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Sommaire du numéro

n°17 de novembre 1982

  • Pour sortir des blocages par Albert Levy
  • Des chiffres et des êtres (U.S.A.) par Robert Pac
  • Les franfreluches du gouverneur (Brésil) par Léo Marin
  • Les larmes amères de Belfast par Michèle Bonnechère
  • Michèle Maillet voit rouge (speakrine, antillaise, licenciée)
  • Vivre en lieu de vie par Anne Sizaire
  • Immigrés: prière d'insérer par Julien Boaz
  • La Corse se refait une beauté par Michel Thévenot
  • La longue attente de Chtcharanski par Jean-Michel Ollé
  • Pierre Mendès-France et l'antisémitisme par Véronique Mortaigne
  • La ségrégation est dans l'escalier (logement) par Alain Rauchvarger
  • Tours et Vautours dans Dreux par Emile Murène
  • Algérie: chronique des années de paix par J.P Garcia; textes de J.P. COt et Henri Alleg
  • Culture: Marseille, vues sur la mer par Jean Roccia
  • Les pêcheurs marocains à fond de cale par Bruno Trajan
  • La tolérance n'a pas de pays par Renée David
  • Histoire: des chèvres de Chehodet aux cafés de Vienne par Monique Ciprut
  • En débat: le racisme en culottes courtes, interventions de Alain SAvary, Tony Lainé, Colette Jacob, André Ouliac, André Drubay recueillies par Dolorès Aloia
  • Droit d'asile suite du débat: interventions de Michel de la Fournière, R.P. Riquet
  • La parole à Gisèle Halimi: "vivre avec ceux qui nous oppriment"
  • Lecteurs qui sommes-nous? : résultats du sondage par Julien Boaz

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Le magazine de l'amitié entre les peuples EXCLUSIF henri alleg/jean-pierre cot g i s èle halimi/alain savary michèle maillet N° 17 - NOVEMBRE 1982 - 14 F - MENSUEL M 1430 - 10 - 14 F r atJ -- DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 POUR SORTIR DES BLOCAGES La sortie du blocage des prix et des salaires ne nous laisse pas ind(ffërents. Mais nous parlons ici d'autres blocages, qui verrouillent les relations humaines, et depuis des millénaires ceux-là: oui, comment en sortir? A vrai dire, entre d(fficultés économiques et racisme, des rapports évidents existent. Quand on est au chômage, quand on tire le diable par la queue, la tentation est forte, c'est connu, d'en rendre responsables des groupes d~finis par u'1.e différence apparente mais, enfait, pas mieux lotis. Ce r~f7exe à fleur de peau dispense d'une ana (l'se, d'une action cohérente, et il s'est souvent trouvé des gouvernants pour encourager pareilles méprises, afin de détourner d'eux mécontentements et contestations. Ce n'est heureusement plus le cas aujourd'hui, en France. Pourtant, de tenaces habitudes persistent dans bien des esprits: en cette période pré-électorale, les candidats ne manquent pas pour lesjlatter. D'autant plus que subsistent, avec la crise, outre les questions lancinantes de l'emploi et du pouvoir 'd'achat, les carences de l'habitat, l'inadaptation de l'école, la fragilité des acquis sociaux, l'insécurité quotidienne ... Il y a là des blocages de taille, pesant sur les mentalités, dont doivent tenir compte tous ceux - éducateurs, médias, pouvoirs publics - qui voudraient abolir chez nos contemporains, par les arguments de la raison et du coeur, la perception stéréotypée, hostile et apeurée de l'Autre. Parce que les attitudes racistes visent avant tout les Maghrébins, une autre constatation, ravivée par l'actualité, nous interpelle: alors que partout l'on honore Pierre Mendès-France, l'un des pionniers de la décolonisation, les Français n'en finissent pas de sortir la guerre d'Algérie. Le débat d'aujourd'hui porte moins sur la classification et le montant de la retraite d'un quarteron de généraux, que sur la façon d'apprécier les causes, la signification et l'issue de cet événement majeur de notre temps. Les peuples de France et d'Algérie ont politiquement tranché le problème depuis longtemps. Le blocage vient indéniablement de ceux qui n'ont rien oublié ni rien appris, factieux et auteurs d'actes criminels, complices conscients ou inconscients, victimes désespérément agrippées à des notions anachroniques comme aux débris d'un naufrage sur l'océan de l'Histoire. A leurs attitudes, à leurs propos, on voit clairement qu'une amnistie sans restriction serait pour nombre d'entre eux, non pas l'occasion d'une réflexion renouvelée, au moins d'un doute, mais au contraire, /'insolente confirmation de leurs fantasmes agressifs. Or, que vaudrait une « réconciliation» à sens unique, fondée sur la négation du progrès et au détriment des principes républicains? Que représenterait l'apaisement s'il ne permettait pas qu'entre les adversaires d'hier, la compréhension mutuelle se substitue enfin aux haines et aux violenc~ s ? Une loi ne saurait y conduire. Sortir des blocages, quels qu'ils soient, implique un effort de justice et de lucidité. S'agissant aussi bien des gens qui partagent notre vie que de ceux dont nous sommes éloignés, quelle libération ce serait pour tous et pour chacun, combien l'avenir serait passionnant, si l'on cessait de tenir d~finitivement pour méprisable et sans droits quiconque est autrement. Si, à défaut de l'aimer comme soi-même, on le respectait comme il est. Albert LEVY 3 faites-lui connaître Différences pour 120 F seulement (au lieu de 150 F) ZIMI$. partagez avec eux le plaisir de recevoir chaque mois Différences, au tarif préférentiel de / iMtls. ne les laissez pas plus longtemps dans l'ignorance de Différences, pour le prix exceptionnel de 80 F l'abonnement. ~~ L ____ L __ Charles_ _ ~ ~'10 janvier 2012 à 15:45 (UTC)r~~-'----- 'J-"fJNNl Nom •••••••••••••••••••••• Prénom •••••••••••••••••••••••••••• Adresse ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

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Anne SIZAIRE ACTUALITE 15 IMMIGRÉS: PRIÈRE D'INSÉRER Les conclusions du groupe de travail sur l'expression des immigrés. Daniel CHAPUT ACTUALITÉ 16 LA LONGUE ATTENTE DE CHTCHARANSKI L'informaticien soviétiqu e emprisonné continue sa grève de la faim . Jean-Michel OLLÉ EXPLIQUEZ-MOI 17 PMFET L'ANTISÉMITISME Les attaques qu'il a subies au cours de sa carrière. Véronique MORTAIGNE NOTRE TEMPS 18 LA SÉGRÉGATION EST DANS L'ESCALIER En attendant les conclusions de la commission Dudebout, une enquête sur le logement social. Alain RAUCHVARGER RÉGIONALE 22 TOURS ET VAUTOURS DANS DREUX Une ville en proie à l'offensive du Front National Emile MURENE CONNAITRE 26 ALGÉRIE, CHRONIQUE DES ANNÉES DE PAIX Vingt ans après, l'indépendance restc un combat de tous les jours. Une façon de célébrer l'anniversaire du début de la guerre de libération Jean-Pierre GARCIA DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 CULTURE 36 MARSEILLE, VUES SUR LA MER La grande exposition, L'Orient des Provençaux, inaugurée ces jours-ci, redonnera-t-elle à la ville le goût de l'ailleurs? Jean ROCCIA RÉFLEXION 38 LA TOLÉRANCE N'A PAS DE PAYS A l'occasion du voyage officiel du président de la République en Inde, une approche de la pensée hindoue. Renée DAVID HISTOIRE 42 DES CHÈVRES DE\CHEHODET AUX CAFÉS DE VIENNE La longue hi stoire du café. Monique CIPRUT EN DÉBAT 44 LE RACISME EN CULOTTES COURTES Les enfants sont-ils aussi innocents qu'on le dit? Alain SA VARY - Tony LAINE - André DRUBA y - Colette JACOB - André OULIAC LA PAROLE A ... 46 GISÈLE HALIMI « Vivre avec ceux qui nous oppriment » DlFFtRENCES, macaline me ..... el crU par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'arnitii entre les peuple. ), iditi par la Sociiti d .. Editions Dilfirences, 89 rue Oberkampf, 75011 Paris, til. 806.88.33. AboMement : 1 an : 150 F - 1 an il'itranger : 180 F - 6 mois : 80 F - Etudiants et chômeurs : 1 an : 130 F - 6 mois: 70 F üoindre une photocopie dela carte d'itucliant ou dela carte de pointage). Soutien : 100 FAboMement d"onneur : 1 000 F. Vente i l'itranger : Algirie : 10 dinars, Belgique: 140 F. belges, Canada: 3 dollars, Portugal : 150 escudos. Directeur de la publication : Albert Uvy - Secrétaire de rédaction et maquettes : Francis Laurent - Service photos: Abdelhak Sen na. Ont collaboré à ce numéro : Cannela Aloi., Dolorès Aloia, Mich~e BonnKh~ret Julien Bou, Daniel Chaput, Monique Ciprut, Renée David, Jean-Pierre Garcia, Uo Marin, Véronique Mortaignt, Emile Murme, Jean-Miellel OBé, Robert Pac, Alain Rauch".,gcr, Jean Roceia, Ivan Sigg, Anne Sizain, Yus Thor8val, Bruno Trajan . Admin isrration : Khaled Oebbtlh - Secrétariat : Danièle Simon - Promotion-Vente: Marie-Jeanne SIIlmon - Puhlici tc : Dirrérences - Imprimerie : [FIC. t7 rue Richer. 75009 Paris. ttt. 824.4~. I~ - Diffusion : N.M.P.P. Numéro de commission paritaire: 63.634 - ISSN : 0247-9095. 5 Point chaud DESC A l'heure des élections américaines, une enquête sur les petits calculs de l'administration pour déterminer la race des citoyens. La presse américaine a rendu compte récemment de l'action en'justice que mène Mrs Phipps, une femme de 48 ans, de Louisiane pour être reconnue légalement comme blanche. Elle s'est vue porter la mention colored sur un certificat de naissance qu'elle avait demandé, alors que, depuis sa venue au monde, elle se considérait comme blanche. A la regarder, elle l'est pourtant. Mais l'administration, qui ne s'en laisse pas compter, a reconstitué son arbre généalogique et a découvert qu'il ya 222 ans, son arrière arrière-arrière- arrière grand-père avait épousé une esclave noire. Depuis 1970, l'Etat de Louisiane s'est doté d'une loi établissant qu'une personne possédant 1/ 32e de sang noir est classée noire. C'et déjà un progrès par rapport à la loi précédente qui prenait en compte simplement toute trace d'ascendance noire L'avocat de Mrs Phipps, argumentant sur cette base eut beau faire valoir qu'elle n'avait donc qu' 1 / 128e de sang noir, rien n'y fit et il dut transiger à 1/ 32e ! Encore avait-il fallu admettre pour faire le calcul, que l'arrière-arrière-arrièrearrière grand- mère avait du sang 100% noir dans les veines. Il y a des milliers de Louisianais qui ont des ancêtres noirs et qui paraissent blancs tout comme Mrs Phipps, et même plus qu'elle. Certains d'entre eux ont les yeux bleus et les cheveux blonds, en plus de la peau blanche. Ils sont classés noirs et ils l'acceptent. Beaucoup même sont fiers de leur ascendance et ne choisissent pas de vivre dans la société blanche, alors qu'ils pourraient franchir la ligne. Avec Mrs Phipps, on n'a pas affaire à une femme noire qui veut être reconnue comme blanche mais à une femme blanche qui ne veut pas être classée noire, tous simplement parce que c'est immensément plus avantageux d'être blanc que noir dans la société américaine. Le coeur se soulève devant cette arithmétique absurde. Tant que leur race sera mentionnée sur les papiers officiels des citoyens américains, il faudra se livrer à ces petits calculs. Pourtant généticiens, anthropologues, et même certains antiracistes admettent impli- i citment cette division qui définit comme noir quiconque possède une goutte de sang noir. Sur quelle vérité scientifique se base-t-on pour décider que l'enfant issu d'un couple mixte est noir plutôt que blanc? Surtout que le racisme sait manier l'arithmétique inverse lorsque cela l'arrange. Pour rester aux Etats-Unis, on constate par exemple que, lorsqu'on veut préserver la pureté de la race blanche et isoler les Noirs, on applique les théories contre lesquell!!s se bat Mrs Phipps; mais lorsqu'on veut faire disparaître un groupe, on agit à l'opposé. Il suffit, par exemple, qu'un Indien ait une seule goutte de sang blanc dans le veines pour qu'il se voit classer métis et perde les droits nationaux qui sont attachés à la spécialité indienne. Au Canada, en vertu Sur tous ces papiers, cette mention: colored. 6 DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE n Cherchez l'erreur ... ~ ETDESE de l' Indian Act de 1876, n'est considéré comme Indien que celui qui est inscrit par les services concernés. Ainsi,une femme cesse d'être indienne si elle épouse un non-Indien et ses enfants seront métis. Les mesures restrictives de cette loi ont été encore renforcées par les modifications apportées en septembre 1951. Résultat, on ne compte officiellement au Canada que 300000 Indiens inscrits alors qu'en réalité il y en a plus d'un million, noninscrits ou métis, qui revendiquent leur identité. En Virginie,une loi de 1924 établissait que toute personne ayant plus de 1 f16e d'ascendance indienne était déclarée telle 'et ne pouvait appartenir à la société blanche. De plus, la moindre trace d'ascendance africaine suffisait à la classer colored, à moins de vivre dans une réserve (il yen avait seulement deux en Virginie, une de 50 acres et l'autre de 1000). Là encore, l'intention était clairement d'ôter à l'Indien son identité pour le fondre dans la sous-classe des colored, sans revendications d'identité nationale. Cette intention demeure aujourd'hui. Bébé Doc, à Haïti, a bien compris les leçons d'arithmétique de l'oncle Sam. Un livre de propagande donnait la classification des êtres selon la proportion de sang noir qu'ils ont: à 8/ 8e de sang blanc, pas de problème, on est blanc. A 0/ 8e, on est officiellement noir. Entre les deux, par importance croissante de sang noir, on est sang-mêlé, quarte- 7 ron, mulâtre, marabout ou griffe. En Amérique latine où les classifications raciales correspondent souvent à des positions différentes dans l'échelle sociale, les pouvoirs en place exacerbent ces différences pour leur plus grand profit. Les mouvements indiens ont compris le piège et ont considérablement évolué sur cette question dans la dernière décade. Ils ont abandonné leur ostracisme passé vis-à-vis des métis et considèrent maintenant qu'un sang-mêlé qui adopte pour vivre la culture et la spiritualité indienne appartient à leur peuple. Il y a ainsi des millions d'individus sur le continent américain qui se sentent indiens, alors que cette qualité leur est refusée aux Etats-Unis, au Ca- ,-' ,~. J.. ~ .... ~ ,,*' 0: UJ , 8 0: . nada, au Mexique, au Salvador, Honduras, Brésil... Beaucoup sont organIses en communautés et même en tribus. Malgré cela, les gouvernements en place ignorent ces groupes ou affirment qu'ils sont intégrés, quand ils ne les font pas disparaître sur le papier. L'arithmétique des racistes, qui manipulent si bien les fractions, ne peut cependant échapper à la solution qu'on apprend sur les bancs de l'école: la réduction au même dénominateur commun, c'està- dire à la lutte unie de tous les hommes de toutes origines pour un monde où ils pourront vivre en harmonie sans pedre leur identité nationale et culturelle. Robert PAC URSS • Anatole Chtcharanski entame une grève de la faim pour protester contre l'interdiction qui lui est faite depuis décembre de correspondre avec sa famille. BOLIVIE • La junte militaire bolivienne annonce qu'elle remettra le pouvoir à un président civil au mois d'octobre. ISRAEL • Lors d'une réunion extraordinaire du gouvernement israélien, Menahem Begin est contraint d'accepter la création d'une commission d'enquête sur les massacres de Sabra et Chatila. LIBAN • Les Israéliens achèvent d'évacuer Beyrouth. USA • A Washington, la chaîne de télévision CBS révèle que la firme américaine fabriquant les bombes à fragmentation a continué ses livraisons à Israël après l'embargo décrété par le président Reagan en juin dernier. FRANCE • Ouverture à Amiens du procès en appel des deux internes qui avaient refusé de soigner un ouvrier nord-africain qu'ils avaient taxé de simulateur. Celuici était mort trois jours après le diagnostic. AFRIQUE DU SUD • Un comité composé par les parents de 70 anciens détenus dénoncent les tortures dans les prisons sud-africaines. L'enquête menée sur la mort du syndicaliste Neil Agget met en cause 27 policiers, condamnés à une amende de 300 francs. FRANCE • L'Assemblée nationale élargit les compétences des assemblées uniques élues à la proportionnelle dans les DO M. • Deux policiers parisiens sont écroués pour avoir, hors service, utilisé en état d'ébriété leurs armes de fonction contre des jeunes Noirs avec lesquels ils avaient eu une altercation. • A Saint-Denis (Seine Saint-Denis), un militant d'extrême droite est arrêté après un hold-up. Il avait déjà été condamné en mai 1981 à 3 mois d'emprisonnement ferme pour des menaces de mort envers des personnalités juives de la région de Nice. SUD LIBAN • Des médecins du Secours Populaire témoignent que « tortures et mauvais traitements sont couramment pratiqués au camp de prisonniers d'Ansar, au Sud-Liban, où l'armée israélienne détient 8000 à 9000 « suspects » palestiniens et libanais ». ISRAEL • Une partie de l'opposition travailliste serait favorable à une reconnaissance mutuelle entre l'OLP et Israël. FRANCE • M. An'dré Labarrère, mInistre chargé des relations avec le Parlement, déclare que le gouvernement français apporte son « soutien total » à la Bolivie et se félicite du retour au processus démocratique dans ce pays. TURQUIE • Le projet de réforme constitutionnelle reporte à 7 ans le retour à la démocratie. • Les autorités militaires turques annoncent l'arrestation de 15 membres d'un mouvement kurde interdit, soupçonné de préparer des opérations armées dans la région d'Ankara. LIBAN • Deux semaines après les massacres de Sabra et Chatila, la répression continue de s'abattre sur les milliers de réfugiés de Beyrouth et des villes du Sud-Liban occupées par l'armée israélienne. Arrestations, ratissages des camps sont fréquemment effectués par l'armée libanaise et les militaires israéliens. SAHARA OCCIDENTAL • De passage à Paris, le ministre de la Santé de la République arabe sahraouie démocratique, révèle que les Etats-Unis ont livré des bombes à fragmentation au Maroc. Il craint que le Maroc ne tente bientôt d'anéantir le peuple sahraoui. LIBAN • Nouveau raid aérien au Liban à une trentaine de kilomètres à l'est de Beyrouth. FRANCE • A Paris, la Ise chambre correctionnelle juge un Malien, père de famille de 34 ans, éboueur à la ville de Paris, accusé de « blessures violentes» sur la personne de sa petite fille de 2ans qu'il avait excisée. L'avocat requiert une peine avec sursis. • A Paris, M. Albert Ferrasse, président de la Fédération française de rugby, annonce au cours d'une conférence de presse la prochaine tournée de l'équipe de France en Afrique du Sud. 8 LIBAN • Aidée par des parachutistes français, l'armée libanaise effectue une importante opération de ratissage dallii le centre de Beyrouth. • Un jeune Palestinien âgé d'une vingtaine d'années est tué à Jénine en Cisjordanie par une patrouille de l'armée israélienne. Un président de gauche pour la Bolivie • M. Siles Zuazo est élu président de la République à la tête d'une coalition de gauche. FRANCE • M. Hubert Pinsseau, premier juge d'instruction au tribunal de Paris, clôt par une ordonnance de non lieu cinq procédures qui avaient été ouvertes à la suite de divers attentats et menaces de mort revendiqués par le « groupe Joachim Peiper » contre le MRAP et plusieurs de ses dirigeants. Les faits remontent à l'hiver 1976. • Un passeur de nationalité tunisienne et quatre immigrants clandestins maghrébins qui venaient d'Italie sont arrêtés près de Menton. Le passeur est écroué et ses passagers reconduits à la frontière. Apartheid: pas de rugby pour les racistes • Dans un communiqué publié à Paris, le M RAP condamne le projet de tournée des rugbymen français en Afrique du Sud. FRANCE • Gros succès de la commémoration à Paris de la « Journée internationale de solidarité avec les peuples indiens des Amériques », organisée par le MRAP, le Comité de soutien aux Indiens des Amériques et Diffusion Inti et placée sous le parrainage du ministère de la Culture. ITALIE • Attentat antisémite à Rome où 5 hommes jettent des grenades et tirent à l'arme automatique sur un groupe d'hommes, de femmes et d'enfants devant la synagogue de Rome. U ne fillette de deux ans est tuée, 34 personnes blessées, dont deux très grièvement. FRANCE • La mission nationale du MRAP en Corse rend compte de son enquête. Elle souhaite qu'un véritable dialogue s'instaure entre les communautés vivant sur l'île et réaffirme son attachement à la valorisation, l'expression et la rencontre de toutes les cultures. C'est dans ce sens que le M RA P et ses Comités d'Ajaccio et de Bastia entendent poursuivre leur action. USA • Selon le Sunday Times, le chef de la CI A, William Casey, a effectué une visite secrète à Pretoria pour présenter aux responsables sud-africains un plan américain visant à créer un « cordon sanitaire » entre l'Afrique du Sud et les pays voisins. NAMIBIE • M. Claude Cheysson déclare que la tâche du « groupe de contact » occidental, chargé par l'ONU de négocier un règlement de la question namibienne est rendue difficile par l'insistance des Etats-Unis et de l'Afrique du Sud à lier le retrait des troupes cubaines d'Angola au règlement du conOit. ISRAEL • Un quatorzième professeur de l'université AI Najah de Naplouse (Cisjordanie occupée) est licencié par les autorités israéliennes pour avoir refusé de signer un engagement à ne pas soutenir l'OLP. Plusieurs étudiants ont été expulsés de l'Université pour le même motif. GUATEMALA • Amnesty International révèle que 2600 Indiens et Guatémalteques, parmi lesquels de nombreux femmes et enfants, ont été massacrés depuis que le général Efrain Rios Monte a pris le pouvoir en mars derni~r. FRANCE • M. Autain, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires sociales et de la solidarité nationale, se félicite du succès de l'opération de régularisation de la situation des immigrés « sans papiers». Pour l'instant, sur les 149707 demandes de régularisation Qéposées, 126096 décisions favorables (soit 87 %) ont été enregistrées contre 19 178 décisions défavorables. Gabriel Garcia Marquez, Prix Nobel de Littérature. FRANCE • Un dirigeant d'Action Directe est a rrêté à Paris. TUNIS • Le ministre français des Relations Extérieures M. Claude Cheysson et le président du comité exécutif de 1'0 LP, Yasser Arafat, ont un entretien de plus de deux heures. Faux contrats de travail • Un artisan qui vendait de faux contrats de travail à des travailleurs immigrés est condamné à six mois de prison, dont dix jours fermes, et 800 francs d'amende par le tribunal de Valence. FRANCE • Devant le Sénat, M. Robert Badinter, Garde des Sceaux, déclare à propos du droit d'asile : « Les prérogatives qui en découlent ne doivent pas être entamées, mais son accès peut être envisagé de façon plus restrictive ». NEW YORK • Le Fond Monétaire International envisage d'accorder des prêts à l'Afrique du Sud, malgré les nombreuses oppositions provoquées par la politique d'Apartheid et les interventions sud-africaines en Angola et en Namibie. LIBAN • L'armée libanaise ouvre le feu sur des réfugiés libanais chiites qui vivent dans des bidonvilles au sud de Beyrouth. FRANCE • Le baron Alain de Rothschild, l'une des personnalités les plus inOuentes de la communauté juive de France, président du Conseil représen ta tif des institutions juives de France (CRIF) meurt à New York à l'âge de 72 ans. FRANCE • Décès de M. Pierre Mendes France, ancien président du Conseil, à Paris, à l'âge de 75 ans. 9 • Dans la plus grande discrétion, une mission ministérielle sud-africaine, chargée des questions d'urbanisme et d'habitat, est reçue à la direction de la construction du ministère de l'Urbanisme et du logement à Paris. Les dirigeants de Prétoria cherchent actuellement des candidats pour aménager les ghettos dans lesquels ils entassent des millions de Noirs. Klaus Barbie sera enfin expulsé • M. Hernan Siles Zuazo, président de la République, déclare dans une interview accordée à « News week », que le criminel de guerre nazi Klaus Barbie va être expulsé de Bolivie. TURQUIE • A Ankara s'ouvre le procès de 574 militants de l'organisation révolutionnaire Dev-Yol. La peine de mort est requise contre 186 d'entre eux. Plus de 2000 militants de cette organisation sont actuellement poursuivis. ONU • Le Nicaragua est élu par l'Assemblée des Nations Unies membre non permanent du Conseil de Sécurité à partir du 1er janvier. TURQUIE • Les généraux du conseil national de sécurité ratifient le projet de Constitution qui sera soumis au référendum le 7 novembre. Ce texte exclut de la vie politique les anciens dirigea nts des partis pendant dix ans. FRANCE • Vingt travailleurs maliens et sénégalais entament une grève de la faim pour réclamer la régularisation automatique de tous les immigrés disposant d'une autorisation provisoire de séjour mais qui n'auront pas reçu de carte de travail. IRLANDE DU NORD • Un million d'électeurs votent pour élire une assemblée provinciale de 78 membres, véritable « assemblée croupion », puisqu'elle n'aura aucune compétencç législative. De nombreux attentats ont marqué la campagne électorale et nombre des élus ne siègeront pas. 0.. AFRIQUE DU SUD • Pour la première fois, une Blanche, Miss Barbara Hogan, est reconnue coupable de « haute trahison » par la Cour Suprême de Johannesbourg, à cause de son appartenance au Congrès National Africain (ANC), toujours interdit. FRANCE • Devant la position des députés socialistes et communistes, l'Assemblée Nationale décide que les officiers généraux seront exclus du projet de loi sur les séquelles des événements d'Algérie. NA TIONS UNIES • L'Assemblée Générale demande au Fond Monétaire International de ne pas accorder un prêt de 1,07 milliards de dollars à l'Afrique du Sud. IRLANDE DU NORD • La branche politique de l'IRA provisoire remporte un succès significatif aux élections à l'Assemblée générale d'Irlande du Nord où elle rempor.te cinq sièges alors qu'elle n'avait présenté que 12 candidats. GUATEMALA • On demeure sans nouvelles des 5 000 paysans et Indiens encerclés par l'armée guatémaltèque dans le villafe de San-Martin Jilotepèque (département de Chimaltenango). L'ultimatum leur enjoignait de se rendre le 20 octobre dernier délai. Selon la commission guatémaltèque des Droits de l'Homme, l'artillerie aurait pris position aux alentours de la localité, prête à l'écraser sous les obus. FRANCE • Un rassemblement est organisé à Paris par l'Union des Juifs pour' la Résistance et l'Entraide (UJRE) et l'Amicale des Juifs anciens Résistants (AJAR, affiliée à l'ANACR) en hommage à la Résistance des Juifs de France, à l'occasion du 40e anniversaire de l'entrée en action des groupes de combat FTP mis sur pied par l'organisation juive de résistance « Solidarité» créée en septembre 1940. • « On veut rouler où vous marchez, on veut aller où vous allez », c'est le mot d'ordre de la manifestation de handicapés qui a rassemblé à Paris des milliers de personnes. Actualité Le ton monte au Roraima brésilien. La grande prairie vit à l'heure des élections et de la conquête par les fazenderos. LES FRANFRELUCHES DU GOUVERNEUR O n l'a baptisée « la caravane du bonheur». Ottomar, le gouverneur du Roraïma - un territoire fédéral qui deviendra bientôt un Etat à part entière - parcours ce Far- West brésilien situé à l'extrême Nord et peuplé de trente mille Indiens et d'autant de Fazenderos, véritables cow-boys originaires des autres Etats, avec une longue suite de jeeps et de paquets~cadeaux. Les premières élections « libres», en principe du moins, depuis le coup d'Etat militaire de 1964, on~ lieu en novembre. La campagne électorale bat déjà son plein. Pour une fois toutes les voix comptent, même celles des Makuxi, des Wapixana, des Yanomani et des autres Indios du Roraïma. Mais si la silhouette du gouverneur se voit de plus en plus fréquemment, les foules ne sont pas toujours au rendezvous. Ottomar a alors cru bon de les faire venir par tous les moyens. Hommes de main avec camions embarquent la population des Malocas, les villages indiens, pour les placer le ·long du parcours de la caravane. Et pour convaincre les plus réticents on promet que des hamacs tout neufs seront distribués gratuitement. Tout était donc prêt, à Surumù, un village faisant fonction de sous-préfecture dans le nord-ouest du territoire. Ottomar était déjà là, fin décembre 8 l, avec sa suite, mais il n'a pas attendu l'arrivée des camions. II était pressé. Lorsqu'ils sont arrivés, il ne restait plus que la suite et les hamacs avaient disparus. On distribua donc des bonbons et des jouets. Et les « foules» indiennes sont rentrées au village, enragées, avec dans leurs poches, téléphones en plastique et autres franfreluches ... Quatre kilomètres en morceaux de trois mètres On parlait encore de cette « caravane de malheur », toujours à Surumù, lors de la réunion annuelle des tuxuaua (chefs). Pour une fois ceux-ci ont accepté qu'un journaliste assiste à leurs discussions très animées. « Lorsque le Blanc est arrivé sur nos terres, l'Indien a pensé que Dieu avait décidé de lui rendre visite. Car le Blanc a tout, alors que l'Indien n'a rien. Mais le Blanc nous a volé nos terres, et l'Indien ne peut plus chasser. Le Blanc a dit que les meilleurs terres et les poissons des rivières étaient à lui. Il a apporté les maladies et . tendu des pièges à nosfemmes. Et lorsque l'Indien s'est révolté, il a tué nos aïeux. C'est pour cela que l'Indien a compris que le Dieu des Blancs était méchant ». 10 A sa manière, le chef Gabriel résume parfaitement la situation. D'autres lui succèdent. Un jeune raconte qu'un Fazendero lui a brûlé sa maison, un second, que tout ce qu'il avait planté a été arraché par des hommes de main d'un cow-boy. Agostinho, un chef qui ne mache pas ses mots, explique à son tour que lorsqu'il s'est aperçu que le Blanc entourait des terres indiennes de fil de fer barbelé, en une nuit, sur quatre kilomètres, il a soigneusement découpé cette clôture en morceaux de trois mètres. Un autre chef annonce qu'il est aussi décidé à riposter. Le Fazendero n'acceptant pas qu'il monte sa ferme. les Indiens de sa maloca ont tout simplement tué - et mangé - une vache du cow-boy venue trop près du village. Le suivant, plus prudent, précise que lui, n'a pas voulu manger une bête tombée dans le piège tendu par ses villageois. Prudence oblige, notamment lorsqu'on sait que le cow-boy ne se sépare jamais de sa carabine. Un tuxuaua narre à son tour ce qui est déjà, aux yeux de tous, le massacre de Xiricaien passé totalement inaperçu dans la presse internationale. En décembre, dans ungarimpo, le lit d'une rivière où on trouve des diamants, juste au-delà de la frontière vénézuélienne, des prospecteurs de diamants indiens, tentaient leur chance aux côtés de chercheurs blancs. A la suite d'une dispute avec un soldat vénézuélien un vieil indien est roué de coups et blessé. Ses amis rossent le militaire qui va chercher du renfort. Il revient accompagné d'un escadron de vingt cinq hommes, c'est un véritable massacre à la mitrailleuse. Dix-sept Indiens du Brésil tués, vingt-sept autres blessés, peu ont pu se sauver. Aujourd'hui le garimpo vénézuélien de Xiricaien est fermé et bien gardé par la police. Ces chefs sont environ cent cinquante. Habillés à l'européenne, catholiques depuis que les premiers missionnaires ont converti leurs ascendants il y a deux ou trois siècles, ces tuxuaua sans plumes et sans flèches, parlent pFesque tous portugais. Ils disen't leurs malheurs, et font état de leurs démarches auprès de l'organisme gouvernemental chargé de leur « tutelle», la FUNAI (fundaçao nacionale do Indio). Des démarches qui, le plus souvent, ne mènent nulle part, même s'ils reconnaissent que depuis quelques années la FUN AI les prend un peu plus au sérieux. Ils parlent avec animosité, surtout lorsqu'ils abordent le problème des terres et des fazenderos, leurs ennemis numéro un, installés peu à peu sur l'ensemble du Roraïma avec raide et les encouragements des autorités et des banques. Apparemment ils n'ont pas peur. Pourtant, reconnaissent-ils, il y a quatre ans seulement, lors des premières rencontres annuelles des chefs, leurs discours étaient très timides. Le tournant a eu lieu en 1979, lorsque la police est intervenue en pleine réunion pour leur notifier que leur rencontre était « illégale », et qu'ils y subissaient un lavage de cerveau de la part de quelques curés. « Nous avons compris que les autorités ne voulaient pas nous aider. Bien au Contraire nous avons compris qU'elle; étaient du côté des fazenderos », dit l'un d'eux. Désormais ces chefs, parfois très Une drôle de campagne. jeunes, sont décidés à mener leur lutte « dans la légalité». mais en ripostant aux provocations des cow-boys. D'ailleurs. remarque un jeune tuxuaua, « nous pouvons profiter du fair que la constitution brésilienne nous considère comme des mineurs». Ils ne risquent pas de lourdes peines de prison, si par hasard ils sont arrêtés. Tous sont décidés à ne plus laisser aucun Blanc pénétrer chez eux. Certains ont déjà commencé à bâtir de nouvelles maisons sur l'ensemble de leur territoire. D'autres imitent déjà les cow-boys, en se faisant eux-mêmes cow-boys. Des malocas ont ainsi acheté quelques centaines de têtes de bétail. « C'est ce que les Blancs d'ici craignent le plus. Si nous devenons comme eux, ils ne pourront plus dire que les Indiens ne font que chasser et pêcher, qu'ils ne travaillent pas leurs terres, qu'ils n'ont pas les mêmes besoins que les autres Brésiliens », me déclare un tuxuaua.Les fazenderos recourcmt à tous les moyens pour décourager les Indiens de mettre sur pied de véritables ranches. Les menaces verbales, les « pasages à tabac », les coups de fusils nocturnes sont apparemment monnaie courante. « Autrefois, cela suffisait pour nous faire fuir. Nos pères ont été tués, ont été traités comme des animaux, ont été marqués au fer rouge, comme des vaches ou des chèvres ». Certains, bien entendu, ont accepté d'aller travailler chez le {azendero, pour être payé en 'nature: du manioc, du savon et, surtout, de la' « cachaça », un alcool de canne à sucre qui a fait de véritables ravages, ici comme ailleurs au Brésil. C'est aussi pour cela que celui .qui ne boit plus de « cachaça» aime le faire savoir aux autres. Ainsi, en pleine réunion un tuxuaua se lève et précise qu'il avait tenu la promesse faite l'année dernière, ici même à Surumù, de ne plus boire. Et pour corroborer ses dires, il cite à témoins des amis qu'il aJait venir avec lui, afin que personne ne puisse plus mettre en doute sa parole. Son intervention provoque quelques sourires, mais elle témoigne d'une volonté ferme de ne plus se faire avoir par les Blancs. Pendant les longues siestes, allongés sur les hamacs, les chefs discutent aussi des promesses .non tenues du gouvernement. Brasilia leur avait promis en 1973 que toutes leurs terres allaient être délimitées avant 1978. Début 1982, seules dix malocas sur cent en bénéficiaient et pouvaient espérer recevoir un jour un vrai titre de propriété. Ces mêmes terres sont le plus souvent des îlots au milieu des énormes fazendas ce qu'ils ne veulent plus. D'où des conflits parfois violents et des tensions sans fin. Il « L'affrontement devient de plus en plus inévitable, me dit l'un d'eux. Les Blancs ne céderont pas, parce qu'ils pensent qu'ils ont acquis des droits, ayant occupé ces terres depuis vingt ou trente ans. Mais nous céderons encore moins, car nous les occupons depuis des siècles». Et d'ajouter qu'ils n'ont pas oublié comment on fabrique et on utilise les flèches incendiaires chères à leurs aïeux. Des flèches qui pourraient transformer ce territoire frappé tous les ans par la sécheresse en un énorme brasier. Leurs revendications en fait ne cessent de se préciser. Lors de cette réunion annuelle des voix se sont élevées en faveur de la constitution d'une grande zone réservée uniquement aux Indiens du Roraïma. Elles s'appuient sur une proprosition faite en 1917 par le général Rondon, qui avait établi à l'époque que les Indiens occupaient toutes les terres situées entre le fleuve Pairmé et les frontÏ"ères vénézuélienne et guyanaise. Mais, en 1917, il n'y avait pratiquement pas de {azenderos, dans le Roraïma. 'Peu importe. Aujourd'hui ces Indiens d~ la grande prairie (Iavrado) de l'extrême-nord du Brésil, considérés encore comme « paresseux, crasseux et quasiment idiots» par leurs ennemis héréditaires. sont décidés à ne plus céder. « Parce que nous ne voulons plus que nos fils deviennent des marginalisés dans les vil/es du Sud, et que nosfilles aillent se prostituer à Manaus ou à Rio de Janeiro. Parce que nos enfants doivent comprendre que leur avenir n'est plus ailleurs, mais ici, dans cette savane aussi vieille que l'homme ». Léo MARIN Obrey I-TOHLOGE R - , J O AILLTER 199, rue de la Convention, 75015 PARIS Tél. : 532.85.05 13, rue Tronchet 75008 PARIS Tél. : 265.31.33 gtlJ'.lqii - matoquinqtùz - ~.LC$ (lXCdIl6i~ pout cllallsselltG !IUJi - 1 2 9tM impoti - t!xpl1tt lIlataia -' borx J~positaittz f,d9"9ill 'lOions ilt Italt~itil 28, tllil {Ill tempde palis 75000 .. 278-48-50 GLASMAN - C·e 28, Boulevard Strasbourg 75010 PARIS Téléph. : 208.16.18 et 208.14.07 MACHINES A COUDRE MAT':RIEL DE CONFECTION MATÉRIEL DE . REPASSAGE TOUTES MARQUES ACHAT· "ENTE • RÉPARATION _ LOCATION serva bijoutier 102, bd Rochechouart Pari. 18e CRÉA TlONS EXCLUSIVES GOTTEX HENRI DANIEL VILLE PLAGE COCKTAIL SOIR 23, BD POISSONNI~RE . 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I.es barricades, un jeu d'enfant. Le 28 août 1982, des milliers de personnes ont rendu hommage à Eamon Bradley, tué par une patrouille britannique à Derry trois jours plus tôt. Eamon Bradley n'était pas armé, il sortait simplement d'un puh lorsqu'un coup de feu le mit à terre, puis deux autres l'achevèrent. selon les témoins. L'évêque catholique Edward Daly a. dénoncé cette exécution sommaire. Eamon avait 23 ans; comme Bobby Sands et ~es camarades. il avait été condamné pour son activité républicaine; comme eux, il a connu la dégradation des interrogatoires et de Long-Kesh, et pendant plusieurs années la longue protestation, parfois aux limites de la résistance humaine, des hommes sous /a couverture. Libéré en avril 1981, en pleine grève de la faim, il avait bien entendu repris son engagement. Les républicains, certes, tuent de leur côté des soldats britanniques, du moins se réclamentils d'une guerre de résistance. 13 L'armée britannique, elle, prétend accomplir un travail noble de maintien de la paix : en témoignent Carol Ann Kelly, 12 ans, tuée par une balle en plastique alors qu'elle revenait d'acheter un carton de lait. Depuis 1981, ces projectiles hors la loi en CEE y compris sur le territoire anglais, ont fait onze morts . Les enfants irlandais qui lancent parfois des pierres sur les véhicules blindés, n'ont pas connu autre chose que cette guerre depuis leur naissance. Faut-il alors s'étonner du peu d'émotion ressenti dans les familles républicaines irlandaises à la suite de la tuerie de Londres (deux bombes en juillet ont tué Il militaires)? Il faut être allé à Belfast pour comprendre l'oppression quotidienne vécue dans les quartiers nationalistes. A voir pris l'habitude, en sortant de chez soi, de regarder à gauche, à droite, si une patrouille est en vue, avoir vu les caméras dirigées sur les maisons, les soldats britanniques se servant constamment de leur viseur à infra-rouge, une balle engagée dans le canon du fusil, avoirvu les forts et les casernes soigneusement implantés près des hôpitaux, des écoles, des habitations. Il faut avoir entendu les témoignages sur les ambulances harcelées par les contrôles militaires ou policiers quel que soit

