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Sommaire du numéro
n°210 de septembre 1999
- L'Afrique du Sud aujourd'hui
- Entretien avec Mme Skweyiya, ambassadrice réalisé par C. Benabdessadok et C. Misan
- Apartheid: un si long combat par Kamel Benabdessadok
- L'action du MRAP en quelques dates d'après Lucky Tiphaine
- Panorama du cinéma sud-africain par Clément Tapsoba
- Chronique d'un combat inachevé: le livre
- 50 ans du MRAP: rendez-vous le 1er octobre
- Zoom sur le comité de Rouen par E. Lathière-Lavergne
- Projet de loi en faveur des voyageurs par B. Bary et R. Neveu
Numéro au format PDF
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Texte brut du numéro
Septembre 1999 - N° 210 • Les deux événements de la rentrée page 2 • Zoom sur le comité de Rouen page 4 • Editorial page 5 • Kiosques page J J • Actualités page 12 L'AFRIQUE DU SUD AUJOURD'HUI do, .. ;,,,: pages 6 à 10 cc Ils nfavaient rien à perdre que leurs chaÎnes» Calligraphie de Jean Berthier 1 DR ~()lIlr~f1~1r ______________ ~ ___________________________L _e_lw_re_ et_le _ con_cer_t_du_cl·n~quantena_ire Chronique d'un combat inachevé Le livre édité pour le cinquantenaire du MRAP, « Chronique d'un combat inachevé », retrace l'essentiel des combats du MRAP depuis sa création. Il a également l'ambition d'aller au-delà pour décrire et analyser les grands moments du racisme et de la lutte antiraciste durant ces cinquante dernières années. Sont ainsi traités en cinq grandes parties: - l'insistance des vieux démons (1949-1954); -les damnés de la terre se révoltent (1954-1962) ; - les soutiers de l'Europe (1962-1972) ; - crises et crimes (1972-1984) ; l'immigration et le racisme, enjeux de la politique en France (de 1984 à nos jours). De la naissance clandestine en 1942, du Mouvement national contre le racisme (MNCR) à l'admission du MRAP comme ONG auprès de l'ONU en 1975, de l'affaire Rosenberg aux sans-papiers, des crimes commis dans les ex-pays socialistes à l'attentat antisémite de la rue Copernic, de l'apartheid au Rwanda, de l'Algérie au Kosovo, les cinquante-cinq chapitres embrassent le panorama des événements de ce dernier demisiècle Plusieurs annexes, l'organigramme du MRAP, ses sources de financement, une brève biographie des auteurs et collaborateurs, complètent utilement l'ensemble. ./ Les préfaciers ont écrit (extraits) Je tiens, en mon nom personnel et au nom de l'Organisation Internationale de la Francophonie dans son ensemble, à saluer les efforts qui jalonnent 50 ans d'histoire du Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples, au nom de ces valeurs fondamentales, également au coeur du projet francophone, que sont l'acceptation de l'Autre dans sa différence. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie Honneur à une organisation qui a su se faire connaître par son action dynamique et par sa présence au quotidien tant en France que sur le plan international. La Commission nationale consultative des droits de l'homme, que j'ai l'honneur de présider, est fière que le MRAP soit une des institutions fédérées par elle. Jean Kahn, président de la CNCDH La lutte contre le racisme doit être une pédagogie quotidienne, un réflexe et surtout une autovigilance. Elle commence par notre propre examen, par l'analyse de nos 2 Différences n° 210 septembre 1999 comportements, de notre langage, de notre façon d'être dans le monde et avec les autres. C'est pour cela que le travail d'un mouvement comme le MRAP a été et continue d'être essentiel dans la société française. Il est vigilance permanente, sans concession, sans compromis. Tahar Ben Jelloun Affronter, c'est être front contre front, c'est-à-dire une intelligence face à une intelligence, et non une force contre une force. Il faut donc extirper toutes les idées reçues qui nous font voir la rencontre comme une compétition. Pour y parvenir, sans doute faudrait-il éliminer de nos structures sociales tous les épisodes que nous vivons en admettant implicitement qu'un comportement compétitif est nécessaire ou même naturel. Cela remet en cause aussi bien la sélection sévissant dans le système scolaire que l'organisation des confrontions sportives. Le programme est vaste, mais il n'est qu'un des éléments de la nécessaire transformation en profondeur de la société. Albert Jacquard ./ Dans la presse « Un bel ouvrage, agréable à lire, pour apprendre et se remémorer» Politis « Après un demi -siècle d'efforts menés par de nombreuses associations de défense des droits de l'homme, où en est la lutte contre le racisme? » s'interroge le MRAP. Les indicateurs sont en baisse, constatent les auteurs, qui rappellent les derniers rapports de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Les actes de violence et les menaces ont chuté, de 105 en 1990 à 26 en 1998 pour les premiers, et de 656 à 165 pour les seconds. Mais les discriminations subsistent, surtout à l'embauche, les thèses de l'extrême droite sont toujours vivaces, disent-ils aussi, et le combat n'est pas fini.» AFP « Créé en 1949, le MRAP a combattu le racisme sous toutes ses formes, de la dénonciation de la condition des Noirs aux Etats-Unis et de la guerre d'Algérie à la défense des immigrés et des sans-papiers. » L'Humanité « Chronique d'un combat inachevé» M RAP 1 Le Temps des Cerises Format album: 21,5 x 30,5 cm, 144 pages,couverture reliée, iconographie noir et blanc et couleu~ prix public: 135 F (+port), comités locaux: 120 F. Sous la direction d'Albert Lévy, avec Caroline Andréani et le concours de Laurent Canat, Georges Chatain, Schofield Coryell, Jacques Dimet, Juliette Rennes, Jean-Lou is Sagot-Duvauroux, LuckyThiphaine, Jean-Yves Treiber. Illustré par des oeuvres originales de Grégoire Balay, Jean Clerté, Jeannie Dumesnil, France Mitrofanoff, Iba Ndiaye. Commandez ce livre au Siège du M RA~ faites-le connaître autour de vous, un dossier de presse est à votre disposition sur simple demande. .. L'Orchestre national de Lille ~ o Jean-Claude Casadesus ~ o Caroline Casadesus Claude Casadesus. Certains ont obtenu des distinctions prestigieuses. Jean-Claude Casadesus, a participé en 1971 à la création de l'Orchestre national des Pays-de-Loire avant de rejoindre celui de Lille. Sous sa direction, l'Orchestre a fait le tour du monde. Jean-Claude Casadesus dirige également de grandes productions lyriques aussi bien à l'Opéra de Lille, à Paris et à Lyon. Rendez-vous le J er octobre Caroline Casadesus, soprano, se produit régulièrement en récital, accompagnée au piano par Marie-Jeanne Sérérodans