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Sommaire du numéro
n°125 février 1992
- Edito: 25 janvier, l'espoir retrouvé par Mouloud Aounit
- Asile: le droit débouté par Isabelle Avran
- Chronologie du mois
- Interview de Robert Haddad par C. Benabdessadok
- FIS 6 FN : les cousins germains par C. Benabdessadok
- Congrès: pré rapport d'orientation
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FÉVRIER 1 9 9 2 N · ilS 1 0 F. " EDiTo 25 JANVIER: L'ESPOIR RETROUVÉ. Le 25 janvier 1992, il faisait beau sur Paris. Une marée humaine chaleureuse défilait deniere un immense globe portant celte phrase belle et réconfortante: "La lerre /l'est qu'un slml pays. TOl/s les hommes en sont des citoyens". Cene embellie antiraciste de 100000 personnes a eu indéniablement l'effet d'un électrochoc. Dans un climat de "sinistrose". elle a surpris, étonné. interrogé. D'abord ceux qui prétendent à longueur d'édilOs ou de commentaires audiovisuels que le mouvement antiraciste français est morose, inefficace, dépendant, sans vitalité. Mais les fails sonl têtus, heureusement pour notre démocratie: ce 25 janvier a montré que le mouvement associatif est en bonne santé. Il reste incontestab lement un rempart, un aiguillon salvateur devant la dérive nationalepopuliste, face aux entorses au droit des demandeurs d'asile, des jeunes victimes de la double peine; un bouclier contre l'extremedroite; un levier puissant de mobilisation unitaire, Par la force de son contenu, celle manifestation marque un tournant dans l'expression antiraciste. Elle a fait tourner la page d'un antiracisme de bonne conscience, moralisateur, incantatoire, Au-delà d'un dénominateur commun, la haine du racisme, elle ouvre les voies d'un antiracisme dont l'exigence se fonde sur l'urgence d'une remobilisation autour des valeurs d'égalité, de fraternité, de justice, Elle souligne aussi l'impa1Îence de tous les défenseurs des Droits de l 'Homme pour que des actes donnent toute leur signification à ces principes, pennettent le plein emploi. Car le fascisme est d'abord la négation des véritables valeurs républicaines. Elle fut aussi un message pour le GOuvernement pour qu'il se ressaisisse, qu'il sone des chemins boueux voire du piege tendu par le Front National et ses acolytes et qu'enfin il s'engage dans une véritable poli tique d'immigration cohérente, concrète, favorisant l'insenion et une égalité réelle des droits économiques, sociaux ct civiques, Une fois n'est pas coutume, Ce 25 janvier fut aussi un jour de satisfaction pour le Mrap, une oonfinnation de ses analyses: celles de l'indissociabilité du couple "lulle contre le racisme" el "lulle con/re /' exclusion", Mais, au-dela de cene éclaircie, nous ne devons pas oublier que le combat pour faire triompher nos idéaux dans le contexte actuel sera rode et nécessitera détcnnination et temps, Aussi ce 25 janvier ne peut être une fin en soi. Il nous faut poursuivre le combat salvateur pour épargner a notre société un cauchemar. Dans ce cadre, le Mrap, de toutes ses forces, agira pour faire de ce 25 janvier le point de départ d'une reconquête de la société civile et contribuer à faire du 1er mai, en collaboration avec le mouvement syndical, un grand moment de la lulle pour l'égalité, contre les exclusions et contre le racisme. Mouloud Aounit ASILE: LE DROIT DÉBOUTÉ A Creil-Montataire, Beauvais, Compiègne, Macon, Lorient, Valence, Montpellier ... ils viennent à peine dç mettre un terme à leurs grèves de la faim. A Paris, en revanche, 85 ressortissants étrangers, déboutés du droit d' asile, ont opté depuis le 17 janvier pour cette solution extrème. La grève de la faim. Pour ne pas risquer une autre mort ou la prison en retournant dans leur pays, Ils sont 72 à Strasbourg, près de 30 à Nantes, près de 60 à Béziers, plus de 30 à Avignon, 15 à Nîmes. Pour la plupart Kurdes, Turcs ou Africains, ils n'ont plus rien à perdre. Que leur vie d'Hommes. Près d 'un an après d'autres grèves de la faim de déboutés, près d 'un an après des négociations difficiles entre le gouvernement français et le "Réseau d'Information et de Solidarité" et la mise en application de la fameuse "circulaire du 23 juillet" , rien n' aurait donc changé, pour les demandeurs d'asile en France? Si. Mais certainement pas en leur faveur", NOUVELLES DE COMMISSIONS ÉMANCIPATION Une centaine de personnes ont assisté, le 1" février dernier, à la demi-journée d'études organisée par la Commission "antisémitisme et néonazisme" du Mrap et consacrée à l'antisémitisme. La rencontre s'est déroulée au Sénat sous la présidence de MarieClaire Mendès-France. Sont intervenus: Pierre Krausz (universitaire et président de la Commission), Jean-Paul Bertrand (professeur à Paris 1), François De Fontette (écrivain, universitaire, membre de la Liera), Albert Levy, Albert Memmi (écrivain et sociologue), Jean-Paul Chagnollaud (écrivain et universitaire) et Bernard Frédérick (journaliste). Mouloud Aounit a tiré les conclusions de cet aprèsmidi de réflexion. Autour d'une question initiale: "Deux cents ans après l'émancipation des Juifs de France, où en est l'antisémitisme ?", les orateurs sont intervenus sur l'histoire et lecontexte de l'émancipation en France et en Europe au moment de la Révolution de 1789, la politique de la "solution finale" menée par les nazis, les transformations théoriques de l'antisémitisme français qui passe, au 19' siècle, de l'antijudaïsme "traditionnel" à un antisémitisme raciste. La différence n'est pas de "degré" mais de "nature". Albert Memmi a notamment rappelé que nous savons à peu près tout du racisme et de l'antisémitisme et en particulier que les racistes sont "des salauds ou des crétins, pmfois les deux à lafois". Mais la question demeure toujours aussi vivace et dramatique: comment lutter contre. En partant d'une description critique des sondages et de leurs résultats, Albert Levy constate que, malgré les tabous qui pèsent sur l'expression de l'antisémitisme, celui-ci a augmenté depuis la fin des années 70; il y a constance des thèmes et le pourcentage des personnes (sondées) qui nourrissent des préjugés ou des convictions antisémites augmente. "Sionisme et histoire", "antisémitisme et antisionisme", "antisémitisme dans l'Europe de l'Est", tels étaient les sujets des trois derniers intervenants. Selon Jean-Paul Chagnollaud, l'antisionisme varie selon les lieux et les moments, il n'est pas superposable à l' antisémitisme. Nous y reviendrons dans le numéro spécial de Différences, sur les antisémitismes. Pour tout contact avec les intervenants cités, s'adresser à N. Haddad au siège du Mrap. C.B. CHRONOLOGIE DU MOIS JANVIER 1992 Chaque mois, Différences vous présentera dorénavant un panorama d'événements qui intéressent tous les militants anti-racistes. Pour mieux repèrer l'évolution ou l'ampleur des actes à caractère raciste, des lois ou décisions gouvernementales anti-immigrés, mais aussi des actions ou réactions du Mrap, de nos victoires, pour saisir en un clin d'oeil des informations internationales qui concernent tous ceux pour qui l'amitié entre les peuples n'est pas qu'un slogan. Naturellement, en deux pages, cette chronologie ne peut prétendre à l'exhaustivité. Cependant, n'hésitez pas à nous faire parvenir vos informations. Elles peuvent être utiles à d'autres! 1" : Boutros Ghali devient secrétaire général des Nations-unies. Tchad: la France envoie des renforts militaires pour soutenir le président actuel, Hissène Habré. 2: Moshé Arens, ministre israélien de la défense, en contradiction avec le droit international et les conventions de Genève, décide douze nouvelles déportations de militants palestiniens hors de leurs terres. Pour la première fois, le conseil de sécurité de l'Onu condamne cette décision à l'unanimité. 4: début d'une série d'attentats en Hollande contre les communautés marocaine et turque. Ces attentats sont revendiqués par des groupuscules d'extrème-droite. 5: meurtre à Pau de Saïd Boumal, 19 ans, tandis que deux autres jeunes gens eux aussi originaires du Maghreb sont blessés par les conducteurs d'une voiture grosse cylindrée. Le Mrap se porte partie civile dès le 9, ce que le juge rejette d'abord, estimant que rien ne prouvait le caractère raciste du meurtre. Le Mrap fait appel, et l'avocat du Mouvement, Maître Blanco, insiste sur l'influence des thèses de l'extrème-droite pouvant pousser au meurtre. Il demande la saisie du fichier du Front national dans les Pyrénnées atlantiques. Le 13, le Mrap, Sos-racisme et l'association de soutien aux tra- 2 vailleurs immigrés appellent à une manifestation rassemblant à Pau plus de mille personnes. 6: le rapport "Tou vier et l'église" est rendu public. Une commission d'historiens, réunie sous la direction de René Rémond, à la demande du cardinal Decourtray, a établi que plusieurs dignitaires de l'Eglise ont aidé Touvier à échapper à la Justice. En Algérie, la manifestation organisée par le Ffs d'Hocine Aït Ahmed contre le Fis réunit plus de 300000 personnes. Georgie: après de violents combats qui se poursuivront les jours suivants, le président élu Gamsakhourdia quitte le parlement et un conseil militaire prend le pouvoir. 10 et 17 : attentats de l'Ira à Londres et en Irlande du nord. 11: démission du président algérien Chadli Bendjedid. 12: Annulation du processus électoral en Algérie, sur décision du "Haut conseil de sécurité". A Clichy-la -Garenne, en Seine-Saint-Denis, des gendarmes empêchent le mariage d'une jeune Ivoirienne déboutée du droit d'asile et d'un jeune Zaïrois demandeur d'asile. La police et les Crs s'en mèlent, faisant évacuer la mairie. Non seulement ces jeunes sont privés d'asile, mais ils sont aussi privés d'un mariage qui, de toutes façons, n'aurait pas systérnatiquement permis la régularisation de leur situation. La jeune femme, séparée de son fiancé par la force, fait l'objet d'une reconduite à la frontière. Vive la liberté. Antenne 2 invite une nouvelle fois Le Pen à son émission "l'Heure de vérité". 13 : grève de dizaines de milliers de travailleurs en Pologne contre la vie chère. 14: Egon Klepsch (démocratechrétien, Allemagne) est élu Président du Parlement européen. Création en Algérie d'un "Haut comité d'Etat", sous la direction de Mohamed Boudiaf, jusqu'alors en exil au Maroc. 15: inculpation d'un adjoint au maire de Pierrelatte, dans la Drôme, qui avait refusé de loger un jeune Marocain, prétextant officiellement que "de nombreuses exactions ont été perpétrées par des Maghrébins à Pierrelatte" et que" l'implantation de nouveaux locataires immigrés risque un jour ou l'autre d'entraîner de graves conflits entre les différentes ethnies" , le Mrap avait immédiatement dénoncé ces propos, mais le juge avait une première fois rejeté le dossier. Démission des membres des partis les plus à l'extrème- droite du gouvernement israélien. Plus tard, l'actuel premier ministre entame la campagne électorale (pour les élections prévues le 23 juin) depuis une colonie, en Cisjordanie occupée. Yougoslavie: tandis que le cessez-le-feu, enfin, semble durer, la Serbie propose une mini-fédération yougoslave. La Cee reconnaît l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie. Des référendums pour ou contre l'indépendance sont prévus au Monténégro et en Bosnie. 