l'état du blessé, les livres d'en~

trée des hôpitaux à la disposi;:; tion de la police, les vitres des ~ maisons brisées par des pro~ jectiles tirés par les patrouilles militaires censées assurer l'ordre, les destructions, les perquisitions, les interpellations répétées des jeunes, 3 ou 4 fois dans une journée... Personne ne trouvera le même harcèlement, le même quadrillage dans les quartiers loyalistes. Sur les murs de Belfast-Ouest, de nombreuses peintures murales ont surgi. « Soldat, quand tu es venu, tu as dit que c'était pour comprendre; soldat, est-ce ce/a ta manière de comprendre,? soldat, nous sommes fatigués de cesfunérailles satls fin, sans fin, ·so/dat. va-t-en ... ». Michèle BONNECHÈRE MICHE-LE MAILLET VOIT ROUGE Speakrine, A ntillaise et licenciée. Elle publie ces jours-ci un livre où elle dénonce le racisme des milieux du spectacle. On vous a dite sacrifiée au changement. Votre cas est-il particulier? - Michèle Maillet : C'est absurde. Ce n'est qu'un exemple d'une pratique générale. Dans le cinéma. un Noir joue un rôle de Noir, un rôle d'abord défini par la couleur de sa peau. L'emploi est d'ailleurs limité: des rôles pour faire rire. avec de beaux noirs négroïdes. gros yeux, nez épaté. ou des rôles pour porter le plateau du petit déjeuner en annonçant « Madame est servie n en créole. pour faire rire les « zoreilles n. Pourtant. les comédiens noirs ont plus de chance que les négresses. Elles n'ont que le droit qe montrer leur cul. Ou alors. on fait dans J'hypersophistication exotique. à J'américaine, genre Viviane Reed et Diana Ross. C'est tout. Pourquoi ce livre? - Michèle Maillet: les femmes noires ne racontent pas leur vie d'habitude. Elles ont tous les avantages: écrasées par l'homme blanc, la femme blanche, et l'homme noir. Ça n'incite pas beaucoup à parler. J'ai été la seule femme de couleur à la télé, je crois qu'il était temps de prendre la parole. Les Antillais ne parlent pas. ou bien le créole. langue de révolte. de douleur et de lutte. On vous a embauchée à Antenne 2, puis ~ licenciée ... - Michèle Maillet: J'ai joué à la télévision la comédie qu'on me demandait: la négresse-alibi, la doudou d'Antenne 2. En métropole, les Noirs ne sont qu'un réservoir à fonctionnaires: PTT, infirmiers. etc. Pour faire oublier tout ça. on prend une speakerine antillaise. Une. pas deux. J'ai e~sayé de faire plus. de parler à ceux et pour ceux qui s'investissaient en moi. C'était déjà trop. On m'a virée, comme toutes les speakerines antillaises avant moi: elles ne remplissent qu'une fonction, la personne importe peu. Si elle commence à exister. si le public s'attache à elle. elle est condamnée

le rôle, pas la personne! Toute

identification doit se faire par rapport au Blanc. C'est d'ailleurs réussi: demandez aux écoliers noirs de dessiner des enfants. ils les font blonds aux yeux bleus. Pas de place pour les idées. Quand George Pau-Langevin, vice-président du M RAP. a été envoyée par ce mouvement pour un Dossier de l'Ecran consacré au racisme. Armand Jammot s'est mis en colère: pas de Noirs dans cette émission. on va tout mélanger. on ne parle pas des Noi rs. on parle des Arabes. Une autre remarque entendue après l'émission: ils ont tous dit des conneries: celle qui a le mieux parlé. c'est l'avocate noire. C'est triste à dire. une noire! Ça en dit long sur ce qu'on pense de nous. VIVRE EN LIEU DE VIE: ~peine né, Pascal se retrouve avec l'Etat pour seul papa-gâteau. Nourrices et pouponnières se succèdent, jusqu'à l'adoption. enfin. Mais trop tard: Pascal, huit ans, n'y croit plus, malgré ses efforts. Quatre ans après c'est le fiasco total, parents épuisés et gosse malheureux. Seule bouée de sauvetage. avant le naufrage complet: un séjour chez Marc, Paulo et Carole. Pascal a débarqué, un beau matin. dans une grande maison dévorée par la vigne vierge, à moins de cent kilomètres de Paris. Le Carbet. un des derniers lieux de vie du CRA (collectif des réseaux alternatifs) fondé à l'initiative de Claude Sigala. en avril 77. \ci. vivent ensemble adultes et enfants. De ceux qu'on dit pas tout à fait comme les autres. Coup de chance ou hasard. les voici sur un chemin de traverse, déviés des parcours institutionnels qui mènent à l'asile psychiatrique ou à l'éducation surveillée. Les lieux de vie sont peuplés aussi bien d'enfants psychotiques que de jeunes délinquants. de mineurs en danger et même de gosses norlllaux ... Ni ghetto. ni médicaments. Leur seule thérapeutique c'est la vie quotidienne. justement. Leur existence est pourtant bien fragile. Le budget de 14 fonctionnement à gérer est serré. Sans agrément. ils ont des prix de journées négociés au cas par cas avec la DASS. En tant que structure ouverte. ils sont à la merci de la première brebis galeuse venue. tel JeanClaude Krief, le triste sire qui met aujourd'hui en cause le « Coral n. Pourtant. seul un cllmat de liberté peut amener à découvrir ce que ces enfants ont dans la tête et le coeur. qu'il s'agisse d'un simple accident de parcours ou d'un mal plus profond. Au long des conflits, dénoués et renoués. on avance. on recule. en tout cas on vit et. soudain. au détour d'un détail. d'un souvenir. les mots jaillissent. libérateurs: « Je t'ai déjà dit de ne pas/ulller collllIIe ("a, Pascal. Tu sais, Illon l'ère au.\'.\'i Ille le disait, à huit an.\'. Je ne s(/\'ais l'as, non. Tu ne Ille dis Jalllais rien, de fOute farol1 n. Alors. Pascal s'agrippe à la table et se met à crier: « Je l'ais les tuer, si je les retroul'e, Je l'ais les tuer; lIIes parents, les l'rais.' ils de l'f'aient être en taule l'our III'(/\ 'oir {ait ra " C'est à cause d'eux que je fais le con " n. Silence. Marc enchaîne: « Ce n'e.\'t l'a.\' une raison pour (aire des conneries pendant quarante ans. C'est trop facile et vrailllel1l trop hête ... n. Ni laxisme ni pitié. du dialogue. Ce n'est pas encore si souvent qu'on parle. alors pourquoi vouloir les faire taire? Anne SIZAIRE Ecouter d'autres voix. IMMIGRÉS: PRIÈRE D'INSÉRER Le groupe de travail qui devait réfléchir sur les cultures étrangères en France vient de rendre ses conclusions. Au cours d'une conférence de presse, Françoise Gaspard, député maire de Dreux, a présenté, le 20 octobre, les conclusions du groupe de travail (1) sur l'information et l'expression culturelle des communautés immigrées en France sous la forme d'un bilan et de propositions pour une politique d'insertion. Pour ce qui est du bilan, a-t-elle déclaré, « l'altit ude des pouvoirs publics à l'égard des immigrés et de leurs familles, au cours du septennat précédent, a incontestablement conduit à une situation porteuse de tensions. La tolérance dont on a fait preuve à l'égard d'agissements racistes organisés par des groupuscules a contribué à les banaliser ( . .). L'isolement des immigrés en France est la conséquence d'une politique de maind'oeuvre au seul profit des employeurs ». Une véritable politique d'insertion devrait conduire à un développement harmonieux des relations entre les immigrés et la population française, à travers la rencontre enrichissante des différences culturelles. Selon le groupe, il importe de créer les conditions d'une réelle concertation avec les populations immigrées, aussi bien pour la définition des actions à mener que pour leur mise en oeuvre, dans les domaines du logement, de la santé, de l'éducation, de la formation professionnelle. Leur participation aux structures, spécifiques ou non, dont dépend leur situation constituera un pas important dans cette voie . Par ailleurs, les nouveaux cahiers des charges de sociétés de programme du service public de l'audiovisuel devraient répondre aux besoins des communautés immigrées. Il conviendrait que les média et l'ensemble des réseaux de communication offrent au public une information objective sur ces populations jusque-là marginalisées et sur les valeurs dont elles sont porteuses. La promotion des échanges intercultureis favorisera l'expression des identités aussi bien que la compréhension mutuelle. 15 Le groupe de travail préconise des mesures pour le développement du monde associatif issu de l'immigration et pour aider les collectivités locales à mettre en pratique une approche pluriculturelle dans leur gestion. Il demande aux administrations de prendre en compte la diversité des usagers et d'afficher la loi de 1972 contre les discriminations racistes. Les idées fausses qui étaient à l'origine de la politique du retour ont fait des immigrés des boucs émissaires de la crise. L'insécurité dans laquelle ils ont été plongés a entraîné chez eux, et notamment chez les jeunes, des réactions de désespoir et de révolte. Voilà la pente qu'il faut remonter, voilà en même temps la mesure des difficultés à surmonter. Julien BOAZ (1) Ce groupe de travail avait été mis en place à la fin de l'année dernière par M. François Autain, secrétaire d'Etat chargé des Immigrés. Parmi ses huit membres se trouvait Albert Lévy, secrétaire général du MRAP, dircteur de Différences. DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 SE REFAIT UNE BEAUTE -

