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Sommaire du numéro
n°252 de octobre 2004
- Une leçon de civisme par Mouloud Aounit
- L'extrême-droite toujours là par I. Sirot
- Action des sans-papiers: un succès sans précédent par J.C. Dulieu
- Constat d'accord sur des propositions
- Sans-papiers de l'église Saint-Bernard: plus de 20 organisations ont signé l'appel collectif du 5 août 2004
- Rétrospective des lois sur l'immigration: Le logement des immigrés [législation]
- Dossier: Voyageurs et citoyens, quel accueil pour les Rroms-Tsiganes? [gens du voyage]
- Familles nomades: les mots voyageurs
- Le mépris des lois, c'est le mépris des gens par Michel Mombrun
- A Valenciennes, une expérience intéressante, affaire à suivre par F. Lacoste
- Les enfants du voyage ont leur place dans l'école par F. Malique
- Rencontres Tsiganes à Marseille: entretien avec Alain Huertas
- Rico-Zavatta: un cirque solidaire des gens du voyage entretien avec C. Gontelle
- Matéo Maximoff: le fabuleux destin d'un petit Tzigane devenu grand écrivain
- Les Rroms, tziganes, manouches, gitans au fil de la première publication du MRAP « Droit et Liberté » par Bernadette Hétier
- Ne fermons plus les yeux sur les crimes en Iran par Sarvnaz Chitsaz
- Mumia Abu-Jamal: la justice rend possible une nouvelle ordonnance d'éxécution
- La tragédie du Darfour: un nouveau génocide?
- Philippe Ogouz et Marian Courcel jouent la Rafle du Vel d'Hiv
- Ce pont entre Orient et Occident (Mostar) par Predrag Matvejevitch
- Éducation à la citoyenneté contre le racisme: exposition des comités locaux
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Texte brut du numéro
Ne fermons plus les yeux sur les crimes en Iran 5 2 III 2 "..". "".z~ • '" • '~"'~ '",,: ~ ,H' q , • ..>, ,,~ Sommaire Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Edito Extrême droite • L'extrême droite toujours là 1 Immigration • Actions des sans-papiers: un succès sans précédent 1 3 4 6 • Sans papiers de l'église Saint-Bernard • Le logement des immigrés Dossier 10 Voyageurs et citoyens • Quel accuei 1 pou ries Roms-T ziga nes ? • Le mépris des lois, c'est le mépris des gens • Le droit au logement pour tous: à Valenciennes, une expérience intéressantes. Affaire à suivre ... • Les enfants du voyage ont leur place dans l'école • Rencontres Tziganes à Marseille • Ricco-Zavatta : un cirque solidaire des gens du voyage • Matéo Maximoff : le fabuleux destin d'un petit Tzigane devenu un grand écrivain .Au fil de la première publication du Mrap « Droit et Liberté ~~ International • Ne fermons plus les yeux sur les crimes en Iran • Mumia Abu Jamal : la justice rend possible une nouvelle ordonnance d'exécution • La tragédie du Darfour: un nouveau génocide 7 • La Rafle du Vel d'Hiv • Ce pont entre Orient et Occident Education 21 21 • Eduquer contre le racisme à Grenoble • Exposition des travaux des comités locaux « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 de Mouloud Aounit « Différences " 43, bd de Magenta 75010 Paris Téléphone: 01 53 3899 99 Télécopie: 01 40 40 90 98 journal.differences@free.fr 6 € le numéro Abonnement : 21 € (4 numéros/an). Collectif de direction : • Directeur de publication : Mouloud Aounit • Directeur de rédaction (*) : J.-c. Dulieu • Responsable productions (*) : S. Goldberg • Administratrice (*) : M.-A. Butez Imprimerie: Impressions J-M. Bordessoules Téléphone : 05 46 59 01 32 Commission paritaire n° 01 08H82681. (') - Bénévoles Edito Edito International Dossier Immigration 1 Discrimination ' Education 1 Kiosque Une leçon de civisme Un mal, si détestable et insupportable soit-il, peut-il s'avérer la condition d'un bien qui le dépasse? Cette question insolite et dérangeante se trouve aujourd'hui propulsée au premier plan d'une actualité tragique, marquée en France par la crise des otages. . .. Tenter d'y répondre permet de prendre acte des innombrables manifestations de civisme et de solidarité avec la société française de l'ensemble de nos concitoyens musulmans, d'origine arabe ou maghrébine. De tels signaux, au milieu du désarroi infligé par des preneurs d'otages qui non seulement tiennent à leur merci les vies de Christian Chesnot et Georges Malbrunot ainsi que leur chauffeur, mais menacent de fait les musulmans de France d'en être tenus pour comptables, sont porteurs d'un message d'avenir capital pour le « vivre ensemble « qui est notre objectif partagé. Trois plincipales leçons semblent pouvoir être tirées de l'immonde chantage qui, affecte certes la France toute entière, mais tout autant, humainement, la communauté des peuples. C'est d'abord un cinglant désaveu à l'endroit de tous ceux qui entretiennent délibérément l'idée selon laquelle les musulmans, en raison de l'essence même de leur religion et de leur culture, sont étrangers à la République, à ses valeurs, et que leur appartenance à la communauté nationale est plus que douteuse. N'a ton pas entendu, au moment des débats sur les signes religieux à l'école, certaines sirènes propager l'argument selon lequel ces populations « arabo-musulmanes " sont des agents inféodés, voire manipulés, par des forces obscures et nécessairement traîtres à la République? Ces populations, sous l'odîeux chantage, ont manifesté avec éclat leur solidarité, leur civisme et leur comportement éthique, rejetant toute allégeance aux « terroristes ", alors même que la société française ne leur renvoie que trop souvent, en particulier depuis le 11 septembre 2001, l'image des musulmans « terroristes en puissance " Nos concitoyens musulmans, face à cette épreuve, ont adminîstré la preuve d'une admîrable maturité politique et ont déjoué le piège tendu par le groupe fondamentaliste radical qui a revendiqué l'enlèvement des journalistes français et de leur chauffeur, à savoir diviser la communauté nationale. En participant activement à la solidarité de tous les Français, à une certaine et rare forme de « communion civique " qui surgit dans la souffrance, les musulmans de France ont activement contribué à casser le risque d'amalgame que cette prise d'otage aurait pu générer entre Terrorisme, Islam, intégrisme, immigrés, banlieue. Nous savons combien le débat relatif à la loi sur la laïcité a vu s'exprimer des points de vue diamétralement opposés au sein de la société française tout comme dans notre mouvement. Si chaque position doit être respectée, il reste que ce drame a lieu précisément au moment de la rentrée scolaire et de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le port de signes religieux à l'Ecole publique. Cette rentrée pouvait être placée sous le signe de tensions plus ou moins fortes et visibles. Le contexte dramatique de la prise d'otage a sans aucun doute contribué à ce que de nombreuses familles et jeunes filles choisissent de se plier à la nouvelle législation. Si pour nombre de citoyens français c'est la Loi qui doit assurer l'égalité de tous à l'Ecole de la République, certaines des mobilisations « anti-Ioi ", émanant de musulmans et de non musulmans souvent solidaires, se sont faites au nom des valeurs d'égalité et de libelté, non pas parce que les musulmans de France étaient manipulés, mais parce qu'ils revendiquaient les valeurs universelles de la République, y compris celle de la liberté de conscience. Le « chez nous ", prononcé par beaucoup de musulmans et de musulmanes français à l'occasion de cette douloureuse épreuve, a prouvé que les musulmans se sentaient en France chez eux, contrairement à ce que l'on a pu prétendre ici ou là. La République se doit, en conséquence, de faire des gestes significatifs vis à vis de nos concitoyens « arabo-musulmans ' qui, naguère, ont été globalement tenus pour « responsables , et « coupables " de bien des maux qui affectent gravement la société française de même que d'autres sociétés européennes, à commencer par les insupportables actes de racisme anti-juif qui salissent la République toute entière et ne sauraient être plus longtemps pOltés par ceux que certains responsables politiques et associatifs n'hésitaient pas, jusqu'à hier, à qualifier de « nazillons de banlieue ", de « loups entrant dans Paris " ... Les gestes attendus sont de trois ordres. Il faut dans un premier temps accepter de reconnaître comme légitime la présence de l'Islam, deuxième religion de France, dans un pays laïque encore profondément marqué par une vieille tradition judéochrétienne, en proie à un racisme anti-musulman ambiant attesté par un nombre croissant d'observateurs éclairés de la situation mondiale, à commencer par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme, de discriminations et de xénophobie. Dans un second temps, il s'agit de prévoir des mesures symboliques de reconnaissance de cette composante à part entière de la société et de l'Histoire françaises, par exemple par l'instauration de jours fériés non exclusivement chrétien, comme proposé par Bernard Stasi dans son rapport au Président de la République. Enfin, plus que jamais nous sommes en droit d'attendre une mobilisation effective accrue contre tous les racismes, ce qui inclut à l'évidence des actions déterminées contre la quotidienneté du racisme vécue aussi par ces Français, qu'ils soient musulmans ou laïques en proie à des discriminations économiques, sociales, et politiques intolérables sur le plan de l'éthique, du respect de la dîgnité humaine et lourdes de conséquences pour l'avenir du ' vivre ensemble ". « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 3 4 Extrême droite Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Front Nationa 1 1 Par Isabelle Sirot (secrétaire nationale) Comme en 2002, les dernières élections ont été marquées par l'absence de débats et de campagnes politiques. Les médias ne se sont intéressés que faiblement à cet événement comme en témoigne le manque d'études sérieuses des résultats électoraux de l'extrême droite. Il Y a eu de brèves analyses sur le Front national minimisant les résultats et une ignorance presque totale des partis d'extrême droite européen. Or, l'extrême droite est présente et ce n'est pas en l'ignorant que l'on neutralise ces idées dangereuses. En France, le FN s'installe dans le paysage comme la troisième force politique du pays. En Europe, de plus en plus d'électeurs soutiennent des idées populistes et xénophobes de la droite e>"trême ou de l'extrême droite nationaliste. Face aux multiples facettes de ces partis et à leurs évolutions de discours, quelles ripostes notre association peut elle donner? Elections régionales : le FM confirme son implantation locale Avec plus de 3,5 millions de voix, le FN obtient 15,11 % des suffrages exprimés au premier tour, il a un score équivalent aux dernières élections régionales (les élections régionales précédentes étaient à un tour) mais il enregistre un léger recul par rapport à son score du premier tour de la présidentielle (16,86 %) (1). Au second tour il obtient 12,54 % des suffrages en se maintenant dans 17 régions mais si l'on se réfère seulement à ces régions 3,2 millions de personnes ont voté pour ce parti au premier comme au second tour de l'élection. Le parti de M le Pen confirme son enracinement en homogénéisant son implantation locale : il stagne dans ces fiefs mais diversifie et élargie son implantation régionale en progressant dans 14 régions. Il obtient plus de 17 % des suffrages exprimés dans 10 régions comme le montre le tableau (l). La réforme du mode de scrutin, qui n'autorise une liste à se maintenir au second tour que quand elle obtient 10 % des suffrages exprimés et qui donne une prime majoritaire de 25 % des sièges à la liste arrivée en tête au second tour, réduit le nombre de conseillers régionaux FN à 156 (il avait 275 sièges en 98). Il n'y aura pas de crise à droite, comme en 1998, où dans 5 régions les majorités de droite avait pactisé avec l'extrême droite pour obtenir des majorités de gestion de conseil régional. Le secrétaire générale du RPR, Jean François Mancel, avait même été exclu du parti pour avoir négocié avec le FN en Picardie. Ces résultats, même s'ils ne sont pas à la hauteur espérée par ce parti d'extrême droite, confirme la fidélisation de son électorat. Pourtant la baisse de l'abstention ne lui a pas été favorable mais son influence est croissante dans les zones rurales. les élections européennes : des résultats en demi-teinte Les élections européennes sont des élections difficiles pour l'extrême droite car le mode de scrutin, favorisant la multiplication des listes, ne lui est pas favorable ; elles suscitent des votes purement nationalistes. L'enseignement de ce scrutin est, mise à part la très fa ible participation, la montée des votes pour des listes antieuropéennes, populistes et souverainistes. En France, en obtenant 9,81 % des suffrages exprimés, le FN a amé- Iioré son score par rapport aux dernières élections européennes (la scission du FN à eu lieu juste avant les élections de 1999) mais a perdu de nombreuses voix par rapport au régionale. Le parti souverainiste de M de Villiers fait de la concurrence au Front national, il obtient des scores en France métropolitaine qui varie en inverse à ceux du Front National. En Europe, Il apparaît également une troisième force, de nouveaux venus , populistes (de droite comme de gauche) qui capte l'électorat de l'extrême droite. En Autriche le FPO, s'écroule au profit du nouveau parti de M Martin (14 % des voix). Au Pays Bas le parti transparent capte les voix du parti de Pim Fortuyn qui n'obtient que 3 % des voix. En grande Bretagne, le parti ....... a • pour l'indépendance du royaume uni obtient 16,8 % des voix avec une campagne qui flirtent avec la xénophobie. En Pologne, 20 % des électeurs seulement se sont déplacés aux urnes, le LPR partie de Droite Traditionaliste ultracatholique et populiste obtient 16 % des voix. Ce parti se dit proche des valeurs de Charles Pasqua. Dans cet imbroglio, la répartition est confuse (voir tableau ci-contre) entre les partis reconnus d'extrême droite, les partis populistes ou nationalistes de droite xénophobe ou à tendance xénophobe. En Belgique, la montée du V1aams B10ck est très inquiétante. Ce parti d'extrême droite est devenu le deuxième parti de Flandres avec 24,2 % des voix (aux élections régionales qui avait lieu en même temps que les Européennes). En Wallo- Tableau 1 : résultat du FN aux élections régionales du 21 et 28 mars 2004 (hors département d'outre mer) le< tour 2e tour Nombre de Région en % (1) en%(l) conseillers régionaux Alsace '2, 18,58 22 8 Aquitaine 11,45 11,69 7 Auvergne 9,59 - 0 Bourgogne 15,77 15,37 6 Bretagne 8,47 - 0 Centre 17,52 16,49 9 Champagne-Ardenne 19,72 18,28 6 Corse (3' 4,47 - 0 Franche-Comté 18,68 17,14 5 Ile de France 12,26 10,11 15 Languedoc Roussillon 17,17 15,72 8 Limousin 9,31 - 0 Lorraine 17,59 17,29 9 Midi-Pyrénées 11,78 12,06 8 Nord-Pas-de-Calais 17,94 19,73 16 Basse Normandie 13,99 13,78 5 Haute Normandie 15,91 14,59 6 Pays de Loire 9,71 - 0 Picardie 22,94 18,66 8 Poitou-Charentes 10,50 8,70 3 PACA 22,95 21,06 18 Rhône-Alpes 18,21 15,28 18 (1) En % des suffrages exprimés, Pour accéder au second tour la liste doit atteindre 10 % des suffrages exprimés (sauf en Corse) - (2) Le mouvemellt nationaliste Alsace d'abord obtient 9,42 % au premier tour - (3) En Corse, pour être au secOJu/ tour la liste doit obtenir 5 % des suffrages e:>.primés. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 nie, l'extrême droite francophone est également en progression, elle a obtenu 7,3 % des suffrages mais aucun député européen ; elle dépasse parfois 10 % des voix dans les villes. Ces résultats mitigés de l'élection ne doivent pas nous faire oublier que ces partis ne cessent de gagner en influence en Europe. Selon les chiffres du CEVlPOF, le poids des droites extrêmes et populistes au sein du corps électoral de l'union est passé de 3,8 % à 10 % globalement durant la décennie 1992-2002. Et maintenant Les résultats des ces dernières élections ont montré la faiblesse militante de l'implantation du FN sur le terrain. Ce parti qui s'appuie sur les détresses sociales et les peurs collectives bénéficie plus d'un vote de ras le bol que d'un vote d'adhésion profonde. Quand d'autres partis symbolisent l'exaspération des électeurs pour la politique actuelle, le FN obtient un score nettement moindre. Pourtant les électeurs qui choisissent ce parti d'extrême droite, sans complexe, choisissent un parti qui base son programme sur la discrimination raciale. Depuis avril 2002, les tabous sont tombés, on revendique plus facilement son adhésion aux idées de Préférence nationale. Depuis que les discours du FN ont changé et que les propos de M le Pen sont devenus plus contrôlés, il est plus facile de se revendiquer de ce parti d'extrême droite qui se défend être raciste. Le but de son programme étant de défendre "l'identité française " et la nation, il développe un racisme différen- Extrême droite Edito ' International , Dossier 1 Immigration \ Discrimination 1 Education 1 Kiosque cialiste. Il nie être raciste ; il se dit nationaliste. Filip Dewinter, dirigeant du V1aams block, résume la position que son parti a adoptée, en disant qu'il ne cherchait qu'à « préserver notre identité et notre culture.Après tout le racisme exprime la croyance que sur la base de traits raciaux, un groupe de personnes est supérieur ou inférieur à un autre. Ce n'est pas ce que nous croyons, tous les individus sont égaux mais différents (5) )). Ces partis développe une conception identitaire et communautaire du monde, d'où les attaques contre le mondialisme en tant que nationaliste. Chacun chez soi, les immigrés non pas leurs places en France. Le FN stigmatise les « ghettos ethniques " et rend responsables les immigrés .non assimilables « de la délinquance donc de l'insécurité. Les politiques de droite comme de gauche n'ont pas su combattre cette stratégie car ils ont été sur le terrain imposé par l'extrême droite en reprenant leurs thèmes et leur vocabulaire lors de la campagne politique des présidentielles de 2002. Maintenant que ce parti a réussi à imposer ces idées sur les programmes des partis politiques, il doit, s'il veut un jour obtenir ou partager le pouvoir, élargir son électorat. Nous avons vu qu'il avait réussi dans le monde rural lors des dernières élections régionales mais il doit aussi conquérir l'électorat féminin. Marine Le Pen a pour rôle de féminiser et de rajeunir le parti. Les prises de positions quelques peu surprenantes de Le Pen sur l'homosexualité ou les déclarations de sa fille sur l'avortement font partie de cette stratégie. Cela entraîne d'inévitables tensions dans le parti mais le clan Le Pen sait que cela est indiSpensable pour accéder un jour au pouvoir. Après avoir rendu le parti plus respectable, c'est les dirigeants du parti que l'on cherche à rendre respectable et plus présentable. Il a quelques années la plupart des hommes politiques refusaient de dialoguer dans les médias avec un leader de l'extrême droite, les journalistes se posaient au moins la question de savoir s'ils devaient être inviter. Aujourd'hui personne ne se pose plus de question, c'est banal et normal d'inviter un dirigeant du front national même s'il a été condamné pour racisme. Qui rappelle la mort de Brahim Bouaram lors des débats télévisés ? Conclusion La réponse est politique mais malheureusement la plupart des partis une fois les élections passées, refoulent les votes d'extrême droite. Encore une fois après les élections européennes , on annonce la mort du FN mais en comparant des scrutins semblables, on constate qu'inexorablement depuis 1984, le FN progresse (sauf pendant la scission). Dans ce contexte quel doit le rôle d'une association de lutte contre le racisme comme le MRAP 1 Il est démontré que dans une ville donnée, le niveau de l'extrême droite varie dans les quartiers au bureau de vote à l'inverse de l'intensité de la vie associative (4). Le rôle de l'antiracisme de proximité et des comités locaux est primordial. Il faut recréer des solidarités, recréer du lien social dans certain quartier; c'est cela aussi le rôle d'une association locale. Une association comme le MRAP n'a pas les forces militantes nécessaires pour lutter seul contre cette machine de haine que représente l'extrême droite. La riposte doit nécessairement être unitaire et collective, c'est pourquoi la commission de lutte contre l'extrême droite a participé au week end du livre anti-fasciste qui a eu lieu à Paris. Elle participe également au Groupe d'Initiative Européen qui travaillent sur le. thème « droites extrêmes et populistes en Europe ". Ce groupe, travail sur les montées de l'extrême droite et de la droite extrême en Europe, il a organisé au FSE de Saint Denis une plénière et plusieurs séminaires sur les montées de l'extrême droite et la riposte en Europe. Il propose trois séminaires au prochain FSE de Londres (la démagogie antimondialiste des droites extrêmes
- les nouveaux visages
autoritaires et xénophobes en Europe ; Quelles mobilisations démocratiques face à l'Europe libérale et à la démagogie autoritaire et xénophobe? L'instrumentalisation des fondamentalismes religieux par l'extrême droite contre la participation politique des citoyens). Le but de ce groupe est également de créer un réseau d'associations européennes de vigilance contre l'extrême droite. Nombre de Nombre Pays % de députés Nombre % de députés Quels doivent être nos arguments ? Le discours moral contre le racisme est inadapté, les électeurs ne se considèrent pas comme raciste. Les références au fascisme et au nazisme historique deviennent obsolètes, passéistes, car ils ne tiennent pas compte des évolutions des arguments de ces partis. Nos arguments doivent se situer sur le plan politique plus que moral. députés en 2004 Parti d'extrême droite Autriche: FPO 18 6,33 1 Belgique : YB 24 14,34 3 Danemark: DF 14 6,8 1 Grèce: LA.O.S, 24 4,1 1 Parti populiste ou nationaliste de droite ' Hongrie: FIDESZ-MPP 24 47,41 12 Italie: L du Nord 78 5,1 4 Italie : A.N. 78 11 10 Lettonie 9 29,8 4 Pologne : LPR 54 15,74 9 Pologne : PIS 54 11,8 7 Pologne SO 54 10,09 6 R Tchèque: ODS 24 30,04 9
- Selon « Le Monde» du 15 Juin 2004
en 1999 23,4 5 9,39 2 5,8 1 Adhésion 1 ec mai 2004 4,5 4 10,3 9 Adhésion 1er mai 2004 Adhésion 1 cr mai 2004 Adhésion 1 cr mai 2004 Le MRAP, dans son ensemble, doit s'investir plus dans la lutte contre l'extrême droite, il doit inventer et créer une nouvelle forme de riposte. Espérons que le prochain congrès sera un moment de questionnement et de réflexion approfondie sur ce sujet. (1) - I.eMNR représente 1,44 % avec 349200 suffrages. L'influence de ce palti est devenue imignifiante. (2) - " I.e Monde " (22 mars, 23 mars, 29 mars, 30 mars); "Libération" (22 mars, 23 mars, 29 mar:,~ 30 mars). (4)- Les voleu.rs d 'avenü; pourquoi l'extrême droite a de beaux jours devant elle, René Manzat, édition textuel, janvier 2004. (5) - Contre la mondialisation: xénopbobie, politiques identitaires, e.:l:clusion populiste en EUTOpe occidentale. Ham -Georg Betz. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 5 6 Immigration Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Actions des sans-papiers Par Jean-Claude Dulieu (secrétaire général adjointl 39 : c'est le nombre de jours de souffrance vécus par 553 sans-papiers de Lille pour obtenir la reconnaissance de leur citoyenneté. Telle fut la durée et la dureté de leur action pour leur régularisation. .. • Le 2 juin dernier, ils sortirent de la clandestinité en se rendant aux urgences du CHR de Lille. Ils étaient au 22e jour de grève de la faim. Ce jour là, 125 d'entre eux ont pu bénéficier d'une visite médicale ; les autres durent se réfugier d'urgence dans la bourse du travail de Lille afin d'échapper aux arrestations orchestrées par le représentant local de l'Etat. Assemblée générale des grévistes lors de la prise de parole de J.-C. Dulieu (Mrap) rendant compte du contenu de l'accord permettant de sortir de la 16" grève de la faim à Lille. Le lendemain, un camp de réfugiés émergeait dans « Lille 2004, capitale européenne de la culture ». 553 femmes et hommes accompagnés de leurs enfants s'installèrent sur place dans des conditions indignes du pays des droits de l'homme. « Respecter la loi et ne p as donner de prime à la grève de la faim », tels étaient les leitmotivs du représentant de l'Etat, comble du comble lorsque l'on sait que les « sans papiers » ne sont précisément reconnus et entendus que par le biais de la grève de la fa im. En effet, depuis des années, pas une semaine ne se passe à Lille sans que les intéressés n'organisent une initiative (rassemblements, manifestations, conférences de presse, occupations, etc.) avec pour unique réaction de la part de l'Etat et de ses représentants locaux, boycott et mépris ... Pour sa part, le MRAP s'est toujours prononcé contre les grèves de la faim. Mais nous ne pouvons bien entendu pas ignorer que si des femmes et des hommes en arrivent à mettre en péril leur vie, c'est qu'ils y sont contraints par le mépris avec lequel ils sont traités. La dynamique de la grève de la faim n' a-t-elle pas pour origine les lois qui régissent l'accueil et le séjour des étrangers en France ainsi que le mépris et la suspicion institutionnels qui s'exercent perpétuellement contre eux? Une semaine après cette installation à la bourse du travail, les négociations débutèrent entre le Préfet, les associations (MRAP, LDH, CIMADE) et le comité des sans papiers du Nord: des discussions non-stop durant plusieurs heures, qui aboutirent à un constat d'échec le dimanche 13 juin au matin, après le nouveau refus du Préfet concernant la reconnaissance de l'ensemble des grévistes de la faim. Coup de théâtre Le mardi 15 juin, je recevais un appel téléphonique de M. Delarue, Conseiller d'Etat missionné par le Ministre de l'Intérieur et chargé d'évaluer le conflit ainsi que d'émettre des propositions permettant d'en sortir. Celui-ci voulant rencontrer les associations afin de renouer les contacts, le dialogue. Le revers électoral enregistré par le gouvernement le dimanche précédent était-il pour quelque chose dans cette nomination, qui sait? Dans un tel contexte politique, était-il en effet possible pour le gouvernement de choisir une autre voix que celle du dialogue? Une évacuation sanitaire de plus de 500 personnes parvenues à plus de 30 jours de jeûne, avec un risque majeur que se produise un drame humain, constituait-elle une alternative pour l'Etat? Quoi qu'il en soit, le mardi 15 juin au matin, nous engagions un nouveau marathon de plus de 15 heures d'échanges et de confrontations qui aboutirent, le jeudi 17, à une plate-forme commune regroupant 24 propositions concrètes permettant tout à la fois de renouer la confiance entre les sans-papiers, les associations et l'Etat, de sortir du conflit (plus de 500 régularisations) et d'oeuvrer afin de prévenir de telles crises. Cette plate-forme commune fut acceptée à l'unanimité par l'AG des grévistes de la faim le jour même, à 18 heures. Inutile de préciser que s'en suivit une véritable liesse dans les rangs des sanspapiers et de leurs soutiens qui fêtèrent dignement, le soir même, cette victoire sans précédent. Au même instant le Préfet déclarait à la presse faire siennes ces propositions. Celle-ci ne manqua pas de souligner qu'il s'agissait là d' « une dure pilule à avaler pour le Préfet ». Une victoire qui à l'instar de celle des « recalculés » favorise la pédagogie du possible face à l'intransigeance gouvernementale. Bien entendu, le MRAP s'engage maintenant résolument pour que ces propositions soient effectivement appliquées. Parallèlement, il doit poursuivre sa lutte pour que soit modifiée profondément la législation française concernant le droit des étrangers, laquelle est à l'origine de telles situations de crise. « Différences ' - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 Immigration Edito International Dossier Immigration Discrimination Education ' Kiosque Constat d'accord sur des propositions Le texte ci-dessous retrace les propositions sur lesquelles JeanMarie Delarue, Conseiller d'Etat, d'une part, les représentants des associations s'exprimant au nom des étrangers grévistes d'autre part se sont mis d'accord. Il comprend quatre volets : Fe corbeille: règlement des situations passées • Les engagements du préfet relatif aux 43 derniers dossiers du précédent conflit 2003 ainsi que les dossiers dont le principe de la régularisation a déjà été accepté seront tenus immédiatement. • Les suites données aux interpellations effectuées depuis le 2 juin sur des grévistes de la bourse du travail seront interrompues et des documents provisoires de séjour remis aux intéressés. • Pour les 460 grévistes de la bourse du travail (dont la liste sera dressée à la diligence des associations le plus rapidement possible), des documents provisoires de séjour seront remis. 2e corbeille: sortie du conflit actuel • La situation des 460 grévistes de la bourse du travail fera l'objet d'un examen au cas par cas permettant d'apprécier la situation de chacun. • Les critères d'examen, tirés de la loi applicable aux étrangers, seront les suivants: - d'une part la situation familiale des intéressés ; - d'autre part leur bonne insertion dans la société frança ise. • Enfin les risques de persécution encourus dans leur pays d'origine. • Les 460 dossiers feront l'objet d'un examen · bienveillant · au regard des critères mentionnés ci-dessus, à la seule exception des dossiers relatifs à des per- Le Conseiller d'Etat Jean-Marie DELARUE sonnes auteurs d'infractions graves, à raison de 80 par trimestre 05 + 15 +50) *. • De leur côté, en contrepartie, les associations s'engagent à constituer des dossiers comportant tout élément utile au regard de ces trois critères. • Pour les 93 autres personnes grévistes présentant une situation particulière (dont la liste sera également établie par les associations). • Ceux dont le dossier de demande de titre est enregistré dans une autre préfecture mais qui sont désormais domiciliés dans le Nord verront leur dossier transféré à la préfecture de ce dépanement le plus rapidement possible. • Ceux domiciliés dans un autre département bénéficieront pour le traitement de leur dossier d'une lettre favorable de l'autorité préfectorale du département du Nord. • Ceux qui sont en attente d'une décision relative à une demande d'asile (conventionnelle ou subsidiaire) recevront une réponse le plus rapidement possible compte tenu des charges de l'OFPRA. En cas d'éventuel refus; la situation des intéressés serait examinée dans le cadre de la • commission juridique . mentionnée ci-dessous. 3e corbeille: prévention des grèves de la faim dans l'avenir • Accueil des étrangers dans les services administratifs: PourleMRAP - confection le plus rapidement possible d'une brochure claire et objective remise par l'administration aux primo demandeurs de titres de séjour ; - plan cie financement de moyen terme de résorption des difficultés matérielles de l'accueil des étrangers (effectifs et guichets) ; - résorption autant que possible des délais et files cl'attente ; développement des entretiens sur rendez- vous ; - plus généralement attention portée aux conditions de dialogue avec les étrangers. • Déconcentration : - certains traitements de dossiers d'étrangers notamment les renouvellements de titres de séjour pourront utilement être déconcentrés dans les sous préfectures du dépanement ; - à titre d'essai cette déconcentration pourrait être mise en oeuvre rapidement dans trois sous préfectures et faire l'objet d'une évaluation au terme d'une almée de fonctionnement. • Traitement des dossiers - toutes les premières demandes de titres de séjour feront l'objet d'un enregistrement en préfecture sans possibilité de refus oral au guichet; - les attestations ou cenificats originaux confiées par les étrangers aux services administratifs leur seront restituées au terme de l'examen nécessaire ; - la • commission juridique conjointe ' en préfecture examinera 60 dossiers par mois cie demandes de titres de séjour. Pour laLDH Le Président Régional Secrétaire Général Adjoint j-G.DULIEU Le Délégué Régional GémrdMINET Pour le CSP Le Porte Parole Roland DIAGNE • Associations : - Il appartient aux associations d'apponer de manière générale toute indication utile pour l'examen des dossiers dans le cadre, en particulier de la • commission juridique, mensuelle en préfecture d'une part, et dans la constitution des premiers dossiers d'autre part ; - en dehors des travaux de la commission juridique, les associations seront reçues à haut niveau à la préfecture et dans les sous-préfecture pour des entretiens réguliers relatifs à la politique à l'égard des étrangers dans le département (par ex. : condition de la délivrance cie la carte de résident, double peine ... ) ; - les associations et l'Etat mettront en oeuvre tout ce qui est en leur pouvoir pour prévenir tout retour à un mouvement de grève de la faim. 4e corbeille: garanties • Compte tenu de l'urgence notamment sanitaire: - à l'initiative des parties signatau ·es le présent constat d'accord pourra être rendu public. - le Conseiller d'Etat mission né par les autorités publiques se porte garant, dans les semaines et mois qui viennent, de la bonne exécution du présent accord; - le préfet du Nord annoncera publiquement, dans les heures qui viennent, son accord avec les présentes propositions; - les suites données au présent accord seront examinées conjointement dans le cadre des contacts réguliers avec les associations mentionnées dans la troisième corbeille; - l'assemblée générale des grévistes délibèrera ce jour de la suite qu'elle entend donner au présent accord. Fait à Lille le 17 juin 2004 (1) - 60 dossiers feront l'objet d'Ilne régularisation immédiate all regard des trois critères mentionllés ci-dessus. Pour la CIMADE Le Président et Pasteur Frédéric VERSPEETEM « Différences , - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 7 8 Immiuration Edito 1 International ' Dossier 1 Immigration Discrimination ' Education 1 Kiosque Sans-papiers de l'église Saint-Bernard 1 Huit ans après les coups de hache du gouvernement Juppé dans la porte de l'église Saint-Bernard pour en déloger les sanspapiers, le gouvernement Raffarin frappe plus fort encore aujourd'hui Parmi ses derniers faits d'armes: • La « loi Sarkozy " du 26 novembre 2003 qui durcit considérablement les règles de l'entrée, du séjour et de l'éloignement des étrangers en France. • La « loi Villepin-Sarkozy " sur l'asile du 10 décembre 2003 qui diminue beaucoup les chances déjà très maigres que les persécuté- e-s obtiennent une protection en France. • La répression du square Séverine à Paris, prétexte à l'expulsion d'une dizaine de manifestants. • Les arrestations de demandeurs d'asile, le 22 juillet, dans les locaux de la préfecture de police de Paris alors qu'ils avaient reçu un rendez-vous pour déposer leur dossier. Cette répression sommaire se fait souvent contre des hommes et des femmes qui ont des années durant contribué au développement de l'économie française, cotisé pour les prestations sociales, tissé des liens sociaux et familiaux en France, et qui n'ont pour seul tort que de revendiquer le droit de vivre dans la dignité. Les contrôles au faciès, arrestations et expulsions se multiplient. Les centres de rétention sont pleins et les expulsions sont exécutées avec une brutalité qui dissuade quiconque manifesterait la moindre velléité de refuser un embarquement. M. De Villepin veut faire du chiffre, et autant que possible mieux que M. Sarkozy. Et pour fournir de la matière pour cette politique, la machine à fabriquer des sans papiers déboutés fonctionne à plein régime dans les Préfectures