un répertoire romantique allemand et français (Brahms, Malher, Schumann, Chausson, Ropartz, Ravel...). Elle a chanté au théâtre le rôle d'Euridice dans « Orfeo ed Euridice » de Glück et en 1993 elle a interprété le rôle titre de « La Petite Sirène» diffusée par France 3. Elle est régulièrement invitée par différents orchestres sous la direction de grands chefs. Lors de la saison 97/98, avec Didier Lockwood et Antoine Hervé, ils mettent au point un programme alliant standards de jazz, musiques françaises et C européennes d'hier et d'aujourd'hui. réé en 1976 grâce à la volonté de la Région Nord-Pas de Calais et l'appui de l'Etat, l'Orchestre national de Lille est aujourd'hui l'une des plus grandes formations musicales françaises. Son travail s'inscrit dans une politique de décentralisation musicale et sa devise est: « porter la musique partout où elle peut être reçue ». La promotion des jeunes artistes français et la création contemporaine forment avec la diffusion des oeuvres du grand répertoire tes axes majeurs de sa politique artistique. Il participe aux grands festivals français. Sa discographie comporte vingt-trois enregistrements sous la direction de J ean- Attention, urgent! L'Orchestre national de Lille c'est 100 musiciens,120 concerts par an, 30 pays visités. Il se produira pour le MRAP le 1er octobre à l'UNESCO. Vous n'avez plus une minute à perdre: il est encore temps de réserver pour ce concert exceptionnel. Manifestez-vous auprès du siège du M RAP. Différences n° 210 septembre 1999 3 MOUVEMENT--_--- Zoom sur le comité de Rouen Création dans les années soixante. 39 adhérents en 1997.46 en 1998, dont 8 nouveaux. Un emploijeune depuis 1998. Ce recrutement a permis de soutenir les activités d'une permanence juridique d'accueil des familles, de dynamiser la commission éducation avec notamment la diffusion et l'animation du« Jeu de Loi: racisme hors-jeu », de participer au collectif d'organisation du Festival du livre de la jeunesse de Rouen, de former des stagiaires DEFA, de réaliser des interventions à l 'IUFM de Rouen, de créer un journal local lnfo MRAP 76 et une commission documentation. Le comité a mis en place cette année un site internet, a participé à l'Armada du siècle, élaboré une exposition d'affiches européennes contre le racisme et conduit une voiture d'informations citoyennes. ./Sur la toile Le site internet du comité de Rouen ne cesse de s'enrichir et d'attirer, à l'instar du site national, de plus en plus d'internautes: en cinq mois plus de 400 navigateurs ont pris connaissance de l'existence des diverses commissions et réalisations originales du comité. La commission documentation propose plus de 50 références sur le thème de l'esclavage, du racisme et de la citoyenneté, dont 20 sont résumées ou commentées. Par ailleurs, soucieux de faire connaître la législation française contre le racisme, le comité propose des extraits de la loi contre le racisme ainsi que des exemples concrets de son application. On trouve également de nombreux développements sur la formation, l'animation, l'éducation et la lutte contre l'extrême droite. .t Regards différents Un projet intitulé « Expressions Européennes pour la Solidarité et contre le racisme »a permis de rassembler 130 affiches auprès de 20 associations européennes représentant 12 pays. Le comité a élaboré une exposition, « Regards différents », composée de 20 de ces .affiches. Ce support a pour objectif d'inciter à la réflexion et au dialogue, de susciter l'intérêt pour les échanges en Europe, et de faire de connaître les différentes cultures. Faire reculer le racisme! Adresse du site: http://perso.wanadoo.fr/mrap.76 Adresse électronique: mrap.76@wanadoo.fr Pour les fans de la Poste: MRAP BP 4137 76020 Rouen Cedex. T : 02 35 98 56 25 - F : 02 35 98 45 97 4 Différences n° 210 septembre 1999 '" Entretien avec Liliane Lainé Différences: Rouen est sans conteste un comité très dynamique dans le domaine de l'action éducative. Pourquoi cette orientation? Depuis longtemps le comité local s'investit dans le domaine de l'éducation, pour des raisons idéologiquesl'importance de sensibiliser dès le plus jeune âge à la lutte contre le racisme - et parce que ce créneau est délaissé par les autres associations. Quelle est l'actualité du comité? Nous avons organisé une «voiture d'informations citoyennes» agréée par le rectorat et le ministère de la Jeunesse et des Sports. D'avril à août, les militants ont présenté des livres, le Jeu de Loi, des films vidéos et un CDrom pour une Europe solidaire dans les centres de loisirs, les structures sociales et les maisons de quartiers. Le comité était présent cet été à l'Armada du siècle où il a exposé une documentation importante et a participé aux débats. De plus, l'exposition « Regards différents» est déjà dotée d'un calendrier de circulation dans les collèges et lycées pour tout le dernier trimestre. Quelle est votre appréciation sur les Commissions Départementales d'Accès à la Citoyenneté? Nous n'avons pas d'a priori et nous jugerons sur les réalisations. D'une manière générale, le comité a une attitude de vigilance positive au sein de la Codac, et est présent dans tous les groupes de travail. De plus, celle-ci a accepté le projet du Mrap visant à donner le label « entreprise sans racisme» aux entreprises s'engageant à bannir toute discrimination. Comment le comité se finance-t-il ? La recherche des subventions a donné lieu à une mobilisation longue et tenace des responsables du comité. Elle s'appuie toujours sur des projets donnant matière à constitution de dossiers adressés aux municipalités de Seine-Maritime, aux Conseils général et régional, au FAS, au Rectorat, à l'Union Européenne ... Concernant l'emploi jeune du comité, l'État prend à sa charge une bonne partie du salaire versé, la part non financée fait l'objet d'une subvention complémentaire par le Conseil général, notamment pour son caractère social et d'insertion. Nous bénéficions également de subventions municipales pour ce qui est de notre fonctionnement et de subventions régionales, du FAS ou de la CAF, ainsi Projet de loi en faveur des Voyageu.rs Un projet de loi relatifà l'accueil et à l'habitat des Gens du voyage a été adopté en première lecture le 24 juin dernier. Bien qu'il ne réponde pas totalement à nos attentes, ce texte présente de substantielles avancées, et prend en compte certaines des remarques des associations consultées. Les schémas départementaux pour l'accueil et le stationnement des gens du voyage