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Sommaire du numéro
n°216 de mars 2000
- Mouvement: colloque sur le négationisme par C. Benabdessadok
- L'Autriche sous surveillance
- Halte à la barbarie en Tchéchénie, communiqué du MRAP
- Dossier: Tsiganes, peuple mosaïque [gens du voyage]
- Commission TGV: un travail de longue haleine par J.B. Bary
- Matéo Maximov, l'ami, le précurseur par J.B. Bary
- Entre New-York et la porte des Lilas par Henriette Asséo
- Discriminations à la française par Jacqueline Charlemagne
- Mémoire nomade, silence, on oublie! Par Germaine Campos
- La priorité à l'école par J.P. Liégeois
- Lydia Falck à l'ANTEPS par Claire Giraud
- Les institutions internationales: un espoir pour les Tsiganes par J.P. Liégrois
- Romeurope par Claire Giraud
- Là où les mexicains sont marocains par C. Benabdessadok
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Texte brut du numéro
Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples Lire aussi dans ce numéro Colloque sur le négationnisme page 2 L'Autriche sous surveillance page 3 Edito page J Renforcer le Mouvement page 5 Kiosque page J J Echos et Agenda page J 2 Colloque sur le négationnisme ORGANISÉE par la commission du Mrap « lutte contre l'antisémitisme et le néonazisme », cette rencontre qui a rassemblé le 5 février dernier cent vingt personnes portait sur la falsification de l'H istoire par les négationnistes. Bref compterendu avant la publication d'une brochure. C'est Pierre Krausz, membre du BureaU national, qui a introduit le sujet en soulignant que les récents événements en Autriche montrent l'actualité de l'antisémitisme. Jorg Haider n'a-t-il pas déclaré qu'il n'y avait pas eu de campS de concentration mais des camps de correction? « Au sortir du dernier conflit mondial, on a pensé que la hiérarchisation des groupes humains qui avait engendré une violence terrifiante serait anéantie. Naïveté! Si, dans les années cinquante et soixante, l'antisémitisme était discrédité dans l'opinion, dans .l'espoir de viser un large public, l'extç~r;-le droite d'abord, d'autres ensuite, se sont ~~_~(;hés à minimiser, voire à nier les effroyables forfaits du nazisme, en faisant pOlier aux victimes en général, aux juifs en particulier, une part de responsabilité dans le déroulement de la Seconde guerre mondiale. Les négationnistes sont avant tout des falsificateurs. Ils visent à reléguer des faits historiques au rang de thèses qui pourraient être confrontés à d'autres hypothèses. » Une histoire du négationnisme, rapide mais circonstanciée, a été présentée par Nadine Fresco, historienne, qui a rappelé que les négationnistes s' autoproclament « révisonnistes » dans le but de se rattacher à un courant d'historiens né dans le sillage de l'Affaire Dreyfus. Fondamentalement motivés par l'antisémitisme, ils ne nient pas l'extermination des Tsiganes. Si les 2 Différences n° 216 mars 2000 précurseurs tels Paul Rassinier et Maurice Bardèche ont eu peu d'échos dans l'immédiat après-guerre, leurs premiers livres avaient deux objectifs: réhabiliter la Collaboration et dénoncer « l'injustice» du procès de Nuremberg. La dénégation est le principe même du négationnisme. Ainsi, alors qu'il collabore avec d'anciens nazis et effectue une tournée en Allemagne et en Autriche sous la conduite d'un ancien SS, Rassinier fait un procès à la LICA, dont le journal Le droit de vivre, affirme qu'il appartient à l'internationale nazie. Comme le préciseront par la suite d'autres intervenants, le ralliement aux thèses négationnistes de personnages venus de l'extrême gauche, comme Pierre Guillaume et Serge Thion, leur fut d'un grand apport. Enseignant à l'université Lyon II, Claude Burgelin estime que le négationnisme a trouvé dans cette ville un terreau qui lui a permis de prospérer depuis vingt ans. Lorsque Faurisson est nommé dans cette ville en J 973, il n'attire aucunement l'attention : le personnage est considéré comme un « hurluberlu ». Puis, les scandales se succèdent - Faurisson, Roques, Notin, Plantin ... Un fait éclairant est présenté par l'enseignant: la droite dure est à l'origine de la création de l'université Lyon III, une sorte de Vincennes de droite et d'extrême droite. Son président crée une nébuleuse d'associations-passerelles entre la droite et l'extrême droite. Didier Daeninckx note pour sa part que l'influence négationniste s'exprime dans d'autres universités: Caen, Nantes, Bordeaux etc. L'écrivain précise que dans une « maîtrise consacrée à Paul Rassinier, Jean Plantin reprend les affirmations de son modèle selon lesquelles "le nombre de juifs morts pendant la guerre se situe entre 1 million et 1,5 million au maximum" et qu'il suffirait de faire un Les intervenants ont écrit recensement en Israël et aux Etats-Unis pour retrouver les millions d'individus portés disparus! Jean Plantin n'ajamais caché son activité négationniste. Dès 1987, son nom apparaissait en bonne place lors de l'offensive menée par La Vieille Taupe (maison d'édition créé par Pierre Guillaume, Ndlr), à Lyon, au moment du procès de Klaus Barbie. » Malgré la gravité du sujet, François de Fontette, a, avec humour et émotion, passé en revue les différentes formes du rejet du juif: de son expression païenne au négationnisme, en passant par l'antijudaisme chrétien et l'antisémitisme nazi. Alain Lévy s'est intéressé en tant qu'avocat de parties civiles au procès de Maurice Papon aux conséquences de ce procès. Le bilan est contrasté: en condamnant Papon à dix ans de prison, la Cour a retenu la complicité de crime contre l'humanité mais l'a acquitté du chef de complicité d'assassinat. Il a donc été reconnu coupable de l'arrestation et de la séquestration de 57 personnes (alors que 1560 juifs ont été déportés sous sa responsabilité de juin 42 à mai 44) mais pas de leur mort. Comme si sa responsabilité s'arrêtait aux portes des camps. Parmi les aspects positifs, maître Lévy a retenu en particulier le fait qu'un ancien ministre, pourtant protégé par les institutions de la République, ait malgré tout été jugé après dix-sept ans de procédure et que ce procès a donné lieu à une réflexion sur les notions de « crime de bureau» et de « désobéissance ». Gilles Karmasyn a clos l'après-midi avec une intervention consacrée à l'expression de l'antisémitisme et du négationnisme sur Internet. Il constate que le négationnisme est multiple: le premier site visait le génocide des Arméniens. Il existe 600 à 800 sites antisémites sur la Toile et une cinquantaine de sites négationnistes. M. Karmasyn a notamment expliqué que les falsifications sont démontables mais que cela demande un travail approfondi et des moyens. Aujourd'hui, si un internaute saisit l'expression «chambre à gaz », il a 80 % de probabilités d'être conduit sur un site négationniste ! En somme, un travail civique et d'éducation est à réaliser de façon plus conséquente sur Internet. • Chérifa Benabdessadok • Fab11cation d'un antisémite, Nadine Fresco, Le Seuil, 1999 • Georges PErec, Claude Burgelin, Le Seuil, 1998 • Au nom de la loi, Didier Daeninckx et Valère Staraselski, Bérénice, 1998 • Les grandes dates du droit, François de Fontette, PUF, 1997 L'Autriche sous surveillance Le 4 février, le président autrichien a investi le gouvernement de coalition entre les conservateurs de l'OVP et les populistes du FPO. Outre le poste de vice-chancelier, chargé des droits des femmes, l'extrême droite dispose de cinq ministères: Affaires sociales, Défense, Finances, Infrastructures, Justice et de deux secrétariats d'Etat: Santé, et Tourisme. Les réactions ont été nombreuses en Europe et partout dans le monde. L'Union européenne s'est engagée à deux types de sanctions : suspension de certaines relations politiques bilatérales et mise sous surveillance des décisions du nouveau gouvernement de Vienne. Plusieurs rassemblements se sont déroulés à Paris - dont deux à l'initiative du Mrap - et en province. Extraits du discours de M. Aounit lors du rassemblement du 6 février. J ORG HAIDER est l 'héritier direct de l'idéologie du Troisième Reich. Pour preuve, en février 1995, lors d'un débat parlementaire, il évoqua à sa manière le détai!, considérant les camps de concentration du National-social isme comme des « camps de correction ». C'est le même personnage, qui en décembre 1995 affirmait que les Waffen- SS faisaient partie de la Wermacht, etqu'à ce titre ils méritaient tous les honneurs de l' armée. C'est Haider encore qui, à l'instard 'Hit- 1er qui désignait le Juif comme l'ennemi intérieur, stigmatise aujourd'hui