- refus de dossiers au guichet,
« insuffisance des preuves de la durée du séjour ", " preuves non probantes ", « insuffisance d'insertion dans la société française ", tracasseries lors du renouvellement de la vignette de un an, etc. Les sans papiers sont poussés au désespoir et adoptent des formes ultimes de lutte qui mettent en péril leur intégrité physique avec des grèves de la faim souvent très longues. Cette politique contre les étrangers, qui se décide désormais à l'échelle de l'Europe, fortifie les sentiments racistes et xénophobes, et assure au patronat un « matelas de sécurité" avec le travail non déclaré. Elle n'est évidemment pas détachée du contexte d'agression contre les travailleurs et les précaires par les différents gouvernements Raffarin : démantèlement des acquis en matière de retraite, de sécurité sociale, attaques contre les intermittents, etc. Nous, sans papiers et nos soutiens, disons au gouvernement que nous ne renoncerons pas à la lutte pour la dignité. Nous lui disons que nous ne retournerons pas dans l'ombre. Au contraire, nous continuerons à renforcer notre organisation à l'échelle de l'Europe, avec des initiatives comme la marche Bruxelles- Paris. Huit ans après Saint-Bernard, nous sommes toujours là et nous appelons toutes les organisations, toutes les personnalités du monde artistique, politique, à manifester pour: - dénoncer les expulsions, les charters de la honte ; exiger le retour des expulsés ; - dire non au « délit de solidarité avec étranger" sans papiers ; - la fermeture des centres de rétention; - la libération des personnes emprisonnées pour défaut de papiers; - la régularisation de tous les sans papiers avec la carte de la ans ; - l'abrogation des lois Pasqua/ Debré/ Chevénement/ Sarkozy ; - le respect du droit d'asile ; - une politique progressiste, humaine et d'égalité des droits pour l'immigration. Rétrospective des lois sur l'immigration (suite et fin) Par Deroadene HéDer (secrétaire nationale) Dans notre numéro de juin comprenant le spécial (( Différences sse anniversaire )J, nous faisions une rétrospective sur les lois sur l'immigration. Cette rubrique ayant été très appréciée par nos lecteurs, nous avons souhaité la compléter sur le thème (( le logement des immigrés JJ. Le MRAP est aux côtés des immigrés, sur la question lancinante du logement, face à l'impuissance et aux refus des gouvernements et des municipalités de mener des politiques d'habitat social dignes de ce nom. Alors que s'engagent dans de nombreux foyers de travailleurs immigrés des grèves de loyers longues et déterminées, les comités locaux du MRAP, sensibilisés aux politiques dures des gestionnaires de foyers (ADEF et SONACOTRA) qui font appel à la police pour des expulsions collectives de résidents grévistes, s'efforcent d'apporter à ces derniers solidarité matérielle et soutien politique. « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 L'Editorial de D&L nO 290 de mars 1970, souligne que le thème du logement des immigrés a été retenu par le MRAP pour la journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale du 21 mars et rappelle que, pour le congrès national de décembre 1969, « Lutter contre le racisme aujourd'hui en France - et contre la xénophobie qui en est une forme particulière - suppose la prise en considération prioritaire de cette situation >J. Alors que cinq travailleurs africains viennent de mourir asphyxiés à Aubervilliers et qu'un cinquième incendie en quelques années vient de ravager le bidonville des Francs-Moisins à Saint-Denis (600 sinistrés, dont 224 enfants), le journal témoigne sous la plume de sa journaliste, à propos du foyer taudis d'Ivry dont les 500 résidents sont en grève de loyer: « je n'ai jamais rencontré comme ici, un tel entassement humain, une telle promiscuité, des lieux aussi sales et aussi infestés de rats et de vermine >J. D&L doute des effets de la volonté affichée par le premier ministre ChabanDelmas d'en finir en 1972 avec les garnis, taudis et bidonvilles, alors que de semblables déclarations de bonnes intentions de Michel Debré sont restées lettre morte depuis 1964, malgré quelque 240 millions de francs censés avoir été consacrés par le FAS au logement des immigrés. Le nO 294 de juillet -aoüt 1970 titre « Que faire contre les bidonvilles? Il, tandis que le débat parlementaire sur la suppression de l'habitat insalubre (non assorti de moyens financiers) a révélé que 75 000 personnes vivaient dans des bidonvilles, 500 000 en meublés et 460 000 dans des locaux insalubres. Dans un communiqué du 16 juin, le MRAP affirme que « les centaines de milliers de travailleurs étrangers dont le gouvernement et le patronat encouragent en permanence la venue, pour les besoins de l'écQnomie française, doivent recevoir dans notre pays un accueil humain, fondé sur une complète égalité des droits >J. En 1974, Paul Dijoud, alors Secrétaire d'Etat aux travailleurs immigrés, annonçait le relogement de 35 000 travailleurs immigrés isolés par an ... En 1976 : 16 000 lits supplémentaires. En 1977 : on tombe à 2 000. Des enquêtes montrent alors qu'il y aurait de l'ordre de 40 000 immigrés survivant dans Immiuration Edito ' International i Dossier i Immigration : Discrimination ! Education ! Kiosque l'insalubrité. En octobre 1978, D&L titre : « Foyers en lutte: vivre dignes >J et témoigne de la lutte menée par les résidents d'un foyer-taudis rue Caillé, dans le 18e arrondissement de Paris, victimes d'une situation de discrimination permanente : " seize personnes par pièce, quatre douches pour près de 250 personnes, avec de nombreux rats comme co-locataires ". Malgré une interdiction préfectorale datant de 1971, la propriétaire continuait à louer ses locaux délabrés pour plus de 1 000 francs par mois à des immigrés sub-sahariens. Quant aux locataires en lutte dans les foyers SONACOTRA pour des loyers plus raisonnables et une gestion plus démocratique, 86 résidents sur les 20 000 en grève des loyers, sont poursuivis en justice comme « meneurs " tandis que le ministre Lionel Stoleru réagit en relevant le niveau des « redevances" (qui n'en font pas de vrais locataires). Le 22 juin 1979 (D&L de septembre), peu de temps après l'annonce des projets de loi Barre-Bonnet et Boulin-Stoléru, la SONACOTRA de Garges-lès-Gonesse expulse 242 résidents manu militari. Comme le décrit D&L de septembre 1979, « une e:Apulsion banale, ordinaire, comme les autres ... Les cars de CRS qui encerclent le foyer, les policiers qui bondissent dans les chambres, la fouille, pmfois agrémentée de quelques injures et de quelques coups de matraque, l'escorte serrée jusqu'à la sortie, jusqu'à la , rue". Avec, à la clé, la confiscation de tous objets personnels, y compris des papiers, à la récupération tardive et aléatoire. Les résidents campent devant le foyer, fermement décidés à le réintégrer dès que possible. Municipalités de la zone, syndicats, partis et associations, telle MRAP, soutiennent les expulsés. D'autres expulsions « à la chaîne» se poursuivent pendant l'été dans la Moselle, le Haut-Rhin, à Strasbourg, dans le Val d'Oise, à Nanterre, à Gennevilliers ... et le MRAP écrit : «les sales boulots, le sous-paiement, les marchands de sommeil, les bavures policières, les contrôles d'identité au faciès, les agressions racistes, les tracasseries administratives, le ghetto social ... les expulsions de foyers. Ca commence à faire lourd sur le dos des travailleurs immigrés ". A la même époque, le Mouvement dénonce les politiques de ségrégation, de contrôle social et de ghettos. Ainsi, clans les Hauts de Seine, où les immigrés représentent 11,6 % de la population, le pourcentage atteint 23 % à Levallois (et 33 % dans le quartier Eiffel), 28 % à Gennevilliers. Le même phénomène se retrouve dans les écoles où, par exemple à Levallois, certaines classes accueillent à près de 50 % des enfants d'immigrés. D&L de février 1980 annonce que" la politique d'immigration du gouvernement vient de "s'enrichir" d'un troisième volet: le projet de loi d'Ornano (ministre de l'Environnement) qui annonce la création du « contrat de résidence". Une Etude de Jacqueline Costa-Lascoux, dans D&L du mois de mai suivant, souligne que le projet « va au-delà de son objet avoué " puisqu 'il institue des « catégories particulières de population " (retraités, handicapés, jeunes travailleurs, immigrés ... ) logées en « foyers-logements" et regroupées sous le même contrat de résidence, selon des dispositions d' « ordre public ". Le projet - qui rétablit une « redevance " couvrant non seulement loyer, charges et prestations mais aussi le report de l'exercice antérieur et la libération des prix des loyers - ne tient aucun compte des revendications fondamentales des travailleurs immigrés, à savbir être considérés comme des locataires payant un loyer (ce qu'avaient reconnu les décrets de 1979) et en finir avec Le « contrôle social " exercé par les gestionnaires. Le numéro de janvier 1980 de D&L titre à la rubrique L'événement: Vitry: autour d'un « fait d'biver )), à savoir le transport, à l'aube du 21 décembre 1979, sur décision du maire et du directeur d'un foyer ADEF où ils résidaient, pour certains depuis 1968, de 318 résidents maliens vers un foyer de Vitry, à l'insu du maire de la ville. Ce dernier, après une infructueuse rencontre avec l'ADEF, le 23 décembre à Paris, prend un « arrêté d'interdiction d'habiter " qu'il porte à la connaissance de l'ADEF et du préfet. Il en informe le 24 décembre les travailleurs maliens qu'il encourage à protester. « Dans le même temps, un bulldozer obstrue avec de la terre l'entrée du foyer, l'eau, le gaz et l'électricité sont coupés, le cbauf fage rendu inutilisable. La police constatera de nombreux dégâts matériels. Et les 318 maliens passeront Noël sans cbauffage )). Dans un communiqué, le MRAP national se déclare « vivement préoccupé par les incidents consécutifs au transport de 300 maliens de Saint-Maur à Vitry )) et « désapprouve des actions comme celles dirigées contre le foyer de Vitry, qui ne peuvent que contribuer à opposer Français et immigrés ... )). Cet épisode restera dans les mémoires mais la question des foyers restera posée jusqu'à aujourd'hui, tandis que le remplacement des bidonvilles par des cités de transit, puis l'installation en HLM, pourtant accueillie avec espoir, ne supprimeront à terme ni les inégalités sociales, ni les discriminations racistes ni les phénomènes de ghetto. « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - 0" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 9 la Edito International Dossier Immigration Discrimination Education I<ïosque il s s- ziaa (Photographie prise par un lycéen francophone de Tirana - Albana). En 2004, avec deux ans de retard, certains schémas départementaux d'accueil voulus par la loi Besson sont en passe d'être signés. Mais combien ce premier résultat est insuffisant face aux besoins? Manque illicite d'équipements - Scène de racisme ordinaire Vitrolles, févlier 2004. Le jour se lève, cinglant de ti"oid. Déploiement de polices. Ordre de circuler, humiliations dans la hâte d'en fInir; coups portés sur les caravanes. Impuissance momentanée des associations présentes. Quelques voisins s'inteITOgent: quels trafics ont encore faits ces genslà pour déclencher cette violence répressive? Ces gens-là sont des familles du voyage. Elles stationnaient, forcément hors-la-loi, dans une commune qui, comme la plupart de ses voisines de plus de 5 000 habitants, ne propose pas d'aire de stationnement, malgré la loi. En région Provence-Alpes-Côte d' Azur, où, grâce aux conditions économiques et climatiques, les RomsTziganes et plus particulièrement les gens du voyage sont nombreux, les expulsions musclées frappent souvent. Comme presque partout en France. Pourquoi le problème de l'accueil reste-t-il si épineux? Points de repère: quels sont les droits des Homs-Tziganes en France ;» La confusion est entretenue dans nos esprits par le discours sécuritaire ambiant qui assimile dans un même rejet les pauvres hères immigrés venus d'ex-pays de l'Est -1 sP (loi impulsée par Nicolas Sarkozy : maîtrise de l'immigration et séjour des étrangers en France, 10 juillet 2003) et les populations roms-tziganes, nomades, semi sédentaires et sédentaires dont la quasi totalité possède la nationalité française depuis des générations. A ce titre elles sont protégées par la Constitution
- liberté d'aller et venir; droit
à des conditions décentes de logement ou de stationnement. Elles possèdent les droits économiques et sociaux de tous les citoyens à pan entière, et sont soumises aussi, bien sûr, à l'obligation de respecter les lois de la République. Un grave constat: l'ostracisme infligé aux nomades 34 000 places de stationnement sont nécessaires. 5 000 existent. Que dit la loi? La loi Besson du 31 mai 1990, relative à la mise en oeuvre du droit au logement, imposait déjà diverses obligations pour l'accueil des gens du voyage par les communes ou groupements de communes importants. La loi du 5 juillet 2000, dite loi Besson II, remédiant aux lacunes et inapplications, institue de nouvelles mesures : les communes de plus de 5000 habitants doivent implanter des aires d'accueil, dans le cadre d'un schéma départemental élaboré de concert par le préfet et le prés ident du Conseil général. • Les mesures d'exécution: des décrets d'application précisent les modalités nécessaires pour que les aires ouvrent dans un délai de deux ans après la publication du schéma départemental. Financement, normes techniques ... vous tro uve rez les renseignements importants sur le site suivant : www.lagazettedescommunes. com/complement-juridique/19 janvier.htm • Les objectifs, louables, visent à améliorer la vie des gens du voyage dans le respect de leur culture et de leurs dro its. Des aires bien aménagées devraient supprimer les installations illicites et leurs conséquences conflictuelles. • Les pouvoirs du maire: si la commune est dans la légalité, le maire peut interdire, par arrêté, le stationnement des caravanes sur le terrain communal en dehors des aires aménagées, et engager des procédures d'expulsion. • La réalité: " Quand il faut passer à l'action, les communes sont réticentes à construire des aires, et les habitants méfiants et mécontents" résume Alix de la Bretèche, responsable du dossier au Ministère du logement. Ces retards exaspèrent les gens du «Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Ocwbre-Novembre-Décembre 2004 voyage et ne font qu 'accentuer incompréhensions et tensions entre citoyens. • Dernières nouvelles : un amendement à la loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales accorde complaisamment un délai supplémentaire aux communes inhospitalières ! Nous publions (ci-contre) la vive réaction de Michel Mombrun que nous partageons. Toutefois cenains exemples sont réconfonants Heureusement, certaines démarches volontaristes, comme en Indre-et-Loire, en Gironde, ou Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque encore dans l'Ain, font avancer les pratiqu es, notamment les médiations, sur des problèmes délicats comme les terrains de grand passage destinés aux rassemblements de 200 ou 300 caravanes en transit. Le valenciennois, refu sant (non sans mal) de raisonner exclusivement en termes de cOlIt ou de prudence électorale, privilégie, à grande échell e, des critères respectueux du droit et du bien-être social. Neuf aires de stationnement, une aire de grand passage et un programme de 12 habitats adaptés doivent répondre à une forte demande. Affaire à suivre avec intérêt! Le rôle du MHAP ;» Notre association est engagée localement et nationalement au titre de l'aide aux victimes de discriminations: interpellation des pouvoirs publics et des élus, assistance juridique. Cependant, il apparaît de plus en plus insatisfaisant de ne fréquenter les gens du voyage qu'en cas de problèmes. Développer des occasions de rencontres culturelles et festives, les ouvrir au public pourrait favoriser une meilleure connaissance réciproque et, pourquoi pas, modifier, dans l'opinion, certaines représentations négatives. Parmi les outils, signalons le film docmnentaire de Roland Cottet, préparé pour France 5, et qui, après sa sOltie à la télévision en septembre 2004, pourra être un bon support de débats. Ce documentaire parle de sujets sensibles: ressources économiques, accès aux aires de stationnement, éducation des enfants, pratique des soins de santé pour tous. Son intérêt est de donner la parole aux intéressés, expulsés de l'hiver dans les Bouches-du-Rhône, avec, en fil conducteur, la présence de Nouka Maximoff, fille du premier écrivain rom-tzigane, Matéo Maximoff. Beaucoup de pistes sont exploitables pour ouvrir le dialogue et montrer combien paradoxale est la crainte des Roms-Tziganes quand, par ailleurs, leurs traditions artistiques sont tellement appréciées! « Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 11 12 Dossier Edito 1 International Dossier Immigration ' Discrim ination ' Education 1 Kiosque Loi relative à l'accueil des gens du voyage 1 Par Michel Mombrun (Président de l'UNISATI 1" _ Texte de réponse à la décision du 13 