devront être réalisés selon un calendrier précis: dans les trente huit mois suivant la publication de la loi (et les divers décrets d'application), dix-huit mois pour l'élaboration (à l'issue de ce délai, le représentant de l'Etat devra l'approuver quel que soit l'avis du président du Conseil général), les communes ayant deux ans après la signature du schéma pour participer à sa mise en oeuvre. Un article 9 bis précise que les employeurs qui font travailler des Gens du voyage seront tenus de mettre à leur disposition des emplacements nécessaires au stationnement de leur caravane. Tout cela est très positif mais il manque des éléments importants. Ainsi, dans l'article 3, il aurait fallu indiquer que l'Etat se substituerait au maire défaillant pour la réalisation de l'aire: cela aurait montré de façon plus nette la volonté du législateur de voir le texte appliqué. Il nous aurait semblé nécessaire de préciser dans le chapitre IV de l'article 9 que les mesures d'expulsion prévues dans les chapitres 1 et II ne s'appliquaient pas aux personnes stationnant sur un terrain privé avec un titre licite. Il est à craindre une i'nterprétation souvent abusive des termes « saluque du ministère de la Jeunesse et des Sports ou de la Préfecture sur certains de nos projets. Nous pouvons également nous prévaloir de quelques ressources propres notamment grâce à nos interventions dans les établissements scolaires, à la réalisation d'expositions ainsi que par des fêtes et la vente de matériel. En plus de son emploi jeune, le comité a su s'assurer le concours de stagiaires (DEFA ou BAFA, travailleurs sociaux en cours de formation ... ) qui s'avèrent capables de monter de réels projets ou d'élaborer des réalisations intéressantes telles que le clip-vidéo de présentation du Jeu de Loi. En conclusion ... Le CL s'efforce de s'inscrire dans le combat antiraciste de façon positive et pas seulement de façon critique et réactive. Ainsi, il essaie d'élargir les thématiques nationales en y donnant de la perspective. Une réelle activité en milieu éducatif et auprès des jeunes, dont les retombées en termes d'adhésions ne sont pas, hélas, à la hauteur des efforts déployés, donne au MRAP de Rouen une audience importante dans toute la région. Propos recueillis par Eric Lathière-Lavergne brité, sécurité, tranquillité publiques ». Lors des entretiens préparatoires avec Monsieur Besson, secrétaire d'Etat au Logement, celui-ci nous avait indiqué son insatisfaction par rapport à l'article 28 de la loi en vigueur et à son application. L'actuel projet de loi veut aller plus loin mais n'aborde pas d'autres revendications des Voyageurs: la sédentarisation dans le respect de leur mode de vie, la législation concernant les livrets de circulation et le droit de vote, les mesures sociales reconnaissant la caravane comme habitat, la scolarisation des enfants. Nous espérons que la déclaration de Madame la députée Raymonde Le Texier, indiquant que cette loi n'était qu'une première partie d'une série de textes sur les gens du voyage, n'aura pas été faite pour calmer les voyageurs présents lors de la réunion de travail dans les locaux de l'Assemblée nationale. Bertrand Bary René Neveu , Editorial Quand Yaguine Koïta et Fodé . Tounkara se sont glissés à Conakry dans le train d'atterrissage d'un avion de la Sabena, ils rêvaient de vivre autrement. Ils n'avaient surtout pas choisi la mort. Ils n'avaient pas pensé un instant que leur message, griffonné sur un bout de papier, serait posthume. Ce geste . fou éclaire tragiquement l'état de dénuement extrême et de désarroi insupportable dans lequel sombrent chaque jour des hommes, des femmes et des enfants sur le continent africain; en proie au sidal à la famine, aux guerres. Ce drame effroyablel qui soulève le coeur, est un cri, une interpellation à l'endroit de certains dirigeants africains et de leur gestion des affaires de leur paysl où la corruption le dispute avec le musellement des libertés fondamentales. C'est aussi une double leçon. D'une part, aucun mur ne peut empêcher des gens de fuir des pays mouroirs. D'autre partI cela démontre l'inefficacité de la gestion égoïste des dossiers d/immigration par I/U nion européenne, qui privilégie répression et fermeture des frontières, au détriment d/une véritable politique de co-développement et de coopération avec le continent africain. Aussi pour que le cri de ces enfants d'Afrique ne s'éteigne pas après le temps de l'émotion, il y a urgence à agir, pour soulager le malheur d'un continent oublié, victime du diktat du FMI soutenu par les capitales occidentales, et relayé par les pouvoirs locaux corrompus. Il ya urgence aussi à abolir la dette qui étrangle les peuples chaque jour davantage. Mouloud Aounit Différences nO 210 septembre 1999 DOSSIER Entretien avec Mme Slcweyiya, ambassadrice Différences - Le caractère pacifique du démantèlement de l'apartheid a été vécu à travers le monde comme un événement exceptionnel: quels en ont été selon vous les facteurs les plus déterminants? Mme Skweyiya - Le démantèlement du système d'apartheid a reposé sur trois facteurs essentiels. En premier lieu, la lutte politique en Afrique du Sud qui a coûté de longues années de prison aux dirigeants comme Mandela, Sizulu, et bien d'autres. Cette lutte a vu naître et se développer de nombreuses associations, des syndicats, des regroupements comme l'UDF [Front démocratique uni]. Ensuite, la lutte armée conduite par l'Umkhonto We Sizwe [branche armée de l'ANC] sous le commandement d'Oliver Tambo. La solidarité internationale a constitué le troisième facteur déterminant de notre lutte. Cela a notamment conduit l'ONU à adopter des sanctions contre les autorités sud-africai- 6 Différences nO 210 septembre 1999 nes de l'époque. Des citoyens et des organisations appartenant de tous les pays du monde nous ont apporté une aide matérielle. Des milliers de personnes ont manifesté dans la rue pour réclamer que les prisonniers politiques accèdent à l' éducation, ce qui les a préparés à gouverner l'Afrique du Sud d'aujourd'hui. Il faut également évoquer l'évolution du contexte politique mondial: en effet, que nous le voulions ou non, le démantèlement a coïncidé avec la fin de la guerre froide, de la division idéologique du monde entre le « bloc socialiste» et « l'Occident ». La perte des alliés naturels de notre lutte armée nous a amenés à changer radicalement de stratégie. Il fallait impérativement pratiquer le dialogue, arrêter de nous regarder comme « Blancs» d'un côté