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Sommaire du numéro
n°184 avril 1997
- Edito: Le rapport et la loi par Mouloud Aounit
- Histoire coloniale: insurrection et répression à Madagascar par M.C. Andréani
- Les étrangers à l'index: une loi inutile et dangereuse [législation]
- Miroir des activités locales par Eric Lathière-Lavergne
- Naissance d'un comité en Lozère: entretien avec Yves Tanné son président recueilli par Paul Muzard
- Contre l'extrême-droite: syndicalistes à l'œuvre par C. Benabdessadok
- Hommage à Armand Dimet, enfant de Belleville par Albert Levy
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1 Avril 1997 - N° 184 o SOMMAIRE Histoire coloniale Législation 4 Une loi inutile et dangereuse Service juridique Dévelop-Info Activités locales Eric Lalhière-Lavergne Naissance d'un comité Entretien avec Yves Tanné par Paul Muzard 6 INSURRECTION ET RÉPRESSI N Outils de travail 7 Des livres Laurent Canal Une vidéo À MADAGASCAR MRAP 1 Orchidées Contre l'extrême droite 8 Syndicalistes à l'oeuvre Chérifa Benabdessadok Chrono 10 L'insurrection malgache et les massacres Encadrés sur Internet et Carpentras qui l'ont réduite en l'espace de vingt mois ont fait, selon des chiffres officiels, 550 victimes C_ Benabdessadok Hommage a Armand Dimet 12 du côté des colons et des militaires français et 89 000 du côté des insurgés. Albert Lévy A propos de La Redoute Rectificatif 12 Marie-Catherine Andréan; revient sur ce pan d'histoire d'il y a un demi-siècle. Chérifa B. qo pages 2 et 3 le rapporl el la loi Le rapport annuel de la CNCDH remis au Premier ministre le 20 mars confirme une nouvelle fois l'ampleur du courant xénophobe en France. Les résultats du sondage réalisé pour laCommission indiquent que 40 % des personnes interrogées avouent être personnellement racistes, près d'un tiers convient avoir eu des comportements ou tenu des propos racistes. Fait plus inquiétant: 53 % des personnes interrogées estiment légitime que le racisme s'exprime dans les campagnes électorales. Un Français sur deux pense que la xénophobie peut s'exprimer à la radio. Si on relie ces chiffres à ceux de l'élection municipale de Vitrolles, on constate qu'une déculpabilisation par rapport au racisme s'est opérée ces dernières années. Dans ce contexte, de nombreux dangers sont à craindre. D'abord cette banalisation du racisme peut induire un« effet d'entraînement ) et des passages à l'acte plus graves. Ensuite une surenchère est menée par des satellites du Front national: l'activisme des négationnistes et leurs provocations en sont des exemples flagrants. Ces réalités et ces chiffres doivent-ils nous culpabiliser? Nous ne le pensons pas. Sans l'activité tenace des militants antiracistes, la situation serait peut-être plus grave. Et cela d'autant plus qu'une large partie de l'opinion publique fait confiance aux organisations antiracistes dans le combat contre la xénophobie. L'Etat doit prendre ses responsabilités dans ce 'combat et agir par des vraies réponses politiques au malaise et aux effets dévastateurs de la crise. Il faut aussi des réponses éducatives etjuridiques. L'Etat doit agir énergiquement pour trouver un rapporteur de la loi contre le racisme ainsi qu'une date. Il y a urgence, trop de temps a déjà été perdu .• Mouloud Aounit 1 Histoire coloniale INSURRECTION ET RÉPRESSION À MADAGASCAR I L Y A CINQUANTE ANS, débutait le 29 mars 194 71e soulèvement des paysans et des ouvriers malgaches contre l'occupation française. Elle devait durer vingt mois et rester dans l'Histoire comme« l'Insurrection de l'Ile Rouge ». La conquête coloniale dès ses débuts, en 1883, a rencontré une vive opposition. Les populations se sont opposées à l'invasion française. Les combats se sont succédés jusqu'à la prise de possession de l'île promulguée le 6 août 1896. Les résistances et les révoltes se sont soldées par des échecs dus à l'insuffisance de l'armement et au manque de coordination et d'organisation des populations. En 1947, l'occupation coloniale française à Madagascar, outre le pillage des ressources et des richesses du pays, s'accompagne des réquisitions de villageois pour le transport des marchandises à dos d'homme, du travail forcé, de levées d'impôts, du vol des terres. Pendant les périodes de travail forcé, rien n'est prévu quant à la nourriture des paysans qui doivent pourvoir eux-mêmes à leur nourriture. Les familles les accompagnent pour faire la cuisine avec ce qu'elles ont pu emmener ou trouver sur place. Ils mouraient souvent de faim. La répression à l'encontre des populations devait servir d'exemple. Ainsi, des villages entiers ont été détruits à la moindre tentative de résistance. Les villageois étaient arrêtés, certains jetés des avions au milieu des villages. Dans les villes, il était interdit d'apprendre l'histoire malgache. La presse est censurée et la publication de journaux en langue nationale interdite. L'éveil du nationalisme Très tôt, des groupes d'intellectuels réclament l'indépendance. Le premier mouvement nationaliste au début du xxe siècle, la Vy Vato Sakelika, recrute dans l'intelligentsia des villes. La revendication reprise par Ralaimongo porte sur l'égalité des droits. Puis le mouvement s'élargit aux ouvriers et aux paysans. Le Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache, le MDRM, est créé en 1945. Il devient vite un parti politique important qui s'appuie sur diverses couches sociales. Il revendique l'application de la Charte de San Francisco proclamant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Le MDRM remporte 54% des suffrages aux élections du 18 novembre 1945 et les 3 sièges prévus par la Constitution aux élections législatives de novembre 1946. Il est largement majoritaire dans les assemblées provinciales. Le Parti des Déshérités, Padesm, encouragé par l'administration coloniale, est minoritaire. Parallèlement, il existe des sociétés secrètes, le Panama et la Jina, dont des membres sont entrés au MDRM, sans déclarer leur autre appartenance. Cette précision a son importance, puisque la direction du MDRM engagé dans un processus électoral est opposée à toute insurrection, alors que les sociétés secrètes veulent libérer le pays par un soulèvement général. L'insurrection Le 21 mars 1947, le MDRM dépose sur le bureau de l'assemblée constituante une proposition de loi demandant l'abrogation de la loi du 6 août 1896 et la proclamation Plaidoyer pour Madagascar (( Les colonialistes ( ... ) voient dans l'indigène une bête de somme à exploiter: un haut fonctionnaire de l'Île ne me disait- il pas que les paysans de la brousse "n'étaient pas plus évolués que leurs boeufs"? ( ... ) Les deux avocats envoyés de la métropole lors de l'instruction ont été l'objet d'attentats dont un rapport officiel ne cache pas que des "éléments administratifs et policiers" y ont pris part. Les noms ont circulé dans l'i/e, les responsables restent impunis ». Extrait d'un article du professeur Espiard, dirigeant du MRAP, témoin de la défense au procès de Tananarive paru dans Droit et Liberté, 15 décembre 1948, na 18 - 86 Différences na 184 avril 1997 de Madagascar comme « Etat libre ayant son gouvernement, son parlement, son armée, ses finances, au sein de l'Union française ». Cette proposition reprend la convention préliminaire du 6 mars signée par Ho Chi Minh avec le gouvernement français. Vincent Auriol refuse jusqu'à l'impression de la proposition des députés malgaches. Il est vrai que la première crise du gouvernement français vient de surgir à propos du Vietnam avec le refus par les députés communistes de voter les crédits militaires pour la guerre. Dans toute l'île, les rumeurs annonçant un soulèvement circulent fin mars. A Fianarantsoa dans le Sud et à Diégo-Suarez dans le Nord, les autorités militaires sont prévenues qu'une insurrection doit avoir lieu le soir du samedi 29 mars. Là l'insurrection avorte en quelques heures. Elle est égaIement abandonnée à Tananarive. Mais l'action se déroule comme prévu autour des deux voies de chemin de fer, la première qui va de Tamatave à Tananarive au Nord, et la seconde de Manakara à Fianarantsoa au Sud. Au Nord du