août 2004 t1, accordant un délai supplémentaire de 2 ans, à l'application de la loi relative à l'accueil et l'habitat des Gens du voyage. De reports en dérogations, la loi Besson du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et l'habitat des Gens du voyage qui prévoyait l'élaboration de schémas départementaux sur 18 mois, puis la réalisation en 2 ans d'au moins 30 000 places de séjour, vient de subir une agression très grave: le gouvernement a fait adopter par le parlement un délai supplémentaire de 2 ans, soit 4 années en tout, pour que les communes s'acquittent de leurs obligations. En clair les communes qui n'ont rien engagé à ce jour, disposent jusqu'à fin 2008 pour réaliser ce que la loi prévoyait pour fin 2003. La loi du 3 janvier 1969 contenait déjà des recommandations pour les communes de disposer d'un terrain d'accueil et de séjour : non appliquées; la première loi Besson du 31 mai 1990, renforçait l'obligation d'élaborer des schémas départementaux et de créer des aires d'accueil pour les communes de plus de 5 000 habitants : non appliquée; enfm la loi Besson de juillet 2000, plus contraignante que la précédente, mais avec des instnunents d'application Oes schémas départementaux), apporte aux communes des moyens fmanciers de l'Etat et stipule des dispositions de contrôle et d'exécution par les préfets. A ce jour, avec déjà un an de retard, moins de 10 % des réalisations de terrains sont engagées, de nombreux délais de report et dérogations ont été accordés, et les actes d'opposition à la loi par des élus locaux se sont multipliés. Cette décision est une provocation inacceptable : repousser de deux années ce que nous attendons depuis 35 ans! est ressentie comme un acte de mépris à l'égard d'une population française d'environ 400 000 personnes, qui s'était prise à espérer et à croire, avec les associations qui l'accompagnent, qu'elle était enfin reconnue, que la loi allait enfin s'appliquer, que l'Etat de droit allait triompher ... Cette décision en plein mois d'août au détour d'une loi fourre-tout, (article 201 de la loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales) est l'aveu officiel de l'abandon de toute volonté politique d'apporter une réponse efficace et digne à la population des Gens du voyage. Au moment où le gouvernement proclame la priorité à la cohésion sociale, à l'action pour l'intégration et la lutte contre les exclusions et les discriminations, alors que depuis 2000 les Gens du voyage et les milieux associatifs, et aussi certains élus locaux, se mobilisent et s'impliquent fortement pour contribuer à l'application de la loi, le gouvernement lâche deux années supplémentaires, prime à tous ceux qui traînent des quatre fers ou s'opposent à la loi depuis 4 ans! Comment croire maintenant à la valeur de la loi, à l'Etat de droit, aux textes votés par le parlement élu, à la parole des politiques? Que répondre à l'exaspération légitime de ceux qui attendent depuis 35 ans d'être reconnus, et qui ne croient plus, écoeurés, ni aux promesses, ni aux lois ? que faire face à la tentation de révolte légitime et de violence, en réponse à la violence et au mépris de cette décision? Les réseaux associatifs Gens du voyage et ceux qui les soutiennent, , déploient une énergie colossale sur le terrain pour expliquer, bâtir peu à peu la confiance, construire les relations et le partenariat nécessaires à la prise en compte des besoins des familles pour le séjour et l'habitat. Cette décision sape tous ces efforts en un instant : quel gâchis 1 Mais de quoi s'agit-il vraiment? quel est donc ce problème qui serait insurmontable pour répondre aux besoins de séjour et d'habitat des Gens du voyage, sans cesse oublié et repoussé? .. Nous comptabilisons vingt millions de ménages environ en France dont 1 00 000 ménages chez les Gens du voyage, soit 0,5 % de l'ensemble. Si on considère ceux qui ont résolu eux-mêmes leur problème d'habitat, il convient d'apporter une réponse représentant 0,34 % de l'effort national pour le logement! Et c'est cela qu'on ne saurait pas résoudre depuis 35 ans dans l'un des pays les plus riches du monde, laissant toute une population dans la précarité, l'exclusion voire la relégation? Sans terrains « légaux" pour le séjour ou l'habitat, les Gens du voyage sont condamnés à vivre dans l'illégalité et à subir les sanctions sévères de « la loi pour la sécurité intérieure " dite loi Sarkozy qui, elle, s'applique. Sontils condamnés à rouler jour et nuit sur les routes ? Après la déportation et l'holocauste, l'assignation à résidence et l'internement dans une trentaine de camps en France entre 1940 et 1946, les Tsiganes et Gens du voyage de France sont-ils aujourd'hui condamnés à l'errance sur les routes sans pouvoir s'arrêter? sans pouvoir vivre ? S'agit-il d'une méconnaissance totale des problèmes en haut lieu? d'une irresponsabilité d'Etat à prendre une décision en catimini et sans la moindre consultation ? d'une décision financière pour étaler les dépenses afin de boucler d'un budget difficile ? d'un revirement politique vers la remise en cause de l'application de la loi? Quelle que soit la réponse elle est indigne et inacceptable, et notre position est intangible : les délais de réalisation sont déjà largement dépassés, et ce n'est pas un délai supplémentaire qu'il faut, mais une mise en demeure solennelle pour que la loi s'applique enfm et que le droit soit respecté ! C'est la condition de la cohésion sociale et de la paix sociale. C'est la seule réponse cohérente et digne pour que demeure une possibilité de respect et de confiance dans la loi et le droit, dans les fondements et valeurs de la république. Sinon c'est la porte ouverte à toutes les dérives, à tous les risques. Union nationale des institutions sociales d 'action pour les Tsiganes et Gens du voyage (') - Loi n° 2004-809 du 13 aolÎt 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (m1icle 201). Contact: UN/SAT, tél.· 01 40350004, www.unisat.assofr- Etudes Tsiganes, tél. : 0140351217, www.etudestsiganes.assofr - 59, nie de l'Ourcq - 75019 Paris « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 Edito 1 International : Dossier 1 Immigration 1 Discrimination 1 Education 1 Kiosque Le droit au logement pour tous Par François Lacoste larchilectel Nous avons développé au sein de notre agence d'architecture et d'urbanisme une certaine expertise sur l'habitat des gens du voyage. Depuis la Loi Besson de juillet 2000 renforçant l'obligation faite aux communes de se doter d'équipements pour les accueillir décemment, plusieurs groupement de communes nous ont demandé de les aider à définir leurs propres politiques d'accueil des gens du voyage. Certaines d'entre elles ne nous ont confié d'études que pour« jouer la montre " et retarder le moment du passage à l'action. D'autres en revanche, avaient la ferme intention de se saisir de cette délicate question et de relever ce défi aux multiples facettes. Ce fût particulièrement le cas dans le Valenciennois et notamment sous l'impulsion de Jean-Claude Dulieu, chargé du dossi@r habitat et logement pour' la Communauté d'Agglomération de Valenciennes Métropole, " notre commanditaire ". Le schéma départemental du Nord datant de 1996 a été, selon l'obligation légale, actualisé à partir de 2001 ; et cette actualisation, conduite par la préfecture du Nord, a été réalisée par le biais d'enquêtes administratives n'impliquant pas ou très peu les élus locaux dans ce travail préalable à la mise en oeuvre de la Loi. , Ouverture de la première aire d'accueil. Les attendus de l'étude confiée par Valenciennes Métropole étaient multiples: • Identifier avec précision les besoins locaux et dresser un état des lieux de vie des familles tsiganes du Valenciennois. • Identifier les réponses actuelles apportées par les communes de l'agglomération et évaluer la capacité de chacune des treize communes ayant obligation d'accueillir, • Evaluer la capacité des élus concernés à sortir des logiques défensives et/ou répressives qui était l'habitude la plus répandue, • Proposer à la Communauté d'Agglomération un Schéma Communautaire d'accueil des gens du voyage, déclinant à l'échelle intercommunale les dispositions du Schéma départemental, • En estimer les coûts d'aménagement et de fonctionnement et proposer un planning de réalisation. Au titre du Schéma départemental, les treize communes de plus de 5 000 habitants de la Communauté d'Agglomération de Valenciennes . Métropole devaient réaliser un terrain d'accueil dont douze terrains ---1- de passage (de 15 à 25 places selon les cas) et la treizième un terrain de grand passage (capacité de 150 à 200 places pour les rassemblements familiaux). L'une de ces communes, comptant déjà de nombreuses implantations de gens du voyage sur parcelles leurs appartenant sur la commune, avait décider de voter contre le Schéma départemental. Mais si dure soit la loi celle-ci devait s'imposer. les Roms, éternels parias Dans moins de trois ans, c'està- dire demain, la Roumanie rejoindra à son tour l'Union Européenne. Les citoyens roumains deviendront citoyens européens, et avec eux, les membres de la minorité rom. Une minorité qui, malgré d'indéniables efforts du gouvernement de Bucarest, continue à vivre au quotidien de profondes discrimi· nations. Certes, la situation n'est plus aussi tendue qu'au début des années 90, avec son cortège d'émeutes et de pogroms. C'est dans ces années là, à la suite de la chute de Ceausescu, que les Roms, sédentarisés depuis des décennies, ont repris la route vers l'Ouest. Ca n'a pas été la grande invasion que certains prévoyaient. En France, ces fameux « Roms de Roumanie» ne sont que 3 000 à 5 000 sur tout le territoire, selon « Médecins du Monde ». Mais ils sont devenus, à leur corps défendant, les symboles des fantasmes sécuritaires du pays. «Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n» 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 13 14 Dossier Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Nous avons donc débuter nos travaux par une rencontre systématique avec chacun des maires, combinant le travail d'enquêtes sur les pratiques actuelles avec une véritable campagne d'information des élus qui, pour la plupart n'avaient qu'une très vague idée de leurs obligations légales et encore plus vague des outils dont ils pouvaient disposer pour répondre intelligemment à la question de l'accueil des gens du voyage. Nous avons en effet constaté que le premier obstacle à la mise en oe uvre d'un accueil cohérent et responsable, respectueux de la loi et des dépenses publiques était la difficulté des élus à porter une parole positive sur cette question. Et si certains élus accueillaient du mieux qu'il le pouvaient les voyageurs sur leurs territoires, c'était souvent fait de façons officieuses et discrètes, notamment à l'insu des élus des communes voisines de peur d'être désigné comme « l'accueillant de service " pour tous. Cette peur bien réelles était renforcée aux abords des échéances électora les, par crainte que cette « faiblesse " soit exploitée aux yeux de l'opinion par une opposition (quelque soit sa sensibilité) prête à exploiter les vielles recettes de la peur et de la xénophobie. Partant des constats locaux, nous avons assisté chaque commune à définir son propre projet (localisation, type d'accueil, nombre de places à aménager .. . ) tandis que la gestion des futurs terrains était abordée directement au niveau communauta ire pour en mutualiser les ressources et en assurer une cohérence globale. Malgré un constat initial plutôt pessimiste, nous nous réjouissons aujourd'hui du travail accompli. Il a fallu plus d'un an pour réaliser ce travail initialement estimé à six mois à l'issue duquel les treize communes ont fini chacune par délibérer et approuver le Nouveau Schéma communautaire d'accueil des gens du voyage de Valenciennes Métropole. Celui-ci prévoit finalement, (au regard des spécificités locales) sans réduire Je nombre total de places à créer, la création de sept terrains de passage de tailles variables (impliquant au passage la conclusion de trois accords intercommunaux pour mutualisation des opportunités foncières), la création du terrain de grand passage initialement prévu et la réalisation sur les trois dernières communes d'une douzaine d 'unités d 'habitation adaptées permettant le relogement de familles sédentarisées de longues dates dans des conditions de bidonvilles (promiscuité et insalubrité) totalement indignes du 21 e siècle. Chaque conseil municipal ayant délibéré sur son propre projet, un avenant au Schéma départemental a été présenté à la Commission consultative départementale d'accueil des gens du voyage qui siège sous l'autorité conjointe du Préfet et du Président du Conseil général. Sa validation a permis de modifier les obligations réglementaires fa ites aux communes conformément aux décisions de ces dernières. A peine ce Schéma approuvé , le premier terrain d'accueil était mis en service à Valenciennes, les concepteurs de trois autres terrains sont aujourd'hui retenus, les emprises foncières des trois derniers sont en cours d'acquisition. Les démarches sont engagées auprès d'un opérateur social pour la réalisation des douze unités d'habitations adaptées. Si nous avons pu sortir par le haut d'un tel défi, c'est aussi sûrement en raison de la détermination sans faille de « notre commanditaire " qui n'a jamais hésiter à prendre son bâton de pèlerin pour rencontrer les conseils municipaux, soutenir les uns, en convaincre d'autres, ou dire à d'autres encore -quelque soit leurs mandats électifs - qu'il leur fallait faire « encore un effort pour être républicain " !!! Nous retenons surtout de cette expérience que c'est trop souvent l'ignorance des réalités et la peur de les aborder qui conduisent à l'impuissance , a ux maintiens des attitudes les plus sectai res et à la propagation de discours xénophobes incapables de promouvoir une politique véritablement sécurisante pour tous. Nous retenons également qu'il est possible, dés que la volonté s'en fait jour, de développer des coopérations intercommunales même sur des sujets où l'attitude habituelle est plutôt celle qui consiste à renvoyer le problème chez le voisin. Nous retenons enfin qu'une étape importante reste à réaliser ; celle qui consiste à faire partager ces dispositions nouvelles à l'ensemble de nos concitoyens. A cette fin de cette étude, la rencontre Oppoltune avec des gens de théâtre et la détermination intacte de " notre commanditaire " ont décidé la Communauté d'Agglomération de Valenciennes Métropole à commander l'écriture d'un spectacle théâtral. Celui ci, mettant en scène les contradictions des communautés de voyageurs ou de sédentaires que nous sommes, sera j o u ~r en introduction des débats publics qui auront lieu dans les communes concernées à la veille des ouvertures de chacun des nouveaux terrains d'accueil. Une belle manière de faire se rejoindre représentations sociales et représentations théâtrales et de revenir de façon pertinente aux origines de nos systèmes de représentations politiques. " Différences ' - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 1 Dossier Edito International Dossier Immigration Discrimination Education ' Kiosque Tsiganes à l'école a Par Françoise Malique (*) le projet Des professionnels de l'enfance (enseignants de la maternelle à l'université, parents, personnels associatifs) de quatre états membres ont mutualisé leurs connaissances et leurs savoir-faire pour répondre à la question : « que faire pour que les enfants s'approprient les structures éducatives et optimisent leurs temps de présence dans ces structures? ». Une demande de co-financement a été déposée auprès de la Commission Européenne pour la recherche-action pilotée par la France, réunissant l'Espagne, l'Ecosse et l'Italie ; il était bien question d'axer les travaux sur les apprentissages fondamentaux. La méthode qui a été appliquée a consisté à alterner la formation des participants (de façon à avoir un capital commun lié au thème) et le développement d'une action particulière
- ainsi les professionnels