16: Dans la nuit du 16au 17, les sénateurs votent le projet de loi du gouvernement visant à condamner à des peines d'amendes les compagnies aériennes transportant des étrangers sans papiers (y compris, évidemment, ceux qui fuiraient en toute hâte la répression dans leur pays ... ). Résultats: Pour: 236 voix. Contre: 17 voix (Pc). C'est en fait avec les voix de l'opposition de droite que ce projet est adopté par le Sénat. Les socialistes ne prennent pas part au vote. Ils demandent la saisie du Conseil constitutionnel non sur l'ensemble de la loi Marchand, mais sur l'amendement qui prévoit la création de zones de transit dans les aéroports où les étrangers "en situation irrégulière" seraient "détenus" durant trente jours, et ce sous un contrôle échappant au judiciaire ... 18: la Première Ministre Edith Cresson porte plainte contre Le Pen pour "injures" contre le gouvernement. 19: réélection en Bulgarie du Président Jeliou Jelev, avec près de 53% des voix. 20: tentative ratée de coup d'Etat au Congo. Mais le gouvernement propose un calendrier électoral, prévoyant notamment des présidentielles pour le mois de juin ... CHRONO LO GIE DU MOIS 21 : vote du projet de loi Marchand au Parlement. Pour: 277 voix. Contre: 251 voix. 22: la Première Ministre saisit le Conseil constitutionnel au sujet de l'amendement Marchand. Arrestation en Algérie des principaux dirigeants du Fis, dont Abdelkader Hachani. 23: début en France d'une nouvelle grève de la faim de déboutés du droit d'asile. 24 : répression armée devant la mosquée de Bab-el-oued à Alger. D'autres affrontements violents auront lieu les vendredis suivants. 25: attentat en Haïti contre le communiste René Théodore, "candidat" à la fonction de premier ministre. De nouveau, des combats sanglants opposent Azéris et Arméniens dans le Haut-Karabagh. Intégrée sous le régime de Staline à la République d'Azerbaïdjan, cette enclave composée majoritairement d'Arméniens revendique son rattachement à la République d'Arménie. 25 : grande manifestation nationale à Paris et dans plusieurs villes de province contre le racisme et pour l'égalité des droits (cf. notamment l'éditorial de ce numéro). Alain Callès rappelle qu'il s'agit d'un virage pour le mouvement anti-raciste qui passe d'un "domaine moralisa teur" à celui de véritables "revendications". 26: manifestation silencieuse au Soudan. Ce jour (centenaire de l'insurrection mahdiste contre l'occupation égyptienne) "l'Alliance" qui regroupe toutes les forces démocratiques, politiques et syndicales, du Soudan organise une action de résistance 3 passive contre le pouvoir: la majorité de la population reste chez elle sans sortir après 17 heures. C'est le premier mouvement de cette ampleur après le coup d'Etat de la junte islamiste du 31 juin 1989, qui avait mis fin au processus démocratique et aux négociations de paix avec l'armée de libération du sud. 28: reprise à Moscou des négociations israéloarabes. Les dirigeants israéliens poursuivent en l'accélérant la politique de confiscation des terres palestiniennes occupées (plus de 68% aujourd'hui!). Absence de représentants russes ... 29: le Mrap assigne Jacques Chirac devant le Tribunal de grande instance de Paris pour "diffamation et provocation à la haine raciale", après les propos qu'il avait tenus à Orléans le 19 juin dernier, parlant des "mauvaises odeurs" des étrangers immigrés en France. Il avait ajouté à leur propos: "il y a aujourd' hui overdose". Jugement le 26 février. 30 : lors de la réunion à Prague de la Csce, sont admises dix Républiques de l'exUrss, en plus de la Russie qui la remplace officiellement. Elle remplace de même l'Union soviétique au sein du conseil de sécurité de l'Onu. Débat contre le racisme oraganisé à Soissons par le comité local du Mrap, sous la présidence symbolique de quatre réfugiés turcs déboutés du droit d'asile et en grève de la faim à Montataire. Chronologie établie par Isabelle A vran SOMMAIRE Asile: le droit débouté. Ils sont des dizaines en grève de la faim. Ils sont des milliers déboutés du droit d'asile. Regard sur les lois et les pratiques françaises. Pages 4 et 5 Comités locaux. Interview de Norbert Haddad. Pages 6 et 7 Fis-Fn: les cousins germains Sur les deux rives de la Méditerranée, les mêmes symptômes d'une même maladie nationaliste. Analyses croisées. Pages 8 et 9 DOSSIER Asile: le droit débouté (suite de la page 1) "La France, qui a déjà réussi à contenir l'afflux des demandeurs d'asile de manière plus efficace que les autres pays d' Europe, tout en étant reconnue pour la qualité de ses procédures par le Haut Comité aux Réfugiés, a décidé pourtant de renforcer son dispositif de maîtrise de l'immigration"( l). Telle était la démarche affichée officiellement par le comité interministériel du 9 juillet dernier, dont les services de Matignon ont rendu compte deux jours plus tard dans un document : "La maîtrise de l'immigration". Nul besoin de décryptage. La logique de ce texte, hélas, est simple: la France se vante de "maîtriser" et de vouloir mieux le faire encore des "flux d'immigration". Des êtres deviennent rapidement des nombres banals en bas d'additions administratives. Ou plutôt de soustractions. Non seulement lorsqu'ils sont des "immigrés économiques", mais aussi lorsqu'ils demandent à notre pays l'asile politique. Le "pays des droits de l'Homme" prétend avec fierté ne délivrer l'asile qu'au compte-goutte. Quoi: ne serait-il plus un Droit? Soyons clairs: soit l'asile est un droit pour tous ceux et toutes celles qui sont en danger, soit il faut avouer qu'il ne l'est plus et que l'attribution du statut de réfugié répond à d'autres choix. Encore faudrait-il préciser lesquels et ce qui désormais régirait l'arbitraire ... Les textes pourtant sont clairs. Ceux de 1793, repris dans la Constitution de 1946 et en particulier dans son préambule, puis dans celle de 1958, faisaient de la France, se voulant promotrice, au-moins en Europe, d'une certaine idée des Droits de 1 'Homme, une véritable Terre d'asile, inscrivant dans sa Constitution: " Le peuple français donne l'asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté et il le refuse aux tyrans". (2) On savait que la France accueillait très généreusement des tyrans déchus par leurs peuples, voilà qu'elle refuse 1 'hospitalité à leurs victimes. Près d'un siècle plus tard, en fait dans le contexte de la guerre froide, les Conventions de Genève à leur tour défendaient tout réfugié politique, c'est-àdire celui qui "craignant avec raison d' être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ou à un groupe politique, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de sa protection"(3). L"'après-guerre froide", abreuvée de tant de commentaires sur "l'Etat de Droit", remettrait-elle plus durablement en cause dans notre pays, pourtant signataire des Conventions de Genève, ces droits fondamentaux? 1992. Ils s'appellent Mustapha Hasbi ou Babikar. Ils sont plusieurs milliers. S'ils sont renvoyés de France, ils risquent la prison ou la mort. Les textes, aujourd 'hui, ne parlent pas d'eux, de leurs cas. Ils évoquent froidement des flux. Mustapha, né à Serban, en Turquie, en 1954, se rappelle l'assassinat d'un de ses amis par la police devant une usine d'Izmir où, avec d'autres jeunes d'une organisation clandestine, ils étaient venus défendre des travailleurs licenciés. Il se souvient du coup d'Etat fasciste de septembre 1980. Il se souvient la façon dont l'armée les recherchait, lui et d'autres militants turcs ou kurdes. Il se souvient de son départ forcé vers l'Irak où il est resté jusqu'en 1987. Il se souvient de son arrivée en France. Voici bientôt cinq années. Cinq années dans l'incertitude, tandis que son 4 dossier s'entassait dans une pile dans les locaux de l'Ofpra, l'office français de protection des réfugiés et apatrides. Hasbi, lui, a 26 ans. Militant politique turc, il se souvient de son arrestation, lorsqu'il avait à peine 20 ans, des 45 jours de tortures infligées au commissariat, de la mort de quatre de ses amis sous les balles policières, de l'arrestation d'autres amis et de sa propre fuite, obligatoire. Devront-ils se souvenir aussi de leur départ forcé, encadrés dans les couloirs de Roissy par des policiers, éventuellement même menottés, vers leur pays d'origine, qui économiquement et politiquement cherche tant à se rapprocher d'une Europe attentive? Mustapha comme Hasbi, pour 1 'heure, sont en grève de la faim. Il sont dotés d'un sigle. "DAD". Entendez: déboutés du droit d'asile. UNE POLITIQUE DE QUOTAS? Un bilan provisoire de l'année 1991 établi par l'Ofpra et daté du 30 janvier 1992 fait apparaître des disproportions énormes, pour certains pays, entre les demandes d'asile effectuées et les accords attribués. Certes, les attributions correspondent en fait à des demandes datant des années précédentes et de telles comparaisons ne sauraient être fiables. Elles sont cependant assez révélatrices. Les disproportions sont énormes pour les ressortissants chinois et indiens. Si les chiffres s'inversent au contraire pour ceux venant du Sri-Lanka, on le doit essentiellement à l'attribution du statut à d'anciens demandeurs. Nombreux sont en fait les SriLankais condamnés à repartir dans ce qui pour eux se traduira par l'enfer. Il en est de même pour de nombreux réfugiés colombiens, ou haïtiens . Parmi les ressortissants africains, ]' on comptait en 1991 16.172 demandes, 2258 régularisations. Serait-ce parce que, venant de pays pauvres, souvent au bord d'une famine où les plongent et les politiques des régimes en place et le poids des intérêts exorbitants de la dette à l'égard des Etats occidentaux, ils sont avant tout considérés comme des réfugiés économiques au-moins autant que politiques, prétendûment dangereux pour l'économie de la France et en tous cas pour des dirigeants politiques soucieux des sondages d'opinion? Où s'arrête d'ailleurs, dans de telles situations, la frontière entre réfugié politique et économique? Quand considère-ton qu'il n'est plus en danger? .. Existerait-il en fait des quotas fonctions notamment des relations politiques entre la France et certains Etats? Le faible nombre de réponses favorables à des demandeurs marocains, risquant pourtant ce que les frères Bourequat ont de nouveau révélé à ceux qui l'auraient oublié quant aux conditions de détention des prisonniers politiques, nous le laisserait par exemple supposer, si l'on n'imaginait pas les décisions d'attribution bien évidemment au-dessus de tout soupçon ... Voici des années que des dizaines de milliers de demandeurs d'asile attendaient une réponse de l'Ofpra. Voici deux ans que les refus affluent. Pourquoi cette accélération soudaine? Parce que face à la demande plus massive de 1989, les autorités ont décidé de "décongestionner" l'Ofpra, de le libérer de dossiers stockés