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Sommaire du numéro
n°271 de juillet 2009
- Racisme: alerte! Par Mouloud Aounit
- La barbarie et l'humanitaire par Robert Charvin
- Dossier: les outre-mers [DOM-TOM]
- Entretien avec Edouard Glissant
- Extrait du « manifeste pour les produits de haute nécessité »
- Les outre-mers et la République par Françoise Vergès
- Marcel Mainville: parcours d'un militant du MRAP
- De l'indifférence à nos différences: la poudrière de l'Histoire de France par Stéphanie Melyon-Reinette
- Noirs et blancs des colonies: une histoire croisée, une histoire partagée par Fréderic Régent
- L'outre-mer français: diversité ou homogénéité par Thierry Michalon
- Mal développement et dépendance: bref regard historique sur l'économie de l'outre-mer français depuis 1960 par Laurent Jalabert
- « Etarngers » en outre-mer: fantasmes et réalités par Marie Duflo
- Outre-mer: quelques leçons à tirer de la crise par George Pau-Langevin
- Les 16 de Basse Pointe
- Internet et la lutte contre le racisme
- Les contrôles d'identité à Paris
- « Affaire Geisser »: un procès kafkaïen par Jerôme Valluy
- Charte de bonne conduite sportive et citoyenne
Numéro au format PDF
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Texte brut du numéro
N°271 Juillet 1 Août 1 Septembre 2009 mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples ------ » de haute nécessite Rar.cours d'un militant du lYll=lAR • • • la poudr:ière de l'histoire de f.rance histoir:e cr:oisée. ou homo'Q' néité » en OUlil=lE-MEl=l .-.- -. . . - lnter:net et la lutte contre e racisme un pr.ocès kafkaïen Uiffél'ences n 43. bd de Ma'Qenta - 75010 PARIS Tél.: 01 53 389999 - Fax : 0140409098 mail : differences.ya@oran.Qe.fr 6€ le numéro; Abonnement : 20 € [4 numéros; an) Dil'ecteul' de la publication: Moulaud Aounit Rédaction: Yves Marchi ; Alexandrine Vocaturo Assistant pl'oduction : Pierre Rousset Administl'atl'ice : Eliane Benarrosh Conception/lmpl'ession: Marnat -Tél.: 01 56800919 Dépôt lé'Qal : Juillet 2007 La Barbarie el l'Hu anilaire Robert CHARVIN, Professeur Émérite de l'Université de Nice-Sophia Antipolis Doyen Honoraire de la Faculté de Droit de Nice-Sophia Antipolis Comme à toute époque de l'Histoire coexistent aujourd'hui barbarie et humanitaire. Une barbarie de nature diverse: Il Y a « barbarie par omission », lorsque le droit ignore des hommes et des peuples qui pourraient être ses sujets. Il en a été, et il en est encore, des 370 millions d'hommes appartenant à la catégorie onusienne des « peuples autochtones» (Amérindiens, Aborigènes d'Australie, etc.), en exil sur leurs propres territoires d'origine, soumis à des États qui leur sont étrangers et oubliés du droit international. Leur réveil - récent - a conduit à de difficiles négociations qui ont duré plus de 20 ans, longtemps bloguées par les « grandes» démocraties que sont le Canada, les Etatsunis ou le Brésil, qui ont fini par aboutir à l'adoption dans le cadre des Nations Unies à la « Déclaration des droits des peuples autochtones », leur reconnaissant divers droits, comme le droit à la terre, c'est-à-dire à leur terre. Mais cette Déclaration de 2007 n'a pas encore de valeur proprement juridique (sauf lorsqu'elle a été juridicisée par le droit interne national comme dans la Bolivie d'Evo Morales) : elle n'est donc pas encore contraignante dans l'ordre international! Il Y a aussi « barbarie par institutionnalisation» de l'inégalité et de l'hégémonie des puissances nanties. C'est le cas, par exemple, du droit nucléaire, qui consacre, dans le cadre de l'Agence Internationale de l'Énergie Nucléaire et du Traité de Non Prolifération, la capacité exclusive de quelques puissances nucléaires à le rester tout en interdisant aux autres États d'accéder à cette même capacité. Il est même prévu des règles permettant des inspections à répétition contre les États qui « menacent» d'acquérir une arme que d'autres possèdent en toute liberté et qui sont censés ne menacer IJersonne ! Implicitement, certains osent encore distinguer des États « civilisés» non dangereux et des États « barbares» irresponsables par nature! De plus, comme il n'est pas toujours aisé de distinguer le nucléaire civil du nucléaire militaire, on va jusqu'à admettre que certains États n'ont aucunement besoin d'énergie autre qu'hydraulique ou thermique! Est en vigueur, néanmoins, le principe de « l'égale» souveraineté des États, alors que seuls sont effectivement souverains ceux qui en ont les moyens. Si l'arme nucléaire est ainsi le monopole de quelques uns, les armes que peuvent s'offrir les pays pauvres car infiniment moins coûteuses (par exemple, les armes chimiques) sont strictement interdites par le droit international. « La barbarie sociale» est au coeur des relations économiques internationales. Les règles qui régissent ces relations sont essentiellement celles imposées par les grandes puissances, en premier lieu les Etats-Unis. Au FMI, à l'OMC, etc. les puissances développées ne travaillent pas contre elles-mêmes! Ces normes consacrent l'échange inégal, la spéculation financière internationale (y compris les paradis fiscaux), les plans d'ajustement structurel, les dettes du Sud souvent illégitimes, etc. En régulant l'hégémonie des firmes transnationales et des groupes Cour Pénale Internationale financiers, le droit international économique favorise le creusement des inégalités, le maintien de la pauvreté, la non-éradication de la malnutrition ou des maladies pourtant curables. La barbarie sociale est intégrée dans l'ordre juridique économique qui n'est que « l'ordre international de la misère ». Loin de se résorber, cette barbarie s'étend avec l'accélération de la globalisation qui détruit les quelques acquis des luttes sociales antérieures. L'OMC, par exemple, a programmé la liquidation des services publics, protecteurs des populations les moins favorisées et la politique de l'Union européenne est suiviste à cet égard. La remise en cause, amorcée de longue date, de la souveraineté des États, à ce jour cadre unique des quelques progrès sociaux dont ont bénéficié les peuples, conduit à une intégration des marchés défavorable aux plus faibles. Le droit humanitaire comme instrument de normalisation des rapports Le droit humanitaire est un ensemble de normes visant explicitement à combattre la barbarie régnant entre les belligérants en 3 4 cas de confl it armé. C'est ainsi, par exemple, que les prisonniers comme les biens civils bénéficient de règles protectrices tandis que certaines armes particulières font l'objet d'interdiction. Les États ont inventé la notion de « crime contre l'humanité », appartenant à la même catégorie que les crimes de guerre, le génocide et l'agression, selon les statuts de la Cour Pénale Internationale. Les hommes sont menacés dans leur humanité dès lors que le droit humanitaire est outrageusement et massivement violé. Ce droit humanitaire se propose donc de « civiliser» les rapports humains dans le cas des affrontements les plus inhumains, la guerre (civile ou entre États). Mais « civiliser» la violence armée est non seulement une ambition au moins partiellement irréaliste, mais aussi susceptible d'une instrumentalisation particulièrement favorable à la barbarie. Le droit humanitaire, né au XIXO siècle, correspond à la révolution industrielle en Europe. Les progrès techniques en matière d'armement et le développement des échanges par delà les frontières rendent le recours à la force armée de plus en plus coûteux et de plus en plus perturbateur des économies, c'est-à-dire de moins en moins « rentable ». Le droit humanitaire apparaît donc comme une régulation limitatrice d'une forme de gaspillage en hommes et en ressources : il s'agit, sous couvert d'une aspiration hautement éthique, d'une approche marchande de l'Humanité et de l'humanitaire. Le droit humanitaire est à rapprocher du droit de la concurrence, qui admet le bien fondé du contrat économique, en le régulant et en évitant autant que faire se peut que les concurrents aillent jusqu'à la liquidation totale d'une partie des opérateurs, qui ne serait pas toujours rationnelle, selon la logique marchande. Le droit humanitaire, qui n'est innovation que par sa forme juridique, apparaît donc comme l'expression d'une « barbarie sectorisée ». Il s'agit, à l'origine, de normaliser les rapports violents inter-occidentaux: le Tribunal de Nuremberg ne sanctionne pas les crimes nazis parce qu'ils sont, avant tout, monstrueux par leur nature, mais parce qu'ils ont été commis par des Européens à l'encontre d'autres Européens. Plus récemment, les affrontements internes à la Yougoslavie ont suscité de même des réactions très fortes d'abord parce qu' ils se situaient en Europe et entre Européens. Simultanément à ces tentatives d'évacuation de la barbarie au sein de l'Occident, les violences contre les mouvements de libération nationale ont été parfaitement admis par les États occidentaux, comme, par exemple, la pratique systémat ique de la torture en Algérie ou les crimes de masse commis à Madagascar ou au Vietnam. Les pratiques barbares en « zone barbare », c'est-à-dire dans les pays du Sud n'ont jamais suscité la même « émotion» ni les mêmes réactions de la part des États occidentaux sauf s'il s'agit de mettre en cause des « sudistes» ! Les juridictions mises en place pour sanctionner les crimes de masse commis au Rwanda, par exemple, et les poursuites menées par la Cour Pénale Internationale, par exemple, contre des personnalités africa ines, ne sont pas dénuées d'ambiguïté, tout en étant sans efficacité réelle. La volonté invoquée de sanctionner les atteintes au droit humanitaire n'a en effet pas pour object if le règlement des conflits qui en sont à l'origine; elle se heurte souvent aux intérêts mêmes des parties en présence (par exemple, la procédure ouv~ rte contre un modeste centre-africa in ou contre le chef de l'Etat soudanais ce qui a provoqué l'interruption des négociations entre les parties au conflit et l'expulsion des ONG occidentales). Elle exprime essentiellement l'universalisme que veulent imposer, pour leur propre compte, les Grandes Puissances, c'est-à-di re une forme particulière d'impérialisme, que l'on peut qualifier d' « impérialisme humanitaire ». Légitimation de la barbarie Aujourd'hui, l'instrument alisat ion du droit humanita ire atteint un tel niveau qu' il paraît fondé de parler d'une« barbarie légitimée ». Tout pouvoir a besoin d'ennemis pour se légitimer. Le pouvoir occidental qui entend gérer la mondialisation a un besoin vit al de justifier son hégémonie. Son déclin (par exemple, la part en réduction constante de la puissance économique américaine dans l'économie mondiale) renforce la nécessité de bénéficier d'un fondement autre que la seule contrainte matérielle. Pour « sauver» l'Humanité et les droits de l'homme, les Puissants essaient de persuader l'opinion mondiale qu'ils sont en droit de faire la guerre et de tuer. La théorie de 1'« ingérence humanitaire» née du duo d'un juriste et d'un politicien (MM. Bettati et Kouchner) a donné aux Etats-Unis, à la France, et à tous les Etats en ayant les moyens un argument leur permettant de maintenir l'ordre établi qui leur est favorable. La violation flagrante de la Charte des Nations Unies, malgré de subtiles interprétations et quelques palinodies, a trouvé ainsi une pseudo-argumentation humanitaire, conjuguée avec les prétextes sécuritaires qui, curieusement sont assurés par les plus forts se présentant comme « menacés» par les plus faibles! Curieusement cette ingérence n'est jamais pratiquée pour rétablir ou établir des droits économiques ou sociaux. Cette pratique de l'ingérence « humanitaro-sécuritaire » dans les affaires intérieures des États se refusant (pour des raisons variées) à l'ordre occidental, est, de surcroît, très sélective: elle vise à « purifier» une société contre elle-même et à faire cesser les atteintes aux droits civils et polit iques, mais jamais, cette ingérence n'est pratiquée pour rétablir ou établir des droits économiques et sociaux! La Cour Pénale Internationale dont la fondation en 1998 prolonge le déjà ancien droit humanitaire en sanctionnant les crimes de masse connaît elle-même diverses anomalies qui témoignent de son instrumentalisation. Il Y a barbarie dès lors que certains crimes sont sanctionnés et pas d'autres, par exemple, l'agression qui est à l'origine de la plupart des crimes de masse dans la société internationale, comme celle des États-Unis contre le Vietnam ou l'Irak et qui, bien que prévue dans le statut de la CPI, n'est pas mise en oeuvre, faute d'une définition. Les disposit ions du statut de la CPI prévoient aussi la possibilité procédurale de ne pas poursuivre les ressortissants des Grandes Puissances (en particulier les Américains) : les Puissants et leurs protégés (les Israéliens, par exemple) peuvent être ainsi responsables, mais jamais coupables! Le droit ne peut être au dessus de la mêlée barbare que suscitent les intérêts contradictoires des peuples et de leurs organisations. Il est, au contraire, au coeur des armes dont se dotent les forces en présence. En ce début de XXIO siècle, la réalité barbare est avant tout sociale: la crise qui a débuté en 2008 en révèle toutes les dimensions. Des millia rds d'hommes subissent de plein fouet une barbarie qui ne cesse de s'accentuer, mais cette inhumanité sociale n'affecte que modérément le monde des juristes, composé plus que d'autres « d'intellectuels de marché » qu i, par nature, peuvent bénéficier de la disharmonie de la société et qui ne manquent pas d'essayer d'en profiter. Ils ne font donc effort ni pour transformer les règles du « jeu» ni même pour en faire une approche critique. L'Occident applaudit à l' « aide humanitaire» qui est le cont raire de l'humanisme en ce qu'elle fait du frère humain un objet de consommation, un prétexte au spectacle de l'excellence de sa civilisation et l'exclut de tout devenir autre que la dépendance. A l'opposé, quelques associations, quelques militants du Nord et du Sud travaillent à faire de l'Humanité un sujet à part entière des relations internationales, gérant des Biens Communs disponibles pour tous. L'Humanité a besoin d'un socialisme transnational, réplique humaniste au capitalisme de plus en plus sauvage régnant au coeur de la mondialisation en cours. cc LES OUTRE-MERS ... Ce dossier présente diverses approches et différents points de vue. Il est cependant loin d'être exhaustif. En donnant la parole aux personnes directement concernées, il se veut une invitation à approfondir la connaissance sur ce qui se joue dans ces territoires et qui interpelle la République tant dans ses fondements que dans ses institutions. Il démontre l'intérêt que le MRAP porte à une situation où la contestation est tout à la fois politique et sociale. ENTRETIEN AVEC Edouard Glissant Écrivain, fondateur de l'Institut du Tout-Monde (*) Différences : Pour parler des Antilles, de la Réunion, on a parlé de société ultra-marine, le terme vous sembie-t-il bien adapté? Edouard Glissant: Absolument pas! Le terme n'a ni logique, ni nécessité ; d'abord « outre-mer» qu'est-ce que cela veut dire? Chacun est l'outre-mer d'un autre et par conséquent, il n'y a aucune raison d'employer ce t erme. Quand je suis à la Martin ique, l'outre-mer c'est l'Europe et quand je suis en Europe, l'outre-mer, ce sont les Antilles. D'autre part, si l'on veut dire tout simplement par là qu'il s'agit d'anciennes colonies de la France de l'autre côté des mers, il est normal que les gens qui y habitent refusent cette catégorisat ion. Différences : Comment alors définiriez·vous les sociétés comme celles des Antilles? Sociétés multiculturelles ? Edouard Glissant: Ce sont avant tout des sociétés archipéliques et métisses. Différences : Sociétés archipéliques que vous opposez à continentales? Edouard Glissant: Oui, en effet, dans l'histoire des humanités, en général, les archipels ont précédé l'apparition des continents en tant que puissances de civilisation. C'est le cas des îles ioniennes qui ont précédé la Grèce cont inentale, c'est le cas égaIement de l'archipel des Caraïbes qui sont en quelque sorte la préface des Amériques : Christophe Colomb est passé par là pour aller aux Amériques et au XVlème la mer des Caraïbes était par moments appelée mer du Pérou, alors même que le Pérou est de l'autre côté du continent, mais elle était la mer par laquelle il fallait passer pour débarquer sur le continent et le traverser pour aller au Pérou. Mais l 'important surtout, c'est que les pensées archipéliques ne sont jamais impérialistes, ne sont jamais dominatrices et ne s'imposent jamais comme des forces de direction alors que les pensées continentales fraient vers le monde d'une manière cont inue et directe, c'est ce que j'appelle la projection en flèche. La rédaction D'une manière plus fondamentale, au fur et à mesure que les civilisations se sont affirmées, la pensée continentale s'est rapprochée de ce que j'appelle les pensées de système ou les systèmes de pensée. Des systèmes qui sont impératifs, qui s'imposent, qui n'admettent pas d'alternatives. Ce sont des pensées-force. Les pensées archipéliques, au contraire, sont des pensées diversifiées, qui se déploient dans toutes les directions, pensées que j'appelle des pensées du tremblement, des pensées du contact tremblant avec le monde. Différences: Comment cela se traduit-il aux Antilles? Edouard Glissant : Cela se traduit par le fait que d'une part, contrairement à ce qui s'est passé il y a deux ou trois siècles, les pays des Antilles se rapprochent considérablement les uns des autres, non seulement sur le plan artistique, arts plastiques, cinéma mais aussi fondamentalement sur le plan de la littérature. Aux Antilles, il y a des littératures hispanophones, anglophones, francophones, mais toutes obéissent à des tendances, à des pulsions qui les rapprochent les unes des autres. Nous autres écrivains des Antilles et de la Caraïbe avons la même confiance dans les mots, avons un sens du rythme, de la répétition, de la circularité des thèmes ... Ce qui fait que. nous avons à peu près le même langage alors que nous avons des langues différentes. Nous sommes beaucoup plus proches d'un écrivain caribéen hispanophone que d'un écrivain français. Très nouveau dans l'hist oire des peuples, il y a tout ce mouvement qui n'est pas un mouvement de rassemblement unitaire continental, mais une mise en commun de diversités éparpillées : on conçoit qu'on peut mettre ensemble des choses différentes alors que l'essentiel même de l'histoire des civilisations jusqu'ici était qu'on mettait ensemble des choses semblables. Différences: Mettre ensemble des choses diverses, c'est bien de métissage dont il est question? Edouard Glissant: Si l'on parle de l'histoire des Antilles, c'est bien celle d'un métissage fondament al. Le peuplement des Antilles et de ce que j'appelle la néo-Amérique - la nouvelle Amé- 5 6 rique- en l'opposant à l'Euro-Amérique - les Etats-Unis et le Canada- et à la Méso-Amérique -celle traditionnelle des peuples pré-colombiens, des peuples aztèque, inca, et des Indiens des Etats-Unis et d'Amérique du Nord - cette Amérique néo-coloniale, c'est l'Amérique créole, l'Amérique du métissage, celle du Brésil, de la Caraïbe, l'Amérique de la créolisation. Différences : En quoi la créolisation se distingue-t-elle du métissage? Edouard Glissant: Le métissage, on peut à peu près le prévoir, il y a des études scientifiques sur le métissage des espèces animales ou végétales, mais la créolisation, c'est le métissage qui est aussi celui des cultures, ce qui fait que la créolisation est un métissage qui donne des résultats absolument imprévus, inattendus, imprévisibles. C'est pour cela que je dis toujours qu'on ne peut pas définir les hommes de la population de la Caraïbe car si on les définit cela équivaut à les arrêter à les stopper dans leur développement, ce qui est impossible. Différences : En quelle manière la République prend-elle en compte cette créoli- Edouard Glissant sation, cette singularité des Antilles? Edouard Glissant : La colonisation française a une caractéristique très importante qui la distingue de la colonisation anglaise. La colonisation française a le génie de l'assimilation. Elle veut faire du colonisé un citoyen français, c'est ce qu'elle a essayé de faire en Indochine et en Algérie, elle n'y est pas arrivée pour plusieurs raisons: l'existence millénaire de civilisations et de cultures, l'étendue de ces pays, tout comme la capacité de résistance physique de leurs populations prêtes à sacrifier des millions d'habitants pour se préserver de cette atteinte colonisatrice. La colonisation anglaise est différente, elle n'essaie pas de faire du colonisé un citoyen br itannique, un sujet de sa Majesté et par là, un peu en raison de ce mépris plus manifeste, elle a mieux respecté les bases cultu relles des sociétés qu'elle a colonisées. La colonisation française est ainsi plus pernicieuse et aux Antilles où il n'y avait pas d'arrière -pays étendu sur lequel pouvait se développer une résistance fondamentale ni de tradition millénaire de civilisation -nous sommes nés de l'acte colonial même- la tentative d'assimilation colonisatrice française, si elle n'a pas réussi, n'en a pas moins bouleversé plus longuement les populations d'autant que dans les petites Antilles francophones -je ne parle pas de Saint-Domingue qui est devenu Haïti- mais en Martinique et en Guadeloupe, la libération des esclaves s'est faite sous l'impulsion réelle venue de Paris -Victor Schoelcher, l'Assemblée nationale de 1848. Ainsi pendant longtemps l'idée même de la libération s'est trouvée liée à l'idée du rattachement à la France et vécue comme une manière de se préserver des békés, c'est-àdire des colons capitalistes présents en Martinique. Bien entendu cette idée était fausse, la complicité de fait entre les capitalistes békés et le système colonial étant bien réel. Néanmoins, on a cru pendant longtemps que la France représentait la seule manière de résister à l'impérial isme des békés. D'ailleurs, cette tendance à l'assimilation était largement partagée - c'est ainsi qu'il a fallu longtemps avant que les communistes admettent l'idée qu'il y ait un parti communiste martiniquais -c'était une section du parti communiste français. Différences: Pourtant les luttes se sont développées. Quelles formes ont-elles prises? Edouard Glissant: Pendant longtemps, les luttes des Antillais ont été sporadiques : des explosions, des massacres, des répressions féroces suivies de longues périodes de léthargie, de latence, accentuées par le fait que rien de tout cela n'était connu en France même. Ce qu'il y a de nouveau avec les événements de l'hiver dernier en Guadeloupe et en Martinique, c'est que, pour la première fois, ou l'une des premières fo is, le sentiment de révolte n'a pas été un sentiment purement syndical, mais un sentiment général de ras-le-bol et qui ouvrait par conséquent la porte sur une sorte de consensus, je ne dirais pas nat ional, car ce serait un peu retardataire mais sur un consensus général qui cherchait ailleurs autre chose en plus, sans pour autant négliger l'importance des revendications salariales. Différences : Est-ce la seule raison qui peut expliquer que cette lutte ait suscité un tel retentissement en France? Edouard Glissant: En effet, outre ce consensus général dont je viens de parler, il s'est passé une seconde chose. Pour la première fois en France, pour des raisons qu'il faudrait analyser de plus près, la population française a su immédiatement et presque heure par heure ce qui se passait. En 1959, il ya eu une répression terrible, des lycéens ont été tués par la police, sans que personne n'ait connaissance de ces faits en France. Aujourd'hui si la population française sait ce qui se passe en Guadeloupe, c'est peut-être aussi parce qu'elle est prête à le savoir. Différences : Quels enseignements et quelles perspectives peut-on dégager dès à présent ? Edouard Glissant : C'est une situation très compliquée parce qu'il aura suffi que le Président de la République aille aux Antilles et promette monts et merveilles pour que la situation une fois de plus se tasse et que se déroulent ces fameuses périodes de latence, de léthargie dont je parlais. Mais peut-être que cela ne suffira plus. Donc, c'est encore une situation d'attente qui prévaut. Différences : En France, l'attention s'est portée sur le Manifeste pour les produits de haute nécessité que des intellectuels des Antilles ont publié. Edouard Glissant: Le Manifeste que Chamoiseau et ses amis, nos amis, ont écrit, et que j'ai cosigné parce que cela vient un peu en partie de mes idées, rend compte de la situation telle qu'elle est aujourd'hui, à savoir que les Antillais ont découvert que non seulement il fallait revendiquer pour des questions salariales, qu'il ne faut pas négliger parce que la pauvreté loin d'être théorique est bien réelle, mais, que du point de vue de la destinée de ce pays, il y a autre chose d'essentiel, en particulier la dignité et la responsabilité collective et que ces valeurs font partie de ce que nous appelons les produits de haute nécessité qui ne sont pas seulement les produits de première nécessité. Il faut nous habituer à l'idée qu'une entreprise n'est pas seulement faite pour accumuler des bénéfices, mais d'abord pour produire du bien-être, qui n'est pas le petit confort bourgeois dans lequel on s'endort, mais une attitude active qui fait intervenir les notions de dignité et de responsabilité collective d'une manière fondamentale. On n'est pas contre les entreprises, mais contre celles qui ne considèrent pas que la production de bien-être doit être l'essentiel de leur activité. Différences: En somme une critique du capitalisme, une autre conception des priorités, de la production de la richesse? Edouard Glissant: Accepter les principes mêmes du capital isme ne permet pas de lutter contre le capitalisme et plus particulièrement contre le libéralisme capitaliste. Alors qu'en Europe, en France, pour les gens de gauche l'idéal de l'activité, c'est un meilleur partage des richesses, nous, nous disons que le but de l'activité n'est pas la production de richesses mais la production de bien-être. Différences: Vous voyez la prise en compte de ce changement dans un avenir proche? Edouard Glissant: Ce n'est pas demain la veille, en Chine, en Inde avec les sociétés capitalistes qui s'installent et que l'Europe installe en Afrique mais cependant nous croyons que nous pouvons influer de manière sensible sur les mouvements d'évolution des peuples. Différences: Cela correspond à ce que vous appelez poétiser le politique? Edouard Glissant: J'ai émis l'idée que ce qui manque au politique, c'est le poétique et le poétique, c'est l'intuition, la divination de la réalité du monde. Je crois qu'on a toujours eu une conception du monde mais, ce qui a été absolument catastrophique dans les int ernationales successives c'est que la conception du monde n'était qu'idéologie. L'idéologie, c'est vouloir changer le monde, c'est à dire vouloir avoir une action qui ait un but, une finalité. Rien de plus terrible car le monde n'a pas de finali t é, le monde n'a que des imprévus, des inextricables, des imprévisibles et il nous faut nous habituer à vivre avec, et non pas à essayer de faire du monde une espèce de monotonie uniforme obéissant à des règles pré-établies, c'est-à-dire à une pensée cont inentale. Il y a tout à gagner à ce que les pensées commencent à se rassembler en archipel. Il faut archipéliser le monde parce que le monde s'archipélise, l'archipéliser dans nos conceptions, c'est pourquoi il nous faut avoir une poétique qui précède les pOints de vue politiques. Et cela n'a rien à voir avec la spiritualité. Différences : C'est tout à l'encontre d'une vision universaliste, uniformatrice du monde ••• Edouard Glissant: Un système politique peut-être valable dans un coin du monde et pas dans un autre. Tant qu'on n'aura pas admis qu'il y a des systèmes politiques qui sont acceptables partout quand ils travaillent pour le bien-être des peuples, on va toujours tendre à une espèce de tyrannie fondamentale, de droite ou de gauche, si cela a un sens dans le monde d'être de droite ou de gauche à l'exception des pays comme la France, l'Allemagne, l'Espagne, mais quel sens cela peut-il avoir au Darfour? Il y a une autre intuition, une autre réalité, d'autres paramètres. Ainsi qu'est-ce que cela peut vouloir dire changer le monde dans la forêt avec les Pygmées? Vouloir èhanger le monde, cela n'a pas de valeur universelle, cela n'a que des valeurs particulières. Avoir l'intuition du poétique, c'est avoir l'intuition que certaines idées qui sont valables pour moi, ne sont pas valables pour un aborigène d'Australie. Entretien réalisé à Menton le 17 juillet 2009 (*) hUp:/Itout-monde.com! Manifeste pour les cc P ODUITS » de haute né,essité Extraits (*) C'e,st en solidarité pleine et sans reserve aucune que nous saluons le profond mouvement social qui s'est installé en Guadeloupe, puis en Martinique, et qui tend à se répandre à la Guyane et à la Réunion. Aucune de nos revendications n'est illégitime. Aucune n'est irrationnelle en soi, et surtout pas plus démesurée que les rouages du système auquel elle se confronte . .! .. .! Cette grève est donc plus que légitime, et plus que bienfaisante, et ceux qui défaillent, temporisent, tergiversent, faillissent à lui porter des réponses décentes, se rapetissent et se condamnent. Ce mouvement se doit donc de fleurir en vision politique, laquelle devrait ouvrir à une force politique de renouvellement et de projection apte à nous faire accéder à la responsabilité de nous-mêmes par nous-mêmes et au pouvoir de nousmêmes sur nous-mêmes.! .. .! Dès lors, derrière le prosaïque du « pouvoir d'achat» ou du « panier de la ménagère », se profile l'essentiel qui nous manque et qui donne du sens à l'existence, à savoir: le poétique. Toute vie humaine un peu équilibrée s'articule entre, d'un côté, les nécessités immédiates du boire-survivremanger (en clair: le prosaïque) ; et, de l'autre, l'aspiration à un épanouissement de soi, là où la nourriture est de dignité, d'honneur, de musique, de chants, de sports, de danses, de lectures, de philosophie, de spiritualité, Petit-Bourg (Guadeloupe) : Statue de Gertrude, esclave noire accusée d'empoisonnement, pendue puis brûlée en 1822 Il Y a donc une haute nécessité à nous vivre caribéens dans nos imports-exports vitaux, à nous penser américain pour la satisfaction de nos nécessités, de notre autosuffisance énergétique et alimentaire. L'autre très haute nécessité est ensuite de s'inscrire dans une contestation radicale du capitalisme contemporain qui n'est pas une perversion mais bien la plénitude hystérique d'un dogme. I .. .!. Ouvriers et petits patrons, consommateurs et producteurs, portent quelque part en eux, silencieuse mais bien irréductible, cette haute nécessité qu'il nous faut réveiller, à savoir : vivre la vie, et sa propre vie, dans l'élévation constante vers le plus noble et le plus exigeant, et donc vers le plus épanouissant. Ce qui revient à vivre sa vie, et la vie, dans toute l'ampl~ur du poétique. I .. .! Imaginons ensemble un cadre politique de responsabilité pleine, dans des sod'amour, de temps libre affecté à l'ac- ciétés martiniquaise guadeloupéenne complissement du grand désir intime (en cla ir: le poétique).! .. .! Alors, quand le « prosaïque» n'ouvre pas aux élévations du « poétique », quand il devient sa propre finalité et se consume ainsi, nous avons tendance à croire que les aspirations de notre vie, et son besoin de sens, peuvent se loger dans ces codes-barres que sont « le pouvoir d'achat» ou « le panier de la ménagère ». Et pire : nous finissons par penser que la gestion vertueuse des misères les plus intolérables relève d'une politique humaine ou progressiste. Il est donc urgent d'escorter les « produits de premières nécessités », d'une autre catégorie de denrées ou de facteurs qui relèveraient résolument d'une « haute nécessité ». Par cette idée de « haute nécessité », nous appelons à prendre conscience du poétique déjà en oeuvre dans un mouvement qui, au-delà du pouvoir d'achat, relève d'une exigence existentielle réelle, d'un appel très profond au plus noble de la vie. Alors que mettre dans ces « produits» de haute nécessité? C'est tout ce qui constitue le coeur de notre souffrant désir de faire peuple et nation, d'entrer en dignité sur la grand-scène du monde, et qui ne se trouve pas aujourd'hui au centre des négociations en Martinique et en Guadeloupe, et bientôt sans doute en Guyane et à la Réunion. D'abord, il ne saurait y avoir d'avancées sociales qui se contenteraient d'elles-mêmes. Toute avancée sociale ne se réalise vraiment que dans une expérience politique qui tirerait les leçons structurantes de ce qui s'est passé. Ce mouvement a mis en exergue le tragique émiettement institutionnel de nos pays, et l'absence de pouvoir qui lui sert d'ossature.! .. .! guyanaise réunionnaise nouvelles, prenant leur part souveraine aux luttes planétaires contre le capitalisme et pour un monde écologiquement nouveau I .. .!. Ainsi, chers compatriotes, en nous débarrassant des archaïsmes coloniaux, de la dépendance et de l'assistanat, en nous inscrivant résolument dans l'épanouissement écologique de nos pays et du monde à venir, en contestant la violence économique et le système marchand, nous naîtrons au monde avec une visibilité levée du post-capitalisme et d'un rapport écologique global aux équilibres de la planète .... Alors voici notre v ision : Petits pays, soudain au coeur nouveau du monde, soudain immenses d'être les premiers exemples de sociétés post-capitalistes, capables de mettre en oeuvre un épanouissement humain qui s'inscrit dans l'horizontale plénitude du vivant ... Ernest BRELEUR Patrick CHAMOISEAU Serge DOMI Gérard DELVE Edouard GLISSANT Guillaume PIGEARD DE GURBERT Olivier PORTECOP Olivier PULVAR Jean-Claude WILLIAM (*) Texte intégral publié aux éditions Galaade 7 8 Manifestation Saint-Denis de la Réunion mars 2009 Entre 1948 et aujourd'hui, des dizaines de manifestations violentes ou de très longues grèves ont secoué les terres de l'outre-mer français laissant derrière elles des destructions, des blessés, des morts. Pour les quatre départements d'outremer seulement, nous pouvons signaler : en Martinique, manifestations, émeutes, longues grèves en 1948, 1959, 1961, 1971 et 1974 ; Guadeloupe: manifestations, émeutes, longues grèves en 1951-1952, 1967, 1971, 1975 ; La Réunion : manifestations, émeutes, longues grèves en 1958, 1962, 1973, 1978, 1986, 1991 ; Guyane: manifestations, émeutes, longues grèves en 1962, 1974,1996,2006,2008. Il faut y ajouter la longue grève de 2009 qui a mobilisé pratiquement la totalité de la population de Guadeloupe, et les grèves en Martinique, Guyane et La Réunion. Les morts, les procès contre des syndicalistes et des militants, les emprisonnements, la répression, laissent des traces et construisent un récit qui contredit celui d'une relation harmonieuse et sereine entre outre-mer et « métropole ». Ce terme déjà de « métropole» signale la difficulté à clarifier une relation entachée, de part et d'autre, et ce malgré réformes et programmes successifs, de défiance et de soupçon. La « métropole» est un espace imaginaire sans histoire, sans art, littérature, frontières, débats et conflits. La France par contre a une histoire, connaît conflits et débats. Comment nommer la relation entre la France hexagonale, qui se construit comme communauté imaginée, avec ses récits et ses mythes, et des territoires qui font partie de la République mais ont une histoire, une culture, un environnement régional qui leur donne, chacun, une singularité 7 La question reste actuelle. En ces débuts du 21ème siècle, il semble impossible de continuer à adopter un paradigme qui peut reconnaître ces réalités mais finit toujours par les marginaliser. La colère envers les inégalités qui se creusent, la précarité qui augmente et une dépendance qui étouffe exige de renouveler la manière de penser les outre-mers et la France hexagonale. Une réalité déjà: il y a des outre-mers. Quoi de commun en effet entre la Nouvelle-Calédonie et La Réunion, entre Mayotte et la Martinique, entre la Guyane et Tahiti, sinon d'être des territoires liés, culturellement, politiquement et économiquement, à la France 7 Déjà, ce lien est lui-même complexe, travaillé par l'histoire, affecté par les luttes anti-coloniales, affaibli ou renforcé au cours des siècles. Il n'est pas perçu de la même manière à Cayenne et à Nouméa, à Saint-Denis de la Réunion et à Fort-de-France. Rap- LES OUTRE-MERS ET LA REPUBLIQUE Françoise Vergès, écrivain Présidente du Comité pour la Mémoire et l'Histoire de l'Esclavage Experte dans l'équipe nationale des EGOM Directrice équipe scientifique et culturelle de la Maison des civilisations et de l'Unité Réunionnaise pelons aussi que ces territoires ont chacun une histoire, une culture, et une (ou, des) langue qui ne sauraient être confondues. Rassembler ces territoires sous un seul et unique signe « l'outre-mer» témoigne d'une indifférence ou d'une ignorance de leur spécificité. La République française est aujourd'hui une des grandes puissances maritimes grâce aux territoires qui lui sont rattachés à travers le monde. Plus de 98 % de la faune vertébrée et 96 % des plantes vasculaires spécifiques à la France (dont le maintien des populations est sous responsabilité française) est concentrée sur les 22 % de son territoire que représentent les collectivités d'outre-mer. Nouvelles temporalités. nouveaux espaces Adoptant la proposition de Dipesh Chakrabarty de « provincialiser l'Europe» (2001), je récuse le manichéisme binaire imposé par toute une historiographie européenne et qui inscrit la loi suivante: le dominé est condamné à l'anachronisme et à la répétition
- seuls les dominants ont le privilège
