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Sommaire du numéro
n°233 de octobre 2001
- Mouvement: les pièges du terrorisme par Mouloud Aounit
- Congrès national du MRAP les 17 et 18 novembre
- Rapport d'activité de 1998 à 2001
- Antiracisme
- La lutte contre l'extrême-droite
- La lutte contre l'antisémitisme et le néonazisme
- L'immigration et le droit d'asile
- L'activité internationale
- Développement et communication
- Thème1: racisme, antiracisme évolution en France et en Europe, quelle strtégie pour le MRAP
- Thème 2: liberté de circulation, liberté d'installation. Pistes pour un débat
- Thème 3: réflexin sur la mondialisation
- Thème 3: l'amitié entre les peuples à l'heure de la mondialisation texte de J.J. Kirkyacharian
- Thème 4: quels outils
- Actualités: attentats aux Etats-Unis: dommages collatéraux par C.. Benabdessadok
- Déclaration du conseil national du MRAP (attentats du 11 septembre)
Numéro au format PDF
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Texte brut du numéro
'Différences Movvem9f1t Ct:lI1lre le racisme el pour l'amitié entre les peuples Octobre 2001 - W 233 1 Congrès national 1 du Mrap 17 et 18 noveDlbre à Bobigny Dossier pages 3 à 26 Documents préparatoires Lire aussi dans ce numéro Les pièges du terrorisme p. 2 Dommages collatéraux p. 27 Déclaration du Conseil national p. 28 Le mois de la citoyenneté de résidence p. 26 Mouvement Les pièges du terror A l'heure où nous mettons ce numéro sous presse, toutes les hypothèses sont émises quant à la nature de la riposte américaine aux attentats terroristes du Il septembre, qui ont plongé le peuple étasunien et l'ensemble du monde dans la stupeur et l'inquiétude. Mouloud Aounit parle ici des pièges tendus par les auteurs de ces actes spectaculaires et sanglants. Lire également nos informations (page 27> et la Déclaration du Conseil national du M rap (page 28>' CE qui s'est produit ce mardi noir du 11 septembre 2001 relève de l'horreur, de l'innommable. Les images glaçantes de ces oiseaux d'acier, conduits par des hommes-bombes, qui embrasent les deux tours symboles de New York, ne peuvent provoquer que nausée et dégoût. En ce jour où l'humanité a basculé une fois de plus dans la barbarie, le recueillement s'adressait à la douleur des New-Yorkais d'abord, mais aussi à la souffrance des Palestiniens, à l'agonie des enfants irakiens, au deuil des familles des 100 000 Algériens égorgés par les affidés de Ben Laden, à l'angoisse des citoyens israéliens ainsi qu'à la souffrance des victimes de tous les terrorismes et de toutes les guerres atroces qui se déroulent dans l'indifférence de l'Occident. Les premières réactions, quant aux réponses à ce carnage criminel n'augurent rien de bon. Aussi, grande est la crainte de voir les fumées qui montent des tours jumelles de Manhattan obscurcir un monde inquiétant. Ces fabricants de mort nous défient. Le bilan de leurs opérations spectaculaires, les symboles qu' ils ont pu ébranler, l'effroi généré en stupéfiant le monde, ont permis à ces monstres d'emporter la première victoire d'un jeu mortellement machiavélique. Gagneront- ils la bataille? La réponse tiendra à notre capacité à déjouer les pièges que ces fondamentalistes tendent à 1 'humanité toute entière. Le premier piège tendu c'est d'abord, en réveillant les vieux démons du racisme antimusulman, de dresser au coeur des pays occidentaux les différentes populations entre elles et anéantir de la sorte les efforts de fraternité humaine et d'intégration. Aux EtatsUnis, trois Arabes ont été chassés par les passagers d'un avion qui assurait une liaison entre Mineapolis et Salt Lake City tandis que des dizaines d'agressions à l'encontre de femmes portant le voile ont été signalées. Des mos- 2 Différences n° 233 Octobre 2001 quées ont été criblées de balles. Des sacs remplis de sang de porc ont été déposés devant des centres islamiques à San Francisco. En Allemagne, en Grande-Bretagne, au Canada, des incidents racistes contre la population musulmane se sont multipliés. En France, nombre d'immigrés et de Français issus de l'immigration maghrébine, redoutent une résurgence du racisme. L'inquiétude est aussi perceptible dans la population juive, où des alertes à la bombe devant des synagogues, des graffiti antisémites, suscitent peurs et angoisses. Acte certes isolé et irresponsable, le maire de Saint-Preux dans le Vald'Oise ose refuser la délivrance des certificats d'accueil « aux ressortissants des pays régulièrement cités dans les affaires de terrorisme ». Dans ce climat, chacun retient son souffle. Deuxième piège tendu: entraîner le monde dans une escalade guerrière meurtrière; et pousser l'Occident à la faute, en déposant les armes de la justice et du droit, pour prendre celles de la barbarie, de la vengeance et de la haine, à l'instar des déclarations irresponsables et dangereuses de Sylvio Berlusconi. A cet égard, les mots utilisés pour ces opérations sont effrayants. On parle de guerre « longue, coûteuse, invisible », guerre du« bien » contre le« mal ». Le mot « croisade» est jeté à la face du monde, un terme pourtant trop chargé d'histoire, qui désigne à la vindicte publique l'ennemi d'hier et d'aujourd'hui : le monde arabo-musulman. Que faire? ne jamais oublier que la meilleure défense contre le terrorisme n'est pas la guerre, mais la justice et le droit. La pire des solutions serait de faire payer la mort des innocents de Manhattan par d'autres vies innocentes, qu'elles soient afghanes, irakiennes, ou d'ailleurs. Dans cette période troublée, éclaircir, dire la vérité, et au premier rang rappeler à la face du monde que les premières témoigne des réactions violemment xénophobes de ses concitoyens et de son angoisse. Par ailleurs, le quotidien rapporte que « depuis le 11 septembre trois Américains musulmans ont été assassinés et une cinquantaine d'agressions recensées : tabassages, incendies criminels. Une mosquée a été défoncée par une voiture bélier. » victimes de l'islamisme, ce sont les musulmans eux-mêmes. Ce drame appelle à réparer dans une urgence absolue les injustices du monde. Des réponses nouvelles doivent être apportées au malheur qui le rongent, et notamment la pauvreté, la famine, le sous-développement, l'exploitation. De répondre aux légitimes demandes de réparations, pour cautériser les plaies de l'esclavage et du colonialisme. Enfin ne plus laisser des confl its s'enliser, au premier rang desquels ceux du Proche et Moyen-Orient. Il convient toutefois de saluer en France la responsabilité et la distance prise par la classe politique, par les représentants des religions, par nombre de nos concitoyens, qui n'ont pas concédé la moindre faiblesse ni le moindre amalgame. Leur appel à la justice et au droit a été entendu. Mais il est urgent de désactiver les tensions identitaires auxquelles poussent certains tribuns d'extrême droite par leurs appels anti-musulmans. Il appartient aux autorités de montrer par des gestes forts leur attachement à la liberté religieuse. Parmi elles, les collectivités territoriales ont un rôle prédominant
- permettre que « l'islam des caves»
face place à un islam visible, transparent. Ce qui suppose d'accorder plus largement les autorisations à l'ouverture de lieux de culte. Sans discrimination . • Mouloud Aounit Congrès 17 et 18 novembre 2001 Congrès national du Mrap UN congrès n'est jamais indépendant du contexte politique et social dans lequel il prend place. Précisément, quel est le contexte de notre congrès? Sur le plan national, si des dispositifs ont été instaurés pour lutter contre les discriminations, il apparaît cependant de plus en plus clairement que l'objectif principal est, à l'heure actuelle, d'évaluer l'ampleur de ce phénomène. Or, tout porte à croire qu'il est profondément et largement répandu et qu'il faudra mettre en oeuvre des moyens durables et efficaces pour le résorber. D'autres analyses sont à faire. Ainsi des partis d'extrême droitesqui ont montré à l'occasion des dernières élections municipales qu'ils ne se portaient pas aussi mal que l'on pouvait l'espérer. Des chiffres peut-être moins connus mais tout aussi révoltants: des milliers d'individus sont, aujourd'hui encore, privés de papiers dans notre pays. Sur le plan international, ce n'est guère plus brillant: l'extrême droite squatte toujours le pouvoir en Autriche mais aussi - part iellement au moins - en Italie; le conflit israélo-palestinien semble s'éloigner toujours plus d'une solution juste et durable, les récents et t ragiques évènements américains risquant fort d'avoir, pour les années à veni~ des conséquences dramatiques. D ÉROULEMENT Dans un tel contexte, le congrès national du Mrap se doit d'être un vér itable moment de réflexion collective, permettant de donner du sens à notre combat. Rappelons-le, il s'agit ni plus ni moins que de co-élaborer notre stratégie de lutte pour les t rois ans à venir et les enjeux sont de taille aussi bien en ce qui concerne l'ef ficacité de notre combat que la santé de notre Mouvement. Pour mener à bien cette réflexion collective, pour prendre le temps de « sortir le nez du guidon », nous nous sommes donnés deux jours. Cependant, pour que ces journées soient réellement fructueuses, chacun de nous est d'ores et déjà invité à s'interroger <individuellement mais aussi collectivement à l'occasion des congrès locaux et départementaux) sur les orientations de notre Mouvement, notamment par le biais d'une lecture critique et constructive des cinq textes proposés dans ce numéro de Différences. Au terme de ce t ravail, il nous faudra pouvoir répondre à la question de savoir quels sont et quels doivent être le rôle et l'importance du combat antiraciste dans la société actuelle. Quest ion indissociable, chacun l'aura compris, de celle de savoir la place de notre Mouvement dans ce combat. Jean-Claude Dul ieu, secrétaire général adjoint RENDEZ-VOUS Samedi 17 et dimanche 18 novembre Lorsque vous recevrez ce numéro de Différences, nous serons à un mois du congrès national. Un peu partout A la Bour se départementale du travail de Seine-Saint-Denis 1 Place de la Libération se dérouleront les congrès locaux et départementaux qui auront une résonance considérable dans la définition de notre stratégie à venir. Afin de faciliter l'échange, de permettre une réelle co-élaboration sur les thèmes retenus par le mouvement, nous vous transmettons le rapport d'activités et cinq textes pour alimenter les débats. Nous vous invitons à nous faire parvenIr vos remarques, amendements, motions. Et cela pour le 12 novembre au plus tard (par fax : 01 40 40 90 98 ou par email : mrap.direct@free.fr) afin de permettre leur prise en compte lors du congrès national. J.-c. Hulieu Samedi Matinée Bobigny 8h30-9h : Accueil des congressistes 9h-llh30 Présentation du rapport moral et adoption du bilan d'activités et des comptes financiers 11h30-12h30 : Accueil des partenaires invités Après-midi 13h30- 15h : travail en 4 Ateliers sur le thème nO 1 «Racisme, antiracismeévolution en France et en Europe : quelle stratégie pour le Mrap ? » 15h30- 17h : travail en 4 Ateliers sur le thème nO 2 « Immigration et mondialisation: liberté de circulation, liberté d'installation» 17h30- 19h : travail en 4 Ateliers sur le thème nO 3 « Action internationale: l'amitié entre les peuples à l'heure de la mondialisation» 19h- 21 h : travail en 4 Ateliers sur le thème nO 4 «Quels outils ? » Soirée festive Dimanche Matinée 9h- 10h : Rapport de la commission de gestion et de contrôle financier et perspectives financières 1 Oh- Il h : Présentation de la synthèse générale des débats d'Ateliers llh- 13h: Débat général Après-midi 14h- 15h: Vote sur le projet d'orientation 15h- 15h45 : Election du Conseil national 15h45- 16h: Clôture du Congrès Différences n° 233 Octobre 2001 3 Mouvement Rapport d1activités de 1998 à 2001 PRÉAM BU LE. Depuis sa création en 1949, le M rap s'est donné pour but de lutter contre toutes les formes de racisme et les discriminations, d'oeuvrer pour l'amitié entre les peuples et la paix. Ses actions s'articulent autour de quatre grands axes considérés comme prioritaires: l'action juridique auprès des victimes de racisme et de discriminations, l'appui aux migrants; l'action éducative vers les jeunes; l'action internationale de solidarité en faveur de la paix, de la défense des droits de l'homme et des minorités, du développement économique et social; l'action citoyenne pour défendre et faire avancer les idées développées collectivement et les idéaux du Mouvement. Le Congrès de 1998, qui s'est tenu à Bobigny, sans marquer de rupture avec la période précédente, mit l'accent sur la lutte contre le Front national et pour les droits des étrangers, alors que la régularisation de 1997 montrait ses limites. Il renforça les aspects éducatifs et fit des propositions précises sur l'international. L'accent fut mis sur la nécessité d'intervenir sur les causses fondamentales favorisant la montée du racisme, interventions qui ne peuvent se concevoir que par une co-production avec nos partenaires (associations, syndicats, formations politiques .. J. « Le Congrès national se réunit tous les trois ans selon les modalités fixées par le Règlement intérieur. Seuls les délégués élus conformément au Règlement intérieur et les délégués de droit peuvent participer aux votes. En cas de besoin, le Conseil national peut convoquer un Congrès extraordinaire. Le Congrès national vote les rapports et les motions, définit les orientations du Mouvement, élit pour trois ans le Conseil national et la commission de contrôle financier, prononce les exclusions» Extraits des statuts nationaux 4 Différences n° 233 Octobre 2001 • L'ANTIRACISME La création d'instances de lutte contre les discriminations a orienté le débat antiraciste sur ce terrain, l'Etat a soutenu les projets. Les associations se sont opposées sur plusieurs points, comme les opérations de testing ou la question de la preuve. Sur le plan juridique, la CNCDH constitue un lieu d'échanges conséquent, le Mrap y semble assez apprécié. Il est présent principalement au niveau juridique et en plénière, moins régulièrement dans certaines commissions. Sur les relations entre associations, on sait qu'elles sont variables, et très diverses selon les comités et fédérations. Au niveau nationalles relations avec la LDH se sont renforcées, comme les prises de position et les partenariats
- liens dans le collectif « Même sol:
mêmes droits, même voix », les grandes causes nationales 1998 (Cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme) et 1999 (<< Droit d'agir », qui se poursuit par le Cidem). Elles ont même dû répondre à des accusations d'antisémitisme à la suite de l'Intifada de l'automne 2000 ; les relations avec la Licra en ont souffert. Quant à SOS-Racisme, les points de désaccord se sont multipliés, autant qu'il puisse en exister. Toutes quatre ont co-signé une déclaration commune sur la préparation de la Conférence mondiale de Durban, à l'initiative de l'Unesco. Racismes sur Internet La petite équipe qui fait vivre le site Internet du Mrap, augmentée des principaux intervenants de la liste interne, est confrontée à la découverte de plus en plus importante de sites qui diffusent des propos racistes, antisémites et négationnistes. Elle a cherché avec des professionnels à interpeller le gouvernement afin qu'il prenne des dispositions juridiques. Le débat sur ce thème lors de la Conférence nationale (automne 2000) a permis de mesurer les difficultés. Le 31 mars 200 1, un colloque sur le thème Internet et Droits de l 'Homme a été organisé au Sénat, avec de bonnes répercussions. Bien que la représentante du ministère de la Justice ait annoncé que des textes de contrôle allaient bientôt paraître, il existe toujours autant de sites à propagandes racistes. L'équipe va essayer d'inventorier des sites auprès des autorités pour qu'ils recherchent les véritables coupables, plutôt que de poursuivre les fournisseurs d 'hébergement, tout en les incitant à une certaine déontologie. Le devoir de mémoire Le devoir de mémoire reste pour le Mrap une exigence fondamentale: refus des idées négationnistes, reconnaissance des crimes contre l'Humanité (qu'il s'agisse des génocides juif, arméniens ou de l'esclavage), recherche de la vérité sur les guerres coloniales ... C'est le Mrap qui est à l'initiative de la création d'un collectif pour la commémoration du 40ème anniversaire du massacre du 17 octobre 1961. Ce collectif est notamment en contact avec le Maire de Paris (en vue d'un lieu de mémoire parisien lié aux victimes du 17 octobre) et avec le groupe communiste au Sénat, où Nicole Borvo a déposé un projet de loi pour la reconnaissance officielle du massacre du 17 octobre). Le Mrap a poursuivi ses interventions pour que le droit aux archives soit accordé sans discrimination à toute personne qui le souhaite. Mais surtout, le Mrap a été le « défenseur» à la fois juridique en la personne de son président Pierre Mairat comme avocat, mais aussi politique, de Jean-Luc Einaudi dans le procès en diffamation que lui intentait Maurice Papon. Ce procès qui s'est déroulé en octobre 1999 a abouti à la relaxe de Jean-Luc Einaudi, c'est à dire à la défaite de Papon, et a constitué en quelque sorte la première reconnaissance officielle (par la Justice française) qu'un massacre d'Algériens avait bien était perpétré à Paris le 17 octobre 1961, sous la responsabilité de M. Papon alors Préfet de police de Paris. Le MRAP s'est associé à la campagne pour que toute la vérité soit faite sur la torture en Algérie en lançant un appel à témoins et en se portant partie civile, notamment auprès de Louisette Ighilahriz dont Pierre Mairat est l'avocat. Enfin, parmi les actions liées au devoir de mémoire, il faut rappeler la participation du Mrap aux rassemblements tous les 1 er mai, en hommage à Brahim Bouarram noyé dans la Seine par deux jeunes issus du cortège du FN en 1995, ou encore les dépôts de gerbe le 8 mai en hommage aux « étrangers morts pour libérer la France ». Autre dossier, la mémoire de la Guerre d'Algérie. Le Mrap a gardé son rôle moteur pour la commémoration du massacre du 17 octobre 1961, où le quarantième anniversaire fait l'objet d'une mobilisation exceptionnelle, bien que difficile. Au travers de ce dossier remontent les aspects obscurs de la guerre d'Algérie : tortures et assassinats, suj étion des appelés musulmans, conséquences sur le racisme en métropole ... La question de la mémoire est posée concrètement avec une refonte des manuels d'histoire contemporaine, qui fassent une part plus importante à la Guerre d'Algérie et aux décolonisations. Avec la publication des mémoires du général Aussaresses s'est ouvert un débat sur la torture en Algérie. Le Mrap réalise un ensemble de témoignages, de la part des victimes ou de leur famille, en vue d'une action en justice (le Mrap a édité 2 ouvrages sur les questions de mémoire, voir chapitre Publications). Tsiganes et Gens du Voyage La Commission Tsiganes et Gens du Voyage a poursuivi ses activités avec la même solidité qu'auparavant. Des réunions régulières (le quatrième jeudi de chaque mois) donnent lieu à des comptes-rendus bien diffusés (120 correspondants Mrap et associations de voyageurs). René Neveu avait en 1998 relayé JeanBertrand Bary à la tête de la commission, représente le Mrap depuis 2000 auprès de la Commission nationale consultative des Gens du Voyage dont il est membre désigné. La commission oriente ses actions pour lutter contre les discriminations que subissent bien souvent les gens du voyage, dans leur quête permanente de lieux de stationnement ou dans l'accès aux réseaux d'électricité ou d'eau sur les parcelles de terrain qu'ils ont pu acquérir. Elle agit au côté ou avec les voyageurs mais se défend de parler en leur nom. En partenariat avec d'autres associations comme la LDH, Médecins du Monde, l'Unisaf, l'Uravif, la commission vient aussi en soutien à des minorités dans des situations critiques. Dans ses analyses, la commission a souhaité dissocier la situation des TGV français ou résidents, qu'ils soient nomades ou sédentaires, de celle des réfugiés et migrants tsiganes, originaires d'Europe de l'Est et des Balkans. La commission a continuellement demandé à considérer ces derniers comme des migrants comme les autres, ne devant pas être traités « à part », malgré la situation désastreuse qui leur est faite par la police et l'administration françaises (expulsions en série, comme les Tziganes de Nanterre ou de Saint-Ouen). Réfugiés victimes de discriminations et de la crise économique dans leurs pays, ils survivent en France dans un état de non-droit total à la merci des groupes mafieux très prompts à venir les exploiter. Sans-papiers comme les autres, ils doivent bénéficier de la même aide de la part de nos permanences. La situation dans les pays d'origine devrait être approfondie par la commission internationale du Mrap, si l'on en croit les fréquents articles qui paraissent sur les atteintes aux droits de l 'homme à leur encontre dans les Balkans Congrès 1998 sur le devoir de mémoire « Le MRAP doit s'efforcer d'obtenir qu'il puisse exister une information complète sur les événements à la fois dans les médias ( .. . ) et dans les livres d'histoire qui façonnent la mémoire» Extrait Atelier 3 Congrès 17 et 18 novembre 2001 et les pays de l'Est. En tout état de cause, ces personnes, en tant que sédentaires, ne sont pas concernées par les nouvelles lois sur l'accueil et l'habitat des gens du voyage; la commission est en conséquence assez désarmée pour leur venir en aide. Pour les Voyageurs français ou résidents, la question des aires municipales de stationnement et de l'application de la loi Besson est toujours à l'ordre du jour. La commission a insisté sur la détérioration du traitement administratifle concernant, avec des situations locales parfois alarmantes. La loi du 5 juillet 2000 (sur laquelle le Mrap consulté est resté très critique) devrait, si elle est respectée, légèrement améliorer les conditions de stationnement des caravanes-habitats d'une certaine catégorie de voyageurs, mais elle ne correspond que partiellement à la demande des Gens du Voyage, qui souhaitent d'une façon très forte pouvoir bénéficier d'un habitat diversifié. Comme pour la commission lutte contre l'antisémitisme et le néo-nazisme, la commission TGV est très structurée, maintient une activité régulière et suivie (réunions, comptes-rendus, etc.). Malgré des initiatives locales souvent intéressantes (comme dans le Morbihan en 1998-1999) se pose un réel problème de renouvellement des militants. L'action éducative Du Congrès émanaient des directives précises en matière d'éducation, fruits d'une longue expérience dans le domaine. Le Mrap, qui a statut d'éducation populaire depuis 1983, est reconnu des enseignants, parmi lesquels on trouve beaucoup de ses adhérents. Il agit sous deux angles: d'une part une action de proximité (intervention en établissements, médiation, action culturelle .. . ), de l'autre une action permanente d'information, de conception d'outils pédagogiques, et sur des projets à long terme. Les temps forts sont les Semaines nationales d'éducation contre le racisme, où le Mrap agit en partenariat, en particulier avec les associations d'enseignants et de parents d'élèves. D'où un grand nombre d'interventions locales à cette occasion (plusieurs centaines en moyenne chaque année), et avec une mobilisation croissante des comités. Le Mrap a réalisé une vidéo sur les préjugés discriminatoires destinée aux enfants d'âge primaire« Tous copains, tous humains, tous égaux ». Autre outil, le Jeu de Loi a initié plus de 6 000 enfants de 8 à 13 ans aux principes de la loi contre le racisme, entre 1998 et aujourd'hui. Le Mrap a encouragé sa location Ou sa vente, et continue à organiser des séances de formation auprès des animateurs sociaux. Deux expositions ont été mises en chantier en 1999. L'une sur l'évolution des droits du citoyen (douze panneaux) a vu le jour en 2000 ; l'autre sur les repères fondamentaux, les formes et les mécanismes du racisme (vingt-deux panneaux) paraîtront en octobre 2001. Depuis 1998, le Mrap est partenaire du collectif « Dire, faire contre le racisme », chargé de la création, la production et la diffusion de courts métrages par et pour les jeunes. Cette dernière année « Pas d'histoires! 