année après année faute de moyens suffisants à l'office pour les gèrer tous. Mais les dysfonctionnements constatés à l'Ofpra n'ont fait que s'amplifier. Au menu: des dossiers souvent consultés beaucoup trop vite et, dans la plupart des cas, sans entretien avec les demandeurs. On en est même venu à attribuer le 8 janvier 1990 ... une prime au rendement! Qui a dit "arbitraire"? Résultat: plus de 80000 individus, établis en France pour certains d'entre eux depuis plusieurs années, ballotés entre l'espoir et la crainte, mais ayant parfois fondé une famille, trouvé un emploi ou des emplois successifs, sont d'un coup devenus des "DAD". La Commission des recours à confirmé à peu près 95% des cas. Les permanences juridiques des associations anti-racistes, ou d'aide à l'immigration, se retrouvent à leur tour summergées d'appels au secours. Impossible d'orienter au cas par cas, il faut trouver une solution globale. C'est ce que propose le "Réseau d'Information et de Solidarité", où se sont regroupées des orga~isations militantes comme le Mrap et le Fasti, d'autres qui travaillent essentiellement en région parisienne, comme Accueil et Promotion, des structures d'entraide comme la Cimade ou le Service de l'Eglise catholique pour les migrants, et des "groupes techniques", tels que le Gisti ou le Clap, spécialistes de l'aide juridique ou de la formation de militants ... Tandis que dès avril 1991 se multiplient les grèves de la faim de déboutés, le "Réseau" cherche quant à lui difficilement des solutions politiques. Jean-Louis Bianco nomme un "conciliateur", B. Brunhes. Le 24 mai, à la veille de la manifestation des DAD organisée 'à Paris, il accepte enfin un premier entretien. Des logiques différentes s'affrontent. Pourtant, le ministère adopte un ton qui laisse espèrer la régularisation d'une grande majorité des déboutés. Mais non. Le 23 juillet tombe une circulaire ministérielle à ce sujet. Elle marque la fin des entretiens. Mais surtout la fin de l'espoir. Cette circulaire introduit une régularisation exceptionnelle des déboutés jusqu'à novembre 1991. Mais ... la majorité d'entre eux en sont exclus de fait. Et jetés dans l'illégalité, à la merci de n'importe quel contrôle, de toute arrestation. En effet, alors que près de 50% des déboutés étaient arrivés en France depuis le 1er janvier 1989, elle prévoit, en désaccord avec les propositions des associations, que seuls sont pris en compte les cas de déboutés arrivés en France avant cette date. A quoi s'ajoutent d'autres conditions contraignantes
- une procédure en
cours depuis un minimum de trois ans (deux si la personne a un enfant scolarisé), et la preuve d'un travail régulier pour un minimum de deux ans (un an en cas d'enfant scolarisé). A ces conditions restrictives s'en sont ajoutées d'autres: le demandeur doit être titulaire d'un passeport (certaines préfectures l'exigent même en cours de validité), et d'un certificat de travail. Sympathique. On imagine en effet un individu fuyant son pays y déposer avant de prendre l'avion une demande de passeport. Logique imparable. C'est bien pourquoi les Conventions de Genève n'écartent pas du Droit d'asile ceux qui sont rentrés irrégulièement dans le futur pays d'accueil (4). Quant au certificat de travail, il est naturellement aisé de trouver un employeur acceptant le risque d'embaucher un travailleur immigré sans papier et en faisant immédiatement la déclaration. Parcours d'obstacles supplémentaires, donc, pour ceux qui ont au contraire besoin d'une aide politique, économique, voire dans certains cas psychologique, des plus sérieuses. La circulaire du 23 juillet a écarté de toute possibilité de régularisation près de 90% des déboutés. Les mesures actuelles visent à réduire le nombre de demandeurs et à rendre inopérantes leurs démarches éventuelles. C'est le cas non seulement de la modification de l' ordonnance de 1945 qui permet d'éloigner du territoire français tout "individu éminemment dangereux" (la définition n'est pas fournie) , ce qui a "permis" l'expulsion de Diouri, voire d'opposants au régime irakien durant la guerre du Golfe; ou de la nécessité au demandeur d'apporter les preuves des sévices subis ou des risques encourus (5)! Mais aussi de mesures nouvelles. Ainsi du renforcement du contrôle de l'attribution déjà arbitrire des visas , ou des certificats d'hébergements. Ainsi de l'instauration de visas de transit ou d'escale pour les ressortissants d'un nombre précis de pays (en l'occurence du Tiers-Monde, on s'en serait douté). Ainsi de la circulaire du 26 septembre dernier qui supprime le droit au travail pour les demandeurs d'asile. Ils devront désormais survivre avec une prime mensuelle de 1300F ou se résigner au travail clandestin rendant plus difficiles encore et leur insertion et l'ensemble de leurs démarches. Quant aux dispositions Marchand, elles renforcent encore ces violations de facto des Conventions de Genève. Elles obligent les compagnies aériennes à une pré selection DOSSIER limitant le nombre d'entrées sur le territoire de réfugiés en quête d'asile, elles attribuent à la police des prérogatives nouvelles leur permettant d'intervenir avant même que les réfugiés puissent effectuer leur demande, elle évite l'écoute des cas dans les fameuses "zones de transit". Belle A vancée. Y compris par rapport à la circulaire Pandraud du 5 août 1987. Elle ne fait en réalité qu'introduire toujours plus de sélection et d'arbitraire, toujours moins de droit. Le "Réseau" ne pourra aider les dizaines de milliers d'individus touchés par ces mesures. Ni même ceux qui actuellement sont en grève de la faim. Il est urgent que la société s'en mèle, du quartier au lieu de travail. Il est urgent d'intervenir pour favoriser de réelles perspectives économiques et politiques dans les pays d'émigration notamment politique. Il est urgent d'empêcher la France de dériver un peu plus encore dans un système de non-droit. Isabelle Avran. Notes: (1) Cité par par le mensuel du Gisti, Plein Droit, W 15-16, novembre 1991. (2) Article 120 de la Constitution de 1793. (3) Convention du 28 juillet 1951, signée par la France en 1952 et ratifiée en 1954. (4) Article 33. (5) Ce qui fait dire au Réseau : "On est tenté de dire que cette lecture de la convention de Genève n'aurait pas permis de reconnaître comme réfugiés les juifs qui fuyaient le régime nazi en 1933". LES DEMANDEURS D'ASILE EN EUROPE Pays Fr.n:e ~ Belgiqoe Autriche Allemagoe soeoe ~dasile 5tffi) 2 XXXl 1.:m:l 22l:ro 19.:m:l 2 XXXl ax:oe:iJlis en 1 ro «(ffi))en 1989) en %oeJap:p. natialaIe 1% 1,2% 1,4% 3% 3,20/0 3,5% 5,5% daçres"Pleindroil'nol5-16.NovcrnIJe91 5 R ENDEZ- Vous Égalité des droits Du 24 au 29 février aura lieu dans toute la France une semaine d'actions pour défendre l'ensemble des revendications portées par la manifestation du 25 janvier, comme le propose le collectif informel des organisations qui s'étaient retrouvées pour la préparation de cette manifestation. Il s'agira d'une semaine de débats et d'initiatives locales. Parmi les thèmes abordés: le droit de vote des immigrés, leur éligibilité notamment lors des élections prud'hommales, la préservation du droit d'asile et l'annulation de la loi et de "l'amendement Marchand", l'abolition de la double peine ... Semaine nationale d'éducation contre le racisme. A /' appel de plusieurs associations ou syndicats (Mrap, Sos, Ligue de l'enseignement, Fidiil, Ldh, Liera, Fen, Fcpe, Unef-Id .. .) aura lieu du 30 mars au 4 avril prochain une semaine nationale d'éducation contre le racisme. "Le racisme, qui. est bel et bien un délit, prend dans l'actualité une place de plus en plus importante. Le racisme n'est pas congénital, mais le virus peut facilement s'attraper. Le racisme se nourrit des difficultés de la vie, du chômage, des exclusions auxquelles il est tentant de répondre en désignant des boucs émissaires. Il faut être attentif entre autres au déplacement des modes d'expression: l'exploitation de "l'identité française" remplace aujourd'hui celle de la "race supérieure". Or, le racisme c'est l'inégalité érigée en dogme, la négation d' une évidence scientifique, l'irrationnel, la peur, le refus de l'Autre. C'est le contraire des valeurs humanistes, laïques et républicaines, valeurs universelles que l'Ecole a pour mission d'enseigner et de promouvoir au quotidien. Tout au long de l'année, l'école est "artisan des Droits de l' Homme", puisqu'elle veut former des femmes et des hommes libres, capables d'exercer leur esprit critique, de refuser l'intolérance. La Semaine nationale d'éducation contre le racisme veut être un moment dans cette nécessaire continuité. Quelques jours durant lesquels les projecteurs sont braqués sur la question du COMITÉS LOCAUX INTERVIEW DE NORBERT HADDAD Cette rubrique sera désormais, chaque mois, consacrée à la vie d'un comité local. Nous l 'inaugurons avec une interview de Norbert Haddad, secrétaire national chargé des comités locaux. Nous avons jugé utile de faire avec lui un tour d'horizon sur sa fonction, les difficultés et les succès des comités, sans langue de bois, à coeur ouvert. Différences: Tu as été très favorable à la création de cette rubrique. Qu'en attends-tu? Norbert Haddad : Ces deux pages mensuelles devraient servir à créer les éléments d'une inter-action permanente entre les comités. Elles pourraient révéler l'existence d'outils divers créés par les CL, qui se transmettraient les uns aux autres non pas à partir d'un froid catalogue, mais en fonction d'expériences concrètes et chaleureuses. Lorsque j'étais au comité d'Alençon, que j'ai animé durant plusieurs années, nous nous sommes souvent inspirés d'activités créées ailleurs. Je crois que militer ne s'improvise pas. S'informer, se former, restent indispensables. Différences: Peut-on dévoiler ici quelques éléments du bilan de ton travail au siège du mouvement depuis ton arrivée en septembre 1989? N.H. : Je me suis en particulier consacré à l ' amélioration des contacts entre les CL et le national, l'un des moyens étant de faire connaître, de valoriser les initiateurs de telle ou telle activité, permettant qu'elle soit reprise par d'autres. Par exemple, les expositions de Pau et de Clermont-Ferrand circulent dans toute le France. Elles ont aussi permis à d'autres comités de s' inspirer des éléments techniques de ce travail pour réaliser des expositions sur d'autres sujets. Ce type d'inter-action horizontale me paraît essentiel. Diff érences: Pourtant, on a le sentiment d'une éternelle répartition , un peu comme si les comités, les militants, ne parvenaient à renouveler les formes de leurs activités N.H. : Je reste persuadé que notre mouvement a besoin d'une révolution culturelle. 