d'habiter le nouveau et l'actuel. Nombre de discours anti-coloniaux ont cherché à questionner ce manichéisme en opérant un simple renversement : le dominé serait le porteur de la révolution authentique, le dominant n'ayant plus qu'à le suivre. Cette attitude qui eut un intérêt stratégique ne peut plus suffire à répondre aux complexités des nouvelles formes de pouvoir, aux régionalisations qui s'opèrent et aux défis posés par le changement climatique (qui fragilisera plus fortement les territoires d'outre-mer). L'héritage du colonialisme ne constitue pas le pilier central autour duquel s'organisent les temporalités actuelles. Ainsi, aux côtés d'une critique des représentations et du discours colonial, il faut y ajouter une critique des nouvelles formes de domination. Il s'agit aussi de chercher comment formuler les questions de manière nouvelle. Si les outremers constituent une 'ressource politique pour la France et pour l'Europe' comment penser ce qui fait, et ne fait pas lien, entre l'outre-mer et la France, entre l'outre-mer et l'Europe 7 Décoloniser la République Un rêve de république coloniale a existé, il a nourri des générations d'administrateurs coloniaux, a séduit des colonisés. La colonie et la métropole se sont construites l'une avec l'autre et pas seulement l'une contre l'autre comme on voudrait nous le faire croire; ce rêve a profondément modelé les pratiques culturelles et politiques de générations de Français. La question se pose : Qu'est-ce qui rassemble celles et ceux qui ne veulent pas devenir citoyens français au prix d'un renoncement à des croyances, des mythes, une histoire, un passé qui ne sont pas ceux de la France hexagonale 7 Quelle « communauté imaginée» peut rassembler des groupes, des individus qui n'ont pas encore construit un « récit partagé» 7 Comment réactualiser la république, poursuivre sa démocratisation si nous n'examinons pas ce qui constitua en son coeur même une contradiction de ses principes 7 Comment imaginer étendre les droits, l'égalité, que la République garantit à ses citoyens si nous ne revenons sur l'histoire de l'arbitraire, de l'exclusion, de l'état d'exception que fut la colonie 7 La république ne fut pas « bafouée », trahie, trompée aux colonies, elle y imposa son utopie régénératrice, l'utopie d'une république coloniale. Les sources du colonialisme républicain sont à chercher non chez ceux qui menèrent la colonisation mais dans les idées mêmes de la république. Il s'agit d'explorer comment et combien la République et la colonie se sont soutenues, se sont confrontées l'une à l'autre et l'une contre l'autre, et surtout comment et combien la République est encore et toujours marquée, modelée par le colonial dans sa politique nationale et internationale. Le paradoxe est là : une république naît d'une révolution qui porte au monde les idéaux des Lumières - contre la tyrannie, l'exception, pour l'égalité, la liberté-- ; cette république se forge au cours des siècles contre les courants conservateurs et partisans de l'inégalité sociale; elle se fait fort de réaliser sur le territoire français les idéaux de la Révolution; or, cette république construit un empire colonial où elle fait régner l'exception, l'inégalité, les limites à la liberté et l'arbitraire. La RépUblique n'a pas à s'excuser de son passé colonial (pourquoi, puisqu'il faisait partie de son appareil constituant 7), elle a à encourager l'historiographie de ce passé. Or l'historiographie de la république coloniale reste encore aujourd'hui trop souvent prisonnière de ces deux récits, celui de l'indignation/ dénonciation et celui de la mémoire/remords. Elle doit opérer une mutation, redonner de l'épaisseur, du sens aux pratiques, aux représentations de la république coloniale. Revenir sur la colonisation, c'est d'abord admettre qu'il ne s'agit pas simplement d'appréhender une page d'histoire, certes un peu trouble, mais finalement lointaine, exotique. C'est au contraire réfléchir à l'intime intrication du colonial avec l'histoire nationale, c'est analyser ce qui dans notre culture, dans nos représentations, dans nos rapports à l'Autre et au monde, dans nos modes d'être, de créer, de produire, ce qui est travaillé par le colonial. Ce travail ne vise pas seulement le monde du colonisateur mais aussi celui du colonisé. Sans prétendre donc faire de ce passé colonial l'épicentre de nos tourments contemporains, il faut bien admettre que l'héritage n'est pas sans séquelles. Une nouvelle citoyenneté Comment continuer à débattre de la citoyenneté, des principes de la République si l'on n'intègre pas l'histoire concurrente des exclusions, des exceptions aux principes 7 Comment ces régions vont-elles exister dans l'Europe, non pas simplement comme région 'ultra-périphérique' mais comme participant actif à l'élaboration d'une Europe qui renoncerait à l'eurocentrisme 7 Et encore : Quelle contributions peuvent-elles apporter à l'analyse de phénomènes tels que, l'interculturel, la pluralité des religions et une nouvelle la"icité, les liens entre démocratie et pluralité culturelle, entre égalité des citoyens et différence culturelle 7 L'étude de ces questions exige cependant un décentrement du regard où ces terres ne sont plus perçues comme un simple appendice de la France mais comme des lieux singuliers qui pour autant ne peuvent renier leur relation et leur interdépendance avec la France. Double jeu du singulier et de l'assimilé, de l'isolement et du lien. Double injonction de l'héritage : garder, préserver, réaffirmer le passé et le réinterpréter, le critiquer, le déplacer. Pas de nostalgie, pas de glorification de la singularité mais une déconstruction du lieu, une éthique de la mise en cause des certitudes. Revenir sur l'histoire de la subjectivité, du sujet politique, de la démocratie, histoire qui s'inscrit dans une matrice: matrice du déni du sujet (esclavage), de l'exclusion de la démocratie (colonisation), matrice du camp et de l'enfermement (plantation, camp des esclaves et des engagés), mais aussi matrice de la créolisation et de l'invention d'une manière de vivre et de faire. Le principe de République « une et indivisible » (qui ne reconnaît pas les différences) a déjà été plusieurs fois assoupli dans les règlements qui concernent chacun des outre-mers. La situation n'est donc pas aussi bloquée que d'aucuns veulent le dire et les possibilités sont là. Les mutations profondes qui ont marqué le paysage social, économique et culturel de ces départements depuis la fin du statut colonial en 1946 exigent, nous l'avons dit, de nouveaux paradigmes. Les responsabilités de la classe politique dans les outre-mers et en France hexagonale sont grandes dans la difficulté de mettre en place ces nouveaux paradigmes. Dans les outre-mers, peu de vision à long terme, beaucoup de clientélisme encore et beaucoup de rentes de situation. Ainsi, seule la Région Réunion a, à ce jour, entamé une politique d'énergie renouvelable qui fait que l'île produit de 30% de son éhergie grâce au solaire (et vise 100% en 2025). En France hexagonale, une marginalisation de ces terres dans le récit et l'imaginaire national, la croyance que leurs populations « coûtent ». Il est assez scandaleux que la question du coût de l'outre-mer se pose dans un pays comme la France où les inégalités entre régions sont énormes, notamment entre la région lIe-de-France et les autres régions. Toutes les régions (sauf la région Rhône-Alpes) « dépendent » de l'ile-deFrance pour leur consommation et pour la redistribution des revenus. La dépense publique par habitant est en moyenne de 14 000 euros en France hexagonale alors que dans les DOM, elle évolue entre 6081 euros pour la Guadeloupe (taux le plus haut) et 4987 pour la Guyane (taux le plus bas). La fragilité de leur économie, les choix successifs des gouvernements de gauche comme de droite, la faible inscription dans leur environnement régional, et l'hégémonie du lien « métropole/outre-mer » qui entravent initiatives et créativité, posent de manière urgente un renouvellement de la pensée qui prenne en compte les héritages de la République coloniale, l'héritage colonial et post-colonial des sociétés outre-mer et les défis qui se présentent. PARCOURS D'UN MILITANT DU MRAP arcel Manville (1922-1998) a été surnommé "l'Avocat militant" parce qu 'il n'a jamais séparé sa profession, qu'il aimait avec passion, des causes qu'il défendait par ailleurs. Son talent d'avocat, il l'a avant tout consacré à la défense d'autres militants, "à tous les coins du monde" selon l'expression de Frantz Fanon, militants ou bien simples victimes des maux contre lesquels il s'est dressé. Ces maux c'était le racisme, le colonialisme, l'impérialisme. Et les clients de Marcel Manville, c'étaient, pour la plupart. des Algériens, des Antillais, des Palestiniens, et aussi des Africains vivant sous les dictatures mises en place par les ex-pouvoirs coloniaux (ce qu'on a appelé le "néo-colonialisme"). Et ce combat militant et internationaliste, Marcel Manville l'a mené jusqu'à la dernière minute de sa vie, dernière minute qui s'est déroulée (2 décembre 1998) au Palais de Justice de Paris, devant la Chambre d'accusation où, aux côtés de Nicole Dreyfus, il introduisait la plainte contre X visant les responsables du massacre des manifestants algériens du 17 octobre 1961 à Paris. C'était la conclusion fUlgurante d'un parcours qui commence un demi-siècle auparavant, quand Marcel Manville s'embarque en Martinique sur les navires américains et rejoint à l'âge de 22 ans les forces françaises libres. Il participe ainsi au débarquement du 15 août 1944 en Provence puis à la campagne de 1ère armée française dans l'est de la France, notamment à la bataille d'Alsace lors de la fameuse contre-offensive allemande de l'hiver 44. Il Y reçoit la croix de guerre. A noter qu'il a combattu alors aux côtés d'autres Antillais notamment Frantz Fanon qu'il devait retrouver plus tard dans la révolution algérienne. C'est aussi au cours de cette campagne militaire qu'il découvre (à travers des incidents rappelant ceux décrits par le film "Indigènes") ce qu'est le racisme, au sein même de l'armée française, ce qui l'amène à donner un nouveau sens, plus idéologique, plus internationaliste aussi, à ce premier combat initialement purement patriotique. Lutter contre le racisme, c'est aussi le sens de son engagement au MRAP dont il sera l'un des membres fondateurs en 1949. Ses convictions le conduisent également à s'approcher, peu après la guerre, des anticolonialistes français et notamment du parti communiste français qui mène la lutte contre la guerre d'Indochine puis contre la guerre d'Algérie. Il fait partie du collectif d'avocats qui prend en charge la défense des militants algériens détenus. Louisa Higilariz dans sOn témoignage autobiographique recueilli par Anne Nivat ("l'Algérienne") évoque le style de Marcel Manville, style fait à la fois de décontraction, de solidarité fraternelle, de détermination. Le renom de l'avocat-militant attire l'attention des tueurs de l'OAS qui le ciblent dans un attentat à la bombe à son domicile parisien. D'autres personnalités sont visées ces mêmes jours par la terreur fasciste. Il participe à l'organisation de la première conférence internationale sur la Palestine à Paris en 1966. La solidarité avec la Palestine sera un point fort de son action militante internationale qui lui fera croiser le chemin d'autres grands militants anticolonialistes comme Henri Curiel. Il sera aussi l'avocat du représentant de l'OLP à Paris Mahmoud El Hamchari, assassiné par un commando israélien à Paris en décembre 1972. Marcel Manville prend garde de ne jamais séparer ce combat de celui parallèle et complémentaire contre toutes les réminiscences de l'antisémitisme dont certaines trouvent de faux prétextes dans la politique d'agression permanente conduite par l'Etat d'Israël. Dans la troisième partie de sa vie, à l'âge de 50 ans passés, il retourne vivre dans son pays natal, la Martinique, et participe à la reconstruction de l'identité nationale de l'île ainsi que de l'île-soeur de la Guadeloupe. Il va poursuivre cette action de fond sur quatre plans: • l'analyse et la dénonciation du colonialisme, sous les formes nouvelles ou masquées qu'elles prennent aux Antilles; • la lutte contre l'isolement des Antilles départementalisées par rapport aux autres îles caraïbes et notamment à HaIti ; • le combat pour la mémoire de la traite et de l'esclavage (et le dernier discours -décembre 98 de Marcel Manville, à Lisbonne, dans le cadre d'une conférence de l'Unesco, est une contribution majeure à ce devoir de mémoire et à sa signification militante, tout comme"le procès de Christophe Colomb", mémorable contre-pied à la célébration du cinq centième anniversaire du héros espagnol). • enfin la redécouverte aux Antilles, où elle restait ignorée, de l'oeuvre et de la vie de Frantz Fanon, le "héros-silex" de la révolution algérienne et du flamboyant et fameux livre "les damnés de la terre". Ce sera le "Mémorial Fanon" et la création du Cercle Frantz Fanon qui restera à la pointe de l'action anticolonialiste aux Antilles et à Paris. C'est aussi dans cet esprit fanonien que Manville n'oubliera jamais le lien noué dans le sang avec l'Algérie et. on l'a vu, ses derniers mots sont pour l'Algérie et les victimes d'octobre 61. Et on verra aux Obsèques de l'avocat militant. dans sa ville natale de Trinité, côte à côte dans les rangs de la foule, les drapeaux de Martinique, de Guadeloupe, de Palestine, de France et d'Algérie. YLM 9 10 De I1ndifféren..t. e à nos différentes LA POUDRIERE DE L'H ISTOIR Sur les ondes radiophoniques, à travers des voix chantantes, douces parfois, larmoyantes ou agressives, une réconciliation avec l'histoire des Antilles semble s'opérer. Un pan de l'histoire avait été oblitéré par la République et par ses scientifiques renonçant à l'objectivité, la neutralité auxquelles ils devaient se soumettre. Il y eut une distanciation certaine et à ce titre, pourquoi a-t-il fallu qu'ils s'en éloignent jusqu'à laisser cette part de l'histoire française dans l'ombre, jusqu'à la néantiser? Notre réponse tomberait comme un couperet pour une nation qui n'assume pas son histoire: la colonisation et l'esclavage étaient des souillures qui ne devaient pas entacher le légendaire humanisme de la France et demandaient à être enterrés. Ainsi, les anciens esclaves et leurs descendants sont affranchis, puis consacrés citoyens de la grande patrie française. Les anciennes plantations sucrières deviennent des départements en 1946, à l'initiative d'Aimé Césaire (entre autres intérimaires). Il ne s'agissait pas simplement de remettre aux nouveaux Français d'outre-mer des papiers d'identité, mais de leur insuffler l'amour de la France, l'amour pour la France. La francité. Ou s'agissait-il plutôt d'une sujétion à la France? Il s'agissait de les assimiler à une culture et à une histoire qui leur étaient totalement étrangères. Ce fut chose aisée lorsque l'on sait ce qui leur fut enseigné. A coups d'évangélisation et de déculturation, les descendants d'esclaves reconnurent leurs ancêtres comme Gaulois, dans la contrainte. Aujourd'hui, des discours anticolonialistes, empreints de références raciales, ont cours encore, alors que le vingt-et-unième siècle est déjà bien entamé. Ils dénoncent une République Française qui favorise et privilégie le sectarisme, les inégalités sociales, perpétue un féodalisme hérité de la période esclavagiste. Ils mettent en lumière les dysfonctionnements et les accords passés entre un Etat - qui se dit partisan de la liberté, de l'égalité et fondé sur le désir de mettre en oeuvre un projet garantissant une société plus équitable pour les Guadeloupéens, alors que beaucoup y voit, sous cape, un projet libertaire avec pour finalité l'indépendance. Ce mouvement de grève qui a secoué les Antilles est la conséquence d'une trop longue négligence de la France à l'égard de ses " compatriotes" ultra marins : une éternelle indifférence à nos différences. Un mouvement ancré dans les luttes anti-coloniales D'aucuns soutiendraient que ces événements ne sont que caprices et facéties d'une population gâtée et désoeuvrée, comme des enfants qui appelleraient à un châtiment corporel pour calmer leurs harsaires d'Haïti semaient encore les graines de la discorde sur les plantations. Les libres de couleur, notamment, nourrissaient des ambitions de liberté et contribuaient à fomenter des séditions dans les îles de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane faisant écho à la révolte nègre de SaintDomingue. I11Un cycle infernal s'ensuit. Le rétablissement de l'esclavage contribue à lancer la machine répressive française. La France avait démenti le premier article des droits de l'homme, que les hommes naissaient - mais aussi demeuraient - " libres et égaux en droits ". Aussi, face à la colère des habitants des plantations, les institutions françaises répondent souvent, voire toujours, par la répression ou par des mesures dictées par des appréciations conjoncturelles ou à courte vue. Les Contre la vie chère et la pwolitasvon 1 problématiques de fond sont niées, ignorées et enterrées. L'émancipation des populations des îles à sucre se solde par le déni de la France de ce qu'elle avait enfanté. Selon Nelly Schmidt, " les mots d'ordre de l'émancipation furent pourtant ordre, travail, famille, oubli du passé, réconciliation sociale et reconnaissance à l'égard de la République émancipatrice. Les proclamations des gouverneurs, des commissaires généraux de la Répu- MEETING vendredi 20 février 2009 - 19h Bourse du travail de Paris 3, rue du Château d'eau M' République lYftNNII.J KOHl PRC Les Guadeloupéens, Martiniquais, Guyanais, Réunionnais luttent contre la vie chère et la pwofitasyon SOliDARITE! CONTRE la répression et POUR la satisfaction des revendications! Premiers signataires: FSU, US Solidaires, CNT, Attse, Cedetim, Droits devant !L Fondation Copernic, FTCR, Marches européennes, MRAP, Alternatives libertaires, A1lerEkOlo, Les Alternatifs, AHemative Démocratie Socialisme, Association des Communistes Unitaires, Coordination Nationale des Collectifs Unitaires, la Fédération, NPA, PCF, les Verts ... blique, les instructions qu'ils reçurent regorgeaient d'un vocabulaire tout aussi coercitif, autoritaire que paternalisteI21". Ainsi, abolir l'esclavage conduisit au maintien d'un système paternaliste et mercantiliste, le système féodal de la vassalité du noir dominé par le colon dominant, dont certains affirment qu'il est encore de vigueur. Pour ce faire, la République s'assure du rétablissement de l'ordre de manière systématique et répressive. A chaque tentative de remise en cause de la logique post-esclavagiste, le " retour au calme" reste l'un de la fraternité - et des chefs d'entreprise, descendants des derniers colons des îles à sucre des Petites Antilles. 1 Manifestation samedi 21 février à 14h Place de la République ~ Paris 1 des mots d'ordre de la République. Il a fallu mater le nègre pour réactiver l'exploitation du bois d'ébène comme pour le renvoyer dans ses foyers alors qu'il défilait dans les rues pour revendiquer une" francité" toute relative: une égalité en droits et en actes de la Ils trahissent un ras-le-bol face à des abus qui subsistent depuis des siècles, abus d'une classe coloniale dominante sur un colonisé dominé. Alors, les mots qui dénoncent les maux des sociétés antillaises appartiennent au champ de la vassalité et de la servitude: ils se réclament et veulent se départir de l'exploitation d'un gouvernement qui n'a jamais vraiment quitté ses apparats de " civilisateur" paternaliste. Le LKP, en investissant les rues, en érigeant des barrages, a montré sa mainmise sur un territoire qu'il jugeait appartenir de plein droit aux Guadeloupéens. Les frontières entre l'Etat et le peuple sont redéfinies par le contrôle de la rue. L'espace social est donc verrouillé. Cette crise, qui a débuté comme une simple grève, s'est transformée en un mouvement révolutionnaire, emportant la population via les discours, les forums sur le net, des sites communautaires antillais ou de facebook, les conférences, les manifestations de rue. Elie Domota, porte-parole du collectif LKP (Lyannj Kont Pwofitasyon), a développé un réquisitoire diesses. Détrompez-vous, les raisons de la colère des peuples ultra marins sont depuis longtemps semées dans les esprits. Ce ne sont que des graines endormies pendant l'hiver de leur détermination. En fait, les révoltes aux Antilles découlent d'un mouvement ancré depuis toujours dans les luttes anticoloniales. Comme si, d'une seule voix, mais par multiples voies, les peuples opprimés se rassemblaient, dans un même élan, pour arracher le souffle de liberté qui a toujours manqué à leur épanouissement. Depuis l'indépendance d'Haïti, la puissance coloniale française avait perdu de son éclat pour les descendants des esclaves. Les gouverneurs, les colons et la France elle-même, étaient précautionneux de ne laisser sous aucun prétexte les esclaves s'éprendre de rêves de liberté ou à laisser les mutineries et les insurrections des nègres libres ou en marronnage contaminer toutes les plantations. Toutefois, des émispart de la mère-patrie. Entre déception et revendication En conséquence, les mouvements indépendantistes inscrits dans la lutte pour l'autodétermination des peuples colonisés se font jour aux lendemains de la Départementalisation. En 1946, les Antilles deviennent Départements d'Outre-Mer. Césaire pense que cette assimilation à la France sera bénéfique et oeuvrera à titre de réparation pour les siècles de servilité. Quatre années plus tard, il déchante et publie son Discours sur le colonialisme, qui est la plus vive critique de la logique colonialiste. Pendant sa députation, il invalida les valeurs françaises, accusant la répression des manifestations de