l'immigré, le demandeur d'asile, comme le nouvel ennemi intérieur, qu'il traite de «violeur » ... Ce qui vient de se passer est pour nous une injure à l'encontre de toutes les victimes des forfaits du nazisme, une insulte à l'endroit de tous ceux qui ont payé, au prix de leur vie les monstruosités que cette idéologie génère, que ce soit les victimes juives de la Shoah ou les Tsiganes ... C'est un jour triste pour la démocratie, en Autriche et en Europe. N'en déplaise à ceux qui brandissent l'expression démocratique du peuple autrichien, qui a voté pour près d'un quart pour Haider et le FPO, nous leur répondons clairement que la démocratie est un bien précieux, fragile, qui a besoin d'être protégé contre ceux qui veulent s'en servir pour mieux l'anéantir. L'Histoire est là pour nous rappeler ce qui est arrivé enjanvier 1933, lors de la prise de pouvoir du national-socialisme. Et hélas, l'appui objectif qu'ont apporté à Hitler les reculades successives des gouvernements occidentaux. On peut se féliciter des positions affirmées par les hautes autorités de notre République. Il faut aussi se féliciter de la déclaration de M. Guttierez, président du Conseil européen. Cependant, il faut aller plus loin, car les déclarations, aussi excellentes soient-elles, ne sauraient à elles seules endiguer le danger. La question des sanctions est devenue indispensable, car le gouvernement de coalition n'est pas compatible avec l'appartenance à l'Union européenne, et les valeurs qui la fondent. Ce qui se passe en Autriche représente un immense danger, dans la mesure où cette coalition peut concourir à banaliser l' expression politique du racisme et de la xénophobie, en ouvrant une brèche dans les murs de résistance bâtis par tous les défenseurs des droits de l'Homme. Il y a aussi, il ne faut pas les oublier, des hommes, des femmes, en Autriche, qui dans des conditions particulièrement difficiles luttent. Ils ont besoin de notre solidarité, pour affronter cette dure épreuve et organiser la résistance chez eux. Enfin, notre propre histoire du combat contre l'extrême droite en France, nous enseigne que les avancées de leur idéologie se fondent toujours sur nos reculs, et les renoncements aux combats en faveur de l'égalité, de la fraternité humaine et du respect des droits et libertés fondamentales. _ Halte à la barbarie en Tchétchénie Communiqué du Mrap du J 6 février - Les témoignages parvenus du Caucase ne laissent aucun doute: l'action de l'armée russe en Tchétchénie est un crime contre l'humanité. L'ampleur et la brutalité des exactions commises sont terrifiantes: la ville de Grozny est au trois quart détruite et nettoyée de ses derniers habitants, les blessés qui ne sont pas achevés restent sans soins et les survivants de tous âges, qui sont conduits dans des camps dits de « filtration », y subissent les pires tortures. Viols systématiques des hommes et des femmes, sévices destinés à produire des invalidités permanentes: la volonté de détruire et de dégrader rappelle les pages les plus sombres du 20· siècle. Contre cette barbarie, le MRAP exige: un cessez-le-feu immédiat; la fermeture des camps de filtration et la libération de ceux qui y sont détenus; que soit accordé à la Croix Rouge et aux organisations humanitaires le droit d'entrer et de travailler en Tchétchénie ; le gel de tous les accords financiers avec la Russie; L'ouverture d'une commission d'enquête internationale sur les crimes commis en Tchétchénie. (Le Mrap a appelé à la manifestation du 23 fé,;rier à Paris). , Editorial Le 3 février en Autriche, pour la première fois depuis la création de l'Union européenne, un gouvernement d'un pays membre comporte en son sein les tenants d'une idéologie qui a conduit aux pires monstruosités. Les 5 et 6 février à El Ejido en Andalousie, pourtant terre de rencontre des cultures méditerranéennes, des centaines de personnes qui se sont livrés à une véritable chasse aux Maghrébins dans les rues de la ville. Le 9 à Grenoble, Mme Shafia-Daoud, épouse d'un militant associatif, est séquestrée, violée puis lacérée au cutter, par des nostalgiques de pratiques de tortures de la guerre d'Algérie. Le lI, on apprenait qu'à Groszny, les blessés qui n'étaient pas achevés restaient sans soins. On nous annonce l'existence de camps dit \\ d'infiltration /1 où se pratiquent viols et tortures systématiques. Ces convulsions racistes révèlent que la volonté de détruire, de dégrader l'être parce que différent, est non seulement pensée idéologiquement, soutenue, mais aussi pratiquée. Bien sûr devant ces faits, le Mrap s'est joint à l'ensemble des protestations, par l'organisation de manifestations, rassemblements, déclarations ... Car tout silence serait générateur d'un danger: celui de leur banalisation. Ceci nous enseigne que tout assoupissement des défenseurs des droits de l'homme peut être extrêmement vénéneux pour les fondements de la démocratie, dont le racisme représente la négation absolue. Ces faits nous ramènent à la nécessité d'une vigilance permanentes; à redoubler plus que jamais d'efforts, pour agir sur ce qui génère ces monstruosités
- évidemment les causes économiques
et sociales, la perte de repères. Mais ce n'est pas tout. Cela impose un combat sans merci à l'endroit de tous ceux qui \\ collaborent ", de près ou de loin, avec les tenants de cette idéologie génératrice d'exclusion ethnique. Tout renoncement à l'égalité, à la fraternité, à la citoyenneté des droits et libertés fondamentales de chaque être humain, libère un espace pour les ennemis de ces valeurs. Mouloud Aounit Différences nO 216 mars 2000 3 MO(JVEMEN Commission TGV Un travail de longue haleine LE MRAP considère depuis de nombreuses années que le rejet des Tsiganes et gens du Voyage, sous prétexte de leur origine ethnique ou de leurs mode de vie et traditions, est une forme de racisme (1). Le génocide nazi a frappé les Tsiganes et les Juifs en tant que « races inférieures ». En France, dès 1939, la suspicion à l'égard des nomades, a conduit le gouvernement à les placer en camps d'internement. groupes parlementaires : le 5 mai dernier réunion publique « Accueil et habitat des gens du Voyage» organisée par le Conseil régional d'Ile-de-France ; le Il mai M. Besson, secrétaire d'Etat au Logement, invitait l'ensemble des associations concernées à une réunion TSIGANES C'est en 1978 que le Mrap décidait de créer une commission pour être plus attentif et plus offensif à l'encontre de ce racisme bien spécifique, tissé de très anciens préjugés, et traduit par un rejet aux multiples facettes. Cette commission, qui a maintenant atteint sa majorité avec 21 ans d'existence , se réunit un jeudi par mois et comprend plus de cent-vingt correspondants à travers la France: membres du Mrap, mais aussi représentants d'associations (associations tsiganes ou associations de solidarité qui oeuvrent en leur direction) . Nous échangeons des informations, et nous avons quelquefois le plaisir d'accueillir à nos rencontres certains de ces correspondants. Nous participons aussi à des réunions d'animation, comme à celles de l'Union Régionale des Associations pour les Gens du Voyage d'Ile-de-France. Le travail sur le projet de loi « Besson ». Depuis le mois de mai 1999, notre activité est très fortement polarisée sur le projet de loi Besson à propos de 1 'habitat et du stationnement des Gens du Voyage. Loi destinée à compléter l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, qui reste insuffisante et peu appliquée. Cet article faisait obligation aux communes de plus de 5 000 habitants d'aménager un emplacement d'accueil. Nous avons participé à un certain nombre de réunions officielles, auxquelles il faut ajouter nos interventions auprès des ministères et des 4 Différences nO 216 mars 2000 ET GENS DU VOYAGE QUELLE PLACE pour leur exposer le contenu du projet de loi « Accueil des Gens du Voyage» ; le 18 mai, c'est la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) qui nous invitait à une séance DANS LA SOCIETE? M.R.A.P. de travail; le 19 mai, nous rencontrions Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale et le 27 nous avons participé à une une réunion exceptionnelle d'une sous-commission de la CNCDH. Le travail au quotidien. Hélas, les manifestations de rejet ne manquent pas ,ce qui détermine notre intervention pour appuyer des actions de nos comités et lorsqu ' il s'avère nécessaire de remonter à l'échelon d ' instanses nationales. Ainsi nous avons écrit au ministre de la Défense pour signaler qu'un adjudant de gendarmerie a manqué à