12 courts métrages contre le racisme» a connu une diffusion télévisuelle et en salle, souvent accompagnée de débats et de rencontres, et a efficacement structuré nombre d'interventions autour de la Semaine de l'Education. En 1998, le Mrap a organisé quatre rencontres entre jeunes du monde entier, dans le cadre du projet interculturel « Banlieues du Monde », à l'occasion de la coupe du monde de football et en collaboration avec le département de Seine-Saint-Denis. Autre projet à long terme, le secteur éducation du Mrap a lancé, avec deux organisations de jeunesse allemande et israélo-palestinienne, une série de rencontres sur trois ans, à Aix-en-Provence (août 1999), à Berlin (juillet 2000) et en Israël (celle-ci risque d'être compromise à cause des derniers développement du conflit israélo-palestinien). ~ Congrès 1998 « faire de l'enfant sur son lieu scolaire un acteur citoyen de sa propre vie; veiller au contenu pédagogique des cours et des programmes, oeuvrer pour que l'Histoire enseignée prenne en compte l'apport de l'immigration à la société française ; impulser une réflexion sur le contenu de la formation des maîtres en matière de citoyenneté, notamment auprès des IUFM et dans les quartiers à difficultés; la nécessité d'un lien citoyen entre l'école et son environnement; maintenir des liens entre toutes les structures qui permettent l'exercice de la citoyenneté (associations de parents d'élèves) ; s'insérer dans des projets éducatifs élaborés en fonction des besoins, pour réduire la difficulté pour certains comités de pénétrer dans les établissements scolaires; lutter contre les discriminations dans l'accès et lors des stages; avoir une attitude pédagogique envers les médias, en particulier pour agir vers les jeunes non scolarisés» . Extrait Atelier 2 Différences nO 233 Octobre 2001 5 Mouvement Le thème des rencontres «Mémoire(s) et identité(s) »a permis d'aborder des questions liées aux mémoires difficiles ou conflictuelles (Shoah, nazisme, conflit entre les peuples palestinien et israélien) En 1999, il soutenait un grand projet en partenariat, l'exposition interactive « Un voyage pas comme les autres» consacrée aux réfugiés et aux demandeurs d'asile, qui accueillit plus de 30.000 visiteurs au Parc de la Villette à Paris. Le secteur éducation du Mrap s'est particulièrement investi sur cette opération (deux ans de préparation, six mois d'activité), avec l'aide des comités parisiens et de bénévoles. Enfin après deux ans de travail, la mise en ligne du cyber- journal pour enfants «Arc-en-ciel» au printemps 2001 marque l' arrivée du secteur éducation sur internet. Ce journal vise à sensibiliser des enfants de 7 à 13 ans aux droits de l 'homme et à lutter contre les discriminations. Plus structurellement, le MRAP tente de répondre aux sollicitations des jeunes et des enseignants en matière de formation et d'information, avec près de mille courriers annuels (pochettes générales d'information sur le racisme, recherches plus spécifiques). Il intervient aussi, comme les comités, dans certains conflits culturels, en tant que médiation. Le capital de confiance que le Mrap a su attirer dans ce domaine, le rôle éminent des comités dans cette action, en lien étroit avec le national dans la plupart des projets de longue haleine, font de l' éducation un atout pour le Mouvement comme un axe privilégié d'action. L'Action juridique Il convient de distinguer l'action du service juridique de la permanence d'accueil du siège national et des quelques soixante-dix permanences d'accueil animées par les comités locaux et fédérations. Celles-ci offrent principalement une aide de proximité aux étrangers dans leurs démarches liées au séjour en France ou à l'acquisition de la nationalité française. Le service juridique apporte conseil et formation des militants. Ce fut particulièrement le cas à la suite du décret de régularisation de 1997, puis de la loi Chevènement sur l'entrée et le séjour (loi RESEDA de 1998). La formation permanente (environ une session trimestrielle) a permis d'améliorer les compétences au sein des permanences, et de les préparer à la gestion des dossiers générés par l'entrée en vigueur du 114 (ligne d'appel téléphonique contre les discriminations) ou des CODAC (sur lesquelles une convention a été signée en juin 2000 avec le ministère de l'Intérieur). Simultanément, était développé un module de formation destiné à un public externe. On estime à plus de 4 000 le nombre de dossiers individuels suivis par les permanences 6 Différences n° 233 Octobre 2001 chaque année, et plusieurs permanences ont été constituées en 2000; nombre d'entre elles, à l'instar de celle de Paris, ont récemment doublé leurs effectifs bénévoles. La participation aux permanences constitue pour beaucoup d'adhérents une porte d'entrée vers l'action militante, même si le débat se poursuit sur« soutien individuel» et« action collective », expliquant le refus de certains comités d'instaurer une permanence. L'intérêt d'un soutien national aux permanences locales a augmenté à mesure que les effets pervers des régularisations poussaient à la multiplication des dossiers de recours. Une consultation téléphonique est aussi assurée au siège deux demi-journées par semaine, et le service s'occupe des dossiers les plus délicats, en matière de nationalité ou de séjour, de recours contre des mesures d'éloignement, de double-peine ... Axe central de son activité, le service juridique aide les victimes d'infractions à caractère raciste (agressions, injures, diffamation, provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciale, discriminations), prépare les dossiers à l'attention des avocats bénévoles, introduit des signalements ou des recours auprès des Parquets en matière d'infractions à caractère raciste ainsi qu'en droit de la presse et pour tout ce qui concerne l'apologie ou la contestation de crimes contre l'humanité. On constate depuis plusieurs années une augmentation sensible des écrits racistes diffusés sur internet et des plaintes relatives aux délits de discrimination. Les dossiers traités par le service juridique sont en nette augmentation: 77 signalements d'infractions à la loi sur la presse et pour discrimination en 2000 contre 48 en 1999, et 26 procédures relatives aux infractions racistes devant les juridictions pénales et prud'homales. Le Mrap a toujours poussé à l'amélioration de la loi contre le racisme, qu'il avait contribué à faire adopter en 1972. Il a été associé à la consultation préalable à la loi sur l'entrée et le séjour et à celle sur la nationalité, adoptées en 1998, ce qui lui a permis d'exprimer ses réserves. Ce travail critique d'avis et d'analyse s'est poursuivi en 1999 et 2000 avec la proposition de loi sur le droit de vote des étrangers, la création des CODAC, la mise en place d'un Observatoire sur l'étude des phénomènes discriminatoires par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, l'opportunité de créer une autorité administrative indépendante chargée de recueillir les plaintes des victimes de discrimination, la légalité du Département protection sécurité (DPS), service d'ordre du Front national, au regard de la loi de 1936 sur les Ligues, les travaux du Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (GELD) sur l'évolution de la législation en matière de discrimination, la proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations tendant à réformer le Code du travail (adoptée par le Sénat le 9 janvier 2001). Le secteur juridique a en outre élaboré un « Compte-rendu des bonnes pratiques dans le domaine de la lutte contre le racisme et la xénophobie» à la demande de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (Vienne) , et un projet de code de bonne conduite pour lutter contre le racisme et les discriminations dans les discothèques. Le Mrap a régulièrement contribué aux travaux de la CNCDH sur les aspects juridiques, à ses rapports annuels, ainsi qu'au rapport 1998 de l'ECRI (Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, auprès du Conseil de l'Europe) sur les aspects juridiques et politiques de la lutte contre le racisme en France. Un guide à destination des victimes d'actes ou de propos racistes, initialement prévu en 2000, a été retardé en raison de l'évolution du droit. Contre les discriminations racistes: la caravane de la citoyenneté Le Congrès de Bobigny avait déjà abordé la question des discriminations mais s'était trouvé vite paralysé par l'impossibilité pour le Mrap d'agir seul dans cette lutte, notamment sur le plan juridique. Il a fallu la mobilisation des syndicats (à partir des travaux de chercheurs sur la discrimination au travail) et des institutions pour que le débat prenne une nouvelle dimension. Depuis le colloque « Logement et discrimination» qui s'est tenu à l' Arche de la Fraternité en janvier 1994, un petit groupe de réflexion tentait de concevoir une riposte militante à ce phénomène au coeur des questions du racisme. Une communication en Conseil des ministres, une table ronde rassemblant 7 000 jeunes, la création des commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC), la mise en lace d'un Groupe d'Etudes des Discriminations (GED puis GELD), un numéro d'appel gratuit destiné aux victimes et témoins de discriminations racistes (114) : le gouvernement a bien pris la décision de la mobilisation générale. Mais, la précipitation, le manque de Congrès 1998 « A propos de la loi contre le racisme, il est demandé à ce qu'elle soit mieux appliquée et qu'elle sorte du cadre de la loi sur les délits de la presse pour être rendue plus facilement applicable. » « Dans le cadre de l'exercice de la citoyenneté, il a été demandé par un groupe de mettre fin à l'obligation d'être ressortissant européen pour être fonctionnaire, y compris dans les stages. » Extrait Atelier2 Congrès 17 et 18 novembre 2001 moyens ou l' éclatement des responsabilités entre les ministères, associés à une faible sensibilisation des préfets et procureurs n'ont pas permis à ce dispositif de prendre la pleine mesure du problème. Ce constat a été mis en exergue par le rapport de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) fin décembre 2000, corroboré par l'analyse des quelques comités locaux associés, tant bien que mal, auxCODAC. Soutenu par l'Etat, le projet « Caravane de la citoyenneté - parcours de la lutte contre les discriminations» s'inscrit dans cette mobilisation générale. En octobre 2000, à la suite d'une année de préparation, le Mrap a conclu avec l'Etat une convention par laquelle il s'engage « à développer des actions de soutien et d'assistance aux victimes et favoriser le témoignage des victimes et des témoins; analyser les discriminations directes et indirectes, les processus et dispositifs discriminatoires
- élaborer des réponses visant à corriger
et/ou à faire sanctionner ces discriminations; faire des propositions destinées à améliorer le dispositif public actuel de lutte contre les discriminations ». Les actions sont déclinées, par l'engagement des comités locaux et des fédérations, selon trois axes : la mise en place de structures pérennes d'accueil et d'assistance qui ont une vocation d'écoute, de soutien et de suivi des victimes de discriminations et de recueillir des témoignages; les activités de réflexion, de sensibilisation de l'opinion publique, de formation et d'information; la capitalisation des connaissances et des expériences. La lutte contre les discriminations racistes, mise en acte du racisme, nécessite une activité de terrain minutieuse, qualifiée et de longue haleine. Ce projet a donc nécessité: - le déploiement, par les comités locaux et les fédérations, d'une politique de partenariat engagée sur le moyen terme, avec les institutions publiques et le organisations privées (associations, syndicats, entreprises .. . ) - la mise en place d'une activité d'appui, de conseil et de formation des militants des comités locaux, sur le long terme - la création de supports spécifiques comme, un film de 38 mn «Discriminations ... ouvrons les yeux» et différents outils juridiques D'ores et déjà les comités locaux assurent l'accueil et l'accompagnement des victimes et témoins de discriminations avec 50 permanences réparties dans 26 départements. Des actions de sensibilisation et de mobilisation, notamment des professionnels, sont engagées, entre autres par la signature de conventions pour la diffusion de chartes de bonnes conduites. Des interventions dans les IUFM, les écoles de police ou les institutions publiques sont en négociation. Le Mrap a obtenu la signature d'une charte interministériel pour l'égal accès aux discothèques, ce qui s'est concrétisé dans le nord par la mise en place d'une commission chargée de veiller à l'égal accès aux loisirs. L'ensemble cette activité locale permet au Mrap d'être reconnu comme un acteur clé et une source d'information pertinente sur la question des discriminations racistes. Ainsi, dès septembre 200 1, le Mrap est associé au projet RAXEN (Racism and Xenophobia European Network) de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes visant à répertorier, dans chaque pays de l'Union, les acteurs de la lutte contre les discriminations et les« bonnes pratiques ». La campagne ayant reçu, à nouveau, un soutien important de l'Etat pour l'année 2001-2002, le Mouvement devrait pouvoir transformer l'essai de la première année en action collective efficace et de grande ampleur, notamment par un travail d'information et de communication auprès du grand public. Cette action pourra bénéficier des effets positifs que constituera la Grande cause nationale 2002 si elle était consacrée au thème des discriminations racistes. • LA LUTTE CONTRE L'EXTRE" ME DROITE Le congrès de Bobigny avait centré l'essentiel des orientations du Mrap en matière de citoyenneté sur deux aspects principaux: d'une part la lutte contre l'extrême droite, de l'autre les revendications de citoyenneté partagée, que ce soit au regard de la nationalité (application large du droit du sol) que des droits civiques (campagne pour le droit de vote des résidents étrangers). Membre du Comité national de vigilance contre l'extrême droite depuis sa création, le Mrap a mené une action de tout instant contre la propagation des idéologies d'extrême droite tant aux niveaux national qu'européen. Il a engagé des actions juridiques contre des responsables FN pour provocation à la discrimin:;ttion, à la violence et à la haine raciale (voir paragraphes Actions juridiques). Les élections européennes de 1998 furent l'occasion d'une intense communication du Mrap (argumentaire contre le FN, brochures, autocollants, affiches) mise en oeuvre à l'occasion des centaines de manifestations à travers le pays, comme en réaction au passage de responsables politiques d'extrême droite. Les liens s'en trouvèrent renforcés avec Ras l'Front et les collectifs qui soutiennent localement la résistance antifasciste (Alerte Orange ... ). Le Mrap a milité pour la dissolution de la milice du FN, le DPS, et a été auditionné par la commission d'enquête parlementaire travaillant sur ce dossier. Il a aussi développé une campagne contre le financement public du FN. Cependant la scission du Mouvement national Le droit de vote des résidents étrangers Inscrite parmi les 110 propositions du candidat Mitterrand en 1981, cette revendication d'égalité avait fait l'objet de plusieurs campagnes (1984, 1989). L'idée est reprise à l'automne 1998, à la suite de contacts entre le Mrap et la Fédération nationale Léo Lagrange, qui lancent enjanvier 1999 la campagne« Même sol : mêmes droits, même voix », soutenue par la Ligue des droits de l'homme. Le collectif réunit rapidement 70 organisations, où le MRAP, la LDH, Ras l 'Front, le PCF, la LCR fournissent l'essentiel des troupes, avec les organisations de jeunesse et les associations d'immigrés. Elles permettent peu à peu l'émergence de collectifs locaux, qui trouvent souvent appui sur d'anciennes structures inter-associatives. Ce maillage a permis la tenue de très nombreux débats dans toute la France. La campagne est fondée sur un outil, une pétition nationale, avec un objectif de 100 000 signatures, dans laquelle sont valorisées celles des élus politiques, locaux, nationaux ou européens (environ un millier à ce jour). La mobilisation culmine avec la présentation à l' Assemblée nationale d'une proposition de loi discutée les 3 et 4 mai 2000 (participation à plusieurs centaines de débats publics dont plusieurs dizaines organisés par le Mrap, participation à la manifestation nationale, organisation de conférences de presse, des émissions de radio etc .. ). Mais la discussion au Sénat est reportée. Deux autres collectifs, le « Collectif pour une pleine citoyenneté européenne» et « Un résident une voix» ont dernièrement uni leurs forces à celles de « Même sol: mêmes droits, même voix» au niveau national. Outre les dépliants-pétitions et les affiches du collectif, le secteur éducation du Mrap et la Fédération Léo Lagrange ont créé une exposition sur l'avancée des droits des citoyens, dont les trois derniers panneaux sont consacrés au droit de vote. républicain de Bruno Mégret du Front national de Jean-Marie Le Pen a modifié le rapport de force existant, et émoussé une partie des énergies militantes qui voyaient jusqu'alors dans la lutte contre l'extrême droite le combat déterminant de l'antiracisme. L'effritement électoral du FN et du MNR - bien que très relatif, comme le montrèrent les élections municipales de 2001 - a rendu l'opinion publique moins à l'écoute des mises en garde, et la mobilisation s'en est ressentie. Pourtant la société française est toujours aussi perméable aux idées d'extrême droite. Pour 200 1, la commission« lutte contre l'extrême droite» a décidé d'engager un travail d'analyse sur la situation de l'extrême droite en France à la veille des élections municipales (un questionnaire dans ce sens a été envoyé à chaque comité local). ~ Différences nO 233 Octobre 2001 7 Mouvement • LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME ET LE NÉO-NAZISME Le Congrès de Bobigny avait entériné la création d'une Commission « lutte contre l'extrême droite ». La Commission « Lutte contre l'antisémitisme et le néo-nazisme », coeur historique de l'activité du Mrap, devait donc recentrer ses activités en tenant compte de ce développement. Sous la houlette d'un petit groupe très décidé, elle a maintenu une activité régulière et très structurée: réunions et compte-rendus, correspondants locaux, suivi des dossiers. Elle s'est occupée de nombreuses affaires d'antisémitisme et de négationnisme, et les relais que constituent internet pour leur propagation. Elle organisait le 5 février 2000 à l'Assemblée nationale un colloque « Comment la falsification de l 'histoire conduit à la renaissance de l'antisémitisme sous ses divers formes », auquel ont participé des spécialistes de renom. L'activité est avant tout réactive : certaines affaires comme la vente en ligne d'objets nazis sur le site Yahoo, l'envoi d'ouvrages négationnistes dans certains centres de documentation scolaires, la parution d'un ouvrage de Renaud Camus, ont obligé à une activité nationale, dépassant celle de la seule commission. Le Mrap est ainsi intervenu auprès du ministère de la Recherche pour demander - avec succès- le licenciement du négationniste Serge Thion; auprès du ministère de l'Education à propos de l'envoi direct à des enseignants de l'ouvrage négationniste « Mythe propagé, réalité occultée» ; auprès du Conseil régional de Basse-Normandie pour le changement de nom du lycée Henri-Cornat de Valognes, qui avait été un collaborateur actif. La question du Proche-Orient et ses répercussions en France, en 1999, 2000 et surtout 2001, a donné lieu à des interventions spécifiques en particulier auprès de structures communautaires juives et à propos des appels aux meurtres sur Radio-Orient, etc. La multiplication de la communication antisémite et négationniste sur internet constitue un défi de taille pour la commission, qui met aujourd'hui en place un réseau de militants observateurs. La commission s'est en partie renouvelée, mais il ne s'agit encore que d'une poignée d'animateurs, avec des correspondants locaux par- • L'IMMIGRATION ET LE DROIT D'ASILE Plutôt que de parler des activités de la Commission Immigration, il serait plus pertinent pour les trois années passées, de prendre acte de l'imbrication croissante entre les investissements militants de la totalité d'un véritable Secteur Asile et Immigration, en tant que tel, de la Permanence d' accueil des sans-papiers et étrangers en difficulté au siège du MRAP et de leurs relations réciproques avec la Permanence juridique. De nombreux militants qui s' étaient portés volontaires pour la Permanence d'accueil ont ressenti le besoin de prolonger cet engagement par la dimension politique d'une action collective au sein du Mrap. Ils se sont donc investis dans la Commission, ce qui a impliqué la prise en charge d'un certain nombre de « sous-secteurs », généralement inter associatifs (CNCDH, coordinations, collectifs, campagnes ... ) liés aux questions d'asile et d'immigration. Les adhérents du Mrap, parties prenantes au sein du secteur Asile-Immigration, se sont toujours efforcés de travailler en liaison avec la Permanence juridique, même si cette dernière s'est retrouvée de plus en plus sollicitée sur la lutte contre les discriminations comme sur celui plus habituel des actions en justice dans le cadre de la loi sur la presse. Liberte de circulation - Liberté 8 Différences n° 233 Octobre 2001 d'installation. Le Mrap a poursuivi le travail entamé en 1995. La commission a présenté un document d' étape au Bureau national en 1999 (envoyé aux présidents de comités locaux lors de la Conférence nationale), aboutissant à la décision par les instances du MRAP (SN, BN, puis CN) d'inscrire cette question parmi les thèmes de débat de la Conférence nationale (octobre 2000) et du Congrès de notre congrès 2001 . Dans cet esprit, la commission a représenté le Mrap invité à participer à plusieurs rencontres ou débats sur des thèmes tels que la « citoyenneté des immigrés des