Fort-de-France, revendiquant que soit appliquée la loi relative à la Sécurité sociale dans les départements d'Outre-Mer: Nous vous avons demandé l'assimilation des droits de l'homme et du citoyen. Celle que vous nous offrez, c'est celle de la matraque •• E FRANCE Dr. Stéphanie Melyon-Reinette Civilisationniste, Américaniste et des gardes mobiles. Ce ne sont pas les meilleurs ambassadeurs de la France.131 Pendant cette période de décolonisation, un bouillonnement saisit les cinq continents dès le 8 mai 1945 avec le soulèvement de Sétif qui fut fortement réprimé. Dans ce contexte d'effervescence libertaire, en janvier 1952, les ouvriers agricoles guadeloupéens entament une grève. Opposés aux CRS, ils les font reculer un mois après. Le 14 février de la même année, ils sont égaiement durement réprimés par les forces de l'ordre. Abouna, un jeune Moulien, est arrêté et plusieurs personnes décèdent suite aux affrontements sur les barricades du Boulevard Rougé. Les années 1960 à 1980 s'embrasent. Les mouvements se font plus radicaux et mieux organisés, des Antilles aux îlots de la France hexagonalel41. Mais ce sont les émeutes de 1967, cruellement étouffées, qui sont les plus prégnantes dans l'inconscient collectif. Tout commence par l'agression dont est victime un ouvrier guadeloupéen handicapé, molesté par un Français d'origine polonaise le 20 mars 1967. La population s'insurge. Se forment alors des émeutes entre le 20 et le 23 mars. Le 26 mai, une grève des ouvriers est organisée pour une revalorisation des salaires. Les CRS ont ordre de faire feu sur la population dans les rues de Pointe-à-Pitre. Le lendemain, des lycéens défilent dans les rues afin de marquer leur solidarité avec les ouvriers. Jean-Pierre Sainton et Raymond Gama analysent Mai 1967 à la fois comme une" révolte de la classe ouvrière contre une misère et une exploitation devenus insupportables" et une" rébellion contre les attributs et les symboles du pouvoir blanc ". ISIEn Martinique, c'est Février 1974 qui anime les esprits. Suite à un mouvement de grève, des ouvriers martiniquais sont fortement réprimés le 14 Février 1974. C'est à l'Habitation Fonds Brûlé, au Lorrain, que des ouvriers agricoles tombent dans une embuscade tendue par les forces armées. Une dizaine de camions militaires sont mobilisés, les ouvriers sont attaqués par jets de grenades lacrymogènes jetées par hélicoptère, on déplore alors de nombreux blessés par balle (Guy Crétinoir, Omer Cyrille, Rasroc et François Rosaz) et un mort, Edmond Iimany, âgé de 55 ans, abattu par les gendarmes à Chalvet. Deux jours plus tôt, la Martinique avait déjà déploré la mort d'un jeune gréviste, Georges Marie -Louise, qui avait été assassiné par les forces de répression. Le mouvement indépendantiste reste soutenu jusqu'aux premières arrestations importantes dans les années 1980. Les procès des révolutionnaires emprisonnés et le démantèlement des organisations révolutionnaires commencent alors. En 1989, Luc Reinette, Bernard Amédien, Henri Pératout et Humbert Marboeuf déclarent, dans une " Déclaration d'intention envers le peuple guadeloupéen ", qu'ils veulent" s'impliquer résolument dans la lutte politique: une lutte ouverte et dynamique qui privilégiera, dans le respect de nos différences, la coopération avec les autres formations autour d'un programme politique, économique et social capable de rassembler notre peuple sur le chemin de son émancipation [ ... 1 Nous voulons oeuvrer durablement aux côtés de tous les démocrates et patriotes de la Guadeloupe pour faire en sorte qu'avant la fin du siècle et de ce millénaire, notre pays émerge enfin à la souveraineté tant désirée ". La dernière grande organisation est créée en Guadeloupe en 1997 par Luc Reinette : le KLNG (Konvwa pou Liberasyon Nasyonal Gwadloup/Convoi pour la Libération Nationale de la Guadeloupe) et a pour ambition de préparer la Guadeloupe à sa partition d'avec l'Etat français et l'Europe dans son entier. L'esprit révolutionnaire n'est donc jamais mort en Guadeloupe. Il n'est pas né - mais a ressurgi - lors de la crise de 2009. L'atmosphère paisible de ces îles et l'air débonnaire de certains habitants, cachent une grande frustration historique. La colère est là. Sous cape. Elle git dans les coeurs. Inextinguible. Ce sont des poudrières sur lesquelles la République s'est assise négligemment. La fatalité des procédures des institutions françaises visant à calmer les accès de mécontentement et les mobilisations est ressentie comme une négation de leur altérité. Donner du travail en subventionnant les emplois, assurer les aides sociales en attribuant plus d'allocations, ou remplir les ventres de ceux qui avaient faim, n'ont été que des subterfuges pour casser les volontés d'émancipation. Les mesures de déculturation, notamment dans le système scolaire, où les implants de l'assimilation ont été posés dans les esprits, faisant de ces générations des âmes alié nées à elles-mêmes, à leur culture, à leurs racines, à leur africanité, à leur héritage. Aimé Césaire de dire: Entre colonisateur et colonisé, il n'y a de place que pour la corvée, l'intimidation, la pression, la police, le vol, le viol, les cultu res obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies [ ... 1 Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l'homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourne, en chicote et l'homme indigène en instrument de production.161 La francité remise en cause Cinquante ans après cette déclaration, d'autres hérauts portent haut ces faits et les méfaits de la République française. Après la littérature, c'est la musique qui permet d'honorer la mémoire des martyrs et de révéler la vérité qui se cachait dans les dossiers poussiéreux de la République, Désireux d'aider les Antillais à recouvrer leur identité, ils décrient les agissements de la France et les vagissements d'un peuple au bord de l'explosion. Kolo Barst, chantre martiniquais, dans son album Lot Bo 50 (2004), narre les épreuves de " Févriyé 74 ". Ti Malo, slameur guadeloupéen, retrace à travers son morceau" Blow Man" (pawol Funk-Ké, 2009), l'histoire d'un ouvrier gréviste dont la seule motivation est l'amélioration des conditions de vie de sa famille et qui se heurte à l'agressivité et la violence policières. La musique est un élément important dans l'émergence d'une conscience politique au sein des peuples guadeloupéen et martiniquais. La musique est un média de masse qui a depuis l'esclavage permis NOTES (1) En Martinique: la révolte du Carbet en 1822, la polémique autour de Cyrille Bissette, libre de couleur, entre 1823 et 1827, ou la révolte de GrandAnse en 1833. Ouant à la Guadeloupe, elle connu de nombreux soulèvements en 1830 et 1831. (2) Schmidt, Nelly, Ibidem, p. 138-139. (3) Propos tenu à l'Assemblée nationale le 4 mai 1948, cité par Ernest Moutoussamy, Aimé Césaire, député à l'Assemblée nationale 1945-1993, Paris, L'Harmattan, 1993, p. 37. (4) Les organisations de libération nationale se multiplient. L'Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste Martiniquaise est créée en 1963. Son pendant guadeloupéen est fondé un an plus tard. Le 23 juin 1963, le Groupe pour l'Organisation Nationale de la Guadeloupe, créé à Paris, revendique un Etat souverain. Le 10 octobre 1974, c'est la création du MOGUYDE (MOuvement GUYanais de DEcolonisation), En décembre 1978, c'est la fondation de l'UPLG (Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe). Toutes ces organisations mènent des opérations pour discréditer l'Etat français. Leurs opérations tiennent en des séquestrations, en des prises d'otages, en des attentats contre les symboles de la République (mairies, bâtiments d'Air France, etc,). (5) Sainton, Jean-Pierre et Gama, Raymond, Mé 67, SOGED, 1985. (6) Césaire, Aimé, Discours sur le colonialisme, Paris, Présence africaine, p, 19 pour l'édition de 1989, (7) Forme marginale de défilés ayant lieu durant le carnaval en Guadeloupe. Les mas s'inscrivent en dehors du carnaval policé de parade. Traditionnellement, ils revendiquent souvent des questions identitaires, se réapproprient l'espace social usant de leur corps comme étendard portant un message de révolte contre le régime en place. de transmettre des messages à la population. Aux Antilles, comme aux Etats-Unis, les tambours et les chants permettaient aux esclaves de communiquer d'une plantation à l'autre, de donn"er des indications sur des plans d'évasion. Par la parabole, l'hyperbole, ou encore la métaphore, le message politique avance masqué. Les arts contribuent à forger les mythes fondateurs de la nation. Des émeutes qui avaient été tues depuis des années sont depuis la première fois exhumées dans ces chansons. La dénégation de la France et ses démentis face à l'histoire a conduit à une scission, une partition d'avec la République. Le slogan " la Gwadloup sé tan, la Gwadloup a pa ta yo " (la Guadeloupe est à nous, la Guadeloupe ne leur appartient pas) est révélateur. La génération de nos grands-parents, dernière victime de la vague assimilationniste, 11 12 effacera les derniers relents d'une France ultramarine patriote. A force d'injures à ce que nous sommes, la francité n'est plus que ressort sur lequel s'appu ient les revendications sociales et non plus une valeur qui habite ces peuples. Dans une démarche de réappropriation de soi (quoique encore vict imaire), les peuples ult ramarins - et surtout la Guadeloupe en l'occurrence - raccommodent les fibres et les noeuds du grand tissu sociohistorique. Cette énième manifestation visait à rompre avec une tutelle exogène qui n'a que trop duré. En filigrane, on devait comprendre : nous sommes las de vivre comme des enfants sous tutelle, jugés incapables de décider pour eu x-mêmes. C'est un peuple aspirant à participer au débat social et soucieux de faire respecter ses spécifici tés qui s'exprimaient dans les Mas(7) dans les rues de la Guadeloupe. La décolonisation politique avait eu lieu en 1946. C'est une décolonisation des esprits et des corps qui s'opère, libérés des entraves sociales et psychologiques qui nous ont affaiblis. Malgré le ralentissement du mouvement, ce fut et c'est encore une revendication pour un droit à la différence dans une République qui a voulu nous enfermer dans ses valeurs qu'elle prétendait universelles. A quand une France qui reconnaitra toutes ses nuances et toutes ses cultures? Louis Delgrès Défenseur de la liberté des Noirs en Guadeloupe, tué à la prise de Matouba le 28 mai 1802 /.../ et voici dans cette sève et ce sang dedans cette évidence aux quatre coins des îles Delgrès qui nous méandre ayant Icare dévolu creusé au moelleux de la cendre la plaie phosphorescente d'une insondable source Or constructeur du coeur dans la chair molle des mangliers aujourd'hui Delgrès au creux de chemins qui se croisent ramassant ce nom hors maremmes je te clame et à tout vent futur toi buccinateur d'une lointaine vendange, Aimé Césaire Ferrements Éditions du Seuil, 1960 Frédéric Régent Maître de conférences Institut d'Histoire de la Révolution française (IHRF) Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne Noirs et Blan(s des (olonies, une histoire ,roisée. une histoire partagée Saint-Christophe, Guadeloupe, Martinique, Saint-Louis du Sénégal, Saint-Domingue, Sainte-Lucie, Grenade, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Sainte-Croix, Guyane, Ile Bourbon (Réunion), Marie-Galant e, Gorée, Louisiane, Ile de France (Ile Maurice), Tobago, Seychelles: le point commun de ces territoires est d'avoir connu un régime d'esclavage sous la domination coloniale française entre les années 1620 et 1848. Dès la deuxième moitié du XVIe siècle, les activités d'aventuriers français qui pratiquent le commerce et la flibuste se développent dans la mer des Antilles. Il y a, en moyenne, une expédition française par an dans la région de 1550 à 1620. Ils échangent avec les Amérindiens Kalinas - qu'ils dénomment Caraïbes - ou les colons espagnols, du textile, de l'alcool, des outils, des armes contre du tabac, du bois, des hamacs, de la vannerie, des vivres. Les Caraïbes adoptent certaines techniques des Européens : voile sur les bateaux, culture de la canne et de la banane. Ils commencent à cultiver de manière plus systématique le tabac pour le troquer contre des produits européens. Les capitaines des navires français établissent souvent des bases où certa ins de leurs compagnons, pendant plusieurs années, plantent des vivres, coupent des arbres précieux et récoltent du tabac. Une implantation durable de Français se met bientôt en place à Saint-Christophe en 1627. Du système de l'engagement à l'esclavage Ces premiers colons appelés « maîtres de case» engagent des serviteurs pour défricher et cultiver le tabac. La plupart des Français qui immigrent aux colonies sont incapables de payer leur voyage aux îles, ils doivent s'engager à servir, ceux qui payent les frais du voyage, pour une durée de 3 ans, dans les colonies françaises. Ces colons français sont appelés les « engagés» ou les « trente-six mois ». Dès 1629, les premiers colons de Saint-Christophe qui s'étaient eux-mêmes engagés pour trois ans repartent chercher de la main-d'oeuvre en France. Des centaines de Français vont être ainsi introduits aux colonies. Ils viennent en majorité des ports français de l'Atlantique (Nantes, La Rochelle, Bordeaux) ou de la Manche (Dieppe, Saint-Malo, Le Havre) ou encore de villes reliées à ces ports par voie fluviale (Paris, Orléans, Angers). Les engagés sont souvent des paysans ou des artisans. Des hommes s'engagent contre des promesses de terres et de salaires élevés à l'issue du contrat d'engagement, véhiculées par une intense propagande. Tout individu, homme ou femme, arrivant dans une colonie aux frais d'un autre devait le servir pendant trois ans. La constatation du paiement des frais de passage suffit pour établir le droit de possession de l'engagé. Le maître n'a pas seulement le droit de fixer les services de l'engagé, il peut le vendre à qui bon lui semble. L'engagé peut changer 7 à 8 fois de maître. Un Blanc peut même avoir pour maître un Noir libre! Un engagé peut se racheter, mais sans pouvoir contraindre son maître à cette opération. L'engagé ne peut s'éloigner de l'habitation de son maître sans autorisation. Tout départ non autorisé est considéré comme du marronnage et puni par le fouet et son temps d'engagement est prolongé. Pour se marier, il doit avoir le consentement de son maître. C'est donc une forme d'esclavage temporaire. A la fin de la durée d'engagement, l'engagé reçoit le paiement du voyage de retour en France. Il peut garder ce pécule pour s'installer ou être réemployé moyennant salaire. Le système de l'engagement privilégie l'arrivée des hommes. Ce déséquilibre des sexes résulte de deux facteurs: la nature des travaux à effectuer, les risques de conflits avec les Caraïbes. En effet, le XVIIe siècle étant celui de la mise en valeur, des défrichements, des combats et de la guerre, toutes tâches alors exclusivement masculines, la nécessité prévaut d'avoir des hommes portant armes. Sauf les femmes déjà mariées, aucune ne fait partie des premières expéditions. Entre 1635 et 1715, les départs de La Rochelle pour les colon ies françaises des Antilles font état de 40 femmes sur 6.200 engagés, ceux de Dieppe, de 50 femmes sur 1900. Les filles ne restent pas longtemps dans les liens du servage, car une fille demandée en mariage a le droit d'obliger son maître à la vendre au futur époux. Ces engagés jouèrent un grand rôle dans le défrichement des étendues naturelles, l'établissement des plantations, ainsi que dans le transfert des compétences techniques et manufacturières de l'Europe vers l'Amérique. L'économie de plantation fut ainsi originellement fondée sur la servitude blanche. Parallèlement à cette servitude blanche, les premiers colons achètent des esclaves aux navires hollandais ou anglais. Les flibustiers français capturent les navires négriers étrangers et revendent les esclaves aux colons. A partir de 1642, le roi de France autorise la traite négrière, dans les années 1670, il l'encourage. Sur toute la période de la colonisation esclavagiste, les négriers français sont les troisièmes transporteurs d'esclaves (environ 1,5 million d'esclaves transportés), derrière les Portugais (environ 5 millions) et les Anglais (environ 3 millions). Ce choix de la traite négrière a été impulsé par les colons et les marchands. En effet, les négociants et marins du royaume de France commencent à pratiquer la t raite, avant même que le royaume de France ne dispose de colonies. De leur côté, les colons français importent massivement des esclaves en toute illégalité, avant même que la traite française ne soit autorisée, puis subventionnée par le pouvoir monarchique. Après l'interdiction de la traite, en 1815, certains négociants et marins poursuivent ce commerce illégalement. Le dernier navire négrier français soupçonné de participer à la traite, le Tourville, débarque des captifs au Brésil en 1849, soit un an après l'abolition définitive de l'esclavage par la France! Différents statuts juridiques Environ 4 millions de femmes, d'hommes et d'enfants ont connu dans ces territoires l'esclavage colonial. La moitié d'entre eux sont nés en Afrique (dont environ 60% transportés par des navires négriers français), l'autre dans les colonies et sont appelés créoles(1), terme qu'ils partagent avec les Blancs nés dans les colonies et avec la langue commune qui y est parlée. La population des colonies du royaume de France n'est d'ailleurs pas composée que de maîtres blancs et d'esclaves noirs. Car si tout Blanc est libre ou destiné à l'être (les engagés), tout homme de couleur n'est pas forcément esclave. Le statut d'esclave n'est pas un état juridique perpétuel. Le métissage et les affranchissements ont été à l'origine de la naissance d'une nouvelle classe juridique: les libres de couleur. Tous les hommes libres ne sont pas blancs, mais tous les esclaves ne sont pas noirs. Il existe des esclaves amérindiens, indiens ou métissés. En effet, la colonisation française se caractérise dès l'origine par la faiblesse du nombre de femmes blanches. En 1654, les femmes européennes représentent 3 à 4% de la population blanche de la Guadeloupe. Le métissage entre Français, Amérindiennes et Africaines, commence donc logiquement dès le début de l'occupation des îles. Ces femmes répondent aux multiples besoins des colons: besoin sexuel et affectif, force de tra vail complémentaire pour les tâches domestiques et agricoles. En 1639, les directeurs de la Compagnie soucieux de moralité, enjoignent à ceux qui ont des concubines dans leurs cases de les épouser ou de les chasser. Le père Maurile de Saint-Michel déclare en 1646 « avoir vu des Français mariés à des négresses. Les enfants des uns et des autres s'appellent mulâtres ». Le père Du Tertre qui voyage aux Antilles dans les années 1640 et 1656 témoigne que certains de ces mulâtres ont épousé des Françaises, il note qu'au début de la colonisation cet usage a été très important. Leur descendance est réputée blanche. Dans l'état actuel de nos connaissances, nous pouvons considérer qu'un nombre important de gens réputés blancs des colonies ont une ascendance non européenne (amérindienne, africaine ou indienne), mais il faut encore approfondir les études sur cette question. Ce métissage originel a pu produire une quantité de Blancs suffisante pour défendre les colonies françaises des adversaires et encadrer les esclaves. D'ailleurs, dès que la société esclavagiste de chaque colonie est solidement formée, la caste des Blancs se ferme. Ainsi, la catégorie intermédiaire des libres de couleur apparaît à la fin du XVIIe siècle dans les colonies d'Amérique et dans le dernier tiers du XVIIIe siècle aux Mascareignes. Toutefois, avant la mise en place de la ségrégation juridique entre Blancs et non-blancs, beaucoup de descendants d'Africaines, d'Amérindiennes ou d'Indiennes