Droit et Liberté n°320 - avril-mai 1973

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    • Editorial: La guerre de six ans par Albert Levy
    • Etre immigré en France par Dominique Defoix
    • Contre la circulaire Fontanet
    • Huit mesures urgentes (immigration)
    • La condition d'O.S. par Maryse Tripier
    • Drame à Espelette par Jean-Louis Fourrier
    • Antisémitisme: plus un mensonge est gros
    • Discriminations: la douloureuse épreuve de Mme Lavable
    • D.O.M. T.O.M.: le bréviaire de la fraude
    • Afrique du sud :parlons-en; l'aide française; inconscience ou cynisme
    • Procès à Pretoria: six hommes en danger par Michel Phily
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    • Dossier: il y a 30 ans l'insurrection du ghetto de Varsovie par Alexandre Chil-Kozlowski
    • Art: Picasso, une oeuvre, un homme
    • Journées internationales du film antiraciste présentées par Albert Cervoni
    • Le prix de la Fraternité à Alain Spiraux pour "Jeanne d'Arc et l'enfant juif" présenté par D.D.
    • Vie du MRAP: des députés nous répondent
    • Education à la fraternité: Préjugés d'hier et d'aujourd'hui

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IIFRIQUE DU SUD. GREIIES, PROCES, FRllnClllSE D.o.m. :LE BREIlIIIIRE DE LII FRIIUDE ImmiGRE En FRllnCE AVRIL-MAI 1913 • N° 320 . 2.50 FRANCS La loi ne désigne pas les Gitans J'attire votre attention sur certaines déclarations relatives aux Gitans contenues dans votre articl~ sur la loi du 1·r juillet 1972 paru dans « Droit & Liberté» de mars 1973. Elles m'ont paru erronées. La loi du 3 janvier 1969 n'instaure pas un régime discriminatoire à l'égard des Gitans . Elle ne mentionne pas les Gitans. Gitans ou non , les personnes qui ont un domicile ou une résidence fixe ne sont tenues à aucun visa de police . Ne sont de même, pas tenues à un visa quelconque, les personnes sans domicile ni résidence fixe qui exercent une activité commerciale ou artisanale, qu'elles soient ou non des Gitans. Seuls sont tenus de viser les salariés sans domicile ni résidence fixe, aucune distinction n'étant faite suivant la qualité de gitan, et les personnes sans domicile ni résidence fixe qui ne peuvent justifier de ressources régulières. Là encore, aucune discrimination n'est faite su ivant leu r race. J'ajoute que les visas de police ne sont mensuels que pour les personnes qui ne justifient pas de ressources régulières. Les salariés doivent présenter leur livret de circulation à des intervalles, dit la loi, q~i ne peuvent être inférieurs à trois mois. Pierre JOIN-LAMBERT Conseiller d'Etat Paris (16·) Un numéro passé au crible Ayant abonné plusieurs amis à « Droit & Liberté», je vous transmets, comme promis, des observations plus ou moins justifiées qui m'ont été faites par un certain nombre d'entreeux (je passe sous silence les critiques par trop énormes, ainsi que mes propres observations), le tout sur le numéro 317 de janvier 1973. Page 5 (agressions contre des travailleurs algériens) «Certains des cas mentionnés ne aont-ils pas des conséquences de luttes intestines 7 JI, Page 7 (éloge par « Aspects de la France», d'un chef d'entreprise qui se réfère aux idées du Maréchal Pétain) : «C'est certes regrettable, mais cela doit-il être présenté comme racisme ' Ou antisémitisme 7 Il. Page 7 (refus d'émission 2 COoeRIR d'un timbre sur Heine) :« Heine était Allemand, et, è ma connaissance, il n'est pas dans les habitudes des P. et T. de consacrer des timbres à des gloires étrangères". Page 13 (aide soviétique pour la construction du barrage d'Assouan) : cc Il y a évidemment une contrepartie è Faide de FU.R.S.S. Il. Page 13 (la cc tuerie aveugle ») : un abonné choqué par Faspect politique de Favantdernier alinéa : Texte de cet alinéa : c( Le peuple du Vietnam n'a pas cédé, son moral ne s'est pas effondré comme l'espérait M. Nixon; bien au contraire, il a fait face avec son héroïsme de toujours, son inimaginable obstination . Et par dizaines, les B 52 ont été abattus par les fusé'es de l'armée vietnamienne qui ont transformé en défaite l'offensive aérienne américaine. A la veille du Jour de l'An, Jes raids ont cessé sur Hanoï et Haïphong ; les négociations reprennent». Page 16 (dénonciation d'un bulletin électoral de M. Soustelle, où il agite l'épouvantail des « éléments troubles» algériens dans un quartier de Lyon: « Cette forme à peine feutrée de provocation à la haine n'empêche pas M. Soustelle de se présenter comme... un antiraciste militant ») : Un abonné: «C'est vrai JI. Soustelle le croit de bonne foi, je pense. En réalité, c'est un sioniste convaincu. Je pense qu'il fallait toumer autrement Fattaque contre ses propos. Page 34 (la délégation du M.R.A.P. en R.D.A.) : cc Dernier paragraphe trop politique Il. Texte de ce paragraphe: c( La délégation s'affirme convaincue qu'il serait de l'intérêt de la France de reconnaître la République Démocratique Allemande et d'établir avec elle des relations dans tous les domaines, comme elle le fait avec tout Etat souverain ». Pardonnez-moi ma franchise. Mais je crois qu'il faut essayer de clarifier chaque jour davantage la cause que nous voulons servir - par crainte de lui nuire involontairement. A.C. (92) N.D.L.R. : Nous remercions notre correspondante de cette franchise, que nous attendons de tous nos amis, car elle contribue à Fefficacité de notre action. Prenant acte de ses observations, nous serions heureux de connaitre ce que pensent d'autres lecteurs des problèmes qu'elle soulève. De leurs lettres, naitra sans aucun doute un débat fort utile à cc Droit & Liberté». Intolérable Je veux vous signaler les propos racistes de la profession de foi du candidat du « Front National» de mon secteur. Bien que je sois pour la liberté d'expression, il me paraît intolérable qu'on se permette de calomnier et d'injurier les travailleurs immigrés de cette façon. Je me sens très désemparée devant des propos aussi mensongers et aussi teintés d'idéologie fasciste , car ils trouvent facilement audience auprès de nombreuses personnes. Sur Paris-Inter, ce matin-même j'ai entendu une « bonne histoire » de la même veine. Espérons que votre vigilance, votre action, et la poussée à gauche qu'ont révélées les élections, feront taire de tels propos. Jacques BUFFEREAU Paris (20·) La boulangère a des .•• préjugés J'ai l'honneur de vous rapporter, très scrupuleusement, une conversation échangée récemment entre une boulangère dans mon quartier et une cliente: La boulangère (que son employée vient de quitter, et qui cherche une remplaçante) : « Mon bureau (7) va m'envoyer une fille de la Réunion. Vous vous rendez compte, une Noire! Vous imaginez la tête que j'ai fait. Oh ! Mais je ne m'en occupe pas, demain je passe une petite annonce ». La cliente : « Vous avez raison . Je ne suis pas raciste, mais une Noire dans une boulangerie, ça l'affiche plutôt mal», La boulangère: « Oh ! Moi je je le suis raciste. Ils sont tous tellement paresseux. Et ils me font peur. Tenez, une fois on a eu un employé noir. Heureusement que j'avais mon mari, je n'en dormais pas de la nuit ». Yves DELAPORTE Paris (SO) Stupeur al Anvers Voici copie de la lettre que je viens d'adresser au Bourgmestre d'Anvers, en Belgique : « J'ai eu le plaisir, à l'occasion des fêtes de Pâques, ' de revoir votre belle et grande ville. Je me permets cependant de vous faire part de ma stupeur, lorsque, passant par la rue Rotterdam, j'ai aperçu à la vitrine de deux cafés, l'écriteau « Interdit aux Nord-Africains ». Ainsi donc, trente ans après Auschwitz, des citoyens d'un pays ami et voisin se permettent - au mépris des lois, j'ose espérer - d'afficher une discrimination raciale, indigne d'êtres civilisés, et condamnée par la Charte des Nations Unies. Je veux croire qu'une intervention de votre part fera disparaître ces affichettes contraires à la moralité publique et outrageantes pour les victimes survivantes du racisme hitlérien, autant que pour les êtres humains qu'elles visent...». Hélène STEINBERG Paris (11·) Correspondants • Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous envoyer des correspondants de pays étrangers, et en particulier de pays sousdéveloppés (adolescents dt!. 12 à 14 ans). Merci d'avance. Un groupe d'éI'ves du FOYER SOCIO-EDUCATIF DU FINOSELLO rue Maréchal-Uautey 20000 Ajaccio 1 dans ce .nUDlèro 1 ~TRE IMMIGRÉ EN FRANCE Le drame récent d'Espelette, dans les Pyrénées, où trois Africains ont trouvé la mort, les grèves de la faim de dizaines de travailleurs tunisiens à travers la France, et de multiples formes de racisme, illustrent la condition des immigrés en France, qui est aussi, bien souvent, la condition d'O .S. (pages 4 à 9) . D.O.M. ET T.O.M. Comment la fraude s'est-elle manifestée à la Réunion et aux Antilles lors des dernières élections législatives 7 Un inventaire précis des méthodes employées (pages 11- 12). PROCÈS A PRETORIA Alexandre Moumbaris et ses cinq compagnons, accusés d'avoir agi contre l'apartheid, sont menacés de mort devant la Cour suprême sud-africaine (pages 13-14). LA RÉVOLTE DU GHETTO DE VARSOVIE Il y a trente ans, la première insurrection populaire dans l'Europe occupée par les forces nazies (pages 19 à 2B), J.I.FA. Les Journées internationales du film antiraciste : une expérience pleine d'intérêt. Bilan et perspectives (pages 30-31). ~ENSUEL 120, rUe Saint-Denis - Paris (2e) Tél.. 231-09--57 - C.C.P. Paris 6070-98 ABONNEMENTS • Un àn : 2S F • Abonnement de soutien : 50 F AlIlilli!$, Réullion. Maghreb. Afrique frallcophone, Laos. Cambodge, Nouvelle.CaJédOllie

25 F, Autres pays : 35 F,

Chollgemellf d'adresse: 1 F. ~irecteur de publication ; Albert Lévy Imprimerie La Haye DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL~ MAI 1973 éditorial La guerre de SI•X ans DEBUT ,iuin,. la « guerre des Six Jours» sera devenue la guerre de six ans. Car le conflit qUI, en 1967, secoua le Proche-Orient n'a pas cessé depuis, même s'il a pris d'autres formes, explosives ou larvées. A la veille de cet anniversaire, la montée des menaces et la recrudescence des préparatifs de part et d'autre, la course obsédante aux armements, les actes de force et les attentats qui se multiplient, accroissent la tension et la confusion. L'inquiétude règne. De nombreux innocents tombent encoré victimes des affrontements qui se poursuivent. Ainsi, la guerre n'a rien réglé, ne règle rien, Au contraire. L'occupation par Israël de vastes territoires arabes, source de maintes injustices, ne peut qu'attiser les haines et alimenter les violences, L'Etat israélien, qui célèbre ses 25 ans d'existence et dresse le bilan de ses réalisations, n'a pu, par la force, se faire accepter de ses voisins; et ses habitants, se sentant en permanence menacés, n'y ont pas trouvé, de ce fait, la quiétude et le bien-être qu'il avait pour vocation de leur offrir. Ses adversaires les plus intransigeants, qui souhaitaient sa disparition, et qui ne sont pas davantage parvenus à leurs fins, ne peuvent ignorer sa puissance, liée aux soutiens économiques et politiques dont il bénéficie. Compte tenu des implications internationales, les problèmes posés dans cette région ne peuvent, de toute évidence, être tranchés par une victoire militaire. Alors? 1 E M,R,A.P. a toujours abordé avec réalisme le drame proche-oriental , dont il convient, L en premier lieu, de reconnaître la complexité . Au terme de processus historiques controversés mais que nul n'est en mesure d'effacer, sur cette terre coexistent deux nations : l'une, Israël, formée dans le dernier quart de siècle par l'amalgame d'émigrants, en majorité victimes du racisme, venus de toutes parts ; l'autre, la nation palestinienne, qui aspire à s'autodéterminer librement et pleinement . Nous affirmons que les droits d'aucune d'elles ne sauraient triompher au préjudice de l'autre. Il y a là une situation originale, exigeant une solution qui le soit aussi. Tout prouve qu'il ne peut s'agir que d'une solution politique - à la fois juste et humaine. Elle sera d'autant mieux atteinte que, surmontant les passions nationalistes, les peuples aujourd'hui opposés prendront conscience de leurs intérêts communs. Le Proche-Orient, zone sous-développée, dominée par les sociétés pétrolières et les gouvernements qui servent leurs intérêts, nécessite une véritable émancipation économique et politique, que l'indépendance formelle n'apporte pas automatiquement. Les litiges nationaux, et surtout leur exploitation, tendent trop souvent à masquer des réalités plus profondes, et à favoriser le maintien des tutelles étrangères, Nous refusant à des choix sommaires, nous n'identifions pas les gouvernements et les idéologies avec les peuples; nous sommes solidaires partout, tant en Israël que dans les pays arabes, des forces de libération, de progrès et de paix - qui d'ailleurs, généralement, se confondent. C'est pourquoi, sans nous ériger en juges distribuant les blâmes, en délimitant avec précision ceux que vise notre réprobation, nous déplorons et condamnons tous les recours à la violence aveugle, tous les actes qui vont à l'encontre d'une solution politique et en détournent les masses populaires. EN présence de données aussi nombreuses et apparemment contradictoires, d'aspirations et de droits également légitimes, nous croyons urgente, comme premier pas, l'application loyale et totale de la résolution du Conseil de sécurité votée à l'unanimité le 22 novembre 1967, complétée par celle de l'assemblée générale de l'O.N,U . (4 novembre 1970) soulignant les droits des Palestiniens, Ces textes ont le rare mérite de prendre en compte l'ensemble de la situation; ils préconisent à la fois l'évacuation des territoires occupés et la satisfaction des revendications (frontières sûres et reconnues, libre circulation sur les voies d'eau internationales, notamment). d'Israël, en même temps qu'ils assurent à tous les pays concernés intégrité, souveraineté et sécu rité. Soucieux d'encourager l'ouverture et le dialogue, nous souhaitons empêcher que le conflit du Proche-Orient ne soit transféré et transposé en France à des fins de politique intérieure, d'excitation au racisme et au nationalisme, En pleine connaissance des réalités, nous entendons soutenir tout effort, d'où qu'il vienne, allant dans le sens d'une meilleure compréhension réciproque, d'une plus grande lucidité commune. Nous voulons contribuer ainsi, à ce que la guerre de six ans soit suivie d'une paix durable, Albert LEVY. 3 ILS avaient vingt ans, l'âge d'homme, Mais ils fuyaient la famine régnant au Sénégal, le sous-développement, conséquence du système colonial. De « passeurs» en « passeurs», ils étaient arrivés au pied des Pyrénées, tremplin vers la France, presque au bout du chemin , Mais ils sont 'morts, lâchés, abandonnés par. leur « guide», .. Morts de faim et de ·froid. L'autopsie devait révéler qu'ils n'avaient avalé en tout et pour tout, avant leur départ, qu'un verre d'eau .. . Et l'on murmure qu'il y en aurait d'autres encore, puisqu'un certain nombre de Sénégalais contrôlés en Espagne ces derniers temps n'auraient pas été retrouvés. S'il arrive à bon port, l'immigré n'en a pas pour autant fini son calvaire, Il devra chercher du travail. Se verra opposer certaines annonces dans le genre : Il Cherche manoeuv~e de nationalité française Il ou de I( nationalité européenne Il. Se verra confiné, en désespoir de cause, dans les travaux les plus durs, à la chaîne des grandes entreprises automobiles: telles Renault, Simca, Citroën .. , quand il n'aura pas été spécialement choisi en' Tunisie ou en Turquie pour être O,S., quai de Javei. .. Et s'il arr,ive que quelques-uns - les O,S, de' Renault - trouvent le chemin de l'unité et clament leur' « ras-Ie-bol)i à la tête d'un patrona~ et d'un gouvernement médusé~ , d'autres subissent brimades et vexations, sous la menace permanente de l'expulsion, sous la surveillance de syndicats-bidons ou « maisons» créés par le patronat, A l'enseigne de la C,F.T. (section Citroën) dont les « militants» 4 ont pu, il y a peu, bastonner un travailleur d'origine portugaise et en intimider deux autres jusqu'à les obliger à disparaître parce ql,Jïls avaient eu l'impudenceae se présenter aux élections professionrielle~ sur une liste C.G.T, ! Leur origine les voue à toute occasion à la discrim,ination, à l'injustice', C'est elle ell effet qlJi servira d'alibi pour refuser un logement 'convenaple à un immigré, ainsi qu'en ont pu faire l'expérience destravaiUeursde la S.N.E.C,M.A, Aispano de Bois-Colombes, contre qui les services sociaux de l'~mtrepri~e usè'rent de l'argumerit de nationalité pour les laisser à la rue .. , bien que socialem~ nt prioritaires, C'est elle, naturellement, qui sert d'alibi pour 'les surexploiter honteusement, les faire travailler ,dans des conditions d'hygiène et de 'sécurité incroyables .. , D'où la maladie, les dépressions nerveuses, Sont-ils admis dans une maison de repos? Là aussi, il peut arriver que la haine les poursuive. Ainsi la mésaventure survenue à deux convalescents algériens dans les Hautes-Alpes, exclus d'une maison de reDOS parce que le directeur ne pouvait supporter... qu'ils parlent arabe! L'hostilité qui, trop fréquemment, entoure les immigrés, s'exprime de ,multiple façon , Si l'un d'eux a effectivement commis une faute, grand est pour lui le risque de se voir infliger une condamnation plus grave que s'il était né sous nos cieux, Ainsi devant le Tribunal de Belfort, un jeune Algérien s'est-il vu condamner à 1 an et 1 jour de prison ferme pour un geste trop entreprenant sur la personne d'une ex-légionnaire endormie dans un train. Et le juge d'assortir son verdict. de ce commentaire! Il .•. Des citoyens c0!'1me vous, la France n'en a pas besoin Il ! Ailleurs" c'est bien 'entendu aussi par l'écrit que la haine , s'exhàle'. ' Comme, par,exemple, la prose d'un rédacteur (sic) du joürnal « le Méridional) - sousproduit m~diterranéèri ' de « Minute» - à propos d'ul'l 'fait-divers : CI En pleio centre de Marseiiie, l'ordre fral1çais est bafoué par une Poignée d:Arabes... Nous ne pouvons plus' tolérer ,longtemps ' chez nous la ' Ioi de la violence islami·Que ... ! Il A Toulon, un dénommé Guy Hasenfratz, éditorialiste d'une feuille gratuite de publicité - Publi 83 - écrivait le 9 février dernier, toujours à propos des grèves de la ' faim des travailleurs immigrés