et « Noirs» de l'autre, et répondre à la question: qu'allons-nous faire ensemble de notre pays? Cela a conduit aux premières élections démocratiques en 1994. Les gouvernements occidentaux n'ont pas appliqué de façon rigoureuse les sanctions internationales: cela a-t-il retardé la victoire sur le système de l'apartheid? Si la communauté internationale avait appliqué les sanctions telles qu'elles ont été adoptées par l'ONU, nous aurions obtenu la libération de notre pays dix années plus tôt. Nous aurions évité bien des malheurs, nous aurions pu aider les Etats voisins et contribuer à prévenir certains conflits. Mais il faut cependant rappeler que des dizaines de pays nous ont aidés. Ce fut le cas des membres du Mouvement des Non-Alignés qui, à quelques exceptions près, ont appliqué les sanctions et nous leur en sommes reconnaissants. L'impact des sanctions a représenté une grande aide pour le mouvement anti-apartheid sud-africain. Certains pays ont refusé d'ouvrir des ambassades. D'autres ont accepté l'existence de représentations de l'ANC. C'était le cas en France, où la représentante de l' ANC, Dulcie September, a été assassinée. Le MRAP a aidé nos représentations et j'ai personnellement rencontré à plusieurs reprises Jacqueline Grünfeld (1) qui était très activement engagée. Malheureusement de nombreux gouvernements ont ignoré les recommandations des mouvements de solidarité ou bien les ont contournés. Pensez-vous qu'il faille un jour demander des comptes à ceux qui n'ont pas appliqué les sanctions? Nous sommes une nation très particulière. Il nous est difficile de demander des comptes à ces gouvernements alors que dans notre propre pays, nous nous asseyons à la même table que ceux qui, sous le régime de l'apartheid, nous opprimaient. Nous ne voulons pas porter le poids des conflits du passé. Nous sommes un peuple qui regarde vers l'avenir. Nous vouIons vivre en paix avec tous les peuples du monde. Le travail de la Commission Vérité et Réconciliation est dans le prolongement de cette expérience originale qui a vu tomber l'apartheid sans le chaos annoncé par ses partisans. Cela a permis de mettre en pleine lumière les ravages d'un crime contre l'humanité basé sur la ségrégation raciale. Mais cette démarche a aussi suscité nombre i de critiques. Quelles sont les perspectives de ce «dialogue » singulier entre « anciens bourreaux» et « anciennes victimes» ? Le travail de la commission s'inscrit dans le prolongement d'une longue expérience de lutte. L'expérience de la TRC [Truth and Reconciliation Commission] est très enrichissante pour une nation qui a subi de très grands crimes. Chacun, bourreau ou victime, a parcouru un long chemin pour exposer ce qu'il a fait ou subi, pour mettre au jour la vérité des faits. Il faut du temps pour pardonner. Pourtant, nous ne pouvons oublier comment certains individus ont traité avec une violence rare et acharnée les militants de la libération nationale, comment ils ont torturé, comment ils ont assassiné leurs victimes. Il est impossible que les familles oublient cela. Mais nous essayons par tous les moyens de pardonner. Si nous prenions l'initiative d'une procédure sur le modèle du tribunal de Nuremberg, il est probable que la moitié des membres des services de police, de l'armée, et de divers autres services finirait en prison, parce que tous, d'une façon ou d'une autre, sont impliqués dans les atrocités de la répression. Les violences et comportements racistes perdurent-ils aujourd'hui? Oui, cela existe, plusieurs cas de violence ont eu lieu .... Beaucoup de gens n'accep- 1.' Afrique du Sud aujourd'hui tent pas d'être gouvernés par des noirs, en particulier parce qu'ils accusent l'AN C d'être une organisation communiste. Ils ont pourtant pu se rendre compte que notre objectif est que chaque Sud-Africain puisse jouir des richesses du pays, que nous puissions vivre ensemble dignement. Des formes discrètes de racisme perdurent. Nous avons de nombreux atouts pour que les choses changent, nous avons une personnalité comme Nelson Mandela qui a pardonné les épreuves qu'il a endurées durant les vingt-sept ans de son incarcération, et qui prône aujourd'hui la réconciliation. -5 Les responsables d'actes discriminatoi- "0 ~ res sont-ils poursuivis en justice? ~ Il est facile de poursuivre ceux qui utili- <Il ~ sent la violence armée, mais on peut plus .E difficilement circonscrire le racisme bana~ B lisé, inavoué. On le subit. La constitution gj interdit la discrimination mais des milliers de personnes continuent à la pratiquer quotidiennement. Ce « racisme banalisé» existe aussi en France, malgré l'ancienneté de l'Etat de droit ... Nous avons vécu ce genre d'expérience. Il arrive que l'on soit contrôlé par des agents de police du fait de la couleur de notre peau. La présentation de nos papiers attestant notre appartenance au corps diplomatique les laisse parfois incrédules. Quels sont les progrès les plus flagrants de la nouvelle Afrique du Sud? Le progrès le plus significatif a été l' adoption de la nouvelle Constitution. Non seulement, elle abolit la discrimination fondée sur la race mais elle représente une très grande avancée contre les discriJ:11inations fondées sur le sexe. Des organismes de contrôle ont été créés pour veiller à la protection des droits des femmes et pour que celles-ci puissent prendre part à l'élaboration des décisions. Le gouvernement compte aujourd'hui seize femmes ministres ou secrétaires d'Etat pour trente-sept hommes. Un parlementaire sur deux est une femme. Second aspect essentiel à mes yeux: la Constitution a rendu l'école obligatoire jusqu'à l'âge de douze ans. Je voudrais ajouter que pour la première fois dans l 'histoire de notre pays, des millions de Noirs ont accédé à l'eau courante, ce qui facilite le travail des femmes dans l'agriculture et diminue les risques de maladie; des millions de personnes ont bénéficié d'un logement et d'allocations; trois millions de personnes ont eu accès à l'électricité; les soins médicaux sont totalement gratuits pour les femmes enceintes et pour les enfants jusqu'à l'âge de six ans. Alors que l'apartheid a exproprié les Noirs de leurs terres, une procédure de recouvrement ou d'indemnisation est aujourd'hui engagée. Quelles sont les priorités du nouveau gouvernement? La priorité des priorités est la lutte contre le chômage qui frappe 43 % de la population. Mais nous éprouvons de grandes difficultés à dégager des ressources du fait notamment de la chute du cours de l'or métal qui