ont franchi la barrière de couleur. Une catégorie des libres de couleur s'est peu à peu mise en place dans chaque colonie du royaume de France. Le concubinage des maîtres avec des femmes de couleur et la reconnaissance implicite par l'affranchissement des enfants naturels qu'ils ont avec, ainsi que les besoins de défense des colonies ont entraîné un développement de la classe juridique des libres de couleur. Cet essor est démographique, mais aussi économique, les libres de couleur ont une part croissante dans la prospérité coloniale. Leur accroissement commence à être ressenti comme une menace. Le pouvoir royal rappelle continuellement aux administrateurs de limiter les affranchissements. Des raisons fiscales ont conduit à séparer les libres de couleur des Blancs, des raisons politiques ont conduit à la création de compagnies de milice distinguant les couleurs. Le préjugé de couleur développé par le pouvoir monarchique est ensuite repris par une majorité de colons de « blancheur immémoriale» pour écarter des places honorifiques certains Blancs suspects de mésalliance ou d'être issus de mésalliance. Pourtant, la population des gens de couleur libres ne cesse de croître durant le XVIIIe siècle. Le pouvoir royal ne parvient pas à endiguer la volonté des maîtres d'accorder la liberté à leurs fidèles serviteurs, leurs concubines et leurs enfants. Les libres de couleur sont la troisième partie dans un système construit pour deux. De ce fait, leur place dans l'ordre colonial est ambiguë. Ils ne sont plus esclaves, mais ils sont enfermés dans un statut juridique inférieur et ne peuvent être considérés comme des Français de plein droit. L'existence même des libres de couleur est un germe de l'abolition. En effet, l'autorité coloniale reconnaît qu'un individu non réputé blanc peut être libre. La pratique esclavagiste se met peu à peu en place. Progressivement, se constituent trois classes juridiques : celle des Blancs ou réputés tels, celle des libres de couleur et celle des esclaves. Elles sont identifiées dans les représentations par l'attribution d'une couleur. Une législation de l'esclavage se met en place d'abord sous l'impulsion des administrateurs des colonies. Puis, la monarchie intervient dans le domaine juridique avec l'Edit de mars 1685 publié dans un recueil de textes juridiques sur les colonies appelé Code Noir. Cette décision royale entérine et réglemente l'esclavage. Elle ne change rien aux pratiques esclavagistes dont elle s'inspire. La relation entre maîtres et esclaves est particulièrement complexe. Compliquée par la nature même de l'origine des maîtres, dont un nombre significatif est métissé. Terrifiante, tant le maître contrôle la vie de l'esclave. Subtile, car elle repose parfois sur le contournement des lois coloniales pour des raisons hédonistes, affectives ou économiques. Malgré la législation coloniale qui ne lui donne pas le droit de vie et de mort, le maître conserve un pouvoir quasi absolu sur ses esclaves. Il peut s'appuyer sur la milice, l'armée, l'Eglise, les hiérarchies internes à la population de couleur pour exercer un puissant contrôle social sur les esclaves. Pourtant, les esclaves essaient d'échapper au travail et à l'esclavage selon des formes variées: lenteur au travail, suicides, avortements, empoisonnements ou marronnage. Ces formes de résistance ne parviennent pas à mettre en péril l'existence de l'économie d'habitation tout au long du XVIIIe siècle. Le contrôle social exercé par les colons qui s'appuient sur différentes institutions (administration et Eglise) et sur les divisions internes serviles qu'ils ont eux-mêmes établies, permet le maintien d'une certaine stabilité. De plus, les maîtres s'accommodent du petit marronnage et parfois en profitent. Par ailleurs, les autorités coloniales n'hésitent pas à traiter avec les bandes organisées de marrons. Toutefois, le meilleur moyen pour l'esclave d'échapper à l'esclavage est d'obtenir un affranchissement accordé par son maître. C'est par cette voie que la 'plupart des esclaves des colonies accèdent à la liberté avant les abolitions. NOTE (1) Le terme créole vient de l'espagnol criollo qui désigne d'abord l'esclave africain né en Amérique. Ensuite, par mépris les Espagnols nés en Europe désignent par criollo les Espagnols nés en Amérique, le mot criollo se diffuse et se francise en créole dans les colonies françaises. 13 Un système condamné à disparaître Les colonies esclavagistes répondent à deux demandes du royaume de France. Elles lui fournissent des denrées qu'il ne peut pas produire (sucre, café, coton, indigo ... ). Elles assurent des débouchés commerciaux aux manufactures du royaume. Le développement du commerce colonial dope la croissance économique des ports atlantiques et de leurs arrière-pays. Les habitations des colonies françaises produisent en quantité considérable sucre, café, indigo, coton. Grâce à elles, le royaume de France devient le premier exportateur mondial de ces denrées. Les entreprises rurales que sont les habitations se caractérisent par la concentration importante de main-d'oeuvre sur le lieu de production, la division du travail et la surexploitation des individus. Le développement de ce système agro-manufacturier et commercial nécessite des investissements lourds et participe à l'essor de la pratique capitaliste en France. Il donne naissance aux colonies à des sociétés profondément inégalitaires, fondées sur l'appât du gain, où les lois sont sans cesse transgressées. Le commerce colonial stimule la production manufacturière de textile, de métallurgie, de porcelaine ou les chantiers navals du royaume de France. La croissance économique française du XVIIIe siècle est étroitement liée à la croissance du commerce des denrées coloniales. Le commerce colonial insère la France dans des circuits économiques mondiaux. Il participe au développement même de l'esprit du capitalisme, rendre indispensable la consommation croissante de denrées non vitales (café, tabac, cacao) produites aux dépens du sang et de la sueur des esclaves, alors que la majorité de la population du royaume n'a pas toujours en quantité suffisante l'aliment de base qu'est le pain. Ce mode de production et de commercialisation est rentable pour quelques milliers de propriétaires de grandes habitations et de quelques centaines de colons. Des deux côtés des océans, ce système profite aux élites aux dépens des masses populaires qu'elles soient serviles, paysannes ou ouvrières. L'approvisionnement en sucre, café, tabac, denrées consommées essentiellement par les élites de la société, se fa it au prix du sang et de la sueur des esclaves. Le maintien des colonies esclavagistes nécessite un puissant soutien militaire et financier, payé par le sang et les impôts du petit peuple. Ce dernier est de plus en plus écrasé d'impôts dans les campagnes, exploité dans les manufactures et enrôlés souvent de force dans l'armée ou sur les navires de guerre dans les port s. Le petit peuple paye le prix fort des guerres permettant la conservation des colonies esclavagistes qui sont très coûteuses (guerre de Sept Ans et Guerre d'Indépendance américaine). La dette publique, creusée par ces conflits, oblige bientôt le roi de France à convoquer les Etats Généraux à la fin de 1788. Les sujets du royaume de France font part de leurs doléances. Dans les colonies, les troubles révolutionnaires provoquent l'affaiblissement des autorités coloniales et l'affrontement de groupes aux intérêts contradictoires (patriotes, autonomistes, royalistes, républicains, libres de couleur) sur fond de soulèvements serviles. Avec la Révolution frança ise, le lobby colonial s'affaiblit, les idées philanthropiques en faveur de l'abolition immédiate de la traite et graduelle de l'esclavage se développent, ainsi que les insurrections d'esclaves et de libres de couleur. La République, proclamée le 22 septembre 1792, est menacée de toutes parts et surtout dans ses colonies par des guerres civiles et avec des puissances étrangères. Dans un même élan, le discours philanthropique rejoint le pragmatisme stratégique. Ainsi, l'esclavage est aboli en août 1793 à Saint-Domingue et, le 4 février 1794, la mesure est étendue aux autres colonies. Le processus révolutionnaire ne se décline donc pas en une lutte pour la liberté, mais plutôt dans un combat pour le pouvoir. La liberté n'est qu'un instrument pour rallier des hommes à sa faction ou à sa nation. Le décret émancipateur n'est d'ailleurs que partiellement appliqué: à la Martinique, aux Mascareignes, dans les îles du Sénégal, l'esclavage est maintenu. Le rappo rt de force entre abolitionnistes et esclavagistes reste en faveur des seconds. La Contre-révolution coloniale de Bonaparte débouche ensuite sur l'indépendance de la plus importante colonie française en 1804. Mais, avec la défaite des troupes de Bonaparte à Saint-Domingue, ce sont les deux tiers de la population servile des colonies qui deviennent libres en cessant d'êt re français. Ailleurs, l'esclavage est maintenu ou rétabli (Guadeloupe, Guyane). La restaurat ion de l'ordre pré-révolutionnaire se fait sans employer le mot esclave. Pour les populations asservies comme pour la masse dominée du peuple français, l'attachement aux idéaux de la République et de la liberté reste fort. Ces mots ne peuvent être effacés aussi vite. Aussi, en 1848, le rétablissement de la République aboutit-il rapidement à la liberté de tous les esclaves. Avec l'émancipation, les esclaves deviennent ci t oyens français. Ils apportent alors une dimension universelle à la Républ ique française. NOUVELLE CALÉDONIE les événements de ces derniers mois ont eu pour détonateur un conflit social opposant la compagnie Air Calédonie au syndicat indépendantiste USTKE (Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités) qui a vu la condamnation le 29 juin dernier de six syndicalistes dont Gérard Jodar (le pré· sident du syndicat) condamné avec Michel Sofa ka (Fédération du bâtiment) à un an de prison ferme pour « entrave à la circulation d'un aéronef» ; ce qui constitue à vrai dire une volonté de crimi· naliser l'action syndicale. Mais surtout ces événements sont le signe d'une bipolarisation sociale de l'archipel et expriment le ressentiment d'une part non-négligeable de la population kanake. En effet, les inégalités se creu· sent. Malgré une croissance supérieure à 4% par an, 25 % des foyers calédoniens vivent sous le seuil de la pauvreté (4 fois plus qu'en métropole). la jeunesse kanake, victime de discriminations, souvent cantonnée aux petits boulots - 98% des 40000 jeunes qui échappent à l'éducation ou au marché de l'emploi sont kanaks- se plaint de ne pas trouver sa place dans la société. Si le collectif pour la défense des droits et des libertés pour la libération des syndicalistes qui regroupe l'USTKE, des associations de jeunes, mais aussi des élus de l'Union calédonienne, des responsables et des militants du FNlKS revendique une application rapide des signes identitaires -nom du pays, drapeau .... , il demande également l'adoption d'une loi du pays sur l'emploi local dont le principe est inscrit dans l'accord de Nouméa de 1998. Politiquement la situation reste toujours régie par les accords de Matignon de 1988 et celui de Nouméa signé dix ans plus tard. Elle est en partie déterminée par les rapports démographiques entre les communautés: celle des Kanaks (40%) et celle des Caldoches et métropolitains; les Kanaks accusant le gouvernement français de favoriser la venue de ces derniers. Néanmoins depuis vingt ans, la Nouvelle Calédonie connaît un relatif consensus politique basé sur la reconnaissance de ces deux légitimités même si l'accord Matignon n'a pas été accepté par tous dans chaque camp. le report du référendum d'autodétermination prévu dans les dix ans suivant l'accord Matignon, c'est-à-dire au plus tard en 1998, montre bien que ces accords, s'ils ont permis un retour à la paix, n'ont pas réglé la question de l'avenir institutionnel. Statu quo accepté du côté kanak qui se sait démographiquement minoritaire, de l'autre par les Caldoches qui ne veulent pas remettre en cause une paix qui garantit leur présence. Alors que les élections provinciales ont eu lieu cette année, et que les Calédoniens devront renouveler l'an prochain leur congrès, ces consultations électorales peuvent expliquer le raidissement de certaines positions voire les surenchères. C'est en tout cas le procès qui est fait par ses adversaires à l'USTKE, organisation à l'origine de la création du Parti travailliste, lequel a obtenu aux provinciales 20% dans les îles, 12% au Nord, 4% au Sud, résultat qui reflète par ailleurs une partition politique de l'archipel. Durcissement aussi au Rassemblement-UMP (ex-RPCR) de Pierre Frogier qui se montre très réticent à des transferts de pouvoirs régaliens et qui milite pour le maintien de la Nouvelle Calédonie au sein de la République française alors même qu'elle est inscrite depuis 1986 sur les listes onusiennes des territoires à décoloniser. L'OUTRE-MER FRANCAIS : DIVERSI E U DM G T • Thierry Michalon Maître de conférences honoraire à l'Université des Antilles et de la Guyane Juillet 2009 L'expansion coloniale française se fit, on le sait, en deux phases historiques distinctes
- au XVllème puis au XIXème
siècle. Lorsque s'amorça (avec l'Algérie en 1830 puis la Nouvelle-Calédonie en 1850) la seconde de ces phases, le Canada, l'immense Louisiane, et Saint Domingue, notamment, avaient dû être abandonnés, et seuls subsistaient sous souveraineté française quelques-uns des territoires ayant constitué le premier empire colonial: la Martinique, la Guadeloupe et ses dépendances, la Guyane, la Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, SaintLouis et Gorée au Sénégal, enfin les « comptoirs » de l'Inde. Au sein du nouvel empire colonial en formation, les quatre premiers de ces territoires se réclamèrent alors de l'ancienneté de leur rattachement à la France et demandèrent à être placés sous un régime juridique concrétisant leur intégrat ion à la nation française, à savoir le statut de départements. Il leur fallut attendre la Libération pour obtenir, par la loi du 19 mars 1946, ce statut, qui entraîne l'application de principe des lois et décret s, alors que les colonies étaient régies par des textes spécifiques, et le demeurèrent après leur transformation en territoires d'outre-mer, quelques mois plus tard, par la Constitution de la IVème République. LA STRUCTURE TRADITIONNELLE DE L'OUTRE-MER Après la cession à l'Inde des « comptoirs », puis l'accession à l'indépendance de 1'« Indochine », du Maroc et de la Tunisie, des territoires d'Afrique sub-saharienne puis de l'Algérie, et jusqu'à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, les « confettis de l'empire» - pour reprendre le titre du célèbre ouvrage de Jean-Claude Guillebaud - se répartissaient donc en deux catégories : - Les départements d'outre-mer (la Guadeloupe et ses «dépendances », la Martinique, la Guyane, et la Réunion), soumis en principe aux lois et décrets ordinaires après leur éventuelle « adaptation» à leur « situation particulière », comme l'indiquait l'article 73 de la Constitution; ces départements ont une organisation administrative identique à celle des départements de l'Hexagone et des compétences identiques, mais chacun d'eux est en même temps le siège d'une petite région dont l'organisation administrative est légèrement différente de celle des régions de droit commun - un conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement se rajoutant au conseil économique et social - et dont les compétences sont un peu plus larges: gestion de l' « octroi de mer» - taxe d'origine coloniale affectant les biens importés - élaboration d'un schéma d'aménagement régional, création de sociétés d'économie mixte de transport aérien ou maritime, notamment; en outre le conseil générai et le conseil régional donnent leurs avis au Gouvernement sur les « adaptations» à réaliser aux lois et décrets en fonction de la « situation particulière» de ces départements/ régions, et peuvent, depuis la « loi d'orientation sur l'outre-mer» de 2000, siéger ensemble, en un « congrès» habilité à délibérer sur toute proposition d'évolution institutionnelle ou de nouveaux transferts de compétences de l'Etat, adressée au Gouvernement. - Les territoires d'outre-mer (l'archipel des Comores jusqu'à sa sécession - partielle - en 1975, le Territoire français des Afars et des Issas jusqu'à son accession à l'indépendance en 1977 sous le nom de République de Djibouti, la Polynésie française, la NouvelleCalédonie, Wallis-et-Futuna), non soumis en principe aux lois et décrets ordinaires mais à des textes spécifiques dont certains étaient adoptés par leur assemblée territoriale dans le cadre d'un régime d'autonomie. A l'exception de Wallis-et-Futuna en effet, ces TOM disposent depuis le début des années 60, au nom des « intérêts propres» que leur reconnaît l'article 74 de la Constitution, d'une large autonomie les apparentant plus à des Etats membres d'une fédération qu'à des collectivités territoriales d'un Etat unitaire: leur organisation administrative s'apparente à celle d'un Etat - avec un exécut if collégial appelé « conseil de gouvernement» ou « gouvernement », dont les membres portent parfois le titre de « ministres », que l'assemblée territoriale peut renverser par une motion de censure - et leurs compétences sont considérables car la loi portant statut de chacun d'eux ne conserve à l'Etat qu'une liste limitatives de compétences, toutes les autres étant par principe reconnues aux autorités territoriales, solution plus généreuse que celle mise en oeuvre dans certains Etats se réclamant pourtant du fédéralisme! En dehors de ces deux catégories certains territoires ont reçu, sous la simple appellation générique de collectivité territoriale, un statut particulier, sur mesure. De 1976 - une année après la sécession unilatérale du TOM des Comores - à 2002 - son entrée dans un régime de transition vers celui d'un département - l'île de Mayotte eut l'organisation administrative traditionnelle d'un département mais demeura, comme les TOM, à l'écart de l'application des lois et décrets du droit commun. TOM jusqu'en 1976 puis fugitivement département jusqu'en 1985, le petit archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon cumule depuis cette date les compétences d'une commune, d'un département et d'une région, mais demeure sous l'application du droit commun. Depuis 1998-99 enfin, la Nouvelle-Calédonie est régie par un titre spécifique de la Constitution, bénéficie d'une autonomie considérable incluant notamment au bénéfice de ses résidents de longue date d'une citoyenneté propre comportant la jouissance de certains privilèges et le droit pour son assemblée d'adopter dans certains domaines relevant normalement de la loi du Parlement, des textes de valeur législative, les lois du pays; ce territoire n'est plus un TOM, et n'est même plus considéré comme une collectivité territoriale de la République •.