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Sommaire du numéro

n°257 de janvier 2006

  • Venezuela: vers la fin du latifundio? Par Johannna Lévy [Amérique latine]
  • Nous avons rendu visite à Mumia par J. Hortaud et C.Guillamaud-Pujol
  • Agent orange au Vietnam: vérité et justice pour les victimes par R. Le Mignot
  • Israël-Palestine: répondons à l'appel de Mohammed et Michal compte-rendu de R. Le Mignot
  • Dossier: Assemblée générale du MRAP
    • Intervention de Mouloud Aounit
    • Résolutions et vœux
  • Protection des droits de tous les travaillants migrants et des membres de leur famille, pour la ratification des Nations-Unies par B. Hétier
  • Votation citoyenne par Henrique Burgaletta
  • Le MRAP et les convergences altermondialistes par Christian Delarue
  • Des blessures de l'Histoire au miroir des sociétés par E. Verlaque
  • Rosa Parks: le courage de dire non par R. Le Mignot
  • Retour sur l'affaire Rosenberg par René Suzerat
  • La « galère du migrant » 400 personnes solidaires par J.C. Dulieu


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Texte brut du numéro

1 MOUVEMENT CONTRE LE RACISME ET POUR L'AMITIE ENTRE LES PEUPLES .....ua ... Vénézuela; vers la fin du latifundio ? =.. -=.. 2 Sommaire Edito ' International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Edito 3 International 4 • Venezuela : Vers la fin du latifundio ? • Ensemble sauvons Mumia : Nous avons rendu visite à Mumia .Agent Orange au Vietnam, histoire d'une guerre chimique Vérité et justice pour les victimes • Israël-Palestine : Répondons à l'appel de Mohamed et de Michal Dossier: Assemblée générale du MnA' 10 • Intervention de Mouloud Aounit, président du MRAP • Assemblée générale: résolutions et voeux • Assemblée générale: élections Immigration • Protection des droits de tous les travaillants migrants et des membres de leur famille : Pour la ratification des Nations Unies • « Votation citoyenne» Mondialisation • Le MRAP et les convergences altermondialistes Histoire • Mémoires et mémoriaux : Des blessures de l'Histoire aux miroirs des sociétés • Rosa Parks : Le courage de dire « Non » • Retour sur l'affaire Rosenberg Initiative locale • La « galére du migrant » : 400 personnes solidaires Kiosque • Notre sélection ... « Différences » - Mo uvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - ]anvier-Février-Mars 2006 11 19 20 23 24 de J.-C. DuUeu Vice-président du MRAP « Omérences » 43, bd de Magenta 75010 Paris Tél: 0153 38 99 99 Fax: 01 40 40 90 98 6 € le numéro Abonnement: 21 € (4 numéros/an) COllECTIF DE DIRECTION Directeur de publication : Mouloud Aounit Directeur de rédaction (*) : J.-c. Dulieu jcd.mrap®Wanadoo.fr Responsable productions (*) : S. Goldberg Assistant prod./rédaction (*) : J. Grzelczyk Administratrice (*) : M.·A. Butez IMPRIMERIE Impressions J.·M. Bordessoules Téléphone: 05 46 59 01 32 Commission paritaire n° Ol08H82681 ( ') - Bél1éwles 1 Edito - - - - Edito 1 International 1 Dossier ; Immigration ! Discrimination 1 Education 1 Kiosque Une année intense en évènements et en activités du Mouvement vient de s'écouler. 2005 a en effet vu l'aggravation des injustices sociales (emploi, logement, santé, école ... ) dont les premiers touchés sont les populations fragilisées, en particulier les étrangers comme les jeunes des quartiers dits , sensibles '. Leur situation, le plus souvent véritablement dramatique, s'est qui plus est vue accentuée du fait de la généralisation des discriminations racistes fa isant grandir le sentiment d'exclusion de la République. Comment s'étonner, dans ces conditions, que cette ftn d'année ai connu une explosion exprimant de manière violente l'insupportable mal-vivre au quotidien, le refus d'être méprisé ainsi que le manque d'espoir en l'avenir et la panne des canaux de démocratie ? J'entends encore ce jeune homme qui, interrogé face aux évènements, expliquait : « Par ces actes, nous montrons notre ras-le-bol qui est immense, nous sommes rejetés de toutes parts . Les politiques sont sourds à toute expression populaire. Prenez les élections régionales, le vote réf érendaire du 29 mai, cela n'a rien changé et le 4 octobre, un million de manifestants pour quel résultat ? Comment s'étonner que nous choisissions des moyens d'expression plus violents certes, mais qui permettent au moins que notre message soit relayé par les médias? ». Face à cette réalité, que nous proposent nos gouvernants ? L'instauration d'un état d'urgence. L'année nouvelle va s'ouvrir dans un pays soumis à des couvre-feux nous rappelant les pages les plus sombres de notre histoire. En parlant d'histoire, ajoutons à cela le véritable déchaînement pro-colonial dont se rendent coupables certains députés de l'UMP et qui ne fa it que salir l'image de notre pays (au point d'obliger Sarkozy à annuler son voyage aux Antilles). C'est la droite toute entière qui semble s'accommoder ainsi de cette véritable surenchère permettant d'enfermer le débat politique dans les limites bien spécifiques qu'elle entend lui assigner. Dans un tel contexte, ce n'est certes pas d'un état d'urgence policier dont nous avons besoin mais d'un état d'urgence social. L'année 2006 sera malheureusement marquée par la volonté des politiques au pouvoir de replacer l'immigration au coeur du débat d'idées, notamment de la campagne présidentielle qui bat déjà son plein. Ne tentent-ils pas d'ores et déjà d'ethniciser toutes les questions sociales, de réactiver la vieille logique du bouc émissaire en fa isant des étrangers, des sans-papiers, des polygames la cause de tous les maux de notre société souffrante ? Nous connaissons les conséquences de telles stigmatisations de l'autre, de l'incitation à la haine : le 21 avril 2002 est encore dans nos mémoires et son ombre plane à nouveau sur la France. Dans ce contexte, nous aurons besoin de mobiliser toutes les forces vives antiracistes afin de faire respecter la dignité de chacun et de faire émerger l'espoir d'un avenir meilleur, égalitaire et non raciste, sans lequel notre combat au quotidien serait dépourvu de sens. Pour toutes ces raisons, l'année nouvelle sera rude pour les militants antiracistes. De nombreux combats nous attendent sur le plan international comme au niveau national où une véritable machine de guerre à exclure est en marche. C'est au croisement de ces deux chemins que nous avons tenus notre assemblée générale le 3 décembre dernier. Une assemblée qui a connu un réel succès, notamment du point de vue de la participation puisque plus de 200 représentants des comités locaux et des fédérations y ont participé. Cette AG s'est tenue dans un climat de convivialité et dans un respect constructif et Ô combien nécessaire pour notre capacité d'analyse et d'élaboration commune de propositions et d'actions. C'est sur cette unité plurielle que notre Mouvement doit s'appuyer pour accentuer toujours plus sa capacité à défendre les victimes du racisme mais aussi à participer à l'élaboration d'une politique alternative de l'immigration en rupture avec celles menées depuis trois décennies. Dans la s\tuation actuelle, nous sommes investis d'une lourde responsabilité. Beaucoup comptent sur nous et nous avons par conséquent un devoir de résultat. C'est dans ce contexte que je vous présente, ainsi qu'à vos proches, au nom de la nouvelle direction du Mouvement et de la rédaction de Différences, tous nos voeux de bonne santé et de succès face aux défts qui se présentent devant nous. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - ]anvier-Février-Mars 2006 3 4 ! 1 International Edito International Dossier Immigration ' Discrimination Education Kiosque Venezuela Johanna Lévy le Venezuela : un paradoxe structurel Le Venezuela n'est pas apparu pour rien à ses " découvreurs " comme une " petite Venise " à la richesse végétale exceptionnelle. Tout semble pouvoir pousser, dans ce pays si divers du point de vue du relief et des climats. Une situation apparemment d'autant plus favorable que le Venezuela ne compte aujourd'hui que 25 millions d'habitants pour une superficie équivalent à deux fois celle de la France. Et pourtant, d'après les données du ministère de l'Agriculture et des Terres, 70 % des aliments consommés par le pays est importé. Une dépendance paradoxale qu'explique la structure foncière du pays. Comme dans toute l'Amérique latine, le latifundio domine largement au Venezuela. 80 % des terres cultivables y sont entre les mains de 5 % de propriétaires, quand 75 % des paysans doivent s'en partager 6 %. Or une des particularités de ce type de grande propriété qu'est le latifundio réside dans la faiblesse de sa mise en exploitation et donc de sa productivité. La production rura le a en effet fortement reculée dès la découverte de l'or noir vénézuélien et sa mise en valeur, la manne pétrolière permettant de financer les importations massives d'aliments. Au Venezuela, près de 30 millions d'hectares de terres ne sont pas exploités. A titre de comparaison, la surface agricole utile de la France, soit le territoire consacré à la production agricole, est seulement de 29 millions d'hectares. Ce sont quelques " ranchos ", une quinzaine de frêles maisons de bois et de terre, qui témoignent de ce que furent les conditions de vie des paysans de la coopérative Aracal pendant leurs années de lutte. Et ce que continuent à être celles de ceux qui ont décidé de rester, -1 Photos : Tristan Goosguen malgré les difficultés d'approvisionnement du campement en eau et électricité. Au printemps 2002, ils étaient plus d'une centa ine à être venus vivre là, décidés à ne pas quitter les quelques dizaines d'hectares qu 'ils occupaient. «On avait la Constitution avec nous ", explique Juan Ramon Gomez, l'un des fondateurs de la coopérative. « A partir du moment où l'on a pu démontrer que ces terres avaient été acquises de manière illégale par le Central Mati/d et qu'elles revenaient de fait à l'Etat vénézuélien, il n'était plus question de t·eculer. Il en allait de l'avenir des paysans de la région et de la souveraineté alimentaire du pays ». Au terme de deux années de luttes contre les milices du domaine et les atermoiements de la bureaucratie, les paysans d'Aracal obtiennent gain de cause. La coopérative couvre aujourd'hui une superficie de 1 300 hectares et compte près de 200 membres. La victoire des paysans d'Aracal est l'une des émanations de la réforme agraire lancée en novembre 2001 par le gouvernement vénézuélien • avec la promulgation de la Loi des Terres (Ley de Tierras), et plus largement des principes énoncés par la nouvelle Constitution bolivarienne. Car cette dernière non seulement proclame la nécessité de développer l'agriculture afin d'assurer la sécurité alimentaire du pays et l'amélioration des conditions de vie des paysans dans les campagnes, mais aussi dénonce le régime latifundiste comme étant « contraire à l'intérêt social» (article 307). Bien qu'elle ne mette en cause que les propriétés ayant plus de 5 000 hectares non exploités, la Loi des Terres suscita toutefois autant de colère chez les grands propriétaires terriens que d'espoirs chez les paysans du pays qui, pour la première fois, voyaient leurs revendications appuyées par des armes légales. D'une réforme agraire à l'autre La réforme agraire d'Hugo Chavez n'est pas la première tentée au Venezuela. Menée par le gouvernement de Belisario BetancOUl1 dans les années 1960, une première réforme avait déjà permis l'attribution d'un lopin de terres à 60 000 familles paysannes grâce au partage de 1 million 800 mille hectares dont une petite moitié avait été expropriée aux latifundistes. Mais l'objectif de cette réforme n'avait jamais été d'en finir avec le régime du latifundio. Les familles bénéficiaires de la réforme ne reçurent pas les crédits nécessaires, l'assistance technique ou l'accès au marché indispensables à l'exploitation de leur parcelle. De fait, nombreuses furent celles qui revendirent rapidement leurs lopins, cette fois rachetés par de grands propriétaires. Cette tendance à la concentration foncière se poursuivit au cours des décennies. Ainsi, d'après les statistiques de l'Institut national agraire en 1998, alors que les grands propriétaires ne possédaient que 23 % des terres exploitées en 1958, ils en possédaient 42 % en 1988 et 60 % dix ans plus tard. Parce qu'elle cherche à modifier en profondeur le mode de répartition de la propriété foncière, la « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des pe uples - n° 257 - ] anvier-Févrie r-Mars 2006 réforme agraire lancée en 2001 s'inscrit dans une toute autre logique. Il s'agit cette fois de limiter la surface des propriétés, d'appliquer une taxe sur les terres improductives et de récupérer les terres de l'Etat, lorsque celles-ci ont été acquises de manière illégale. Ces terres devront ensuite être redistribuées en priorité aux paysans organisés en coopérative. La portée immédiate de la réforme sera toutefois affaiblie : sous la pression des grands propriétaires et des milieux les plus favorisés qui croyaient voir dans cette loi les signes annonciateurs d'une abolition de la propriété privée, le Tribunal suprême de justice déclara comme nuls et non avenus les articles 89 et 90 du décret-loi concernant l'affectation et l'attribution des terres . Cette décision n'empêchera pas l'Etat, jusqu 'à fin 2004, de redistribuer à 200 000 familles plus de 2 millions d'hectares appartenant en majorité à l'Etat. Mais elle ralentira le processus de redistribution, comme l'illustre l'exemple d'Aracal. « Le Central Matilde détient dans la région plus de 40 000 hectares, qu'ils se sont accaparés à la fin des années 1940 par l'expulsion des centaines de familles qui les cultivaient, raconte Luis d'Boy. Et tout ça pour quoi ? Pour planter de la canne à sucre! Comme si on pouvait se nourrir avec ça ! Sur des terres à haut potentiel agricole, ce n'est plus du gâchis, c'est une atteinte à la souveraineté alimentaire du pays! ». S'appuyant sur la Constitution et la Ley de Tierras, l'ancien comité de paysans formés à la suite des expropriations se renforce en nombre et parvient à prouver qu'au moins 600 hectares du domaine n'étaient pas productifs. Commence l'occupation de cet espace, l'installation d'un campement de fortune où s' installent des dizaines de familles, et la mise en culture de près d'une centaine d'hectares. Le Tribunal agraire de l'Etat prend la défense des , propriétaires et les familles se font violemment expulser. « Eduardo Lapi envoya ses pantaneros pour nous déloger. Il y a eu 17 blessés, certains par balle, d'autres à cause des gaz lacrymogènes et des coups qu'ils nous ont assenés. Tout fut détruit, du campement à nos cultures. Mais on ne s'est pas rendu pour autant, au contraire. On avait la loi pour nous ». L'Institut National des Terres (INTI) leur remettra en effet officiellement 215 hecta- International Edito ~ International : Dossier Immigration 1 Discrimination 1 Education ! Kiosque res dans un premier temps, puis l'indispensable " carta agraria " ou certificat agraire autorisant l'occupation de 690 hectares, superficie qui sera ensuite multipliée par deux. Le 22 août 2004, la coopérative Aracal est créée, un nom choisi en hommage aux indiens Caribes et Jiraha qui vivaient dans la région. Le maïs, à perte de vue, a remplacé la canne à sucre. la réforme agraire, entre obstacles et avancées Première coopérative créée dans l'Etat de Yaracuy après la Loi des Terres, Aracal fait figure de pionnière dans la région. La redistribution des terres au sein des latifundia se heurte en effet à de nombreux obstacles, souvent liés à la couleur politique des gouverneurs de province. Un cap est franchi avec le succès du président lors du référendum révocatoire du 15 août 2004 et la victoire de ses candidats lors des élections régionales et municipales d'octobre : quelques mois plus tard, le 10 