son devoir de réserve en distribuant à des communes des informations diffamatoires. Nous avons demandé au préfet d'interdire un panneau « interdit aux nomades ». Nous sommes intervenus auprès des pouvoirs publics pour qu'un statut soit donné aux Tsiganes roumains en situation de « clandestins institutionnels ». Nous aidons autant que possible nos comités et nos instances locales, mais il nous semble qu'ils ont du mal à prendre en charge les difficultés quotidiennes rencontrées par les gens du Voyage (manque de terrain d'accueil, difficultés de scolarisation, problèmes administratifs) et qu'ils peinent à mener des campagnes d'informations pour faire évoluer les mentalités des sédentaires vis-à-vis des CAHIERS lRt\IF.STRlELS • ~OUVELLE SERIE, ,,"' 1 lJ., llU"T SEPTE~l ftRë Il'IlSl . PRIX ~s F. 89. RUE OBERKAMPF 7~ O I O P" RIS Voyageurs, et c' est là le problème de fond. Quelques évolutions positives . Nos protestations ont, sans aucun doute, permis un changement d'intitulé dans le Journal officiel : jusqu'à 1991 il comportait une rubrique dont le titre amalgamait « nomades et vagabons ». C'est maintenant la rubrique « gens du voyage ». Voilà qui est impOltant pour l'évolution des mentalités. Les mises en garde émanant de gendarmes ou de commissaires formulées ainsi «Nomades et cambrioleurs », contre lesqueIles nous avons protesté à plusieurs reprises, se font rares. Un travail de longue haleine. Un rapport parlementaire sur la protection juridique de la jeunesse dit «rapport Menga» (2) consacrait quatre pages aux Tsiganes, et remarquait qu'« il s'agit d'un problème très ancien [ ... ] lié à la non-reconnaissance par les pouvoirs publics d'une identité culturelle propre ». Et l'on concluait à la nécessité «d'obtenir une évolution positive de l'image que se fait l'opinion publique des nomades en général ». Pouvoirs publics, opinion publique, problème de non reconnaissance. Nous sommes en présence d'un racisme honteux, qui le plus souvent n'ose pas dire son nom. On s'indigne bien sûr du génocide nazi, encore que les gens du Voyage aient souvent été oubliés, sans se rendre compte que c'est la pointe extrême de la non-reconnaissance d'un peuple, d'une communauté. Un racisme par omission. Il faut rester attentifs à ce qu'ils ne soient pas encore aujourd'hui les oublié,s de la lutte contre les exclusions . • Jean-Bertrand Bary (1) Voir Cahier de Droit et Liberté de 1981 : « Tsiganes et gens du voyage, queUe place dans la société? » (2) Cf. notre brochure« Ce que vous devez savoir » de 1984, un exemple: le droit des sols, un mode de vie non pris en compte LE 25 NOVEMBRE 1999, Matéo Maximoff décédait d'une crise cardiaque: il avait quatre-vingttrois ans. Dans une préface écrite en 1981 pour la réédition du livre« Le prix de la liberté », François de Vaux de Folletier résumait la vie mouvementée de l'auteur: de souche russe, Matéo naquit à Barcelone en 1917, d'un père Rom Kalderash et d'une mère manouche. Dés l'âge de trois ans, il était en France, où une partie de sa famille s'était établie avant 1914. En 1940, il est interné, à Gurs, dans les Pyrénées. Il en réchappe, mais plusieurs membres de sa famille ont péri à Auschwitz. Il travaille comme ouvrier en cuivre, dans la tradition Kalderash. L'écrivain: un précurseur. Issu d'un peuple de tradition orale, autodidacte, il écrit son premier livre alors qu' il n'avait pas trente ans, «Les Ursitory » (des fées dans la tradition rom, qui se trouvent au berceau d'un enfant), paru chez Flammarion en 1948. Puis les ouvrages se succèdent. Citons: « Le prix de la liberté »,« La septième fille »,« Condamné à survivre », « Savina », « La poupée de Mameliga »,« Dites-le avec des pleurs », « Ce monde qui n'est pas le mien ». Alors que ces Matéo Maximoff l'ami, le précurseur deux derniers ont un accent autobiographique, « Le prix de la Liberté» se situe au milieu du 14< siècle, en Roumanie, peu avant l'abolition de l'esclavage dans ce pays (1855), l'esclavage des Tsiganes remontant au 14e siècle. On y voit des esclaves qui, fuyant leur maître, deviennent des hors-la-loi, et conquièrent de haute lutte leur liberté. Mais, que l'action soit contemporaine et vécue par l'auteur, ou qu'elle remonte les siècles, Matéo demeure le hérault d'un peu- Par un décret du 27 août 1999, la Commission nationale consultative des gens du Voyage, qui avait déjà été créée en 1992 mais n'avait jamais vraiment fonctionné, a été ({ réactivée ». Elle comporte désormais outre des représentations de l'administration, des élus, et des représentants des gens du Voyage, des ({ personnalités qualifiées» qui sont en fait des représentants d'associations, soit quarante membres, dont René Neveu pour le Mrap. Rendez-yous le 8 mars L E 15 JANVIER, une manifestation rassemblait des milliers de femmes sur la place de la Bastille. 25 ans après la promulgation de la loi Veil qui légalisait enfin l'interruption volontaire de grossesse que tant de femmes pratiquaient d'ans des conditions clandestines et dangereuses, il s'agissait une nouveIle fois de rappeler que l'égalité des femmes et des hommes reste un objectif à atteindre notamment dans le domaine de l'emploi où le chômage et la précarité frappent les femmes plus encore que les hommes et en ce qui concerne la violence exercée à l'encontre des femmes. La loi Veil elle-même est en butte, comme on le sait, à de graves attaques. Les femmes étrangères et immigrées ont naturellement pris leur place lors de la manifestation du 15 avec le collectif « Femmes immigrées» du Mrap et d'autres associations. A ces femmes, le gouvernement français refuse les titres de séjour ou les leur attribue au rabais (de courte durée, excluant la possibilité de travailler). Ces femmes ont souvent quitté leur pays parce qu ' il leur devenait très difficile d'y vivre (menace de mariage forcé, statut de dépendance complète par rapport à la famille . .. ). Ici, elles sont contraintes de travailler souvent dans des emplois domestiques très isolants, elles sont totalement dépendantes de leur employeur et se heurtent à d'énormes difficultés , lorsqu 'elles font la demande de papiers, pour prouver leur présence en France. Mariées, leur situation dépend trop souvent de celle du mari. Elles ont d'énormes difficultés à obtenir un logement indépendant ; la justice leur est inaccessible; impossibilité d'être soignées ... Elles seront présentes de nouveau le 8 mars, journée internationale des femmes, dans la marche qui ira de l'Etoile au Trocadero, à partir de 18h30 .• Marianne Wolff pie méconnu et souvent persécuté
- non seulement comme écrivain -
et cinéaste - mais aussi par ses prises de parole et sa participation à de nombreux colloques ; c'est ainsi que j ' ai pu faire sa connaissance, alors que je représentais le Mrap, et il en est né une véritable amitié. En 1964, il devenait pasteur de l'Eglise évangéliste tsigane, ce qui lui conférait de nouvelles responsabilités, la participation à des Conventions nationales, européennes, mondiales, puis il se rendit en Inde, berceau de son peuple, d'après les traditions. Les adieux. Nous nous étions retrouvés nombreux pour fêter ses quatre-vingts ans à Romainville, nombreux encore pour ses obsèques, le 28 novembre dernier à la cérémonie religieuse évangéliste au funérarium de Montreuil, puis au cimetière de RomainviIle. Merci, Matéo, de ton oeuvre au service de tes frères tsiganes, mais aussi, pour nous, « gadgé », pour nous avoir aidés à connaître de l'intérieur l' histoire, la mentalité, la culture d'un « monde qui n'est pas le nôtre », pour reprendre le titre de ton dernier livre . • Jean-Bertrand Bary Augmenter le nombre de nos adhérents En 1999, le Mrap a perdu de nombreux adhérents. Beaucoup trop! C'est l'indépendance politique et financière de notre Mouvement qui est en jeu. Inverser cette tendance ne se décrète pas. Il est de la responsabilité de chaque militant, de chaque Comité local, d'aller à la rencontre de ceux qui ont pu s'écarter de nous. Que leurs raisons soient politiques ou accidentelles (changement de lieu de résidence, surcharge de travail, etc.), c'est à nous de faire la démarche qui pourra les inciter à ré-adhérer. Il est de la responsabilité de chaque militant, de chaque Comité local, de convaincre ceux qui partagent nos idées de nous rejoindre. Extême-droite en Autriche, crimes contre l 'humanité en Tchétchénie, ratonnades en Espagne, discriminations quotidiennes en France, quelques jours d'actualités suffisent à confirmer à quel point un Mrap fort - fort du nombre de ses militants-, audacieux et