Différences entre les versions de « Différences n°127 - avril 1992 »
m (Remplacement du texte — « </div> » par « </div>{{Notes de bas de page}} ») |
(Aucune différence)
|
Dernière version du 1 mars 2012 à 10:12
Sommaire du numéro
n°127 avril 1992
- Edito: scrutin raciste contre l'Apartheid par C. Benabdessadok
- Chronologie du mois
- Schengen: la forteresse européenne par Isabelle Avran
- La guerre d'Algérie à travers les manuels d'histoire des classes terminales par Madeleine Guyon, Thérèse Lagoutte et Jacques Pioch
- Comités locaux: multicolore, les mille premières pattes de la chenille
- Antiracisme: le point de vue de P.A. Taguieff recueilli par C. Benabdessadok
Numéro au format PDF
Cliquez sur l'image ci-dessous pour avoir accès au document numérisé. Cliquez ensuite sur l'onglet "précédent" de votre navigateur pour revenir à cette page.
Texte brut
Le texte brut de ce document numérisé a été caché mais il est encore visible dans le code source de cette page. Ce texte ne sert qu'à faire des recherches avec la fonction "rechercher" dans la colonne de gauche. Si une recherche vous a amené sur cette page, nous vous conseillons de vous reporter ci-dessus au document numérisé pour en voir le contenu.
Emro SCRUTIN RACISTE CONTRE L'APARTHEID Nous n'avons pas dansé da ns les rues de nos villes ni dans nos maisons, le 17 mars dernier. Peut-être aurions nous dO le fa ire en laissant notre es poir affréter un charter de joie pour Johannesburg. L' événement du 17 mars é tait étrange et paradoxal: à "issue d'un scrutin parfaitement raci ste, auq uel ne prirent pan que les blancs, deux-tiers d'entre eux déc idaient d'acheminer institutionn ellemenl leur pays ve rs une société non raciale. Malgré la fo rce de noire vieux rendez-vous avec une Afrique du Sud démocratique et non raciale, nous étions partagés entre rire et pleurer. Comme nous ,'avons été lorsque l'année algérienne décidait d'arrêter le processus électoral pour barrer la route au Fln. Aujourd'hui, la " nalion zo uloue" independante de Bulhe lezi semble caduque landis que le dern ier quartefan de racisles blancs se dirige vers la violence neo-nazie ou le banlOustan blanc! Nous n'avons pas dansé dans les rues de nos villes. L'étrange paradoxe d 'un drôle de référendum a bloqué notre enthous iasme. Mais nous avons pris rendez-vous avec les Sud-Africains pour le jour où ils auront 10US le droit de meUre un bulletin dans l'urne de la liberté du choix. Ce jour-la, l'apartheid sera définitivement rayé de la loi. Nous ferons la fête el nous danse rons jusqu'à l'aube. Chérifa 8enabdessadok AVRIL 1992 . N ° 127 . 10 F. e O~ • A vos amis, vos parents, à celui du bout du monde, qui vous manque ou à votre voisin de pallier, envoyez une carte du Mrap. 8 cartes, 4 couleurs, en 4 langues: 100 frs. Merci de votre soutien. CHRONOLOGIE DU MOI S 3 Monsieur Boutros Boutros Ghali, nouveau secrétaire général de l'Onu, affinne dans un rapport officiel que la tenue du référendum prévue en janvier au Sahara occidental est actuellement impossible. 4 Dissolution en Algérie du Front islamique du Salut. Militants et dirigeants du Fis, même "modérés", sont incarcérés dans des camps aux conditions de vie plus que difficiles. Une vague d'attentats meurtriers gagne plusieurs villes du pays. S A Lille, manifestation d'environ 1500 personnes contre l'exclusion, contre l'extrèmedroite, contre le racisme (appel de plusieurs associations dont le Mrap) .. Manifestation identique de près de 1 000 personnes à Poitiers 6 Manifestation contre l'extrème- droite et dépôt de gerbes à la mémoire des victimes du nazisme à l'appel de plusieurs associations dont le Mrap à Rouen. Plus tard, heurts entre groupes de jeunes ne souhaitant pas en rester là et la police. Côte d'Ivoire: plusieurs dirigeants du Parti Ivoirien des Travailleurs et de la Ligue des Droits de 1 'Homme sont arrêtés. Ils avaient protesté contre les promotions données par Houphouet-Boignyaux responsable du massacre de mai 1991. Démission du Président d'Azerbaïdjan, Moutalibov, tandis que se poursuivent les combats, aussi meurtriers de part et d'autre, entre Azéris et Annéniens. 9 Au Burundi, une majorité d'électeurs (il s'agirait de près de 90% des votants) approuve l'instauration du multipartisme. 10 Edouard Chevarnadze, l'ancien ministre des Affaires étrangères de l'Urss, est nommé Président du Conseil d'Etat de Georgie, tandis que se poursuit une guerre civile larvée. MARS 1992 11 Le Président de la République saisit le Conseil constitutionnel à propos de la ratification du traité de Maastricht. Celui-ci prévoit en effet le droit de vote et d'éligibilité, en France, pour les ressortissants de la Cee. Le Mrap, qui a de longue date défendu l'octroi du droit de vote aux étrangers établis régulièrement dans notre pays, s'en félicite mais demande que ce droit ne soit pas limité aux seuls ressortissants de la Cee. Paris décide de lever son embargo sur le charbon en provenance de Prétoria. 12 Réquisitoire très clément de l'avocat général contre le policier ayant tué la petite Malika Moulay, quatorze ans: deux ans avec sursis. Le Mrap et le maire de Noisy-le-sec jugent ce réquisitoire dangereux car susceptible de disculper les bavures policières, et témoin d'une justice à deux vitesses. Tremblement de terre en Turquie, à Erzincan. Plus d'un millier de morts. 13 Violents incidents durant la nuit à Nouméa. Après avoir été interdits d'entrée dans une boîte de nuit, des jeunes mettent le feu à un centre commercial. Ce drame souligne la mal-vie dans les banlieues de Nouméa, dans une île qui attend l'indépendance, où la jeunesse (qui constitue l'écrasante majorité de la population), est massivement confrontée au chômage. Paris propose aux ministres des affaires étrangères des pays de la Csce, qui doivent se rencontrer à Helsinki, de préparer la tenue d'une conférence internationale pour une solution politique au conflit du Nagorny-Karabakh. 14 Une cinquantaine de militants d' extrème-droite s'attaquent à Chartres à des manifestants anti-racistes et en blessent certains (militants du Mrap ... ) ainsi qu 'un photographe de presse. Deux des attaquants d'extrème-droite ont été placés en garde à vuepour détention d'annes puis relâchés. 2 IS Le Forum Démocratique du Soudan signale les attaques dont sont victimes les populations civiles de Pochala, de la part du gouvernement soudanais. La junte islamiste, qui a pris le pouvoir lors du coup d'Etat militaire du 31 juin 1989, avait interrompu le processus démocratique et le processus de paix avec l'année du sud alors en lutte contre l'islamisation forcée des populations majoritairement chrétiennes et animistes. Pour la première fois, en ce début du mois de mars, la junte d'ElBéchir a fait appel à l'aide logistique de l'Iran, de l'Ethiopie et de la Libye, internationalisant de facto le conflit à l'occasion de ce massacre. Par ailleurs, environ 100000 Soudanais, Ethiopiens et Somaliens, fuyant la guerre civile et la famine en Somalie, tentent de gagner le nord du Kenya où la situation des camps de réfugiés est déjà dramatique. 16 Manifestation anti-raciste à Marseille. L'armée du sud Liban, année auxilliaire d'Israël, est accusée d'utiliser de véritables boucliers humains lors de ses opérations. 