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Sommaire du numéro
n°219 de juin 2000
- Mouvement: droit de vote pour tous les étrangers aux élections de 2001 [législation]
- Appel d'enseignants et de chercheurs en sciences sociales
- L'action fédératrice d'un comité
- Appel des associations de jeunes
- Dossier: faire face aux discriminations racistes
- Pour une politique cohérente et des outils efficaces par Dominique Brendel
- L'ENAR ou la naissance d'un réseau associatif par Bernadette Hétier
- Du côté des comités locaux: Vaucluse, St Nazaire
- France: un tournant politique et juridique par Sophie Pisk et Nina Ventura
- Jean Cornil: nous accueillons toutes les victimes, belges ou étrangères propos recueillis par C. Benabdessadok
- Grande-Bretagne une forte mobilisation par Cathie Lloyd
- J.M. Belorgey; « une liberté de ton qui tranche avec la langue de bois »
- Victime ou témoin de discrimination raciste, appelez le 114
- Hommage à Thierry Pinsard
Numéro au format PDF
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Texte brut du numéro
1 'Différences MotNemenlcontre le racisme et pour l'amrtié entre les peuples Chacun est né sous une étoile. Que chacun puisse ('accompaener. jusqu'au bout. dans ('é!!alité. / Juin 2000 - W 219 Faire face aux discriminations racistes Pour une politique cohérente et des outils efficaces page 4 ~ENAR ou la naissance d'un réseau associatif eunopéen page 5 France : ~enjeu politique et juridique page 6 Belgique: Entretien avec un responsable du Centre pour l'égalité des chances et contre le racisme page 8 Royaume-Uni: Une forte mobilisation page 10 Jean-Michel Belorgey : lil liberté de ton et la langue de bois page 10 lil «discrimination positive» page 11 Les emplois fenmés aux étrangers, une discrimination méconnue page 11 Mouvement Droit de vote pour tous les étrangers aux élections de 200 J Parce que le processus engagé depuis plus d'un an est irréversible Parce que la conquête du droit de vote s'inscrit dans l'histoire de la conquête de tous les droits Pour l'élargissement et la consolidation de la démocratie Pour une République sans discrimination L'ASSEMBLÉE NATIONALE a donc adopté en première lecture dans la nuit du 3 au 4 mai la proposition de loi constitutionnelle des Verts qui accorde aux étrangers non communautaires le droit de vote aux élections municipales. Toute la gauche a voté pour, à l'exception du député PS Maurice Adevah-Poeuf (Puy-de-Dôme) qui a voté contre en estimant que la nationalité et le droit de vote étaient « indissociables ». La droite a voté contre, à l'exception des députés UDF Gilles de Robien (Somme) et Jean-Louis Borloo (Nord) qui ont voté pour. Au-delà du symbole, le fait même qu'un débat et un vote aient eu lieu représente aux yeux de beaucoup un acquis et un pas important vers ce qui apparaît comme un acte inscrit dans l'histoire de l'élargissement progressif des droits civiques et politiques. Au moment où ce numéro est fabriqué, le débat au Sénat ne saurait tarder tandis que se prépare la mobilisation pour la manifestation nationale du 27 mai, et que les collectifs locaux et nationaux multiplient leurs interventions. Ils ont à leur disposition une nouvelle affiche réalisée par « Même sol: mêmes droits, même voix ». A ce jour, la pétition a été signée par 20 000 citoyens et 600 élus. Pour l'ensemble des organisations membres du Collectif, « au vu des résolutions du Parlement européen ou de l'Appel, lancé à Strasbourg en novembre 1999 par les 43 pays du Conseil de l'Europe, le refus du droit de vote aux citoyens des pays tiers non communautaires constitue bien une discrimination. L'Union s'engage pourtant dans les luttes contre les discriminations, par l'article 13 du Traité de Maastricht qui en fait une dimension majeure des politiques communes. Situation pour le moins paradoxale à la veille de la présidence française de l'Union dès le 1 er juillet 2000, et à la veille aussi du Conseil de décembre prochain à Nice sur l'adoption d'une Charte européenne des droits fondamentaux. » « Au-delà des deux millions de personnes concernées par cette mesure, il s'agit de la juste reconnaissance du prix durement payé du sang et de la sueur de tous ceux qui ont enrichi la France de leurs cultures et de nouvelles générations de citoyens ... » Il faut maintenant, ajoutent les associations, que « l'essai réussi à l'Assemblée nationale soit transformé par le gouvernement de la gauche plurielle, qui doit convertir le texte voté en « projet gouvernemental », qu'il faudra défendre vigoureusement tout au long de la navette parlementaire. » • • Appel d'enseignants et de chercheurs en sciences sociales Alors que la campagne pour le droit de vote des étrangers aux élections locales a pris une inflexion déterminante par le vote d'une proposition de loi à l'Assemblée nationale, nous, historiens, appelons nos collègues à soutenir cette mesure. Les étrangers ont, depuis plus d'un siècle, largement contribué au développement de l'économie française et à la production des richesses et des infrastructures dont nous jouissons tous. Les étrangers ont combattu, aux côtés des Français et souvent au prix de leur vie, lors des deux guerres mondiales. Ils ont participé aux grandes conquêtes démocratiques qui ont donné à la France l'image de « patrie des droits de l'homme» : soutien de la Révolution française, défense de la Commune de Paris, lutte contre le nazisme . .. Ils ont permis d'enrayer le vieillissement séculaire de la population française par la natalité et l'apport migratoire. Là où ils vivent, Français et étrangers partagent les mêmes difficultés, les mêmes problèmes
- emploi, logement, transports, formation,
école, loisirs. Le droit de vote est une lente conquête inachevée
- adoption du suffrage universel pour
les hommes en 1848, pour les femmes en 1944 seulement, droit de vote à 18 ans en 1974. C'est pourquoi nous signons cet appel, afin que tous les résidents étrangers puissent compléter par le droit de vote et d'éligibilité lors des élections locales de 2001 leurs droits déjà acquis dans l'entreprise, les syndicats, ainsi que leurs droits civils. Premiers signataires: René Gallissot (Paris VIII) - Gérard Noiriel (EHESS) - Madeleine Rébérioux (LDH) - Sophie Wahnich (CNRS- MSH-Paris) - Claude Willard (Amis de la Commune de Paris) - Germaine Willard (Musée de la Résistance Nationale) Signez et faites signer cet appel auprès de vos collègues; renvoyez-le au Mrap ou par e-mail à « cballest@club-internet.fr » 2 Différences n° 219 juin 2000 Ils ont dit. .. Nous avons besoin de donner à des résidents étrangers la possibilité de devenir des acteurs de la collectivité dans laquelle ils vivent. Stéphane Hessel Le droit de vote des étrangers est une atteinte à la souveraineté nationale? Evidemment, non! Cela risque d'affaiblir la nation? Evidemment, non! Gilles de Robien A partir du moment où le traité de Maastricht a accordé aux étrangers communautaires le droit de vote aux élections municipales, il serait assez naturel que les ressortissants étrangers, notamment appartenant aux pays de l'ancienne communauté française ou à la France comme l'Algérie, puisse voter. » Jean-Pierre Chevènement Le vote majoritaire de l'Assemblée nationale va marquer une étape, va constituer un accélérateur, un élément de confiance pour toute celles et tous ceux qui sont engagés pour faire aboutir ce droit. Marie-Hélène Aubert (Verts) • L'action fédératrice d'un comité Le Comité local Mrap Paris 14e/15e est à l'initiative de la mobilisation sur le droit de vote dans l'arrondissement. Dès juin 1999, il avait lancé l'idée de relayer au sein du Collectif des citoyens la campagne nationale « Même sol: mêmes droits même voix». Collectifaxé depuis 1997 sur la régularisation des sanspapiers, il a d'abord fallu convaincre ses membres (dont les étrangers) de l'opportunité de s'emparer de la question du droit de vote qui prolonge la lutte des étrangers sanspapiers pour la dignité et la reconnaissance de leur place dans la société française. Le Comité a rédigé un argumentaire de six pages qui a servi de base aux discussions. Nous avons sollicité les partis politiques et des associations de quartier, en allant les rencontrer pour dialoguer avec eux et en leur demandant de prendre position sur le droit de vote. Le 14 mars, nous avons organisé une réunion publique qui a réuni cent personnes. Intervenants : M. Aounit et C. Wihtol de Wenden, et M. Cherbib au nom des associations issues de l'immigration. Les Verts et le PS se sont exprimés, le candidat socialiste du 14e pour les municipales prenant une position courageuse s'éloignant de la position officielle de son parti. Le CL a été invité à expliquer la campagne « Même soL .. » lors d'une réunion publique des Verts Paris (avec N. Mamère et D. CohnBendit) sur le droit de vote le 25 avril, avant le débat à l'Assemblée nationale. Bilan: un travail de fond a été effectué, sur la durée, afin d'enrichir la réflexion des forces vives du quartier pas toujours au fait des problématiques soulevées par le droit de vote. Ce travail a été reconnu et nous avons ainsi toucbé un large réseau. C'est aussi à mettre au crédit du Collectif« Même sol: mêmes droits même voix » . • Alain