pays, 2 000 insurgés arrivent à Moramanga, exécutent les officiers français et se précipitent sur le camp militaire occupé par un bataillon de tirailleurs sénégalais. Ils se retirent au petit matin entraînant avec eux la population rurale. Les tirailleurs envahissent le bourg et massacrent toute la population malgache qu'ils rencontrent. Dans la région, les insurgés attaquent les plantations européennes. Les combats durent jusqu'en avril aux abords de Tamatave et de Tananarive. Dans le Sud, les insurgés attaquent le terminus de la voie ferrée. Là aussi, les paysans suivent l'insurrection. Le 1 er avril, les insurgés s'emparent du bourg de Vohipeno. Les membres du Padesm qui ont contribué aux nombreuses arrestations de militants MDRM sont pourchassés et exécutés. Dans toute cette zone, l'insurrection rassemble près d'un million de personnes. Encouragée par le modèle vietnamien et par la faiblesse des forces militaires (6 000 militaires sur l'île), l'insurrection semble triompher. Mais la puissance de l'armement des militaires est sans commune mesure avec celle des insurgés armés de sagaies et de machettes. Dans les villes, les forces de police et des brigades spéciales composées de Comoriens et de « Sénégalais » maintiennent l'ordre. Avec le plein appui de Paris, l'administration coloniale arme les colons. Ils répondent aux insurgés par les exécutions et les massacres, fusillent les prisonniers. La répression Les premiers renforts français en provenance de Djibouti débarquent les 16 et 23 avril. Les forces françaises sont alors portées à 18 000 hommes. La Légion étrangère dégage les abords de Tananarive et les mines de graphite, et commence la reconquête du pays. Jusqu'en septembre, les forces coloniales réoccupent plusieurs lieux de résistance. Les opérations s'accompagnent d'incendies de villages, d'exécutions et de viols. Avec le retour de la saison sèche, l'armée française se lance dans une véritable chasse à l'homme, abat les deux principaux dirigeants de l'insurrection, qui est vaincue à la fin de l'année 1948. L'Etatmajor annonce 550 morts du côté des colons et des militaires, 89 000 du côté des insurgés. En 1950, le chiffre officiel sera de Il 342 morts parmi les Malgaches. Arrestations massives, déportations dans des camps, tribunaux d'exception et condamnations à mort succèdent aux massacres. Les conseillers de la République MDRM et deux députés malgaches, qui n'ont pas quitté Tananarive, qui ont désavoué l'insurrection à laquelle ils n'ont pas participé, sont arrêtés malgré leur immunité parlementaire. Ils sont inculpés pour « flagrant délit continu », notion de droit qui n'existe qu'à Madagascar! Le juge Vergoz lance un mandat d'arrêt contre le député Raseta resté à Paris. Une campagne de désinformation est lancée dans la presse parisienne. Moutet, ministre de la France d'Outremer, et Ramadier, président du Conseil, s'y déchaînent. Seuls Franc Tireur, L 'Humanité et Combat exposent les faits et s'indignent. Les débats sur Madagascar se succèdent à l'Assemblée. A Tananarive, les deux avocats parisiens venus défendre les inculpés MDRM, Pierre Stibbe et Henri Douzon, sont victimes de tentatives d'assassinat. Moutet s'oppose à la commission d'enquête parlementaire proposée par Jacques Duclos. Un procès a lieu en septembre - octobre 1948. Trois jours avant son ouverture, le coaccusé et principal témoin, Rakotondnibé prétendu « généralissime» de l'insurrection, est exécuté. La cour de Cassation confirme la condamnation à mort de Ravoahangy et de Raseta. Il sont graciés par Auriol et resteront en prison jusqu'en 1956. La répression à Madagascar a servi d' avertissement aux Africains qui auraient été tentés de suivre l'exemple Viêt-minh. Mais malgré cela, le gouvernement français est obligé d'octroyer à Madagascar la loi-cadre de 1956 instaurant le suffrage universel. En 1958, Madagascar devient un Etat libre au sein de l'Union française. Elle acquiert son indépendance en 1960. Le 29 mars 1947 est commémoré à Madagascar comme une journée d'hommage au sacrifice des patriotes malgaches. Différences na 184 avril 1997 Histoire coloniale L'insurrection de 1947 fait partie de notre Histoire. Nous partageons cette mémoire avec le peuple malgache .• Marie-Catherine Andréani Sources : Massacres coloniaux, Yves Benot, La Découverte, 1994. « Madagascar, la révolution tranquille », in Aujourd'hui l'Afrique n0l1-12, 1978. • Il Les étrangers à l'index UNE lOI INUTilE ET DANGEREUSE L'importante mobilisation contre le projet de loi Debré et la solidarité avec les sans-papiers ont permis ces derniers mois de favoriser l'émergence d'un vrai débat sur la question des migrations internationales et de la politique qu'il faudrait engager hors des sentiers battus. Cette mobilisation s'est, il est vrai, focalisée par moments sur l'article relatif au certificat d'hébergement qui apparaissait comme le plus explicitement attentatoire aux libertés individuelles des citoyens. Mais c'est en réalité l'ensemble de cette loi et la logique sur laquelle elle est fondée qui sont dangereux. Dangereux parce qu'elle nourrit, une fois de plus, le fantasme de l'invasion étrangère. Inutile tout autant, parce que ces dispositions créent pour les étrangers de nouvelles situations inextricables tout en fragilisant ceux qui sont durablement et régulièrement installés en France. Présentation des principales nouvelles dispositions, réalisée par le service juridique du MRAP, alors que le texte final est en cours d'adoption par l'Assemblée nationale et le Sénat. • La régularisation des « inexpulsables- irrégularisables» une insertion au rabais Le gouvernement a justifié sa volonté de réformer une énième fois l'Ordonnance du 2 novembre 1945 pour mettre un terme aux incohérences de la loi Pasqua. Les cas de régularisation prévus par le proj et ne concernent pas tous les inexpulsables. Il crée de nouvelles catégories« d'inexpulsablesirrégularisables ». Les titres de séjour proposés ne seront que des titres temporaires (dont on ne sait s'ils permettront aux intéressés de travailler), donc conférant un statut précaire, dont le renouvellement reste soumis à l'arbitraire des autorités préfectorales. Pourront solliciter sous conditions la délivrance d'un titre de séjour temporaire: -les parents d'enfants français de moins de 16 ans justifiant subvenir aux besoins de leurs enfants -les conjoints de Français entrés en France avec un visa et mariés depuis un an - les jeunes entrés hors regroupement familial avant l'âge de dix ans qui justifient de leur résidence habituelle en France -les étrangers résidant habituellement en France depuis plus de quinze ans -les étrangers titulaires d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle dont le taux d'incapacité est égal ou supérieur à 20 %. - les étrangers ayant obtenu le statut d'apatride, ainsi que leur conjoint (lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention) et leurs enfants. • Des étrangers malades à peine tolérés sur le territoire Les étrangers gravement malades qui doivent suivre un traitement médical dont l'interruption pourrait entraîner des conséquences graves sur leur état de santé et qui, ne pourront pas poursuivre un traitement approprié dans un autre pays, ne seront plus reconductibles à la frontière. Cette bienveillance n'est que la stricte application des conventions signées par la France, et notamment la Convention européenne des Droits de l'Homme qui interdit tout traitement inhumain et dégradant et proclame que le droit de toute personne à la vie est protégée par la loi. Cette disposition crée une nouvelle catégorie d'étranger inexpulsable et irrégularisable. Elle souligne la duplicité du gouvernement qui consiste à tolérer des personnes sur son Différences n° 184 avri/1997 territoire sans leur accorder un véritable droit au séjour. • Renouvellement de la carte de résident menacé: un risque de déstabilisation des étrangers intégrés La préfecture pourra refuser de renouveler sa carte de résident à une personne, en invoquant« la menace à l'ordre public» qu'elle pourrait représenter. Cette notion, aux contours flous, va élargir le pouvoir