17 Le tribunal correctionnel d'Agen condamne à plusieurs mois de prison fenne quatre agresseurs d'un jeune adolescent d'origine maghrébine. Plusieurs manifestants parviennent à empêcher la tenue d'une conférence de presse du révisionniste Faurisson à Stokholm. Mais le directeur de Radio-Islam de la capitale, lui aussi négateur des crimes nazis, qui était à ses côtés, n'est autre que Ahmed Rami, l'auteur de la préface du livre par ailleurs fort instructif de Moumen Diouri A qui appartient le Maroc , publié chez L' Harmattan (à suivre). En Afrique du sud, les blancs, qui étaient seuls appelés à participer au référendum, approuvent à une très large majorité (85%) la politique de réfonnes entreprise par De Klerk. "Seuil' exercice du suffrage universel rendra le processus irréversible", rappelle Nelson Mandela qui demande que les sanctions internationales contre l'Apartheid ne soient pas levées tant que les noirs n'auront pas enfin le droit de vote. En Argentine, un attentat contre l'ambassade d'Israël fait au-moins 21 morts et 223 blessés (et dix disparus). Dans un communiqué, le Mrap se déclare horrifié et affinne: "Quels qu'en soit les auteurs et quelle que soit la cause que les criminels prétendraient avoir servie, cet attentat meurtrier porte un nouveau coup au processus de paix mis difficilement en mouvement. (. . .)". 60 000 personnes manifestent à Buenos-Aires pour protester contre cet attentat. 18 Manifestation anti-raciste à Paris à l'appel de 40 associations dont le Mrap, contre le FN et pour l'égalité des droits. Mais, alors que des petits groupes, étrangers à la manifestation, provoquent des incidents et s'en prennent aussi à des journalistes, des Crs, eux, s'attaquent place de la Bastille au service d'ordre des organisateurs et à une camionnette sono. Cinq militants sont blessés et doivent recevoir des soins. Le collectif des organisateurs exige des explications et demande à rencontrer le Préfet de police. Mort de deux Palestiniens, tués par l'année israélienne en Cisjordanie. De nouvelles violences au Pendjab font de très nombreuses victimes dans la population civile. 19 Un jeune étudiant, Gaël Peltier, manifestant contre un rassemblement électoral du FN, à Bagnols-sur-Cèze, est blessé par balles au poignet et dans la région du coeur. Le coupable présumé avoue quelques jours plus tard: il s'agit d'un enseignant membre du FN. Nouveaux attentats meurtriers à la voiture piègée dans la région de Barcelone. Paris, Londres et Washington présentent au Conseil de sécurité de l'Onu un projet de résolution pour un embargo aérien à l'encontre de la Libye, soupçonnée d'être impliquée dans les attentats contre un avion de la Pan-Am au-dessus de Lockerbie, en Ecosse, en 1988 et un autre d'Uta au-dessus du Niger, en 1989. Les trois pays mettent en garde leurs ressortissants qui voudraient se rendre ou demeurer en Libye. 20 Aaron Katz, Président du comité Ethel et Julius Rosenberg aux Etats-Unis donne une conférence de presse au siège du Mrap. Il rappelle l'ensemble des irrégularités du procès, l'ambigüité d'une accusation infondée, le chantage à l'encontre de Julius Rosenberg et demande la réhabilitation du couple. A l'initiative de l'Iran, un cessez- le-feu est conclu au Nagorny-Karabakh. Une semaine de négociations est prévue. Sur place: Mahmud Vaezi, ministre des affaires étrangères d'Iran er Cyrus Vance, représentant de l'Onu. Ouverture à Kiev du quatrième sommet de la Communauté des Etats indépendants. Au programme: le contrôle de l'arsenal nucléaire hérité de ces républiques de l'ex-Urss. 21 Journée internationale contre le racisme, qui commémore les massacres de Sharpeville, en Afrique du sud. Fête interculturelle à Nevers et dans plusieurs villes. A Toulouse, exposition sur les Indiens d4Amlérique à la bibliothèque par le comité local. Manifestation de 50 000 personnes contre le racisme à Amsterdam. Réunis à Helsinki, les ministres des affaires étrangères de la Csce décident de convoquer une conférence internationale pour un règlement politique de la question du Karabakh. En république autonome de Tatarie, une majorité de Tatars se prononcent pour l'indépendance. Nouvel an kurde. Les séparatistes du Pkk victimes d'une lourde répression en Turquie. Les troupes turques tentent de regagner le contrôle de l'Anatolie du sud-est. L'Allemagne décide de suspendre ses livraisons d'annes à la Turquie si elles ont ainsi utilisées. Le Mrap demande l'arrêt de la répression, la levée de l'état d'exception et un processus de consulation démocratique des populations concernées. Mort de 9 Africains dans les ghettos d'Afrique du sud. Saul Tstotetsi, responsable de l'Anc et du Pc sud-africain est tué dans des conditions nonexpliquées. 22 En France, premier tour des élections cantonales, et élections régionales. Le Fn atteint près de quatorze pourcents des voix, soit plus de 4% de plus qu'en 1986, nettement moins que ce qu'il espérait, mais encore beaucoup trop, dans toute la France. 23 Inculpation du meurtrier du jeune Larbi Kadda, tué à Saint-Symphorien pour avoir été soupçonné du vol d'un auto-radio. 24 En Tunisie, où l'on compte plusieurs milliers de prisonniers politiques, l'Asssemblée nationale vote à l'unanimité une loi qui entrave l'activité des associations. Il ne s'agit pas seulement d'une lutte du pouvoir contre les intégristes islamistes. La loi oblige les associations à accepter toutes les demandes d'adhésions, quelles qu'elles soient. La loi vise en premier lieu la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, qui du coup peut craindre un "noyautage" massif par le pouvoir ou risque de fait la dissolution si elle refuse. La Ltdh s'était faite remarquer dans la période très récente par ses critiques de la politique du pouvoir dans sa lutte contre les islamistes. Sa dissolution serait grave pour tout le Maghreb. La Ltdh lance des appels à toutes les forces démocratiques pour qu'elles interviennent auprès du gouvernement tunisien. Fuite de gaz radio-actifs de la centrale nucléaire de 3 CHRONOLOGIE DU Mo 1 S Sosnovy Bar, dans la région de Saint-Petersbourg. 2S L'Etat français est condamné à la suite d'une action du Gisti par le Tribunal de grande instance de Paris pour avoir "gravement porté atteinte à la liberté" de demandeurs d'asile en les retenant plusieurs jours dans les zones internationales de l'aéroport de Roissy et dans un hôtel. C'est une confinnation de l'illégalité des zones de transit que voulait instituer Marchand et que le Conseil constitutionnel a déclarées non constitutionnelles le 25 février dernier. Le gouvernement de Bamako et les Touaregs signent à Alger un projet de pacte national. Retour sur terre du cosmonaute Sergueï KRIKAL YOV. 26 En Palestine occupée, Fayçal Husseini dénoce les "assassinats de sang froid" de l'année israélienne qui ont coûté la vie à dix-huit Palestiniens depuis le 9 décembre. Selon un rapport d'Africa watch, les combats qui frappent la Somalie ont fait 14000 lJlorts et 27 000 blessés en cinq mois. 27 Elections en France de la plupart des Présidents de conseils régionaux. Deux ministres sont soupçonnés d'être élus avec les voix du Fn: Jean-marie Raush en Lorraine et Jean-Pierre Soisson en Bourgogne. JeanMarie Raush démissionne d'une Présidence acquise dans ces conditions, contrairement à Soisson qui en revanche quitte le gouvernement. Les élus de Franche-Comté, quant à eux, refusent de se placer sous la présidence du doyen d'âge, élu d'extrème-droite. Ils ne participent donc pas à la réunion de l'Assemblée nouvellement élue, reportée faute du quorum. Ils manifestent en revanche avec plusieurs milliers de citoyens en mémoire des victimes du nazisme. Voici cinquante ans partait pour Auschwitz le premier convoi de juifs de France, français ou non, livrés par le régime de Vichy aux nazis. 28 Quatre ans déjà: notre amie Dulcie September, représentante de l' Anc en France était assassinée rue des petites écuries à Paris par l'Apartheid. 