j ill/II/igrés ne se sentent proté________________________


1 ~ gés par personne, et sont ex-

L es auteurs de l'attentat de la rue Copernic, vous les connaissez'! Les assassins de Henri Curiel, vous savez leurs noms'! Avant, en france, pour être tranquille, il suffisait de commettre un attentat raciste. Forts de ces certitudes, sept habitants de Bastia avaient posé des bombes devant des logements de Maghrébins. Seulement, voilà, les temps ont (un peu) changé et la police vient de les arrêter. Tout le monde les connaissait, y compris leurs victimes. Mais peur ou compréhension, on les laissait faire. n'étaient ni racistes ni politi- clus de la vie sociale, alors ques. C'était une sorte de jeu. qu'ilsfont marcher l'éconoll/ie Il faut dire pourtant que la ré- insulaire: certains sont logés gularisation des sans papiers dans des caves de rez-deentamée par le gouvernement chaussée, en fait l'écurie où n'a pas plu à tout le monde et traditionnellell/ent on II/e((ait cela a ravivé à Bastia et Ajac- l'âne, pour des sOll/mes allant cio des rancunes envers les très de 900 à 2 OOOfrancs par II/ois. nombreux travailleurs maro- Les agences de location les recains et tunisiens qui y vivent. jusent. Dans les l'ignohles, les A tel point que le M RAP a saisonniers II/arocains doil'ent senti la nécessité d'y envoyer dorll/ir dans des cahanes, ou début octobre une mission na- dans lefossé. Certains cafés de tionale, non pour « donner des Bastia ou d'Ajaccio les refouleçons » mais pour se rendre lent, ou les servent dans l'arcompte de la situation et ap- rière-salle, dans des l'erres qui porter son soutien aux popu- sont réservés à ces pestiférés ». lations immigrées. Il ya là tout un climat, diffé- Leurs aveux sont assez éton- rent de celui, tant vanté, de nants: pour eux, leurs actes Selon elle, « les travailleurs l'Ile d'Amour. Il semble bien que la police ait été, Jusqu'à maintenant, influencée par lui . M.s. .. S ... , Tunisien, a été gardé à vue toute une nuit pour tapage nocturne: son employeur, Jean-Baptiste Poli, était venu à quatre heures du matin proférer sous ses fenêtres des menaces de mort, accompagnées d'injures racistes qui faisaient en effet grand bruit. ' Les exemples abondent. Bien sûr, la Corse n'a pas le monopole du racisme. Mais il y a dans l'île un climat de peur, qui se nourrit des difficultés économiques. En tout cas, en arrêtant ces joyeux poseurs de bombes, l'île vient de se refaire une beauté. Michel THEVENOT LA LONGUE ATTENTE DE CHTCHARANSKI En prison depuis 1977, l'informaticien soviétique a été récemment privé de tout contact avec sa famille. Il fait la grève de la faim depuis plus d'un mois. L e 15 mars 1977, Anatoly Chtcharanski est arrêté par les autorités soviétià la suite d'une lettre de confession d'un certain Lipavski, qui accuse certains militants juifs pour l'émigration en Israël d'être des agents de la CIA. La lettre le nommait au passage. C'est à peu près la seule pièce du dossier. Les déclarations à charge des témoins, selon ses défenseurs français, sont irrecevables. "La situation des Juifs d'URSS : est extrêmement complexe, et se complique du fait qu'elle se confond avec les problèmes plus généraux d'émigration et de libre circulation des personnes. De plus, elle pâtit d'une sorte de va et vient entre l'Occident qui l'utilise à des fins politiques et l'URSS qui prend à son égard une position 16 extrêmement défensive. Différences reviendra sur ce problème. Qu'a fait Chtcharanski? Sioniste convaincu, en 1973 il devient rejusnik, c'est-à-d ire qu'on lUI refuse le visa qu'il avait sollicité pour émigrer en Israël. JI mène dès lors une intense activité publique en faveur du droit au départ, se rend dans plusieurs républiques soviétiques pour examiner la situation des candidats à l'émigration dans son cas. En 1974, sa femme, qui a obtenu son visa, quitte l'URSS après leur mariage. Chtcharanski perd son emploi en 1975. En 1976, il participe à la création, à Moscou, du groupe de surveillance des accords d' Helsinki, qu'a signés l'Union Soviétique, et qui garantissent en particulier le droit à chaque citoyen de quitter son pays et d'y revenir. Début 1977, les dirigeants soviétiques durcissent leur position à l'égard des candidats à l'émigration en Israël. Une émission de télévision, en particulier, les assimile à des traîtres à la patrie. Le 13 mars 1977, Chtcharanski lance un appel pour mettre en garde les autorités et la population contre les résurgences d'antisémitisme que peuvent favoriser de telles campagnes. Il est arrêté deux jours plus tard. Sa famille choisira de confier sa défense à un avocat étranger, comme la loi soviétique le permet. Sont choisis Me Rappaport et Jacoby, membres du MRAP, et le bâtonnier Pettiti. Mais Roland Rappaport ne réussira jamais à obtenir un visa pour assurer la défense de l'informaticien. En juillet 1978, ce dernier est condamné à 13 ans de réclusion, dont trois en prison et dix en camp. Après plus de 3 ans de détention, Chtcharanski a entamé le 27 septembre une grève de la faim pour protester contre sa mise au secret. A l'heure où nous paraîtrons, il sera peutêtre mort. Dossier vide, défense inexistante, procès à huis clos: l'Etat soviétique a bafoué le droit dont il s'est doté. Il n'a rien à gagner à de telles pratiques. Jean-Michel OLLE Expliquez-moi10 janvier 2012 à 15:45 (UTC)§ DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 .F. ET L'ANTISÉMITISM F: « Coupable de désertion et fuite devant l'ennemi », tranche le Tribunal militaire de ClermontFerrand, un jour de 1940. « Il a vendu la Tunisie à ses clients », affirme Aspects de la France en 1955. La clique à Mendès )), « disait Gilbert, mon grand-père. J'avais dix ans en 1960 et, dans mon village de Picardie, subsistait l'image de la Quatrième République, corrompue et politicarde. A son nouveau chef, le général de Gaulle, vrai Français, intègre et patriote, la France profonde opposait deux hommes de « l'ancien régime)) : Guy Mollet et Pierre MendèsFrance. Avec le premier, trop laxiste, la France « était allée à vau l'eau )), avec le second, roublard et affairiste, « le pays avait été bradé aux puissances étrangères )). Il est .vrai qu'à cette époque il ne faisait pas bon être pacifiste. Chaque année, le soir du Conseil de révision, les conscrits « bons pour le service )) défilaient dans les rues du village, la poitrine bardée de fausses médailles, tandis que les réformés, honteux, se cachaient. Pierre Mendès-France avait eu le tort, cinq ans auparavant, de négocier la paix en Indochine. Et puis, il était Juif ... L'antisémitisme a-t-il joué un rôle essentiel dans la carrière politique de PMF? Le film documentaire de Marcel Ophüls, Le Chagrin et la Pitié montre combien cet homme avait été atteint par la haine raciale et comment son image politique en avait pâti par la suite. Lorsque, en 1932, il est élu, à 25 ans, député de Louviers, l'antisémitisme bat son plein, deux ans plus tard éclate l'affaire Stavisky et l'extrême droite, des Camelots du Roi aux Croix de Feu, redouble d'activité. La Libre Parole, hebdomadaire « anti-judéo-maçonnique )), publie dans chacun de ses Quméros, des listes d'hommes politiques juifs, francs-maçons et membres de la Ligue des Droits de L'Homme, bref « de tous ceux qui, agissanr pour le compte de l'internat ionale juive, cherchenr à asservir la France )). PM F Y figure déjà en bonne place. Mendès pas français Juin 1936. Le Front Populaire est au pouvoir. A la séance d'investiture de Léon Blum, le député d'Action Française, Xavier Vallat, prononce devant l'Assemblée un discours qui marquera profondément PMF. « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par... (Prenezgarde, M. Vallat, coupe de président Herriot). .. Par un Juif! (Vives réclamations à gauche, commente La Libre Parole) ... et je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas (applaudissements à droite) : que pour gouverner celle nation paysanne qu'est la France, il vaut mieux avoir quelqu'un dont les origines, si modestes soienr-elles, se perdent dans les entrailles de notre sol ». PMF est dans l'hémicycle. Il entend là, en raccourci, un discours qui lui sera tenu tout au longde sa carrière: pas français, Mendès. Et pourtant, sa famille est ici depuis le xve siècle. Chassée par l'Inquisition portugaise, elle tient son nom de ses origines lithuaniennes. Le « France)) n'est pas un titre usurpé, accolé « pour s'affirmer plus Fran çais que les Français )), comme on l'a trop souvent laissé entendre. On l'a aussi accusé d'être au service, non pas de la nation, mais d'intérêts privés « à caractère international )). En 1955, alors que PM F est Président du Conseil et qu'il vient de conclure les accords de Genève pour la paix en Indochine, Pierre Boutang signe un article dans Aspects de la France, agrémenté d'une manchette explicite: « Le Juif Mendès a réussi son premier coup : il a gagné son pari conrre la France». Quel pari? Après l'avoir accusé de « faire des affaires» sous couvert de « décolonisation )), Pierre Boutang s'interroge

« La IUlle conrre la monrre

de Mendès à Genhe ne serait-elle pas liée à la conquête d'un marché ? )). De même pour la Tunisie. Des « amis égyptiens)) de PM F . auraient vendu des armes à la Liantisémite. Une image dégradée Un troisième fait avait rendu PM F pessimiste sur un recul possible de l'antisémitisme: son arrestation à Rabat, alors qu'il rejoignait son unité après la débâcle, et sa condamnation en 1940 à Riom, pour désertion et fuite devant l'ennemi. Roger Priouret raconte comment (1), à la veille de la comparution de PMF devant le tribunal militaire, il partit à la recherche de témoins à décharge, un ancien ministre et un général d'armée. Tous deux se dérobèrent. « J'ai senri que la saison ne se prêtait pas à la défense PMF et Chou en Laï négocient le cessez-le-feu en Indochine. 17 gue arabe. « Il a donné la Tunisie à ses clients, conclut Jacques Villedieux, nous demandons la séparation de l'Etat français et des bazars du Caire )). Le traitant un peu plus loin de « Pharaon des bazars ... ricanant sur la tombe des soldats français )), Aspects de la France perdra les procès en diffamation intentés par le Parquet, au d'un homme qui avait la triple tare d'être juif, ancien, franc-maçon et collaborateur de Léon Blum )). PMF, condamné contre toute logique, s'évadera de prison l'année suivante. Il gardera de ce procès une image honteuse: celle de la France raciste et collabo. nom de PMF, mais ces calomnies Véronique MORTAIGNE dépasseront très vite le cadre . (1) Le Nouvel Observateur étroit de l'extrême-droite 22.10.82. ""

~ ~ LA SEGREGATION La commission Dudebout va présenter un programme de développement social des quartiers. En attendant, le logement va mal. «Crise du logement!» dit-on. Il est temps de la découvrir, elle a presque quarante ans. A la Libération, le parc immobilier est très nettement insuffisant. Dès les années 1950, plusieurs facteurs vont se conjuguer pour amplifier la pénurie: une forte poussée démographique, l'accélération de l'exode rural, l'appel intensifié à la main d'oeuvre étrangère. On est pressé, il faut aller vite. C'est l'âge d'or du bâtiment et quand le bâtiment va ... On connaît la chanson. C'est l'héroïque époque des grands ensembles qui vont barrer l'horizon des banlieues de leurs impeccables masses de béton morne et gris. Le logement social, né dans l'entre-deux guerres, connaît alors un essor considéra ble. Bientôt arrivent leurs premiers habitants. Qui sont-ils? Des familles issues des couches moyennes de la société, des salariés (employés ou ouvriers) parfois aussi des commerçants, des artisans. Cette sorte de logement est considérée alors comme un palier, une étape, en attendant de Irouver mieux, d'accéder à la propriété, de se faire construire son pavillon. En attendant, ils essuient les plâtres. Les murs, fins comme des feuilles de papier à cigarettes, laissent passer les bruits. Le voisinage devient rapidement désagréable à cause de la promiscuité. Les moyens de transport manquent, comme les écoles, les équipements collectifs, les implantations de commerce. C'est encore l'époque des taudis et des bidonvilles, qui se transforment en cités de transit et foyers. Avec la période de 1970-1975,lacrisedu logement semble changer de nature. Le patrimoine immobilier, vite construit, vieillit vite et mal. Cependant, la croissance économique va bon train. La prospérité qui en découle voit s'amplifier le mouvement d'accession à la propriété. L'habitat individuel, formule très prisée en France, se développe au point que naît un habitat collectif horizontal. On crée des villages artificiels de pavillons. La promotion immobilière privée étend son éventail et, pour un prix à peine supérieur, offre des solutions attrayantes, concurrentes du secteur social. La politique d'encouragement à l'accession permet à bon nombre de familles des couches moyennes, voire modestes, de devenir propriétaires. Avoir sa maison à soi apparaît comme un signe de promotion sociale. Du coup, les appartements qui se libèrent dans les grands ensembles vont accueillir les familles des travailleurs migrants. Les immigrés accèdent au logement social. Dans la région parisienne, qui compte environ 3,5 millions d'immigrés, travailleurs et leurs familles, sur les quelque 4,5 millions vivant en France, la part des chefs de ménage étrangers logés dans le secteur HLM passe d'un peu moins de 4 lj; en 1968 à plus de 13 % en 1978. Survient alors celle qu'on attendait peu ou pas, qui va s'installer et troubler les certitudes de l'expansion : la crise économique. Avec elle se généralise la baisse du pouvoir d'achat. d'où les révisions obligées des budgets familiaux. Avec elle s'estompent les espoirs de promotion des salariés. Avec elle aussi apparaît une forte poussée du chômage. Ces facteurs cumulés vont empêcher bon nombre de familles de pouvoir acquérir leur logement, ce que la situation antérieure leur aurait permis. Les projets sont mis à la glacière. On parle de familles « captives » de leur logement. Pendant ce temps, les équipements continuent de vieillir. Qui n'a entendu parler d'escaliers sales, de peintures détériorées, de jardins saccagés, d'installations endommagées. Et ces images, ces rumeurs coriaces vont s'amplifier. Bien souvent, les habitants des cités sont contraints à un type de vie qui ne correspond pas à leurs habitudes, à leur culture. Les règlemcnts édictés par les organismes H LM sont en général ri- 18 Du taudis à l'HLM. E~~T DANS L'ESCALIER gides. Ils astreignent les locataires à occuper bourgeoisement leur logement. Ainsi, il est interdit de faire sécher du linge aux fenêtres (même quand aucune autre possibilité n'a été prévue à cet effet), ou de fréquenter les parties communes qui sont considérées uniquement comme lieux de passage. Chez certaines familles, de culture méditerranéenne par exemple, on a coutume de laisser les enfants jouer dehors, les a înés prenant plus ou moins les cadets en charge. Quoi de plus normal quand la famille se fait nombreuse et l'exiguïté du logement pesante. Même si cela contrevient aux stipulations d'un règlement quelque peu archaïque. L'image de la dégradation se déplace, change de terrain. Il n'est bientôt plus question des bâtiments, des équipements. Il semble qu'on accuse les populations de se dégrader. Le phénomène de stigll1arisation est en marche. Ces populations forment de véritables îlots de pauvreté. L'échec scolaire, le sous-emploi, une certaine délinquance juvénile sont autant de hapdicaps. Le terme de résidence, que dans les années 1960 on employait pour attirer le c!ient, personnaliser un peu un type de cités, devient presque infâmant. Parfois la sligmarisariol1 atteint un quartier, un ensemble, parfois encore un seul bloc d'immeubles ou quelques cages d'escaliers. On recherche cadres moyens Partant de faits souvent grossis et exagérés, les rumeurs circulent, concourant à l'élaboration de mauvaises réputations. Paradoxalement, à leur insu, une sorte d'unité se forme chez les populations des ensembles stigmatisés. La société extérieure, l'opinion publique, a vite fait de qualifier, d'étiqueter: il est question de marginaux, d'associaux, autant de notions brandissant quelque part dans l'inconscient les épouvantails du danger, de l'insécurité, de l'infirmité. Conséquence de la sligll1arisation et de la dégradation: ceux qui le peuvent s'en vont. Et le ressentiment grandit chez ceux qui ne peuvent partir: s'ils ne peuvent s'en aller c'est à cause des « autres », pensent-ils. Et cette rancoeur s'exprimera au travers d'attitudes racistes, xénophobes, anti-jeunes, de tensions dans la cohabitation, situations conflictuelles