Il Dans tous les cas, il est fondamentalement

impensable que ron tolère, dans un pays où la religion d'Etat est la religion catholique (depuis quand 7) que des musulmans puissent utiliser le lieu saint des Il Roumis Il pour en faire un temple revendicatif Il... • •• Et encore cela n'est-il rien, comparé au Il courrier des lecteurs Il publié dans le numéro suivant de la même feuille ... Chacun y va de son mot sur Il l'ambition de ' ces Arabes Il, sur «ceux qui en ont assez de voir Toulon devenir un deuxième Alger Il, sur Il le grand péril qu'il y a à vouloir être sociable avec ceux-là qui ignorent tout de la Civilisation telle qu'el!e nous a été léguée Il, sur « ce danger naissant et qui va aller croissant Il. Vivante expression de l'obscurantisme le plus borné, Etre immigré, comprenez-vous enfin ce que cela veut dire? Dominique DEFOIX. 1 QUAND ils foulent pour la première fois le sol de notre pays, ils n'ont rien. Ce monde nouveau qu'ils découvrent, il n'a que peu, ou pas, de rapports avec celui de leur pays natal. Là-bas, en Turquie, au Sénégal, au Portugal, en Tunisie, régnent le chômage, la faim, la misère. Une classe ouvrière n'existe qu'à l'état embryonnaire et ne sait rien des formes de luttes, d'organisation propres aux travailleurs de France, d'Italie ou d'Allemagne. Chômeurs, petits paysans sans ressources, ouvriers agricoles crevant la faim, jeunes à la force de travail neuve et totalement inutilisée, ils partent pour vivre. la France, c'est, pour eux, l'espoir d'un mieux-être d'un salaire décent qui permettra et d'économiser pour soi et d'envoyer quelques mandats à la famille restée sur le sol natal: le minimum vital. Mais, sur place, chez Citroën, chez Renault où à la voirie parisienne, à Marseille, à Toulon, à Aix-en-Provence ou dans les brouillards du Nord, ils découvrent la réalité : la Alrexploitation, les salaires décevants, les cadences infernales, les contremaîtres racistes, les pressions patronales, la C.F.T. et, - la goutte qui fera déborder le vase - l'arbitraire policier et les circulaires gouvernementales. Alors, certains se révoltent, isolés, à bout. Premiers pas hésitants. premières luttes. Et ce sont les dizaines et les dizaines de grèves de la faim qui éclatent un peu partout. Pour vivre, contre la circulaire Fontanet. Désespérément 7 Sans doute, et notamment au départ. Mais aujourd'hui 7 Sont-ils seuls 7 Non. Si les uns ont engagé la bataille individuellement, coupés du reste des travailleurs, les autres - plus anciens, assurément - l'ont entamée sur des bases unitaires partant de ce seul principe : les immigrés, font partie intégrante de la classe ouvrière. Leur IlliES 1111 L ET condition est inséparable de celle des travailleurs français. De l'unité dépend donc la victoire. Faut-il pour autant condamner, rejeter ceux qui se sont jetés à corps perdu dans une grève de la faim pour le moins dangereuse, pour leur santé et leur situation 7 Nous ne le pensons pas. Et la preuve en est l'activité et le soutien apporté à ces immigrés par les comités locaux du M.R.A.P. de Roubaix à Bordeaux, de Paris à Marseille, leurs efforts pour faire comprendre à l'opinion cette bataille et la faire aboutir même si la forme d'action choisie n'était pas forcément la meilleure et la seule valable, contre un patronat rompu à tous les coups par des dizaines et des dizaines d'années de résistance active ou passive aux luttes des travailleurs. A l'heure actuelle, l'union est plus que jamais nécessaire, pour que le mouvement s'élargisse et se renforce. Chez Citroën, à Toulouse, à la Ciotat, à Aix-en-Provence, à Perpignan, à Mulhouse ou à Toulon, comme il y a quelques mois à Valence, par l'action de masse et l'intervention des organisations ouvrières représentatives - la C.G.T. et la C.F.D.T. - , des travailleurs immigrés menacés d'expulsion ont pu être réintégrés et leur situation régularisée. Premières victoires, mais premières seulement. Cela veut dire que la lutte doit continuer, qui remettra en cause la nouvelle réglementation - la Il circulaire Fontanet 1) - et imposera une orientation conforme aux intérêts des travailleurs immigrés, solidaires des travailleurs français. C'est cette nouvelle politique de l'immigration que le Conseil national du M.R.A.P. s'est efforcé de définir dans les 8 mesures dont il propose l'examen à toutes les organisations intéressées, avant de les soumettre aux pouvoirs publics, et dont nous publions ci-dessous l'énoncé ... 5 IIIIE 5 111111111111111 CONFIRMANT ses différentes prises de position contre la politique actuelle d'immigration définie par la « circulaire Fontanet Il, le Conseil national du M .R.A.P. réuni à Paris le 8 avril, a formulé huit mesures d'urgence visant à amorcer une politique nouvelle, cohérente et humaine, conforme à la dignité et aux droits des travailleurs immigrés. Voici ces mesures: 1. - Suspension immédiate de l'application de la circulaire du 23-2-1972 du ministre des Affaires sociales et de la circulaire du 24 janvier 1972 du ministre de l'Intérieur. Ce qui suppose notamment : la régularisation du titre de séjour de tout immigré occupant un emploi en France, et la prolongation pour une période transitoire (6 mois) des titres de séjour arrivant à expiration. 2. - Avant toute introduction nouvelle de maind'oeuvre étrangère, diffusion des offres d'emploi Rar l'Agence nationale pour l'emploi, afin de déter- DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AV ~IL- MAI 1973 miner s'il se trouve en France même des travailleurs (français ou immigrés) susceptibles de répondre à ces offres. 3. - A l'expiration du contrat de travail à durée déterminée. relatif à leur premier emploi en France, transformation automatique de celui-ci en un contrat à durée indéterminée, assurant les garanties du droit commun, notamment le préavis, 4. - Suppression de la carte de travail et institution d'un titre de séjour donnant droit au travail remis à tout immigré dès lors qu'il occupe un emploi. --. 5 ~ 5. - Assouplissement des règlements relatifs aux immigrés entrant en France sans contrat de travail, à qui sera laissé un délai raisonnable pour trouver un emploi. 6. - Construction massive de logements et foyers pour les travailleurs immigrés, financés notamment par les cotisations patronales et le Fonds d'action sociale (dont la gestion doit être démocratisée) sans que ces logements et foyers puissent être placés sous le contrôle des employeurs - l'habitat devant demeurer indépendant de remploi; lorsqu'un travailleur immigré est logé par son employeur et qu'il est licencié, maintien dans les lieux d'habitation pendant un délai minimun de trois mois pour lui permettre de trouver un autre logement. '7. - Reconnaissance aux travailleurs immigrés de droits sociaux égaux à ceux des travailleurs français, notamment en ce qui concerne les allocations familiales, allocations de salaire unique, allocations- logement, les cartes de famille nombreuse et de priorité, les bourses scolaires. 8. - Adoption rapide de la proposition de loi élaborée par le M. R.A. P. garantissant les étrangers contre toute expulsion arbitraire, la décision ne pouvant être prise que sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Ces huit mesures, qui" constituent un schéma, sont soumises à l'examen des pouvoirs publics, des parlementaires, des associations de défense des travailleurs immigrés, et de toutes autres organisations se prononçant pour une révision de la politique actuelle d'immigration. La condition d'O.S. « 'A propos de la grève de Renau lt, le probl ème des O.S. a été po~é d~vant l~ opi~iO? pu~lique . Et l'on parle plus que Jamais des Immigres. Hier, on évoquait surtout leurs conditions de vie , le scandale des bidonvilles , des foyers , etc. A l'heure actuelle , du fait de leur rôle économique, de leur entrée dans la lutte aux côtés des travailleurs français, il est arrivé à la conscience collective qu' il s 'agissait d'un problème national et important . « Dans leur majorité, pour 80% d'entre eux environ , les travailleurs immigrés sont embauchés comme O.S . (ouvriers spécialisés) ou manoeuvre s - dans le bâtiment notamment. Donc à des emplois dits sulbalternes . Si l'on ventile par nationalités , on obtient : pou r les Portugais, 70 % de t rava ill eurs « non qualifiés»; pour le s Ma ghrebins : 81 ,5 %; pour les Algériens, 87 %, etc. « Pourquoi ces proportions impressionnantes? Cela tient aux conditions d'exploitation , au marché du travail ... Fondamentalement, l'état de crise du système économique français, oblige le patronat à rechercher cette main-d' oeuvre pour assurer un taux de profit élevé , ce qui entraîne une dégradation parallèle des conditions de travail et de rémunération . La fai blesse des salaires et les cadences infernales e n sont les meilleurs exemples. Par conséquent , dans certaines régions, la main-d'oeuvre française se refuse à cette s urexploitation . Pour que la jeunesse française revienne à ces postes, il faudrait changer les conditions de travail et en même temps les salaires. « Au départ, rares sont les employeurs qui ont fait volontairement appel aux immigrés. Mais il en est dans une situation telle que ceux-ci sont seuls à se présenter. Il n'y a donc pas , au préalable, planification. Faire venir la main-d'oeuvre sur place est devenu nécessaire pour le patronat dans le cadre économique actuel. « Revenons aux conditions de travail des O.S . Il m'est souvent arrivé d'en parler au singulier : je pense que l'on peut dire la condition d'O .S. - quelle que soit la national ité du travailleur - comme l'on disait, et l'on dit toujours, la condition ouvrière. Car on assiste à une interdépendance croissante de 6 tous les aspects du travail et de la vie d'O.S . : la faiblesse de la rémunération entraîne les conditions de vie, et la reproduction de la force de travail devient d'autant plus difficile .. , Plus , les 0 ,5 . nous montrent qu'il n'y a pas de progression sociale possible dans certaines classes : plus l'O.S. se fatigue en tant que tel , moins il a de chances de promotion. La force de travail est consommée, épuisée avec une grande rapidité. « Examinons le cas des O.S, immigrés. Au niveau du travail , je ne crois pas qu' il y ait de différence fo ndamentale entre Français et migrants. Plus précisément, beaucoup de la situation des immigrés se comprend parce qu'ils sont O.S. L'aspe.:t « étranger» joue davantage dans la vie hors-travail , pour le logement, les relations sociales , les difficultés dues aux différences de culture, L'immigré a, par conséquent, un double handicap: d'une part , celui de sa place de travailleur, et celui de sa condition d'étranger ... Il me semble difficile de faire la part des deux . Tout ce que l'on peut dire , c'est qu' il y a cumul. « Reste le mythe de la docilité de cette main-d'oeuvre. De sa maléabilité , De toute évidence , quelque chose en ce domaine est en train de changer. Depuis 1968, il y a une expérience de lutte qui est en train de s 'accumuler. Et qui s'exprime de la même manière que s'exprimaient les fractions de la olasse o uvriè re les plus exploitées : les femmes, les jeunes par exemple ... Il y a donc une prise de conscience et une combativité accrue des immigrés : l'exemple des grèves de Renault est probant. « Enfin, je crois important de détruire définitivement une idée trop diffusée. Le problème des immigrés , ce n'est pas une enclave dans un monde où tout va pour le mieux. C'est , au contraire , un problème significatif d'une situation d'ensemble, et il se situe dans un secteur essentiel de l'économie, Imaginons que tous les immigrés décident d'arrêter de travailler l'économie nationale serait totalement paralysée , .. » Maryse TRIPIER. Assistante en sociologie, membre de l'équipe de recherche sociologique sur la main-d'oeuvre immigrée du C,N.R,S. (Propos recueillis par Dominique DEFOIX.) DRAME A ESPELETTE TE 2 avril dernier un berger basque L découvrait près du village d'Espelette les cadavres de trOis Africains, abandonnés comme des bêtes. La veille, un groupe de cinq Maliens devait quitter Irun · pour « passer» la frontière : Diaby Silla (25 ans), Boulaye Symaka (23 ans), Makar Fofama (21 ans), Moussa Diagouraga (21 ans), Mamadou Sylla (34 ans), un Mauritanien Boubou Diakhite (32 ans), et un Sénégalais Drabal Bancoure (35 ans). La filière ayant été repérée les passeurs décidérent d'orienter la « cargaison» vers le col de Goropil, passage plus difficile et moins fréquenté. C'est donc dans la soirée du dimanche 1er avril qu'un taxi déposa les passeurs et les immigrés au Puerto de Otsondo, prés de la petite route qui monte au col de Goropil où un autre passeur attendait. Arrivés au sommet du col, celuici leur expliqua : « Attendez-moi, voilà la route, je vais aller chercher une voiture. » A 1 heure du matm, il n'était toujours pas revenu, Alors commença pour les sept hommes un' long calvaire, Seuls, perdus, mal acclimatés à nos régions, n'ayant pas mangé depuis 48 heures, à 650 m d'altitude Fofama, Diagouraga, les deux plus jeunes, et Mamadou Sylla s'écroulèrent; ils n'allaient plus se relever. Ils sont morts à 50 m les uns des autres, morts de froid, de faim et de peur, après une longue agonie. ' Leurs quatre camarades montèrent jusqu'à une bergerie, ou ils se blottirent pour se réchauffer. L'un deux, dès le point du jour, descendit au village. « Si vous l'aviez vu, dit un habitant d'Espelette, il était dans un état pitoyable, il avait perdu ses souliers et marchait pieds nus, ses pantalons étaient déchirés, il fallait le soutenir pour qu'il avance, tellement il était faible. Un voisin lui a procuré une paire de chaussures et un pantalon ... )} Ils racontérent ce qu'ils venaient de vivre, et parlérent de leurs compagnons qui n'avaient pu suivre et qui se trouvaient encore prés du col. La police chercha et ce n'est que le 2 avril qu'un berger, par hasard, en montant surveiller ses moutons au col de Soroto, découvrit les corps ... On a découvert, sur le chemin, les bagages abandonnés et l'on sut ainsi que Diaby Silla était déja venu en France en 1968. Quant aux « passeurs », ils sont connus de tous ... DROIT ET LlBERTË - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 Dernièrement la guardia civil espagnole contrôla trois chauffeurs de taxi faisant p~rtie de la filière: 10aquin Oiz Aranzadi, 43 ans, demeurant à Burlada; Hilario Viscay Santesteban,39 ans, et Manuel Ouza Madoz, 40 ans, ces deux derniers domiciliés à Ansoain. On a appris que le responsable de la filière est un Africain, qui articule le trafic depuis Pampelune, en liaison avec la filière d'Irun, pour livrer la « marchandise humaine» deux fois par semaine. Un Sénégalais, Essa Tahar, a raconté dans le journal local comment s'est déroulé son aventure, il y a quelque temps : « Nous étions six à embarquer dans une Estafette qui a emprunté la route de Vera, en bordure de la Bidassoa; nous avons roulé une quinzaine de minutes, deux passeurs nous attendaient sur la rive espagnole. Le conducteur de l'Estafette est reparti. On nous a séparés en deux groupes pour traverser la Bidassoa sur une barque en plastique. De l'autre coté de la rive française, la barque était tirée à l'aide d'une corde, par deux passeurs. A peine avions-nous mis pied à terre que l'on nous a fait prendre place dans une voiture qui nous a déposés à l'entrée d'un sentier. Je comprenais alors que cette filière avait l'habitude d'opérer ainsi... « Nous avons marché à pied pendant une heure jusqu'à un petit village dépourvu de lumière. Cela n'a pas été trop éprouvant, car la montagne était « moyenne )J. Une 404 commerciale nous attendait, c'était un taxi. Une autre voiture était là aussi. Le chauffeur de celle-ci, grand et fort, 35 ans environ, est venu vers nous et nous a réclamé 100 F à chacun pour, disait-il, « l'ouverture de la route)J. On a refusé. Finalement, il a accepté de p"récéder le taxi dans lequel nous sommes montés et, jouant les éclaireurs, il nous a fait signe que la route était libre, ce qui nous a permis d'atteindre St-Jean-de-Luz.)J Mais tout n'était pas gagné pour Tahar. Dans la nuit une rafale de mitraillette claque... Le taxi vient de brûler un passage douanier, et les gardiens ne voyant que le conducteur (celui-ci avait donné l'ordre aux passagers de se coucher) ouvrent le feu. Tahar est blessé. C'est « ennuyeux » : on l'abandonne comme un colis dans un fossé à l'écart de la R.N. 10 ... A l'hôpital Pellegrin de Bordeaux, on lui extraira une balle de la tête. C'est ainsi, également qu'Omar Bodian, un autre Africain, a été blessé il y a quelques mois par une balle et découvert A Irun (Espagne) en attendant de pouvOIr passer la frontière. gisant dans un fossé longeant une petite route près de Guéthary... Il avait été admis dans un état grave à l'hôpital Pellegnn de Bordeaux. Deux militants du Comité local du M.R.A.P. lui ont rendu visite, mais trés fatigué et trés méfiant, ce qui est normal aprés ce qu'il venait de vivre, il s'est refusé à toute déclaration. Actuellement des centaines d'Africains dépourvus des pièces officielles nécessaires à l'entrée en France, bloqués à la frontière franco-espagnole, sans argent, attendent le passeur qui voudra bien les sortir de ce triste « pétrin». La frontiére française est pour eux le terme d'un long voyage qui leur a coûté toute leur fortune. Ils sont prêts à tout tenter, à tenter la grande et incertaine aventure pour se sauver et vivre. L'administration française se défend d'appliquer des lois basées sur la discrimination et le racisme... Mais gare si ces affamés sont pris par les gendarmes; ils sont automatiquement refoulés en appli-, cation de la loi; encore plus malheureux et démunis : ce fut le cas des quatre rescapés d'Espelette. Alors qu'un Français peut aller au Sénégal sans inquiétude, avec son passeport ou sa seule carte d'identité! Jean-Louis FOURRIER. 7 8 o iscri mination dans l'emploi Les grèves de la faim et « Minute)) ... Poursuivant sa lutte contre les discriminations dans l'emploi, le M.R.A.P. a déposé une plainte contre X et s'est constitué partie civile, le 17 mars 1973, à la suite de la parution dans plusieurs quotidiens parisiens de nombreuses offres d'emploi restrictives quant à la nationalité ou l'origine du travailleur. « Certains employeurs, souligne le M.R.A.P. dans un communiqué à la presse, continuent de faire connaître publiquement par voie de presse que, choisissant leurs salariés en fonction de leur origine et non de leur qualification, ils refusent d'embaucher les travailleurs immigrés ou « européens » sans que la nature de l'emploi offert ni aucun motif ne légitime ni ne justifie une teJie distinction. » Pour appuyer sa plainte, le M.R.A.P. a effectué une enquête portant sur plusieurs mois. Résultat : des centaines d'offres d'emplois dis- ' criminatoires récoltées ! LE PAVILLON ROGER MARIA EDITEUR Sous le titre : «A vec III bénédiction des curés rouges, ils campent sur les autels et apprennent à lever le poing. Nos églises traniformées en gourbis arabes », «Minute li ose écrire (début avril) : «Personne ne peut être insensible à cette misère» (celle des immigrés). «Mais quand leurs affiches proclament que III France les consùJère «comme des esclaves », on se dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Parce que, des escillves qu'on veut mettre à III porte et qui s'accrochent pour rester, ça ne s'est pas vu souvent.» Fort, non? Et ça n'est qu'une introduction. Le reste du papier (anonyme !) est ainsi conçu : 10 Les grèves de la faim de ces immigrés, c'est du cinéma. 20 S'ils vont dans des églises, c'est parce que l'Eglise elle-même est noyautée par les «révolutionnaires li et «qu'il est plus doux de faire entrer des musulmans manifester dans nos églises, que des chretiens pour y prier»! La charité chrétienne (( Tu parles, monseigneur », ironise «Minute li. 30 La cause de nos maux est à rechercher du côté des bidonvilles ; en fait, ces immigrés «jouent un jeu politique ». «Les malheureux qui viennent en France 5, rue Rollin, Paris-58 - Tél. : 326-84-29 C.C.P. Paris 10.865.02 • Julien TEPPE. - VOCABULAIRE DE LA VIE AMOUREUSE. (Avec un index analytique de 300 mots.) Préface de Cecil SAINT LAURENT .... ... . . . . .. 24,00 F • Alain GAUSS EL et Jeannine GRINBERG. - JE VEUX SAVOIR CE QUE JE MANGE. Préface de Hugues GOUNELLE de PONTANEL, de l'Académie de Médecine. .... . . . .... . ...... . ................ .. ..... . ... . 10,50 F • Jérôme FAVARD. - COMMENT NE PAS LES MANQUER. (Un art de pêcher ... et de vivre.) Préface de Pierre DAC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7,50 F • Ferevdoun HOVEYDA. - HISTOIRE DU ROMAN POLICIER. Avant-propos de Jean COCTEAU. Préface dialoguée de Jean-Louis BORY et Cecil SAINT LAURENT ..... . .. . ......... .. ...... . ....... .. . 15,00 F • J.-L. JAZARIN, 5" Dan. - L'ESPRIT DU JUDO. (Entretiens avec mon Maître.) Deuxième édition. Avant-propos du Maître H. MICHIGAMI, 7" Dan. Préface du Dr Henri DESOILLE ....................... 19,50 F • Jérôme FAVARD et Jean ROCCHI. - SCANDALES A L'O.R.T.F. Préface de Marcel BLUWAL. . . .. ....... 7,50 F • Dr Bernard MULDWORF. - LIBERTÉ SEXUELLE ET NÉCESSITÉS PSyCHOLOGIQUES. ............ 10,00 F Pour MM. les libraires: ODÉON-DIFFUSION gagner leur vie sont embrigadés, endoctrinés et transformés en militants à leur tour. » Essayez de comprendre : tout est de leur faute, ce ne sont que «dangereux agitateurs Il et... ils sont manipulés? Tout esprit malin qui trouverait là quelque contradiction est prié de ne rien dire - à moins de se voir à son tour taxé de (( dangereux agitateur»! Absurdes raisonnements, falsifications de la réalité, excitations à la haine, absolution des vrais responsables

peu importe à Il Minute li les

moyens. Pourvu que cela porte et que des dizaines de milliers de Français soient de cette manière égarés ... PRODUITS DE HAUTE QUALITE POUR L1INDUSTRIE : -ABRASIFS - RUBANS ADHESIFS -ISOLANTS ELECTRIQUES - COLLES - MASTICS -SECURITE -MICROFILM - REPROGRAPHIE antiséDlitisDle « Plus un [ ANTISEMITISME le plus abject, le plus barbare , tissé de haines aveugles et de contradictions. n'est pas mort, comme un certain nombre de documents circulant ou paraissant ces derniers temps en apportent la preuve. Ainsi , affirme un tract (1) : 1( il ne pourra jamais s'instaurer de justice sociale tant que nous serons menés par la clique juive, génératrice de désordre et de aecomposition. Des pays comme le Japon ou la Chine deviennent des géants grâce à rabsence de juifs sur leur territoire Il ( ... ) 1( Il y avait en 1939 : 15 millions de juifs dans le monde; en 1973 après les exterminations nazies, il y en a 16 millions. De qui se moquet- on? Il. A peine croyable! Et il Y en a quatre pages comme cela, qui circulent en une espèce de chaîne de rage et de débilité. Comme un racisme ne va jamais seul , cet infect papier conclut par un appel plus général : Il Français qui trouviez déagréable (sic) roccupation allemande, n'acceptez plus rhumiliante occupation juive, arabe et nègre qui pourrit et dégrade votre pays. Il Suit une impressionnante liste de Il personnalités juives Il et l'affirmation

Il Les chiffres et noms cites

sont vrais Il. Pour les incrédules, sans doute! Par ailleurs, saviez-vous que Bonaparte était un Il général sioniste Il ? Que le cc sionisme Il domine le monde entier et qu' il est Il responsable de millions de morts? Il Si non, c'est que vous n'êtes pas allé à la librairie. « Le furet du Nord», à Lille, où vous auriez pu vous procurer le volume d'où sont extraites ces révélations : « La honte sioniste .. . » Une véritable anthologie de l'antisémitisme ouvertement diffusée, aussi dans d'autres villes sans doute. mensonge Caractéristiques communes à ces écrits nauséabonds: le refus d'expliquer les réalités sociales, économiques et politiques, qu'elles soient nationales ou internationales; la volonté de substituer aux conflits sociaux de prétendues oppositions raciales et ethniques pour masquer les vrais problèmes; un effort acharné (parmi d'autres) pour empêcher les gens de découvrir les causes véritables des difficultés qu'ils rencontrent, des maux Qu'ils dénoncent. Le rôle de l'antisémitisme apparaît de la même manière quand « Minute », à la veille des élections, présente « les juifs» comme « une minorité puissante» dominant « la presse, la radio, la télévision, le cinéma, le spectacle, la banque, les affaires, l'argent» : diversion classique désormais, les émules de Drumont et de Goebbels ne changeant pas d'objectif et ayant du mal à renouveler leurs thèmes. Mais il.s espèrent que leurs calomnies, laisseront toujours des traces dans les esprits faibles . « Plus un mensonge est gros, affirmait Goering, plus il a de chances d'être cru. » Dans un genre voisin - disons plus élaboré! - et dans un hebdomadaire bien connu de nos lecteurs - « Aspects de la France» - on apprend que les noms des signataires du manifeste pour la liberté de l'avortement Il ont parfois de curieuses consonances Il (2) . Après l'énumération d'une dizaine d'entre eux, vient l'explication découverte par les plumitifs de cette feuille infâme : ft Ces gens-là ne veulent pas qu'il naisse de petits Français ... Il Enfin, il arrive que l'antisémitisme se recrute du côté de la pègre ... ou que la pègre se découvre une âme antisémite. Au choix. Toujours est-il que l'équipe qui a cambriolé, le 1·' avril , l'O.R.T. (organisation juive de formation professionnelle) laissa der- Adhérez au M.R.A.P. Soutenez son action C.C.P. 14-825-85 Paris DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 est gros •.. )) rière elle quelques croix gammées ainsi que de grossières insultes tapées à la machine sur place ... après avoir vidé le coffre-fort. (1) Tract reçu par plusieurs de nos correspondants en mars. (2) « Aspects de la France». du 15-2-1973 . Faux tract, • • vrai racisme Un tract est apparu dans la banlieue parisienne lors des dernières élections législatives. Un tract qui se présente frauduleusement comme émanant de « l'Amicale des Algériens en Europe», et dont l'objectif est de justifier les calomnies répandues par les racistes en les attribuant à ceuxlà mêmes qui en sont victimes. cc Frères émigrés Il y lit-on en effet cc en ce qui concerne la vie de notre communauté en France, nous venons de construire une mosquée à SaintEtienne et nous en construirons d'autres où nous prierons Allah. Plutôt resserrer les liens entre nous et vivre en musulmans dans cette France que nous avons vaincue que fraterniser avec ces Français qui valent moins cher que les Pieds-Noirs Il... Plus loin : cc Frères émigrés, n'ayez jamais confiance dans l'ouvrier français d'un naturel raciste Il (qui) cc lit Minute à plus de 80 %... On nous reproche certains viols, mais cela ne compensera pas la guerre d'Algérie... Après tout, nous avons gagné la guerre et nous avons le droit de prendre des Françaises Il ... Il va de soi que l'Amicale des Algériens en Europe n'a rien à voir avec ce texte provocateur, dû à des faussaires. On a pu même constater à Creil que le tract était distnoué par... des responsables du « Front National». Mais on peut imaginer les effets d'une telle littérature auprès de personnes non averties et que les préjugés privent d'esprit critique. Elle tombe sans nul doute sous le coup de la loi. Espérons que les amis de MM. Brigneau et Le Pen se repentiront de leur « trouvaille». 9 dlscrlDllnallons LA DO, ULOUREUSE EPREUVE DE Mme LAVABLE PARCE qu'elle faisait front avec vigueur au racisme de certains de ses voisins à son égard et à celui de ses enfants - ce qui n'allait pas sans incidents - Mme Andrée Lavable une Antillaise cie · 34 ans, mère de trois e~fants, a été internée à l'hôpital psychiatrique de Perray-Vaucluse, le 12 février dernier. Parce qu',aussi elle avait eu le tort de confier ses ennuis au psychiatre, directeur d'un Centre médico-psychologique où était soigné son fils aîné âgé de 13 ans, atteint de dyslexie. Elle était divorcée et son ex-mari fonctionnaire important gabonais, s'ac~uittait irrégulièrement de la pension alimentaire, tout en cherchant à lui reprendre les en~ants, dont elle avait obtenu . la garde. PUIS, son poste de sténo-dactylo à l'I.N.S.E.E. avait été supprimé. Ce fut le chômage ... En l'écoutant, le psychiatre se persuada que Mme Lavable était atteinte de « délire de la persécution»! . Et puis, un jour, elle décide de retirer son fils du Centre médico-psychologique, car il n'y fait aucun progrès depuis quatre ans. Bien au contraire, son état s'est aggravé. C'est alors que le directeur du Centre, jugeant anormal le comportement de Mme Lavable, la fait surveiller par les services sociaux, puis par la police, après avoir établi, 'le 6 février, un certificat déclarant que «l'état de santé de Mme Lavable nécessite son placement dans un service psychiatrique spécialisé », et suggérant même que ses enfants sont atteints du même mal que leur mère. L'inspecteur dépêché sur les lieux le 8 février par le commissaire de police du 17" arrondissement, se borne à coucher sur le papier les témoignages à charge de quelques voisins racistes, y compris de ceux qu'il déclare n'avoir pu rencontrer. Il ressort. de son rapport que le fait de se plaindre du racisme prouve le délire de persécution ! Munie de ces deux pièces, la police passe à l'action, leJ2 février. Mme Lavable et ses trois enfants sont « embarquès » avec brutalité par les agents dans un «panier à salade ». On passe même les menottes 10 aù gamin de 13 ans qui voulait défendre sa mère! Mme Lavable est donc internée dans les conditions lamentables qui sont celles de certains établissements psychiatriques en France, à l'hôpital de Perray-Vaucluse, près d'Epinay-sur-Orge, et ses enfants pris en charge par le service des Enfants assistés, en province. . Les choses en seraient restées là si deux internes courageux de Perray-Vaucluse n'avaient émis des doutes sur la légitimité de l'internement de cette nouvelle « malade ». Persuadés qu'elle ne présentait aucun signe de maladie mentale, ils procédèrent à une première enquête dans l'immeuble de Mine Lavable qui les fortifia dans leur opinion qu'elle était victime d'une incroyable erreur et, le 16 mars dernier, ils alertèrent le M.R.A.P. pour lequel Mme Lavable n'était pas une inconnue, puisqu'elle était déjà venue se plaindre auprès de . lui du comportement raciste de certains de ses voisins, plusieurs mois auparavant. Le M.R.A.P. mena immédiatement sa propre enquête qui lui confirma tout ce qui précède et qui, au propre étonnement de ses enquêteurs, lui permit de recueillir en moins d'une heure, dans l'immeuble où vivait Mme Lavable, 8 témoignages en sa faveur parmi ses voisins (dont deux sur le même palier qu'elle), ce qui laisse à juger de la valeur du rapport établi par la police! Ces témoignages furent couchés sur le p~pier et signés par leurs auteurs. Ceux-ci affirmaient que Mme Lavable avait toujours eu , une attitude correcte à leur égard, qu'elle était calme, polie, « très agréable », « gentille », propre, avec un intérieur bien tenu, s'occupant convenablement de ses enfants qui étaient bien élevés. Ces témoins se déclarèrent tous indignés des conditions scandaleuses dans lesquelles Mme Lavable et ses enfants avaient été emmenés, et attribuèrent spontanément au racisme .le comportement agressif à son égard de la gardienne de l'immeuble et de plusieurs de ses voisins. Quant- à ceux-ci - dont les ragots avaient été utilisés pour étayer la demande d'internement - ils paraissaient dépassés par les conséquences de leur acte. Muni de tous ces éléments, le M.R.A.P. envoyait le 25 mars une lettre au préfet de Police demandant que justice soit rendue à Mme Lavable. En même temps, Me Manville qui se chargeait de l'affaire, adressait une requête au tribunal de grande instance de Corbeil, demandant la sortie immédiate de Mme Lavable, « aprés toutes les vérifications nécessaires ». Le 30 mars, le procureur de la République se rend à l'hôpital et rencontre Mme Lavable. Et le lundi 9 avril, le tribunal « après avoir entendu le rapport de M. Laffite, premier juge, les conclusions du ministère public, ordonne ·Ia sortie immédiate de Mme Lavable ». Le même jour, celle-ci quittait l'hôpital, libre. Outre qu'elle met en accusation la législation régissant les conditions d'internement, qui date de 1838 et qui permet, à la suite d'une simple dénonciation, un internement arbitraire, ou qui peut . être utilisée comme instrument de répression, cette affaire a confirmé que près de 50 % des internés «d'office» étaient des travailleurs immigrés (étrangers ou originaires des D.O.M.), ce qui donne à réfléchir à la fois sur les conditions de vie de cette population et sur la façon dont certains services administratifs · entendent y «remédier ». R.P. d.o ..... -I.o.1D. LE BREVIAIRE DE LA FRAUDE t fraude électorale? On en parle sans trop y croire, · quand ce n'est pas en plaisantant, en se référant (souvent abusivement) aux pratiques de certains 1 milieux politiques en Corse. Et la fraude dans les départements et territoires d'outre-mer (D.O.M.-T.O.M.) ? On n'en dit rien. Ou l'on admet le fait comme inéluctable. Un épais mur de silence gêné l'entoure. Et pourtant, elle existe ... A la Réunion, à la Guadeloupe, à la Martinique, etc., certains députés, certains maires ne le seraient jamais si était respecté le suffrage universel. Des preuves? Elles pullulent. Et justement, nous avons pu en réunir un certain nombre. Accumulées par le Comité permanent de coordination pour l'autodétermination des D.O.M.-T.O.M. qui put envoyer dans ces vieilles colonies françaises des missions d'enquête et d'observation, elles constituent un réquisitoire 1 accablant contre les agissements des autorités. L'ampleur du phénomène dépas .. e de loin les plus pessimistes prévisions. Si, ainsi qu'a pu le déclarer M. Martin Verlet, lors d'une conférence de presse, à IQn retour de la Réunion, « la réaction n'a pas eu les possibilités de recourir en grand à la violence, sous des formes multiples, la fraude est intervenue pour fausser de manière décisive la consultation». Ce sont par ailleurs des démocrates antillais qui ont constaté Il de visu Il et 1 dénoncé de nombreuses irrégularités, telles celles, par exemple, qui furent signalées au M.R.A.P. dès le lendemain du scrutin, dans un long télégramme en provenance de la Guadeloupe. Quant au reste, à ce qui a pu· se passer dans les communes les plus reculées - celles où l'on vote à 99 % pour -, seul le Ciel. .. et les fraudeurs en furent les témoins. Tout cela est d'autant plus révoltant que les responsables nient en bloc l'évi- I den ce, comme aux meilleurs temps du colonialisme triomphant. « Ces faits inadmissibles (00') traduisent le mépris où sont teoues les populations des D.D.M. dont la libre expression est ainsi empêchée et la dignité bafouée» , s'indignait le secrétaire 1 général du M.R.A.P. dans une lettre au secrétaire d'Etat, lui communiquant les informations reçues. Les élections ainsi faussées seront-elles invalidées? Le Conseil constitutionnel est saisi. Pour donner une idée des pratiques sur lesquelles il va devoir se prononcer, nous nous sommes efforcés d'en classer un certain nombre - les plus fréquentes et les plus frappantes - pour établir ce qui pourrait être appelé un véritable bréviaire 1 de la fraude ... Bourrages d'urnes A la Guadeloupe (1 r" circonscriptionLamentin)

