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Sommaire du numéro

n°169 de décembre 1995

  • Edito: Des raisons d'espérer par Mouloud Aounit
  • Le courrier pour Sarah Belabagan 26000 lettres et 450000 signatures (Emirats Arabes Unis)
  • Portraits de jeunes: quand un anniversaire se transforme en cauchemar!
  • Discrimination à l'école, contributions au débat
    • L'affaire de l'école Painlevé
    • L'amorce d'un débat
  • Pour abolir la double peine [législation]
  • Pour un débat transversal au sein du MRAP par J.J. Kirkyacharian
  • Ils ont tué Rabbin, mais pas le processus de paix par C. Benabdessadok [moyen-orient]
  • Toulouse: une relaxe très argumentée par C. Benabdessadok


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o SOMMAIRE Portraits Jeunes menacés d'expulsion 4 et 5 Permanence d'accueil Contributions Ecole et discrimination 6 et 7 Fédération de l'Isère Tract Abolir la double peine 7 Comité de Gennevilliers Campagne du MRAP Un débat transversal 8 Jean-Jacques Kirkyacharian Extrême droite L'assassinat de Rabin Chérifa Benabdessadok Communiqué Certificats d'hébergement Chrono Chérifa Benabdessadok Procès Steevle Gustave contre De Boishue Le droit et vous L'argument des Juges Formation juridique Le programme 1996 9 9 10 10 12 12 2 Décembre 1995 - W 169 Le courrier pour Sarah 00 lETTRES ET 4500 0 SIGNAT RES Le Comité Pour sauver Sarah a eu l'amabilité de réaliser pour Différences un travail de synthèse du courrier qu'il a reçu en faveur de Sarah Balabagan, cette employée de maison philippine, condamnée par un tribunal des Emirats Arabes Unis pour avoir tué l'homme. son patron, qui l'avait violée. Au moment où ce numéro est fabriqué, des rassemblements sont prévus dans de nombreuses villes de France. cr page 2 Des raisons d'espérer Dans un paysage à l'horizon trouble, j'ai vécu trois initiatives, trois gestes de resistance, qui m'ont laissé des raisons d'espérer. Paris. mardi 7 novembre. Devant la 17m.c Chambre Correctionnelle, un sentiment mêlé de colère et de ~ati~fac lion m'habite en assistant au procès de M. de Boishue, maire et ex-secrétaire d'Etatà l'enseignement supérieur. Dans une salle bondée de jeunes, Steevie Gustave, un jeune Antillaisest l.i, debout, ému, serrant la barre, pour demander justice pour lui et pour la mémoire de son père, salie dans un livre où se mêlent clichés antisémites, propos racistes, tirés directement de certains bars (glauques) du commerce. Il avait quelque chose de grand ce jour-là Steevie, car ce jeune vacataire du spectacle avait, contrairement à une association amie, repoussé l'avance d'un million de francs pour retirer sa plainte. Chapeau bas. Carpentras. samedi] 1 novembre. Le Front national s'attaque au détournement de symbole. Après le 1<'1 mai et Jeanne d'Arc, c'est le Il novembre que Le Pen choisit pour demander des excuses, non pour la communauté juive suite à la profanation du cimetière de Carpentras, mais pour son parti. 11 organise une marche nationale sur Carpentras. Localement, une poignée d'as~ oc iation s décide de résis ter. Le Il novembre, Carpentras est réveillée par une foule de 3 000 personnes, jeune, colorée, combative et déterminée. Une réplique cinglante à cet affront national. Bravo. Paris. mercredi 15 novembre. En cet fin d'après-midi, les locaux de l'association « Sauvons Sarah ), paraissent bien exigus pour contenir [es dizaines de milliers de messages de solidarité venant de tous les coins de France, où se mêlent aussi ces milliers de voix juvéniles par leur courrier comme un cri voulant sauver Sarah. Sarah parce que jeune, femme, immigrée et violée. Troisjours de novembre, trois signes beaux, frais, simples, spontanés, réconfortants, qui sont autant de graines de l'espoir. Ils appellent à être encouragés et cultivés .• Mouloud Aounit • ~ Une mobilisation internationale 26 000 lETTRES ET 450 000 SIGNATURES POUR SARAH DEPUIS LE 2 OCTOBRE 1995, le Comité « Pour sauver Sarah» a reçu 26 000 lettres. Cet impressionnant courrier constitue une sorte de coupe sociologique de la France d'aujourd'hui. Un tiers environ des lettres est signé d'une seule personne, en majorité de sexe féminin. S'y expriment l'horreur pour le viol subi par Sarah, l'indignation pour l'injustice qui a fait d'une victime une coupable condamnée à mort et le voeu que le mouvement de protestations fasse reculer le pouvoir émirati. Un autre tiers des lettres est signé par un couple: c'est la femme, généraleà lettres, mais aussi aux dons qui accompagnent la protestation; ces contributions aux frais de la campagne se limitent quelquefois à l'envoi d'un simple timbre-poste. L'événement majeur de cette campagne est l'intervention massive des jeunes (lycéennes, lycéens, collégiennes, collégiens, écolières, écoliers, étudiantes et étudiants) qui se sont immédiatement identifiés à Sarah et qui se sont donc sentis plus que concernés, atteints véritablement par le viol et la condamnation à mort de leur soeur philippine. Plus de 600 lycées et collèges ont centaines de signatures ont été collectées, souvent en quelques heures. Parmi les « champions» de la collecte, citons seulement le collège Lavalley de Saint Lô (2 300 signatures), le lycée Cassini de Clermont, dans l'Oise (1 600 signatures), le lycée Frédéric Mistral d'Avignon (2 000 signatures) et encore le lycée Alphonse Daudet de Nîmes, le lycée de la Vallée du Cailly (Deville- les -Rouen), le lycée Jean Perrin, de Lambersart, etc .. etc ... Etablissements publics pour la plupart, mais aussi institutions privées. Tiens bon! On aimerait les citer tous, tant cet élan d'une jeunesse, si souvent décriée, constitue un gage d'espoir, dans notre époque sceptique et individualiste. Beaucoup de ces adolescents ont rédigé eux-mêmes les textes de leurs pétitions et se sont souvent adressé directement à Sarah «. . .Tiens bon .. Courage ... Nous sommes avec toi ... A ta place, nous aurions agi comme toi ... Bisous ... On t'aime .. . » etc .. Pour la plupart, l'affaire Sarah aura été l' occasion d'un premier engagement, qui a pris la plume, mais le mari (ou le compagnon) tient à s'associer à la protestation. Plusieurs milliers de lettres comportent « Celles et ceux qui ont participé ment civique... Ils ne l'oublieront pas. Au reste, les lycées et les collèges de l'Hexagone plusieurs signatures Gusqu'à 7 ou 8) de « famille »: les grands-parents, les parents et les enfants se retrouvent au dépouillement du courrier pour Sarah en garderont longtemps un sentiment d'espérance inattendu. Les n'ont pas été les seuls à s'adresser au Comité« Pour sauver Sarah ». Outre, par exemple, l'Institut Autonome de la Communauté Fransur une même page, dans un même cri d'horreur. lettres témoignent d'un besoin profond çaise, de Philippeville (Belgique), on peut ainsi relever dans la liste un établissement irlandais :« Our lady of Mercy Secondary Scho- 01 » de Waterford, qui a recueilli 529 signatures et le Lycée Abat Oliba, de Ripoli, en Catalogne, qui en a recueilli 360. De tous les âges et de tous les milieux L'éventail des âges est, du reste, assez significatif: les plus jeunes intervenants (qui ont souvent gribouillé un dessin aux crayons de couleur) peuvent avoir moins de dix ans, tandis que certaines lettres, à l' écriture tremblée, émanent de « mamies» (le mot revient souvent) et, quelquefois, de « papys» qui annoncent 80, 84 et même 86 ans ... Ainsi, les pensionnaires de plusieurs foyers du 3ème âge ont signé à l'unanimité ... De tous les âges, les lettres proviennent aussi de toutes les couches sociales de la population: cela peut se repérer à l'écriture, à l'orthographe, à la qualité du papier et vivace de défendre les valeurs traditionnelles qui ont fait avancer l'humanité: la tolérance, le sens de la justice, la volonté de refuser » l'arbitraire et la barbarie. envoyé des pétitions au Comité. Le plus souvent, l' initiative de ces pétitions est venue de jeunes filles de classes terminales, mais aussi de seconde et de troisième. Parfois, c'est un professeur qui a évoqué le cas de Sarah et qui a, ainsi, déclenché l'action collective. Il faudrait citer les dizaines d' établissements dans lesquels des Différences n° 169 décembre 1995 Individus, familles, établissements scolaires, le courrier transmet aussi des pages entières de signatures récoltées sur les marchés, dans les