Ribat • Appel des associations de jeunes • • • m!!!I Immigres liberté, égalité, droit de vote 1 Logo de la campagne menée par le MJCF et "une" du dossier consacré au droit de vote par le mensuel Avant Garde (g~cembre 99) Avec la mise en oeuvre du Traité de Maastricht, les ressortissants de l'Union européenne pourront être électeurs et éligibles dès les élections municipales de 2001. Cette avancée vers l'égalité des droits ne peut se faire en laissant de côté une partie des étrangers qui résident sur notre territoire. Nous ne pouvons accepter qu'en 2001, deux millions d'étrangers - pou la plupart issus de pays avec lesquels la France entretient de longue date des relations d'amitiés et qui" ont le français en partage" - soient écartés des décisions qui les concernent directement, et bien souvent touchent leurs enfants français. Ces étrangers, dans leur très grande majorité, sont issus de nos anciennes colonies et résident sur notre territoire depuis plusieurs dizaines d'années. Au sein des associations, des syndicats ou des partis politiques, ils contribuent chaque jour à faire vivre notre démocratie. La citoyenneté dans laquelle nous nous reconnaissons est une citoyenneté sociale, résidentielle et politique, intégratrice et non exclusive. Nous partageons ensemble la cité, pourquoi ne pas partager également la citoyenneté? Comment s'étonner du désintérêt des jeunes devant la politique, de leur abstentionnisme, quand bon nombre d'entre eux n'ont jamais vu leurs parents voter. La jeunesse de France est riche de cette diversité culturelle. Cette réalité est aujourd'hui revendiquée comme porteuse de l'identité d'une génération. Aujourd'hui pour la première fois en France, une majorité de Français est favorable à l'octroi de ce droit dont la traduction politique dépend de vous. Parce qu'il n'y a pas de démocratie sans égalité des droits et que la démocratie ne s'exerce jamais trop, nous vous demandons, Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, de mettre en oeuvre les réformes nécessaires pour que dès les prochaines élections, en 200 l, tous les étrangers résidant en France puissent, dans les mêmes conditions que les ressortissants de l'Union européenne, voter et être éligibles. Premières organisations signataires;: Chiche! - Fédération Léo Lagrange - Mouvement des Jeunes Communistes de France - Mouvement des Jeunes Socialistes - Mrap Là où ie vis, ie vote , Editorial Nous saluons la mise en place du numéro gratuit contre les discriminations: une mesure inédite par laquelle l'Etat reconnaît officiellement l'existence de ce qu'il convient d'appeler le racisme en acte. Les diverses initiatives des pouvoirs publics, la mobilisation des syndicats, l'action tenace des associations, a permis de briser un silence consensuel sur ce sujet. C'est enfin l'aveu du fossé qui existe entre les personnes discriminées et les institutions chargées de les protéger notamment la police et la justice. Terrible réalité confirmée par la faiblesse des condamnations prononcées (10 en 1999). Mais la création de ce service téléphonique ne fait pas à lui seul une politique. En effet, enrayer ces pratiques nécessite la construction de processus associant publics, associations, syndicats ... Le M rap y jouera son rôle et sera présent à tous les rendez-vous. Cela suppose aussi la reconnaissance et l'engagement contre toutes les discriminations y compris institutionnelles, dans l'emploi public en particulier. Il en est de même de la discrimination politique qui concerne plus de 2 millions de personnes dites extra-communautaires et privées de droit de vote. Etre à l'écoute des victimes de discrimination est indispensable mais traiter avec rigueur les dossiers exige investissement, engagement, et moyens financiers conséquents de la part de l'Etat. La tâche n'est pas aisée, car cela passera nécessairement par un travail d'introspection dans l'ensemble des institutions en rapport avec les populations discriminées (office HLM, ANPE, Administration, politique, justice .. .). Les obstacles à la construction de l'égalité réel le ne manquent pas : la justification de la preuve de la part de la victime, l'identificat ion des coupables et enfin la connaissance des processus générateurs de discriminations. Ceci met en relief le maillon manquant de ce dispositif que le Mrap appelle de tous ses voeux: la création d'une autorité indépendante de lutte contre les discriminations, à l'instar du CSA ou de la COB. Elle aurait un rôle de suivi de ce dispositif, disposerait de pouvoirs d'enquête, d'investigation, de prospection et de recommandations. Elle serait tenue à une obligation de résu ltats. Nous sommes à la croisée des chemins: ou bien l'on rend effective l'égalité ou bien nous serons condamnés à la politique des quotas, qui sonnera le glas de l'exception française en matière d'intégration économique, sociale, et politique. Mouloud Aounit Différences nO 219 juin 2000 3 Pour une politique cohérente et des outils efficaces Couverture d'un calendrier réalisé à l'initiative du Mrap de Haute-Normandie par la Direction départementale du trava il pour le compte de la Codac. CE NUMÉRO de Différences coïncide avec une actualité riche en annonces sur la lutte contre les discriminations. En effet, depuis deux ans, le gouvernement multiplie les initiatives, et affirme ainsi sa volonté d'agir, avec les moyens de l'Etat, contre ce fléau. Ce fut d'abord l'installation des Commission départementales d'accès à la citoyenneté (Codac), puis la création du Groupement d'étude sur les discriminations (GED), et maintenant, comme Lionel Jospin l'avait annoncé aux Assises de la Citoyenneté, l'ouverture d'un numéro d'appel téléphonique gratuit: le 114. Ce service doit voir ~ le jour pendant ce mois de mai avec une dili- ~ 1111~IIR~ill gence à laquelle l'Etat ne nous avait pas ha- ] bitués. Quelle sera la place des associations antiracistes dans ce dispositif, et d'une façon plus générale, quel sera notre rôle dans rappelle au gouvernement son souhait de voir naître une instance indépendante, un peu à la manière du Centre pour l'égalité des chances et contre le racisme de Belgique présenté dans ce numéro par son directeur-adjoint. Il rappelle aussi ses revendications émises lors des Assises de la vie associative, en particulier concernant le statut de l'élu associatif. En effet, comce contexte nouveau? Lutter contre les discriminations fait partie intégrante de la mission d'une association comme le Mrap. La discrimination raciste, c'est le racisme en actes dans sa forme la plus opérante et la plus destructrice, mais c'est aussi la chaîne des préjugés, du mépris, de l'ignorance et de l'indifférence qui produit de l'injustice, de l'inégalité et de l'exclusion. Les discriminations sont pratiquées par un nombre considérable d'acteurs qui ne sont pas forcément des racistes patentés. C'est souvent du racisme intentionnel mais pas toujours. Quelles que soient la cause et la forme d'une discrimination, les victimes la vivent comme un acte qui porte atteinte à leur intégrité et à leur dignité. Lutter contre les discriminations implique à la fois une volonté politique forte et une mobilisation sans faille de tous les acteurs de la vie sociale, aiguillonnés par les militants des droits de 1 'Homme. L' « antiracisme de proximité» cher au Mrap trouve là toute sa pertinence. Au-delà de l'analyse des causes du racisme (économiques et politiques) que le Mrap a toujours dénoncées, la lutte contre les discriminations exige des actions concrètes, quotidiennes, proches des gens, inscrites dans la réalité de la Cité. Le Mrap travaille à un projet de campagne nationale déclinée localement, la « caravane de la citoyenneté: le parcours de la lutte contre les discriminations », projet dans lequel une quinzaine de comités ou fédérations se sont inscrits à ce jour. Ce projet sera rendu public dès qu'il sera validé. Notre campagne va s'articuler avec les retombées prévisibles pour notre mouvement du « 114 ». En effet, les appels reçus par les écoutants seront triés, puis répercutés sur les Codac, ou parfois di- 4 Différences n° 219 juin 2000 rectement sur les associations, syndicats etc. Les Codac qui font l'objet d'une nouvelle circulaire du Premier ministre devront, à leur tour, traiter les situations qui leur seront ainsi soumises, en faisant notamment appel aux associations. Dans tous les cas, les associations comme le Mrap vont se trouver fortement sollicitées. S'il répond présent à ce nouveau défi, le Mrap ment, par exemple, les militants qui travaillent peuvent-ils s'investir pleinement et participer aux travaux des Codac qui se déroulent dans la journée? Il va de soi que la lutte contre les discriminations racistes, pour être efficace, devra s'appuyer sur une politique cohérente et des outils à la mesure de l'ambition .