29 2ème tour des élections cantonales. Arrestation dans les Pyrénées atalantiques de trois dirigeants historiques de l'Eta militaire. Proclamation de l'Etat d'urgence dans toute la république de Moldavie. Affrontements dans toutes les régions où se manifestent des séparatismes, qu'ils soient russes, gagaouzes ... 30 Publication du rapport annuel de la commission consultative des droits de l'homme. Il fait état d'une progression inquiétante de "la xénophobie de masse". 41 % des personnes sondées se déclarent plutôt ou un peu racistes (42% l'an passé), avec 49% contre les Maghrébins (42% en octobre) et 40% contre les Beurs. 70% considèrent qu'il y aurait trop d'Ararbes en France, 62% refusent les imigrés des pays de l'est. Mais 32% considèrent le racisme comme une menace importante et, assez paradoxalement, 52% se déclarent favorables à "une lutte rigoureuse contre le racisme". Au Cambodge, début du retour des 370 000 rééfugiés de Thaïlande. Chronologie réalisée par I.A. 'est le 14 juin 1985 que la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Rfa, le Luxembourg ont signé à Schengen (Luxembourg) un accord pour une Europe sans frontières intérieures. Un accord censé instituer "un laboratoire" pour l'Europe de 1993. Ce n'est que le 19 juin 1990 que les cinq ont signé la Convention d'application de ces accordsratifiée depuis par les Parlements nationaux et déclarée conforme à la Constitution française par le Conseil constitutionnel saisi en juin dernier. Depuis, de l'Italie à l'Espagne en passant par le PortugaL .. l'Europe de Schengen s'agrandit. Victoire de la fraternité qui confère aux femmes et aux hommes la liberté de circuler, qui fait de toutes et de tous des citoyennes et citoyens d'ensembles toujours plus vastes où chacun devient responsable jusqu'à devenir vraiment citoyen solidaire du monde? Hélas, ce n'est pas si simple. L'Europe élargit ses frontières et, à l'aube du XXIème siècle, comment ne pas s'en réjouir et être tenté de crier "enfin"? Mais, en s'élargissant, paradoxalement, elle se barricade, installe à ses frontières extérieures des verrous solides, dont Elsa MONDE SCHENGEN LA FORTERESSE EUROPEENNE Triolet disait déjà, dans Le Cheval roux, qu'ils sont vraisemblablement la pire des inventions des hommes, signe de leur incapacité à installer entre eux des rapports de confiance, des rapports d'humanité. • / / / San~ débat /'// publIC C'est dans la nuit du 27 au 28 juin dernier que les sénateurs ont adopté le projet de loi autorisant l'application des accords de Schengen par 227 voix, contre 78 (16 communistes, 29 RPR, 31 républicains et indépendants). L'Assemblée nationale l'avait voté le 3 juin par 395 voix pour et 61 contre. Le moins que l'on puisse dire, c'est quer l'adoption de ces textes n'a pas suscité dans l'opinion un intense débat préalable. Tandis que l'on évoque l'élargissement des prérogatives citoyennes en Europe, les citoyens ont été peu informés du processus qui se met en place, et n'ont guère donné leur opinion au cours d'un débat démocratique qui n' a tout simplement pas eu lieu. Quant à nos députés, il s'agissait pour eux de voter le texte en bloc ou de le récuser pareillement. Aussi comprend-on mieux des oppositions convergentes d'élus de partis qui, a priori, défendent des thèses quelque peu différentes, en 4 matière d'immigration notamment. Ainsi, Michel Poniatowski s'est-il opposé à la suppression des frontières intérieures en Europe (limitées d'ailleurs à l'Europe occidentale), évoquant le "laxisme" d'une France "faible", tandis que Valéry Giscard d'Estaing surenchérissait en parlant de "zone molle où la France, pompe aspirante de la pauvreté, sera le maillon le plus faible". Peur d'une "invasion" de la France par les pauvres d'Europe? Côté communiste, où se manifeste un débat sur le respect de la souveraineté nationale, ce sont bien davantage les restrictions apportées à la liberté des non-Européens qui ont suscité des remous ... En effet, là se situent les enjeux de Schengen. Les différents Etats membres européens acceptent de sacrifier une partie de leur souveraineté nationale. Les citoyens des différents Etats européens concernés deviennent citoyens de l'espace Schengen. Un pas considérable ! Mais une vigilance accrue s'exercera à l'encontre de tous les ressortissants d'Etats étrangers à l'espace Schengen. Et là est bien tout le problème ... Il nous oblige naturellement à une réflexion multiple, sur la citoyenneté, sur les rapports entre développement, flux migratoires, libre circulation des individus, droits des individus, qUI par ailleurs apportent des richesses aux pays où ils vivent, où ils travaillent ... sur la façon dont "l'Autre", "l'Etranger", est perçue par une partie de l'opir1ion européenne, de plus en plus tentée par des replis identitaires, faute de perspective émancipatrice, et confortée dans ses certitudes et ses fantasmes, dans ses peurs, par une législation de type sécuritaire. Quelle Europe se construit aujourd'hui? Quel "Espace Schengen", quelles frontières et quelles limites, comment cet espace pour l'instant encore occidental construit-il son rapport au monde? • ///.L'ill~s~on //' / ldenfltalre L'Europe de l'ouest, qui se réveille saisie d'écoeurement et parfois d'une impression d'impuissance aux lendemains d'élections où l'extrème-droite réalise des scores inquiétants, regarde l'autre moitié de l'Europe, celle de l'est, avec angoisse, car des crises ou des explosions sociales, économiques, politiques, des quêtes de perspectives et de références se transforment SI rapidement en conflits nationalistes. Mais n'est-ce pas un phénomène quelque peu semblable qui se développe à l'ouest, une quête illusoire et suicidaire de refuge lui aussi typiquement national, à la seule différence près que le contour du national a eu le temps de s'élargir au cours des siècles, car les nations-Etats se sont construites tout simplement plus tôt? Suicidaire pas seulement moralement car faisant fi de la fraternité humaine, mais aussi en termes de perspectives de développement, économiques et cuturelles, au moment où les interdépendances, de plus en plus, deviennent indispensables, deviennent le mode de fonctionnement de toute la planète. Inter-dépendances économiques. Besoins de coopérations. Pour la sécurité des humains. Pour la sécurité écologique. Comment dès lors imaginer progresser en abolissant les frontières intérieures ... pour en construire d'autres en béton autour d'un miniespace? Faux procès? Regardons les textes d'un peu plus près. Schengen supprime effectivement, notamment, les frontières intérieures, et c'est tant mieux, quel que soit l'ensemble des intentions du Législateur, qui prévoit à ce sujet "un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises (tiens, c'est curieux, elles viennent avant les personnes, Ndlr), des personnes (libre circulation, mais aussi mobilité de l'emploi? Ndlr) des services et des capitaux (ah, tout de même, Ndlr) est assurée". Mais 12 articles sur 142 sont relatifs au droit d'asile. Pour mieux respecter les Conventions de Genève concernant les réfugiés et élaborées en pleine guerre froide? Au contraire! Fi de Genève ... Voici le bataillon des mesures restrictives et répressives qui codifient à la baisse le droit d'asile. Même si l'on parle encore ... de Droit. Ainsi, tout demandeur d'asile ne pourra effectuer sa demande que dans un seul des Etats de Schengen (qui peut lui interdire l'accès sur son sol). Si celui-ci refuse, c'est terminé. Retour à l'errance, ou à la case