rues, à l'occasion d'une manifestation sportive ou culturelle, ainsi que dans les bureaux, les ateliers, les lieux de travailles plus divers. Souvent, ce sont des hommes et des femmes, révoltés par le sort fait à Sarah, qui ont pris l'initiative de la collecte. Mais souvent aussi ce sont des militants d'associations locales ou des sections 10- cales d'organisations nationales (syndicats, partis politiques, mouvements de femmes, écologistes, Ligue des Droits de 1 'Homme, Planning Familial, MRAP, mairies -grandes et petites- Eglises, etc ... ). Plusieurs hameaux loin de toute agglomération ont envoyé des signatures ... C'était probablement la première fois que ces paysans signaient une pétition ... Les feuilles de cahiers d'écoliers sont remplies avec soin, comme ils devaient faire, quand ils allaient en classe. Les élus, ont, de leur côté, lancé des appels. Ainsi, à l'Assemblée nationale, un texte a-t-il recueilli l'adhésion des femmes députées de tous les groupes, tandis qu'au Sénat, un texte réunissait les 75 sénateurs socialistes et un autre, à l'initiative d'une sénatrice non-inscrite rassemblait les signatures d'hommes aussi différents que JeanFrançois Poncet, Claude Estier, Jean-Pierre Fourcade ou Jean-Luc Melenchon. De tous les coins d'Europe ... Les lettres sont venues de tous les coins d'Europe (Pays-Bas, Autriche, Allemagne, Espagne, Belgique, Angleterre, Irlande, etc.), mais aussi du Maroc, d'Algérie (plusieurs avocats algériens ont exprimé leur opposition à la loi islamique telle qu'elle est appliquée dans les Emirats), des Antilles, de La Réunion, et même de la Polynésie et de Nouvelle-Calédonie (avec une pétition du lycée Champagnat de Nouméa). Mais le plus étonnant a été le résultat d'une inscription faite sur E-mail par une chercheuse du CNRS : le message « Sauvez Sarah » et les coordonnées du Comité ont déclenché une énorme vague de réponses (plus d'un millier) venant, cette fois, de tous les points du globe (USA, Japon, Amérique Latine, etc ... etc ... ). Dans ces messages de solidarité, certains abonnés ont voulu introduire une information émouvante : « C'est la première fois» pouvait-on lire, «qu'Internet est plus qu'un gadget pour grandes personnes et sert une cause juste ... » Et de tous les points du globe A la veille de l'audience du 30 octobre 1995, devant la Cour d'Appel d'AI Aïn, 450 000 signatures avaient été recueillies par le Comité. A mesure que l'affaire évoluait, le contenu du courrier se modifiait, s'adaptait à la situation. Début octobre, la seule exigence était « Vie sauve pour Sarah ». Puis, la famille du violeur ayant -de toute évidence sous la pression des autorités émirati- renoncé à exiger la mort, les lettres demandèrent «justice et liberté» pour lajeune fille. Les correspondants évoquaient de plus en plus souvent la légitime défense et, en conséquence, réclamaient l'acquittement de Sarah. Depuis l'arrêt du 30 octobre 1995, les lettres expriment -souvent avec violence- 1' horreur de la flagellation à laquelle Sarah est condamnée. On évoque la torture, le Moyen Age, le scandale que constitue, à la veille du troisième millénaire, le maintien des châtiments corporels dans la loi islamique. Des médecins écrivent qu'i l ne s'agit pas seulement d'une honte: ils soulignent que 100 coups de bâton administrés à une adolescente aussi fragile que semble l'être Sarah représentent un très grand risque de mort et, à tout le moins, d'infirmité définitive. Plusieurs femmes et hommes se proposent pour recevoir la bastonnade en lieu et place de Sarah. L'affaire Sarah nous a rendus meilleurs Celles et ceux qui ont participé au dépouillement du courrier pour Sarah en garderont longtemps un sentiment d' espérance inattendu. Les lettres témoignent d'un besoin profond et vivace de défendre les valeurs traditionnelles qui ont fait avancer 1 'humanité: la tolérance, le sens de lajustice, la volonté de refuser l'arbitraire et la barbarie, etc ... Les femmes y ont cristallisé leurs aspirations à l 'égalité, à la citoyenneté. Toutes se sont senties atteintes dans leur chair et dans leur dignité par le drame d'une petite Philippine de 16 ans qu'elles ne verront sans doute jamais. Un jeune garçon écrivait -avant l'abandon de la condamnation à mort- « Si Sarah est tuée,je me suiciderai! ». Plusieurs familles ont proposé, si elle le souhaitait, de recueillir Sarah, à sa sortie de prison. D'autres se soucient déjà de sa réinsertion et souhaitent l'aider à faire des études, si elle le désire ... Plus de 2 000 cartes postales pourront être un jour -nous 1 'espérons- transmises à Sarah ... De quoi tapisser sa chambre d'images de tous les coins de France ... On aimerait voir son visage d'enfant s'illuminer alors d'un sourire ébloui ... Le fabuleux courrier reçu par le Comité montre (sans le dire clairement) que l'affaire Sarah nous a tous, d'une certaine manière, rendus meilleurs ...• Différences n° 169 décembre 1995 • Liberté pour Sarah Un rassemblement est prévu le 28 novembre sur le Parvis des droits de l'Homme pour exiger l'annulation des peines auxquelles elle a été condamnée et qui font oublier qu'elle a agi en état de légitime défense. • M. Benmakhlouf doit réviser son argumentation Alors que le tribunal de Toulouse relaxait une jeune femme accusée de cohabiter avec l'homme de son choix, un étranger en situation irrégulière au regard du séjour, le directeur de cabinet du ministre de la Justice, Alexandre Benmakhlouf, écrivait au MRAP pour justifier l'application du délit d'aide au séjour. Extrait de ce courrier en date du 16 novembre: « Je puis vous faire connaître que les tribunaux de grande instance font de l'article précité un usage conforme à la loi dans la mesure où il n'est prévu, à aucun moment par ce texte, d'en subordonner la mise en oeuvre à une quelconque activité lucrative ». Se reporter à l'argumentation des juges de Toulouse (lire· page 12) qui réclament que le délit visé par cette loi soit explicité et précisément subordonné aux activités de type lucratif! • Non, Le Pen n'a pas les mains propres Dans la semaine du 6 novembre, le MRAP publiait un long communiqué à propos de la profanation du cimetière de Carpentras et de l'opération<< mains propres du FN ». On y rappelle notamment que: « le Front national prétend faire croire à l'opinion publique qu'il est "propre" de toute menée antisémite, comme si son président n'avait pas critiqué en 1987, l'esprit "antinational" de "l'Internationale juive", comme si son président n'avait pas dit que "les chambres à gaz" sont "un point de détail de l'histoire de la seconde guerre mondiale" dont les historiens débattent et n'a-t-on pas entendu de la bouche du président du FN l'immonde calembour à l'égard d'un ancien ministre "Durafour crématoire" ? N'est-ce pas Le Pen qui fait l'apologie des crimes de guerre en éditant des disques de chants nazis (arrêt de la cour de cassation du 14/01/71). » • Portraits de jeunes QUAND UN ANNIVERSAIRE SE TRANSFORME EN CAUCHEMAR! Dans le cadre de sa propre activité et dans le but de renforcer le travail assuré par la Coordination pour le droit de vivre en famille, la permanence d'accueil du MRAP a commencé à réal iser un livre blanc sur les jeunes étrangers menacés d'expulsion lorsqu'ils arrivent à l'âge de la majorité. Nous publions ci -dessous quelques-uns des portraits de ces jeunes qui, résidant en France depuis plusieurs années, vivent leur entrée dans l'âge adulte comme un cauchemar. ALGERIENNE, ASSIA, est entrée en France à l'âge de 16 ans, hors regroupement familial avec un visa touristique de 15 jours. Assia a perdu son père à l'âge de 5 ans et a vécu en Algérie chez la famille de son père. Maltraitée et menacée, elle quitte l'Algérie pour rejoindre sa mère qui vit en France en tant que résidente de plein droit. Aujourd 'hui, Assia est en situation irrégulière puisqu'elle vient d'avoir 18 ans. Elle n'a fait aucune démarche en préfecture. Arrivée en France à l 'âge de 7 ans, JESSICA, MAURICIENNE, n'a jamais quitté le territoire français depuis son arrivée en France . Ses parents, qui sont tous les deux en situation régulière (carte de 10 ans) ne pouvaient pas demander le regroupement familial en 1989 car leur appartement était à l'époque trop petit par rapport aux normes exigées. Aujourd 'hui, la famille habite un 70 m2 et est propriétaire