pays tiers », la « liberté de circulation et d'installation », « immigration et banlieues », « la mondialisation ». Le Mrap a été l'un des membres fondateurs d'Attac et siège à son Conseil d'administration. Pour la régularisation de tous les sans-papiers. Le MRAP a poursuivi son appui au mouvement des sans-papiers ainsi que ses interventions auprès des pouvoirs publics. D'une manière générale, le soutien aux sans-papiers s'est essoufflé au long de cette période, et la réactivation du dossier est ardue. En automne 2000, un groupe d'écrivains publiait un recueil de nouvelles « Ecrivains / Sans-papiers », et le MRAP soutenait et diffusait l'appel de ces écrivains. A partir CONGRÈS 1998 Déclaration solennelle: « La crise qui perdure se traduit par une décomposition multiforme de la société. Les causes socio-économiques sont déterminantes. C'est de leurs conséquences dont se nourrissent les haines xénophobes et racistes, exploitées par l'extrême droite française et sa composante principale, le Front national. » La demande de dissolution du FN est un des moyens, parmi d'autres, d'éclairer de manière pédagogique sur la nature réelle du FN et d'essayer d'entraver les mécanismes d'alliances avec la structure existante actuelle. Cette approche doit se faire dans le cadre d'une campagne de sensibilisation avec d'autres partenaires faisant la démonstration que « le Front national n'est pas un parti comme les autres ». « Le Mrap doit proposer à tous ceux qui sont impliqués (syndicats, parents d'élèves, élus, élèves) d'élaborer une position commune visant à rendre impossible la présence de représentants d'un parti dont toutes les positions s'opposent aux principes qui fondent l'école de la République. ». « Les groupes de travail demandent que l'actuel groupe "lutte contre l'extrême droite" se transforme en une commission permanente statutaire du Mouvement» Extrait Atelier 2 de cet appel, le MRAP et la LDH ont lancé au printemps dernier la campagne « Tour de France pour les sans-papiers» qui devrait se poursuivre jusqu'au printemps 2002. Il a, par ailleurs, soutenu les actions de divers collectifs, notamment le collectif de solidarité des Algériens et le collectif « Femmes immigrées » (coopération avec d'autres organisations de femmes, comme le Rajfire, participation à la Marche des femmes à Bruxelles, participation au Colloque du Comité de suivi des lois sur l'immigration à l'Assemblée nationale) Enfin, le Mrap a poursuivi en 2000 la campagne « Pour une révision à la hausse de l'accord franco-algérien» (Lettre ouverte aux autorités françaises et algériennes, pétitions etc). Contributions écrites du Secteur Immigration diffusées a l'ensemble du mouvement. « Immigration, Etat des lieux et Perspectives» (diffusé par liste interne et sur le Net), mises à jour 1998 et 1999 ; « Contre le Bannissement par la 'Double Peine' d'étrangers ayant de fortes attaches personnelles et familiales en France» (avec la Permanence juridique), août 1999, « Recours Mode d'Emploi» (contre la « Double Peine»), mise à jour décembre 1999, « Jeunes de France et discriminations dans le domaine de la police, la justice et la prison », janvier 2000 ; « Genèse du projet de Charte des droits fondamentaux », novembre 2000, « Etrangers aux frontières et en France, Face à l'inacceptable réalité, l' analyse et les propositions du Mrap », février 2001 (en partenariat avec les comités locaux). Participation aux travaux de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Avis au Premier Ministre ou autosaisines de la CNCDH sur les questions d'asile et d'immigration (zones d'attente, rétention, rencontres régulières sur l'harmonisation des politiques d'asile de l'Union européenne, étude 2001 sur« l'Asile en France et dans l'Union Européenne », « droits de l'homme et éthiques professionnelles », « droits des mineurs étrangers », « Déontologie de la Sécurité (police, justice, prison) » ... Investissement actif dans des coordinations inter-associatives - « Coordinations européenne et française pour le droit de vivre en Famille» : créée en 1993 à Bruxelles en tant que Coordination européenne, cette dernière a suscité la création de coordinations nationales dans plusieurs pays membres de l'Union. Ces dernières années la Coordination européenne a effectué une étude sur l' intégration des jeunes de l'immigration dans six pays de l'Union, assuré le suivi de deux propositions de directive européenne sur le regroupement familial et sur les résidents de longue durée, ainsi que des actions de lobbying, notamment auprès de la Commission européenne. - « ANAFE - Association nationale d' assistance aux frontières pour les étrangers ». Après s'être vue dans l'obligation de licencier ses deux salariés et avoir failli disparaître, l' Anafe et ses organisations membres, dont le Mrap, ont consacré en 2000 tous leurs efforts à recentrer leurs engagements. Fin 2000, l' Anafe a décidé de lancer une campagne de missions d'observation dans les zones d'attente et une action d'observation des audiences « 35 quater », campagne à laquelle le Mrap a apporté sa collaboration. En janvier 2001 , un arrêt du Conseil d'Etat a annulé le refus du ministère de l'Intérieur d 'habiliter le Mrap à effectuer des visites en zones d'attente au même titre que d'autres associations. Le Conseil d'Etat a enjoint au ministère de l'Intérieur de délivrer au MRAP les 10 cartes auxquelles il pouvait prétendre. Le Mrap a ainsi pu obtenir que dix de ses représentants, des régions de Lille, Paris et Marseille, soient autorisés à effectuer les huit visites par an autorisées par la loi sur chaque zone d'attente. Le Mrap a participé activement à l' organisation d'une permanence té- Congrès 17 et 18 novembre 2001 léphonique toumante entre associations, ainsi qu'à une campagne décembre 2000-janvier 2001 d'observation d'audiences du 35 quater en région parisienne. - « CDA - Coordination pour le droit d'asile », qui regroupe quelque 18 associations , se propose, selon sa Charte « d'échanger des informations, analyser les situations et travailler en commun sur les différents thèmes relatifs au droit d'asile et aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés ; d' exercer un rôle de vigilance et d'alerte devant tout événement nouveau concernant l'asile ou le statut de réfugié
- d'assurer un dialogue avec les administrations
en charge de l'accueil et de la protection des demandeurs d'asile et des réfugiés; de prendre diverses initiatives constructives (notamment prise de position, travaux sur des revendications, démarches politiques et publiques) laissant, pour chacune d'entre elles, la liberté à chaque organisation de s'y associer ou non ». - « Groupe Europe» du HCR - Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, réunit toutes les 4 à 6 semaines une dizaine d'associations autour du HCR pour procéder à un échange d'information sur les politiques d'asile de l'Union ; favoriser ainsi les mobilisations associatives sur les différents aspects des politiques européennes d'asile et des politiques migratoires qui ont une incidence directe sur l'asile (visas, sanctions aux transporteurs), ce dernier aspect recoupant les objectifs de la « CDA» ; - « Comité de suivi des lois sur l'immigration » : participation aux colloques sur le travail illégal, les femmes immigrées, la citoyenneté de résidence, ayant tous donné lieu à la publication d'actes qui alimentent solidement la réflexion et le débat. - « Collectif sur la Charte des droits fondamentaux ». L'Union européenne avait lancé un processus, novateur en son principe, d' élaboration de la Charte des droits fondamentaux, puisqu'il était dirigé par une convention de représentants des gouvernements et des parlements nationaux. Sur initiative de la Ligue des droits de l 'homme, a été créé un collectif inter-organisations (associatives et syndicales) aboutissant à l' élaboration de positions communes et à des mobilisations spécifiques sur la Charte à Paris en octobre 2000 puis lors du contre-sommet de Nice, en décembre 2000. Sur les droits des étrangers non communautaires (ressortissants des pays tiers), si la Charte votée à Nice réaffirme le caractère sacré du droit d'asile, elle laisse largement hors champ les droits fondamentaux des ressortissants des pays tiers non membres de l'Union et l'égalité des droits entre ces derniers et les citoyens de l'Union. L'action du collectif pourrait se poursuivre désormais à l'occasion des consultations nationales organisées surI' Avenir de l'Europe. En France, les autorités responsables souhaitent que le débat porte sur des questions telles que: « Que représente aujourd'hui l'Europe ? Quels doivent être ses contours, demain? Qu'en attendons nous, avec qui poursuivre la construction de l'Union européenne, pour -+ Congrès 1998 Sur « liberté de circulation, liberté d'installation» : promouvoir l'idée de liberté d'installation ». Extrait Atelier 2 « Sur l'asile : que les différentes formes de migration économique d'aujourd'hui soient reconnues au niveau international au même titre que l'asile politique et fassent l'objet d'un nouvel instrument international qui serait le pendant de la Convention de Genève ». « Sur le droit des étrangers et des immigrés: abrogation des lois Pasqua-Debré et Chevènement ; remise à plat de l'ordonnance de 1945 ; mise en chantier d'une véritable politique de l'immigration ; obtenir des instances politiques compétentes une refonte totale de la convention de Schengen ; régularisation de tous les sanspapiers présents en France; revenir à la situation antérieure à 1986 concernant les visas et suppression de l'obligation de visa; exigence auprès du gouvernement français du respect des engagements pris lors de la campagne législative de 1997 : abrogation des lois Pasqua, admission systématique au séjour en France pour les ressortissants étrangers faisant valoir des raisons humanitaires et ne relevant pas de l'asile politique (asile territorial), renégociation des accords bilatéraux, retour à la dispense du visa de long séjour; rediscuter le statut des étudiants; poursuivre la France pour nonassistance à personne en danger, auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, chaque fois que des éloignements forcés ont entraîné des atteintes graves, des disparitions ou le décès de la personne concernée. » éloignements forcés ont entraîné des atteintes graves, des disparitions ou le décès de la personne concernée ». Extrait Atelier 3 Différences nO 233 Octobre 2001 9 lJfouvemen faire quoi et comment? » Le débat « doit être décentralisé et ouvert à tous. Il est important que s'y expriment toutes les attentes et toutes les craintes vis-à-vis de la construction européenne ». (Guy Braibant, président de la commission indépendante nationale). - « Observatoire du droit à la santé des étrangers », suite des mobilisations ADMEF (1994) et URMED (1995-1999) pour la protection des malades étrangers contre les mesures d'éloignement forcé du territoire (introduite dans la loi Debré de 1997) et l'attribution à ces derniers d'une carte de résidence « stable et durable» (délivrance de la Carte de séjour temporaire (CST) d'un an par la loi RESEDA de 1998), «Pour une Couverture maladie universelle (CMU) véritablement universelle» (1998-1999). L'Observatoire publie désormais tous les ans un rapport d'observation sur les conditions d' accès aux droits médicaux et sociaux ainsi qu'au séjour. - « Coordination Justice - Droits de l'Homme» de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA), créée en juin 2001, à la veille de la célébration du centenaire de la loi de 1901 sur les associations. La Ligue des droits de 1 'homme en assure la première présidence et le Mrap en a été élu secrétaire. Lancement d'un processus de réflexion sur « Immigration et banlieue » La commission « Immigration» a décidé de lancer un nouveau cycle de conférences-débats sur Ecole-Police-Justice-Prison : « Injustice et discriminations dans le système scolaire » (intervenante: formatrice IUFM) ; « Les interventions de la Police, le racisme et les discriminations dont sont victimes les jeunes de France» (intervenant: responsable du Syndicat général de la police) ; « Pourquoi le racisme? Le rapport à l'autre» en abordant les questions des peurs et des haines, de l'engrenage des conflits et des violences, notamment en matière de police-justice- prison (intervenant: Daniel Sibony, psychanalyste, professeur de mathématiques à l'université de Paris) ; «Justice des mineurs
- délinquance de groupe, idée éducative
et enjeux démocratiques» (intervenant: Président du Tribunal pour enfants de Paris, de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, Secrétaire général adjoint de l'Association internationale des magistrats de la jeunesse) ; « Prison et enjeux du Projet de Loi pénitentiaire» (intervenant: Secrétaire général de l'Union générale des syndicats pénitentiaires - CGT). La Commission a représenté le MRAP lors • L'ACTIVITÉ INTERNATIONALE L'activité internationale du Mrap répond au second versant de ses buts, l'amitié entre les peuples. Comme on l'a vu, elle est inséparable des questions d'immigration et d'asile, de la mutualisation des politiques européennes, y compris en matière diplomatique, et de toutes les questions touchant à la lutte contre l'antisémitisme et l'extrême droite, à Internet, comme au grand mouvement critique sur la mondialisation. La séparation des échelles nationale et internationale est donc de moins en moins valide, avec la montée en puissance de l'Union européenne. Le Mrap a tenté, chaque fois qu'il le pouvait, d'intervenir en partenariat, conscient de sa faible influence internationale. L'international est sans doute le secteur du Mrap le plus détaché des actions locales, même si l'amitié entre les peuples, l'échange entre cultures fédèrent nombre d'actions menées par les comités. De plus les réactions à l'actualité internationale (Algérie, Kosovo, Tchétchénie) ont donné lieu à des manifestations locales, parfois importantes. Enfin certains comités ont permis l' émergence d'action de solidarité (A l'exemple d'Epinay- sur-Seine et la défense de Mumia Abu Jamal, Menton et la Palestine, Besançon et la 10 Différences nO 233 Octobre 2001 Tunisie ... ). Mais la coordination d'actions locales à un niveau national n'a pu avoir lieu que lorsque l'actualité l'imposait. Deux divergences ont donné lieu à des tensions au sein du Mouvement: la polémique autour de l'intervention/non-intervention au Kosovo, où les divisions au sein du Mouvement ont rejoint celles de la société française dans son ensemble, et celles relatives au conflit israélo- palestinien. Les organisations internationales Le Mrap a renforcé son influence auprès de l'ONU à Genève. Le représentant du Mrap a été élu au sein du Comité des ONG (CONGO) président du sous-comité contre le racisme. Un petit groupe de personnes accréditées, membres du Mrap mais souvent d'autres organisations de défense des droits de l'homme dans leurs pays, s'est constitué en Association des Amis du Mrap à Genève. Le Mrap est également actif au sein de la souscommission « international» de la CNCDH. Il est membre du Conseil de l'International movement against ail forms of discrimination and racism (IMADR). Le MRAP a pris part (deux représentants) à la Conférence monde mobilisations contre la double peine, notamment en préparation de la campagne initiéeparla Cimade en vue d'obtenir des engagements de la part de candidats aux prochaines élections législatives. Elle a égaIement soutenu, au nom du Mrap, un certain nombre d'initiatives prises par des associations issues de l'immigration, en particulier sur la question des mauvais traitements et « bavures» de la part de policiers ainsi que sur celle des suicides en prison. Le Mrap au Réseau Européen contre le Racisme (ENAR) Dès la préparation de l'Année européenne contre le racisme (1996-97), il est apparu qu'il était impossible d'admettre que les politiques européennes de lutte contre les discriminations (article 13 du traité d'Amsterdam) puissent être considérées isolément du contexte global des politiques migratoires. La lutte contre le racisme, la xénophobie et les discriminations doit être replacée dans le contexte des politiques de« gestion des flux migratoires »qui renforcent la« Forteresse Europe» car, dans l'Europe d'aujourd'hui, les migrants sont les principales victimes de la xénophobie et du racisme (lire ci-dessous Activité in- . ternationale). diale contre le racisme qui s'est tenu en septembre 2001 à Durban (Afrique du Sud). Actions et campagnes En ce qui concerne la recherche de la paix, le Mrap a centré son action sur les pays et les régions dont il maîtrisait le mieux la problématique
- Israël-Palestine, Algérie, EtatsUnis,
avec des interventions secondaires sur certains conflits (ex-Yougoslavie, ex-URSS, Burundi-Rwanda), pour la défense des droits de l'homme et des minorités (Iran-Irak, Tunisie, Mauritanie ... ), sur la lutte contre l'extrême droite (Autriche, Italie ... ). Pour ces aspects diplomatiques, il est intervenu soit auprès des autorités françaises, soit via l'ONU, soit par sa représentation à Genève et New York. Comme le précisait le Congrès de Bobigny, le Mrap s'est fréquemment exprimé contre toute forme d'embargo touchant les populations civiles, principalement sur l'Irak et l'exYougoslavie. Dès le début, le Mrap a dénoncé la guerre en Tchétchénie comme une atteinte au droit des hommes et au droit des peuples. Il s'est positionné pour un cessezle- feu immédiat, la fermeture des camps de filtration et la libération des détenus, le droit d'entrer et de travailler aux organisations humanitaires, le gel de tous les accords financiers avec la Russie et l'ouverture d'une commission d'enquête internationale sur les crimes commis en Tchétchénie. Il a participé à Paris à la manifestation organisée lors de la venue de Vladimir Poutine. Le Mrap a pris position pour la défense des droits de l'homme en Tunisie et la lutte en Iran pour le respect des libertés démocratiques (liberté d'opinion, d'expression, de religion, liberté de la presse ... ). Concernant les droits de l'Homme en Tunisie, le Mrap a organisé deux conférences de presse, ouvertes au public. La première, le 16 février 2000, répondait à l'expulsion par le gouvernement tunisien de l'universitaire français J ean-François Poirier associé à la grande figure d'opposition Siheme Bensedrine. Le Mrap a égaIement accueilli les dirigeants du Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT) La question kurde a été une préoccupation constante du Mrap et a été, avec France-Libertés, à l'origine de la création de la Coordination de solidarité avec le peuple kurde. Cette coordination a le mérite de rassembler avec des ONG françaises, tous les partis kurdes de Turquie, d'Iran et d'Irak. Elle prépare une conférence internationale sur la question kurde qui devrait se dérouler à Bruxelles cet automne. Le Mrap s'est plus particulièrement mobilisé en faveur des Kurdes de Turquie et contre la répression dans ce pays. Après l'arrestation d'A. Oçalan, le MRAP créait un « Collectif pour une solution politique à la question kurde ». Il a été à l'initiative de plusieurs manifestations pour les droits du peuple kurde et contre la répression dans les prisons turques en décembre 2000 et pour la solidarité avec les grévistes de la faim en maijuin 2001. Il est membre du « Collectif pour l'amélioration des conditions de détention des prisonniers politiques en Turquie» créé à l'initiati ve de l'A CTIT. Dès l'annonce de l'accession du FPO, le parti d'extrême droite de Jorg Haïder au gouvernement autrichien, le Mrap s'est mobilisé contre cet événement d'une extrême gravité (appel à des rassemblements de protestation devant L'ambassade d'Autriche, boycott du toùrisme en Autriche .. ). Sur la question israélo palestienne le Mrap est resté ferme sur les positions qu'il défend depuis des années malgré les menaces et les injures qu'il a eu a subir. Il a fermement condamné la répression sanglante contre la population palestinienne et demandé qu'il soit mis fin à la logique de guerre, aux fins que l'on revienne aux discussions pour la paix, sur la base des accords d'Oslo et de Charmel- Cheikh. Il a participé aux manifestations pour l'arrêt des massacres et pour une paix Congrès 17 et 18 novembre 2001 juste et durable, ce qui a valu au siège national d'être à deux reprises victime de déprédations de la part d'extrémistes. Le Mrap a été reçu avec la FIDH et France-Palestine Solidarité au Quai d'Orsay afin de demander d'urgence la mise en place d'une force internationale garantissant la protection des populations civiles palestiniennes. Plusieurs réunions publiques en présence d'intervenants palestiniens et pacifistes israéliens ont été organisées. Dans le même temps, le Mrap dénonçait avec vigueur (et déposait plainte contre) les débordements antisémites qui se sont produit notamment en marge de la manifestation à Paris du 7 octobre. Une plainte en diffamation était également déposée à l'encontre de d'Arno Klarsfeld, suite à ses propos calomnieux envers le Mrap devant des millions de téléspectateurs. Algérie. Depuis dix ans l'Algérie vit dans la guerre civile; le Mrap milite contre l'islamisme politique, pour les libertés publiques des Algériens, en Algérie bien sûr, en France toujours. Les massacres de 1997, l'assassinat de Matoub Lounès en juin 1998, avaient entraîné une série de manifestations en France, où le Mrap prit sa part. La relative accalmie des deux années suivantes a permis d'approfondir le dossier des Algériens en France: campagne en 2000, à l'occasion de la réception de Bouteflika à l'Assemblée nationale, pour une révision « à la hausse» des accords franco- algériens; amélioration d'un droit d'asile distribué au compte-goutte pour les Algériens, et de l'asile territorial, géré par le ministère de l'Intérieur en tout arbitraire .. . Le Mrap dénonçait cette situation, alors que la France reste de très loin la principale destination des migrants algériens. En même temps, à partir d'un petit noyau d'Algériens proches du Mrap, actifs sur la région parisienne, était constitué le Comité de soutien et d'entraide des Algériens en France, domicilié au siège national, interface avec les préoccupations concrètes des migrants, les organisations algériennes, les permanences d'accueil. Bien que malheureusement absent sur la question afghane, le Mrap a participé à la manifestation de solidarité avec les femmes afghanes à Paris et a immédiatement réagi en appelant à un rassemblement devant l' ambassade d'Afghanistan le 28 mai 2001 suite à la décision des talibans d'imposer aux non-musulmans le port d'un morceau de tissu jaune. Il a été reçu à l'ambassade et des contacts avec d'autres organisations (notamment des mouvements de femmes) ont été pris en vue de la manifestation du 29 septembre 2001. En matière de co-développement et de relations Nord-Sud, le Mrap a suivi avec attention l'évolution du dossier mené -+ Congrès 1998 « Le congrès du Mrap constate que: les inégalités insupportables continuent de se creuser entre pays riches et pays pauvres; les flux migratoires ont favorisé l'essor économique et culturel des pays développés comme la France dont la richesse s'est, en