discrétionnaire des autorités préfectorales. A titre d'exemple, la notion de menace à l'ordre public a été invoquée par une préfecture à l'encontre d'une personne qui « avait conduit en état d'ébriété, ne disposait pas de carte grise et avait commis des infractions SNCF» En outre, elle crée une nouvelle aberration législative. En effet, des individus résidant depuis 1 0 ans en France perdront leur titre de séjour mais ils ne pourront pas être expulsés car la « menace à l'ordre public» ne permet pas d'engager une procédure d'expulsion. Le renouvellement de la carte de résident de dix ans est subordonné à la condition que son titulaire ait conservé sa résidence habituelle en France. Comment oser parler encore de renouvellement de « plein droit» de la carte de résident de dix ans, alors que l'on multiplie les conditions de renouvellement? • Des atteintes aux droits de la défense, au droit à un recours effectif devant un tribunal - La suppression de la Commission de séjour est particulièrement grave dans la mesure où il s'agit de la seule instance devant laquelle l'étranger peut faire valoir ses moyens de défense à l'encontre de la décision envisagée par la préfecture de refuser ou de ne pas renouveler une carte de résident à un bénéficiaire de plein droit ou à individu inexpulsable. Les personnes bénéficiaires de plein droit de la carte de résident seront livrées au pouvoir discrétionnaire de la préfecture au moment de leur première demande ou du renouvellement de leur titre. - L'étranger placé en centre de rétention ne sera présenté à l'autorité judiciaire que 48 heures après son interpellation au lieu de 24 heures. L'allongement de ce délai risque d'empêcher les étrangers frappés d'un arrêté de reconduite à la frontière, qui leur serait notifié en centre de rétention, d'introduire un recours en annulation dans le bref délai de 24 heures. En effet, l'étranger est souvent informé de son droit à engager un recours en annulation devant le tribunal administratif par l'avocat commis d'office qui intervient pour demander la levée de la rétention. Par conséquent, l'intéressé sera privé d'un recours effectif devant le tribunal administratif pour contester la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière . - Elargissement des possibilités de placer un étranger en rétention judiciaire pendant une période de trois mois. Actuellement, la rétention judiciaire n'est possible que si l'étranger fait obstacle volontairement à l'exécution de son éloignement en refusant de produire son passeport ou de faire connaître son identité. Le projet ouvrirait la possibilité de placer en rétention judiciaire tout étranger qui, même involontairement, ne peut produire un document de voyage. Or, cette hypothèse est fréquente s'agissant des demandeurs d'asile déboutés qui ne souhaitent pas se rapprocher des autorités consulaires de leur pays en raison des persécutions qu'ils craignent. - Possibilité de maintenir un étranger en centre de rétention, alors que le tribunal a ordonné sa libération, le temps que la Cour d'appel statue sur le recours formé par le Procureur de la République contre la remise en liberté de l'étranger. La Cour d'appel peut accepter de ne pas libérer l'étranger le temps qu'elle réexamine la légalité du placement en rétention sans avoir à motiver sa décision et sans que l'étranger lJuisse contester son maintien en rétention. - Possibilité de placer à plusieurs reprises un étranger en centre de rétention sur la base de la même mesure d'éloignement. La Cour de cassation avait condamné cette pratique car elle n'était pas prévue par la loi (article 35 bis de l'Ordonnance du 2 novembre 1945), qui stipule que le placement en rétention de l'étranger n'est possible que pour un délai maximum de 10 jours. A ce terme, si l'administration n'a pu assurer son éloignement, elle doit le libérer. Or, l'administration contrainte de libérer l'étranger au terme de ces 10 jours s'empressait de l'interpeller à nouveau et de le placer une nouvelle fois en centre de rétention. En inscrivant cette possibilité dans l'Ordonnance de 1945, le gouvernement légalise une pratique contraire à la Convention européenne des Droits de l'Homme qui défend le droit de toute personne arrêtée ou détenue à être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure. • Des mesures visant à renforcer la suspicion à l'égard des étrangers et à encourager la délation - La prise d'empreintes digitales de tout étranger sollicitant la délivrance d'un titre de séjour fait peser une suspicion de fraude sur tout étranger. - La confiscation du passeport de tout étranger en situation irrégulière en échange d'un récépissé valant justificatif d'identité risque de compromettre ses démarches administratives, telles que le retrait de lettres recommandées à la Poste ou l' inscription scolaire des enfants, et de fragiliser encore plus les étrangers inexpulsables et irrégularisables.L' étranger qui présentera ce récépissé à un propriétaire ou à un commerçant sera immédiatement stigmatisé et on ne peut négliger dans ce cas les chantages, pressions ou plus grave encore les dénonciations auxquels il sera confronté. - Contrôles d'identité rendus possibles sur les lieux de travail: cette disposition renforcera l'amalgame entre le travail clandestin et le travail illégal alors que les statistiques officielles montrent que les étrangers en situation irrégulière visés dans les procès-verbaux des inspecteurs du travail ne représentent que 6% de l'ensemble de ces procès-verbaux. • Une atteinte à la vie privée L' hé bergeant devra s'adresser à la préfecture pour obtenir la délivrance du certificat d'hébergement et non plus à sa mairie. En plus des cas de refus déj à prévus par la loi, la préfecture pourra désormais refuser de délivrer ce document si « les demandes antérieures de l 'hébergeant font apparaître un détournement de procédure au vu d'une enquête demandée par le préfet aux services de police ou de gendarmerie. » Un fichier des hébergeants sera nécessairement instauré dans la mesure où la préfecture devra disposer des demandes antérieures de certificats d'hébergement. Ce fichier contenant des informations personnelles (telles que le lien de parenté avec l 'hébergé, leur identité, leur nationalité ... ), on peut s'inquiéter de l'utilisation effective de ces données dont certaines touchent à la vie privée. Les agents de l'Office des Migrations Internationales pourront effectuer des visites inopinées du domicile de l'hébergeant afin de vérifier les conditions de logement, ce qui constitue une atteinte à la vie privée. L'hébergé devra remettre le certificat d 'hébergement dont il a bénéficié aux services de police lors de sa sortie du territoire .• Manifestation européenne pour la justice et les libertés, contre l'extrême droite A l'heure où nous mettons ce numéro sous presse, cette manifestation se prépare activement. Le MRAP fait partie du « comité de vigilance contre l'extrême droite» qui rassemble plus de soixante organisations (associations, syndicats et partis politiques). Le comité a rendu public l'appel suivant. « De la déclaration de l -M. Le Pen sur l'inégalité des races aux élections de Vitrolles en passant par la création d'associations et de prétendus syndicats, le Front national accentue son offensive dans tous les domaines. Dans ce contexte, le congrès national du Front national fin mars à Strasbourg, sera l'occasion pour lui de développer sa thématique antirépublicaine, fasciste, raciste, sécuritaire et de tenter de revendiquer un contenu social à son programme. L'immense mouvement contre la loi Debré montre la force de l'attachement aux valeurs d'égalité, de citoyenneté et de fraternité. C'est pourquoi, associations, syndicats, partis politiques réunis au sein d'un Comité de vigilance contre l'extrême droite, nous invitons tous les citoyens à se mobiliser pour défendre la République et la démocratie en se joignant à la manifestation contre le congrès du Front national qui se tiendra le samedi 29 mars à Strasbourg. » Différences n° 184 avri/1997 Il Dévelop Il nfo MROIR DES ACTIVITÉS LOCALES Débat sur l'Algérie à