• Dominique Brendel Appel aux militants à propos des Codac. Des militants ont eu l'heureuse initiative de fa ire parvenir au siège, en plus du questionnaire que nous leur avions soumis, les documents et annexes que les Codac leur avait transmis. Une analyse comparative en sera faite dès que des moyens humains pourront être dégagés. En attendant, une première lecture montre une grande disparité entre les départements, dans l'approche et l'analyse des phénomènes discriminatoires, et dans leur prise en compte. Il serait très intéressant de recueillir d'autres documents. Merci à ceux qui nous ont fait ces envois, et merci à ceux qui vont le faire. O.B. Égalité et « discrimination positive» un colloque organisé par Enar-France le 24 juin Les pouvoirs publics français ont coutume jet, le choix d'ENAR France s'est orienté vers d'affirmer l'inexistence de« discriminations une journée de présentation des différents positives» en France. Ils fondent leur argu- aspects de la problématique: une approche mentation sur l'impossibilité juridique de ce théorique de la question, les expériences et mécanisme dans le droit français. Les mem- les pratiques associatives, le regard des tébres d'ENAR France sont plus dubitatifs; en moins et des chercheurs. effet, certaines lois sociales, certaines prati- Au programme: 9h45 : Ouverture du colloques institutionnelles (Fonds d'Action Socia- que par la présidente d'ENAR France - le, par exemple) nous amènent à considérer 10h00 : Egalité, discrimination et discrimique de nombreuses pratiques qui s'en rap- nations positives, approche sociologique - prochent ont cours. En organisant une jour- 10h20: Egalité et discriminations positives, née de travail et d'échanges sur « la discri- approche juridique - 10h40: Débat avec les mination positive », ENAR France souhaite participants - Il h40 : Expériences euroque le débat permette d'aborder la question péennes et débat - 14h30: Expériences de l'efficacité des pratiques d'« action posi- françaises - 15h45 : Débat avec les particitive ». Une journée de colloque ne pouvant pants - 16h45: Témoins d'actions pub liévidemment pas traiter de l'ensemble du su- ques -17h30: Conclusion ENAR France Samedi 24 juin au siège de la Ligue de l'Enseignement 3, rue Récamier 75007 Paris Faire face aux discriminations racistes « Le racisme au travail ? Un manque de culture, une part d'égocentrisme, une étroitesse d'esprit, une prison pour la pensée! » Zora Achour -Educatrice-Rouen LIENAR OU la naissance d1un réseau associatif A L'ISSUE de l'Année européenne contre le racisme de 1997, un certain nombre d'ONG ont obtenu le soutien de la Commission européenne pour veiller à ce que les questions de racisme et d'égalité des chances demeurent bien à l'ordre du jour des institutions européennes, ce qui a été manifesté par la décision des gouvernements de l'Union d'introduire dans le traité d'Amsterdam l'article 13 faisant de la lutte contre la discrimination une question qui relève de l'action communautaire. Sur le plan associatif, il s'est alors agi de transformer les initiatives ponctuelles de l'année 1997 en une structure permanente. Tel a été l'objet de la réunion qui s'est tenue à Bruxelles du 8 au 10 octobre 1998, avec la participation de plus de 200 personnes provenant des quinze pays de l'Union, ainsi que de représentants d'ONG européennes telles le Réseau Européen contre la pauvreté (EAPN), le Forum des Migrants, « United », « Starting Line Group », le« Women's lobby», le Centre européen juif d'information. L'assemblée a officiellement créé le Réseau européen contre le racisme (European Network Against Racism-ENAR), et adopté un plan d'action européen pour guider ses initiatives. L'essentiel de l'effort collectif porte sur des actions de lobbying auprès du Parlement européen et des autorités nationales afin de hâter l'approbation des projets de directives et de Plan d'action 2001 - 2006, présentés par la Commission. Les organisations françaises se sont alors attelées à la difficile création d'un réseau français d'associations impliquées dans la lutte contre le racisme et les discriminations. Celui- ci a vu officiellement le jour le 7 juillet 1999 sous le nom de Comité français d'ENAR et s'est doté d'une Charte â laquelle doivent obligatoirement adhérer les organisations membres. Le Conseil d' Administration (1) a récemment décidé de retenir comme « Action 2000 » l'organisation d'un séminaire d'approfondissement sur la « discrimination positive» (traduction de l'expression anglaise « affirmative action », qu'il faudrait en fait traduire par « action positive»), en tant que moyen possible de lutte contre les discriminations (lire encadré). Par ailleurs, dans le courant de l'année 2000, le Comité français jettera les bases d'une initiative d'observation dans plusieurs villes de France des actions des pouvoirs locaux dans la lutte contre les discriminations, principalement dans les domaines de l'emploi et de la formation. Les Comités locaux de villes moyennes désireux d'y participer sont chaleureusement invités à prendre contact avec la représentante du Mrap dans le Comité français, de même que tout membre du Mrap intéressé par ces questions et soucieux de s'y impliquer, y compris ponctuellement. • Bernadette Hétier (1) Le Conseil d'administration d'ENARFrance se compose des représentants élus de douze associations, dont un Bureau comprenant un président, deux vice-présidents, un secrétaire, un secrétaire-adjoint, un trésorier, un trésorier-adjoint. La présidence et les viceprésidences en ont été confiées respectivement aux membres titulaire et suppléants représentant les organisations françaises au Conseil d'administration d'ENAR: la représentante élue du Mrap, Bernadette Hétier, et les membres suppléants Nabil Azouz, secrétaire général de la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives et Lorenzo Prencipe, directeur du Centre d'information et d'étude sur les migrations internationales. Site de l'ENAR: www.enar.eu.org Du côté des comités locaux Vaucluse. Plusieurs cas de violences policières ont mobilisé les militants des comités du département. En particulier, celui d'un jeune Français d'origine turque passé à tabac par deux policiers de la Brigade criminelle en civile, à la suite d'une altercation verbale en plein jour, à Avignon, en présence d'un témoin. Les deux policiers ont immédiatement porté plainte contre le jeune pour rébellion contre la force publique. Le Mrap s'est porté partie civile dans le procès au cours duquel les policiers ont été déboutés de leur plainte. Les militants se sont adressés au Procureur de la République pour « lui faire part de [leur] insatisfaction face à son inertie dans le traitement des problèmes de racisme qu'[ils lui ont] signalés, pour l'interroger sur les moyens juridiques qu'il envisage de mettre réellement en oeuvre pour aider les victimes de racisme, et pour lui signaler à nouveau les actes de violence émanant de la BAC (Brigade anti-criminelle) ou de policiers [ ... ] ». Au cours de l'entretien que le directeur de la Police a accordé au Mrap, celui-ci leur a expliqué qu'un acte de résistance à un policier était une « rébellion caractérisée » ce qui l'autorisait à « utiliser la force publique» : cela sous-entendrait-il une autorisation de passer à tabac? Il a par ailleurs affirmé qu'il y avait seulement 3 % de policiers racistes dans la région (sans citer ses sources) et sans proposer de solution pour neutraliser les comportements illégaux et discriminatoires. Saint-Nazaire. C'est en pleurs que M. H, Français d'origine algérienne, est allé à la mairie de Saint-Nazaire déchirer sa carte d'électeur avant de rencontrer des militants du Mrap qui l'ont aidé à faire entendre sa révolte et sa demande de réparation. Victime d'une discrimination à l'embauche parce que «ça pique dans la caisse », selon un responsable de l'entreprise. M. H. a porté plainte avec le Mrap et a eu gain de cause auprès du tribunal qui a condamné l'auteur du délit à 10 OOOF d'amende, 5 OOOF de dommages- intérêts à M. H. et IF symbolique au Mrap. « Ce genre d'infraction, a déclaré le Procureur, est difficile à établir mais elle est pourtant généralisée. Nous avons ici un faisceau d'indices, de présomptions et des prévenus frappés d'amnésie qui doivent permettre d'entrer en voie de condamnation ». Pour cela, il aura fallu la volonté de la victime de s'exprimer au grand jour, l'apport d'une association, et (le plus difficile) le témoignage écrit d'une employée de l'antenne de l'ANPE qui elle aussi, contrairement à sa directrice, a accepté de se dévoiler. Différences nO 219 juin 2000 5 DOSSIER France : un tournant politique et juridique LA LUTTE contre les discriminations est à un tournant important et ce à un double titre. Politique tout d'abord: avec la création des Codac en janvier 1999 et l' instauration d'un numéro d' appel gratuit, le gouvernement a enfin donné un contenu à son discours sur les discriminations. On peut toutefois regretter que l'idée d'une autorité administrative indépendante n'ait pas été retenue malgré les recommandations des associations (1). De fait, la superposition de structures telles que les Codac et le GED risque de rendre opaque la politique menée, alors que son efficacité dépend d'une cohérence dans les objectifs et les moyens. A l'heure des bilans, le gouvernement devra donc faire la preuve de l'efficacité des structures mises en place. Notre participation au sein de ces instances ne devra pas nous aliéner notre indépendance. L'ARTICLE 13 DU TRAITÉ D'AMSTERDAM. Dans un contexte marqué par un débat sur