janvier 2005, Hugo Chavez signe le « décret de réorganisation de la propriété et de l'usage de la terre à vocation agricole ». La " guerre contre le latifundio " est officiellement déclarée. L'ordre est donné d'appliquer la Loi des Terres, tout en élargissant la définition du latifundio aux propriétés de moins de 5 000 hectares lorsque cellesci sont jugées susceptibles d'être mieux exploitées. L'INTI est ainsi chargé à la fois de contrôler les titres de propriétés des latifundia et de juger de leur productivité. Pour les organisations paysannes, il s'agit d'une grande victoire : le changement de la structure foncière du pays pourra être réalisé en profondeur. Et effectivement, l'INTI a dès les premiers mois remis à des coopératives de paysans plusieurs centaines de milliers d'hectares. Tous les obstacles n'ont pas été levés pour autant. Au mois d'août, les paysans d'Aracal se sont ainsi de nouveau mobilisés pour soutenir les revendications des orga nisations paysannes voisines. « On a obtenu une grande victoire, mais la lutte continue, précise Luis d'Boy. Le Central Matilde détient toujours de manière ïllégale des milliers d'hectares de terre, comme celle de Belle Vista que des coopérati. ves occupent depuis des semaines. On est solidaires, on participe aux occupations, et on leur prête du matériel pour les semences et la récolte». L'armature législative ne suffit pas face aux freins internes aux différentes administrations. Comme l'explique Wilmer, le coordinateur des coopératives de Bella Vista, « ceux qui exécutent les lois sont des hommes, et les hommes ont un passé. Le défi du processus, c'est de parvenir à changer les structures mentales des fonctionnaires comme de tous les Vénézuéliens. On est dans un état de transition, il reste encore beaucoup d'influence de l'ancienne république dans les mentalités et le fonctionnement des administrations». La bureaucratie, la corruption et le peu de conviction de certains fonctionnaires issus des gouvernements précédents restent en effet des facteurs majeurs de résistance aux changements en cours dans le pays. La réforme agraire reste en effet un des points particulièrement sensibles du processus en cours et les grands propriétaires sont prêts à tout pour maintenir la structure foncière latifundiste. Ainsi le 12 août 2005 , Carlos Hernandez, leader paysan de l'Etat de Portuguesa, fut abattu par des tueurs à gage. D'après la Coordination agraire nationale Ezequiel Zamora, il s'agit du 138e cas d'homicide de paysans depuis le début de la réforme en 2001. Ces assassinats ne sont pas parvenus à entamer la motivation des organisations paysannes, dont les luttes se poursuivent dans l'ensemble du pays. Et, en dépit des freins existants, les avancées sont incontestables. Ainsi, la mission éducative professionnelle Vuelvan Caras a assuré la formation de dizaines de milliers de travailleurs ruraux, depuis l'élevage de volailles jusqu'aux techniques d'irrigation. Et la formation continue prend le relais de la formation initiale, des instructeurs se déplaçant de coopérative en coopérative afin de perfectionner les techniques de production, encourager à la diversification et à l'utilisation de produits respectueux de l'environnement. En outre, les coopératives sont prioritaires dans l'accès aux crédits et un marché particulier leur est réservé, celui des Mercal, commerces subventionnés afin que les prix des aliments soient accessibles à tous. Réaliser le double objectif de la réforme, la restitution de leurs droits aux paysans et l'obtention pour le pays de sa souveraineté Alubil C1!llX) an S" l \E'tlt 1 Noth. Antilles ~l\rrH J ? 100 29~0 o 100 200 alimentaire, nécessitera du temps. Mais les acquis de la réforme sont déjà tangibles. «j'ai l'impression pour la première fois de ma vie d'être utile à ma patrie, confie Matguerita, membre elle aussi d'Aracal. Avant je n'avais pas de travail. Aujourd'hui, je participe directement à la production des aliments les moins chers du marché. Ce que je fais profite directement à ma communauté. Pour moi c'est une renaissance ». Un enjeu pour l'approfondissement de la démocratie Les enjeux de la réforme agraire vénézuélienne sont considérables et vont au-delà d'une simple lutte contre la pauvreté et la faim. Tout d'abord, parce qu 'elle valorise les formes collectives de production et constitue le cour d'un circuit économique parallèle, elle permet à l'Etat d'explorer des stratégies socio-économiques alternatives, en rupture avec la seule logique du marché. Mais surtout, parce qu'elle se donne pour objectif de transformer radicalement la structure de la propriété foncière, la réforme agraire ouvre la voie vers une plus grande démocratie politique et économique : la démocratisation de l'accès à la propriété constitue en effet un facteur-clé pour la pleine citoyenneté de millions de Vénézuéliens exclus jusqu'à présent d'un tel droit. Enfin, parce que la question de la terre se pose à l'échelle de tout le continent sud-américain, c'est peut-être l'avenir de la question paysanne en Amérique latine qui se joue, aujourd'hui, au Venezuela. «Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - ] anvier-Févrie r-Mars 2006 5 6 1 International Edito 1 International 1 Dossier 1 Immigration 1 Discrimination Education Kiosque Ensemble sauvons Mumia Jacky Hortaut et Claude Guillamaud-Pujol Représentants du Collectif National Unitaire « Ensemble Sauvons Mumia • Dimanche 18 septembre 2005, Waynesburg, 9 h 30. Nous arrivons à la prison de Greene. Parking désert. Notre véhicule est immédiatement sous la surveillance d'une patrouille de police. A croire que nous étions attendus. Nous nous rendons au comptoir d'accueil pour décliner notre identité et nous soumettre aux formalités d'accès au couloir de la mort. Nous sommes invités à ne conserver que le strict nécessaire d'un point de vue vestimentaire. Ni feuille de papier, ni stylo n'est autorisé. C'est ensuite le passage obligatoire sous le détecteur de poudre et de poussière en tous genres dont Mumia nous dira plus tard qu'il est plus sophistiqué que ceux installés dans les centrales nucléaires (dixit un de ses amis). Jacky, ceinture et chaussures retirées, passe sans encombre mais Claude déclenche l'alarme. La matône de service se précipite avec son détecteur manuel pour découvrir que le danger provient des boutons métalliques du pantalon. Claude est tout de même autorisée à passer dans la salle d'attente avec la menace verbale que cet incident lui vaudra peutêtre un refus de visite une autre fois . Après une quinzaine de minutes en compagnie de quatre jeunes femmes, toutes noires, venues elles aussi rendre visite à un proche ou à un ami, nous Mumia Abu-Jamal menoHé. sommes appelés à traverser plusieurs sas et de très longs couloirs qui nous mènent au parloir. Une grande silhouette orange vif apparaît derrière la vitre. Debout, face à nous, un homme en combinaison frappée de la mention , JAMAL 8335 ". Aucun doute, c'est bien Mumia. D'autant qu'il nous salue, les deux mains menottées en l'air, et nous gratifie d'un grand sourire. En apparence nous rencontrons un homme en bonne forme physique, ce qu'il nous confirme dès nos premiers échanges. Avide de savoir tout ce qui se fait et tout ce qui se dit sur sa situation, il nous questionne sur nos initiatives les plus récentes, notamment sur celle qui a rassemblé plus de 500 personnes à la fête de l'Humanité autour de la délégation américaine comprenant ses soutiens les plus fidèles : Pam et Ramona Africa, son avocat Robert Bryan et l'un des fils Rosenberg, Robert Meeropol. Il saisit ce moment pour nous demander de transmettre ses plus chaleureux remerciements à toutes celles et à tous ceux qui luttent pour sa libération, s'excusant au passage de ne pouvoir répondre à tous les messages de sympathie qu'il reçoit, tant son courrier est abondant. La discussion porte alors sur ses conditions de détention sans changement notoire (23 heures sur 24 dans sa cellule et une heure de sortie dans une minuscule courette sans aucun contact humain) et, bien évidemment, sur la situation judiciaire dont il garde l'espoir qu'elle évoluera positivement grâce au travail tenace et sérieux de sa défense. Puis, c'est la politique américaine, interne et externe, qui fait l'objet d'un long échange. A ce propos, Mumia qualifie de honte pour les États-Unis l'incapacité de l'équipe Bush à prévenir et à faire face aux terribles conséquences du cyclone Katrina, révélatrices selon lui, de la misère économique et sociale dont la majorité de ses compatriotes sont victimes, et plus particulièrement encore ceux issus des minorités ethniques. Il faut choisir, dit-il, « entre les guerres coûteuses et destructrices pour protéger les profits de quelques-uns ou l'éradication de la pauvreté et la paix du monde pour assurer le développement lJumain ». Mumia nous fait aussi part de ses projets d'écriture. Alors que son dernier livre consacré aux Blacks Panthers va très prochainement être publié en français, il a décidé de s'atteler à la rédaction d'un guide pratique sur les droits des prisonniers. Il nous confie qu'il s'offre également quelques loisirs en s'adonnant depuis peu à la peinture aquarelle. Près de quatre heures se sont déjà écoulées depuis le début de notre rencontre. Les rires et les blagues ont heureusement cassé le rythme soutenu d'une discussion sérieuse et riche. Notre visite touche à sa fin. Frappant, poings contre poings, la vitre qui nous sépare s'ébranle. Mumia a le dernier mot: « c'est votre soutien généreux et militant qui me guide, le combat pour la vie et la liberté continue envers et contre tout ». Nous quittons le parloir en nous retournant une dernière fois sur notre ami qui nous salue les bras en l'air et toujours menottés. Notre regard fixe la seule famille présente visitant un autre condamné. Nous reprenons le long couloir pour sortir de l'enfer de ceux qui y resteront, pour le plus grand nombre, à tout jamais. Suit la charge d'émotion que tout visiteur ressent en quittant le couloir de la mort. A en crier de douleur et de colère ! URGENT : la situation judiciaire appelle de nouvelles et très conséquentes dépenses. Pour y faire face, la défense de Mumia a besoin de beaucoup d'argent. Nous en appelons à la générosité de tous.Adressez vos dons à : MRAP SOLIDARITE MUMIA, 43, Bd de Magenta 75010 Paris. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - Janvier-Février-Mars 2006 International Edito 1 International 1 Dossier \ Immigration 1 Discrimination 1 Education ! Kiosque Agent Orange au Vietnam, histoire d'une guerre chimique é Renée Le Mignot Vice-présidente du MRAP Alors que les « forces spéciales Il recherchaient toujours des armes chimiques en Irak, un rapport révélait les terribles conséquences de l'utilisation de défoliants par l'armée américaine au Vietnam. Entre 1961 et 1971, l'armée américaine a en effet utilisé, sans discontinuer, des herbicides et défoliants chimiques comme armes militaires

toute une partie du couvert

végétal du Viêt-Nam méridional a été inlassablement arrosée de millions de litres d'agents toxiques. L'objectif était de priver les , forces Viêt-cong " de la protection du couvert végétal et de faciliter les frappes aériennes au sol. Ces missions n'hésitèrent pas à ' déborder " au nord du 17e parallèle (frontière établie entre le Nord et le Sud ViêtNam lors des accords de Genève, en 1954) pour détruire les convois de ravitaillement. La piste Hô Chi Minh sera largement arrosée dans sa paltie laotienne, sans parler de l'intérieur du Cambodge, alors que ces deux pays ne sont pas engagés dans le conflit. D'août à décembre 1961, la guerre n'est pas encore officiellement déclarée. L'utilisation des armes chimiques est bannie par le protocole de Genève (1925). Les premiers tests d'herbicides uti lisant de la dioxine (dinoxol et trinoxol) ont pourtant lieu au Viêt-Nam. Un agent dit, pourpre ' est utilisé à partir d'octobre 1962. Un agent bleu, en novembre de la même année. Pourpre, bleu, blanc, rose, orange... Les appellations de l'arsenal chimique correspondent à la couleur des étiquettes présentes sur les bidons de défoliants ! Entre 1962 et 1965, 1,9 million de litres d'agent pourpre sont déversés. Encore aujourd'hui, les enfants vietnamiens payent l'usage de produits chimiques par l'armée américaine. Dès le début officiel de la guerre, une opération parallèle baptisée " Ranch hand ", " Ouvrier agricole ", reçoit l'aval de l'administration Kennedy. Après la jungle, l'objectif est cette fois d'anéantir les récoltes de l'adversaire. Il faut réduire, affamer j'ennemi. L'agent bleu (arsenic) est particulièrement affecté à cette tâche. Mais la priorité donnée au plus redoutable des herbicides coïncide avec la présidence de Lyndon Johnson. En 1966, l'agent blanc (picloram) est remplacé par l'agent orange. l'action défoliante du premier n'est pas assez rapide. Le nouvel herbicide est un mélange de deux composés chimiques, de l'acide trichlorophéxyacétique et de la très toxique dioxine, à des niveaux de concentration variés. Un agent orange II (super orange) est même employé en 1968 et 1969. On connaît précisément les chiffres grâce au programme Herbs des archives militaires informatisées de l'US Air Force auxquelles ont eu recours les chercheurs de Columbia. On y trouve le descriptif complet des missions d'épandage exécutées par avion et par hélicoptère, durant toute la durée du conflit. Cependant, c'est l'accès aux carnets de bord des pilotes qui ·a permis aux chercheurs new-yorkais de connaître ce qui ne figurait pas dans le programme Herbs : le détail des objectifs des missions. L'étude patiente et minutieuse des milliers de plans de vols, croisés avec les quantités et catégories d'herbicides employés, les dates, les coordonnées géographiques des secteurs traités ont permis de retracer une cartographie précise des zones atteintes par les produits toxiques, de chiffrer la quantité de populations civiles exposées directement, d'identifier les unités de marines arrivés sur les lieux après les épandages et qui ont donc été intoxiqués. Les données montrent ainsi que 3181 villages ont été directement arrosés, ce qui a entraîné la contamination - si l'on tient compte de la dispersion éolienne - de 2,1 à 4,8 millions de personnes. De quoi permettre aux médecins d'évaluer avec précision les retombées du terrible poison et mieux cibler leur travail de terrain. L'amiral Elmo R. Zumwalt, chef des opérations navales pendant la guerre du Viêt Nam, avait qualifié ce conflit de ' plus grande guerre chimique expérimentale ". L'enquête menée pendant cinq ans par Jeanne Mager Stellman et l'équipe de toxicologie de l'université Columbia, à New York, établit que non seulement les Etat-Unis ont utilisé beaucoup plus de défoliants qu'un premier rapport, en 1974, ne l'avait établi, mais que la quantité de cancers, (lymphomes et sarcomes), morts néonatales et malformations congénitales dus aux dioxines contenus dans ces défoliants avaient été considérablement sous-évaluée. Des mesures réalisées en 2000, au sein de la population vietnamienne, ont décelé chez certains sujets des taux de dioxine deux cents fois supérieurs à la limite acceptable. Quant aux soldats américains, ils n'ont pas été épargnés. Cent mille anciens Gr auraient été atteints de cancers liés à leur exposition aux différents agents chimiques, empoisonnements qui auraient aussi entraîné des séquelles parmi trois mille de leurs enfants. Au Vietnam, en 2005, l'agent orange tue encore Trente ans après, les conséquences de la guerre chimique menée par les Etats-Unis sont toujours et partout visibles. « On voit encore dans les rues des villes et dans les campagnes des enfants mutilés - sans jambes, sans bras, aveugles, des corps tordus ». En octobre 1980, une commission officielle a été créée à Hô Chi Minh-Ville (ex-Saigon) pour