d'un 35 m2 • En attendant, leur fille n'est pas régularisée. Ses parents voudraient bien pouvoir passer un mois de vacances, l'été, à l'Ile-Maurice, avec leur fille. Mais Jessica ne peut quitter le territoire français craignant de perdre tous ses droits à sa majorité. CHRISTIAN, DE NATIONALITE congolaise, est venu en France à l 'âge de Il ans pour vivre avec ses cousins. Jusque-là, Christian était scolarisé à l'Ecole française en Roumanie où sa mère travaillait à l'ambassade. Christian est atteint d'une hépatite B. chronique et depuis l'âge de Il ans, il n'est pas scolarisé. A 18 ans, la Préfecture lui a opposé un refus de séjour et sa demande d'aide médicale gratuite a été refusée. BERTHE, DE NATIONAUTE SENEGALAISE, est arrivée en France à l'âge de 12 ans avec un sauf conduit, sous tutelle de son oncle. Aujourd'hui, âgée de 26 ans, Berthe a plus de 14 ans de présence en France. Berthe n 'a jamais quitté la France depuis qu'elle a 12 ans. Elle est allée à l'école de 1982 à 1992. A 18 ans, elle détient une carte étudiant jusqu'à l'âge de 22 ans. Au moment où Berthe entre dans la vie active, alors qu'elle demande à changer tout naturellement de statut, la préfecture lui retire son titre de séjour et Berthe reçoit une IQT (invitation à quitter le territoire) puis un APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière) dont elle a obtenu l'annulation. La préfecture demande à Berthe de fournir une promesse d' embau- Différences n° 169 décembre 1995 che pour un CDI. Berthe recherche un emploi dans le secteur de la couture. M OLEKA, DE NATIONAUTE ANGOLAISE, est entrée en France à l 'âge de Il ans accompagnée de sa mère qui demanda l'asile politique et fut déboutée. La maman de Moleka, malade du Sida, mit au monde une petite fille le 27 septembre 1993 , décédée le 10 février 1994. Quelques mois après le décès de sa petite soeur, Moleka perdait sa maman, au printemps 1994. Moleka, orpheline, arrivée en France à l'âge de Il ans, vit chez ses cousins qui l 'ont recueillie. Aujourd'hui, maj eure, Moleka, entrée hors regroupement familial, se retrouve en situation irrégulière. Elle n 'a plus personne dans son pays d'origine. SUZANNE DE NATlONAUTE ZAIROISE est arrivée en France à l'âge de 15 ans hors regroupement familial n'a plus de famille au Zaïre. Ses parents sont morts au Zaïre. Elle a vécu chez son frère aîné de nationalité française qui en avait la tutelle. Aujourd'hui, elle demeure chez sa soeur. Elle avait pour projet de poursuivre ses études. Elle a reçu une invitation à quitter le territoire puis elle a fait un recours gracieux appuyé par le MRAP en décembre 93. Fin décembre, elle recevait un APRF. Le MRAP est intervenu auprès du préfet et a intenté un recours contentieux. M AGDA, AGEE DE 21 ANS, de nationalité libanaise, est entrée en France avec un passeport libanais sur lequel la date et le lieu de naissance ont été modifiés (2 ans plus je une). Elle s'est aperçue du changement à sa majorité réelle. Magda est entrée à l'âge de 10 ans, elle a fait toute sa scolarité en France. La rectification de la date de naissance au Liban est quasiment impossible aujourd ' hui. Magda est également en possession d'un passeport soviétique (nationalité de sa mère) périmé et qui n'a plus lieu d'être du fait de la disparition de l'URSS en tant qu'Etat. La préfecture lui refuse néanmoins un titre de séjour malgré son visa d'entrée. J UUENNE, DE NATIONALITE ZAIROISE, est entrée mineure en France à l'âge de 16 ans avec un visa de tourisme. Elle est venue rejoindre toute sa famille en France. Ses parents ont été déboutés du droit d' asile. Le père de Julienne a pourtant été emprisonné au Zaïre. Suite au refus de l' Ofpra, les parents de Julienne sont en situation irrégulière. Julienne a été scolarisée au Zaïre jusqu'en CM 1. Mais elle a été atteinte d'une méningite qui lui a valu un retard de croissance. De 1991 à 1992, Julienne a suivi une formation de couture en France. A 18 ans, sa demande de titre de séjour étudiant a été refusée et Julienne a reçu une IQT. De plus, Julienne n'a plus de passeport. Ses frères, maj eurs, sont dans une situation identique. M INA, DE NATIONAUTE ZAIRO'ISE, est entrée en France à l'âge de 16 ans accompagnée de ses frères et soeurs. Ses parents entrés en 1985 ont été déboutés du droit d' asile. Ils ont maintenant des cartes de résident. Mina n'est pas entrée par le biais du regroupement familial, l'appartement de ses parents étant trop petit. Elle a donc d'abord vécu chez son cousin. Un peu avant sa majorité, Mina a coupé tous liens avec ses parents et ne les voit plus. Elle n'a fait aucune démarche de régularisation à sa majorité. Suivie par une assistante sociale, Mina a obtenu une bourse d' étude du département des Yvelines par l'aide sociale à l'enfance. Aussi longtemps qu'elle n 'a pas d'APRF et jusqu'à 21 ans, elle sera prise en charge. Mina a passé un CAP de comptabilité en juin 1995. PARFA IT EST ENTRE EN FRANCE à l'âge de 13 ans avec son père diplomate attaché financier à l'ambassade du Congo. Son père, à la suite des événements politiques internes au Congo, n'a plus perçu de salaire de diplomate tout en conservant son titre de séjour diplomatique. Tombé malade, il est décédé le 24 mars 1994. Parfait, lycéen, a fait une demande de nouveau passeport et a reçu un passeport sans visa. Il a apporté à la préfecture enjanvier 95 les documents apportant la preuve de son séjour en France depuis 1987 ; il a reçu une IQT en décembre 94. Soutenu par le proviseur de son lycée, par les maires de Fontenaysous- Bois et Aubervilliers et le service de la jeunesse de ces deux villes, Parfait a fait appel à un avocat. Parfait a une soeur française à Orléans. LUCIEN, CAMEROUNAIS, est arrivé en France à l'âge de Il ans avec un visa de court séjour. Il a dû quitter le Cameroun très jeune car son père a été mis en prison. Lucien vit chez son oncle qui est français et sa cousine l'aide financièrement. Lucien n'est jamais retourné au Cameroun. Il a fait toute sa scolarité en France. Titulaire d'un baccalauréat, il poursuit actuellement ses études en BTS de comptabilité-gestion. Il a de nombreux amis qui le soutiennent. Lucien souhaite faire sa vie en France. A ce jour, il n 'a reçu ni IQT, ni APRF. Au guichet de la préfecture, on lui conseille de partir ou de s'adresser à une association. SERGE, DE NATIONAUTE IVOIRIENNE, est arrivé en France à l'âge de 15 ans accompagnant son oncle ivoirien et sous le couvert du passeport de celui -ci, entrant lui-même avec un visa de court séjour. Il Organiser les jeunes en collectifs Dans un rapport rédigé par François Prunet à l'attention de la Coordination pour le droit de vivre en famille, le MRAP a invité les jeunes qui ont pris contact avec la permanence à se regrouper en collectifs sur les bases suivantes : • Informer très franchement les personnes concernées des réelles difficultés à régler leurs problèmes de séjour • Leur donner des informations précises pour leur « survie» : nous appeler en cas de danger imminent et leur fournir des modèles de recours (IQF) ainsi qu'un modèle de lettre d'appel au tribunal administratif dans les 24 heures (APRF) • Rédiger ou nous donner leurs témoignages à propos de leur vIe en France et les diverses raisons humaines et sociales qui les ont amenés à y venir. • Le but est notamment de rédiger un livre blanc qui servirait à la mobilisation et à la médiatisation de cette question • Envisager une action d'information particulière auprès des syndicats, des éducateurs et travailleurs sociaux, et des mouvements de jeunes. Différences n° 169 décembre 1995 Portraits de jeunes fut pris en charge par son oncle, mais ne fut pas inscrit à l'école. Son oncle désirait l'employer en tant que gardien de leur jeune enfant. A l' origine, Serge, boursier de l'Etat ivoirien, fit l'objet d'une tractation entre ses parents, pauvres et chargés de 8 enfants, et son oncle qui n 'honorera pas ce contrat puisque dès la première année en France, il exploitera ses services, alors que mineur de 15 ans; il se trouvait en situation d'obligation scolaire. Serge présente deux handicaps congénitaux (qui ne sont sûrement pas sans rapport avec le choix qu'ont fait ses parents de l'envoyer chez de la famille en France) : un asthme permanent et des séquelles en chaîne de poliomyélite, qui ont nécessité et