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Sommaire du numéro
n°228 de avril 2001
- Mouvement: Caravane de la citoyenneté, la réseau tisse sa toile par Y. Lechevalier
- Conf' de presse à l'Unesco par N. Grivel
- Rapport de la CNCDH: banalisation du racisme et crise antisémite
- Pour une citoyenneté de résidence, rendez-vous le 3 mai [législation]
- Douce France: mythe, réalité ou métier à tisser par N. Grivel
- La guerre d'Algérie a bien eu lieu par C. Benabdessadok
- Dossier: au risque de la ségrégation génétique
- Le Pr Mattei: « la dignité d'un être humain ne dépend pas de la qualité de ses gènes » entretien recueilli par C. Benabdessadok
- Quand le droit court après la science par Kaltoum Gachi
- UNESCO: touchez pas au génome
- Engager un vaste débat démocratique
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Texte brut du numéro
1)ifférences Mouvement cootre le racisme et poor l'amitié entre les peuples AvriI2001 - N' 228 Qu'allez vou fai de oi _. Mouvement la caravane de la It* 1f ~ citoyenneté de l'élargir aux spécificités des actes discriminatoires. Un ensemble de formations des salariés et bénévoles des comités locaux sera ainsi mis en place, avec le soutien du FAS, dès le mois d'avril. L'ampleur de cette activité nous permet d'enrichir notre débat et partenariat avec le GELD et le 114. Le réseau tisse sa toile LES COMITÉS locaux du Mrap ont désormais pris en charge l'avenir de la Caravane de la citoyenneté. Rencontres, chartes, accueils se multiplient sur le territoire pour donner à la lutte contre les discriminations racistes l'ampleur qu'elle mérite. Les conventions avec les pouvoirs publics (Codac) et les professionnels pour la diffusion de cnartes de bonnes conduites prennent de l'ampleur (Nord, Puy-de-Dôme, etc). D'autres comités, comme en Moselle, ont pris le parti de réunir un réseau de citoyens autour d'une Charte de refus des discriminations à l'embauche et au travail. Ils proposent une réaction collective de dénonciation et d'alerte à chaque acte discriminatoire identifié. Après cette première phase de mobilisation et de mise en place des échanges, la coordi- Montpellier 111111 !' RACISME Une journée sur ce thème a eu lieu mercredi La discrinlination se loge partou l'accession au logement est une des manifestations les plus ft':lves de l'hostilité envers 16 personnes d'origlneétr:angère lilll!!lennete MlllS ,lnm,~ ft nr"'Ü' Il,,,I.,Ji ~ , r b!JfT, }.oI1>'JII(' ) C III" tJ", '<~rllt .. ".,~. l1I./difl~ Ir/ltiMIIII'\ ,~",'I<, /" IIwi.<;iHt tI'r~ ' /,11te. ,1 1t} 1l f"l jll1.i,>b.'mc d,:.- r..'/lrt(t "di'M!'J/I ~' Olt a/ur:, ft/gr'lIf i"'fiwbi1if,. '1 }J.Il'rl. 8" ' 'fIÎI/. 1.// 1/'\'-'111 ' ""bli(Ù! rh " ,1'("1 (/' (.7(f;m~ul ,,"fi r,/t d,',_ j.·lU' .... ,"",,111;1/... i, ,~~!:: . n'"ll'tllt pla" 'lUI' 1" IJFI!llyc ..... W', W"t l~/" '.j ' .. t"·.Uiliit.' li "":J i!' j, .. ", .. n · 1('" fi !~:II':1~·~':.~7~'~:I~:::';~ Charles:,:!::::~:I.: ::::II~::~~I~;~I,f 5~$ ,~;:U:':'I:;:~;' Cintl Ilf.~ o',{\(;jCharles l~f:tl .t'~I'~\;~ pll~~; Une charte pour lutter contre le racisme au travail A l'appro~'he ~es municipales, le)1RAP de Moselle veut mobiliser l 'opinion lac~ ~u f i oblem~ d~1 raCIsme. En lallçalll une charre de rejils des (iLsUU!UnallOn~ a 1 embauche et au tramil, le mouvement antiraciste vew mobL!iser un reseou de militants pOlir rendre sa lutte plus efficace, Les semaines d'éducation contre le racisme ont été un moment fort pour aborder ce thème. Ainsi, la Fédération de PyrénéesOrientales, avec les Francas, le « 35 », Objectifs Jeunes, Solid'Prod et les services Enfance et Jeunesse de la municipalité de Perpignan, a réuni plus de cinq cents personnes pour créer « un monde en couleur » où la fête, les jeux et les débats ont permis de réfléchir mais aussi de donner la parole à des personnes victimes de discriminations et poser au grand jour, devant tous, ces pratiques. Un travail avec le secteur Education nous permettra de diffuser de nouveaux outils spécifiques et recueillir des idées sur les actions innovantes ou intéressantes pour la sensibilisation aux discriminations. Le film «Discriminations, ouvrons les yeux », produit par le Mrap, a souvent été remplacé, du fait de sa présentation tardive, par les douze courts-métrages de DFCR « Pas d'Histoires ». Mais déjà près de cent cassettes ont été diffusées dans le réseau Mrap et à nos partenaires. Gageons qu'il permettra d'ouvrir les yeux de nos concitoyens sur les violences subies par les victimes de discriminations (l). Des permanences d'accueil sont créées (Mont-de-Marsan, Paris, Rouen ... ) ou renforcées (Perpignan, Nord-Pas-de-Calais, Vaucluse, ... ). L'objectif de créer dix permanences d'accueil est largement dépassé puisque le réseau Mrap propose d'ores et déjà près de quarante lieux d'accueil (2) pour une disponibilité de plusieurs centaines d'heures. Les juristes du National ont développé tout un ensemble d'appuis (fiche d'accueil, guide, formations ... ) qui permet de renforcer l'activité d'accueil des comités déjà existante et nation nationale proposera début avril un ensemble de documents de capitalisation sur les pratiques des conventions et chartes de bonne conduite, sur les actions d'éducation ... Dès à présent, un premier micro-site Internet spécifique sur la page d'accueil du site du Mrap présente les activités des comités locaux. Le parcours de lutte contre les discriminations progresse. Les militants du Mrap s'y engagent. • Yannick Lechevallier (1) Bon de commande auprès de la coordination de la caravane Bientôt une loi sur les discriminations La loi relative à la lutte contre les discriminations devait être discutée le 3 avril en seconde lecture à l'Assemblée nationale avant de revenir devant les sénateurs. N'étant pas totalement satisfait de sa fornmlation actuelle, le Mrap a fait connaître ses remarques et propositions. Il s'agit notamment de dispositions concernant l'aménagement de la charge de la preuve, de la protection du salarié quant à son déroulement de carrière, d'espaces possibles de manifestation de discriminations qui n'ont pas été abordées: sur les pouvoirs de l'inspecteur du travail, sur les attributions et les pouvoirs des délégués du personnel en matière d'atteinte aux droits des personnes, sur les restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles, sur le contrôle de l'application de la législation et de la réglementation du travail... Nous y reviendrons. 2 Différences nO 228 avril 200 1 (2) Liste des permanences sur le site internet du Mrap : www.mrap.asso.fr
sme au quotidien
A l'occasion de la semaine nationale d'éducation contre le racisme, le MRAP de Montbéliard multiplie ses actions de lutte à l'échelon local. mSCRIM.1NJ\T!ON, :) l'er.. tre~ ~etbCl tes de r;UI:'filC!SUle sur le Ile .} (je trJ"a,l, explilsûO, pr,)l::leme O'3Ç:: e5~i(}n au loqemem .. _ ~ MDins ls:h1es. p!U5 $(;:irno·s. les 6C.tëS de rJ(.Isme sont (ooiOur" on .. ni/Jfèse:i!S', Chn$!me Alhoo, ,a 11),ktante momMl a rdZI~ du mouve· ment contIe le fJcismc N 000: r amité entrtl ~ peuples es!. tvuiiur le 1 ,. De;rnt;nps: , nO/JS f/l prJ,. 00 dot éf'e Conf' de presse à I·Unesco LE 20 MARS demier, veille de lajournée internationale contre le racisme, s'est tenue à l'Unesco la conférence de presse destinée à présenter publiquement la caravane de la citoyenneté et le film« Discriminations
- ouvrons les yeux ». Etaient conviés et
présents la presse bien sûr, mais également les « institutionnels» (représentants des différents ministères et autorités administratives) et les partenaires associatifs et syndicaux. En outre, quatre des cinq victimes témoignant dans le film ont pu faire part de leur double expérience: avoir subi une discrimination, puis avoir réagi et s'être exprimé La conférence a été ouverte par Mouloud Aounit et Dominique Brendel, puis Laurent Cibien, réalisateur du film, a expliqué comment il avait procédé, ce qui l'avait surpris et touché au travers de ses rencontres ... ClaudeValentin Marie, le nouveau directeur du GELD (Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations) est intervenu pour soutenir la démarche du Mrap et pour exprimer son souhait de la construction d'une politique publique efficace de lutte contre les discriminations par le partenariat entre les pouvoirs publics et les associations. La conférence a été conclue par Hassan M. Fodha, directeur du centre d'information de l'ONU, qui participe à l'organisation de la Conférence mondiale contre le racisme qui se tiendra à la fin août à Durban en Afrique du sud. Il a souligné l'importance d'actions telles que celles mises en oeuvre par le Mrap pour faire reculer le racisme au quotidien. Il a en effet constaté le décalage entre l'arsenal juridique existant, y compris au niveau