Périgueux Une centaine de personnes a répondu à l'appel de la Fédération de Dordogne, présidée par Jean-Michel Duretête, et du comité de soutien au peuple algérien qui organisaient le 7 mars une conférence-débat sur l'Algérie. Eliane Benarrosh, membre du Bureau national et Glazi Hidouci, ancien ministre algérien de l'Economie, ont présenté la situation politique algérienne. Et à Pau ... Le 11 mars, à l'initiative du comité ' palois, le collectif Algérie-Solidarité organisait une SOlree d'information autour de la sortie du livre de la cinéaste et écrivain Hafsa Zinai -Koudil « Sans-Voix» (Editions Plon) ou le quotidien des Algériens et des Algériennes dans la tourmente. La qualité des interventions a captivé l'auditoire qui a participé au débat. Pour plus d'information, contactez le MRAP de Pau: La Pépinière, 6 avenue Robert Schuman, 64000. Nous sommes tous des Africains ... C'est la conclusion d'un tract que la Fédération de Dordogne entend distribuer pour en finir avec quelques idées reçues sur ce sujet. S'appuyant sur les données du dernier recensement de l'INSEE ainsi que sur l'exposition « Préjugés et stéréotypes racistes », ce tract est un excellent argumentaire contre le Front National que vous pourrez vous procurer en contactant le Siège ou la Fédération
- BP 48, 24 600 Ribérac;
T : 05 53 90 53 40. Epinay-sur-Seine Dans le cadre de la semaine nationale d'éducation contre le racisme, qui fera ultérieurement l'objet d'une synthèse, le MRAP d'Epinay-sur-Seine (93) a obtenu de la municipalité l'affichage officiel de la loi antiraciste dans les établissements publics. Albert Jacquard à Lavaur Lavaur compte moins de neuf mille habitants. On apprécie alors d'autant plus le succès de la manifestation du 5 mars organisée par le MRAP de Lavaur au cours de laquelle plus de 700 personnes se sont déplacées pour écouter le généticien membre du comité d'honneur du Mouvement, Albert Jacquard autour du thème « Comment préparer une nouvelle Terre des hommes? ». Trente personnes ont participé à la contre-manifestation organisée par le maire contre la tenue de l'initiative du MRAP. Saint-Dizier, sur des chapeaux de roues La réunion de constitution et le premier débat du comité ont permis de sensibiliser plus de trente personnes que nous sommes heureux de pouvoir compter à nos côtés. Cette dynamique se retrouve sur l'ensemble des comités puisqu'au 28 février nous comptions deux fois plus de rentrées de cotisations qu'à la même période l'année passée, ainsi que 220 nouveaux adhérents. Affiches à nouveau disponibles Les affiches « Le racisme est un affront national» et « 1972- 1990. La loi française contre le racisme» ont fait l'objet d'un nouveau tirage. Vous pouvez les commander au Siège. Prix public à l'unité : 5 F, CL : 2 F. Eric Lathière-Lavergne NAISSANCE D'UN COMITÉ La Lozère est un petit département très rural et faiblement peuplé: 72 900 habitants dont 12 000 à Mende, le chef-lieu. Un comité, domicilié à Barnassac, s'est constitué en décembre dernier dans les environs de Marvejols. Entretien avec Yves Tanné, son président. Qu'est-ce qui a déterminé la création de ton comité? Membre d'Amnesty International depuis plusieurs années, j'ai décidé de participer localement aux mouvements des droits de l'Homme après avoir été informé d'attentats racistes en Lozère. Même avec une faible densité (2 habitants au km2) et un contexte dans lequel la question de la promiscuité ou du « seuil de tolérance» ne reposent sur aucun prétexte, le racisme est présent: destruction de la vitrine d'un épicier maghrébin à Chanac, ratonnades à la Canourgue, rumeurs racistes à Marvejols. II y avait déjà un couple d'adhérents à Saint Chély d'Apcher. J'avais moi-même adhéré au MRAP de Montpellier. Quelque temps après, mon adresse a été communiquée à Jean Laffitte qui habite un village voisin de La Canourgue et souhaitait adhérer au MRAP. Nous avons organisé une première réunion qui a regroupé vingt personnes. A la suivante, en janvier, les participants ont confirmé leur adhésion en s' engageant dans des actions. Vous avez quasi-immédiatement été confrontés à un problème. Nous n'avions pas encore reçu l'accusé de réception de notre déclaration à la préfecture que nous avons été contactés par des Maghrébins (Algériens, Marocains et Tunisiens) de Saint Chély d' Apcher. En effet, le maire de cette commune leur Différences n° 184 avri/1997 avait accordé une salle de l'ancien hôpital rural qui devait leur servir de lieu de culte et de réunion. Mais, sous la pression publique et à l'issue d'une délibération du conseil municipal demandée par une majorité de conseillers, le maire a été mis en minorité et a dû exiger la restitution des clés. Ce n'était pas très facile pour nous de « plonger » ainsi sans être encore structurés; mais nos expériences respectives nous ont permis de réagir assez vite. ) Qu'avez-vousfait ? Nous avons immédiatement rendu visite à la dizaine de pères de famille maghrébins concernés. Ils étaient très choqués; employés à l'usine métallurgique, ils vivent ici depuis 20 ou 30 ans et ils n'avaient jamais ressenti d' opposition aussi violente; il n'y a pas de cité, pas de ghetto. Ils ont maintenant le sentiment de n'avoir jamais été acceptés. Tout semblait à refaire. Nous leur avons conseillé de se constituer en association pour disposer d'une représentation; ce qu'ils ont fait aussitôt en fondant l'association culturelle pour l'éducation des jeunes. Par ailleurs, nous avons aussitôt demandé, par courrier, au maire de s'expliquer sur son refus, et avons adressé copie au préfet, à l'évêque et au pasteur de Mende. Le maire a simplement évoqué le vote négatif du conseil municipal. Avez-vous été soutenu? Il y a eu d'abord une solidarité ouvrière venue de la fédération de la métallurgie de la CGT qui a envoyé un fax de protestation au maire ; des sympathisants de l'usine se sont exprimés. Deux conseillers municipaux (communistes), l'un deux étant un adhérent du MRAP de longue date, ont organisé une réunion publique pour débattre de ce problème. Nous y avons été invités ainsi que la FOL, le CCFD, la FNACR (Fédération nationale des anciens combattants et résistants), les syndicats CGT, CFDT, FSU et les représentants des cultes. Une centaine de personnes se sont déplacées ce qui représente un grand nombre par rapport au nombre d'habitants (2 000). Les mouvements et les associations ont exprimé leur refus de toute discrimination; nous avons également évoqué les conditions de l'intégration dans la cité, à savoir la citoyenneté. Une pétition demandant la liberté de culte a été signée par les participants et transmise au maire et au préfet. Il a été en outre décidé de créer un collectif de soutien, regroupant les DES LIVRES À SIGNALER o Le Front national à découvert. Sous la direction de Nonna Mayer et Pascal Perrineau. Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1996. Cette réédition de l'ouvrage de 1988 a été augmentée d'un dixseptième chapitre « Le FN dans la durée », qui apporte une analyse à la lumière des faits de ces huit dernières années. La conclusion et la bibliographie (12 pages) ont été remaniées. Les quatre thèmes généraux - « Le Front national dans le système politique français », « Les hommes », « Les idées », « Les terrains »- gardent toute leur actualité. Un livre pour mieux comprendre et lutter plus efficacement. o Panorama des actes racistes et de l'extrémisme de droite en Europe. Centre de recherche, d'information et de documentation antiraciste (CRIDA), Rapport 1997, Ed. 1996. Ce troisième rapport annuel du CRiDA révèle l'état des violenassociations et les mouvements présents. Nous avons cependant déploré l'absence à cette réunion de toutes les autorités religieuses; l'évêque a dit: « Ma présence nuirait à la sérénité des débats! », les prêtres de Saint-Chély : « Nous ne sommes pas compétents! », les pasteurs de Mende et Saint Chély ont refusé de prendre position dans un débat jugé par eux trop politisé, ils ont déclaré : « on ne peut pas choisirl'intégrisme ». Cette affaire a eu l'avantage d'obliger tous les protagonistes à s'exprimer sur une forme de racisme qui n'est jamais