des projets de réforme au niveau européen et national, l'autre enjeu est juridique. Ainsi, l'adoption de l' article 13 du Traité d'Amsterdam autorise l'Union européenne à édicter une législation communautaire en vue de combattre la « discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ». Afin de le mettre en application, la Commission a établi deux projets de directives qui devront être soumis à l' approbation unanime du Conseil des ministres. Le premier projet vise à assurer le respect du principe de « l' égalité de traitement dans le domaine de l'emploi entre les personnes quels que soient leur race ou leur origine ethnique, leur religion ou leurs convictions, leur handicap éventuel, leur âge ou leur orientation sexuelle ». Le second projet concerne « l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique dans le domaine de l'emploi, la protection sociale, les avantages sociaux, l'éducation, l'accès aux biens et aux services ». Ces propositions de directives définissent le concept de discrimination et précisent les règles d'aménagement de la charge de la preuve. Ils reprennent en grande partie la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) en matière de liberté de circulation des travailleurs de discrimination fondée sur le sexe. LA DISCRIMINATION INDIRECTE. Les projets intègrent, en particulier, la notion 6 Différences n° 219 juin 2000 fondamentale de discrimination indirecte, laquelle se « produit lorsqu 'une disposition, un critère, ou une pratique apparemment neutre est susceptible de produire un effet défavorable pour une personne ou un groupe de personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée ». L'introduction de ce concept dans la définition de la discrimination est capitale. En effet, notre droit ne connaît que la notion de discrimination directe, qui exige la preuve de l'intention de discriminer. La victime doit prouver que l'atteinte à l'égalité de traitement est fondée sur des motifs racistes. Dans le cadre de la discrimination indirecte, il importe peu de connaître l'intention de l'auteur, l'essentiel étant de prouver que la pratique litigieuse a eu pour effet de porter atteinte à l' égalité de traitement. Il appartient ainsi à la victime de rappOlter la preuve que le critère apparemment neutre affecte une proportion nettement plus élevée de personnes appartenant à un « groupe racial déterminé ». L'arrêt de principe rendu par la CJCE en matière de discrimination indirecte concerne une affaire où une salariée reprochait à son employeur d'avoir instauré un régime complémentaire de pensions discriminatoire à raison du sexe (2). En effet, pour bénéficier de ce régime de pension, les employés devaient justifier avoir travaillé à temps plein durant 15 années sur une période totale de 20 ans. La requérante soutenait que l' exigence d'une période minimale d'emploi à temps plein défavorisait les travailleuses, qui « afin de pouvoir prendre soin de leur famille et de leurs enfants seraient plus facilement amenées à choisir le temps partiel que leurs collègues masculins ». L'entreprise faisait valoir de son côté que la décision d'exclure les employés à temps partiel du régime des pensions était fondée sur des motifs économiques objectivement justifiés. Ce critère relatif à la durée du travail était effectivement neutre, puisqu'il s'appliquait à tout employé quel que soit son sexe. Néanmoins, la requérante a pu démontrer que cette mesure défavorable atteignait principalement des femmes. Pour la Cour, le fait que l'employeur ait démontré que cette pratique salariale, qui discrimine en fait les travailleuses, poursuit des objectifs autres que la discrimination des femmes ne suffit pas à exclure une violation du principe d'égalité des rémunérations. En effet, elle considère que pour échapper à une condamnation, l'entreprise doit justifier d'un objectif légitime et démontrer que la pratique en cause est proportionnée et nécessaire par rapport à l' objectif poursuivi. La notion de discriminatoire indirecte, qui à ce jour n'est pas intégrée en France, peut être utile pour mettre en exergue les pratiques discriminatoires institutionnelles ou systémiques, telles que celles opérées par des offices de HLM, des banques ... Prenons l'exemple du choix par une commune de construire exclusivement des appartements de petite superficie (F 1, F2) : ce choix apparemment neutre puisqu' il n' intègre pas de critère fondé sur l'origine des futurs occupants peut avoir pour effet, en excluant les familles nombreuses, de frapper principalement certaines familles immigrées. Dans ce type de situation, il nous semble que la solution doit être plutôt recherchée par le développement de politique de prévention que par une action en justice. L'AMÉNAGEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE. En même temps qu'elle élaborait la notion de discrimination indirecte, la CJCE développait un régime d'aménagement de la preuve. Ce dernier consiste à répartir de manière équitable la charge de la preuve entre la victime et l'auteur de la discrimination présumée. Ce processus, qui comprend deux étapes, peut être utilisé tant en matière de discrimination directe ( intentionnelle), qu'en matière de discrimination indirecte. La première étape, à la charge du demandeur, vise à apporter des éléments qui permettent de présumer que la mesure a un effet discriminatoire. Concernant les discriminations à raison du sexe, la CJCE a développé une approche fondée sur les données statistiques. Cette · approche permet de traiter la plainte d'un individu à partir de l'examen de la situation du groupe auquel il appartient. Cette analyse novatrice par le passage de l'individuel au collectif met ainsi en lumière la discrimination
e n effet , la simple comparaison de la rémunération d'un homme et d'une femme ne permet pas facilement de révéler une discriminat ion. En revanche, la comparaison des rémunérations perçues par les salariés masculins et féminins au sein d'une même entreprise peut mettre en relief une différence significative de traitement. Une fois cette apparence de discrimination établie par la victime, grâce à des éléments statistiques, le juge se retournera vers l'employeur pour qu'il justifie cette différence. Cette différence de traitement ne sera pas considérée comme discriminatoire, si l'employeur justifie que la mesure était fondée sur des éléments objectifs et proportionnés au but recherché. ILes magistrats français ont toujours émis des réticences à transposer le régime de l'aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination. Mais · récemment, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui, nous l'espérons, fera jurisprudence (3). Dans cette affaire, deux salariés se plaignaient d'avoir subi dans le déroulement de leur carrière un traitement discriminatoire en raison de leur appartenance syndicale. Leur requête avait été rejetée àu motif que les magistrats n'avaient pas à se substituer à l'employeur, seul juge du déroulement de la carrière des salariés. La Cour de Cassation reproche au juge d'avoir fait peser exclusivement la charge de la preuve de la mesure discriminatoire sur les salariés. Dès lors que ceux-ci apportaient les éléments d'une discrimination apparente (en l' occurtence une disparité de situation entre salariés), elle estime qu'il appartenait au juge de vérifier les conditions dans lesquelles la carrière des intéressés s'était déroulée. Aussi, ce dernier aurait-il dû exiger de l'employeur qu' il fasse la preuve que la J disparité de situation constatée était justifiée !r par des éléments objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat. A ce jour, il n'existe pas à notre connaissance de jurisprudence similaire en matière de discrimination raciste. Toutefois, dans l'attente de l'entrée en vigueur des direètives européennes en matière de discriminations racistes et du projet de réforme de modernisation sociale qui devrait être discuté au Parlement dans le courant du mois de juin, les magistrats pourraient d'ores et déjà appliquer le régime de l'aménagement de la charge de la preuve adopté par la Cour de Justice des Communautés Européennes et par la Cour de Cassation dans le domaine civil et social. Si la réforme en matière d'aménagement de la charge de la preuve est fondamentale puisqu'elle répond au souci de ne pas p'river les victimes de discrimination de moyens effi- Faire face aux discriminations racistes caces de faire respecter le principe d'égalité, elle ne réglera pas toutes les difficultés. De fait, les personnes victimes de discrimination raciste sont placées dans une situation plus délicate que les victimes de discrimination sexiste ou syndicale, car ces dernières peuvent plus aisément établir une discrimination apparente en recourant aux statistiques. Une personne victime de discrimination raciste aura plus de difficultés à collecter des données sur « l'origine », « l'ethnie» ou la religion des salariés pour établir que le groupe auquel elle appartient (ou est supposée appartenir) est discriminé par rapport aux salariés appartenant à un autre groupe dans l'entreprise. En effet, le recueil de ces doni nées, dites sensibles, est striCtement réglementé par 1~ loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatiqûe et aux libertés. . Ces obstacles ne sont pas incontournables. Ainsi, une personne petit apporter les éléments d'une apparenté disCrimination en produisant des témoignages de salariés qui appartiennent à un même groupe, les'quels doivent porter sur un échantillon suffisamment représentatif. Se basant sut l'ensemblè des éléments recueillis, le juge devrait demander à l'employeur de justifier la différence de traitement. Le problème de l'aménagemènt de la charge de la preuve ne peut être dissocié du problème de l'acèès aux modes de preuves par les victimes: Il convient donc de réfléchir à de nouvelles modalités de preuve. En matière d'embauche, la CGT a suggéré d'instaurer un registre dans lequel toutes les candidatures seraient consignées. Un tel registre permettrait notamment de faire apparaître qu'ont été systématiquement évincés les candidats dont les patronymes sont à consonance étrangère. Reste pour le candidat qui soupçonne un refus discriminatoire à pouvoir accéder à ce registre. Il faudra donc toute la vigilance des syndicats et des inspecteurs du travail pour que ce registre soit un instrument de contrôle efficace. Ces innovations ne permettront pas de résoudre le problème des personnes isolées victimes de pratiques discriminatoires de la part de particuliers, tels que les propriétaires de logement. Alors que la question de l'aménagement de la charge de la preuve en matière civile et sociale est sur le point d'être résolue, elle se heurte à une franche opposition lorsqu'on l'envisage en droit pénal. Pourtant, il semble possible de suggérer un aménagement de la charge de la preuve sans porter atteinte au principe de présomption d' innocence. Il convient de rappeler que le droit pénal admet déjà dans certains domaines un assouplissement de la charge de la preuve. Ainsi, en matière de diffamation, il existe une présomption de mauvaise foi qui pèse sur l'auteur des propos diffamants. La victime n'a pas à rapporter la preuve de l' intention malveillante de l'auteur des propos pour engager une action en justice. C'est à ce dernier qu'il revient de démontrer la véracité de ses propos. Le ministère de la Justice, fortement opposé à un aménagement de la charge de la preuve en matiere de discrimination raciste, soutient què l'exemple de la présomption de mauvaise foi · en matière de diffamation il' est pas transposable · car il estime que la . preuve de non-discrimination est i-rnpossible à rapporter. Selon lui, le régime procédural particulier dans lequel s'jnscrit le délit de diffamation (droit de la presse), qui prévoit notamment un très court . délai de prescription, apporte des garanties à l'auteur de la diffamation atténuant « la portée pratique de là présomption ». Bien que la question soit complexe, les termes en sont posés, soil enjeu mérite une réflexion en profondeur en dehors de toute polémique. Sophie Pisk et Nina Ventùra (1) Cf. Appel pour la création d'une instancè contre les discriminatioris co-signé par M. AouriitJ Mrap, P. Gau15ertJLicra, Henri LeCletcILDH, Roger Lesgards/Ligue de l'enseignement paru dans Libération 17.03.2660 . (2) CJCE 13 mai 1986. Bilka (3) Arrêt du 28.03.2000 Fluchère, Dick et CFDT cl SNCF Les photographies de cès deux pages sont extraites d'un très beau livre édité par le Bar Floréal. éditions ©, intitulé « Tous pareils, tous pas pareils ». Composée de plusièurs dizaines de photos d'enfants, la composition en est originale, et les textes d'accompagnement d'une trop rare fraîcheur. En .vente aU Mrap. Différences nO 219 juin 2000 7 DOSSIER Jean Cornil: «Nous accueillons toutes les victin1es, belges ou étrangères » La Belgique dispose depuis 1993 d'une structure indépendante chargée de lutter contre toutes les formes de discriminations: le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Jean Cornil, son directeur-adjoint, présente ici la genèse de la création de cette instance ainsi que ses principales orientations de travail. Quelles raisons ont présidé à la création de votre Centre? D'une part, les pouvoirs publics et les partis politiques démocratiques étaient extrêmement préoccupés par la montée de l'extrême droite en Belgique et en particulier du Vlaams Blok. D'autre part, il fallait tenir compte de l'évolution démographique du pays - 13,5 % de la population belge est étrangère dont la moitié provient de pays non membres de l'Union européenne essentiellement du Maroc et de la Turquie - et de la nécessité de mettre tout en oeuvre pour que ces étrangers participent pleinement à la communauté nationale. Le législateur a donc considéré qu'il fallait créer un centre autonome dont la mission est de lutter contre toute forme de discrimination fondée sur la race, la nationalité, l'origine, l'ascendance ou l'ethnie. Nous travaillons depuis dans deux directions: d'abord l'accueil de toutes les victimes de discrimination raciale, qu'elles soient belges ou étrangères, au siège du Centre et dans nos structures décentralisées. Nos équipes assurent non seulement un soutien psychologique mais aussi, si les personnes le souhaitent, une démarche de médiation avec les auteurs de discriminations. Dans les cas les plus flagrants et les plus exemplaires, nous avons capacité à ester en justice sur la base de la loi de 1981. C'est au fond un service aux citoyens. Le caractère autonome du Centre est très important en particulier parce que nous engageons des procès contre des particuliers, des entreprises mais aussi contre certains fonctionnaires de l'Etat (communes, forces de police ou de gendarmerie, etc). Notre seconde activité consiste à intervenir à tous les niveaux de pouvoir, de la municipalité en passant par les régions, les communautés, l'Etat central et aussi les instances européennes pour adresser dans toutes les matières qui concernent l'immigration ou « l'intégration des populations issues de l'immigration" des avis, des recommandations et des projets-pilotes. Nous jouons un rôle d'interface et de catalyseur de propositions et de revendications que nous portons et défendons auprès des pouvoirs publics .... Quelles insuffisances le centre est-il venu combler? 8 Différences n° 219 juin 2000 A partir du moment où tous les partis politiques démocratiques et les autorités publiques ont pris conscience que ces étrangers faisaient partie intégrante de la communauté nationale et qu'il fallait tendre au maximum vers l'égalité des droits, il est apparu intéressant de créer un service public autonome susceptible d'établir un dialogue permanent entre tous les acteurs. Notre Centre est un lieu pluraliste et neutre. On s'était également rendu compte de la faiblesse de l'application de la loi contre le racisme qui ne faisait pas à l' époque partie des priorités en matière de politique criminelle. Aujourd'hui cette application est plus significative. Il y a davantage de plaintes parce que les victimes ont moins peur de s'exprimer. Nous avons développé tout un système de formation de magistrats, de policiers et de gendarmes. Comment conciliez-vous votre autonomie qui implique des analyses ou des prises de position différentes (double peine, régularisation des sans-papiers par exemple) et les liens directs que vous avez avec les pouvoirs publics? Il y a effectivement un lien de dépendance essentiel dans la mesure où le Centre est financé par une dotation budgétaire provenant des services du Premier ministre. Mais la loi garantit notre autonomie et notre indépendance: nous n'avons en aucun cas d'ordre à recevoir d'une autorité publique quelle qu'elle soit. La police, la gendarmerie, les magistrats sont-ils demandeurs de formation? Absolument mais cela n'a pas été simple. Proposer une formation contre le racisme est toujours délicat parce que cela présuppose qu'il y en a! Nous assurions auparavant des formations très didactiques, très pédagogiques (1 'histoire des flux migratoires ou la religion musulmane) qui se sont avérées inefficaces. Aussi avons-nous changé d' en partant justement des réalités de ces services publics et des préoccupations professionnelles quotidiennes: par exemple, l'accueil des étrangers dans les commissariats ou dans les municipalités, la gestion des conflits de violence collective par les gendarmes, etc. Au début l'Etat-major de la gendarmerie et les commissaires de police en chef dans les grandes municipalités étaient réticents, mais au fil des années ils sont devenus de plus en plus demandeurs. Nous nous refusons d'assener un discours moral en faisant un appel incantatoire aux valeurs de la tolérance, de la démocratie et des droits de l'Homme. Nous travaillons concrètement sur les comportements avec exercice de jeux de rôle, vidéos, en mettant en contact les forces de l'ordre et les jeunes issus de l'immigration. La demande est devenue plus forte et elle concerne aussi bien les gardiens de prison, les travailleurs sociaux, les personnes qui travaillent dans les centres de rétention pour étrangers en situation illégale ... Il est noté dans votre audition par la Commission nationale consultative des droits de l'Homme qu'il s'agit pour vous de déceler des situations collectives de discrimination et d'élaborer des pratiques de