international, et la faiblesse de son application dans les différents pays, ce qui justifie la dé- 9fME SEMAINE 'D'EDUCA110N CONTRE LE RACISME à Saint-Nazaire marche du Mrap visant à rendre illégitimes, et non plus seulement illégales, les discriminations racistes. Cette conférence de presse aura constitué la première expression publique nationale de la Caravane de la citoyenneté. Elle aura également permis de remercier les victimes qui ont accepté de témoigner dans le film, et de les faire à cette occasion se rencontrer pour la première fois, ce qui a donné lieu à d'excellents contacts . • Nicolas Grivel La déontologie concerne aussi les services de sécurité Une Commission nationale de la déontologie de la sécurité a été créée par une loi datant de juin dernier. Autorité administrative indépendante, elle a pour but de « veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République ». Cette information intéressera les adhérents et militants du Mrap qui savent qu'ils disposent d'un cadre supplémentaire lorsqu' ils sont interpellés sur les manquements des services de sécurité. Sont donc concernés les autorités et services publiques (polices nationale et municipale, gendarmerie, administrations pénitentiaire et des douanes, gardes champêtres ou forestiers, services de surveillance notamment des transports en commun) ainsi que les personnes privées (services de gardiennage, de surveillan~e, d~ ~ransports de fonds, services d'ordre privés). Les députés et sénateurs, ainsi que le PremIer mll1Istre, peuvent saisir de leur propre chef la Commission pour lui signaler des faits contraires aux règles déontologiques. Les citoyens peuvent également la saisir mais en adressant leur récla~a~ion à un député ou à un sénateur qui appréciera l'opportunité de la transmettre à la CommISSIOn, laquelle transmission ne devra pas dépasser un délai d'un an après les faits. La Comn:ission, présidée actuellement par Pierre Truche, premier président de la Cour de cassatIOn, est composée de huit membres nom,més pour une durée de six ans non renouvelables. Adresse: 66, rue Bellechasse, 75007 Paris. Rapport de la CNCDII : 1 banalisation du racisme ' et crise antisémite Le rapport 2000 de la Commission nationale consultative des droits de 1 'homme révèle une certaine évolution de la situation du racisme en France. Les conséquences de la crise israélo-palestinienne (à partir du 28 septembre) s'y expriment nettement, les violences antisémites touchant personnes et biens passent de 9 en 1999 à 116 en 2000. Les autres chiffres renforcent nos analyses précédentes, d'une baisse des violences racistes, mais d'une banalisation des idées. Les statistiques de l'action judiciaire restent stables, et le faible nombre de condamnations liées à une attitude discriminatoire plaide en faveur des propositions du Mrap, relatives à un aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination. Les résultats du sondage annuel « xénophobie, racisme et antiracisme en France », nous renvoient aux tendances lourdes de la société française. « L'effet Coupe du Monde », perceptible dans le sondage effectué fin 1998, est bel et bien effacé. Comme l'année dernière s'y exprime un certain désintérêt des effets du racisme en mème temps qu'une banalisation de ses conséquences les plus perverses. Le racisme « au faciès» s'affirme avec plus de netteté, au préjudice des personnes d'origine maghrébine d'abord, mais aussi de plus en plus envers les Noirs ou les Gens du Voyage. Plus grave peut-être, l'opinion générale s'exprime sévèrement sur les thèmes de l'intégration, de l'asile, de l'immigration. Ainsi une majorité de sondés (51 %) estime indispensable que les personnes d'origine étrangère qui vivent en France adoptent le mode de vie des Français. Seulement 7 % d'entre eux estiment qu' « il faut ouvrir les frontières, la France doit être un pays d'accueil », et ils sont près de 60 % à refuser l'octroi du droit de vote aux élections municipales pour les étrangers non membres de l'Union. Pourtant, 91 % des sondés pensent que le racisme est en France une chose très ou plutôt répandue, et 72 % estiment utile de renforcer les lois condamnant la propagande et les actes racistes. C'est dire que le racisme est un mal auquel 011 s'est habitué. Il reste néanmoins que la prudence doit prévaloir, dans les conclusions qu'on pourrait tirer du sondage. En effet, la nature des questions, le moment et le contexte où il est réalisé peuvent modifier certaines réponses, donc certaines conclusions. Même si un sondage peut être une photographie de l'opinion publique, il ne saurait infléchir le cadre d'une politique publique. Communiqué du Mrap 22 mars (extrait) Différences nO 228 avril 200 1 3 1Jf ouvement Pour une citoyenneté de résidence, rendez-vous le 3 mai Là où je je vote LE 3 MAI 2000, l'Assemblée nationale adoptait une proposition de loi accordant le droit de vote et d'éligibilité aux résidents étrangers non communautaires pour les élections municipales. Du fait du refus de la majorité du Sénat et du manque de volonté politique du gouvernement de M. Lors d'une conférence tenue le 4 mars dernier, les trois collectifs - « Même sol, mêmes droits, même voix », « Un(e) résidenHe), une voix », « Pour une véritable citoyenneté européenne»engagés pour le droit de vote des étrangers non-communautaires aux élections locales, ont décidé d'unir leurs efforts afin de poursuivre ensemble la campagne. Ils ont lancé un appel commun dont nous publions le texte intégral ci-dessous et demandent aux collectifs locaux de prendre toutes les initiatives possibles pour faire se développer la mobilisation. Jospin, cette proposition de loi reste bloquée sur le bureau du Sénat qui refuse de la mettre à son ordre du jour. Les trois collectifs, « Même sol, mêmes droits, même voix », « Une e) résidente e), une voix », « Pour une véritable citoyenneté européenne », appellent à une Journée nationale de la citoyenneté de résidence avec des rassemblements, lejeudi 3 mai 2001, à 18 heures 30, devant toutes les préfectures ou les mairies du pays suivant les possibilités locales et, à Paris, devant le Sénat, pour le droit de vote de tous les résidents étrangers, quelle que soit leur nationalité, aux élections municipales. A Paris, lors de ce rassemblement, une audience sera demandée au président du Sénat et au chef du gouvernement. Au Sénat, pour que la proposition de loi déjà votée à l'Assemblée nationale soit mise à l' ordre du jour. Au chef du Gouvernement pour que cette proposition de loi soit transformée en projet de loi mis à l'ordre du jour du Sénat, discuté et, nous l'espérons, voté avant la fin de la session parlementaire. A cette occasion, les voeux des assemblées locales et les pétitions en faveur du droit de vote qui auront été rassemblés seront remis au président du Sénat et au chef du Gouvernement et un engagement précis leur sera demandé . • Douce France: mythe, réalité ou métier à tisser? à la fois sur des constructions théoriques et des exemples pratiques, notamment celui du logement des familles africaines Dans la seconde partie centrée sur les discriminations racistes, les auteurs portent leur attention sur les discriminations au travail et à l'emploi. Ils mettent en exergue le mur du silence qui existe dans l'entreprise autour de ce phénomène et analysent les procédés directs et indirects qui y produisent la discrimination et la banalisent: à l'embauche, dans la répartition des tâches au sein de l'entreprise, par les préférences accordées aux enfants du personnel, par les «réseaux informels de recrutement » ... Ils soulignent également les difficultés de l'action syndicale sur la question (les syndicats ont souvent du mal à se positionner et craignent parfois d'y voir une source de division interne). CE LIVRE écrit par V éronique de Rudder (membre du comité de pilotage de la Caravane de la citoyenneté), Christian Poiret et François Vourc'h, paru aux PUF en novembre 2000, est un L'inégalité raciste L' universali té républicaine à l'épreuve travail de longue haleine dont les militants et les citoyens doivent s'emparer. Les trois chercheurs de l 'URMIS y présentent l'ensemble des réflexions, analyses et débats qui découlent de leurs travaux de recherches menés depuis 1993. Ils proposent tout d'abord une introduction axée sur les problématiques (discriminations et modèle républicain, politisation des questions d'immigration et d'intégration . .. ) etles concepts. Des précisions sémantiques et conceptuelles importantes sont apportées par les auteurs: racisme, ethnisme, discrimination, ethnicisation des rapports sociaux, dis- 4 Différences n° 228 avril 2001 V éronique De Rudder Christian Poiret François Vourc'h crimination directe et indirecte, intégration