6 Elle nous concerne tous. Moi-même, aux comités qui m'interpellent, je suggère des formes classiques: conférences, débats, meetings, expositions ... Nous n'avons pas renouvelé nos modes et moyens d'actions. Le barrage financier est réel, il n 'explique peut -être pas tout. J'attends du congrès une réflexion et une politique ambitieuse de ce point de vue. Diff érences: Les comités semblent envahis par l'ampleur des tâches induites aussi bien par la question du droit d'asile qui semble avoir usé tout le monde que par la législation concernant l'entrée et le séjour des étrangers. A vec, à la clef, un fort sentiment d'impuissance. Quefaire? N.H. : J'ai déjà abordé cette question dans les réunions. Un comité local a, à mes yeux, comme "mission de terrain" de créer les conditions de la rencontre des diverses communautés d'une ville ou d'un quartier, de favoriser l'émergence d'espaces de convivialité. Il me semble que ces derniers mois, cet aspect de notre mission s'est estompé au profit d'un travail social et juridique concernant notamment le droit d'asile, le champ législatif du droit au séjour. Ces questions sont importantes, bien sûr. Mais elles ont mené à un essoufflement des militants. Le rapport de forces est devenu tel, que le travail investi est nettement supérieur aux capacités humaines et matérielles de nos comités. Cela conduit effectivement à un sentiment d 'impuissance. Bien sûr l'illusion ou l'utopie font, pour nous, partie de la réalité. Mais le militant, pour poursuivre sa tâche et y croire, a besoin de mesurer les résultats de son travail. C'est ce qui c'onditionne l'engagement durable de chacun. L'immigration dans ses diverses composantes, les attaques dont elle fait l'objet, constituent légitimement un souci permanent pour les antiracistes que nous sommes. Mais le Mrap n'est pas un "syndicat des victimes". De plus, chercher à militer efficacement ce n'est pas seulement parer aux sollicitations du quotidien, mais aussi faire de la prospective, chercher à comprendre ce qui va ou ce qui risque d'advenir. Nous devons mieux hiérarchiser nos actions en consacrant l'essentiel de nos efforts à une priorité: le danger raciste. Or, nous avons épuisé nos forces en nous transformant en organisation d'assistance. Différences : Le Mrap serait à la recherche d'un nouveau souffle? N.H. : Oui, je crois. Le Mrap puise ses sources dans les valeurs humanistes les plus fortes de notre pays. Mais il faut bien constater que nos idées ont de plus en plus de mal à passer. L'expérience de ma fonction au siège m'a rendu plus clairvoyant et plus lucide. Différences : Quelles sont les demandes des comités locaux? N.H. : Il existe shématiquement deux types de demandes. Premier type : pour des raisons diverses, un CL "craque". Surchargés, saturés, des militants appellent au secours. Dans ce contexte, j'interviens sur le mode de la réparation. Je structure cette intervention à partir de toutes les expériences dont j ' ai pu prendre connaissance. Avoir été longtemps militant à la base apporte une source précieuse de réflexion. Je me déplace et, ensemble, nous élaborons un projet pour le court terme. Il n 'y a pas de catalogue de projets clés en mains. Il s'élabore sur place, 1 J avec moi-même, ou le secrétaire général, ou quelqu'un d'autre de la direction nationale. La clé, c'est de rester concret et de parler vrai. Les militants de tel ou tel comité se sentent moins seuls, plus rattachés à une grande famille. Et puis, qu'on le veuille ou non, on n 'échappe pas au parisiannisme. Souvent, les militants imaginent le 89 de la rue Oberkampf comme une structure forte, avec de gros moyens, ça rassure. Et beaucoup de comités ne sont pas représentés dans les instances nationales. L'autre type de demande est plus précis. Des comités montent des projets, et s' adressent au siège en tant que prestataire de services. Dans ce cas, nous sommes le relais pour prendre contact avec un intervenant spécialiste de telle ou telle question ... Nous n'imposons jamais rien. Avec les CL, notre relation est basée sur la confiance et la collaboration. De mon côté, j'appelle aussi à l'aide d'autres responsables du Mouvement, les responsables de commissions lorsque mon planning est chargé. Différences: Il semble que les CL formulent deux types de plaintes contradictoires vis-àvis du siège. Certains n'acceptent pas une ingérence qu'ils qualifient de trop importante, d'autres au contraire souhaitent un lien plus grand. Qu'en est-il? N.H.: Les comités sont autonomes quant à la mise en place de leurs projets. Ils peuvent développer des activités qui n'ont a priori rien à voir avec les campagnes nationales. Tous les comités ne s'emparent pas au même moment de telle ou telle directive nationale. Il me semble essentiel que l'acte de militer soit vécu dans le plaisir. Nous n'avons pas de permanent, de salarié, à l'échelon local. Différences : Que gagne-t-on et que perd-on lorsque l'on passe d'un statut de militant à la base à celui de responsable national? N.H . : Ce que l'on gagne d'essentiel, ce sont les liens d' amitié. Nous sommes des COM I TÉ S LO C A UX REN DE Z- VO US militants et des amis. Ces liens de l'argumentaire xénophobe sont forts. C'est passionnant. ou raciste. Les CL qui ont racisme. Cette année, la Fcpe, la Chaque nom de ville évoque organisé des sessions de for- Fen, la Fidl, la Ldh, la Licra, la pour moi des visages, des ren- mation ont acquis plus vite une Ligue de l'Enseignement, le contres. Le pluralisme du vitesse de croisière. Mrap, Sos-Racisme et l'Unef-Id Mrap est une des réalités les travaillent ensemble pour cette plus précieuses. Sans le Mrap Différences: Tu évoquais au Semaine avec leur diversité, pour et ce pluralisme philosophique, début de notre entretien l'idée être encore plus forts contre ce politique, spirituel et culturel, d'une nécessaire révolution fléau que nous refusons. Nous il est probable que je n'aurais culturelle. Qu'entends-tu par là? souhaitons que cette Semaine pas acquis l'ouverture d'esprit N.H. : Militer consiste un peu soit un vaste forum et qu'à cette qui est la mienne. Au sein du trop souvent à dénoncer et à occasion les initiatives soient Mrap, ce qui nous unit est revendiquer. C'est une posi- nombreuses. Nous sommes beaucoup plus fort que ce qui tion relativement confortable. prêts à répondre à toutes nous sépare. Le champ Il faut aller plus loin. Nous les sollicitations." d'investigation et de réflexion sommes défaillants sur le plan 18 mars 1992: s'est élargi par rapport à mon de la formation, j'insiste. soutien au peuple kurde militantisme à Alençon. A la Notre action ne peut évoluer, différence de l'activité locale se renouveler, sans fondements Le comité d'Albi du Mrap a qui nous implique dans des théoriques plus solides. Les décidé cette année encore de difficultés et tensions locales, bons serntiments ne suffisent diffuser dans toute la France des l'activité nationale implique du pas. Nous répondons trop sou- affiches commémorant les bomrecul. Ceci dit, il me paraît évi- vent à l'urgence et laissons de bardements chimiques dont le dent que si je n'avais pas été côté l'important. Le Mrap vit peuple kurde a été victime à Halabja en Irak en 1988. A militant à la base, je n'aurais un peu trop à la surface des Badinan, Dhoke, Zaro, les bompas pu exercer cette fonction. évènements et oublie de se bardements irakiens avaient fait donner les bases intellectuelles de nombreuses victimes. Ils Différences: La formation des nécessaires. En face, nous furent 5 000 à mourir sous les militants semble devenir un n'ignorons pas le travail bombardements chimiques à souci permanent. Comment patient, obstiné, de l 'extrème- Halabja. A l'époque, ceux qui analyses-tu cette question? droite qui imprègne progressi- ont ensuite condamné le dicta- N.H. : Pas mal de militants ont vement tant de pans de notre teur de Bagdad lui fournissaient une expérience syndicale ou société. La fragilité de nos encore des armes et taisaient ses politique. La formation du analyses et l'absence de for- assassinats de masse ... militant anti-raciste n'a pas de mation limitent nos argumen- La situation des réfugiés kurdes profil précis. Le domaine du taires à des propos généreux, de mars 1991 qui avaient fui les champ d'action et de réflexion humanistes, humanitaires, peu violences des troupes de Saddam est énorme. Je sens néanmoins, efficaces. Ce qui conduit à Hussein est aujourd'hui idenpour avoir participé à des ses- court terme à une régression, tique à l'approche d'un nouvel sions de formation, que les notamment du point de vue de hiver. Vêtements, nourriture ... militants ont besoin d'aide nos effectifs. sont insuffisants. pour structurer leur engage- Le "comité de soutien au peuple ment au sein du Mrap. Différences: Dernière ques- kurde" d'Albi se propose tion . On peut se demander d'envoyer de l'aide à trois camps Différences: Quels seraient les comment, puisque c'est ton (situés en Turquie) : Mardin, axes de formation prioritaires? cas, on devient permanent Musch et Dyarbakir. Vous pou- N.H. : Il y aurait davantage à d'une association, précisément vez envoyer vos dons au comité faire connaître l ' histoire du au moment où le militantisme d'Albi, ou les transmettre Mrap, qui reste largement est en crise, largement à d'autres associations particiméconnue. La mémoire collec- contesté voire méprisé par pant à la campagne*. tive du Mouvement est natu- les idées dominantes. Le peuple irakien, lui, est tourellement perdue par le renou- N.H. : Cette interrogation dou- jours prisonnier d'un embargo vellement constant de nos loureuse d'Aragon "Est-ce illégitime qui ne constitue en militants. Chaque génération ainsi que les hommes vivent?" rien un quelconque danger pour de militants devrait ne pas est présente en filigrane dans le régime, mais tue en revanche, repartir à zéro, mais pouvoir le questionnement permanent chaque jour, des enfants privés s'approprier le sens des qui concerne l 'engagement d'alimentation et de soins. Un an après une guerre qui a fait des expériences passées. militant. Est-ce qu'on peut centaines de milliers de morts et Le Mouvement est dépositaire réellement contribuer à chan- ravagé l'économie du pays ... d'une Histoire dont aucune ger l'ordre des choses? Je ne * Solidarités transmission n'est assurée. Il sais pas. Mais c'est toujours (1) 45883322 faudrait aussi, me semble-t-il, avec conviction que j'en pour- Médecins du monde faire connaître toutes les tech- suis le pari. (1) 43 5770 70 Médecins sans frontières niques liées à la psychologie (1) 40 21 2929 ou à la dynamique de groupe. Propos recueillis par Fondation France Libertés De nombreux militants sont Chérif a Benabdessadock. (1) 47 55 8181 Aide médicale internationale désarçonnés par l'irrationnalité (1) 46 36 04 04. 