proximité: qu'est-ce que cela signifie? Ce travail de repérage nous a permis de dresser une typologie de toutes les discriminations. En premier lieu, les discriminations légales entre Belges et étrangers telles qu'elles sont instituées par la loi ou par la Consti- Droits de Cité -j' Faire face aux discriminations racistes Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la loi contre le racisme sans avoir jamais osé le demander ... En juillet 1993, l'ARGO (l'organe qui représente l'enseignement officiel), les représentants des enseignements provincial, communal et catholique, ainsi que le ministre de l'Enseignement, ont signé une déclaration de non-discrimination dans l'enseignement de la Communauté Flamande. Droits de cité, revue trimestrielle éditée par le Centre pour l'égalité des chances Bruxelles, site internet: www.antiracisme.be tution, et maintenant entre étrangers appartenant à l'Union européenne et les autres. Nous voulons réduire ou supprimer ce type de discrimination en défendant (ou en ayant défendu) le droit de vote des non-communautaires, la modification du code de la nationalité, l'accès à la fonction publique des étrangers. Nous avons également traité avec succès la question de la reconnaissance du culte musulman: nous avons organisé des élections calquées sur le modèle des élections politiques traditionnelles qui a abouti à ce que les musulmans de Belgique élisent leurs représentants dans le cadre du dialogue avec les autorités pour ce qui concerne l'organisation temporelle du culte. En second lieu, les discriminations illégales combattues par le droit pénal: nous avons obtenu une meilleure application de la loi. Dans ce cadre, on s'est aperçu qu'il y avait, comme chez vous, une réelle difficulté, à faire la preuve de ce type de discrimination. On a donc imaginé une série de moyens de preuve supplémentaire comme le test de situation ou la preuve par statistiques en faisant en sorte que ces modes de preuves soient jugés recevables par les tribunaux. Il y a désormais dix fois plus de jugements. La dernière catégorie de discrimination est la plus difficile: ce sont les discriminations « structurelles» ; elles traversent l'ensemble du champ social mais elles ne résultent pas automatiquement d'un comportement individuel discriminatoire. Un exemple: l' orientation scolaire. On constate que, par tradition ou par formation culturelle, les instances scolaires de l'Education nationale chargées de l'évaluation du cursus scolaire des élèves sont traversées par un certain nombre de préjugés, aussi ont-elles tendance à renvoyer systématiquement les jeunes femmes issues de l'immigration maghrébine vers l'enseignement technique ou professionnel. .. Concernant la discrimination à l'embauche, il est important de faire appliquer la loi mais l'essentiel reste de convaincre les personnes et en particulier les employeurs d'avoir une attitude différente. Aussi avons-nous organisé un peu partout en Belgique des séminaires où nous mettons en présence les fédérations des entreprises, les responsables des partenaires sociaux et nous essayons au travers de ce dialogue de faire prendre conscience de la richesse multiculturelle d'une entreprise. Cela se passe sur le mode de la confiance, du dialogue, de la discussion, de l'argumentation. En France, les victimes ont du mal à faire la preuve de la discrimination ... Avec ce que nous appelons le racisme euphémisé, nous rencontrons le même type de problème: l'employeur invoque les capacités, les compétences, le mode vestimentaire ou la méconnaissance de la langue nationale, etc. Or, on sait très bien que dans un certain nombre de cas, le racisme est la source de la discrimination. Pourtant, les fédérations d'employeurs, par exemple dans certains dans le secteur Hôtels-Restaurants-Cafés, affirment que n'étant pas racistes, ils doivent malgré tout s'accommoder d'une clientèle qui, elle, l'est. Ils n'embauchent donc pas les jeunes maghrébins comme serveurs et préfèrent les employer dans les cuisines. Quand les victimes viennent se plaindre, elles ne disposent pas toujours de preuves. Aussi procédonsnous, dans un certain nombre de cas, à des tests de situation avec présence d'un huissier dans le but de les faire juger recevables par les tribunaux correctionnels. Vous avez également mené un travail contre l'extrême droite ... Nous travaillons contre le racisme organisé et nous sommes parvenus à mettre en place en Belgique un dispositif légal très important contre l'extrême droite. Ces lois sont récentes, elles ne sont pas encore suffisamment appliquées mais nous veillons à ce qu'elles le soient. Pour vous donner un exemple, en matière de médias, à la télévision belge francophone, il est impensable (comme cela se passe en France), qu'un Mégret ou un Le Pen belge passe sur les antennes .• Propos recueillis par Chérifa Benabdessadok L/Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes a été créé par le Conseil européen (Union européenne) le 2 juin 1997. Il est présidé par Jean Kahn. Son objectif principal consiste à fournir à la Communauté et à ses Etats membres des informations objectives, fiables et comparables au niveau européen afin de les aider à prendre des décisions ou à définir des actions. Rapport annuel d'activités 1998 « Une âme pour l'Europe» présenté à la presse en décembre 99. Siège à Viennes. Site: www.eurnc.at La Commission européenne contre le racisme et rintolérance (Europeancommission against racisme and intolerance, ECRl) a été créée par le Conseil de l'Europe en octobre 1993, a commencé à fonctionner en mars 1994, est chargée d'examiner les législations, les politiques et les autres mesures prises par les Etats, de stimuler l'action locale, nationale et européenne, de formuler des recommandations et d'étudier les instruments juridiques internationaux applicables en la matière en vue de leur renforcement si nécessaire. Siège à Strasbourg. Site: www.ecri.coe.int La Convention européenne des droits de rHomme. Article 14 « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » La Convention sur rélimination de toutes les formes de discrimination raciale. ArticIepremier:« Dans la présente Convention, l'expression « discrimination raciale» vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique. » Differences nO 219 juin 2000 9 Grande-Bretagne: une forte mobilisation LES IMMIGRÉS installés en GrandeBretagne mit "suscité une forte mobilisÇltion sur les pratiques discrtminatoires, en particulier dans le domaine de l' accès au logement et à l'emploi. Une organisation, Campaign against racial discrimination (CARP), largement inspirée par le mouvernent pour les droits civiques aux Etats-Unis, soutenue par des juristes et des hommes politiques, a exerc~ une puissante pression pour l'adoption d'une loi contre la discrimination (Heinema,n, 1972). Plusieurs autres organisations ont été créées dans les années soixante telles que la Race Relation Board et la Community Relations Commission. Elles assuraient la représentation des groupes communautaires et apportaient un appui juridique. En 1976, ces deux organisations ont été unifiées dans la Commission pour l'égalité raciale (CRE) créée par la Race Relations Act, une loi qui a rendu illégale la discrimination directe et indirecte ainsi que le harcèlement racial dans plusieurs domaines. La discrimination indirecte fait référence à l'imposition d'une condition qui ne concerne pas la race mais dont l'application génère un désavantage pour un groupe particulier, parce que les membres de ce groupe ont tendance à ne pas pouvoir la satisfaire. La CRE a réalisé un bilan de l'application de la loi et élaboré des propositions pour l'améliorer en 1985 et en 1992, en vain. En avril 1998; elle a de nouveau déposé un projet de réforme de la loi avec plus de cinquante propositions. Le rapport d'enquête sur le meurtre raciste du jeune Stephen Lawrence, avait donné lieu à une série de recommandations dont une, acceptée par le ministre de l'Intérieur, préconisait l'application stricte et sévère de la loi contre le racisme à tous les agents de police et la mise en cause de la responsabilité des chefs de la police dans les actes et Jean-Michel Be/()rgey : « une liberté de ton .qui tranche avec la langue de bois» « Le bilan d'activité de la Commission pour l'égalité raciale britannique, après vingt deux ans de fonctiopnement, ne laisse pas d'être impressionnant. Si le nombre de plaintes reçues chaque année est élevé (de 1 500 à 2 000) et celui des plaintes faisant l'objet d'un règlement juridique lui-inême significatif (300), le nombre d'enquêtes sur les faits de discrimination ayant motivé ces plaintes qui ont été menées par la Commission se révèle lui-même limité (38 en 1996). Mais la circonstance qu'elle puisse en mener crée un « climat », dont le rôle dissuasif ne fait guère de doute. Et elle n'a pas hésité à en mener (le fait qu'elle ait pu le faire donne également à réfléchir) à propos de discriminations au sein d'administrations publiques [ ... ]. . Les dédommagements obtenus par voie de conciliation, ou en justice, à l'occasion des faits de discrimination établis, ont fréquemment été significatifs (indemnisation moyenne des personnes reconnues