et assimilation . .. Puis ils exposent leurs interrogations sur la politique publique à mettre en oeuvre, en s'appuyant sur de nombreuses comparaisons et références à des pays étrangers (Royaume-Uni, Etats-Unis ... ). Dans une partie consacrée à la ségrégation, les auteurs étudient ses liens avec la logique de discrimination, l' intégration et l' ethnicisation des rapports sociaux .. . Ils s'appuient En conclusion, confrontant le problème des discriminations racistes au « modèle républicain » mis en avant en France et s'interrogeant sur le meilleur dispositif public de lutte contre les discriminations, les auteurs prennent position en faveur d'une autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs importants, et plaident pour un traitement global du racisme dans une politique générale d'égalisation des chances . • Nicolas Gr ivel La guerre dlAlgérie a bien eu lieu LE FORUM« Guerre d'Algérie / Mémoires et histoire », co-organisé le 21 mars dernier par l'Université Denis Diderot, l'Institut Europe-Maghreb, le Centre de la Méditerranée et la revue Hommes et Migrations, a connu une influence remarquable. Il faut dire que la pertinence des thèmes retenus, notamment l'excellente table ronde consacrée à l'enseignement de la guerre d'Algérie, et la qualité des intervenants (parmi lesquels JeanLuc Einaudi, René Vauthier, André Mandouze, Madeleine Rebérioux ... ) ne laissaient pas de place à l'improvisation. S'attaquant à la question de la recherche de la vérité et des « guerres de mémoires », J.-L. Einaudi a présenté une brillante analyse du 17 octobre 61, revenant sur les faits eux-mêmes, explicitant la question des archives, rappelant les termes du procès que lui avait intenté Maurice Papon. Claire Mauss-Copeau a mis en perspective la documentation iconographique relative à l'armée française. Les participants à la table ronde sur l'enseignement ont étudié la façon dont les manuels scolaires et les enseignants sont amenés à traiter de la colonisation, de la décolonisation et des guerres coloniales. Les réalités ne sont pas simples: la guerre d'Algérie est bien appréhendée par les livres scolaires mais son enseignement semble se heurter à des problèmes méthodologiques et politiques que nous n'avons pas la place d'exposer ici. Paradoxalement des ressources nouvelles ont été mobilisées pour traiter de sujets« chauds» (notamment l'usage de documents et pas seulement le recours au récit historique) en même temps que des stratégies d'évitement sont à l'oeuvre. La journée s'est terminée par la projection d'extraits de films traitant de la guerre d'Algérie et un débat sur la façon dont l'Etat français a très longtemps conservé la maîtrise totale des images par l'instauration d'une censure permanente sur les oeuvres cinématographiques et télévisuelles. Nous reviendrons sur ces questions dans l'une de nos prochaines éditions. • Chérifa Benabdessadok Vous avez la chance d'avoir entre 18 et 27 ans ? L'association allemande de volontariat « Aktion Sühnezeichen Friedensdienste », partenaire du Mrap, propose des rencontres franco-allemandes ouvertes à tous les jeunes de 18 à 27 ans résidant en France. Si tu es ouvert et aime le contact avec d'autres cultures, si tu n'es pas insensible aux problèmes de société actuels, nous te proposons de venir faire notre connaissance à l'occasion de nos rencontres interculturelles. Qui sommes-nous? Un groupe de jeunes Allemands qui nous engageons pour dix-huit mois comme volontaires dans différentes structures associatives en France et en Belgique. La première session se tiendra du 20 au 25 avril 2001 dans les environs de Lille sur le thème « L'intégration des populations immigrées en France, en Allemagne et en Belgique - Réelle volonté politique ou démagogie? » La deuxième aura lieu dans la région lyonnaise du 28 avril au 3 mai autour de « La France et l'Allemagne dans l'Europe: vieux couple ou jeunes mariés ? » Les frais d'hébergement et de voyage étant pris globalement en charge par l'Office franco-allemand pour la Jeunesse, tu seras notre invité. Pour plus d'informations contacter: Comité d'ASF 10, rue de Trévise 75009 Paris Tél/Fax: 01 42 46 92 32 e.mail: ASF Paris@compuserve.com Rendez-vous le 26 avril avec des « Assassins sans frontières }) Le magazine Envoyé spécial (France 2) diffusera ce jour-là un reportage de 52 minutes sur le Rwanda. Cette enquête réalisée par Laurent Ci bien (auteur du film du Mrap sur les discriminations) et Patrice Lorton montre qu'une trentaine de génocidaires présumés coulent des jours tranquilles en Europe. Parmi eux, un ancien ministre du gouvernement rwandais a longtemps trouvé refuge à Paris; aux Pays-Bas, l'équipe de France 2 a pu retrouver Simon Bikindi, un chanteur que l'on a surnommé le troubadour du génocide. Le reportage est aussi l'occasion de montrer le fonctionnement difficile du Tribunal pénal internationaL .. Un documènt à ne pas rater. Benjamin Krüger Exposition J ulius et Ethel Rosenberg L'Association pour le réexamen de l'affaire Rosenberg a réalisé pour le cinquantenaire de la condamnation à mort de Julius et Ethel Rosenberg une exposition dont le vernissage devait se dérouler le 2 avril à la mairie du 3e arrondissement de Paris. Constituée de photos et documents en quadrichromie, cette exposition se subdivise en 9 panneaux: 1/ Ouverture; 2/ une famille ordinaire ; 3/ guerre froide et chasse au sorcières; 4/ un procès truqué en sorcellerie ; 5/ le monde entier demande justice; 6/ la mise à mort ; 7/ la vérité en marche; 8/ histoire d'un crime en un tableau; 9/ présents ! La bête bouge encore. C'est hélas ce sin istre constat qui est sorti des urnes lors des élections municipales. En effet, malgré l'éclatement du Front nat ional, les émules de Le Pen et de Mégret s'enracinent dans certaines villes. L'extrême droite remporte des succès un peu partout. Malgré la politique d'apartheid, la casse de la culture, l'asphyxie de toute expression associative, l'extrême droite garde les villes de Marignane, Orange et Vitrolles. On s'interroge : qu'ont fait pendant six ans les forces démocratiques pour expulser cette tache brune de la carte de France? Par ailleurs, s'il n'y a pas eu d'accord franc et public à l'échelle nationale, les voix d'extrême droite ont permis à la droite certaines victoires. Les chiffres révélés par le sondage réalisé pour la Commission nationale consultative des droits de l'Homme montrent l'ancrage tenace des idées racistes. 73 % des sondés estiment que « de nombreux immigrés viennent en France pour profiter de la protection sociale ", 51 % que {{ l'immigration est la princi pale cause de l'insécur ité ". Tout se passe comme si les graines idéologiques semées dans les mentalités, malgré l'explosion de la tête politique, continuaient seules à germer. Autre signe inquiétant, le repli de la France sur elle-même. Ainsi ce confirme le durcissement de l'opinion publique à l'égard de l'immigration et des demandeurs d/asile. Pourtant, paradoxalement, la majorité des sondés estime que {{ les personnes qui tiennent des propos racistes doivent être condamnées assez sévèrement ». Tout ceci doit nous amener à ne pas nous assoupir dans notre lutte contre le racisme, mais aussi et surtout cela nous fait obligation de créer les cond itions qui nous permettent de construire les résistances, les contre-feux et les mobilisations adéquates. Ceci ne peut se réaliser sans une mise en commun de nos analyses. A cet égard, le Congrès du Mrap va être un moment privilégié, pour qu'ensemble, après un examen approfondi de la conjoncture, de nos pratiques, nous réfléchissions aux réponses que la situation impose. Mouloud Aounit Différences nO 228 avril 2001 5 Les nouvelles connaissances en biologie et les techniques modernes d'intervention sur le vivant (cell l.Jles, gènes, etc) ouvrent un formidable champ d'application pour la médecine. Mais elles ouvrent simultanément la porte à des dérives d'une extrême gravité : classement et discriminations des personnes basés sur les tests génétiques, déjà pratiqués aux Etats-Unis; appropriation et commercialisation par des groupes financiers de données prélevées avec ou sans l'accord des personnes (lire texte sur l'Islande page 10) ; mercanti 1 isation des ovocytes (il existe déjà un marché sur Internet) ; eugénisme, puisque l'on pourrait organiser à grande échelle la sélection des enfants à naître; clonage reproductif dont on mesure ce qu'il entraînerait pour l'avenir de l'humanité ... La France s'est dotée d'outils susceptibles d'évaluer et d'encadrer l'évolution des biotechnologies. Il s'agit tout particulièrement du Comité national d'éthique et des lois dites de bioéthique votées en 1994. Ces lois doivent être révisées tous les cinq ans, dans le but