nécessitent toujours un suivi médical régulier et permanent. Serge prit rendez-vous avec l'assistante sociale et fut confié à un autre oncle. A l 'âge de 16 ans, il entra au lycée professionnel. Il passa son BEP électronique avec succès. Puis il réussit au brevet. Il est aussi titulaire du brevet professionnel électrotechnique ainsi que d'un CAP. Actuellement, en terminale du bac électrotechnique, Serge a l'intention de préparer un DUT en télécommunications. Depuis l'âge de 16 ans, des démarches ont été effectuées en Côte d'Ivoire en vue de l'adoption simple par son oncle. Serge a cru bon d'attendre la fin de ces démarches officielles avant de demander un titre de séjour étudiant. Muni de son DUT, Serge a l'intention de retourner en Côte d' Ivoire avec ce diplôme. Il apparaît plus que souhaitable qu'il obtienne sur place un titre (étudiant) le temps nécessaire à ses études, compte tenu néanmoins du fait de prolongation éventuelle pour le suivi de son état de santé, s'il y a lieu. B ACHIR EST ENTRE EN FRANCE pour la première fois en 1980 à l'âge d'un an avec sa mère dans le cadre du regroupement fa milial. Ses parents sont titulaires de cartes de résident. Après avoir fait sa scolarité en maternelle, Bachir est reparti en Algérie en 1986 pour étudier l'arabe. Il habitait chez son oncle et ses grands-parents. Après avoir passé 7 ans en Algérie, Bachir revient en France en 1992. Ses frères et soeur sont de nationalité française . Bachir est actuel lement en classe de 3ème technique au lycée. Il étudie l'électronique, l'informatique et la menuiserie. Il voudrait pouvoir obtenir une carte de résident, mais ne voit pas de solution

il préférerait encore devenir français

comme ses frères et soeurs . • • • Contri butions L'AFFAIRE DE L'ÉCOLE PAINLEVÉ La fédération de l'Isère apporte sa contribution au débat sur la discrimination à l'école avec deux textes que nous publions intégralement sur l'affaire de l'école Painlevé qui a soulevé il y a quelques semaines l'inquiétude du MRAP. LE PROBLEME qui s'est posé dans cette école du 3ème arrondissement de Lyon et qui a fait quelque bruit a été ressenti par beaucoup d'entre nous comme un indice du glissement vers la banalisation de la xénophobie. On trouvera ici une interview d' Ahmed Khenniche, président de la fédération du Rhône du MRAP et le compte rendu de l'amorce d'une discussion entre des militants de l'Isère. Cette llffllire pose quelques questions de portée plus génémie. Peux-tu la résumer? L'AMORCE D'UN DÉBAT François Savigneux : Le début de l'intervention d'Ahmed, à mon avis, fausse le débat. Je ne trouve pas que la préoccupation des parents soit d'abord la peur du brassage: les idées de niveau, de classes de niveau, de classes homogènes sont sans doute erronées, mais elles ont une réalité dans l' opinion, y compris chez beaucoup d'enseignants. C'est pourquoi je trouve que le mot justification qui est employé n' est pas bon, car il suggère une sorte de mauvaise foi alors que la vraie difficulté se situe dans le souci réel des parents et des enseignants. Raymonde Fourcroy: A mon avis, on ne peut pas traiter d'un problème de discrimination et d'inégalité scolaires sans prendre en compte l'ensemble de la situation, au moins au niveau du quartier. Car c'est la vie sociale, considérée comme un tout, qui est en cause. Evidemment, le quartier, la ville, ne peuvent pas résoudre toutes les difficultés, entre autres celles de l'emploi et du chômage. Mais, là où on peut agir, il faut essayer de le faire sur l' ensemble des éléments. Il y a au Péage de Vizille un quartier pauvre qui s'appelle « Le grand trou ». Après avoir accueilli avant-guerre des Italiens et des Espagnols, puis après-guerre des Algériens, il voit maintenant arriver des familles turques. Ce n'est pas une arrivée très importante: sur les 105 logements de quartiers, 15 sont habités par ces familles . Cependant, à l'école, il n'y a pratiquement plus que des enfants turcs: la plupart des Ahmed Khenniche : Al' origine, il y a d'une part la volonté des enseignants de faire en sorte que l'école puisse accueillir l'ensemble des enfants du quartier et, d'autre part, le voeu des parents de Français de « souche » de ne pas envoyer leurs enfants à l'école privée ainsi que la peur du brassage de leurs enfants avec des enfants d'autres origines. A partir de là, deux classes de c.P. ont été créées, dont une regroupant l'ensemble des Français de « souche». Quelles étaient les justifications avancées ? Lajustification principale avancée a été celle du niveau des élèves. L'objectif était de favoriser le développement de l'école afin que les parents du autres familles ont obtenu des dérogations pour le groupe scolaire situé un peu plus loin, ou encore se sont évadées vers le privé. Ce qui est surprenant, et rend la situation plus triste encore, c'est que ces familles turques manifestent un désir très vif d'intégration. Par exemple, beaucoup ont choisi d'acheter leur logement. Certains Turcs sont responsables de « montée ». Ce qu'il faudrait, c'est achever la rénovation des logements, donner un autre visage au quartier, et surtout discuter de tout cela avec l'ensemble des habitants. C'est pourquoi le MRAP de Vizille demande que soient créées des commissions extramunicipales associant élus, habitants, associations, pour réfléchir ensemble et trouver les solutions adéquates. Je suis pleinement d'accord avec les questions posées par Ahmed Khenniche à la fin de son exposé car la question de l'école est d'abord une question sociale. Différences n° 169 décembre 1995 quartier qui avaient leurs enfants dans une école privée reviennent à l'école publique. Quelle a été l'intervention du MRAP? Nous pensons qu'au départ, il n'y avait pas de la part des enseignants volonté de discrimination, mais que cela a été vécu comme tel par une partie des parents « issus de l'immigration ». Nous l'avons vérifié dans le dialogue que nous avons eu avec eux. Nous sommes donc intervenus auprès de l' Académie, de la direction de l'école et de l'ensemble des parents d'élèves pour qu'une solution qui donne satisfaction à tout le monde soit trouvée. Cela a été fait par la réunion des deux classes de C.P. en une seule qr Nicole Duday : L' expérience montre qu'au-delà d'une certaine proportion (30 %?) d'immigrés de condition modeste, l'intégration n'est qu'une illusion. L'école ne peut à ce jour et à elle seule combler le décalage lié au milieu socio-culturel. On peut comprendre la réaction des familles « françaises de souche » -pas lepénistes pour autant- qui estiment que leurs enfants n'ont pas à faire les frais d'une scolarisation découlant de la politique conduite par le pouvoir, qui n'a pas su ou pas voulu lutter contre la formation de ghettos. Dominique PerroudMaillet: Je vais exprimer mes réactions par petites touches à partir d'éléments extraits de l'entretien. 1 / Ahmed Khenniche évoque la « justification principale» : celle du « niveau des élèves ». J'ai enseigné durant 3 ans à Saint Omer (Pas-de-Calais) dans un lycée rassemblant des élèves « français de souche» qr ) classe avec les deux enseignants. Comment l'opinion publique a-t-elle réagi il Lyon ? Et les parents ? Les enseignants ? Il est toujours difficile de connaître l'opinion réelle du public, quoi qu'il en soit cette « affaire » pose des problèmes cruciaux: 1 / Celui des quartiers-ghettos où on laisse volontairement ou non des gens de même origine se replier sur eux-mêmes. 2 / Celui de l'école publique, avec l'Etat, qui favorise l' école privée et accorde des dérogations pas toujours justifiées. Mais on ne peut s'empêcher de voir se manifester ici l'accentuation de la ségrégation comme une méthode légitimée, naturelle et cependant, petit à d'origines sociales très diverses, j'ai travaillé 6 ans en lycée classé ZEP à Pont de Cheruy et je suis convaincue, par expérience, d'une chose: les élèves qui ont un rapport douloureux à l'écrit, à l'oral, à l'école, qui sont d'un « niveau faible» sont tous, ou presque, issus de familles pauvres. Le devoir de l'école républicaine consiste à les faire accéder à l'égalité et non à les enfermer dans la honte, 1 'humiliation, la haine. 