déternlÎné, est indispensable. Rappelons enfin , qu ' au regard de nos partenaires, c' est en particulier à l'aune du nombre de nos adhérents qu'est jugée notre capacité à influencer le cours des événements. J ean-Etienne de Linares Différences n° 216 mars 2000 5 OS E Entre New York et Porte des Lilas LE TRAITEMENT administratif imposé aux populations tsiganes en Europe anticipe toujours les évolutions générales sur les questions sensibles de la citoyenneté et de la libre circulation. La prise de conscience de la destruction inéluctable des ordres nationaux antérieurs affole une opinion publique légitimement inquiète des dérégulations provoquées par l'ouverture des marchés et amène les idéologies de replis nationalistes au pouvoir. Mais on aurait tort de croire archaïques ces formes politiques. Elles sont, au contraire, très modernistes car elles veulent entreprendre une requalification de la citoyenneté nationale pour s'armer contre les dangers de la libre circulation. L'angélisme habituel aux esprits démocratiques ne peut que conforter ces dangereux raidissements nationaux. Les discriminations juridiques et sociales à l'encontre des Tsiganes, qui se manifestent dans tous les pays européens, reposent surun grave malentendu. Les Tsiganes sont, en effet, pris sous les feux croisés d'une double perception qui n'a rien à voir avec les réalités, certes multiples mais autres, de ces populations. Ils sont perçus à la fois comme une minorité transnationale qui se jouerait à son gré des frontières et comme une population stagnante et prolifique incapable de s'adapter à la modernité. Les Affaires sociales oscillent entre le mépris normatif et l'indifférence. Les polices, qui ont une mémoire administrative très stéréotypée, les imaginent toujours comme au temps où les gendarmes chassaient des « voleurs de poules ». Les municipalités cèdent aux pressions d'une opinion locale de plus en plus intolérante. Or le problème essentiel du monde tsigane français, - Manouches d'Auvergne et d'Alsace, Catalans du midi, Roms de la région parisienne et tous les autres -, vient précisément de la disparition progressive du monde rural et populaire dans lequel les familles avaient trouvé un emacinement depuis l' Ancien Régime jusque dans les années soixante. 6 Différences n° 216 mars 2000 Sans vouloir systématiquement idéaliser une manière de vivre, il faut bien admettre que les stéréotypes n'ont rien à voir avec les réalités. Comment cerner les réalités très diversifiées du monde tsigane? Les Tsiganes forment des communautés familiales multiples qui ont cherché, à travers le temps et l'espace, les conditions d'un enracinement local qui ne soit pas destructeur de l'identité collecti - individualisée, n'aurait jamais du être bloquée par les administrations car elle assure la stabilité sociale et morale de l'ensemble du groupe et les conditions d'une vie matérielle essentielle à cette stabi lité. Mais les textes réglementaires, en voulant faire rentrer des gens si variés dans des catégories juridiques uniques, ont corrompu la souple régulation que les familles exerceraient par elles-mêmes. Il est loin le temps où une Europe plus tolérante, plus dynamique et plus voyageuse ne contrôlait que Sur la route en Roumanie en avril 1994 ~ pour mieux laisser passer ces campements de tentes singulièrement exotiques de Tsiganes dits orientaux venus vers 1860, ou bien acceptait de partager avec des « Bohémiens» un compartiment de voyageurs de troisième classe encombré d'enfants et d'ustensiles en tout genre, quelquefois complété d'une ménagerie pour distraire un public paysan, plus curieux que véritableve profonde. Celle-ci repose sur la capacité d'assurer à la fois la perpétuation du groupe et sa relative autonomie. Toutes sortes de formules peuvent favoriser cette détermination à demeurer ce que l'on est. Mais l'essentiel ne se laisse pas appréhender par les catégories de la sociologie, de la psychologie ou même de l' Histoire. Les communautés ne sont pas des éléments fixes déterminés par un unique trait culturel, l' origine géographique, la langue romanesque, l'exercice de certaines professions ou le voyage. La communauté est formée de personnes qui s'entre-connaissent et peuvent grâce à cette culture sociale assurer le devenir de leurs membres. Tel gamin de la porte des Lilas sait que de la famille l'attend à New York ou en Australie. Il saura parfaitement circuler en Europe ou dans le monde si le besoin s'en fait sentir. Il pourra aussi se contenter d'arpenter sa banlieue, si les conditions économiques et sociales lui permettent de demeurer sur place. Cette circulation toujours discrète et remarquablement ment inquiet. Même les tentatives de discriminations légales comme l'obligation faite, après 1912, aux «nomades » en France de porter un carnet anthropométrique n'émouvait pas particulièrement les chefs de famille. Après la destruction familiale entreprise par les Nazis et leurs épigones d'Europe centrale et orientale, on aurait pu penser que les démocraties de l'Ouest laisseraient les familles décider de leur destin, à condition de respecter quelques règles communes. C'était compter sans les pratiques de plus en plus normatives de l'assistance sociale et éducative. A présent, les familles tsiganes sont à la croisée des chemins. La seule façon de les aider serait de comprendre et de respecter leurs capacités d'autonomie. Il n'est pas donné à tout le monde d'avoir su traverser les siècles en restant soi-même. Il serait dommage que par bêtise, l'Europe perde l'une de ses plus authentiques cultures . • Henriette Asséo, historienne LA GRANDE DIVERSITÉ des gens du voyage en France s'oppose à une défi nition unique de ces communautés différant par leur mode d'habitat, leurs activités, leurs références culturelles. Les textes ou études parlent indifféremment de gens du 7 voyage, appellation en rapport avec un genre Ja . de vie, ou de Tsiganes, en lien avec leur origine ethnique. Sédentarité et itinérance sont les deux aspects d'une même réalité, les modes de vie sont tributaires, d'une part des con- 1 traintes économiques, d'autre part de l' adaptation à la région dans laquelle on vit. Trois groupes principaux séjournent en France, tous descendants historiques de populations originaires du Nord de l'Inde : les Manouches, ou Sinti, pratiquant souvent l'habitat en caravane, parfois fixés, parfois voyageurs, leurs itinéraires correspondant à des activités saisonnières, des rencontres culturelles ou des rassemblements religieux; les Roms qui sont arrivés d'Europe centrale par vagues migratoires successives. Certains sont sédentaires, comme par exemple en région parisienne, d'autres sont nomades, voyageant à travers la France, l' Italie, l'Allemagne ou la Belgique; les Gitans, vivant essentiellement dans le Sud de la France. Ils sont le plus souvent sédentarisés dans la périphérie des villes en habitat social ou précaire. Il est difficile de parler de statistiques concernant cette population, dont plus de 90 % possède la nationalité française, car l'origine ethnique ne peut apparaître dans un quelconque recensement. Certaines estimations sont déduites du nombre des titres de circulation, ou des cartes permettant l'exercice d'activités non-sédentaires, tout en sachant que leurs titulaires ne sont pas tous des Tsiganes. De la même façon, le nombre de personnes vivant en caravane ne prend pas en compte ceux qui sont sédentarisés et fixés dans un lieu. Les chiffres avancés font état de 200 000 à 400 000 personnes. Le statut juridique. Deux textes importants fondent ce statut juridique, la loi du 3 janvier 1969, réactualisée en 1985, qui fixe le statut personnel de ceux qui sont sans domicile fixe, et la loi du 31 mai 1990, dite « loi Besson », qui réglemente les conditions d'accueil des gens du voyage dans les communes de plus de 5 000 habitants (1). La loi de 1969 a été votée afin de « mettre fin à une grave injustice envers les nomades ». Elle institue, en remplacement du fameux carnet anthropométrique de la loi de 1912, des titres de circulation. Toute personne sans domicile fixe doit avoir en sa possession un titre de circulation tu OEl Lü 0:: frn ~ c 'Q") --, Tsiganes, peuple mosaïque Discriminations à la française soumis à visa, défini en fonction de l'exercice d'une activité ambulante (livret spécial de circulation), ou de la justification de ressources régulières (livret de circulation). Les personnes qui n'ont ni profession reconnue, ni ressources sont dotées d'un carnet de circulation, qui doit être visé