avoué au grand jour ; l'antiracisme a pu aussi s'exprimer publiquement avec force. C'est une raison de ne pas désespérer. Peux-tu nous en dire plus sur le contenu du débat ? Un des conseillers municipaux qui avait refusé l'attribution de la salle n'a pu trouver une seule raison pour motiver son vote. En fait, les immigrés ne sont considérés que comme des bras dont l'usine a besoin. Leur préces et les effets de l'intolérance dans quinze pays européens, de l'Allemagne à l'ex-Yougoslavie. La France y est particulièrement épinglée, en particulier pour sa politique xénophobe et les avancées inquiétantes du parti de Jean-Marie Le Pen. On y apprendra beaucoup sur nos voisins (notons les très bons dossiers sur la Grande-Bretagne et sur la Belgique). Trois perspectives « diagonales» complètent ce panorama : « Fermeture des frontières et fascisation des États », « Régionalismes et extrême droite en Europe », « La Nouvelle Droite en Suisse ». Bibliographie et index en font un bon outil, accessible à tous. Laurent Canat Différences n° 184 avri/1997 Dévelop Il nfo sence depuis 20 ou 30 ans, leur participation à l'économie locale, leur intégration dans la cité, tout est balayé par des arguments trop connus: « ils ne sont pas comme nous », « ils prennent le travail des Français », « ce sont des intégristes ». L'amalgame musulmans-intégristes permet toutes les dérives. Le maire de Saint Chély et ses adjoints sont officiellement pour l'attribution d'une salle et sont choqués par le vote du conseil, mais le FN et ses sympathisants font un travail de sape. Et maintenant? Nous voulons demeurer très proches des immigrés, de sorte qu'ils soient acceptés parmi nous et refuser l'exclusion. Une autre voie consiste à nourrir l'éducation antiraciste. Lors de la semaine d'éducation, nous avons entamé ce travail dans les écoles et les collèges .• Entretien réalisé par Paul Muzard VIDÉO Une cassette-vidéo est à votre disposition au siège du MRAP au prix de 80 F frais de port inclus. Au sommaire: 1ére partie de 35 mn, autour de la semaine d'éducation contre le racisme: la notion de race, la journée du 21 mars, l'Afrique du Sud, les manifestations du racisme en France, la nationalité. Avec Claude Liauzu, Jacqueline CostaLascoux ... 2éme partie sur l'actualité internationale: Rwanda, Birmanie, Mondialisation. Elle est accessible aux élèves des collèges et lycées à partir de la 4ème• Il Contre l'extrême droite SYNDICAliSTES À l'OEUVRE Plusieurs initiatives et parutions autour de la question de l'expression de la xénophobie dans l'entreprise ont vu le jour ces derniers mois. Résumé de quelques faits, analyses et projets. L UND! 10 MARS, conférence de presse au siège de la CGT. Le propos d'ouverture du secrétaire confédérai, Didier Niel, est sans ambiguïté: « Reconnaissons, affirme-t-il, que le terrain ne nous est pas favorable . » Le résultat d'un sondage CSA commandé par ce syndicat en septembre dernier « mesure l'écart entre ce que nous pensons être les valeurs de la CGT et ce que les salariés attendent de nous. »A titre d'exemple, à la question « Quels doivent être les objectifs prioritaires pour les syndicats? », la solidarité entre salariés français et immigrés arrive en 1 oe place et la lutte contre le racisme en Il e place. Selon Jean-Louis Bauzon, secrétaire régional CFDT, interviewé par le journal L'expansion (1), la pression xénophobe est telle que des délégués syndicaux ont renoncé à distribuer des tracts ou à faire signer des pétitions au moment de la mobilisation contre la loi Debré. Pour Marc Sonnet, coordonnateur de l'Observatoire des libertés, créé en Provence par la CFDT dans le but de contrecarrer l'influence grandissante du Front national, « Il devient difficile de distribuer des tracts antiracistes. On s'est rendu compte que nos militants les laissaient dans les vestiaires pour éviter d'affronter l'hostilité de leurs collègues» (1). Le constat est identique pour la CGT: « Nous avons assisté au fil du temps à un phénomène d'externalisation de la lutte contre le racisme, expliquait Didier Niel. Pour des raisons électorales ou pour éviter les divisions, on aborde moins ces questions dans l'entreprise et dans le même temps on milite, à titre personnel, par exemple, au MRAP ou à la Ligue des droits de l'Homme, ce qui est très important mais ne s'oppose pas à l'investissement syndical sur le lieu de travail. » Quelques jours avant l'annonce par la CGT d'une campagne nationale « contre le racisme et pour la fraternité », une réunion regroupant une centaine de syndicalistes (2) se déroulait, le 1 er mars, à l'initiative de la commission syndicale de Ras l'Front. Préoccupation commune
- l'offensive du FN dans le
monde du travail et les ripostes qui s'imposent. Cette rencontre constitue le premier aboutissement de « l'appel des syndicalistes contre le fascisme et le racisme » lancé en mars 1996 et signé à l'heure actuelle par 1709 personnes ou structures. Enquête et campagne La CFDT a pris la mesure du danger et posé très ouvertement le problème en finançant dès septembre 1995, une enquête menée par des chercheurs du Cadis (Centre d'études et d'interventions sociologiques), Philippe Bataille, Michel Wieviorka, Anne Sauvayre et Claire Schiff(3). S'inspirant des premiers éléments de cette enquête, CFDT-Magazine a publié dans son numéro de mars un dossier intitulé « Le racisme s'installe dans l'entreprise ». Le constat est amer mais la volonté de faire face au problème est clairement affirmée : l'auteur de l'éditorial note qu'il serait excessif de parler d'apartheid, mais « le discours du Front national sur la préférence nationale franchit les portes de l'entreprise et s'y répand dans un silence toujours complice, souvent lourd aussi d'indignations refoulées. Il est dur également d'admettre que les arguments contre le racisme - lorsqu'on ose s'en servir - pèsent si peu. Pire même, ils sont souvent tus pour éviter - dit-on - d'alimenter la mécanique raciste. » Les chercheurs et les équipes syndicales de la CFDT d'une vingtaine de sites ont mis en évidence deux symptômes essentiels de la xénophobie : la discrimination à l'embauche et les entraves au déroulement de carrière. Philippe Bataille, qui a dirigé l'enquête sur le terrain, ne pense pas que le racisme dans l'entreprise soit le simple reflet d'un phénomène global de société. Bien au contraire, ditil, « les nouveaux enjeux du racisme se situent au sein de l'entreprise ». «Au-delà des graffitis, précise-t-il, des plaisanteries douteuses, on voit se développer sans trop de vergogne la discrimination à l'embauche, et les entraves dans l'évolution de carrière ou la mobilité. Ces discriminations frappent des gens de nationalités étrangères ou des enfants français de parents immigrés. J'en veux pour preuve le cas de ce jeune beur qui travaille dans un magasin à la satisfaction générale. Sous le prétexte, d'ailleurs non démontré, que la clientèle ne veut plus voir « d'étrangers », la direction décide d'affecter ce jeune homme à la gestion des stocks, Différences n° 184 avril 1997 mutation forcément vécue comme dégradante par l'intéressé. » (4) Quant à la responsabilité des acteurs du monde du travail - patronat, salariés, syndicats - Philippe Bataille considère que le processus n'est actuellement pas contrôlé: « Le groupe salarié pas plus que le monde patronal n'est à désigner du doigt. On assiste à une dérive, les arguments des uns renforçant ceux des autres, avec pour résultat une incapacité à agir ... y compris de la part des syndicats. » C'est manifestement pour encourager les syndicalistes à lever le tabou sur la réalité des discriminations et pour les aider à répondre aux opinions exprimées par certains salariés, que la CGT a saisi le cadre de l'Année européenne contre le racisme pour s'investir dans une campagne étalée de mars à décembre. Car, en effet, des questions telles que « pour s'en sortir ne faudrait-il pas fermer les frontières? » ou « La Sécurité sociale est en déficit mais n'est-ce pas toujours les mêmes qui en profitent? » (5) sont posées par des personnes qui ne sont pas forcément encartées au FN, ni même électeurs de ce