fréquentes en période de crise. B Ceux qui partent laissent des logements

cr. vacants. Pour les organismes gestionnaires, il est hors de question d'attri buer ces locaux à des familles du même type 19 (nombreuses et / ou immigrées). Mais celles qu'ils appellent de leurs voeux, les familles de cadres II1Ol'ens hon-chichôn- genre-hien-sous-lOus-rapports dédaignent ces appartements. La situation est paradoxale. Il y a toujours pénurie de logements et, dans le même temps, des élppartements restent désespérément vid,~s, ce qui incidemment pèse sur le budget des organismes HLM. Si un F4 ou un F5 est proposé à la location, selon toutes probabilités, il sera attribué à une famille nombreuse, et cela risque d'être une famille de migrants étrangers ou d'Antillais de trop, avoue un responsable d'organisme. Bien sûr, les refus qui leur sont signifiés n'a va ncent pas ces raisons-là. Les moyens d'atermoiement sont variés, qui découragent ces candidats au logement social. De fait, la discussion avec des professionnels du secteur HLM et des représentants d'organismes institutionnels, débouche rapidement sur la question des quotas. Dans leurs propos viennent fleurir les notions de « seuil de tolérance », de « défaut d'assimilation », soi-disant très scientifiques qui appartiennent à une panoplie xénophobe et raciste que l'on croyait disparue. Les plus radicaux vont jusqu'à proposer de véritables ghettos sans très bien préciser ce qu'ils entendent par ce terme, où seraient regroupés des types de populations spécifiques. On a souvent employé ce terme . Certains pour alerter les consciences sur l'intolérable situation de ces ensembles qui ont noms « Les Minguettes » ou « La Grande Synthe », d'autres pour affoler, faire appel aux sentiments de peur et d'angoisse que favorise ce type de vocabulaire. Qui sont les fauteurs de troubles? Cette singularisation ne peut qu!accentuer les phénomènes de rejet. D'autant plus que le terrain s'y prête. On trouve dans ces grands ensembles une forte densité d'occupation des logements, due à une proportion de familles nombreuses plus élevée que la moyenne nationale. D'où un pourcentage plus important de jeunes de moins de 20 ans et une sous-représentation de~ personnes âgées. Les éléments actifs, entendez ceux qui travaillent, sont peu ou pas qualifiés au plan professionnel, donc plus 'exposés aux difficultés du chômage et de la fai41 REDU FOUR - 548.85.88 12 R~E TRONCHET - 742.53.40 74 R E DE PASSY - 527.14.49 TOUR MONTPARNASSE - 538.65.53 PARIS LYON - LA PART-DIEU NEW-YORK - 727 MADISON AVENUE TOKYO - 5-5 GINZA 89, bis rue Lauriston 75116 Paris Métro Boissière . - HI-FI VIDEO 7 quai de l'Oise 75019 Paris Métro : Crimée NOUS IMPORTONS ET VENDONS DIRECTEMENT AU PUBLIC HI-FI VIDEO LlGHT - SHOW CADEAUX TELEPHONES SANS FIL TELEPHONE LONGUE DISTANCE (plus de 20 km) PROMOTIONS PERMANENTES Une visite s'impose !!! Garantie S.A. 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Tout se tient et se rejoint. Pourtant, au-delà des faits et des chiffres, il faut insister ur les sources de tension psychologique. Bien des individus des couches de la société française, peu ou pas qualifiés, qui ont pour voisins des immigrés, ressentent leur présence comme une espèce de constante indignité sociale. Toute une idéologie néo-colonialiste qui a emp"oisonné jusqu'à une époque récente la scolarité, tout un discours des mass-média concourent à ce sentiment. De même, la forte proportion d'inactifs, chômeurs pour la plupart, est comme un rappel permanent de la déchéance attribuée à la condition de prolétaire. Dans les années soixante-dix, dégradation et incidents se multiplient. Que ce soit par la presse, par les fonctionnaires, par les travailleurs sociaux, par les intéressés eux-mêmes, par les élus, les Pouvoirs Publics sont alertés. Pour les responsables politiques du moment, ce sont là des éléments de perturbation, de destabilisation socia le qui ne sont pas longtemps tolérables. On s'aperçoit alors qu'à plusieurs niveaux. les attitudes convergent pour aggraver les difficultés. Les municipalités qui construisent peu ou pas de logements sociaux sur leur territoire, les organismes constructeurs contrôlés par le patronat, les préfectures qui disposent d'un pourcentage élevé de logements, contri buent, en amont des offices d'H LM et des collectivités locales, à marginaliser certaines catégories en les faisant affluer délibérément vers ces ensembles à problème~ . En plaçant dans une même cité des familles immigrées, des ménages à ressources précaires, des mères célibataires, les handicaps s'additionnent et s'amplifient. Cette politique aboutit à dégrader toujours davantage l'image déjà négative de quartiers où seuls acceptent de loger ceux qui ne peuvent faire autrement. Plusieurs administrations sont concernées et il ne faut pas moins d'un groupe interministériel créé en 1977 pour prendre en charge ces questions, coordonner les actions nécessaires, mettre en place les financements adéquats. La procédure est baptisée HVS, « Habitat et Vie Sociale». Jusqu'en 1980, une quarantaine d'opérations sont lancées, concernant quelque 60000 logements. Les résultats sont très inégaux. Eviter la pasteurisation des populations En 1981, la France connaît un changement de majorité politique?l.e nouveau pouvoir fait très rapidement dresser une sorte d'état des lieux pour connaître la situation du pays dans les domaines les plus divers, sociaux, économiques, culturels, commerciaux, médicaux, etc. Au plan du logement social un certain nombre de constats mis en évidence prennent un caractère d'accusation. Entre autres, il y apparaît qu'HVS a été une procédure lourde, inadéquate, inefficace. L'affaire de Vitry de la fin 1980 n'est pas oubliée, alors qu'au coeur de l'été 1981, la banlieue lyonnaise attire sur elle les phares de l'actualité, à cause d'une certaine délinquance juvénile parfois entretenue et provoquée par la presse. Au printemps 1982, c'est à Marseille que les incidents se multiplient. Le mal-vivre semble régner. Le gouvernement s'en émeut. 21 DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 Dès le mois de décembre 1981, il a mis en place une commission pour le Développement social des quartiers, présidée par M. Hubert Dubedout, député-maire de Grenoble. Entrent dans le champ de réflexion de cette instance les zones urbaines les plus défavorisées, ces quartiers à problèmes. Sa mission comporte deux axes pnnclpaux. En priorité, la mise au point d'un plan d'action immédiat concernant une quinzaine d'opérations parmi lesquelles le quartier des Grésillons à Gennevilliers, la Grande Borne à Gagny, les 4 000 à la Courneuve et les Minguettes à Vénissieux. Les principales actions portent sur l'éducation, la formation professionnelle des jeunes, l'emploi, la santé ou encore l'expression culturelle. Ces actions sont envisagées pour permettre d'avoir un rôle moteur dans la résolution des difficultés existantes. Les résultats permettront d'alimenter une réflexion approfondie, d'autant plus utile qu'elle servira à démultiplier des solutions spécifiques au niveau des différentes régions. Ainsi sera favorisée, dans ce domaine, la décentralisation. Dans quelques semaines, cette commission va remettre au Premier Ministre, les travaux de sa première année d'exercice. Il est à souhaiter que les solutions qu'elle préconisera redonneront la possibilité au logement social de jouer son rôle plein et entier, d'éliminer les préjudices qu'on y trouve encore aujourd'hui, d'abolir les formes les plus diverses de ségrégation dont il souffre. Il faut souhaiter que la commission saura éviter la tentation de confondre socialisation des habitants avec assimilation, normalisation, pasteurisation des différentes populations. Alain RAUCHVARGER z z "" Régionale A vec les mêmes problèmes qu'ailleurs, la ville a le triste privilège d'être la proie de l'extrême-droite, qui n'hésite pas sur les moyens pour «faire un score» aux municipales. TOURS ET VAUTOURS DANS DREUX Le Drouais, où est-ce? C'est proche de la capitale et pourtant ce n'est plus l'Ile de France, même si c'était une de ses principales places fortes à partir de 911, date de la création du duché de Normandie. Le Drouais n'est pas non plus en Normandie, ni vraiment en Beauce, comme d'aucuns l'affirment. Le Drouais, c'est le Drouais, quoi! Pour être plus clair, c'est la ville de Dreux et ses environs immédiats. Carrefour de l'histoire, Dreux est surplombée d'une imposante chapelle néogothique du début du XIxe siècle, dans laquelle repose la famille royale des Bourbon, dont le dernier roi de France, Louis-Phili ppe 1 er ... Bourg à vocation rurale, Dreux a tardé à s'étendre dans la campagne où l'on cultivait encore la vigne en 1900. En dépit de son attachement aux traditions de la terre, le développement économique de la France lui a finalement donné un brusque essor dans les années soixante. La vitalité de lajeune industrie régionale et locale exigeait de la main-d'oeuvre ... à bon marché. L'exode rural tom be à point. On draîne vers la région les ruraux de Bretagne et d'ailleurs, exilés de l'intérieur... Mais ça ne fait pas le compte ... Un autre événement survient: la fin de la guerre d'Algérie. Plusieurs centaines de familles de harkis, désemparées, débarquent dans le Drouais ... Suit bientôt une immigration massive. Un énorme ballon d'oxygène pour l'ind ustrie. Sur les plateaux nord et sud qui bordent la vallée drouaise, poussent comme des champignons, d'une manière plutôt désordonnée, cités d'urgence, HLM, tours petites et grandes que l'on aperçoit de très loin ... Immigrés de l'intérieur et de l'extérieur s'installent là comme ils peuvent... Les dirigeants municipaux d'alors ne se préoccupent guère de la manière dont on vit dans ces nouvelles 22 concentrations humaines. Des problèmes d'adaptation, d'ambiance, de voisinage, de promiscuité, de cultures différentes, sans parler des problèmes sociaux et culturels, surgissent, s'accumulent, créant quelquefois un climat, disons inconfortable pour les habitants, Français ou non... De ces quartiers-ci quand on n'est pas chômeur - on va gagner sa pitance et celle de sa famille dans les environs immédiats, mais aussi, et souvent à Poissy, à Flins, dans le département des Yvelines ... En foulant pour la première fois le sol drouais et bien que sachant trouver ici beaucoup d'immigrés, je suis néanmoins surpris. Je m'imaginais, encroutés comme nous le sommes fréquemment dans des idées toutes faites, que cette ville provinciale vivait toujours, pour l'essentiel de l'activité rurale. Quand Françoise, de la section locale du MRAP me met sous le nez les statistiques, je suis stupéfait: la population Mères et enfants à l'école. étrangère représente plus de 20% de la population totale (50000 personnes entre les deux villes siamoises Dreux et Vernouillet). - On pourrait, remarque Françoise, ajouter à ce pourcentage les « Françaismusulmans », autrement dit les anciens harkis, dont la deuxième génération, quoique entièrement intégrée, ou presque, n'est pas pour autant, aux yeux de certains, « française à part entière ». Algériens, Marocains, Portugais, Turcs, Espagnols, Congolais et Angolais, Guinéens ou Haïtiens ... sans parler des Allemands, des Anglais, des Américains, des Irlandais ou encore de la venue assez récente de Cambodgiens et de Vietnamie} ls, nous sommes là en présence d'une mosaïque de ... soixante et une nationalités. A mon arrivée, la Saint Denis bat son plein. Fête traditionnelle, née au XIIe sièCle, elle s'est essouflée au fil du temps, mais semble reprendre de la vigueur depuis quelques années. Manèges, attractions, foire-exposition, camelots animent bruyamment le centre-ville interdit aux automobiles durant une semaine. Dimanche, la grande rue piétonnière est noire de monde. Elle sent la frite et la merguez. C'est la fête. Au milieu de cette foule composite, je guette les réactions, les éventuelles attitudes racistes, car ici, dans cette si jolie petite ville, Le Pen et son Front National ont une certaine audience. Finalement, je ne verrai pas grand chose. Aucune agressivité particulière entre Français et immigrés. Une seule et courte réflexion plus bête que méchante d'une commerçante à l'encontre de deux jeunes Marocaines qui, plateau d'osier en main, fendent la foule pour vendre le thé à la menthe et les gâteaux au miel qu'elles ont fabriqués. Le produit de la vente doit alimenter la cagnotte de leur toute nouvelle association, formée d'élèves de différentes nationalités du CES Curie. Leur 23 objectif est de s'offrir un week-end de neige l'hiver prochain .. et il faut des sous. Vivre aux Chamards En revanche dans la bousculade bon-enfant où la djellaba côtoie le blue-jean, je rencontre à chacun de mes pas des enfants et des adultes qui porte un curieux masque peint directement sur le visage. Du bleu, dujaune, du rouge, du vert, du violet, du noir. .. chaque masque est différent, mais l'ensemble forme une parfaite harmonie. Derrière un masque on ne sait plus qui est qui. AlgérÎeon ou Français? Noir ou blanc? Qu'importe? Où vont-ils? D'où viennent-ils? Ils vont dans la fête et la font. Ils viennent du stand du MRAP où plusieurs amis, spécialistes en maquillage artistique, se sont déplacés d'Amiens pour apporter leur concours original au combat pour le « droit à la différence ». Accepter la différence, Marc, 25 ans, sait de quoi il parle. Il réside avec sa mère et son frère, dans les « petites tours» du quartier des Chamards depuis une quinzaine d'années: cent quatre-vingt familles dans ces bâtiments, seulement six familles françaises. « Je ne me sens ni isolé, ni menacé. Bien sûr, je vis autrement que mes voisins turcs. Quand une famille immigrée emménage aux Chamards, elle amène évidemment avec elle ses habitudes, ses traditions. Est-ce que les Français qui vont en Afrique y vivent à la mode africaine? Ici, on tue des poules sur la pelouse, des moutons dans les caves. Ça pose quelques fois des problèmes d'hygiène. On les résout. Cette année, la municipalité a réservé un endroit des abattoirs pour que les musulmans puissent y abattre les animaux selon leurs rites. De plus, ces familles déracinées ne rejettent pas forcément notre civilisation. Petit à petit, elles découvrent l'existence de règles de vie dif- . férentes des leurs et, tant bien que mal, elle s'efforcent de s'y adapter »". Aux pieds des immeubles où habite Marc, l'école maternelle Louise Michel. Mon accompagnatrice, Denise, m'entraîne dans la cour. Les enfants jouent. Trois femmes turques - qui refuseront de se laisser photographier - assises sur une murette discutent, tricotent, surveillent leurs en(~nts qui gambadent parmi les autres ... « Aujourd'hui nous avons 90 présents. La composition? Sept Algériens, 46 Marocains, un Tunisien, trois Africains noirs, deux Turcs, un Portuguais, et seulement six Français, parmi lesquels ... un Réunionnais et quatre Fraçais- musulmans. Le racisme? Ici on l'ignore. Les enfants jouent ensemble et se fichent bien de la couleur. .. Rapports avec les familles? Excellents, surtout avec les femmes. Certaines viennent à l'école, comme aujourd'hui. Elles s'installent dans la cour. Quelquefois, elles entrent carrément dans les classes, s'asseyent au fond de la salle, et muettes, attentives, observent tout, cherchant à comprendre, à savoir ... » Jocelyne, la directrice fait un brin de discipline et se retourne vers nous : « J'allais oublier une chose importante: les liens entre les mamans. C'est nouveau et prometteur, car le racisme, qui existe aussi entre les communautés immigrées, s'émousse. » Kider, algérien marié à une Française. Selon lui, non seulement le racisme recule mais les obstacles dressés par les traditions deviennent moins insurmontables. « Plus qu'avant, des jeunes Français et Françaises s'unissent à des filles et garçons d'autres pays. C'est signe que les choses changent ». Marie-Thérèse, institutrice depuis treize ans à Prod'homme, le quartier le plus mal réputé de la région: « Bretonne, je suis - disons-le - une immigrée de l'intérieur. C'est peut-être pour ça que je comprends les étrangers et que je me 19i2 , J Tenue de combat pour l'amitié entre les peuples. 24 l Vieille ville, jeunes citadins. sens à l'aise avec eux. Régulièrement des parents d'élèves m'invitent. Je m'assieds à même le sol ;je mange le couscous avec les doigts. Je suis bien. On parle d'un tas de choses, des enfants et de l'école. En classe, nous avons discuté de la récente « fête du mouton ». Les élèves français, qui représentent les deux tiers, de l'effectif n'ont rien trouvé d'étrange à cela, au contraire, ils étaient contents de découvrir des coutumes autres que celles de leurs parents ... Il y a une seule famille étrangère dans mon escalier, une famille turque ... C'est à elle que je confie les clefs de mon appartement. .. » Marie-Thérèse marque un silence et ajoute: « En vérité, j'aurais plutôt tendance à faire du racisme à l'envers ». Ca signifie quoi? Silence encore. Puis: « A laisser croire que les étrangers sont meilleurs que nous en sommes .. . » Un trait sur le passé Le juste équilibre est difficile. On exagère souvent dans un sens ou dans un autre. Bref, la présence d'une population étrangère aussi importante - accrue de 22% en l'espace d'un an (1979-1980) - aurait pu entraîner des réactions violentes. II n'en est rien - du moins jusqu'alors ... Certes, le racisme qutodien existe. « Il s'exprime, me dit Kider, par exemple au moment d'une engueulade à propos des gosses. Les insultes pleuvent: sale raton, retourne dans ton désert, etc. Mais l'incident ne va pas plus loin. Je suis tellement habitué à ce genre de racisme que je n'y prête plus attention ». §§§§§§§ DIFFÉRENCES Nil 17 - NOVEMBRE 82 sur le passé, sur la guerre d'Algérie et le reste ... La plupart d'entre-eux se sentent Français comme vous et moi. Mais on ne peut pas changer de visage. Pour le « racisme quotidien» quand on a le teint basané, et les cheveux crépus, on ne peut pas être français. Alors beaucoup de ces jeunes se sentent mal dans leur peau. « D'autant que, me dit Denis, animateur de quartier, qu'on a tendance à leur mettre sur le dos un tas d'actes de vandalisme ». J'ai essayé d'en interviewer quelques- uns. Ils ont refusé. Depuis longtemps, les bruits, plus fantaisistes les uns que les autres, courent sur le Drouais. Gérard, ouvrier chez Renault explique: A peine arrivé à Dreux, voilà huit ans, on m'a dit de ne jamais mettre les pieds à Prod'homme. C'est trop dangereux avec ces Arabes et tout çà ... - C'est vrai, renchérit Denise. Moi, avant de venir ici, en 1976, on m'avait raconté une foule de choses sur Dreux, et sur la présence des immigrés. Effecti- " vement en arrivant j'ai ressenti un poids, non pas celui qu'on pourrait croire, mais celui de la misère ». En interrogeant ici et là, j'obtiens des réponses plutôt contradictoires. Sur les classes trop chargées de petits immigrés. Selon des enseignants, « ça fait baisser le niveau général»; selon d'autres, « ce sont les Français qui ne suivent pas » ... Marc habite le quartier des Chamards considéré par beaucoup comme un ghetto. - « C'est drôle, dit-il, moije n'aijamais eu l'impression d'habiter dans un ghetto » On a même mis sur pied un comité de locataire,s (où les Français sont, naturel- 25 lement, très minoritaires) qui fonctionne normalement». Assen, Algérien: « Nous les étrangers, on est trop nombreux dans la région, ça risque bien de nous retomber dessus un jour ou l'autre ... » Recul ou progression du racisme à Dreux? La situation est complexe. Complexité que certains utilisent, ce qui suscite l'inquiétude d'Assen: « Actuellement on essaie de nous dresser les uns contre les autres: les anciens harkis contre nous, nous contre les anciens harkis, et les Français contre tous les étrangers ... » A l'assaut de Dreux ! Mais voilà que J.P. Stribois, secrétaire nationale du parti de J. M. Le Pen, le Front National, a décidé de partir à l'assaut de la Mairie de Dreux avec, comme cheval de bataille, l'anti-communisme et le racisme. Sur cette base, le candidat d'extrême-droite avait obtenu 13% des ..., voix aux élections cantonales. II pense C sans doute que la xénophobie paie et g qu'il suffit de l'exacerber, de mener une campagne bruyante, sur l'ensemble de la région. Le moindre incident entre Français et immigrés, le moindre acte répréhensible d'un immigré, les difficultés dont je parlais plus haut et celles engendrées par la crise (le chômage, la misère, le mal de vivre) ... tout est utilisé pour alimenter les clivages et les haines. Des bruits courent, des tracts circulent ... J.P. Stribois joue sur les instincts les plus bas du chauvinisme, de xénophobie pour piper des voix à chaque élection. II parle d'une véritable colonisation de la France par les étrangers, affirme que « des commandos d'étrangers encadrés par les communistes de la CGT font la loi et pratiquent l'intimidation et la violence à l'égard des travailleurs » ... A l'en croire, les étrangers ont plus de droits sociaux que les Français eux-mêmes. et « l'immigration aggrave dangereusement le chômage et l'insécurité ». .. Sa campagne nous annonce, pour dans dix ans au plus, quasiment l'apocalypse, si les gouvernants ne prennent aucune mesure contre tous ces « métèques» responsables de tous nos maux. Il a incontestablement marqué des points. 13% des suffrages exprimés. Cela doit être pris au sérieux, non? Pire encore, sa meilleure percée, le Front National l'a réalisée dans certains quartiers populaires où le fardeau accablant et avilissant du chômage et de la misère pèse particulièrement lourd. Dans la cité Prod'homme justement, vieille cité d'urgence et sorte de bidonville moderne, où la joie de vivre est exclue, où le manque d'espoir fait qu'on se laisse aller parfois ... qu'on se laisse marginaliser, il a presque atteint les 20%. Dreux n'est pas malade du racisme, elle est malade de la crise. Emile MURENE CHRONI 6fJII'" DESA EES DE PAIX Le 1 er novembre 1954, éclatait l'insurrection. Huit ans de guerre pour une indépendance, vingt ans de lutte pour la rendre effective: les A 19ériens ont beaucoup à dire, en particulier à la France avec qui le dialogue a maintenant repris. L e 5 juillet '1962, l'indépendance de l'A lgérie est proclamée. Une photo fait la une de la presse internationale. Celle des enfants qui, par groupes compacts, envahissent les allées vastes et ombragées des quartiers européens. La joie se lit sur leurs visages. Ils rient et dansent en agitant des drapeaux verts et blancs frappés d'une étoile et d'un croissant rouges. Relever le pays de ses ruines, reconstruire les écoles brûlées, les bibliothèques saccagées, les bâtiments publics plastiqués, redonner vie aux campagnes vidées de leurs hommes et mutilées par près de huit années d'une guerre sans merci, ce sont les premières missions des dirigeants sortis des maquis, et du peup le algérien tout entier. Tout a été fait pour vider l'appareil économique et administratif de sa composante humaine d'origine européenne. En prédisant l'apocalypse pour demain, l'OAS a provoqué l'exode massif des cadres pieds noirs occupant les emplois jusque-là interdits aux Algériens . De nombreux oracles prévoient d'imminentes catastrophes et font déjà des offres de service pour remplacer une tutelle passée par une autre. 26 5 jui llet 1982. Vingt ans ont passé. A Alger, les fêtes nationales n'ont pas eu l'ampleur attendue par tous . Le président Chadli Benjedid, par solidarité avec les peuples palestinien et libanais, a décidé d'annuler toutes les festivités : décision plus que symbolique, à l'image de vingt années de politique internationale