trimestriellement. Toute personne qui sollicite la délivrance d'un titre de circulation doit choisir une commune de rattachement. Notons dans cette loi une discrimination juridique particulièrement choquante, l'obligation de trois ans de rattachement ininterrompu à une commune pour avoir le droit de voter! La loi Besson demande d'établir un « schéma départemental d'accueil des gens du voyage» et rappelle que toute commune de plus de 5000 habitants doit aménager une aire de stationnement permettant le passage et le séjour des gens du voyage et prenant en compte la scolarisation des enfants et l'exercice d'activités économiques. Dès la réalisation de cette aire, le maire pourra alors interdire le stationnement des voyageurs sur le reste du terri toire communal. Cette réglementation se combine avec certaines prescriptions du Code de l'urbanisme et du Code de la Route qui réglementent de manière très limitative le stationnement des caravanes. Ainsi, malgré la reconnaissance du droit d'aller et venir comme liberté publique à fondement constitutionnel, les possibilités de stationnement restent limitées par des conditions très strictes, et les communes mettent rarement en place une réelle politique d'insertion. Un projet de loi est actuellement en discussion au Parlement. Face au bilan décevant de la loi du 31 mai 1990, le secrétaire d'Etat au logement, Louis Besson, a cherché à répondre de manière plus concrète aux problèmes et à améliorer le dispositif législatif. Ce projet pose le principe que toutes les communes doivent participer à l'accueil des gens du voyage et promet des engagements financiers nécessaires à l'exercice de cette solidarité nationale, dont l'Etat se doit d'être le garant. Mais à partir du moment où les communes auront rempli leurs obligations, les maires pourront interdire par arrêté le stationnement des caravanes sur le reste du territoire communal. Ce projet de loi prend en compte l'aménagement d'aires familiales, ainsi que la réalisation de logements pour sédentarisés. La discussion au Sénat qui a eu lieu tout dernièrement, en février 2000, sur ce projet de loi tend à renforcer le pouvoir des maires en prévoyant des procédures d'expulsion accélérées contre les nomades en stationnement irrégulier, quand la commune dispose d'une aire d'accueil. Il est regrettable que les contradictions juridiques qui existent autour de la caravane n'aient pas été levées, à l'occasion de l'élaboration de ce texte. La caravane est reconnue comme domicile par le code de l'urbanisme qui parle implicitement des gens du voyage en désignant des « utilisateurs dont la caravane constitue l'habitat permanent» (art. R 443 -4), ou encore par lajurisprudence administrative qui rappelle que les voitures des itinérants constituent leur domicile dont l'inviolabilité est consacrée par l'art. 184 du Code pénal. Mais, paradoxalement, elle n'est pas redevable de la taxe d'habitation et elle n'est pas reconn ue comme logement social donnant droit à des aides. Une difficile intégration. Force est de reconnaître que les Tsiganes et gens du voyage sont perçus le plus souvent sous des aspects négatifs: pauvreté, assistance, analphabétisme. Ils apparaissent aux collectivités locales comme une charge financière, d'autant plus qu'ils sont jugés incapables de s'intégrer à la vie collective. Le rapport Delamon réalisé en 1990 à la demande du Premier ministre de l'époque dresse un panorama de la situation précaire des gens du voyage. Il rappelle que l'objectif à atteindre serait une intégration signifiant « l'accès à l'égalité des droits sans atteinte à un mode de vie librement choisi» (2). Actuellement, les entraves administratives se multiplient, et l'on constate de nombreuses pratiques discriminatoires dans tous les domaines, scolarisation, emploi, formation, protection sociale. La Commission nationale consultative des gens du voyage, qui vient d'être réactivée par un décret du 27 août 1999, réunissant des représentants des ministères, des gens du voyage, des élus, et d'associations qualifiées va-t-elle pouvoir aller plus loin que la« consultation » et mettre en place des propositions en vue d'améliorer leur insertion et leur accès à une réelle citoyenneté? • Jacqueline Charlemagne Laboratoire de sociologie juridique Paris II, CNRS (1) Loi n° 69-3 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France, sans domicile ni résidence fixe (JO 511/1969). Loi n° 90- 449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement (JO 2/6/1990). (2) Delamon A., « La situation des gens du voyage et les mesures préconisées pour l'améliorer », Rapport de mission au Premier Ministre, 1990. Différences n° 216 mars 2000 7 DOS Mémoire nomade Silence, on oublie 1 Mathieu Pemot est photographe. Après avoir découvert l'existence d'un « camp de concentrat ion pour nomades » à Saliers près d'Arles, il a exhumé de nombreux documents d'archives puis tenté de remonter jusqu'aux témoins et survivants de ce camp. Malgré leur refus de sacraliser la mémoire collective, les familles tsiganes l'ont aidé dans sa tâche. Un impressionnant travail de mémoire et d'Histoire qui devrait donner lieu à la publication d'un livre et à la réalisation d'une exposition. Un article intitulé « Les mémoires nomades» doit paraître dans le prochain numéro de la revue Etudes tsiganes. M. Pemot a bien voulu nous communiquer le témoignage de Germaine Campos. LES ALLEMANDS nous ont pris à « Meysse dans l'Ardèche. Les gendarmes sont venus nous chercher dans notre maison. Ils nous ont dit qu'ils nous mèneraient dans un pays où nous aurions des maisons et dans lequel nous serions bien nourris. Alors, nous sommes allés au camp de Barcarés, puis à celui de Rivesaltes. Nous sommes restés presque six mois dans ce camp. Nous étions mélangés avec d'autres personnes qui n'étaient pas gitanes. Et puis un jour, ils ont pris des hommes chez nous pour les emmener à Sali ers y construire les maisons. Parmi eux, se trouvaient mon père et mes deux frè res. Au bout d'un certain temps, comme on ne les avait pas vu depuis longtemps et qu'on se faisait du souci pour eux, je me suis échappée du camp de Rivesaltes avec ma mère pour aller les voir. Nous avons pris le train jusqu'à Nîmes et sommes allés à Saliers. Nous sommes restés une nuit dans ce camp avec mon père et lorsque le chef du camp nous a trouvé le matin, il nous a obligé à repartir à Rivesaltes. Et puis, quelques mois après, lorsque le camp de Sali ers était construit, on est venu nous chercher et avec des camions on nous a emmené à la gare. Monsieur Pelet, le directeur 8 Différences nO 216 mars 2000 ., 1 " , tf ' La famille Campos photographiée en 1932, Cette famille a successivement été internée au camp de Rivesaltes, Saliers et Gurs. Une des filles, Antoinette, décédera au camp de Saliers. Le père ainsi que l'un des fils, Pascal, décéderont peu de temps après leur sortie des camps. du camp nous a accueilli et nous avons pu retrouver notre papa et nos deux frères . Chaque famille était regroupée dans les petites maisons en chaume. Nous étions treize de la famille dans la baraque 25. Par la suite mes frères ont été mis au travail obligatoire au camp d'Istres. Mon père, ma pauvre soeur et ma tante travaillaient en cuisine avec Monsieur Sevolli qui était le cuisinier et qui venait de Saint-Gilles. Moi,je devais faire le service pour les gardiens, les infirmières et le commandant du camp. Cela faisait plus de trois tables à faire pour chaque repas. Nous étions des misérables dans ce camp. On mangeait des épinards plein de terre et une fois, on a même trouvé un rat dedans. Je me souviens qu'un jour nous sommes allés dans un restaurant à Saint Gilles ou les Allemands allaient habituellement manger pour y récupérer des épluchures de pomme de terre. Mais quand ils nous ont vu, ils ont fait exprès de marcher sur ces épluchures pour que nous ne puissions pas en manger. Nous étions traités comme des chiens là-dedans. Ma petite soeur Antoinette est morte dans le camp, elle avait neuf ans. Un de mes frères est également mort peu de temps après les camps tellement il y avait été maltraité. Une fois par semaine nous allions à Saint-Gilles, Albaron ou au village de Sali ers pour chercher du bois. Nous étions toujours accompagnés par trois ou quatre gardiens. Pour avoir cent grammes de pain en plus par jour, ils nous faisaient travailler. Dans ce camp, il y avait des gens qui étaient pas comme nous. Il y avait des hongrois et des manouches. Nous, les Espagnols, on restait en famille et on ne s'occupait pas des autres. Et puis un jour, on nous a fait partir du camp parce que nous avions eu des problèmes avec d'autres internés. On nous a envoyé à Gurs mais on n'est pas resté très longtemps là-bas. Trois ou quatre mois je crois, jusqu'à ce qu'un jour, un chef du maquis vienne dans le camp. Il était espagnol et est venu à notre rencontre. Je me souviens qu' il avait une jambe en bois. Ils nous a demandé si nous aussi nous étions espagnols et, lorsque nous lui avons répondu que oui, il est allé voir le chef du camp de Gurs pour lui dire que si le lendemain nous n'étions pas sortis du camp, il le pendrait au mât du camp. Le lendemain, un groupe du maquis est donc venu nous chercher en camion et nous nous sommes tous échappés du camp. » • Germaine Campos .. 