2 / « Il n'y avait pas, de la part des enseignants, volonté de discrimination ». Je le crois volontiers. Mais je constate, comme beaucoup, l'évolution inquiétante de ce que l'on a coutume de nommer « la banalisation du racisme ». Bien des gens, je crois, semblent ne plus évaluer la gravité de certains propos, de certains actes. On ne se permettrait pas de faire pareille chose à tout le monde, c'est bien le signe, à mon avis, qu' il y a une acceptation comme inconsciente d'une représentation obscure selon lapetit, ces pratiques mènent à l'apartheid. Nous pensons qu'il y a là un problème au niveau des consciences et des mentalités qui ne peut être résolu que par la concertation et le débat, avec pour préalable l'acceptation du postulat selon lequel tous les enfants naissent égaux quelles que soient leurs origines. Que pense faire le MRAP dans le Rhône sur toutes ces questions? Nous avons pris contact avec les syndicats d'enseignants, mais cette question ne peut être traitée, à mon sens, qu 'au niveau le plus élevé, c'est-à-dire avec l'Etat, le gouvernement, par un débat national. Quelle école, pour quels élèves, en l'an 2000? • quelle il y a des « citoyens de seconde zone », « des gens à qui l'on peut faire ça». Et ça me fait peur ! 3 / Il faut savoir ce que l'on veut. Formule face à dire, difficile à mettre en oeuvre, mais nécessaire. Soit nous acceptons le rejet des pauvres (vers l'école publique, le privé étant réservé aux « riches »?), soit nous militons pour l'égalité effective. Soit l'Etat génère une France compartimentée, ségrégationniste, soit il engage une politique d'égalité à tous les niveaux. L'image que j'ai de mon pays n'est pas très belle: je le vois morcelé, fragmenté en parcelles sans relations effectives entre elles, je le vois comme un agrégat de « petits mondes» s'ignorant, se méprisant, se haïssant. Et puis un jour, ceux qui se sentent et sont humiliés « explosent ». Je crois que l'Etat doit clairement opter pour l'égalité, il s'agit de notre sécurité, de notre liberté et de notre bienêtre à tous, non? • POUR ABOLIR-LA DOUBLE PEINE D'après un tract du comité contre la double peine de Gennevilliers Abderahmane Deraridj estnéen France le 3 août 1959 à Nantua (Ain). Suite à un délit mineur, il se voit condamner à la double peine: une peine de prison assortie d'une interdiction définitive du territoire français. Il est donc exilé vers l'Algérie. N'ayant rien à y faire, il revient chez lui. Sa seule présence sur le sol français constitue une infraction. Il est de nouveau condamné ... Expulsé pour la cinquième fois! Pour la cinquième fois, il est expulsé le 5 octobre 1995. Abderahmane est à Alger, il erre dans un pays en guerre. Il frappe aux portes des ministères, des ambassades, des journaux ... Abderahmane est étranger à la vie algérienne. Il n'est pas le seul dans ce cas: ily a plus de 20 000 expulsés et exilés faisant partie des catégories dites protégées. Nous formulons aujourd'hui une demande pour le retour • d'Abderahmane Derraridj et la reconnaissance de sa citoyenneté française. Même s'ils ne seront pas toujours expulsés, on estime à 30000 le nombre de jeunes entre dix-huit et vingt-cinq ans à qui l'on aura retiré le titre de séjour de manière provisoire ou définitive, d'ici l'an 2000. Ce qui veut dire que l'Etat programme de « jeter »hors de France tous les individus qui commettraient un acte même mineur de délinquance. Et ce, malgré le fait de leur appartenance à une « catégorie protégée» par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, c'est à dire définie par la loi Sapin du 31 .12.91. Selon cette loi ne peuvent faire l'objet d'une expulsion: l'étranger mineur de dix-huit ans; l' étranger quijustifie par tous moyens résider en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans ou qui réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, ou réside régulièrement en France depuis plus de dix ans; l'étranger marié depuis au moins un an avec un( e) Français( e) ou parent d'un enfant français résidant enFrance ... Mais les lois Pasqua (du 24.08 et du 30. 12.93) ainsi que d'autres circulaires et notamment la formulation: « l'étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public» annulent l'application de l'article 25 et rend quasi impossible toute possibilité de recours. Aidons au retour d'Abderahmane Deraridj par un soutien financier. Réclamons l'abolition de la doublepeine et la reconnaissance dù statut de citoyen français pour les expulsés, en respect de l'article 25 de la loi du 02.11.1945 concernant les catégories protégées. Pour toute information complémentaire: comité de Gennevilliers contre la double peine, Cité du Luth,41bld Beaumarchais 92230 Gennevilliers, Tél: 4794 81 51 Fax: 40 438873. Différences n° 169 décembre 1995 Il Rencontres régionales et univ e rsité d'été POUR UN DÉBAT TRANSVERSAL notre place. Le MRAP a contracté une dette à l'égard des chercheurs qui ont produit et produisent encore des travaux sur le racisme et sur l'antiracisme. Nous avons même une dette envers ceux qui ont tendance à être injustes à notre égard, allant jusqu'à attribuer à un déficit de l'antiracisme une part de responsabilité dans la montée du racisme. Il nous faut prendre au sérieux toutes les idées, même celles (surtout celles) qui nous prennent à rebrousse- poil. AU SEIN DU MRAP L ORS DE SA DERNIERE REUNION tenue le 7 octobre, le conseil national du MRAP a décidé, sur proposition de la présidence, d'organiser dans le Mouvement, un grand débat sur quelques questions d'ensemble « auxquelles on pense toujours et dont on ne parle jamais », selon l'expression de Roger Vailland. Une nouvelle discussion? Des parlottes d'intellos ? Nous avons notre congrès, il y a aujourd'hui plus urgent à faire! Je crois sincèrement qu'on peut écarter ces objections. Les problèmes posés lors du congrès Evidemment des problèmes de fond sont apparus dans la préparation et dans le déroulement du congrès. Mais ils n'ont pas fait en tant que tels l'objet d'un vrai débat. Ceux qui sont proposés ici sont les suivants: o L'expression religieuse dans une société laïque @ La, les communautés, l'esprit communautaire dans son rapport à « la République» @) Facteurs sociaux et facteurs culturels dans le développement du racisme et / ou dans l'intégration; le racisme est-il un «enfant de la crise»? L'éducation est-elle capable de vaincre le racisme social ? o Quels sont les véritables obstacles au développement du MRAP? 4:) Que penser des flux migratoires ? Aucun de ces thèmes n'a été absent du congrès ; mais ils ne sont pas de ceux que l'on épuise en deux jours ... et l'actualité ne cesse d'en modifier les données. Je rappelle qu'en principe on aurait dû au congrès traiter des discriminations dans le logement, ce qui aurait entraîné forcément des prises de position sur « la discrimination positive », les «quotas », l'action Théorie et pratique Ce qui est proposé ici est autre : les comités locaux, les militants, engagés dans l'action, Où devons-nous ancrer notre action pour que quelque chose puisse s'enclencher dans le sens inverse ? judiciaire «au civil» plutôt qu'« au pénal ». Or, on en n'a pas vraiment parlé, ce qui a dû bien décevoir le journaliste qui avait prédit que tout cela serait au centre de notre congrès. De plus, un congrès peut bien être aussi démocratique que l'on voudra, il ne met en discussion qu'une partie des membres de l'organisation, le plus souvent, par procuration. On peut aller plus loin, et je crois qu'on le doit, parce que l'action du MRAP se heurte sans cesse à ces questions. Nous n'avons pas assez mesuré les changements que le monde contemporain nous fait subir, et il en exigera de nous bien plus demain. En un sens, on peut se demander: pourquoi le MRAP ? Pourquoi être antiracistes? Et on nous le demande. Parlottes d'intel/os ? Je ne le crois pas car il ne s'agit pas de nous mettre ailleurs qu'à dans la pratique de terrain, sont obligés de réfléchir sur tout ce qui se passe autour d'eux: je le vois chaque fois que je vais dans un CL et je n'oublieraijamais que c'est un militant de terrain - hélas disparu depuis - qui a proposé pour la première fois en conseil national, le problème théorique et pratique (théorique tiré de la pratique) du lien difficile entre l'intervention individuelle et l'intervention « politique» au sens le plus large du terme. Que se passe-t-il dans notre Cité, dans notre République, et où devons-nous ancrer notre action pour que quelque chose puisse