• mais comme ... autre chose, qui n'a pas de nom dans notre droit. LES EFFETS DE LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DE 2003 La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a profondément transformé les fondements juridiques de ce classement en deux catégories plus des collectivités territoriales hors-catégories. En premier lieu, les départements/ régions d'outre-mer ne seront plus nécessairement soumis aux lois et décrets ordinaires car ils pourront ponctuellement demander au législateur ou au Gouvernement à adopter eux-mêmes, à leur place par conséquent, certaines règles applicables sur leur territoire. Or traditionnellement seules les assemblées des TOM jouissaient d'une telle habilitation législative - permanente, dans leur cas - à adopter elles-mêmes des règles nécessitant, dans les départements, des lois. Ainsi le nouveau statut des DOM/ ROM emprunte dans une certaine mesure à celui des TOM autonomes. En second lieu, la catégorie des TOM disparaît, ainsi que les collectivités territoriales à statut particulier, au profit d'une « catégorie» à l'hétérogénéité assumée, celle des collectivités d'outre-mer. Le nouvel article 74 de la Constitution, en effet, laisse le législateur libre de fixer, pour chacune de ces collectivités territoriales, non seulement les compétences de chacune d'elles et l'organisation de ses institutions, mais aussi « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables », ce qui peut aller d'une soumission quasi-intégrale aux lois et décrets ordinaires à une très large exemption de l'application de ces textes, donc permet aux élus locaux de choisir - dans la proposition qu'ils adressent au Gouvernement - les domaines dans lesquels ils souhaitent échapper à l'application Manifestation Saint-Denis de La Réunion mars 2009 16 Kanaky du droit commun. De plus ce nouvel article 74 prévoit que celles de ces collectivités d'outre-mer que le législateur aura dotées de l'autonomie pourront prendre des mesures favorisant la partie de leur population ayant une certaine durée de résidence sur place « en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier. » : il s'agirait là de mesures de discrimination positive en faveur de la population locale inspirées de celles prévues par le statut de la Nouvelle- Calédonie de 1999 puis de la Polynésie française, de 2004 ... et qui sont contraires aux principes les plus élémentaires de la République. On peut donc aujourd'hui considérer que les régimes prévus par les articles 73 et 74 de la Constitution s'interpénètrent, et que le législateur est libre de doter chaque collectivité territoriale ultra-marine du statut qui lui paraît le plus apte à répondre à la demande de ses élus. Dès lors, beaucoup, ces dernières années, utilisent le plurielles outre-mer afin d'exprimer la variété des situations de ces différents territoires. Mais est-ce réellement justifié? DES SITUATIONS TRES SEMBLABLES Les réalités, tant matérielles que dans les esprits, sont en fait assez homogènes, mis à part deux de ces collectivités territoriales. Saint-Pierre-et-Miquelon, tout d'abord, a une population très modeste (6.000 habitants), qui se ressent totalement membre de la nation française, n'a pratiquement plus d'activité économique propre, vit de traitements de la fonction publique et de « transferts» sociaux, et n'exprime pas d'autres revendications que celle de la greffe d'activités économiques remplaçant la pêche. Mayotte, pour sa part, libérée par la France en 1846 de l'esclavage dans lequel la tenait les « grandes familles» d'origine persane dominant les Comores, s'est jurée dès 1958 de tout faire pour ne jamais retomber sous leur coupe et refusa donc de s'associer à la sécession de l'archipel le 6 juillet 1975, réclamant au contraire de demeurer au sein de la République et de s'y ancrer par un statut de département(1) : elle touche au but, malgré une culture encore très éloignée de celle sur laquelle est fondée la nation française. Dans tous les autres territoires ultra-marins de la République, la situation est, malgré les bruyantes proclamations locales de « spécificités », extrêmement homogène. Partout le niveau de vie a été élevé de manière radicale, depuis les années soixante, par des « transferts» massifs de fonds publics (et, pour les DOM/ROM, de prestations sociales et de subventions européennes), la valeur des exportations de ces territoires n'équivalant ainsi qu'à une petite proportion de la valeur de leurs importations. Les conditions d'existence de ces populations ne sont donc plus, aujourd'hui, liées à leurs activités productives, ce qu'elles ressentent comme un humiliant assistanat, s'accompagnant d'une non moins humiliante acculturation. Aussi les sentiments présents dans les esprits témoignent-ils d'une profonde ambiguïté: ces peuples expriment de plus en plus clairement leur réticence à se reconnaître comme partie prenante de la Nation française et à accepter les contraintes de la loi comme l'installation de « métropolitains» - cela se vérifie même chez les « caldoches » (blancs) de Nouvelle-Calédonie comme chez les « békés» de la Martinique -, mais souhaitent demeurer au sein de la République afin de bénéficier de la sécurité matérielle que celle-ci leur procure. Cette contradiction engendre localement frustrations et tensions, même si les élus s'emploient, à l'intention de Paris, à les minimiser. Et l'on peut déplorer que la révision constitutionnelle de 2003, qui soumet toute évolution du statut de ces territoires à l'assentiment de leurs populations, empêche le législateur de les doter de son propre chef des statuts d'autonomie avancée qui suscitent chez celles-ci à la fois le rêve et la terreur. NOTE (1) Michalon (Thierry) « L'archipel des sultans bailleurs», / Le Monde diplomatique, / juin 2009 développement et dépendance rel re ar bist riq e sur l'é[on i de l'outre-mer Iraneais depuis 1 60 1 Mal •• Laurent Jalabert* Maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Nantes Les conflits sociaux qui sont intervenus dans les quatre Départements d'Outre-Mer (DOM) entre le mois de décembre 2008 et le mois de mars 2009 ont permis à la métropole de prendre conscience de situations économiques particulières à l'intérieur de l'ensemble national. Si l'image de tropismes idylliques continue majoritairement d'inonder les représentations que se font les populations de l'hexagone des territoires ultra marins, la médiatisation inédite de la crise sociale, sous fond de réalités économiques que peu connaissaient, a contribué à susciter des interrogations sur les raisons de la grogne. Comment et pourquoi les collectifs en colère peuvent-ils se permettre de réclamer des hausses de salaires de l'ordre de 200 à 300 euros mensuels, alors que les minima sociaux sont écornés et que le SMIC n'augmente que selon le rythme de l'inflation en métropole? Pourquoi, le mouvement social obtient-il à la suite de conflits durs, violents (un mort en Guadeloupe), longs (plus d'un mois), des aides inédites dans l'ensemble national? Les réponses se trouvent bien évidemment autour d'un faisceau complexe de réalités, parmi lesquelles la dimension économique est loin d'être absente. Une politique économique de dépendance conduite depuis Paris La caractéristique essentielle de l'économie de l'outre-mer est son mal développement chronique. En 1945, puis plus encore en 1960, l'Etat, en faisant le choix de conserver les vieilles colonies, décide d'accélérer le processus de l'assimilation sociale et économique. La structure économique de ces terres s'apparente alors plus à celles de pays du tiers monde que celles d'économies industrialisées: domination d'un secteur primaire non rentable, démographie galopante, paupérisation urbaine, habitats précaires etc. Pour Paris, de telles situations ne sont plus acceptables, et il apparaît à l'ensemble de la classe politique nécessaire de forger les conditions du développement. Pour cela les divers gouvernements de la Quatrième République, à l'heure des économies keynesiennes et de l'Etat providence, décident de pourvoir à un interventionnisme public massif. Les politiques économiques imaginées alors sont prolongées et accentuées par les premiers gouvernements du général de Gaulle, et ses successeurs. Quatre traits la caractérisent
- création d'infrastructures pour faciliter le
développement interne et accroître le secteur du BTP (transport, santé, logements sociaux, établissements d'enseignement) ; aide aux productions agricoles par la modernisation des structures et le soutien aux prix (le sucre, puis la banane aux Antilles notamment) ; volonté de dynamiser de nouveaux secteurs par des aides directes et des incitations fiscales (l'industrie et le tourisme notamment) ; et enfin, mise en oeuvre de toute une série de mesures sociales visant à améliorer la situation des populations, notamment par l'augmentation de leur pouvoir d'achat (transposition des droits sociaux métropolitains selon un rythme progressif, multiplication des emplois dans la fonction publique nationale et locale avec des sursalaires ... ). Le tout est complété par un dispositif visant à inciter les migrations vers la métropole, afin de soulager la démographie des territoires, particulièrement contraignante (notamment aux Antilles et à la Réunion). Ces dispositifs, mis en oeuvre progressivement dans les années 1950 et surtout 1960, sont constamment réaffirmés depuis, y compris dans les dernières législations intervenues en 2000, 2003 ou même 2009 (nouvelles zones franches, aides au tourisme, à la production bananière etc.), avec l'appui supplémentaire de l'Union Europe via la PAC ou la construction de nouvelles infrastructures via les fonds du FEDER (ports, aéroports etc.). Les transferts financiers n'ont cessé d'augmenter, créant des situations de dépendance accrue. Un développement déséquilibré Les conséquences de cette politique se mesurent à trois niveaux. - Le premier est la croissance incontestable du niveau de vie, que traduisent les données statistiques, notamment par rapport aux espaces indépendants voisins (notamment aux Antilles). Mais, le lien de dépendance avec la mère-patrie, qui assure l'essentiel des investissements, s'est accentué. Celle-ci, en assumant les besoins des DOM par le biais de fonds publics, déresponsabilise les acteurs économiques et politiques locaux qui n'ont pas à assumer les charges du développement. - Paris exporte donc une croissance du niveau de vie en la finançant (aides sociales, emplois publics etc.), générant ainsi de la demande, notamment dans le domaine des biens de consommation. Dès lors, les entrepreneurs locaux ou nationaux répondent à celle-ci par des investissements dans des secteurs qui se contentent de la satisfaire, essentiellement dans le secteur du commerce: grande distribution à partir des années 1970, concessions automobiles, organismes de crédits à la consommation etc. Ils assurent; comme de bons entrepreneurs dans toute économie de marché, l'investissement lucratif, dans la mesure où l'investissement le plus coûteux (infrastructures lourdes, type transports, énergie, voire construction etc.) est assumé par les deniers publics. On ne s'étonnera donc pas de voir les excès commerciaux dénoncés lors du dernier mouvement social. Les phénomènes se sont renforcés depuis le milieu des années 1980 avec la déréglementation économique en terme de prix, en métropole comme outre-mer, et l'amplification progressive des mécanismes libéraux. Les écarts sociaux se développent entre ces investisseurs (insulaires ou métropolitains, de plus en plus présents d'ailleurs) et ceux qui s'endettent... - Enfin, cette politique crée les conditions d'un développement déséquilibré, un mal développement. Les secteurs productifs, notamment agricoles (le sucre ou la banane) sont liquidés, ou agonisent grâce aux subventions publiques (que quelques uns ont détournées, notamment les fonds alloués au maintien de la production sucrière aux Antilles dans les années 1960- 70, fonds qui n'ont pas empêché la fermeture des usines à sucre et qui ont permis l'essor du commerce et des concessions automobile). Les nouveaux secteurs piétinent, par exemple le tourisme, une fois les avantages fiscaux liquidés (celui-ci est d'ailleurs peu concurrentiel, notamment dans la Caraïbe française, compte tenu du coût de la main d'oeuvre). Dès lors, les conditions d'un développement interne n'existent pas. Particularismes et devenirs Ces situations méritent cependant des nuances selon les espaces envisagés, surtout s'yon étend la comparaison aux TOM. La Guyane de par sa dimension, sa faible population, ses réserves minières, la présence du lanceur spatial, dispose d'atouts certains, même si les fortes migrations, l'insécurité et la difficulté à y maîtriser l'immensité soulèvent des questions inédites. La NouvelleCalédonie, grâce aux réserves en nickel, à l'essor du tourisme ... connaît depuis plusieurs années un fort développement renforcé par l'afflux massif de populations métropolitaines. A contrario, Mayotte se situe au bas d'une échelle économique dont les ressorts semblent bloqués, avec en arrière fond un spectre migratoire venu des Comores, difficile à maîtriser. Les Antilles -plus que La Réunion - sont certainement les espaces les plus soumis à la contradiction du mal développement économique et de la dépendance. C'est ici que le niveau de vie y est le plus développé (Martinique), mais grâce (ou à cause) à des transferts financiers sans cesse croissants et incontrôlés. Il n'est pas donc surprenant que l'explosion sociale soit intervenue en Guadeloupe, puis en Martinique. C'est ici que le modèle économique qui s'est édifié depuis un demi-siècle est le plus déséquilibré. Mais surtout, c'est ici qu'il est le plus menacé aussi dans le contexte de libéralisation des structures économiques françaises, phénomène accéléré par la présidence Sarkozy : baisse de l'investissement public, restriction d'emplois de fonctionnaires, baisse des aides sociales ... mise en oeuvre de mesures plus libérales ... Le dynamisme d'un développement laissé au secteur privé n'est pas sans soulever les inquiétudes d'une population qui est consciente des déséquilibres internes et de l'attitude d'un patronat local qui a toujours répondu par la facilité aux incitations d'un pouvoir central qui cherchait quant à lui l'apaisement social. La crise sociale a posé les questions des déséquilibres. Si le chef de l'Etat préconise « un développement endogène », les mesures d'apaisement prises en avril dernier (aide de 100 € de l'Etat, nouvelles zones franches, aides au tourisme) reproduisent les mesures anciennes.
Le devenir économique et social de l'outremer doit passer aujourd'hui par une nouvelle réflexion globale sur les attitudes conjointes à la fois des entrepreneurs locaux et nationaux (faut-il se contenter de profits immédiats autour du commerce ?), sur le rôle de la puissance publique (faut-il toujours répondre aux difficultés ponctuelles par des injections de fonds perdus ?), des partenaires sociaux (syndicats qui sont trop en posture de solliciter le centre), et de l'attitude de la classe politique locale (souvent trop discrète face aux réalités de la dépendance économique). Elle doit en outre s'intégrer à une analyse autour des échelles géographiques du développement local: réalités internes, proximités géographiques immédiates, liens avec le centre, relations avec l'UE dont ces espaces dépendent. Il est devenu urgent que ces territoires sortent de la gangue d'un modèle économique vieux d'un demi-siècle, qui s'étouffe et qui accentue les tensions sociales, même s'il génère un confort du quotidien, hélas précaire pour la majorité.
- Auteur d'un ouvrage intitulé, « La colonisation
sans nom, la France et la Martinique des années 1960 à nos jours », Paris, Les Indes Savantes, 2007 ; auteur de nombreux articles dans des revues ou ouvrages scientifiques sur l'histoire des Antilles depuis la Deuxième Guerre mondiale. 17 18 .. CC Etrangers » en Oulre-meJ : FANTASMES REALITES Un droit adapté à la chasse aux « clandestins» Comme le disait François Fillon le 13 juillet, les représentants de l'État ne font à Mayotte ({ preuve d'aucune faiblesse» face à l' ({ immigration clandestine» : pendant le premier semestre 2009, 9 019 reconduites à la front ière, 6 116 interpellations sur terre, 129 frêles esquifs (baptisés ({ kwassas ») venant de l'île voisine interceptés avec 2 903 passagers refoulés •.. tout cela à l'échelle d'une population évaluée à 180 000 habitants. Au cours des dernières années, autant d'étrangers ont été expulsés à partir de Mayotte, la Guyane et la Guadeloupe qu'à partir de l'Hexagone. À quel prix? Dans les terres ultramarines où ils sont relativement nombreux - Mayotte, Guyane, Guadeloupe, Saint-Martin -, les exilés sont privés des protections légales accessibles en métropole pour contrecarrer l'arbitraire des interpellations et des éloignements : la police aux frontières peut interpeller presque partout sans contrôle du procureur puis expulser sans la contrainte d'un jour franc ou d'un recours à effet suspensif. Des pratiques administratives particulièrement arbitraires et discriminatoires complètent le tableau: très rares régularisations, procédures expéditives d'éloignement même pour des mineurs, conditions indignes de la rétention, etc. La Constitution autorise en Outre-mer des ({ adaptations du droit» sous réserve de ({ contraintes particulières» qu'il est facile de caricaturer en métropole. C'est ainsi qu'en 2005, pour convaincre les parlementaires de restreindre le droit du sol, le secrétaire d'État à l'Outre-mer avait fantasmé sur les hordes de femmes comoriennes venues accoucher à Mayotte d'enfants qui seraient ainsi nés français (contrairement à ce que dit le code civil) ; et, par une étrange logique, il avait dramatisé le nombre de sans-papiers et d'éloignements concernant l'Outre-mer afin de faire adopter de nouveaux dispositifs dérogatoires destinés à accroître ces scores. Une muraille autour de "Outre-mer Mais que sont ces frontières dans les deux territoires où elles sont le plus étroitement surveillées? Et de quels ({ étrangers» sont-elles censées protéger des citoyens français? - En Guyane, il s'agit des deux grands fleuves qui longent la forêt amazonienne hostile et qui furent de tout temps des voies de communication. Bien avant que le fleuve Maroni, à l'est, sépare le Surinam et le département, les pirogues circulaient d'une rive à l'autre; elles continuent d'ailleurs à le faire malgré la police aux frontières. Au hasard d'un état civil incertain, certains sont devenus français tandis que d'autres sont surinamiens ou sans document ; leurs reconduites à la frontière n'ont ainsi de sens que pour gonfler les chiffres. D'autres sont plus violentes, notamment à l'égard des Haïtiens et des Brésiliens. - Par ses liens familiaux et culturels, Mayotte fait partie de l'archipel des quatre îles des Comores; c'est aussi le cas en droit onusien qui ne reconnaît qu'une Union des Comores de quatre îles. D'ailleurs, même après la partition décidée par la France en 1975, la circulation continuait normalement jusqu'à l'instauration en 1995 du ({ visa Balladur » transformant les voisins en ({ étrangers ». Au cours des cinq dernières années les effectifs de la police et de la gendarmerie ont été presque triplés et richement dotés: trois radars - bientôt quatre - et quatre vedettes surveillent la circulation des kwassas qui transportent les migrants. Pour ceux qui parviennent à vivre à Mayotte, une régularisation est presque impossible: ce sont les ({ clandestins» sous la menace permanente d'une ({ rafle ». Rien n'y fait, les liens sont trop forts et la circulation continue. Les soixante-dix kilomètres qui séparent l'île d'Anjouan de celle de Mayotte sont ainsi devenus un des cimetières marins de la planète: entre 3 000 et 6 000 personnes y auraient perdu la vie depuis 1995. Là où la mer ne suffit pas à les isoler, la France ({ protège» l'Outre-mer des migrants par toujours plus de contrôles et d'arbitraire comme le fait l'Union européenne autour de l'espace Schengen. Des frontières meurtrières se dressent contre les voisins. Pour ces ({ étrangers» en Outre-mer, la République adapte son droit et ses pratiques au mépris des droits fondamentaux; sa diplomatie régionale privilégie les accords bilatéraux facilitant la réadmission des personnes reconduites. Après une mutation traumatisante d'une société qui obéissait encore aux règles musulmanes il y a une dizaine d'années, Mayotte sera dans deux ans un département; si d'aventure une efficace muraille électronique et policière parvenait à l'isoler, qu'adviendrait- il de ces Français isolés dans un lointain enclos? Quand l'État comprendrat- il que l'Outre-mer n'est pas en Europe et doit, sous peine d'asphyxie, vivre avec son entourage?