1 Tsiganes, peuple mosaïque La priorité à l'école L'ÉCOLE est devenue un enjeu fondamental dans l'avenir culturel, social et économique des communautés tsiganes. Les parents en sont conscients et la volonté de scolarisation s'accentue. Une étude menée par le Centre de recherches tsiganes en 1984 et 1985 dans les Etats de la Communauté européenne a montré qu'environ 30 à 40 % des enfants tsiganes fréquentaient l' école avec quelque régularité; la moitié n'était jamais scolarisés; un très faible pourcentage atteignait et dépassait le seuil de l' enseignement secondaire ; les résultats, notamment 1 'u~:, ~p (W :~':-'~-<~ de la lecture et de l'écriture, n'étaient pas en rapport avec la durée présumée de la scolarisation; le taux d'analphabétisme chez les adultes dépassait souvent 50 %, et atteignait 80 % dans certains endroits, voire 100 %. Depuis, l'évolution reste lente. La situation scolaire d'un groupe culturel est à replacer dans l'Histoire et dans le contexte politique du moment. En conséquence, il convient de ne pas prendre les effets d'une situation globale (conflits, inhibitions, manque d'intérêt, absentéisme .. ) comme les causes d'un échec scolaire. Tant que resteront conflictuelles les relations contre les communautés tsiganes et celles qui les entourent, les relations des parents et des enfants tsiganes avec l'école resteront largement déterminées en fonction du profil négatif de ces relations. Héritière de siècles de négation de la culture tsigane, la situation est très dégradée. Le rejet, sous diverses formes, est encore un élément dominant des relations entre les Tsiganes et leur environnement immédiat. Les tensions ont rapidement tendance à s'exaspérer en antagonismes et en conflits, surtout dans les périodes (comme aujourd'hui) de difficultés économiques et de chômage. L'école doit jouer un rôle important d'éducation des différentes communautés en vue de leur reconnaissance et de leur respect mutuels. Cette contribution, qui fait partie de la vocation de l'institution scolaire, peut permettre une prise en compte et une valorisation des pratiques éducatives et culturelles tsiganes, et de rompre le cycle de transformation des tensions en conflits. Politiquement, nous sommes dans une période d'indécision. L'échec des tentatives d'assimilation, qui n'ont mené ni à l'intégration postulée ni à l'adaptation dans la coexistence sereine des communautés, entraîne et la recherche de nouvelles formules, notamment dans le domaine scolaire, pour répondre à la multiculturalité qui se développe dans les écoles de la plupart des Etats d'Europe. Des mesures, répondant à un projet d'éducation interculturelie, ouvrent la voie à de nouvelles pratiques Lydia Falck de l'ANTEPS L'Association nationale tsigane d'enseignement et pédagogie scolaire (ANTEPS) a vu le jour au début des années quatre-vingt dix. Cette association a pour but principal de venir en aide aux enfants du voyage et assimilés, en facilitant leur scolarisation dans les écoles de la République et en y associant les familles. Elle est née de la volonté d'une mère de famille tsigane, Lydia Falck (1) qui voulait aider ses enfants dans leur difficile adaptation à l'école française. Elle-même non scolarisée, il lui fallait rompre le cercle de l'échec et de l'exclusion. Pour s'impliquer dans leur scolarité, elle devient déléguée de parents d'élèves mais se heurte à un mur d'incompréhension face à un système qui lui est étranger. Dans le même temps, Madame Falk réalise que c'est l'ensemble de la communauté tsigane qui traverse ces mêmes difficultés d'adaptation ~ l'école « gadje ». Elle se tourne alors vers sa mairie et élabore un projet éducatif qui prendra forme au travers de l' ANTEPS. Avec sa fille aînée et deux de ses nièces, Lydia Falck entreprend d'étudier en passant le Certificat de formation générale et en suivant une formation pédagogique à l'accompagnement scolaire. Ces études achevées, chacune prend en charge quelques enfants, un ou deux au début, dans la famille proche. Les résultats s'avérant satisfaisants, l'expérience se poursuit et s'étend. Aujourd'hui, trois monitrices se répartissent quotidiennement en moyenne vingt-cinq enfants. Les activités se sont diversifiées, de l'aide aux devoirs et soutien scolaire à l'aide aux parents par l'alphabétisation, des informations sur l'inscription au CNED et sur le déroulement de la formation, en passant par la défense des enfants contre toute forme de qui supposent une valorisation des éléments des différentes cultures en présence, et s'appuient sur les capacités et l'expérience de chaque enfant. A la suite de l'étude mentionnée ci-dessus, les ministres de l'Education de l'Union européenne ont adopté, en 1989, une importante Résolution concernant la scolari- Tsiganes ct Voyageu [ ::> Education - FormaI ion Jeunesse sation des enfants tsiganes et voyageurs. La mise en oeuvre de ce texte a conduit au développement de nombreux projets-p ilotes, par exemple pour la formation et l'emploi de médiateurs tsiganes, l' enseignement à distance, la production de matériel pédagogique, etc . Un bulletin d'information existe au niveau européen, Interface, une collection de textes, des équipes de recherche ... Les communautés tsiganes sont clairement mentionnées dans le nouveau programme en matière d'Education de l'Union européenne. Le Conseil de l'Europe développe aussi de nombreuses activités dans ce domaine, et l'ensemble de ces initiatives, menées en coopération avec les Etats membres de ces institutions internationales, induisent un mouvement d'action et d'innovation qui prend de l'ampleur et tend à se consolider. • Jean-Pierre Liégeois, directeur du Centre de recherches tziganes racisme à l'école. Plus globalement, il s'agit de mettre en synergie l'école, la famille, les enseignants, les mairies et toutes les structures publiques concernées par la scolarisation des gens du voyage. L'enjeu pour ces jeunes enfants est d'acquérir un comportement scolaire pour une meilleure intégration à l'école primaire et pour acquérir une plus grande confiance en eux-mêmes. Ces habitudes scolaires ne peuvent se prendre sans l'aide de la famille, il est donc indispensable de travailler en partenariat avec elle. Il semble que le message passe
- Lydia Falk, qui est par ailleurs membre de la
Commission national consultative des gens du Voyage, reçoit des appels de toute la France, provenant des familles demandant un conseil, une aide, une information ... Il est important que la démarche de scolarisation se fasse par la communauté tsigane elle-même. Ainsi, l' action des personnes, issues de cette communauté, se répercute immédiatement dans leur vie familiale . • Claire Giraud Différences nO 216 mars 2000 9 ru .Q .