victimes de discriminations: 18000 f (environ 195000 F, ndlr). Loin de se borner à traiter des plaintes, mais sans doute, encore une fois, parce que le seul pouvoir de traiter des plaintes est déjà de nature à crédibiliser ses sollicitations, la Commission s'est employée à nouer des relations étroites avec les organisations patronale et syndicales ainsi qu'avec de grandes entreprises [ ... ] et à faire adopter par ses partenaires des standards - normes - d'« égalit~ raciale ». [ ... ] La Commission disposait en 1996 d'un budget de plus de 16 millions de f (plus de 170 millions de francs, ndlr) utilisés au paiement des salaires et honoraires, au financement de différentes catégories d'actions relevant de la compétence et, pour une part importante, au financement des Conseils locaux. Elle employait 220 personnes en 1998. L'un des traits caractéristiques de la CRE est en effet son enracinement local ; son action est relayée localement par 87 comités, et dispose de six importantes délégations, à Birmingham, Leeds, Manchester, Liecester, Edimbourg (pour l'Ecosse), Cardiff (pour le pays de Galles). Par delà l'analyse des pouvoirs, performances, et moyens de l'institution, l'importance de la place prise par elle dans la lutte contre la discrimination et la régulation des relations raciales en Grande-Bretagne est aisément mesurable au ton des rapports annuels qu'elle établit, et des prises de position qui sont les siennes dans les médias. Ce ton se caractérise par une extrême liberté, qui tranche avec la langue de bois à laquelle inclinent, sur le même sujet, à l'instar de beaucoup d'autorités françaises, les autres autorités publiques britanniques. » Extrait du rapport de M. Belorgey « Lutter contre les discriminations )) remis à Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, en mars dernier 1 0 Différences n° 219 juin 2000 les omissions commises par leurs subordonnés. Dans sa version originale, le projet de réforme du Race Relations (Amendement) n'était pas à la hauteur des recommandations de l' enquête Lawrence. Il aurait étendu l'application de la loi à toutes les activités de la police et d'autres autorités publiques mais seulement dans le domaine de la discrimination ou du harcèlement direct. L'omission de la discrimination indirecte a été contestée par des représentants des minorités ethniques de la Chambre des Lords, par des juristes spécialisés, des associations des droits humains, et par « Act against Racism », un collectif assez large d'associations. Le gouvernement a annoncé son intention d'étendre la répression de la discrimination indirecte aux services " publics et d'inclure un droit positif pour promouvoir l'égalité raciale par les autorités publiques, une mesure fortement soutenue par la CRE, notamment. Des changements importants devraient être apportés lors du débat parlementaire final et ce dans les domaines suivants: la police, les prisons, le contrôle de l'immigration, la douane, la justice criminelle, les pouvoirs municipaux, la santé et la prévention, la protection des enfants, la détention criminelle psychiatrique . .. Selon la Commission pour l'égalité raciale, qui dispose depuis 1987 d'antennes régionales, il est primordial d'élargir son pouvoir d'investigation, d'obtenir des financements plus conséquents, d'évaluer les résultats de l'application de la future législation . • Cathie Lloyd Laissez-les danser! A la suite d'opérations de testing opérées par le Mrap (en particulier dans les Landes) et d'autres associations comme SOS Racisme, l'interdiction de l'entrée de discothèques aux jeunes d'origine étrangère est aujourd'hui avérée. Plusieurs chartes ont été signées entre « professionnels de la nuit », associations et autorités publiques (départements des Hauts-de-Seine et Vaucluse). La signature d'une convention nationale entre les ministères concernés (Tourisme, Intérieur, Jeunesse et Sports), les associations et les fédérations professionnelles (l'Union des Métiers de l'Industrie hôtelière et la Confédération professionnelle de l'Industrie hôtelière-UMIH) est à l'ordre du jour. Dans ce cadre, la FD/ Mrap du Nord- Pas de Calais est partenaire d'un projet destiné à susciter la création d'un dispositif local visant à lutter contre ces discriminations dans les discothèques, qui regroupera le préfet pour la Codac, le Mrap, l'UMIH et le ministère du Tourisme. Le débat sur les « discriminations positives )) soulève en France des débats souvent passionnés. C'est pour nourrir la réflexion sur ce sujet que la Documentation française a édité un opuscule rassemblant une trentaine de textes. De nature parfaitement hétérogène - on y trouve aussi bien un extrait d'entretien avec Elisabeth Guigou ou JeanPierre Chevènement, un avis du Conseil d'Etat, le point de vue d'un juge à la Cour suprême des EtatsUnis, les analyses de chercheurs en sciences sociales, ce recueil permet de battre en brèche quelques idées toute faites. Ainsi, contrairement à un sentiment très répandu, la discrimination (qu'il faudrait en fait traduire par action) positive existe bel et bien en France. Un rapport du Conseil d'Etat (1996) précise que la jurisprudence laisse aux pouvoirs pu. blics une réelle marge de manoeuvre pour prendre des mesures différenciées tendant à rétablir l'éga- Les emplois fermés aux étrangers 1 ~<:l i;ur juil ~ . CI\1n.~pl l 'C!! pub!lques. fonel .ons pl1 bliq t l~"J Kiosques lité là où elle est gravement compro- pays profondément et historique- race, ou en raison d'une dette spémise. La tentation polémique consis- ment attaché à une conception répu- ciale de ma lignée envers la leur. tant à opposer « l'égalité» dont se re- blicaine et à l'universalité des droits Si j'ai des obligations à leur égard, vendiquent les partisans de l'univer- individuels et collectifs. Cependant, c'est parce qu'ils ont (pour beausalité des droits, et « l'équité» à la- et c'est là où la question prend tout coup d'entre eux) des besoins parquelle seraient attachés les défen- son sens: quelle est l'efficacité des ticuliers, parce qu'ils sont (tous) seurs de l'action positive est vite discriminations positives? Malgré mes compatriotes, et parce qu'ils franchie. En tout état de cause, « la des résultats non négligeables en sont Ge le crois profondément) mes théorie des différences de situation particulier au sein de la « classe frères. [ ... ] Le système d'affirmatiqui permet d'adapter des règles à la moyenne noire », plusieurs déc en- ve action aujourd'hui en vigueur réalité» s'applique dans toutes sor- nies d'application d'affirmative ac- ( ... ) repose sur des concepts de dettes de domaines. Exemples: la loi tian n'ont pas éradiqué la discrimi- te raciste et de droits raciaux plud'orientation pour l'aménagement et nation raciste aux Etats-Unis. Tou- tôt que sur la valeur et les besoins le développement du territoire qui a tes proportions gardées, en France, des individus. C'est, pour dire les permis l'adoption de mesures fisca- un premier bilan de la discrimination choses autrement, un système raIes et financières pour tenter de ré- positive territoriale réalisé en mars ciste. » duire certains déséquilibres écono- 1999 dresse un constat sévère: ef- L'intérêt que semblent désormais miques ; la création des Zones d'édu- fets pervers dans la conception porter les pouvoirs publics sur les cation prioritaire (1981) ; les mesu- même du dispositif, impact limité sur discriminations racistes en France res introduites dans les statuts des l'activité et l'emploi, etc. En fait, plus impliquera probablement l'élaborafonctions publiques en faveur des que le principe lui-même, c'est celui tion d'outils d'intervention et d'évapersonnels exerçant leurs missions du contenu et de l'évaluation de ces luation plus importants que ceux dans ces zones urbaines en difficul- mesures qui méritent l'intérêt. Par- qui existent. La question de la disté
- l'instauration de zones franches mi les effets pervers, certains souli- crimination positive est d'ores et