en étudier les conséquences. Elle a pu identifier toute une série de maladies et de symptômes provoqués par ces herbicides qui détruisent des plantes mais aussi la vie et la santé des habitants, en provoquant cancers des poumons et de la prostate, maladies de la peau, du cerveau et des systèmes nerveux, respiratoire et circulatoire, cécité, diverses anomalies à la naissance ... Les femmes dont les maris et/ou elles-mêmes furent exposés à l'agent orange continuent à avoir un taux élevé de fausse couches, naissances prématurées ; environ les deux tiers de leurs enfants ont de graves malformations congénitales ou développent des infirmités dans les premières années de leur « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - nO 257 - Janvier-Février-Mars 2006 7 8 International Edito ' International ' Dossier Immigration 1 Discrimination Education Kiosque Mobilisotion du MRAP au côté du collectif « Vietnam-dioxine ». vie. Outre les souffrances provoquées, la lourde charge de soigner souvent plusieurs enfants infirmes empêche la femme de travailler, engendrant de graves problèmes sociaux. Les herbicides utilisés dans ces offensives ont été fournis à l'armée américaine pour l'essentiel par quelques grosses entreprises : en tête, Dow Chemical- une des plus puissantes entreprises américaines de ce type - , suivie entre autres de Thompson, Diamond, Monsanto, Hercules, Uniroyal. C'est Israël-Pa lesti ne « Aidez-nous à arrêter Israël par des moyens pacifiques » Mohammed Khatib Palestinien MichalRaz Israélienne « Cette coopération israé/o-palestinienne à Bi/'ln, c'est la brèche dans le Mur construit par Israël » Michel Warchavsk contre ces firmes - et non contre le gouvernement américain - que plus tard, en 1984, des organisations d'anciens combattants américains ont décidé d'entamer des poursuites judiciaires afin de réclamer et obtenir des réparations financières pour les maladies contractées à la suite de leur exposition à cet agent orange. En effet, la législation américaine interdit formellement des procès contre le gouvernement pour des actes commis au cours des opérations militaires. Paradoxalement, les possibilités d'action juridique de ces anciens combattants ont été renforcées par l'intervention de l'amiral Elmo Zumwal, celui-là même qui avait donné l'ordre aux forces navales des Etats-Unis d'avoir recours à cet herbicide sur une grande échelle. Après avoir observée l'efficacité militaire du produit, l'amiral a dû en constater les effets sur ses troupes et même sur sa propre famille. En effet, l'enfant de son fils est né avec de graves déficiences physiques et mentales; le capitaine lui-même est mort très jeune d'un cancer dû à ce poison. 1 Bil' In est situé à l'est de Ramallah, à 4,5 km de la Ligne Verte; c'est un village de 1600 habitants qui s'étend sur 40 ha et qui vit uniquement de l'agriculture, notamment de la cueillette des olives. Le Mur passe au milieu du village et permet l'annexion de 60 % des terres. De l'autre coté du Mur s'établit une nouvelle colonie israélienne qui compte actuellement 32 000 personnes. Selon le Ministre israélien du logement, elle devrait compter 300000 colons en 2010. Pour permettre la construction du Mur, 10 000 oliviers ont été arrachés, ce qui a entraîné l'exode Les Etats-Unis - après beaucoup d'hésitations et d'atermoiements - ont fini par reconnaître l'existence d'un lien entre l'agent orange et les symptômes dont souffrent les anciens combattants américains. En mai 1984, juste avant le jour du procès, les firmes en accusation ont décidé d'obtenir un règlement à l'amiable, en payant 180 millions de dollars à un compte en banque qui deviendrait le fonds de compensation des anciens combattants souffrant de la dioxine. Ainsi, sur quelques 68 000 plaignants, près de 40 000 ont reçu des paiements, allant de 256 à 12 800 dollars selon la gravité des cas. En revanche, aucune des centaines de milliers de victimes vietnamiennes n'a reçu un centime d'indemnisation alors qu'encore aujourd'hui la troisième génération paye toujours les conséquences de cette guerre. Plus d'un million de personnes souffrent de maladies ou de handicaps imputés à l'agent orange et 200 000 enfants sont nés avec des malformations. Face au silence, à de nombreux Palestiniens, exode qui s'apparente à une expulsion indirecte. Des Palestiniens, des Israéliens, des internationaux mènent à Bil'In une résistance pacifique. Cette résistance exemplaire fait tache d'huile dans d'autres villages tels que Budrus et Biddu par exemple. Les médias se taisent, sans doute parce qu'elle dérange le gouvernement israélien plus que ne pourrait le faire n'importe quel attentat suicide ! A nous de briser le mur du silence et de répondre à l'appel de Mohamed et de Michal. la souffrance, à la misère et à l'exclusion de ces familles, le MRAP a décidé de s'associer au collectif " Vietnam-dioxine" et de se mobiliser pour: - soutenir l'action en justice intentée en janvier 2004 par l'Association des victimes vietnamiennes de l'Agent Orange contre les principaux fabricants dont DOW CHEMICAL et MONSANTO ; - exiger qu'une aide sociale et médicale soit apportée d'urgence au populations touchées. L'usage massif de produits chimiques pendant la guerre du Vietnam est un crime contre l'humanité. Justice doit être rendue pour les victimes et leurs familles mais aussi parce que la reconnaissance des crimes du passé est un gage de paix et d'avenir. Avec l'aimable concours de l'Association d'amitié Franco-Vietnamienne (44, rue Alexis, 93100 Montreuil) et du collectif « Vietnam-dioxine )). Nous remercions tout particulièrement Marie-Hélène Lavallard qui a su sensibiliser la commission internationale du MRAP sur cette question. Lors du meeting du 21 novembre 2005. Mohamed Khatib est Palestinien, c'est l'un des dirigeants du Comité Populaire Contre le Mur de Bil'in et le secrétaire du Conseil de son village. Voici des extraits de son intervention lors du meeting organisé le 21 novembre 2005 à Paris par le Collectif « Pour une Paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens» qui se réunit régulièrement au MRAP. " Tandis que les médias internationaux se sont concentrés sur le retrait prévu de la Bande de Gaza par Israël, dans mon village à Bil'in, nous vivons également une histoire importante mais ignorée. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - Janvier-févri er-Mars 2006 Derrière l'écran de fumée du retrait de Gaza, la vérité est qu'Israël tente de contrôler la Cisjordanie en construisant le Mur et les colonies illégaux qui menacent de détruire des dizaines de villages comme Bil'in et tout espoir de paix. Sur la terre de notre village, Israël établit une nouvelle colonie et en agrandit cinq autres. Ces colonies formeront une ville appelée Modiin Illit, avec des dizaines de milliers de colons, beaucoup plus que le nombre de colons qui ont été évacués de Gaza. Ces colonies consomment la majeure partie de l'eau de notre secteur. Dans l'ensemble de la Cisjordanie, la colonisation et la construction du Mur, les arrestations, les assassinats et l'occupation continuent ". " Il Y a un an, la Cour Internationale de Justice internationale a remis un avis consultatif jugeant que la construction par Israël d'un Mur sur la terre palestinienne violait le droit international. Aujourd'hui, les Palestiniens dans les villages comme le nôtre luttent pour mettre en application la décision de la Cour et arrêter la construction en utilisant la nonviolence, mais le monde fait peu pour nous soutenir ". " Bil'in est étranglé par le mur d'Israël qui transformera notre village en prison à ciel ouvert, comme Gaza '. " Après que les tribunaux israéliens aient refusé nos appels pour empêcher la construction du mur, nous, avec des Israéliens et des gens du monde entier, avons commencé à protester pacifiquement contre la confiscation de notre terre. Nous avons choisi de résister de façon non-violente parce que nous sommes un peuple aimant la paix et qui est victime d'une occupation. Nous avons ouvert nos maisons aux Israéliens qui nous ont rejoints. Ils ne sont pas seulement solidaires, ils sont devenus nos partenaires dans la lutte. Ensemble nous envoyons un message fort : nous pouvons coexister dans la paix et la sécurité. Nous souhaitons la bienvenue à toute personne qui vient chez nous en tant qu'invité et qui travaille pour la paix et la justice pour les deux peuples, mais nous résisterons à toute personne qui vient en tant qu 'occupant. Nous avons tenu plus de 50 manifestations pacifiques depuis février ". " Les Palestiniens des autres régions appellent maintenant les gens de Bil'in : " les Gandhis palestiniens ". Nous nous sommes enchaînés International Edito ' International ' Dossier ' Immigration i Discrimination i Education 1 Kiosque aux oliviers qui étaient passés au bulldozer pour la construction du Mur afin de montrer qu'en tuant nos arbres, ils ôtent la vie du village. Nous nous couchons devant les chenilles des bulldozers. Nous avons distribué des lettres demandant aux soldats de réfléchir avant de tirer sur nous, expliquant que nous ne sommes pas contre les Israéliens, mais contre la construction du mur sur notre terre. Nous refusons d'être étranglés par le mur en silence mais notre résistance pacifique est beaucoup plus difficile et plus dangereuse qu'une lutte armée '. " Les soldats israéliens attaquent nos manifestations avec des gaz lacrymogènes, des matraques, des balles en métal recouvertes de caoutchouc et des balles réelles. Ils ont ainsi blessé plus de cent villageois. Ils envahissent le vi llage la nuit, ils entrent dans les maisons, ils sortent les familles de leurs maisons et arrêtent des personnes, vingt personnes sont toujours emprisonnées '. " Dans une célèbre histoire courte palestinienne, " Hommes sous le soleil ", des ouvriers palestiniens suffoquent à l'intérieur d'un camionciterne. Lorsqu'il les découvre, le conducteur hurle: " Pourquoi n'avezvous pas donné des coups sur la paroi de la citerne? '. Les ouvriers palestiniens répondent : " Nous avons frappé, nous avons hurlé, personne ne nous a entendus '. Bil'in frappe, Bil'in crie. S'il vous plait, tenez-vous à nos côtés afm que nous puissions obtenir notre liberté par des moyens pacifiques ". Michal Raz est israélienne, d'abord , Refuznik , (elle fait partie de ces Israélien(ne)s qui refusent d'effectuer leur service militaire dans les Territoires occupés) elle a ensuite rejoint un groupe de jeunes Israélien(ne)s qui participent aux actions de résistance non violentes contre le Mur avec les Palestiniens de Bil'In. Extrait de son intervention lors du meeting du 21 novembre à Paris " Notre objectif est de franchir les Murs que le gouvernement israélien veut imposer entre nous et les Palestiniens. Nous ne sommes qu'un petit noyau mais notre présence à coté des Palestiniens est capitale, d'abord pour le symbole que cela représente par rapport à la construction du Mur, mais aussi parce que la loi israélienne interdit à l'armée de tirer à balles réelles dès qu'il y a ne serait-ce qu'un seul Israélien. Lorsqu'il n'y a pas d'Israéliens, l'armée tire à balles réelles même lors des manifestations pacifiques des Palestiniens. La présence des Internationaux est également fondamentale notamment pour contraindre les médias à parler de notre action '. " L'impact psychologique est également très important : tout le processus vise à séparer Israéliens et Palestiniens. Nous arrivons en tant que citoyen israélien et nous disons "nous voulons vivre avec les Palestiniens sur une base d'égalité et de reconnaissance mutuelle". Les Palestiniens reçoivent quotidiennement la violence de l'occupation de la part de l'armée et des colons. Nous leur proposons une alternative, nous leur montrons qu'il existe d'autres Israéliens. Nous ne sommes pas là seulement lors de manifestations mais nous partageons la vie des Palestiniens : nous dormons dans leurs maisons, lorsque nous retournons en Israël nous leur téléphonons tous les jours ". " Lorsque nous sommes en Israël nous sommes traités comme des " citoyens normaux ' mais à la seconde où nous sommes avec les Palestiniens nous devenons des ennemis. Ce n'est pas facile pour nous ni pour nos familles. Pour la majorité des Israéliens nous sommes des fous ou des traîtres. C'est pour cela que nous avons besoin du soutien des internationaux, de votre soutien, y compris financier (nous devons payer les avocats lorsque nos militants sont arrêtés) '. 800 euros ont été collectés, le 21 novembre, au profit de Bil'In. Cette somme sera remise au comité de village pour l'achat d'une caméra (la précédente ayant été détruite par l'armée israélienne), instrument essentiel pour la lutte, puisque ses animateurs filment toutes les manifestations (ce qui leur permet au passage de prouver les provocations dont le mouvement fait l'objet). Par ailleurs, le Collectif a décidé la création d'un " Fonds Bil'In '. Les dons peuvent être envoyés à l'ordre de MRAP-Solidarité Palestine (au dos " solidarité Bil'In ,). Enfin, nous avons été informés que le comité de village a décidé d'organiser une conférence internationale à Bil'In les 20 et 21 février prochains. L'enjeu est évidemment très important compte tenu du caractère exemplaire de ce combat et de son extension à d'autres villages. Des membres du collectif participeront à cette conférence de presse. Compte rendu de Renée Le Mignot « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - nO 257 - Janvier-février-Mars 2006 9 10 Dossier Edito ' International Dossier Immigration 1 Discrimination Education ' Kiosque Voici presque un an jour pour jour que s'est tenu notre congrès. Depuis, le vent mauvais a soufflé et les ravages ont cruellement dépassés nos inquiétudes prémonitoires. Les appétits présidentiels de certains ministres de ce gouvernement se sont donnés libre cours, pratiquant une véritable politique de terre brûlée pour mieux vampiriser l'électorat du Front National. Sous un prétexte sécuritaire et anti-terroriste, pour mieux répondre au diktat de la mondialisation néolibérale, ce gouvernement a activement promu, de manière inédite, une régression généralisée des droits et des libertés individuelles et collectives. La mise en place d'un couvre feu, dans le cadre de l'état d'urgence ressurgi de la loi du 3 avril 1955, ainsi que l'obsession du chiffre en matière de répression de la délinquance et de chasse aux sans papiers, ont généré une mise sous surveillance généralisée des libertés de tous. Ainsi ont été généralisés les fichiers de données personnelles, les contrôles arbitraires et humiliants au faciès, les expulsions de sans papiers, y compris collectives, ainsi qu'une justice de comparutions immédiates de sans papiers raflés en nombre croissant que l'on peut à juste titre qualifier de justice d'abattage. En un an, trois évènements prévisibles, inédits par leur violence et leur caractère particulièrement tragique et dramatique, ont en quelque sorte été le miroir de cette politique. Tout d'abord, près de 7 000 victimes, de 1993 à 2005 (comptabilisées individuellement dans le recensement de l'ONG européenne U lTED, ce qui implique des chiffres réels très largement supérieurs), ont payé de leurs vies les politiques de fermeture des fro ntières, de chasse aux clandestins et de mise en centres de détention/ rétention de la Forteresse Europe. Cherchant à fuir des pays mouroirs sans espoir, ils sont tombés victimes de la soif et du manque de nourriture dans la traversée mortifère du Sahara, ont dû éviter les zones minées qui longent le Il mur Il marocain de délimitation du Sahara occidental, affronter les immensités algériennes depuis Gao et la boucle du Niger, jusqu'aux détroits de Messine ou de Gibraltar. C'est ainsi que l'île italienne de Lampedusa et les confettis espagnols de Ceuta et Melilla, sur territoire marocain, ont défrayé