constitue, avec le diamant, l'une de nos principales sources de revenus en devises. De ce fait, quatre-vingt mille emplois sont menacés. Néanmoins, nos produits agricoles et industriels sont d'une grande qualité. Du temps du boycott de l'apartheid, nous avions beaucoup de peine à ne pas pouvoir manger les excellentes oranges sud-africaines. Il faut goûter nos pommes, elles sont délicieuses. Entretien réalisé par Chérifa Benabdessadok et Chichi Misan (1) Membre du bureau national du MRAP, Jacqueline Grünfeld, aujourd'hui décédée, a longtemps dirigé et animé la commission anti-apartheid du MRAP. « J'ai parcouru ce long chemin vers la liberté. J'ai essayé de ne pas hésiter; j'ai fait beaucoup de faux pas. Mais j'ai découvert ce secret: après avoir gravi une haute colline, tout ce qu'on découvre, c'est qu'il reste beaucoup d'autres collines à gravir.» Nelson Mandela Différences n° 210 septembre 1999 7 DOSSIER Apartheid un si long combat •• Longtemps l'opinion publique n'a pas compris l'acharnement des mouvements démocratiques et antiracistes dans leur combat contre l'apartheid surd-africain. La non-participation des Etats d'Afrique aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976 pour protester contre la présence à ces jeux de la Nouvelle Zélande (qui avait violé le boycott imposé par les instances sportives internationales contre Pretoria) passa quasiment inaperçue, ou pire, inspira l'incompréhension et la condamnation. La banalisation du racisme lorsque les victimes sont des noirs, la position de la RSA (République Sud-Africaine) dans l'échiquier géopolitique de la guerre froide et la glaciale logique des intérêts économiques, expliquent la longévité d'un système dont la brutalité n'eut d'égale que les tergiversations des chancelleries occidentales pour le mettre au pilori. Il est vrai qu'aux Etats Unis, les noirs n'ont acquis leurs droits civiques qu'en 1964. De même qu'en France, les musulmans des trois départements d'Algérie n'ont pas joui de la pleine citoyenneté alors qu'ils constituaient 90 % de la population et ce, jusqu'en 1962. Plus généralement, en Afrique, la moindre revendication civique était considérée par les puissances coloniales comme de la subversion et le plus souvent réduite dans le sang. Accepter l'inégalité des races était alors dans l'ordre des choses. L'homme blanc occidental n' étaitil pas investi d'une mission civilisatrice pour occuper des contrées considérées en friches économiquement et moralement? Dans ce contexte, le rôle du blanc en Afrique du Sud a confiné à la caricature. Après la seconde guerre mondiale, alors que l'on croyait avoir vécu la forme la plus extrême du racisme dans sa version nazie, l' Afrique du Sud a su préserver son système en se positionnant en tant que garante des intérêts de l'Occident dans le cadre de la guerre froide. Son rôle dans la confrontation Est/Ouest était celui de la sentinelle du camp occidental pour la surveillance des routes maritimes au large du cap de Bonne-Espérance. Mais dans les années soixante, l'émergence des nouveaux Etats d'Afrique sur la scène internationale a créé une brèche ./ Quand la conférence mondiale sur des sanctions contre l'Afrique du Sud raciste dénonçait le comportement des puissances occidentales (extrait) La Conférence mondiale rappelle que la Conférence internationale sur des sanctions contre l'Afrique du Sud qui s'est tenue en 1981, a formulé un ensemble de recommandations en vue d'une action internationale pour détourner la menace croissante qui pesait sur la paix en Afrique australe. Malheureusement, dans la période qui s'est écoulée depuis la tenue de cette conférence, le Conseil de sécurité n'a pas pu adopter les mesures obligatoires voulues qui avaient été recommandées, et ce en raison des votes néga- 8 'Différences n° 210 septembre 1999 tifs émis par le Royaume Uni de GrandeBretagne, d'Irlande du Nord et des EtatsUnis d'Amérique. Enhardi par l'opposition que traduisait ces votes négatifs et par la politique déclarée de ces pays consistant à se prévaloir de leurs liens étendues avec le régime raciste [00']' ce régime a multiplié les actes d'agression et de destabilisation à l'encontre d'Etats africains voisins, dans l'espoir de saper les luttes de libération menées en Afrique du Sud et en Namibie, voire d'imposer son hégémonie dans l'ensemble de la région. Maison de l'Unesco, Paris; 16-20 juin 1996 dans la logique bi-polaire des relations internationales en parvenant à mettre Pretoria au banc des accusés au sein de l'ONU. Ainsi, furent adoptées plusieurs résolutions condamnant pour la première fois l'apartheid et appelant au boycott économique et militaire de la RSA. Si les conséqences pratiques de ces batailles peuvent apparaître modestes, la prise de conscience de l'opinion publique fut énorme. Il faut dire que toutes les machi- - nations furent déployées pour minimiser ou contourner l'embargo voté aux Nations unies. Dans le même temps, le pouvoir raciste se renforçant, la répression s'accentua contre les populations noires qui aspiraient à l'égalité pour tous dans un Etat de droit. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France n'ont jamais appliqué loyalement les sanctions internationales. L'or, le diamant et le charbon sud-africains se négocièrent sur toutes les places financières en toute illégalité. Le comble fut atteint quand l'Afrique du Sud, avec la complicité d'Israël, se dota de l'arme nucléaire. Face à l'arrogance des puissants s'est dressée la détermination de la majorité noire conduite principalement par l'African National Congress (ANC) de Nelson Mandela. Dans son combat, l'ANC a trouvé des appuis solides au sein des mouvements antiracistes et démocratiques à travers le monde et notamment dans les pays occidentaux. Les luttes pour la liberté et l'égalité menées durant la seconde moitié de ce siècle seront à 1 'Humanité d'un apport équivalent à celui de la Révolution française. Kamel Benabdessadok L'Afrique du Sud aujourd'hui Nelson Mandela lors d'une réception à l'Unesco avec les militants anti-apartheid à l'occasion son premier séjour officiel à Paris. L'action du Mrap en quelques dates .. 1948. Droit et Liberté s'indigne de l'accession au pouvoir du Parti national. .. 