fidèle aux principes forgés pendant la guerre d'indépendance,

l'Algérie n'a cessé d'apporter aide et soutien aux peuples luttant pour leur autonomie. En vingt ans, quelles qu'aient pu être les difficultés, les insuffisances et les épreuves, elle a su devenir un Etat réellement indépendant ayant une place originale dans le concert des nations : membre important du mouvement des non-alignés, elle est forte de sa double appartenance au monde arabe et à l'Afrique. De Sidi bel Abbés à Constantine, des villes côtières aux frontières sahariennes, on est frappé par la jeunesse de ce pays. Jeunesse des hommes,jeunesse du paysage social. L'Algérie est un immense chantier où se dessinent - malgré ou à cause de multiples difficultés - les formes nouvelles et passionnantes d'une autre forme de développement économi,. ~ et humain. L'indépendance est un travail de tous les jours. 27 ". , En 1962, la petite ville de Khenchela ne comptait que deux écoles primaires pour une population d'environ 13000 habitants. Aujourd'hui Khenchela, à l'image de l'Algérie. a connu un essor démographique particulièrement important: environ 60 % de ses 80000 habitants sont nés après l'indépendance. Le petit bourg rural où l'armée française regroupait les bergers et les paysans des Aurès est devenu une daïra (cir'conscription administrative comparable à une sous-préfecture) très active, foyer de développement économique et industriel entre la bordure Est des Aurès et les monts des Nementcha. N os morts parlent quand vos vivants se taisent (1) JuÎn. C'est la fin du Ramadan. Dans les rues, une part importante du temps de chacun est consacré à la recherche de produits que l'on pourra, le soir venu, offrir à sa famille ou aux amis chez qui l'on est invité. Lesjeunes sont nombreux. A Khenchela, comme ailleurs en Algérie, il existe un chômage temporaire des jeunes gens entre la fin de la scolarité (vers 16-17 ans) et le service national. Ils discutent ou se promènent entre les boutiques. Certains lisent El Moudjahid, le quotidien national, et très souvent. .. commentent les résultats du Mundial. L'un d'eux me demande si je suis un coopérant technique. Je précise que j'effectue un reportage pour un magazine antiraciste sur les vingt ans d'indépendance de l'Algérie. « A lors, vous venez pour le charnier :'». A l'évidence, ils n'admettent guère l'e!.pèce de curiosité malsaine qui se saisit parfois de certains journalistes européens, « Vous savez, enchaîne un autre, j'ai été à l'école tout près du charnier pendant des années ;je n'avaisjamais imaf?iné que je me trouvais près d'un tel endroit. Au déhut, on ne pouvait pas croire que cela avait existé. On avait été hahitué à déterrer des corps en diffërents endroits de la ville ou des campaf?nes environnantes mais jamais à un tel point. Quand le présidenl de l'A PC (le maire) a fait un appel pour le travail volontaire le vendredi sur le charnier, on n'imaf?inait pas ce qu'on allait découvrir». L'apparente insouciance de la fête et du foot-bail fait place à la gravité d'un passé qui ressurgit avec l'agressivité des choses que l'on a cachées au fond de soi. M. Kellim, le maire de Khenchela, m'a fait suivre le chemin que deva ient prendre les suppliciés. Il m'a conduit à la clairière prise entre plusieurs collines des Aurès, d'où partirent dans la nuit du 31 octobre 1954 les 42 maquisards qui attaquèrent victorieusement la caserne de Khenchela . La population des Aurés, fidèle à sa tradition historique de résistance à toutes les occupations et invasions, allait donner bien du souci à la Légion et autres corps d'armée. Cette modeste bourgade occupait en effet une position stratégique importante, véritable verrou entre le désert, les Aurés et la frontière tunsienne (située à 60 km à vol d'oiseau). L'armée française transforma la petite caserne de 1954 en un véritable camp retranché et fortifié sur plusieurs kilomètres. Le terrain vague où furent exécutés pêle-mêle maquisards et paysans râflés par la légion se trouvait à l'extérieur de la ville et était cerné de barbelés. La voix de M. Kellim se brise. Nous arrivons devant le charnier. Plus de mille corps en ont été retirés. Le terrain pourrait faire penser à un immense chantier de fouilles, la terre y est sèche et dure. Le soleil écrase les formes. Plus loin, le petit bois souvent évoqué dans les articles de la presse française. Ce petit bois semble d'autant plus accueillant qu'il offre de l'ombre en cette contrée où le soleil frappe si fort. Tout comme me semblaient douces les formes de ce petit village du Limousin, Oradour-sur-Glane. Quelques trous sont creusés. Des pierres retiennent une bâche en plastique. « Nous avons 28 poursuivi un peu la recherche des corps dans le hais: c'était pour la télévision française. Ils n'avaient pas l'air de nous croire vraiment quand on leur disait que les l'iuimes avaient été ahattues et jetées sur place. Nous avons exhumé encore quelques-uns de ces martl'rs et ils ont pu./ilmer». M. Kellim soulève alors le morceau de plastique et je peux voir le corps Ne pas photographier les corps d'un enfant d'environ huit ans. Il est là, recroquevillé comme s'il dormait en chien de fusil, encore pris dans la terre qui l'enserre. Plus loin d'autres toiles soulevées, d'autres corps, d'autres déchirures faites au genre humain. Je ne veux pas photographier les corps. Seule reste l'image du maire de Khenchela et du responsable du FLN - lui-même torturé dans sa jeunesse - penchés vers ce passé poignant. « Et dire qu'il s'est trouvé des voix en France pour mettre en cause la véracité de ce qui a eu lieu. Cest un peu comme si on l'oulait nier ces hommes, les tuer une seconde fuis. Comment certains peuvent-ils parler de rèf?lements de (:omptes :) COll/ment concevoir de telles choses? Tout s'est passé à l'int érieur d'un camp retranché à l'écart de la ville ». M. Kellim, comme de nombreux Algériens, a découvert à quel point sont occultés en France les hautsfaits de l'armée de Bigeard. Massu et autres. Il faudrait dire aussi ces corps entreposés dans de petites boîtes en sapin clouées à la hâte et amoncelés dans l'une des pièces du local des anciens moudjahidines (anciens combattants). Dire aussi le regard de cet homme qui, avec d'autres volontaires, a creusé la terre, lorsqu'il raconte sa découverte: pris dans les racines d'un arbre, les corps d'une mère et de son enfant serrés l'un contre l'autre. A Khenchela aujourd'hui, il y a vingH:inq écoles primaires, cinq cours d'enseignement moyen (ce qui équivaut du point de vue des tranches d'âge aux CES), deux lycées, un centre de formation professionnelle pouvant accueillir 5000 élèves. « A Khenchela, précise le maire, nous avons éf?alement appliqué laformule Tout pour la santé et l'éducation. Aujourd'hui il n)' a plus de maladies endémiques dans notre réf?ion. A partir de 1969, les écoles ont été construites dans tous les quartiers de la l'ille. Vn cenlre technique avait été ouvert en 1967, noIre premier lycée date de 197/. En annexe de la maternité et du centre de soins de la C ASOREC (caisse de sécurité sociale) s'est installée une école paramédicale. Nous faisons tout pour .fixer la population dans notre région. Le phénomène d'exode rural n'est pas complètement enrayé, mais il a tendance maintenant à se.fixer sur Khenchela au lieu de se porter l'ers les grandes métropoles et les villes c{jtières ». « Les gens de Khenchela sont très .fiers de leur région, confirme M. Djebaili, membre de l'APC (conseiller municipal) et chef du service commercial de l'unité SNLB (Société 29 UN MESSAGE DE JEAN PIERRE COT ministre de la coopération et du développement En /962, l'Algérie retrouvait une indépe,!dance qu.'elle avait perdue /30 ans auparavant apres de terribles combats. Elle reprenait sa place dans le concert des nations libres, et ouvrait aussitôt de nouvelles relations avec la France, fondées sur la coopération volontaire et la confiance en l'avenir, malgré tous les drames de la guerre de libération. Vingt ans après, un premier bilan peut être tiré: il est à l'honneur de l'Algérie, de l'amitiéfranco-algérienneet de tous ceux qui ont contribué à la développer. Le gouvernement de la gauche a montré sa volonté d'étendre la coopértion entre les deux pays dans de nouveaux domaines, et d'établir ainsi un véritable co-développement qui contribue à aider l'Algérie et la France dans leur lutte contre la crise. Cette volonté rejoint l'action de tous les défenseurs de [a solidarité entre les pe!-iples, au-delà de leurs différences. Elle est au service de la paix et du progrès. Jean-Pierre COT Nationale des Lièges et Bois), ils ont envie de rester dans les Aurés. Le rôle historique joué par leursfamilles dans la lihération du pays n'est pas étranger à ce type de décision ». « Cest à partir de 1975 que se situe le tournant dans le développement de la ville, confirme le maire, il n'I' avait auparavant que quelques petites entreprises sous 'tutelles communales liées aux travaux du hâtiment et en particulier à la construction de IOl?ements ou d'étahlissements scolaires. Nous avions créé une structure que vous qualifieriez en France de srndicat intercommunal. Le chantier de l'usine a démarré en' 1975, il a duré quatre ans. Aujourd'hui nous sommes .fïers d'avoir 460 salariés dans ce qui est le premier complexe intél?ré du tiers-monde pour le scial?e, le placal?e et l'éhénisterie ». « Quand nous atteindrons 560 employés, précise M. Azzouz, directeur du complexe, nous passerons à deux équipes postées. Le personnel est entièrement all?érien ; il maîtrise l'en- Un pays jeune. semh/e dufonctionnement d'une usine dont la technolol?ie est particulièrement sophistiquée. La société hell?e qui l'a installée devait en assurer le suivijusqu'en 1983. Mais elle a fait faillite et c'est nous-mêmes qui, sans à-coups, avons poursuivi /'installation des dt/fërentes chaÎnes de production. Cette usine est une véritahle petite révolution dans les mentalités de la rél?ion. Plus de 250 oUI'riers sont d'anciens herl?ers illettrés. Je suis frappé de voir à quel point certains individus peuvent se révélerface à des mutations technulol?iques comme celles de cette entreprise. L'un des ouvriers, ancien herl?er, a acquis par la formation interne à l'entreprise une qualification qui aurait impliqué dans un (l'cie scolaire traditionnel plusieurs années d'études spécialisées ». L'usine fonctionne avec des bois importés, car l'Algérie est très rigoureuse dans la protection de ses sites forestiers . Au Sud, pour enrayer la désertification. d'énormes campagnes de reboisement ont été entreprises. Même si les unités de la SNLB ont été installées près des sites forestiers traditionnels, elles ne traiteront pendant de nombreuses années que des matières premières importées. C'est la réponse algérienne aux pratiques de l'armée française qui, pour se protéger, avait poursuivi le déboisement à outrance opéré pendant la colonisation. L'installation d'entreprises modernes dans un village comme Khenchela implique aussi une modification dans les rapports sociaux. La Sonitex (société nationale de l'industrie textile) a installé la deuxième grande usine de la ville. Elle emploie pour l'instant 1 400 personnes dont près de la moitié sont des femmes. L'entreprise est encore appelée à se développer. Nul doute que cet accès au travail salarié pour les femmes 30 contribuera au développement et à la transformation d'une zone rurale que le régime colonial avait profondément déséquilibrée. C'est à Khenchela, ville mise en avant par une actualité que les Algériens auraient bien voulu croire révolue, que j'ai découvert le devenir de l'Algérie. Avec un humour amer, M. Kellim m'a demandé de venir avec lui pour rendre l'ultime hommage à l'oeuvre civilisatrice de la France. La municipalité de Khenchela a gardé l'un des vieux réverbères qui éclairaient le petit quartier résidentiel européen. Aujourd'hui l'ensemble de la ville a l'électricité. Pour l'anecdote, ajoutons que les maillots de l'équipe nationale algérienne au Mundial ont été fabriqués à Khenchela, ce qui emplit de fierté beaucoup d'habitants de la petite ville. Cette décision fut prise à la suite du tollé général que souleva dans le pays l'annonce que les joueurs algériens porteraient pendant le Mundial des maillots publicitaires Adidas. Les voies de l'indépendance Dès 1966. l'Algérie s'est engagée dans une voie tendant à lui assurer la maîtrise de ses propres moyens économiques: nationalisation des ressources minières et des principales activités restées aux mains des non-nationaux. En 1968, « les privilèges douaniers» sont remplacés par un tarif douanier rationnel et adapté à la protection de son industrie naissante. Le point culminant de cette démarche est la récupération du secteur des hydrocarbures en 1971. Comme le dit dans Algérie- Informations Uuillet 1982) M. Abdelhamid Brahimi, ministre de la Planification et de l'Aménagement du Territoire. « la prééminence du râle économique de l'Etat s'est affirmée par la récupération des richesses nationales, la prise en main des principaux leviers de l'économie, la création et le développement d'entreprises puh/iques dans l'ensemhle des secteurs d'activité, et la mise en place d'un appareil institutionnel et rél?lementaire assurant l'inten'emion directe de l'Etat sur l'ensemhle des domaines de la vie économique et sociale ». Les bénéfices tirés de la vente des hydrocarbures ont été consacrés à la construction d'une industrie sidérurgique lourde (88 Clé des investissements industriels des plans triennaux et quadriennaux de 1967 à 1978) conçue comme la véritable épine dorsale d'une économie indépendante. Le premier et le deuxième Plan quinquennal mettait en place les bases de la production dans la sidérurgie, la pétrochimie, la mécanique et l'électronique. L'Algérie en chantier luttait pour asseoir son développement par ses propres ressources et sa propre dynamique. Tout le monde s'accorde pour constater que le rôle des hydrocarbures aura été central pour permettre de réaliser des unités industrielles à la mesure des potentialités et des besoins de l'économie. C'était le refus du De gros moyens. Oreillettes COM POSITION Odeurs de cuisine Griwech / kg dejàrine - 300 g de heurre ou de margarine - / pu/,- / cuillerée à soupe de sucre - / sachet de /el'llTe chimique - / cuill~rée à soupe de \';'wigre - / cuillerée à soupe d 'eau de.fleur d 'oranger - / petite pincée de se/ - 51111 g de lI1ie/ - /00 g de grains de sésall1e (die/di/âne*) - / sachet de c%ralll ou safran - huile pourj'riwre. PRÉPARATION • Faites fondre le beurre sans bouillir. Tamise7 la farine dans un large plat rond (gas'a). Saupoud rez de sucre. de sel et de levure et mélange7. le tout. Faites la fontaine. Verse7. au centre le beurre. le vinaigre. l'eau de neur d'oranger et l'oeuf. Battez bien le tout à la main ou avec une cuillère en bois. Incorporez petit à petit la farine à ce mélange et frottez bien la pâte obtenue entre les paumes des deux mains. • Faites dissoudre le safran dans un verre d'eau. Arrosez la pflte de cette eau en pétrissant en même temps jusqu'à ce qu'elle devienne lisse et un peu plus molle que la pùte à pain. Roule7-la en boule et recouvre7. d'un linge propre. • Prenez une petite boule de pâte (la grosseur d'une orange). Aplatissezla légèrement avec la paume de la main. Etendez-la ensuite au rouleau sur une épaisseur de 2 mm environ. Coupez à la roulette des petits rectangles de 12 à 13 cm de long su r 7 à X cm de la rge. 31 modèle import-substitution établi dans de nombreux pays fournisseurs de matières premières. Il est évident que cet élargissement des structures productives a exigé des sacrifices financiers et sociaux considérables, a entraîné des déséquilibres financiers et sociaux considérables, a entraîné des déséquilibres sectoriels et régionaux importants. Comhien de pays du tiers-monde, voire même occidentaux, peuvent se tarl?uer d'avoir avec succès enl?agé le processus de rupture avec l'ordre colonial et néo-colonial, et d'avoir en deux décennies édifié des structures productives aussi larl?es et variées? Pour montrer l'ampleur de l'oeuvre accomplie, pour traduire en chiffres ces usines, ces ateliers, ces complexes, ces unités de production qui ont transformé le visage de l'Algérie, il est possible d'affirmer que ce pays a connu, au long des 15 dernières années un taux moyen de croissance de 7,4 % par an. La production intérieure brute (c'est-à-dire le résultat des efforts des agents productifs de l'économie) est passée en prix courants de 14,6 milliards de dinars en 1967 à 86,8 milliards en 1978 pour atteindre 110 milliards en 1981. Les emplois créés dans la période 1967- 1978 s'élèvent à 1 million de postes. Si les Algériens ne mettent pas en cause l'importance capitale pour le développement de leur pays du processus d'industrialisa tion initié à partir de 1966, ils ont été amenés à en constater cependant les aspects négatifs. C'est là le sens des propos de M. A. Brahimi (dans Algérie Informations) : « Un déséquilihre profond, maintenant parfaitement ana~l'sé, était inscrit dans la répartition du stock de capital à la disposition de chacun des secteurs de l'économie nationale. [ .. . ] Bien plus, ce déséquilihre était accentué par une com'entration l?éol?raphique privilél?iant la mincefranl?e côtière du pays au détriment de /'imérieur ». C'est pour cela que le plan quinquennal 1980-1984 vise essentiellement à rétablir les équilibres économiques menacés par un trop fréquent recours à l'extérieur pour y rechercher des capacités de réalisation et de conception (voire même de financement), à contrecarrer tout relâchement des disciplines de planification et l'insuffisante maîtrise de la conduite des projets. Des entreprises se sont hypertrophiées et ne fonctionnaient souvent qu'à l'intérieur d'une logique propre: SONATRACH (hydrocarbures) ou SONACOME (mécanique). Un vaste mouvement de restructuration a été lancé à partir de 1979; il est fondé sur la spécialisation, la séparation des fonctions et la décentralisation. Ce mouvement est relayé par un effort de restructuration financière destiné à accroître l'autonomie dejul?ement et de décision des entreprises publiques. Par ailleurs, la place du secteur privé dans l'économie algérienne est encore en cours de réexamen par l'assemblée nationale. Si la question de la création de sociétés d'économie mixte est souvent au coeur de débats passionnés, il ne semble pas en l'état actuel des choses que l'Algérie du président Chadli s'apprête à renoncer au rôle fondamental conféré au secteur public par le Président Boumédienne. Billets d'humeur Au-delà des bilans économiques effectués par les responsables de l'économie algérienne, aussi lucides et déterminés soient-ils, il faut essayer de saisir le vécu quotidien de l'homme algérien. El Mouhajid et Algérie Actualités font régulièrement écho aux difficultés que rencontre la population. La presse publie des reportages ou des billets d'humeur sur les carences de l'approvisionnement en certains produits alimentaires, les files d'attente aux guichets des postes pour encaisser des chèques, la valse des étiquettes durant le mois de Ramadan, l'état de certains centres de vacances populaires, la longueur des formalités d'entrée pour les immigrés algériens en vacances, les conditions de travail dans certaines entreprises sidérurgiques, etc. Voici quelques-uns des titres d'un numéro d'Algérie-Actualités pris au hasard en juin-juillet (Algérie-Actualités est l'hebHENRI ALLEG: «CE NOVEMBRE-LA» de plus en plus nettement dans l'opinion tion des campagnes, internement en réduit à l'impuissance, alors que les tenpublique une volonté de paix, à mesure camps de concentration, tout cela n'a- tatives de créer en Algérie une troisième que la guerre se développe. Mais si beau- boutit pas, ne réussit pas à mettre le force algérienne pro-française entre les Q.: Comment a-t-on perçu, en France; tements français, qui n'ont rien à voir çais avaient chacun quelques souvenirs coup souhaitent une discussion avec les peuple algérien et le' FLN à genoux. On ,ultras et le FLN, ont éçhoué. l'insurrection déclenchée le 1er nove m- avec ce qui s'est passé ailleurs. Les Algé- de famille avec l'Algérie, qui n'apparais- Algériens pour aboutir à la paix, on n'est est en situation de crise. Les colons réCIa- Q. : Que pensez-vous de la réintégration bre 1954? riens sont satisfaits de leur sort. Naturel- sait pas aussi éloigné que le Vietnam. pas encore unanimement conscient de la ment une répression de plus en plus des généraux dans l'armée? H.A. : Ce 1 cr novembre 1954 a été saisi lement subsistent quelques injustices et C'était tout proche, deux heures d'avion, nécessité d'accepter l'idée de l'indépen- dure, et en France, devant cet échec, H.A: Il faut rappeler ce qu'ont fait ces comme une date extrêmement impor- inégalités, mais fondamentalement, il ne' on y allait comme fonctionnaire, etc. dance pour que cette paix se fasse. naissent des interrogations. généraux. Ils étaient les dirigeants de tante par tous. Pour la première fois, des peut être question d'indépendance, d'ail-' Sous la pression dominante de l'époque De 1956 à mai 1958, Guy Mollet va faire En 1958, après le-s tentatives de coup l'armée française, et en aucun cas n'ont actions armées se déclenchaient en Algé- leurs « ils» ne la réclament pas, puisque on acceptait assez facilement les slogans la guerre. Elu sur le thème de la paix en d'Etat des ultras en Algérie, De Gaulle pu être trompés ou manipulés. De plus, rie, sous une direction organisée, celle nous avons affaire à une poignée de re-: répandus en Algérie et en France: « les Algérie, alors que monte en France, arrive au pouvoir. Toute sa campagne en 1958, ils ont profité de leur pouvoir du F.L.N. Il y avait déjà eu la guerre du belles « manipulés de l'extérieur par le- arabes sont difficiles à civiliser, heureu- dans les casernes, le refus de la guerre, il est fondée sur cette ambiguité : il faut la pour tenter de dresser l'armée contre lA Vietnam et des actions armées en Tu- Caire, et derrière par Moscou ». Cette sement nous sommes là». Dominait tout va, sous la pression des ultras algériens, paix. Mais certains attendent de lui qu'il République, comme Franco en Esi nisie. Au Maroc, la situation était très explication simpliste a un succès cer- un complexe d'idées racistes qui fai- « mette le paquet », selon l'expression du pagne. Ces gens ont été grâciés et vivent tendue. De sorte qu'on vantait le calme tain. Dans cette France-là, on ne se saient que les gens pouvaient vivre en moment, pour se débarrasser du pro- dans la tranquillité. Les dédommager et de l'Algérie, « oasis de paix, réussite de la doute pas de l'engagement que va né- Algérie en fermant les yeux, en répétant blème, les autres pensent qu'il ouvrira leur donner des galons, cela peut laisser colonisation française ». La propagande cessiter le refus d'entendre les aspira- de bonne foi: ici, c'est la France. des négociations. En fait, il tentera d'a-entendre que leur action n'était pas délaissait entendre qu'elle devait échapper tions nationales du peuple algérien. Cela Q. : Comment évaluer les modifications bord de régler le problème par la force, pourvue d'une certaine logique. De plus, à cette « agitation nationaliste ». dit à l'exception du PCF et de quelques dans l'opinion française et algérienne en- puis, devant la résistance du peuple algé- ces gens ne représentent pas, malgré Et voilà qu'au 1 cr novembre des coups de intellectuels qui ont rattaché cette tre 1954 et 1962? rien, il manoeuvrera pour finalement ,leurs affirmations, le million de pieds-. feu éclatent dans la nuit. Immédiate- volonté du peuple _ algér_ien à tout ce H.A : Il faut séparer plusieurs époques. ~ comprendre qu'il faut négocier. Le tour- noirs qui ont été aussi, à leur façon, des ment, on s'interroge: que va-t-il se pas-. qui se passait dans le reste du tiers-' Jusqu'en 1956, on croit n'avoir affaire ~ nant sans doute se situe en décembre victimes de la politique colonialiste de la ser? Aussitôt, tous les moyens d'expres-' monde, et ont tout de suite compris que qu'à des rebelles, on nie la représentativité mener la pacification à outrance, alors: 1960, pendant les grandes manifesta- France. Sans qu'il soit question d'esprit sion officielle sont mobilisés. La· cela ne pouvait durer ainsi. Les choses du F.L.N. ; on prétend que des forces de que toute l'Algérie est embrasée, et que tions où des centaines de milliersd'Algé- de revanche, il ne faut pas permettre que presse, quasi-unanimement, reprend: ont changé ensuite. police suffisantes les mettront à raison. se renforce la répression. Mais les me- riens descendent dans la rue désarmés leurs crimes soient oubliés, ni déformer l'explication qui va durer très long- Depuis des générations on apprenait Parallèlement, grâce à l'effort des mili- sures employées, torture, exécutions pour clamer leur volonté de vivre libres, l'histoire en les réhabilitant. temps, même quand la guerre atteindra aux enfants à l'école que l'Algérie, c'était tants politiques partisans de l'indépen- sommaires, destructions de villages, dé- alors même qu'on a expliqué que les Propos recueillis so n apogée: l'Algérie, c '.:..es:...:t_t..:..r..:..o:...:is_d:...e~p' :...a_r_-_t_r_o_is_d.....:ép~a_r_t_em_e_n_ts_fr _a_n....:ça_is_. L_e_s_F_ra_n_-__d _il_n_c_e_e_t_d_e_l_eu_rs_o_r..:g_a_n_is_a_ti_o_n_s_,s _'a_f_f_ri_ m_e_ ____. :...p_o_rt_a_t 1' _o_n_d_e .:.p_r_ès_d_e_6_0_~...b:._d_e_l_a....:p~0....:p~u_l_a_-__v_ il_le_s_ét_a_ie_n_t_ca_l_m_e_s_, q.:....u_e_le_F_L_N_é_ta_i_t __________- -.:p:.-.a_r_J_-_M_. 0...-J' .../ Dialogue impossible. domadaire national vendu dans tout le pays). A la une: « 1 200 km de voieferrée pour les hauts plateaux », « Victoire défaite ... C'est ça le foot.' ». Page 5 : « Approvisionnements Ramadan,' tout est prévu? ». Page 6 : « OEuvres sociales,' la fïn des inégalités? ». Page 10: « SNA T-Ghardaïa, art ou commerce? », etc ... La presse algérienne est riche des débats qui se tiennent à l'intérieur du pays avec les encouragements des responsables politiques. Mais rien n'est moins apprécié que les critiques prononcées à l'extérieur par des Algériens 32 vivant dans les pays occidentaux (et plus particulièrement en France). On y voit une ingérence irresponsable, même quand les critiques sont fondées: « Pourquoi aller revendiquer en France ce que tu peux dire dans ton propre pays? ». C'est là un des aspects de la volonté d'indépendance (et de fierté) de l'Algérie d'aujourd'hui. A Constantine, nous visitons le complexe de construction de moteurs et de tracteurs de la SONACOME. Les kilomètres parcourus depuis Alger laissent le souvenir d'un passage en trombe, vent chaud, soleil, odeurs de sable, odeurs des blés qui viennent d'être coupés. Les pins surgissent parfois dans le grésillement des insectes à la chaleur de midi. Leur ombre se détache un temps à l'intérieur de la voiture. La vitesse soudain se ralentit, la montagne se hausse, plus aride. Massif du Djurdjura, gorges de Lakhdaria, Monts du Biban, Portes de Fer ... Djurdjura mot rauque, prononcé comme une incantation par Saad Laroussi, le chauffeur et l'ami. Djurdjura, ressentie comme une puissance écrasante. De loin en loin des maisons grises détachent sur les arêtes leurs toits de tuiles roses. La chaîne des montagnes s'éloigne, secrétant sa propre brume qui l'enveloppe et la voile ... Setif. Le témoignage que ceux du 8 Mai 1945 ne sont pas morts pour rien, ces Algériens qui voulaient croire que la victoire sur le fascisme était un peu aussi celle de leurs enfants « morts pour la France ». A Setif, Guelma, Skikda, la répression fit près de 45000 victimes. Les montagnes se font collines et côteaux. Les hommes et les femmes d'ici les ont séduits et captés. Ils ont travaillé les moindres mouvements de la terre. Ils en ont fait des damiers aux formes multiples et inégales. Blés moissonnés et blés encore hauts, terre retournée qu'aucun glaneur ne viendra plus fouiller, terre au repos offerte aux herbes brutes et aux moutons, plus loin espace des oliviérs aux branches encore vertes - bientôt elles auront tellement blanchi qu'on les croira toutes dorées sous le soleil. Les couleurs se marient quand on les voit de la route, quand la vitesse les fond les unes dans les autres. Elles s'individualisent et portent leur odeur au soleil quand vient le moment de la halte et que d'un pas, timide ou hésitant, on les approche. Un tracteur orange vient de l'autre côté de la nationale. C'est une femme qui le conduit. Au petit matin la lumière naissante du soleil adoucit les paysages. Elle confère une poésie tendre aux monts qui encadrent le Rummel dans sa descente vers Constantine, quand les terres cultivées et les bois s'y rejoignent. Ils font resurgir ' des souvenirs oubliés, tableaux de la campagne romaine. Un jour à Constantine Constantine est tout de contrastes, en ses rues, durant le Ramadan. Le matin, la vie se répand lentement en la ville. Aux carrefours, les voitures klaxonnent. Certains conducteurs, fatigués par le jeûne et les nuits trop courtes, manquent parfois de réflexes. Les autres les regardent d'un air amusé ou complice. L'heure n'est pas encore à l'irascibilité. Les coups de klaxons redoublent. Les boutiques sont presque toutes fermées. L'hôtel surplombe la vallée. En contrebas, des enfants poursuivent un match de foot qui n'en finit pas, d'autres dans un mince bras d'eau poussent un radeau fait de madriers. Sur le côté gauche, un attroupement s'opère, un berger bloque la rue avec son troupeau de moutons ... Vers quatre heures, la ville s'anime à nouveau. Les hommes, au retour du travail, accomplissent les dernières courses. Aux boutiques des pâtissiers les gens s'impatientent pour obtenir les gâteaux traditionnels. Chacun rejoint son domicile et attend impatiemment la fin du jeûne. Petit à petit la ville devient muette. Tout est comme dans un souffle retenu jusque vers huit heures du soir, quand s'élève de minaret en minaret la prière louant le seigneur. C'est le soir que la ville révèle ses habitants. Des mouvements se dessinent dans la foule. Le théâtre municipal annonce son spectacle de dix heures. On y joue à guichets fermés. Soirée spéciale personnel Sonelgaz. Dans la vieille ville, la vie est dans la rue. Les jeunes cherchent une place aux terrasses des cafés. Il nous faudra passer dans l'arrière-salle ... La discussion s'engage. Thème favori, thème de l'heure: le Mundial et l'attitude des footballeurs allemands lors du match contre l'Autriche, match qui a éliminé l'Algérie des demi-finales. Kamal a 34 ans, il est comptable dans une importante admi- 33 nistration. « Je n'ai applaudi, dit-il, que deuxfois dans ma vie les exploits de la France, le 10 mai 1981, quand elle a élu un président de gauche et le 28juin dernier quand elle a éliminé l'Autriche du Mundial ». Son voisin Farid, 18 ans, surenchérit: « La France nous a vengés ». Et c'était comme un petit clin d'oeil à tout ce qui nous lie à l'Algérie. L'Algérie est un pays. jeune. Chaque année, il y a plus de 100000 jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi. Nous le constatons à Annaba, à Constantine comme à Alger. Le complexe de production de moteurs et de tracteurs de la Sonacome compte 3 804 employés: 1 721 ont de 20 à 30 ans, 1 381 de 30 à 40 ans, 541 de 40 à 50 ans, 153 de 50 à 60 ans. Ce sont donc plus de 3 000 ouvriers qui ont moins de 40 ans. Un cargo d'oranges contre une machine-outil L'unité de Constantine a été construite entre 1969 et 1972 à la suite d'un accord passé avec le constructeur allemand Diag. Il s'agit d'un complexe intégré comprenant la fonderie des pièces, l'emboutissage, la forge et le montage des moteurs et des tracteurs. Question cruciale: quelle est, dans. le produit final, la part de la fabrication non importée d'Allemagne ou d'autres pays européens? Autrement dit: quel est le taux d'intégration? Il ne s'agit pas simplement d'une usine de montage de pièces détachées livrées par le correspondant titulaire des brevets et licences, de fabrication. Le taux d'intégration de la Sonacome-Constantine est de 64 %, ce qui est un taux relativement élevé - pour les spécialistes. L'assistance technique étrangère est passée de 172 en 1975 à 22 en 1979. Elle n'est plus que de 7 en 1981. Dans l'usine, un réel sentiment de fierté prévaut: « Nous n'avons rien à envier aux Occidentaux du point de vue de la maîtrise technique, même si nous avons des d(ffïcultés au niveau de la gestion. Nous allons d'ailleurs construire une nouvelle fonderie par nos propres moyens. Elle sera 100 % algérienne. C'est immoral pour nous que d'être obligés de donner un cargo d'oranges contre une machine-outil allemande. Les termes de l'échange sont par trop inégaux, c'est pour cela que nous voulons absolument construire nous-mêmes ». M. Drid, directeur technique, nous apporte des éléments d'appréciation qui vont dans le même sens: « Bien que notre système ne soit pas exempt de gaspillages.jorce nous a été de constater que le recours à un constructeur étranger n'implique pas l'absence d'erreurs. Ainsi, notre partenaire a commis plusieurs erreurs de conception qui nous occasionnent des dépenses et des difficultés humaines. L'usine, adaptée à un pays européen peu ensoleillé, est éclairée à l'électricité toute la journée .. notre niveau moyen d'ensoleillement aurait pu, avec une construction de toits adaptés, nous permettre bien des économies. De même, la chaleur pose des problèmes d'aération terribles, ce qui ne manque pas d'aggraver les conditions de travail des ouvriers, et plus particulièrement à la fonderie». . D'une certaine façon, cela fait aussi partie des leçons que les Algériens tirent des vingt années passées: aller vers une coopération entre les différentes unités de production du pays au lieu de tout prétendre faire dans une usine livrée clés en mains. Quand l'on songe que les constructeurs n'avaient pas prévu suffisamment de magasins pour entreposer les produits finis! La France participera à sa construction. 