la chronique de l'Europe. Ici et là, des vedettes patrouilleuses des pays vigiles de la frontières Sud de l'Europe, assurent par procuration la sécurisation des frontières communes. Ce qui a poussé les candidats africains à la migration à renoncer aux Il pateras " et barques meurtrières diverses pour tenter d'atteindre le mirage européen dans les enclaves espagnoles . Depuis les événements tragiques de septembre et octobre derniers autour de Ceuta et Melilla, des images insoutenables de ces damnés de la terre - se fracassant les os au passage des hautes clôtures et s'arrachant les chairs sur les barbelés de la double palissade métallique hispanoeuropéenne - sont venues donner un contenu réel aux décisions feutrées de Bruxelles. On sait désormais qu'un désespoir de plus en plus enragé à poussé quelque 12 000 migrants sub-sahariens à tenter de forcer, au péril de A la Tribune, durant l'assemblée générale. i leurs vies, une frontière sans cesse plus étanche au cours de 25 Il avalanches " groupées de migrants à l'assaut collectif des clôtures métalliques de Ceuta et Melilla, dont 9 plus massives entre le 23 juin et le 29 septembre 2005. L'horreur ultime de cette politique ultra sécuritaire a trouvé son point d'orgue dans la mort par balles d'au moins cinq migrants (dont deux sous des balles espagnoles). Ce drame bien vite oublié, au-delà d'émotions à court terme et d'indignations de circonstance, n'est hélas que la prémisse du pire à venir. En effet, le creusement du sous-développement, conséquence de l'abandon par les grandes puissantes occidentales des pays pauvres, le refus manifeste d'engager l'Europe dans une politique ambitieuse et conséquente de co-développement, le prolon- Il Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - Janvier-Février-Mars 2006 gement du pillage du tiers monde par le pillage des cerveaux, et le soutien à des régimes dictatoriaux sont autant de fa its marquants qui augurent d'autres drames et d'autres tragédies. Ni la surélévation des murs, ni la multiplication des enceintes, ni l'installation de capteurs numériques et de caméras infrarouges, c'est-à-dire l'édification d'une Europe véritablement barbelée, ne pourront assécher cette pression migratoire. Le deuxième fa it marquant a été la série d'incendies qui a ravagé plusieurs logements collectifs en France . Si les circonstances et l'origine de chacun de ces drames diffèrent, il reste, et ce n'est certainement pas une loi des séries ni le fait du hasard, que ce sont toujours les mêmes victimes qui ont péri : des immigrés parmi les plus pauvres avec ou sans papiers. La responsabilité cardinale de ces drames, là aussi prévisibles, a été et demeure ces pratiques d'apartheid social et ethnique en matière de logement. Les pratiques avouées ou sournoises de ces bailleurs privés ou publics, la responsabilité enfin de ces villes dont certains maires, si prompt à l'exigence de respect de la loi, se comportent comme de simples délinquants en refusant de respecter la loi qui les oblige à participer à cette part de solidarité en construisant 20 % de logements sociaux sur leur territoire. C'est bien cette politique là qui est criminelle. C'est cette politique là qui entretient, avec parfois l'argent public, les marchands de sommeil sans scrupules. Troisième fait marquant : ce qui a été décrit par la presse et le gouvernement comme les Il violences urbaines " ou les Il émeutes des banlieues ", où nous ne pouvons que lire l'insurrection collective, là aussi prévisible, de ce noyau dur des exclus. Sur les écrans de télévisions a été affichée une révolte sans mots ni visages, comme s'il s'était agi d'une violence pour la violence contre, cette France qui entend vanter les bienfaits de la colonisation y compris dans ses banlieues de re légation. Il est urgent de mettre des mots sur cette colère qui n'est ni plus ni moins que l'expression d'un trop plein d'inju stices, d'abandons, d'humiliations, fruits des inégalités sociales et de la discrimination raciste. La cause principale de cette mutinerie sociale est bien la violence créée par la désertion de la République dans Edito ' International : Dossier ! Immigration 1 Discrimination J Education ! Kiosque Une rafle de sans-papiers cet été. ses valeurs d'égalité, de justice, de solidarité envers les populations assignées à résidence dans les ghettos sociaux et ethniques. Si l'exclusion, les relégations et les discriminations en ont été la . poudre, un double détonateur a permis l'explosion de cette poudrière. D'une part les provocations délibérées, calculées, d'un ministre de l'intérieur parlant avant tout aux électeurs du Front National et reprenant à son compte, en les vulgarisant, leur propre vocabulaire (II karcher " Il racaille II). D'autre part, l'application pratique de leurs exigences par la mise en place d'un régime d'exception, fondé sur une loi qui remonte à la guerre d'Algérie, d'un couvre-feu et de l'annonce ostentatoire de l'expulsion d'étrangers en situation régulière. Même si le ministre de l'intérieur a été renvoyé à plus de sobriété par les préfectures qui, pourtant, ne sont guère susceptibles de bouder les expulsions. Un autre facteur de déclenchement ne saurait être oublié, à savoir la guerre de longue date Il police-jeunes " qui a créé un contentieux ancien et complexe, maintes fois dénoncé par le MRAP. Les Il bavul'es , et les Il crimes " policiers ont été largement condamnés par la Commission Nationale de Déontologie des services de Sécurité (CNDS, par ailleurs privé de tous moyens financiers réalistes pour son fonctionnement). Arrestations, humiliations, poursuites délibérées et souvent non fondées pour outrage et rébellion aboutissant la plupart du temps à la condamnation des jeunes, classements sans suites de plaintes contre les comportements policiers sont autant . d'éléments qui ont participé à cette colère vengeresse. On aura it pu croire naïvement qu'un mal pouvait être la condition d'un bien : autrement dit, que cet électrochoc participerait à une prise de conscience collective de l'impérieuse nécessité de rompre avec ces politiques qui ont structuré les ghettos, par l'assignation à résidence forcée. Dans ce contexte de mal-vie, d'exclusion, de chômage endémique, de discriminations multiformes (sociales, spatiales, résidentielles, etc.), comment pouvions un instant ne pas nous attendre à cette révolte des être humains abîmés dans leur vie et dont trop souvent les politiques publiques se sont cantonnées à réparer les boîtes aux lettres plutôt que de réparer le quotidien insoutenable? On aurait pu espérer aussi que le gouvernement s'engage résolument et avec ambition - et donc avec obligation de résultats - à donner un sens et une traduction concrète à ce vouloir exister en tant que Français de plein droit. C'est tout ce que demandaient ces populations , enfermées aujourd'hui encore dans un statut d'immigré ou, pour leurs enfants et petits enfants - sous la plume des commentateurs, des journalistes, des hommes politiques, voire de certains intellectuels - d'II issus de l'immigration ". Et bien non : en lieu et place de ces réponses d'urgences sociales, économiques, c'est la provocation délibérée qui prévaut. En effet, comme atteint d'une pathologie sévère, d'une crampe mentale, le gouvernement a fait le choix d'ethniciser cette rébellion sociale. Délibérément il a choisi comme sortie de crise la voie du bouc émissaire en préconisant l'expulsion d'étrangers même en situation régulière, démarche sans succès connu à ce jour, la plupart des jeunes personnes en question étant françaises. Les politiques ont aussi choisi de jeter en pâture les familles polygames, et plus récemment les rappeurs, comme causes discernables de ces violences. Et pour parachever les gestes d'allégeance à une extrême droite choyée, on n'hésite pas à recourir à des références porteuses d'une logique de revanche en restaurant le couvre feu qui a permis le massacre du 17 octobre 1961 ainsi que le massacre d'Ouvéa. Rien n'est innocent à cet égard, et comme si l'histoire repassait les mêmes plats rances, le message est clair : hier nous avons maté vos parents, à votre tour d'être matés aujourd'hui. Dernière remarque sur ce sujet. Malheureusement, l'agitation ultra sécuritaire d'une droite libérée n'a pas trouvé en face une gauche à la hauteur pour répondre à ces provocations, ces affronts, et les irresponsabilités qu'une telle politique génère. Au-delà de ces trois évènements, révélateurs du glissement idéologique de la droite vers l'extrême droite, nous avons vécu une véritable chasse à l'immigré rarement égalée. Un véritable climat de terreur s'est abattu sur eux. Rafles dans le métro, contrôles inopinés dans les magasins, dans les chantiers, hôpitaux, descentes au petit matin dans les foyers d'immigrés, tel fut le quotidien des sans papiers et des immigrés en général. C'est une volonté de détruire les résistances qui a été recherchée en poursuivant les militants des droits de l'homme pour délit de solidarité, sans compter l'arrestation et l'humiliation de militants comme Nicole Musslé - que je salue. La presse n'a pas été oubliée : c'est une journaliste à Orléans qui fut l'objet, elle aussi, de harcèlement, garde à vue, pour avoir osé faire un article approfondi sur un sans papiers. Que dire enfin du maire de Pierrefite qui devra répondre prochainement devant les tribunaux d'avoir osé mettre en place dans la maison commune un parrainage de sans papiers ? Et surtout, dans cette quête de résultat à tout prix, la France ne s'est pas privée de bafouer : • Le droit à la santé des étrangers en instaurant une condition de séjour de trois mois pour l'Aide Médica le d'Etat, délibérément incompatible avec les visas Schengen ou nationaux. « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - na 257 - Janvier-Février-Mars 2006 11 12 Dossier Edito International Dossier ' Immigration ' Discrimination Education ' Kiosque • Le droit à l'éducation par l'expulsion de lycéens sans papiers atteignant la majorité en cours d'année scolaire et expulsés sans état d'âme à quelques semaines du baccalauréat (dans l'un et l'autre cas, des citoyens et des militants associatifs et syndicaux se sont dressés et sont parvenus à faire reculer sur certain points le pouvoir. Si quelques batailles ont abouti - expulsion des lycéens en fin d'année scolaire, nouvelle circulaire sur les " soins urgents » -, la guerre reste à livrer). • Le droit à la justice par la généralisation de la comparutions immédiate, justice expéditive et justice d'abattage. Sur ce chapitre, la mobilisation reste à faire aux côtés des magistrats, avocats et éducateurs, un chapitre urgent de lutte contre le racisme institutionnel pour le MRAP et les défenseurs des droits de la personne. La confirmation de cette stratégie visant à ethniciser cette mutinerie sociale est la mise en place, en prolongement à la chasse aux sans papiers, d'une punition collective. L'arsenal répressif de mesures sur l'immigration, arrêté au comité interministériel, porte la trace de cette volonté politique : durcissement du regroupement familial , chasse aux mariages mixtes, organisation d'un tri sélectif pour les étudiants, confirment cette dérive xénophobe aux conséquences désastreuses, tant sur le plan des droits et des libertés fondamentales que sur la légitimation de comportements, d'attitudes et de risques manifestes de passages à l'acte raciste auxquels il faut s'attendre. En outre, signe révélateur de cette dérive idéologique est l'entreprise de réhabilitation du colonialisme

cédant ainsi aux pressions des

nostalgiques de l'Algérie française, le Sénat, a adopté cette loi inique et blessante du 23 février visant à faire reconnaître le rôle positif de la présence française durant la période coloniale, laquelle a été validée par l'Assemblée Nationale, confirmant cette volonté manifeste de revanche. Tout ceci participe à un climat délétère qui, à bien des égards, installe la France dans une atmosphère digne des années trente. L'ennemi en permanence désigné et harcelé, le bouc émissaire de toutes les catastrophes, tragédies, maux que vit notre société, ce sont l'immigré venant d'Afrique, le musulman, le rappeur, l'africain polygame, et les femmes qui poussent les you-yous pendant les cérémonies de mariage. Durant cette année, notre rapport d'activité l'atteste, le MRAP a concentré son énergie, ses moyens, et déployait une activité sans compter, dans des conditions particulièrement précaires sur le plan matériel et difficiles sur le plan politique, pour être au rendez- vous de la solidarité effective envers ces victimes expiatoires que ces mesures ont jeté un peu plus dans l'angoisse, l'humiliation, la précarité. Que ce soient les victimes de discriminations, immigrées ou françaises, dans le domaine de l'emploi, du logement ; que ce soient les personnes qui souffrent d'un phénomène qui s'est particulièrement amplifié durant cette dernière période, à savoir les violences policières; que ce soient les sans papiers demandeurs d'asile victimes de cette chasse ; que ce soient les tsiganes ou gens du voyage, méprisés, insultés par des élus, chacune de ces victimes a pu trouver, autant que nous le pouvions, accueil, écoute, et accompagnement juridique, politique et humanitaire auprès de nos militants. J'en profite ici pour les en remercier très chaleureusement. Ne nous voilons pas la face, l'année à venir, année d'échéance électorale, va être particulièrement difficile, rude, pour chacun d'entre- nous. Nul doute que ce climat politique marqué par le développement de thèmes racistes, par des campagnes populistes, aura des retombées sur les manifestations du racisme et la libération de propos haineux. Cette surenchère sur le thème de l'immigration aura aussi, et c'est notre deuxième sujet d'inquiétude, des retombées en terme d'attitudes d'enfermement porteuses de danger pour le vivre ensemble et le pacte républicain: à savoir le développement et l'émergence de mouvements et de revendications communautaristes. La création récente du CRAN est le symptôme de cette dérive inquiétante et dangereuse. Devant cette pénible réalité et cet avenir sombre, notre mouvement devra bien évidement avoir en permanence le soucis de respecter les orientations exprimées lors de notre dernier congrès. Le MRAP devra cependant, si l'Assemblée générale l'accepte, prioriser ces mobilisations. La résistance et la contre-offensive à cette entreprise de déstabilisation des droits, de stigmatisation, doit être la priorité de nos priorités. Tout le mouvement, ses moyens, son organisation, doivent se mobiliser contre cette guerre contre les exclus des exclus qui représente une offense à nos valeurs et une provocation à notre raison d'être. Trois axes pourraient être privilégiés. Le premier, la solidarité, le soutient et l'accompagnement individuel de toutes ces victimes. Le deuxième, l'accompagnement de cette solidarité effective par une riposte politique unitaire. Ce travail de solidarité quotidienne que nous avons entrepris doit être amplifié par le prolongement de ce que le MRAP a initié depuis près de 6 mois, à savoir l'organisation de ripostes unitaires par un collectif que nous avons créé et dynamisé, lequel regroupe désormais une vingtaine d'organisations (syndicats, partis politiques, collectifs de sans papiers, organisations de défense des droits). Troisième axe, le MRAP ne peut uniquement se cantonner à une attitude de solidarité et de défense. Nous devons également donner une perspective et jouer Manifestation contre l'instauration de l'état d'urgence à Paris. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - Janvier-f évrier-Mars 2006 1 notre rôle pour aider et participer à l'édification d'une politique alternative sur l'immigration, une politique en rupture avec l'existant et qui devrait être alimentée par le combustible de l'universalité des droits et des libertés fondamentales pour tous et partout, par une politique qui doit aussi traiter l'immigré comme un sujet de droits et non comme un objet économique. C'est dans ce cadre là que les campagnes sur lesquelles nous devons aujourd'hui redoubler d'efforts - campagnes sur la régularisation globale des sans papiers, sur le droit de vote et d'éligibilité des étrangers - s'inscrivent. Ces axes doivent être inscrits dans l'exigence d'une autre politique européenne, politique qui tourne le dos à cette Europe forteresse égoïste, et qui doit participer à l'éradication de la pauvreté issue, hier, du pillage des ressources naturelles et, demain, de celui des cerveaux. Politique criminelle qui ne peut que participer au renforcement de la pression migratoire. Autre priorité de notre mouvement, priorité à laquelle l'actualité donne toute sa résonance et son importance, la lutte contre les discriminations. Nous devons à cet égard être porteur de l'exigence d'une réelle politique publique, ambitieuse et avec obligation de résultat, qui permette de sortir de l'insécurité sociale des centaines de milliers de personnes dont le délit est d'être né. Enfin, dernière priorité, l'action éducative doit rester un élément structurant du travail du MRAP. Le travail sur les mentalités, particulièrement déterminant dans le cadre de la lutte contre le racisme, ne peut faire l'économie d'une mobilisation contre ce qui participe à structurer le racisme, les discriminations et les logiques de revanche, à savoir ce passé coloniale toujours présent. C'est dire combien l'action pour une abrogation çléfinitive de cette loi de revanche du 23 février, de même que l'exigence de destruction de ces stèles de la honte à Marignane et Perpignan, doit retenir toute notre attention. Enfin, la reconnaissance officielle de la torture, faite au nom du peuple de France, doit être aussi un élément qui conditionne tout traité d'amitié franco-algérien. Le MRAP est une pièce à deux faces. Si nous venons de dessiner les contours de la première, nous Dossier Edito ' International 1 Dossier ' Immigration ' Discrim ination 1 Education : Kiosque ne saurions oublier la seconde, l'amitié entre les peuples. Le contexte international créé par l'" état de guerre permanente " qui sévit dans diverses régions du monde, notamment en Irak, Afghanistan, Tchétchénie, ainsi que dans certains pays d'Afrique, a déterminé l'essentiel de l'activité du MRAP concernant les questions internationales. Les politiques menées par Bush, Sharon et Poutine n'ont fait qu'amplifier le chaos et augmenter comme nous l'avions prédit les menaces terroristes (Londres, Israël, Irak, etc.). Les Etats-Unis se sont enlisés en Irak et les conséquences terribles que nous avions envisagées se sont avérées exactes : attentats quasi quotidiens, menaces de guerre civile, montée de l'islamisme, pratique de la torture dans des zones de non droit. Le MRAP continue de réclamer le retrait des troupes d'occupation, la souveraineté du peuple irakien et apporte son soutien aux pacifistes américains de plus en plus nombreux. Concernant le conflit israélo-palestinien, l'année a été marquée par l'évacuation de la bande de Gaza mais nous ne sommes pas dupes de ce que prévoit réellement le plan de Sharon: l'annexion d'une grande partie de la Cisjordanie grâce notamment à la poursuite de Manifestation unitaire à Lille. mMj la construction du mur (pourtant déclaré illégal par la Cour Internationale de Justice et l'assemblée des Nations Unies) ayant pour objectif de rendre impossible tout Etat palestinien viable. Si nous ne voulons pas que l'évacuation de Gaza ne soit qu 'un leurre de plus, la communauté internationale doit imposer d'urgence qu'Israël cesse toute extension ou création de colonies, mette un terme à la construction du mur et reprenne des négociations globales aboutissant à la création d'un Etat palestinien dans les frontières de 67 à coté de l'Etat israélien. Nous souhaitons bien évidemment nous appuyer pour ce combat sur l'ensemble des forces pacifistes, israéliennes et palestiniennes. C'est au prix de ponts jetés entre toutes ces forces positives et par la solidarité internationale qu'on détruira ces murs. Au cours de l'année écoulée le MRAP s'est également mobilisé autour de l'Afrique qui continue de subir dans l'indifférence générale nombre de "conflits oubliés» comme au Darfour par exemple, ou des dictatures soutenues par le gouvernement français comme au Togo. La nouvelle commission Afrique qui s'est renforcée de nouveaux adhérents devrait avoir une mobilisation particulière dans le domaine de la solidarité et participer à casser le mur d'indifférence de ces tragédies humaines. Enfin, combat de longue date et encore inachevé, celui pour la libération de Mumia qui, avec le rejet du juge Dembe, devient de plus en plus difficile. Cela conduit le MRAP a s'engager toujours plus à fond pour l'abolition universelle de la peine de mort notamment en Iran et en Chine. Il reste que dans le domaine international des faiblesses persistent. Elles ne sont pas dues à une quelconque hiérarchisation des victimes mais au manque de moyens et de militants, et au fait que la gravité de la situation en France a mobilisé tant d'énergie qu'elle a, hélas, parfois fait passer au second plan des situations terribles dans d'autres pays. En conclusion, ce contexte lourd, inquiétant et angoissant, fait peser sur les épaules de chacun et de chacune une responsabilité particulière. Beaucoup attendent désormais de nous que nous soyons à la hauteur de ces défis d'humanité, de justice, de droit, de respect et de dignité. A nous de créer les conditions d'un sursaut des consciences. A nous de construire ensemble les digues humaines, politiques, salvatrices, permettant de construire la solidarité et la résistance que la période impose. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - na 257 - Janvier-février-Mars 2006 13 14 Dossier Edito 1 International Dossier ' Immigration ' Discrimination ' Education ' Kiosque Assemblée générale Résolution: contre l'état d'excePtion, mobilisons exceptionnelle ! Moins d'un mois après l'explosion qui a touché deux cent villes en France, les réponses gouvernementales se limitent aujourd'hui à l'instauration de l'état d'urgence prolongé pour une durée de trois mois, à l'annonce d'une répression accrue envers les étrangers, y compris en situation régulière et à une stigmatisation ethnique des cités et quartiers. Le gouvernement au pouvoir, plus de quarante ans après la décolonisation, a donné une lecture post-coloniale des révoltes. L'ampleur de cette colère, née brutalement de la mort par électrocution de deux adolescents de 15 et 17 ans fuyant une éventuelle interpellation de la police, témoigne au premier degré du divorce et des tensions manifestes entre la police et une population d'adolescents et de jeunes adultes, victimes quotidiennement de la part des forces de l'ordre, de brimades, d'humiliations, de bavures et de harcèlements discriminatoires. Au-delà de cette tragédie, il s'agit, beaucoup plus profondément de l'acuité d'une crise sociale globale qui ne cesse de s'aggraver depuis trente ans, entraînant un trop-plein d'apartheid social et territorial. Cette révolte, y compris à travers ses débordements, traduit une absence de réponse politique et sociale à la désespérance des quartiers. Refusant d'assumer leurs responsabilités écrasantes qui sont à la racine même du surgissement et du déclenchement de la crise, le gouvernement et l'UMP, avec une rare brutalité, recourent à la tactique éculée du bouc émissaire. Alors que tous les constats objectifs attestent que la grande majorité des interpellés par les forces de l'ordre était de jeunes français sans antécédent judiciaire, le gouvernement saisit le prétexte pour stigmatiser les " étrangers ", qui plus est en situation régulière, à l'inverse de tous les discours habituels sur l'intégration. Le gouvernement en profite largement, s'il en était besoin, pour relancer les expulsions de sans papiers, s'en prendre au regroupement familial, au code civil en matière de nationalité et transformer une crise sociale en crise ethnique et religieuse. Le maintien obstiné de l'article 4 de la loi du 23 février 2005, prescrivant que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord », participe de cette même entreprise de stigmatisation. L'instauration d'un état d'urgence dont les dispositions datent de la guerre d'Algérie le confirme. Il y aura un avant et un après octobre 2005. Les politiques mises en oeuvre depuis trente ans sont bien à l'origine de la crise d'aujourd'hui. Il faut tirer toutes les leçons de cette faillite. Les appels incantatoires à l'égalité des droits n'ont empêché ni la progression d'un chômage de masse, ni le refus persistant du droit de vote aux étrangers, ni les pratiques discriminatoires, ni les brimades policières trop souvent " au faciès ", ce qui a eu pour effet de pousser à certains replis communautaires. L'urgence exige que des politiques publiques ambitieuses en matière de cadre de vie et d'emploi soient massivement déployées pour permettre une amélioration sensible et dès le court terme, des perspectives et des conditions de vie et d'emploi, d'éducation, de services publics. Le MRAP, qui ne saurait tolérer la banalisation d'un régime d'exception, appelle à la levée immédiate de l'état d'urgence et ne saurait accepter la banalisation d'un état d'exception permanent, justifiant une répression accrue contre tous les étrangers, en situation régulière ou non. Il appelle l'ensemble des mouvements et associations qui partagent ses valeurs à prendre toutes initiatives pour témoigner d'une réelle solidarité envers toutes les personnes victimes d'une stigmatisation sur le fondement du quartier d'habitation, du faciès ou de l'origine. Cette solidarité doit déboucher dans toutes les régions de France sur des actions communes avec les personnes concernées. Il nous faut contribuer à dynamiser les partenariats associatifs et syndicaux existants dans le domaine de la Police et de la Justice et prendre l'initiative, dans le maximum de lieux, de missions d'observation des violences et des pratiques policières et judiciaires. Le MRAP appelle à une mobilisation de l'ensemble du mouvement associatif, syndical et politique : - contre la stigmatisation par des condamnations prononcées à la chaîne par une justice d'exception à la chaîne; - contre la surenchère et les discours xénophobes qui désignent les coupables des émeutes; - contre les régressions en matière d'égalité des droits; - contre les manifestations de discrimination raciste, d'arbitraire et de stigmatisation. Faute d'une riposte d'ensemble, à la mesure de la gravité de la situation, les facteurs qui ont provoqué la crise de novembre 2005, tout comme le maintien d'un morcellement auto destructeur, demeureront. Contre l'état d'urgence, l'urgence de l'action et de la solidarité ne souffre ni retard, ni divisions. A état exception, mobilisation exceptionnelle ! Les conditions d'un" vivre ensemble ", libéré des inégalités et des discriminations, se façonneront dans le creuset des actions communes, par delà toutes les origines, dans la reconnaissance de toutes les mémoires. Voeu concernant une amnistie pour les personnes condamnées dans le cadre des violences urbaines L'Assemblée Générale du MRAP réunie le 3 décembre 2005 a adopté à l'unanimité moins 4 abstentions le voeu suivant: L'Assemblée générale du MRAP, réunie le 3 décembre 2005, considère que les condamnations des personnes à la suite des violences urbaines ont été prononcées dans des conditions qui s'apparentent " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - Janvier-février-Mars 2006 à une justice expéditive, sans que les droits de la défense aient pu véritablement s'exercer. Aussi, dans un souci d'apaisement et de véritable justice, l'Assemblée du MRAP demande que les personnes condamnées bénéficient d'une loi d'amnistie, c'est à dire que les conséquences pénales de leur condamnation soient annulées. Résolution pour une nouvelle campagne de lune contre les discriminations racistes En 2000-2002, le MRAP a mené une campagne " Discriminations, ouvrons les yeux ", 60 permanences ont été crées, de nombreuses actions de sensibilisation ont été menées. Les discriminations racistes restent une question majeure pour la société française. Qu'ils soient ou non de nationalité française , des milliers de citoyens en sont victimes parce que de couleur différente, de religion différente, portant un patronyme à consonance étrangère, ou habitant un quartier stigmatisé. Si les dispositifs institutionnels mis en place dans les années 90 ont permis de prendre conscience de l'ampleur du phénomène, ils ont aussi montré leurs limites. De nouveaux dispositifs ont vu le jour en 2005, COPEC et HALDE. La législation s'est enrichie, mais elle reste difficile à appliquer, et aboutit à très peu de condamnations et à de très nombreux classements sans suite. L'absence de sanction a pour effet une banalisation des pratiques discriminatoires. Cette banalisation a des conséquences néfastes : elle se traduit par une désespérance des personnes qui en sont victimes, par de la violence, comme les révoltes urbaines à l'automne, et par des replis communautaires et religieux. Plus que jamais, le MRAP doit lutter contre les discriminations. L'assemblée générale du MRAP, réunie le 3 décembre 2005, décide de mener, à partir de 2006, une nouvelle campagne de lutte contre les discriminations. Pluridimensionnelle, la campagne visera à comprendre et dénoncer: - la manière dont se construit, à travers les préjugés et les stéréo- Dossier Edito ~ International: Dossier i Immigration : Discrimination ' Education! Kiosque types, de manière consciente ou non, directe ou non, le racisme et les discriminations; - les processus d'ethnicisation dans l'orientation scolaire, l'accès au stage, l'emploi, le logement et les quartiers ... Et leurs effets: exclusion, ségrégation, ghettos, comunautarisation ... ; - une discrimination légale : les emplois réservés aux européens. Nous demanderons à l'état de donner l'exemple en y mettant fin. La campagne se traduira par des actions de communication, de mobilisation et de sensibilisation nationales et locales. Elle concernera toutes les victimes (sans oublier les gens du voyage). Elle visera tous les publics , grand public, acteurs impliqués et habitants des quartiers. Le MRAP y jouera notamment un rôle d'aiguillon pour que la HALDE soit réellement efficace. La campagne aura aussi pour objectif le renforcement de notre réseau de permanences. La saisine de la HALDE étant écrite, notre rôle reste celui de l'accueil des victimes, du conseil, de l'aide à la saisine de la justice et de la HALDE, et du suivi politique des dossiers. Dans le cadre de la campagne seront organisés des formations et des ateliers de réflexion à l'attention des bénévoles et des permanents sur les nouveaux dispositifs, la législation, la compréhension du phénomène, l'écoute, la communication ... Les échanges de pratiques seront favorisés entre les comités impliqués. La campagne sera ainsi l'occasion de développer les échanges régionaux et interrégionaux entre permanences, comités locaux et fédérations de façon transversale et horizontale. A travers cette nouvelle campagne, nous porterons tm message politique fort visant à faire évoluer les pratiques et les mentalités. Motion sur l'Irak La guerre en Irak a été justifiée par des mensonges : présence d'armes chimiques et de destructions massives qui restent introuvables. Elle se poursuit au nom de la "lutte antiterroriste". En réalité, il s'agit d'une guerre coloniale d'une forme nouvelle ; on assiste à un massacre de la population civile et à la destruction de toutes les infrastructures irakiennes. Cette