grande partie, constituée de l'exploitation des ressources et des peuples. Le congrès, en conséquence, appelle nos gouvernants à s'engager avec audace et résolution dans une politique nouvelle de co développement» « Sur l'amitié entre les peuples: établir un "état" de nos priorités pour guider l'action et les interventions, quand se produit une violation des droits de l'Homme» Extrait Déclaration solennelle « contre tout embargo touchant des populations civiles, mais résolument pour l'embargo des ventes d'armes » « Sur la Palestine : il est urgent de relancer le processus de paix devant aboutir à la création d'un Etat palestinien» « Sur l'esclavage : il est demandé que le Mrap ait une action spécifique relative aux pays où sévit l'esclavage sous forme directe aussi bien qu'indirecte, particulièrement en Mauritanie» « Sur l'Afrique : Le Mrap doit exiger du gouvernement français un changement radical de politique visà- vis des pays d'Afrique et notamment l'arrêt du soutien aux dictatures. » « En France : il est indispensable de réfléchir à toutes les répercussions que peuvent avoir des conflits internationaux sur le plan du racisme et de la xénophobie. » « Sur la dette: il est important aujourd'hui d'être sur les différents fronts de luttes contre toutes les formes du néolibéralisme ( ... ) et de faire pression sur le gouvernement français pour qu'il exerce des pressions politiques en ce sens» « Sur le co-développement : il a été proposé de promouvoir la création d'un comité de suivi très pluriel en matière de politique de co-développement. » Extraits Atelier 3 Différences nO 233 Octobre 2001 11 Mouvement par le Gouvernement, après la nomination d'un nouveau secrétaire d'Etat à la Coopération, mais il n'a pu que constater la limite des actions concrètes de co-développement. Il a rappelé la nécessité d'une réévaluation des pensions des Anciens combattants coloniaux. Les questions de mondialisation constituent un important facteur de mobilisation en France aujourd'hui, et le Mrap a cherché à s'intégrer aux collectifs sur cette question, comme celui sur la dette des pays pauvres, organisé par le CCFD. Le Mrap est aussi membre du Bureau d'Attac. A ce titre, il suit l'action de l'association et participe à certaines mobilisations, comme à Nice en 2000. Le Mrap a étroitement participé aux commémorations en France du cent-cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage dans les colonies, appuyant la proposition de la députée Christiane Taubira-Delanon d'inscrire l'esclavage au rang de crime contre l'humanité, devenue loi. Il a aussi soutenu la lutte contre les formes contemporaines d'esclavage, en particulier en Mauritanie, mais aussi au Soudan. Mumia Abu-Jamal - Leonard Peltier - Abolition de la peine de mort Le Mrap milite, depuis de nombreuses années, pour qu'un procès équitable soit accordé à Mumia Abu-Jamal, depuis vingt-cinq ans dans un couloir de la mort en Pennsylvanie. L'injustice dont il est victime et l'homme luimême, journaliste, ancien Black Panther, ont fait de Mumia plus qu'une victime, le symbole de l'injustice aux Etats-Unis et de l'application raciste de la peine de mort. Le Mrap retrouve avec cette cause celle des prisonniers politiques américains qu'il soutient depuis cinquante ans, des époux Rosenberg aux droits civiques, des Black Panthers aux questions sociales. Le Mrap, qui a été l 'un des fondateurs du Collectif « Ensemble Sauvons Mumia », en constitue le principal pilier. Ce collectif qui regroupe plus de 50 organisations est hébergé dans nos locaux et le Mrap en assure la logistique. Une salariée du Mrap, travaillant sur les campagnes, en constitue le principal appui technique. Depuis la deuxième date d'exécution fixée pour Mumia, en décembre 99, le collectif a pris une ampleur considérable au point qu'au moment de son départ, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis en France a reconnu officiellement que sa position par rapport à la peine de mort avait évolué (il s'est prononcé pour la recherche« d'une peine de substitution») grâce aux actions du collectif français. Le collectif a à son actifla signature de plus de 140000 pétitions, une collecte de fonds qui en un an a recueilli environ 70 000 12 Différences nO 233 Octobre 2001 francs (intégralement reversés à la défense de Mumia), des rencontres avec tous les groupes parlementaires de la majorité plurielle, aboutissant à ce que M. F orni, président de l'Assemblée nationale, rende officiellement visite à Mumia Abu-Jamal, l'envoi d'une délégation de 60 personnalités et militants à Philadelphie, l'organisation depuis plus de 5 ans d'un rassemblement hebdomadaire devant le Consulat des Etats-Unis à Paris et de plusieurs manifestations d'ampleur nationale; la réception de personnalités américaines notamment Pam et Ramona Africa, responsables du mouvement Move et du comité de défense de Mumia de Philadelphie ... Le Mrap a été choisi pour représenter le collectif « Ensemble Sauvons Mumia » au premier congrès contre la peine de mort à Strasbourg. Partout la mobilisation pour Mumia a montré un public jeune très concerné, et capable d'engagement. Les comités ont parfois repris cette dynamique à leur compte. A partir du combat en faveur de Mumia, le Mrap a étendu son champ d'actions au combat pour l'abolition de la peine de mort, d'abord aux Etats-Unis (en raison du caractère raciste de son application) : soutien en faveur d'Odell Barnes, initiatives au moment de la 500éme exécution, participation au collectif« Ensemble contre la peine de mort » et au Congrès de Strasbourg. Le Mrap avait en charge notamment l'organisation d'un débat portant sur le caractère raciste et socialement discriminatoire de la peine de mort ; Robert Meeropol, fils cadet de Julius et Ethel Rosenberg, a fait l'honneur d'y participer. A cette occasion, une brochure sur ce thème a été réalisée. Le Mrap participe également au collectif « octobre 2001 » sur la commémoration du 20éme anniversaire de l'abolition de la peine de mort en France; ce collectifréfléchit notamment sur la durée des peines (refus de remplacer la peine de mort par la mort en prison). Le MRAP agit également en faveur de Leonard Peltier, ancien responsable de l' American Indian Movement, condamné deux fois à la prison à vie pour un crime qu'il n'a pas commis. Sur toutes ces questions, l'absence d'une commission « Amériques » se fait durement sentir: ainsi concernant Leonard Peltier, le Mrap ne peut que relayer les initiatives de Nitassinan (Comité de soutien aux Indiens des Amériques), en l'absence initiatives propres. Espérons qu'après le congrès cette commission reverra le jour. L'action du Mrap au niveau européen Le Mrap s'est fortement investi au sein du Réseau européen contre le racisme (Enar). Le comité français d'Enar a été officiellement constitué le 6 juillet 1999. Le Mrap assure la présidence d'Enar-France et la vice-présidence d'Enar-Europe. A ce titre, il contribue significati vement à l'animation du conseil d' administration d'Enar France (10 réunions en 2000) et à sa représentation extérieure. Le comité français d'Enar a organisé en juin 2000 un colloque sur la« discrimination positive ». Au niveau européen, le comité français d'ENAR a participé aux réunions du Conseil d'administration et aux réunions européennes annuelles, ainsi qu'à la conférence de l'Union européenne sur le racisme de février 2000. Les 9 et 10 décembre 2000, il a participé au séminaire organisé par Enar sur ce que pourraient être des politiques alternatives d'immigration pour l'Union européenne. Enfin, le 13 décembre 2000, le comité français a représenté Enar au Forum des droits de l 'homme de l 'Union européenne. En étroite concertation avec le réseau Enar, le Mrap a organisé la consultation préalable à la Conférence européenne contre le racisme d'octobre 2000 à Strasbourg, préalable à la Conférence mondiale de Durban (septembre 2001) où le Mrap tint toute sa place. On le voit, l'action du secteur immigration du Mrap est indissociable de l'action internationale, d'abord en raison de l'unification des politiques européennes en matière d'immigration et d'asile, mais aussi parce que les partenariats s'avèrent aujourd'hui de plus en plus transfrontaliers. Sur la Conférence mondiale contre le racisme Un rapport substantiel sur cette rencontre et sur la participation du Mrap est en voie de finalisation. Il devrait rapidement être à votre disposition sous format papier ou sur Internet. Congrès 17 et 18 novembre 2001 • DÉVELOPPEMENT ET COMMUNICATION DÉVELOPPEMENT DU MOUVEMENT Effectifs Après 4 années de progression, le Mrap a enregistré en 1998 le plus grand nombre d'adhérents depuis plus de 10 ans. Cependant en 1999, il connaissait une diminution sensible (-17,3%). Le Conseil national et le Bureau national se sont penchés sur les raisons de cette chute et ont retenu les raisons politiques suivantes: Eclatement du FN laissant à tord penser que la lutte contre l'extrême droite n'est plus une priorité dans l'engagement militant La circulaire Chevènement ayant permis la régularisation partielle des sans-papiers a pu laisser croire que la question était réglée Désaccord partiel sur des positions du Mrap au plan international Dysfonctionnement interne La tendance est à la stabilisation en 1999 et en 2000. Il faut relever qu'il y eut un ralentissement dans la création de nouveaux comités locaux (9 en 1998,2 en 1999 et 2 en 2000. Bilan du prélèvement automatique C'est un gros avantage pour le Mouvement mais peu de succès auprès des adhérents. Au 31 décembre 2000, moins de 10 % réglaient leur cotisation par prélèvement automatique Réunions des présidents, secrétaires et trésoriers (PST) Afin de répondre aux exigences nouvelles liées à l'antiracisme de proximité, de la mise en place des CODAC et du 114 (qui accentue également les exigences d'une représentation politique dans les institutions locales parallèlement à nos activités traditionnelles ), le Mrap a tenu annuellement les réunions des PST. Ces réunions, non-statutaires, ont permis un échange d'expériences entre les comités locaux et fédérations ainsi que la mise en évidence des attentes et des besoins nouveaux des comités par rapport au National. Commission développement Elle est composée de Il membres (dont 9 du bureau national) chargés d'aider une région. Elle se réunit juste avant chaque Conseil national. Elle a connu en 2001 plus de difficultés de fonctionnement du fait du départ du salarié chargé de la liaison avec les comités locaux. Formation interne Des stages internes juridiques et secteur éducation se sont pérennisés. Des fiches techniques
- plus de 20 fiches mises à dispositions
des comités locaux ont été édités ainsi que des brochures, notamment sur l'immigration (de Paul Muzard et de la commission Immigration) et sur la peine de mort. COMMUNICATION INTERNE ET EXTERNE Différences Depuis le mois de septembre 1999, malgré une situation financière difficile, a été engagé un processus d'amélioration qui s'est notamment traduit par: un aménagement de la formule, avec la création d'un dossier thématique mensuel (voir ci -dessous la liste des thèmes traités), d'une rubrique consacrée au portrait d'un comité local ou d'une fédération
- l'introduction de l'illustration (photos,
dessins ... ) ; un rajeunissement de la maquette, destiné à rendre la matière plus attrayante. Cette formule a permis un gain certain en lisibilité grâce à des textes plus courts, aux illustrations, des niveaux de lectures plus nettement différenciés, des « unes» plus attrayantes, un contenu plus homogène. Les dossiers ont donné à la publication une identité éditoriale plus affirmée. La réflexion est en cours sur les possibilités d'élargir notre lectorat et de trouver les moyens d'améliorer la qualité de notre travail. Cela est d'autant plus stratégique que Différences constitue le lien permanent entre les adhérents du Mrap. Avant la fin de l'année, nous allons éditer un numéro spécial consacré à l'éducation des jeunes contre le racisme. Notre ambition est de faire un tour d'horizon des analyses, des méthodes, des outils que mettent en place enseignants, formateurs, chercheurs, militants pour faire émerger chez les jeunes générations un esprit critique face aux préjugés racistes et une ouverture sur les cultures du monde. Thèmes des dossiers depuis la création de la nouvelle formule 1999 Septembre, n° 210, Afrique du Sud Octobre, n° 211, Images, mémoire, histoire (Shoah) Novembre, n° 212, La politique de l'immigration en France Décembre, nO 213, La presse algérienne 2000 Janvier, n° 214, Paroles de Palestine Février, nO 215, Les archives Mars, nO 216, Tsiganes et Gens du Voyage Avril, nO 217, Internet, un outil contre le racisme Mai, n° 218, Le droit de vote des étrangers Juin, n° 219, Les discriminations racistes Juillet/Août n° 220 Images, mots, musique Septembre, n° 22, Conférence européenne contre le racisme Octobre, nO 222, Abolir la peine de mort Novembre, n° 223, Le combat pour l'égalité des femmes immigrées Décembre, n° 224, Centenaire de la loi sur les associations 2001 Janvier, nO 225, Enseignerl'histoire, former des citoyens Février, n° 226, La Caravane de la citoyenneté Mars, n° 227, Le génocide rwandais Avril, n° 228, Le risque de la ségrégation génétique Mai, nO 229, Les Amérindiens Juin, n° 230, Sortir de l'enfer kurde Juillet/Août, n° 231, L'extrême droite Septembre, nO 232, Le congrès mondial contre la peine de mort. La Lettre de l'Adhérent. Malgré tous les supports existants, les adhérents sont bien souvent sous informés de l'activité du mouvement. Fin 99 dans le cadre de la réflexion sur Différences, le Conseil national a décidé la mise en place d'un nouvel outil de communication interne «La Lettre de l'Adhérent ». Réalisé par des membres du Secrétariat national, elle est envoyée à l'ensemble des adhérents sans date fixe et selon les besoins de l'actualité (environ une lettre par mois sauf pendant la période estivale). La Lettre du Secrétariat est maintenue; elle est envoyée aux présidents des comités -+ Congrès 1998 « 1/ faut bien sûr poursuivre les efforts p our le développement du Mouvement, pour la formation interne des adhérents» « réfléchir au rôle de nos différentes instances, notamment aux Fédérations qui comme le National doivent être un lieu d'impulsion et d'aide aux comités locaux afin d'améliorer l'antiracisme de proximité» Extraits Atelier 1 « Le Mouvement a besoin d'une presse interne, mais doit égaIement développer une communication externe. Ce qui nous amènera à reconcevoir le rôle de la Lettre du Secrétariat et de Différences» Extraits Atelier 1 Différences nO 233 Octobre 2001 13 Mouvement (suite et fin du rapport d'activités) locaux en fonction également des besoins et sert à l'envoi de dossiers épais. Les sites Internet national et locaux du Mrap et la liste interne permettent également une communication rapide. Le Congrès devra réfléchir sur les moyens pour améliorer cette communication notamment transversale, un comité étant souvent peu au courant des activités des autres comités; c'est pourtant l'ensemble de ces activités de terrain qui constitue la richesse principale du Mouvement. Publications et co-publications Nouvel élan durant ces trois dernières années. Ont paru : - « Chronique d'un combat inachevé» ouvrage collectif sur l'histoire du MRAP - « En finir avec la guerre contres les pauvres » de Paul Muzard - « Ecrivains / Sans-papiers» : à l'automne 2000, un groupe d'écrivains publiait aux éditions Bérénice ce recueil de nouvelles dont les bénéfices sont reversés au MRAP Les livres de Mumia La publication du guide sur « Les victimes de racisme» a été reportée à fin 2001 afin de prendre en compte les aménagements législatifs en cours de discussion au Parlement. Concert 50ème anniversaire: un franc succès Ce concert donné par l'Orchestre national de Lille a eu lieu à l'Unesco (mise à disposition d'une salle de plus de 1 000 places). Il a été parrainé par de nombreuses personnalités dont Jean Kahn, Boutros Boutros-Ghali, Tahar Ben Jelloun, Albert Jacquard), lu Conseil régional d'Ile-de-France, des ministères de la Culture et des Transport. Ce concert a dégagé un bénéfice financier et politique conséquent pour le MRAP. Internet Il n'existe pas de «secteur Interne» alors que ce vecteur de communication pose indirectement des réflexions politiques qui ne sont pas toutes spécifiques à cette technologie. En tant qu'outil de communication, Internet a été développé au travers du site central du Mrap, de listes de diffusion, des courriers électroniques. Depuis trois ans un certain nombre de sites locaux ont vu le jour. Après quatre ans d'existence, le site national atteint aujourd'hui un rythme intéressant de consultations: 90 000 visiteurs durant les douze derniers mois; 400 000 pages consultées par des visiteurs de 55 pays en moyenne chaque mois. Sont lues prioritairement les pages consacrées à la présentation du Mrap, nos positions sur l'actualité du moment, (il y a deux ans c'était l'extrême droite, aujourd'hui c'est le ProcheOrient, ainsi que les pages reportages Proche- Orient créées par le comité de Menton, très consultées actuellement). Le site a pour fonction d'être une vitrine du Mrap et d'in- 14 Différences nO 233 Octobre 2001 former. Aujourd'hui, par déficit de textes le site répond peu à l'actualité alors que la demande est forte. Une meilleure coordination entre les commissions et le site favoriserait l'alimentation du site en contributions. Le Mrap diffuse deux listes électroniques : une liste interne (80 personnes à peu près) qui connaît pas mal d'échanges, mais répond encore assez peu à sa vocation initiale d'échange entre militants (forum) ; une liste externe de diffusion de nos communiqués, aujourd'hui un franc succès. Ainsi 800 personnes reçoivent toutes nos informations, et certaines sont fidélisées depuis longtemps. Parmi elles, 15 % d'étrangers. Le développement exponentiel de la correspondance électronique, lié à la généralisation de son usage chez les utilisateurs d'informatique, implique un lourd travail de lecture du courrier, de réponse, de réorientation des messages vers le correspondant le plus à même d'y répondre. Le nombre de messages a explosé en un an, concernant des domaines aussi divers que des demandes juridiques, des questionnements et réactions sur l' actualité, des commentaires divers, prises de position, listes de diffusion d'organisations proches, françaises ou étrangères. Le Proche-Orient est depuis plusieurs mois le sujet le plus décliné. En matière de communication interne, les possibilités offertes par Internet sont sous exploitées alors que cet outil permettrait une rapidité de la communication et des échanges plus horizontaux; les échanges d'expériences entre militants sont très marginaux. Le Mrap n'ayant pas intégré la notion de réseau, les sites existants ne sont pas mis en synergie et les ressources internes ne sont pas mutualisées. Par ailleurs, une liste externe, comme à la LDH, pourrait aussi enrichir les débats et les réflexions Le Mrap a adhéré au Forum de l'Internet initié par le Premier ministre cette année. A sa création le Mrap était la seule organisation antiraciste présente; la LDH vient de nous rejoindre. En conclusion, à l 'heure des réseaux de communication il est important que le Mouvement engage une réflexion transversale sur l'utilisation d'Internet en interne et en externe. Le site central doit dépasser le cadre de la vitrine pour être un lieu ressource au service du militant comme du simple usager. Congrès 17 et 18 novembre 2001 Thème 1 R, acisme-antiracisme î Evolution en France et en Europe ~ Quelle stratégie pour le Mrap? Qu'en est-il du racisme aujourd'hui? A première vue, il peut sembler que le racisme actuel est moins virulent avec ins d'incidents violents, moins d'expulsions . .. L'éclatement du FN donne, également à tort, le sentiment que le racisme s'est apaisé, comme si le racisme et le slogan de la préférence nationale se réduisaient à ce parti. En somme, un sentiment de moindre danger. Et pourtant, nous pouvons aisément constater que les maires du FN ou MNR ont conservé leurs municipalités, parce que les électeurs les ont reconduits et parfois massivement comme à Vitrolles. En nombre de voix, l'extrême droite n'a pas régressé lors du dernier scrutin. Il y a de surcroît les partis de droite qui servent sans complexe de relais aux idées sécuritaires et xénophobes, s'appuyant sur la non-satisfaction des attentes que nous étions en droit d'avoir d'un gouvernement de gauche. Des revendications qui patinent: Nous pouvons malheureusement constater qu'en 3 ans, les grandes revendications soutenues avec force par le Mrap n'ont pas totalement abouti. Ce ne sont pourtant pas les actions qui ont manqué: manifestations, parrainages ... , il faut bien reconnaître l'échec relatif de nos actions. Que ce soit pour la suppression de la double peine qui a continué à éloigner des gens de leurs familles et à les bannir: le mot « double » traduit bien une discrimination. Ou encore pour le droit de vote des étrangers qui n'a pu aboutir en France alors que d'autres pays l'ont accordé et que les délais pour une modification de la Constitution étaient suffisants. Certes, notre action pour le droit de vote a eu des répercussions favorables, par exemple le vote majoritaire à l'Assemblée nal tionale d'un text!:} de loi et l'évolution positive de l'opinion publique (Plus d'un Français sur deux y est favorable) ; positive mais combien insuffisante face au blocage du gouvernement. Ou encore pour la régularisation des sans papiers, emblème des « sans-droit» est au point mort depuis 4 ans. Cet échec n'est il pas un symptôme de la domination postcoloniale. Des étrangers continuent d'être expulsés au mépris de leur dignité. Les limites de notre action : Ces constats démontrent bien les blocages d'un gouvernement et d'un législateur de gauche. Ces constats montrent aussi les limites de l'action des forces antiracistes qui, certes, font évoluer des mentalités mais n'arrachent pas la victoire. Nous n'avons pas réussi à peser suffisamment sur les événements. Une nouvelle fois la démonstration est faite que le mouvement antiraciste seul ne peut faire reculer sensiblement ce fléau confirmant ainsi l'avis de notre précédent congrès. Il est vrai que les questions des flux migratoires ou de ce qu'on appelle les migrations clandestines révèlent d'une situation qui dépasse le cadre hexagonal. Les bateaux qui échouent sur les côtes italiennes ou sur une côte française, les Africains qui se noient dans le détroit de Gibraltar, les gens qui meurent asphyxiées dans un camion frigorifique, les enfants qui tentent une traversée meurtrière dans un train d'atterrissage, les hommes qui meurent de soif dans le désert parce que leur camion est tombé en panne. Toutes ces migrations montrent l'ampleur de la pauvreté et les conséquences des guerres ou conflits. Elles ne s'ouvrent malheureusement qu'à des émotions passagères. Le désintérêt à l'égard des immigrés chez nous est à rapprocher des inerties internationales
- les dettes, les plans d'ajustement structurel,