des témoins ont assisté au

déversement de paquets d'enveloppes dans l'urne. A Cila08, à la Réunion, le nombre d'enveloppes contenues dans une urne dépasse largement celui des émargements sur les listes officielles. Enlèvement d'urnes et falsifications de procès-verbaux A la Guadeloupe, 4" bureau du Gosier

sous la protection des C.R.S., des

indiVidus s'emparent de l'urne pour la faire reparaitre quelques instants plus tard au bureau recenseur accompagnée DROIT ET LlBERTË - N' 320 - AVRIL-MAI 1973 d'un faux procès-verbal qui dément les résultats déjà proclamés. (Le candidat de la « majorité» gagne ainsi 200 voix, ce qu'il ·Iui manquait pour être élu.) A la Réunion, à Saint-Paul, la commission de contrôle est expulsée au second tour, et 1 850 voix supplémentaires sont attribuées à rU.D.R. entre les deux tours. Irrégularités dans le déroulement des opérations électorales, entraves au fonctionnement des commissions de contrôle A la Guadeloupe, 2" circonscription, Saint-Martin : le maire faisait voter les maris deux fois ... pour ne pas déranger les femmes 1 A la Guadeloupe, à Port-Blanc, on relèvera un chiffre inhabituel de votants: 98 % ... et sur ce total, 85 % de voix au candidat officiel (2- tour). A la Réunion, le président du bureau de vote femmes de Saint-Paul expulse les assesseurs de la liste de gauche, Claude Hoareau et Evenor Lucas. La commission administrative qui se rend alors sur les lieux est insultée et menacée. Elle est pratiquement obligée de se retirer 1 A la Guadeloupe, à Lamentin, les assesseurs de gauche du quatrième bureau sont exclus « manu militari», ainsi que les témoins gênants. Henri Alleg , journaliste, affirme qu'iI a lui-même été violemment pris à partie et expulsé par des hommes de main du candidat officiel et par le représentant du préfet au bureau de vote de Chazeal,l, 3- circonscription des Abymes, alors qu'il observait que l'on faisait voter à bulletin découvert, sans contrôle d'identité et sans vérification sur les listes d'émargement (4 mars). A la Réunion, à Saint-Leu-Ville, un groupe conduit par Guy Hoareau, maire de Saint-Joseph et suppléant du candidat élu dans la 3- circonscription envahit les bureaux et tente de faire pression sur les assesseurs de gauche pour qu'ils signent en blanc les procès-verbaux. Vote par cc décision judiciaire Il A la Réunion, plus particulièrement, il est pratiqué de façon abusive. Ainsi, à l'Etang-Salé et à Saint-Pierre, on en relève un nombre particulièrement élevé : jusqu'à 25 par bureau. A la mairie de l'Etang-Salé, les ordonnances sont remplies directement dans une pièce attenante au bureau de vote par le secrétaire de mairie. La plupart de ces ordonnances, délivrées par le juge d'instance de Saint-Pierre, ou bien falsifiées, ne sont justifiées par aucune des raisons prévues par le Code électoral. Par ailleurs, dans plusieurs bureaux, le nombre des procurations est égaiement fort élevé - jusqu'à 30 pour un seul bureau 1 C'est ainsi qu'une procuration porte pour mention « infirme», le mandant étant Ary Payet, enseignant en congé administratif en métropole depuis de nombreux mois, le mandataire Paul Payet, maire de l'Etang-Salé. Au 7" bureau de la commune de Saint-Joseph, M. Benort Huet se présente avec une ~ 11 procuration de mandant pour voter au nom de Vamps Niguel, épouse Damour •.. décédée en 1958! Distribution massive de cartes électorales A la Réunion, à Saint-Denis, dans la seconde circonscription, une distribution massive de cartes éleotorales a lieu le 3 mars au matin tandis que des personnes connues pour leurs opinions démocratiques, telle Mme Amelin, secrétaire générale dé l'Union des Fe'mmes Réunionnaises, se voient refuser leur carte, Envahissement des bureaux de vote par des nervis A la Réunion, à Cilaos : un groupe d'individus menés par le maire envahit le 18 mars les bureaU$ de vote et insulte sans discontinuer les assesseurs de la liste de la gauche unie, A Piton-Saint-Leu, deux groupes de 50 hommes de main dirigés par M. Legros, suppléant de M. Debré, investissent les bureaux de vote , A l'intérieur de la mairie de l'EtangSalé, l'assesseur de la liste Vergès, le professeur Martinez est frappé violemment par son homologue U,D,R" Matais Narbonne. Même scénario à Saint-Paul, où assesseurs et délégués de la liste de gauche, cernés par les mêmes, ne peuvent procéder au dépouillement et signer les procès-verbaux que sous la menace de couteaux .. , Au 1 08 bureau de Saint-Benoit (La Confiance), un conseiller municipal entre dans le bureau de vote armé d'un revolver, Dans le 258 bureau de Saint-Denis, un groupe de personnes menace l'assesseur de la gauche unie qui exige que les électeurs justifient de leur identité avant de voter, Chantages, pressions et intimidations exercées sur les électeurs • Au niveau de la propagande : - Dans la 28 circonscription de la Réunion, M. Debré n'hésite pas à écrire lui-mêm~ à chaque abstentionniste du premier tour pour l'inciter à voter pour le candidat « natio'nal» au second tour M. Fontaine. Pour ce faire, il utilise u~ papier à en-tête du ministère d'Etat et termine sa lettre par ces mots manuscrits

Il En votant dimanche, pensez à

votre fa~ille et à vos enfants. Avec ma sympathie: M. Debré. II 12 - Des tracts mensong~rs et diffamatoires, non signés, sont lancés par milliers dans les rues de Saint-Louis, Saint-Paul, Le Port ... • übéralités en nature : - A Saint-Benoit, dans la 1 le circonscription de la Réunion (de M. Debré), le maire fait des cadeaux en vivres en remettant des bons à en-tête de la mairie honorés par des commerçants, - A Saint-Joseph, des bons d'essence sont distribués couplés à des bulletins verts du candida,! de droite, M. Cerneau, pour le scrutin, Enfin, toujours à Saint-Joseph, M. Arsène Hopin organise à raide de la 504 du maire, le ramassage des électeurs et avant de voter leur verse, derrière la maison, une somme de 1 000 F CFA en accompagnant ce geste d'une adresse à voter M. Cerneau. - A Saint-Leu, le jour du premier tour de scrutin , comme un peu partout dans l'île, des cars sont affrétés pour convoyer les électeurs suceptibles de voter U,D,R, Lors du transport à SaintLeu des personnes venant de La Fontaine et de l'Etang, trois agents électoraux de la liste U,D,R, distribuent aux passagers des bulletins verts au nom du candidat de la « majorité», Ces passagers doivent présenter pour le retour les quatre bulletins pris au bureau de vote et ne peuvent remonter dans le car qu'à cette seule condition , • Pressions directes et intimidations : - Au bureau de Bois-de-Nèfles, (com- A mune de Saint-Paul), le garde champêtre exige des électeurs qu'ils lui remettent le bulletin rose Vergès (gauche unie) à la sortie pour s'assurer qu'ils n'ont pas voté pour lui, Au 48 bureau femmes de Saint-André (1 '8 circonscription) , le témoin administratif chargé de la régulairté des élections, dirige lui-même les électrices vers la pile de bulletins verts en leur disant : Il Prenez trois bulletins et votez bulletin vert Michel Debré - bulletin de la France II. Vers 16 heures, dans un autre bureau de Saint-André, M. Debré se présente lui-même, accueilli aux cris de « Vive Debré» poussés en choeur par les assesseurs et délégués de sa liste, - A la Martinique, les allocations familiales sont versées un mois à l'avance et les intéressés sont avertis : si la gauche passe, il n'yen aura plus! Utilisation de C.R.S. et de « képis rouges Il dans la rue et les bureaux de vote - Guadeloupe (1 '8 circonscription) : dans la commune du Gosier - où le maire est le candidat U,D,R " M. Hélène - les assesseurs sont des C,R,S , ! Tandis qu'à Basse-Terre, ils font office de colleurs d'affiches du candidat « officiel) 1 ! lIR LE PRESIDEIIT DU H.R.A.P 12& RUESAIKTDEHIS PARIS2ElIE HONNEUR VOUS INFORMER IMPORTANTES FRAUDES ELECTORALES PERPETREEES ~---- _. "-'---- P AR CANDIDATS OFFICIELS U.D.R AVEC APPUI PRn SOUS-PREFET CERTAINS MAGISTRHS ENORMES FORCES DE POLICE: CRC GARDEMCBILES S TOP FRAUDES CARACTERISEES !!~ ENLEVEHENT UR.H.LEAJ.SlflCU IONS ~~ HU~G'!.~URIS_EHA!GE~ItjJS ANT:CIPES IIASSIFS 8 OURRAGE D URtlES EXPUIUICN ASSESSEURS ET CANDIDAT ADVERSES --~ - .... - ---- .- -- ~~ BUREAU VOTE VOTES MULTIPLES ABSENCE Ci-dessus le début du télégramme envoyé par M, Marcel Gargar, sénateur de la Guadeloupe et maire-adjoint de Pointe-à-Pitre, au président du M,R,A,P, Dès réception, Albert Lévy, secrétaire général du M,R,A,P, adressait une lettre à M, Marcellin, ministre de l'Intérieur, et à M, Deniau, secrétaire d'Etat chargé des D,D,M, et T,D,M" [AFRIQUE DU SUD, PARLONS-EN ••• T A France est celui des pays L « occidentaux II qui entretient les plus actives relations avec le régime raciste d' Mrique du Sud. Elle est son premier fournisseur d'armes. Elle la fait bénéficier d'un appui économique considérable. Enfin, sur le plan politique et moral, elle lui est fort précieuse, négligeant d'intervenir ou s'abstenant lorsque l'O,N,U. condamne Prétoria, refusant de participer - comme récemment à Oslo - aux conférences internationales chargées par les Nations Unies d'étudier les problèmes de la décolonisation et de la survivance de régimes racistes en Mrique. De tout cela, le lecteur de « Droit & Liberté II est régulièrement tenu informé. Mais que dire de celui qui ne lit que la: « grande presse II. Dans la plupart des cas, il ignore à peu près tout de cette réalité, Car pèse sur la question de l'apartheid et du soutien que lui apporte la France, un épais silence, jalousement entretenu. Il faut être particulièrement attentif pour dénicher, de temps à autre, quelque minuscule « entrefilet II sur l' Mrique australe. Tout au plus pourrat- on se rabattre sur une publicité touristique proclamant: Il L'Afrique du Sud ne se visite pas, elle s'explore. L'Afrique du Sud, c'est le dépaysement total : un climat doux et ensoleillé, des paysages uniques au monde et les immenses réserves d'animaux en liberté )) ... Sur les réserves de noirs, les journaux qui publient ces placards alléchants se taisent. Plus que jamais, il devient urgent de poser la question : Pourquoi ne parle-t-on pas de l' Mrique du Sud? Oui dresse ce mur de silence intolérable qui rend notre pays complice de l'apartheid? Oui osera faire état honnêtement de ce qui se passe à l'autre bout de l'Afrique? A l'occasion de la Journée internationale contre la discrimination raciale, instituée par l'O.N.U. le 21 mars, le M.R.A.P. s'est adressé aux députés (1) pour leur demander de prendre position sur l'attitude du gouvernement français vis-à-vis de l'Afrique du Sud. Une démarche semblable était faite auprès des directeurs de journaux. Ce n'est là qu'un début. Il appartient à tous les antiracistes d'intervenir, d'agir pour que la vérité soit dite. Oui, l'Afrique du Sud, parlonsen 1... (l) Voir les réponses reçues dans la rubrique «La vie du M.R.A.P. », page 34. L'AIDE FRANCAISE Les blindés utilisés par l'armée sud-africaine (en majorité de marque Panhard) sont montés depuis peu en Afrique du Sud même; ainsi que les missiles sol-air (Cactus/Crotale) dont la mise au point a été financée conjointement par les gouvernements français et sud-africain. Depuis 1963, la moitié de l'aviation sud-africaine (500 appareils environ) est constituée d'appareils français (Mirage, Mystère). Sur 100 hélicoptères dont dispose l'armée, 80 sont de fabrication française (Alouette et Super-Frelon). En 1970- 1971, trois sous-marins destinés à l'Afrique du Sud (avec 12 lancetorpilles) ont été construits à Nantes. Le 26 février 1972, l'Afrique du Sud a annoncé rachat à la France d'une grande quantité de fusils semi-automatiques R 3 (montés en Afrique du Sud), Les principales exportations françaises vers l'Afrique du Sud consistent en biens d'équipement, Elles ont augmenté de 600 % en 12 ans , La collaboration économique se traduit également par d'importants investissements, La Banque d'Indochine a créé une filiale (French Bank), en Afrique du Sud; de nombreuses transactions passent par la Banque de Paris et des Pays-Bas. Parmi les entreprises qui collaborent et qui installent des filiales en Afrique du Sud : Thomson C.S.F., C.G.E., Alsthom, Compagnie française des Pétroles, Renault, Peugeot, Air Liquide, Dassault, Matra, Chargeurs Réunis, Messageries Maritimes, U.T.A ... Inconscience ou cynisme? Il Au pays du Docteur Barnard)l : sous ce titre, Il Télé-Médecine)l (nO 331 , du 17/24 février 1973) publie un article dont l'objet n'est autre que de justifier l'apartheid, La ségrégation , affirme l'auteur (qui vient, précise-t-on , «d'effectuer un long périple en République SudAfricaine »), est Il une réponse pratique)l, 1( une réponse positive à une situation 'de fait qui semblait dangereusement inextricable Il. «Cette politique)l, ose écrire le reporter anonyme Il est appliquée intélligemment aussi pour la vie sauvage, qui a été magnifiquement protégée dans d'immenses réserves)l. Et après avoir ainsi comparé les Africains à des fauves, il s'efforce de minimiser les conséquences de l'apartheid, Voici quelques-uns de ses « arguments» : DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 (1 la ségrégation des toilettes pour blancs et noirs s'apparente plutôt à celle qui existe entre ladies et Gentlemen; celle des transports aux première et troisième classe des chemins de fers français ( ... 1, Pour la ségrégation du logement, prière de se rappeler les étages de chambres de bonne mansardées et le refus de louer à certains locataires arabes de banlieue, )l Rien de choquant , donc, dans tout cela! D'ailleurs, explique doctement l'auteur, les noirs Il préfèrent par exemple un travail moins payé, mais moins assidu ou astreignant, avec la possibilité de s'arrêter pour danser, en plein travail Il . .. Quant à 1'« apartheid sexuel )1, qui fait que « tout immigrant européen surpris avec une noire a droit à 6 mois de prison ferme, la confiscation de tous ses biens et l'expulsion)l, et qui vaut dans les mêmes cas, trois ans de prison aux SudAfricains eux-mêmes, l'auteur de l'a'rticle n'v voit que prétexte à gaudriole : les Il pauvres blancs frustrés dans leur désir de peau noire et de chaleur féminine) l, n'ont-ils pas à leur disposition des prostituées blanches? et ne peuventils pas aller satisfaire leurs aspirations dans un Etat noir voisin? Décidément, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes racistes possible, Et, en France, un journal médical fait l'éloge de cette pol itique «intelligente », Inconscience ou cynisme? Dans l'une ou l'autre hypothèse, c'est effarant! 13 Six hommes en danger PRoeES A PRETORIA Alexandre Moumbaris Le 19 mars s'est ouvert à Prétoria. devant la Cour Suprême de la Républiqu~ d'Afrique du Sud un nouveau procès politique. Au nombre de six : Alexandre Moumbaris, 34 ans, Australien, né de parents français; John William Hosey, 23 ans, originaire d'Irlande du Nord; Tloi Théophilus Cholo, 45 ans et Sandi Sijaka, 30 ans, tous deux natifs du TranskeiMaquina; Justive Mpanza, 34 ans, et Petrus Aron Imtembu, 37 ans, originaire du Natal, ces hommes sont tous accusés d'avoir pris part à des activités « terroristes »; au sens, bien sûr où l'entend la législation-répression en Afrique du Sud, c' est-à-dire définie de manière si large que le Président de l'Etat peut assurément « considérer» comme « terroriste» quiconque se prononce contre le racisme ou contrevient à l' un des innombrables règlements qui assurent la ségrégation raciale. Mme Moumbaris raconte Mme- Marie-José Moumbaris, qui est française, a été arrêtée en même temps que son mari. Enceinte, elle fut libérée et expulsée après avoir été détenue au secret pendant quatre mois. Actuellement à Paris, l'épouse du principal accusé a bien voulu reconstituer pour « Droit et Liberté» les faits qui se sont déroulés depuis leur départ de Londres le 8 juin 1972, où ils se sont envolés pour le Mozambique. Accomplissant un voyage d'étude, M. et Mme Moumbaris se sont rendus en Swaziland et sont entrés en Afrique du Sud le 27 juin. Après avoir séjourné une semaine sur la côte sud du Natal, ils ont gagné le Botswana via Johannesburg. C'est le 19 juillet, au moment où le couple a traversé la frontière pour retourner en Afrique du Sud que des policiers en civil les ont arrêtés. Leur voiture louée, a été fouillée, et ils ont été immédiatement séparés, conduits à Pretoria pour être interrogés de minuit à six heures du matin, avant d'être enfermés dans deux cellules « de quatre pas sur cinq». Dès le début de son incarcération, Mme Moumbaris avait demandé la visite 14 du Consul de France. Or, en application de la loi sur le terrorisme (Terrorism Act, de 1967) la visite à un prisonnier par des agents consulaires n'est pas autorisée. Pendant les six premières semaines de détention, elle a été interrogée chaque jour de neuf heures à la mi-après-midi ; parlant à peine l'anglais et pas du tout l'africaan, elle n'a cependant pu bénéficier d'un interprète qu'au bout d'une longue période. Pendant ce temps, les familles sans nouvelles étaient intervenues auprès des ambassades de France et d'Australie. Toutes les recherches effectuées sont res tées vaines. La « police de sécurité» sudafricaine, le B.O.S.S. (Bureau Of State Security, créé en 1969, détient des pouvoirs exorbitants, celui entre autres d'interdire à la presse de publier des informations relatives à ses activités) déclarait ne rien savoir sur le couple. Cette. police n'a pas hésité à envoyer un de ses agents, âgé de 25 à 30 ans, parlant bien le français, au domicile de la mère d'Alexandre Moumbaris qui réside à Paris. Cet homme lui a présenté une lettre de son fils qui déclare notamment : « Le porteur de cette lettre est un homme que j'ai rencontré ici et il m'a demandé s'il pouvait passer deux jours à notre appartement de Londres. Je te demande donc d'avoir l'amabilité de lui donner la clé de la maison, laquelle je crois, (jSt en ta possession. » Par la SUite, toujours sans nouvelles de son fils, la mère d'Alexandre Moumbaris s'est rendue à Londres. Là, elle a trouvé un appartement aux tiroirs saccagés, aux chaises renversées, aux multiples papiers éparpillés sur le sol. Après cette opération, dans la prison de Prétoria, Mme Moumbaris reconnaissait au cours d'un interrogatoire mené par les hommes du B.O.S.S., une photographie qui provenait sans aucun doute de son appartement de Clapham South ... Devant la Cour Suprême, depuis le début du procès, l'intention du gouvernement raciste de . Ver:ster est claire. Il s'agit, à travers les accusations lancées, de prouver que c'est de l'étranger et non pas du pays lui-même que s'organise la lutte pour mettre fin au régime d'apartheid. L'aCte d'accusation présenté par le procureur Rees est significatif à cet égard. De nombreux chefs sont retenus vis-à-vis surtout du principal accusé; qui sont notamment d'avoir « transporté des Africains» et « d'avoir photographié des parties de territoire afin de faciliter un débarquement secret!». Les journaux sud-africains font même état d'un bateau ayant à son bord un « commando de débarquement», qui serait parti de la Somalie et qui mystérieusement... ne serait jamais arrivé en Afrique du Sud. J. W. Hosey pour sa part, arrêté le 28 octobre 1972, aurait ête trouvé en possession de deux « pass.». (Les Africains sont astreints à toujours porter sur eux ce livret d'identité spécial, où divers tampons et timqres . fiscaux doivent attester que le porteur a satisfait à toutes ses obligations. Le seul fait d'être trouvé sans « pass » constitue une infraction qui entraîne l'arrestation immédiate.) Interrogé du lundi au jeudi, bénéficiant seulement de siX heures d'interruption, il a déclaré devant le tribunal avoir été frappé à coups de poings et drogué. En ce qui concerne Sandi Sijaka, un témoin a déclaré qu' « un homme lui res semblant » lui a donné des indications sur la manière de fabriquer divers explosifs. Contre-interrogé par les avocats de la défense Mes Bizos, Renke et Dannhauser, il n'était pas sûr de l'identité de l'homme, qu'il aurait pourtant rencontré deux fois et qui lui aurait affirmé « venir de l'étranger pour mener la guerre contre les blancs ... ». Etrange témoin qui ne se rappelle pas non plus les détails de fabrication des explosifs. Le juge Boshoff a été contraint de reporter à une date ultérieure la suite de l'interrogatoire ... Les curieux témoins Poursuivant la série des curieux témoins,. plus que favorables à l'accusation, Nicola Kumbela affirme lui, avoir rencontré les quatre accusés africains dans plusieurs « centres d'entraînement» situés à l'étranger. Il serait allé jusqu'à la mer Caspienne en compagnie de ces hommes pour apprendre entre autres ... à ramer! Autre fait qui donne une idée des méthodes employées pour justifier l'accusation