guerre est illégale au regard du droit international. L'occupation n'a débouché en aucune façon sur la liberté et de meilleures conditions de vie. Bien au contraire, elle a apporté le chaos et l'horreur. Le MRAP rappelle que d'après les Conventions internationales « la puissance occupante doit garantir la sécurité des populations civiles ». L'armée américaine est à ce titre coupable de crimes de guerre. Le MRAP se félicite de la position de la France et des déclarations de Jacques Chirac lors de sa visite à Londres. Le MRAP demande: - l'arrêt immédiat des bombardements; - le retrait des troupes coloniales d'occupation; - la restitution de la souveraineté du peuple irakien. Il apporte son soutien aux pacifistes américains, en particulier aux jeunes déserteurs de l'armée américaine. Résolution Tziganes et Gens du vovage Le MRAP s'élève avec vigueur contre le vote, à la sauvette, par l'Assemblée Nationale, dans la nuit du 22 au 23 novembre 2005, d'un amendement instaurant une taxe d'habitation sur les résidences mobiles, au prix. exorbitant de 75 euros par mètre carré ! Le MRAP demande que la reconnaissance de la caravane comme habitat - avec tous les droits y afférant - constitue un préalable incontournable à toute création d'une taxe d'habitation. Le MRAP appelle à rejoindre les rassemblements et manifestations prévus dans toute la France, lundi 5 décembre, en particulier à Paris, de République à Bastille, à 14 heures, et mardi 6 décembre, devant le Sénat, où le Sénateur Pierre Hérisson, Président de la Commission Nationale Consultative des Gens du Voyage, et vice-Président de l'Association des Maires de France, recevra les représentants des associations de voyageurs. Adresse amicale du MRAP à ATTAC France Le MRAP - Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples - , comme membre cofondateur d'ATIAC, a apporté cet été sa contribution montrant la compréhension que nous faisions des rapports entre le MRAP et ATIAC, entre l'antiracisme et la " mondialisation doublement excluante " (cf.site ATIAC). Au regard des débats en cours tant au sein des groupes spécialisés (migrations, connaissance des organisations musulmanes) que dans l'ensemble de l'association ATIAC, il nous apparaît important, à quelques jours de l'Assemblée Générale de La-Roche-sur-Foron des 10 et 11 décembre 2005, d'apporter une précision complémentaire à nos échanges. Pour nous ATIAC est à la fois l'organisation principale en France, du mouvement altermondialiste et une importante organisation de masse rassemblant diverses organisations qui, à un titre ou à un autre, comprennent la nécessité de se rattacher à ce vaste mouvement de protestations et d'alternatives contre le néolibéralisme. L'élargissement de la thématique initiale d'ATIAC renforce encore l'intérêt de tous (individus et associations membres). Dans ce débat sur le rapport d'activité et sur l'orientation, le MRAP, comme membre fondateur, tient à prendre toute sa place aux côtés des autres fondateurs et de l'ensemble des adhérents d'ATIAC. Ces derniers constituent la force vive d'ATTAC. Nous précisons d'ailleurs que nombre d'adhérents du MRAP le sont aussi d'ATIAC, certains assumant parfois des responsabilités dans des comités locaux d'ATIAC. Quant au fond, nous pensons que la lutte que mène ATIAC contre le néolibéralisme devrait porter sur tous les fronts. La critique de la liberté du capital ne saurait ignorer le défaut de liberté de circulation et d'établissement des immigrés et des réfugiés. Elle ne doit pas non plus ignorer les discriminations racistes. Nous prenons d'ailleurs acte que cela figure pour partie dans votre projet d'orientation. Nous espérons qu'il s'agit d'un premier pas appelant pour l'avenir à de plus amples développements articulant les causes et les effets. Nous sommes convaincus q'une bonne collaboration entre nos organisations et nos adhérents respectifs va se poursuivre et va déboucher sur des luttes communes. Bons débats. " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - Janvier-février-Mars 2006 15 16 Dossier Edito International 1 Dossier ' Immigration Discrimination Education Kiosque Assemblée générale BULLETIN D'ABONNEMENT PROMOTIONNEL DE « DIFFÉRENCES» • International Juridique • • Dossier Immigration • • Education Histoire .. . Renvoyez ce bulletin d'abonnement à l'adresse suivante: Différences, 43 bd de Magenta, 7501 0 PARIS Je souscris 4 numéros pour 12 € seulement ! o Oui, je profite de l'offre de la revue Différences. Je recevrai les quatre numéros à "adresse suivante: NOM: . ADRESSE : PRÉNOM: . o Ci-joint mon règlement de 12 € par chèque à l'ordre de Différences. PROFESSION : .. «Différences " - Mouvement contre le racisme et pour j'amitié des peuples - n° 257 - Janvier-février-Mars 2006 Immigration Edito ' International ~ Dossier ' Immigration 1 Discrimination : Education 1 Kiosque Protection des droits de tous les travaillants migrants et des membres de leur famille r a es Bernadette Hétier Vice-présidente du MRAP Dans un monde de 6,5 milliards d'habitants (http://www. populationmondiale.coml), un être humain sur 35 est un migrant On estime à près de 200 millions (82 millions en 1970 et 175 millions en 2000) le nombre de personnes qui vivent ailleurs que dans leur pays de naissance, soit 3 % de la population mondiale, selon le Rapport de la Commission Mondiale des Migrations Internationales de 2005 (http://www.gcim.org./enl). Ce chiffre inclut 1& millions de réfugiés (9 % du total), Presque tous les Etats sont concernés, en tant que pays d'émigration, d'immigration, de transit, ou parfois les trois, 48,6 % des migrants sont des femmes dont 49 % vivent dans le monde développé. Le nombre mondial de migrants traversant les frontières sans autorisation atteindrait chaque année de 2,5 à 4 millions. Pour l'Europe, en 2002, s 10 % des migrants étaient en situation" irrégulière " soit environ 5 millions, Près de 60 % des migrants résident en Europe (56 millions) et en Amérique du Nord (41 millions). De 1990 à 2000, ce sont les pays développés qui ont connu la plus forte hausse du nombre de migrants (+ 13 millions en Amérique du Nord, soit + 48 % et + 8 millions en Europe, soit + 16 %). Aujourd'hui, dans les pays développés, près d'un habitant sur dix est un immigré, contre un sur soixante-dix dans les pays en développement (Rapport 2002 Nations Unies Migrations). La « Convention Internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille », adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies par sa résolution 45/158 du 18 décembre 1990, se réfère à tous les principes antérieurement consacrés dans les grands textes sur les droits de l'homme des Nations Unies (Déclaration universelle, Pactes internationaux, Conventions " contre toutes les formes de discrimination raciale " de discrimination à l'égard des femmes , pour les droits de l'enfant, contre la tOIture ... ), ainsi que dans les divers instruments de l'Organisation Internationale du Travail (particulièrement sur les travailleurs migrants nO 97, sur les " migrations dans des conditions abusives" nO 143, le travail forcé ou obligatoire nO 29 et W 105). Ce n'est qu'après la 21e ratification (Guatemala , 14-03-03) que les NU ont pu proclamer l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2003, de la Convention de 1990. Aujourd'hui on en compte 34 dont la dernière en date est celle du Nicaragua (26-10-05), Il s 'agit surtout de pays d'émigration et/ou de transit (deux seulement sont Européens). Parmi eux, aucun pays d'immigration important comme les Emirats arabes unis, le Koweït, la Jordanie, Israël, le Japon ou l'Australie, Le " Comité sur les travailleurs migrants ", composé d'experts indépendants, surveille l'application de la convention par les Etats parties (rapports périodiques) et pourra recevoir des requêtes de personnes s'estimant victimes de violations de la convention, dès que 10 Etats parties auront accepté cette procédure, Pour lutter contre le trafic, la traite et l'exploitation des migrants, la convention vise à promouvoir des conditions légales et humaines de protection des droits fondamentaux des migrants (si possible à égalité avec les nationaux). Les droits des migrants sans papiers doivent être protégés au même titre que ceux des migrants réguliers. La convention reconnaît les droits des familles et recommande des mesures en faveur du regroupement familial et du mariage, Elle couvre tous les aspects, dimensions et étapes du processus migratoire, du pays d'origine jusqu'au pays de destination, Elle prend en compte toutes les catégories de travailleurs, y compris frontaliers, saisonniers, itinérants, offshore ou marins au long cours, salariés ou non, et vise notamment à : - empêcher les conditions de vie et de travail inhumaines, les abus physiques et sexuels et les traitements dégradants; - promouvoir le droit à l'éducation, à la santé et, selon les lois nationales, à la citoyenneté ; - garantir le droit des migrants à la liberté d'opinion, d'expression et de religion ; - garantir à tous les travailleurs migrants une protection effective contre toute violence, dommage corporel, menace ou intimidation, que ce soit de la part de fonctionnaires ou de particuliers, de groupes ou d'institutions ; - garantir l'accès des migrants aux informations portant sur leurs droits; - assurer le droit des migrants à participer aux activités syndicales ; - permettre aux migrants de rester en contact avec leur pays d'origine, à y retourner de façon permanente ou ponctuelle, à y participer à la vie politique et à y transférer de l'argent.. La Convention réaffirme l'indivisibilité des droits humains fondamentaux, ainsi que leur universalité, Des campagnes d'ONG pour la ratification se poursuivent à divers niveaux La Plateforme Internationale a été créée en 2004 et se définit comme (( une coalition d'organisations non-gouvernementales mise en place dans l'objectif de faciliter la promotion, la mise en oeuvre et la surveillance de la Convention >J qui se propose «Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - nO 257 - Janvier-février-Mars 2006 17 Immigration Edito 1 International Dossier Immigration . Discrimination ' Education ' Kiosque en particulier d'assurer le suivi du européenne sur les migrations éco- Cette Plateforme est animée par sence de GISTI, LDH et MRAP, " Comité sur les droits des migrants " nomiques (01-200S). Ses objectifs un " noyau dur ' d'associations, pour réitérer la demande de et des 6 autres organes de trai- sont, outre le lobbying, d'harmoni- en lien avec Solidarité Laïque qui ratification par la France, et le tés des droits de l'homme mais ser les campagnes nationales. diffuse l'information auprès de même jour, organisé un dîner aussi de sensibiliser le contexte Peut-on espérer que la recomman- " Demain Le Monde '). Ce groupe amical Verts-associations pour des Nations Unies à leur travail dation du Parlement à la Com- a été signataire de lettres à des approfondir les échanges. (http ://www.december18.net/ mission d' " encourager les Etats Commissaires Européens ainsi Un nouveau courrier a été envoyé web/ general/page. php?pageID;S membres à ratifier la Convention qu'aux différents partis et syndi- au PCP. Diverses autres démar- 33&menuID;36〈FR#one). sur les travailleurs migrants des cats français, leur demandant de ches devraient suivre. La Plate-forme internationale a Nations Unies , (26-10-200S) soit s'engager pour la ratification, à Enfin, des rapports " parallèles ' édité un Guide pour les ONG sur entendue? l'instar des demandes formulées pourraient être présentés par la mise en oeuvre de la Conven- La Plateforme Française a éga- auprès de la CNCDH et du Con- des ONG au comité de suivi de tion des Nations Unies pour les lement vu le jour en 2004, du seil Economique et Social. Les la convention, lors de l'examen travailleurs migrants (en anglais : regroupement des campagnes Verts, le PCF et les Alternatifs ont de la situation de certains pays, http://www.december18.net/web/ " Acteurs ici et là-bas : respectons exprimé un soutien. notamment du Maroc à la session doc pa pers/ doc30S6. pdf). leurs droits " (http://www.agirici. Les Verts ont ouve rt une péti- d'avril 2006, ce qui permettrait de La Plateforme Européenne a org!) et " Demain Le Monde, Les tion à la signature de tous leurs mettre en cause la désastreuse relayé la campagne internationale Migrations pour Vivre Ensemble, élus, fait poser une question au politique de ce pays, " par procuet a utilement servi de point d'ap- (http://www.globenet.orgldemain- gouvernement par une séna- ration " de la Forteresse Europe, pui à l'action du même collectif sur le-monde/Deroulementcampagne/ trice, organisé une conférence lors des tragiques événement de le " Livre Vert ' de la Commission Accueil/informemigrations.html). de presse le 06-12-200S, en pré- Ceuta-Melilla de 200S. 18 " Différences » - Mouvement contre Je racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - ]anvier-Février-Mars 2006 Christian De1arue Nous nous proposons, dans le présent article, de définir brièvement le mouvement altermondialiste puis de préciser les raisons de l'investissement du MRAP dans ce mouvement. le mouvement anti/altermondialiste Les altermondialistes existent: un (( mouvement de mouvements Il La preuve du pudding, c'est qu'il se voit! D'aucun ont parfois un doute sur l'existence même d'un mouvement altermondialiste. Les altermondialistes tiennent forum et manifestent contre le G8 ou l'OMC ou d'autres forces du néolibéralisme. De ce point de vue, leur existence ne fait donc aucun doute. Et, autre certitude, ces anti/altermondialistes ne sont pas tous membres d'ATTAC. Cette sphère est plus large : elle comprend notamment des syndicalistes, les libertaires et des forces politiques anticapitalistes diverses. Mondialisation Edito , International ; Dossier ! Immigration i Discri mination 1 Education ! Kiosque La caractérisation fait débat Les contours de cette nouvelle force internationale ne sont pas bien définis. Certains parlent alors de mouvance. Malgré le flou des limites et la pluralité des acteurs, on peut sans doute évoquer un , mouvement des mouvements • mû par de nombreuses composantes, dont ATTAC . Dans les forums sociaux locaux, continentaux ou mondiaux ATTAC n'est bien qu'une composante des participants. S'agissant des manifestants contre les institutions internationales telles que FMI, BM, OMC ou contre les groupes dirigeants de la planète, les" G · (G8, G 10 etc), on observe plusieurs éléments : un nombre croissant de participants depuis 1999 (Seattle) débouchant sur une véritable lame de fond, une expansion géographique réelle touchant plusieurs continents, une base sociale variée (non pas que des étudiants, mais aussi des paysans, des syndicalistes, des femmes, des membres d'ONG ... appartenant ou non à une organisation), une radicalité croissante qui ne signifie pas emploi de la violence mais plutôt critique du capitalisme et du productivisme. Cette radicalité, observée pour la première fois à Florence, est allée de pair avec un élargissement du mouvement. La Charte des Forums sociaux inclut une ferme opposition à la mondialisation capitaliste. Ajoutons qu'il n'y a pas séparation entre celles et ceux qui causent et celles et ceux qui manifestent. Les forums ne représentent pas seulement un lieu d'échanges collectifs, ils favorisent l'action et les mobilisations. Même les partis politiques, non présents statutairement dans les forums, se rencontrent à ces occasions. Quid du mouvement ouvrier? Tout cela con~titue-t-il un " mouvement constituant , ? Il semble que oui. Mais est-ce à dire que ce " neuf , .remplace le Il vieux ., à savoir le mouvement ouvrier traditionnel ? La réponse est négative car ce • mouvement des mouvements » n'a pas, de par sa diversité, de programme propre. De plus son fonctionnement en diffère profondément. Il ne procède pas de décisions d'une instance quelconque mais de la coopération de ses composantes oeuvrant aux convergences diverses et aux mobilisations. Les différents " appels ' traduisent ces efforts de coopération. Naissance et montée en puissance du mouvement: revendications et pratiques Les racines : la chute du mur de Berlin a rimé un temps avec l'essoufflement des luttes internationales issues des mouvements ouvriers classiques, mais la contestation a repris avec l'évolution du capitalisme, ce que l'on pourrait rapidement traduire par le passage de l'internationalisation marchande entre Etats à la mondialisation du capital sous ses trois formes : marchande, productive et surtout financière. Au niveau mondial, au moment de la fin des régimes dits communistes, l'idéologie de " la fin de l'histoire» promue par Françis Fukuyama connaît un vif succès qui confirme peu ou prou la réalité de l'essoufflement des luttes internationales dans de nombreux pays. En France, on assiste à l'élaboration progressive du social-libéralisme, notamment avec la Fondation St Simon. Dans la même veine, J.