ont, en un premier temps, appris à se décentrer par rappolt à leur pratique (1) puis ont envisagé les apprentissages par rapport aux exigences de la vie afin d'aider les enfants à devenir des élèves comme les autres. Les enfants ont démontré, en dernière année, qu'ils avaient été les béneficiaires du projet puisqu'ils ont rédigé les questions de jeux coopératifs qu 'ils ont présentés au cours du dernier séminaire : ils sont devenus, le temps de cette manifestation, les enseignants auprès d'enfants visiteurs à qui ils ont expliqué les règles du jeu et posé les questions en les lisant. les acquis Si nous analysons les résultats, croisés avec les moments forts du projet, nous pouvons énoncer un certain nombre de vérités : • Les enfants ont aimé travailler en se posant des questions, en faisant u ace a s e des recherches sur des supports divers qu'ils ne maîtrisaient pas et en partageant leurs résultats. • Les enfants ont appris à lire en améliorant leur niveau d 'énonciation orale et en apprenant les codes de la vie de l'école. • Les enfants ont continué leur scolarité car ils se sont sentis responsables de leurs apprentissages. • Les enseignants ont déconstruit le mythe du mauvais élève voyageur inscolarisable. • Les parents ont ressenti le besoin d'école pour leurs enfants ; les plus jeunes des fratries sont assidus et, dès que cela est possible, les stationnements se font dans la durée pour assurer la scolarisation des enfants. la scolarisation des enfants du Voyage La loi française stipule que tout enfant agé de 6 à 16 ans est soumis à l'obligation scolaire. Il n'est pas question de discuter des différentes façons possibles d'appliquer la loi (je pense ici : classes caravanes, classes sur les terrains, accueil dans les truc ures réselvées aux déficients mentaux ... ) mais bien de redire que la place des enfants est dans l'école pour tous. L'entrée dans l'école des enfants du voyage n'est pas chose aisée car ils sont porteurs d'une culture étrange qui n'a rien d'étrangère, qu'ils n'ont aucune notion des repères du monde de l'écrit duquel ils sont absents depuis six siècle. L'école devra s'adapter à ces " sauvageons" (2), ce qui aura des effets positifs sur la pédagogie du quotidien. Les priorités à faire apparaître dans le fonctionnement, dans les premiers temps de scolarisation n'ont rien de definitif. Ces priorités sont liées aux traits culturels tsiganes (3) qui peuvent se négocier en classe pour un temps : je veux parler de la possibilité de faire tutorer les plus faibles par les plus forts à condition que les rôles ne soient pas définitifs, de la possibilité d'enseigner les marques linguistiques de la langue orale de l'école, de la dynamique qui consiste à ne pas couper l'élan dans un apprentissage motivant sous prétexte d'aller du plus simple au plus compliqué dans toutes les matières d'enseignement (4). Le temps d'adaptation ou d'accueil peut être facilité par le décloisonnement des classes et des rôles des adultes, dans des classes " sas " à la condition que le reste du temps scolaire se passe dans la classe d'âge où les camarades se donneront comme tâche l'insertion de l'enfant différent dans leur communauté. L'expérience décrite brièvement ici veut témoigner d'une expérimentation de scolarisation en école normale pour des enfants dont la différence culturelle est facteur d'inadaptation scolaire. Cette expérimentation a été possible dans une école qui se questionne sur la différence et qui a à coeur d'apporter une solution à partager avec les autres. (1 - Coordinatrice du projet européen et du liure" Tsiganes à l'école", (1) - , Tsiganes à l'école. Pédagogie interculturelle pour l'accès aux apprentissages ". CNDP de Versailles. 2003. ISBN,' 2-8663 7-403- 7. (2) - Voir le chapitre " analyse intercultul'elle des pratiques ; les neuf questions ' , (3) - "Sauvageons " ,' terme utilisé pal' Philippe Meirieu. (4) - Voir le chapitre . traits culturels tsiganes applicables eu classe '. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 15 16 Dossier Edito International Dossier ' Immigration Discrimination ' Education Kiosque Du 3 au 11 décembre 2004 Alain Huertas, président de la fédération du MRAP des Bouches du Rhône: « En réponse aux discriminations subies par les gens du voyage et aux tentatives de certains maires pour mobiliser la population contre eux, nous préparons « Rencontres Tziganes », une initiative culturelle et festive qui se tiendra à Marseille, à l'automne 2004 JJ. Dinérences : « Depuis plusieurs années vous êtes mobilisés contre les discriminations qui frappent les gens du voyage. Quelles réflexions vous inspirent de tels préjudices? » Alain Huenas : Autour de l'Etang de Berre, le manque de terrains d'accueil conformes à la loi remet en cause le droit légitime des nomades de vivre selon le mode de vie qu'ils ont choisi. Les droits élémentaires sont bafoués puisque les structures correspondantes n'existent pas: droit à l'éducation, à la santé, au travail. Des élus de la République sont responsables de ces manquements alors qu'ils seraient supposés appliquer la loi. Ca va très loin ! ainsi, par exemple, il y a trois ans, des familles tziganes avaient acheté un terrain à Marignane, pour pouvoir s'installer à leur guise et ne plus être contraintes de partir en toute hâte à la suite d'une procédure d'expulsion. Elles ont eu du mal à obtenir l'autorisation du maire pour amener l'électricité sur leur terrain. Même EDF s'était refusé à faire le branchement. Il a fallu l'intervention du tribunal pour obtenir gain de cause. Sur la commune de Vitrolles, nous nous sommes mobilisés à de nombreuses reprises, notamment sous Manifestation à Aix-en-Provence, en mars 2004, pour réclamer l'application de la loi (photographie de Serge Mercier). la municipalité Mégret, où, avec l'aide de Benoît Candon, avocat, nous avons fait valoir, grâce à un reportage photographique, que la dangerosité reprochée à la population nomade était infondée. Après le retour d'une équipe municipale respectueuse des valeurs de la République, nous aurions pu espérer n'avoir plus de problème. Malheureusement, en février 2004, cette municipalité de gauche plurielle a permis l'intervention musclée de CRS alors que le MRAP et la LDH, médiateurs, avaient obtenu l'assurance du cabinet du maire qu'il n'y aurait pas de recours à la force publique. Dinérences : « Parlez-nous de la manifestation qui a réuni les gens du voyage à Aix-en-Provence » Alain Huertas : Une nouvelle menace d'expulsion, dans la même période, sur le pays d'Aix, a suscité la tenue d'une action importante: plusieurs centaines de Tziganes ont demandé l'application de la loi lors d'une manifestation au coeur d'Ai'l:en- Provence, sur le Cours Mirabeau. Le MRAP était présent, ainsi que des associations de défense des droits de l'Homme. Il faut croire que cet appel n'a pas suffi à sensibiliser les élus de la République et à les ramener à plus de mesure dans leurs réactions face aux gens du voyage. Ainsi Michel Boulan, maire de Châteauneuf-le-Rouge, à 48 heures du second tour des élections cantonales, alertait la population sur l'installation d'une aire de stationnement, prévue dans un terrain limitrophe par le maire de la commune voisine, Fuveau. Différences: « Pouvez-vons donner les termes exacts de ce tract? » Alain Huenas : Lisant « Avis à la population. De récentes informations nous obligent à venir vers la population de notre village pour l'alerter sur un risque imminent qui pèse sur Châteauneuf-le Rouge. Vous avez peut-être entendu parler de ce «camp de gitans « qui serait susceptible de s'implanter près de chez nous? C'est malheureusement vrai!" Plus loin: «Nous n'aurons pas la possibilité demain de refuser la scolarisation aux enfants de ce camp", Et encore:" Cette aire de stationnement de caravanes se situe à moins de 100 mètres de l'entrée de notre village, à 400 mètres du futur Musée d'Histoire Naturelle de Châteauneuf et de la Communauté ... " La Fédération du MRAP des Bouches- du-Rhône, alertée, a porté plainte auprès du Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence, le 1 er juin 2004, pour provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciste; pour diffamation publique à caractère raciste; pour injure publique à caractère raciste. La procédure est en cours. Dinérences : « L'attitude de certains élus vous paraît particulièrement préjudiciable» Alain Huenas : Certains élus de la République, toutes tendances confondues, sans prendre le temps de la réflexion ni de la rencontre avec les voyageurs, se permettent de porter une parole destructrice qui surfe sur les peurs et ne contribue ni à apaiser les situations de conflits, ni à oeuvrer pour des solutions raisonnables. Les « maudits de la République " sont ainsi chassés de ville en ville, au terme bien souvent d'une parodie de justice. Il est souhaitable que les maires soient plus enclins à remplir leurs obligations pour mettre leur commune en conformité avec la loi Besson, qu'empressés à solliciter la justice pour expulser des hommes, des femmes, des enfants, qui subissent souvent la violence des forces de l'ordre, le traumatisme d'expulsions au petit matin avec coupure d'électricité, coupure d'eau, coups de matraque sur les caravanes et propos que l'on peut être étonnés d'entendre dans la bouche de représentants des forces de l'ordre. Dmérences : « Quelle est l'action du MRAP?» Alain Huenas : D'abord, une mobilisation opiniâtre pour essayer de bousculer les institutions. Au-delà de l'investissement sur des actions de résistance, nous avons décidé de contribuer à une meilleure connaissance des citoyens voyageurs. A l'occasion d'lll1e semaine d'échanges et de partage, organisée en partenariat avec des associations amies, du 19 au 26 novembre 2004 à Marseille, « Rencontres tziganes » proposera soirée musicale, expositions, conférences publiques, films, dans l'espoir de susciter des relations de compréhension, d'amitié et de respect. Le 7 août 2004 " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 Rico-Zavatta « Un nom, une famille, ce soir dans votre ville ... JI. Forcalquier (04), 10 juillet 2004. Exilé, hors centreville, sur un parking de supermarché, le cirque Rico-Zavatta installe son chapiteau. Pour une soirée. C'est une famille qui nous accueille: parents et enfants seront bientôt en piste, métamorphosés par des habits de lumière et la virtuosité de leur art. Rico, le clown, s'appelle Christian Gontelle. 1/ dirige ce cirque familial et a bien voulu répondre à nos questions. Différences: « Le 26 mars 2004, à Plan de Campagne, dans les Bouches- du-Rhône, le cirque Zavatta a organisé une soirée bien particulière
- vous avez invité élus et riverains
à côtcryer les associations et les lycéens solidaires de familles nomades stationnées dans le secteur et menacées d'expulsion. Dans le cadre magique du chapiteau, un double programme, artiste et citoyen, se proposait d'éclairer le public sur la vie méconnue des gens du voyage. Pourquoi ce sou.ti en? » Christian Gontelle : Nous sommes des nomades et comprenons les soucis des Tziganes car nous nous heurtons, nous aussi, à l'arbitraire et à l'injustice dans l'accès au stationnement. Différences: « Les gens du voyage réclament l'application de la loi Besson qui résoudrait leurs difficultés par l'ouverture d'aires d'accueil. Vous avez, de même, du mal à obtenir des emplacements, alors Edito ' International ! Dossier ' Immigration i Discrimination : Education : Kiosque que travailler est un droit. Pensezvous que des raisons peu avouables font obstacle à la loi? » Christian Gontelle : Nous ne stationnons pas, nous, sur les aires d'accueil qui seraient inadaptées. Pour exercer notre profession, nous avons besoin d'autorisations d'emplacement de la part des mairies, en sachant que nous payons, bien sür, un droit de place et une caution. Or, sur une centaine de demandes écrites, nous avons très peu de réponses positives. Certaines villes nous sont interdites: Aix-en-Provence, Trets, les Pennes-Mirabeau, Briançon ... Ailleurs on nous répond qu'il n'y a pas de place, alors que des fêtes foraines bénéficient de terrains en centre-ville. Visiblement notre présence pose problème, pour des raisons mal identifiées. On nous oppose les problèmes de sécurité, alors que nous respectons toutes les normes avec d'autant plus de soin qu'il s'agit de notre famille. Les spectacles sous chapiteau sont interdits par vent de 90 km/ho Nous ne jouons pas dès 70 km/ho Nous sommes contraints, comme ce soir, de louer des emplacements excentrés. Si nous avions joué sur la place de la préfecture, nous aurions accueilli le double de spectateurs. Sans compter que nous n'avons pas le droit d'affichage. Différences : « Ces refus sont d'autant plus paradoxaux que votre profession est très admirée.» Christian Gontelle : Le cirque est le seul métier où tous les métiers sont réunis. Chacun de nous participe à tout. Mon petit fils qui a deux ans connaît déjà les animaux. Nous apportons notre expérience, un plaisir, une magie. C'est une animation gratuite pour les villes. On nous reconnaît le charme de la tradition, mais ça s'arrête aux paroles. Différences : « Vous semblez ne pas avoir de justificatif vrai. ment clair aux refus qui vous sont faits ». Christian Gontelle : Non. Les raisons invoquées sont des prétextes. Il semble qu'on ne veuille pas des cirques familiaux indépendants. Différences: « Les gens du voyage connaissent ce paradoxe, leur musique par exemple est adorée, le flamenco, le swing manouche ... mais ceux qui la jouent sont rejetés. » Christian Gontelle : Eux, en plus, ont la difficulté d'être assimilés avec les pauvres immigrés yougoslaves, roumains ... On se pose immédiatement la question de leurs ressources. Des hommes Différences: « L'ouverture aux autres tient-elle beaucoup à votre métier? » Christian Gontelle : Le cirque est international. Quand on se rencontre entre cirques, par exemple en Italie, même sans parler la même langue, on se comprend. Notre métier est une école de l'amitié. En ce moment nous avons avec nous des adolescents en réinsertion. Ils sont déjà transformés, plus courtois, respectueux des personnes étrangères au groupe. Le cirque est un apprentissage de qualité, les jeunes ont des journées bien remplies: sport, soins à donner aux animaux, contact avec le public. C'est une éducation à des valeurs importantes, le respect, la solidarité, en famille, et envers les autres. Dinérences : « Je rappelle votre adresse à tous ceux qui souhaiteraient appuyer votre venue dans leur commune et, - pourquoi pas ? - organisel; de concert, une nouvelle soirée festive d'information citcryenne : Cirque Rico-Zavatta, BP 18, 05230 La Batie Neuve. Christian Gontelle : Merci à vous ! Propos recueillis par E. Verlaque, Forcalquier (04), le 10 juillet 2004. sans droits en Europe Appel à l'initiative de Rroms roumains des bidonvilles de Montreuil et Saint-Denis. Nous sommes tziganes de Roumanie et nous vivons en France. Nous sommes en France pour que nos enfants aient une vie meilleure, gu'ils puissent aller à l'école, qu'ils aient des vêtements et à manger et qu'ils bénéficient d'une éducation civilisée. Nous sommes partis de Roumanie chassés par la pauvreté, le manque de travail et par la discrimination raciale. En Roumanie nos enfants ne sont pas acceptés à l'Ecole car ils sont discriminés et la majorité est donc analphabète. On nous refuse tout travail parce que nous sommes tziganes; pour cela toutes les portes nous sont fermées. En Roumanie, il n'y a pas d'aide médicale pour les tziganes. Si tu n'as pas d'argent, tu n'as pas accès aux soins médicaux et on te laisse mounr. Nous ne voulons plus être expulsés de bidonvilles en bidonvilles parce que nos enfants vont à l'école ici et que, même si ça nous coûte la vie, on ne quittera pas la France. Nous voulons des papiers avec l'autorisation de travailler pour avoir une vie meilleure et pour ne plus être obligés de mendier. Nous voulons des cours de langue française pour les adultes parce que nous voulons nous intégrer dans la société française. Nous voulons obtenir l'aide médicale pour mener une vie décente. Nous vivons dans des bidonvilles et nous sommes victimes de la police gui vient casser nos vitres et nos baraques, confisquer et déchirer nos papiers; ils nous expulsent. "Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 17 18 Dossier Edito Ir>ternational Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Matéo Maximoff zi a Le 24 novembre 1999, quelques jours avant le début du xxe siècle, disparaissait Matéo Maximoff, le plus grand écrivain tsigane de langue française. En voyant le petit Matéo jouer dans la cour devant la baraque de ses parents, parmi les détritus, dans l'odeur acre des acides utilisés pour l'étamage des métaux, personne - sauf peut-être les « Anges du Destin " qui s'étaient penchés sur son lit à sa naissance - n'aurait pu prédire la carrière prodigieuse qui serait la sienne quelques années plus tard. Son père était un Rom Kaldérash (chaudronnier) venu de Russie avec toute sa famille (environ 200 personnes) . Sa mère, elle, était issue d'une famille de Manouches de France. Jeune écuyère dans le cirque de ses parents, elle avait été ' enlevée " par amour alors que les Roms et les Manouches ne se mariaient pas ensemble à cette époque. Matéo est né en 1917, en Espagne ou sa famille s'était réfugiée espérant échapper à la première guerre mondiale. Ce n'est que quelques années plus tard que ses parents se sont installés en France, tout d'abord comme des nomades sans domicile fixe, puis installés dans des baraques en bois près de Paris, dans ce qu'on appelait alors " la zone ". Matéo, dont le père chaudronnier, parlait mal le Français et dont la mère, diseuse de Bonne aventure était analphabète, n'avait aucune raison de devenir autre chose qu'un traîne savates inculte comme la plupalt des jeunes Roms de son époque. C'était sans compter sur son caractère curieux, avide, voire insatiable de connaissances. Tout petit, Matéo ne parlait pas beaucoup mais il obselïrait avec avidité ce qui se passait autour de lui. A cinq ans, il parlait déjà plu sieurs langues mais était incapable d'écrire, car personne n'était en mesure de le lui apprendre. Son père, qui savait malgré tout un peu lire et écrire, lui a tout d'abord appris à compter (c'est ~ C important pour le travail), puis lui a montré l'écriture des lettres de l'alphabet. C'est à peu près tout ce qu'il a comme apprentissage. Pour le reste, il se débrouille tout seul. Totalement autodidacte, il se nourrit de tout ce qui lui passe entre les mains : journaux, magazines, romans de bas étages et grands auteurs classiques. il C'est un dramatique fait divers qui, à l'âge de 21 ans le conduit à l'écriture. En Auvergne, deux fa milles s'affrontent violemment pour l'honneur d'une jeune fille. n y a de nombreux blessés et même des morts. Matéo, ainsi que d'autres membres du clan sont arrêtés et conduits en prison. En cellule, Matéo écrit une lettre à son avocat, un jeune stagiaire du nom de Jacques Isorni. Ce dernier, très surpris pa r l'aisance avec laquelle ce jeune Tsigane s'exprime par écrit, lui demande de raconter en quelques pages sa version des faits. Matéo s 'exécute et décri t les événements de cette nuit tragique. Maître Isorni, pressent alors qu' il se trouve devant un réel talent d'écrivain. Il l'encourage à écrire . Le procès se terminera par un non-lieu mais sa détention provisoire aura duré trois mois pendant lesquels Matéo éc rit son premier romans " Les Ursitory " qui ne sera publié que quelques années plus tard pour cause de guerre; nous sommes en 1938. Puis tout va très vite. Matéo, dès lors, ne cesse d'écrire : des romans bien sûr, mais aussi des articles pour la presse. Il devient conteur, journaliste, conférencier, cinéaste , et même pasteur de la , Mission Evangélique Tsigane ". Ses livres, tous publiés en français, sont traduits dans une vingtaine de langues. En 1986, son oeuvre littéraire est couronnée par la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres. Lui-même a fo ndé, en 1983, le Prix Romanès qui continue d'être décerné. Voilà comment le petit Rom misérable venu de l'Est est devenu le grand écrivain que l'on connaît. Alors, ne méprisons pas les plus humbles, ce sont peut-être de futurs grands hommes. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 Dossier Edito International Dossier Immigration Discrimination ' Education ' Kiosque Les R(r)oms, tziganes, manouches, gitans ... u ra Par Bernadene Hélier Un peuple ancien el divers Un détour par l'histoire s'impose pour compre ndre les enj e ux de la lutte présente contre le racisme dont est victime le peuple tzigane. L'article « Un peuple, une histoire » (D&L nO 376, janvier 1979), dû à la plume de François de Vaux de Foletier, ancien Directeur des archives de la Seine et de la ville de Paris, en est le fil conducteur. C'est par l'étude de leur langue, le " Cib Romani ", qu'il a été possible de situer en Inde/Pakistan leur point de dépalt (parenté avec le Sanskrit) puis de retracer leur long parcours migratoire. Dès le lOème siècle, Hamza d'Ispahan puis le poète Firdoussi content l'arrivée de nombreux Tsiganes " réputés bon musiciens et dédaigneux de l'agriculture ". Ces Tsiganes enrichissent leur langue au contact des peuples qu 'ils côtoient. Ainsi des mots d'origine arménienne et ossète, qui viennent s'ajouter aux mots d'origine indienne et iranienne, attestent de leur traversée de l'Arménie et du Caucase. Au 14" siècle, on mentionne leur présence dans l'empire byzantin, en particulier dans un port de l'ouest du Péloponnèse, Modob (actuelle Methioni), appelée " la petite Egypte " pour sa fertilité digne du delta du Nil. D'où l'appell ation d'Egyptiens (qui devient Egita nos / Gitanos en Espagne et Egyptians / Egypsies / Gipsies en Angleterre). Du mot grec qui les désigne - Atsinkani - dérivent Tsiganes / Zingari / Zigeunes / Zigenaar / Cingaros. Pour échapper aux guerres (et aux persécutions), les Tziganes paltent vers l'ouest 0 417-1419), traversent la Hongrie et l'Allemagne jusqu'à la Baltique et redescendent en Suisse puis en France (porteurs de lettres de protection du roi de Bohême, ils seront appelés a iè--- Il · .... il " Bohémiens "), vers la Bresse, la Bourgogne et la Provence, tandis que d'autres se dirigent vers les contrées du Haina ut, de Brabant, de Hollande et de Pica rdie. Par leur danse et leur musique, ils y suscitent d'abord curiosité et sympathie. Des " lettres papales " leur permettront de se poser en " pèlerins " et de se faire mieux accepter. Ils quittent les portes de Paris en 1427 pour l'Espagne (Aragon, Catalogne, Andalousie) où, contrairement à la légende, ils ne sont pas arrivés par l'Egypte et la côte africa ine: aucun mot arabe dans leur vocabulaire ! Au début du 16" siècle, ils sont au Portugal mais aussi en Ecosse, en Angleterre, au Danemark, à Stockholm et en Finlande. D'a utres groupes, venus cles pays balkaniques, montent en Pologne, vers les pays baltes, la Russie et la Sibérie, émerveillés par leur musique. Bientôt les populations sédentaires locales les accusent de vols mais aussi de crimes sortis de l'imaginaire collectif (vols d'enfants). Leur choix : se sédentariser ou de s'en aller. A travers l'Europe, les Bohémiens errants sont soumis à la peine des" galères ", au travail forcé et jusqu'à la peine de mort (décapitation et pendaison). En Hongrie, ils trouvent encore grâce par leur musique, le travail du métal, le maquignonnage. Les principautés roumaines de Moldavie et Valachie, en mal de main d'oeuvre servile, les réduisent en esclavage (jusqu' à l'édit de libération de 1856). Le point culminant de la persécution sera le génocide des Tziganes par les nazis (SAMUDARIPEN). Face au silence persistant sur un génocide" ignoré ", Leuléa Rouda, secrétaire général du Comité International Tzigane (D&L n° 333, 10/ 1074), lance une interrogation en forme de cri : " 500 000 Tziganes oubliés ? ". C'est à l'occasion du trentième anniversaire de la liquidation par les nazis du camp des Tziganes d'Auschwitz Birkenau, alors qu'une émouva nte cérémonie était organisée à Budapest, « à la mémoire du demi million de Tziganes, dont 28 000 de nationalité hongroise, disparus dans les chambres à gaz, les fours crématoires et les fosses communes ». les lendemains de la seconde guerre mondiale Un alticle du même Leuléa Rouda, " Les Gitans, ces parias " (D&L nO 290, 03-1970), retrace le cadre juridique de la présence tzigane en France . La loi du 16 juillet 1912 reste en vigueur, celle-là même qui avait instauré le ' carnet anthropométrique " individuel (sur lequel doivent notamment figurer hauteur de la taille, du buste, envergure, longueur et largeur de la tête, diamètre bi-zygomatique, longueur de l'oreille droite, des médius, de la coudée gauche, du pied gauche ... ). Ce dernier doit être visé (police, gendarmerie, mairie) à l'arrivée et au départ de chaque halte, si courte soit-elle. Il est complété par le " carnet familial ". A ces humiliations indignes s 'ajoutent l'absence complète d'aires de stationnement et les interdictions municipales de stationnement des nomades. « Différences " - lvlouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 19 20 Dossier Edito ' International Dossier Immigration Discrimination ' Education Kiosque Pour lutter contre cette loi indigne, avec le soutien résolu du MRAP, des associations (Comité International Tzigane, Association des Gitans et Tziganes de France ... ) voient le jour. Leurs efforts de sensibilisation de l'opinion publique ouvrent la voie à la loi du 3 janvier 1969, relative non aux " nomades « mais au « personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixes », dont l'entrée en vigueur sera retardée de plus d'un an (par la loi du 21 décembre 1969) et qui abolit le carnet anthropométrique au profit d' un " carnet de circulation " à faire viser seulement tous les mois, instaure le principe d'une commune de rattachement, ignore largement les conditions effectives du droit de vote et totalement le problème du stationnement qui affecte, en seule Région Parisienne, quelque 12000 Tziganes nomades. La critique est sévère. Mais la nouvelle loi est aussi le fruit des travaux d'une commission interministérielle, créée en 1948 pour présenter au gouvernement des propositions de nouvelle politique à l'égard des populations « d'origine nomade ". Son ancien président, M. Pierre loin-Lambert, conseiller d'Etat, contes te pour une part (D&L n° 294, 06-07/ 1970) la sévérité de l'article antérieur, soulignant plusieurs initiatives positives prises par les Institutions publiques depuis 1948 (dont la création à son initiative en 1949 d', Etudes Tsiganes " : www.etudestsiganes.assoJr) et conclut: " Beaucoup reste à faire" .. . « Les réalisations dépendront de l'état de l'opinion et en définitive des électeurs. Ce sont ces derniers, c'est la foule des français moyens et non le gouvernement qui, par leur crainte du voisinage des gens du voyage, par méconnaissance de leurs problèmes, rendent si difficiles la création de terrains de stationnement, notamment dans la région parisienne. La tâcbe essentielle qu'il faut poursuivre est de rallier l'opinion publique ... ». Matière à réflexion et action pour le mouvement anti-raciste ! le Mrap dans la lune contre le racisme Dans l'article « Tz iganes, Manoucbes, Gitans, Un même peuple » (D&L nO 298, 12/ 1970-01/ 1971) Vanko Rouda rappelle que sur les 12 millions de Roms de par le monde, 2 à 3 millions seulement sont concernés par une certa ine forme de nomadisme : en France, 50 000 tziganes nomades seulement sur une population de 200 000 personnes. Et déjà la chasse au nomade, les refus de service et d'accès aux viabilités ... Le refus d'adduction d'eau par le village alsacien de Kaltenhouse, le harcèlement policier délogeant une famille de Sinté ita-
- leslivals d1élé en
Charenle-Marili.e sous le signe de Ila.ilié enlre les peuples Quand on parie des !estivaIs d'été, on pense à ceux du Sud-Est (Avignan, Aix, Montpellier .•. ) ou, pour ce qui concerne le folklore, à Confolens en Charente ... Alors que de nombreux festivals ont lieu par ailleurs, par exemple en Charente Maritime chaque année en juillet. Francofolies : 20 ans, le bel âge Cette année les Francofolies de la Rochelle à la mi-juillet fêtaient leur 20- édition (compte-tenu de la 19- annulée pour cause d'intermittents en grève). Ce festival, entièrement consacré à la chanson francophone , accueillait sur la grande scène les québécois Isabelle Boulay, Natasha St Pier, Daniel Lavoie, conduits par Robert Charlebois, sous la houlette de Francis Cabre!. Sur la scène du Grand Théâtre de la Coursive, c'était au tour des belges Philippe Lafontaine, Jeff Bodart, Marka de se produire, introduits par Maurane. D'autres artistes montraient l'ouverture des Francofolies aux cultures du monde: le kabyle Karim Kacel, les rappeurs du groupe IAM, l'africain Passi pionnier du hard rock français, le sénégalais Tété, le rwandais Corneille, la franco-béninoise Mina Agossi ... Tous ces chanteurs francophones câtoyaient les « grosses pointures» de la chanson française, les anciens comme Higelin, Romain Didier, Alain Leprest, Thiéfaine, ou les plus jeunes Sansevérino, Benabar, Cali, Tryo, M ... sans oublier J.-J. Goidman qui animait une soirée d'hommage au créateur des Francos Jean-Louis Foulquier (où l'on a pu entendre Renaud, Souchon, Vou Izy, Patricia Kass...). Pour résumer, un grand cru 2004 ! liens de Bozano cinq fois dans une même journée, la violence d'un contrôle de gendarmerie à Vill iers les Nancy (D&L nO 346, 03.1976) défrayeront la chronique. Mais c'est l'article « Le dernier Voyage », par Jean-Louis SagotDuvauroux (D&L, W 366, 02/ 1978) qui met le plus justement en lumiè re la tragique interaction entre le racisme ordinaire et la manipulation qu'en a fait la presse locale (Val d'Oise Matin, à Pontoise) lors de la mort de Pierre Vasseur sous la balle d'un gendarme qui s'était senti , menacé ". « La version donnée par le gendarme et reprise dans la presse locale est très significative d'une affaire où le racisme est présent d'un bout à l'autre. On cbercbe à déconsidérer la victime, ce « voyou », et le milieu dans lequel il vit, quitte à réveiller les vieilles craintes, comme lorsque l'on affirme, en parlant du camp nomade,' « Les promeneurs solitaires sy font agresser, il n'est pas bon de fréquenter ces endroits en pleine nuit », alors que, renseignements pris, il n'en est rien. On p eut tuer un Algérien, comme Laïd Sebai; ou un Tzigane, comme Pierre Vasseur et compter ensuite sur une « comprébension » de la population pour le responsable, puisqu'au fond, ce n'était qu'un gitan! Et c'est aussi de ce racisme bien pratique (qu'on n'bésite pas à susciter J, que Pierre Vasseur est mort! » Mondiofolk, feslival à Monlguvon A l'autre bout du département, en Haute Saintonge, dans cette petite commune rurale de 1 500 habitants, a lieu depuis 1979 un festival international de folklore, entièrement dédié à la paix dans le monde, la dernière semaine de juillet. Pourquoi un « festival de la paix Il ? Marie-Laure Bouyat, présidente du festival, nous précise qu'en « suscitant des relations amicales entre groupes, des rencontres avec la population, les images que l'on a des autres pays sont plus humaines ; ce ne sont pas seulement des Etats mais des êtres de chair et de sang ». En prenant pour thème cette année « (un) possible monde Il, l'équipe du festival s'est voulu résolument optimiste et positive. Elle a invité pour cela une dizaine de troupes, dont les chinois de la province d'Anhui, les russes de la république des Maris au Daghestan, l'ensemble folklorique national du Guatemala, les italiens de Cori au coeur du Latium, les mariachis mexicain, et pour la première fois en France le groupe « la rose de Damas Il de Syrie. Le 3 novembre 1980 (D&L nO 398, février 1981), le MRAP organise à Montreuil le colloque « Tsiganes et Gens du Voyage dans la société française ». Il donnera naissance à la commission Tsiganes du MRAP et à certaines interrogations qui semblent garder une grande actualité
- Le mythe du ' Bohémien "
sert, pour la société sédentaire, à exorciser ses propres démons et, à la limite, le Tsigane n'a pas besoin d'être là pour être rejeté. Le phénomène de rejet est d'autant plus fort que l'on est plus proche et ressemblant de ceux que l'on rejette ... Matéo Maximoff, écrivain tzigane, concluait non sans humour quelque peu grinçant : « Vous nous reprocbez de vivre dans des bidonvilles. Nous préférons vivre dans un bidonville borizontal plutôt que vertical... ». Le journal « Différences » qui succéda à « DL », intégra dès ses premiers numéros ce combat dans sa ligne éditoriale avec la parution de nombreux articles notamment avec le numéro spécial rr Différences » de mars 2000 intitulé « Tsiganes peuples mosaïque ». (1) - • Tsigane " est l'orthographe retenue par les scientifiques. Mais · Tzigane " est préféré par les Tziganes eux-mêmes, dans la mesure su le " Z " rappelle les camps de concentration et le génocide à travers le mot allemand " Zigeune ' (pour Tsigane). L' intérêt majeur de ce festival est de voir l'ensemble de ces groupes se produire ensemble trois soirées, non seulement en dansant les uns à la suite des autres, mais dans une mise en scène où les transitions sont faites par les danseurs eux-mêmes, à l'aide d'un globe terrestre qui souligne le sort commun des peuples ici rassemblés. Une belle leçon d'espoir ... Feslival (( Cullures du monde dans l'Arc AUanlique )) Un autre festival de folklore a lieu en Saintonge en juillet. Boycotté par la mairie de Saintes, il offre la particularité d'éclater dans les communes environnantes, avec en particulier une vingtaine de concerts dans les églises de ces communes. Ici la dimension mondiale du folklore prend sa véritable dimension, en accueillant deux ensembles du Pacifique Sud (Iles Fidji, Wallis), des groupes d'Europe (Tchéquie, Russie). Serge Goldberg « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 Femmes d'Iran Par Sarvnaz Chilsaz (*) Le 15 août dernier, sous les yeux horrifiés des passants, Ategheh Sahaleh, une jeune fille de 16 ans était pendue en public dans la ville de Neka dans le nord de l'Iran. La nouvelle de ce crime innommable n'est parue dans aucun journal à l'étranger. Aucune campagne internationale n'a tenté de sauver cette enfant. Dans la parodie de procès de cette adolescente accusée de « corruption " pour avoir été arrêtée en compagnie de son petit ami, il n'y avait aucun avocat et les efforts de sa famille pour lui en trouver un n'ont pas abouti. Le International Edito International Dossier ' Immigration Discrimination Education 1 Kiosque Mise en scène de lapidation et de pendaison lors d'un rassemblement au Parvis des Droits de L'homme. président du « tribunal " des mollahs , a déclaré après l'exécution d'Ategheh qu 'elle ne méritait pas la mort, mais qu 'elle avait été exécutée pour son insolence. En effet, ayant assurée elle-même sa défense, Ategheh avait lancé au mollah qui offici ait comme juge, que « s'il était sérieux, il ferait mieux de s'occuper des auteurs de la corruption et non de s'en p rendre aux victimes ». C'est ça la justice des mollahs! Il s'agit d'un crime parmi les milliers d'autres que commettent les intégristes en Iran dans le silence le plus total de la communauté internationale, exactement ce que souhaitent les mollahs. L'Iran est le seul pays au monde dirigé par un régime intégriste islamique où la misogynie est appliquée de la pire manière dans la loi et dans la pratique. Mais l'Iran, ces derniers mois, a été le théâtre d'une nouvelle vague de répression de grande ampleur, particulièrement contre les femmes et les jeunes. Au cours des mois passés, des milliers de femmes considérées , mal-voilées " (c'est-à-dire ne répondant pas aux normes vestimentaires définies par la loi) à Téhéran et en province ont été arrêtées et condamnées à de lourdes amendes ou au fouet. D'après les agences de presse internationales, dans la première semaine du mois d'août, les agents des forces de sécurité ont interpellé 500 femmes sous ce prétexte dans la capitale et dans les villes de Semnan, Lahidjan et Racht dans le nord du pays. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 21 22 , " >: ~ ~ < ,," ~ ~ ~, International Edito ' International Dossier Immigration Discrimin3tion Education Kiosque La nouvelle vague de répression interdit d'écouter de la musique en voiture et procède à l'arrestation des filles et de garçons se trouvant dans un même véhicule, Un jeune de la ville de Behchahr dans le nord disait qu'après son arrestation, les agents lui ont donné dix coups de fouet dans le dos et 20 coups de câble sur la plante des pieds, de telle manière qu'il lui était ensuite impossible de marcher. D'après une dépêche de l'AFP du 12 juillet, cette violence n'a pas épargné les vendeurs de vêtements féminins et de nombreuses boutiques ont été la cible de descentes de police où vendeurs et clients ont été embarqués, Un autre aspect du régime intégriste est de pousser les femmes à la prostitution, Selon les chiffres officiels, la prostitution parmi les adolescentes iraniennes a atteint 635 % d'augmentation, D'après ces rapports, dans la seule ville de Téhéran, on compte 84 000 prostituées de tous âges. Ce qui est choquant, c'est que ce commerce est sorti des frontières et des milliers de femmes et de jeunes filles iraniennes sont vendues en esclavage sur le marché du sexe à l'étranger. Ces victimes sont principalement envoyées dans les pays arabes du Golfe persique. Les intégristes qui gouvernent au nom de l'islam et qui pendent des adolescentes de 16 ans dans la rue, sont les principaux organisateurs de ce commerce. Une autorité du régime déclarait au mois d'aoüt que « ces messieurs des forces de sécurité, de la justice et du ministère des renseignements doivent savoir, et certes je suis sûr qu'il le savent, que certaines bandes de corruption ont infiltré la République islamique sous prétexte de servir l'ordre en place. Dans le cas de la vente des jeunes filles et de l'envoi de ces gamines chez les cheikhs de Dubai; certains éléments qui ont un lien de parenté avec ces messieurs, pensent avec une assurance totale qu'aucun système ne les arrêtera et ils vendent les filles iraniennes pour 12 à 15 millions de tomans (12 à 15 000 euros) aux cheikhs arabes.)) La misère et le désespoir très répandus sont la cause de l'ampleur sans précédent du suicide des femmes en Iran, de telle manière que ce pays en détient le record mondial. Ce drame se déroule le plus souvent sous la forme d'immolation par le feu, et touche palticulièrement les jeunes femmes de 15 à 31 ans. Selon l'agence de presse officielle ISNA du 9 aoüt, les derniers chiffres officiels indiquent que le suicide des femmes dans les provinces de Kermanchah et d'Ilam en tant que régions les plus touchées par cette tragédie, a augmenté de plus de 30 et 37 % par rapport à 200l. Quand Khatami a accédé à la présidence il y a sept ans, beaucoup en occident et particulièrement en France pensaient qu'il s'agissait de ce Merlin l'en- Renée le Mignot intervenant pour le MRAP lors de ce rassemblement. Rassemblement en juillet dernier contre la barbarie du régime des mollahs à l'appel du CNRI auquel le MRAP s'est associé. chanteur que le monde attendait pour l'Iran, surtout en matière de droits des femmes. Mais la vérité veut que la situation des droits de l'homme et surtout des femmes, se soit gravement détériorée sous son mandat. Sous Khatami, 18 femmes ont été lapidées. Il a personnellement refusé l'adhésion de l'Iran à la convention contre toutes sortes de discriminations contre les femmes. Ses slogans réformateurs ont plus fait pour le commerce avec l'occident que pour la vie quotidienne des Iraniens. Cela fait plus de dix ans que l'occident cherche à amadouer les mollahs en feignant de ne pas voir leurs terribles violations des droits de l'homme et leur terrorisme. Pour choyer les mollahs et grossir ses intérêts économiques, la France n'a pas hésité à satisfaire la plus grande exigence de cette dictature religieuse, c'est-à-dire de lancer un raid policier contre les locaux du Conseil national de la résistance iranienne en banlieue parisienne le 17 juin 2003 (qui a soulevé l'indignation des organisations de défense des droits de l'homme en France parce que totalement injustifié comme le révèle la vacuité du dossier). L'Union européenne, elle aussi en mai 2002, devant les contrats juteux que faisait miroiter Téhéran n'a pas hésité à placer sur la liste du terrorisme l'organisation des Modjahedines du peuple d'Iran, la seule opposition capable de faire obstacle aux intégristes au pouvoir en Iran. Aujourd'hui, cette politique de complaisance s'avère clairement être un échec cuisant qui n'a abouti qu'à renforcer l'aile la plus anti-occidentale et la plus extrémiste de cette théocratie. Il est temps de changer cette politique. La communauté internationale a pour devoir de défendre les femmes en Iran. L'Union européenne, conformément à ses principes démocratiques, doit se tenir aux côtés des victimes de ce régime et non de leurs bourreaux. Elle doit parrainer une résolution condamnant les graves violations des droits de l'homme en Iran, particulièrement la dernière vague de répression dans la prochaine assemblée générale de l'ONU. (*) Présidente de la Commission des lem,mes du Conseil national de la Résistance iranienne " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 International Edito ' International Dossier ' Immigration: Discrimination Education : Ki osque Mumia Abu Jamal a Le 29 juin, la Cour d'Appel Fédérale de Troisième Circuit a levé le sursis à exécution dont bénéficiait Mumia depuis 2001. Cette décision est immédiatement intervenue après un retournement de jurisprudence, la Cour Suprême des États-Unis (arrêt du 24 juin par 5 voix contre 4) remettant en cause sa propre doctrine qui rendait inconstitutionnelle la sentence de mort lorsqu 'il y avait rétention ou défaut d'information des jurés, tant sur le niveau de la peine qu'ils pouvaient prononcer que sur les conditions de leur délibération. De nombreux magistrats ont vivement réagi en contestant cette décision qui a pour effet d'exposer à la mort Mumia et une trentaine d'autres détenus en Pennsylvanie. L'avocat de Mumia, Maître Robert Bryan, a commenté cet arrêt en ces termes
- « Aujourd'hui, l'affaire Mumia
s'emballe. Mumia est en proie à un danger extrêmement grave. Les trente dernières années durant lesquelles j'ai défendu des affaires de peine de mort, je n'ai encore jamais vu d'affaire reflétant si fortement l'envie du gouvernement d'exécuter mon client)). Il a annoncé qu'il ferait appel de ce jugement, rappelant par ailleurs que la justice fédérale et la Cour Suprême de Pennsylvanie n'étaient pas quittes pour autant car elles avaient été saisies de recours portant sur le non-respect des droits fondamentaux de Mumia, l'attitude raciste du Ministère public et les très nombreuses preuves de son innocence. Bien évidemment, si l'espoir demeure, la voie judiciaire est de plus en plus étroite pour Mumia. Plus que jamais, la reconnaissance de son innocence et sa libération dépendent de la mobilisation aux États-Unis et au plan international. A ce propos, la NAACP, une des plus importantes et des plus anciennes organisations américaines luttant contre toutes les formes de discrimination, vient pour la première fois d'apporter son soutien à Mumia lors de sa convention nationale qui s'est tenue en juillet à Philadelphie. La résolution adoptée dénonce le racisme dont les juridictions de l'État de Pennsylvanie font preuve à l'égard de la minorité noire (150 condamnés sur les 232 actuellement recensés dans le couloir de la mort), réaffirme l'exigence d'abolition de la peine capitale et se prononce en faveur d'un nouveau procès pour Mumia. Dans le contexte difficile décrit cidessus, cette prise de position est un renfort de taille. Un autre événement devrait contribuer à élargir plus encore le soutien et la mobilisation en faveur de Mumia, c'est le 2e Congrès Mondial contre la peine de mort qui se tiendra début octobre à Montréal. Le congrès de Montréal fera-t-il de Mumia le symbole du combat universel pour l'abolition de la peine capitale? Tel est en tout cas le souhait du collectif Unitaire National de soutien à Mumia Abu Jamal dont le MRAP est un élément moteur. La participation et l'intervention du collectif à ce congrès sont désormais choses acquises auprès des organisateurs. Le MRAP sera également représenté à ce Congrès par Maya Vigier. " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 23 24 International Edito . International Dossier ' Immigration Discrimination ' Education ' Kiosque La tragédie du Darfour Par la commission Afrique duMRAP En réponse à la création de deux groupes d'opposition armés en février et avril 2000, le Mouvement pour la Justice et l'Egalité (JEM) et l'Armée de Libération du Soudan (SLA), le gouvernement soudanais a fait appel à des milices nomades pour attaquer les villages de groupes ethniques sédentaires du Darfour (Soudan occiden ta 1). Ces deux organisations exigeaient que le Darfour cessé d'être marginalisé et estimaient que cette zone avait été tenue à l'écart des accords de paix de 2002 entre le Nord et le Sud du Soudan . Ces accords signés au Kenya portaient sur les futurs partages du pouvoir et des richesses du pays. Le gouvernement actuel du Président Omar Hassan Ahmad el Béchir est arrivé au pouvoir à la suite d'un coup d'état militaire soutenu par le Front national islamique d'Hassan el Tourabi en 1989. Hassan el Tourabi, ancien porte parole du gouverneme nt, a été limogé en 1999 et a créé son propre parti : le Congrès populaire, une formation rivale du parti au pouvoir, le Congrès national. Accusé de soutenir le JEM, Hassan el Tourabi a été arrêté en février 2004 et est détenu au secret. Le s milices arabes (le te rme " arabe " désigne les populations dont l'arabe est la langue principale par opposition aux populations dites " noires" qui appartiennent aux ethnies Four, Massalit et Agawa) Janjawids (de djin, démon et jawad, cheval) , armées et soutenues par le gouvernement soudanais, continuent de massacrer les popula tions noires des trois provinces occidentales du Darfour et de détruire leurs moyens d'existence : près de 50 000 morts depuis le début des offensives gouvernementales de l'été 2003, un millio n de personnes déplacées qui tentent de survivre dans des conditions effroyables, des centaines de villages rasés, les animaux d'élevage volés ou tués. Les enquêtes menées par Amnesty international indiquent que le viol et les violences contre les femmes sont de véritables armes de guerre utilisées pour humilier, punir, terroriser et pousser les populations à s'enfuir. Témoignages recueillis par Amnesty International : - « une jeune fille de 17 ans a été violée par 6 hommes devant sa mère et son frère sur le pas de sa maison, puis ils ont ligoté son frère et l'ont jeté dans les flammes » (témoignage de H. un homme four de 35 ans originaire de Mukjar) - « les janjawids sont arrivés à 8 heures du matin " une quinzaine de femmes et de filles ont été violées dans différentes huttes du village. Ils ont cassé les bras et les jambes de cm"taines d'entre elles pour les empêcher de s'enfuù" » (Témoignage de N. trente ans originaire de Um Baru) A l'occasion d'attaques, des femmes et des jeunes filles (souvent des enfants) sont enlevées et contraintes de rester avec les miliciens • dans les camps militaires où elles deviennent des esclaves sexuelles. L'UNICEF fait état de viols collectifs notamment du viol par 14 miliciens de 41 enseignants et élèves filles à Tawila. Ces actes ont de graves conséquences médicales, psychologiques, mais aussi sociales et économiques. Il s'agit de crimes de guerre dont le gouvernement soudanais se rend complice. L'article 3 de la Convention de Genève prévoit la protection des " personnes qui ne prennent pas part aux hostilités ". Il s'applique "aux conflits qui n'ont pas un caractère international et à chaque partie du conflit,. Les déplacements forcés constituent, eux, un crime contre l'humanité en vertu de l'article 7 du statut de Rome. Les Janjawids continuent de rôder autour des camps; après avoir chassé les populations noires de leurs villages et de leurs terres ; ils violent, kidnappent, rançonnent ou assassinent tous ceux qui tentent de sortir des camps pour chercher du bois ou de la nourriture. Malgré les nombreuses promesses, le gouvernement soudanais ne fait rien pour les désarmer ; aucun membre des Janjawids n'a été arrêté ou traduit en justice pour homicide. L'aviation soudanaise a bombardé de façon aveugle des villes et des villages. Ces bombardements consistent à laisser tomber des boites remplies d'éclats de métal. Des civils réfugiés au Tchad parlent d'hélicoptères militaires volant à basse altitude et mitraillant les villages. Le conflit risque de gagner le Tchad car les Janjawids effectuent des raids transfrontaliers ; au cours de ces raids plus de 100 civils tchadiens auraient été tués. Alors que les organisations non gouvernementales des droits de l'homme lancent depuis des mois des cris d'alarme, la Communauté inte rnationale se contente de protestations de principe. Malgré les visites de Kofi Annan ou de Renaud Muselier et les remontrances de Colin Powell, les autorités soudanaises continuent de dissimuler leur complicité avec les milices ainsi que l'ampleur de la crise. Cette inertie s'inscrit dans la volonté de ménager un régime, qui s'est spectaculairement rapproché de la logique anti-terroriste développée depuis 2001. L'indulgence du gouvernement français vise en fait à préserver une alliance inavouée, débutée dans les années 1990. En réalité n'est ce pas une fois de plus les intérêts des compagnies pétroliè res qui prônent ? Le Soudan commence à exploiter des gisements prometteurs ! La carte du ministère soudanais de l'énergie indique l'existence d'une zone de 320 000 m2 , englobant presque tout le Darfour dont les données géologiques semblent prouver un potentiel pétrolier important. Le 30 juillet, le Conseil de sécurité a voté une résolution donnant 30 jours à Khartoum pour désarmer les Djandjawids, traduire en justice leurs responsables et faciliter le travail des organisations humanitaires sous peine de mesures de rétorsion. Cette résolution montre que le monde prête enfin attention à la tragédie du Darfour mais les recommandations concernant les droits de l'Homme réclamées par les ONG, notamment par Amnesty international, n'ont pas été pris en compte. Selon le communiqué d'Amnesty « aucune des mesures urgentes essentielles pour remédier à fa situation dramatique des dvils n'a été adoptée ». Avec la saison des « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 pluies, le pire pour les populations civiles risquent de venir. Des centaines de milliers de personnes sont menacées de mort. D'autant p lus qu'un no uveau " plan d'action " agréé par l'ONU, propose la création de " zones de sécurité " pour les populations en danger, mais que deviendront les civils situés hors de ces zones alors que les milices continuent leurs exactions? Loin d'être désar- International Edito 1 International 1 Dossier 1 Immigration 1 Discrim ination 1 Education : Kiosque mées, elles sont incorporées dans les unités de police soudanaises ou dans les" forces populaires de défense " qui seront chargées de la protection des zones dites de sécurité! Le MRAP demande aux Nations Unies de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit mis fin aux exactions des Janjawids, pour assurer la protection et le retour dans leurs villages en toute sécurité des populations déplacées. Il demande au gouvernement soudanais de trouver une solution politique à la crise dans le respect des droits des populations du Darfour. Il exige que soit mis fin à l'impunité actuelle et demande que les responsables des milices et de l'armée soudanaise qui se sont rendus coupables de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité soient trdduits et jugés par la Cour Pénale Internationale. Le 18 septembre, la commission Afrique organise au siège national une journée de solidarité " 7 heures pour l'Afrique " de 10 à 17 heures, le Darfour sera avec le Rwanda, le Burundi et la Mauritanie au coeur de cette journée. (les éléments de cet article ont été tirés des dossiers produits pm" Amnesty International et Suroie) Philippe Ogouz accompagné par Marian Courcel à l'accordéon jouent· D'après les livres de Maurice Rajsfus, adaptation de Philippe Ogouz -Musique de Marian Cource/- Mise en scène de Frédéric de Rougemont et Philippe Ogouz - Avec le soutien de la Ligue des Droits de l'Homme et du MRAP. Pour 60 représentations A partir du Mardi 7 Septembre 2004 reprise du spectacle " la rafle du Vel d'Hiv ' au Théâtre des Mathurins petite salle à 19 heures tous les jours sauf le lundi. Adresse Théâtre des Mathurins, 36, rue des Mathurins, Paris 8e - Métro HavreCaumartin. Réservations Location : 01 42 65 00 00 Récit Un récit ludique, un travail de mémoire. La journée hallucinante du " 16 juillet 1942 ' à travers les yeux d'un adolescent de 14 ans. " 1942 ", c'est l'année te rrible, l'année de la perte de toutes les valeurs. Maurice a 14 ans, quand la Police Française vient l'arrêter, lui, son père, sa mère, et sa soeur, au petit matin à Vincennes. La Police Française est sous les ordres de René Bousquet, Jean Leguay, Louis Darquier dit de Pellepoix, le commissaire François, André Tullard , sinistres collabos. Aidée par la Ge ndarme rie, la Garde Mobile, la Police Judiciaire, les Renseignements généraux, les Agents de la voie publique, des voyous d'extrême droite, 7 000 hommes, tous Français, pas un soldat Allemand pour frapp er aux portes , vont coll aborer à l'opération " Vent printanier ", la plus grande opération de Police, la plus grande rafle que Paris ait connue depuis la Saint-Barthélemy. Ils ont été raflés et embarqués au Vélodrome d'Hiver : 12 000 Juifs Apatrides dont plus de 4 000 enfants de 2 à 12 ans. Huit semaines plus tard il ne restera rien de ces enfants. Rien. De la cendre en Pologne. Les trois livres de Maurice Rajsfus dont je me suis inspiré sont les preuves irréfutables de ce que j'ai écrit. J'ai adapté ce récit au moment où les Négationnistes et les Antisémites ressurgissent en France et en ,Europe, niant l'Holocauste. Philippe Ogouz Philippe Ogouz « Mes parents ont été assassinés ! j'ai souffert et je souffre encore d'une blessure qui ne se refermera jamais. La répression raciale a fait de nous des orphelins à perpétuité. N'avoir pas vu vieillir nos parents a dû bloquer notre propre vieillissement ». Maurice Rajsfus Une représentation spéciale, suivie d'un débat avec Pbilippe Ogouz, sera organisée par le lvIRAP. La date et le prix vous serons communiqués à l'accueil. Il peut, à la demande, être organisées des représentations pour les collèges et lycées (une séance peut être mise en place à condition d'avoir 80 spectateurs). Si vous êtes il1téressé(e)s, contacter Renée le Mignot. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - no 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 25 26 International Edito International Dossier ' Immigration ; Discrimination Ed ucation 1 Kiosque Par Predrag Matveievitch (*) Il a toujours été l'orgueil de la ville, ce Vieux Pont, tant que la ville de Mostar elle-même existait et ne fut pas partagée en deux. Nous étions si longtemps sans lui et sans elle. Nous n'avions plus de quoi nous enorgueillir. Etait-il réellement détruit, notre pont, et comment aurait-il pu l'être? Cette question hantait la plupart des Mostariens. Ce cauchemar les a poursuivis depuis le 9 novembre 1993, date où les grenades l'avaient fait s'écrouler. Nous ne cessions cependant pas de le voir les yeux fermés, ou de le sentir sans le voir. " Il est là et restera ", affirmions-nous contre toute évidence. Son absence n'était pour nous que provisoire et apparente, voire irréelle. Nous profitions de toute occasion pour parler de sa beauté, de l'audace de son architecture, de la blancheur de la pierre dans laquelle il était taillé, de l'image qu'offrait son arc le jour ou la nuit, sous la lumière du soleil si forte dans ces contrées calcaires et les clairs de lune si discrets. Il fut érigé sous l'empire ottoman, en 1566 selon le calendrier chrétien, l'an 944 d'après l'Hégire, par le maître d'oeuvre nommé Hayrredin, élève du grand bâtisseur Sinan, au temps de Soliman le Magnifique. Il a donné son nom à la ville de Mostar : Most signifie dans toutes les langues slaves le pont. Nous l'appelions" le vieux" tout simplement, comme on fait d'un compagnon ou d'un père. On se donnait rendez-vous " sur le vieux ", on se baignait" sous le vieux ", les plus téméraires d'entre nous sautaient" du haut du vieux ", dans la Neretva, " l'eau la plus verte du monde". Cette rivière cci Le pont de Mostar avant sa destruction dans les combats de 1993 en ex· Yougoslavie. Reconstruit à l'identique et inauguré en juillet 2004, il symbolise un espoir d'apaise' ment entre communautés, Est musulman et Ouest catholique de part et d'autre de la rivière (photographie: M.-B. Demeure). nous paraissait vraiment la plus pure de toutes les eaux. Ses rivages sont bordés de rochers hauts et abrupts, auxquels les habitants donnaient des noms propres et des surnoms familiers : la " Verdoyante " à laquelle s'agrippent le figuier sauvage et l'églantier, la " Creuse" qui dissimule un remous dangereux (dit le " Couvercle ,,), le grand et le petit" Faucon" près de l'embouchure d'un modeste affluent appelé Radobolia ; à côté de lui se trouvait le " Chef ", qui ressemblait au môle d'un petit port méditerranéen et, en face de lui, le « Douradzik " (palier ou plateau en turc) où les plus jeunes s'exerçaient avant d'oser « se jeter du haut du vieux ", parfois « tête la première ", « en guise d'hirondelle ". Les mouettes, venant de la mer proche, se posaient sur ces rochers ainsi que sur le pont lui-même. La mer Adriatique est toute proche. Les pires invasions et les guerres les plus sanglantes, et même les tremblements de terre si fréquents au sein de la péninsule balkanique, l'ont épargné pendant plus de quatre siècles. Les « Serbes" ont commencé à pilonner le pont de Mostar, les " Croates" ont achevé le Vieux Pont. Je mets leurs noms entre guillemets afin de distinguer ces « talibans chrétiens" qui visaient à travers cette oeuvre d'art l'héritage islamique, comme si l'art lui-même appartenait seulement à une religion : je tiens à différencier ainsi ces barbares des autres Croates et Serbes qui partageaient nos pleurs, et notre honte aussi. Lorsqu'un pont s'écroule, il en reste le plus souvent, d'un côté ou de l'autre, une sorte de moignon. Il nous semblait d'abord qu'il s'était effondré tout entier sans rien laisser, en emportant avec lui une partie des rochers qui l'entouraient, des tours de pierre - " la Hercégoucha " et « la Halabinovka " - qui veillaient sur lui, des mottes de la terre d'Herzégovine qui enveloppaient ces supports. Nous vîmes plus tard, des deux côtés, des cicatrices, vives et saignantes. Ce pont ne fut pas un simple monument. Sa présence était aussi symbolique que réelle. Il ne reliait pas seulement les deux rivages : l'Orient et l'Occident s'étaient donné la main sur le haut de son arc. Il a pu être abattu, mais non pas aboli. Nous avons continué de le regarder en nousmêmes lorsque nous ne pouvions plus le voir. Nous ne voulions pas laisser voir aux autres combien nous le plaignions. Les premières tentatives de sa reconstruction ne furent pas heureuses. Le travail commença à plus d'une reprise, chaque fois à nouveau, s'arrêtant toujours aux préparatifs. Est-ce peut-être parce que nous-mêmes n'étions pas rassemblés autour de lui ou suffisamment réunis? Diverses équipes étrangères essayèrent d'affronter la besogne : Hongrois, Turcs, Français, Italiens et autres. Un hasard heureux m'a mis en contact avec un bâtisseur des ponts nommé Gilles Péqueux (qui avait construit 14 ponts détruits dans la zone). Il a retrouvé les carrières oubliées près du lit de la Neretva et a étudié les vieux métiers des tailleurs de pierre. C'est dans ces mêmes endroits que ces derniers avaient creusé de gros blocs de rocher pour en faire les sarcophages antiques des nécropoles voisines de Mogoriélo ou les vieux stétchaks tombaux de Radimlié, où reposent nos hérétiques bogomiles, frères lointains des Albigeois. Le travail final a été confié, peutêtre symboliquement aussi, aux constructeurs turcs. Les deux bouts du pont brisés se sont récemment joints et touchent l'un l'autre. On peut déjà traverser le fleuve marchant sur les plaques d'une pierre particulièrement blanche et luisante. Reste à reconstruire les alentours du pont, qui furent également détruits et dégradés. Mais la fin de l'entreprise est proche. Ce sera une oeuvre de la solidarité humaine, opposée à la violence et à la haine, un lien entre l'Europe centrale et les Balkans, l'Orient et l'Occident. Un vrai pont - un Pont vrai. (') - Predrag Matvejevitch, écrivain exyougoslave d'origine croate et russe, professeur à l'Université la · Sapienza " de Rome, est né en Bosnie-berzégovine, tout près du vieux pont à Mostar Il est l'auteur du • Bréviaire Méditerranéen ", du • Monde ex" (éd. Fayard) et d'autres ouvrages traduits en français et en plusieurs autres langues . • L'autre Venise .(éd.Fayard) a été couronné, en Italie, par le prestigieux prix Strega européen 2003. A 1I0ter: Predrag Matvejeuic et Moulou.d AOl/nit p({/1iciperol1t, les 20 et 21nouembre 2004, à 1111 colloque orgal1isé à Marseille par Les Rel/contres de la Cité.- • Un an après, Laïcité et Citoyenneté dans la République .- où en SOIl1 mes-nous? '. " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié cIes peuples - n". 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 Education Edita International : Dossier ! Immigration : Discrim ination : Education i Kiosque Eduquer contre le racisme dès le plus jeune âge ces questionnements pour amorcer, puis approfondir un travail de sensibilisation (à l'aide parfois de quelques panneaux de l'exposition " La terre est ma couleur ,,). J'ai ainsi tenté de faire découvrir à chaque enfant l'intérêt qu'il a à ouvrir " grand sa fenêtre ", à être curieux du monde et des gens tous différents qui l'entourent, à quel point le rejet des autres (le terme" racisme" est plutôt utilisé vers la fin du projet) est stupide et appauvrit individuellement et collectivement (un petit jeu illustre d'ailleurs cette idée). Les 3 contes, les réalisations en arts plastiques et le travail avec le MRAP sont présentés aux parents et en public (plus de 200 personnes chaque année) à l'occasion de la semaine contre le racisme coordonnée en mars par la municipalité de Grenoble. La conteuse, Véronique, utilise alors tout son talent pour mettre en valeur le travail de qualité réalisé par les enfants. Ual Par Havier Saliaris Organiser et mener à terme un projet d'éducation contre le racisme avec des enfants de 6 ou 7 ans (classes de CP et CEl), voire de 5 ans (grande section de matemelle),n'est pas chose aisée. Cela doit pourtant être une priorité dans les actions d'éducation et de sensibilisation. A cet âge, nous avons encore la possibilité d'agir sur les représentations des enfants, les incitant à s'ouvrir à l'Autre, à tous ceux qui leur sont différents. C'est le pari que nous avons soutenu à Grenoble deux années de suite. Le projet est né d'une rencontre entre le MRAP de Grenoble et une conteuse professionnelle, Véronique Pédréro (<< Poussières d'Histoires ,,) (l). Ensemble, nous avons pensé associer un travail de réflexion et de création par des enfants de classes primaires (et maternelles) autour du thème de la différence, de la richesse qu'elle représente, sans pour autant évoquer directement la notion de racisme (cela doit dépendre du niveau des classes et du contexte dans lequel vivent les Message de Didier DAENINCKX avec l'aimable autorisation des SEGPA du collège B.-Bosco à VitroUes (13). Le 19 mai 2004 Chers Abderrabim, Audrey, Florence, Anne-Sophie, Mickaël DSN, Flora, Bilel, Dalila, Fethi, Belgaouti, Julien, Nicolas, Kévin, Damien, Christopher, Pascal, Sébastien, Charles, Matbieu, Christopbe, Jean-Christophe, Aurélie, Mickaël, Modesty, Marc et Michel, j'ai bien reçu votre lettre, mais elle ne rentrait pas dans la boite, ni sur le po/te bagages dufacteur: il a fallu qu'il prenne une fourgonnette! j'avais l'impression de recevoir une suiprise géante. Mais le cadeau le plus beau,' c'est tout ce que vous m'avez écrit. J'y suis très sensible: mille fois merci. Voilà mes réponses à vos questions 1) j'ai écrit ce texte en 2002, pour le soixantième anniversaire des rafles du printemps 1942, quand des milliers d'enfants juifs disparaissaient des écoles, que leur place restait vide dans la classe et que leurs copains ne savaient pas ce qu'ils étaient devenus. En 2003, j'ai écrit la suite " Un violon dans la nuit" et au mois de septembre il y aura la fin, sur les 60 ans de la Résistance et de la Libération. rlilssii à 818J1111Jo enfants). En résumé (avant d'en préciser les modalités), les enfants ont eu pour tâche la rédaction de contes qui exprimaient, au départ, les difficultés à vivre les différences pour conclure sur des bonheurs partagés. La réalisation de ce projet, tel que nous l'avons conçu, nécessite la participation de trois classes car chacune d'elles invente 1/3 des contes, puis passe à la classe suivante qui, à son tour, rédige le 1/3 suivant avant de passer à la demière classe qui termine l'histoire (le 1/3 restant). Ainsi, chaque classe aura rédigé 1/3 de chacun des 3 contes. La première année (2002-2003), nous avons impliqué 6 classes (3 sur Grenoble, 3 sur Jarrie et Vizille, à proximité de Grenoble). La deuxième année (2003-2004), nous avons privilégié les 3 classes de Grenoble (mêmes instituteurs que l'année précédente, des écoles Elisée Chatin et Ferdinand Buisson). Le travail de création de la part des enfants ne s'est pas limité à la rédaction des contes. Parallèlement, avec l'aide d'une intervenante professionnelle en arts plastiques (Amandine Guillet), les enfants ont illustré 2) Pef aVait 10 ans au moment des rafles. JL habitait IR Sud de la France et se souvient des combats aériens, des parachutistes sur lesquels les soldats nazis tiraient. C'est lui le petit garçon, sur la couverlure. 3) Pierre Marie a vraiment existé. Mais c'était un bomme très modeste, très discret: il ne s'est jamais mis en vedette. L'Etat d'Israël a décidé, après sa mM, de l'élever à la dignité de" Juste" pour les vies qu'il a sauvées. 4) A par Pien'e Marie, j'ai inventé tous les personnages des trois histoires, mais le frère de mon grand-père a été fusillé à Dugny, près de Paris, car il était résistant. Une nie pO/te son nom. 5) Dans les trois histoires, Alexandra, par ses questions, oblige les grands-parents à dire les secrets familiaux sur la 2ème guerre, des secrets qu'ils n'ont pas osé dire à leurs propres enfants. C'est souvent comme ça dans la vie: une fille, un fils, 17 'ose pas poser de questions" dérangeantes " à ses parents, mais il écoute les confidences des anciens. Cette petite pbrase qui me trotte dans la tête en terminant: " Un livre pour vivre libre" , Les mots aussi ont des secrets de famille. Amitié à tous leurs contes à partir de techniques diverses (marionnettes inanimées, kamishibaï et spirale murale garnie des mains des enfants l'an dernier, fresques sur tissus, travail sur les contraires, construction de visages de toutes formes et toutes couleurs par la technique des windows color cette année). Enfin, cette année, les contes ont été accompagnés de chansons inventées par les enfants à partir d'airs populaires et ce grâce aux compétences des intervenantes en musique des deux écoles. Je n'oublierai pas le rôle important joué par la MJC Capuche (du secteur de la ville dont dépendent les écoles) qui a grandement participé à la coordination de l'action. Dès septembre, au démarrage du projet, et après avoir rencontré les enfants pour leur dire nos attentes, j'ai mis à la disposition des instituteurs du matériel (l'affiche « ouvre grand ta fenêtre" et celle avec la main colorée " tous pas pareils et tous égaux ,,). De ces affiches, les enfants ont extrait des idées, des remarques, des questions dont ils nous ont fait part et qui ont fourni les premiers matériaux de leurs histoires. Je me suis ensuite saisi de « Un violon dans la nuit" Didier Daeninckx, (Histoire d'Histoire). Après ses grands parents, c'est sa vieille tante Esther qu'Alexandra réussit à faire enfm parler. Son premier violon brisé dans un wagon, un numéro tatoué, l'horreur des camps ... et la force vitale de la musique. Alexandra comprend peu à peu le silence lourd qui pesait sur l'histoire de sa famille, l'histoire de son pays. Cette action a été financièrement soutenue jusqu'à présent par l'Inspection académique. Malheureusement, cette subvention ne sera pas renouvelée. Nous espérons malgré cela vous faire part l'an prochain de la naissance de nouvelles histoires inventées par des enfants qui auront compris combien il est bon d'ouvrir " grand sa fenêtre ". (1) Pour en savoir plus et lire les contes, consultez le site http://ueroniquepedrerofi'eefr «n faut désobéir" c'est la première fois que le grand-père d'Alexandra parle des douleurs de sa propre enfance : les Nazis, l'étoile jaune, les rafles .... et ce policier de Nancy qui a osé désobéir aux autorités de Vichy. Pour lui sauver la vie. Après ({ Il faut désobéir» sur Vichy, « Un violon dans la nuit »qui parlait aux enfants des camps, « Viva la liberté! » raconte la Résistance. « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié cIes peuples - n" 252 - Octobre-Novembre-Décembre 2004 27 28 Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Education à la citoyenneté contre le racisme Exposition des des Par MonIQue t8lOuChe L'éducation contre le racisme se pratique toute J'année avec un temps fort, la SECR (semaine d'éducation contre le racisme) en mars. La journ(-e du 5 juin 2004 fut riche d'échanges d'expériences et de convivialité, mais également de réflexion. 62 comités locaux ont participé à l'expo (plus de 40 panneaux). Le nombre de visiteur.; fut imponant (une centaine dans la journée). Des représentants nationaux du SNES, de la FSU, de la Ligue de l'Enseignement, ainsi que le collectif . agir contre les discri· minations à l'école " J'AFPS et • les molS sont importants . étaient venus dialoguer et réfléchir avec nous . Des prolongements sont d'ores et déjà prévus . Outre les travaux des comités locaux, on pouvait également apprécier la belle exposition des élèves des Beaux Arts de Metz sur le racisme ainsi que celle sur l'histoire de lïmmigration au XX" siècle, prêtées au MRAP. Des livres sur l'Ecole et pour les jeunes étaient également exposés. la salle vidéo fut très fréquentée avec son expo et ses disru:;:;ions sur les gdv (gens du voyage) et les Rroms. Des points débats étaient proposés. Ils ont porté sur de \Tdies questions, notamment la manière d'aborder le racisme il l'école, nt r le comment il faut nuancer, que seuls les rJpprochemcnts et le dialogue constituent une issue. Puis la discussion s'est installée sur l"cxemple des discriminations racbtes il J'école; les problèmes de scolarisation des enfants des gens du voyage furent notamment évCX)ués. En fait, celle discrimination, y compris à l'université, très souvent sodale et liée aux ghettos, est difficile il combattre car indirecte, sy~lématique. C'est ensemble que nous pourrons fa ire progresser le droit il l'éducation pour tous. e tOi "nt R ci s ~ t. ••. c. • • Différences . _ Mouve ment contre le racisme et pour ("amitié des peuptes - n' 252 - Octobre-No\"embre-lX'"Cembre 2004
Notes
<references />