1960. Après la violente répression de la manifestation de Sharpeville le 21 mars 1960 au cours de laquelle 50 000 jeunes brûlent leur « pass » (laissez-passer) pour protester contre son port obligatoire, le MRAP mobilise toutes ses forces pour alerter l'opinion et organiser la protestation. Le 23 mars, il publie une déclaration dénonçant « les violences perpétrées par les autorités racistes »,et demande au gouvernement français « d'exprimer aux autorités sud-africaines sa protestation véhémente et celle des Français »; il demande que le gouvernement sud-africain soit mis au ban des nations, mais c'est seulement en 1973, que l'apartheid est déclaré par l'ONU « crime contre l'Humanité ». Le 2 avril, dix associations décident « la création d'un Comité permanent pour la Justice et l'Egalité en Afrique du Sud ». ~ Dès 1964. Le MRAP se lance dans la bataille du boycott prôné par les résolutions de l'ONU. la coupe Davis de ten- Panorama du cinéma sud-africain Avec trois oeuvres présentées en compétition, le cinéma sud-africain post-apartheid s'est révélé au reste du continent à l'occasion de la 16ème édition du festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou tenue au Burkina Faso en février dernier: Chickin biznis (Ntshzveni, Wa Lurulu, 1998), F ools(Ramadan Suleman, 1997) et Heart and stone ( Bridgey Thompson, 1998). Les deux premiers ont obtenu respectivement les prix de la meilleure interprétation masculine et le prix Oumarou Ganda. ' Fools a été distingué dans la catégorie des prix spéciaux avec notamment celui de l'Union européenne. Les trois auteurs noirs de ces oeuvres partagent le même désir de sublimer le passé pour aller à la découverte de soi, pour s'ouvrir à l'autre sans voiler les différences et les inégalités entre noirs et blancs. Chickin biznis emprunte la forme humoristique pour conter 1 'histoire du vieux Sipho démissionnaire de la Bourse qui rêve de revenir y investir l'argent de la vente de ses poulets dans les townships. De manière plus introspective, Ramadan Suleman dans F ools s'inspire du roman éponyme de Njabalo Ndebele pour nis se déroule à Roland Garros. Pendant le match France/Afrique du Sud, des responsables nationaux du Mouvement lancent dans le court des tracts demandant la libération des prisonniers, l'arrêt des ventes d'armes et l'application de toutes les résolutions de l'ONU. ~ 1970. le MRAP s'oppose publiquement au journal L'Equipe qui exalte l' Afrique du Sud pourtant exclue des Jeux Olympiques par le CIO depuis mai et se rapproche du SANROC (Comité olympique sud-africain non racial) en exil à Londres. ~ 1971. Albert Lévy et Fred Hermantin donnent une conférence de presse avec l'écrivain sud-africain Dennis Brutus et Chris de Broglio, secrétaire et président du SANROC, pour montrer l'enjeu des échanges sportifs et dénoncer la discrimination dans la pratique du sport en Afrique du Sud. ~ 1976. Le MRAP proteste auprès de la Fédération française de rugby, l'une des fédérations qui ne respectent pas les règles olympiques. ~ 1987. Le Mouvement édite une brochure L'apartheid contre le sport avec le concours des Nations Unies et participe à la conférence de Londres sur ce thème. D'après les textes de Lucky Tiphaine parus dans « Chronique d'un combat inachevé », lire page 3 jeter un regard critique la violence des noirs dans la société post-apartheid. La réalisatrice de Heart and stone choisit quant à elle de porter un regard intime sur la période de l'apartheid à travers l'itinéraire d'un vieil écrivain militant de l'ANC et du parti communiste sud-africain, ancien locataire de la fameuse prison de Robben Island. Trois films, trois démarches, qui traduisent la recherche identitaire d'un peuple opprimé durant plusieurs décennies. Ils illustrent en particulier la volonté des cinéastes de la nouvelle génération de renforcer les bases du nouveau cinéma sud-africain où l'introspection est de mise depuis le début des années quatre-vingt-dix. Sous le régime de l'apartheid, la politique du développement séparé a été appli- ... Différences n° 210 septembre 1999 9 DOSSIER ~ quée jusque dans la politique du cinéma. Le gouvernement finançait la production de films blancs pour les blancs, de films blancs pour les noirs et de films noirs pour les noirs. La plupart de ces films, généralement des documentaires, avaient pour but principal d'amener les noirs à accepter leur place dans les homelands. Les fictions tendaient à véhiculer l'image du noir campagnard, rude et peu évolué. Un film comme Les dieux sont tombés sur la tête (dont l'humour n'est pas innocent) est à classer dans cette catégorie. Un certain nombre de films ont été réalisés à l'étranger. Il faut citer Cry the beloved country (Pleure ô mon pays bienaimé- 1952) de Zoltan Korda, inspiré du roman d'Alan Patton, Amok (1982) de Souheil Ben Barka, The white laager (1977) de Peter Davis, etc. Come Back Africa (1958) tourné clandestinement en Afrique du Sud et portant sur les méfaits de l'apartheid par le réalisateur américain Lionel Rogosin est le premier du geme. En Afrique du Sud, exclus de l'industrie du cinéma, entièrement dominée par les blancs, les noirs ont développé à partir des années quatre-vingt, ce que l'on a appelé une culture de résistance en se servant notamment de la vidéo. La communauté noire a commencé à développer des sujets qui traitent de la communauté, des syndicats, des conditions de vie dans les camps, etc. Les films tournés en vidéo l 0 Différences nO 210 septembre 1999 connaissaient malheureusement une diffusion limitée faute de salles (avec près de trois millions d 'habitants, Soweto ne dispose que de deux salles de cinéma). Plusieurs réalisateurs noirs travaillaient de façon indépendante. D' autres avaient choisi l'exil, à l'image du doyen des cinéastes noirs sudafricains Lionel Ngakane réfugié en Grande-Bretagne dès 1950. On lui doit un film considéré comme un classique du cinéma sud-africain, Jemina et Johnny(1963),quiévoqueles liens entre un enfant blanc et un enfant noir. Lionel N gakane a également signé un documentaire sur la vie de Nelson Mandela mais il s' est surtout illustré dans la lutte pour la défense du cinéma africain au sein de la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci) dont il fut l'un des fondateurs. Le chemin à parcourir reste cependant encore long pour permettre l'émergence d'un cinéma sud-africain affranchi des séquelles de quatre décennies de ségrégation. Les réticences des blancs à accepter les changement auxquels Nelson Mandela a fait référence dans son discours de février dernier, n'épargnent pas le cinéma. Il reste dominé par les blancs, qui détiennent les moyens de production et restent frileux à financer et à former les jeunes talents noirs. Laissés-pour-compte des timides réformes économiques et