-P. Huchon justifiera la simple alternance au sommet de l'Etat contre l'alternative en politique. 1994 marque l'émergence de la lutte des zapatistes et, en France, l'apparition du mouvement des chômeurs et précaires avec AC ! Chesnais écrit » La mondialisation du capital ' et on remarque ensuite une renaissance d'un marxisme critique (nombreuses revues, collaborations plurielles). En novembre 1995 le débat Notat/Bourdieu clive les élites et la société en plein mouvement de lutte pour la défense des services publics. En décembre 1997, Ignaco Ramonet écrit un article du Monde Diplomatique contre la dictature des marchés. Les premiers pas et la nouvelle dynamique La résistance au néolibéralisme est nécessaire mais un voisinage douteux, celui de l'extrême-droite antimondialiste, a contraint le mouvement à se démarquer de l'antimondialisation • brune " nationaliste et xénophobe; d'ou le changement de nom en mouvement altermondialiste. Alter car nous voulons un " autre monde possible '. Il s'agit de , tenir les deux bouts " • contre · et " pour . sur tous fronts: les altermondialistes veulent partir des résistances ' contre • mais aussi à partir de là tracer des perspectives alternatives pour un autre monde. L'altermondialisme combine donc antimondialisme antiibéral et nouvelle stratégie d'une émancipation vers un postcapitalisme démocratique et solidaire ; un monde vivable pour tous, fraternel, laïc et pacifique. Parmi les douze propositions du FSM de Porto Alégre (200S) comme, socle minimal . pour un " autre monde possible ", on trouve l'annulation de la dette, la mise en place de taxes, le démantèlement des paradis fiscaux, l'élaboration de nouvelles règles économiques, notamment pour favoriser la production de valeurs d'usage via de véritables services publics ... Il s'agit aussi de mettre en place des processus concrets : on évoquera alors plus l'altermondialisation que l'altermondialisme qui, quant à lui apparaît plus dans les luttes, les revendications, les manifestations. Mais les champs ne sont pas séparés. Deux aspects : en pratique et en théorie : altermondialisation (forum et convergence : les rassemblements pour échanger) et altermondialisme (ATTAC, Via Campesina, Fondation Copernic ... : les forces de propositions de résistances et d'alternatives) ; du global au local et retour : des FSM aux FSL et retour. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - ]anvier-Février-Mars 2006 19 20 " Mondialisation Edito International ' Dossier Immigration Discrimination ' Education Kiosque La nécessaire insenion du MRAP dans les forum sociaux anti/alter Les multiples dimensions des forums anti/altermondialistes Les forums sociaux locaux rassemblent des acteurs de diverses associations et syndicats. Certaines associations se prévalent de pratiques partiellement alternatives (par exemple relativement dégagèes des logiques marchandes) dans leur secteur particulier, d'autres de pratiques de luttes sectorielles, d'autres encore combinent fonctionement alternatif et pratiques de luttes sociales. Dans l'ensemble, ces acteurs sociaux font la promotion d'autres valeurs, d'autres critères. Le besoin de se rassembler dans le respect des spécificités de chacun : face aux enjeux, face à la force de la globalisation, de ce que, en somme, tous ces acteurs combattent à un titre ou à un autre, beaucoup partagent la nécessité de se rassembler, de faire force commune, d'oeuvrer aux convergences. Les FSL ont, de ce point de vue, le mérite du rassemblement, qui n'est pas que du bavardage sans conséquence. Ils ont l'avantage de mettre en relation ces acteurs et de favoriser des convergences vers " un autre monde possible ". L'altermondialisation concrète dessine en pointillé un altermonde radicalement différent, un postcapitalisme profondément démocratique et solidaire. Ce « dessin en pointillé" n'est nullement compensé par une élaboration programmatique. Ce défaut a été retourné en avantage, celui du respect des spécificités de chacun. Ce sont le débat et les manifestations internationales qui forment perspectives. Et le MRAP? Ses membres ressentent bien cette nécessité de se rassembler dans ces conditions. Il se doit de participer et d'apporter sa pierre à la construction des résistances à une certaine mondialisation et parallèlement d'oeuvrer à la promotion d'une altermondialisation, d'un autre monde. Pour ce faire, il doit dépasser le cadre étroitement frança is, ce qui ne pose aucun problème au MRAP qui embrasse de haut l'amitié entre les peuples au travers de la question des migrations économiques (et donc du développement inégal entre les zones de la planète), de l'asile politique (et donc des formes les plus brutales de la répression politique et politico- religieuse) et de bien d'autres questions. Le continent européen apparaît le niveau pertinent nécessaire pour transformer le monde. Mais les autres peuples doivent s'émanciper eux-mêmes sans attendre un « sauveur" apportant la civilisation. Edito International ' Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Mémoires et mémoriaux ---1 Evelyne Verlaque Comité de Vitrolles Edifier un mémorial est toujours un acte politique complexe: par l'émergence des mémoires blessées et la reconnaissance historique, un tel ouvrage parle en effet d'identité, individuelle ou nationale. Le risque est donc grand d'une manipu lation politicienne : les dictateurs aussi ont leurs mémoriaux ! Comment donc, entre passé et futur, renouer sans trahison, une continuité violemment brisée, rendre justice aux victimes et transmettre aux jeunes générations la notion de responsabilité personnelle ' Quels mémoriaux voulonsnous? Et tout d'abord qu'est-ce qu'un mémorial pour nous? Un mémorial ;J Quelques conceptions ... - Un mémorial témoigne des vies perdues par les victimes de crimes publics. - Je pense « rituels ", « commémorations ", « pèlerinages civiques ". Le mémorial de Franco, par exemple, en Espagne est écrasant par son immensité et par le souvenir de sa construction qui a coûté la vie à nombre de prisonniers. Il Mais c'est d'une autre Europe dont nous avons besoin et non de cette Europe rabougrie si peu démocratique et sociale, qui peine depuis 50 ans à dépasser le stade du marché intérieur. Le MRAP lutte contre le racisme sous toutes ces formes. C'est là notre pierre à la résistance des peuples contre l'ordre libéral marchand, contre l'ordre militaropolicier. Mais cette participation du MRAP aux forums et autres manifestations ayant pour objet la résistance à des phénomènes plus larges que le seul racisme semble à certains d'entre nous éloignées du cadre de nos résistances spécifiques. Cependant, pour être efficace dans la lutte globale contre ce néo-impérialisme, il va falloir s'accoutumer à ces participations élargies mais plurielles et non figées, toujours soumises aux débats. Nulle vérité ou programme qui vient d'en haut dans les FSL ! fait l'objet d'un pèlerinage annuel de la part de nostalgiques. Nous avons toujours refusé d'y aller. - Mission pédagogique : " Plus jamais ça ". Il s'agit de montrer les horreurs dont sont capables les hommes, pour alerter la jeunesse et éviter tout recommencement. - Le mémorial de Douaumont (à côté de Verdun). Un lieu où la première guerre mondiale a fait des massacres incroyables ... Je « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - Janvier-février-Mars 2006 pense que cela peut représenter un risque selon l'explication donnée aux enfants qui voient cela. - Au nom de la mémoire il peut être possible de perpétuer des notions comme la vengeance ou la " victimite ". Les victimes restent dans leur mémoire de victimes, ce qui les empêche de faire leur deuil et de rebondir sur autre chose pour aller de l'avant. Le mémorial, lui, peut ouvrir le débat sur la mémoire avec les jeunes car il est nécessaire de connaître les événements passés pour les dépasser. - Une question centrale est celle du public à sensibiliser. L'historien est en général l'expert qui connaît l'Histoire et peut l'écrire, il apporte une caution scientifique ; les muséographes et scénographes partiront de ses écrits et s'attacheront à leur donner une lisibilité pour le public ciblé. Cela ne veut pas dire que l'historien sera dessaisi du projet, au contraire il reste vigilant et siège au comité scientifiqu e auquel sont soumis le muséographe et le scénographe. Dans le cas du Mémorial de la grande guerre à Péronne, le scénographe a modifié le nom : ce n'est ni un musée ni un mémorial, mais un « historiaI ", ce qui mélange positivement l'Histoire et la mémoire. - Il faut relever dans le département de la Loire un monument aux morts tout à fait remarquable par son engagement. Il dit en particulier « si vis pacem para pacem " (si tu veux la paix, prépare la !) et « maudits soient la guerre et ses auteurs ". Bizarre mais ces simples phrases remplies d'humanité ont déclenché les passions et ... certai- Histoire Edito . International 1 Dossier Immigration ' Discrimination ' Education 1 Kiosque Illustration de Eric Taurnaire. nes dégradations (voir sur Google, « Saint-Martin d'Estréaux ,,) - Je voudrais que soit lancée une souscription européenne afin d'ériger un monument à la mémoire de tous les migrants morts en tentant de venir travailler en Europe. Avez-vo~s visité un mémorial=- Témoignage « Je suis allé visiter récemment à Paris le Mémorial de la Shoah, en compagnie de ma femme (fille de déporté) et de mon fils. Le mémorial proprement dit comprend un mur de noms et une salle d'accueil où les visiteurs peuvent consulter les archives sur la déportation des 76 000 juifs de France. A paltir d'un nom, ou d'un numéro de convoi, il est possible de retrouver 1'« itinéraire ' d'une personne depuis son internement à Drancy ou ailleurs, vers les camps d'extermination. Des recherches de documents personnels d'époque sont proposées sur des écrans. On peut en demander une copie imprimée. Pour fai re court, je dirais que c'est le domaine du souvenir, de l'émotion et du recueillement. Dans le même bâtiment on accède au Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC) . Ouvert aux scolaires , aux chercheurs comme aux visiteurs du mémorial, le CDJC donne par ses documents, ses expositions, ses salles d'animation et son auditorium une information historique et pédagogique de grande qualité qui complète l'aspect mémorial. Je pense que cette prolongation explicative et éducative donne tout son sens au mémorial: souvenir d'un passé tragique, travaux des historiens, éducation des générations à venir". Pensez-vous qu'un mémorial soit une oeuvre de justice, une sone de musée de conscience ;J " Je crois que je n'ai jamais visité de mémorial, du moins de lieu portant ce nom, si ce n'est le Mémorial des camps de la mort à Marseille. J'ai pourtant visité des lieux très forts en mémoire et en émotion comme le Mur des fédérés ou le Monument aux morts de Sakiet Sidi Youssef en Tunisie, ce village rasé par l'aviation française pendant la guerre d'Algérie. Et même le Musée de l'Homme de Tautavel ne mériterait-il pas de s'appeler un mémorial ' Mais non ! Ce ne sont pas officiellement des mémoriaux car ce sont les " politiques " c'est à dire les gens au pouvoir qui décident ou non d'accorder ce « label ". Et de ce fait un mémorial exprime toujours une vision officielle de l'histoire, que cela corresponde ou non à une démarche scientifique. Par exemple je ne doute pas que le Mémorial de Verdun reflète la vision officielle de la guerre de 14-18 : qu'il rende un hommage appuyé aux soldats morts pour la France masque totalement les responsabilités des généraux, maréchaux et politiciens français qui ont envoyé tous ces hommes à la boucherie, et oublie totalement les mutins et fusillés de 1917 ! Il en se ra obligatoirement de même pour le futur " Mémorial de France Outre-Mer" de Marseille, quelles que soient les personnes qui en ont la charge et même si y sont mentionnés quelques-uns des massacres coloniaux, des bavures dans une oeuvre tellement généreuse ... Non, je ne crois pas aux mémoriaux comme oeuvre de justice. Je crois aux contre-pouvoirs politiques qui peuvent aider à l'émergence d'une conscience. ' Le débat n'est pas clos. De grands Mémoriaux vont ouvrir prochainement comme " le Mémorial National de la France Outre-Mer " à Marseille. Recherche d'un apaisement par la présentation plurielle et scientifique d'un passé dévoilé jusque dans ses blessures enfin reconnues? Ou obsession coloniale, dans un contexte que des indicateurs inquiétants, comme la loi du 23 février 2005, concourent à crisper davantage ? Nous devons nous donner les moyens de la vigilance 1 Meni pour vos nombreuses et intéressantes contributions ! Ont été cités dans cet article les messages et réflexions de A. Castan, G Cluzan, A. DupuJ" F Mi/a, Y Loriette, P. Fernandez, M.-FJouck, P. Leclerre, P. Lecroq. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - Janvier-février-Mars 2006 21 22 Histoire Edito ' International : Dossier : Immigration ! Discrimination ' Education \ Kiosque René Sazerat Président de l'association pour le réexamen de l'affaire Rosenberg &= r ""-'~I.-J.tEthel et Julius Rosenberg dessiné par Picasso. Le temps est sans doute venu d'informer tous les adhérents du MRAp, notamment les plus jeunes, sur l'action passée, présente, et prochaine, de notre « Association Rosenberg Il. Ethel et Julius Rosenberg étaient un couple de modestes new-yorkais, juifs et admirateurs reconnaissants de l'Union Soviétique qui venait, de Stalingrad à Berlin, d'écraser le nazisme. La « guerre froide" survenue, ils sont, dans le climat hystérique de la « chasse aux sorcières ", condamnés à mort le 05 avril 1951, à l'issue d'un procès truqué, pour avoir « livré aux russes le secret de la bombe atomique américaine » : accusation dont les scientifiques compétents aux Etats-Unis dénoncent tout de suite l'absurdité, et qui n'est étayée que par le témoignage d'un frère d'Ethel, David Greenglass, petit technicien tenu par le FEI pour des larcins dans l'usine de Los Alamos, et de l'épouse de ce frère. Parents de deux jeunes fils, auxquels on va impitoyablement les enlever, les Rosenberg vont attendre, dans les affres du « couloir de la mort " de la prison de Sing-Sing, le résultat des appels successifs de la sentence. En France, le MRAP est la première organisation à s'engager pour les sauver : un article de Droit et Liberté en novembre 1951, une lettre au président de la Cour suprême des Etats-Unis le 12 novembre 1952. Le 14 novembre, 1 ........ . dans L'Humanité, l'écrivain étatsunien Howard Fast expose aux lecteurs la menace d'assassinat légal; immédiatement, le Parti Communiste Français appelle de son côté à une mobilisation qui, dans le pays, se révèlera exceptionnelle. Et le 02 décembre 1952, le MRAP, sous l'impulsion de Me Paul Willard et de Charles Palant, annonce la création, à partir à la fois de ses propres rangs et de nombreuses personnalités extérieures, du Comité Français de Défense des Rosenberg. Le 19 juin 1953, malgré un formidable soulèvement en leur faveur dans le monde entier, au bout de plus de deux ans de torture morale, toujours clamant leur innocence et refusant l'aveu mensonger que, jusqu'aux derniers instants, on essaie de leur extorquer en leur promettant la vie sauve, Ethel et Julius Rosenberg meurent héroïquement, suppliciés sur la chaise électrique. Le lendemain, le Comité de Défense Français se proclame Comité pour la Réhabilitation. Il est devenu, en 1995, sous la présidence d'Albert Lévy, l'un des fondateurs de 1952 (maintenant président d'honneur), notre Association pour le réexamen de l'affaire Rosenberg, sans que jamais se soient distendus les liens d'amitié qui, depuis, notre origine, nous rattachent au MRAP, dont nous apprécions avec gratitude la constance de l'aide. Nous n'avons pas cessé d'adresser aux autorités des Etats-Unis des requêtes en réexamen du procès ; de faire signer des pétitions à cet effet; d'informer tous publics par l'édition de brochures, la tenue de réunions, la projection de films, et notre exposition itinérante. Nous montrons que l'affaire Rosenberg est exemplaire de la façon dont se constitue un mensonge d'Etat, et que sa compréhension permet d'éclairer une actualité très immédiate. Notre combat, et son soutien, sont plus que jamais nécessaires. Certes, plus personne n'ose soutenir aujourd'hui la thèse du vol du pseudo - « secret " de la bombe atomique par des amateurs. Certes, les 9 et 10 août 1995, à New-York, au cours du congrès annuel de l'Association des Juristes Américains (qui ne passe pas pour être particulièrement «de gauche "), a eu lieu, devant 500 avocats, magistrats et personnalités diverses de tout le pays, une simulation du procès Rosenberg, avec dans les rôles de défense, de ministère public et de juge, de véritables juristes confirmés ; et le verdict, après près de 4 heures de délibération des jurés, tirés cette fois sans exclusive dans la liste de la juridiction de New York, en a été « non coupables ". Certes, surtout, le 5 décembre 1951, dans l'émission « 60 minutes" sur la chaîne de télévision CBS, David Greenglass a reconnu avoir menti en accusant sa soeur Ethel d'avoir tapé des documents que lui-même aurait remis à Julius pour transmission aux Soviétiques. Mais une révision judiciaire du procès, dont cette rétraction décisive aurait, en France, immanquablement entraîné la demande, n'est pas possible en droit des Etats-Unis, lequel ne permet que le réexamen par une autorité politique du niveau correspondant à la juridiction du verdict. Cela se fit au Massachusetts où, au bout de 50 ans, sous la pression de son opinion publique, le gouverneur de cet Etat, dont les juges spécifiques les avaient condamnés à mort, reconnut que Sacco et Vanzetti n'avaient pas « bénéficié d'un procès équitable ". Ce ne pourra être la décision, le procès des Rosenberg ayant été fédéral, que du Congrès ou du Président des Etats-Unis ... lorsqu'ils en auront admis l'intérêt politique. Nous avons encore à lutter contre le mensonge de la culpabilité à tout le moins de Julius, adapté sous une forme insidieuse, et instillé dans l'esprit de nombre de nos concitoyens par le pilonnage de médias ignorants ou complices. La thèse actuellement répandue est qu'Ethel était sans doute innocente, mais que, pour reprendre par exemple une affirmation éhontée de Télérama présentant, en juin 2003, le remarquable documentaire Ethel Rosenberg, la dernière danse, «Après !afin de l'URSS, les archives du contre espionnage soviétique ont révélé que Julius avait bien livré des informations à Moscou» : un conditionnement dont nous avons parfois du mal à libérer les victimes. Or les Rosenberg n'apparaissent dans aucune de ces archives. En fait, la nouvelle thèse s'est élaborée à partir du livre publié en 1983, aux Etats-Unis, par Ronald Radosh et Joyce Milton, Le dossier Rosenberg. Ouvrage qui ne s'appuie comme sources que sur les assertions, écrites ou orales, du FEI et des Greenglass, assertions qu'on ne devrait tout de même pas prendre pour parole d'Evangile, et qui là sont pourtant retenues pour l'essentiel. Ouvrage qui annonce les futures versions, plus pittoresques, de Feklissov ou autres retraités du KGB recyclés dans l'édition rentable aux Etats-Unis, ainsi que l'opération « Venona " de 1995, présentation par le service fédéral du « chiffre " et la CIA de messages dits adressés à Moscou par les antennes de l'espionnage soviétique, et où abondent les invraisemblances. Ouvrage que l'on souhaiterait tellement voir enfin étudié et décrypté par des historiens français ! Après notre conférence-débat en mars 2005 à l'école normale supérieure, et le succès du colloque organisé en juin à Champigny sur Marne (voir ses Actes), nous envisageons, pour 2006, outre la poursuite de notre exposition tournante, une conférence à Ivry sur Seine, et des dépôts de gerbe, avec prise de parole, dans diverses villes, de banlieue parisienne et de province, où existe un lieu Rosenberg. Ceci tout en continuant la diffusion de notre brochure rééditée (coût de l'exemplaire, 7 euros), Un enjeu de notre temps.]ustice pour Ethel et Julius Rosenberg! Notre assemblée générale annuelle, qui se tiendra salle des expositions de la mairie du 2e arrondissement CS, rue de la Banque, 75002 Paris), avec notamment une intervention d'une analyste du retentissement de l'affaire dans la France des années 50, aura à délibérer sur ce programme, ainsi qu'à instituer un Comité d'Honneur de l'Association. L'activité de celle-ci étant en expansion, pour répondre aux exigences de la cause, nous faisons appel à toutes les bonnes volontés, au MRAP comme ailleurs, pour nous apporter une collaboration qui sera, quelle que soit son ampleur, la très bienvenue. « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - janvier-Février-Mars 2006 Initiative locale Edito ! International 1 Dossier i Immigration ! Discrimination i Education ! Kiosque La « galère du migrant» . Jean-Claude Dulieu Vice-président du MRAP An nom d'une prétendue « maÎtrise de /'immigration Il, les politiques en matière d'asile et de séjour des étrangers remettent en cause chaque jour un peu plus les droits fondamentaux des migrants et précarisent leur quotidien: sa vie de famille, son accès à un emploi, au logement, aux soins, l'éducation de ses enfants ... A cet arsenal répressif sans précédent s'ajoutent la stigmatisation et les discriminations racistes. Une vraie galère que le MRAP du Nord invitait tout à chacun à découvrir le 14 décembre dernier à la Maison de l'Education Permanente de Lille, dans le cadre de la Semaine des Droits de l'Homme organisée par la municipalité. {( Nom. prénom. nationalité )) un papier remis à l'accueil à aller faire tamponner au premier bureau pour ensuite aller demander un titre temporaire dans un second bureau, à retourner faire tamponner à l'accueil. .. Après bien sûr avoir fourni tous les justificatifs prouvant la validité des renseignements fournis. Tel est le parcours du combattant par lequel il fallait passer avant d'entré dans la M.E.P de Lille. Un accueil réalisé par les comédiens de compagnie théâtrale du « Trompe l'oeil ". Auparavant, à 7 h 00 du matin, un petit déjeuné avait été distribué aux sans papiers faisant comme chaque jour la queue devant la Cité administrative. Le MRAP ayant invité les associations amies, d'autres organisations présentaient différents aspects de cette galère, à l'instar de l'APU Lille Moulins venu informer sur l'accès au logement ou de la Cimade relatant son action dans les centres de rétention. « En donnant une idée de la galère de l'immigré qui arrive en France, on espère sensibiliser de nouvelles personnes afin qu'elles rejoignent notre action pour l'égalité des droits et contre la bana- Au cours de l'après-midi: inauguration de l'exposition des gens du voyage. Affiche de l'initiative: « Pour vous, l'entrée est libre ... ». lisation des idées du FN qu'on observe actuellement» explique Jean-Marc Lavigne pour le MRAP de Lille. De nombreuses personnes, notamment des étudiants, sont venus découvrir ce parcours du combattant qui ne s'arrête pas aux seules démarches administratives. Avec l'arrivé des participants au rassemblement hebdomadaire des sans papiers, ce sont plus de 400 personnes qui ont participé à cette initiative originale, ponctuée par une série de prise de paroles. Au final, les militants du MRAP ont proposé aux nombreux visiteurs une votation citoyenne pour le droit de vote des étrangers résidants en France ainsi que d'apporter leur aide financière à Jean-Claude Lenoir et à Charles Frammezelle, militants du collectif de soutien aux réfugiés de Calais, tous deux condamnés à de la prison avec sursis et 8 000 euros d'amende pour délit de solidarité. Pour les visiteurs, cette journée s'est achevée autour d'un verre de l'amitié pris au coeur des différentes expositions présentées: exposition de photographies de Philippe Revelli, exposition d'affiches sur les migrations et nouvelle exposition pédagogique du MRAP sur les gens du voyage. « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 257 - janvier-Février-Mars 2006 23 2A Edita International Dossirr Immigration Discrimination Education Kiosque A chaque numéro, nous vous proposons une sélection de livres, romans, essais, études, enquêtes ... ainsi que des fiches de cinéma. Voici la sélection du trimestre. N'hésitez pas a nous faire parvenir vos notes de lecture. rAPARTHEID SCOLAIRE 1 11 '1"("(' ,ur 1., "<'.·,~.llh'" ~ " .... L'apartheid scolaire Enquête sur la ségrégation ethnique dans les colleges JeD G. Felouzis, F. Uot el J Perroton, Paris, Le Seuil, 2005, 19 euros Pour la première fois, un travail scientifique, un travail de terrain, mené sur l'ensemble d'une académie, celle de Bordeaux (où l'immigration est (Xlurtant plus faible que dans nombre d'autres), démontre qu'une sone d'apartheid traverse notre école autant que la société française eUe-même. Une part infime des collèges (ID %) scolarise plus de 40 % des élèves immigrés ou issus de l'immigration. Comment cet apanheid scolaire est-il (Xlssible ? Quelle est la pan de responsabilité des familles qui • évitent· les collèges peH,.lJ5 comme néfastes, pas seulement parce qu'ils hébergent une population socialement défavorisée, mais parce qu'on n'y CS( pas blanc? Comment agissent et réagissent les acteurs de l'érole : enseignants, chefs d'établissement, collectivités locales, EduC"Jtion nalionale ? Quelles poliliques scolaires 50nt mises en oeuvre pour remédier àoefléau) Ce livre nous interroge tous. Ce qu'il met au jour ne o::onstitue pas une dérive anecdotique ou l'effet pelVCrs du consumérisme parental. JI nous questionne ~ur notre république, sur nO(re selVice public d'éduC'Jtion, sur le lien social que nous entendons tisser ou défaire. aêtrre a b e ,uot ... "._,w..n. -,--..-n-'T-'IJ"~ Etre arabe Elias Sanbar et Farouk Mardam-Bey, Paris, Actes Sud, 2005, 19,50 euros. l'eut-on encore être arabe en ce début du XXI' siècle;' Que signifient exactement les mots • arabité " • arabisme " • nationalisme arabe . ? Comment les Arabes ont-ils réagi, tout au long du XIX' et du XX" siècle, aux défts de la modernité occidentale ? Pourquoi la question palestinienne a-t-elle joué un rôle aussi déterminant dans leur histoire contemporaine ;. A quand remonte le divorce qu'on COfL'ilate partout entre gouvernants et gouvernés? Quelles som les chances réelles de la démocratie dans des pays où le despotisme et son ennemi complémentaire, l'islamisme radical, dominent la vie politique? Qu'en cstil enfin, ici, en France, de la montée du conununautarismc, de l'antisémitisme et de Iïslamophobie ? Dans cette série de sept entretiens réalisés à Paris entre novembre 2004 et juin 2005, deux intellectuels arabes, l'un syrien, l'autre palestinien, ré(Xlndent sans ambages à ces questions, bousculant au passage bien des idées reçues colportées aussi bien par les Occidentaux que par les Arabes euxmêmes . le:; lumiè t'f's, 1 · ,~ s (' I H,a~(· . la col_oni sation .................... . - ... _- Les lumières, l'esclavage, la colonisation Yves Benot. Textes ré/mis el p ,.ésenlés par Roland Desllé el Marcel [)origny Paris, La DécouWI·te, 2005, 29,50 euros L'itinérJire intellectuel et militant de rhistorien Yves Benot 0920-2005) s'est ordonné autour de trois grands axes complémentaires et indissociables au sein de son oeuvre immense : les processus de décolonisation de l'Afrique francophone, où il a véOJ de nombreust.'s années; les fondements intellectuels de l'anticolonialisme et de la lutte ami-esclavagiste au siècle des Lumières, dont il fut un précurseur avisé en metlam à iour, notamment, l'apport de Diderot dans la grande oeuvre de Raynal; les processus d'abolition de l'esclavage dans la Révolution française, puis ceux de son tragique rétablissement par Na(Xlléon . Réunissant des articles publiés par Yves Benot sur une cinquamaine d 'années, du début des années 1950 jusqu'à ses derniers jours, cet ouvrage rcnd compte de la continuilé et de la richesse de cet engagement intellectuel. Se succèdent ainsi, selon un ordre thématique qui ne doit pas occulter l'unité de la démarche de rauteur, l'Afrique des indépendances, Diderot, Raynal et les Lumières, la Révolution française ct les luttes coloniales, les Indiens d'Amérique, coeur d'un projet d'ouvrage que la mort a interrompu. Un livre d'histoire original et passionnant, qui est aussi un hommage à cet historien et cet écrivain infatigable, toujours présent sur le terrain de la re<:herche, tOut comme il le fut sur celui des luttes d'aujourd'hui pour l'égalité et contre toutes les formes d'oppression, dans nos sociétés comme dans celles des pays issus des dC·colonisations du dernier demi-siècle. Il n'y avait rien de plus terrible que son regard ... Le racisme vécu. les discriminations au quotidien Emil/mil/elle Le Chevaflier et Didier Dael/il/cko'\" (cuonl.) La fédération de Paris du MRAI' anime, depuis mai 2000, unc permancnce d'accueil des vidimes de discriminalions racisles. • Ill/y (/V(IlI rien de plus terrible que SOli regard ... ~. C'est rune des phr.. scs que nous entendons souvcnt dans notrc permanence. Elle en dit long sur la violence, 50uvent silencieuse, qui blesse les victimes du r .. cisme au quotidien. Nous accueillons les victimes, nous le; écoutons et nous les a<:compagnons dans leur difficile paR"OUrs pour obK'-nir respect, justice et réparation. En parullèle à ces interventions individuelles de 5Outien, de médiation. ou de plainle en justice, nous avons souhaité faire connaître et donner à comprendre la violence banalis(>e des pratiques discriminatoires_ Car les frugiles et douloureux témoignages que nous recueillons mellent la lumière sur une société dom 1t.'S stér("Olypes rudstl'S restent sous-jacents et actifs. A partir des témoignages re<:ueillis, aUieurs et art isles ont prêté leur plume pour ilIuSlrer, par des récits et des dessins, ces blessures ouvertes dans la vie quotidienne. En croisant nouvelles et dessins a\'ec des texte, sociologiques et un guide pratique, ce livre combine la connaissance par l'analyse et l'émotion et informe sur la loi et les moyens de lune contre les discriminations_ Nous vous invitons à commander dès maintenant le livre, auprès du MRAPParis, 43, bd de Magenta, 75010 Paris. Prix pubUc; 10 euros, prix adhérents 7 euros, port en sus. Merci de préciser nombre d'exemplaires, nom, adresse, contact téléphonique. • Différences . - Mouvement contre le racisme el pour l'amitié des peuples - nO 257 -Janvier-Février-Mars 2006

Notes

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