34 Annaba, quatrième ville' d'Algérie : un port qui voit transiter les produits miniers et agricoles de tout l'Est algérien. C'est aussi et surtout le centre sidérurgique de EI-Hadjar. Le temps de songer à Hippone (en latin Hippo Regius), à Saint-Augustin qui en fut évêque pendant 36ans, à l'importance passée de. la ville (Hippone fut longtemps la deuxième ville d'Afrique) et déjà nous voilà plongés dans la cité moderne, bigarrée et plurielle. Elle a du mal à se remettre d'un choc culturel profond, provoqué par une industrialisation dont nul n'avait idée il y a de cela vingt ans. C'est en effet un des aspects les plus frappants des transformations survenues : en vingt ans, des générations d'hommes et de femmes ont basculé d'un siècle en un autre. A Annaba s'est construit un ensemble industriel'employant douze mille personnes. En créant les conditions d'une fantastique concentration ouvrière, l'Algérie a fait naître des problèmes que connaissent nombre de pays développés ne pouvant - ou ne voulant - faire face à la réalité socio-culturelle quelle implique. Les lumières de la ville L'outil de l'indépendance algérienne qu'est son industrie 2 novembre 1954 3 novembre 1954 TERRORISME EN AFRIQUE DU NORD • Plusieurs tués en Algérie au cours d'attaques simultanées de postes de police. Le terrorisme, qui vient de faire à Casablanca de nouvelles victimes, s'est brusquement étendu la nuit dernière à une Algérie qui ne paraissait jusque là menacée dans l'Est Constantinois que par des incursions accidentelles des fellaghas tunisiens. • Dans les Aurès les engagements se poursuivent autour d'Arris, entourée par plusieurs centaines de hors-la-loi, 2 novembre 1954 lA CROIX RECRUDESCENCE DU TERRORISME EN ALGERIE 2 novembre 1954 3 novembre 1954 GRAVES EvENEMENTS EN ALGERIE • Plusieurs morts et blessés dans la nuit de dimanche à lundi. Constantine en état de siège. Nombreuses arrestations de patriotes algériens. On se souvient qu'en 1945 les provocations colonialistes aboutirent dans cette région à des massacres qui faisaient plusieurs dizaines de milliers de victimes algériennes. HALTE A LA REPRESSION EN ALGERIE • Une vaste opération de « ratissage» montée à la façon de celles qui ensanglantent la Tunisie, est en cours en Algérie, dans le massif de l'Aurès au sud de Batna. lourde devait fatalement engendrer une série de nouvelles' réalités, l'une des plus ':llarquantes et quasi paradoxale étant l'émergence d'une forme particulière d'immigration intérieure comparable (le racisme en moins), par sa relation à l'espace urbain et à ses rythmes de vie, à l'immigration dans 'les pays européens. Un tel phénomène ressort nettement d'ailleurs de l'excellente étude parue dans Algérie-Actualités nO 874 - semaine du 15 au 21 juillet 1982): « Mahamoud, moustaches bien fournies, une silhouette frôle, chaussures plates de ville, ne connaissant pas du tout l'économie des' mots, se met à raconter sa vie aveç de grands gestes : Oui, nous sommes de véritables immigrés. Ni eau, ni électricité. On refuse: ~omble de la démesure, de nous délivrer des certificats de resldence. A Annaba, on nous envoie à El Milia et vice-versa. Sommes-nous des apatrides?». Mahmoud a, ,comme de nombreux autres travailleurs d'origine rurale été attiré par les lumières de la villè et la perspective d'un sal~ire plus élevé et régulier. Il nous dit, de l'intérieur, son vécu d'ouvrier déraciné. L'article en toute liberté, porte un regard d'une remarquable lucidité sur cette partie de la classe ouvrière algérienne dont la culture originaire s'effiloche, voire même se détruit complètement, à la périphérie d'une grande ville industrielle. Ce~ entre-deux du dé~eloppement,. qui ne sont plus paysans maIs pas encore ouvners, construIsent pourtant l'avenir de 3 novembre 1954 Combat' LES TERRORISTES ALGERIENS MAINTIENNENT LEUR PRESSION Il semble que les émeutiers maintiennent une certaine pression sur la petite localité d'Arris, les renforts se sont heurtés à des bandes armées de fusils mitrailleurs. 3 novembre 1954 LE FIGARO VAGUE DE TERRORISME EN ALGERIE Le calme est revenu hier en Algérie où la troupe et la police demeurent en état d'alerte. Cependant l'agitation persiste dans le massif de l'Aurès, où, aux terroristes algériens, se sont joints des feUaghas tunisiens. On sait maintenant qui sont les responsables des attentats. Les extrémistes du MTLD qui veulent lancer l'Algérie dans la « lutte révolutionnaire » aux côtés des Tunisiens et des Marocains. 2 novembre 1954 l'AURORE LES TERRORISTES PASSENT A L'ACTION Plus de 10 morts, 300 millions defrancs de dégâts. L'Algérie vient de connaître des heures tragiques. Dans la nuit de dimanche à lundi, en effet, une trentaine d'attaques, soit à la bombe, soit à la grenade, ont été perpétrées simultanément en divers points du territoire par des commandos de fellaghas armés de mitraillettes et de fusils automatiques du dernier modèle, et parfois même casqués! Cette agression, affirme le gouverneur général Léonard, a été ordonnée et coordonnée de l'étranger. 35 DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 1eur pays par delà la marginalisation et les' divisions. Les h~mmes et leu~s familles s:installent dans des quartiers provi; ,S?lr~s! reconstltua!lt partIellement leurs villages et régions d onglOe, comme SI, malgré le ghetto, ils pouvaient revivre la Djemaa (2). Ces quartiers ont nom Sidi Brahim, Bou Hamra Sidi Amar ... ils sont le lieu où résident les O.S. de la sidérur~ gie : couleurs, enfourneurs. Il leur est plus difficile d'obtenir u,n logement, ils ne sont pas de la région d'Annaba, ils sont souvent brim~s par les personnels administratifs - c'est du moins le sentiment qu'ils ont. çette .dure réalité ne doit cependant pas laisser croire que la SItuatIOn de ces hommes est effroyable ou, à to,Ut le moins, comparable à celle des immigrés. L'Algérie bâtit son avenir à part~r d'un~ v?ie qu'ell~ a choisi, dans un univers qui lui ~st hostile aussI bIen du pomt de vue de l'héritage colonial que du point de vue international. Jean-Pierre GARCIA (1) Lettre d'oe ancien détenu de Khenchela à lIOn tortiomaire (in LIb8'atiOll 24.6.82). , (2) DJEMAA : assemblée populaire de villale où traditionnellement se (ont les échanles et éventuellement se r~lent les conOits. . L'aveJÙr s'amonce bien. Culture u commencement était la ville, A née de la rencontre, six siècles avant Jésus Christ, de peuplades locales avec des marins venus du Proche- Orient chercher de l'étain. Elle ne cessera de s'étendre, surtout entre le XIIIe et le xxe siècle, nourrie de ses échanges avec les pays. du Bassin. m~diterranéen. Aujourd'hUi, la cohabitatIOn des différentes communautés n'est pas toujours aussi pacifique que du temps des Phocéens, comme le montre l'encadré ci-contre. C'est peut-être pour chercher des leçons du passé que Marseille a organisé cette grande opération baptisée « Orient des Provençaux ». Dix-sept expositions ont été éparpillées dans la ville, avec une manifestation centrale qui donne le ton, en plein CentreBourse. Un appât pour le public de passage dans le quartier, pour le guider vers les autres. « Bava, dont la mission est de recharger de sénsces beaux mots nostalgiques, l'Arabie heureuse ... » Ainsi parlait André Breton d'un des plus grands peintres algériens contemporains. Baya est ~ée près d'Alger en 1931, elle a des tOiles dans tous les musées du monde, mais est mal connue en France. Pour la première fois, une exposition rétrospective montre les femmes qu'elle peint, créatures étranges et intemporelles. Le port est mort, vive le port. A sortir du métro Vieux Port, à arpenter les quais où sont amarrés côte-à-côte voiliers désarmés et paumés en tout genre, on a peine à imaginer qu'il a pu vivre un jour, comme dans le tableau de Joseph Vernet. Louis XV avait commandé quatorze toiles représentant les ports de France; Dans « les orientalistes provençaux », une des expositions inaugurées par François Mitterrand. celui de Marseille est fascinant. Tout le quai, au XVIII" siècle, est occupé par le négoce: Turcs, Levantins, bar?aresques, négociants, badauds et petits revendeurs y traitent. Il y a là tous les costumes du monde d'alors. Porte de l'Orient, et de plus loin, Marseille a tou- 36 jours été un lieu de passage. Y sont passés aussi, de tous temps, les troupes alliées, enrôlées, puis dites coloniales, qui sont venues combattre en Europe pour la France. Une exposition rend hommage à ces turcos, spahis, tirailleurs et goumiers. Les joies de la vie à bord. IFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 tienne, les Affaires maritimes délivreront des attestations gonflées. D'ailleurs, on maltraite beaucoup les traditions: tout patron pêcheur doit porter sur le rôle d'équipage le nom des marins embarqués, formalité nécessaire en particulier aux remboursements de sécurité sociale. CC;!tte inscription semble fantaisiste à Marseille: y sont portés des marins non embarqués, et oubliés ceux qui sont à bord, au gré des humeurs. Une fois acquittées les nuits de pêche, on peut rentrer chez soi. Pour une partie des pêcheurs marocains, il suffit de descendre dans la cale. Dans les beaux chalutiers ventrus de la carte postale, les cales qui servent à la pêche peuvent aussi abriter des couchettes de bois où les marins ai repoussent leurs effets personnels pour s'allonger. Pas de place, pas d'armoire, pas d'hygiène, mais des rhumatismes et Les pêcheurs marocains à fond de cale Labelle carte postale! Les bateaux de pêche à l'amarre dans le port de Marseille, sur fond de ciel bleu, et de barques au radoub. On croirait entendre crier les mouettes. Mieux vaut peut-être rester au large, on risque, à s'approcher, d'entendre quelques dissonnances. Les patrons pêcheurs de Marseille emploient 300 personnes, dont 90 % d'étrangers, essentiellement marocains. Depuis 1973, on les recrute directement Dès le XVII" siècle, à Marseille, cohabitent galériens, européens et levantins; 20 % des galériens sont turcs. L'exposition Mémoires de nos quais évoque cette chiourne turque des galères royales. C'est un siècle de fructueux échanges avec le Proche-Orient : pour les besoins du commerce, les riches négociants marseillais envoient leurs enfants en T urq uie pour apprendre la langue. D'ailleurs les rapports étaient anciens: pendant les XIII" et XIV" siècles, les pirates et les barbaresques se partagent le contrôle de la Méditerrannée. Le plus grave problème d'alors est le rachat des esclaves. Ce sont les commerçants marseillais qui sont chargés de ces négociations, tandis que trois congrégations religieuses s'occupent de leur rédemption. Jusqu'au XVIII" siècle, cela fait partie des occupations de la ville. Ainsi les témoignages de deux esclaves rachetés, Germain Mouette et le père Quartier. L'entreprise est originale: au-delà des difficultés actuelles de la ville, il s'agit de plonger dans un passé qui témoigne de la richesse des relations entre Marseille et l'Orient, qui n'étaient pas fatalement au pays. Les employeurs leur font signer un contrat dûment ratifié par les Affaires maritimes. Le salaire n'est à aucun moment précisé. Tradition dit-on: le salaire versé chaque semaine représente la part de l'employé sur la pêche. Mais le pesage se fait entre patrons et intermédiaires, hors de vue des marins. Résultats: 2300 francs par mois au mieux, pour 16 à 18 heures de travail par sortie de pêche. C'est bien peu, c'est même illégal: qu'à cela ne fondées sur un rapport de force favorable à l'Europe. En montrant que le vieux port n'a pas seulement été fréquenté par les immigrés d'aujourd'hui, on peut combattre l'idée, trop répandue, que l'immigration est un « mal récent», qu'autrefois les peuples vivaient dans la « pureté» de l'autarcie. Même si le lourd passé de la colonisation reste présent: le musée de la vieille Charité évoque les expositions coloniales de 1906 et 1922, les Archives de la ville, les souvenirs de la Compagnie universelle du Canal de Suez. De toute façon, l'amitié entre les peuples a tout à y gagner: à preuve, cette première importante : le Musée des BeauxArts d'Alger a prêté à la ville quarantecinq de ses chefs-d'oeuvre . Une coopération sans précédent, et pour cause. Il ne faut pas rêver: une telle manifestation ne supprimera pas les problèmes de Marseille, mais c'est déjà un grand pas que d'exhiber sa diversité et ses contrad ictions. Jean ROCCIA 37 des déficiences visuelles ... Naguère, un marin qui regagnait sa cale le soir, s'est noyé ... Reste l'hôtel et les marchands de sommeiL A condition de ne trop rien dire: cet été, des Marocains qui avaient le front de réclamer des reçus de loyer ont retrouvé leurs affaires en tas dans le hall de l'hôtel et ont été priés par la police d'aller dormir ailleurs. Où? Sur les barques? Bruno TRAJAN Maisons recommandées eIDEAL CUIR 41 avenue Mathurin Moreau, 75019 Paris - Ets LA PASTILLA 1 bis rue Ferdinand Duval, 75004 Paris eASCOT 23 rue Etienne Marcel, 75001' Paris -MAX KAHN Confection pour dames 16 rue du Fbg St-Denis, 75010 Paris e Ets DENIS G. 66 rue René Boulanger, 75010 Paris e Sté des Ets PIERRE MÉLÉ 53 passage du Caire, 75002 Paris e ÉUBÉ 65 N.D. de Nazareth, 75002 Paris - Ets NITUCA 125 fbg St-Honoré, 75008 Paris eAU BOIS BLANC MODERNE 37 rue Claude Decaen, 75012 Paris eEts STAW 105 bd Magenta, 75010 Paris e Ets HENRY ROZEN 18 rue du Sentier, 75002 Paris Réflexion ~ LA TOLE Le 'président de la République est attendu en Inde. Peut-être s'apercevra-t-il que là-bas, coexistent et s'affrontent plusieurs conceptions philosophiques. L e Roi ami des Dieux au regard amical, honore toutes les sectes, les samanes (moines errants) et les laïcs, tant par des libéralités que par des honneurs variés ... Mais ni aux libéralités ni aux honneurs, l'ami des dieux n'attache autant de prix qu'au progrès dans l'essentiel de toutes les sectes. Ce progrès est de diverses sortes mais le fond, c'est la retenue du langage defaçon qu'on s'abstienne d'honorer sa propre secte ou de dénigrer les autres ... !llaut même rendre honneur aux autres sèctes à chaque occasion. En faisant ainsi, on grandit sa propre secte en même temps qu'on sert l'autre. En faisant autrement, on nuit à sa propre .secte en même temps qu'on dessert l'autre. C'était au troisième siècle avant JésusChrist. A travers son empire qui s'étendait des chaînes montagneuses de l'Hindou- Kouch et de l'Himalaya jusqu'au Deccan, Asoka avait fait graver ses édits sur des piliers surmontés de trois lions : l'emblême de sa dynastie, les Mautyas. L'empereur converti au bouddhisme, entendait ainsi faire respecter à ses sujets un des préceptes fondamentaux de cette religion: la tolérance. Cette tolérance, empruntée à la tradition hindoue est, en fait, bien plus qu'un idéal; c'est un mode de vie basé sur une conception de la société qui s'écarte radicalement de celles des démocraties occidentales. Si chez nous, la tolérance est le produit d'une révolution de la pensée, celle de l'Inde puise sa justification dans un système social proforidément inégalitaire: celui des castes ... Progressivement imposé à la société indigène par les Indo-européens entre les XVe et et Ixe siècles avant J .c., le système des castes, d'origine sacrée, divise la société en quatre grands varnas (couleurs en sanskrit). Au sommet de la hiérarchie, les brahmanes, prêtres, viennent ci ci ensuite les kshatriyas, rois et guerriers, les vaishyas, commerçants et artisans et enfin les shoudras, paysans. Concrètement subdivisée en jâtis (castes réelles), la société indienne est du type organique mis en évidence par Georges Dumézil, théoricien des trois fonctions dans les sociétés indo-européennes. Dans cette société hautement hiérarchisée, le pouvoir naît du statut conféré par un certain degré de dignité spirituelle. Un statut rituel et non social au sens où nous l'entendons. On naît dans une caste, on meurt dans cette caste. Gandhi Il n'est pas étonnant que certains d'entre nous soient indignés à l'idée que les castes vivent en ghetto. Or, personne ne les y enferme qu'eux-mêmes, au contraire des véritables ghettos. Dans un tel contexte culturel, où chacun reste à sa place, les différences ne sont pas perçues comme des menaces et de ce fait ne déclenchent pas d'agressivité. 38 DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 (:E NA PAS DE PA.YS Cette cônception de la tolérance, radicalement opposée à la nôtre, est née dans un type de société où religion, social et politique sont intimement liés. Si l'individu y trouve sa place en tant que division du tout social, l'individualisme qui sous-tend nos conceptions de la société, du pouvoir politique et de la tolérance même, en est tout à fait absent... L'individu, valeur fondamentale de la tolérance occidentale ... C'est à Saint Thomas d'Aquin que l'on doit d'avoir opposé le premier le concept de Societas : association pure et simple, à celui d'Universitas, corps social, tout dont les êtres humains ne sont que des parties, un type de société qui était de règle en Inde jusqu'à l'avènement de l'empire britanique. Au XIve siècle, le grand scolastique franciscain, Guillaume d'Occam, affine le concept de Societas en préconisant un droit s'attachant, non à un ordre naturel et social, mais à l'être humain particulier. L'individu, au sens moderne du terme était né. Avec ce penseur, la notion de communauté cède la place à celle d'association libre et volontaire d'individus en une société. Inspiré par la parole égalitaire de l'Ancien et du Nouveau Testament, Luther prônera la dignité semblable de tout homme et sa liberté de choisir un ministre pour le représenter devant Dieu. Ardent défenseur de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, il connut un illustre prédécesseur en la personnalité du théologien Marsile de Padoue (qui fait découler les persécutions religieuses du cumul des pouvoirs spirituels et temporel). La rivalité entre les papes et le Saint empire romain germanique qui fait rage aux XIve et xve siècle reflète bien l'évolution de la pensée au cours de cette période. Il faut attendre le XVI le siècle pour que l'idée de contrat entre gouvernements et gouvernés passe dans le domaine politique. Le contrat social, fondateur de l'état moderne commence à s'imposer. Charles 1er, roi d'Angleterre, y laissera sa tête au profit des têtes rondes d'Olivier Cromwell. La représentation parlementaire devient une urgence. La société prend un autre sens que celui d'héritage culturel, elle devient une collection de partenaires égaux en droits. Les classes ~ourgeoises révoltées contre le des pot~ sme royal ont s~ trouver, avec l'égalitansme de la première lettre chrétienne un moyen d'accéder au pouvoir politiq~e. Développées en France par Jean-Jacques Rousseau, les notions d'égalité naturelles et de contrat social n'en présentent pas moins de nombreux traquenards. Comment déduire un droit social d'un droit naturel? Pourquoi la bonté naturelle de l'homme se trouve-telle immanquablement corrompue par la société? Jean-Jacques Rousseau Rendue responsable de tous les maux la société civil.e .ne peut trouver de salut que dans. le politique: « tous ces vices n'apparllennent pas tant à l'homme qu'à l'homme mal gouverné» déclare Rousseau dans la préface au Narcisse en 1752 Certains auteurs, dont Louis Dumont' voi~?t, ~ans l'év?lution du concept d~ societe a cette epoque, les germes du danger totalitaire. En effet, si l'individu y gagne en intériorité, il y perd en réalité oubliant que de tout groupe humain s~ dégagent des élites. La déclaration des droits de l'homme de 1789, elle, ne s'y trompe pas qui stipule que « les hommes naissent libres et égaux en droit, les distinctions sociales ne pouvant être fondées que sur l'utilité commune» (article 1). « Le but de toute association politique, poursuit-elle, est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ». De ce texte, qui doit beaucoup aux Bills ofrightsde la révolution .am~ricaine et qui inspirera les CO~Stltu~lOns de tant de pays, découlent I~ hberte de conscience, l'égalité des natiOns et celle des individus. Malheureusement, cette égalité en droits, source de notre forme culturelle de tolérance a connu les corruptions que l'on sait. Ùn égalitarisme totalitaire sévit, qui confond I\~gal et l'identique, et ce faisant produit de l'intolérance vis à vis de l'au. t~e ~écu alors comme non égal puisque ~Ifferent: ~es rapports entre l'émancipatiOn des JUifs et l'antisémitisme moderne en sont un exemple frappant. C'est à la fois la grandeur et les servitudes de l'égalitarisme que le pouvoir colonial britannique a léguées à l'Inde indépendante. Les castes entrent en concurrence A côté du pilier d'Asoka, symbole de sa tolérance antique, l'Inde s'est dotée, en 1949, d'une Constitution contenant les notions de libertés individuelle et de liberté ?e, con~cience héritées de la prés~ nce Ideologique des Anglais. Des notiOns que le Mahatma Gandhi a remarquablement su intégrer à la tradition indienne tout au long de la lutte de son peuple pour l'indépendance. Les mouvements de protestations qu'il a animés étaient basés sur l'action non violente et la désobéissance civile ou Sat vagraha (en sanskrit: attachement" à l'al!thentique) .en même temps que ses pnses de posItion en fa veur de l'émancipation des intouchables, empruntaient à l'humanisme égalitaire occidental. Depuis l'indépendance, les indiens sont libres et égaux en droit. La notion de caste est supprimée ... De fait, la traditon a su résister aux gre/les idéologiques et, si certaines des luttes sociales en Inde peuvent être qualifiées de lutte des classes, les luttes de castes sont autant, sinon plus sensibles, dans la vie politique. La solidarité de c~stes é.tant très vivace, celles-ci se disputerent aprement les bénéfices du développement économique de l'Inde moderne. Les castes sont entrées en concurrence ... 39 Nous sommes désormais très loin du modèle traditionnel de société organique marquée par l'interdépendance économique des castes. Les intouchables exclus du système social et par suite d~ droit de propriété foncière, réclament le dro!t d'être traités en citoyens égaux. MaiS les programmes de distribution de terres aux intouchables se sont parfois soldés par des violences, voire des meurtres, les paysans de haute caste n'acceptant pas l'accès des intouchables au statut de propriétaire terrien. Leurs villages sont fréquemment incendiés. Ces voies de fait contre ceux qui réclament l'égalité sont l'illustration flagrante du dérapage possible de l'égalitarisme; si les intouchables ont le droit de posséder de la terre, ils peuvent prétendre rejoindre la caste des hindous, qui ne peuvent l'accepter. L'égalité, devenue intolérable provoque l'intolérance. ' Périodiquement, certains états du nord de l'Inde sont le théâtre d'émeutes orga- . nisées par des hindous de caste protestant contre des mesures favorisant la promotion sociale des intouchables ou de certaines basses castes. En 1980, la ville de Bombay connut de graves incidents. Il avait été question de donner le nom d'Ambedkar, père de la constitution indienne et né intouchable à un collège universitaire ... Touché par la grâce de l'égalitarisme, l'Inde en connait aussi le principal tourment: comment faire entrer l'égalité dans la différence dans les f ' ? alts . Renée DAVID (1) « Les inscriptions d'Asoka " traduites et commentées par Jules Bloch dans la collection Emile Semart de la Société d'édition « Les belles lettres" 1950. (2) « Mythe et épopée - l'idéologie des trois fonctions dans les épopées des peuples indo-europ? ens" par Georges Dumézil. Bibliothèque des sciences humaines. Gallimard 1968. (3) «. La genèse de l'individualisme occidental" par LOUIS Dumont dans la revue « Esprit" février 1978. (4) « L'Inde en mutation" dossier réalisé sous hl direction d'Isabelle Milbert dans la revue « Economie et Humanisme" n" 266 Juillet/ Août 1982. A lire « La civilisation indienne et nous" par Louis Dumont - Armand Colin 1975. « L'historien et l'égalité" par Emmanuel Le Roy Ladurie dans l'ouvrage collectif « Le racisme: mythe et sciences" Editions complexe 1981. « Homo Hierarchicus-le système des castes et ses implications» par Louis Dumont, collection « Tel" Gallimard-réédition 1979. croissance des Jeunes na lIons numéro spécial IMMIGRES • Un an et demi a.". l'arrivée de la gauche au pouvoir en France, le point sur ce qui a changé - ou non - pour les Immigrés. • "Lmes esIm dme ilgar écsr,i sep?re m...... vic• Où en est la régularisation des sans-paplers ? • Grande-Bretagne: vers une société multl-raclale. • Benelux: au secours de la démographie. • ~: les principaux bénéficiaires des mesures pour l'emploi. • Suisse: ~ Immigrés très h ... rarchl .... • R.FA.: la situation des Immigrés turcs. Le nO: 12 F ABONNEMENT 1 AN : 130 F (avec 2 numéros spéciaux) croissance des Jeunes nallons 1 BULLETIN A RETOURNER A C.J.N.-DEV, 163, bd Malesherbes 75859 Paris cedex 17 Réglement Joint à l'ordre de C.J.N. nom .... ......................................... .......... . adresse ................................................. . • désire recevoir le n° 244 (IMMIGRES) 12 F 0 • profite de l'offre spéciale d'abonnement 12 n° 130 F. 0 -.. . ,"" Une revue mensuelle pour participer au développement de la lecture, de l'édition et de la littérature. Une revue qui concerne les parents, les enseignants, les élus, les bibliothécaires, les animateurs. Pour connaître et choisir les livres pour les jeunes. BULLETIN D'ABONNEMENT ET DE COMMANDE Nom ........ . .. . ........... . ........... . .. . .... . ..... . .... . Adresse .... . . .. ..... . .............. . . ... .. . . . .. . .......... . Code postal .. . . . ..... Ville . .. ......... . . .. . . .... . ..... . .... . Commande : . Un spécimen'gratuit 0 Un abonnement d'un an à la revue Trousse-Livres 0 mensuel - France 95 F - Ëtranger 105 F . Que je règle par chèque postal ou bancaire joint, au nom de la Ligue française de l'enseignement, 3, rue Récamier, 75341 Paris Cedex 07 - CCP 4143-80 U Pari~, en précisant Trousse-Livres sur l'enveloppe et le talon. \ Inde arlhaniut;an L. YEHELmAnS \ 56 rue des Petites Ecuries - 75010 Paris ~ , , '~Tél:. 77 0.92.44/246.8.0.19 . ' Télex: VEXMANS 290 6s:/ - - ------_. -~ 40 Lu Vu Entendu - ~ ~ - '-' LIVRES • Le manteau de rêve de Chester Himes. Editions « Lieu commun ». Quinze magnifiques nouvelles, anciennes mais inédites en France, du grand écrivain noir américain. La détresse des exclus du rêve américain. La solitude, les prisons, les ghettos, la misère des Noirs, mais aussi des Blancs auxquels on n'offre que le racisme comme alternative. R.P. • L'alliance, de James Michener, Ed . du Seuil. L'histoire de l'Afrique du Sud, racontée à partir de trois familles au long des générations depuis la première arrivée des Boers. Comment les Boers se considèrent comme les élus de Dieu au milieu des Noirs. Même le nouveau testament est utilisé pour confirmer le bien-fondé de l'apartheid. R.P. • Mémoires palestiniennes, de Anwar Abu Eishe. Editions Mémoires pour demain. Identité trahie, bafouée, noyée dans le sang par le colonialisme anglais puis sioniste à l'heure du partage. La nuit des rois. Identité délabrée, déchirée dans les camps, sous la torture et le · bombardements. Identité confisquée comme la terre dans laquelle elle s'enracinait du fond des âges. Des paysans, des intellectuels, des fedayin hommes et femmes témoignent de leur quotidien éparpillé par l'exil, la guerre, la résistance. Le rideau tombe avant Sabra et Chatila, mais c'était écrit dans le ciel depuis les massacres de Deir Yassin en 1948 par l'Irgun de Menahem Begin. D.C. • Race et couleur en pays d'Islam, de Bernard Lewis . Ed itions Payot. « Un Arabe, cherchant à éviter la guerre civile entre musulmans. jure qu'il préférerait être un es-' clav éthiopien mutilé gardant des chèvres pleines au sommet d'une colline jusqu'à ce que la mort s'ensuive, plutôt que de voir une seule flèche tirée entre les deux parties. » Le ton est donné, Bernard Lewis fouille dans la mémoire du peuple élu d'Allah et y découvre une pratique quotidienne de la discrimination raciale à l'égard des gens de couleur. Une identification inconsciente de ce qui est bien avec ce qui est clair, de ce qui est mal avec ce qui est foncé .. . L'Occident n'a pas le monopole du racisme, une véritable pierre dans la mare de ceux qui auraient l'arrogance de continuer à le penser. D.C. THEATRE • La nuit des rois de Shakespeare. Théâtre du Soleil. Et la fête continue à la Cartoucherie de Vincennes. La troupe du Théâtre du Soleil nous invite à poursuivre avec elle l'exploration d'une galaxie nommée Shakespeare. Après Richard II, nimbé de feux japonais, voici venir la Nuit des rois, baignant dans la lumière féérique de l'Inde des Mille et Une Nuits. Grâce à Ariane Mnouchkine, nous découvrons un univers méconnu, comme une face cachée de cette comédie. le spectateur est entraîné dans le royaume imaginaire d'Illyrie qui n'est autre que celui de la passion amoureuse. Le hasard s'y joue des personnages avec une cruauté enfantine, soufflant sur eux, tour à tour le chaud et le froid . Les comédiens évoluent sur l'immense plateau, doré, rayé de noir comme sur le ventre d'une immense abeille, bordé de voiles mordorés d'un horizon soyeux et changeant. Et chaque fois que l'un d'eux va s'adresser à l'un de ses partenaires, il se tourne vers le public. Malgré lui le spectateur devient l'un des protagonistes de l'action. Il n'est plus un passif voyeur mais un actif participant, qui ressent au plus profond de son être les sentiments des personnages. Une fois encore, il faut insister sur le travail des comédiens qui accom plissent le prodige de meubler tout l'espace, de l'envahir par leur seule présence. Pas un mot, pas 41 DIFFÉRENCES Nil 17 - NOVEMBRE 82 une syllabe n'échappe au spectacteur. Et la musique, soit enveloppante, soit discrète et insinuante, vient donner au spectacle, la dimension d'un opéra. Certains esprits chagrins diront peut-être que la vision à travers le prisme de l'Orient n'est qu'un procédé, un filon. Laissons-les dire. Ce prisme là nous apporte un éclairage venu de l'intérieur; nous permet de découvrir une dimension universelle de l'art shakespearien si nous en doutions. A.R. • Comme une souris sur la plage d'Hammma Meliani . Aspic Théâtre. Un langage parlé en vrac par le travailleur immigré, qui s'ordonne autour des thèmes de l'exil, du racisme, de la révolte et de l'amour. Ce langage fait du rire et des larmes, des choses de la vie, est l'aboutissement d'une démarche commune à l'Ad fi et à l'Aspic Théâtre. Mise en scène d'Hamma Meliani, interprétée par Mohand Fellag, de textes anonymes extraits d'Une vie d'Algérien est-ce que ça fait un texte que les gens vont lire? aux éditions du Seuil. Autant dire que c'est une' invitation ... Rens. 350.03.90 et 294.06.90. D.C. • Tchoufa d'Attica Guedj. Lucernaire Forum. Dans une rue de Paris, aujourd'hui. Deux femmes se croisent, se regardent, se reconnaissent. Ce sont Josepha et Lilou. Elles vont passer la soirée ensemble et faire revivre leur enfance, leur adolescence, leurs souvenirs. Elles sont nées en Algérie, l'une est juive, l'autre pas. Elles peignent une aquarelle à deux personnages où les ombres sont porteuses de tout un univers nostalgique. Un moment privilégié. A.R. • La noce de Luce Berthomme. Lucernaire Forum. Un mariage dit mixte: lui est maghrébin, elle européenne. Dès la noce naît l'intolérance. La solitude vient murer tout le monde, rendant impossible la connaissance des autres. Et quand tombe la barricade de l'orgueil l'homme se retrouve devant l'homme, son frère. A.R. • La route de la soie du Gansu Théâtre populaire de Pékin. La soirée s'annonçait câline comme la Chine, 'sur la Route de la Soie ... De la magie, de la danse, des couleurs, des caravanes, des déserts, des jardins suspendus, des bons et des méchants. Mais les aventures du peintre Zhang et de sa fille Yingniang ne purent guère s'élever au-dessus de la muraille. Une histoire d'amour très fade, sur une route un peu longue, relégua . à l'arrière-scène la rencontre des peuples, des cultures, des croyances, bref tout le sel de cette fantastique épopée. D.C. CINEMA • L'honneur d'un capitaine de Pierre Schoendorfer. Le cinéma français nous avait habitué aux pantalonnades militaro- colonialistes du style Les centurions ou Le complot. Un nouveau pas extrêmement dangereux vient d'être franchi par le film de Pierre Schoendorfer: L'honneur d'un capitaine. Cest un film mystificateur, habilement fait,et tentant de réhabiliter l'oeuvre pacificatrice de l'armée française en Algérie. Tout au long du film est loué. le caractère profondément humain de ceux qui étaient bien obligés de courir les djebels, qui devaient parfois me" ner des interrogatoires poussés pour sauver des vies innocentes ... Schoendorfer nous présente ceux qui dénoncent la torture comme des snobinards de salons, comme des intellectuels qui font des fixations sur un moment passé de l'histoire de France. L'existence d'un tel film prouve à quel point la violence exercée sur le peuple algérien par l'armée française est aujourd'hui encore occultée. Le tollé des organisations de droite ou des groupes militaristes à la découverte du charnier de Kenchéla nous remet en mémoire la négation permanente des crimes contre l'humanité, aujourd'hui amnistiés, commis en Algérie de 1954 à 1962. Qui donc a tué le million et demi d'Algériens disparus entre 1954 et 1962? J.-P. G. DISQUES • Combat rock de Clash. CBS. Un rock engagé, qui dénonce la désinformation que nous subissons, en particulier sur les problèmes de la course aux armements. Un disque qui dérange, s'attaque aux institutions religieuses et à la justice. Pour une fois , la violence est mise au service de textes à l'écoute de notre monde et de ses problèmes. C.A. notes réalisées par Carmela ALOIA, Daniel CHAPUT, Jean-Michel OLLE, Robert PAC, Alain RAUCHVARGER Jean-Pierre GARCIA. Le stock de kavah abandonné par les Turcs en 1683 a été bu par les Autrichiens. L 'habitude a été prise, elle est devenue un art de vivre. DES CHEVRES DECHEHODET A UX CAFÉS DE VIENNE D ans les solitudes des Monts du Djebel Sa bar, sur le littoral de la Mer Rouge, les chèvres du couvent de Chéhodet, domaine d'Allah, comme tous les biens de la terre, étaient accoutumées à de lointaines escapades vers des hauteurs désertiques. Or, selon la légende que transmet Antonion Fausto Noirone, un savant maronite, qui écrivit en 1671 un ouvrage sur le café, au retour de l'une de ces fugues, les chèvres s'en revinrent comme ivres, démentes, ensorcelées