parti. Les objectifs de cette campagne consistent globalement à ouvrir le débat dans les entreprises en multipliant les initiatives, à entamer un travail de fond sur l'argumentation, à favoriser la participation des salariés immigrés (1,6 million) aux élections des Conseils des prud'hommes et à faire avancer l'idée de leur éligibilité. Un colloque sur le thème du racisme au travail devrait se tenir au mois d'octobre. La supercherie sociale! « L'offensive sociale du FN » (6) à la suite des grèves de décembre 1995 n'est sans doute pas pour rien dans ces initiatives syndicales. Le cafouillage du FN durant cette période, Le Pen condamnant les syndicats et les grévistes, réclamant l'arrêt des grèves et la dissolution de l'Assemblée, a assez vite laissé la place à un véritable virage. Artisan de ce tournant, Bruno Mégret défend un « programme social» qui tourne résolument le dos à l'ultralibéralisme traditionnel du FN. Dans un entretien publié par Le Monde le 13 février, Mégret donne le tempo de ce qui s'apparente à une nouvelle ligne politique. « Nous sommes, analyse-t-il, dans une situation prérévolutionnaire », car il existe « une rupture entre le peuple et ses élites institutionnelles, et tout particulièrement avec la classe politique. Le mouvement social de l'automne en a été l'expression flagrante. » Il ne peut pas « se résumer à un conflit de type ancien entre le gouvernement et les syndicats soutenus par les partis de gauche. En réalité, c'est globalement le monde du travail qui s'est manifesté pour exprimer son inquiétude face à la déstabilisation de notre économie, liée à la mondialisation et à Maastricht. » Et le FN par la voix de Mégret de se poser en «solution alternative ». C'est à cela qu'oeuvre désormais le FN : ancrer solidement son enracinement dans les milieux populaires. Pour Jacques Breitenstein, ce « véritable projet national-social, a été notamment conduit par l'entourage de M. Bruno Mégret, dont nombre de cadres ont été formés par la Nouvelle droite. Amorcé dès 1992 avec les cinquante et une propositions sociales, il rompt avec le programme économique ultralibéral de 1985. Les déclarations de M. Mégret vont être suivies d'effets: en février 1996, les statuts du FN-RATP sont déposés, en mai ceux du FN-TCL (Transports communs lyonnais), deux du FN-Pénitentiaire en septembre. Le Mouvement pour une éducation nationale (MEN) est réactivé. Une antenne «défense» du Front sort un dépliant sur la loi de programmation militaire: « Pour sauver nos industries de défense ». Des tracts FN-Poste dénoncent les syndicats" qui font semblant de s'élever contre le risque de privatisation des postes". N'entendant pas se cantonner à la création de syndicats, le FN compte "confédérer " le travail de ses militants dans le Cercle national des travailleurs syndiqués. »(6) Le FN a astucieusement construit ses thèses nationalistes sur les effets de la mondialisation et de Maastricht, il revendique dans ses tracts aux accents cégétistes un SMIC à 7 000 francs, et ambitionne désormais de devenir durablement un parti de travailleurs. Le 1 er mai 1996, Le Pen n'hésite pas à se faire le porte-parole de « la protestation passionnée et souvent violente de ceux qui, pour vivre, devraient vendre leur force de travail à un prix souvent dérisoire ». Le langage de la contestation est désormais solidement installé et Le Pen en rajoutait une louche le 20 février dernier à la Mutualité où devant 1 500 sympathisants il affirmait : « Le social n'est pas une carte àjouer, mais l'essence même du Front national ». Il vaut mieux entendre cela qu'être sourd! Déjouer la (( victimisation » Entendre certes, mais une question lancinante émerge lors des débats, traverse les prises de position, les articles de presse et les livres: comment lutter plus efficacement contre le FN ? Des actions du type de celle de Ras l'Front au Salon du livre où la société éditrice de National Hebdo tenait un stand provoque la sympathie ou l'adhésion des antiracistes tout en soulevant de sérieuses interrogations. Il est en effet patent que le rôle de victime qu'affectionne tout particulièrement le Contre l'extrême droite FN est ici conforté. L'image de victime, ne cessent de nous dire quelques observateurs attentifs, conduit ou peut conduire les personnes socialement marginalisées à s'identifier à lui. Ces débats renvoient nécessairement au problème de la définition d'une stratégie: quel type d'action privilégier? Quels sont les buts visés? Dans quels délais et avec quels moyens? La réflexion ouverte par les syndicats suscitera vraisemblablement des points de vue différents. D'ores et déjà, se pose à eux le problème de l'attitude à adopter à l'égard des« adhérents racistes ». Certains considèrent que l'exclusion n'est pas une solution. C'est, par exemple le point de vue de Raymond Bulchozer, délégué CFDT de Peugeot-Mulhouse, qui affirme
- « Nous devons faire notre
travail syndical» (4). Tandis que d'autres supportent mal d'avoir à dialoguer avec des personnes qui véhiculent des thèses à l'antipode de leurs valeurs ou simplement y voient une dangereuse infiltration. En tout état de cause, le monde syndical se trouve devant deux échéances. Le 1 er mai, dont l'organisation unitaire est l'objet de discussions entre les directions parisiennes. Et le 10 décembre 1997, date des élections prud'homales. Devant la menace de voir se constituer des listes d'obédience FN, les cinq confédérations - CGT, CFDT, FO, CFTC, et CFECGC - se sont adressées au Premier ministre pour lui demander de réglementer le droit de constituer ces listes et de les réserver aux «organisations syndicales représentatives nationales ». C'est en faitle ministre du Travail, Jacques Barrot, qui leur a renvoyé la balle en affirmant « avoir confiance dans la capacité des syndicats "traditionnels" de mobiliser autour d'eux pour éviter que les suffrages des salariés n'aillent vers de telles listes» (7). La supercherie de l'extrême droite qui consiste à conjuguer préférence nationale et discours social n'est de toute évidence pas facile à déjouer. On peut néanmoins espérer que les derniers événements, de Vitrolles à « la désobéissance civique », forcent à construire des actions concertées et réfléchies, des espaces de formation et d'échanges. Pour paraphraser Pascale Ferran, co-auteur de l'appel des cinéastes, l'idée serait de réinventer une autre manière de faire de la politique et d'imaginer d'autres méthodes (8). Une lutte efficace contre le FN est peut-être à ce prix .• Chérira Benabdessadok (1) na 544, 6 mars 1997 (2) Participants individuels ou mandatés de la CFDT, la CGT, la CNT, la FSU, le Groupe des 10, l'UNSA. Source: compte-rendu de Françoise Pécoup pour la commission syndicale de Ras l'Front : BP 87 - 75561, T : 01 42432200 F : 0142 4323 63 (3) Cette étude devrait faire l'objet d'un livre à paraître fin 1997 (4) CFDT-Magazine, mars 1997 (5) Le Peuple na 1453,26 février 1997 (6) Titre d'un article riche et synthétique de Jacques Breitenstein, paru dans Le Monde diplomatique, mars 1997 (7) L'hebdo de l'actualité sociale VO-no 2741/180, 7113 mars 1997 (8) Le Monde, 19 mars 1997 Deux mots de plus • La campagne de la CGT aura lieu dans plusieurs villes de France. Alexandrine Vocaturo, membre du Bureau national du MRAP, a participé à la rencontre de Nice le 11 mars dernier. Les comités intéressés peuvent s'adresser aux Unions départementales du syndicat. • La commission syndicale de Ras l'Front édite depuis août 1996 un bulletin mensuel d'informations syndicales. Coordonnées ci -dessus note n02. Différences n° 184 avri/1997 Il EN BREF • Début mars, 43 parlementaires européens ainsi que 37 députés et sénateurs français avaient signé l'appel du MRAP contre l'extrême droite intitulé « Appel du palais du Luxembourg ». • Le Premier ministre belge, Jean-Luc Dehaene, a déclaré au mois de mars que « Le débat sur le droit de vote aux élections communales des immigrés pourrait être envisagé. » • 1 0 000 réfugiés albanais fuyant la violence qui s'est emparée de leur pays sont arrivés en Italie au cours du mois de mars. CHRONO PO Gardeàvueà Aubervilliers Une soixantaine