départ, station répression ou guerre éventuellement au rendez-vous. • / / / Logique //' / sécuritaire et chasse au faciès L'entrée sur le sol européen est soumise à conditions et, pour les ressortissants d'une longue liste commune de plus de 100 pays -principalement du sud ou de l'est, ce nouveau sud-, nécessite un visa. Les compagnies aériennes qui laisseraient voyager sans visa ces étrangers, devront payer des amendes. C'est déjà le cas en Grande-Bretagne, où la 5 MONDE taxe est de 1 000 livres par passager non désirable. La France aujourd'hui se cache derrière Schengen pour faire valider ce type de dispositions. Elle oublie de préciser qu'elle est promotrice de ces accords ... Quant à la circulation des "étrangers", à l'intérieur de "l'Espace Schengen", elle est, elle aussi, soumise à contrôle strict. De quelle façon? Au faciès? Belle humiliation prévue pour nos hôtes étrangers. Belle confirmation pour tous ceux qui considèrent ces "étrangers" non comme des partenaires mais comme ... autant de dangers potentiels. Cette logique sécuritaire prévoit même la mise en place d'un système de fichiers informatisés commun, le Sis, "Système d'Information Schengen". On n'est pas très loin des mesures envisagées à la fin des années 70 et dans les années 80, lors des grandes peurs du terrorisme international. Quelles garanties pour les libertés individuelles ? Les accords prévoient seulement que tous les Etats devront mettre en place un organisme équivalent à la Commission nationale Informatique et Liberté qui existe actuellement en France? Selon le Haut Commissariat aux réfugiés, ce sont près de vingt millions d'individus dans le monde qui sont condamnés au sinistre sort de réfugiés. L'Europe n'en accueille à peine que 5%. • /// Réfugiés /'// dumonde Les autres bénéficient parfois, ponctuellement, lorsque la situation politique le favorise, du "droit" ou "devoir d'ingérence" ou d'une "aide humanitaire", avant qu'on les oublie de nouveau. De toutes façons, ils sont loin, dans leurs camps de fortune. Ils ne dérangent pas. Même s'ils meurent en masse, écrasés par la famine, le manque d'eau, de médicaments, soumis aux guerres menées par les régimes au pouvoir dans leurs pays ou au popids des intérêts considérables des dettes qui viennent grossir les porte-feuilles de banques occidentales. En Europe, on voudrait qu'ils fassent peur. La peur du Tiers-monde, qui succède à celle de l'est (au grand bénéfice des florissantes industries d'armement), la peur des intégrismes qui fleurissent sur ce terreau de misère et de non-développement, ne permettent-elles pas de faire oublier à l'Europe son propre intégrisme, aux allures ... plus légales? Isabelle Avran. TRENTRE ANS APRÈS TRENTRE ANS APRÈS 1 LA G VERRE D' ALG ERIE A TRAVERS LES MANUELS D'HISTOIRE DES CLASSES DE TERMINALES Depuis 7 ans, le programme d'histoire des classes de terminales du Baccalauréat d'Enseignement Général des lycées (séries A,B,C,D) aborde les problèmes du monde actuel tel qu'il s'est construit après la 2,m, guerre mondiale. Parmi les thèmes étudiés, celui de la colonisation et de l'émergence du tiers monde a sa place dans la partie du programme: la construction du monde contemporain. Les sept manuels que nous avons analysés : Belin, Bordas, Bréal, Hachette, Hatier, Istra et Nathan traitent de cette période et en particulier des deux guerres coloniales que la France a menées: la guerre d'Indochine et la guerre d'Algérie. Cette dernière est étudiée ici (pas toujours) mais aussi dans la troisième partie du programme relative à l'histoire intérieure de la France depuis 1945. A l'occasion du trentième anniversaire de la fin de cette guerre, au moment où celle-ci est reconnue comme telle, nous avons donc essayé de faire une étude comparative de la place que lui accordent les manuels à l'usage des élèves de terminale. Tous traitent de cette période controversée de notre histoire. Elle a marqué une génération de Français et d'Algériens. Ce travail n'a pas la prétention d'être exhaustif, mais de dégager quelques éléments de réflexion sur la place et l'approche qu'ils réservent à l'événement. Cellesci peuvent soulever un certain nombre d'interrogations quant à la précision de l'étude, la rigueur et l'objectivité de l'interprétation. Vous dites une guerre coloniale? La part accordée à la guerre d'Algérie est très différente d'un manuel à l'autre. Tout d'abord, on peut se poser la question de savoir si cette guerre est reconnue pour ce qu'elle est par tous les auteurs de manuels : la guerle d'Algérie est-elle une guerre coloniale ? Aujourd'hui, la question peut paraitre saugrenue et pourtant trois manuels sur sept (Bordas, Hatier, Istra) ne la traitent pas dans le ou les chapîtres réservés à la décolonisation, mais dans ceux réservés a l'histoire intérieure de la IV' République dont elle contribue à la fin et à celle de la V' dont elle provoque la naissance; elle n'est donc vue que par rapport à l'incidence qu'elle a dans l'histoire francaise. Par exemple, Istra (p 79) justifie sa position par cette phrase savoureuse: "vu son importance dans la politique française, le problème algérien est étudié dans la 3'm' partie". Bordas n'y consacre pratiquement rien: 5 lignes p 74 pour parler du raidissement du nationalisme et de sa division. Il ne fait pas état de la manifestation et des émeutes réprimées de Sétif. Ensuite vient une phrase sans plus de précision après avoir évoqué l'indépendance de la Tunisie et du Maroc: "c'est 1 'heure, où, en Algérie la guerre s'intensifie"! puis des rappels à 1 ' histoire intérieure française à propos des "transformations ... en Afrique du Nord". Quant-à Hatier, il traite sur une même page (p 207) de : "la fin de la guerre d'Algérie et de l'évolution des Institutions" : un petit paragraphe relatant la fin de la guerre, un paragraphe et des documents graphiques (résultats d'élections) sur la mise en place des nouvelles institutions! Drôle d'idée! Les auteurs de ces manuels reprennent-ils à leur compte ce 6 qui fut longtemps la position des autorités françaises : nier la réalité de la guerre et faire état "d'opérations de maintien de l'ordre"? Est-ce bien objectif? Cette position est-elle encore tenable aux yeux d'un historien et de l'opinion publique? C'est pourquoi aussi dans Bréal, on parle de "guerre" d'Algérie: pourquoi ces guillemets, n'est-ce pas une vraie guerre? Ce "maintien de l 'ordre" a quand même coûté cher en vies humaines, très cher même! Il nous parait difficilement justifiable de n'aborder la guerre d'Algérie, guerre coloniale, que dans son rapport à l'évolution politique française. • / / / Guerre, guerre //' / coloniale, vie politique française? Dans les quatre manuels (Belin, Bréal, Hachette, Nathan) qui traitent la guerre d'Algérie dans le chapître sur la décolonisation, la place accordée est très variable. Tous reviennent parfois longuement sur les conséquences dans la vie politique francaise. C'est sans doute Belin qui lui donne la place la plus étendue: .deux pages et demies analysent les forces en présence après 1945, la marche à l'indépendance. Ce texte est en outre complété par des documents : portrait de A. Ben Bella, une carte et une photo : une manifestation pour la "République Algérienne". Un dossier intitulé "vers l'indépendance algérienne" est un recueil de textes variés, parfois originaux ; bien choisis pour donner une vue objective des positions des protagonistes. • dans la partie sur la France, la guerre d'Algérie est abordée en relation avec l 'évolution intérieure française. Un paragraphe sur le "cancer algérien" de