la diminution de l'aide publique, les conflits .... Nous avons toujours affirmé qu'une mémoire défaillante est un élément des blocages, du mépris, de l'infériorisation. Les silences, le refus de la vérité sur le passé colonial ou les guerres, ainsi que sur les tortures, traduit le refus de la France d'assumer son passé et alimente de surcroît le racisme. Les Français sont toujours prêts à exiger des commissions d'enquête dans d'autres pays, mais ils refusent la mise en place d'une commission d'enquête sur les tortures en Algérie. Quand il s'agit de nous, ça change tout. Si on refuse la vérité de la mémoire, rien ne débloquera l'émergence de nouveaux droits. C'est pourquoi le congrès invite les adhérents à faire plus dans les prochaines années dans ce domaine. Nous avons un devoir de mémoire. Nous le constatons, les résistances aux avancées citoyennes sont étroitement liées à une cécité sur le passé. Nous devons donc agir face aux refus de la vérité sur le passé colonial, sur les guerres, sur la torture pour assumer le passé. Pour ce faire appuyons-nous sur le socle d'action que représentent nos interventions sur le 17 octobre 1961. Tentatives. initiatives gouvernementales: Et pourtant nous pouvons constater que le gouvernement actuel tente de mettre ne place des mesures politiques antidiscrimination ! Mise en place du GELD, des CODAC, du 114. Ce qui est en soi une reconnaissance publique du fléau que nous dénoncions vainement depuis plus de 20 ans. Mais la mise en place de telles structures ne peut suffire et nous continuons d'assister à une non progression des droits des étrangers, à la persistance d'une sous-citoyenneté figée. Le congrès confirme la volonté du Mrap à s'investir dans ces structures institutionnelles afin qu'elles ne soient pas des « coquilles vides» et de lier ces actions avec de nécessaires interventions de mobilisations collectives des victimes des discriminations et de leurs soutiens. . Racisme au quotidien: Sur le plan social, au quotidien, nous nous heurtons sans cesse au racisme. Racisme à l'égard duquel nous semblons avoir difficilement prise. Qui se traduit par l'infériorisation des étrangers, ex-colonisés, toujours revêtus du manteau de« moins ». On sait par exemple que le nombre de chômeurs a diminué, mais les étrangers restent fortement touchés et ils subissent plus que les nationaux les ravages de la mise en pièce du code du travail, Ils sont en particulier les victimes privilégiées des agences d'intérim. C'est un domaine où ils font partie de la cohorte des exclus en y tenant les places les plus« inférieures ». L'aggravation de ce racisme se manifeste fortement par les discriminations dont sont victimes les enfants français de parents étrangers ou d'origine étrangère, comme un entêtement à vouloir prolonger le statut colonial. Ce type de discrimination exprime un frein de civilisation. Pour eux, les exclusions d'aujourd'hui sont le prolongement de celles du passé. Avoir fixé l'action contre les discriminations comme une des priorités du mouvement se révèle aujourd'hui comme une excellente chose puisque ces pratiques sont reconnues comme la principale pratique raciste en France. Pratiques qui atteignent à la dignité et entraînent des souffrances considérables dans une grande partie de notre jeunesse. Notamment de celle dite des « banlieues ». Le congrès réaffirme cette priorité. Mise en oeuvre et stratégie : Agir contre le racisme, être une force utile -+ Différences nO 233 Octobre 2001 15 ltlouvement Thème 2 Liberté de circulation, liberté d1installation Pistes pour un débat Entre 1995 et 1999, la Commission Immigration du Mrap accomplit un long travail d'approfondissement sur la question des « politiques migratoires » et s'oriente vers l'élaboration d'un document de réflexion et de débat de la Commission Immigration sur le thème « Liberté de circulation-Liberté d'installation ». Ce travail démarre alors que sont en vigueur en France les lois Pasqua de 1993 et 1994, destructrices des droits des immigrés. Pour une bonne part, ces lois constituent une transposition précoce en droit interne des politiques intergouvernementales de l'Union eurosuite de la page 15 (thème 1) -+ aux victimes et aux antiracistes nécessite une organisation spécifique, attractive, à l'écoute des évolutions de ce phénomène et des victimes, visible et clairement identifiée. Un constat évident : nous rencontrons beaucoup de difficulté pour la mise en oeuvre de notre combat. Ces difficultés ne peuvent pas prendre uniquement leur source dans la fai blesse numérique de notre organisation. Pour pallier nos insuffisances, nous devons, lors de notre congrès, définir certaines modifications dans notre pratique et notre fonctionnement en lien direct avec les priorités politiques nouvellement définies. Toutes ces questions posent avec force la nécessité de réaffirmer les différents aspects de notre stratégie, à savoir: - L'identité de notre mouvement agissant contre le racisme faisant partie intégrante du combat, dans toutes ses dimensions, pour le respect de la dignité humaine, pour l'égalité à la citoyenneté et pour les droits de l'homme. - Actions spécifiques contre l'exclusion, terreau du racisme. Interventions en partenariat tout en veillant à garantir notre spécificité et notre indépendance. - Priorité à l'antiracisme de proximité avec une pratique qui favorise l'activité des comités locaux. - Interventions réactives mais devant aussi s'inscrire dans un proj et positif induisant des propositions. - Le Mrap réaffirme son caractère pluraliste y compris de ses directions. Notre combat contre le racisme implique également une intense activité d'éducation à la 16 Différences n° 233 Octobre 2001 péenne. Les militants du Mrap, au même titre que ceux des autres associations de soutien aux immigrés, se sentent« le dos au mur » et ont envie de reprendre l'initiative. Le 18 mars 1996, un groupe de 300 sanspapiers, adultes et enfants, occupent l'église Saint-Ambroise et posent le premier acte d'une épopée marquée par le courage et la dignité. Désormais, on ne parlera plus de « clandestins» mais de « sans-papiers» demandant à être « régularisés ». Les citoyens de France, puis d'Europe, découvrent dans les sans-papiers des hommes, des femmes et des enfants, des sans-droits qui ont le courage de relever la tête et de prendre le risque de citoyenneté en direction de la jeunesse mais aussi auprès de toutes celles et tous ceux qui ont la tache de former les citoyens. Affirmer la spécificité du mouvement dans le travail en partenariat devient, au regard de notre expérience de ces dernières années, une nécessité absolue. Nous réaffirmons cette exigence et invitons l'ensemble de nos structures a y oeuvrer. Ce qui nous amène à réaffirmer, également, notre conception de notre indépendance. Celle-ci ne pouvant se juger au regard des alliés ponctuels dans tel ou tel combat mais sur notre réelle capacité à définir nos positions sur la base de nos propres valeurs et à rassembler largement autour d'elles. Le congrès tient à valoriser le rôle de nos comités locaux, dans le cadre de l'antiracisme de proximité. Des structures locales où se manifeste le plus clairement l'énorme potentiel de notre capacité d'intervention. Le congrès invite l'ensemble des structures nationales et régionales à favoriser leur activité d'aide aux comités locaux. Une aide qui doit se renforcer sans cesse. Une aide également auprès des militants qui ont la charge de gérer localement des situations particulières avec l'esprit de responsabilité que leur confère la confiance des adhérents qui leur ont donné le mandat de les représenter. Jean-Claude Dulieu se mettre sur la place publique. La Commission du Mrap a commencé à nouer des contacts avec des universitaires, elle s'intéresse aux travaux de longue date de l'OCDE sur les Migrations internationales, décide d'ouvrir sur ce thème un cycle de conférences- débats au siège et y invite, en moyenne • une fois toutes les 4 à 6 semaines, des économistes, des historiens, des anthropologues, sociologues, juristes, des organisations de solidarité pour le développement... Le 18 novembre 1996, huit associations - Comité Catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), Comité des sanslogis (CDSL), Droits devant, Emmaüs-France, Fédération des associations de solidarité avec mes travailleurs immigrés (Fasti), Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti), Ligue des droits de l'homme (LDH) et Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) - rendent publique une Déclaration intitulée: « Pour la régularisation des sans-papiers-Pour une révision radicale des politiques d'immigration » et posent dès l'abord l'ensemble des questions qui peuvent l'être dans des termes pratiquement inchangés. C'est sur cette Déclaration que s'appuient, en conclusion, certaines des pistes de questionnement proposées au débat. Au même moment, les « Sans-papiers », le « Collège des Médiateurs », les associations issues de l' immigration en France, la Commission Immigration du PC, l'UPSI (Université Populaire de Solidarité Internationale) , la LDH, le Forum des Migrants de l'Union européenne ... organisent rencontres, colloques, réunions de travail, cycles de conférences publics sur les sans papiers en Europe, les régularisations des pays nord-méditerranéens, les politiques de visas .. , au sein de la « forteresse Europe ». Le 10 juillet 1997, alors que vient d'être publiée la circulaire Chevènement et mise en place la mission de Patrick Weil chargée de la mise en forme des lois sur les étrangers, Act Up-Paris, Droits devant !, le Centre d'études et d'initiatives de solidarité internationale (Cedetim), la Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (FASTI), le Groupe d'information et de soutien ) des immigrés (Gisti), le Syndicat de la magistrature (SM) rendent publique une « Lettre ouverte à Lionel Jospin» qui réclament, en priorité, l'ouverture d'un vaste débat public: .. « Ouvrir un débat de fond dans la société est pour nous une nécessité et une exigence. Il faut examiner [ ... ] la question du volume réel des flux migratoires, de ses causes, de ses effets et des moyens qui permettraient à la France et à l'Europe de vivre en bonne intelligence avec les immigrés présents et à venir. Du coup, l'opinion cessera de considérer a priori les flux migratoires comme un danger. La question de l'immigration est en grande partie devenue un problème parce que pouvoirs publics et partis politiques l'ont trop longtemps considérée comme un sujet tabou. Sans faire preuve du moindre angélisme, nous pensons qu'il est tout à fait possible d'imaginer d'autres solutions que la répression. Mais cela suppose que votre gouvernement prenne le temps de créer les conditions d'un débat ouvert avant de légiférer, ce qui aurait aussi le mérite de démontrer l'absurdité des thèses du Front national en la matière ... S'il est vrai qu'il y a urgence à améliorer de nombreuses dispositions de la législation actuelle pour que les étrangers actuellement victimes des textes en vigueur sortent rapidement des impasses dans lesquelles ils sont enfermés, il y a aussi nécessité dune refonte radicale de la politique menée par la France. Le gouvernement pourrait donc procéder en deux étapes (ndlr: régularîçation des sans-papiers puis réforme de la politique d'immigration), à condition que l'urgence ne serve pas de prétexte à escamoter la refonte qui requiert du temps. Cette refonte implique, selon nous, le remplacement du principe de la fermeture des frontières par celui de la liberté de circulation. Compte tenu de l'attitude défensive d'une forte partie de l'opinion après vingt-cinq ans d'imprégnation par le fantasme de l'invasion, ce renversement des perspectives implique l'organisation d'un débat national destiné à remettre les croyances en phase avec la réalité ». En 1998, faute d'un débat interne suffisamment approfondi et étendu dans le mouvement, le Congrès du MRAP ne se résout pas à faire de l'objectif de «Liberté de circulation- Liberté d'installation» une priorité pour les trois années à venir. Il approuve cependant, sur la hase des propositions de la Commission Immigration le texte suivant: « Le Mrap décide de faire du thème "Liberté de circulation-liberté d'établissement" un axe fort de sa réflexion et de son action. En conséquence, il décide d'initier une campagne pédagogique d'explication sur les enjeux de la liberté de circulation et de la liberté d'établissement / installation afin de faire prévaloir les valeurs d'ouverture et de solidarité et de participer à des actions unitaires "pour faire avancer l'objectif d'ouverture des frontières" ». La réflexion et le débat se poursuivent donc tout particulièrement avec la remise par la Commission Immigration au Bureau national du Mrap du document « Liberté de Circulation Liberté d'installation» (25 mai 1999). Le Bureau national en prend acte mais n'y donne pas de suite spécifique. Cependant, sur l'initiative du Mrap du Nord est organisé à Lille, le 29 janvier 2000, un colloque régio- Congrès 17 et 18 novembre 2001 nal « Pour une autre politique de l'immigration », dont on peut regretter qu'il n'ait pu être le point de départ d'un vrai débat national. Entre temps, la Fondation Copernic entame un long travail sur ce thème qui doit faire l' objet d'une prochaine publication. La Fasti, de son côté organise un large Forum à Paris sur « Liberté de Circulation Liberté d'installation » , auquel participent sans-papiers et associations. La Conférence nationale du Mrap, en octobre 2000, donne sur cette question, dans le contexte particulier de la Mondialisatïon, la parole à Monique Chemillier-Gendreau, professeur de droit, mais surtout l'auteur de « L'injustifiable », livre dans lequel elle fait part de son expérience de membre du Collège des Médiateurs puis de sa réflexion sur Liberté de Circulation Liberté d'installation. A cette occasion, chaque membre du Mrap avait reçu le document de la Commission immigration Liberté de Circulation Liberté d'installation de mai 1999. Cette synthèse peut continuer à servir de toile dc fond au débat. Mais des questions plus ciblées devraient être posées à notre Congrès. On pourrait, en particulier, se demander - si, depuis 1996, la situation a vraiment changé et comment - s'il y a lieu de modifier, et de quelle façon, le diagnostic posé par la Déclaration interassociative de novembre 1996 « Pour la régularisation des sans-papiers. Pour une révision radicale des politiques d'immigration ». La longue lutte des sans-papiers, à laquelle le gouvernement oppose fin de nonrecevoir et brutalités, pose publiquement la question, toujours éludée des conséquences de vingt-cinq ans de législations successives supposées fermer les frontières. Ces politiques, reposant sur la pensée unique de la fermeture des frontières et sur le mythe de l'immigration zéro, sont, à l'ère de la mondialisation, irréalistes et dangereuses : - elles désignent l'étranger comme principal responsable du malaise social et de la crise (chômage, insécurité ... ), ce qui permet d'occulter l'absence d'un proj et politique apte à s'attaquer aux causes réelles de la misère et de l'inégalité sociale, aux plans national, européen et international . - elles génèrent et accroissent cette inégalité sociale et les injustices; - elles participent à la remise en cause des droits sociaux et du droit du travail en alimentant le travail illégal; - elles déstabilisent et fragilisent les étrangers en situation irrégulière, ainsi que les Français originaires des Dom/Tom et d'origine étrangère - elles favorisent le racisme et la xénophobie; - elles sapent ainsi les fondements de la démocratie en stigmatisant et en criminalisant les étrangers, leurs proches et les Français qui les soutiennent... • Le tout à la lumière des politiques d'asile et d'immigration de l'Union européenne, en voie de « communautarisation » dans le cadre du Premier Pilier, au chapitre « Justice et Affaires intérieures ». « La Commission a défini des stratégies qui non seulement répondent à la nécessité de réduire les facteurs d'incitation à l'immigration, essentiellement par le biais du développement économique dans les pays d'origine et de transit, mais soutiennent aussi des actions telles que les réformes législatives, les moyens de faire appliquer la loi et les systèmes modernes de contrôle à la frontière. Une nouvelle approche intégrée a également commencé à voir le jour grâce aux travaux du Groupe de haut niveau "Asile et Migration". Six plans d'action, fondés respectivement sur un programme cohérent de coopération et de développement impliquant un dialogue avec le pays concerné, ont été établis pour certains pays ou certaines régions; des ressources fi nancières devraient être prochainement allouées à une action communautaire en faveur de la mise en oeuvre de ces plans. À l'avenir, tout en essayant de comprendre les causes des migrations et d'agir sur ces causes, l'Union devra donc également réfléchir aux effets de l'émigration sur les pays d'origine, en tenant compte de la très grande diversité des situations économiques, démographiques, sociales, politiques et en matière de droits de 1 'homme qui sont à l'origine des flux migratoires dans chacun de ces pays, et devra prendre une attitude responsable à cet égard. Non seulement cette démarche reflète les valeurs européennes, mais elle servira aussi à la fois les intérêts de l'Union et ceux des pays concernés. Dans la plupart des cas, la situation est complexe, l'incidence des migrations étant à la fois positive et négative. Au cours de la période initiale d' installation dans le pays d'accueil, les envois de fonds des immigrés vers leur pays d'origine peuvent représenter une partie importante du budget national. Lorsqu'ils sont effectués à une grande échelle, ces envois peuvent dissuader le pays d'origine des migrants de coopérer au contrôle de l'émigration. Ils peuvent sensiblement améliorer le niveau de vie des familles bénéficiaires et contribuer au développement de l'économie locale, bien qu'il semble que ce soit les grandes villes qui en bénéficient le plus, au détriment des zones moins peuplées. En revanche, l'émigration peut avoir des effets négatifs sur l'économie locale lorsque ce sont les personnes les plus qualifiées et ayant l'esprit d'entreprise le plus développé qui quittent le pays. Le problème de la fuite des -+ Différences nO 233 Octobre 2001 17 Mouvement suite de la pge 17 (thème 2) cerveaux est particulièrement préoccupant dans les pays en développement, qui ne peuvent nullement se permettre de perdre le bénéfice des investissements qu'ils ont réalisés dans les domaines de l'Education et de la Formati on, en particulier dans l'enseignement supérieur. L'ampleur de ce problème s'accroît actuellement dans un certain nombre de pays, notamment sur le continent africain et en Inde, et devrait encore augmenter tant que la pénurie de main-d'oeuvre hautement qualifiée dans certains secteurs, qui touche l'Europe et d'autres parties du monde développé, et les gros écarts de salaires inciteront les personnes qualifiées des pays en développement à émigrer. Face aux flux de plus en plus mélangés de migrants mus par des motifs économiques et autres et aux populations à cheval sur deux cultures qui tentent de survivre, il est possible d'élaborer des politiques qui fassent profiter des migrations aussi bien le pays d'origine que le pays d'accueil. C'est ainsi que l'on pourra atténuer les effets de la fuite des cerveaux et utiliser au mieux les envois de fonds des migrants. Etant donné que les domaines de l'immigration et de l'asile relèvent désormais de la compétence communautaire, il seront, dans la mesure du possible, intégrés plus expressément dans les programmes communautaires concernant les pays tiers, tant dans le domaine du commerce que dans celui du développement. Cela vaut en particulier pour les programmes TACIS, PHARE et MEDA. Les questions migratoires doivent de plus en plus faire l'objet du dialogue engagé dans le cadre des accords de partenariat et de coopération, des stratégies communes de l'Union à l'égard de la Russie, de l'Ukraine et de la région méditerranéenne et des discussions avec les pays d'Afrique, des Caraibes et du Pacifique (ACP). » Extrait de la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen: Politique communautaire en matière d'immigration, 22.11.2000, COM(2000) 757 final. 