s'enclencher dans le sens inverse? C'est ce capital de réflexion qu'il s'agit d'utiliser pour le bien du MRAP, pour que le MRAP ne soit pas à la remorque, et qu'il puisse vraiment jouer son rôle ; n'oublions pas que nos statuts nous donnent pour tâche « l'éradication » du racisme (Si De Gaulle était parmi nous, Différences n° 169 décembre 1995 il nous dirait, goguenard: vaste programme !). Depuis la fondation du MRAP les temps ont changé et il ne faut pas nous laisser distancer par le temps. Une discussion transversale Une discussion transversale, c'est-à-dire hors structures: cela ne doit pas signifier quelque chose d'« informel », il ne s'agit pas de discuter à bâtons rompus. La région offre un cadre assez commode car elle n'a pas d'autorité statutaire, elle ne fonctionne pas par délégation de pouvoirs. On doit l'utiliser pour sa transversalité. Il y a beaucoup d'adhérents qui ne sont pas très assidus aux réunions, mais qui peuvent apporter beaucoup à de telles rencontres, car ils sont comme tous « en prise » sur un secteur de la réalité. La proposition du bureau national est d'organiser, au premier et au second trimestre de l'année civile, en six ou sept endroits, de telles rencontres régionales: Lyon, Marseille, Agen, Limoges, Lille, Metz, et Paris. Ces rencontres devront produire des comptes-rendus. Le tout aboutira à une « université d'été» à laquelle deux ou trois spécialistes pourraient être invités, et où la participation ne serait pas réservée aux seuls adhérents. Un élément directif quand même, un seul! La première rencontre aura pour objet la discussion des thèmes 1 et 2, la seconde portera sur les points 3 et 4. Le cinquième thème sera abordé au cours de l'université d'été. En contribuant à clarifier ces problèmes, à partir de l'expérience qui est la nôtre, le MRAP peut apporter beaucoup à la lutte contre le racisme. Et ce faisant, il se pourrait que le Mouvement se trouve renforcé. C'est bien ce que nous voulons tous . • J-J. Kirkyacharian ILS ONT TUÉ RABIN MAIS PAS LE PROCESSUS DE PAIX A LORS QU'IL FINISSAIT de prononcer des paroles de paix au cours d'un meeting à Tel Aviv, Itzhak Rabin a été assassiné par un extrémiste juif le samedi 4 novembre. Plus d'un million d'Israél iens lui ont rendu hommage le jour des obsèques où étaient présents de très nombreux chefs d'Etats et de gouvernements. La présence de Hussein de Jordanie et du président égyptien était à plus d'un égard symbolique de ce que l'on voudrait que soit l'irréversibilité du processus de paix. Quelques jours après ce meurtre, l'hypothèse d'une conspiration (et non d'un acte isolé) semble s'affirmer en Israël. Il se confirme que le meurtrier, Y gal Amir, âgé de 28 ans, est bien un militant d'extrême droite, domicilié dans une colonie juive des territoires, connu des services de sécurité. Un arsenal d'armes a été trouvé chez lui et c'est son propre frère qui lui a fourni les balles. Les articles de presse font état pour le moins de négligences de la part des services de sécurité et de l'éventualité d'une caution morale accordée par des rabbins colons extrémistes à la mise à mort de celui qui avait osé négocier l'avenir d'Israël et de la Palestine avec les seuls interlocuteurs valables: Arafat et l'OLP. La campagne de haine a armé le bras de l'assassin Il faut dire que Rabin était depuis plusieurs mois la cible d'une campagne d'une exceptionnelle violence. Malédictions mortelles, insultes de toutes sortes, violence sur son chauffeur et sa voiture, anathèmes provenant d'Israël et des Etats-Unis où prospère un lobby juif intégriste et raciste puissant se sont multipliés avant la mise à mort. Rabin avait eu le courage d'affirmer en octobre à New York devant un parterre de dirigeants jui fs : « La Bible n'est pas un cadastre ni une carte de géographie. La Bible nous enseigne des valeurs ... Si nous devions être fidèles au tracé des frontières bibliques, nous devrions évacuer Ashkelon et Ashdod (deux villes israéliennes sur la Méditerranée), qui appartenaient à l'époque biblique aux Philistins. » (cité par leNouvel Observateur nO 1617 du 2 au 8 novembre). Le MRAP a rendu public un communiqué le 6 novembre intitulé Halte aux ennemis de la paix et de l'amitié entre les peuples: « C'est avec consternation et indignation que le MRAP apprend l'assassinat de Monsieur Rabin. Ainsi les assassins de la paix ont frappé une fois de plus avec l'intention affichée de faire capoter le fragile processus de paix. En assurant la famille de Monsieur Rabin et ses proches de ses sentiments d'horreur et de colère et en exprimant ses condoléances, le MRAP forme l'espoir que le peuple israélien et le peuple palestinien sauront déjouer le complot des ennemis déclarés de la paix. Les semeurs de mort en Terre Sainte, dans tout l'Orient et dans toute la Méditerranée, ont scellé une alliance monstrueuse, celle de la politique du pire dont tout peut sortir. Les peuples concernés ne doivent pas être dupes. » ( ... ). On apprenait fin novembre qu'un fort soutien à l'assassin du Premier ministre israélien était organisé à New York. Dans des propos rapportés par Libération (22 novembre), le consul d'Israël dans cette ville observait que les extrémistes juifs « sont peu nombreux mais, depuis les accords de Washington, leur violence verbale est devenue de plus en plus inquiétante. Sous couvert de causes généreuses, a-t-elle ajouté, comme par exemple la création de jardins d'enfants ou d'écoles, énormément d'argent est envoyé d'ici vers les colons ». Pour lutter contre d'éventuels réseaux extrémistes juifs basés aux Etats-Unis l'entrée de ces extrémistes en Israël a été bloquée, en principe libre pour tout Juif en vertu de « la loi du retour ». Jérusalem, Par ailleurs un colloque Jérusalem, capitale de la paix, qui devait se tenir à et sous le Extrême droite parrainage de l'UNESCO à Paris les 24, 25 et26 novembre a été reporté. Il devait «prendre la forme d'un dialogue des citoyens, sur les traces d'initiatives antérieures (Grenade en avril 1991, Paris en février 1992) et se propose de contribuer à la recherche d'une paix juste et durable entre tous les peuples du MoyenOrient, fondée sur la légalité internationale, la réciprocité des droits, la préservation d'un patrimoine humain commun ». Une partie des nombreuses personnalités israéliennes qui devaient participer à cette rencontre, ont préféré rester dans leur pays pour participer aux débats et aux recompositions accompagnant la formation du nouveau gouvernement. Aussi la tenue de ce colloque est-elle reportée, dans les mêmes conditions, au mois de mars 1996. Pour toute information complémentaire s'adresser au Forum des citoyens de la Méditerranée, 41 rue Emile Zola, 93100 Montreuil, tel 42 872001,fax4988 1184. c.B. La spirale démagogique du refus de délivrer des certificats d'hébergement Le déput~-maire de Savigny-sur-Orge a fait savoir le 1er novembre qu'il ne signerait plus de certificats d'hébergement du fait qu'en délivrant des documents « les maires sont malgré eux les complices de l'immigrationclandestine n. Pour le MRAP, « le motif avancé par le maire pour fonder sa décision, selon lequel les maires "n'ont aucun moyen, de contrôler la réalité et la durée du séjour du visiteur" est un faux prétexte. En effet, l'admission au séjour d'un étranger, pour une visite privée, s'effectue sous le contrôle de l'OMI et des agents de la préfecture. Le MRAP dem~nde au gouvernement de ( ... ) condamner fermement ces déclarations. Les maires agissent en effet dans ce domaine en qualité d'autorités de l'Etat et non de la commune, et il est grand temps que les autorités supérieures, autrementditl'Etat, interviennent de manière à faire respecte,r la Loi. Le MRAP,quant à lui, déférera l'auteur de tout refus de délivrer un certificat d'hébergement devant les triblmaux dès lors que les motifs invoqués par les maires ne seront pas ceux qui sont inscrits dans l'ordonnance du2llovembre 1945. La Fédération de l'Essonne s'engage également à introduire les recours nécessaires eU saisir le préfet n. Différences n° 169 décembre 1995 • • EN BREF • Interviewé par Le Figaro du 20 octobre à l'occasion de la parution de son livre Lettres algériennes (Grasset), Rachid Boudjedra affirme que « le mitterrandisme a installé l'intégrisme en France» et que « 3 600 asiles politiques ont été