M. Mose arrêté le 28 octobre se

t ransforme. c'est le prix de sa libération, en témoin à charge pour faire état des activités des accusés qu'jl a urait connus comme membres de l'A frican National Congress. (Fondée en 1912 et déclarée illégale en 1960 : to us les chefs de l'A.N.C. sont a ujourd'hui en _ prison ou en exil). Rappelons que les six hommes arrêtés sont accusés d'être membres ou actifs supporters de cette organisation et qu'à ce seul titre, ils ri squent les sanctions qui s'a ppliquent a u cas de tra hison ; c'est-à-dire un minimum de cinq ans de prison jusqu'à la peine ca pitale. M. Mose a montré le bout de l'oreille en contre attaquant un des défenseurs Me Bizos insinuant qu 'il était par trop renseigné sur l'activité de ce mouvement. Renforcer la peur Oe toute évidence, avec ce prétendu déb'lrquement de « chefs de guerilla» le gouvernement entend, à la veille des élections. renforcer la peur et confirmer ses théses sur les menaces d'interventions étrangères, comm.e le prouve le témoignage d'un fidéle du· régime. offi cier du B.O.S.S., le Major Stad 1er. A la question posée : Y a -t-il eu d'autres infil trations en Afrique du Sud? il répond que la police a toujours agi d' une maniére s utli samment rapide pour étouffer tous les complots, et prétend que les récentes grèves sont les seuls troubles qui peuvent être attribués à des infiltrations dans la dernière période. Alexandre Moumbaris est actuellement isolé dans le quartier des condamnés à mort ; il doit assister au départ de ces hommes vers le lieu d'exécution. (Seize exécutions ont eu lieu depuis le début de cette année en Afrique du Sud. En 1972 87 condamnés ont été pendus.) A plusieurs reprises son avocat a demandé le changement de son lieu de détention, j usqu'ici sans cesse refusé. Le II avril, il a te nté de se s uicider . Arrêtés depuis juillet 1972, tenus au secret pendant de nombreux mois, torturés, privés de to ut contact avec leurs avocats, subissant une trés longue déten tion. ces acc usés témoignent des méthodes sur lesquelles s'appuie l'apartheid. Ces méthodes visent tous les adversaires du racisme. Il est important aujourd'hui que les démocrates agissent pour protèger les droits fondamenta ux et la vie même d' Alexandre Moumbaris et de ses compa gnons. Michel PHILY. DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 AFRIQUE: POURQUOI LA FAMINE! I L Il 'est sans doute pas de probléme plus grave et plus lourd de consé quences dans les années à venir que celui de l'opposition entre la croissance des pays industriels et l'aggravation de la misère dans les pays à l'é.conomie so us développée. Loi n de s'atténuer, le fossé s'appro fondit de jour en jour. Malgré les efforts de quelques gouver nements de ces pays, l'aide des orga nisa tions intern ationales et des pays sOLia listes, en dépit des efforts de certains hommes d'Etat, plus lucides - ou plus prévoyants - que d'autres, efforts so uvent battus en brèche par des campagnes de sty le « cartlenste » empreintes d'un égoïsme national étroit et à co urte vue, la situation des peuples du Tiers-Monde se fait chaque jour plus prècaire. Et -cela. même lorsque les condi tions météorologiques sont normales, que la récolte et l'élevage peuvent s'effectuer dans les conditions habituelles.

Mesure-t-on dès lors la profondeur de la dètresse de ces populati ons quand - à leur pauvreté croissante - vient s'ajouter une catastrophe naturelle? C'est ce drame que connaît auj ourd'hui une importante partie de l'Afrique, sur laquelle s'est abattue une sécheresse telle qu'elle n'en avait pas connue depuis le début du siècle. Six pilyS : le Mali, le Sénégal. le Niger. la Ha ute-Volta, la Mauritanie et le Tchad, sont particulièrement attei nts. Leurs habitants sont à brève échéance - et si une vaste campagne de solidarité n'est pas menèe à bien, menacés de fa mine et de mort lent e. Voici trois ans dèjà que ces pays souf frent de la sécheresse. Mais la situati on qui s'é tait lentement dégradée a atteint désormais le se uil critique. Une bon ne partie du cheptel, principale ressource de certaines régions ou les populations ne vivent que de l'élevage, a péri. faute pour les bêtes de trouver la nourrit ure et l'eau indispensa bles. Le voyageur qui parcourt ces règions peut voir autour des points d'eau taris, le long des routes et des pistes, sur la terre que la chaleur craquèle, les cadavres de troupeaux entiers. Les récoltes - qu'il s'agisse des céréales, du mil, du riz ou de l'arachide - ont diminué parfois des deux tiers. Or, de telles cultures sont non seulement la base des ressources des habitants déjà réduites par la médiocrité des « prix de traite» auquel les payent les importateurs étrangers, mai s aussi leur se~le nourriture. Les populations nomades amuent vers les villes ou les régions moins atte'intes par le fléau ; elles se heurtent -- malgré la proverbiale hospitalité africaine - aux habitants de ces régions, soucieux de préserver leur propre subsistance et celle de leurs enfants. Les experts de l'Organisations des Nations-Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (F.A.O.) ont déclaré que « plusieurs millions de personnes pourraient mourir de faim ». Mais, devant l'ampleur du drame, ces mêmes experts expriment leur découragement

« Rien ne peut être fait... » (A.F.P.,

y fév rier 1973). Ce renoncement ne peut être admis. A long terme, les remèdes sont connus. La sècheresse, flèau qui a ravagé nombre de pays dans l'histoire ancienne a été jugulée dans les territoires où les moyens nécessaires ont été mis en oeuvre. Qu'il s'agisse de barrages, d'aménagement de fleuves, de forages, etc., ces moyens ont ètè parfaitement maitrisés par les scientifiques et les techniciens du monde modern e.

Mais, dans l'immédiat, c'est sur chacun de nous que repose la solution. II dépend de nos efforts. de l'action que nous sa urons mener auprés de nos organisations et de nos gouvernements, de la campagne d'opinion que nous saurons impulser, que des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants bénéfi cient de l'aide indispensable ou soient condamnés. Pierre BRAUN 15 antériques PANAMA A [ORDRE DU JOU ~ES Français ont quelque responsabilité dans l'histoire de Panama et dans la création d'une enclave coloniale sur son territoire : pas seulement Ferdinand de Lesseps, dont l'entreprise de creusement du canal fit faillite en 1893, avec l'énorme scandale qui s'ensuivit. Mais déjà l'ingénieur Napoléon-Bonaparte Wysse é,tait français, qui en 1878 avait, avec la Colombie, conclu l'affaire. Et surtout Philippe Bunau-Varilla, lui aussi ingénieur et frère du propriétaire du quotidien parisien Il Le Matin Il, qui non seulement vendit aux U.S.A. pour 40 millions de dollars ses actions de la Société du Canal, mais - le Panama devenu le 3 novembre 1903 République indépendance - signa le Traité qui octroie à perpétuité la zone du Canal aux Etats-Unis. Cette zone, de 1 432 km2 , coupe le pays en deux ; elle en occupe le centre. C'est bien l'enclave colbniale : un gouverneur, une police, des tribunaux, des écoles , qui tous sont nord-américains. On n'y naît pa& Panaméen, mais « Zonian ». Pour écrire de Panama-capital à Balboa , qui est à un quart d'heure de route, il faut affranchir sa lettre d'un timbre « U.S. Postage», car Balboa est dans la « Canal Zone ) ... En outre et surtout, en plein coeur du Panama donc, 14 bases militaires yankees , et le G.Q.G. du « Southern Command». Dans ces bases, les écoles de cadres et d'entraînement des « forces spéciales» : celles où l'on forme pour la lutte « anti-guérilla » les officiers d'Amérique latine, des « rangers» et des « bérets verts». Les U.S.A. prétendent volontiers que le Panama a beau se plaindre : il tire bénéfice de l'existence du Canal sur son territoire; et ils « justifient» ainsi leur mainmise sur la Zone. Mais les NationsUnies, dans une étude faite en 1972 par leur commission économique, précisent l' « ampleur» des bénéfices du Panama. Ceux de l'exploitation du Canal en 1970 se sont élevés en tout. à 175 millions de dollars : le Panama a reçu ... 1,9 mil lion de dollars. En outre , indique le même document, l'exploitation du Canal contribue à perpétuer le sous-développement du pays : les régions urbaines proches de la Zone dépendent de l'administration nord-américaine en ce qui concerne remploi et la vente de leurs produits et, attirant les techniciens et les cadres formés aux frais de la République de Panama - ce qu'on appelle , pour toute l'Amérique latine d'ailleurs, le « drainage des cerveaux» vers les Etats-Unis -, la Zone entrave le progrès du reste du pays. Enfin, Washington ne paie aucun loyer pour ses bases mili- 16 taires , alors que par exemple il verse 20 millions de dollars par an pour ses bases en Espagne , 15 millions pour celles des Philippines, 10 millions en Ethiopie ; n'est-ce pas que le Panama est considéré comme une colonie « à part entière » ? Mais la questioh n'est nullement affaire de gros sous. C'est de son indépendance et de sa souveraineté que le Panama a faim . Son chef de gouvernement, le général Omar Torrijos, est devenu pour le peuple panaméen le champion énergique de cette revendication nationa le, pour laquelle le 9 janvier 1964 tombaient sous les balles américaines, une tren taine de morts et quelque 500 blessés. Il faut noter que l'exigence du Panama, conforme à notre époque « décolonisatrice », n'est pas celle de la gestion du Canal lui-même, qu'il considère comme une voie d' eau internationale et où il ad 11et même l'administration d'une compagnie nord-américaine. C'est la souveraineté pleine et entière qu'il veut sur tout son territoi re, « Canal Zone ) comprise. D'autant plus qu'en réalité , il suffit de voyager par la route au long de la Zone, de Panama à Colon , pour voir ce qui crève les yeux: les Etats-Unis ont largement violé le Traité de 1903. Et c'est si évident , et si contraire aux conditions historiques actuelles, que le petit Panama vient de remporter à ce propos trois victoires retentissantes . D'abord en obtenant, malgré l'opposition farou che des Etats Unis, que le Conseil de sécurité de l'O.N.U . se réu nisse en mars dernier dans sa ca pitale . Ensuite en y pouvant poser nettement, de façon qu'il soit débattu à la face du monde, le problème de sa souveraineté nationale sur la « Canal Zone». Enfin et surtout, grâce au soutien de tous les pays d'Amérique latine , de tous les pays socialistes , de tous les pays d'Afrique, en obligeant les Etats-Unis à recourir, en désespoir de cause, à leur a~me ultime en pareil cas: leur droit de veto. Lors du vote final d'une résolution demandant aux U.S .A. et au Panama , sur proposition de huit pays « non-al ignés ), de conclure rapidement un traité qui fasse droit « aux justes et légitimes aspirations du Panama », 13 membres du Conseil de sécu rité sur 15 se sont prononcés « pour ». Seule la GrandeBretagne s'est abstenue, les Etats-Unis votant«contre» par le « diktat» du veto. Même la France , dont le délégué avait pourtant au cours du débat soutenu les arguments des Etats-Unis, a voté ce texte. C'est un signe des temps que la posture d'accusé colonialiste où s'est trouvé et se trouve désormais le gouvernement de Washington . Certes, le veto a bloqué l'issue juridique immédiate de l' affaire. Mais il n'est pas douteux que désormais, dans leurs discussions avec le Panama sur la question de la Zone du Canal , les EtatsUnis auront à tenir compte d'une opinion mondiale en alerte. • Georges FOURNIAL. Chrétiens et judaïsme Les « orientations pastorales» publiées le 16 avril par le Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme ont 'provoqué aussitôt des prises de position contradictoires et passionnées. Àu regard de la lutte contre l'antisémitisme, ce qui . paraît essentiel dans ce texte, c'est le rappel et l'approfondissement de la déclaration du Concile Vatican" du 28 octobre 1965, qui traitait de l'attitude des chrétiens à l'égard du judaïsme. Il Il est urgent que les chrétiens, est- il souligné dans le document épiscopal l cessent définitivement'de se représenter le juif suivant des clichés qu'une agressivité séculaire avait forgés; éliminons à tout' jamais et çombattons avec courage en chaque circonstance les représentations caricaturales et indignes d'un homme honnête, à plus forte raison d'un chrétien: par exemple celle du juif qu'on déclare Il pas comme les autres Il en y mettant une nuance de mépris ou d'aversion, celle du juif Il usurier, ambitieux, conspirateur Il, ou celle, plus redoutable encore par ses conséquences, du juif Il déicide Il., Ces qualifications infamantes, qui ont, hélas, encore cours de nos jours de façon directe ou larvée, nous les dénonçons et les condamnons avec insistance. L'antisémitisme est un héritage du monde païen, mais il s'est encore renforcé en climat chrétien par des arguments pseudo-théologiques Il. Une bonne partie du, document est consacrée à la réfutation détaillée de ces « arguments» traditionnels qui tendent à engendrer trop souvent, sinon la haine, du moins le mépris et l'incompréhension. Commentant un autre aspect de ces « orientations pastoraies », Mgr. Elchinger, président du Comité de six évêques qui les a rédigées, a déclaré que Il la reconnaissance de fait de l'Etat d'Israël par les chrétiens, comme terre d'accueil pour les juifs n'entraîne aucunement rapprobation de la politique israélienne Il. Le texte publié souligne, par ailleurs : Il '1 Y a, au plan politique, affrontement de diverses exigences de justice Il. Et il affirme : Il Ce droit et ces possibilités d'existence ne peuvent pas davantage être refusés par les nations à ceux qui, à la suite des conflits locaux résultant de ce retour, sont actuellement victimes de graves situatioris d'injustice Il. Et encore : Il Les évêques français soulignent l'importance et le caractère tragique du fait palestinien Il. Il n:empêche que les ambassadeurs des pays arabes en France ont dénoncé ce texte comme Il inopportun et partial Il ; leurs homologues auprès du Saint-Siège ont estimé qu'il Il faisait l'apologie du sionisme Il, tandis que le grand-rabbin Kaplan saluait avec satisfaction la phrase reconnaissant (( au peuple juif le droit et les moyens d'une existence politique propre parmi les nations Il. Le Vatican s'est borné, quant à lui, à confirmer ses positions antérieures, en ce qui concerne le judàïsme et Israël. Ces polémiques témoignent certes de l'acuité des problèmes du Proche-Orient, mais aussi sans doute, des ambiguïtés qui DROIT ET LlBERTË - ND 320 - AVRIL-MAI 1973 s'attachent à l'expression de « peuple juif», fréquemment employée par le Comité épiscopal. Faut-il la prendre dans son acception religieuse , biblique? Ou dans le sens que lui donne l'idéologie sioniste? La limite est parfois difficile à établir. De même, lorsqu'il est question d'une « ëommunauté juive de France forte de près de 600000 membres», ce chiffre apparaît sans rapport avec la réalité si l'on entend suggérer qu'il s'agit de croyants ou même de personnes manifestant leur appartenance au judaïsme. " faut admettre, comme le souligne le document, « qu'il peut y avoir différentes façons d'être juif». Mais cela ne contredit- il pas l'affirmation de « l'unité fondamentale de l'existence juive?» Si cette importante prise de position de l'Eglise de France, outre son 'analyse précise et sa très nette condamnation des préjugés antijuifs, ouvre la voie à une recherche plus approfondie encore , en vue de surmonter les multiples confusiORs qui enveloppent de toutes parts la « question juive», le cho'c qu'elle a créé sera d'autant plus salutaire. Ceux qui combattent l'antisémitisme ne peuvent se désintéresser d'une telre clarification . Ni Portugais, ni Algériens ... « La Tribune de Versailles», mensuel versaillais, avait fait paraître dans' son numéro de novembre 1972 un reportage sur le « Versailles nocturne » ... A propos d'un établissement nommé « Le D.uc de Berri», le journal citait les paroles du patron: « Ici, on n'accepte pas n'importe qui. Ni Portugais, ni Algériens, ici, monsieur... nous avons une bonne ambiance ». Alerté par les sections locales du M.R.A.P. et du P.S.U. , le M.R.A.P., représenté par votre ami Me Daniel Jacoby agissant en qualité de partie civile et considérant ces écrits contraires à la loi du 1 er juillet 1972, faisait délivrer une citation à compartlÎtre devant le tribunal correctionnel à rencontre du directeur de la publication et du rédacteur de l'article. Cette fermeté fut payante, car le directeur reconnut les faits et proposa d'insérer un rectificatif dans le numéro suivant de son journal. Ce qui fut fait. Enfin, à titre de réparation, « La Tribune de Versail.les» a décidé de publier dans un important article consacré aux travailleurs étrangers en milieu versaillais, des extraits de « Droit et Liberté» ! Marion Brando refuse l'Oscar M ARLON BRANDO a refusé , à Los Angeles, l'Oscar qui lui a été décerné comme meilleur acteur de l'année 1972. Une jeune Apache est venue lire un court texte dans lequel le célèbre acteur déclare : Il Je ne veux pas offenser ou diminuer cette cérémonie, mais je ne pense pas pouvoir, en citoyen des Etats-Unis, accepter cette récompense ou toute autre récompense. Vous vous dites probablement que cela n'a rien à voir avec la remise des oscars, ~ 17 ~ mais le milieu du cinéma est aussi responsable de la dégradation des Indiens.)) Cette déclaration fait suite aux récents évènements qui se sont déroulés dans le cadre du mouvement d'émancipation des Indiens d'Amérique. A Wounded Knee, les Indiens de la tribu des Sioux Ogala sont toujours retranchés sur le territoire de leur réserve, dans le Dakota du Sud. Depuis deux mois que les troupes fédérales les assiègent, les négociations ponctuées d'escarmouches n'ont guère avancé. Le bulletin (( U.R.S.S.)) condamné à une amende. La 17" chambre correctionnelle du tribunal ·de Paris jugeait, le 26 mars, pour diffamation raciale et pour provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciales, le bulletin ({ U.R.S.S.», édité par le Bureau d'information soviétique. L'auteur de l'article incriminé, reproduit dans ce bulletin le 22 septembre dernier, sous le titre ({ L'école de l'obscurantisme », prétendait expliquer la politique d'Israël vis-à-vis de ses voisins et du peuple palestinien par l'enseignement prodigué à la jeunesse israélienne sur la base des textes religieux du Talmud. A la suite de cette publication, le M.R.A.P. avait élevé une ferme protestation. Dans un communiqué, il déclarait notamment: « La critique du gouvernement israélien et du sionisme, qui relève de l'appréciation de chacun (aussi bien que l'attitude inverse), aboutit à de dangereuses déformations si elle ne se maintient pas sur le plan de l'analyse politique et du débat idéologique loyal. En particulier, la méthode qui consiste à juger de ces problèmes en se fondant sur des commentaires religieux millénaires est à la fois antiscientifique et pernicieuse. On peut découvrir dans toutes les religions, à un moment ou à un autre de leur évolution, des formules exprimant l'intolérance. Mais il est contraire aux données objectives actuelles d'y recourir pour caractériser le contenu de ces religions. moins encore le comportement des hommes et des Etats.» En engageant des poursuites. la LI.C.A. et l'association « Rencontres entre chrétiens et juifs», s'étaient constituées parties civiles. Avant le procès, la rédaction du bulletin avait adressé à la presse une mise au point indiquant notamment : ({ Notre bulletin, qui respecte les sentiments religieux des croyants. n'a jamais eu l'intention de faire acte de propagande antisémite en publiant cet article. Nous considérons que. même si l'idéologie sioniste des milieux dirigeants israéliens n'hésite pas à emprunter certains de ses thèmes à la religion. on ne saurait admettre la généralisation et l'extrapolation auxquelles. quels qu'aient pu être ses mobiles, l'auteur a eu recours. Certains. qui se font les champions inconditionnels de la politique israé- Des faits qui ••• lienne. et qui supportent aisément ses actes racistes à l'encontre de la population arabe. ont pensé pouvoir trouver dans l'article une occasion de porter un coup à l'Union soviétique. qui oeuvre pour l'application des résolutions de l'O.N .U. tendant à une solution juste et humaine du conflit du Proche-Orient.» Le tribunal a prononcé. le 24 avril. une condamnation à 3 000 F d'amende, les parties civiles obtenant 1 F de dommages et intérêts. Mesures policières contre Sally N'Dongo Les faits: suivi durant une bonne partie de l'après-midi du 28 mars par des policiers en civil. notre ami Sally N'Dongo. président de l'Union générale des travailleurs sénégalais en France et membre du Secrétariat national du M.R.A.P .• était interpellé vers 20 h 15, place du Châtelet à Paris. alors qu'il descendait d'un autobus; après une demi-heure d'interrogatoire sur le trottoir, il put s'en aller. Les questions: pourquoi cette filature policière, ces mesures d'intimidation? Pourquoi s'en prend-on de manière aussi intolérable à un militant qui défend activement les intérêts des travailleurs africains en France? Barbie : un (( nazi convaincu )) ({ Hitler est un génie et je suis un nazi convaincu », a déclaré le 22 avril dernier Klaus Barbie à un journal brésilien ... Après quoi, l'ex-chef de la gestapo lyonnaise a admis avoir fait déporter ou fusiller des milliers de Français entre 1940 et 1945 et implicitement reconnu avoir torturé à mort Jean Moulin, dirigeant de la Résistance dans la zone Sud, commentant son passé par ces termes: ({ ... Mille fois je referais ce que j'ai fait. Pour l'Allemagne ou pour la Bolivie ( .. . ). Je suis un soldat. un S.S. Un S.S .• c'est une sorte de surhomme .... un combattant qui a eu quatre générations de sang analysées pour pouvoir entrer dans cette unité» (sic). Enfin, niant catégoriquement avoir participé directement à l'extermination des juifs, il a ensuite affirmé : « Personne ne peut me faire sortir de Bolivie ... ». Faut-il donc qu'il soit sûr de lui pour se permettre ce genre de déclarations! • Dans le discours inaugural qu'il a prononcé lors de la première séance de l'Assemblée nationale, le doyen d'âge, M. Virgile Barel a demandé que Barbie. ({ le bourreau nazi de milliers de Français, de Jean Moulin et de Max Barel soit extradé de Bolivie et jugé à Lyon». • Entendus le 25 avril devant le bazar de l'Hôtel de Ville à Paris, des vendeurs d'" Aspects de la France» et « Ordre Nouveau» hurler, entre autres slogans : « Contre le judéo·bolchévisme ». • Dans « L'Echo du Sud-Ouest» (20 janvier 1973) à propos d'une agression : « Il a procédé comme un Nord-Africain dans sa tentative d'égorgement ». activement aux arrestations et exécutions en masse de près de trois cents militants soviétiques et de trois mille juifs ». • Un mensuel, intitulé « L'Action Européenne», organe de « combat national-révolutionnaire», porte en exergue : « 3 71 e mois de captivité de Rudolf Hess pour l'Europe et pour la paix » (Rudolf Hess est un ancien dirigeant nazi emprisonné en Angleterre). 18 • Quatre-vingt-seize juifs soviétiques campent dans un immeuble d'un quartier ouvrier de Vienne. Ils reviennent d'Israël où ils avaient émigré et demandent de rentrer dans leur pays d'origine. • La « Pravda Ukraini» annonce que deux hommes, Kovalchouk et Tchaika, ont été condamnés à mort et un troisième, Koukharouk, à quinze ans de camp de travail et cinq ans d'exil en Sibérie pour avoir, sous l'occupation nazie, « participé ••. donnent à penser-- AVRIL 1943 ... Trente ans après le soulèvement du ghetto de Varsovie, la dernière volonté des combattants doit être rappelée en~ore et sans cesse, C!lr elle cOnserve toute sa valeur : ne pas oublIer, ne pas pardonner 1 Cette mise en garde ne concerne pas les seuls nazis, mais tous ceux qui les ont encouragés, armés ou laissé faire. Et ceux surtout qui, depuis, se regroupent, se réorga~sent, se préparent, attendant la première secousse économique, . politique ou militaire qui leur permettra de recommencer ... Nous ne prétendons pas'réaliser un dossier complet de tant d'horreurs et de tant d'héroïsme, que plusieurs dizaines de livres ne peuvent épuiser. Nous ne ferons ici qu'évoquer quelques faits, parmi les plus significatifs, justifiant la constatation d'un juge au procès de Nuremberg: « L'Histoire n'a pas connu de plus grand crime, commis contre tant de victimes, avec autant de bestialité raffinée.» DROIT ET LlBERTË - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 par _____ ---, Alexandre CmLKOZLOWSKI Ci-dessus : Détail du monument érigé à Varsovie, su r remplacement du ghetto. 19 Aux sources En ce 30· anniversaire, une question reste posée: comment le nazisme a-t-il pu transformer des êtres humains en des criminels barbares, sans scrupules, sans conscience? Tuer était devenu leur métier, leur plaisir, mais il leur fallait plus encore. Ils avaient besoin de faire souffrir atrocement leurs victimes, de les humilier avant et après la mort. Deux exemples de ce sadisme: les juifs du ghetto transportés vers les usines d'extermination étaient embarqués à 150 par wagon à bestiaux quand la déportation avait lieu en été, afin qu'ils meurent étouffés, et à 50 seulement l'hiver, pour qu'ils meurent de froid ; dans les rues de Varsovie, des S.S. affublaient dérisoirement les cadavres