7 INTER-PEUPLES FIS-FN : Les cousins germains Qu'est-ce qui peut rapprocher l'islamisme politique algérien et l'extrême-droite française? Qu'est-ce qui, une fois de plus, trente ans après la signature des accords d'Evian, fait se croiser les destins des deux peuples? L'Algérie se meut au bord de l'explosion, portant l' islamisme politique comme une balafre à sa tristesse, sa violence, son chauvinisme son dogmatisme autoritaire, sa haine des femmes. Sur l'autre rive, la France est malade de sa droite extrême, sa xénophobie, ses slogans démagogiques, son anti-sémitisme aussi ferme que latent, son implantation politique et électorale, une plaie ouverte! Le Front Islamique du Salut comme le Front National menacent la démocratie tout en l'utilisant pour parvenir à leurs fins. A priori, on s'étonne aisément de voir comparer ces deux formations politiques. Pourtant, la ressemblance est frappante. Quand Minute fait l'éloge du Fis C'est dans Minute (1) que l'on trouve les réponses les plus simples. Elles sont parfaitement résumées dans un article en trois points intitulés" l.Pas une voix ne doit manquer au Fis", "2. Pas une voix pour Aït Ahmed et ses démocrates" "3. Et surtout pas un immigré algérien de plus". L'argumentaire fait d'emblée apparaître la proximité idéologique des "purs et durs" de chaque rive de la Méditerranée. . Le nationalisme identitaire "Une république islamiste en Algérie, c'est un pays de plus qui tourne le dos à la civilisation Benetton, c'est la victoire de la Djellaba nationale contre le jean cosmopolite." (2). . La citoyenneté par le droit du sang "Cela intéresse plus particulièrement le million d'Algériens et franco-algériens installés sur nos terres et que le FIS -comme hier le FLN mais avec plus de force encoreconsidère comme les nationaux: le Fis est pour le droit du sang. Nous ausssi !" (2) . La haine enragée du mélange (et de son expression politique actuelle, l'intégration): "le Fis - et notre ami le roi du Maroc - sont contre [' intégration de leurs émigrés dans la société française. Nous aussi !" (2) . L'apologie du développement séparé des cultures: Ceci inspire au chroniqueur de Minute une violente et singulière diatribe contre Aït Ahmed: "Nous sommes certains que les authentiques Algériens balaient comme il convient ce fantôche de [' Occident centriste-socialiste , ce Rocard berbère, ce commis de Mitterrand et de Bush, ce malheureux déraciné qui veut mettre Alger à l' heure de "Dallas" et de" Santa Barbara".(2) Et, bien évidemment, l'antiféminisme commun aux adeptes de la virilité des deux camps: "sans oublier les féministes court-vêtues qui veulent lire librement le magazine Elle, le plus bête des journaux français" (2) Ces extraits de Minute explicitent assez clairement la panoplie des principes qui régissent l'idéologie des extrémistes français et celle des "barbus" algériens. Voyons de plus près. Des obsessions maladives "La dissolution des moeurs, "la dégénérescence de la civilisation"
- voilà un thème
récurrent. Les lepenistes rendent aisément responsable la femme française de la décadence nationale qui entraînerait la baisse de leur fécondité. Les islamistes, par la bouche de Abasi Madani, aujourd'hui en prison, évacuent la question féminine en la qualifiant de "malsaine". Pour Madani, le problème réside dans le fait 8 que "les droits des hommes se perdent. A la maison comme à [' extérieur". (3) L'opposition à l'Interruption volontaire de grossesse est parfaitement la même: le Fn milite pour l'abrogation de la loi Veil tandis que le programme du FIS énonce que "les slogans appelant à la limitation des naissances constituent une atteinte à la dignité de [' homme". (4). La figure du viol est obsessionnelle chez les uns et les autres. La hantise de la nudité de la femme, d'une sexualité féminine qui ne serait pas contrôlée par les hommes, semble obséder les activistes islamistes. Ils ne cessent d'évoquer comme un crime "le nombre et la diversité des affiches montrant des femmes nues"(3) tandis que nos blancs fachos développent une logorrhée où se disputent les images de l'intrusion, du métissage, du viol, de l'homosexualité, de la prostitution et affirment dans une métaphore-choc (un sommet du genre): "la patrie n'est pas un hôtel de passe pour six millions d'immigrés". (5) Les violences (restées impunies la plupart du temps) portées par les intégristes algériens sur les femmes sont allées crescendo. Elles ont commencé il y a plusieurs années déjà sans que les pouvoirs publics -passablement machistes- n'aient pu ou voulu y metre fin. Pire, un code de la famille qui institutionnalise l'infériorité de la femme a été voté par les députés de l'Assemblée nationale (à majorité FLN) et signé par l'ex-président de la République, Chadli Bendjedid, le 9 juin 1984. Ce code facilite et induit la violence faite aux femmes considèrées comme "déviantes" et constitue une marche arrière considérable par rapport à l'article 28 de la Constitution de 1976 qui condamnait toute discrimination entre les sexes. Les premières victimes de la victoire électorale du Fis aux élections municipales furent les femmes: licenciements, violences ayant parfois entraîné la mort, vitriolages périodiques de jeunes femmes non voilées, instauration informelle de la séparation des sexes dans les écoles ... Comment ne pas voir dans les manifestations du Cercle National des Femmes d'Europe (officine féminine fondée à l'initiative du FN en 1985) mettant en première ligne les bonnes mères poussant landaux et les strictes tenues des fidèles "enfoulardées" de Mgr Lefebvre une proximité de principe entre les mysogines de là-bas et celles d'ici, une mysoginie qui s'énonce en un principe fondamental: la patrie (française pour les uns, algérienne pour les autres), c'est la terre des pères! La négation de l'Histoire La fixation sur une identité qui aurait été acquise une fois pour toutes est aussi commune au Fn et au Fis. Cette corruption de l'Histoire du peuple algérien comme du peuple français induit le concept de "préférence nationale" pour l' extrèmedroite française, et l'Islam comme cadre et référence exclusifs du projet et de l'action politiques islamistes. Pour les deux projets, la déclinaison immédiate s'exprime en haine viscérale du cosmopolitisme. Elle se précise pour l'extrème-droite française par la dénonciation du "complot" "judéo-socialo-maçonnique" ou de "['Internationale Juive", tandis que le Fis et ses activistes accusent à longueur de prêche le "complot sioniste", " l'Internationale de [' athéisme", "la maîtrise des media par les juifs" . Les concordances sont troublantes. La situation est devenue critique en Algérie où un concert de Linda de Suza a été annulé (en décembre 1989) sur pression des intégristes , la chanteuse ayant préalablement été dénoncée par la presse islamiste comme une "juive embusquée derrière [' artiste". En France, les choses ont l 'air moins graves mais un cinéma a sauté, des commandos anti-IVG frappent régulièrement et des concerts de Raï ont été déprogrammés durant la guerre du Golfe. Triste. Mensonges et xénophobie La stricte application de la loi du sang dans l'acquisition de la nationalité, constitue un autre point commun flagrant. Il est bien malheureux et surtout inquiétant de voir M.Philippe Léotard, ex-Président du PR, se déplacer à Alger pour serrer la main d'un porte-parole du Fis et s'accorder avec lui à déplorer l'octroi automatique de la nationalité française aux enfants nés en France (après 1963) de parents algériens (6). Consternant. Les fantasmes sur "l'invasion" sont repris à satiété. Pour les islamistes, il s'agit de toutes les "idéologies étrangères" (on se demande ce qui ne l'est pas au-moins un peu en Algérie) qui se cristallisent autour de l' idée, d' un "parti de la France" qui chercherait à recoloniser l'Algérie. Mohamed al' Arbi al-Zbiri, un responsable du Fln qui, avec d'autres, li cédé aux sirènes intégristes, racontait apparemment sans humeur quun groupe de militants étaient venus [' informer des avances que leur avait faites le centre culturel français (à Constantine, Ndlr) : 3 000 francs mensuels à chacun d'eux pour diffuser la langue et les mots d'ordre français dans les rues de Constantine" (7))). On imagine mal une quelconque vérité dans ce type de grossièreté proférée dans un pays où les antennes paraboliques ("diaboliques" selon le Fis) permettent de capter jusqu'à quinze chaînes de télévision étrangères, dont toutes les chaînes françaises. Il est inutile de s'appesantir ici sur tous les aspects de "[' invasion étrangère" évoquée par Le Pen et tout récemment par Valéry Giscard d'Estaing. Nous en arrivons précisément aux contextes respectifs dans lesquels le Fln et le Fis ont réussi leur implantation idéologique, politique et électorale. Dans un cas comme dans l'autre, ces formations extrèmistes et à vocation toitalitaire ramassent tous les dividendes d'une somme accumulée de frustrations économiques, sociales, voire psychologiques. Les effets de la crise s' exprimant en France comme en Algérie par le caractère inéluctable et chronique que prennent le chômage, l'échec scolaire, le déficit de logements sociaux ou leur dégradation, se sont accompagnés par un discrédit qui affecte le monde politique dans sa globalité. En Algérie, la morale passéiste du Fis a pris dans le tissu social du fait, aussi, d'une corruption généralisée. A titre d'exemple, un universitaire algérien, Ahmed Rouadja, cite le cas de M'sila, une ville moyenne de province, où les crédits alloués en 1989 à l'emploi des jeunes s'élevaient à peine à 4,5 millions de dinars, alors que la valeur des produits détournés par le marché parallèle dépassaient les 400 millions de dinars. (7) Le Fis et le Fln apparaissent à tort comme des excroissances purulentes de corps sociaux a priori sains. Combien d'hommes politiques se sont évertués à répèter depuis dix ans que la France n'était pas raciste! De l'autre côté de la Méditerranée, les forces démocratiques ont peut-être sous-estimé et la force du Fis et son caractère profondément dictatorial, inquisitoir, totalitaire. Une sous-estimation qui, si elle s'avérait vraie. tendrait à expliquer l'ampleur du raz-demarée électoral au premier (et dernier) tour des élections législatives le 26 décembre dernier. 