la IV' République est centré sur les évènements de mai 1958 et deux documents: le 13 mai à Alger et la manifestation du 28 mai à Paris. Suit un dossier de deux pages très complet avec des textes importants et très forts tirés des livres de Vidal-N aq uet : "La torture dans la IV' République" où l'auteur reprend les propos du Général Massu pour justifier l'usage de la torture et celui d'Henri Alleg : "La Question" où cette fois l'auteur raconte comment il fut soumis luimême à la torture par des officiers français s'identifiant euxmêmes à la gestapo. Seul le manuel Hachette reprend un texte sur la torture pour expliquer la révolte des anciens résistants et des intellectuels devant cette même torture : il s'agit de la lettre de démission de P. Teitgen, secrétaire de la Police à Alger. Dans le chapître consacré à la V, République, le manuel Belin consacre une demi-page de texte mais aussi deux dossiers (quatre pages) reprenant des extraits de discours et de conférences de presse du Général De Gaulle, des textes sur 1 'Oas, le Putsch, la Conférence de Presse de F. Jeanson sur les porteurs de valises, Charonne, l'exode des Pieds Noirs. Voilà un ensemble solide, qui se veut exhaustif et objectif. Nathan intègre la guerre d'Algérie à l'étude de la décolonisation et reprend la question dans l'histoire intérieure française. Le texte est concis mais en y regardant bien, chaque mot est pesé et sous-tend une idée. S'il n'y a que quatre lignes sur les événements de Sétif en 1945, l'essentiel est dit. Moins d'une page de texte et une page de documents sur le nationalisme algérien, on insiste peu sur les péripéties de la guerre. J Il 1 Texte et documents sont très allusifs et demandent à être coordonnés et exploités systématiquement en cours. On ne se veut pas exhaustif. Le manuel est la base de départ, l'instrument de travail du professeur et des élèves, n'est-ce pas sa finalité même? • /// Vous avez dit /'// Charonne? Pour apprécier comment la guerre a été traitée, nous avons retenu quelques événements significatifs
- nous avons recherché
s'ils figuraient dans les manuels et comment ils avaient été exploités . Voici quelques exemples: • Les origines du conflit: la plupart des manuels ne font pas un tableau très précis de la situation sociale, économique et politique de l'Algérie après la guerre. Seuls Nathan et Hachette fournissent des données chiffrées. Tous montrent cependant que la société de la colonie est fondamentalement inégalitaire et que le "lobby" colonial refuse de voir changer cette situation. • L'arrestation de A. Ben Bella et des autres leaders du Fln est mentionnée dans Belin, Istra, Nathan, mais n'est jamais présentée comme une violation du droit international, un acte de piraterie aérienne couvert par l'Etat Français, un casus belli vis-à-vis de l'Etat Marocain. De même si les mêmes manuels mentionnent le bombardement de Sakhiet Sidi Youssef, il est présenté comme celui d ' une base du Fln en Tunisie. On ne dit nulle part que cette "base" était un camp de réfugiés algériens et un village tunisien. Seul Istra dans le bilan fait état d'enfants parmi les victimes. La mnifestation du 17 Octobre 1961 et sa répression sauvage n'est connue que de Nathan, par contre, celle du métro Charonne, le 8 Février 1962 qui concernait des manifestants métropolitains contre la guerre à la veille de la signature des accords d'Evian se trouve dans Belin (texte + photo), Nathan (caractères gras), Hachette (deux lignes), Istra (un paragraphe en petits caractères). Enfin, le bilan de la guerre est souvent faible. Là où la guerre n'a pas été étudiée pour elle-même, il n'y a pas de bilan. Toutefois, Hachette consacre un dossier sur la fm de la guerre (c'est différent) et présente un tableau : "le coût humain de la guerre d'Algérie", mais curieux tableau où ne semblent avoir d'existence que les morts, blessés et disparus français d'origine européenne ou métropolitaine, les autres sont "estimés"! L'estimation algérienne est présentée en note sans aucune précision, à la sauvette! Bordas, quantà lui donne les deux estimations du nombre des victimes de façon claire. Rien ou presque sur les conséquences sociales et économiques de la guerre en Algérie sur ses séquelles sur les mentalités : sur les appelés par exemple, si le retour des Pieds Noirs est généralement signalé, seul Nathan connaît les Harkis et le massacre de ceux qui sont restés en Algérie (10000 au moins). • / / / Objectivité? //' / Subjectivité? Ceci pose bien sûr le problème de l'objectivité, tout est important
- le vocabulaire, les titres, la
typographie. • Pour qualifier l'événement, la plupart des manuels parlent de la guerre d'Algérie, seul Belin dit: c'est la guerre en Algérie. L'idée de guerre d'indépendance est alors masquée (on ne 7 parle jamais de guerre en Indochine ou au Vietnam). • Bréal met des guillemets à "guerre" : Pourquoi? Trente ans après la fin de cette guerre, il serait temps de songer à les enlever comme si elle n'était pas une guerre avec tout ce que cette idée comporte ! • Belin et Nathan parlent de "Cancer algérien" avec ou sans guillemets. Terme ambigu qui se rapporte explicitement à la fin de la IV' République, mais à quel non-dit, quels fantasmes ce terme de Cancer fait-il appel? De même on peut se poser la même question pour Bréal qui parle de "cas" algérien. La guerre est toujours analysée d'un point de vue français et le point de vue algérien n 'es t jamais pris en compte surtout chez ceux qui ne traitent le problème que sous l'angle de la politique française. Hatier qui traite les origines et les débuts de la guerre d'Algérie sous la forme d'un devoir semble vouloir légitimer cette politique. A propos de l'insurrection de 54, le plan propose une sous-partie : "les réactions françaises sont en rapport avec ces réalités ... " ... sous-entendu: il n'y a donc pas d'autres alternatives à la politique du gouvernement de l'époque. • Bordas renvoie dos-à-dos les deux camps, les atrocités des uns, on précise que "c 'est le Fln qui l'a voulu" excusant en quelque sorte les atrocités des autres et les pires exactions au sein d'un état de droit. • Bréal présente une vue très "aseptisée" de cette guerre, si on parle de l'exécution de deux soldats prisonniers, il n' y a pas un mot sur la torture, les "ratonnades" et autres "bavures" de l 'armée, de la police, sur la lutte des opposants à la guerre en France. Nathan et Belin, dans une moindre part Hachette, cherchent à être complets et objectifs et ce sont ceux qui y réussissent le mieux. Belin est un bon outil de travail pour un élève qui travaille seul ou cherche a se faire sa propre opinion, Nathan est une bonne plateforme de travail en cours. Des réformes de programmes sont annoncées. De nombreux manuels vont voir le jour. Il faut désormais qu'ils traitent les aspects jusque là négligés ou absents: • la position des appelés, leurs problèmes, .l'action des opposants parfois mentionnée, jamais développée, toujours simplifiée .. Cette guerre doit aussi être présentée comme une guerre coloniale, c'est à dire comme la guerre de libération d'un peuple, parce que c'est la réalité historique. Une guerre déclenchée dans un pays où de fait deux sociétés inégalitaires avaient été mises en place, où se développaient deux projets separés, et non comme un avatar de la vie politique francaise. Cette "guerre sans nom", longtemps niée, a bien une réalité et un nom, son lourd bilan est là pour nous les rappeler. Trente ans après, il est temps de reconnaître son existence et que les jeunes puissent prendre en compte le point