des Polonais - dont un prêtre catholique - sur le

point d'être fusillés. de juifs d'un chapeau hàut-de-forme et d'un parapluie, pour qu'ils « ressemblent» à Chamberlain, symbole à leurs yeux de la «judéo-ploutocratie» triomphante. Pour comprendre cet aboutissement sinistre, il faut pénétrer dans la complexité des événements qui ont précédé; il faut suivre les fils qu'ont tissés peu à peu, en secret ou au grand jour, les complicités des politiciens et des diplomates, « amis» ou « ennemis »/ permettant la dictature hitlérienne, la montée du racisme, la guerre. A peine Hitler avait-il pris le pouvoir que la France et la Grande-Bretagne concluaient avec lui et Mussolini, le 7 juin 1933/ un « Pacte à Quatre», favorisant le réarmement de l'Allemagne et donc ses plans d 'agression. En violation des traités de Versailles et de Locarno / les forces allemandes occupent la Rhénanie en mars 1936. Suit l'intervention contre la République espagnole, puis la ' conclusion du Pacte antikomintern avec le Japon, en 20 de la tragédie novembre 1936. Quelques jours plus tard, Lord Halifax déclare, lors d'un entretien avec Hitler: «Moi-méme et d'autres membres du gouvernement britannique sommes d'avis que le Führer a fait beaucoup, et pas seulement pour l'Allemagne, en liquidant le communisme dans son pays et en lui coupant la route vers l'Europe de l'Ouest. Quant aux revendications territoriales tendant à modifier l'ordre européen, elles se feront entendre t6t ou tard,» Le 22 février 1938, le Premier ministre britannique, ce même Neville Chamberlain évoqué plus haut, affirmait: «Il ne faut pas tromper les petites nations avec l'espoir qu'en cas d'agression, nous allons, avec la Société des Nations, les aider, alors que nous ne pouvons rien entreprendre. » Et c'était, le 15 mars, l'annexion de l'Autriche, puis, en septembre, celle de la Tchécoslovaquie, après le pacte diabolique de Munich. Outre le slogan de « l'espace vital», les hitlériens se servaient d'une autre arme idéologique, plus efficace encore, pour appuyer leur politique d'expansion et de domination des peuples : le racisme. C'est l'époque où Hitler, dans ses entretiens avec Hermann Rauschning, disait : «La propagande antisémite dans tous les pays est un moyen important pour élargir notre campagne politique. En apportant des exemples populaires, nous arriverons facilement à justifier notre lutte contre les juifs dans chaque pays. Vous verrez que dans très peu de temps, nous parviendrons à modifier les avis et les critères du monde, en n'attaquant que les juifs. Nous détruirons le vieil ordre politique et économique, et nous approcherons d'un ordre nouveau, biologico-politique. Si les juifs n'existaient pas, il aurait fallu les inventer.» Citons encore ce propos du général von Fritsch, à la même date : «Après la Première Guerre mondiale, j'ai compris que, pour redevenir une grande puissance, l'Allemagne doit gagner trois guerres,' contre la classe ouvrière, contre l'Eglise et contre les juifs. » On comprend, dans ces conditions, la mobilisation de toutes les puissances d'argent à travers le monde (y compris des financiers juifs, animés avant tout par l'égoïsme de classe et le souci de sauvegarder leurs privilèges) pour soutenir les champions de la croisade contre le bolchevisme; on comprend les conspirations et les machinations de toutes sortes (que cachent encore, souvent, les archives secrètes), visant à pousser l'Allemagne nazie contre le seul pays socialiste. Nous sommes ici aux sources profondes du génocide. Cette gigantesque orchestration politique, ott chaque parole, chaque acte s'inscrit dans un réseau d/intérêts sordides, d'arrière-pensées et de mensonges, retentit dans les souffrances et les luttes du ghetto de Varsovie. A un S,O.S, des combattants du ghetto à l/étranger (1), Isaac Grinbaum, dirigeant sioniste, répond : «Nous cherchons les moyens de communiquer avec vous et de vous aider, Malheureusement, nous nous heurtons à une résistance insurmontable et à l'indifférence de ceux qui ont dans les mains les moyens de vous sauver.» A la commémoration du 20· anniversaire de la révolte du ghetto, le Dr Nahum Goldmann, président du Congrès juif mondial devait déclarer:« Je n'oublierai jamais le jour où j'ai reçu un message du ghetto de Varsovie, adressé au Dr Stéphan Weise et à moi-méme, nous demandant pourquoi les responsables juifs d'Amérique ne manifestaient pas jour et nuit devant la Maison Blanche ... Notre comportement s'explique par le fait que la majorité des dirigeants juifs pensaient que nous ne devions pas gêner les plans de guerre par nos protestations. » dait à s 'ouvrir, la machine de guerre hitlérienne transformait le sang juif en or aryen ... De ces temps de crime et de honte, deux noms surgissent, les plus tragiques de l'Histoire: Auschwitz, le ghetto de Varsovie . Le premier symbolise le génocide et la bestialité sans bornes ; le second l'héroïsme, la dignité affirmée, la pureté d'âme. Quels étaient ces plans? Les archives de l 'état-major combiné des forces anglo-américaines, rendues publiques en 1970/ les éclairent d'étrange façon (2). On y apprend qu'en août 1943, quelques mois, donc, après l'insurrection du ghetto, le général Marshall demandait au maréchal Sir Allan Brook s'il ne pensait pas «que l'Allemagne aiderait les troupes alliées débarquées en Europe, pour repousser les Russes ». Ce sont des préoccupations de ce genre qui expliquent le long silence sur Auschwitz et sur le ghetto de Varsovie '- silence plus meurtrier encore que les discours d'un Goebbels. Pendant que le second front tar- C'est pour empêcher le retour de pareils drames qu'il faut savoir commènt cela fut possible. Les montagnes de cadavres, les mers de sang, les souffrances et les sacrifices de tous les peuples d'Europe, dictent aux survivants, à la jeunesse, une vigilance permanente, une lucidité sans faille envers chaque parole, chaque acte qui, aujourd'hui encore, témoignent que le combat des mêmes contre les mêmes continue. On peut s 'étonner de ces cqnsidérations politiques à propos d 'une telle commémoration. Mais il faut bien arracher le masque. C'est la politique - une certaine politique - qui a fait le ghetto de Varsovie. (1) Voir « Droit et Liberté », avril-mai 1972. (2) «Le Monde », 23 décembre 1970 ; «Droit et Liberté», juin 1971. Depuis le XIIIe siècle DEPUIS le premier jour où les juifs ont foulé le sol de Varsovie,' vers le XIIIe siècle, ils ont connu des situations sans cesse changeantes, avec des hauts et des bas, selon le bon vouloir et les caprices des rois et des princes de l'Eglise . Entre autres brimades, ils se voyaient périodiquement interdire d'habiter la ville . Leur présence dépendait du succès ou de l'échec de démarches auprès du pouvoir, situé d'abord à Cracovie, jusqu'à ce que Varsovie devienne capitale, en 1585. Les guerres et la vie luxueuse des rois exigeaient beaucoup de dépenses; ils recouraient pour y faire face , . aux services de quelques juifs fortunés; en contre-partie, ceux-ci obtenaient parfois des concessions, et faisaient annuler, pour· un temps certaines interdictions. Sous le règne du dernier souverain de la Pologne, Stanislas-Auguste Poniatowski (1774-94), la pénétration des juifs à Varsovie s'accentua, tandis que se développaient les activités commerciales et économiques. Les discriminations, les expUlsions n'avaient cependant pas cessé. Dès le XVIIe siècle, le nombre des juifs à Varsovie était'suffisamment élevé pour que fonctionne un conseil juif (Kehilla). Mais l'interdiction d'habiter la ville n'ayant pas été officiellement DROIT ET LlBERTË - N' 320 - AVRIL-MAI 1973 suspendue, ses réunions restèrent longtemps clandestines. Elles se tenaient dans le quartier le plus peuplé de. juifs, le quartier Leszno, qui occupa une place déterminante dans l'histoire du, judaïsme à Varsovie, avant · comme pendant la dernière guerre. . Discriminés dans l!lurs droits de citoyens, les juifs se montrèrent toujours ' fidèles à-leurs devoirs envers leur patrie. Ils participèrent à toutes les luttes nationales du peuple polonais. En 1794, lors de la révolte contre les Russes, conduite par Tadeus Koszciuszko, un général d'origine juive, Jacob Jaszinski prit part à la direction des opérations militaires, au sein de l'état-major des forces polonaises. Les historiens de l'époque signalent par exemple, que des juifs ont capturé un canon russe, rue Senatorska. Ou encore que, rue Leszno, un petit groupe d'artilleurs polonais, cc aidé par de. juif. et de. ramOneUrlll, a forcé plusieurs Russes à se rendre. Le journal « Gazetta Rzondowa» (17-18 avril 1794), écrit: cc Alor. que Varlovie menait une lutte .anglante contre Yennemi, le. juifs habitant la capitale ont combattu héro'iquement, les armes. la 'main, montrant au monde que, là oll l'humanité peut gagner, ils risquent leur vie. Il Un témoin de la ba- Commarçants juifs à Varsovia an 1783. 21 taille, Antoni Trembicki, relate que des combattants juifs, fi rassemblés en maSBe, ont foncé aveuglément contre les canons et les baïonnettes Il. Et l'on peut lire dans le journal « Gazetta Obywatelska» ; Cf les juifs de Varsovie sont volontaires pour monter la garde, aller en patrouille; ils prennent les armes avec courage contre les ennemis du peuple, pour rhumanité. Cela ne peut être ignoré; il faut leur rendre cet hommage. Il Plus près de nous, avant la première guerre mondiale, les juifs ont partagé la haine et les luttes du peuple polonais contre le tsarisme et, par la suite, contre les réactionnaires polonais. Un contraste frappant De tout temps, les juifs de Pologne ont connu la ségrégation. Dans chaque ville, il y avait un quartier juif, sans mur d'enceinte; ses habitants étaient exclus des activités agricoles, de la fonction publique et de beaucoup d'autres professions: d'où les calomnies antisémites sur leur prétendue inaptitude au travail - dont les paysans et les ouvriers israéliens, entre autres, ont depuis fait justice. Ils devaient se cantonner qans le commerce, l'artisanat, la Detite industrie, exercés le plus souvent dans les locaux d'habitation, dans des conditions d'hygiéne déplorables. Ils étaient constamment en butte aux campagnes de boycott des groupements antisémites, et, surtout, aux impôts écraséjnts du gouvernement ' ; dans les années trente, on voyait souvent. apparaître, d!:lns .Ie quartier juif, les camions qui emportaient les biens confisqués des contribblables impécunieux - les « corbillards Grabski », comme on les appelait, d'ap'rès le nom du ministre des Finances. Ruinés, ils émigraient par milliers, et il y eut un « alyah (émigration) Grabski» vers la Palestine. A la veille de la seconde guerre mondiale, le contraste était frappant entre le quartier juif de Varsovie et le reste de la ville. Côté catholique, c'était le silence, le calme; les gens allaient et venaient sans hâte dans les rues propres, bordées de maisons aux fenêtres et aux balcons fleuris; chacun avait son travail, des horaires fixes; ranimation s'accroissait les dimanches et les jours de fête , quand les familles se rendaient à l'église, faisaient la promenade, l'après-midi, souvent accompagnées de leur chien. Dans le quartier juif, peuplé c;1e petits boutiquiers, d'artisans individuels, d'ouvriers des petits ateliers, vivaient une foule d'intermédiaires, sans profession déterminée (en yiddish : mekler) qui, dès le matin, envahissaient les rues, courant d'un côté et de l'autre, recherchant des clients venus de la province, dans le brouhaha, l'agitation, les embouteillages, parmi les éventaires et les cris des marchands; les rues Nalewki, Franciszkanska et Gensia, surtout, offraient l'aspect d'une grande kermesse. Mais les samedis et les iours de fête, ces mêmes rues devenaient désertes : éPUisés par une semaine de travail et de soucis matériels - car le vie n'était jamais assurée pour cette population de gagne-petit _ la plupart des gens se couchaient après le déjeuner. Pas de promenades dans le quartier juif et pas de chiens; mais il y avait de nombreux chats, compagnons de lutte contre les rats - qui ne manquent pas chez les pauvres. Il y avait aussi des juifs riches, et même très riches, à Varsovie . Beaucoup vivaient dans les quartiers catholiques. Ils s'habillaient à l'européenne, alors que les autres portaient les vêtements traditionnels : le chalat, long manteau noir, et la casquette noire. Quant aux Juifs aisés, mais pas assez « assimilés» pour « passer la ligne», ils habitaient le quartier de Grzibow et Twarda, lieu d'implantation de la vieille souche juive varsovienne, qui ne se différenciait guère des quartiers catholiques. Sous la botte • naZIe 1 E 22 septembre 1939, les forces alleL mandes s'emparent de Varsovie. Aussitôt commencent à s'abattre sur les juifs les ordonnances qui, après les avoir privés des moyens de vivre, doivent les conduire, à travers ' humiliations et souffrances, jusqu'à l'anéantissement. Un. an plus tôt, le 12 septembre 1938, au cours d'une conférence secrète des chefs f'\azis, Goering n'avait-il pas affirmé

Il Quand le Reich allemand sera

entrainé dans un conflit, ce sera pour Une rafle dans le ghetto. nous, en premier lieu, l'occasion d'un grand règlement de comptes avec les juifs.". Ce que Frank, gouverneur générai de la Pologne, allait expliquer ainsi dans un discours é!ux formations de la police allemande a'rrivées à Varsovie le 12 décembre 1940 : « Quand vous avez quitté votre patrie, votre femme, votre mère vous ont interrogé : Il Pourquoi allez-vous en Pologne? Qu'y a-t-il là-bas, sinon des poux et des juifs? Il Naturellement, on ne peut pas éliminer un à un les poux et les juifs; cela, il faut le faire graduellement.» C'est ainsi que le « grand règlement deèomptes» avait commencé par l'application des lois de Nuremberg, l'étoile jaune, les administrateurs allemands dans les entreprises commerciales et industrielles juives. En novembre 1939, Frank installe des « camps d'éducation », et ordonne (le 28) la création d'un Judenrat (conseil juif) dans chaque ville de Pologne où vivent des juifs. Les Jeu., nesses hitlériennes collent sur les cafés, les restaurants, les cinémas, la mention : « Entrée interdite aux chiens, aux mendiants et aux juifs». Une bande nazie pénètre dans le local de la Kehilla (organisme représentatif des juifs de Varsovie), 26, rue Grzibowski, et fait main Pierre Paraf •• « Se tourner vers l'avenir)) Pierre ParaI, président du M.R.A.P. a pris la parole le 1 ~ avril à Paris, salle de la Mutualité, a~ cours de la soirée commémorative du 3 O· anniversaire de la revolte du ghetto de Varsovie. Nous repro duisons ci-dessous quelques extraits de son allocution . t meilleure manière d'honorer ceux qui sont tombés, ce n'est pas de se borner à des rites fu nèbres. C'est, comme ils le voulaient, de se tourner vers l'avenir, de tenter de préserver de toutes ses forces la vie et le bonheur de leurs descendants. Sans prétendre i'nterpréter les pensées multiples des insurgés du ghetto de Varsovie on sait qu' ils voulaient, comme tous 'les Résistants, la fin de l'antisémitisme et de tous les racismes, l'application des Droits de l'Homme assurant à tous, juifs et non-juifs, dans les pays dont ils sont citoyens, la pleine égalité, le respect de leur foi, de leur culture, la ~éfense contre les injures et les calomnies des racistes, le droit d'aller et de .venir librement, de traverser leurs front~ères, d'opter pour la nation de leur ChOIX, le droit aussi de s'intégrer totalement et à jamais, comme l'ont fait les israélites de France après la Révolution de 1789. Que ces droits aient été méconnus naguère encore dans le pays même où s'est déroulée l'insurrection du ghetto de Varsovie, qu'ils le soient encore parfois dans le monde socialiste, cher à beaucoup d'entre nous, comme dans le monde capitaliste et dans ce Tiers-Monde dont nous avons voulu et secondé l'affranchissement , que l'Etat d' Israël, dont basse sur la caisse. C'est ie début d'une vague de brigandages et d'assassinats. En octobre 1940, par un décret publié le jour du Grand Pardon, les a~torités d'occupation annoncent la création du ghetto, sur l'emplacement de .deux quartiers juifs, Grzybow et Nalewkl.. 140 000 juifs habitant d'autres quartiers sont obligés de s'y rendre, abandonnant leur logement et tous leurs biens. La date limite fixée pour ce regroupement est le 15 novembre. Le 16, commence, autour du ghetto, la construction d'un mur de 3 mètres de haut, long . de 16 kilomètres et qui, bientôt se ferme, telle une pierre tombale sur un peuple enterré vivant. Fin 1941, 200000 juifs de la banlieue varsovienne et d'Allemagne sont encore amenés au ghetto, qui comptera, lors de son peuplement maximum, plus de 500000 habitants. Or, dans l'enceinte DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 nous avons été les premiers amis, soit encore appelé au rôle douloureux et ingrat d'occupant, que les Palestiniens demeurent dans ce grand drame du ProcheOrient les abandonnés, tout cela constitue pour nous autant de sujets d'angoisse que nous ne pouvons taire dans la communion de cet hommage. Autant de problèmes auxquels notre conscience d'anciens Résistants doit faire face. En dehors de toute arrièrepensée partisane, sans compl~isanc.e pour aucun régime , comme san~ Ingratl~ tu de pour ces alliés qui ont pns ~ne SI grande part dans l'écrasement d~ nazisme. Dans une volonté d'union qUI fut celle de la Résistance, où les querelles subalternes n'ont pas ae place, cette volonté demeure aussi nécessaire dans les combats de la paix . La paix. C'est par ce mot que je voudrais terminer mon hommage aux insurgés du ghetto de Varsovie. ciue, leur ex~~ple rayonne comme celui de 1 honneur JUif et de l'honneur humain, que la flamme de leur combat soit la lumière des lendemains. Qu'elle incite dans les siècles leurs descendants à garder l'espérance comme ce poète d'une autre insurrecti~n ju~ve qui jetait son cri aux hommes de 1 avenir: « Ne dis jamais : ce pas sera mon dernier pas!» murée, il Y avait exactement 1 35~ m~i: sons. C'est dire dans quelle promiscuite vivait cette population: dans une maison de la rue Nalewki, habitaient 1 582 personnes; dans une autre, rue Krochmalna 1 029 - soient 13 personnes par pièce. Mais la misère, la faim, la maladie, les fusillades - avec ou sans prétexte - et surtout les déportations allaient bien vite en réduire le nombre. Dans les rues, où il y avait foule , des milliers de mendiants - enfants de trois ans, aussi bien que vieillards - tendaient la main. La mort faisait chaque jour plus de ravages. Les cadavres jonchaient les trottoirs, que les fossoyeurs, en passant, chargeaient dans leurs charrettes. Pour mener à bien leur entreprise d'extermination, les nazis avaient créé un corps de 2 000 policiers juifs, qui leur fournissaient une aide précieuse ; Des enfants que la misère condamne sans appel ... le chef de ces mercenaires, Szerinski, l'un des plus ignobles serviteurs des S.S., fut abattu , sur ordre de la Résistance, par le combattant Israël Kana/. Le désespoir et la lutte Après juin 1941, tandis que la guerre prenait une nouvelle extension avec l'attaque . allemande contre l'U.R.S,S., les horreurs se multiplièrent. Les massacres et les déportations devinrent systématiques. Dans la nuit du 18 au 19 avril 1 q42 - ur. an, tout juste, avant l'insurrection du ghetto - les nazis pénètrent dans plusieurs maisons, emmènent des dizaines de personnes et les tuent dans la rue, où ils les abandonnent. Ces incursions sanglantes se répéteront chaque nuit, jusqu'au 22 juillet. Le matin suivant, 1'0bersturmführer Hefle se rend au siège du Judenrat, dont il exige la collaboration pour org~ niser le « transport vers l'Est» des habitants du ghetto. Les contingents de déportés étaient jusqu'alors constitués au moyen d'arrestations et de rafles opérées par les forces allemandes. Désormais une nouvelle méthode est donc décidée : c'est sous la responsabi- 23 .~ ............................................................ .. lité du Judenrat que 6 000 juifs devront se trouver rassemblés à 16 heures sur l'Umschlagplatz (lieu de " départ des convois). Cédant à la menace , les membres du Conseil signent l'ordre . Hefle réclame aussitôt, pour le lendemain, 10000 nouvelles victimes. A ce moment, le président du Judenrat. Teziernakow, s'excuse et sort de la pièce; derrière la porte, il met fin à ses jours, en avalant du poison.. . Ainsi commença la « grande liquidation », qui allait se prolonger trois mois, jusqu'au 22 septembre 1942. Tout au long de ces temps cruels, tandis que les uns sombraient dans le fatalisme et le désespoir, que d'autres se mettaient, consciemment ou non , au service de l'ennemi , de multiples initiatives exprimaient , dans la population du ghetto, une profonde volonté d'opposer aux bourreaux, la solidarité agissante des victimes, leur dignité et leur sens de l'humain, une résistance de plus en plus farouche. Dans les mois qui suivirent l'invasion allemande , les efforts des organisations juives visaient essentiellement à limiter les conséquences désastreuses des mesures antisémites ; ils s'orientaient surtout vers l'aide sociale et médicale , la lutte contre le dénuement et la faim . Parallèlement, se développaifune grande campagne ' culturelle , animée par le Dr Ringelblum, qui se ccmsacrait par ailleurs à la rédaction et à la conservation d'une chronique du ghetto, enfouie sous terre et retrouvée après la guerre. Sous le couvert d'un mouve"ment religieux