affirmé d'adapter le cadre législatif à l'évolution extrêmement rapide des connaissances, des techniques et des pratiques. Aussi, avec deux ans de retard, l'Assemblée nationale s'apprêtet- elle à examiner un nouveau projet de loi. Depuis quelques semaines, des voix dont celle de Jean-François Mattei, professeur de génétique médicale et député <Démocratie libérale), rapporteur des lois de 1994, s'élèvent pour demander d'une part la renégociation d'une directive européenne tendant à légaliser le brevetage des gènes et d'autre part à exiger un débat démocratique. En effet, l'ampleur des problèmes éthique, philosophiques, politiques, soulevés par l'application des biotechnologies est tel que les divergences sont fortes et parfois radicales, y compris au sein du Comité d'éthique. De surcroît, la complexité des techniques et de leurs effets demande qu'un réel travail d'explication soit mené afin que les citoyens puissent se déterminer en connaissance de cause. Ce fut le cas le 24 mars lors d'un colloque organisé par le parti communiste français à Paris. Ce dossier n'a pas l'ambition de faire le tour de la question mais de poser quelques jalons pour une réflexion au sein du Mrap. Chérifa Benabdessadok 6 Différences nO 228 avril 2001 Au risque de la ségrégation génétique Le professeur Jean-François Mattei : « La dignité d1un être humain ne dépend pas de la qualité de Qu'est-ce qui permet aujourd'hui de réaffirmer l'absence de fondement scientifique du concept de race? Jean-François Mattei: Depuis longtemps, les scientifiques, plus particulièrement les biologistes et les généticiens, ont apporté la preuve de l'absence de fondement à la notion de race. C'est une notion culturelle. Affirmer que des races seraient meilleures ou inférieures à d'autres ne repose sur aucune donnée démontrée. On sait depuis longtemps que l'on peut rencontrer davantage de proximité biologique entre une personne de souche européenne, et une autre née au Sénégal, qu'entre cet Européen et son voisin basque ou provençal. Aujourd'hui, le séquençage du génome humain apporte la démonstration définitive de l'inexistence de gènes qui différencieraient telle ou telle race. Cen'estpas la nature d'un gène qui fait la qualité d'une personne. La dignité de l'être humain ne dépend pas de la qualité de ses gènes. La génétique ou la façon d'interpréter des conn aissances biologiques ont servi à justifier des pratiques discriminatoires ... Oui, parce que des hommes, des femmes, des responsables politiques, à certaines époques, dans certains pays, ont cherché à justifier leur attitude et leur choix idéologiques. S'il est vrai que la génétique a été dévoyée, notamment par le régime nazi, il est vrai aussi que la psychiatrie a été dévoyée et utilisée à des fins répressives en Union Soviétique. Une idéologie qui s'appuie sur de prétendues données scientifiques n' acquiert pas pour autant une légitimité. Mais nous avons, nous scientifiques, à démontrer que cet alibi est faux. Quel sera l'impact du séquençage du génome humain ? Le séquençage du génome va avoir des implications considérables. D'une part, quand vous connaissez les gènes, vous êtes à même de les apprécier, de savoir s' ils sont à l' origine de telle ou telle maladie. Dans ce dernier cas, on pourra intervenir au titre de la prévention, du traitement, de l'information. Ces gènes que chacun a reçu de ses parents, qu'il partage avec ses frères et soeurs, sont aussi un patrimoine familial. Désormais, la génétique ouvre le champ à une médecine non plus strictement individuelle mais aussi familiale. D'autre part, à partir du moment où vous connaissez les gènes, vous allez pouvoir les utiliser pour fabriquer des médicaments. Lorsqu'on a isolé le gène de la croissance humaine, on a pu fabriquer 1 'hormone de croissance humaine pour guérir les nanismes. Ce sera valable pour toute une série d'affections. Voilà déjà deux impacts très importants, à la fois sur le plan médical et sur le plan de l'industrie pharmaceutique. Cela touche l'exercice médical, la personne, et éventuellement sa famille. Mais, il va de soi que la société va être tentée d'utiliser la connaissance du patrimoine génétique pour distinguer ceux qui sont susceptibles de travailler en étant moins fréquemment malades ... L'utilisation de ce patrimoine génétique est très tentant pour les assureurs, les employeurs et les banquiers. Les assureurs, dont le métier est d'assurer un risque et donc de l'estimer, seront tentés, comme on le voit déjà aux Etats-Unis, de faire payer plus cher ceux qui n'ont pas eu la chance de recevoir les gènes les meilleurs. Ce qui sera inacceptable du point de vue de la solidarité entre les citoyens. En somme, l'utilisation des gènes c'est très bien quand il s'agit d'aider les personnes et les familles, mais c'est inacceptable lorsque cela conduit à une sélection ou à une discrimination. Comment contrecarrer le danger de pratiques discriminatoires basées sur des tests génétiques? Je pense qu'il faut les interdire, mais j'attire l'attention de vos lecteurs sur plusieurs points. D'ores et déjà, lorsque nous souscrivons une assurance-vie, on doit décliner notre poids, notre taille, notre tension, nos antécédents, l'âge du décès de nos père et mère 1 s'ils ne sont plus en vie; nous faisons donc l'objet d'une appréciation sur des données, certes vagues et imprécises, mais nous sommes classés: individu à haut risque, individu à risque moyen, individu à risque normal, individu à faible risque ... Il serait inacceptable de sélectionner ou de discriminer les gens en fonction de leur patrimoine génétique: voilà un vrai problème politique. Après avoir appris à gérer les inégalités sociales, il va falloir apprendre à gérer les inégalités génétiques. Mais ce n'est pas facile. Supposons, ce que je souhaite, que le législateur interdise aux assureurs de demander un bilan génétique avant la souscription d'un contrat d'assurance et de faire payer plus cher ceux dont on saurait qu'ils ont des gènes de mauvaise qualité: qui peut empêcher quelqu'un de donner spontanément sa carte génétique, qui peut interdire aux gens qui ont de bonnes cartes génétiques de se retrouver dans une mutuelle créée à cet effet? Cela aurait pour conséquence immédiate d'augmenter les prix des contrats chez les autres, les mal lotis d'un point de vue génétique. Il faudra aussi interdire la baisse des prix des polices d'assurance pour les gens qui ont de bons gènes. Mais on se heurtera à la réalité de la mondialisation, car si on l'interdit en France, la compagnie pourra s'installer aux Bahamas, aux Etats-Unis ou dans tout autre pays qui n'aurait pas les mêmes critères de référence. Cette question mérite une vraie réflexion politique tendant à réaffirmer que les êtres humains naissent égaux en droit: droit d'être soigné, droit d'être assuré. Que pensez-vous des risques d'eugénisme? Il faut être très prudent quant à l'usage du terme eugénisme. Dans la conscience collective, en particulier pour ceux qui le portent ancré douloureusement dans leur chair et dans leur histoire, l'eugénisme évoque la période nazie, la shoah. Aujourd'hui, on peut déceler les signes d'un eugénisme plus insidieux, un« eugénisme doux », à visage médical, qui ouvre la porte de la sélection des enfants à naître. Tant qu'il s'agit d'une démarche individuelle, de couples, notamment ceux qui ont éprouvé le malheur, qui ont eu un enfant handicapé ou qui savent, en raison d'antécé- L'arrêt Perruche, malheur et p réjudice Un laboratoire d'analyse et un médecin s'étant trompés lors des examens, une mère a mené sa grossesse à ternle et accouché d'un enfant très lourdement handicapé: voilà le fait rapidement résUmé. Ayant fait savoir au médecin qu'elle souhaitait avorter si le foetus présentait des risques de contamination par la rubéole qu'elle avait contractée, la mère a porté plainte. Le 17 novembre 2000, la Cour de cassation lui a donné raison et cet arrêt a soulevé une grande émotion. En effet, la justice aurait ainsi accepté l'idée d'un « droit qu'aurait tout individu de naître en parfaite santé physique et mentale ». Or, le droit de naître ou de ne pas naître n'existe pas en l'état actuel de la science médicale et pose une question grave: « Comment une personne pourrait -elle posséder le moindre droit à l'égard d'un phénomène - sa génération - qui échappe totalement, et par nature, à l'emprise de sa volonté? » Ce que l'on appelle les droits subjectifs (droit au respect de la vie, à la dignité, à l'honneur, etc) impliquent l'existence de la personne, c'est-à-dire sa vie. Cherchant à réparer, la Cour a confondu « malheur» et « préjudice », chronologie des faits et cause du handicap. (D'après un article de Laurent Aynès, professeur de droit civil, paru