18 Différences nO 233 Octobre 2001 • Ainsi que des Études démographiques et économiques (Nations Unies, OCDE, Union européenne ... ) sur l'acuité des besoins de main d'oeuvre dans l'Europe de 2050 : « Les Migrations de remplacement sont-elles une solution à la diminution et au vieillissement de la Population? » L'étude examine la situation dans huit pays, à savoir: France, Allemagne. Italie, Japon, Fédération de Russie, Corée du Sud, Royaume- Uni et États-Unis. La période couverte est en gros d'un demi-siècle. Quatre scénarios sont envisagés pour ces huit pays: 1°) État de la population avec une immigration zéro; Migrations requises pour maintenir le chiffre actuel de la population; Migrations requises pour maintenir la population active (15 à64ans) ; Migrations requises pour maintenir le ratio population active - retraités (15- 64 ans, divisé par plus de 65 ans). Comme souligné ci-dessus, les populations des pays d'Europe et du Japon devraient diminuer au cours des cinquante prochaines années. Par exemple, la population de l'Italie devrait passer de 57 millions à 41 millions en 2050. Pour maintenir sa population au niveau actuel, l'Italie aurait besoin d'environ 250 000 migrants par an ... Et en Allemagne, la population active passerait de 56 millions à 43 millions. Ces diminutions seraient encore plus marquées s'il n'y avait aucune immigration. (Extrait de la présentation de l'Etude de la Division de la Population, Département des Affaires Economiques et Sociales, Nations unies, Janvier 2000). • Il faut également prendre en considération l'évolution du discours public - Revirement de d'Alain Juppé sur l'immigration. L'ancien ministre qui avait envoyé la police briser les portes de l'église Saint-Bernard contre des sans-papiers considère que la notion « d'immigration zéro ne veut pas dire grand-chose ». Le maire de Bordeaux estime que « la décrispation est possible parce que le contexte économique est aujourd'hui plus favorable, mais aussi parce que les Français sont devenus plus tolérants ». Il ne renie pas les lois Pasqua-Debré, mais déclare que « le regroupement familial est un droit et que l'Europe, compte tenu de sa démographie, aura sans doute besoin d'apports de main-d'oeuvre étrangère ». (Journal L'Humanité, 1er octobre 1999) • Et la relation entre migrations, libération et« ouverture des frontières » telle que la dessinent Michael Hardt et Antonio Negri dans «Nomadisme et métissage» : « Les héros réels de la libération du tiers-monde, aujourd'hui, pourraient bien avoir été les émigrants et les flux de population qui ont détruit les anciennes et les nouvelles frontières. De fait, le héros post-colonial est celui qui transgresse continuellement les frontières raciales et territoriales, qui détruit les particularismes et indique la voie d'wle nouvelle civilisation. L'autorité impériale, au contraire, isole les populations dans la pauvreté et ne leur permet d'agir que dans les camisoles de force des nations post-coloniales subordonnées. La sortie du localisme, la transgression des douanes et des frontières, et la désertion de la souveraineté ont été les forces opérationnelles dans la libération du tiersinonde. Ici, plus que jamais, on peut identifier clairement la différence que Marx définissait entre émancipation et libération. L'émancipation est l'entrée de nouvelles nations et de peuples nouveaux dans la société impériale de contrôle, avec ses hiérarchies et ses segmentations nouvelles; la libération, au contraire, signifie la destruction des frontières et des schémas de migration forcée, la ré appropriation de l'espace et le pouvoir pour la multitude de déterminer la circulation mondiale et le mélange des individus et des populations. Circuler est le premier 'acte éthique d'une ontologie contre-impériale ... ». Bernadette Hétier ... Congrès 17 et 18 novembre 2001 Thème 3 Réflexion sur la mondialisation 1 - QU'ENTEND-ON PAR MONDIALISATION? La mondialisation néo-libérale est le dernier avatar du capitalisme. C'est aussi, quelque part, une nouvelle forme de l'ethnocentrisme de l'Occident. C'est la marchandisation du monde, la financiarisation de l'économie (détournée de son objet originel qui est la recherche de la satisfaction des besoins humains) et la globalisation financière. Le système financier international prend désormais la forme d'un méga-marché unique de l'argent caractérisé par une double unité: unité de lieu (les places financières étant inter-connectées grâce aux réseaux modernes de télécommunications) et unité de temps (fonctionnement en continu du marché sur les places d'Extrême-Orient, d'Europe et d'Amérique du Nord). C'est le règne de la spéculation financière, sans parler de l'argent sale (provenant de la prostitution, de la drogue, du commerce des armes) et des paradis fis caux destinés à son blanchiment et son recyclage dans l'économie normale. On ne s' étonnera pas de la place stratégique occupée par la dette dans un système où l'argent domine. La globalisation financière est allée de pair avec la montée en puissance des acteurs financiers, notamment les fameux fonds de pension anglo-saxons. Ces investisseurs gèrent un portefeuille d'actifs estimé à 21 000 milliards de dollars en 1995, ce qui dépasse le PIB cumulé des principaux pays industrialisés. Avec des participations importantes dans les entreprises, ils exercent une grande influence sur la sphère productive de l' économie, imposant une gestion orientée exclusivement sur l'augmentation de la rentabilité des fonds investis. L'objectif des directions n'est plus d'assurer la croissance de l'entreprise mais de réaliser toujours plus de gains de productivité, quitte à fermer des unités pas assez rentables. Le paradoxe est que les salariés frappés par cette insécurité croissante du capitalisme financier peuvent être par ailleurs actionnaires de fonds de pension. Cette course débridée a été rendue possible par la révolution des techniques de stockage, de traitement et de transmission des informations qui permet, pour la première fois dans l 'histoire de l'hmnanité de conduire des stratégies planétaires en temps réel. L'effet de cette révolution a été amplifié par deux autres bouleversements, ceux-là politiques: -la remise en cause par les multinationales, au nom de la liberté, de la souveraineté des Etats et du pouvoir régulateur qui l'accompagne, - la chute du mur de Berlin, événement symbolique de la disparition de l'alternative historique à un capitalisme contesté. II - DES BIENS COMMUNS à soustraire de la MARCHANDISATION A première vue, les problèmes environnementaux n'interpellent pas le Mrap. Cependant il en va du patrimoine commun de l'hmnanité, présente et future. On constate par ailleurs qu'ils recoupent les grandes questions d'égalité entre tous les humains, qu'il s'agisse des OGM ou de l'atmosphère, pour laquelle on a envisagé à la réunion de Kyoto en 1997 de recourir à des mécanismes de marché - pénalisant les pays en développement - , alors qu'une action concertée avait été décidée au « Sommet de la Terre» à Rio en 1992. L'EAU L'eau «source de vie» appartient aux habitants de la terre en commun. Le droit à l'eau est un droit inaliénable, individuel et collectif (cf. le « manifeste de l'eau »). Elle ressort davantage de l'économie des biens et du partage de la richesse que de l'économie de l' accmnulation privée et individuelle et de la prédation de la richesse. En effet disposer d'eau est un besoin biologique; on ne peut donc pas la livrer aux seules lois du marché. En pratique, on compte que peut-être 70 % de la population mondiale vit dans des zones où il existe des problèmes d'approvisionnement en eau douce. 1,4 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable (50 fois la population des Etats-Unis). Deux types de « faits» significatifs montrent l'urgence de reconnaître l'eau comme « bien commun du patrimoine mondial de l'humanité » : 11 Les conflits inter-étatiques dus en priorité à l'inadéquation entre demande et offre, et ceux liés aux rivalités ethniques, au racisme, à la xénophobie, aux nationalismes de tous genres et aux luttes pour l 'hégémonie régionale. On peut citer: la Turquie et les autres pays riverains du Tigre et de l'Euphrate, Israël et les pays arabes immédiatement environnants, les huit pays concernés par le bassin du Nil. 2/ Les manifestations de protestation et de révolte pour cause de non-distributionn d'eau (dans les quartiers populaires) - à Karachi, notamment, il y a quelque temps. Or, on constate que l'eau a acquis depuis la conférence de Dublin, en 1992, une dimension économique. Cette politique est en cohérence avec la déréglementation et la privatisation en cours de généralisation rapide à travers le monde des services publics. C'est la dernière frontière dans le processus de marchandisation qui est en train d'être franchie. A noter, dans cet ordre d'idées, qu'au Maroc - mais aussi dans d'autres pays -l'eau sert surtout à des cultures pour l'exportation, alors qu'une partie de la population vit en état de manque. In fine, il faut mettre fin aux logiques des « seigneurs de la guerre» (conflits économiques et conquête des marchés) car l'eau doit, au contraire, contribuer à la solidarité de vie entre communautés, pays, sociétés, sexes et générations. LES FORETS DES ZONES TROPICALES 11 L'exploitation destructrice des dernières forêts anciennes dans le monde est quelque chose de très grave. La plus grande est la fo rêt amazonienne. Elle est le territoire de nombreuses populations forestières et abrite des centaines de milliers d'espèces animales et végétales. Derrière, viennent celles du Zaïre, du Cameroun (saccagée par des entreprises française et suisse malgré un moratoire d' exploitation), d'Indonésie, du Pérou. 40 % au moins de ce qui reste ont été légalement concédés à des firmes d'abattage qui les exploitent pour l'exportation. La décimation des règnes végétaux et animaux due à la défo~ restation actuellement en cours n'a d'équivalent que la disparition des dinosaures. Cette perte de biodiversité - tragique pour le Sud - prive également l'ensemble de l'humanité des gènes vitaux qui auraient pu servir à l' avenir dans la production alimentaire et permettre la découverte de nouveaux médicaments. Ceux qui sont les premiers à en souffrir sont les populations dont les moyens de subsistance immédiats dépendent de leur environnement local. 2/ Le second volet est l'augmentation du gaz carbonique. En effet, les forêts jouent le rôle de décharges permettant l'absorption du C02 (puits à carbone), de sorte que moins il ya d'arbres, moins grande est la quantité de carbone dont pourra se débarrasser l'atmosphère. Par ailleurs, abattre et brûler des arbres (faute d'autres sources d'énergie) entraîne l'émission du sempiternel trio des gaz à effet de serre (gaz carbonique, principal coupable, mais aussi oxyde nitreux et méthane qui agissent sur la couche d'ozone). La vitesse de la déforestation à grande échelle actuellement en cours dans l'hémisphère Sud -+ Différences n° 233 Octobre 2001 1 9 Mouvement est sans précédent. Elle entraînera, avec l'aggravation de l'effet de serre, l'élévation de la température et d'autres modifications climatiques, telles qu'une altération des courbes de précipitations. N'est-ce pas aussi alarmant pour le Nord que pour le Sud? C'est un des effets boomerang de la dette du tiers-monde. 3/ En effet, il existe une corrélation entre déforestation et dette: - l'exploitation forestière est stimulée par les pressions destinées à accroître les recettes d'exportation, - ces mêmes pressions conduisent à l' extension des pâturages (et par voie de conséquence au défrichage des forêts) pour augmenter les exportations de viande bovine, -les forêts de mangrove des régions côtières sont détruites pour laisser la place à des viviers à crevettes destinées à l'exportation - la dette exacerbe la pauvreté et la marginalisation, qui, à leur tour, amplifient l'exode des pauvres vers les forêts où ils espèrent trouver de quoi subsister. Il y aurait, dans l' ensemble du monde, 300 millions de paysans qui font brûler les forêts, s'y enfonçant chaque année davantage au fur et à mesure que les sols s'épuisent. L'ENERGIE Comme l'air, comme l'eau, l'énergie est indispensable à la vie. Ce caractère devrait ouvrir un droit fondamental pour chaque individu, le droit de disposer tout au long de son existence des sources d'énergie adéquates. Cela suppose une politique permettant de garantir la quantité et la qualité de la production d'énergie afin de répondre aux besoins de développement et à ceux de l'environnement. La conférence de Kyoto reste la référence à respecter et à atteindre. En effet, au plan mondial, 2 milliards d'êtres humains n'ont pas accès à l'électricité ni à une autre forme d'énergie commerciale. Ils doivent se contenter du bois de chauffe .. Par ailleurs, la course au profit conduit à l'utilisation abusive des énergies fossiles, patrimoine épuisable de l'humanité. Les disparités de consommation entre pays s'accentuent; elles constituent évidemment d'énormes freins au développement humain. Ainsi, l'Union européenne en consomme 16 % les Etats-Unis 25 %, l'Amérique Latine 6 %, l'Afrique seulement 3 %. En France les services publics de l'énergie -pris dans les logiques libérales- sont confrontés à la montée de la pauvreté: on dénombre 700 000 coupures pour cause d'insolvabilité, dont sont d'abord victimes les chômeurs et les salariés pauvres LES BIOTECHNOLOGIES Au-delà des risques sanitaires et environnementaux des OGM, se profilent des enjeux tenant à la logique commerciale qui vise à l'appropriation du vivant et du contrôle des 20 Différences n° 233 Octobre 2001 ressources alimentaires. 11 Les OGM utilisés dans l'agriculture et ainsi introduits dans l'alimentation humaine et animale, accumulent les herbicides auxquels ils résistent et les insecticides qu'ils secrètent. Les risques sanitaires sont imprévisibles, compte tenu du manque de recul. 2/ La dissémination d'OGM dans l'environnement représente un risque direct de « contamination » et constitue à terme une menace grave pour la biodiversité et l'équilibre des écosystèmes puisqu'elle entraîne une pollution génétique irréversible et auto reproductible (par dissémination de transgènes vers les espèces voisines et via les bactéries du sol) 3/ Traditionnellement, les paysans reproduisaient et multipliaient les semences dans leurs champs. Maintenant le marché des semences attise la convoitise des sociétés agrochimiques qui ont racheté la quasi-totalité des semenciers dans le monde (cinq compagnies représentent 40 % du marché) en prétendant que les OGM vont résoudre le problème de la faim dans le monde. Or, ces groupes peuvent organiser la rareté des semences : c'est l'arme alimentaire; toute nouvelle technologie complexe et coûteuse marginalise les petits paysans, qui doivent alors quitter leur terre. En conclusion les OGM contribuent à l'insécurité alimentaire au lieu de la résoudre. L'autonomie alimentaire à long terme ne repose pas sur l'intensification à tout prix de l'agriculture, mais sur la diversité biologique et la sauvegarde des sols cultivables. III - LA MONDI~LISATION AGGRAVE LES INEGALITES Le fossé qui se creuse entre les pays développés et les pays pauvres est devenu le problème central de notre époque. Il ne fait que croître et se combine avec l'explosion de nouvelles formes de pauvreté, de précarité et d'exclusion dans les pays riches L'activité spéculative déstabilise les efforts de développement et le redéploiement des activités de production exacerbe partout les concurrences et encourage le dumping social, fragili sant toutes les populations. DU CARACTERE INEGALITAIRE de la croissance. Dans l'Union européenne et aux Etats-Unis, 15 % des habitants vivent dans la pauvreté malgré la richesse de leur pays. La croissance, de plus en plus inégalitaire, ne profite guère qu'aux revenus déjà élevés. Pendant que des îlots de pauvreté apparaissent dans le Nord comme autant d'intrusions du Sud, l'existence de petites minorités fortunées dans les pays du Sud rend plus scandaleuse encore la misère du plus grand nombre. Parmi les douze pays qui concentrent 80 % des pauvres du globe, se trouvent plusieurs puissances économiques mondiales. Les états les plus inégalitaires sont situés en Amérique Latine, le Brésil arrivant en tête. Plusieurs pays d'Afrique sub-saharienne se distinguent également par l'inégalité qui y règne; au Kenya, les 10 % les plus pauvres ont droit à 1,2 du revenu national contre 47,7 % pour les 10 % les plus riches. Quelques éléments chiffrés de comparaison à L'ECHELLE MONDIALE. En 1960, les 20 % d'individus les plus riches du globe disposaient d'un revenu 30 fois supérieur à celui du milliard de personnes les plus pauvres; à la fin des années 90, la proportion est passée à 60. Celle des 20 % les plus riches par rapport aux 20 % les plus pauvres et passée de 30 à 82. Les pays les plus riches disposent des 4/5 du revenu planétaire. Un citoyen moyen d'un pays à faible revenu est 55 fois plus pauvre que le citoyen moyen de l'OCDE, et celui d'un pays débiteur à revenu moyen est lui 9 fois plus pauvre. 1,2 milliard de personnes ont moins de 7 francs par jour pour vivre. Un réfugié bénéficie de Il cents par jour en Afrique, contre 1 dollar en Europe; 30 % es réfugiés du monde sont en Afrique (sans compter les personnes déplacées dans leur pays). LA SANTE Alors que les pays les plus développés dépassent leurs propres records de longévité, les pays du Sud progressent à des rythmes très inégaux, selon leur position dans les échanges mondiaux. En effet, les trente dernières années ont apporté des progrès considérables en matière de connaissances et techniques médicales et la mondialisation en a permis la diffusion très rapide. On a assisté entre 1970 et 1997 à un gain de 7 ans de l'espérance de vie moyenne de la population mondiale (passant à 66,7 ans). Les pays du Sud du Sahara sont au niveau de la France de 1910 (un gain de 4 ans depuis 1970 qui ne les mène qu'à 48,8 ans). Il faut dire qu'en Afrique la dégradation des conditions de vie et la faiblesse des moyens mobilisés pour lutter contre le paludisme ont entraîné le redémarrage des nombreux foyers d'infection tandis que l'absence de dépistage des infections par le sida et la carence de soins aux femmes enceintes ont favorisé la diffusion accélérée de cette pendémie. IV - LES FEMMES et LES ENFANTS d'abord La mondialisation touche tout le monde, à des degrés divers, mais plus fortement les moins avertis et les plus démunis. LES FEMMES La mondialisation a aggravé leur condition partout où elles étaient en position de risque. Les femmes sont confrontées à la déstabilisation des Etats, avec les régressions qui en découlent. La précarisation des systèmes de protection sociale, l'essor des politiques nationalistes, chauvines, constituent un facteur d'insécurité majeur dont les femmes, comme les enfants, sont les premières victimes. Dans la sphère du travail, les femmes des pays industriels sont pénalisées au travers de l'organisation du travail (ex. temps partiel). Dans les pays du Sud, la pénurie d'emplois les condamne les femmes à des stratégies de survie (travaux serviles ou extrêmement mal payés). La déréglementation a favorisé la marchandisation du corps des femmes. On estime à 500000 le nombre de femmes de l'ex bloc de l'Est amenées en Europe occidentale pour travailler comme prostituées; 57 % de ces victimes ont moins de 21 ans. Parmi les l, 25 milliard de pauvres de la planète, 70 % sont des femmes. Parmi les 900 millions d'analphabètes, les 2/3 sont des femmes. L'entrée massive des femmes dans la société salariée ne diminue pas leur part dans le travail familial non rémunéré. LES ENFANTS Entre 100 et 200 millions d'enfants de moins de 15 ans travaillent dans le monde. Loin de diminuer sous l'effet du chômage, l' exploitation des enfants l'accompagne: la misère des adultes pousse les enfants vers le travail. Le travail des enfants qui se développe dans les pays en transition, dans le cadre d'une société moderne, constitue l'une des manifestations les plus extrêmes des formes d'exploitation, rendue possible par des marchés du travail totalement déséquilibrés, par une absence totale du respect des droits sociaux les plus élémentaires, auxquels s'ajoute la fin des formes anciennes de solidarité (ex. petits ouvriers des fabriques de tapis indiennes). En Europe de plus en plus d'enfants viennent en aide à leurs parents trop pauvres pour faire face à la subsistance de la famille. Par ailleurs, la « tiers-mondisation » des pays européens se révèle dans les sous-sols où s'échinent travailleurs clandestins et enfants. V - LES INÉGALITES DANS LE MONDE L'AFRIQUE - LA DETTE L'Afrique a toute une histoire commune avec l'Europe, qui a d~buté il y a plus de 500 ans, avec l'esclavage, qui s'est poursuivie avec le colonialisme, dont le néo-colonialisme (après les indépendances) a pris la relève. Elle est - maintenant dans le carcan dettelPlan d'ajustement structurel./inégalité des termes de l'échange; dans cette situation, chaque pays est isolé dans sa capacité de réaction car il doit négocier seul auprès des institutions financières internationales (FMI, Club de Paris et G7). La Dette des pays pauvres (hors ex bloc de l'Est) est estimée à 1 500 rp.illiards de dollars, et celle de la seule Afrique sub- Congrès 17 et 18 novembre 2001 saharienne à 1 000 milliards de francs, soit plus de 1 200 F. par habitant. Sur les bases des remboursements actuels et en gelant la dette, il faudrait 106 ans pour la rembourser. Les Institutions financières internationales ne s'engageraient pas dans un tel pari: la dette a pour fonction principale de permettre aux pays du Nord de continuer de piller les richesses. Un rapprochement qui laisse rêveur : en 1996, le service de la dette de l'Ouganda a représenté 85 F par habitant, alors que le pays ne consacrait que 15 F au système de soins, là où il en aurait fallu 60. Pour clore ce chapitre, signalons qu'entre 1980 et 2000, les peuples ont remboursé au titre de la dette 3 450 milliards de dollars, montant à rapprocher du Plan Marshal de 80 milliards de dollars. Cela revient à dire que le Sud a envoyé vers le Nord 43 plans Marshal en 20 ans, alors que les médias ont banalisé le thème d'une Afrique misérable que financeraient les pays riches! Il existe une possibilité de rompre avec cette situation et relever le défi d'un développement endogène, comportant notamment: - annulation de la dette publique, qui libérerait des fonds pour le développement - substitution de complémentarités régionales à la logique tout marché, sans pour autant déconnexion de l'économie mondiale - modification des règles du commerce international qui impliquent actuellement conjointement le protectionnisme des pays du Nord et une ouverture totale des frontières du Sud - taxation des transactions sur les devises (Taxe Tobin) - demande de rétrocession des biens mal acquis (pour laquelle il existe une opportunité juridique auprès du TPI) - augmentation de l'aide publique aux pays en développement à 0,7 % du PNB (comme décidé à Rio) AMÉRIQUE DU SUD Le continent sud-américain est l'un de ceux où la pauvreté paraît au grand jour de la manière la plus brutale, notamment au Brésil avec les enfants des rues qui constituent la plus grande partie des sans-logis et sont souvent la cible des milices paramilitaires et où la majorité des terres appartient à de grands propriétaires fonciers, alors qu'il y a tous les paysans sans terre qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins (mobilisés dans les nouvelles luttes citoyennes internationales). Le Mexique (à la fois pays d'émigration et d'immigration ) est un pays charnière. A Atijuana, un mur plonge dans la mer, symbolisant, jusqu'au sein de l'Océan, la division Nord/Sud du monde. Depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA et la dévaluation du peso mexicain, les multinationales s'installent à la frontière du Mexique. 3 000 usines d'assemblage, les «maquiladoras », emploient près d'un million de personnes, venues en majorité du Sud du pays, du Mexique pauvre, et indien, et le rythme des implantations ne cesse de croître. Il y a là un réservoir de main-d'oeuvre quasi inépuisable, pour des salaires de misère, et ce, à un jet de pierre du premier marché mondial. Le résultat est un épouvantable gâchis humain. Les familles vivent entassées dans des bidonvilles de carton et la pollution y entraîne de graves maladies: c'est le XIxe siècle avec les dégâts du progrès technique ! L'EX BLOC DE L'EST Depuis la chute du Mur de Berlin, en une décennie, la Russie a connu tous les déboires politico-financiers qu'avait connus le TiersMonde avant elle. Dès 1992, le pays a appliqué les recettes d'ajustements structurels conseillées par le FMI: démantèlement des services publics, rigueur monétaire, libéralisation des prix, dollarisation des échanges, réduction des budgets sociaux, fermetures des entreprises non compétitives, etc. Conséquences :du fait de la libéralisation des prix et à la suite de l'effondrement du rouble (de 75 %), les prix des produits alimentaires ont augmenté de 16 en un an, plongeant sous le seuil de pauvreté 90 % de la population, les forces industrielles locales ont été phagocytées par les multinationales occidentales entraînant un chômage de masse et une évasion massive de capitaux, estimée à 25 milliards de dollars (à la fois rapatriement de profits considérables et expatriation de capitaux accumulés par l'oligarchie financière locale)
- la dette extérieure a explosé, triplant