octroyés aux intégristes, aux pires intégristes, à des militants du FIS qui ont organisé des réseaux de trafic d'armes chez vous ». • Cinquante enfants de diverses nationalités accompagnés du professeur Jacquard et de Monseigneur Gaillot se sont présentés le 1er novembre devant l'Elysée pour remettre une lettre au président de la République dans laquelle ils expriment leur inquiétude quant à la situation de leurs parents. • Le général Liamine Zéroual a été élu président de la République à l'issue des élections présidentielles du 16 novembre en Algérie; quelques jours plus tard, un porte-parole du FIS à l'étranger déclarait accepter la légitimité de cette élection. Montpellier pourMumia Abu-J amal Un collectiflocal constitué de plusieurs organisations dont le MRAP a organisé un concert le 23 octobre sur le thème « Vie sauve pour Mumia Abu-Jamal ». Bilan de la soirée: 350 entrées, 300 signatures de la pétition pour la révision du procès, vente de 15 brochures. Le collectif a réalisé un bénéfice de 16 700 francs envoyés à l'avocat de l'accusé. Dans son courrier adressé à Différences, la secrétaire du comité indique que « bien que cela ne soit pas l'activité prioritaire du comité, cette campagne reçoit un écho favorable dans la jeunesse et mérite d'être poursuivie audelà du succès important de cette soirée ». Les maires FN rappelés à l'ordre Les maires de Marignane, Orange et Toulon ont été convoqués devant le bureau exécutif du FN fin octobre. Le30 octobre, Le Pen a tenu à annoncer au cours d'une conférence de presse les dispositions qu'ils devraient prendre en application de la préférence nationale, ce principe discriminatoire à la base du programme du FN qui consiste à réserver aux Français un certain nombre de droits acquis de longue date par tous les résidents. Il s'agirait, pour l'instant et selon les propos tenus par Le Pen, de « supprimer les subventions aux associations quifavorisent l'immigration, véri- CHRONO PO fieront la régularité du séjour des étrangers demandeurs de l'aide sociale, et remettront en cause toutes les subventions aux associations (.), tous les marchés publics (.), tous les emprunts et toutes les cautions ». « Sur le fondement des articles 225.1,225.2 et432.7 du nouveau code pénal, le MRAP, qui avait alerté le 28 août dernier l'ensemble des intermédiaires politiques, économiques et sociaux, administrations chargées de l'aide sociale, enseignants, syndicats, partis politiques, éducateurs sociaux .... , appelle d'urgence à la manifestation d'une réelle volonté pour contrecarrer le programme du FN par l'application, dans leur plus grande fermeté, des lois de la République. Le MRAP tient à la disposition de tous les informations relatives aux lois françaises contre le racisme ainsi que son service juridique pour contrer toute discrimination raciale ». Mortau commissariat Un homme de 26 ans a été tué le 1 cr novembre devant le commissariat de police de Laval. Selon les récits de la presse du lendemain, Djamel Benakka s'était rendu au commissariat ce jour-là en compagnie de son père et de son frère, répondant ainsi à une convocation après son interpellation par des policiers alors qu'il fouillait une voiture. Une enquête a été confiée à l'Inspection générale de la police nationale. Pour le MRAP, « ce drame ne peut être dissocié du climat d'une extrême tension généré notamment par la gestion du plan Vigipirate, par les déclarations guerrières de certains maires contre l'immigration (à Bourges, Grau du Roi, Beaucaire ... ) ainsi que par des projets de lois générateurs de confusions tel que celui du garde des Sceaux. ( ... ) Cet état de fait illustre, si besoin est, l'impérieuse urgence de mesures concrètes, seules susceptibles de restaurer la confiance, le dialogue et la paix sociale, contre l'exclusion et notamment en direction des jeunes en proie à une marginalisation économique et sociale grandissante » Communiqué du 2 novembre. L'assassin de Bousquet Le 8 juin 1993, Christian Didier assassinait René Bousquet. Quelques Steevie Gustave : J1ai réfléchi Une conférence de presse au cours de laquelle on a appris la constitution d'un collectif de soutien à Steevie Gustave dans sa plainte contre le maire de Brétigny-sur-Orge a eu lieu au siège du MRAP le 3 novembre. Dans son livre, Banlieue mon amour, l'ex-secrétaire d'Etat s'était inspiré d'un certain nombre de ses administrés pour en brosser un portrait caricatural. C'est en cédant à plusieurs reprises aux larmes que Steevie a notamment déclaré devant les journalistes présents: « J'ai confiance en la justice de mon pays. Je n'ai pas donné d'accord pour que l'on s'inspire de ma vie pour écrire ... Ce livre a fait de moi un chef de gang alors que je n'ai jamais volé un bonbon de ma vie. A la lecture des passages qui concernent mon père, j'ai pleuré mais après fallait-il que je continue à pleurer tout seul chez moi ou que je fasse quelque chose? Toute ma famille est solidaire parce qu'elle est meurtrie, ma mère en premier lieu. Je n'ai pas l'habitude de demander du soutien aux autres, je me suis fait tout seul. C'est injuste. C'est de la diffamation envers la mémoire d'un mort. Je n'ai pas "âme d'un justicier. Je suis un simple citoyen qui doit gagner ce procès contre cet autre citoyen. Lorsqu'on m'a proposé un million de francs pour retirer ma plainte, j'ai réfléchi car je ne suis pas un héros. Mais j'ai toujours appris que l'argent ne se gagne pas facilement. J'ai refusé. » L'audience s'est déroulée le 7 novembre au tribunal correctionnel de Paris. Jugement le 5 décembre. Chérifa B. Différences n° 169 décembre 1995 l UR MÉMOIRE heures avant son arrestation, cet homme déclarait :« Tous les gens qui ont été victimes de ce type-là comprennent pourquoi je l'ai tué ». Plus de deux ans après, le 6 novembre s'ouvre le procès en assises. Coup d'arrêt aux commandos anti-IVG! Le préfet de police de Paris, Philippe Massoni, a pris une décision importante fin octobre: désormais les manifestations anti-IVG sont interdites à Paris en ces termes : « les manifestations organisées à proximité d'établissements obstétricaux ne doivent pas constituer une entrave à l'interruption volontaire de grossesse ». Ces manifestations, exprime le préfet, « apportent désormais un trouble caractérisé à l'ordre public ». Il signale sans ambiguïté avoir donné «des instructions très fermes et très précises pour faire obstacle à ces rassemblements, les disperser si nécessaire et en interpeller les auteurs, dont j'indique dès à présent qu'ils seront systématiquement traduits en justice ». Un Robert retiré de la vente Un dictionnaire, le Robert des synonymes, pourtant couronné par l'Académie française selon 1 'Humanité, a été retiré de la vente le 10 novembre. Cette décision a été prise par le PDG des dictionnaires Robert à la suite de l'intervention de Jean Kahn, président du CRIF. Les mots incriminés? «Youpin» et « avare» apparaissant comme synonymes « argotiques et injurieux» de juif. Mais aussi« bicot », « crouille» et autres amabilités comme synonymes d'arabe. Il faudra attendre la nouvelle version pour voir comment les concepteurs du dictionnaire résoudront la contradiction entre la nécessité objective de ne pas censurer les réalités historiques de la langue et l'impérieuse nécessité morale de ne pas admettre la banalisation des mots de la xénophobie, du racisme et de l'antisémitisme. Bureau de l'IMADR La réunion annuelle du Bureau de l'IMADR (mouvement international contre toutes les formes de discrimination et de racisme) s'est tenue à New York du 10 au 15 Pour le retrait de la circulaire Veil A l'instar de différentes organisation de défense des droits de l'Homme, le MRAP demande au gouvernement le retrait de la circulaire signée le 27 avril 1995 par Simone Veil en qualité de ministre des Affaires sociales. Cette circulaire adressée aux préfets a pour objet de préciser « les orientation politiques pour les naturalisations et la procédure des dossiers d'acquisition et de perte de la nationalité française ». Les orientations politiques sont claires et sans détour puisque « les demandes d'étrangers qui veulent accéder à des professions réservées aux nationaux et ressortissants de certains Etats européens peuvent être refusées lorsque ces professions sont soumises à un numerus clausus. Un refus peut également être