dans Le Monde le 30.01.01). , ses geneS» dents familiaux, qu'ils sont plus exposés que d'autres à mettre au monde un enfant handicapé, la démarche est médicale, concevable et admissible. En revanche, vouloir en faire un système, en soumettant toutes les femmes enceintes à des examens pour tenter de dépister une maladie, cela conduirait à satisfaire la tentation spontanée qu'ont les êtres humains à garder les enfants les « meilleurs », les plus normaux, ceux correspondant à leurs désirs, et éliminer les plus faibles, les plus fragiles. Ce n'est pas nouveau, de tous temps, les adultes, hommes et femmes, ont souhaité mettre au monde des enfants normaux et si possible conformes à leurs désirs. Je suis d'autant plus inquiet que l'arrêt rendu par la Cour de cassation dans l'affaire Nicolas Perruche semble bien accepter l'idée que certaines vies ne vaudraient pas la peine d'être vécues, qu' elles constitueraient un préjudice (lire encadré ci-dessous Ndlr). Nous sommes de plain-pied dans une société qui, inconsciemment et involontairement, met le doigt dans une dérive eugénique. Il faut absolument s'y opposer. Oui aux démarches individuelles, en conscience, non aux démarches collectives et organisées. Les inégalités sociales que vous évoquiez sont toujours là, en particulier dans les pays les moins développés, notamment face à la maladie ... Des maladies comme la malaria ou la tuberculose sans parler du Sida continuent à tuer des millions de gens à travers le monde. La question est d'une grande difficulté car dès que vous embrassez le monde vous vous sentez écrasé par un sentiment d'impuissance. Cependant, je pense que nous allons être aidés par la mondialisation, par la communication et par une meilleure information. Le monde est un village. Nous ne pourrons pas éradiquer telle ou telle maladie infectieuse dans notre pays si nous ne le faisons pas dans d'autres pays avec lesquels nous commerçons et avons des échanges. Autrement dit, la notion nouvelle en ce début de 21 e siècle c'est la solidarité internationale, pas seulement une solidarité économique mais une solidarité sociale. Plus que jamais nous devons être solidaires les uns des autres. Le Parlement va bientôt réviser les lois de bioéthique adoptées en 1994 : quels sont les enjeux de cette réforme? Parmi les problèmes difficiles que nous allons devoir traiter, il y a la question de la brevetabilité des gènes. Personnellement, je m'oppose formellement à la directive européenne qui permet cette brevetabilité. Au niveau éthique, je pense que les gènes consti- -+ Différences nO 228 avril 2001 7 -+ tuent le patrimoine commun de 1 'humanité depuis qu'il y a une humanité, qu'ils se transmettent de génération en génération, qu' ils ne peuvent être la propriété de personne. Quand on les découvre, on ne les invente pas. Le corps humain ne peut pas faire l'objet de commerce ni d'appropriation y compris dans sa plus petite partie, qui est le gène. Au plan scientifique, les chercheurs ont besoin d'accéder à la connaissance pour progresser dans tous les domaines d' investigation. Les industriels ne peuvent pas prétendre posséder le monopole d'une matière première; on attend d'eux qu'ils innovent en inventant des techniques et des procédés permettant la production de substances thérapeutiques les plus efficaces possibles à des moindres coûts et avec la meilleure fiabilité. C'est cela la véritable économie libérale de concurrence, ce n'est pas l'attribution du monopole de la matière première vivante. Enfin, sept pays sont à même aujourd'hui d'identifier les gènes
- je ne peux pas imaginer un seul instant
que tous les autres pays de la planète étant privés de la connaissance soient également privés d'avenir en matière d'industrie pharmaceutique, de production de médicaments, et de développement de leur médecine. Pour toutes ces raisons, il est indispensable de Sur le front du gène ~ Aux Etats-Unis, on estime que 30 % des embauches sont réalisées après recherche d'informations génétiques. ~ Toujours aux Etats-Unis, le Comité national de bioéthique estime à plus de 282 millions le nombre d'échantillons d'ADN stockés dont 2,3 millions destinés à la recherche. ~ En France, si le nombre des banques stockant de l'ADN est difficile à évaluer, les conditions dans lesquelles elles se sont constituées sont floues, aucun texte ne les réglementant avec précision. ~ Ces stocks se vendent et s'achètent: plusieurs milliers de francs pour l'ADN d'une personne, jusqu'à 50 millions pour une banque. Les « donneurs» ne sont pas informés. ~ En février 1999, la compagnie d'assurances AXA a annoncé le doublement des cotisations d'assurances-décès souscrites par environ 7 000 parents d'enfants hancicapés. ~ Le marché des médicaments pharmacogénomiques est évalué, dans la décennie à venir, à plusieurs dizaines de milliards de dollars. ~ Colonialisme scientifique: les laboratoires publics ou privés s'assurent,dans les pays en voie de développement, l'accès à des échantillons de malades à moindres frais. Source : Le Monde diplomatique, mai 2000 voir page Kiosques 8 Différences n° 228 avril 200 1 s'opposer à la brevetabilité des gènes. J'essaierai par tous les moyens d'éviter que la directive européenne soit transposée en les termes actuels dans la législation française. Le combat est difficile car la majorité plurielle est tentée de transposer pour éviter des complications au plan international. J'estime que même si d'autres pays ont accepté ces dispositions, c'est l'honneur de la France de rester conforme à la tradition du pays des droits de l'Homme. Un débat public est-il souhaitable? Si les citoyens ne s'emparent pas du débat, ils en seront privés Dès que les scientifiques ont à faire valoir des éléments complexes, le débat est confisqué aux citoyens. Il n'y a pas eu de débats sur les organismes génétiquement modifiés. Les citoyens ont découvert du jour au lendemain qu'il y avait du maïs, du soja, du colza génétiquement modifiés alors qu'on ne leur a jamais demandé leur avis. Nous avons une révolution culturelle à faire, la démocratie doit changer de nature, nous devons quitter progressivement la démocratie représentative pour rentrer dans une démocratie participative. Que dites-vous à ceux qui considèrent que la France prendrait du retard dans le domaine de la recherche médicale si elle refusait la brevetabilité ? Cet argument est complètement erroné et repose sur une vision à court terme. Sur cent gènes identifiés, les Français en identifient trois, les Américains soixante, les Britanniques trente, les Allemands trois, les Japonais trois, les Chinois un. Ce qui veut dire qu'accepter la brevetabilité des gènes c'est pour les Français protéger l'accès à 3 % des gènes, et s'obliger à payer pour accéder aux autres 97 %. Le récent séquençage du génome a montré que dans chaque phénomène biologique il y a probablement l'intervention simultanée d'une complexité génique; imaginez que quinze gènes interviennent dans une réaction biologique que l'on veut traiter, je vois mal comment on pourrait travailler avec quinze brevets différents, ce serait totalement ingérable ! Enfin, quand on a trouvé les électrons, on ne les a pas brevetés, ça n'a pas empêché le développement de l'industrie électronique. Dans le contexte de la mondialisation, quels instruments se donner au niveau international pour atteindre l'efficacité? Nous vivons une très grande période de mutations et d'interrogations. Les nouvelles connaissances scientifiques nous obligent à nous interroger sur nos différences. Il est vrai que les Français ne réagissent pas comme les Allemands, qui ne réagissent pas comme les Britanniques, qui ne réagissent pas comme les Japonais, etc. Il faut tenter de légiférer au niveau international, mais il est probablement plus important de s'acheminer vers des textes multilatéraux. Nous avons bien réussi à nous mettre d'accord sur la définition du crime contre 1 'Humanité, sur des conventions internationales. Il faudrait commencer à travailler à l'élaboration d'une convention qui fixerait les grands principes des droits et des devoirs de l' être humain face à ces nouvelles connaissances dans le domaine de la biologie et notamment de la génétique. Cela nous permettrait de fixer un certain nombre de références. Mais les règles régissant la collectivité relevant forcément d'un plus petit commun dénominateur, il faudra respecter les convictions individuelles ou collectives qui ont d'autres critères de référence. Plus j'avance dans la connaissance de l'infiniment petit de l'être humain, plus je me rends compte que ce qui fait l'humanité de l'Homme n'est probablement pas dans sa matérialité. L'Homme ne peut pas se réduire à la somme de ses 30 000 gènes, à sa seule