en moins de 10 ans. Compte tenu de cette situation, la Douma vient de donner son accord pour importer 20 000 tonnes de déchets radioactifs en provenance de Suisse, du Japon, d'Espagne, de Chine, d'Allemagne et de Taiwan, moyennant 20 milliards de dollars en 10 ans. Cette situation nous concerne tous: la crise russe a aggravé les déséquilibres économiques mondiaux et les phénomènes environnementaux, dont les radiations, ne connaissent pas de frontière. ASIE A titre d'exemple de leur dangerosité, rappelons la crise qui a ébranlé les pays émergents à la suite de pratiques spéculatives n'ayant rien à voir avec l'économie réelle. Citons également le Japon, 2e puissance économique mondiale, dont l'endettement public atteint un niveau record, avec des banques « plombées » du fait de malversations dans le secteur construction, et qui voit son système de l'emploi à vie pour tout le monde disparaître. ETATS-UNIS La mondialisation néo-libérale fait des ravages non seulement dans les pays où elle expose la misère, mais aussi dans ceux où elle s'affiche triomphante. Aux Etats-Unis des -+ Différences nO 233 Octobre 2001 21 Mouvement pans entiers de la population, appartenant majoritairement aux minorités ethniques, vivent dans le dénuement total. Des gens sont amenés à se réfugier dans les souterrains, où on ne les voit pas. Dans le même ordre d'idée, on assiste à une criminalisation de la misère, qui est le complément indispensable de l'imposition de salariat précaire et sous-payé comme obligation de citoyenneté. Le système pénal a pour un double effet de réduction artificielle du chômage: il soustrait de force des millions de personnes en quête de travail et gonfle par ailleurs l'emploi des biens et services carcéraux. La prison participe aussi au maintien de l'ordre racial, se subsistuant au ghetto comme instrument d' enfermement A noter enfin au sujet de la peine de mort, que 60 % des condamnés sont illettrés, sans ressources et que 42 % sont noirs alors que ceux -ci ne représentent que 12 % de la population FRANCE La société se fragmente. Non seulement, il y a près de trois millions de chômeurs, face à 12 millions d'actifs inquiets. Il faut aussi tenir compte des travailleurs pauvres (au sens le plus brutal du terme) qui représentent 6 % de la population active; compte tenu des adultes qui vivent avec eux, ce sont plus de deux millions de personnes qui connaissent la pauvreté au quotidien; ce à quoi il faut ajouter 830 000 enfants. L'inégalité des chances doit être soulignée. La proportion des jeunes d'origine populaire dans les quatre grandes écoles est passée de 29 % dans les années 50 à 9 % aujourd'hui. Le déclin de la France industrielle a entraîné la décomposition du mouvement ouvrier, et avec lui l' effondrement de réseaux associatifs qui trouvaient dans sa référence un lieu de sens et un ensemble de repères pour orienter une action sociale. C'est également une des sources de la crise urbaine. Dans les quartiers populaires, et même des villes entières, où 1 'habitat et le travail étaient imbriqués, les fermetures d'usines ont incité les plus dynamiques à partir e attiré des populations de plus en plus démunies, souvent issues de l'immigration. Ce qui conduit à ajouter à la liste des effets du déclin industriel, les thèmes du racisme, de la xénophobie et du populisme. VI - FLUX MIGRATOIRES La misère régnant dans certains pays (surtout du Sud), la pénurie d'emplois, les différences de niveaux de vie ((un sans-papier mexicain qui traverse la frontière multiplie son salaire par 9 ; un manoeuvre indonésien, payé 0, 28 dollar chez lui, en touchera 2, voire plus en Malaisie.) amènent une partie des populations à migrer, soit dans des pays voisins, soit vers le Nord apparaissant comme un havre de ri- 22 Différences n° 233 Octobre 2001 chesses. La mondialisation a conféré à ce phénomène un impact sans précédent; en aiguisant les termes de la concurrence, elle a accentué la tentation migratoire, elle-même nourrie par d'autres phénomènes, allant des transports plus accessibles aux tensions et crises politiques. Les gouvemements qui s' accommodent des flux commerciaux et financiers pratiquent des politiques beaucoup plus restrictives à l'égard des personnes. Elles semblent avoir pour principale conséquence l' augmentation du trafic clandestin, «industrie» évaluée à un niveau de 5 à 7 milliards de dollars annuels par le BIT. Quant à ces « réfugiés » économiques, ils se retrouvent en Europe « sans-papiers », donc travailleurs clandestins, ceux-ci étant un des archétypes de l'esclave moderne. Ce sont schématiquement les éléments les plus dynamiques, dont le départ (cercle vicieux) prive leur pays d'une part précieuse de ses forces vives. Il existe plus de 120 millions de migrants dans le monde, souvent des paysans « sans terre », soit 75 millions de plus qu'en 1965, et le chiffre ne cesse de grandir. Parallèlement le nombre de pays d'émigration et d'immigration croît également. De 1970 à 1990, le nombre des pays classés comme grands pays d'accueil est passé de 39 à 67, celui des pays d'immigration de 29 à 55, ceux qui connaissent le double phénomène (comme le Mexique, la Thaïlande, la Malaisie) de 4 à 15. Indépendamment de la recherche personnelle d'une vie meilleure, il faut souligner un élément chiffré de comparaison qui montre l'importance économique et sociale de ce phénomène (tant que les pays du Sud n'auront pas réussi à se débarrasser du joug de la dette et ses accessoires») : l'aide publique au développement représente un montant annuel de 50 milliards de dollars et c'est en grande partie un transfert de fonds des pays du Nord vers des entreprises des mêmes pays du Nord. S'y imputent: les achats d'armements, de médicaments, le fret aérien, les redevances perçues par les multinationales ... alors que les sommes envoyées par les expatriés chez eux sont légèrement supérieures: environ 450 milliards de francs, soit 56 milliards de dollars, dont 15 pour la seule Afrique subsaharienne; ces transferts-là profitent effectivement aux populations et à la mise en plac d'infrastructures locales, d'où leur effet multiplicateur. VII - IDENTITÉS et XÉNOPHOBIE 1/ La mondialisation néo-libérale uniformise les modes de vie et les cultures. Elle vise à substituer des relations de marché - sous la pression médiatico-publicitaire, dans les pays riches - à toutes les relations sociales ; en d'autres termes elle tend à remplacer le citoyen par le client. Or tout le monde n'a pas accès à ce qui est tellement prescrit, d'où des frustrations qui finissent par s'exprimer dans l'agressivité, le meilleur bouc-émissaire étant touj ours l'Autre. Chaque civilisation a toujours construit une vision du monde qui lui est propre, avec sa cosmogonie, qui cons- • tituaient les fondements des pratiques sociales. Avec la « modernité », le changement s'exaspère et les sociétés, devenues toutes « communicantes », mettent en relation de concurrence leurs différences. Par ailleurs, la mobilité et le brouillage des références rendent plus difficile une appréhension du monde globale cohérente, d'où un malaise individuel et des excès collectifs. En effet l'identité est un rapport social autant qu'un schéma mental. 2/ Alors que les identités, les particularismes, peuvent être le point d'appui d'un universalisme cohérent, on constate souvent une volonté de réduire les conflits économiques et politiques à des logiques supposées « sous-jacentes », religieuses ou ethniques. Au Kosovo, en Malaisie, au Rwanda, dans le Caucase, on rencontre une figure semblable: des clivages politiques que l'on s'efforce d'expliquer par leur répertoire identitaire, surtout quand ils se matérialisent violemment. Et ce n'est pas par hasard si l'on fait preuve de plus de subtilité dès qu'il s'agit de problèmes ouest-européens (Irlande, Corse) ; le regard ethnicisant distingue en effet clairement« Eux (chez qui l'on trouve l'ethnique, le tribal, l'identitaire) et« Nous ». 3/ C'est plus commode que d'oeuvrer pour changer la vie des gens. Qui plus est, ce peut être la volonté délibérée des décideurs économiques de neutraliser la solidarité qui pourrait faire naître une opposition à leurs intérêts. En d'autres termes, la mondialisation néo-libérale n'aura pas de mal à régner tant que les individus seront psychologiquement aveugles à ce qui se passe. VIII - En guise de CONCLUSION La mondialisation néo-libérale est protéiforme et concerne tous les peuples du monde. Parce que le racisme pousse sur le terreau de la misère et du mal-être et que les décideurs économiques peuvent l'instrumentaliser à leurs fins, voire le faire naître (le moyen le plus rapide pour créer un repli identitaire accompagné d'un esprit belliqueux consiste à faire en sorte qu'un nombre suffisant de per- .. sonnes du groupeX soient humiliées ou tuées par des membres du groupe Y, 1 'histoire récente offre de nombreux exemples, notamment de conflits larvés qui sont sortis renforcés par des provocations aboutissant à la violence). Parce que son souci d'amitié entre les peuples ne peut lui laiser admettre le rejet de perdants de plus en plus nombreux, le MRAP est interpeLlé par la mondialisation. René Passet, président du Conseil Scientifique d'Attac, a écrit: «Voici venu le temps du partage. C'est de ne pas savoir partager les richesses qu'il se montre si habile à produire que notre monde est en train de mourir. C'est de répartition et non de redistribution qu'il s'agit. Il y a un triple impératif de solidarité - des peuples dans le monde (notamment par l'annulation de la dette illégitime) - des hommes dans chaque nation par le renforcement des liens d'interdépendance, faisant du produit national une sorte de bien collectif. Cela devrait permettre de barrer la route aux exclusions et discriminations. - des générations à travers le temps. En raison de leur efficacité, nos moyens mettent enjeu le destin de l'humanité présente et future. Aussi faut-il adopter le "principe de responsabilité" afin que les effets de nos actes soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre. Ceci implique la mise en place de politi- Thème 3 Congrès 17 et 18 novembre 2001 ques de protection de la nature et de développement durable. » Ce« manifeste» dépasse l'antiracisme classique mais recoupe bien le souci d'amitié entre les peuples du Mrap. Le Mrap est membre fondateur d'Attac, une des associations chefs de file du mouvement citoyen international qui refuse la confiscation du monde par "l'internationale du fric" et prépare actuellement le 2e Sommet International des Peuples de Porto Alegre qui se fixe pour objectif, non plus la seule contestation, mais l'élaboration d'une stratégie alternative qui remplacerait le mode de fonctionnement du système en place. Claudie Garnier Sources • Le Monde Diplomatique (ainsi que Le Monde et son supplément « Economie») • La documentation d'Attac, notamment « Contre la dictatures des marchés », ouvrage collectif, Ed. La Dispute • La documentatiion du CADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers- Monde) dont « Afrique- Abolir la dettte pour libérer le développement» sous la direction d'Eric Toussaint et Arnaud Zacharie • De Susan Georges « le Rapport Lugano» chez Fayard120 F. et« L'effet Boomerangchoc en retour de la dette du Tiers-monde », La Découverte/essais • «Le manifeste de l'eau- pour un contrat mondial» de Riccardo Petrella, Ed Laborcoll. La Noria • «Du poisson dans les fraises» d'Arnaud Apoteker, La Découverte • «Les prisons de la misère »,Loïc Wacquant, Raisons d'agir Editions • «Le nouvel état du monde », La Découverte • «Elogedumondialismeparun"anti"présumé » et «L'illusion néo-libérale », René Passet, Fayard • «Leracismeoulahaineidentitaire »,Daniel Sibony, Christian Bourgeois Editeur • La série des petits livrees ATTAC à 10 F. aux Ed. Mille et une nuit et à l'Esprit Frappeur Llamitié entre les peuples à Ilheure de la mondialisation AVANT -propos. Dans ce qui suit on n'aborde pas la question des causes de l' inégalité structurelle dans le monde. Il s'agit cependant de la question des questions! On peut rappeler qu'elle a déjà été abordée par deux fois dans les conférences nationales du Mrap et que la documentation disponible à ce sujet est considérable, ainsi que l'intérêt des militants du Mrap pour les questions économiques et sociales. Mais le sujet est différent; il s'agit d'avancer, en fonction de ce qui se passe dans le monde, vers l'éclaircissement de la question: quel Mrap voulons-nous ? Et il va de soi que le MRAP que nous voulons ne doit pas devenir l'appendice spécialisé d'une chapelle. Si le MRAP cessait d'être pluraliste, il cesserait d'exister. Je souhaite que le Congrès rende hommage à tous ceux qui, au cours de ce siècle écoulé, ont donné leurs forces et leur vie dans la lutte pour un monde qui soit vraiment autre. On peut en citer beaucoup, mais comment ne pas penser à Gandhi, Mehdi Ben Barka, Henri Curiel, Larbi Ben Mhidi, Patrice Lumumba, Ernesto « Che» Guevara, Thomas Sankara, Dulcie September, et tant d'autres! Heureusement Nelson Mandela, lui, est vivant, il continue à lutter pour l'amitié entre les peuples, afin que 1 'his,toire sorte de la barpari~. 1 - CONSIDERATIONS GENERALES 1) On le sait, le racisme d'aujourd'hui est souvent « l'ethnisme » ou mieux l' ethnicisme, souvent associé à un certain populisme. Ce néo-racisme ne reçoit pas de réponse crédible, argumentée; nos arguments actuels n'atteignent pas le public qui devrait les recevoir
- il est difficile de le toucher, car la
mondialisation, c'est aussi l'atomisation des groupes et même, à la limite, la parcellisation des consciences. Un tel désarroi peut rendre bien des gens sensibles à la démagogie fasciste, qui présente le « choc des cultures» comme la cause de l'effondrement du monde et de la disparition des repères et des cadres de vie. 2) « La tolérance », c'est périmé, car personne ne veut plus rester modestement dans son coin, être larbin, « Uncle Tom ». Le tolérant est devenu intolérable, et cela explique la dérive du « multiculturalisme » américain vers une sorte de fascisme: le toléré devrait être reconnaissant, au lieu de revendiquer. La situation dans laquelle vivent tant d'Afro-américains serait le produit de leur indignité, c'est tout. Une telle situation n'est pas propre aux EtatsUnis. Le texte élaboré pour le sommet de Fribourg par MM. Borg et Von Thadden analyse assez bien cette dérive d'un certain multiculturalisme. On peut, par beaucoup de signes extérieurs, percevoir chez beaucoup de jeunes exclus - ou qui se posent comme exclus - un ressentiment très fort à l'égard de « la société» prise en bloc, coupable à la fois d'être le lieu où ils doivent vivre (et qui les fournit abondamment en images-marchandises) et de ne les tolérer qu'à sa marge. Il faut ajouter que les phénomènes de repli ethniciste favorisent les politiques des Mégret, Millon, Haider, Berlusconi, qui, tout en se désolidarisant du racisme traditionnel, orchestrent les thèmes du racisme social ethnicisé. Est-ce une évolution inéluctable? La guerre des gangs va-t-elle se substituer à la lutte des classes? Comme Marx aimait à l'écrire : ça dépend ! Cela dépendra entre autres de l'aptitude du« mouvement antiraciste » à opposer à l' ethnicisme politique une vraie réponse politique, ce qui implique qu'il s'arrache à ses vieilles rengaines, en particulier à l'altruisme de sentiment. 3) Car « le respect de l'autre» ne se prêche -+ Différences n° 233 Octobre 2001 23 Mouvement suite de la page 23 (thème 3) pas, il doit faire l'objet d'une découverte objective, s'imposer comme une vérité de principe. Comme l'ont montré beaucoup de phi- 10sophes' un principe qui régit les conduites individuelles doit être à la fois origine et objet. Mais attention! invoquer les principes, tout le monde sait le faire. Il faut mettre en garde contre les déviations, les perversions des principes: notre vingtième siècle en a connu beaucoup. Par exemple le nazisme s'efforçait de ressembler à la moralité, au « devoir », il valorisait le dévouement, la loyauté, la camaraderie, et beaucoup de jeunes ont cru. C'est alors qu'on leur a proposé l'image hideuse du mal: les Juifs, les marxistes, etc. Ils ont continué à croire ... Aujourd'hui, face au désordre inquiétant du monde occidental, l' intégrisme (catholique, musulman, protestant, juif, hindouiste ... ) propose le fanatisme moral comme expression de la dépendance à l'égard du principe. C'est là une caricature, née de la perversion des valeurs. Car l'humain en tant que tel se situe très au-delà de cette dépendance qui n'est que de fait. L'humanité c'est la volonté de liberté, ce n'est pas l'obéissance, mais la recherche de l'égalité entre tous les êtres humains. 4) Le Mrap que nous voulons, c'est encore le Mrap ! car nous avons une culture à préserver, non parce qu'elle est nôtre, mais parce qu' elle est riche encore d' enseignements. Cette culture est pour une bonne part critique, critique de « l'antiracisme» - l'antiracisme en général, sentimental, politicien, spectaculaire. Nous avons la bonne habitude ne nous méfier des antiracismes d'estrade. Notre culture c'est aussi le recours à la loi pénale, l' intransigeance sur les questions comme l'immigration, l'asile, les discriminations. Mais nous ne croyons pas qu'en intervenant contre quelques injustices nous atteignons l'injustice elle-même. Autre élément constitutif: la recherche de l'union, et pas seulement de l'union des organisations de défense des droits de l'homme. Nous avons toujours estimé que la lutte contre le racisme devait devenir l'affaire de la société toute entière, et qu'elle devait englober les forces vives de la société et leurs organisations: syndicats, partis ouvriers, bref tous ceux qui ont intérêt à faire advenir un monde qui ne soit plus fondé sur l'inégalité du développement et le développement des inégalités. II - COMMENT COMPRENDRE LES TÂCHES INTERNATIONALES DU MRAP? 1) Là non plus nous ne partons pas de rien, nous avons tout un héritage dans les luttes pour l'amitié entre les peuples: les Rosenberg, les Dix de Wilmington, les guerres coloniales de la France et leurs prolongements (comme le 17 octobre 1961), le conflit israé- 24 Différences nO 233 Octobre 2001 lo-palestinien, l'apartheid .... C'est à l'époque de la lutte contre l' apartheid que le Mrap a été admis au statut consultatif de l'ONU. Depuis, nous avons fait avancer nos idées au sein des ONG que nous côtoyons, de même que nous avons pris toute notre place dans la constitution du réseau de l'Union européenne contre le racisme (ENAR). Mais plus généralement, la lutte pour l'amitié entre les peuples aide à clarifier les enjeux, les démarches. Premïer exemple: le conflit israélo-palestinien. Evidemment il y a parmi nous des Juifs et des « Arabes », il y a le souvenir de Vichy, et celui de la Guerre d'Algérie ... Mais tout ça est, osons le mot, inessentiel au regard de l'objectif qui est le nôtre: l'amitié entre les peuples. Des évènements passés on ne peut rien déduire, la mémoire ne crée aucune obligation autre que celle des valeurs qu'elle peut nous aider à concevoir. L'histoire n' est pas derrière nous mais devant nous, à faire, en partant des obligations du présent. L'histoire passée voue les peuples à répéter (les guerres, lâchetés, atrocités ... ). Le conflit israélopalestinien est exemplaire dans les interprétations fantasmées qui en sont données; et c'est là qu'est l'impasse. Il n'y a qu'une réalité, c'est celle de deux peuples qui, pour vivre côte à côte librement, doivent vivre dans deux Etats. Aucun préalable ne doit être opposé à cette évidence qui est de pure raison. La paix en Palestine, c'est un objectif de premier plan pour tout le Mouvement, car la seule autre possibilité c'est la guerre ethnico-religieuse, triomphe du néo-racisme. Le racisme antijuif comme le racisme antiarabe s'y verront renforcés et justifiés. Autre exemple : MumiaAbu-Jamal. Ce n'est pas seulement la personnalité attachante de Mumia, ni même le scandale de la peine de mort aux Etats-Unis, qui frappe sélectivement les exclus du système. L'affaire Abu-Jamal met en lumière la réalité du racisme social avec son pendant l'antiracisme de principe, le démocratisme américain, que prônent les méritants, jusqu'aux plus hautes charges de l'Etat. Ceux qui refusent de trouver ce système légitime méritent d'être exterminés, comme le furent les Indiens qui résistaient. Le meurtre légal de Mumia serait-il un meurtre politique, pour crime de non-conformité. Autres exemples actuels: les guerres en exYougoslavie, les xénophobies meurtrières en Afrique, la haine inexpiable entre Indiens et Pakistanais, tout cela relève de la haine ethniciste, et n'allez pas dire à un Indien que le système des castes, c'est du racisme ! 