certaines ajoutent même qu'elles jouaient des claquettes

et galopaient nuit et jour, sans jamais s'arrêter. Les bergers durent se rendre à l'évidence: les chèvres ne voulaient plus dormir, elles étaient devenues insomniaques. Pour résoudre ce mystère, on fit appel à l'iman du haut de la montagne qui, avec son disciple Daoud, conseillèrent de suivre les chèvres dans leurs fugues nocturnes : si elles avaient brouté une plante maléfique, il fallait la découvrir. Après trois heures d'escalade, ils trouvèrent des arbrisseaux, de deux à quatre mètres de haut, que personne n'avait jamais remarqués. En partie arrachés, voire ravagés par les chèvres, c'était là sans doute la nourriture ou le poison funeste qu'elles avaient absorbé. Curieux de nature, l'iman décida de goûter la plante. Il jeta les feuilles et les fleurs pour ne garder que les noyaux. Après les avoir fait sécher, il les lança dans l'eau bouillante et obtint un liquide noir, amer. Il but de ce breuvage et le partagea avec les moines du couvent de Chéhodet. L'ivresse, et aussi l'exaltation, lajoie, les gagnèrent progressivement: ils planaient, hors du monde. Pleins de gratitude, ils donnèrent au noir breuvage le nom de Kavah. terme qui signifie plante qui ravit, qui donne de l'envolée. Ainsi faisant, ils songeaient au roi persan Kavus Kaï qui, selon les textes de l'A vesta, s'était élevé dans les cieux sur un char ailé. Le butin du héros Une autre légende néo-persane explique que le Prophète étant malade, Allah lui envoya un messager ailé, Gabriel, pour le guérir par un élixir magique appelé kuekwa, l'excitant. L'une et l'autre donnent à penser que le café, sans doute originaire de Somalie et d'Ethiopie, fut d'abord la boisson de choix des civilisations arabes et persanes. Aux environs du lXc siècle, les habitants d'Afrique du Nord et d'Arabie du Sud avaient coutume d'en boire. En outre, à la même époque, ce breuvage était utilisé lors de cérémonies religieuses, de la même façon que le vin dans les rites juifs ou chrétiens. 42 Et le café se répandit dans tout le monde islamique, au rythme lent des caravanes par lesquelles il était acheminé. Progressivement goûté en Egypte, en Libye, en Mésopotamie, il devint en Turquie la boisson nationale. Cette plante, ce philtre magique, accompagnait toujours les soldats turcs dans leurs campagnes guerrières, pour maintenir, dit-on, leur ardeur au combat. Comme d'habitude, le vizir Kara Mustapha avait, pour assiéger la ville de Vienne, fait transporter sa drogue préférée, et en quantité respectable puisque quelque cinq cents sacs de kavah avaient été prévus. Précaution inutile, cette fois, car en 1683, les grands conquérants du monde, même exaltés par le café, furent repoussés des portes de Vienne. L'hi~toire r~conte que. l'empire austro-hongrois dut en partie sa vIctOire a un certam Kolschitzky, d'origine polonaise, et parlant la langue des envahisseurs. Grâce à une ruse de guerre, il sortit de Vienne et, déguisé en Turc, traversa les camps ennemis pour avertir les alliés germano-polonais. Grâce au soutien q.ue ces derniers apportèrent aux assiégés, les Turcs furent va loCUS. Dans leur retraite, ils laissèrent les sacs de précieuses fèves encore inconnues des Autrichiens: le ca~é. !~ste récompense, ce butin fut attribué à Kolschitzky qUI dec.ld.a de le ~art~ger avec ses compatriotes de la façon la plus ongmale qUI SOIt: il ouvrit à Vienne la première maison de café. Le c~fé Kolsc.hitzky, situé au centre de Vienne près de la cathedrale Samt-Stéphane, avait à l'origine six tables de marbre, quatre bancs, six chaises, un grand miroir, et au mur, un portrait de l'empereur. A l'époque, deux tasses de café à la crème coûtaient quatre kreuzers. L'ouverture de ce premier établissement fut un succès, et l'initiative de Kolschitsky rapidement imitée. En 1700, il y avait quatre maisons de café à Vienne. En 1747, il yen avait onze, en 1873, deux cents, et en 1938 environ douze cent quatre-vingts. La valse des cafés Les ~afés dev!nrent I~ lieu .de prédilection des Viennois. Ils y venal~~t ~lus,I~,urs fOIs ~ar JOUr. N,n seulement pour déguster ce qUI etaIt deJa leur bOisson favonte, mais aussi pour connaître les nouvelles du jour, depuis qu'un certain cafetier nommé Cram~r eut l'idée de mettre des journaux à la disposition de ses clIents. Journaux en langue allemande, mais aussi en langues étrangères, qui transformaient les cafés en salons de lecture. DIFFÉRENCES N" 17 - NOVEMBRE 82 Centres littéraires, philosophiques, voire musicaux les cafés réun.issaient quotidiennement l'élite de la société vie~noise, et au~sl toutes les couches sociales de la capitale. Chaque corporatIOn avaIt son propre café, des marchands de tissus aux ~endeurs de c~ev~ux, en passant par les dentistes. Quant aux eC~lvams. poltcltlenS, ~ournalist~s et musiciens, ils y passaIent, dIt-on, une partIe de leur Journée. Brahms avait coutume de jouer au café Impérial ou au café Heinrichlof' Sigmund Freud se plaisait aussi à observer ses compariote~ dans les cafés. En 1982, les cafés de Vienne n'ont rien perdu de leur charme un peu désuet, de leur animation chaleureuse ou au contraire de leur calme quasi-religieux. Il yen a des centaines di.;persés dans tou~ les qua:tie~~ de la ville, c.hacun ayant son style, son atmosphere ~artlcuhere, ses h~bltu~s. Modeste ou somptueux, le cafe reste pour les VIennoIs un lieu privilégié de rencontres, de lecture ... et de dégustation. Les experts affirment en effet qu'il existe quelques vingt-huit modes différents de préparation du café: du traditionnel café viennois à la c~ème, jusqu'au café turc, servi sans rancune, sur un plateau d argent. Les établissements les plus traditionnels ont conservé leur -décor baroque, architecture de la ville oblige, avec tables rondes en marbre, glaces rococos, candélabres, peintures luxuriantes. Café-palais, café-salon, café-maison, café-concert et même café-ga,lerie où sont exposées les toiles d'un peintre'de talent, les c~f~s demeu.rent ~n point de repère important dans le quotIdIen des VIennOIS. Il est significatif d'un art précieux ' l'art de vivre. ' Monique CIPRUT le Livret de caissed'~ de la POste 43 un placement sûr, rentable et disponible à tout moment PT' le contact LE Ces temps-ci, on parle beaucoup des enfants. Après les assises nationales organisées par le Parti Communiste Français, c'est au tour du Parti Socialiste de convoquer un colloque sur r éducation. N os chères têtes blondes - ou brunes sont-elles racistes? A cette question, que de réponses prudentes nous avons reçues : tout est dans la nuance. Il semblerait qu'on accepte mal de penser le racisme des enfants. C'est du moins ce qu'il ressort des interventions. Alain Sa vary Ministre de l'Education Nationale « L'enfant différent sera celui qui manque de ceci ou de cela et, parce que défavorisé matériellement ou socialement, sera considéré définitivement comme un dominé puis un exclu ». Une observation attentive inclinerait à une réponse plutôt nuancée: les enfants reconnaissent le fait qu'il y a différence qui les intrigue et les rend, en même temps, curieux et méfiants. Mais cette reconnaissance de la différence n'entraîne pas spontanément un rejet. L'attitude de rejet est évidemment acquise par l'enfant, en fonction de l'environnement, des pressions de son entourage et de l'idéologie qui y règne. L'enfant, on le sait, est conformiste : il a tendance à rétablir les conflits et les tensions du milieu où il vit, et son comportement reflète le sentiment dominant de ce milieu . Ce qu'éprouvent, semble-t-illes enfants, dès l'école materneHe (c'est là que se font souvent les premières rencontres), c'est le seul sentiment de la différence, moins physique d'ailleurs peut-être que culturelle: ils perçoivent vite les habitudes, modes de vie et façons de penser de ceux qui ne sont pas comme eux. La différence est réelle pour eux et inégale aussi, elle comporte des degrés: certains autres sont perçus comme moins différents parce que de culture plus proche et plus semblable; et d'autres comme très différents parce que leurs façons de faire et de comprendre sont plus éloignées. Dans la classe, dès l'école maternelle, les maîtres doivent prendre en compte la différence: ':le pas l'accuser, la grossir, certes, mais ne pas la gommer, ne pas la nier non plus. La fausse égalité, l'égalité d'apparence n'est certainement pas une solution. Sans doute les différences de condition vont-elles s'accuser progressivement, et la différence de culture s'alourdir d'une différence sociale. L'enfant différent sera celui qui manque de ceci ou de cela et, parce que défavorisé matériellement ou socialement. sera considéré définitivement comme un dominé puis un exclu. Ce qui importe, c'est de pratiquer toujours le rapprochement des cultures, ces cultures qui sont les réponses différentes que les groupes humains ont apporté aux provocations qu'ils ont eu à subir de la part de conditions et de milieux différents. Il est possible de voir ce. qu'elles ont de commun entre elles et de montrer que, derrière des traditions, des habitudes et des mentalités différentes, l'homme est semblable. La différence n'entraînera pas le rejet, le rejet ne sera pas justifié par la différence. On peut engager ainsi - il le faut - un processus qui engendrera une véritable mutation et pas seulement la reproduction des représentations qui sont imposées à l'enfant par son milieu. Tony LAINÉ Psychiatre d'enfants « Il nous faut retrouver notre regard d'enfant en nous pour vivre plus librement la rencontre des êtres de l'ailleurs et du reflet ». L es COll1portell~ents et les commelllaires racistes que Ion ohserve parfoIs dans un groupe d'enlants ne correspondent iamais à unfait de nature. Le bébé de huit ou neuf mois découvre la 44 peur de l'étranger. Mais en l'occurrence, il ne s'agit que de celui qui diffère des parents et des familles. C'est d'ailleurs ainsi qu'il apprend à discerner ceux dont il dépend et les autres, et qu'il acquiert l'aptitude à établir ses rapports avec eux. Dès celte époque, tout dépend des codes culturels, de l'attitude et des messages que l'environnement propose à l'enfant. Toutes les paroles, les réactions négligentes, les plaisanteries racistes et péjoratives pénètrent l'enfant, organisent ses dispositions à l'égard des autres et orientent ses rejets. JI est remarquable de constater combien certaines identités, certains espaces humains sont modelés par l'idéologie dominante pour servir d'impact privilégié à la proiection, ce mécanisme aveugle et caractéristique de toute exclusion et de tout ostracisme - ces espaces sont aussi hien ceux de la couleur de la peau, que ceux du handicap, de lafotie, de toutes les ditlhences. En dehors dès indications directes ou subtiles qui passent par les représentations et les paroles des adultes, le racisme n'existe pas chez les enfants. Au contraire, rien n'est aussi efficace qu'un regard d'enlant pour efFacer les différences, et pour reconnaître un semblable humain dans l'autre. Nous savons d'expérience qu'il nous faut retrouver notre regard d'enfant en nous pour vivre plus librement la rencontre des êtres de l'ailleurs et du reflet. A croire qu'on ne devrait jamais cesser de s'interroger sur ce que nous haïssons de notre enfance quand nous cédons aux idéologies de la haine et de l'exclusion. Colette JACOB Responsable à la Fédération des conseils de parents d'élèves, « Les conditions matérielles qui créent le racisme ne sont pas perçues comme telles ». Quand on habite Place des Fêtes, dans le 1ge , quand on a un engagement politique, qu'on milite activement à la FePE, on s'interroge sur le racisme quotidien des enfants et des adolescents à partir de faits quotidiens. Place des Fêtes, aujourd'hui, coexistent une forte minorité antillaise et une communauté de Juifs pratiquants. Il ya dans les tours de ce quartier des coutumes inhabituelles, dérangeantes. Les Noirs restent entre eux, Ils font de la musique, ils sont souvent au chômage ou pour les plus jeunes en situation de difficulté scolaire (problèmes sociaux, économiques, culturels ... ). Les Juifs restent entre eux, avec des coutumes strictes: école non mixte, enseignement et éducation rigides. De plus, les événements récents ont suscité beaucoup de nervosité, voire d'agressivité. Et les autres? Ils évoluent entre une certaine méfiance et une certaine curiosité, souvent entretenues par leurs familles. Les manifestations de racisme sont toutes issues de faits concrets: l'impossibilité de dormir quand le bruit d'une fête se prolonge jusqu'à 4 heures du matin, l'interdiction de la cour des immeubles aux enfants y habitant pour la réserver aux élèves de l'école privée, ou encore le manque de locaux dans le quartier qui permettent à chaque communauté de se réunir. La tâche n'est pas simple pour un militant; les conditions matérielles qui créent le racisme ne sont pas perçues comme telles. Sans explication, sans situer les responsabilités, on en reste au réflexe premier: ils ne sont pas comme nous, ils comparables de développement physique, intellectuel et affectif. Les attitudes des adultes, leur comportement, leurs opinions et leur place dans la . société leur sont extérieurs. Leur univers menral est le même et il leur eSt naturel, dès lors, de se reconnaître, de se retrouver et d'abord dans le jeu, qui est leur activité spontanée. 1/ est non moins exact qu'une autre altitude est possible, bien que plus rare. C'est le reiet de l'autre, de celui qui est diflhent tout au moins par son aspect extérieur: couleur de la peau, langage, vêtements ... JI convient alors d'aider les enfants à surmonter et à dépasser ce . réflexe : c'est le rôle premier de l'éducation. Elle doit les conduire sans traumatisme à EN CULOTTES COURTES nous gênent dans notre vie quotidienne. C'est là qu'il faut poser les problèmes; tous les jours, dans la vie telle que nos enfants la vivent, dans l'école certes, mais aussi au marché, dans la rue ... Ce n'est pas facile, mais cela a un mérite important: l'attitude anti-raciste ne se construit pas par les mots, ni même dans les têtes; pour être solide et convaincante, elle doit se construire dans la réalité et dans les faits, tous les jours. -Colette Jacob André Ouliac Tony Lainé André 0 ULlA C Directeur exécutif du Comité français pour l'UNICEF. « Séparer les enfants, les cloisonner pour les instruire en fonction de la race, du milieu socia~ des croyances ou des opinions des adultes, c'est donner au racisme toutes les chances d'exister ». L 'enfant va vers l'enfant quel qu'il soit et, entre eux~ la communication pnil par devel1lrfaC/le car, au-delà de leur race et de leur milieu social, ils ont en commun l'âge et, sauf exception, des niveaux prendre conscience puis à admettre et li considérer comme naturelles les différences. Faut-il encore les vivre pour les comprendre et mesurer ce qu'elles apportent: enrichissement réciproque, affirmation des personnalités, dignité et respect de la personne humaine. D'où la nécessité, dès l'enfance, de se côtoyer très tôt, de vivre ensemble dans un système éducatif largement ouvert à tous, respectueux de tous, au-delà de ce qui peut diviser les adultes. André Dubray Alain Savary Séparer les enfants, les cloisonner pour les instruire en fonction de la race, du milieu social, des croyances ou des opinions des adultes, c'est donner au racisme toutes les chances d'exister. On ne saurait comprendre et encore moins aimer ceux que l'on ignore mais l'on est, par contre, sur le chemin qui conduit à les redouter avant de les haïr. L'ignorance ou la méconnaissance des autres fournit un terrain de choix à toutes ies propagandes engendrant le sectarisme et le racisme. Soit qu'il aille spontanément vers les autres ou qu'il les rejette faute d'avoir appris la tolérance et le respect d'autrui, dans tous les cas l'enfant est innocent et les adultes comp- . tables et responsables de son présent et de son devenir. L'un de nos grands professeurs d'Université aimait à affirmer et à redire: ( Tu penses comme moi, tu es mon frère. Tu ne penses pas comme moi, tu es deux fois 'mon frère ». 45 DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 André DRUBAY ancien secrétaire général de la FIPESO (1) « C'est d'abord dans la vie de l'école que doivent être développés le goût de l'autre, la découverte de ce qu'il porte en lui d'original, l'intérêt et l'estime pour ces différences en même temps que la perception de ce qui rapproche ». (1) fédération internationale des professeurs de r enseignement secondaire officiel. Racistes les jeunes? Non, si l'on en croit de nombreux témoignages. Et pourtant, même pour des élèves d'écoles secondaires, ne sous-estimons pas le danger de la contamination: les préjugés ambiants risquent tpujours de. faire surgir des réactions racistes, D'où l'utilité d'une action éducative contre le racisme dans les collèges et les lycées: pas seulement de façon épisodique à l'occasion de tel incident, mais d'une manière délibérée et continue. C'est d'abord dans la vie de l'école que doivent être développés le goût de l'autre, la découverte de ce qu'il porte en lui d'original, l'intérêt el l'estime pour ces différences en même temps que la perception de ce qui rapproche. A cet apprentissage de la convivialité, il convient de faire correspondre l'apport des disciplines: la biologie, naturellement, l'histoire et l'étude des oeuvres littéraires. De façon générale, toutes les disciplines peuvent révéler le caractère et la richesse d'autres cultures, d'autres manières de sentir et de penser: l'exploration du passé et du présent, du lointain et du proche peut y contribuer, surtout si la recherche dans les sources de documentation s'accompagne de contacts vivants, grâce à des voyages ou simplement à des visites ou à des échanges avec des personnes d'autres peuples, d'autres races, ce qui permet d'amplifier les contacts établis dans l'école même. Enfin l'école se doit de former le citoyen, d'entraîner le jeune à discuter des problèmes de la société et, parmi eux, de la question des relations entre les humains de différentes races. Mais pas de discussion sans que la réalité elle-même soit abordée. Un bon exemple est fourni par l'expérience d'élèves d'une école secondaire de Belgique qui avaient décidé d'enquêter sur le logement des familles de travailleurs immigrés. Indignés par les mauvaises conditions dans lesquelles vivaient ces familles, ils demandèrent aux autorités communales pourquoi on ne les faisait pas entrer dans des logements sociaux. Ils découvrirent alors que les immigrés étaient en concurrence avec des familles du cru, qui étaient également mal logées et qui étaient tentées d'utiliser des arguments racistes pour écarter ces étrangers. Ce sont des situations réelles que les élèves doivent apprendre à affronter afin que, dans la recherche d'une harmonieuse existence commune, ils sachent refouler les vieux démons du racisme. . propos recueillis par Dolorès ALOIA 1 foyer sur 6 esRdhérent à France Loisirs • un catalogue trimestriel gratuit • plus de 400 livres reliés, des disques, des jeux • des prix exceptionnels • des achats «à la carte» par correspondance ou dans nos 190 boutiques près de chez vous FRANCE LOISIRS - Service 1000 - B.P. 6 -75759 PARIS CEDEX 15 prêt è porter féminin 36. RUE DU CAIRE PARIS 2 '1'\- 508 09.42 TRANSFORMATEURS SELFS BOBINAGES DIVERS CONSTRUCTIONS RADIO-ÉLECTRIQUES MAXWELL 296, rue de Rosny - 93 MONTREUIL Tél. 287.75.26. Le f"étf~lf~tf ~ .. NAPPERON RAYON.,· FOR 142, rue du Temple - 75003 PA RIS