molécule d'ADN. Il est bien autre chose, et ce quelque chose mérite un profond respect, qu'on l'appelle l'âme, l'esprit, l'intelligence ou la raison. J' attache de plus en plus d'importance à la dimension spirituelle qui, d'ailleurs, est la seule garante de la liberté et cela n'est pas inscrit dans les gènes. Les enjeux financiers de cette nouvelle ère sont, semble-t-i1, colossaux: qu'en pensezvous? Ma réponse est morale et pragmatique car on peut marierles deux. J'estime que l'argent ne doit jamais être considéré autrement que comme un moyen d'améliorer le bonheur, la vie, l'épanouissement des êtres humains. Chaque fois que l'on pourra trouver de nouveaux médicaments, de nouvelles thérapeutiques, de nouvelles nourritures permettant d'améliorer la condition humaine, il faudra se poser la question de savoir si on peut le faire sans porter atteinte à sa dignité. Faire de l'argent pour faire de l'argent au mépris du respect de la personne humaine est éminemment condamnable et inacceptable. La fin ne peut pas justifier les moyens et l'économie doit être au service de 1 'Homme et pas 1 'Homme l'instrument de l'économie. L'économie n'est pas une finalité ni un idéal. Il appartient ensuite à 1 'Homme de savoir correctement utiliser cet instrument non pas pour le mieux-être de certains au détriment des autres, mais en partageant avec l'ensemble des êtres humains qui ont les mêmes droits. C'est une version sociale du libéralisme? Oui,je pense que la liberté des uns commence là où s'arrête celle des autres et qu'il n'y a pas de liberté sans responsabilité, on est responsable de soi, mais on est également responsable de l'Autre. Hors de moi l'idée de penser que l'on puisse construire un bonheur égoïste entouré de gens malheureux. Le bonheur de chacun dépend du bonheur de l'ensemble .• Propos recueillis par Chérifa Benabdessadok /7~ Au risque de la ségrégation génétique d'une Déclaration (lire encadré ci-dessous). La Convention d'Oviedo du 4 avril 1997 sur la biomédecine et les droits de l'Homme s'inscrit dans le droit fil de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950 pour encadrer plus spécifiquement les pratiques biomédicales. Quand le droit court après la science Dans le cadre plus strict de l'Union européenne, celle-ci appréhende de manière de plus en plus forte la bioéthique. L'explication en est double. D'une part, cet intérêt croissant va de pair avec celui, également en pleine expansion, de proclamer expressément au niveau européen les droits fondamentaux. D'autre part, l'Union européenne tend à se préoccuper de ce domaine dans ses relations avec le droit des brevets, relation que l'on a tenté de clarifier dans le cadre d'une Directive du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. En France, les sources juridiques reposent essentiellement sur des lois adoptées en juillet 1994, insérées dans le Code civil, dans le Code de la santé publique et dans la loi dite« informatique et liberté »du 6 janvier 1978. Au nombre de trois, ces lois sont, respectivement, relatives au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé, au respect du corps humain et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal. Seules les deux dernières ont été soumises au Conseil constitutionnel qui en déclaré les dispositions conformes à la Constitution. La soumission de ces lois de 1994 au Conseil constitutionnel a permis la consécration au rang des principes à valeur constitutionnelle du principe de la dignité humaine .• EN BIOÉTHIQUE, l'élaboration de normes juridiques est d'une grande difficulté
- pour le professeur Bertrand Mathieu
de l'Université Paris 1 « le droit court après la science du vivant sans jamais la rattraper ». Afin de répondre aux transformations constantes découlant du progrès technologique tout en fixant des garde-fous, le droit revêt, dans cette matière, la forme d'une norme qui n'est pas véritablement contraignante juridiquement. Le droit international a été le précurseur dans la détermination d'un cadre juridique. Si aux niveaux universel et régional, les instruments, que constituent notamment la Déclaration universelle de 1948 et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950, restent des références majeures, leur généralité ne permet pas réellement de traquer les pratiques dangereuses pouvant découler des interventions sur le génome humain. Des conventions internationales plus spécialisées ont donc été élaborées au premier rang desquelles figure le Déclaration d'Helsinki de 1964, à plusieurs reprise modifiée depuis. Cette Déclaration présente l'originalité de procéder d'une organisation non gouvernementale - l'Association médicale mondiale (AMM) - dont la souplesse et le dynamisme ont été remarquables dans un domaine aussi nouveau et évolutif. Elle fixe une certaine ligne de conduite décrite à travers l'édiction de principes fondamentaux tels que la compétence de l'auteur de la conduite des recherches ou l'exigence du consentement libre et éclairé ge la personne. Elle est également importante dans la mesure où elle est à l'origine de la création de « comités d'éthique» puisqu'elle fait obligation aux Etats de soumettre préalablement à son adoption, tout protocole expérimental à un comité indépendant. Les Etats, tirant les leçons de cette Déclaration, vont mettre en place, tant au niveau national qu'international, ce type d'organe indépendant chargé de contrôler les pratiques biomédicales. Sur le plan international, le rôle du Comité international de bioéthique (CIE) de l'Unesco est particulièrement important. En effet, répondant au mandat que lui avait conféré le directeur général de l'Unesco, il est à l'origine de l'élaboration KaItoum Gachi Unesco: touchez pas au génome La Déclaration de l'Unesco sur le génome humain et les droits de l'Homme date du Il novembre 1997. Outre l'originalité de son élaboration, elle émane d'une institution spécialisée de l'ONU dont le but clairement affiché depuis de nombreuses années est la lutte contre le racisme et les discriminations de toutes sortes. Sa vocation universelle et le choix pour la formule déclaratoire va dans le sens d'une parenté avec la Déclaration universelle de 1948. Mais si l'adoption de deux Pactes en 1966 (l'un sur les droits civils et politiques, l'autre sur les droits politiques, économiques et sociaux) a été nécessaire à l'effectivité de la Déclaration universelle, simple résolution de l'Assemblée générale, il semble que l'acte de l'Unesco repose plus solidement sur l'implication des Etats, d'ailleurs à l'origine de son élaboration. C'est ce qui fait de ce texte« un engagement politique et moral de la communauté internationale », selon les termes de Noëlle Lenoir, membre du Conseil national d'éthique et du Conseil d'Etat. Cette Déclaration a édicté un certain nombre de principes fondamentaux devant servir de normes de conduites parmi lesquels il faut mentionner deux articles qui font écho à la Déclaration universelle : - « Chaque individu a droit au respect de sa dignité et de ses droits, quels que soient ses caractéristiques génétiques » (art. 2b). - « Nul ne peut être l'objet de discriminations fondées sur ses caractéristiques génétiques, qui auraient pour objet ou pour effet de porter atteinte à ses droits et ses libertés fondamentales et à la reconnaissance de sa dignité» (art. 6). K. G. Différences n° 228 avril 2001 9 DOSSIER Engager un large débat démocratique Avec Ilappui de sa Commission de bioéthique, le parti communiste a organisé le 24 mars un colloque autour de deux questions: iplolliatiqlle GRANDES MANOEUVRES DES ASSUREURS La tentation « Ilhumain est-il une marchandise? » et « clonage thérapeutique: jusqu'où l'homme peut-il aller? ». .