~ rU) ~ c cu DOSSI Les institutions internationales: un espoir pour les Tsiganes LES INSTITUTIONS internationales, hors du contentieux séculaire qui marque les relations entre les pouvoirs publics ou les collectivités locales et les Rom, ont à la fois le pouvoir et la responsabilité de faire avancer des politiques novatrices. Elles en ont aussi la vocation, car en tant qu'institutions internationales, elles rencontrent la transnationalité de fait des communautés rom. Simplement un indicateur de l'évolution de leurs activités: le nombre des textes qu'elles ont adoptés. En 1994, dans la Collection européenne Interface publiée par le Centre de recherches tsiganes sur des questions concernant les Rom, nous avons diffusé le recueil des Textes des institutions internationales concernant les Rom. Cet ouvrage comportait alors 89 documents (liste arrêtée à fin 1993) concernant explicitement les Rom. Nous nous apercevons que le nombre de documents a presque doublé aujourd'hui; autrement dit depuis que les institutions internationales ont adopté des textes concernant les Rom,jusqu'à fin 1993, le nombre des textes a été de 90 environ, et depuis 1994 soit en 6 ans, leur nombre est presque aussi important. Romeurope LORSQU'EN 1992 des populations Roms migrantes de Roumanie s'installent sur des terrains insalubres dans la banlieue nord de Paris, Médecins du Monde France crée une « Mission tsigane» pour répondre aux besoins spécifiques de ces populations. Elles vivent dans une extrême pauvreté sur des terrains sans eau ni électricité, sans papiers et sans couverture sociale. Les enfants ne sont pas scolarisés, et les expulsions fréquentes Mission de Médecins du monde à Saint-Quen Au-delà des textes, on s'aperçoit que l'Union Européenne, le Conseil de l'Europe et l'OSCE ont au cours de ces dernières années intensifié leur travail et multiplié les actions concernant les Rom. On s'aperçoit aussi que maintenant les efforts commencent à porter leurs fruits de façon concrète et visible (nombre significatif de projets, d'acteurs impliqués, diffusion des rapports, extension de l'information, sensibilisation des administrations, etc.). Mais ces efforts doivent toujours être soutenus, dans des conditions souvent difficiles, pour que les effets positifs ne retombent pas. Le mouvement a été lancé avec une forte dominante mettant une priorité sur les questions scolaires, fondamentales certes, mais non suffisantes. Aussi est-il très important de noter qu'un mouvement plus large s'est dessiné depuis le début des années 1990. Ce mouvement se caractérise par quatre orientations
1 / une intensification des réflexions et de la volonté de les voir déboucher sur des actes concrets, en ce sens que dans les domaines où un mouvement était lancé il tend à être obligent à l'errance ces populations sédentaires dans leur pays d'origine. Progressivement, à travers la Mission tsigane située à Gennevilliers, Médecins du Monde France acquiert des compétences et une expérience dans le suivi médical et la connaissance des Roms. La volonté de partager ces expériences conduit l'association à élaborer un partenariat avec la Grèce et l'Espagne qui sont confrontés à la même problématique. Ainsi naît le réseau Romeurope qui s'est élargi depuis 1999 à l'Italie, à l'Allemagne et au Portugal. Depuis, il est soutenu finan cièrement par la CommissIOn européenne. La finalité du projet consiste «à élaborer développé et consolidé, et que dans les domaines où tout était en gestation des impulsions se font sentir; 2/ une diversification des secteurs: si l'Education reste une priorité, les efforts s'appliquent aussi davantage à des domaines tels que les questions d'accueil par les collectivités locales, les questions sociales, les questions juridiques et économiques, celles des droits de l'homme, etc. 3 / une concertation des acteurs, en ce sens que de plus en plus les organisations rom sont considérées comme des partenaires par les organisations internationales et doivent pour cela se positionner aussi au sein des dynainismes rom, quand des procédures de consultation se développent; concertation aussi et collaboration entre institutions internationales, chacune ayant un profil et une vocation qui lui sont propres; 4 / une consolidation des connaissances, par un soutien technique qui pourrait être à même de favoriser la recherche ou recherche-action, l'organisation et l'articulation des actions, la diffusion organisée des connaissances. Jean-Pierre Liégeois des programmes de promotion de la santé répondant aux attentes et aux besoins des populations roms migrantes en situation de grande exclusion en Europe ». Pour répondre aux attentes exprimées (1), il conviendrait d'intégrer la santé dans un vaste programme. Ces populations demandent d'abord et avant tout à être reconnues comme des personnes humaines et d'avoir accès aux droits fondamentaux: papiers, travail, logement, éducation et santé . • Claire Giraud (1) Voir le rapport de Farid Lamara de Médecins du Monde, rendu public en juin 1999 Crédit photos de la page de couverture, de gauche à droite en partant du haut 1 : Interface/Centre de recherches tsiganes n° 28 nov. 97. 2, 6, 9, 10, et 12 : Eric Gourlan. 3 : Jean Loustalot Interface-CRT n° 29 fév 98. 4 : CristinaSalvador Interface/CRT n° 28 nov 97. 5 : Diane Tong Interface/CRT n° 29 fév 98. 7: Christophe Goussard Interface/CRT n° 33 fév 99. 8, 11, 13: Jean-Yves Treiber ~ ~------------------------ l 0 Différences n° 216 mars 2000 • losque Pour en savoir plus sur les Tsiganes Migrations Société, vol. 11, nO 63, mai-juin 1999 - Dossier« Les Roms : migrations et accueil ». Migrations Société est la revue du CIEMI - 46, rue de Montreuil, 75011 Paris L'appréhension sécuritaire et communautaire des minorités tsiganes en Europe, accentuée par l'État moderne et les nationalismes, renvoie depuis plusieurs siècles ces groupes à leur errance. Jacqueline Charlemagne (Etudes tsiganes) et Alain Reyniers, coordonateurs du dossier, démontrent une fois encore leur capacité de synthèse et de vulgarisation. Il évoque la première grande vague migratoire (13 e-14e siècles) et l'installation de « princes des Gyptes » et rappelle les spécificités sociales contemporaines: sédentarisation forcée, relégation sociale et géographique dans la plupart des pays de l'Est; contrôle croissant au sein de l'Union, où la mobilité devient moins physique que culturelle et symbolique, alors que les niches d'activités alternatives (emplois saisonniers, commerce itinérant, forains) se réduisent, quand elles ne sont pas occupées par d'autres. Les migrants doivent supporter ce double étiquetage - négatif - d'immigrés et tsiganes, qui en font une catégorie de migrants à part, avec un traitement spécifique. Pourtant, les articles de G. Atanasovski sur les Roms de Macédoine et d'l. Boev pour la Bulgarie rappellent qu'il s'agit d'abord d'émigrés comme les autres, sinon plus pauvres.« Ordre sécuritaire européen et migration Est-Ouest: l'Europe face aux migrations », un article signé Jacqueline Charlemagne, résume efficacement l'appareillage répressif en développement dans l'Union. Enfin et hors dossier, signalons les mises au point de Philippe Farine« Vers une « autorité indépendante» de lutte contre les discriminations? » et d'Antonio Perotti « Racisme, xénophobie et intégration : réalité et propositions », au total une bonne introduction à la campagne contre les discriminations. Laurent Canat D Les Tsiganes, Henriette Asséo, Collection Découvertes Gallimard, 1994 D Roma, Tsiganes, Voyageurs, Jean-Pierre Liégeois,Conseil de l'Europe, 1994 D Minorité et scolarité: le parcours tsigane, Jean-Pierre Liégeois Centre national de Documentation pédagogique, CRDP MidiPyrénées, Collection Interface, 1997 o Intelface, Bulletin d'information trimestriel publié par le Centre de recherches tsiganes, dans le cadre de la mise en oeuvre de la Résolution du Conseil et des ministres de l'Education du 22 mai 1989, concernant la scolarisation des enfants tsiganes et voyageurs; disponible sur demande auprès du Centre de recherches tsiganes, 45 rue des Saints-Pères - 75270 - Paris cedex 06 D «Tsiganes et gens du voyage », Jacqueline Charlemagne Regards sur l'actualité, nO 255, novembre 1999, Paris, La documentation française D La revue Etudes tsiganes et son centre de documentation Etudes tsiganes 59, rue de l'Ourcq, 75019 Paris, T: 0140 351217 D Les Tsiganes, Mathieu Pernot, Actes Sud, 1999 Siège social de l'ANTEPS : 34, Sentier de la Jarrie, 93370 Montfermeil T : 01 43 32 06 40 Jeunes de France. Racismes et discriminations dans les domaines de la police, la justice et la prison. Ce texte de trente pages élaborée par la Commission Immigration du Mrap est consacré aux comportements racistes et discriminatoires des administrations policière, juridique et pénitentiaire et au laxisme des parquets à l'encontre de tels actes. Il n'en est pas de meilleures preuves que les condamnations dérisoires d'auteurs de « bavures » policières rendues ces vingt dernières années. On ci tera pour exemples les cas, parmi tant d'autres, du CRS Taillefer, meurtrier de Lahouari BenMohamed à Marseille le 18 octobre 1980, et condamné le Chronique d'un combat inachevé, co-édité par le Mrap et Le Temps des Cerises, est toujours en vente au siège du Mrap. Format album: 21 ,5 x 30,5 cm, 144 pages, iconographie riche et variée Cet ouvrage reste d'actualité. Les comités locaux qui organisent des activités pour en assurer la promotion peuvent inviter les auteurs (en s'adressant à Laurent Canat). Outre les qualités de ce travail collectif, sa rédaction et sa