de vue des deux parties. Maleleine Guyon Thérèse Lagoutte Jacques Pioch Proresseurs d' Histoire-Géographie COMMISSIONS COMITÉS LocAux COMITÉS LOCAUX MULTICOLORE LES TSIGANES ENFIN À PART ENTIERE ! Le Mrap se réjouit de la création -depuis longtemps attendued'une Commission Nationale Consultative pour les Gens du Voyage au plus haut niveau. Les Tsiganes et Gens du Voyage -premiers acteurs de la défense de leurs droits et de leur promotion sociale- y seront par leurs responsables d'associations les interlocuteurs privilégiés des Pouvoirs Publics. Toutefois, il est permis peut-être de regretter que d'autres organisations ne soient pas partie prenante au moins à titre consultatif. En effet, un travail sur les mentalités contre les rejets et préjugés séculaires est indispensable. Ce travail, les 1 LES MILLE PREMIERES PATTES DE LA CHENILLE. Pouvoirs Publics et les Tsiganes eux-memes ne peuvent le mener seuls. Il faut que tous ceux qui luttent pour les droits de l'Homme et le respect des minorités culturelles se sentent concernés et mobilisés. Il faut aussi convaincre l'opinion que le mode de vie des Gens du Voyage n'est pas incompatible avec la protection de notre environnement. Le Mrap, pour sa part, avec sa Commission spécialisée et surtout avec ses comités de base, est décidé à poursuivre en concertation à tous les niveaux son action persévérante pour la fraternité. Communiqué du 24 mars 92 AURE Numéro spécial de la revue Monde Gitan sur "lesTziganes". Au sommaire: histoire, culture, sociologie, législation, stationnement, vie quotidienne, musique, religion, bibliographie. Prix : 60 frs plus 15 frs de frais de port. 5, rue d'Estienne d'Orves 93000 Pantin tél. : 45.44.39.07 Les Protocoles des sages de sions. En remontant aux sources politiques du plus célèbre faux de la littérature anti-juive, P.A. Taguieff et ses collaborateurs ont élaboré un travail essentiel de déconstruction des métamorphoses de l'anti-sémitisme contemporain. On sort del'apitoiement sur la victime pour saisir le sens des politiques machiavéliques. Dommage que lapartie sur le rôle des "protocoles" dans l'antisémitisme arabe ait été traité de manière parfois inutilement polémique, voire légère du point de vue de la méthode. Un ouvrage synthèse à mettre dans les bibliothèques. Ed. Berg-International, coll. faits et représentations, 1992. 490F. Metz, Thionville et Saint-Avold, à l'initiative du Mrap, le chantier est déjà ouvert
- les enfants préparent
la grande fête de l'été. Avec les instits et les associations, ils cousent, assemblent des morceaux de tissu de toutes les couleurs d'un patchwork géant en forme de chemise. En juin, les trois chenilles sortiront de nouveau 8 dans les rues des trois villes, sillonnant sous les regards des passants, qui commencent avec les années à s 'habituer à son passage, signe de toutes les couleurs qui animent la région, des diverses communautés qui la composent. e/// Une /'// tradition de fête Voici plusieurs années, que l'un après l'autre, les comités locaux du département organisent toute la préparation de ces chenilles multicolores. L'antiracisme? Ce ne sont pas que des slogans, c'est à la fois la lutte et la fête. eg/:;ec enseignants La lutte, ces comités la connaissent. Ils savent se mobiliser avec efficacité pour défendre le Droi t d'asile, pour l'obtention de permis de séjour, de déboutés, contre la venue de l'extrême- Droite. Voici longtemps que les militants du Mrap travaillent avec les différentes communautés de la région issues de l'immigration, plus ou moins anciennes, plus ou moins organisées elles-mêmes, notamment du Maghreb, de Turquie. La région, qui subit de plein fouet aujourd'hui le chômage, avait fait appel à cette immigration dans les périodes de grand besoin de maIn d' oeuvre. Mais les militants du Mrap considèrent aussi que la lutte antiraciste passe par la connaissance de l'autre, pourquoi pas dans le cadre d'une grande fête inter-culturelle ? C'est tout l'intérêt de cette chenille, symbole de l'amitié, de la tolérance, de la fraternité. Ce sont les enfants des écoles qui, s'ils le veulent, construisent ces chenilles géantes. Le Mrap se tient, avec l'accord ou l'appui de l'inspection d' Académie, à la disposition des écoles, des enseignants, qui n 'hesitent pas à faire appel à lui. Dossiers, expositions, films, contribuent à enrichir toute la phase de préparation de cette chenille, pour laquelle plusieurs centaines d'enfants sont déjà inscrits. Fête des enfants, le passage de la chenille est aussi l'occasion de multiples animations. Clowns, conteurs, graphistes, musiciens ... tous se mobilisent pour ensoleiller un peu plus cette journée particulière. e /// Musique //' / et culture Mais il ne s'agit pas de n'importe quelle musique, n'importe quel conte, n'importe quelle cuisine. Les enfants qui organisent le mercredi ces animations avec des associations turques par exemple, font aussi découvrir à leurs copains toute une part de leur culture que ceUX-Cl n'auraient 9 peut-être jamais imaginée. Une démarche interculturelle, finalement c'est facile et ça rapporte très gros à tous. e ///Déjà /'// l'avenir Elle marche, la chenille. Elle court. Et pourtant, les militants du Mrap ne souhaitent pas se reposer sur leurs lauriers. Ils savent (et les résultats électoraux le leur ont sans doute confirmé), qu'il reste encore un immense travail de sensibilisation à réaliser. Ils savent aussi que la chenille elle même peut s'user. Les enfants qui y ont participé trois ou quatre ans de suite souhaitent peut être autre chose. Alors ils réfléchissent déjà à l'été 93. COMMISSIONS FEMMES D'AFRIQUE DU SUD. Jacqueline Grunfeld* a rencontré au cours d'un voyage en Afrique du Sud, plusieurs femmes appartenant au Bureau national de la ligue des femmes de l'Anc. Avant de revenir dans notre prochaine livraison sur les réalités sud-africaines avec une interview de Jacqueline, quelques informations concernant les tâches prioritaires de la ligue. Social : la formation - création de crèches maternelles non-raciales (il existe seulement 28 crèches à Soweto pour trois millions d'habitants) - fondation d'un institut central de la femme offrant en particulier diverses formations ainsi que quatorze centres régionaux. Ces structures décentralisées auront pour pertinence d'adapter leurs offres aux réalités locales et de dépasser la question de la langue (selon les régions, les populations utilisent les langues locales, l'afrikaner ou l'anglais). Politique: dé-discriminer La ligue des femmes considère que l'Anc n'étant plus en exil, ses réalisations ne doivent plus bénéficier uniquement à ses membres. Une "charte de la femme", dont le premier projet a été élaboré par des femmes du Natal Nord, sera proposé aux pouvoirs publics afin d'être intégrée à la nouvelle constitution, via la Codes a (Conférence pour une Afrique du Sud démocratique). Font déjà partie du comité directeur de la Codesa plusieurs partis politiques dont l'Anc et le Pac ainsi que des organisations religieuses. Les femmes de l'Inkhata semblent vouloir participer à la rédaction de cette charte, mais elles attendent l'aval des hommes. Les femmes que J. Grunfeld a rencontrées ont ainsi exprimé les trois demandes essentielles qu'elles attendent des organisations françaises: 1- Inviter en France une femme de l'Anc pour qu'elle présente la situation actuelle, les problèmes et les solutions. 2- Aider à la création de crèches maternelles (des chiffres seront fournis). 3- Offrir des formations diverses (après apprentissage de la langue française) à trois jeunes par région.