~~ I.'apartheid génétique RÉCLAMANT l'ouverture d'un débat public, cette initiative avait pour ambition de rendre compréhensibles par le plus grand nombre les données techniques et les questions éthiques susceptibles d'éclairer les enjeux des décisions qu'il faudra prendre. Y ont prix part des médecins, des généticiens, des philosophes dont Lucien Sève ... Les discussions ont montré qu'il existait un consensus sur des données de base comme la non brevetabilité du gène, l'interdiction du clonage reproductif, le ferme encadrement de l'usage des tests génétiques. Mais de nombreux autres points, notamment ceux liés au clonage thérapeutique qui permettrait d'avancer plus rapidement dans le traitement de certaines maladies, posent des problèmes redoutables dont le statut de l'embryon et sa définition. Nous publions ici un large extrait de la déclaration de la Commission de bioéthique du PCF publiée le 24 février. « La révision de la loi de bioéthique doit avoir lieu prochainement. Conformément à la déclaration de Lionel Jospin devant le Comité Consultatif National d'Ethique, nous pensons que, compte tenu des implications sociétales et éthiques majeures de ces projets, tout doit être fait pour associer l'opinion publique à ces décisions. Il est nécessaire que des mesures publiques soit prises afin d'organiser ce débat national. Ce d'autant que le projet de révision de la loi bioéthique contourne le problème du brevetage du génome faisant craindre que la directive européenne l'autorisant, ne soit Le peuple islandais a-t-il été vendu? Même si les 270 000 Islandais ne sont pas tous blonds aux yeux bleus, ils disposent d'une grande homogénéité génétique du fait notamment de l'isolement de l'île. Ainsi descendentils tous des premiers colons (ge siècle). Cette caractéristique est un atout essentiel pour l'identification des mutations génétiques et a attiré la société de biotechnologie DeCode genetics qui s'est assurée moyennant 1,7 milliard de francs le monopole de l'édification d'une base de données informatiques qui centralisera les dossiers médicaux de toute la population. Le Parlement le lui a accordé le 17 décembre 1998. Cette base de données pourra, sous certaines conditions, être croisée avec des données génétiques et généalogiques. Une commission de protection de ces données supervise la saisie des informations, les transferts et leur sécurité. Des associations islandaises mettent en question les arguments scientifiques qui passent selon elles après les profits financiers. L'argument central du gouvernement est en effet d'ordre médical: il s'agit de travailler à trouver des remèdes à trente cinq maladies, de l'asthme au diabète. Les associations, dont celles qui regroupent l'écrasante majorité des médecins, dénoncent en particulier l'absence de consentement individuel (ce n'est que s'ils manifestent par écrit leur refus que les Islandais ne sont pas intégrés dans la base de données), les risques de violation de la confidentialité des personnes, le monopole d'une société privée sur des données scientifiques. Les associations devaient porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'Homme. L'article de Science et Avenir (nO 636 février 2000) dont sont tirées ces informations se termine sur cette question: « Qui pourrait bien avoir l'idée d'acheter tout un peuple? » l 0 Différences nO 228 avril 2001 transposée dans la loi française sans réel débat. Il s'agirait d'une remise en cause fondamentale des principes de libre accès au savoir et de non marchandisation du vivant. Dans plusieurs pays de la communauté européenne et en France des voix s'élèvent dans ce sens. Concernant le clonage embryonnaire humain à visée reproductive, le consensus est à l'interdiction formelle. Le projet de révision envisage d' autoriser le clonage embryonnaire thérapeutique par transfert nucléaire. Cela pose de nombreux problèmes éthiques. Le premier concerne l'embryon. Il s' agit ici de fabriquer un embryon en vue de sa destruction inéluctable, ce qui est en contradiction avec la conception jusque là admise. Le second concerne la femme donneuse d'ovocytes et le risque de voir se développer un vrai marché. Le troisième problème concerne les verrous en vue du clonage reproductif Financer cette recherche pourrait ouvrir la boite de Pandore du clonage reproductif et permettre à des « irresponsables» de profiter des avancées de la recherche en matière de clonage thérapeutique, pour dériver vers le clonage reproductif Si les deux objectifs de clonage sont de nature différente, il est clair que le risque est grand de mettre le doigt dans un engrenage, dont nous n 'avons pas actuellement les moyens de maîtriser la portée. Le clonage à visée thérapeutique constitue-t-il une telle avancée, qu' il justifie de prendre tous les risques? D'autant qu'il existe des solutions scientifiques alternatives au clonage thérapeutique (cellules du cordon, cellules-souches issues de tissus différenciés ... ). Au-delà des différences politiques, philosophiques, ou religieuse, nous sommes nombreux à penser que ce débat de nature anthropologique, concerne l'ensemble des citoyens et doit être large. » • j~"\:el l ahn ~t l'Homme dans tout ça t l'Llid.)\<.:r JI"ur lin h\dll;H11 .... l1H . .: 1I1!JdL'rntA Et l'Homme dans tout ça ? Plaidoyer pour un humanisme moderne, Axel Kahn, préface de Lucien Sève, Nil Editions, 2000 Médecin, généticien, spécialiste des biotechnologies, membre du Comité national d'éthique, Axel Kahn intervient périodiquement dans les médias pour défendre ses convictions et éclairer« l'opinion » à partir du savoir qui est le sien. Il a publié ou dirigé de nombreux ouvrages. Avec «Et l'Homme dans tout ça ? », le lecteur peu familiarisé avec le débat sur la bioéthique trouvera les éléments fondamentaux pour s'initier aux problématiques soulevées par les découvertes scientifiques
- les biotechnologies, le
clonage humain, l'assistance médicale à la procréation, les essais sur l'être humain, la place de notre espèce dans la nature, le déterminisme et la liberté, le racisme, la sexualité ... Axel Kahn a la faculté d'exposer des choses complexes avec un grand sens pédagogique. Il a également comme souci permanent d'expliciter sa propre position: « En tant que science, la génétique est moralement neutre. Cependant, le scientifique, qui connaît l'histoire et sait combien la génétique a été appelée, dans le passé, à la rescousse d'idéologies d'exclusion, n'a gère d'excuse pour être moralement irresponsable. Le généticien a donc le devoir d'expliquer ce que dit la découverte scientifique, ce qu'elle ne dit pas, et ce à quoi elle ne peut en aucun cas servir. La science peut ainsi faci lement démontrer que les bases biologiques avancées à l'appui des thèses rac istes sont infondées. » Un livre tonique, grave, mais pas désespéré. . Chérifa Benabdessadok Kiosques Articles, rapports et sites Internet de référence pour poursuivre la réflexion sur la bioéthique Sonate pour un clone, Jean-François Mattei, Presses de la Renaissance, 2000 ~ Les articles de l'Encyclopédie universalis : « Comités d'éthique» et « Progrès biomédical et législation» ~ « Capitaliser en bourse le génome humain» Philippe Froguel et Catherine Smadja, Le Monde diplomatique mars 1997 ~ «La tentation de l'apartheid génétique », Dorothée Benoit Browaeys et Jean-Claude Kaplan, Le Monde diplomatique mai 2000 ~ « Enjeux éthiques du fonctionnement des banques d'ADN dans les centres de soin et de recherche », 1998, enquête réalisée pour le laboratoire d'éthique médicale de 1 'hôpital Necker de Paris, disponible sur www : inserm.fr/ethique/ Travaux.nsf ~ Les articles de Science et Avenir: www.sciences-etavenir. comlgenetique Giovanni et Hélène s'aiment d'un amour parfait. Giovanni est un généticien réputé, Hélène, une merveilleuse musicienne. Mais Hélène ~ Les actes de la 5e session du meurt d'un cancer laissant son mari dans l'insurmontable frustration de n'avoir pas eu d'enfant avec cette femme qu'il a aimée et qu'il continue d'aimer passionnément. Alors l'intrigue se noue. Le généticien secondant l'homme va se lancer dans une aventure qui le mènera à une situation insoluble: recourant à la science et aux biotechnologies, il va fabriquer un embryon croisant ses gènes et ceux de la disparue. Le résultat sera parfait sur le plan « technique » mais c'est un peu plus compliqué sur le plan moral, psychologique, social, sentimental,
- on ne vous en dira pas plus,
ce roman que l'on peut qualifier de philosophique étant aussi construit sur un suspense. Le député Mattei (lire entretien pages 6 et suivantes), lui-même professeur de génétique, ancien membre du Comité nationale d'éthique, connaît bien la question. Il illustre ici ses propres inquiétudes (et les nôtres) quant à l'éventualité du clonage reproductif Son personnage est un homme normal qui met la main dans un engrenage fou. On suit d'autant mieux l'écrivain Mattei que son roman développe tous les ingrédients d'une éventuelle adaptation cinématographique. Avis aux amateurs. Chérifa B. L'imbroglio ethnique - en quatorze mots clés, René Gallissot, Mondher Kilani, Annamaria Rivera, Editions Payot, 2000 En octobre dernier, la Conférence nationale du Mrap pointait les nombreuses difficultés liées à l'usage des concepts en matière de lutte contre le racisme. «L'imbroglio ethnique» étudie les notions aussi diverses que droits de 1 'homme, citoyenneté, communauté, pureté du sang ou stéréotypes ... Al' exemple d'A. Rivera pour les termes « ethnie/ethnicité », les auteurs soulignent une ambiguïté sémiotique qui permet détournements et manipulations. «En ethnicisant des groupes ou des rapports sociaux, écrit-elle, on tend en réalité à masquer une position de subordination ou de marginalisation par rapport à la société