9 INTER-PEUPLES Pire, les intégristes, avant même la loi instaurant le multipartisme, ont gangréné les rouages de certains secteurs de l'Etat aussi bien que le FLN. L 'inscription de l'Islam comme "religion d'Etat" dans tous les textes fondateurs de l'Algérie indépendante et surtout la manière dont le pouvoir a utilisé les intégristes en leur donnant les moyens de prospérer, contre les communistes, notamment, ont constitué une alliance de fait entre une partie du Fln et les mouvements intégristes naissants au début des années 1970. L'une des péripéties de cette alliance qui a mené à l'impasse institutionnelle et démocratique actuelle fut la rupture des contrats entre l'université algérienne et une quarantaine de coopérants arabes, coptes et communistes, dont un Palestinien, entre 1982 et 1987. L'Etat algérien, marqué par une absence forte et durable d 'homogénéïté politique, a permis de cèder à l'objectif-clé des islamistes: barrer tout ce qui évoque 1 'hétérogénéité identitaire, culturelle, ethnique, religieuse, de l'Algérie. Si, aux premières années de l'indépendance, les lieux de culte israélites et chrétiens ne sont récupérés que pour des raisons utilitaires, en les gardant en l'état, la" conversion de ces legs culturels en mosquées s'amorce à partir de 1976 (7). Comment ne pas voir dans le rejet français de la mosquée dont la chronique nourrit les média depuis dix ans, le même refus de 1 'hétérogénéïté religieuse et culturelle du peuple français? Et voilà que Minute aborde clairement le sujet en supposant que "si le score du Fis pouvait faire prendre conscience aux vrais mâitres de ce pays du danger réel que représente l'Islam, "deuxième religion de france" comme aime à le répéter le jubilant Chirac, on ne saurait trop remercier les "barbus" algériens" . Certes, on peut se rassurer en déclarant de fausses évidences telles que "la France n'est pas raciste", mais ici aussi on a surfé avec les "valeurs" du Fn ou avec les voix de son électorat. On s'est constamment placé sur son terrain, celui de l ' immigration après celui de l'insécurité , pour tenter de donner de "bonnes réponses" à ses mauvaises questions. Il faut avoir le courage de le dire aujourd'hui quand le ver a pris dans le fruit. Le même phénomène d'utilisation des intégristes et de l'islamisme s'est déroulé en Algérie. Dans les deux cas, c'est le nationalisme qui a gagné contre l'universalisme, Minute le déclare plus clairement qu 'on pourrait le faire: "si le Fis est redouté , c.' est d'abord parce qu'il est nationaliste et que, s'il remporte la victoire que tout lui promet, ce sera en écrasant et en chassant la privilégiature socialiste occidentalisée et corrompue". Il ne fait nul doute que si de son côté le Fn venait aux affaires, il s'empresserait de livrer au Fis les réfugiés démocrates algériens comme en d'autres temps le régime de Vichy a livré aux nazis les démocrates allemands. Chérifa Benabdessadock. NOTES (1) août 1991 (2) Citations de Minute (3) Interview parue dans le quotidien algérien Horizons du 4 janvier 1991 (4) Adopté le 7 mars 1989 (5) in L'effet Le pen Edouard Plenel et Alain Rollat (6) Jeune Afrique W 1568 16- 22 janvier 1991 (8) Cité par Ahmed Rouadjia dans un excellent et indispensable ouvrage sur le mouvement islamiste algérien intitulé Les frères et la mosquée, Karthala, 1990. A LIRE A qui appartient le Maroc? A. Diouri, l'opposant marocain expulsé vers le Gabon en juin 1991 par les autorités françaises, puis autorisé à revenir en France, vient de publier le livre source de tous ses soucis, pense-t-il : "A qui appartient le Maroc?", sa réponse: "Le Maroc appartient à Hassan II , aux banques françaises et aux groupes financiers internationaux". A. Diouri réclame la convocation d'un tribunal international "pour juger des crimes économiques, politiques et humains" commis par ce Roi du Maroc. Editions l' Harmattan, Paris 1992 272 pages. N.H. Deux rescapés du génocide racontent Jacques et Albert Eideliman racontent leur village juif de Bessarabie, la découverte du Paris des années trente, leur participation aux grandes luttes sociales de 1936. Ils racontent aussi le destin de cette famille, semblable à celui d' autres familles juives émigrées en France. Cette famille a été emportée par la tourmente et anéantie ... seuls Jacques et Albert ont survécu ... ils se souviennent. Editions Messidor, 90 F, Paris 1992, 230 pages. N.H. Lutter contre l'extrême droite Le Secrétariat National à la Formation du P S. vient de publier trois brochures, des outils pour l' action. Le P S. se propose de répondre point par point et avec des méthodes aux arguments du Front National, de dénoncer les contre-vérités, de répliquer à la calomnie. 1) "Lutter contre l'extrême-droite" 30,00 F 2) "Mieux connaître l'extrême-droite" 50,00 F 3) "Agir contre l'extrême-droite" 50,00 F S.N. à la formation du P.S. 10, rue de Solférino, 75007 Paris. N.H. POLÉMIQUE PRÉ-RAPPORT D'ORIENTATION Le texte du pré-projet de rapport d'orientation modifié par les premières contributions (dont les principaux extraits ont été publiés dans le numéro de janvier de Différences) a été présenté à la discussion du Conseil National du 14 février et dont nous publierons prochainement le compte-rendu. Ce texte que nous publions ici acquerra le statut de projet à l'issue des modifications apportées par le Conseil. Il sera de nouveau modifié en fonction du contenu des débats qui ont et vont avoir lieu dans les congrès départementaux et régionaux. Pour être pris en compte dans le document final qui sera présenté au Congrès, les comptes-rendus de ces débats et les amendements souhaités doivent impérativement arriver au siège du Mouvement le 21 mars prochain. VERS UN CONGRES NOV A TEUR Le MRAP tiendra son prochain congrès les 10, Il et 12 avril 1992 à Paris. La montée des périls donnent à ce congrès une importance particulière . Nous convions tous les adhérents de notre Mouvement et tous les antiracistes à réfléchir et à faire des propositions. PRÉAMBULE (proposé par J.J. Kirkyacharian) La montée des périls, tant à l'échelle mon· diale qu'en Europe et en France donne à notre Congrès Nation al de 1992 une importance particulière. Le rac isme a gagné du terrain, y compris sous sa forme la plus agressive. Dans le monde entier, le désordre économique favorise les affron· tements ethniques, les fanatismes reli· gieux, les idéologies d'extrême·droite. Le sous· développement des pays les moins avancés s'aggrave, le fossé se creuse encore un peu plus entre "le Nord" et "le Sud". Des peuples entiers sont plongés dans la misère la plus extrême. L'Afrique, par exemple, est prise dans la spirale de la faim et du dén uement, mais continue, avec tous les pays pauvres, à financer le déficit budgétaire des riches, entre autres des U.S.A. Même dans ces pays considé· rés en bloc comme riches, les inégalités sont de plus en plus cruelles; la situation de la population de couleur aux U.S.A. est, dans de larges poches du pays, catas· trophique à tous points de vue. Le chôma· ge provoque des réactions de repli sécuri· taire chez beaucoup et favorise les idéologies de la discrimination. L'objectif du MRAP n'est pas évidemment de résoudre tous ces problèmes, mais il ne lui est pas possible de les ignorer car c'est par rappon à eux que la lutte contre le racis· me doit se déterminer dans des dimen· sions nouvelles. Nous savons que la lutte sera diffi cile. mais nous savons aussi que nous n'y serons pas seu ls, car la lutte contre le racisme s'inscrit dans l'ensemble des combats pour un véritable développe· ment économique, social, démocratique, pour un renouveau de notre monde. C'est en pensant à cela que le Conseil National convie tous les adhérents du Mouvement, et plus généralement tous les antiracistes, à réfléchir et à formuler des propositions sur le rapport d'orientation qui suit. 1· OUENESTLEMONDEAUJOURD'HUI? Notre but n'est pas d'étudier tout ce qui agite la planète, mais d'analyser les principaux problèmes ayant des répercussions sur le racisme en France. 1.1. Des prolongements nouveaux à des problèmes anciens 1.1.1. Depuis notre dernier congrès, des acquis positifs ont été enregistrés dans la lutte contre l'apartheid: la Namibie est devenue indépendante, Nelson Mandela a été libéré et l'ANC autorisée. Cependant, alors que les USA et l'Europe lèvent par· tiellement les sanctions économiques, la question de fond (un homme une voix) 10 n'est pas encore réglée. Le gouvernement sud·africain utilise et aggrave des rivalités existant entre les noirs sud-africains pour faire croire que la démocratie, c'esl le chaos et que lui seul peut assurer la paix civile. 11 convient de ne pas tomber dans ce piège. 1.1.2. La situation au Proche· Orient est deven ue plus explosive, la guerre du Golfe (qui a causé 175.000 morts) n'a réglé aucun problème, le régime sanglant de S. Hussein se perpétue, les minorités chites, kurdes, sont opprimées, l'embargo occidental fa it des milliers de victimes en paniculier femmes et enfants irakiens. Le Koweit est redevenu un état féodal, l'asp iration légitime du peuple kurde à être reconnu lui est refusée tant par les pays concernés que par la communauté internationale. Cette guerre que chacun s'accorde à reconnaître aujourd'hui comme "politico-économique" a laissé en France, notamment pour la jeunesse, de profondes séquelles, l'opinion publique ayant, dans sa majorité, approuvé l'intervention militaire conduite par les U.S.A. L'Intifada, révolte de la jeunesse palesti· nienne opprimée et bafouée, reste l'arme essentielle contre un gouvernement israélien qui se refuse à tenir compte des aspirations légitimes de ce peuple. Le gouvernement d 'I sraël intens ifie à marche forcée l'implantation de colonies dans les territoires occupés dans le but de créer un processus d'annexion irréversible. La Conférence de Paix s'embourbe dans des débats procéduriers afin de faire reculer l'échéance de discussion pour une paix juste et durable et la création d'un Etat palestinien, qui garantisse la sécurité de J'Etat israélien. Ni le courageux mouvement progressiste d' I s raë l, ni la pression de l'opinion publique, ni la diplomatie occidentale ne sont suffisamment importantes pour inflé· chir le gouvernement israélien qui multiplie les entraves à une négociation véritable. Le Mrap en appelle à la raison pour que l'émergence des valeurs universelles se concrétisent par l'entente fraternelle de ces deux peuples. 1.1.3. Le déséquilibre économique entre les pays pauvres et les pays riches, loin de se résorber, a été aggravé par les guerres, les profiteurs (intérieurs et extérieurs), le désengagement des pays de l'Est. Ce désé· quilibre affame et exaspère les habitants des pays pauvres, les pousse à chercher ailleurs une solution à leur misère et nous rappelle qu'avant de parler d'immigration, il faut parler d'émigration, c'est·à·dire de déracinement. 1.2. De nouveaux problèmes ont surgi: 1.2.1. La remise en cause du communisme dans les pays de l'Est a eu pour conséquences (du point de vue de l'antiracisme): - le réveil des nationalités muselées par le stalinisme, avec du positif (droit des peuples à disposer d'eux·mêmes, respect des particu larités) et du négatif (affrontements interethniques, nationalisme exacerbé); . le triomphe apparent du capitalisme et, par conséquent, la conviction qu'il n'y a pas d'alternative à ce système économique reposent sur la logique du profit, avec, en corollaire, le dénigrement de toutes les valeurs qui, à tort ou à raison, sont souvent liées à la gauche: la lutte contre le racisme et le révisionnisme, l'internationalisme, le tiers-mondisme; - l'apparition d 'une nouvelle "grande peur": celle de voir l'Europe mise à feu et à sang et la France "envahie" par des vagues de réfugiés contre lesquelles il faudrait se protéger en dressant un nou· veau "mur de la peste". 