- Responsable de la commission
anti-apartheid du Mrap
- Chercheur au Cnrs
et maître de conférences à l'Institut d'Etudes Politiques à Paris. "Face au racisme" (2 volumes) a été édité à La Découverte en 1991. Peut-on considérer que vous vous soyez laissé tenter par le discours médiatique en vous attaquant directement et parfois violemment aux antiracistes? C'est exactement le contraire. J'ai écrit des textes relativement difficiles dans des revues savantes ou alors de gros livres. On m'en a fait le reproche en me conseillant de tenir un discours accessible au plus grand nombre, et c'est pourquoi j'ai accepté des interviews. Cette démarche entrait donc dans une perspective de pédagogie de masse. Ces interviews étaient précisément fondées sur la critique de l'hypermédiatisation de l'antiracisme. Ma critique de l'antiracisme des années 80, de ses échecs, de ses perversions, de ses illusions, de son hypermédiatisation, s'applique essentiellement à Sos Racisme. J'ai été compagnon de route de cette association. En adoptant vis-à-vis d'elle une attitude de sympathie, tolérante mais critique. Je me suis rendu compte que ses leaders obéissaient à une logique strictement médiatique d'occupation de terrain. J'ai tiré les conclusions de cette déception en constatant qu'il existe une démagogie antiraciste comme il existe une démagogie raciste. Mon propos est finalement d'inviter à réformer l'antiracisme, à la fois intellectuellement et moralement. POLÉMIQUES ANTIRACISME: LE POINT DE VUE DE P.A. TAGUIEFF* Après l'avoir différé d'un mois pour permettre une large publication des contributions au congrès, voici l'essentiel d'une interview de Pierre André Taguieff. Les entretiens accordés à la presse par l'auteur de "Face au racisme" ont régulièrement suscité des discussions contradictoires au sein du Mouvement. Différences a voulu recueillir directement quelques éléments relatifs à sa critique de l'antiracisme. Les antiracistes, affirme-ton, nourrissent le racisme. Qu'en pensez-vous? Cette idée est simpliste, médiatique, banale. Je n'ai jamais posé le problème en ces termes. J'ai évoqué les effets pervers de l'antiracisme. Ces effets ne sont ni voulus ni prévus. On agit en visant un but : faire diminuer le racisme, barrer la route à Le Pen et, involontairement, on contribue à sa construction. Le phénomène est objectif, observable. La grande nouveauté de l'antiracisme dans les années 80 a été le passage à l'hypermédiatique et au grand spectacle. Jusque-là, l'antiracisme était plus modeste, le fait de militants parfois marginaux, très politisés, provenant le plus souvent de la gauche chrétienne, du parti communiste, du parti socialiste, des mileux gauchistes ... cette médiatisation s'est faite dans l'axe "ni gauche ni droite" Quels sont les éléments essentiels de ce que vous considérez comme une perversité objective? Mettre dans la meme catégorie un électorat de droite soupçonné en général d'être raciste et les grands producteurs des discours racistes me paraît faux et dangereux. Un autre effet pervers réside dans l'antiracisme strictement répressif. On croit que l'on peut lutter contre le racisme 10 en faisant condamner et sanctionner le maximum de gens et en fait on donne une existence au racisme, on le gonfle, on le nourrit. Il existe dans les milieux associatifs une sorte de phobie de la manipulation qui est devenue un repoussoir à l'adhésion militante. Qu'en pensez-vous? L'antiracisme s'est vu programmé comme incarnant LA différence avec la droite. Il a été donc utilisé comme moyen de démarcation entre gauche au pouvoir et droite oppositionnelle. Ceci s'avère une grossière erreur de calcul. Tout simplement parce que ça ne marche pas. La droite n'est pas l'extrême droite et l'extrême droite elle même n'est pas strictement néo-nazie. L'antiracisme est le rappel du minimum juridique et moral de la démocratie moderne, l'impératif du respect inconditionnel de la dignité humaine en tout homme. La criminilisation de l'électorat Le Pen est, de ce point de vue, complètement catastrophique, même elle peut s'appliquer à un certain nombre de leaders. Vous avez soigneusement décrit les métamorphoses idéologiques du racisme et son passage d'une conception biologique à une vision différentialiste et culturelle. En quoi cette évolution implique-t-elle ce que vous appelez une réformè de l'antiracisme? Ces deux racismes continuent de co-exister. Ce que je voulais montrer, dans une perspective militante, c'est l' inefficaci té absolue de l'argumentation antiraciste classique des généticiens qui ont par ailleurs permis au racisme biologique de perdre sa légitimité scientifique. Ce discours est aujourd 'hui décalé par rapport au racisme qui ne fonctionne plus à la race biologique ou à la légitimité scientiste, mais au relativisme culturel, au respect de l'autre, au culte de la différence, etc. Nous sommes entrés à la fin des années 70 dans une zone d' ambigüité idéologique puisque racistes et antiracistes professaient le même culte de la différence. Analyse qui relève de 1 'histoire des idées, de l'évolution des discours idéologico-politiques ... On reproche au mouvement antiraciste sa diversité, ses divergences, son éparpillement organisationnel. Comment comprendre cela? Il faut faire un détour par 1 'histoire. Il existe diverses traditions antiracistes. Et les traditions ne sont pas toutes à abattre! L'antiracisme suppose l'espace démocratique moderne, pluraliste, libéral au sens culturel et juridicopolitique. L'anti-esclavagisme est la première apparition historique de l'antiracisme comme individualisme égalitaire moderne. Il a des sources chrétiennes et antichrétiennes selon des arguments très différents qui convergent toujours vers un principe universaliste. La seconde source, c'est l'anticolonialisme qui s'affirme au cours du 19ème siècle en refusant l'exploitation et la domination d'un peuple par un autre. On pense dans ce cadre en termes de peuple tandis que l' anti-esclavagisme pensait en termes d'individus. Un troisième antiracisme est centré sur la lutte contre l'antisémitisme. Cet antiracisme qui se réclame des Lumières et proprement français a cependant essaimé un peu partout comme la Révolution française, c'est le dreyfusisme. Il place l'exigence de justice et d'universalité au-dessus des intérêts nationaux. Il est en contradiction fondamentale avec les nationalistes et les traditionnalismes qui placent l'ordre national au-dessus de l'injustice. L'antinazisme a fortement marqué la conscience des générations d'après-guerre. Il nourrit encore l'antiracisme. Oui, mais l'antinazisme n'est plus qu'une survivance dans la mesure où ce ne sont pas les quelques groupuscules néo-nazis infiltrés et surveillés par les Renseignements Généraux dont on connaît à peu près tout, qui menacentla France. Le mouvement antiraciste doit faire face au phénomène Le Pen, un phénomène de masse, extrêmement dangereux, qui n'obéit pas aux critères de reconnaissance habituels. L'antiracisme de 1945 à 1980-83 est un antiracisme bien balisé. Il s'appliquait en général à des marginaux, des néo-nazis, des petits xénophobes atteints de fièvre brutale à un moment précis. L'antiracisme était un gardien de l'ordre idéologique antinazi consensuel. Or la résurgence du nazisme est aujourd'hui résiduel. Le racisme aujourd'hui est culturel. Tenir le même discours antiraciste face à des adversaires qui ont changé me semble relever de la naïveté et de la paresse intellectuelle. En faisant l'économie d'une analyse de la nouveauté du phénomène, (je pense à toutes les formes de néo-nationalisme, à commencer par la forme française, lepéniste), on se trompe de méthode et d'époque. Il existe enfin une cinquième forme de l'antiracisme qui est apparue peu à peu au croisement du mouvement communiste international, de toutes les expressions de tiers-mondisme des années 60 et 70 et d'une morale d'origine chrétienne naïvement utilisée, à base de respect de l'autre, et surtout de recherche de la vraie, de l'authentique victime. de nombreux "abbéspierristes" dans les milieux antiracistes. C'est ce que j'appelle l'antiracisme lacrymal qui marche aux généralités et aux pensées di tes "généreuses", ce n'est plus l'émancipation qui est défendue et exalté, mais la lutte pour sauver des victimes, contre l'exclusion. Ce mouvement a été happé par la médiatisation autour de la défense des droits de 1 'Homme et de la Charity Business. Ce processus est une corruption de la charité au sens chrétien du terme. C'est une corruption idéologique typique parce qu'au fond elle cache son exclusivisme. On commence par affirmer qu 'on défend toutes les victimes, mais on finit par défendre