu à Los Angeles en juin 1984. Rens. Maison de la Culture du Havre, espace Oscar Niemeyer, 76000 Le Havre, tél. (35) 21.21.10. D 12 A partir de 16 h. au Logis de Lunesse à Angoulême (Charente), Fête de l'amitié entre les peuples organisée par le MRAP de Charente, exposition Le racisme et la science, débat avec Albert Lévy, secrétaire général du MRAP, variétés antillaises, réunionnaises, espagnoles, portugaises, marocaines et turques. D 13 Clôture de l'expositioncréation Histoire de Femmes, dans le hall de la salle polyvalente de la Maison de la Culture du Havre. Rens. (35) 21.21.10. D 14 Jusqu'au 12 décembre, le lundi de 20 à 22 h. le Centre Sèvres organise un enseignement
- Chrétiens, musulmans:
quel dialogue ? par le Père Michel Serain, secrétaire national au service épiscopal des relations avec l'Islam. Rens. Centre Sèvres, tél. (1) 544.48.91. D 14 A 20 h. 30, Salle Pleyel, 252 Fbg St-Honoré, Paris 8e, récital Miguel Angel Estralla. En première partie: Bach et Beethoven, en deuxième partie : Chansons et danses d'Argentine. Rens. Salle Pleyel tél. (1) 563.88.73. D A RETENIR Marche pour l'égalité. La CIMADE de Lyon et l'association de jeunes SOS Minguettes organisent depuis le 15 octobre une Marche pour l'Egalité, de Marseille à Paris, en passant par l'Est et le Nord de la France, pour « manifester qu'il y a en France un peuple nombreux qui veut que la vie ensemble des communautés d'origines différentes soit possible dans la paix et dans la justice, pour le bonheur de tous ». Le MRAP s'y est associé. Calendrier et villes étapes : Novembre: 5 : Tournus. 6 : Chalons-sur-Saône. 7 : Nuits-Saint-Georges. 8 : Dijon. 9 : au matin, départ en train pour Besançon. 10 : Baume-les-Dames. Il : L'Isle-sur-le-Doubs. 12 : Montbeliard. Jusqu'au 24, au Théâtre 15 de l'alliance de la Maison des Cultures du Monde : Musique d'Afrique: Nigéria, Comores, Gabon, Congo Brazzaville. Rens. Maison des cultures du Monde, 101 bd Raspail, 75006 Paris. Tél. (1) 544,72.30. D 18 Henri Guédon Band en concert au Centre Jacques Prévert de Villepinte en Seine-StDenis, ainsi que le 19 décembre à Tarbes (Hautes Pyrénées), au Centre culturel du Parvis. D 19 Pendant deux jours SiloDéveloppement- solidaire propose un stage sur le thème Un Une compétition particulière est ouverte aux films de court et moyen métrage. après l'indépendance de l'Algérie. • Hommage à Jorge Sanjines et au groupe Ukamau. L'intégrale de l'oeuvre du réalisateur bolivien. • Cinéma et apartheid. Cinémas des pays de la « ligne de front. » • La figure de l'Autre dans les films de guerre. Ce troisième Festival sera aussi: • Des journées spécialement consacrées à des thèmes particuliers: les jeunes issus de l'immigration, racisme et situation au Proche-Orient, racisme et formation des mentalités chez les adolescents, crise d'identité et marginalisation des fils de "Françaismusulmans", vingt et un ans • Le développement de la décentralisation déjà accomplie précédemment en direction du milieu associatif et socio-culturel (une cinquantaine de lieux de diffusion), du milieu scolaire (une cinquantaine de collège et écoles) de Picardie. • Une grande fête de l'amitié en clôture. Musiques et chants de tous les pays lors de la remise des prix. Un numéro spécial de l'émission "Mosaïque", le dimanche 27 novembre sur FR3. A Amiens sera décerné par M. Yussuf Maïtama-Sulé, président du Comité spécial de l'ONU contre l'Apartheid le "prix Nelson Mandela du film contre l'Apartheid et pour la décolonisation" D Rens. (22) 91.01.44 à Amiens. 42 13 : Belfort. 14 : (à définir). 15 : Mulhouse. 16 : Guebwiller. 17 : Colmar. 18 : Sélestat. 19 : (à définir). 20 : Strasbourg. 21 : départ en train pour Nancy. 22 : Pont-à-Mousson. 23 : Metz. 24 : départ en train pour Lille. 25 : Roubaix-Tourcoing. 26 : départ en train de Lille pour Amiens. 27 : Breteuil. 28 : Beauvais. 29 : Meru. 30 : Pontoise. Décembre: 1 er : Région parisienne. 2 : Région parisienne. 3 : Paris. monde « Tiers » ... ? par rapport à qui ? Rens. Silo, 1, place de l'Eglise, La Rochette, 77008 Melun. Tél. (1) 437.49.30. D 22 Jusqu'au 30 décembre, à la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques, 11, rue Berryer, 75008 Paris, exposition : Art contre/against Apartheid. Rens. (1) 563.59.02. D 26 Los Caïmanes, musiques et chants d'Amérique Latine à Limoges (Haute Vienne) au C.C.S.M. de Beaubreuil, rue des Sagnes, spectacle organisé par Culture et Alphabétisation et le MRAP de Limoges. Rens. CCSM (55) 38.33.86. D DECEMBRE 2 Jusqu'au 23 décembre, Mansamente, Théâtre du Brésil par le Grupo Contadores de Estorias au Théâtre de l'Alliance, Maison des Cultures du Monde. Rens. Tél. (1) 544.72.30. D 3 A 20 h 30, grande salle de la Maison de la Culture du Havre, Les Bonpos, musique liturgique et danses sacrées du Tibet. Rens. Maison de la Culture du Havre (35) 21.21.10. D 10 Colloque sur différences et inégalités organisé par le MRAP et Différences, au Sénat, 26, rue de Vaugirard, à partir de 10 h., en présence de nombreuses personnalités. Participation aux frais: 100 F. Rens. (1) 806.88.00. D Agenda réalisé par Danièle SIMON. Envoyez 3 nOs gratuits de "la vie . Nom, prénom: ....... .. . ... ........ .......... ... ......... OURNEES CINEMATOGRAPHIQUES D'AMIENS jumelées avec le Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou. du 15 au 23 novembre 83 "Je CIrus au poUVOJI du rire et des tannes comme contrepoison de la haine et de la terreur"', Charlie Chaplin 1955
Notes
<references />