fabrication ont demandé un important investissement financier. Il faut le lire et le vendre. N'hésitez-pas. 25 septembre 1987 par la Cour d'Assises d'Aix en Provence à dix mois de prison, dont quatre avec sursis ou du brigadier Lapeyre, condamné en février 1987 par la Cour d'Assises de Versailles à un an de prison avec sursis (coup de feu le 4 février 1983 à Chatenay-Malabry ayant entraîné la paralysie à vie de Nacer M' Raidi). Tout aussi inquiétant le zèle de l'aministration pénitentiaire à placer au « mitard» pour rai sons « disciplinaires» certains détenus, alors que cette mesure est la cause principale du nombre inquiétant de suicides en détention. Une synthèse de qualité et un outil de travail pertinent. Thierry Pinsard Shalom, Salam - Un combat pour la paix au ProcheOrient, Ed. Salvator Une agréable autobiographie qui permet de suivre l'itinéraire d'une femme née d'un père roumain moitié juif et moitié tsi gane, qui n'a cessé d'écrire et de chanter pour le rapprochement des Juifs et des Arabes, des Israéliens et des Palestiniens. Et cela, bien avant que l'on ne parle de paix et de reconnaissance mutuelle ... Al' occasion de la remise de la Légion d' honneur à Sara Alexander, le Mrap s'associe à la cérémonie qui se déroulera, en principe, le 28 mars à Paris. Différences n° 216 mars 2000 l l Actualités ÉChOS • Le bulletin Informations syndicales antifascistes (ISA), édité par la commission syndicale de Ras t'front, consacre Irois pages de son édition de janvier à l'offensive an!i 35 heures de la presse d'extrême droite: Présent comme National Hebdo tirent à boulels rouges sur les nouveaux droits acquis par les salariés et contre les patrons qui ne s'opposent pas avec suffisamment de force à la réduction du temps de travail - ISA : BP 241-16 75765 Paris Cedex 16 Fax 0148366633 E-mail isacom@worldnet.fr • A Marignane, au mois de décembre, une jeune femmes visite un appartement pour une location annoncée dans un journal gratuit. Elle revient avec son conjoint pour une seconde visite qui se déroule celle foisci en présence du propriétaire. Tout va bien mais une heure plus tard, coup de téléphone de l'agent immobilier: le propriétaire a changé d'avis. Celui-ci affirme avoir subi des pressions de la part des copropriétaires. La jeune femme tente de porter plainte mais le fonctionnaire civil du commissariat refuse d'enregistrer sa plainte. Elle prend contact avec le Mrap et la plainte est enfin acceptée. Les copropriétaires qu'elle va rencontrer démentent catégoriquement les propos évoquéS par le propriétaire. La jeune femme occupe l'appartement et retire sa plainte. • Dénouement de l'affaire de discrimination au logement à Compiègne (Cf. Différences noo210 et214): la fille de la propriétaire qui avec son mari avaient changé les clés de l'appartement loué à un couple par l'entremise d'un agent immobilier a été condamnée le 1'"' février à trois mois de prison avec sursis, 20 000 F d'amende, 40 000 F de dommages et intérêts pour chacune des victimes, 20 000 F de dommages et intérêts aux parties civiles (dont le Mrap) ainsi que la publication de la condamnation dans la presse locale et nationale. Le Mrap consi- Aidez-nous à nourrir le journal Les deux prochains dossiers seront consacrés à Internet (avril) et au droit de vote des étrangers (mai). Les comités locaux sont invités à nous faire connaître leurs activités autour de ces deux thèmes afin d'en faire bénéficier l'ensemble de nos lecteurs et de nos structures. Plus généralement, nos lecteurs disposent désormais, en plus des autres moyens de communications, d'une boîte aux lettres électronique: suggestions, remarques, informations, propositions de sujets, textes, images sont les bienvenues. Tél: 01 539090 (direct C. Benabdessadok) Fax: 01 404090 98 Email: journal.differences@free.fr Là où les Mexicains sont marocains Tout le monde vous le dira: la tomate fraiche en hiver n'est plus un produit de luxe. En An.9alousie, on en récolte trois fois par an grâce â la « révolution du plastique ». A perte de vue, sur les collines autour d'Ejido des milliers d'hectares de serres ont fait de cette région, jadis aride et d'émigration, une Califomie européenne. Sauf qu'ici, les Mexicains sont marocains. Justement, à El Ejido, ville de 50 000 habitants et où travaillent des milliers d'immigrés (les deux tiers sont marocains), un tragique fait divers a précipité la région dans une sanglante corrida xénophobe. Une jeune fille de vingt-six ans a été tuée par un Marocain manifestement malade mental. Le criminel a été aussitôt arrêté. Insuffisant ont estimé des habitants du coin qui, armés de barres de fer et de cocktails Molotov, ont mené une ratonnade en règle dans les bidonvilles où s'entassent les travailleurs immigrés. Les commerces des « NordAf » ont brûlé de même que le seul café de la ville tenu par un couple mixte et fréquenté par toutes les communautés. Aprés l'arrivée au pouvoir en Autriche des marionnettes de Jorg H"aïder, les propos racistes rapportés par la presse britannique à l'encontre des demandeurs d'asile en Angleterre et l'incroyable flambée xénophobe en Espagne, une question s'impose: quand est-ce qu'on va quelque part où on serait protégé de la folie des Hommes? Chérifa B. dère que ce verdict est partiellement satisfaisant dans la mesure où ni la propriétaire (qui était signataire du contrat de location) ni son gendre (qui a proféré des propos racistes) n'ont été sanctionnés. • « Le Secrètariat national du Mrap se félicite de la réponse énergique des démocrates grenoblois et de leurs organisations, face à l'agression raciste perpétrée le 9 février contre une Française d'origine algérienne, épouse d'un militant associatif, directeur de l'association Alif. Il salue le courage de Mme Shafia Daoud à laquelle il exprime sa solidarité. ( ... ] Devant cette agression tout aussi barbare qu'odieuse, le Mrap a porté plainte pour injures et violences racistes auprès du procureur de la Rèpublique » (Communiqué du Mrap, 16.02). • Martine Aubry a annoncé le 10 février son intention de faire voter, avant la fin juin), une loi destinée à lutter contre les discriminations racistes dans le monde du travail. Il s'agira d'améliorer la charge de la preuve (la victime pourrait évoquer des débuts et indices de preuve), de favoriser une plus grande saisine de la justice, de donner aux organisations syndicales la possibilité de saisir le juge en lieu et place du salarié et d'introduire le probléme de la discrimination dans les conventions collectives. • Une confèrence de presse a été donné au siège du Mrap le 14 février concemant l'expulsion d'un enseignant français en Tunisie en sa présence ainsi que celle de Jacques. Gaillot et Gilles Perrault. Anenda • Mao;'e'I,lioo ",1;0- nale i Paris le 11 mars pour la révision du procès de Mumia Abu.Jamal. Cette manifestation est appelée par plusieurs dizaines d'associations, organisations, partis politiques . • Une Place de la Commune de Paris 1871 sera inaugurée le 18 mars à 15 heures. Ce sera aussi l'occasion de rendre hommages aux étrangers ayant participé à cette expérience démocratique au cours de laquelle les citoyens participa ient directement à l'élaboration des lois en coopération avec les élus qui avaient un mandat impératifs et étaient révocables. • Même sol, mêmes droits, même voix. De nombreux collectifs et comités locaux ont organisé et continuent d'organiser des actions d'information et de discussion autour de cette campagne destinée pour le droit de vote des étrangers résidents en France (cf. Différences n° 215). Ainsi, on nous a signalé des débats à Cergy-Pontoise, à Montmorency, à Rouen, à Angoulême, à Dijon et à Nanterre. Le comité local 5"/13" de Paris organise, dans le cadre de cette campagne, un colloque d'historiens sur le thème des ètrangers dans l'histoire de la France à l'Ecole supérieure le samedi 13 mai à 14 heures: plus amples information dans notre prochaine édition. 43 bld de Magenta 75010 Paris - T : 01 533899 99 Télecopie : Dl 40 4090 98 - E.mail: journal.difTerences@free.fr 13 F le numero - Abonnement 135 F (II nO'/an) Direc~eur de publication: Mouloud Aouni!. Gérante bénévole: Isabelle Sirat. Rédactrice en chef - mise en page: Chérifa Benabdessadok. Directeur administratif: Jean-Etienne de Linares. Abonnements: Eric Lathière-Lavergne. Impression: Montligeon T: 02 33 85 80 00. Commission paritaire n063634 0247-9095 DépOt légal 2000-03 l 2 Différences nO 216 mars 2000 _______________________________________ _
Notes
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