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Les mémoires d'un feu,

créé et interprété par Poumi Lescaut, au centre culturel de la RoseCroix, 199 bis, rue St-Martin, Paris 3e, tél. 271.99.17, du 9 au 18 novembre 1982 à 20 h 45 (relâche le lundi). • 11-14 novembre Colloque sur la culture orale et les musiques populaires, à Pontivy. On s'interrogera sur les possibilités de diffusion. Renseignements: Marie-Lou Pochic. (97) 36.42.71. • 12-22 novembre Festival international du film fantastique à Paris. Trois films par 47 soir au Rex pour ce festival, dont une partie sera consacrée à l'Amérique latine. Renseignements: 555.73.08. .17-30 novembre Projection tous les jours à 19 h à la bibliothèque de Beaubourg du film « Tendresse et colère» de J . Flütsch, qui raconte la vie quotidienne d'une famille de Tsiganes en Suisse. .21-30 novembre Dans le hall de la gare de Rouen, l'association pour l'accueil et la formation des travailleurs étrangers organise une exposition sur le thème « Travail et culture d'origine ». Renseignements au centre Jim Vaillant (35) 88.58.94. • 23 novembre Journée d'études organisée par le comité médico-social pour la santé des migrants, et consacrée à l'alimentation dans les milieux immigrés. Renseignements: 233.24.74. • 24 novembre Colloque sur le cinéma géorgien, organisé par l'association FranceURSS, en présence de nombreux réalisateurs, et précédé d'une semaine de projections. Renseignements: 501.59.00. 26 novembre Au Plessis Robinson, dans le cadre des expositions Pleins feux sur l'Amérique latine, le Cuarteto Cedron viendra chanter ses tangos de la révolte. Eglise Ste-Marie Marguerite. Renseignements : 631. 15.00. • Du 26 au 5 décembre Le comité local du MRAP reçoit à Tourcoing l'exposition itinérante intitulée « Peules d'ici et d'ailleurs », 80 photos pour l'amitié entre les peuples. Mairie de Tourcoing. • 25-26-27 novembre Exposition-vente d'oeuvres offertes par des artistes contemporains, dont Pignon et Vasarely, à la Commission centrale de l'enfance. 14, rue de Paradis, 75010 Paris. La parole , a ... .. ,:!.,.; Elle lutte pour mettre le sexisme hors la loi. Avocate, présidente du mouvement Que Choisir. député, elle interpelle les lecteurs de DifFérences. Gisèle HALIMI « Vivre avec ceux qui nous oppriment » Pourquoi fais-je la différence entre racisme et sexisme? Ce n'est pas évident. La meilleure preuve, c'est que je préside à l'Assemblée Nationale deux groupes, inter-partis, l'un contre le racisme, l'autre contre le sexisme et pour les libertés des femmes. Le racisme frappe l'ethnie, le groupe, le religion, ou la race. Au contraire, vous êtes victime du sexisme uniquement parce que vous êtes une femme ou un homme mais beaucoup moins, je dois dire, dans ce dernier cas. Pourtant, racisme et sexisme ont de très grands points communs. Tous deux sont une espèce de pathologie culturelle. Ce n'est pas vraiment raisonné, c'est l'inconscient. Ce n'est pas forcément économique même si l'économie y joue son rôle (on insulterait moins un nabab du pétrole mais on n'en penserait pas moins). C'est un conditionnement des mentalités, une maladies de la culture et de la société à certaines époques et je crains d'ailleurs que nous nous trouvions dans une d'elles. Autre similitude entre racisme et sexisme, l'homme refuse de reconnaître la différence qui fait qu'une femme est une femme comme le raciste refuse ceux qui n'ont pas la même peau que lui. Ce refus de la différence est une négation de l'identité. Chaq ue fois que vous affirmez votre identité, au nom de la différence, on la nie, on la brocarde, au pire, cela se traduit par des coups, des violences, des ratonnades ... C'est cela le racisme, c'est cela le sexisme. Et le tout est véhiculé par les médias, par la culture, par le silence. Pour moi, se taire face à un acte raciste ou à un acte sexiste est aussi grave que le commettre. Toutefois, les maux que sont le racisJTIe et le sexisme, ne peuvent s'exprimer qu'à la faveur d'un rapport de force. Pour le racisme, c'est évident, puisqu'il s'exerce le plus souvent à l'égard d'une minorité. Pour le sexisme, les femmes ne constituent pas une minorité. Nous serions même un peu plus nombreuses que les hommes. Mais le rapport de force n'est pas seulement numérique, voyez l' Af rique du Sud. Il peut être politique, économique, culturel. Qui dirige l'économie? La culture? La politique? Qui décide de la guerre et des lois ? ... En fait, les luttes antisexistes diffèrent dans la mesure où, dans les luttes anticolonialistes, l'objectif est de se débarasser du dictateur, du colonisateur. Dans les luttes féministes, la grosse difficulté est que l'homme est à la fois le support des privilèges qui nous opprimènt mais en même temps celui avec qui nous voulons vivre. 48 Propos recueillis par Dolores ALOIA. z z "cr'. L'antiracisme est de bon ton Quand je me suis abonné à Différences, je pensais au contenu que supposait ce titre. Cela semblait très prometteur. Quelle déception! Le racisme n'est seulement qu'un aspect du droit à la différence, et je me suis rendu compte que vos articles ne parlaient pratiquement que de problèmes de couleurs ou de races. Bien que tout à fait d'accord avec vous sur ce sujet, je me sens saturé de ce genre de lecture peu original, puisque la grande majorité de la presse traite de ce drame quotidien. Or, il y a quand même d'autres différences, tout aussi dramatiques dans leur rejet ou leur manifestation. Et vous n'en parlez jamais ou presque. Il est facile et de bon ton à notre époque d'être contre le racisme. C'est souvent une question d'intelligence et de coeur. Mais il est plus difficile d'accepter la différence de son propre voisin, de son collègue, de ses enfants et de ses parents, etc. Et croyez-moi, le sujet est riche mais il dérange peut-être plus que le racisme. C'est probablement pour cela que votre mensuel n'en parle pas. Pierre ORGIV AL Paris Après Vatican II L'extrait de lettre de J. Zabawny, intitulé Expier le déicide, paru dans le numéro d'octobre m'a fortement déplu. Catholique mariée à un juif, je suis étonnée qu'après le concile Vatican Il et les nouvelles positions prises par l'Eglise catholique à l'égard des juifs - rejet de l'accusation de déicide, encouragement au dialogue judéo- chrétien, mise en valeur des liens unissant l'Eglise et les juifs - monsieur Zabawny puisse encore écrire ce qui était malheureusement vrai autrefois, mais ne l'est plus. Madame P. LIPMANN Paris Les mots et la mort Les morts, les pauvres morts ont de grandes douleurs... Dans la guerre du Liban, ils furent tués deux fois, par la mitraille et par la parole. Quand Begin dit d'Arafat qu'il est Hitler, quand Arafat dit de la guerre qu'elle fut un génocide, quand les Palestiniens sont soit considérés comme le peuple terroriste soit comme le peuple martyr-héros, quand le Palestinien ou le juif est soit diablisé soit sanctifié, les faits, les événements, les choses se dissipent derrière le récit idéologique qui en est fait et en contrepoint derrière la lecture idologique qui peut en être faite. Comment essayer de comprendre le Liban et la violente hostilité des réactions juives contre les médias? Il s'agit donc d'analyser 1'« effet Liban» sur le terrain français et donc d'y inclure aussi l'attentat de la rue des Rosiers. Mais précisons d'abord une première chose, il ne s'agit pas de refaire ici la énième critique des commentaires sur des faits en négligeant les faits. Nous savons qu'il ne saurait y avoir de réponse militaire ou terroriste à un problème politique rendu inextricablement sanglant par trente années de refus guerrier et dont les derniers effets s'appellent Chatila et Sabra. Mais ne nous donnons pas bonne conscience à peu de frais, en trouvant un coupable providentiel nommé Begin-Sharon. L'extrémisme israélien s'est nourri de l'extrémisme palestinien et du refus arabe. Les droits du peuple palestinien ne sauraient se fonder sur la négation des droits de l'autre. la paix ne saurait passer par d'autres chemins que ceux de la reconnaissance explicitement explicite. Hélas, le courage et l'imagination politiques tuent. Sadate en fit la triste expérience. Revenons à la France et à son écho proche-oriental. Il se trouve que cet écho prend dans notre pays une importance étrange par sa démesure et les passions qu'il engendre. Que se passe-t-il? Pourquoi le thème juif, le conflit israélo-arabe constituent-ils cette espèce de noeud gordien des fantasmes politiques nationaux? Pourquoi est-on incapable de faire preuve de sang-froid sur ce sujet? François Furet rappelait: « Il y a entre la gauche et Israël 30 ans de malentendus ». Il écrit: « Tant qu'Israël n'a été que l'image du destin juif, c'est-à-dire du malheur juif, la gauche n'a pas eu de mal à l'aimer » mais dès qu'Israël a renversé cette image, dès qu'une raison d'Etat, justifiée ou non, a présenté une armée victorieuse, des comportements de type impérialistes ou colonialistes, une idéologie nationaliste, la gauche n'a pas supporté la normalisation d'Israël et a préféré d'autres figures symboliques plus proches de ses affinités. Le feddayin remplaçait le fellagha. Dans le même temps, la mutation sociologique du judaïsme français impliquait aussi une transformation politique. Sans véritable mémoire de gauche les juifs d'Afrique du Nord s'identifiaient à cet Israël vainqueur d'Arabes. On ne dira jamais assez à la gauche française et au gauchisme combien ils ont favorisé par leur sectarisme borné des années 70 la radicalisation des extré- DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE 82 mismes nationalistes par procuration. A quoi assiste-t-on aujourd'hui? Le mythe hystérique du palestinien victime exemplaire du support satanique de l'impérialisme sionisto-yankee est quelque peu malmené. Tai El Zaatar, Septembre Noir, Hama furent des massacres araboarabes. Le pion palestinien manipulé sur l'échiquier géopolitique et géostratégique n'a pas quant à lui réussi aujourd'hui à affirmer clairement son autonomie de destin. Aussi longtemps que cette dépendance durera les nationalismes antagoniques s'autoalimenteront. Que signifient ces meetings pro-palestiniens (journée des Nations-unies Ijl2 / 81) où se retrouvent côte à côte un Maxime Gremetz, supporter ' de Jaruzelski,un Georges Montaron et un Charles St-Prot, grand fasciste devant l'éternel? Qui sont ces combattants de la liberté selon Maître Verges qui sont aidés par le banquier nazi suisse Genoud ? Quelle est cette effroyable guignolade intitulée Intolérable intolérance (Editions de la Différence) favorable à Faurisson où se retrouvent pêle-mêle extrême gauche libertaire et extrême nouvelle droite? Quand plus récemment au début de la guerre du Liban, MM. Garaudy, Lelong et Mathiot déduisen t le caractère maléfiq ue de l'offensive israélienne de son inscription dans le sionisme, luimême produit d'un judaïsme naturellement vicié, nous n'avons pas affaire à un quelconque discours anti-impérialiste mais bien à une confusion élaborée de l'ensemble du registre antisémite glissant de l'antisémitisme religieux à l'antisémitisme économique puis à l'antisionisme et à l'anti-israélisme comme totalité synthétique. Comment comprendre? Israël est- ill'obscur objet du désir de l'inconscient occidental? En effet, d'habitude si sourcilleuse de la juste lutte sur des positions justes, une étrange gauche s'accouple à des amants contre nature. De ces sulfureux ébats naissent un certain nombre de monstres: soutien d'une certaine extrême-gauche à Faurisson, connexions nazies avec des palestinos-progressistes (Bruno Baguet, Le Monde 7.8 / 3/ 82). Subitement éclatent un certain nombre d'évidences: lEs dénominations idéologiques ne servent qu'à conforter l'image marketing d'un certain nombre d'états de fait. Dès lors des réajustements de discours s'imposent. Nos nostalgies idéologiques érodées présentent les termes d'un conflit chimérique, L'ordre du discours ne correspond plus à l'ordre des choses. Le conflit du Proche Orient est l'exemple le plus évident de ces distorsions sémantiques. C'est dans ce contexte d'agression idéologique et d'agression par attentats et en fonction parallèlement des délires propres à la communauté juive où l'on vit aussi, hélas le Proche Orient par procuration qu'intervient la fusillade de la rue des Rosiers, Elle fait suite à la multitude d'attentats anti-juifs ou anti-israéliens de ces deux dernières années en Europe. Elle intervient au moment où s'accentuent dans les médias les glissements sémantiques non pas ayant traits aux seuls faits de la guerre du Liban mais bien plus touchant à l'interprétation de ces faits. Il est question de massacre d'un peuple, de volonté génocidaire, de Beyrouth-ghetto de Varso\ ·ie. d'holocauste lihanais. [ ... ]. Tant que la locution « nation arabe », tant que les concepts de peuple, nation, Etat, Etat-nation, Etat laïc n'auront pas été définis et situés dans leur histoire et par rapport au contexte actuel, les analyses ne seront que des projections_ de fantasmes. En effet, il semble bien que l'inégalité des regards, que les silences sur les massacres de Hama, sur l'Afghanistan, sur le Cambodge, traduisent à travers ces indignations sélectives des éléments plus complexes, plus culturellement enfouis, et qu'il serait souhaitable de démonter ces pièges, d'analyser au delà des clichés et des manichéismes simplificateurs. La démocratie et la justice ne sauraient s'organiser en dehors de la raison critique. Jacques T ARNERO Paris Clermont FerrâO? Dans le numéro d'octobre, à la vue de la transformation de l'orthographe de Clermont-Ferrand, mon sang de fils de Vercingétorix n'a fait qu'un tour. Etait-ce une . réaction épidermique, un coup profond à mon plexus, ou un motif plus sérieux? A dire vrai, ma réflexion va plutôt dans le sens de mon acte premier. Je conteste donc ce titre pour trois raisons. La première, c'est qu'il atteint profondément ma culture d'Auvergnat. Le nom est une identité, le respecter, c'est respecter l'autre, le défigurer c'est atteindre la personne. En défigurant celui ce Clermont-Ferrand, j'ai moimême l'impression d'avoir perdu un peu de mon identité de Clermontois, de n'être plus moi-même. La deuxième, c'est que ce titre me semble être en contradiction avec celui de notre magazine Différences qui existe pour que soient respectées, valorisées, exprimées les cultures des différentes communautés qui vivent en France ou 49 peuplent le monde. Ecrire le nom de Clermont-Ferrand à la portugaise est-ce aller dans ce sens? N'est-ce pas plutôt pratiquer l'assimilation pure et simple contre laquelle lutte le MRAP pour permettre justement l'expression des différences dans ce qu'elles ont de spécifique? La troisième raison, c'est qu'en écrivant ainsi le nom de la capitale d'Auvergne, vous rendez un mauvais service à la lutte contre le racisme et par le fait même au MRAP. Pire que cela, vous alimentez, ou du moins entretenez, l'accusation mensongère inventée et colportée par les raçistes : « Les imrnigrés nous volent notre culture; à cause d'eux, elle fout le camp ». Par cet exemple patent, vous faites leur jeu. Je pense que vous comprendrez l'esprit de cette lettre. Je ne l'ai pas écrite pour donner raison au préjugé stupide qui circule sur l'entêtement des Auvergnats, mais pour défendre des idées qui en commun nous sont chères. Amicalement .. René MAZENOD, Clermontois Jusqu'où aller? J'apprécie votre souci d'ouverture, notamment dans la rubrique « En débat» qui, cette fois-ci, donne la parole à des gens vraiment différents. Mais, en tant que lecteur, deux difficultés m'apparaissent. D'abord le fait que chaque participant, sachant qu'on le jugera sur ce qu'il va dire, se montre d'une extrême prudence. Aussi, les prises de position sont moins nettes et distinctes qu'on pourrait l'attendre; il faut être très attentif et lire entre les lignes pour découvrir les nuances plus ou moins importantes qui séparent les uns des autres. Par ailleurs, jusqu'où aller? Lorsqu'à l'inverse, un Jean-Pierre Pierre-Bloch, même en essayant d'être modéré, se livre à de véritables provocations, est-il normal qu'un journal tel que le vôtre lui serVe de support? Par exemple,je trouve inadmissible qu'il puisse affirmer sans aucune preuve, et sans être démenti, que le bureau de l'OLP à Paris constitue une base pour les auteurs d'attentats antisémites. Ou encore qu'il jette la suspicion, sans autres précisions, sur certains réfugiés d'Amérique du Sud et du Moyen Orient qui, selon lui, abusent du droit d'asile. Que chacun s'exprime, oui. Mais, comprenez mes interrogations. Il est vrai qu'avec le droit d'asile, vous avez choisi un débat spécialement explosif. Joseph AKIBA Marseille Humeur §§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§DIFFÉRENCES N° 17 - NOVEMBRE.82 Pour son premier anniversaire, Différences s'offrait un sondage, comme les grands. Voici vos réponses. LECTEURS, QUI SOMMES-NOUS? Différences, nous le trouvons excellent tel qu'il est, vivant etfacile à lire. C'est un journal de qualité, d'un bonformat, qui traite de sujets variés. « Ça démarre très fort » ... mais nous ne sommes pas unanimes. Et même, il y a des contradictions entre nous. Nous lisons surtout le Monde, mais aussi l'Huma, Libé et Le Matin.' Très peu le Figaro, jamais Minute. Nous lisons volontiers Différences jusqu'à la dernière page, pendant une à trois heures, avant qu'un ou une autre ne nous l'arrache des mains. Nous sommes très radio, assez télé et pas spécialement sportifs: Nous sommes allés aux écoles. Différences est pour nous un instrument de travail, bien informé, peutêtre pas suffisamment engagé. Il nous semble légèrement intello, voire un peu tristounet. Les textes manquent d'air et sont trop longs ou trop courts, c'est selon. Côté jardin, on aurait tout à gagner àforcer sur laphoto, l'illustration et la couleur. Nous avons qûelques regrets: chaleur et humour ne sont pas ses caractéristiques principales, il arrive toujours un peu tard. 50 Nous y sommes en majorité abonnés, et nous habitons massivement la Province. Nous allons, pour la plupart, au cinéma une fois par mois. Voir quoi? Ça, on ne le dit pas. Est-ce que le champ des différences ne se réduit pas trop aux origines, aux cultures et à la couleur de la peau? Les questions du sexisme, de l'homosexualité, des handicaps personnels et sociaux sont-elles assez évoquées? Nous trouvons Différences un peu primaire, c'està- dire anti-communiste et pro-communiste, puis anti-américain et anti-soviétique, ou encore trop anti-sioniste et pas assez pro-palestinien. La tête nous tourne! Nous ne tenons aucun, mais alors aucun compte des indications du journal pour le choix des lectures et celui des spectacles; el/es sont pourtant d'une extrême qualité ... Nous avons entre 25 et 50 ans et plus encore entre 25 et 34 ans. Nous avons un ou deux enfants, mais la proportion de célibataires reste très élevée, peut-être qu'une rubrique courrier du coeur, petites annonces ... mais nous ce qu'on en dit ... Nous trouvons le journal un peu cher. Pourtant nous ne sommes pas smicards, même si certains d'entre nous ont du mal à les joindre. Nous nous réjouissons, chaque fois que s'exprime notre solidarité avec les travailleurs immigrés et les peuples opprimés. Nous voyons en la pub un mal plus que nécessaire, d'autant qu'elle est finalement assez discrète. Nous sommes des employés du secteur public et notamment des enseignants, mais aussi des cadres et des professions libérales. Nous apprécions les dossiers qui nous mènent à la rencontre de cultures différentes, il ne faudrait pas hésiter à les étoffer davantage. Nous souhaiterions qu'on fasse la part plus belle aux artistes et aux créateurs, qu'on encourage un certain pluralisme, particulièrement l'expression par el/es-mêmes des minorités victimes du racisme. En définitive, au-delà de ces quelques morsures, « Différences» doit faire ses dents. Conscients de la faiblesse de ses moyens, nous lui sommes très attachés et lui souhaitons longue vie. Julien BOAZ DES MAGASINS NUR DES NlUY~UX vêtements BESANÇON: 1, rue Gambetta LA ROCHE-SUR-YON: 11, rue Stéphane-Guillemé LE HAVRE: 222/228, rue Aristide-Briand GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72, avenue Gabriel-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place BESANCON: 1, rue Gambetta GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72 , av. G .-Péri LA ROCHE-SUR-YON: 11 , rue Stéphane-Guillemé GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place LE HAVRE: 222/228, rue Aristide-8riand GRENOBLE FONTAINE: Centre Commercial Record ORGEVAL: Centre Commercial " Les seize arpents" li·v res pour4 c omprendre L'iTAT DUlVIOlfD1 Plantu Les cours du caoutchouc sont trop élastiques En 128 pages ... le tiers monde en noir et blanc. Plantu, collaborateur du journal IL Mond~. a rassembt~ ici ses dessins les plus r~cents. Plusieurs d'cntre cux sont inédits, d'autres sont parus dans U Monde, L~ Monde diplomaIlque. CroiSSQflU des jeunes notiOfU. La Vie. Pressu de rUnucQ, Phosphore, elc. Hors collection. format 16,5 X 24, 48 F. Critiques de l'économie politique nO 20 Coopération et dépendances La France sol'ialis/e fou au lius monde Le premier bilan critique de la politique de coopération avec le tiers monde du gouvernement de François Mitterrand. Un bilan qui n'ignore pas les limites héritées du passé colonial, mais aussi sans complaisance pour les insuffisances et les ambiguités, Revue trimestrielle. 40 F. ~s "--"---_.... .... - _-...... -... '.' .F..a.m...i.n..e.s 1 c0t _pt nuries ..... -_-- '1 François Maspero Sous la direction de François Gèze, Yves Lacoste, Alfredo Valladao L'état du monde 1982 Annuaire économique el géopolilique mondial Après le succès de t'éd ition 1981 (40000 exemplaires vendus), voici l'édition [982 de L'ital du monde. eomplètement renouvelée, actualisée et augmentée. 129 articles de fond, 157 tableaux de statistiques fiables et récentes. 80 caTIes et 800 adresses utiles. 640 pages. 68 F, Tricontinental 1982 Famines et pénuries LA faim dans le monde el les idhs reçues 30 millions de morts de faim par an? Le Sud nourrit le Nord? L'aide au développement insuffisante? Autant de questions dont les réponses sont moins évidentes qu'il n'y parait. Dans ee dossier. 15 auteurs - dont Susan George, Jacques Chonchol, François de Ravlgnan, François Partant - proposent une approche du drame de la faim dans Je monde en rupture avec le discours moralisateur trop habituel, qui rend mieult compte de la dImension politique du problème, de sa complexité. et des véritables responsabilités. Petite collection Maspero, 30 F.

Notes

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