1.2.2. Dans les pays de la Communauté Européenne, dont l'aspiration à la démo· c ratie, si légitime soit-e lle, a laissé la place au retour des vieux démons, l'idéo· logie nazie est de nouveau prônée, des votes inquiétants apparaissent, des com· portements de type fasciste (chasse aux étrangers applaudie par de larges couches de la population) se manifestent, ce qui provoque aussi heureusement l'indignation de ce ux qui n'ont pas la mémoire courte. La mise en place de l'espace euro· péen pose de graves questions: sera-t·il possible de promulguer une législation européenne contre le racisme, d'hannoniser d'une façon posi tive les législations nationales sur l'entrée et le séjour des étrangers, le droit au regroupement fami· liai, de concevoir une citoyenneté européenne égale pour tou s les ré sidents (nationaux et étrangers?), d'une action opiniâtre pour le respect des droits des minorités? Les premières réponses sont inquiétantes car les accords de Schengen et de Maastricht tendent à mettre en place une Europe sécuritaire et discriminatoire à l'égard des résidents non· européens. 1.3. La situation en France 1.3.1. Tous ces bouleversements renforcent: - l'influence et l'arrogance du F.N. qui multiplie les provocations racistes et se présente comme le seul défenseur des Français alors que ses propositions conduiraient, si elles étaient appliquées, à la destruction des notions de liberté, d'égalité et de fraternité; - la xénophobie populai re: selon les son· dages, près d'un Français sur deux se dit raciste; nos militants savent que ce racisme frappe, au gré des circonstances et des réalités locales, les Antillais, les Asiatiq ues, les Juifs, les Maghrébins, les Noirs, les Tsiganes et qu'il se traduit quotidiennement par des discriminations dans le domaine de l'emploi, du logement, etc .. - le racisme idéologique: de pseudo· idéo· logues, qui ne sont pas tous d'extrêmedroite, tentent de réhabiliter le concept de race; le négationnisme s'attaque à la Shoah et l'antisémitisme s'affiche désor· mais ouvertement; . le racisme politique: plusieurs dirigeants du RPR et de l'UDF tiennent, par déma· gogie ou par conviction, des propos dan· gereusement racistes ("odeurs, invasion, occupation"); certains d'entre eux envisagent sereinement l'extension des accords existants avec l'extrême-droite et nous courons le risque de voir le F.N. être de plus en plus l'arbitre des élections. 1.3.2. Devant cette périlleuse situation, les forces politiques réagissent de façon sou· vent confuse. Beaucoup de personnalités de l'opposition parlementaire, ou parfois de la majorité, font des déclarations générales pour condamner dans l'abstrait le racisme et les tendances racistes, ce qui ne mène pas bien loin. Les conclusions positives du colloque de Vizille, à l'in itiative de douze maires de grandes vi lles de plusieurs ten· dances, n'ont guère eu de suites concrètes. 1.3.3. Le gouvernement et la majorité qui le soutient condamnent le F.N., mais en même temps soutiennent des mesures que l'ensemble du mouvement antiraciste ne peut que condamner. Cette incohérence trouble et désoriente l'opinion publique, pourtant encore majoritairement hostile aux thèses de l'exclusion. En bref, tout se passe comme si "la question de l'immigration" ou "la condamnation des thèses de Le Pen· Mégret" jouaient un rôle dans un jeu politique assez extérieur à ces questions. Dans un tel climat, les militants de gauche, entre autres ceux de la mouvance socialiste, au·delà de ceux qui sont engagés à nos côtés, sont désorientés et certains autres ont du mal à se mobiliser et à trouver leur place naturelle parmi nous. 1.3.4. Les militants et sympathisants du PCF n'échappent pas non plus au trouble général. La critique que nous avons fa ite du tract sur l'immigration n'a pas toujours été bien comprise, et a été parfois assimilée à une intervention d ans les affaires internes du PCF. Cependant cette critique était nécessaire, car les fonnu lations dangereuses et erronées du tract se situaient en plein coeur des problèmes dont nous avons la responsabilité. Certes, le PCF et ses militants ont toujours participé activement à la lutte contre le raci sme, mais nous conservons toujours le droit et parfo is le devoir de critiquer, voire de condamner telle ou te lle formu lation, telle ou telle action locale. La lutte antiraciste ne peut que gagner à l'effort de clarté, aujourd'hui plus que jamais peut·être. 1.3.5. Nous ne nous posons pas en juges: nous savons que le racisme est fonc tion des cond it ions économiques et nous n'ignorons pas les difficultés des banlieues qui se heunent à de nombreux problèmes; nous disons cependant que rester ferme sur les principes ne peut suffire si, en même temps, des mesures concrètes ne sont pas prises pour supprimer les exclu· sions et les inégalités dans le domaine de l'école, du logement, de l'emploi et de la justice. 2. OU EN EST LA LUTTE CONTRE LE RACISME? L'antiracisme est· il à la ha uteur de la situation? Non: malgré des aspects positifs, la lutte n'est pas suffisante. 2.1. Les aspects positifs 2.1.1. Le MRAP, tel qu 'il existe, est un outi l contre le racisme : nos comités locaux organisent des fêtes interculturelies, des rencontres, des débats, interviennent dans les quartiers et les écoles, aident concrètement les victimes des discriminations raciales, animent des collectifs de défense des Droits de l'Homme. Au niveau national, la pennanence juridique est très utile, le MRAP réagit avec vigueur contre tous les actes ou les propos racistes, suscite la réflexion, est souvent l'élément moteur des manifestations ou des actions (le 17 octobre 1991 et le 25 janvier 1992, par exemple). 2.1.2. Cependant, le MRAP n'a pas le monopole de la lutte contre le racisme; d'autres associations pours uivent les mêmes buts; d'autres ont des buts plus larges ou plus spécifiques. De nombreuses associations issues de l'immigration ou représentant des étrangers résidant en France ont vu le jour et sont actives. Des intellectuels, qui , malheureusement, se situent souvent à côté des associations (quand ce n'est pas contre elles) agissent aussi par leurs écrits. Il ne faut pas enfin inorer le potentiel de mobilisation existant chez les jeunes issus de l'immigration qui SUpportent de moins en moins, SOuvent de façon anarchique et désespérée, les exclusions dont ils sont victimes. 2.1.3. Les mouvements antiracistes ont aussi contribué à souligner l'aspect positif des différences et à redéfinir la notion de laïcité; tous les usages certes ne sont pas respectables et les intégrismes essaient ici ou là d'imposer des pratiques qui nourrissent l'exclusion; il faut ceperidant réaffirmer que la laïcité ne consiste pas à refuser les religions ou à s'y opposer, mais à pero mettre à chacun de pratiquer la religion de son choix ou de ne pas en pratiquer, à donner à chacun la possibilité d'affirmer ses choix en respectant ceux des autres, à tirer parti de cette diversité. 2.2. Les aspects négatifs 2.2.1. Ne dissimulons pas nos propres dif· ficultés: structurelles financières, faiblesse de communication de l'expression publique de nos idées; nos actions n'ont pas toujours l'efficacité souhaitée; souvent les comités se sentent désemparés, parfois isolés; la composition sociologique de notre Mouvement ne recouvre pas suffisamment la réalité soc ia le. Cependant, nous pensons que la lutte contre le racisme n'est pas à la hauteur pour trois raisons primordiales: 2.2.2. A de notables exceptions près, les pouvoirs publics, les partis, les syndicats, participent trop peu à la lutte contre le racisme; cela reflète, nous semble-t-il, une incapacité à trouver ou à appliquer des remèdes durables aux problèmes de socié· té dont les immigrés sont les révélateurs privilégiés et les victimes 2.2.3. Les médias ont une responsabilité dans la montée et l'image de respectabilité du F.N. Ils présentent de façon maladroi· te, panielle et partiale le combat antiracis· te avec souvent un ostracisme envers le MRAP difficilement compréhensible et acceptable; certains s'intéressent surtout aux joutes démagogiques, à l'Audimat favorable; certes, il existe un antiracisme médiatisé et consensuel, qui se contente de condamner moralement au nom des grands principes; il est inefficace parfois même néfaste car il a contribué à banaliser notre combat: l'opinion publique, fati· guée des discours moralisateurs, préfère se réfugier dan s des s téréotypes simplistes. 2.2.4. Beaucoup ne comprennent pas les raisons de la variété des associations antiracistes dues à l'ignorance; cette pluralité est née de diverses raisons objectives, mais leurs divergences peuvent démobiliser les bonnes volontés; certes, des appels à l'union sont faits (l'appel de Dreux, pour notre pan, en mai 1990), des actions communes sont menées, des collecti fs se for· ment pour intervenir sur une question, mais tout ceci est-il suffisant? 3. QUE FAUT-IL FAIRE? Les analyses qui précèdent sont largement partagées. Mais les solutions proposées sont multiples et divergentes. C'est ici que nous invitons surtout à la réflexion en vous demandant de choisir entre les diffé· ren tes options , d'en ajouter éventuelle· ment de nouvelles et surtout de justifier ces choix par vos propres expériences. On peut distinguer les objectifs ou orienta· ti ons, les méthodes (ce qui permet d'at· teindre ces objectifs) et les moyens (ce qui permet d'appliquer ces méthodes). 3.1.1.Notre orientation, définie dans les statuts, serait bonne: "Le MRAP a pour objet de faire disparaître le racisme"; il n'y aurait pas lieu d'en changer (il fa udrait cependant expliquer pourquoi nous nous appelons "Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples"). 3.1.2. Notre orientation devrait être préci· sée et restreinte: nous devrions surtout lutter contre les discriminations raciales en France, en agissant pour une transformation des mentalités, en cernant mieux nos créneaux, en ne voulant pas nous occuper de tout ce qui se passe dans le monde. 3.1.3. Notre orientation devrait être précisée et élargie: il faudrait, soit lutter pour une démocratie sans exclu sive (ce qui implique que l'on devienne un Mouvement plus politique), soit lutter pour la défense des Droits de l'Homme et 11 POLÉMIQUE pour un meilleur partage des richesses dans le monde, soit donner une dimension plus européenne ou plus internationale à notre action en proposant une structure de concertation. 3.2. Les méthodes: une fois la ligne définie, il faut déterminer les méthodes permettant d'atteindre les objectifs . Partant de l'idée qu 'un Mouvement comme le nôtre ne peut pas tout faire, on pense généralement qu'il faut choisir des priorités, mais là aussi, les priorités (qui ne s'excluent pas forcément) ne sont pas les mêmes pour tous. A quoi fa ut-il donner la priorité? 3.2.1. A l'union? Il fa ud rait ne pas se contenter de l'appeler de ses voeux, mais faire des propositions (ce serait le rôle de notre direction) pour arriver, sur des bases idéologiques claires et dans le respect de la diversité, à une convergence de toutes les forces qui s'opposent au racisme. 3.2.2. A la médiatisation de notre lutte? Il fa udrait faire plus de documents, mieux les populariser, amener les médias à s'intéresser à nous, développer nos ressources audiovisuelles. 3.2.3. A l'action sur le terrain? Il faudrait renforcer les comités locaux, leur donner les moyens de fonctionner efficacement, mieux former les militants, concevoir les instances nationales comme des outils de coordination. 