2) Ecoutez un peu les racistes d'aujourd'hui, si vous voulez les combattre là où ils sont : « Que voulez-vous, c' est inévitable, les peuples différents ont du mal à coexister, il vaut mieux qu'il vivent séparément: voyez à Chypre. Chaque peuple à sa propre culture, qui rejette les valeurs des autres ». Et, s'ils ont un peu plus offensifs: « vos boniments sur la culture universelle ne nous intéressent pas et ils ne peuvent sérieusement intéresser personne. Il n'y a guère que dans les salons chics qu'on peut prétendre vivre l'universalité. Monsieur Gollnisch, lui, a la connaissance d'une culture étrangère, et illa respecte comme telle, c'est ça ne pas être raciste. Tout ce qui arrive, l'insécurité, les crimes, la misère matérielle et morale, l'intégrisme menaçant, c' est votre faute avec votre « affirmation action ». Quant au colonialisme, les petites gens d'ici n'en n'ont pas profité, à la différence de MM. Fabius, Strauss-Kahn et autres. L'apartheid, ça aurait pu marcher, si Moscou et les dictateurs du Tiers-Monde ne s'en étaient pas mêlés. Vous verrez qu'on y reviendra ... » etc. Je m'arrête pour conclure : le monde actuel, qui devrait marcher vers une véritable universalité, faite de tous les apports du passé et toutes les volontés transformatrices du présent, peut malheureusement être déchiffré à l'envers, et malheureusement il y a beaucoup de forces qui pèsent dans ce sens opposé au vrai, ou qui laissent faire. Que faire ? D'abord il faut répondre, et il faut que les responsables sociaux et politiques répondent, même si cela peut leur coûter. La « solidarité en général », ce n'est pas gênant. Mais la responsabilité politique de l'évolution sociale, c'est autre chose. Voyez aussi les impasses actuelles où s' enferre actuellement la préparation de la Conférence de Durban, elles ne sont pas dues au hasard (écrit en juin). L'histoire ne doit pas être lue vers l'arrière, mais vers l'avant: le monde est à faire, si nous voulons être à la hauteur des enjeux du présent. Le MRAP est trop peu de chose pour y prétendre seul! mais, tel qu'il est, là où il est, il peut, il doit. Jean-Jacques Kirkyacharian Congrès 17 et 18 novembre 2001 Thème 4 Quels outils? POUR ce quatrième thème, nous devons réfléchir aux outils nécessaires pour mettre en oeuvre notre combat et effectuer les ajustements indispensables pour une meilleure efficacité. Quels sont les différents outils? De quel outil « Mrap » avonsnous besoin? Cette contribution n'a pas pour but de faire un tour exhaustif des outils se veut un regard critique sur nos pratiques et de poser les questions qui ont semblé importantes au groupe de travail. Et cela fin de permettre aux congressistes de prendre les décisions nécessaires à l'efficacité de notre combat. LA COMMUNICATION La communication entre le local et le national (et inversement) vous semble-t-elle suffisante, efficace? Quels sont les moyens (humains, techniques) à mettre en oeuvre pour l'améliorer? Ne devrait-il pas y avoir plus d'échanges d'expériences et de contacts entre les comités locaux (et les fédérations) ? Les communiqués de presse suivent nécessairement l'actualité mais comment les mettre en phase avec une nécessaire réflexion? Ne faudrait-il pas dynamiser notre communication en créant un pôle cohérent entre la presse externe, interne, Internet? Différences vous sert-il dans vos activités militantes? Vous aide-t-il dans votre réflexion, pour vos interventions? Avez-vous besoin de reportages sur les pratiques de terrain? La Lettre de ['Adhérent est-elle un moyen de communication qui vous semble utile? Ne faut-il pas définir une politique d'équipement de tous les comités locaux pour développer une communication plus efficace entre les comités locaux, les fédérations et le national (et vice-versa) ? Ne faut-il pas définir ensemble une politique pour améliorer la consultation globale des sites du Mrap ? L'ORGANISATION DES SECTEURS Comment intégrer le travail des commissions et des secteurs à la vie des comités locaux? Comment faire participer les comités locaux et les adhérents à la vie des secteurs ? Le Mrap n'est-il pas en déficit d'apports théoriques? Comment créer une dynamique de l'ensemble du Mrap ? Nos outils sont-ils adaptés à la lutte antiraciste actuelle? Le Mrap mène régulièrement de grandes campagnes nationales, internationales (Mumia, Palestine, sans-papiers, droit de vote, discriminations ... ) ; les moyens mis à la disposition du local pour relayer ces combats (informations précises, affiches, tracts ... ) sont-ils suffisants? Sont-ils régulièrement mis àjour? Chaque militant, là où il vit, peut être amené à suivre des dossiers individuels (titre de séjour, expulsion, reconduite à la frontière ... ) ; si besoin est, peut-il recevoir du national le soutien juridique nécessaire à l'aboutissement de ces dossiers? Sinon, quels moyens doivent être mis en place? Une des activités importantes des CL est l'intervention dans les établissements scolaires. Nos interventions sont-elles réellement efficaces? Le Mrap n'apparaît-il pas en déphasage sociologique avec les populations auxquelles il voudrait s'adresser? Ne faudrait- il pas intensifier nos interventions auprès des enseignants? N'y a-t-il pas déficit d'intervention hors milieu scolaire? Ne devrionsnous pas créer un pôle de formation, qui pourrait être mis au service des militants, des professionnels (par exemple, de nombreuses administrations demandent au Mrap des formations pour leurs employés), des centres de loisir et des écoles? Le Mrap national ne devrait- il pas assurer des formations pour intervenir dans les milieux scolaires? Ne devons- nous pas réfléchir à l'évaluation de nos méthodes et de nos outils? Les outils produits par le national sont-ils adaptés à nos besoins, aux besoins des jeunes? Les militants obtiennent-ils du siège un appui suffisant pour leurs interventions, pour leurs activités? LE MRAP, LES INSTANCES, NOTRE FORME DE MILITANTISME Le MRAP doit-il être une organisation de rue? Est-il en phase avec les structures émergentes dans les quartiers? Le Mrap peut-il attirer de nouveaux militants comme les associations du type « Motivé( e)s » et Attac ? Le Mrap est-il une association attrayante pour de nouveaux militants? L'accueil au niveau national ou local est-il satisfaisant? Ne devrions-nous pas remettre en cause notre militantisme traditionnel et réfléchir à d'autres formes de militantisme? Quelles relations le Mrap doit-il entretenir avec les institutions? Peut-il à la fois dénoncer des lois, des pratiques administratives, être force de proposition, participer à des instances (CODAC, CNCDH ... ), former des agents de l'Etat, conclure des partenariats, solliciter des subventions? Faut-il privilégier certaines de ces formes d'action? Doit-on développer les réunions des Présidents- Secrétaires-Trésoriers? Faut-il organiser des réunions régionales? Doit-on développer des réunions à thèmes? Participez-vous aux propositions et êtes-vous informés des prises de positions de vos représentants dans les instances? Au siège, quel doit être le rôle des salariés? Et quelle doit-être leur place par rapport aux bénévoles? , PROPOSITIONS CONCRETES A la suite des questions soulevées dans cette première partie, un second texte a été élaboré, axé sur des propositions concrètes. Il apparaît souvent dans les discussions dans les comités locaux, une mauvaise perception de ce qu'est notre Mouvement. Peu de militants ont une idée précise de l'activité qui est développée au siège et de l'implication militante que cela requiert. Et donc de la nécessité et l'utilité d'avoir du personnel salarié dans notre Mouvement. Les moyens nécessaires à l'activité et au développement de notre Mouvement doivent être reconnus et présentés à l'ensemble des comités, un organigramme à la fois de la direction du Mouvement et du personnel avec l'affectation et les responsabilités de chacun devra être établi. Afin que chaque adhérent puisse avoir une vision claire de la mission que remplit notre Mouvement, il paraît nécessaire de définir précisément le champ d'intervention: du Mrap, des secteurs d'activités, des diverses commissions, de manière synthétique. Les documents pour la promotion et le développement du Mouvement devraient pouvoir être réalisés au niveau national, avec une possibilité d'adaptation très facile par les comités locaux, disquette ou autre moyen informatique pour un tirage local. De véritables sites internet actifs et vivants doivent être réalisables au niveau local, cela demande une démarche très volontaire afin de combler le retard qui existe dans ce domaine. La mutualisation des expériences doit être réalisable, avec notamment la mise en place d'une« banque de ressources» qui doit avoir pour objectif de mettre à portée de chaque comité la possibilité d'accéder aux renseignements sur les possibilités d'accès à des financements divers: FAS, politique de la ville, emploi jeune, etc. Des plaquettes ou documents simplifiés et précis à destination des comités locaux peuvent en être le résultat. Le travail des commissions doit de la même manière être diffusé et confronté à l' expérience des CL sur des thèmes semblables. Le Mrap doit également travailler son image et sa communication, notre Mouvement reste encore inconnu d'une grande partie de la population. Cela pose le problème de nos moyens de communication qui existent, mais ne sont plus adaptés forcément à notre époque. La Lettre de ['Adhérent est certainement un moyen de communication interne qui peut être très efficace. Il reste à poser de manière -+ Différences n° 233 Octobre 2001 25 Mouvement suite de la page 25 (thème 4). Fin du dossier Congrès très courageuse le problème de notre communication externe à des fins de développement et d'affirmation de notre image et des messages à délivrer pour une évolution dynamique de notre Mouvement. Différences représente certes un coût financier, nous devons de ce fait oeuvrer à obtenir toujours plus d'efficacité dan notre communication. Et pourquoi pas repenser l'ensemble de notre approche de communication vers l'extérieur. Un partenariat avec des associations qui ont une activité qui recoupe les nôtres, peut permettre d'aller plus efficacement vers des résultats concrets. En tout cas le Mrap doit toujours rester un élément moteur, actif, afin que son identité et son message soient toujours clairement perçus. Les prises de position du MRAP sont liées à notre conception: de l'égalité des droits, de la justice en matière de droits de l'homme et de la justice sociale. Nous devons éviter des prises de position sous la pression des médias, d'autres associations ou de personnalités. Notre indépendance vis-à-vis des partis politiques est un préalable à ne pas négliger. C'est sur nos valeurs, sur nos thématiques liées à un engagement dans la durée de notre action et à la pertinence et la justesse de nos analyses que des collaborations peuvent être engagées et pas forcément sur des problèmes d'actualité immédiate. Isabelle Sirot Ec ~--------------------------------------~ Tous résidents! Tous citoyens! Pré-programme de la rencontre du 20 octobre 9h30 : Accueil 10 heures: Première table ronde sur La citoyenneté de résidence avec la participation de Saïd Bouamama, Monique Chemilllier -Gendreau (sous réserve) et Catherine Wihtol de Wenden . Il h-12h30 : Débat avec la salle l4h : Deuxième table ronde pour répondre à la question « Que proposent les députés? »Avec Jean-Louis Borloo (UDF), Patrick Braouezec (PC, sous réserve), Noël Mamère (Les Verts), Georges Sarre (MDC, sous réserve), Koffi Yamgnane (PS). 16h : Débat avec la salle 17 h : Conclusion Pour participer à cette réunion, il est impératif de s'inscrire et de se munir une pièce d'identité. Nom et prénom, coordonnées, à retourner à : Comité de suivi des lois sur l'immigration, AN, bureau 8301, 126, rue de l'Université, 75355 Paris 07SP, ou par tél. (laisser un message avec votre nom), 0140 33 13 19 ou par Email: fgd@club-internet.fr Forts du succès de l'ensemble de leurs initiatives, les « Trois collecfis » (Même sol, mêmes droits, même voix, Un(e) résident(e), une voix, Pour une véritable citoyenneté européenne) ont décidé de lancer en novembre 2001 « le mois de la citoyenneté de résidence» Durant les mois de novembre et de décembre, les Trois collectifs appellent toutes les organisations à se regrouper pour susciter, dans les régions, des débats et des initiatives sur la citoyenneté. Lors des échéances électorales (sénatoriales, présidentielle, législatives), ils en profiteront pour interpeller les élus, les candidats et les partis politiques sur le droit de vote des étrangers. Depuis trop longtemps, malgré déclarations, promesses, sondages, pétitions, rassemblements, la question du droit de vote et d'éligibilité des résidents étrangers aux élection municipales est en suspens! La loi votée à l'Assemblée nationale le 3 mai 2000 est sur le bureau du Sénat. Mais, ni son président, ni le Premier ministre ne sont décidés à la mettre à l'ordre du jour de cette assemblée. L'objectif commun des Trois collectifs est d'obtenir que cette proposition de loi soit reprise par le gouvernement sous forme de projet de loi, discuté et voté enfin par l'Assemblée nationale, le Sénat et le Congrès. En France, alors que l'opinion publique est majoritairement favorable, les promesses ne sont pas tenues et les discriminations politiques demeurent. Les Trois collectifs continuent leur campagne. Ils la mèneront jusqu'à satisfaction. Toutes les formes de mobilisation doivent être mises en action: pétitions, «votation nationale » pour le droit de vote des résidents étrangers, voeux des conseils municipaux, généraux, régionaux qui doivent être envoyées au président de la République, au président du Sénat, au Premier ministre et aux Trois collecifs. Un bilan de ces mobilisations sera fait le Il décembre. A ce jour, la citoyenneté est rattachée à la nationalité. Cela entraîne l'exclusion d'une partie significative de la population. Cependant, les réalités quotidiennes que recouvre la notion de résidence ouvrent de plus en plus de droits en France mais aussi dans différents pays européens plus avancés sur ce point. Cette campagne sera l'occasion de : - lancer une réflexion dans le pays sur la «citoyenneté de résidence». - favoriser plus de justice dans la reconnaissance des populations qui vivent ensemble sur notre sol, quelle que soit leur origine. - rapprocher les citoyens par l'égalité des droits. - promouvoir un élargissement de la démocratie plus conforme aux Droits de l'Homme et du Citoyen. Les Trois collectifs vous invitent à la Journée du 20 octobre sur la citoyenneté de résidence et le droit de vote et d'éligibilité de tous les étrangers aux élections municipales Assemblée nationale, 101 , rue de l'Université, (MO Invalides). Actualités Attentats aux Etats-Unis: dommages collatéraux LEMAIRE de Saint-Prix, petite commune de 6 700 habitants dans le Vald'Oise, refuse, depuis le Il septembre, de délivrer des certificats d'hébergement aux « ressortissants émanant de pays régulièrement cités dans les affaires de terrorisme international ou de pays où des scènes de liesse ont accompagné l'annonce du drame que vient de vivre l'Occident ». Et d'en dresser une liste noire: Syriens, Egyptiens, Libanais, Irakiens ... Pour preuve de bon sens, Monsieur le maire-stratège de souligner, d'après Libération (17/09/2001), que « des gens du Moyen-Orient ont auparavant demandé un certificat dans ma mairie. Je n'ai pas de compétences géopolitiques, mais comme tous les Français, je vois maintenant dans les médias des Etats terroristes ou qui les soutiennent » ... Dans un communiqué, le Mrap a condamné les pratiques discriminatoires de Jean-Pierre Enjalbert et rappelé la loi en vigueur, notamment le décret du 23 juin 1998 supprimant le certificat d'hébergement et le remplaçant par une simple attestation d'accueil certifiée en mairie, au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie. Tout en saisissant le Préfet et le Tribunal administratif, le Mrap s'indigne « de l'attitude irresponsable voire dangereuse du maire de Saint-Prix qui opère une discrimination raciste en raison de la nationalité et concourt par là-même à l'instauration d'un amalgame inacceptable entre le comportement des terroristes et l'ensemble des immigrés du Moyen-Orient ». Aux Etat-Unis, des agressions contre de paisibles citoyens, des lieux de culte musulmans ou des centres culturels islamiques ont été commis. A Londres, un chauffeur de taxi afghan âgé de 28 ans est resté paralysé suite à une agression aux abords d'un pub. Toujours en Angleterre, dans le Wiltshire, une Asiatique a dû être hospitalisée suite à une agression raciste. A cet égard, M. Iqbal Sacranie, responsable du Conseil des Musulmans de Grande-Bretagne, a mis en cause les médias britanniques qui, selon lui, entretiennent la confusion dans les esprits en ne faisant pas la distinction entre des criminels suicidaires qui se revendiquaient de l'Islam et l'ensemble des musulmans. En Italie, durant un meeting dominical de la Ligue du Nord (parti d'extrême droite qui compte trois ministres dans le gouvernement Berlusconi), des tracts proclamant « clandestins = terroristes islamistes» ont été distribués. Lors de ce rassemblement, le député européen de cette formation, Mario Borghezio, a lancé un tonitruant « Dieu maudit les terroristes arabes ». Dans ce pays, c'est le quotidien!l Giornale qui verse dans l'antiislamisme malgré les mises en garde du pape Jean-Paul II pour éviter l'écueil de la vengeance aveugle après les attentats terroristes contre les Etats-Unis. Ainsi, dans une tribune publiée dans ce quotidien, Mgr Alessandro Maggiolini, évêque de Côme, met en exergue « le problème des immigrés d'origine musulmane ». Toujours dans le même journal, Ida Magli, théologienne, a heurté la communauté musulmane italienne en affirmant dans un point de vue intitulé « Choc de civilisations » : « Dans le monde islamique, tous ceux qui appartiennent à l'Occident satanique, ennemi d'Allah, peuvent et doivent être tués ». Versets du Coran à l'appui, l'Union des musulmans d'Italie a réagi en démontrant que ce genre d'assertions était« totalement faux et diffamatoire ». Alors que, de toutes parts, des voix de paix s'élèvent pour éviter les confusions, sources de malentendus et de ten- Gilles Kepel Deux livres importants pour comprendre W~DtN DE IS A IS • Les dollars de la terreur de Richard Labévière, journaliste à la Télévision suisse romande et à Radio France Internationale : une enquête qui montre comment « le nerf de l'islamisme n'est pas la religion, c'est l'argent ... », Grasset, 1999. • Jihad, de Gilles Kepel, directeur de recherches au CNRS analyse les diverses dimensions de l'islamisme, historique, culturelle et sociale. Gallimard, 2001. sions, M. Berlusconi lui-même, président du Conseil, jette de l'huile sur le feu. Lors d'une conférence de presse organisée à Berlin le 20 septembre, l'entrepreneur -chef du gouvernement italien développe la thèse, devant un auditoire médusé, de « la supériorité de la civilisation occidentale» par rapport à l'Islam. Ceci, au moment-même où une délégation ministérielle de l'Union européenne était reçue par la Ligue arabe au Caire dans le cadre de la mise en place d'une coalition antiterroriste internationale. M. Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, a vivement réagi en affirmant que « ces propos sont racistes, qu'il [M.Berlusconi] a franchi les limites de la raison et de la décence» et que les Arabes en attendent des excuses. Deux jours plus tard, le médiatique Berlusconi s'est confondu en explications embarrassées. Mais le mal est fait. En France, de nombreuses prises de positions ont très vite affirmé la volonté très largement partagée de refuser les amalgames. Ainsi, le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement), dans un communiqué publié le 14 septembre, dénonçait « tout recours à des amalgames, toute présentation des faits, toute réaction qui stigmatise les musulmans et les pays arabes. Nous dénonçons également une interprétation qui voit dans ces événements un affrontement entre l'Occident et le monde musulman ». Plus largement, ces événements tragiques ont eu pour conséquence, parallèlement à l'hommage quasi unanime rendu aux victimes des attentats, de déclencher partout à travers le monde la volonté de comprendre les causes qui ont engendré un tel désastre dans un pays réputé invulnérable. Malgré la diversité des analyses et au-delà des intérêts des uns et des autres, c'est l'Ordre mondial qui est mis en cause. Les frustrations, les injustices, les conflits qui s'éternisent et les droits bafoués de nombreux peuples engendrent forcément les incertitudes, l' insécurité internationale et la peur du lendemain. Après la stupéfaction, après la dénonciation des criminels, est venu le temps de la réflexion sur l'état du monde et des mises en garde contre un embrasement généralisé. La télévision allemande ARD a diffusé une émission durant laquelle cinq personnalités se sont prononcés contre la guerre qui s'annonce : deux prix Nobel de la paix, Desmond Tutu (Afrique du Sud) et Oscar Arias Sanchez (Costa Rica) et trois prix Nobel de littérature, Nadine Gordimer (Afrique du Sud), Günter Grass (Allemagne) et Dario Fo (Italie) mettaient en garde les Etats-Unis contre l'escalade de la violence. Chérifa B. (Sources: presse quotidienne, AFP) Actualités Déclaration du Conseil national du Mrap NOUS AVONS ressenti l'horreur des attentats du 11 septembre qui ont frappé le peuple des Etats-Unis. Aucune cause ne peut justifier de tels massacres. les conséquences de ces actes, quels qu'en soient les mobiles et les revendications, sont toujours politiquement néfastes. Dans ces instants d'émotion encore très vive, le Mrap appelle à la vigilance contre tout amalgame ou exploitation qui viserait àjeter la suspicion sur les musulmans, tant en France que dans le monde, et servirait de prétexte à la mise en place d'une Europe policière restreignant les libertés et dont seraient victimes tous ceux qui s'opposent au consensus. Nous devons penser à toutes les victimes des fanatismes, des répressions, des guerres, de toutes les tragédies qui endeuillent notre monde contemporain. Tous les êtres humains ont la même valeur et ont droit au même respect, on l'oublie souvent. Il n'existe aucune religion ni aucune idéologie dans le monde qui ait échappé à l'interprétation terroriste de l'idée de vérité. Les notions de bien et de mal, dans l'absolu, mènent à l'atrocité. Plus que jamais, le monde a besoin de recourir à la rationalité et à la critique. Dans la crise actuelle (qui dure depuis longtemps), les grandes puissances, dont les Etats-Unis, ont leur part de responsabilité. Elles ont largement contribué, malgré les valeurs démocrati ques qu'elles brandissent de par le monde, au développement des mouvements intégristes pour contrer les dynamiques démocratiques et progressistes des peuples. Les désordres économiques, sociaux, les injustices à l'échelle mondiale, les frustrations nées de la misère, de la non-résolution politique des conflits, le non-respect du droit des peuples (du peuple palestinien par exemple), fournissent un vivier de désespoir et de haine à ces mouvements extrémistes et cl leurs actions. Le Mrap demande que soient sérieusement envisagées des actions qui atteindraient uniquement les terroristes, par des mesures politiques, économiques, mais principalement d'ordre financier, tant il est clair que les groupes clandestins ont pu A l'issue d'une conférence de presse qui se tenait le 1 er octobre, le Mrap a co-signé prospérer grâce cl la bienveîl1ance d' institutions financières, et cl l'existence de paradis fiscaux, dont certains sont en Europe. Mais il exprime son inquiétude face à la montée en puissance de préparatifs mi litaires qui laissent craindre une riposte militaire de grande envergure. Le Mrap s'oppose par avance à des « représailles longues et dévastatrices ». Les auteurs de ces crimes doivent être arrêtés et jugés par un tribunal international sous l'égide des Nations unies. Il est question d'envahir l'Afghanistan. Est-il possible de croire qu'on peut aider à se libérer un peuple déjà martyrisé par la dictature des talibans, en le martyrisant à nouveau? Une politique de représailles aveugles ne conduirait-clle pas à solidariser le peuple avec ses oppresseurs? Le cas de l'Irak est là pour nous rappeler qu'une attaque étrangère renforce souvent les dictatures. Les bombardements ne peuvent qu'entrainer peuples et gouvernements dans un engrenage non maîtrisable. Le problème des réfugiés afghans est déjà actuel, mais il pourrait se transfonner en véritable catastrophe humanitaire. Le Mrap rappelle que c'est en exploitant de terribles inégalités et injustices, qu'ont pu prospérer les mouvements intégristes, et qu'en même temps "Occident a trop souvent joué le jeu des dictatures, en étouffant les dynamiques progressistes en oeuvre au sud. Construire un monde nouveau ne peut se faire sans l'établissement d'une authentique démocratie, sans justice tant économique que sociale, sans que soient établis de nouveau.x rapports entre le Nord et le Sud. L'idéologie propre à tous les intégrismes, le programme politique et social qu'ils mettent en avant, sont foncièrement réactionnaires et ignorent les aspirations des peuples. Le Conseil national du Mmp demande aux comités locaux d'interpeller les politiques. afin qu'ils se prononcent clairement sur l'ensemble de ces questions. Paris, le samedi 22 septembre 2001 avec plusieurs organisations (dont le Mou- ,------------------- ---- ---- --- , vernent de la Paix, le PCF, Les Verts ... ) un « appel à l'opinion» qui devrait servir de base cl des actions collectives dans les jours et semaines à venir« contre la mi litarisation et la nucléarisation de l'espace, pour la sécurité et la paix mondiale ». 43 bld de Magenta 75010 Paris - T : 01 53 38 99 99 Télécopie: Oi 40 40 90 98 - Email: joumal.differenccs@freeJr 13 F le numero _ Abonnement 135 F (Il nO'fan) Directeur de publication: Mouloud Aounit. Gérante bénévole: lsabe!le Sirot. Rédactrice en chef - mise en page: Chérifa Benabdessadok. 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Notes
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