d'employés communaux a manifesté le4 février en solidarité avec Viviane Chenault, ancienne responsable de l'état civil qui avait été convoquée au commissariat d'Aubervilliers, gardée pendant quatre heures, placée en cellule et fouillée. On lui reproche d'avoir marié au mois de novembre une Française et un ressortissant tunisien en situation irrégulière. Le père de lajeune femme avait exprimé son opposition au mariage de sa fille, ce que lui accorde la loi; mais le maire de la ville, Jack Ralite, et le MRAP attestent que toutes les démarches légales ont été respectées y compris l'article 173 du Code civil relatif aux conditions d'opposition au mariage. Algériens sans accueil Le Bureau national du MRAP a rendu publique le 17 février une déclaration sur la situation en Algérie. Il y est notamment demandé que « le gouvernement français et les Etats de l'Union européenne usent de leurs pouvoirs pour obtenir du gouvernement algérien qu'il s'engage à respecter les conventions relatives aux droits de l'Homme qu'il a ratifiées. » Le MRAP demande également au gouvernement français « 1. De faciliter l'entrée et le séjour en France en accordant des visas à ceux qui manifestent le besoin de séjourner dans notre pays. 2. De faciliter l'accueil des Algériens menacés dans leur pays en leur accordant des titres de séjour et de travail. 3. De s'abstenir des reconduites systématiques sans mesurer les conséquences. » L"ANIV dissoute Le tribunal de grande instance de Melun a décidé le 25 février la dissolution de l'association dénommée Amnistie nationale pour les internés et Victimes de la loi Gayssot. Celle-ci avait été créée en 1992 et avait pour objet « d'ouvrir un débat contradictoire sur la question des chambres à gaz durant la seconde guerre mondiale» et de défendre les personnes condamnées au nom de la loi instaurant le délit de contestation des crimes contre l'Humanité. Mme Mégret menace Dans un entretien publié par unjournal allemand, Catherine Mégret reprend à son compte les thèses de Le Pen sur l'inégalité des races, annonce son intention de supprimer les subventions aux associations d'origine étrangère et de retirer les aides publiques aux immigrés. Le MRAP demande au gouvernement dans un communiqué du 25 février de remettre à l'ordre dujour la réforme de la loi contre le racisme préconisée par le garde des Sceaux. · Paris Bamako Plusieurs dizaines de Maliens en situation irrégulière ont été con- Différences n° 184 avri/1997 duits par charter le 27 février à Bamako. Des violences ont éclaté dans l'avion à l'arrivée dans la capitale malienne. Des policiers et des expulsés ont été blessés. La Cimade et le MRAP ont dénoncé cette expulsion qui se déroulait au lendemain du vote de la loi Debré en première lecture à l'Assemblée nationale. La CFDT -Air France et la FASP (syndicat majoritaire parmi les policiers en tenue) ont également réagi. Le représentant de la CFDT au conseil d'administration a protesté auprès du PDG d'Air France contre l'utilisation des vols réguliers d'Air France pour l'expulsion d'immigrés. Ce syndicat réclame qu'une clause de conscience soit appliquée au personnel navigant. La FASP a, pour sa part, proposé au syndicat des pilotes de ligne de se rencontrer pour envisager ensemble des solutions. Il est en effet désormais connu que ces expulsions se déroulent dans des conditions inhumaines: passagers « scotchés» sur leurs sièges, menottés, voire drogués ou chloroformés. Contre la discrimination àl"emploi Le maire de Vaulx-enVelin dans le Rhône, Maurice Charrier, a pris l'initiative d'écrire à 5 000 entreprises de la région afin de les inviter à ne pas pratiquer de discrimination à l'encontre de jeunes issus d'une banlieue réputée sensible. 2 000 jeunes, selon la dépêche AFP du 6 mars 1997, sont à la recherche d'un emploi ou d'une formation à Vaulx-en-Velin. Le maire a décidé d'embaucher des jeunes qui seront chargés de défendre les compétences de leurs camarades auprès des entreprises. Salon du livre Le MRAP sur Internet Pour ne pas laisser le champ libre aux organisations racistes, négationnistes et d'extrême droite qui disposent de centaines de sites sur Internet et pour accroître l'efficacité de son combat, le MRAP s'est doté d'un espace. Nous reviendrons plus longuement sur les contenus et les modalités d'utilisation dans notre prochain numéro. Pour l'heure, sachez que les codes d'accès et d'utilisation sont: • accès :www.oxygène.Fr/gallois/mrap.htm • mail: mrap@oxygène.Fr Ce site aura de nombreux objectifs: l'information du public sur la vie et l'action du Mouvement; la mise à disposition de dossiers thématiques et d'outils pédagogiques; la poursuite de la réflexion sur l'antiracisme et l'échange permanent avec les organisations et les citoyens antiracistes dans le monde. 1 UR MÉMOIRE Le ton est vite monté le 13 mars au Salon du livre entre les militants de Ras l'Front et les membres de la société qui édite National Hebdo. Le stand de la SANH a rapidement été mis à sac. La veille, des éditeurs avaient entamé une concertation pour se donner les moyens légaux d'agir. Hommage aux Tsiganes et aux Roms A l'occasion de l'inauguration d'un nouveau centre de documentation et de culture tsigane et rom le 15 mars à Heidelberg, le président allemand, Roman Herzog, a rendu un hommage appuyé aux 50 000 Gens du voyage allemands. Il a rappelé l'extermination raciste dont ont été victimes ces communautés par le régime nationalsocialiste. Environ 500 000 Tsiganes et Roms vivant dans les pays d'Europe occupés par l'Allemagne ont été déportés dans les camps de concentration et tués. M. Herzog a précisé que les Tsiganes et Roms allemands « sont une partie de notre société et enrichissent ce pays avec leur culture spécifique ». B. Antony jugé à Montpellier Sur plainte du MRAP, de la Cimade et de la Ligue des droits de l'homme, Bernard Antony était jugé le20 mars par le tribunal correctionnel de Montpellier pour provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciale. Il avait en août dernier confié à deux journalistes: «il faudrait occuper les mosquées et les synagogues puisque les sans-papiers occupent nos églises. Je condamne ces chrétiens émasculés qui accueillent ces négros ». Le comité local du MRAP dont l'avocat est maître Bardine Chikhaoui a tenu une conférence de presse le jour même en présence de Mouloud Aounit. Le lendemain de l'audience, le MRAP s'est indigné de certains propos tenus par le procureur de la République: « Le réquisitoire commence ainsi : "la presse affabule en général", aussi est -illogique de douter que les déclarations rapportées par les deuxjournalistes présents au procès en qualité de témoins des parties civiles, aient été réellement tenues par Bernard Antony. Il jette ainsi le discrédit sur les témoignages des journaliste et fait silence sur les trois témoins cité par la défense (dont un membre du service d'ordre du FN et un assistant parlementaire du groupe FN au Parlement européen) qui n'ont jamais entendu les propos litigieux. » Verdict le 15 mai. 21 mars à Genève D'après une dépêche AFP, la commission des Carpentras : la reconstitution Le procès des quatre profanateurs du cimetière de Carpentras s'est ouvert à Marseille le 17 mars. Interrogés par la présidente du tribunal, ils se sont livrés à une « reconstitution )) qui en dit long sur la folie antisémite et sur les capacités des individus à se laisser déposséder de toute faculté d'apprécier l'horreur d'une situation. Extraits d'un article du Monde (20/3) rapportant les propos tenus lors de l'audience :. - « En creusant, on commençait à sentir l'odeur. )) - « L'un de nous a cassé le couvercle du cercueil avec le pied-de-biche. )) - « J'ai essayé de mettre une bouteille de bière vide dans la main du défunt. )) - « Gos (il s'agit du chef du groupe décédé en 1993, NDLR) s'est livré à une tentative de décapitation, il a donné plusieurs coups de pelle américaine au niveau du cou. Il est devenu comme fou. Ensuite, il a saisi le pied de parasol. )) - « Pour faire un simulacre d'empalement. )) - « Je pense que Gos voulait faire tenir le mort droit comme s'il était vivant. )) - « Sur le