globale ». Ainsi la lecture ethnique du conflit rwandais a escamoté d'autres logiques à oeuvre, d'ordre social ou politique. Ce qui pose problème, c'est le pouvoir de désignation des mots, donc d'étiquetage et de réification,. Dans l'article « communauté / communautés », René Gallissot rappelle que « la distinction ou la confusion entre société et communauté Comité international de bioéthique, 2 tomes, Unesco : www.unesco.org/ibc/fr ~ «Les lois de bioéthique : cinq ans après », rapport du Conseil d'Etat, La Documentation française, Paris, 1999 ~ Avis de la Commission nationale consultative des droits. de 1 'Homme, 29 juin 2000 ~ Avis du Comité consultatif national d'éthique, 18 janvier 2001: www.ccne-ethique.org ~ Parti communiste : www.pcffr/bioethique ~ L'appel-pétition contre le brevetage des gènes humains lancée par 1. -F. Mattei: www : respublica.fr/sos.humangenome ~ Association Génétique et Liberté :www.genelib.claranet.fr ~ L'association islandaise (en anglais) : www.mannverd.is sous-tend le discours politique sur la communauté nationale» : il en est ainsi des chantres d'un nationalisme « essentialiste » qui, en définissant la nation comme un tout organique, rejettent la différence comme altérité insurmontable. Reste que l'affirmation communautaire est parfois le fait de porte-parole des minorités elles- mêmes, au risque de nier leur hétérogénéité. Car c' est bien l'ambivalence du langage que de servir pour toutes les soupes, fussent-elles amères . L' utilisation des termes « peuple », «clandestin» ou « immigré », leurs correspondances allemandes ou anglaises, expriment clairement l'enjeu de la langue comme espace de pouvoir, ainsi que le prouve l'appropriation des concepts et des symboles nationaux par l'extrême droite. Au total ces quatorze leçons de vocabulaire mériteront plus qu'un détour. Elles constituent une véritable formation à l'argumentation antiraciste et invitent à découvrir l'excellente bibliographie qui les accompagne. Laurent Canat Différences n° 228 avril 2001 l l Actualités ÉChOS • Lelicutenantd'Eichmann, Aloïs Bruoner, a été condamné par contumace le 2 mars par la Cour d'assises à la réclusion criminelle à perpétuité pour crimes contre J'humanité. Responsable du camp de Drancy entre 1943 et 1944, il a été reconnu coupable de l'enlèvement de 352 enfants juifs dont 345 ont été déportés, panni lesquels 284 ont été assassinés. Le Mrap était partie civile. • Selon un bilan des ministères de la JustÎcc ct de l'Emploi et de la Solidarité, les acquisitions de la nationalité française ont augmenté de 20 % entre 1998 et 1999. Cette augmentation serait notamment provoquée par le succès des mesures ouvertes aux jeunes entre 13 et 15 ans qui leur permettent d'obtenir la nationalité française par déclaration et par le nombre croissant des demandes pour cause de mariage avec un conjoint français. • « Nous prenons au sérieux la vie des réfugiés )), tel est l'intitulé de la déclaration publique des évêques de France datant du 1'" mars et demandant la transparence dans les critères d'attribution du droit d'asile et la régularisation des milliers des sans-papiers faisant partie de la catégorie des « non-régularisables non-expulsables )). Cette déclaration, signée par le président du comité épiscopal des migrations, et par les cinq évêques de la commission sociale, habilités à s'exprimer sur les questions liées à l'immigration par la conférence des évêques de France, s'adressait aux autorités du pays mais aussi à l'opinion publique afin qu'elle intervienne plus activement en faveur de la régularisation des sans-papiers .. • L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a accordé le 8 mars le statut de réfugiés à deux familles tsiganes venues de Hongrie; c'est la première fois que l'asile est accordé à des Roms de Hongrie, pays candidat à l'Union européenne. • Le Haut commissariat pour les réfugiés a rendu public le 13 mars un bilan très sévère de la politique française de l'asile. De façon globale, le HCR rappelle combien le droit d'asi_ le a été mis à mal par le renforcement des mesures restreignant l'entrée sur le territoire décidées par les gouvernements de l'Union européenne. Puis s'intéressant au cas français, il pointe les différents dysfonctionnements qui accompagnent l'ensemble des étapes de la demande d'asile et de la procédure de décision; sont ainsi épinglées les zones d'attente où la présence des ONG ~( se révèle une nécessité)) mais aussi l'administration préfectorale qui développe des pratiques fort différentes d'un département à l'autre. L'Ofpra n'est pas épargnée par les critiques du HCR dont le délégué adjoint en France conclut que ( l'Ofpra prend des décisions à la légère )). 12 Différences nO 228 avril 200 1 • 18Kurdes,denationalitéturque, ont entamé une grève de la faim à Montpellier avec le soutien d'un grand nombre d'organisations, dont le Mrap, afin d'obtenir la régularisation de leur situation administrative. [ ... ] Comme ceux du East Sea ils ont été contraints à l'exil par la répression qu'ils subissent. Le Mrap refuse qu'ils deviennent les victimes d'une situation dont ils ne sont responsables. La seule réponse digne des droits de Agenda • L'Assodation internationale de recherche sur les crimes contre l'humanité et les génocides assure un séminaire sur le théme : « Les fonnes du déni: approches événementielles et transversales )). La prochaine rencontre le 25 avril (18h30), sera consacré aux Tsiganes «une historiographie tardive, une mémoire silencieuse )), avec Henriette Asséo, Jean-Luc Poueylo et Matthieu Pernot. Contact: Catherine Coquio : aircrige@hotmail.cometAurélia Kalisky:0660715394. • L'Observatoire gérontologique des migrations en France organise le 27 avril un colloque consacré au thème «Vieillesse, immigration, précarité)) au Centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre. Infos supplémentaires au 01 45593945. • « Rwanda 94 )}, cc travail exceptionnel monté par un collectif d'artistes de différentes nationalités basé à Liège en Belgique et mis en scène par Jacques Oelcuvellerie sera Bons de soutien l'Homme c'est de les régulariser. A plus long tenne, il faudra régler politiquement laquestion kurde dans les pays concernés. Les droits légitimes du peuple kurde doivent être reconnus au même titre que ceux des Kosovars. La Communauté européenne peut et doit agir dans ce sens. Après avoir interpellé le ministre de l'Intérieur, la Mrap vient de saisir le préfet de l ' Hérault. Communiqué du 15 mars (extrait). présenté au théâtre Maxime Gorki à Rouen les 10 et 11 mai. Il apporte, comme nous l'écrivions dans notre précédent dossier, des éléments indispensables à la compréhension de la situation qui a mené au génocide, tout en rendant hommage aux victimes. Il mêle témoignage, théâtre, musiques, fiction, conférence ... Par ailleurs, la communauté rwandaise organisait le 7 avril à Paris une retraite aux flambeaux et une soirée commémorative. • Soirée de solidarité avec les objecteurs de conscience de l'année israélienne, avec un objecteur israélien et un ancien objecteur à la guerre d'Algérie, le 15 mai à 19h30, au CICP, 21 ter rue Voltaire 750 11 Paris. • L'Agence de promotion des cultures et du voyage (Apcv) prépare depuis le début de l'année un événement-mémoire sur un siècle d'immigration algérienne en France. Cette « caravane de la mémoire)) sera accueillie par les associations des régions d'émigration d'Algérie en octobre 2001. Pour de plus amples infonnations : APCV, 17 rue Ram]Xlnneau 75020 T : 0147 97 4427. Les numéros gagnants du tirage du 19 mars 2001 c;> 1er prix 059682 : un week-end pour 2 personnes à Barcelone ou à Prague c;> 2e prix 068780 : un caméscope c;> 3e prix 133402 : une mini-chaîne hi-fi c;> 4e prix 071231 : un chèque cadeau FNAC de 1000 F c;> 5e au 10eprix 071408 - 086581 - 031541 - 059474 - 004159 - 1 08504 : un chèque cadeau FNAC de 500 F '" 11' au 20' prix 004201 - 050550 - 058696 - 093752 -104914- 117565- 117890 - 119645 - 152246 - 155187 : un recueil de nouvelles « Ecrivains 1 Sans papiers )) c;> 21 e au 25e lot 004275 - 061592 - 097540 - 115255 -125251 ; le livre du cinquantenaire du Mrap « Chronique d'un combat inachevé )) '" 26' au 50' prix 006148 - 008191 - 009288 - 015 303 - 021743 - 038047- 051298 - 061967 - 065363- 072834 - 078686 -079868 - 082399- 086820- 091250 - 094863-105532 - 108749-108746 -114382 -116118 -125253- 125255 128781 154695: un T-shirt Mrap 43 bld de Magenta 75010 Paris - T : 01 53 38 99 99 Télécopie: 01 40409098 - E.mail: joumal.differences@free.fr 13 F le numéro - Abonnement 135 F (Il n"'/an) Directeur de publication: Mouloud Aounit. 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Notes
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