(novembre 96), etc. Toutefois, le gnent le risque de l'accoutumance à déjà fort débattue. Nulle doute qu'il noyau dur du principe d'égalité n'est l'assistance. Enfin, dans un texte sai- faudra éviter au moins deux pas transgressé dans la mesure où sissant, le juge étasunien Antonin écueils: l'introduction de concepts l'élaboration et l'application de poli- Scalia exprime toute sa révolte con- (tels que minorité ethnique) et de tiques discriminatoires doivent gar- tre l'affirmative action: « Je ne dois pratiques qui ne correspondraient der un caractère provisoire et respec- rien à un homme, affirme-t-il avec pas à la tradition française, le rejet ter la proportionnalité avec le but de justesse, ni lui à moi, à cause du sang trop rapide d'outils différenciés la loi. qui coule dans nos veines [ ... ] Ceci d'intervention au nom de cette traVoilà qui relativise le caractère ap- ne signifie pas que je n'ai pas d'obli- dition. paremment illégitime que revêtirait gations à l'égard de mes concitoyens. Chérifa Benabdessadok la discrimination positive dans un J'en ai - mais pas à cause de leur alimentent les discriminations, (d'État, territoriale et hospitalière), totalement inopérantes, du moins consacre sa première étude à un de certaines entreprises publiques passablement formelles. aspect demeuré jusqu' ici assez peu (EDF-GDF, La Poste, SNCF, Air Parallèlement, les évolutions documenté, celui des emplois France ... ) mais aussi de professions entraînées par la construction fermés aux étrangers . Sans obéissant à des règles d 'un européenneontamenéàassouplir considérer a priori que toute corporatisme sinon xénophobe, du ce cadre (plus de 70 % des inégalité de traitement soit moins clairement malthusien emplois publics sont désormais nécessairement discriminatoire, les (médecins, avocats, architectes ... ). ouverts aux ressortissants de auteurs s'attachent à examiner la A l'examen, on est frappé par l'UE), quitte parfois à le rendre légitimité des différents obstacles l'incohérence d'un système qui plus confus. opposés aux étrangers dans l'accès apparaît plus comme la résultante La note débouche sur des à certains métiers ou à certaines d'une sédimentation de mesures propositions plaidant de façon fonctions. Ce faisant ils décrivent successives que comme modérée mais précise pour une un maquis réglementaire et l'application de principes simples. clarification des règles "':=a!:1IJZIDt::oe::~ législatif qui aboutit à fermer, Certaines règles apparaissent applicables: elles militent pour ne partiellement ou totalement, aux aujourd ' hui désuètes (comment conserver que les restrictions ~ _________ ---..J non-nationaux près de 7 millions prétend-onjustifierlesdispositions légitimées par l'exercice de la Une forme méconnue de d'emplois. Ces restrictions sont concernant les coiffeurs, les souveraineté ou des prérogatives discrimination: les emplois pour l'essentiel liées à lajouissance débitants de tabac ou les directeurs de puissance publique (forces de fermés aux étrangers (secteur de la nationalité française et ou à la de salles de spectacle ?). D'autres l'ordre, justice, armée .. . ) et pour privé, entreprises publiques, possession d'un diplôme français. souffrent déjà de si fréquentes ouvrir aux non-communautaires fonctions publiques) Le paysage ainsi brossé présente dérogations (recours à des les professions dont l'accès est Le. GED, dont la principale bien des contrastes : pour en rester auxiliaires et contractuels dans les déjà permis aux citoyens des mission est d'analyser les ;mx limitations légales, il s'agit des hôpitaux ou l'éducation par Quinze. mécanismes qui génèrent ou postes de la fonction publique exemple) qu'elles semblent, sinon Alain Pellé Différences n° 219 juin 2000 11 Actualités ÉChOS • Le Conseil d'Etat a pris le 20 mars dernier l'importante décision d'enjoindre au ministre de l'Emploi el de la Solidarité et au ministre du Budget d'abroger l'arrêté du 17 mars 1997 fixant le montanl de la redevance à verser à l'QMI à l'occasion de l'examen médical nécessaire à l'obtention d'un titre de séjour. Considéranl que cet examen n'était pas un service rendu à J'étranger, la redevance n'ava it pas lieu d'être et l'arrêté en fixant le montant était illégal. Avant de s'adresser au Conseil d'Elat, le Gisti qui est à l'initiative de cette démarche, avait d'abord saisi les ministres concernés, en vain. Le Gisti étudie actuellement la procédure à suivre par les étrangers auprès de l'administration pour obtenir le remboursement des frais qu'ils ont injustement versés. • Brahlm Bouarram est mort il y a cinq ans, victime de la haine raciste de jeunes sortis du défilé du Front national pour le jeter dans la Seine. Comme tous les ans, le Mrap s'est associé à la cérémonie de commémoration qui se déroule le 1er mai au Pont du Carrousel. • Dans son numéro de mars, Le Monde diplomatique a publié, un excellent reportage sur les ratonnades d'El Ejido : « En Espagne, un apartheid sous plastique ». • Négationnisme. Reconnu coupable de négationnisme, un enseignant du secondaire a été condamné le 15 mai à Sarreguemines (Moselle) à dix mois de prison avec sursis et à verser 10 000 F à chacune des parties civiles (dont le Mrap). Actuellement suspendu de ses fonctions avec maintien du traitement, M. Berger, ex-candidat FN aux législatives, avait - selon le témoignage de 39 élèves - affinné que les professeurs d'histoire racontaient des mensonges, que les chambres à gaz n'avaient servi qu'à éliminer des poux et que les Juifs eux-mêmes étaient responsables de la « guerre civile» en Allemagne. L'enseignant risque une radiation définitive de l'Education nationale. Thierry Pinsard nous a quittés Membre de la Permanence d'accueil du Siège, de la Commission Immigration et du Conseil national du Mrap, Thierry Pinsard est décédé le 25 avril à Paris. Sa disparition brutale laisse les militants et les salariés dans une profonde tristesse. Son absence nous est douloureuse. Les obsèques de Thierry ont eu lieu mardi 23 mai au cimetière de Saint-Gratien. Qu'i l repose en paix. 1 2 Differences nO 219 juin 2000 Victime ou témoin de discrimination raciste, appelez au Un numéro d'appel gratuit sur les discriminations racistes vient d'être mis en service. Il s'agit du numéro 114 disponible du lundi au samedi de 10 heures à 21 heures (heures de métropole). Il est ouvert aux personnes victimes ou témoins de discriminations. Les personnes qui le souhaitent peuvent donner leur identité et seront réorientées vers les Codac de leur département. Les témoignages anonymes pourront être enregistrés lorsqu'ils concerneront des discriminations opérées par des institutions. Ils n'auront dans ce cas qu'un caractère d'alerte. Les Codac sont destinataires des fiches établies par les écoutants du numéro gratuit et ont en charge le suivi des dossiers qui leur sont transmis. Elles doivent se doter d'un secrétariat permanent pour celles qui n'en disposent pas encore. Ce secrétariat, après analyse, orientera les victimes vers des référents pour traitement. Ces référents peuvent appartenir aux services de l'Etat, aux associations de lutte contre le racisme, aux organisations syndicales, être délégués du médiateur ou membres d'associations d'aide aux victimes. Les réfèrents s'engagent a assurer, avec l'appui du secrétariat de la Codac, le suivi des victimes et à respecter la confidentialité dans la durée. De toute évidence, l'instauration de ce numéro risque de gènérer une charge importante pour les associations, déjà dénuées de moyens. La gestion de ce numéro devrait revenir au GED d'ici la fin de l'année. Pour le Mrap, ~~ ce dispositif n'est qu'une étape, importante certes, vers la création d'une haute autorité indépendante chargée également de missions d'investigation, de formation des fonctionnaires, d'information et de coordination ... C'est l'objectif que le Mrap poursuit, tout en se réjouissant des avancées symboliques comme celle d'aujourd'hui. » A Nina V. et Sophie P. nenda • MARCHE Festival de Pantin « Côté Court», du 1ereu MONB'IALE DES FEMMES LE 17 JUIN À 9 juillet au 4ème Festival international de PARIS. L'idée d'une Marche mondiale des films« Résistance» à Tarascon, du 4 au 8 femmes pour lutter contre la pauvreté et la juillet au 23éme festival du court-métrage à précarité qui frappent particulièrement les Grenoble. Rappelons que le Mrap est partie femmes et contre loutes les formes de prenante de ce projet et qu'il est cité à chaque violence à leur égard a été lancée à Montréal @nérique. en 1998. Près de 150 pays sont engagés • RENDEZ-VOUSLE28JUINDE19H45 dans ce projet. Le point culminant en sera À 22 H AU SIÈGE DU MRAP: les une manifestation mondiale devant ,'ONU, à Commissions Immigration et Luite contre New York, le 17 octobre 2000. Dans cette l'extrême droite, en partenariat avec perspective, des initiatives nationales ont lieu l'Association nationale des visiteurs de prison, un peu partout en France, avec un vous invitent à une conférence-débat rassemblement à Paris le 17 juin. Le collectif donnée par Daniel Sibony, psychanalyste et des femmes immigrées du Mrap sera présent professeur de mathématiques, autour du pour exiger, notamment, le droit aux titres de thème « Racisme, rapport à l'autre-peurs et séjour, la reconnaissance du statut de engranage des conflits et des violences ». réfugiées pour les femmes victimes de Cette rencontre s'inscrit dans une série de persécutions en raison de leur sexe, des titres débats consacrés au problème des de séjour qui donnent une réelle autonomie discriminations dans les domaines de la aux femmes. Police, de la Justice et de la Prison. Le suivant • Après avoir été présentés Cannes, LES - 21 septembre aux mêmes horaires - DOUZE COURTS-MÉTRAGES RÉALISÉS permettra d'entendre Hervé Hamon, PAR DFCR (Dire, faire contre le racisme) président de l'Association française des seront projetés les 14 et 15 juin au 9éme magistrats de la jeunesse. 43 bld de Magenta 75010 Paris - T : 01 53 38 99 99 Télécopie: 01 40 40 90 98 - E.mail: joumal.ditTerences@frce.fr 13 F le numéro - Abonnement 135 F Cl 1 nO'/an) Directeur de publie.ation : Mouloud Aounit. Gérante bénévole: Isabelle Sirot. Rédactrice ell chef - mise en page: Chérifa Benabdcssadok. Abonnements: Erie Lathière-Lavergne. Impres_ sion: Montligeon T : 02 33 85 80 00. Commission paritaire n063634 0247-9095 Dépôt légal 2000-06
Notes
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