Oneg Sabbat (la Joie du Sabbat) ,

on célébrait les anniversaires des grands écrivains et poètes juifs, on organisait des causeries, des débats, des cercles d'études sur l'histoire des juifs et le problème de l'antisémitisme, sur les religions, les philosophies, les sciences. Dès le début aussi, les partis de gauche reconstituaient leurs structures, diffusaient leurs idées. pendant des mois et des mois, il leur faudra convaincre les attentistes du sort inéluctable, qui menace les juifs, combattre la propagande des nazis et des collabos, prôner la lutte et en "forger les moyens, s'unir, multiplier les acteS de résistance, faire connaître" et exaltér les luttes menées contre le nazisme dans les autres pays. L'oppression et les ~lttaques des hitlériens se faisant plus brutales, des forrnes nouvelles d'organisation et d'action s'affirmèrent; s'imposèrent. _ Jusqu'aux jours, longuement et dangereusement préparés " où, les neuf dixièmes des habitants du ghetto ayant péri ,' les survivants se dressèrent en un héroïque et ultime sursaut, combattant, comme le crie leur appel aux peuples du monde, pour leur liberté e, pour la nôtre. De la résistance à l'insurrection les principaux dirigeants de la résistance du ghetto de Varsovie. De gauche à droite : Mordekhaï ANIElEWICZ (sioniste de gauche) cqmmandant en chef de l'insorrection ; Josef lEWARTOWSKI (membre du Comité central du Parti communiste polonais), Abracha BLUM (responsable du Bund); EmmanU81 RINGElBLUM, créateur des archives clandestines dans le ghetto. C'EST dans la création du Cercle Spartacus, dès décembre 1939, trois mois à peine après l'invasion de la Pologne, que se situent les origines de la résistance juive à Varsovie. En janvier 1940, ce cercle se renforce, avec l'adhésion, entre autr~s, de Rouja Rosenfeld, qui sera l'une des dirigeantes les plus connues et les plus héroïques du ghetto insurgé . Militante communiste, elle noue des contacts avec les groupes de jeunes ,:ommunistes polonais, hors du quar- 24 tier juif ; ceux-ci envoient aux rencontres et aux réunions communes un lycéen, Kazimierz Debiak, qui apportera, par la suite , une aide matérielle et morale incessante aux combattants du ghetto, Les membres du Cercle Spartacus s'initiaient aux diverses formes d'action contre les nazis, étudiaient le marxisme et l'histoire du mouvement révolutionnaire, discutaient de la question juive. Ils étaient unanimes à penser que l'égalité et la liberté des juifs nécessitent la transformation de l'ordre social. "Le soir, il~' confectionnaient des affiches, qu'ils collaient la nuit. Leur mot d'ordre politique: Il Lutte sans compromis contre l'occ;upant. Il Au printemps 1940, dé nouveaux cercles antinazis prennent naissance, dont les membres ~e recrutent parmi lès ouvriers et les intellectuels. Dans le même temps, les' sionistes de gauche de l'Hachomer Hatzaïr développent leurs activités. Ils entrent en relations avec le Cercle Spartacus et 'les deux groupes organisent ensemble des débats culturels. Un groupe clandestin de jeunes communistes, ouvriers et étudiants qui appa rtenaient avant la guerre aux pionniers, se manifeste également dans le quartier juif. A sa tête, une ouvrière, Lola Slowik . Grâce au concours du lycéen Debiak, il parvient à coordonner son action avec celle du Cercle Spartacus . Le Bund (socialiste) se signale, lui aussi , par une activité croissante . Après l' attaque allemande contre I·U.R.S.S. (22 juin 1941), des juifs venant des te rritoires nouvellement occupés par la Wehrmacht arrivent au ghetto de Va rsovie; parmi eux de nombreux jeunes communistes, qui renforcent les groupes existants. Organisés par cellules de quatre , sous la direction d'instructeurs, leur but est d'apprendre le maniement des arm es et les méthodes de sabotage, pour aller ensuite rejoindre les partisans dans les forêts. Au début de 1942, se constitue dans le ghetto le Parti Ouvrier Polonais (P .P.R.) fàrmé par le Cercle Spartacus, de vieux ouvriers et enseignants communistes, un groupe de jeunes animé par Zosia Zatorska, qui , selon le Dr Berman, leader de la résistance hors du ghetto , fut l'une des premières à établir des conoects au-delà du mur d'enceinte. Quand arri vent de Bialystok occupé, des dirigeants chevronnés d'avant-guerre, avec, à leur tête, Josef Lew artow ski , membre du comité central du Parti communiste, qui passa dix années dans les prisons de Pilsudski , le mouvement prend une nouvelle ampleur. Il lance un appel : Il Nous sommes frères d'un même peuple. Laissons pour demain tout ce qui nous divise. Un même but doit nous unir aujourd'hui: la lutte " , La première organisation unifiée du ghetto, le Bloc ant ifasciste, groupant sionistes de gauche (Hachomer Hatzâir, Héchaloutz) et communistes, commence ses activités en mars 1942. De nombreuses réunions eu rent lieu ensuite, pour mettre sur pied l'Organisation juive de combat. unissant toutes les forces vives du ghetto, de l'extrême-gauche aux croyants orthodoxes. Dans un premier temps, le Bund refusait d'y participer. Dans un message à Georg es Dimitrov, le 22 octobre 1942 , le premi er secrétai re du comité central du P.P.R", Nowotka, annonce la création ,d'un front uni de tous les partis à l'exception du Bund , en même temps qu'il signale les progrès terrifiant s de la liquidation du ghetto , où il ne reste plus que 50 000 habitants. Il Notre représentant, Josef Lewartowski, précise-t- il , a proposé à une réunion DROIT Er LlSEnTF N" 170 " AVRIL-MAI 1973 Celui-ci, comme des centaines chaque jour, est mort de faim sur le trottoir. Il ira rejoindre d'autres victimes dans d'anonymes fosses communes creusé~s à la hâte. de tous les partis, d'organiser la résistance et l'auto-défense, et de réaliser une sortie en force pour rejoindre les partisans; cette proposition a été rejetée par les sionistes de gauche - Hécholoutz et Hachomer Hatzëiir - et le Bund Il (cité par le Dr Berman, dans ses mémoires). Ces dernières organisations estimaient qu·unp. telle initiative accélérerait "la liquidation . Par contre, une proposition du Bund de lancer un appel aux Anglais et aux Américains, fut adoptée. Mais, par delà leurs divergences, à l'heure des combats décisifs, les trois principales organisations de gauche, qui avec leurs méthodes et leurs conceptions respectives , avaient appelé à l'action et suscité la mobilisation populaire, se trouvèrent au coude-à-coude, unies sous une même direction , f aisant preuve de la même combativité , animées du même esprit de sacrifice. A la lutte commune, sous l'égide de l'Organisation juive de combat, l'Hachomer Hatzâir a donné un chef prestigieux, qui fut l'âme de la révolte du ghetto : Mordekhai Anielewicz. Le Bund était représenté , à la tête du mouvement insurrectionnel par Abracha Blum, un jeune militant dynamique, qui avait participé en 1939 à l'organisation des bataillons ouvriers pour la défense de Varsovie . A une réunion tenue en février 1941 , un autre jeune bundiste avait formulé ainsi l'état d'esprit de son parti: Il Nous ne voulons pas mourir à genoux Il. Les communistes, quant à eux, devaient faire face à plus de difficultés encore que leurs compagnons de lutte. Durement persécutés dès avant l'occu- 25 - Pendant l'insurrection, un combattant se jette d'un immeuble en flammes pation allemande par le régime de Pilsudski, beaucoup de leurs cadres anciens, qui avaient pu s'évader de prison le premier jour de la guerre, avaient rejoint les maquis polonais et les forces soviétiques . Ceux qui restaient , surtout des jeunes, s'étaient constitu és rapidement en petits groupes, dont nous avons signalé le plus important : le Cercle Spartacus. Parmi leurs dirigeants à la direction de l'insurrection, il convient de citer Andrzej Schmidt, ancien officier des Brigades internationales en Espagne, emprisonné plusieurs années en Pologne et qui, après son évasion et un bref séjou r en U. R.S .S ., fut parachuté en Pologne , où il rejoignit le ghetto de Varsovie. Un serment d'Hitler. A partir de septembre 1939, les nazis avaient mis en place leur machine de mort et expérimenté diverses méthodes de tuerie, individuelles et collectives. La premlere des grandes « entreprises» conçues pour éliminer totalement les juifs, fut installée à Chelmno : une première cargaison de 700 victimes était exterminée le 9 décembre 1940, avant même d'arriver au camp, gazée dans les camions qui la transportaient. En juin 1941, 20 % des juifs de' Pologne avaient été anéantis. Mais ce n'était qu'un prélude à la « solution finale ». Au début de 1942, dans une de ces violentes diatribes dont il était coutu- 26 mier, Hitler ricanait: Il Je jure que si d'ici la fin de l'année il reste un seul juif vivant en Pologne, je le ferai moi-même ministre Il. La gigantesque puissance militaire allemande semblait alors invincible. Aidés par la haute finance internationale, les nazis avaient constitué, pendant la « drôle d'avant-guerre», un arsenal sans précédent; l'occupation de l'Europe occidentale et méridionale, et d'une partie de l'U .R.S.S . assurait leur mainmise sur un énorme potentiel économique

ils étaient à l'offensive sur tous

les fronts, de même que leurs alliés japonais; leurs forces répressives avaient acquis , dans les pays dominés , une redoutable efficacité. Mais le temps des revers approchait, et le Führer dut oublier sa promesse , faute d'avoir pu mettre sa menace à exécution . En novembre 1942 , c'est le débarquement anglo-a méricain en Afrique du Nord, et bientôt la retraite de la Wehrmacht en Cyrénàique, après la bataille d' El Alamein. Commencée en septembre 1942 , la bataille de Stalingrad s'achève par un désastre pour l'armée allemande. Et tandis que les nazis décident d'en finir avec les juifs du ghetto de Varsovie, ceux-ci , enthousiasmés par les victoires des peuples en lutte, se préparent au combat. A la fin de janvier 1943 , les forces hitlériennes pénètrent dans le ghetto pour anéantir ses derniers habitants. Mais à la grande surprise des stratèges allemands, une vive résistance leur est opposée. Entrant dans une maison pour la « nettoyer», des soldats y trouvent un juif qui semble lire un livre; sans méfiance, ils avancent dans une autre pièce, où ils aperçoivent un autre homme; soudain, ' les voilà pris entre deux feux - car il s'agissait de deux combattants armés; la patrouille se replie précipitamment, laissant des morts dans l'escalier. A l'instar des deux héros de cet affrontement , Zaharia Hortsztein et Heniek Goutmann, d'autres combattants dans d'autres immeubles, reçoivent les agresseurs avec du plomb ; pour ces derniers, les pertes sont lourdes, et ils doivent renoncer à l'opération. C'est la première fois dans une ville occupée que les forces nazies se heurtent à une résistance d'une telle envergure . Aussi , une nouvelle offensive est-elle soigneusement préparée , pendant près 93 jeunes filles ... Un jour de 1942, dans le ghetto de Varsovie les nazis arrêtent 93 jeunes filles juives, élèves et institutrices de l'école religieuse Oeis Yacov. Violer avant de tuer : tel est le plan des bourreaux; car le nazisme offre aux êtres les plus dépravés la possibilité de donner libre cours à leur bestialité, à leur sadisme. Voici la lettre d'adieu de l'une des victimes, Cbajaï Feldmann, au rabbin Dr Isaac Lévine (1), dirigeant du mouvement ortbodoxe : . «Je ne sais pas si ma lettre vous parviendra et si vous vous souviendrez de moi. Je vous avais re~contré au Kenesiab (2). Quand ce mot vous parviendra, je ne serai plus parmi les vivants. Encore quelques beures, et j'appartiendrai au passé. «Nous sommes là 93 filles de 14 à 22 ans, enfermées dans quatre pièces, toutes institutrices et élèves de Beis Yacov. Fin juillet, les agents de la gestapo sont venus, nous ont arracbées à nos logements et nous ont jetées dans une pièce obscure. Nous n'avons que de l'eau à boire. Les jeunes filles ont temülement peur. Je les console en leur disant que, bientôt, nous allons voir notre mère Sarab (3). « Hier on nous a emmenées de notre pièce obscure dans une beUe maison, avec de grandes cbambres et des lits confortables. On nous a ordonné de prendre un bain cbaud. Us ont pris tous nos vêtements, et annoncé que des soldats aUemands viendront ce soir nous rendre visite. «Entendant cela, cbacune de nous a décidé et juré de mourir toutes ensemble. Les Allemands ne savent pas que le bain préparé par nous était le bain rituel avant la mort. Nous avons préparé le poison. Avant quils arrivent, nous le boirons. Nous sommes toutes ensemble aujourd'hui et faisons notre dernière prière. Nous n'avons pas peur de' la mort. Nous n'éprouvons aucune peur. Nous vous adressons une seule demande: priez pour 93 jeunes filles juives •• Varsovie, juillet 1942 1702, du calendrier juif. (1) Actuellement aux Etats-Unis, président de l'organisation religieuse Agoudath Israël, fils du rabbin Lévine, député au Parlement polonais, que l'auteur de ce dossier a rencontré lors de son passage à Paris, au lendemain de la guerre. (2) Congrès de l'Agoùdath Israël. (3) Sarah Schenirer, fondatrice de l'école Beis Yacov, morte en 1935. gw de trois mois, sous l'autorité de Himmler en personne. Le général von Stroop, qui la dirige, dispose de 2054 soldats, encadrés par 36 officiers, auxauels s'ajoutent des groupes de sécurité, recrutés parmi les troupes d'élite du front de l'Est. Ces militaires chevronnés entendent venir à bout rapidement des quelques foyers de résistance du ghetto, de ces jeunes gens et jeunes filles affamés, mal armés, inexpérimentés, sans arrière-front , et sans possibilité de repli. Mais l'attaque du 19 avril au matin se heurte à une riposte immédiate, qui fait de nombreux morts et blessés parmi les assaillants; ils reculent en désordre. Von Stroop note : Il Après le premier jour d'opérations, il y avait des barricades dans les rues du ghetto; les juifs ont lutté avec succès contre nos tanks et nos autos blindées Il. Et Goebbels, dans un rapport au Führer: Il le siège du ghetto est très difficile. Pour étouffer le soulèvement, il faudra lutter maison par maison. les juifs se défendent avec acharnement. Cela exige de notre part des sacrifices sanglants et des forces sérieuses Il. " n'est pas possible de relater ici tous les actes d'héroisme des insurgés, qui firent de chaque seuil une forteresse (1). Les Allemands ont comptabilisé 5 450 points de résistance. Himmler ne put offrir au Führer la destruction du ghetto de Varsovie pour son anniversaire, le (1) Voir notamment «Droit ~( 1 iberté» d'avrilmai 1972. DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 Nutka Teitelbaum L'un des objectifs des organisations de résistance, dans le ghetto, était de frapper les nazis et leurs complices : nombre d'entre eux, parmi les plus responsables furent exécutés par des combattants courageux. C'est ainsi que Yakub Szmakowski, militant d'une organisation sioniste de gaucbe abattit, en 1942, deux S.S. sur la place Muranov, et, à une autre occasion, deux policiers allemands. Petz et Remer. Arrêté, il parvint à s'évader. • Dans la même période, une militante du P.P.R. (communiste), Nutka Teitelbaum, se presentant au local de la gestapo, demande à en rencontrer le cbef, pour lui soumettre une affaire personneDe importante. Devant cette cbarmante jeune fille blonde et rougissante aux grands yeux clairs, les plantons ouvrent les portes, sans méfiance. Elle entre dans le bureau du baut fonctionnaire. Celui-ci se lève, un bomme grand, élégant; il regarde avec un étonnement amusé cette si belle jeune personne. Galamment, il dit : « Existe-t-i1 donc. cbez vous aussi. des Lorelei? Il Pour toute réponse, avec la rapidité d'un éclair, eUe sort son revolver et l'abat d'une balle. Puis, du même pas tranquille, eUe fait le cbemin du retour, l'air timide les yeux baissés. Personne ne songe à l'arrêter. ' Avec le même sang-froid (d'après ,le récit de G. A1ef et K. Kagan), Nutka Teitelbaum, exécuta un autre cbef de la gestapo dans un bôpital, où il était pourtant fortement gardé. EDe fut parmi les premiers combattants du ghetto qui décidèrent, en 1942, de rejoindre les partisans dans les forêts. Elle fut tuée peu après, au cours d'une opération. 20 avril. C'est seulement le dimanche 16 mai que le général von Stroop, dans un rapport au chef de la police allemande, écrira : Il Il Y avait une région juive à Varsovie; elle n'existe plus. Aujourd'hui à 20 h 16, s'est terminée la grande opération Il. Pour marquer l'évènement, il donna l'ordre, à la demande d'Himmler, de faire sauter la grande synagogue, rue Tlomacki. La pOpUlatIOn cherche abri dans les casemates aménagées par les résistants. Très peu en sortiront vivants ... 27 ! ' Mais von Stroop et les siens se vantaient. Longtemps après cette date, des combats se poursuivirent , qui alla ient coOter cher aux hitlériens. Le 23 mai, audessous des ruines, une station de radio annonce : «Vendredi dernier, les avions allemands ont liché plusieurs bombes sur le ghetto. Le ghetto est en flammes. Nous restons toujours étroitement en contact. Nous nous défendons et ii'lfligaons Il rennemi des coups sévères)). Un rapport de police relatif à la période du 20 au 24 mai fait état de batailles quotidiennes et signale de nombreuses victimes allemandes. Dans l'organe clandestin « Glos Warszawy» du 28 mai , on- peut lire : Il Maigré le cataclysme qui a duré six semaines, avec l'utilisation de toutes sortes d'armes, malgré l'incendie de quartiers entiers et le recours aux gaz, ils n'ont pas réussi à vaincre le restant des combattants. Dans certains endroits, la bataille s'allume à nouveau Il. Une lettre reçue par la police de Varsovie se lamente : Il Des groupes juifs sortent de terre et attaquent partout les Allemands)). Les célébrations du 30e anniversaire Des officiers hitlériens seront encore décorés pour avoir participé personnellement aux combats dans l'ancien quartier juif de Varsovie, au mois de juin, et même en juillet 1943 . Reproduisons encore deux citations significatives. L'une extraite du journal clandestin « La vérite des Jeunes» : Il Les juifs se battent non pas pour la vie, la Dans de nombreux pays , des manifestations ont eu lieu au mois d'avril pour marquer le 30· anniversaire de la révolte du ghetto de Varsovie. En Pologne, le 18 avril , des rassemblements se sont déroulés dans plusieurs grandes villes et surtout à Var.10vie devant le monument du ghetto, ainsi que dans les camps où eurent lieu des soulèvements. A Paris, une soirée commémorative, sous la présidence de nombreuses personnalités de la Résistance, s'est tenue le 15 avril à la Mutualité. Nous donnons en page 23 des extraits de lutte étant trop inégale, trop désespérée, mais pour le prix de la vie; non pas pour éviter la mort, mais pour la manière de mourir Il. L'autre de « La Pologne au combat » (30-4-1943) : Il C'est un combat que des gens d'avance condamnés Il mort mènent contre la bestialité et le crime déchaînés. L'ordre du jour de cette bataille doit être lu sur le front de l'humanité combattante, afin que tout soldat puisse être fier de sa fraternité d'armes avec ceux qui, rarme au poing, Une carte postale adressée du ghetto à notre ami Alexandre ChilKozlowski. On remarquera l'aigle nazi frappé de la croix gammée. 2B l'allocution prononcée par Pierre Paraf à cette occasion. Lé 24 avril , à la télévision, un débat fut consacré au ghetto de Varsovie, dans le cadre des « Dossiers de l' Ecran», après la projection du film d'Alexandre Ford : « La vérité n'a pas de frontières». L'ambassade de Pologne à invité la presse à la projection d'un filmdocument

« Souvenons-nous», montrant

ce que fut la vie du ghetto et mettant en valeur la solidarité d'armes de la Résistance polonaise . L'association France-Pologne a organisé une soirée commémorative à la Salle Pleyel le 27 avril. tombent aujourd'hui dans les maisons et les rues du ghetto. La fumée qui s'élève au-dessus de Varsovie ne saurait disparaître sans laisser de traces; sinon disparaîtraient l'héroïsme de la vie et le souvenir atroce des crimes allemands qui appellent à la vengeance Il. Le plus déchirant, le plus inoubliable appel à la vengeance , c'est le cri des enfants. Entre les cadav~es qui jonchaient les rues du ghetto, des enfants sanglotaient, mendiant un peu de pain. Au cimetière, avait été déposée une couronne portant cette mention : Il Aux enfants morts de faim, des enfants qui ontfaimll. Trente ans après, nul ne saurait oublier. Et parce que les forces cruelles qui furent à la source de tant de maux ont été vaincus mais non pas détruites ; parce que des faits quotidiens nous rappellent leur existence ; parce que d'anciens nazis manifestent, insultent les morts et narguent les survivants; parce que le N.P.D., le M.S.1. et « Ordre Nouveau» recommencent impunément; parce que des cimetières juifs sont profanés, des synagogues attaquées de nos jours encore, et parfois en France même, une vigilance de tous les instants s'impose. Ne pas se taire , ne pas rester passifs, mais pourchasser partout la bête antisémite, c'est le meilleur, le seul hommage possible, aux combattants et aux martyrs du ghetto de Varsovie. Alexandre CHlt-KOZLOWSKI. arts UNE OEUVRE, UN HOMME PABLO PICASSO est mort à Mougins le 8 avril 1973 d'une crise cardiaque. Né à Malaga en 1881, il a 14 ans lorsqu'il achève sa première toile, comme élève d,e l'Ecole provinciale des beaux-arts de Barcelone. A 20 ans, c'est le début de la « période bleue» ; il s'installe à Paris. Ouatre ans après, le bleu le cède au rose; il rencontre Apollinaire; premières sculptures, et _aussi premiers succès. En 1907, de la découverte des arts primitifs, naissent « Les Demoiselles d'Avignon» : le peintre décompose les visages pour les reconstituer en plans géométriques, qui annoncent la naissance du cubisme. Le 1 i juillet 1918, premier mariage avec Olga Khoklova, danseuse étoile. Les personnages de ballets, les arlequins, les pierrots se multiplient dans son oeuvre. Période de bonheur ; son fils Paul naît en 1921. Tôle peinte DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 De 1925 à 1929, période surréaliste. En 1930, le ciel s'assombrit. Picasso se sépare de sa femme . La guerre d'Espagne, qui fera un million de morts, éclate en 1936. La dislocation des corps et des visages envahit son oeuvre. En protestation contre les atrocités de la guerre, il compose la fresque « Guernica» pour l'Exposition internationale de Paris. En 1937, MarieThérèse Walter lui a donné une fille, Mava. Les tourments de la guerre terminés, en 1947 c'est la naissance de Claude, ms de Françoise Gilot. La joie de créer renaît pour l'artiste. En 1949, naissance de son quatrième enfant, Paloma, fille de Françoise Gilot dont il se séparera en 1953. Tour à tour potier méditerranéen, sculpteur, il n'en finit pas d'étonner le monde de l'art, de susciter l'adiniration universelle. Une de ses oeuvres orne le palais de l'U.N.E.S.C.O. En 1962, il reçoit le Prix Lénine de la Paix ; il se marie avec Jacqueline Roque. Fin 1966, exposition du, Grand et du Petit Palais, qui reçoit 900 000 visiteurs. Le 21 , octobre 1971 , hommage national à Picasso à l'occasion de ses 90 ans : inauguration, au musée du Louvre, d'une exposition de huit toiles appartenant aux collections nationales et représentant les différentes périodes de son oeuvre. Picasso est ainsi le seul peintre vivant jamais exposé au Louvre. L' oeuvre de Picasso donne à voir', à penser, à vivre aux hommes d'aujourd'hui et à ceux de demain. Elle enrichit le r egard, la sensibilité, la peI;lsée . L'humanité perd un artiste génial, qui était également - sans doute y a-t -il un lien étroit entre l'un et l'autre - un .homme généreux dans toute l'acceptation du terme, qui prenait part aux luttes des hommes de son temps pour la liberté, la justice et la paix. M,P. « les quatre parties du monde Il qui se trouve à Vallauris, illustrait la couverture du numéro spécial de « Droit & liberté Il consacré à l'Année internationale de lutte contre le racisme et la discrimination raciale, Dessin a 29 , - l , JOURNEES INTERNATIONA LES DU FILM ANTIRACISTE Du 29 mars au 11 avril se sont déroulées à Paris les Journées internationales du film antiraciste (J.LF.A.'. Première manifestation de cette nature, elle était placée sous le patronage de la Société des réalisateurs de films, de l'Association de la critique cinématographique, du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix, à qui s'étaient joints la C.G.T. et la Fédération des Associations de soutien aux travailleurs immigré,s . CINEMA , ET LIBERTE C'ETAIT la première fois que le M.R.A.P. prenait une telle initiative