des victimes préférentielles. On ne fait pas une 11 POLÉMIQUES politique avec cela, on ne fait même pas une morale. Le système médiatique entre en action à son tour : on construit désormais des victimes avec des images. Du jour au lendemain, les leaders médiatiques décident que toute la France va larmoyer sur une catégorie de victimes plutot que sur une autre. Il suffit d'une bonne orchestration publicitaire. Mais une image chasse l'autre. Il n'y a pas de véritable mobilisation. C'est du pseudo-militantisme, une contre-façon. Que faire? Il ne faut pas croire que la nouveauté absolue va sauver le mouvement antiraciste. Le salut par la nouveauté ou la rupture totale relève de l'utopie abstraite. Il faut respecter un certain nombre de traditions intellectuelles; continuons à être anti-esclavagistes, anticolonialistes, anti-impérialistes, etc., mais méfions-nous de la corruption idéologique et de la manipulation de exigences. Les méthodes traditionnelles d'action toujours leur utilité. Mais nous avons à faire au yme pouvoir. Il nous faut repenser les méthodes de lutte antiraciste eu égard aux exigences techniques de la communication télévisuelle. C'est une condition impérieuse. Je pense que le mouvement antiraciste doit entrer dans une phase de critique sur soi-même et sur sa difficulté à adapter son langage aux moyens télévisuels. La seconde priorité concerne le vaste sujet de l'instruction civique à l'école. Les associations de militants souffrent parfois du mépris des intellectuels qui ne sont plus les compagnons de route d'autrefois. Comment y remédier? Un certain modèle de l'intellectuel compagnon de route ou légitimateur culturel n'est plus attractif. Le modèle du compagnon de route du parti communiste s'est effondré et comme il était dominant en France, les conséquences sont extrêmement graves, mais la figure de l'intellectuel critique n'a pas disparu pour autant. Un intellectuel critique peut fonctionner selon des alliances provisoires, selon des urgences variables, tout en gardant son quant à soi. Le vrai problème c'est de garder son indépendance. Un intellectuel dont le nom est un opérateur de légitimité est soumis à des pressions, à des séductions, à des invitations, à des systèmes de para-corruption, de flatteries, de flagorneries ... Il n'est pas question d'argent, mais de narcissisme. Même les intellectuels les plus critiques n'y échappent pas. C'est quasi constitutionnel parce qu'ils ont une position de fait dans la catégorie des super-élites. Ce sont les élites de l'intellect. Cet élitisme intellectuel produit un sentiment d'aristocratie tout à fait extraordinaire. Même des intellectuels très engagés, très généreux dont le militantisme ne fait pas question, conservent un narcissisme dur comme fer. Beaucoup de maladresses, de bévues, de l'intelligentia se comprennent par là. La médiatisation, bien sûr, renforce ces sentiments. Ce rapport aux médias de la classe intellectuelle classique n'est pas défini. Même en filtrant, nous sommes saisis par cette nouvelle mise en scène de notre vanité d'intellectuels. Propos recueillis par Chérifa Benabdessadok • /// La décision du 1'// Conseil constitutionnel sur l'amendement Marchand, positif .. . mais .. . Le Mrap s'est félicité publ iquement (communiqué du 26.2.1992) de la décision du Conseil Constitutionnel rejetant comme non conronne à la Constitution J'amendement Marchand instituant dans La zone de transit des aéroports un espace où pourraient être retenus pendant 20 ou 30 jours les étrangers non en règle et notamment les demandeurs d'as ile. Le Conseil a jugé qu'un tel délai sa ns contrôle judi cia ire constituait une attei nte contre les libenés indiv idue lles, COURRIERS nationale lorsqu'il apparaî t que la demande est "manifestement infondée". Celle notion n'est pas défi nitive e l donc susceptible d'une inte rprétation préalable au controle de fond de l'Ofpra par la Police de l'Air et des Frontières qui n'est pas qualifiée pour le faire. Enfin , dans la même décision, le Conse il Const it ution ne l co nsidère comme légal.es les sanctions prévues contre les transporteurs ayan t ac heminé des passagers non en règle et non excessif le monta nt des amendes. Le Conseil ne tient donc pas compte sur ce point des objections pourtant très sé rieuses relat ives au rôle d'auxil iaires de pol ice qu'on all.ait ainsi, en application des accords de Schengen. fai re jouer aux agents des numéro 124 de janvier, au moment où l'on commémore le souvenir des 9 communistes tombés à Charonne en fév rier 1962. Et la référence à Le Pen n'est pas seulement ignoble, elle est grotesque! J'ignore depuis quand votre adhérent de Gennevi lliers est "pris de rage devant les horreurs" du racisme. Pour ma part, sitôt revenu de la guerre d'Algérie en 1959, j'ai adhéré en lOute hâte au Pcf le seul Parti luttant sans ambiguité contre la guerre et le racisme (sous tous ses aspects, haineux ou paternal iste). Je rappe lle qu'à l'époque on trouvait toute la presse en Algérie, et l'Express et J'Observateur et le Canard Enchaîné, mais pas l'Huma! assimilables à une séquestra- compagnies aériennes. Je n'ai donc pas de complexe tion arbitraire. à le dire: je suis de ceux qui Allant à l'encontre d'un texte que le Mrap pour sa pa rt avait dénoncé comme contraire aux droits de J'homme, la décis ion du Consei l est un sévère rappel à l'ordre à un gouvernement qui, en l'occurrence, a cédé un peu trop à l'obsession sécuritaire au détriment des principes. Sur ce plan, il s'ag it donc d'une décisiop positive. Toutefois, l'examen des attendus de la décision du Conseil comporte un certain nombre d'aspects qui peuvent susciter une légitime inquiétude. En effet, le Conseil. Constitutionnel ne considère vpas a priori la rétention en zone internationale comme illégale pour autant qu'elle est limitée à un délai raisonnable (non précisé) et qu'elle fait suite à la décision d'un magistrat judiciaire. Par ailleurs, en ce qui concerne les demandeurs d'asile, le Conseil admet qu'ils peuvent être maintenus en zone inter- Le Mrap, en liaison avec les pensent qu'il faut que cesse autres organisations humanitaires, doit donc rester très vigi lant sur les tennes de la nouvelle version de la loi qui va être proposée au vote des assemblées à la rentrée prochaine qu'aux pratiques qui pourraient en résu lter sur le terrain. La hâte avec laquelle le gouvernement frança is a fait ratifie r le prem ier les accords de Schengen, mis pourt ant sérieusement en cause dans d'autres pays européens, incite malheureusement les défenseurs du droit d'asile à une certaine défiance à l'égard de l'orientation du pouvoir dans ce domaine. Jacques Cammy e///Vivreet /"/ / travailler dans leur pays d'origine Elle tombe mal la contribut ion anti-communiste de Daniel Auroi, dans vot re 12 toute foone massive d'immigration. Les réalités économiques et sociales imposent à des pays comme la France (qui n'en fini pas de remâcher son passé colonial et se prépare au dépeçage des ex-pays socialistes) une politique extérieure qui permette aux Sénégalais, aux Maghrébins, aux Roumains, que sa is-je encore, de vivre et travailler dans leur pays d'origine dans la paix et la prospérité. Nous ne sommes malheureusement pas engagés sur ce chemin, pas plus d'ailleurs que nous ne le sonunes en ce qui concerne les Français eux-mêmes. Une chose est de regarder avec sympathie et compréhension ceue floraison d'ethnies qui s'épanouit dans notre pays: autre chose es t, au nom du Droit à la Différence, de la systématiser et de lui donner une légitimité économique et soc ia le abs urde. Bienvenue à ceux qui n'ont eu d'autre choix que de se déraciner. Mais faisons en sorte que ce choix (douloureux) les autres n'aient plus à le faire. Michel Bainaud Adhérent du Mrap Sainte-Sévère Vous êtes évidemment libre de considérer que "toute forme d'immigration massive" est néfaste. D'ai lleurs, qu i en fait l'apologie ? On pourrait néanmoins souhaiter que les débats qui se déroulent dans Différences dépassent l'invective et l'étiquetage politique pour argumenter, tenter de comprendre. Chérif a 8enabdessadok Différences 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex II TéL: 48.06.88.00 Télécopie: 48.06.88.01 Directeur de la publication Mouloud Aou"it Gérant bénévole ManiaI Le Nancq Rédactrice en chef Cherifa Benabdessadok Journaliste Isabelle Avran Chargée de communication et de promotion Mélina Gaz.si Publicité aujoumal Abonnements Isabel de Oliveira Maquette PAO Jean-Guy Vizet Tél. : 46.63.76.53 Impression Montligeon Tél. : 33.83.80.22 Commission paritaire nO 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légal 1992-03
Notes
<references />