À l'égard des migrants en Outre-mer, la France tend à oublier qu'elle est un État de droit. Ces réalités doivent être mieux connues et ceux qui tentent de faire valoir le droit dans ce contexte particulièrement tendu doivent être soutenus: Mom est là pour cela. Marie Duflo Coordinatrice du collectif Mom* et secrétaire générale du Gisti
- Mom (Migrants Outre-Mer) Site Internet: www.migrantsoutremer.org (infos, analyses, actualités
sur les Antilles, La Guyane, Mayotte et les droits des migrants en outre-mer). Au mois de janvier dernier quand le programme revendicatif du LKP a été diffusé, on a bien compris qu'il recueillait une large approbation de la population et il a suscité des débats infinis non seulement sur la situation économique et sociale de la Guadeloupe mais aussi sur les revendications culturelles et identitaires auxquelles il se référait. En effet, outre des demandes précises en termes de diminution de prix pour des produits alimentaires indispensables, ou l'essence, il se référait à des dates significatives de l'histoire récente de l'île comme celle de Mai 1967 au cours de laquelle une révolte comparable avait eu lieu. Déclenché par le comportement inadmissible d'un commerçant qui avait lâché son chien sur un petit cordonnier exerçant son métier devant son magasin, ce mouvement avait donné lieu à plusieurs jours de manifestations et d'échauffourées. Ultérieurement, des poursuites avaient été engagées contre nombre de leaders nationalistes ou d'avocats au motif qu'ils en seraient les meneurs. Certes depuis longtemps l'histoire des Antilles regorge de ces brusques accès de fièvre dus autant à une situation économique délicate qu'à une frustration latente due à des souvenirs historiques douloureux et à la rémanence de rapports sociaux marqués par l'économie de plantation et la colonisation. Dès 1802, sous la conduite du colonel Delgrès et du charpentier Ignace, les hommes de couleur avaient mené un combat désespéré pour éviter le rétablissement de l'esclavage prévu par Napoléon Bonaparte. Suite à l'écrasement de cette rébellion, des milliers d'insurgés furent déportés et les responsables exécutés. Il a fallu attendre la révolution de 1848 et le gouvernement dans lequel siégeaient Lamartine et Schoelcher pour que l'abolition soit définitivement proclamée. Puis périodiquement, des affrontements sévères ont opposé les anciens esclaves à leur anciens maîtres pour conquérir l'égalité des droits d'abord politiques, civiques puis sociaux. Des progrès indéniables ont été obtenus et toute personne qui se rend aujourd'hui aux Antilles, aura l'impression d'arriver dans un pays plutôt développé, avec des maisons coquettes, des voitures en grand nombre et souvent de grosses cylindrées, des supermarchés modernes. Il verra surtout une population multicolore, affairée, correctement soignée, avec des femmes élégantes, une musique gaie et des rires sonores. Il est de fait également que depuis la mise en place de la décentralisation en 1983, les élus locaux ont désormais des responsabilités plus grandes. Autrefois seul le Préfet Duire-mer •• QUELQUES LECONS À TIRER DE LA (RISE George Pau-Langevin Députée de Paris - Ancienne Présidente du MRAP se voyait chaque soir à la télévision. Désormais on voit aussi les Présidents de Conseil Général, régional ou maires des grandes villes intervenir pour rendre compte des initiatives qu'ils prennent dans la gestion des îles pour le mieux être des populations. Mais très vite, on se rend compte que des plaies mal refermées subsistent. Ainsi, le taux de chômage demeure considérable, de l'ordre de 25 % surtout pour les jeunes. Ceux-ci sont donc quasiment condamnés à l'exil même s'ils sont diplômés. On comprend donc qu'ils apprécient modérément de voir arriver régulièrement des personnes assurées de travailler même si elles sont moins titrées. Une forme de répartition du travail subsiste et il est toujours aussi difficile pour les autochtones d'accéder à des fonctions de responsabilités dans le monde économique. Déjà, les capitaux et le pouvoir demeurent essentiellement détenus par quelques grandes familles, les mêmes qui descendent des anciens maîtres de l'île, et qui n'ont modifié qu'à la marge leur conception des rapports sociaux et de domination. Ce phénomène dit des békés ou des blancs créoles est connu de tous. Mais, plus décourageant, ils ont été rejoints récemment dans ce clan assez fermé du patronat par des arrivants plus récents, notamment originaires des anciens protectorats français du Liban ou de Syrie, voire d'Afrique du Nord, souvent plus avenants mais qui reproduisent une attitude plutôt sceptique à l'égard des aptitudes économiques ou d'encadrement des personnels locaux. Si sans doute dans tous les pays du monde, y compris les plus modernes, des luttes syndicales opposent patrons et ouvriers ou employés, surtout en cette période de crise économique, aux Antilles se superpose en filigrane un affrontement racial puisque aujourd'hui encore la plupart des salariés ou employés pauvres sont noirs alors que les patrons et les représentants de l'Etat comme les gendarmes sont plutôt blancs. Par suite la question de la discrimination dans l'emploi se pose de manière implicite dans les revendications formulées. Certes le mot n'est guère usuel dans les propos des responsables politiques ou syndicaux locaux mais la notion demeure sous jacente. La Halde s'est implantée récemment mais que peut faire un responsable pour les Antilles Guyane dans un pays où le problème est à la fois omniprésent mais peu verbalisé comme si chacun craignait en nommant des phénomènes de leur conférer une réalité trop explosive. Que peut faire un seul délégué dans une région aussi vaste, éclatée où la question des relations interraciales est si présente? Après des semaines de débats, bien des ressentiments se sont exprimés, mais on dit souvent que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, en tout cas il est parfois dangereux de trop gratter ses plaies. Aujourd'hui, le regard des uns sur les autres a souvent changé. Le rire a souvent été par le passé la meilleure défense des îliens face aux coups du sort, aussi aujourd'hui, une forme de gêne s'installe comme s'ils s'étaient découverts imprudemment. Les salariés craignent que leurs victoires de mars n'aient été éphémères. Les produits dont les prix ont baissé ont tout simplement disparu de bien des rayons. Des augmentations salariales ont bien été accordées, mais cela n'empêche pas les entreprises de déposer le bilan, ou de licencier. Nombre d'hôtels n'ont pas rouvert ou sont demeurés fermés, en principe pour travaux. Enfin le fameux accord lui même n'a été étendu qu'au compte-goutte par le Ministre du Travail Brice Hortefeux, et les salariés sont trop étranglés financièrement pour envisager réellement de continuer ou reprendre un mouvement d'ampleur à cette fin. Evidemment, si la Secrétaire d'Etat à l'outremer maintient son idée singulière de hausse du prix de l'essence, il est possible qu'elle parvienne à refaire monter la pression mais ceci n'est pas le plus plausible. L'incertitude est donc grande sur ce à quoi ressemblera la rentrée. Un peu d'agitation et des conflits sporadiques sont possibles mais la situation économique s'est plutôt dégradée et une évolution politique n'intéresse pas plus les foules que les Etats généraux de l'outre mer. Ces réunions somme toute assez classiques viennent un peu tard, surtout que dès mars une nouvelle loi portant diverses mesures économiques pour l'outre mer a été présentée à l'Assemblée et votée. C'est l'inverse de la démocratie participative : on décide d'abord et on consulte ensuite. De surcroît, on peut être surpris de voir désigner pour cette consultation, des personnalités comme le Préfet Girod de Langlade déjà connu pour de propos venimeux à l'encontre des gens du voyage et qui vient à nouveau d'attaquer les employés de couleur à l'Aéroport. Aujourd'hui, avec le renouvellement prévu du conseil régional en mars, nous sommes entrés dans une période politique plus habituelle d'où une série de conciliabules et de tractations entre élus. Les fonds notamment européens existent, des plans d'action ont été adoptés par les collectivités territoriales après consultation des populations. Comment faire pour que cette crise, exceptionnelle par son intensité et sa durée, puisse être utile à l'avenir de ces régions? L'impression dominante est comme une sensation de " gueule de bois" après une fête trop arrosée. Cependant les débats intenses qui ont accompagné ces événements ont permis de verbaliser quelquesuns des maux essentiels qui caractérisent le mal développement de ces régions. Aimé Césaire craignait déjà il y a 25 ans qu'il soit procédé à une substitution de population. L'essentiel est donc bien de faire en sorte que les politiques de développement profitent aussi à la population locale, qu'elle ne se sente pas dépossédée de son pays et de son avenir. Donc il convient de porter une attention tout particulière à la question des discriminations même indirectes dans l'accès à l'emploi. Mais il importe parallèlement, d'éviter chez les uns et les autres, le poison du racisme. Le discours racialiste vicie les relations entre les hommes alors que le syncrétisme, la fusion, le mélange sont caractéristiques de la culture créole. Tel est l'enjeu délicat auquel les élus et tous les hommes de bonne volonté doivent s'atteler aujourd'hui pour que de cette crise puisse sortir un progrès pour les femmes et les hommes des Antilles. Victor Schoelcher 19 20 LES DE BASSE-POINTE Différences: D'où vous est venue l'idée de faire ce f ilm? Camille Mauduech : C'est évidemment au geste de Jenny Gratiant, la veuve de Georges Gratiant (avocat leader des 16 de Basse-Pointe), à ce moment où elle m'a remis les cartons d'archives, que je dois ce film. Je ne connaissais absolument pas cette affaire avant de la découvrir dans les cartons d'archives. J'ai été complètement séduite par la dramaturgie propre à l'affaire. Plus je prenais connaissance de l'histoire dans ses grandes lignes - plus tard, dans ses détails - plus je me disais que le scénario original était déjà écrit, par la réalité historique elle-même. Tout était contenu dans l'histoire vraie, tout ce que s'évertue à construire un scénariste. Je n'avais finalement rien à faire si ce n'est de remettre en place les pièces d'un puzzle historique et de mémoire. Ça n'a pas été aussi simple que cela, bien sûr. Il m'a fallu faire preuve de volonté et de ténacité compte tenu de la chape de plomb qui couvrait cette affaire. Différences: Quelle est l'importance de cette affaire dans l'histoire de la Martinique? Camille Mauduech : C'est une affaire d'exception dans l'histoire martiniquaise, d'une rare violence, qui cristallise une amertume, une haine, une revanche, une vengeance sans précédent ou presque. Il ya une telle énergie de douleur historique dans ce geste qu'il a finalement permis que le système (sucrier) perdure. Toute la violence d'un peuple s'y est concentrée en même temps que la honte du meurtre d'un béké (un maître, un dieu). Une attitude péléenne s'est exprimée. Une explosion « barbare », en quelques minutes, qu'on n'attend pas et qui s'apaise aussi vite. Criez et taisez-vous à jamais. Différences: Comment avez-vous fait la part des choses entre histoire et mémoire? Camille Mauduech : À mes yeux, la mémoire bouge, passant de l'un à l'autre, racontée avec des tonalités différentes, des détails qui varient d'un récit à un autre. J'aimais l'idée de la déformation de la mémoire comme une parole qui se répand et se transforme le long de son cheminement. Mais j'avais aussi le devoir de rendre une part de vérité, de structurer la mémoire pour bousculer le silence, faire tomber la chape de plomb. La légende, c'est aussi la mémoire d'un peuple qui veut embellir son histoire, faire ses héros, se fédérer autour d'un miroir. On la maquille, on la démaquille, on l'habille, on l'accoutre. Tout est recevable, rien n'est condamnable. L'historien a l'obligation de rétablir une vérité historique distanciée, le peuple a la liberté de faire vivre la parole. J'ai respecté que des gens refusent de témoigner, gardent de la réserve et même condamnent ma démarche. Il y a des quantités de raisons recevables pour cela: La douleur, la honte, l'inconscient, l'ignorance, la peur, la pudeur. Le silence, à mes yeux, parle autant que la parole elle-même lorsqu'il s'exprime dans le cercie de parole. Différences : Avez-vous le sentiment d'avoir fait un film « utile)) ? Camille Mauduech : « Utile », je ne sais pas. Ce dont je suis sûre, par contre, c'est que nous avons besoin d'histoire et de culture pour nous construire en nation. Notre thérapie, légitime, en regard de ce que nous avons subi, passe par l'appropriation de notre histoire. Nous avons besoin de l'écrire, nous-mêmes. Jusqu'ici, elle a été écrite par autrui, qui nous a regardés, observés, analysés, balisés. Nous avons à faire notre devoir d'histoire avec notre propre plume, de façon simple, distanciée si possible par moments, absolument pas distanciée si nécessaire, un long parcours que l'on ne nous donne pas, par ailleurs, le temps de faire puisque nous sommes happés dans un monde qui nous aspire qui s'appelle Europe et mondialisat ion. Nous aurions besoin de temps, or le temps presse. Nos séances de thérapie sont rapides, écourtées et parfois plus traumatisantes que le traumatisme luimême. Nous sommes un peuple neuf, divers, issu d'une société de la douleur et de l'exploitation. Qu'est-ce que quatre siècles dans l'histoire d'un peuple ? - 1 le el el a lui e [onl e le r isme Comme la langue d'Ésope, Internet peut être la meilleure ou la pire des choses. Et il faut malheureusement reconnaître que sa puissance a été mieux comprise et utilisée par nos adversaires que par nos amis. les outils actuels permettent à beaucoup de gens de créer des sites. des blogs, de mettre en ligne des vidéos, de créer des réseaux sociaux. le recensement effectué par le MRAP depuis plusieurs années et devenu plus systématique depuis début 2008 a permis de recenser plusieurs centaines de sites et blogs ouvertement racistes ou suspects. Les grandes tendances Il Y a des sites ouvertement nazis, antisémites, ils sont en général hébergés dans des pays complaisants ou qui refusent toute censure au nom de la liberté d'expression. Leur principal danger est qu'ils sont " structurants ". Il Y encore 20 ans, le nazillon qui voulait rencontrer ses homologues devait écumer maintes librairies confidentielles et arrière-salles de bistrot avant d'en trouver. Aujourd'hui, il lui suffit de quelques recherches bien ciblées sur Google. Le même Google classe les sites selon notamment leur" popularité ", c'est-à-dire le nombre de liens entrant s. Il y a un an, la recherche avec les mots-clés holocauste+vérité donnait comme premier résultat l'adresse d'un site hébergé en Afrique du Sud expliquant qu'il s'agissait de mensonges inventés par les juifs pour dominer le monde II Imaginons les dégâts causés quand un collégien fait ce genre de recherche !! D'autres sont beaucoup plus subtils, et il faut citer la stratégie des " Identitaires ", qui ont investi la " toile" avec au moins 200 sites ou blogs, avec des déclinaisons thématiques et régionales. On y trouve rarement des textes ouvertement racistes, mais des éloges de" l'identité ", qu'il faut préserver, y compris" l'identité charnelle ", euphémisme pour ne pas dire" race ". Nous devons aussi abandonner un schéma courant chez les progressistes
- celui du " facho" un peu épais du ciboulot, avec peu de neurones