3.2.4. Aux jeunes? Il faudrait les amener à paniciper à la lutte contre le racisme et à concrétiser leurs généreuses aspirations. 3.2.5. Aux immigrés? 11 faudrait aider les principales victimes du racisme à s'organiser et à s'engager dans une lutte structurée et positive, en collaboration avec les forces antiracistes de ce pays. 3.2.6. A la réflexion? Il faudrait dévelop· per les commissions, les approches théo· riques, les colloques. 3.3. Les moyens: il est évident que ces moyens seront différents selon les priorités que l'on se donne; cependant, deux idées apparaissent souvent: 3.3.1. Il faudrait amél iorer nos finances, obtenir plus de subventions, ajuster nos actions, fai re des économies, trouver des ressources nouvelles (lesquelles et comment?) 3.3.2. Nos structures sont lourdes: il faudrai t les simplifier et/ou les décentraliser. Plusieurs possi bili· tés sont envisageables, par exemple: - mettre en place les unions régionales prévues dans les statuts et leur donner un pouvoir délibératif; . n'avoir qu'un seul organe délibératif (le Conseil National) comprenant un repré· sentant par fédération ou par commission e t un seul organe exécutif (le Bureau National) comprenant un seul responsable général (le pone-parole du Mouvement) et deux responsables par secteur; . supprimer le Bureau National et le rem· placer par un Secrétariat National élargi comprenant les secrétaires généraux, la présidence, les secrétaires nationaux, les représentants des commissions; - créer un Secrétariat pennanent constitué d'un président, des secrétaires généraux et du trésorier. 3.3.3. Il faudrait également trou ver des so lutions pour la gestion du personnel permanent, l'articul ation de Différences avec le Mouvement, le fonctionnement de MRAP·Solidarité et des commissions. 4. yNE GRANDE QUE,STION PEUT RESUMER NOTRE DEMARCHE: A quelles cond itions un Mouvement comme le MRAP, independant plurali s· me, actif, peut· il réaliser efficacement ses objectifs? C'est de la réponse à cette question, de la réflexion commune dans l'enrichissement mutuel, de notre capacité à faire des propositions concrètes et à nous adapter à la dure réalité, que dépend l'avenir de la lutte contre le racisme. A VOIR THÉÂTRE Lettre de Louise Jacobson, mise en scène d'Alain Gintzburger, avec Juliette Battle au Théâtre du Tambour Royal(l) du 17 mars au 26 avril. Pour sa première création le théâtre d'Eleusis donne un spectacle digne du théâtre grec; Louise est une Antigone vouée à la mort par une politique démoniaque mais une Antigone qui ne comprend pas ce qui lui arrive, qui s'accroche désespérément à une vie traumatisée par "les salauds ordinaires" et à de petits plaisirs qu'elle veut croire "épatants" et surtout qu'elle veut faire croire tels à ce père qui a la chance de rester libre. De la même façon qu'à Eleusis les Athéniens célébraient la douleur de Déméter pleurant sa fille Coré/Perséphone (enlevée par Hadès) par des mystères initiatiques enseignant le chemin qu'il fallait prendre après la mort, les Lettres de Louise Jacobson célèbrent le martyre de cette jeune fille juive apprenant, jour après jour, lettre après lettre, le chemin qui conduit à la mort. Comment ne pas être bouleversé par cette Louise superbement incarnée par une actrice dont le visage resplendit dans la nuit meurtrière, par la candeur et la force de cette jeune fille qui a "fêté"(?) ses dix-huit ans à Drancy, par sa joie de vivre, par sa soif d'apprendre, par son ignorance du destin tragique qui l'attend. Comment ne pas être révolté par la veulerie d'une époque qui a permis l'holocauste, par ces "bons Français" dénonçant anonymement, par ces policiers et ces gardiens français, bons fonctionnaires humainement au service de la "solution finale". Ce spectacle est une magnifique leçon d'histoire et il devrait être joué dans tous les lycées de France; c'est aussi une magnifique leçon de théâtre et, surtout, la découverte d'une personnalité que l'on ne pourra plus oublier. Pierre-Marie Danquigny (1) Réservations : 48.06.73.34 vous À NOUS Votre Différences mensuel challge.1l se met doval/tages à /a disposition des comités locaux du mouvement, et des militants. Pour cela, il ouvre des dossiers sur les questions qui touchent au racisme dans notre société, ainsi que des événements internationnaux qui nous préoccupent. Il inaugure aussi une rubrique "Polémique" où nous souhaitons que s'engagent des débals entre militants, chercheurs .. . et que s'expriment des points de vue différents ou contradictoires. Ce mois-ci, ces pages sont essentiellement consacrés à la préparation du Congrès. Un reportage aura lieu chaque mois sur l'activité d'un comité local, nous ferons part de l'activité des commissions et enfin, celte page est la vôtre. N 'hésitez pas à nous écrire, à nous faire part de vos remarques autant sur le contexte national et international que sur l'otrejournal, Malgré le manque de place dont nul ne saurait se satisfaire, nous tâcherons de publier chaque mois autant de lettres que possible, lA. ESTAMPILLES Je voudrais savoir si l'article d'Isabelle Avran, paru dans Différences N° 120 que nous venons de recevoir est à classer panni : les "libres opinions" ou s'il s'agit d'un point de vue estampillé "Mrap", J'e;o;prime par ailleurs, dans le cadre de la préparation du Congrès, le souhait que notre Mouvement s'engage dans une orientation plus politique, mais ce type d'article illustre bien ce qui me semble etre un risque d'écueil. Sur quels critères indiscutables le MRAP (ou Isabelle Avran) se fonderait-il pour affinner à propos des événements du 19 août RESULTAT DU TIRAGE DES BONS DE SOUTIEN POUR L'ANNEE 1991 1. BONS DE SOUTIEN Lots des bons de soutien: - 1er billet: Un voyage aux Caralbes - du 2eme au 21 ème billet: Une collection de Différences trimestriel - du 22ème au 41ème billet: La France de l'Affaire Dreyfus, de Pierre PARAF - du 42ème au 5 lème billet: Une collection de 7 pin's - du 52ème au 101ème billet: Un pin's Gagnante du 1er billet: W 181041 (Voyage) Mme Danielle BERTRAND 27, rue des Iris 72000 LE MANS/ROUILLON 20 Gaqnants du 2ème au 21ème billet: (Une collection de Différences trimestriel). 001422 -2 145928 - 12 018916 -3 101240 - 13 021485 -4 250713 - 14 156111 -5 037540 -15 130882 -6 0742 14 - 16 127544 -7 065334 - 17 058574 -8 2493 12 - 18 222844 -9 189263 - 19 015289 - \0 160421 - 20 247881 - II 116356 - 21 20 Gaqnants du 22ème au 41ème billet: (La France de l'Affaire Dreyfus, de Pierre PARAF). 058570 . 22 238648 - 32 088700 - 23 207992 - 33 058573 - 24 204037 - 34 055194 - 25 078954 -35 à Moscou: "Ies nos/algiques du régime brenél'Îell 0111 /ellfé leur putsh lamellfabfe". Que d'affinnations gratuites en si peu de mots! Je veux bien soutenir une thèse très différente auprès de Mme Isabelle Avran mais, après tout, pourquoi devrais-je le faire comme si j'étais non -adhérent au Mrap et elle son porte-parole, e;o;primam une évidence dans un domaine où, d'ailleurs, le racisme n'a pas sa place? Je m'interroge. Gaston Pefferet - Pujaut (30) "MOI/vemell! COII/re le Racisme el l'Ami/ié entre les Peuples". Telle est la vocation du Mrap. Aussi nous semble-t-il important d'ouvrir les yeux sur ce monde qui est le nôtre.,. Ainsi avons nous tenté. par exemple, de voir plus clair sur la situation dans "l'ex-Urss", Point de vue objectif? Quel journaliste honnête prétendrait à une totale objectivité? Ceci dit, lorsqu'il y a putsch.. Nous espérons lire bientôt votre point de vue. I.A. TAPIE, CANI IOAT OU MKAP? Nous avons été choqués de trouver dans Différem:es de septembre 1991 (que nous n'avons eu qu'en décembre) à la page Action, de Comité à Comité, un tede sur les élections régionales en Provence-AlpesCôte- d'Azur. Ce texte (écrit par qui: un Comité? un individu?) n'a rien à voir avec les autres articles de cette page et fait tout simplement la propagande pour M. Tapie. Le Mrap a-t-il donc un candidat officiel? 1) Parlant des "3 candidats en lice: Gaudin, Tapie. Le Pen". il entre dans le jeu médiatique simplificateur et réducteur du "dl/el cl 245893 - 26 127101 -36 228065 - 27 178322 -37 091151 -28 102850 -38 043465 -29 II t647 -39 245212 - JO 071526 - 40 160427 - 31 113747 - 41 10 Gaqnants du 42ème au 5 1ème billet: (Une collection de pin ' s). 113741 - 42 174582 - 47 121981 -43 177790 - 48 017902·44 249318 -49 070394 - 45 089182 - 50 15 1829 -46 056034 -51 50 Gaqnants du 52ème au 10lèmebillet: (u" rin's). 78318 - 52 0041 \0 - 77 111069 - 53 236527 - 78 182641 -54 104746 - 79 130381 - 55 182635 - 80 031712 - 56 001530 - 81 140403 -57 180183 -82 180169 - 58 001313 - 83 056036 - 59 07 1527 - 84 118595 - 60 154715 - 85 056024 - 61 189106 - 86 125469 - 62 250716 - 87 058551 - 63 242424 - 88 208593 - 64 142932 - 89 055182 -65 113748 -90 028785 ·66 068762 ·91 225917 - 67 028654 - 92 226890 - 68 140261 - 93 060484 - 69 068060 - 94 140406 - 70 189279 - 95 140412 -71 041841 -% 001427 -72 077 126 -97 242269 - 73 094304 - 98 208240 - 74 098730 ·99 057804 - 75 084712 - 100 178895 -76 077124 - 101 distance", gommant ainsi l'existence d'autres candidats qui sont la richesse de chacun des départements et représentent des courants de pensée très variés qui fondent notre démocratie, 2) Tapie serait-il le candidat anti-Le Pen? Cela ne se décrète pas, mais se prouve par des actes. L'analyse du Mrap est (nous semble-t- il! !!) que le racisme augmente dans un pays en crise, où le chômage attise la haine entre communautés. Rappelons que Monsieur Tapie, grand patron et grand repreneur d'entreprises. a laissé sur le pavé des centaines d'employés. Ce "gagneur" pratique ct soutient une politique qui marginalise des millions de Français. Il peut se battre contre Le Pen. mais pas contre les causes qui ont fait grandir Le Pen. D'autres candidats le font. (Nous n'irons pas plus loin). Nous regrettons d'entrer dans ce domaine, mais cet article mériTe réponse et nous souhaitons la Publication de notre lettre dans le prochain numéro (à paraître, espérons le, avant les régionales, pour rétablir l'équilibre de la balance. ROrlUlin Clairet Danielle Truchi-Clairet Michèle Truchi Mon papie r n'est évidemment pas de défendre la candidature de tel ou tel homme politique, mais de signaler les intolérables et intolérantes accointances de la droite "médeCÎniste'" et de l'extrême droite. S'il y avait dans ce bref article quelques confusions de formulat ions. les lecteurs de Différences auront rétabli d'eux-mêmes. Mcrci. C.B. Différences 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cede;o; II Tél. : 48.06.88.00 Télécopie: 48.06.88.01 DIrecteur de la publication Mouloud Aounit Gérant bénévole Martiat Le Nancq Rédactrice en chef Cherira Benabdessadok Journaliste Isabelle A vran Chargée de communication et de promotion Mélina Gazsi Publicité aujoumal Abonnements Isabel de Oliveira Maquette PAO Jean-Guy Vizet Tél.: 46.63.76.53 Impression Montligeon Tél. : 33.83.80.22 CommissIon paritaire nO 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légat 1992-02
Notes
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