établir pendant toute

une quinzaine et à travers 8 longs métrages comment et combien le cinéma était concerné par les problèmes de liberté et de racism,e, comment et combien le combat contre le racisme et pour les libertés était à son tour concerné par le cinéma. L'habitude est acquise. On sait que tout film est d'une certaine façon « politique ». De même, je crois que c'est saint Thomas d'Aquin qui écrivait: cc Il faut philosopher, il faut philosopher, il ne faut plui philosopher, il faut encore philosopher! Il. Autrement dit, ne pas philosopher c'est encore pratiquer et çléfendre un certain ordre de philosophie de même que cc l'apolitisme» est encore une attitude face à la politique. Cette quinzaine a porté ses fruits. La diversité même des sujets abordés en a fait foi. En France, et au gré des mouvements contradictoires (ou plutôt complémentaires) de l'Histoire contemporaine, la lutte contre le racisme et pour la défense des libertés que le racisme menace s'est polarisée à deux pôles : l'antisémitisme d'une part, le racisme contre les émigrés de toutes origines et, pluS particulièrement contre l'émigration venue des pays arabes (car les séquelles de la guerre d'Algérie sont loin d'avoir été liquidées avec la fin de cette 'guerre) d'autre part. Ces deux pôles, ·Ia Quinzaine du M.R.A.P. (soutenue par le Syndicat des réalisateurs de films et par l'Association française de la critiqu e) les a t ranquillement abordés, je veux dire avec esprit de responsabilité. Par exemple, la projection d'cc Octobre è Paril Il de Jacques Panigel (qui a obtenu le Grand Prix de 30 la manifestation), reportage clandestin, tourné dans les pires conditions de danger en pleine guerre d'Algérie, le réalisateur mais aussi ses collaborateurs (ses « complices» ont dO dire certains à l'époque) , particulièrement les militants F. L. N" ayant participé à certaines séquences obligatoirement reconstituées, ayant pris tous les risques d'une telle entreprise, illustrait la lutte contre le racisme anti-arabe, alors que cc Une larme dans l'Océan Il de Henri Glaezer, qui n'a pas connu, comme le film de Panigel, de problèmes de censure, mais a attendu néanmoins deux ans durant qu'un distributeur veuille bien lui faire sa petite place, a témoigné de ce que fut l'antisémitisme en Pologne sous l'Occupation, du fait prioritaire du racisme nazi bien sOr, mais ce racisme nazi trouvant trop souvent une oreille complaisante parmi les éléments conservateurs de la résistance polonaise et dans une population auprès de qui les couches au pouvoir avaient toujours manié la diversion antisémite pour masquer les vrais problèmes, sociaux et nationaux, qui se posaient au pays tout entier . . Le président du M.R.A.P. félicite les lauréats das J.I.F.A. cc Nigeria, Nigeria One Il de Henri Hervé (qui soulève la responsabilité française) , au niveau diplomatique comme au niveau du comme'rce des armes dans l'affaire biafraise, ce drame sur lequel ont été versées plus de larmes de crocodile que de propos éclairants 1), cc L'alsassinat de Fred Hampton Il (film collectif) sur l'assassinat délibéré d'un des dirigeants du mouvement révolutionnaire noir aux Etats-Unis ont rappelé que le monde actuel n'avait pas réglé son compte au racisme . Nous venons de citer là deux films-dossiers, mais à travers la fiction, à travers la mise en scène de cc Et demain Il de Brahim Babaï (Tunisie) et cc Etoiles aux dents Il de l'Algérien Deri Berkani, ont signifié les conséquences qu'endurent dans leur pays ou dans l' {:~ i:? ration enco're aujourd'hui , dans un monde soi-disant « décolonisé», les ressortissants des pays qui subirent la domination coloniale. cc Alger insolite Il, de Mohamed Zinet (Algérie) peut être considéré comme ayant été ' un des signes avantcoureurs de l'orientation nouvelle prise depuis un ou deux ans par le jeune cinéma algérien (on parle déjà de « jeune cinéma» , dans un cinéma qui n'a que 11 ans d'existence!). Cette orientation consiste à rompre avec une exploitation spectaculaire des événements qui ont pu marquer la guerre de Libération pour privilégier les problèmes plus immédiats que la fin de cette guerre a permis justement de faire émerger, permet aujourd'hui à un peuple d'affronter. L'antiracisme et la défense des libertés les plus concrètes s'affirment encore par là, solidaires. Le racisme, qui soutendait la prolongation de la guerre coloniale, vaincu, défait sur le terrain, militaire et politique (sinon encore dans toutes les mentalités), amené à composition, le champ demeure libre pour la mise en évidence des problèmes sociaux politiques, économiques que le racism~ « masquait», que la situation nouvelle fait lever. Qu'on m'excuse de rester silencieux sur cc L'Inde au féminin Il, que les travaux du comité de sélection de la Semaine de la Critique pour Cannes m'ont empêché de voir. UN COUP D'ENVOI Je retourne au début de mon propos. Cette quinzaine n'a été que le coup d'envoi d'un effort à continuer, à perfectionner aussi. Une rencontre entre militantE du M.R.A.P. et cinéastes, critiques, a été à cet égard éloquente. Cette année, on a rôdé une expérience, en quelque sorte on a « essuyé les platres». La première Quinzaine a eu pour premier mérite d'abord d'exister, elle a eu pour second mérite d'imposer un examen critique de ce qui a été fait, de ce qui reste à faire. La Quinzaine, Jacques Panigel a eu pleinement et entièrement raison d'insister sur ce point, ne trouvera de pleine Les films Les longs métrages présentés aux J.I.F.A. étaient les suivants: CI Alger insolite Il, de Mohamed Zinet ; cc Inde au féminin Il, de Fran-, çois Chardeaux; CI Une larme dans l'océan Il, Henri Glaeser; CI Octobre à Paris Il, Jacques Panigel; CI La fin du dialoguell, Nana Maomo; CI Etoiles aux dents Il, Déri Berkani; cc Nigeria, Nigeria 1 Il, Henri Hervé; CI L'assassinat de Fred Hampton Il, anonyme et cc Et demain ... Il, Brahim Babaï. Enfin les courts métrages : cc Le glas Il, de René Vautier; CI Monogambee Il, de Sarah Maldo- , ror; cc Les 3 cousins Il, René Vautier; CI La Jungle Il, Jean-Claude Courrent; CI Témoignages Il, de D. Knight ; Il Mon village Il, Ta'l8b Louhichi ; Il Les ajoncs Il, René Vautier; Il Shangha Il, Bruno Muel et Medja; Il Si Moh pas de chance Il, Moumen Smihi; cc Têtes de Turcs Il, Handwerker et Collet et Il Négritudes Il, Jean Schmidt. DROIT ET LIBERTE: - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 et entière justification que si elle débouche sur autre chose qu'elle-même, c'est-à-dire un public-pilote drainé par une organisation de caractère militant, autrement dit, si elle porte la bonne parole antiraciste, la bonne pellicule, les films à qui le circuit le plus efficace, le circuit commercial, refuse le plus fréquemment d'ouvrir ses portes. Panigel a dit à cet égard la reconnaissance qu'il avait à René Vautier d'avoir accepté, voulu que l'U .P.B . (Union de Production Bretagne) serve de firme distributrice à « Octobre à Paris», qui même, enfin, muni de visa de censure ne trouvait pas de distributeur commercial et risquait de ce fait de demeurer dans un domaine (un ghetto, dans un certain se~s, cela dit de façon nullement péjorative) nécessaire, indispensable mais ~ullement suffisant, celui des organisations culturelles de type classique qui ont tout leur rôle à jouer comme premier relai, mais dont l'efficience réelle ne se vérifiera jamais que si ce premier relai se prolonge par de nouveaux relais. , Cette réunion a été avant tout l'objet d un échange de vues au niveau le plus pratique : la date retenue cette année était-elle la plus heureuse, alors, par exemple, qu'une bonne part des critiques qui auraient été les plus acquis au soutien de cette entreprise se voyaient devoir examiner 120 films pour la Semaine de la Critique à Cannes (1). Avait-on inventorié en puisant à toutes les sources d'information possible toutes les ressources possibles pour la meilleur des sélections possibles? Une bonne réponse à de telles questions exige certainement deux choses au moins, une préparation beaucoup plus longue, un travail collectif beaucoup plus étendu et plus multi-disciplinaire l'un ne pouvant aller sans l'autre et I~ dévouement total, acharné de quelquesuns ne pouvant jamais suffire là ou une information plus complète, une discussion et une organisation quasi-permanentes ouvriraient des perspectives à une tout autre échelle, assureraient une autre rentabilité à tous les niveaux. Albert CERVONI (1) La proximité ou la coïncidence avec le mois consacré au cinéma algérien par la Cinémathèque française, attirant une nombreuse clientèle algérienne, inhabituelle au Palais de Chaillot a certainement été très concurrentielle. Un meilleu; calendrier aurait remplacé ce faux antagonisme par une heureuse complémentarité. Jacquas Panigel. le palmarès"" Grand Prix - Long métrage : « Octobre à Par.is» (France). Tourné en France pendant la guerre d'Algérie sous la direction de Jacques Panlgel, premier film collectif du cinéma français, interdit pendant dix ans! Grand Prix - Court métrage : « La fin du dialogue» (d'exilés sud-africains) . Film collectif tourné cI~ndestinement en Afrique du Sud, faisant connaître les effets inhumains de l'apartheid. Prix spécial du jury (long métrage) : « Et demain .. . » (Tunisie), de Brahim Babaï. Récit se situant dans le contexte de l'exode rural, étape vers l'exil des populations du sudtunisien . Prix spécial du jury (court métrage) : « Si Moh pas de chance» (Maroc). de Moumen Smihi . Film peignant l'isolement, les difficultés et le désarroi des travailleurs migrants en France. Le jury rend hommage à René Vautier, pour l'ensemble de ses film~ et pour sa contribution courageuse à la lutte antiraciste par le cinéma. 31 q f . 1


théâtre « Têtes rondes et têtes pointues » Quant aux têtes pointues, ce sont les victimes expiatoires, chargées de tous les maux, « les fourbes , les apatrides ». Ils sont accusés du « matérialisme le plus vil» , ils sont mus par « l'intérêt» et « l'avarice» (( Le Tchiche n'aime guère travailler»), « ils renient la mère patrie», « ne reconnaissent ni père ni mère», « ne se dominent p.as» . L'antagonisme Tchouque/Tchiche, c'est celui qui oppose « l'usage à l'abus», « le droit à l'injustice». Dans l'exaltation de la vertu, les Tchiches sont aussi les représentants de l'immoralité. 1 E Théâtre de Gennevilliers nous préL sente une fable politique et sociale, dans une mise en scène assez tourmentée et enlevée, avec des acteurs intéressants, mais d'un niveau différent. Quelques chansons, quelques ballets ajoutent une touche de fantaisie qui situe la pièce au niveau du divertissement. Long spectacle, pesant parfois, mais qui démonte magistralement les mécanismes du racisme, situé dans le contexte de la montée du nazisme, dans la manière brechtienne, si efficace. L'action se situe dans un pays imaginaire

Yahoo, à un moment crucial

de son _histoire. Paradoxalement, la surproduction de belles récoltes menace l'équilibre. Le cours du blé s'effondre, les paysans prennent les armes contre les propriétaires et rejoignent les rangs du parti de la Faucille pour obtenir l'abolition des fermages. La lutte des races Le vice-roi s'inquiète alors, et accepte le gouvernement d'Iberin, un panti,n aux théories inquiétantes qui n'est pas', bien sûr, sans rappeler Hitler. L'habileté machiavélique du gouverneur est de substituer à la lutte des classes née de l'exploitation économique, l'antagonisme entre deux races opposées. Au pays Yahoo coexistent deux groupes ethniques différant par la forme du crâne, rond pour les Tchouques, pointu pour les Tchiches. Iberin, par sa propagande, va susciter la colère et la haine de la majorité Tchouque contre la minorité Tchiche. Une espèce de milice se constitue, qui fait la chasse aux Tchiches, avec l'aide de quelques « tombeurs de chapeaux». Lumineusement, nous voyons s'exercer contre les Tchiches toutes les attaques et les vexations dont sont victimes dans notre monde, les minorités ethniques. Ici, bien sûr, la pièce ayant été écrite entre 1931 et 1934, il faut comprendre les persécutions contre les juifs dans l'Allemagne nazie, la perpétration des odieux pogroms, les camps de concentra-tlon de sinistre mémoire. Les commerçants sont frappés, molestés et dépossédés de leur boutique portant un écriteau diffamatoire. Les médecins Tchiches sont refusés. La chasse au 32 Tchiche s'organise et l'on veut réaliser l'extermination des Têtes pointues, repérées et reconnues sur une particularité physique. Même le riche propriétaire Guzman n'y échappera pas, il sera condamné et spolié de ses biens, pour l'exemple. Car une « nouvelle justice» s'est instaurée où l'appartenance raciale est substituée à la vérité. Mais le but réel du gouverneur Iberin est de faire respecter la propriété et briser l'alliance des membres de la Faucille. . En ces derniers, on peut voir les partis révolutionnaires, plus particulièrement le parti communiste, victime du régime nazi. cc Sang purn et apatride. Ainsi, pour pallier la misère, Iberin, l'idéologue, l'homme providentiel, a su persuader les Tchouques que les responsables de tous leurs maux, sont les Tchiches. Il Pour leur maheur et celui de tous les exploités, ils vont tomber dans le piège tendu par le pouvoir, prendre l'ennemi imaginaire pour l'ennemi réel et faire ainsi échouer l'effort lucide mais désormais isolé de la Faucille pour abolir l'exploitation en détruisant la société de classell. Le problème raciste dans son fond est très nettement posé et tous ses aspects analysés. Les Têtes rondes, ce sont les « sang pu r », les « honnêtes gens», ceux pou r qui Iberin va agir. Dans ce texte à allure prophétique, nous reconnaissons donc les principaux thèmes qui ont fait de la période contemporaine un banc d'essais pour l'action raciste . Mais on peut, bien sûr, en faire l'application à d'autres époques de l'histoire. D'où la valeur de généralité et d'universalité de l'oeuvre brechtienne. Tout rentre dans cc l'Ordre Il. Comment s'achève cette fable de « Têtes rondes et Têtes pointues»? Après la défaite de la Faucille, la situation politique change. Le vice-roi revient au pouvoir. L'association entre les deux races se reconstitue, semble-t-il , sur le dos des pauvres gens. La discrimination, à nouveau, va porter entre riches et pauvres, entre possédants et démunis. Le vice-roi avalise la politique de son gouverneur, mais certains grands propriétaires Tchiches sont cette fois associés au pouvoir et protégés. Les clivages sociaux reprennent leur ancienne forme. La lutte des classes a été déviée de son cours, dangereux pour la stabilité gouvernementale. On nous le dit en conclusion, il a fallu « sauver l'Ordre et l'Etat par l'opposition des races». La leçon est à retenir. Jean-Claude ANTOK. PIEDS SENSIBLES Les chausseurs du super-confort et de l'élégance Choix UNIOUE en CHEVREAU, en SPORTS et en TRESSE MAIN Femmes du 35 au 43 - Hommes du 38 au 48 6 largeurs différentes (9") GARE SAINT·LAZARE, 81, rue St-Lazare (MO Saint-Lazare - Trinité ) (6') RIVE GAUCHE 85 rue de Sèvres (MO Sèvres · Babylone) (1Q) GARE DE L'EST, 53, boulevard de Strasbourg (MO Château-d'Eau) . ________ Magasins ouverts tous les lundis -------- LE PRIX DE LA FRATERNITE U N auteur ne cachait pas sa joie lorsque lui fut remis le Prix de la Fraternité: Alain Spiraux, dis· tingué pour son roman « Jeanne d'Arc et l'enfant juif » ... L'histoire contée dans ces pages atta· chantes est celle d'un enfant de huit ans, Moiche Szylowitz, unique rejeton d'une famille de juifs polonais immigrés en France dans les années trente. L'enfant déborde d'amour pour tout ce qui l'entoure, son univers quotidien, ses amis et, surtout, ses parents. Pourtant, vis-à-vis de ces derniers, il ne peut s'interdire toute critique. Inconsciemment, de manière' plus ou moins diffuse, son esprit d'enfant perçoit ce qui sépare ses père et mère de ceux de ses camarades d'école: ils sont juifs - et l'antisémitisme fait rage en ces temps troublés. Plus, ils ne parlent pas un mot, ou presque, de français. Ainsi, leur identité apparaît-elle au grand jour, dans la rue, chez l'épicier du coin ... Bientôt, cette identité mal assumée, les insuffisances culturelles de ces déracinés, provoqueront un sentiment de honte inconscient chez le gosse. Sentiment de honte pour sa mère - vraie « yiddish mameh » - dont le français approximatif fait sourire tout le quartier, et jusqu'à la maîtresse d'école, plus royaliste que le roi en matière de racisme ... Sentiment de honte envers son propre nom, qui le découvre sans parade possible et l'expose aux moq'ueries d'autres enfants Le jury Le jury du Prix de la Fraternité - fondé en 1955 par le M.R.A.P. - est composé des personnalités suivantes : Mme Marcelle A UCLAIR, MM. Marcel ACHARD, Reni CLAIR, René CLOZIER, Louis DAQUIN, Odet DENYS, Hubert DESCHAMPS, Alioune DIOP, lean DRESCH, Jacques FONLUPTEPERABER, Max Pol FOUCHET, lean-Paul LE CHANOIS, Albert LEVY, Jacques MADAULE, Théodore MONOD, Jacques NANTET, Charles PALANT, Pie"e PARAF, Guy RETORE, Maurice RHEIMS, Jean ROSTAND, Claude ROY et Albert SOBOUL. Parmi les précédents lauréats du Prix, figurent notamment : Christian-Jaque, Elsa Triokt, Jules Isaac, Robert Merle, Jules Roy, Vercors, Jean Schmidt, Maurice Bidart, Claude Berri, Christian de Chalonge, Louis Malle, Michel Drach. DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 - li leur méchanceté même - plus ou moins inspirées par les parents ... PreOllére parade, première défense : travailler et travailler dur pour se hisser au-dessus des autres et prouver sa valeur. Mais un enfant peut-il longtemps vivre sans un sentiment de frustration profond quand il est insatisfait de sa mère et est encore en âge de l'aimer, sinon de l'adorer? Non. Deuxième parade, donc: le rêve. Mme Szylowitz ne suffit pas ... Moiche en inventera une autre. Et se plongeant dans son livre d'Histoire de France, il y découvre avec ravissement une Jeanne d'Arc triomphante, mère d'imagination mais aussi protectrice. L'héroïne est aussitôt adoptée et une locataire de l'immeuble en deviendra l'incarnation. Entre les deux « mères » de l'enfant naîtra une espèce de rivalité à la fois violente et tendre ... Celui-ci voudrait relever la tête, combattre face aux agressions quotidiennes. Ses parents capitulent, subissent, affaiblis par le fardeau des persécutions, de la croyance en ieur destin « tragIque ». Ce « brasero» juvénile brûle toujours chez l'homme issu de Moiche ... chez Alain Spiraux, bien sûr, puisque le roman est profondément autobiographique : « Je suis très attaché à l'enfance, nous confie-t-il, à mon enfance. On l'est tous, jamais vraiment tranché. Mais je crois que je le suis peut-être un peu plus que d'autres, ayant eu une enfance pauvre mais, en fin de compte, heureuse, une enfance pleine de tendresse, mais une enfance qui a ceci de particulier qu'elle a brutalement été coupée en 1942 par l'arrestation et la déportation de mes parents ... Autrement dit, il reste en moi des lambeaux d'enfance que je n'ai pas encore « digéré ». C'est donc une sorte d'« indigestion » qu'est né ce roman ... Et elle a été si intimement, si profondément vécue que l'on a parfois l'impression de pénétrer au coeur de la maladie, au coeur de l'organe atteint. Le virus est le racisme et la haine, et l'antidote le rêve. Le rêve chez un enfant de huit ans qui ne comprend guère le pourquoi de l'insulte, mais veut à tout prix se défendre ... Un rêve qui s'exprime par l'irréelle apparition d'une héroine du Moyen-Age popularisée à l'enfance à grands traits et sans nuances, et qui permettra à Moiche de résoudre superficiellement ces « contradictions qui sont le lot de bien des enfants d'immigrés, aujourd'hui encore, quelle que soit la terre sur laquelle ils sont nés» (ainsi que le précise le Jury du prix de la Fraternité). « Aujourd'hui encore » ... ? Oui. Car combien seint-ils ces enfants de travailleurs Alain Spiraux immigrés Installés dans notre pays, à vivre ce que vécut Moiche ? Différemment sans doute, mais tout aussi douloureusement et peut-être plus intensément, la misère la plus sombre s'ajoutant à leur condition de petits étrangers. Etrangers dans la rue, étrangers à l'école, étrangers chez eux puisque ne parlant plus la langue de leurs parents: « enfants de nulle part» (1). Et c'est au fon;l l'histoire de tous que raconte Alain Spiraux. Alors, pourquoi ce roman ne serait-il pas une arme de combat, une arme éminemment fraternelle? 0.0. Remise du prix Le Prix de la Fraternité a été remis à M. Alain Spiraux par M. Pierre Para', président du M.R.A.P. au cours d'une réception-le vendredi 4 mars 1973 au Club Pernod, aux Champs- Elysées. ' 33 . l ne du .... r.a.p. Des députés nous répondent 1 A presse a largement cité, à Paris et L en province, les initiatives prises par le M.R.A.P., à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale (21 mars) : édition d'un numéro spécial de '« Droit et Liberté», attribution du Prix de la Fraternité, envoi à tous les députés nouvellement élus d'une lettre attirant leur attention sur l'aide militaire, économique et politique de la France au régime raciste d'Afrique du Sud. Cette lettre a reçu jusqu'à présent une trentaine de réponses, émanant, il faut le souligner, de tous les points de l'hémicycle, ce qui témoigne de l'intérêt suscité par notre action. Nous les avons classées par groupes parlementaires : Tandis que le secrétariat de M. Georges Marchais (député ' du Val-deMarne) nous indique que notre correspondance est soumise à l'examen du groupe communiste, M. André Duroméa '(Seine-Maritime) souligne que celui-ci « continuera d'aQir contre toutes les formes de racisme et soutiendra les actions du M.R.A.P. pour obtenir en particulier l'arrêt des livraisons d'armes et de la collaboration militaire entre la France et l'Afrique du Sud. » M. L. Maisonnat (Isère) précise « Nous intervenons auprès du ministre des Affaires étrangères» ; et il nous joint copie de la lettre adressée à ce dernier dénonçant « énergiquement la politiqu~ d'aide militaire, économique et morale poursuivie par la France en faveur du régime barbare de Prétoria.» M. Lucien Dutard (Dordogne) égaIement communiste. indique encore « Nous ne manquerons pas a'aglr dans le même sens que vous, chaque fois que l'occasion nous en sera donnée.» Dans. le groupe des Socialistes et Radicaux de gauche, M. Pierre Joxe Saône-et-Loire), membre du Comité d'honneur de notre Mouvement, nous écrit : « Mes positions personnelles sur le racisme en général et sur l'Afrique du Sud en particulier coïncident riaturelle- 34 ment avec celles de notre ProQramme, que vous connaissez ... Je suis à votre entière disposition pour appuyer les initiatives que vous prendrez.» M. H,enri Deschamps (Gironde) nous assure « de tout son appui, d'autant. ajoute-t-il, que je - suis membre du M.R.A.P., et qu'en conséquence, je partage pleinement tous vos points de vue. » M. Jean-Pierre Chevenement (Territoire de Belfort)., rappelant les « positions exprimées par le programme socialiste et le programme commun», souligne : « Je suis à votre disposition pour toute démarche que le M.R.A.P. jugera utile de faire effectuer par voie parlementaire sur cette question.» De même que M. R. Forni (Territoire de Belfort) qui affirme : « Je mettrai tout en oeuvre pour que la France cesse de se comporter comme elle le fait jusqu'à présent à l'égard d'un certain nombre de pays.» M. Christian Laurissergne (Lot-etGaronne) précise : « Le groupe socialiste va étudier la possibilité de déposer une question au ministre des Affaires étrangères, pour lui demander de préciser sa position. » Et M. Gilbert Senes (Hérault) : « Dans le cadre de la discussion du budget militaire, vous pensez bien' que notre groupe prendra une position très nette quant à la fourniture des armes aux pays qui pratiquent une telle politique. » Citons encore d'autres députés du même groupe : M. Alain Vivien (Seineet- Marne) : « En plein accord aveç les objectifs du M.R.A.P., et plus particulièrement en ce qui concerne l'apartheid, je participerai volontiers aux actions que vous envisageriez»; M. Alain Bonnet (Dordogne) : « Je suis prêt à appuyer toutes suggestions qui iraient dans le sens que vous souhaitez »; M. Henri Duffaut (Vaucluse) : « J'ai noté avec grand soin vos observations et suggestions, que ï étudierai avec mon groupe parlementaire, pour dégager les initiatives à prendre en ce domaine sur des problèmes aussi douloureux » ; M.François Abadie (Hautes- Pyrénées) « Je suis entièrement d'accord pour dénoncer toutes les formes de racisme.» M. Michel Durafour (Loire), président du groupe aes Réformateurs démocrates sociaux, nous écrit : « Vous savez parfaitement combien je suis hostile à toute discrimination raciale, dont beaucoup trop de nations donnent malheureusement l'exemple. Je partage tout à fait vos préoccupations au sujet de l'apartheid. » M. Georges Mesmin (Paris), . du même groupe, souligne aussi : quO « il partàge pleinement nos préoccupations et désapprouve comme nous la politique sud-africaine de la F'rance.» Membres également du groupe des réformateurs, M. Gagnaire (Rhône) tient à nous informer quîl « est profondément contre toute discrimination raciale, de quelque nature qU' elle soit»; M. Emile Müller (Haut-Rhin) indique : « Je ne manquerai pas de vous renseigner sur l'action que mon groupe envisage de mener à ce sujet.» Et M. Justin Hausherr (Haut-Rhin), affirmant qu' « en tant que chrétien, en tant que tout simplement être humain, il n'approuve en aucun cas des pratiques motivées par la différence de teinte, de race, de religion ou de pensée existant entre les peuples de la terre, et que l'apartheid, tel qu'il existe en Afrique du Sud, est à ce titre scandaleux», ajoute: « Que notre pays entretienne des relations économiques avec cette nation constitue à mon avis une autre question, encore que je connaisse mal les données du problème sous cet aspect précis. Je ne manquerai pas toutefois de me renseigner, afin d'être en mesure de me faire une idée à ce sujet. » M. EUQène-Claudius Petit (Paris), président de l'Union centriste, indique dans sa réponse qu'il « est de ceux qui, toute leur vie, ont lutté contre le racisme et . l'antisémitisme, et naturellement l'apartheid. » M. Jean Desanlis (Loir-et-Cher), du même groupe, précise qu'il « appuiera tout mesure tendant à condamner la ségrégation raciale et la discrimination' il regrette que la politique de la Franc~ la mène à fournir des armes à certains pays pour y entretenir des luttes fratricides. » M. André Forens (Vendée), également de l'Union centriste, affirme : « J 'ai lu avec la plus grande attention votre exposé, et je comprends parfaitement votre problème. Je suis tout à fait d'accord avec vous.» M. H. Blary (Nord), du groupe U.D.R. nous fait connaître qu'il « continuera à se préoccuper des problèmes soulevés et ne manquera pas de se servir à bon escient de la documentation recue du M.R.A.P.» . Du même groupe, M. René Caille (Rhône) affirme: « Que cette documentation lui permettra de procéder à des démarches en meilleure connaissance de cause.» M. Frédéric-Dupont (Paris), qui appartient au groupe des Républicains indépendants, écrit : « Je serais particulièrement heureux de m'associer à vos efforts. » Nous avons reçu en outre des réponses de trois députés non inscrits : M. Maurice Brun (Allier) : « Je ne manquerai pas d'avoir présents à l'esprit vos docu ments concernant l'Afrique du Sud, lorsqu'il sera question de la politique française en la matière.» M. André Chazalon (Loire) : « Je ne puis que vous assurer de mon plus total accord sur vos objectifs et de mon soutien dans vos initiatives.» M. B. Corn ut-Gentille (Alpes-Maritimes)