sociales amorcées sous la présidence de Mandela, les Sud-Africains noirs attendent beaucoup de son successeur. Reste à souhaiter que le concept de renaissance prôné par Thabo Mbeki augure d'un changement véritable dont pourrait bénéficier le nouveau cinéma sud-africain afin de permettre au reste du continent de partager les espoirs de la nation arc-en-ciel. Clément Tapsoba, cr itique de cinéma Ouagadougou Différences fait peau neuve 43, boulevard de Magenta 75010 Paris Tél. : 01 53 38 99 99 Télécopie: 01 40 40 90 98 E.mail: rnrap@ras.eu.org · Directeur de la publication Mouloud Aounit Le numéro de Différences que vous avez entre les mains marque une première étape d'amélioration dans la forme comme dans le contenu. Ce travail devrait se poursuivre sur plusieurs numéros avant d'atteindre une mise en page définitive. Trois principes ont présidé à cette refonte : une distribution plus rationnelle des rubriques, l'introduction d'illustrations, une meilleure lisibilité. Je tiens à remercier tous ceux qui ont apporté leur pierre à ce modeste édifice, ainsi que mes collègues, salariés ou bénévoles, qui ont supporté mon angoisse. Bonne lecture à tous. Chérifa Benabdessadok • Gérante bénévole Isabelle Sirot Rédactrice en chef Cherifa Benabdessadok • Directeur administratif Jean-Étienne de Linares Abonnements Éric Lathière-Lavergue 135 F pour 11 numéros/an 13 F le numéro • Maquette Cherifa Benabdessadok • Impression Montligeon TéL: 02 33 85 8000 Commission paritaire n° 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légal 1999-8 • KIosqueS Livres Européens et Japonais. Traité sur les contradictions et différences de moeurs. Luis Fr6is. Préface de Claude Lévi-Strauss. Ed. Chandeigne 1998 (*) Rédigé en 1585, cet opuscule est l'oeuvre d'un missionnaire portugais qui séconsciemment ?) pour un constat que l'anachronisme seul pourrait nous faire regarder comme évident: le caractère universel de l'humain. Non content de nous offiirune versionjésuite du« Guide du routard », le traité de Luis Fr6is vaut aussi par sa forme journa plus de trente ans au Japon
- le texte en
est demeuré long- Les Européens tiennent pour beaux les grands yeux/· · les Japonai;; les trouvent horribles: pour eux, temps inédit et ne les beaux yeux sont fermés du côté des larmes. fut exhumé qu'au milieu du XXème siècle. En quelques centaines de notations lapidaires portant sur les thèmes les plus variés - et les plus inattendus -, notre révérend père dresse un inventaire des multiples dissemblances que Japonais et Européens présentent à ses yeux « et nombre de leurs coutumes sont si étrangères et lointaines des nôtres qu'il semble presque incroyable qu'il puisse y avoir tant d'oppositions chez des gens d'une aussi grande police, vivacité d'esprit et sagesse naturelle comme ils ont. »Au fil de ses remarques, souvent anecdotiques, parfois cocasses, l'auteur compose le portrait pointilliste d'un monde qu'il perçoit comme le . reflet inversé du sien mais qui nous paraît, dans le même mouvement, singulièrement proche. Chemin faisant, on constate en effet que les Japonais boivent, mangent, éduquent leurs enfants, s' adonnent au jeu, cultivent les arts, font la guerre, nouent la queue de leurs chevaux et vont à la chasse ... , on pourrait imaginer exotisme plus radical... La passion quasi notariale que Fr6is met à la consignation des singularités culturelles de ses hôtes - et à celle de ses propres étonnements - plaide (in- 1 littéraire: kaléidoscopique, toute de fragments, elle prend des accents très familiers pour le lecteur d'aujourd'hui. Son style, d'une concision et d'un laconisme très suggestifs, recèle enfin quelques bonheurs d'expression que l'on laissera au curieux le plaisir de découvrir. (*) version poche d'une première édition (J 993 - toujours disponible), lestée celle-là d'un abondant appareil critique. Alain Pellé Brochures Le Réseau pour l'Autonomie Juridique des Femmes Immigrées Réfugiées (rajfire) qui regroupe une dizaine d' associations a pour ambition de défendre les droits des femmes immigrées et réfugiées et de lutter pour le droit d'asile des femmes victimes de persécution en raison de leur sexe. Il a édité au début de l'année une brochure destinée à faire connaître les femmes sans-papiers et à faire émerger une « analyse féministe» de la législation sur l'entrée et le séjour des personnes étrangères en France. Sont publiés en annexes des documents (tracts, communiqués, etc) ainsi qu'une liste d'adresses et de références. RAJFIRE, Maison des femmes, 163 rue de Charenton, 75012 Paris. T : 01 434341 13. F : 01 434342 13. Revues Hommes et Migrations, nO 1220, «L'islam en France », juillet/août L'éditorial de Philippe Dewitte explique en quoi l'islam, « religion en voie de naturalisation », est compatible avec les valeurs républicaines. A propos des mosquées dont l' érection est souvent bloquée par la peur des riverains ou l' ostracisme des élus, Michel Renard rappelle les facultés d'adaptation architecturale de cet édifice religieux qui n'aura aucun mal à se fondre dans le paysage urbain français. Un dossier riche et varié pour sortir des sentiers battus. Sans oublier, les habituelles rubriques dont les excellentes « Agapes» consacrées à la gastronomie sans frontières. Tribune de l'immigration, nO 34, juin 99 Le journal de la CGT -secteur migrants publie un dossier consacré à la table ronde du Il mai sur les discriminations dans le monde du travail. Au sommaire: synthèse des débats, intervention du secrétaire général de la CGT, propositions émises, déclaration finale adoptée par l'Etat et les partenaires sociaux. Chérifa Benabdessadok H est le titre d'une pièce écrite par Claude Prin (*) : l'unique personnage, proche collaborateur d'H itle~ en fuite après le suicide de son maître, se livre à une introspection solitaire. Par son rythme et ses suspens, le texte capte l'attention malgré la «banalité du mal» et de l'homme qui s'en fait le chantre impénitent. On découvrira l'interprétation de Jacques Hadjaje dans une mise en scène de Jean-Pierre Loriol au Lavoir Parisien du 13 septembre au 28 octobre, T / 01 42 52 09 14. Tarif réduit pour les lecteurs de Différences. (*) édité chez Actes Sud/Papiers Différences n° 210 septembre 1999 l l Actualités _________ _ ÉChOS • Rencontre le 28 juin à l'Université de Lille sur le thème des discriminations à l'entreprise, sous la présidence du sous-préfet et en la présence de nombreux intervenants. JeanClaude Dulieu y participait au nom du MRAP. • Sur le vol Paris/Bamako