moment, je n'avais plus aucune référence digne d'un être humain, j'étais un spectateur, incapable de prendre une décision. )) La veuve de l'homme dont ces skinheads ont abîmé le corps sans vie n'était plus dans la salle. droits de l'homme de l'ONU qui siège à Genève a dénoncé le 21 mars au cours d'une table ronde, la montée de la xénophobie envers les migrants. L'utilisation abusive d'Internet pour « promouvoir le racisme et la xénophobie» a été dénoncée par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. Stéphane Hessel, ambassadeur de France, a déploré que les gouvernements européens aient « trop souvent cédé à la pression d'une opinion apeurée, mal informée, nourrie des fantasmes de l'extrême droite.» Le secrétaire général de la Commission internationale de juristes (CU) a également dénoncé cet état de fait. Octobre à Bordeaux Bordeaux se prépare au procès de Maurice Papon qui se déroulera en octobre prochain. Les trois magistrats qui entoureront les neuf jurés ont déjà été nommés. Il s'agit de Jean-Louis Castagnède, actuellement président de chambre de cour d'appel, de Jean-Pierre Esperben et de Irène Carbonnier. Le parquet sera représenté par le procureur général Henri Desclaux et par l'avocat général Marc Robert. On attend, pour ce premier procès qui jugera un haut fonctionnaire de Vichy, 150 témoins et parties civiles et autant de journalistes du monde entier. Eléments d'information rassemblés par Chérifa B. Différences n° 184 avri/1997 EN BREF • Le rapport de la CNCDH sur l'état du racisme en France a été remis au Premier ministre le 20 mars. Deux « tendances )) semblent s'en dégager: recul des violences racistes mais progression de la xénophobie. Retour sur cette étude le mois prochain. • Un attentat-suicide perpétré le 21 mars à Tel-Aviva fait quatre morts. Les accords d'Oslo vont-ils passer de la réalité au rêve? • Dans un tract signé par « RadioIslam )) et « La Vieille Taupe )), le secrétaire général du MRAP est assimilé à un musulman manipulé par le lobby sioniste et on lui souhaite « le sort des moutons de l'Aïd. )) Un appel de solidarité a été lancé par le MRAP. • Hommage à Armand Dimet UN ENFANT DE BELLEVilLE Fils d'immigrés, avocat, et membre fondateur du MRAP, Armand Dimet est décédé à Paris le 26 février. Extrait de l'hommage que lui a rendu Albert Lévy lors de ses obsèques. ARMAND ETAIT UN ENFANT du quartier Saint-Paul, puis de Belleville, plus précisément le quartier des Couronnes. Ses parents avaient quitté la Pologne, au début des années vingt. pour échapper aux périls des pogromes et à la répression du régime fasciste. Son père, ouvrier ébéniste, participait activement aux luttes du prolétariat juif émigré qui se constituait en syndicats. Les parents avaient ensuite ouvert une petite épicerie, à deux pas de l'immeuble de laCGTU, situé dans ce qui est devenu la rue Jean-Pierre Timhaud. ( ... ) Belleville, avec ses prolongements, était un creuset où Français et immigrés de multiples origines cohabitaient, travaillaient, se distrayaient, unis par une double foi dans la République française et la Révolution mondiale. Parmi les sans-papiers, nombreux étaient les juifs. Plus ou moins clandestins, il y avait des ateliers, au fond des cours, dans les greniers ou les chambres d'hôtels meublés. Cortèges de chômeurs, descentes de police, incursions provocatrices des Croix de Feu, discours menaçants d'Hitler: le peuple de Belleville affrontait bien des inquiétudes. ( ... ) Armand et ses deux frères, Joseph et Maurice, aident les parents, naturalisés en 1926, à résoudre les questions administratives, à faire la comptabilité. II vont à l'école, bien sûr, mais aussi au patronage laïc, aux Pionniers. Armand, le plus jeune, lit énormément, surtout dans les mois qui suivent l'accident où il perd un bras. En 1938, il entre en 5m.. au lycée Voltaire. Vient l'Occupation. Pour les adolescents politisés de Belleville, la résistance s'impose. Téméraire jusqu'à l'inconscience du danger, Armand lance un jour des tracts antinazis d'une voiture du métro sur le quai des stations. En août 1941, pris dans la grande rafle Rectificatif à propos de La Redoute Dans le dernier numéro deDifJérences, nous avons publié un texte intitulé « Boycotter la Redoute }) qui dénonçait le licenciement abusif de Mme Deltombe et mettait en cause un organisme de crédit du groupe Pinault-La Redoute. Depuis, nous avons appris que Mme Deltombe travaillait effectivement à la Finaref, mais étant intérimaire, l'employeur juridiquement responsable de son licenciement ne pouvait être cet organisme. Nous retirons donc avec l'auteur de ce courrier l'appel à boycotter La Redoute et la FÎnaref et leur présentons nos excuses ainsi qu'à nos lecteurs. La rédaction en chef de Différences porte l'entière responsabilité de cette erreur. Méfions-nous des réactions {( à chaud )}. Chérifa 8enabdessadok du Il", il est interné au camp de Drancy. Par chance, il est libéré en novembre, dans un petit contingent de mineurs et de malades. La famille se replie en zone sud, à Pau, et il retourne au lycée, passe le bac. A Toulouse, où il prend part à la Libération, il s'inscrit à la Faculté de droit. Est-il besoin de dire quels efforts représentait pour lui et sa famille son projet de devenir avocat? Ayant regagné Paris, tout en suivant ses cours, il travaille dans une compagnie d'assurances. Armand est de ceux qui ne cèdent pas devant les difficultés. ( ... ) C'est ainsi qu'en janvier 1949, il assure le secrétariat du Comité d'initiative d'où naîtra le MRAP, en réaction à la guerre froide, qui déjà bat son plein. A la fin de la Journée nationale fondatrice, le 29 mai, au Cirque d'Hiver, les 2 000 participants jurent solennellement de combattre tous les racismes, d'empêcher de nouveaux massacres d'innocents, et de ne jamais accepter de se trouver dans le même camp que les bourreaux nazis. C'est Armand Dimentsztajn qui lit le serment devant l'assistance debout, de sa voix bien timbrée, prenante, « dans un silence plein de ferveur», indique un compte-rendu de presse. Il avait 24 ans. Pendant les 18 ans qui suivent, il est membre du Secrétariat national du MRAP, menant de front la fin de ses études, puis ses activités professionnelles qui l'accapareront de plus en plus. ( ... ) Au cours de la guerre d'Algérie, il fait partie du collectif d'avocats créé par le PCF et défend devant les tribunaux des combattants de l'indépendance, tenus pour des Français rebelles. Il se rendra quatre fois en Algérie, où il fut un des premiers à entrer en contact avec Henri Alleg dans sa prison.( ... ) La ratonnade meurtrière commise par la police parisienne le 17 octobre 1961 et les jours Différences n- 184 avril 1997 suivants furent un moment de forte mobilisation pour le MRAP comme pour l'ensemble des forces démocratiques en dépit des interdictions de manifester, de la censure et de la répression. Tout avait commencé par un communiqué du préfet de Police, Maurice Papon, soumettant la population algérienne à un strict couvrefeu. Armand écrivit un article dans l'urgence pour paraître en première page de Droit et Liberté. En des termes d'une rigueur cinglante, il stigmatisait « la discrimination raciale officiellement instituée », fondée sur l'origine et la religion, puisqu'elle visait les « Français musulmans d'Algérie ». ( ... ) La décision d'alléger son nom dif· ficile à écrire et à prononcer ne mettait nullement en cause l'attachement à ses racines et la continuité de son existence. Mais, au-delà des différences légitimes, il se voyait surtout comme un humain parmi les humains. ( ... ) Albert Lévy 89, fUC Oberkampf 75543 Paris Cedex II T6L:0143148353 Télécopie: 0143148350 • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérante bénévole Isabelle Sirot • Rédactrice en chef Cherira Bt:nabdessadok • Administration - gestion Patricia Jouhannet • Abonnements Isabt:1 Dos Martîres 120 F pour II numéros/an 12 F le numéro • Maquette Cherira Benabdcssadok • Impression Montligeon Tél.:0233858000 • Commission paritaire n" 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légal 1997-04
Notes
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