opposé aux candidats qui cherchent à bénéficier d'avantages financiers non contributifs grâce à leur naturalisation ». Sont visées en premier lieu par cette circulaire les demandes émanant de médecins et de chirurgiens dentistes, deux professions réservées aux Français et soumises à numerus clausus. Le MRAP considère que cette disposition, qui s'apparente à un ultimatum, est scandaleuse et injuste au regard du service rendu quotidiennement par ces personnes dans nos hôpitaux. Tout aussi scandaleuse est la seconde disposition, puisque seront considérées avec un préjugé défavorable les demandes émanant d'étrangers handicapés ou âgés, qui pourraient, en tant que Français, bénéficier d'allocations qui leur sont refusées en tant qu'étrangers, telle que l'allocation adulte handicapé. Extrait du communiqué du MRAP du 31 octobre novembre. Le MRAP y était représenté par J acques Chevassus (membre du Bureau directeur de l'IMADR), Jean-Jacques Kirkyacharian et Alain Callès. Il faut rappeler que l'IMADR a été fondé au Japon par des militants de la Ligue de libération des Buraku. Ce mouvement s'efforce d'étendre son action et ses liens à tous les continents. Myriam Schreiber qui a exercé depuis des années la fonction de présidente devient présidente d'honneur. La nouvelle présidente est Nimalka Fernando (Sri Lanka). Un bureau européen a été créé et Jacques Chevassus a été élu vice-président pour la « région Europe ». Terrorisme L'ambassade d'Egypte au Pakistan a fait l'objet d'un attentat à la voiture piégée le 19 novembre. L'explosion a fait 16 morts et une soixantaine de blessés et a été revendiquée par un groupe extrémiste égyptien clandestin. Rencontre à Orange L'association AGORA organise les 24, 25 et 26 novembre une rencontre sur l'extrême droite; plusieurs thèmes sont à l'ordre dujour : la vraie nature du Front national, les raisons et les réseaux d'une implantation, l'extrême droite ici et ailleurs, les ripostes à envisager et la question de la préférence nationale. Eléments d'information recueillis par C. Benabdessadok Différences n° 169 décembre 1995 EN BREF • C'est peut-être la fin du cauchemar en ex-Yougoslavie. Un accord global a été signé le 21 novembre aux Etats-Unis par les parties en conflit. Les 20 et 21 octobre, Marie-Noëlle Bornibus a représenté le MRAP à l'Assemblée européenne des • citoyens qui s'est tenue à Tuzla en Bosnie-Herzégovine. Compte rendu dans notre prochaine édition. • Démantèlement d'un réseau d'immigration clandestine à Marignane. Parmi les personnes arrêtées le 22 novembre deux sous-brigadiers appartenant à la Direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi clandestin. • A un courrier du directeur de Charlie Hebdo demandant à la mairie de Toulon d'assurer la sécurité des journalistes qui se rendent à la fête du Livre le 24 novembre, le directeur de la communication a répondu en ces termes : « La mairie de Toulon n'est pas en charge de la sécurité des ordures, mais seulement de leur ramassage. Voyez préfecture et police nationale ». Le droit et vous TOULOUSE: UNE RELAIE TRÈS ARGU ENTÉE La 5 ... • chambre du tribunal de grande instance de Toulouse a débouté le ministère public dans sa plainte contre une jeune femme de vingt ans qui vivait avec un étranger en situation irrégulière. Le délibéré est clair et argumenté. Extraits. C'EST AU NOM d'une imer· prétation très large des termes de la loi sur l'aide ail séjour irrégulier que le ministère publ ic traîne devant les tribunaux des personnes qui, par amour ou par acte humanitaire, hébergent ou aident des étrangers en situation irrégulière. C'était donc le cas pour Sandra M. qui vivait en concubinage avec un Algerien en situation irrégulière. Sandra était défendue par Maîtres Cohen et Etelin. Les juges ont relaxé la jeune femme dans des termes qui créent un précédent précieux pour les futurs cas du même ordre. Cet argumentaire est également précieux dans la perspeclive d'une reformulalion plus précise du délit visé par la loi. Extraits du délibéré du 30 octobre 1995 : Défini, le délit « Attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, affinné dans l'article 8 de la déclaration des droits de l'hommede 178get inscrite dans l'article 111-3 du Nouveau Code Pénal exigent que les éléments des délits soient définis par la Loi" )}. « Attendu par ailleurs que la généralité des termes semble viser des comportements aussi divers que le passeur, le trafiquant de main-d'oeuvre clandestine ou le financeur d'un réseau terroriste mais pourrait aussi inclure dans une interprétation large, l'organisation humanitaire fournissant nourriture et habits il des étrangers clandestins, l'ecclésiasti que exerçant la charité dans les mêmes conditions, le médecin qui soignerait l'é tranger en séjour irrégulier sans qu'il y ait urgence; }) La dignité de la personne humaine « Attendu que dès lors, face à une imprécision de la loi pénale, iJ convient de l'interpréterà la lueur des principes généraux du droit et des débats parlementaires qui ont précédé le vote de la loi du 28 décembre 1994 modifiant l'article de J'Ordonnance du 02 novembre 1945. Attendu, sur le premier point, que sanctionner toutes les aides aux étrangers en séjour irrégulier conduirait cette population à vivre hors de tout contact humain et affectif; qu'une telle exigence serait contraire au principe de sauvegarde de la dignité humaine récemment affirmée par le Conseil constitutionnelles26 ct 27 juil let 1994 (JO 29 jui llet 1994 ») ; « Attendu en conséquence, que sur la base des principes qui viennent d'être énoncés une interprétation large de l'article 21 est il exclure; qu'elle ne peut viser ni les comportements humanitaires ni les attitudes inspirées uniquement par l'amour et J'affec tion des intéressés; Attendu en second lieu que l'analyse des débats parlementaires consacre cette interprétation du texte; }) La genèse du texte Attendu en effet que lors de la présentation du projet de loi à l'Assemblée nationale, le ministre de J' Intérieur exprimai t sa volonté de réprimer grâce à cc texte: "des agissements qui TClèveraient de l'infi ltration en France d'éléments appartenant à des réseaux islamistes terroristes ou d'espionnage" (J.O.A.N 1 / 12 / 1994); Attendu que cette vision de la fina lité du projet était reprise par le rapporteur de la commission des loi qui précise dans son introduction: " ... Le projet complète le dispositifactuel qui frappe les passeurs et les trafiquants ... " (Assemblée nationale, document rapport commission des lois nO 1783) ; que c'est enfin dans un échange assez vif au Sénat que sera donné un fon dement encore plus restrictif à la Loi: qu'en effet aux interrogations d'un parlementaire sur l'étendue du texte, le sénateur Laurin s'exclamait "Mais c'est uniquement des passeurs qu'i l s'agi t" (JO Sénat 16 novembre 1994) ;que pour conclure sur ce point, le minist re de l'Intérieur, Monsieur Pasqua, s'indignait accusant de "mauvaise foi" ceux qui prétendaient que ce texte fut attentatoire aux libertés; Attendu en l'espèce qu'en accueillant chez elle B. Lotfi, en lui portant secours, Sandra M. ne fa isait que donner une réalité concrète aux sentiments qui la liaient à cet étranger en situation irrégulière; que cette cohabitation était effettive depuis novembre 1994 » .... c.a Différences n° 169 décembre 1995 _Annonce_ formation juridique programme 1996 Pour améliorer sa prestation auprès des adhérents qui souhaitent se familiariser avec les règles du droit au séjour, la permanence juridique du MRAP souhaite recueillir vos suggestions. A ussi, en vue d'élaborer le programme de formation pour l'année à venir, Sophie Pisk et Nina Ventura attendent vos suggestions, vos critiques , vos remarques ; concernant notamment les thèmes juridiques que vous souhaitez voir abordés en priorité. 89. rue Oberkampf 75543 Paris Cedex I l Tél.:43]48353 Tétécopie : 43 1483 50 • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérant bénévole Martial Le Nancq • Rédactrice en chef Cherifa Benabdessadok • Administration - gestion Patricia Jouhannet • Abonnements Isabel Dos Martires ]2(} F pour 11 numéros/an 12 F le numéro • Maquette Cherifa Benabdessadok • Impression Montligeon Tél.:33858000 • Commission paritaire nO 63634 t$SN 0247-9095 Oêpôt légal 1995-12

Notes

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