du 17 juillet, selon plusieurs témoignages de passagers, un Malien faisant l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire a été violemment agressé par des policiers. le MRAP a saisi le ministre de l'Intérieur, l'Inspection générale des services et l'Inspection générale de la police nationale. • Henri Lécluse, responsable du comité local de Beauvais, a signé dans L'Oise Hebdo du 21 juillet un article intitulé « Immigration : échec du co-développemenl ». En effet, la politique défendue par Sami Naïr, ancien délégué au co-développement, aujourd'hui député européen, n'a pas porté de fruit: aucune des conventions prévues avec les pays concernés (Maroc, Mali, Sénégal) n'a encore été signée tandis que le CRPO (contrat de réinsertion dans le pays d'origine) n'a attiré que 27 personnes. • Un Algérien né en France de parents y résidant depuis 1956 a été placé fin juillet au centre de rétention de Strasbourg et menacé d'expulsion en application de la « double peine» toujours en vigueur : un cas « exemplaire» de bannissement, le jeune appartenant à cette «catégorie de ressortissants étrangers qui ont passé leur jeunesse en France, y ont été scolarisés et, partant, sont devenus sociologiquement, humainement, culturellemenl français, sans pour autant le devenir juridiquement » (rapport Chanet). Le MRAP demande la publication de la circulaire annoncée comportant les premières mesures réglementaires d'urgence proposées par la commission Chanet. • Edité par la Maison des citoyens du monde avec le concours de l'Assemblée européenne des citoyens, d'Amnesty International et du MRAP, Itinéraires retrace les parcours de Nantais « venus d'ailleurs» ; du Pérou, de Tunisie, du Cambodge, du Canada ... , ceux qui ont accepté de s'exprimer racontent les circonstances de leur migration, leurs rapports avec les pays d'origine, leur sentiments sur leur ville, etc. Des itinéraires très différents, mais une commune universalité de la migration humaine, Prix; 10 F, Itinéraires, maison des citoyens du monde, 8 rue Lekain, 44000 Nantes, T: 0240694017, F: 02 40 69 45 77, Hors-la-loi Mohamed Ouazzani et sa compagne Valérie Joncoux ont porté plainte avec l'appui du MRAP en raison de la violation de leur domicile et d'un refus de location pour discrimination raciale. Ce jeune couple déposait fin juin ses premiers cartons dans une nouvelle maison lorsque les propriétaires changent très brutalement et tout aussi illégalement d'avis; ils apposent de nouveaux verrous laissant ainsi les jeunes gens dans l'impossibilité de rentrer chez eux, Les propriétaires, par ailleurs parents d'un conseiller municipal (l'affaire se passe à Gournay dans l'Oise), n'ont pas admis l'origine étrangère de M, Ouazzani et l'ont signifié à l'agent immobilier. Pourtant, le contrat était signé et les clés de la maison leur avaient été remises. Plainte auprès de la gendarmerie, constat d'huissier, saisine du MRAP, témoignage de l'agent: le couple a décidé d'aller jusqu'au bout malgré les tracasseries et l'entêtement de hors-laloi qui, comme l'a déclaré Valérie Joncoux,« ont fait abstraction du droit et du bon sens ». La justice tranchera. Agenda Raxen. L'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, institué en juin 1997 par le Conseil de l'Union européenne, est sur le point de créer un réseau d'échanges d'infonnations dit RAXEN. Constitué de représentants de centres de recherches, d'ONG, et d'organismes spécialisés. RAXEN devra collecter et archiver les données et informations relatives à la xénophobie et au racisme en vue de les traiter, les analyser et les rendre accessibles aux Etats membres ainsi qu'au public. Sophie Pisk a représenté le MRAP à une réunion d'étude qui s'est déroulée à Vienne les 21 et 22 juin. Prochaines échéances: fin septembre, réunion du Conseil d'administration de l'Observatoire destiné à élaborer les lignes directrices du programme en se fondant sur l'ensemble des recommandations formulées lors des séances d'échange et d'étude, fin cetobre une nouvelle rencontre entre ONG et chercheurs. Esprit civique, grande cause nationale 1999, Selon un arrêté du 26 avril 1999 du Premier ministre, une campagne « Grande cause nationale 1999 », sera entreprise par la Ligue française de l'enseignement et un collectif de dix associations : Anima'fac, ATD Quard Monde, Cenlre national olympique et sportif français, Fédération nationale du scoutisme français, France Nature Environnement, lDH, MRAP, Secours populaire, Union nationale des associations familiales, UNICEF. Il s'agit de faire connaître et de valoriser l'action contre « l'exclusion économique et sociale », pour« la reconnaissance de l'égale dignité de tous les êtres humains », la progression de la «démocratie politique et sociale ». Les domaines visés sont: l'éducation, la culture, les espaces de discriminations, la défense de l'environnement, la citoyenneté européenne et les rapports NordSud, le domaine de la sécurité, les pratiques sportives, les médias et l'information. Le MRAP apportera sa contribution avec son concert à l'UNESCO le 1er oetobre, une exposition sur la Citoyenneté, et une brochure sur les discriminations. Quelques autres rendez-vous: Salon de l'éducation en novembre (Ligue de l'enseignement), commémoration de la Convention internationale des droits de l'enfant (Unicef et LDH) autour du 20 novembre, journée de la lutle contre la misère le 17 octobre (ATD Qart-monde), rassemblement contre l'exclusion au Futuroscope de Poitiers du 15 au 19 décembre (Secours populaire), etc. Des outils d'information seront mis à la dispoSition du collectif tandis que les médias publics seront tenus de diffuser une large infonnation. À la CNCDH. Le calendrier des travaux préparatoires pour le rapporl1999 sur la lutte contre le racisme et la xénophobie a été établi. La préparation de ce rapport incombe à la sous-commission « racisme et xénophobie» présidée par Martine Valdès-Boulouque. Les contributions écrites des ministères et des ONG devront être remises le 10 novembre. Cent villes pourMumlaAbuJamal. Dans le cadre du mouvement international, le Cosimapp et le collectif panaficain de soutien organisent un festival d'art pour Mumia et contre la peine de mort, De nombreuses activités se déroulent durant tout le mois de septembre à Paris. Programme et informations: 01 45798844 (tél et fax). Une grande marche aura lieu le 25 septembre. 12 DifJérences n C 210 septembre 1999 -------------------------------
Notes
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