et beaucoup de muscles. Certains de ces sites sont d'une très grande qualité factuelle et leur lecture montre qu'ils sont rédigés par des gens très cultivés et brillants. Ils n'en sont que plus dangereux. A la pointe du combat culturel et identitaire on trouve un homme comme Pierre Vial, de " Terre et peuple ". Tout est dans le non-dit et le subliminal : L'emblème du mouvement est l'edelweiss, non pas pour la beauté de la fleur, mais parce ce que ce nom signifie" blanc" et " noble" en allemand. Le même Pierre Vial s'intéresse à l'ethnologie, la génétique, l'anthropologie. Mais ses références ne sont ni Claude Lévi-Strauss ou Yves Coppens, mais Hans Günther, écrivain allemand dont les nazis firent un professeur de raciologie !! Une plainte en justice contre un tel site est vouée à l'échec. Ces genslà estiment que le " combat culturel" doit être gagné pour gagner le combat politique. Ne les laissons pas seuls occuper ce créneau. Pour Vial, juifs, chrétiens et musulmans sont la même engeance, qu'il combat au nom de son paganisme. Moins confidentiel, le site de " François Desouche " (sic) annonce 10 000 visiteurs par jours et joue le rôle d'une" AFP identitaire ", dont les articles sont repris sur beaucoup de sites. L'extrême-droite catholique est également très présente: 80 sites et blogs recensés à ce jour. Un point doit être noté : la plupart ne s'opposent plus au Vatican, mais s'en réclament et admirent le pape actuel. Le même nombre de sites reprennent les thèmes de l'extrême-droite, sans pouvoir être classés avec certitude dans l'une ou l'autre des rubriques précédentes. Le Front national, toutes tendances confondues, a un centaine de sites, comme les royalistes. Il faut ajouter une soixantaine de sites islamophobes, d'inspiration diverse (religieuse, identitaire, laïciste) et une vingtaine de sites néocons qui développent des thématiques voisines. Le conflit Israël-Palestine justifie toutes les dérives: Défense d'Israël au nom de la défense de " l'Occident judéo-chrétien" contre les" islamo-gauchistes " Antisémitisme masqué derrière la condamnation d'un sionisme qui n'a plus rien à voir avec les thèses de Herzlm. Condamnation des deux protagonistes au nom de l'Europe" blanche et païenne ". Les méthodes : La plupart des auteurs ont compris l'intérêt des liens pour un bon référencement: un site en propose jusqu'à 191. Ce qui suppose un investissement en temps important à surfer sur 1 toile !! Il existe même une sorte de label: la " réacosphère ". Les plus référencés sont" Novopress " " agence de presse identitaire ", " François Desouche ", déjà cité, et " Le salon beige ", d'extrême- droite catholique. Les sites de partage de vidéos sont infestés de séquences racistes de toutes formes. Les amateurs cherchent avec les mots-clés RAHOWA (racial holy war) NSBS (national-socialist black metal) RIF (rock identitaire français) RAC (rock against communism), etc .. Afin d'éviter des poursuites judiciaires, certains sites emploient un langage codé : " djeunes " ( pour arabes et/ou maghrébins), sionistes (qualifié de néo-sionisme chez Dieudonné et de " sionisme international " chez Boris Le Lay, afin que chacun comprenne qu'il ne s'agit pas seulement de la politique israélienne) pour juifs. Anne Kling (identitaire) dénonce dans un livre et sur son site" la France licratisée ", la LlCRA devenant le symbole du judaïsme. Certains termes servent aussi de codes de reconnaissance, afin de trouver plus facilement les sites grâce aux moteurs de recherche " jewstice " (mythe de la justice au service des juifs), Sarkozy (afin que nul n'ignore où est né son grand-père), dhimmitude (attitude de ceux qui refusent l'islamophobie). Par ailleurs, l'extrême-droite est fascinée par les diplômes universitaires, Faurisson ,Chagnon, Redeker sont souvent qualifiés de " professeur ... ). Édouard Drumont avait compris il y a plus d'un siècle l'intérêt de l'exploitation de faits divers bien choisis pour alimenter les préjugés racistes. La leçon a été retenue et c'est une des principales sources d'inspiration des sites d'extrême-droite. En général, les textes euxmêmes sont très prudents, se bornent à reproduire des dépêches d'agence. Ce sont les commentateurs qui se lâchent et expriment ouvertement ce que l'auteur de l'article se contentait de suggérer. Il faut signaler, de la part de toutes ces mouvances, la pratique d'un " entrisme informatique" : les sites et blogs de journaux, de mouvements politiques, sont parasités par des commentaires reprenant les thèses d'extrême-droite. Des articles tout à fait corrects sont accompagnés de commentaires infâmes, les éditeurs de sites manquant de la vigilance nécessaire. Le secteur" lutte contre le racisme sur Internet " du MRAP en a trouvé sur le forum de " aufeminin.com ", les blogs de " Libé " et du " Monde ", un blog de section PS et même celui d'un comité local du MRAP !! Les ripostes nécessaires Il Y a bien sûr les dépôts de plaintes ou les signalements. Les plaintes nécessitent un certain formalisme, pour éviter la disparition des preuves et une contre-plainte pour diffamation. Les signalements sont à la portée de chacun : https://www.internet·signalemenl.gouv.fr/PortaiIWeb/planets/Accueillinpul.aclion ou par courrier au Procureur de la République. Mais il faut aussi que les militants antiracistes occupent le terrain, s'expriment sur des blogs, commentent les articles de la presse en ligne, réagissent à chaque fois que le MR~ P et les autres organisations antiracistes sont mis en cause injustement. F.M. NOTE (1) Un site d'extrême-droite (chrétien) vend la mèche en s'adressant ainsi aux Palestiniens : pour vous le combat sera fini quand la Palestine sera libérée, pas pour nous, car le sionisme est un projet de domination mondiale. On retrouve là les mensonges des" Protocoles ". Un site islamiste explique très sérieusement que le rock et le Heavy metal sont des inventions sionistes. Transmis à tous les néo-nazis qui ont choisi ce support pour diffuser leurs idées. 21 22 En bref Désaveu par la justice du ministre de l'Immigration
- la mission de la Cimade dans les centres de
rétention prolongée de trois mois. Mission d'enquête du Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Gaza sur les violations commises par l'armée israélienne en décembre et janvier derniers. 14 639 immigrés sont morts aux frontières de l'Europe depuis 1988 (d'après un décompte effectué par Fortress Europe à partir d'un recensement d'articles de presse). Pays-Bas : Forte poussée des islamophobes du parti populiste de Geert Wilders arrivé en deuxième position aux élections européennes. Béziers : Condamnation d'un ex-OAS après les menaces contre un élu communiste qui avait demandé l'enlèvement d'une stèle dédiée à l'OAS. Israël: Le premier ministre Netanyahou refuse le gel des colonies proposé par Barack Obama. Pérou: Abrogation, sous la pression des mouvements sociaux et indigènes, de deux décrets bradant les ressources naturelles du pays. Au moins cinquante personnes en majorité indigènes ont été tuées lors de ces protestations. Proposition du député PCF du Rhône André Gérin de réunir une commission parlementaire sur le port du voile intégral. Pakistan: Combats entre armée et talibans. Plus de deux millions de personnes déplacées. Jérusalem: 1 500 ordres de destruction de maisons palestiniennes adressés par la mairie de Jérusalem depuis le début de l'année. Selon l'ONU, 60 000 Palestiniens seraient alors menacés de perdre leur logement. Visite de Benyamin Netanyahou en France Iran: Refus du Conseil des Gardiens de la Constitution d'annuler la présidentielle du 12 juin. Sète : Plus de 70 associations et partis contre l'implantation prévue en 2010 d'Agrexco, une société israélienne d'exportation de fruits et légumes. Visite de Nicolas Sarkozy aux Antilles. Evocation d'une consultation des Martiniquais en vue d'une évolution constitutionnelle. Honduras: Coup d'État contre le président Manuel Zelaya condamné par l'UE, L'OEA et l'AG de l'ONU. Liban : Elections. Saad Hariri désigné premier ministre se prononce pour un gouvernement d'union avec le Hezbollah et ses alliés chrétiens. Juillet : Rapport accablant Amnesty sur l'offensive israélienne contre Gaza et appel à un embargo « total et immédiat» sur toutes les armes à destination des belligérants. 30 associations, syndicats et partis contre la loi « anti-bandes » qui pourrait porter atteinte aux mouvements sociaux. Grève de la faim des sans-papiers au centre de rétention de Vincennes (24 500 retenus en 2002 en métropole, 34 500 en 2008). Publication d'une étude sociologique réalisée par l'Open Society Institute prouvant que les contrôles au faciès en France ne sont pas une fiction. Hénin-Beaumont: Election au second tour de Daniel Duquenne avec 52, 38% des voix devant le candidat frontiste arrivé en tête au premier tour. Discours du président Obama au Ghana renvoyant les Africains à leurs responsabilités tout en évacuant celles des grandes puissances. Ouverture à La Haye du procès de Charles Taylor, ex-président du Libéria. Afrique du Sud: Grèves et violentes manifestations, arrestations de centaines de personnes. (25 000 mineurs au chômage, la COSATU demande la nationalisation des mines). Occupation à Paris de la CPAM par 250 sans-papiers de la Bourse du Travail pour obtenir leur régularisation. L'Etat débouté de sa plainte contre Médecins du Monde qui avait installé un camp d'urgence à SaintDenis sur un terrain vague appartenant à l'Etat pour y accueillir 116 Roms qui avaient tout perdu après l'incendie du hangar qui les abritait. Maroc: Lourdes peines dans le procès de 12 militants saharaouis à Agadir. Kurdistan irakien autonome: Elections présidentielle et législatives. Net recul de l'Alliance UPK (de Jalal Talabani) - PDK (de Massoud Barzani) qui conserve néanmoins la majorité. Irak : Opération de l'armée et de la police irakiennes contre le camp d'Ashraf tenu par l'Organisation des Moudjahidins du peuple iranien installée en Irak depuis les années 80. Afghanistan: Juillet, mois le plus sanglant pour les troupes d'occupation. Attaques répétées des talibans pour faire capoter les élections du 20 août. Août:: ,'~" . Palestine : 6ème congrès du Fatah à Bethléem. Le dernier, tenu il y a vingt ans, avait avalisé les décisions du CNP d'Alger de 1988. Marwan Barghouti, condamné à la prison à vie et incarcéré depuis 2002 en Israël et qui appelle à poursuivre la résistance, entre au comité central. Mahmoud Abbas est élu à la tête de l'organisation. Mort de Francis Jeanson, fondateur des réseaux d'aide au FLN algérien, dits des « porteurs de valises ». Nouvelle Calédonie : Affrontements après l'enlisement du conflit à Air Calédonie et l'emprisonnement de 6 membres de l'USTKE, le syndicat indépendantiste. Martinique: Constitution par une douzaine d'organisations d'un « Rassemblement martiniquais pour le changement ». Amérique du Sud : Rejet par les membres de l'Unasur de l'accord entre les Etats-Unis et la Colombie sur l'installation de bases militaires dans ce pays. Tchétchénie : Moins d'un mois après le meurtre de Natalia Estémirova, deux autres militants d'ONG tués à Groznyï. 60,m, anniversaire des Conventions de Genève paraphées le 12 août 1949 par 17 pays et aujourd'hui par 194 Etats. Birmanie; Aung San Suu Kyi condamnée par la junte à 3 ans d'emprisonnement commués en 18 mois d'assignation à résidence. Suspension de Paul Girot de Langlade, préfet hors cadre, coordinateur local pour la Réunion des Etats généraux de l'Outre-mer, soupçonné d'avoir tenu (une nouvelle fois) des injures publiques à caractère raciste.(Plainte déposée par le MRAP) Sondage: 64% des Français opposés à l'intervention française en Afghanistan (55 % en avril 2008). Toul: Profanation d'une mosquée. Afghanistan: Elections sous la menace des talibans, nombreuses contestations sur le déroulement du scrutin. Poli,e et minorités visibles : les [onlrôles d1denli é Extraits de la synthèse de l'étude de l'Open Society Justice Initiative (*) Les citoyens français d'origine immigrée, et en particulier ceux d'origine nord-africaine et subsaharienne, se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent à des contrôles d'identité injustes, discriminatoires et dépourvus de nécessité. Si ces perceptions étaient avérées, cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs décisions sur la couleur de la peau des personnes, plutôt que sur leur comportement. En 2007, la Open Society Justice Initiative a lancé une étude pour examiner si, et dans quelle mesure, les policiers contrôlent les individus en fonction de leur apparence. Cette étude a été réalisée en collaboration avec Fabien Jobard et René Lévy, chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique, et sous la supervision technique de Lamberth Consulting. En examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Châtelet-Les Halles), importants points de transit du centre de Paris où l'on observe une forte activité policière, l'étude a recueilli des données sur les contrôles de police, au premier rang desquelles des données sur l'apparence des personnes contrôlées (origine, âge, sexe, style vestimentaire, types de sacs portés). Cette étude, qui présente des données uniques sur plus de 500 contrôles de police, est la seule menée à ce jour, propre à détecter le contrôle à faciès en France. / .. ./ L'étude a confirmé que les contrôles d'identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l'apparence: non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu'ils sont, ou paraissent être. Les résultats montrent que les personnes perçues comme « Noires» (d'origine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perçues comme « Arabes» (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont été contrôlées de manière disproportionnée par rapport aux personnes perçues comme « Blanches ». Selon les sites d'observation, les Noirs couraient entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que les Blancs d'être contrôlés au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible à être contrôlée par la police (ou la douane). Les Arabes ont été généralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs d'être contrôlés; globalement. ils couraient quant à eux entre 1,8 et 14,8 fois plus de risques que les Blancs d'être contrôlés par la police (ou la douane) sur les sites retenus, également au regard de la composition de la population disponible. Les entretiens de suivi réalisés avec les personnes qui venaient d'être contrôlées donnent à penser que les Noirs comme les Arabes subissent d'ordinaire davantage de contrôles de police que les Blancs. (*) Etude complète disponible sur le site: www.laurent-mucchielli.org cc Allaire Geisser » un procès kafkaïen •• Jérôme Valluy, Enseignant-chercheur en science politique à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1) Le 29 juin 2009 eu lieu au CNRS un mauvais procès contre un chercheur, Vincent Geisser, spécialiste de l'islamophobie en France, à l'initiative du « Fonctionnaire de la sécurité et de la Défense », Joseph Illand, militaire en poste à la Direction du CNRS et, à l'occasion, défenseur du Pape comme il l'indiquait (Libération, 6 juillet 2009) en réponse à un autre spécialiste de l'islam, se plaignant de lui. Au lieu de protéger les chercheurs, conformément à sa fonction, J. lIIand les contrôle, au motif de ce qu'il pense être les « intérêts fondamentaux pour la Nation »: il interpelle les uns sur leurs idées, se substitue à la CNIL pour réorienter une recherche, classe un laboratoire en « zone sensible », juge des comportements, fait fermer un blog et, depuis 2004, poursuit V. Geisser ... Celui-ci dans un email privé (qui n'était pas adressé à J. lIIand) stigmatise ce comportement. J. IIland qui se dit insulté fait convoquer le chercheur devant une commission disciplinaire. La quasi-totalité des acteurs mobilisés dans l'enseignement et la recherche s'insurgent contre ce scénario kafkaïen: près de 5000 personnes signent la pétition lancée par Esther Benbassa ; la section 33 au CNRS, cinq associations professionnelles, des sociétés savantes, partis (PC, NPA, Verts) et syndicats de gauche, spécialistes internationaux, et de nombreux médias protestent... Un site recense tout cela : http://pet iti 0 n.l i be rteintellectuelle. net/ De l'autre côté, peu de voix, hormis une revue radicale (Riposte laïque), l'écrivaine Caroline Fourest et la psychanalyste Elisabeth Roudinesco qui tentent de faire passer V. Geisser pour un pro-islamiste ... C. Fourest (Le Monde, 15 juin 2009) n'a rien d'impartiale, ses ouvrages à sensation ayant été mis en cause, quelques années plus tôt, par des chercheurs dont V. Geisser lui-même; elle règle ses comptes: des propos outranciers, sans rapport avec les nombreux articles scientifiques que V. Geisser a publiés. La tribune d'L Roudinesco (Libération, 25 juin 2009) évacue le principal enjeu en insinuant que les chercheurs seraient protégés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, alors que seuls les Professeurs (CC 83-165) et Maîtres de Conférences des Universités (CC, 94-355) le sont; cite à charge deux intellectuels, Fethi Benslama et Abdelwahab Meddeb, alors que ceux-ci ont signé la pétition de soutien; allègue gratuitement qu'un vaste ensemble des 5 000 signataires auraient été aveugles
- amalgame l'actualité avec des débats anciens
où elle s'était offusquée de critiques adressées à « SOS Racisme » et « Ni putes ni soumises » ... comme si celles-ci devaient échapper à toute critique; parle du email deV.Geisser comme d'un texte public, alors qu'il est privé et ne contrevient pas au droit; occulte les provocations d'illand ; réduit la défense de Geisser à une complaisance pour l'islamisme; prétend enfin juger de ce qui est scientifique sur un domaine sans y avoir fait de recherche. Malgré ces piètres réquisitoires, il fallut quatorze heures de querelles de procédure entre les représentants de la Direction et les représentants du personnel pour que la commission, à la majorité, écarte toutes les hypothèses de sanction et, pour la dernière (avertissement), constate l'absence de majorité (5 contre 5). C'est donc un « non lieu» administratif qui conclut cette affaire et une victoire des syndicalistes de la FSU et de la CGT dans cette commission. Que restera-t-il de ce mauvais procès? Une épée de Damoclès au-dessus des chercheurs en sciences humaines et sociales: le risque, chaque fois qu'ils s'écarteront des idéologies dominantes, d'être victimes d'une croisade, à l'instigation d'un haut fonctionnaire, pouvant les harceler et utiliser un prétexte pour les amener devant une commission et les empêtrer dans une controverse politicomédiatique. Même après cette victoire, l'épreuve est intimidante, incite à l'autocensure et pèsera sur les recherches. C'est là une modalité, assez classique, de subordination politique de la pensée [ ... l. [ ... l Depuis six mois les chercheurs des universités et du CNRS ont lutté contre les nouvelles formes de subordination et de censure de la pensée. Or cette affaire, malheureusement, confirme qu'il leur faudra continuer de se battre, de plus en plus, pour la liberté de pensée. , "~'i!K! -~ Différences renouvelle sa solidarité à V. Geisser Qui a toujours répondU amicalement aux sollicitations de la revue ainsi qu'à celles du MRAP et invite ses lecteurs à signer la pétition en ligne: http://petition.liberteinteliectuelle.net/ • DE 1 Inscrire au Règlement Intérieur du Club l'interdiction absolue et explicite de toute forme de racisme ou de discrimination comme l'antisémitisme. l'homophobie.le sexisme. l'islamophobie ... 2 Propager par nos actions et notre communication des messages de tolérance et de respect de dignité de toutes et tous. 3 Communiquer Immédiatement toute Information concernant les dérives racistes ou discriminatoires aux autorités locales et nationales compétentes ainsi qu'aux Autorités Indépendantes ayant il en connallre (HALDE. CNDS. CSA ... ) 4 Fllre refuser - provisoirement ou définitivement - l'accù aux activités lportives è toutes personnes ayant manlfut6 un comportement l'ICiste ou discriminatoire. mouvement contre te racisme et pour t'amitié entre les peuples 43 bd Magenta -75010 Paris Tn : 01 53 38 99 99 - Fax: 01 40 40 90 98 - Email : accueUOmrap.1r Site web : httpJIwww.mrap.fr Avec te soutien . .. .......... '-.,_ ... It"' ... ·QI"f .... ooç.o". .. t HNJTCOM_'.B
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reclSMe tl de dlKiim'f<6li_ clins des mll'llfa:billons du N:&m du club. 6Développer la prévention vis-à-vis de toutes les prémisses de comportements racistes et discriminatoires. 7 Faciliter la collaboration sur ces questions entre les associations sportives locales. les familles et les milieux scolaires. 8 Promouvoir activement l'égalité des chances pour toutes et tous. -- - --._------....... f:,~f:. HOII'J. ~ ~ Â . ., :j ~ ~.,.... ~'r~ --mrap - ---- / ./ Campagne contre le racisme dans le sport Renseignements et documents: prenez contad avec accueilCmrap.fr •
Notes
<references />