« Je pense inutile de vous donner

des preuves sur mes opinions antiracistes. » Ces prises de position laissent espérer que les problèmes de l'Afrique du Sud, sur lesquels pèse depuis longtemps un lourd silence (dont une grande partie de la presse se fait complice), seront désormais abordés au grand jour, et que l'intolérable aide française aux racistes sera mise en cause plus vigoureusement à l'Assemblée nationale. Nous tiendrons nos lecteurs informés des initiatives qui seront prises. Et nous les inviterons à soutenir l'action menée par le M.R.A.P. et ses comités locaux pour obtenir que notre pays, revenant à ses traditions généreuses, cesse enfin de s'outenir l'apartheid et applique les décisions de l'O.N.U. DROIT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL-MAI 1973 Numéro spécial • • « 21 mars? C'est le printemps Il ... Ainsi débutait le tract diffusé par les comités du M.R.A.P. de la région parisienne, signalant que c'était aussi la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, fixée à cette date en souvenir du massacre de Sharpeville, en Afrique du Sud (1960). Son objet, après avoir rappelé que, « en France le racisme existe aussi» et évoqué les drames du sous-développement, était de présenter le numéro spécial de Droit et Liberté: « Ce monde que l'on dit tiers »... qui « sera à votre disposition ici-même dans quelques jours ». L'~ffort de diffusion, bien qu'inégal, tradUIt au total une bonne mobilisation d'un certain nombre de comités. En tête du palmarès, vient celui d'Issyles- Moulineaux, avec 220 exemplaires. Mais il faut citer aussi pour Paris : Ile: 20 exemplaires; 1ge : 30; Ise : 50 ; 18e : 100 ; Lycée H. de Balzac: 70 ; dans la région parisienne: Boulogne-Billancourt: une diffusion élargie 20; Le Perreux : 10; Saint-Denis: 20; S~rtrouville : 20 ; Versailles : 40 ; en proVlftce'

Rouel1 : 10; Strasbourg : 10;

Dunkerque : 10; Marseille : 20 ; Reims : 20; Orléans : 20 ; Alpes-Maritimes : 30 ; Pontoise : 80 : Compiègne : 100' Roubaix

120, etc. '

Ce ne sont là que de premiers résultats. Car l~ vente continue; le numéro spécial, en raIson de son caractère de document, revêt un intérêt durable. Par ailleurs, de. nombreuses associations, notamment des syndicats, nous ont passé des commandes. En félicitant les comités locaux qui se sont résolument engagés dans cette campagne, nous exprimons le voeu qu'ils s'attachent également à diffuser les numéros suivants, et à faire abonner les nouveaux lecteurs. Notre Congrès, rappelons-le, à proclamé 1973, Année (( Droit et Liberté li. L'exemple d'Issy-Ies-M oulineaux La vente de notre numéro spécial de mars s'est effectuée, selon les lieux, par différents moyens. Le Comité d'Issy-Ies-Moulineaux, champion de cette diffusion, relate ici son expérience, qUi a le mérite de réunir la plupart des initiatives prises par l'ensemble des autres comités Notre Comité ayant obtenu 'un certain succès dans la vente du numéro spécial de « Droit & Liberté», nous exposons nos méthodes de diffusion à l'intention des Comités moins chanceux. Notre effort s'est essentiellement orienté dans quatre directions : - Les membres et sympathisants du M.R .A.P. ; - Les organisations démocratiques (partis politiques, syndicats, mouvements de jeunesse)

- Les paroisses; - Les lieux de grand passage : marchés, devanture des grands magasins, bouches de métro. Membres et sympathisants . II~ doivent être l'objet de sollicitations particulières. Il faut d'abord les recenser tous, même ceux qui n'ont pas renouvelé leur carte depuis 2 ou 3 ans. Ce travail est facile grâce au fichier du M.R.A.P. En prenant contact avec eux, nous insistons sur l'importance de la journée du 21 mars. Nous leur faisons comprendre que pour la circonstance, chacun se doit no~ seulement d'acheter le journal. mais égaiement d'en placer un certain nombre auprès de parents ou amis . Organisations démocratiques Nous avons pris contact avec les responsables locaux de toutes les organisations, et demandé leur participation à la journée du 21 mars en aidant le M.R.A.P. à diffuser son numéro spécial. Paroisses A la sortie des messes nous avons reçu un accueil très compréhensif. On obtient facilement l'autorisation du Supérieur de la paroisse . Les prêtres sympathisants invitent souvent les fidèles à faire bon ,accueil au journal. Lieux de grand passage Sur les marchés il faut venir avec une table et un panneau, sur lequel on placarde quelques affiches. La vente est quelquefois décevante, mais le M.R.A.P. affirme sa présence aux côtés des autres organisations. Des résultats peuvent être ainsi obtenus à la longue . La vente devant le métro et les magasins ne nécessite 'pas de matériel. Mais il faut donner de la voix. Les slogans criés doivent toujours faire ressortir les mots « racisme» {( antiracisme », {( antisémitisme». Ces mot~ attire~t toujours l'attention des gens. QuelquefOIS, on peut être interpellé par un hargneux qui nie l'existence du racisme en France. Dans ce cas, il faut toujours engager un débat en élevant un peu le ton. Cela provoque un attroupement presque toujours favorable à la vente . Groupe d'animation d'Issy-Ies-Moulineaux . 35 Une ilDportante session du Conseil national 1 E 8 avril, s'est tenue à Paris, une L importante réunion du Conseil national du M.R.A.P. C'était la première fois que cet organisme se réunissait, depuis son élection à notre récent congrès (20-21 janvier) . Et le premier point de ses travaux , SOllS la présidence de Pierre Paraf, avait pour but de dresser le bilan de l'activité des deux mois écoulés. Après le rapport présenté par Albert Lévy, qui témoignait du développement impétueux des initiatives et de l'implantation du M. R .A. P., le débat porta essentiellement sur la lutte des comités locaux contre la « circulaire Fontanet», en complète solidarité avec les travailleurs immigrés. Le Conseil national entendit avec beaucoup d'intérêt les comptes rendus successifs du Dr Pierre Comelade (Hérault). d'Yvonne Arnuel (Paris 19°), Jean-Jacques Recht (15°). Jean-Pierre Lescop (Sartrouville) , Abderrahmane Abdelkafar (Nord), Georges Braun (Gi ronde). Sory Diallo (Issy-les- Moulineaux) Ahmed Harimza (Saint- Denis). Bertrand Bary (Versailles). Augustine Berthod (Alpes-Maritimes), Charles Rok (Paris 3°). Sylvain Saltiel (Commission jeunes). Au cours de la discussion , intervinrent également : Robert Pac , Jacqueline Marchand, Joseph Creitz, Alain Gaussel, Malika Pondevie, Manfred Imerglik , Armand Rafalovitch, le Dr François Grémy, Charles Palant. L'après-midi, après un rapport de George Pau , le Conseil national adoptait les huit mesures proposées en vue de rendre cohérente et humaine la politique française d'immigration (voir page 5). Deux brefs débats eurent ensuite lieu. Le premier sur la lutte contre l'apartheid, sur la base du bilan des démarches accomplies auprès des députés à l'occasion de la Journée internationale contre le racisme. Invitée à la réunion , Mme Ma rie-José Moumbaris, épouse du principal accusé du procès de Prétoria , évoqua cette affaire douloureuse . Dive rses décisions furent prises en vue d'informer l'opinion française et de susciter son active solidarité . Le second débat , sur un rapport d'Henri Citrinot , était consacré à la Conférence pour la paix et la justice au Proche-Orient, prévue pour les 1 1- 13 mai à Bologne. Le M. R.A P. a participé , avec diverses autres organisations , au Comité préparatoire français . Après les interventions, notamment, de l'abbé Jean Pihan , Charles Palant, Albert Lévy, MarieLouise Kahn, Jacques Cukierman, Alexandre Chil- Kozlowski, le Conseil confirmait le soutien du M.R.A.P. à cette initiative. Avec les travailleurs immigrés MONTPELLIER : Des travailleurs tunisiens ayant entrepris une gréve de la faim, un comité de soutien s'est créé, auquel participa active . ment le président du comité local du M.R.A.P. Diverses manifestations ont eu lieu, dont un défilé de 1 000 personnes et un meeting, où le professeur Constant, au nom du M.R.A. P., présenta un exposé sur la « circulaire Fontanet)). La presse a, par ailleurs, largement diffusé les communiqués du M.R.A.P. Précisons enfin que les sections locales du S.N.E.Sup. et du S.G.E.N. (C.F.D.T.) ont apporté leur soutien à ces actions. BORDEAUX: Lors de la gréve de la faim de travailleurs immigrés, c'est autour du M.R.A.P. que s'est constitué un comité de soutien, dont les participants sont d'accord pour écarter toute prise de position partisane et pour agir strictement dans le cadre fixé avec les grévistes de la faim. A l'appel de 28 organisations, une importante manifestation a eu lieu à travers la ville, le 24 mars. ROUBAIX: Le comité du M.R.A.P. a pris position, à plusieurs reprises, pour la défense des grévistes de la faim. Il a effectué de nombreuses démarches, tout en s'associant aux activités du comité de soutien. Les 7 et 36 8 mars ont eu lieu à Roubaix et à Lille, deux soirées débats avec la participation de Me Pau et de Michel Garcia; le film de Roger Louis « Etranges étrangers» a été projeté. A l'issue de ces réunions, une pétition contre la « circulaire Fontanet)) a été signée. MARSEILLE ET TOULON: Le comité régional du M.R.A.P. a fait paraître plusieurs communiqués dans la presse locale à l'occasion de gréves de la faim de travailleurs migrants. Tout en soutenant les grévistes de la faim, le comité s'est élevé contre les agissements de groupes irresponsables, et notamment contre une provocation fomentée le 28 mars, à Marseille, dans un local où se trouvaient les grévistes de la faim. Enfin, notre ami Serge Kriwkoski, membre du Bureau national, a suggéré à M. Gaston Defferre, député -maire de Marseille, de créer une commission extramunicipale sur le probléme de l'immigration, avec participation de l'ensemble des • organisations concernées. M. Gaston Defferre Il répondu favorablement à cette initiative. SAINT·DENIS (93) : A l'occasion de la Journée du 21 mars, un bulletin spécial élaboré par le comité local a été diffusé. Les diverses organisa· tions qui ont participé à la « quinzaine de l'immigration)) se sont rendues à la préfec ture afin de demander l'abrogation de la « circulaire FOlltanet». NICE: Communiqué dans la presse ct démar ches auprés de la préFecture ont été au centre des activités du comité des Alpes· Maritimes qui essaime actuellement dans les principales villes du département. Par ailleurs, le comité s'est énergiquement élevé contre l'apparition, à Nice, d'inscriptions antisémites et contre des déprédations diri gées contre des magasins et immeubles appartenant ou habités par des juifs. PERPIGNAN: Le comité local du M.R.A. P. s'cst associé au comité de soutien aux travailleurs immigrés en lutte et a pu faire paraître un communiqué dans la prcs ~ e locale. NEVERS: Des membres du comité de soutien aux grévistes de la faim se sont associés à la création d'un comité local du M.R.A.P., tandis qu'un certain nombre de démarches auprés des autorités étaient menées. PARIS· 1ge : Le comité local a rendu publique une déclaration exprimant sa wlidarité aux travailleurs immigrés en lutte, et appelant la population à les soutenir. • Le centenaire de Marc Sangnier Sachez encore que ... Le 3 avril dernier était célébré' le cen· tenaire . de la naissance' de Marc Sangnier. Pour rendre hommage à la mémoire çje Ce militant chrétien éclairé, epri!i .de . justice sociale et de paix, ~ombre de personnalités, de représentant~ d'.,organisations _ démocratiques étaient présents ou avaient envoyé des messages. " L'abbé Jean Pihan, vice-président du M.R.A.P:, a participé à cette réunion. Notre président, Pierre Paraf devait exprimer par une lettre, la reconnaissance que notre Mouvement doit à Marc Sangnier, qu~ en fut ruh des fondateurs. Le i2 mai ,1949, au Cirque d'Hiver, à la première Journée nationale contre le racisme, i'antisémitisme et Dour la paix, qui fut le congrès constitutif du M.R.A.P., Marc Sangnier déclarait: « La . paix, elle doit être voulue par les peuples, èlle doit être imposée par les peuples aux -gouvernements eux-mêmes. Si moi, chrétien, j'app.0rte ma voix et le concours de mon effort à votre association, (est pa'rce que je considère qu'un chrétien , véritable doit penser que tous les hommes sont des frères et qu'il est responsable, en quelque sorte, du salut du monde. « C~ux qui éprouvent de la haine pour Une race, pO,ur une catégorie d'hommes, n.e 'sont pas capables de prêcher la paix entre les nations car, en vérité, ils ne sont pas. des hommes de paix.» • MO Fred Hermantin, l'Abbé Jean Pihan, viceprésidents, et, Albert Lévy, secrétaire général du M.R.A.P., ont participé au colloque sur le racisme tenu à Paris par les organisations non'gouvernementales auprès de rU.N.ES.C.a. Me Hermantin y a fait une intervention sur les problèmes de législation, • Le comité du M.R.A.P. du 15° arrondissement de Paris s'est associé à un comité de soutien lut· tant contre l'expulsion de travailleurs migrants d'un , foyer, ·.au 214, rue Raymond·Losserand. Il a effectué de multiples démarches auprès des élus locaux (au· paravant, il avait pris contact avec tous les candi· dats aux élections législatives). Le 6 avril. il a organisé une soirée, au ,cours de laquelle le film Négritudes, de Jean Schmidt. a été projeté; un débat a suivi. animé paf Jean·Jacques Recht. membre du Conseil national, Cette soirée avait été préparée par un affichage, la diffusIon de tracts et la vente de Droit & liberté, • Dans le cadre de la Journée internationale contre le racisme, la « première li du film de Med Hondo, (( Soleil O!J, à Nancy. s'est déroulée sous l'égide du comité local du M.R.A.P., au cinéma Caméo. • La M.J.C. de Bonneuil-sur·Marne . organise, du 21 avril ail 5' mai, une quinzaine consacrée aux Antilles, comportant des spectacles, des films, une vente de livres, une vente·exposition de produits locaux et d'objets artisanaux, des activités sportives, un bal. ainsi que plusieurs débats. Ceux·ci ont été animés successivement par Jacques Varin, Gérard Dorwling·Carter, MO George·Laure Pau, MO Marcel Manville et Marie-France Antok. Le Festival mondial de la jeunesse Le 28 mars, au cours d'une conférence de presse, le Comité ' français d'Initiative pour le xe Festival mondial de la jeunesse et des Etudiants a. indiqué que 108 p~ys et 400 organisations participeront à ce Festival qui aura lieu à Berlin, du 28 juillet au 5 août prochains. Pendant, 9 jours, 20000 jeunes venus du monde entier vont exprimer leur solidarité ~ux peuples d'Indochine et à tous ceux qui a travers le monde luttent contre le colonialisme, le racisme et le fascisme. Des débats seront organisés sur tous les sujets d'actualité. NOTRE CARN.ET 1 Nous avons appris avec une peine profonde la mort accidentelle de notre ' ami JactJ,Ues MALSAN, qui fut _ l'animateur du com!té de Dij?n du. ~.R.A.P. et qui, depuis plUSieurs annees, dirigeait une Maison de jeunes et de la culture à Nice. Nous expri· mons à sa famille nos très sincères condoléances. DROtT ET LIBERTÉ - N° 320 - AVRIL-MAt 1973 Festival, ce rassemblement le sera aussi par les spectacles qui se produiront, avec le concours de nombreux artistes. Le Comité français groupe une quarantaine d'organisations dont le Centre confédéral de la Jeunesse C.G.T., l'U.N.E.F., l'U.N.C.A.L., le Mouvement de la Jeunesse communiste, l'Union des Etudiants juifs de France, les Pionniers, la C.I.M.A.D.E., les Jeunesses arméniennes de France, la Commission centrale de l'Enfance, la Fédération des Ciné-Clubs Jean Vigo Travail et Culture, etc. La Commission des Jeunes du M.R.A.P. y adhére également; elle participe à toutes ses activités, notamment sur le plan culturel (cinéma). ' Les jeunes adhérents et amis oe notre Mouvement intéressés par le Festiv'al peuvent déposer leur candidature et se renseigner en s'adressant à : Jacques OlMET, M.R.A.p., 120, rue Saint·Denis, Paris (2). Permanence le mercredi après-midi. • Le comité du M.R.A.P. du lycée Honoré-deBalzac, à Paris, a organisé le 6 avril un débat avec la participation d'Albert Lévy. Le film Négritudes a été projeté devant une assistance nombreuse. • Notre comité de Saftrouville (781 a élevé une vive protestation contre la parution, dans le numéro 14 de la revue Sartrouville Actualités, d'un article signé Jean Rispal. où un surprenant amal· game était fait entre les ferrailles, les ordures, la vermine, les bidonvilles et... la population i qrée Le comité demande à la revue que sa lE!il Sil;, publiée dans le prochain numéro. • Un exposé·débat sur le racisme, animé par Serge Krziwkoski aura lieu le 7 mai au ' Club d'information du lycée Saint·Charles à Marseille. Dans cette ville, un comité du M.R.A.P. est en voie de formation à la faculté de médecine. • Le comité du M.RAP. des 3°.4° arrondis· sements de Paris a réuni un public nombreux, le 27 mars, au Centre Culturel de nie Saint·Louis, pour une soirée consacrée au racisme. Animé par Charles Palant, un débat intéressant a eu lieu, à la suite duq.uel plusieurs adhésions ont été enregistrées. • Le comité de Noisy-le-Sec, qui a présenté notre exposition sur les immigrés du 15 au 26 mars, à la M.J.C., la présentera à nouveau pen· dant le week·end des 12-13 mai, au cours d'une manifestation de solidarité aveC' les travailleurs migrants. • Jacques Breton, membre du conseil national. a représenté le M.RAP. au meeting de solidarité avec le Cambodge, le Laos et le Viêt-nam, orga· nisé le 26 avril au Palais de la Mutualité. Désireux de soutenir l'action contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix, J'adhère au M.R.A.P. Nom ........ .. ............. _, .. " ............ .. . _ .. .. .... ,. ....... . Prénom .. ,. ............ _.. . .. ................. _.. . _.. ..... .. .... .. Profession ........................ _.. . .. ..... .. ........ . .. .. . . Adresse ...... ,. .... _.. ......................... _.. . _.. . .. ........ .. Le montant de la carte d'adhésion (à partir de 10 francs) est laissé à l'appréciation du souscripteur, selon ses possibilités; compte tenu de la nécessité d'apporter le soutien le plus efficace à l'action du M,RA.P. Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix· TéL : 231~9·57 . c.c.p, : 14-825-85 Paris. 37 éducation à la Iraternlté Préjugés d'hier et d'aujourd'hui T E numéro 192 de la « Documentation L Pédagogique» (Hachette) consacrée à l'Affaire Dreyfus, a retenu l'attention du C.L.E.P.R. Dans une lettre au directeur de cette publication, Marc-André Bloch, président d'honneur du C.L.E.P.R., en formulait ainsi l'analyse : « Certes, le récit même du développement de l'Affaire (p. 6 et 7) appelle de notre part un peu de critiques. Tout au plus, nous semble-t-il qu'il eût été possible d'éviter: 1. Une équivoque au début, lorsque vous écrivez : « l'adjudant de cuirassiers (. .. ) brise sur son genou le sabre de l'officier coupable (il eût fallu dire : (( de l'officier déclaré coupable par un Conseil de Guerre ») .. et 2. à la fin, un jugement de valeur : le capitaine Dreyfus était un personnage ((falot» .. jugement qui justifié ou non, n'avait que faire dans une analyse historique qui se prétendait objective. (( Mais ce sont surtout les deux petits documents destinés à illustrer votre texte (gravures nOS 2 et 3) qui nous paraissent appeler les plus sérieuses réserves. L'une représente; d'après un supplément illustré Encore les Indiens IL arrive aussi que les jeunes euxmêmes détectent et dénoncent les préjugés qui persistent trop souvent encore dans les livres et publications qui leur sont destinés. C'est ainsi qu'un garçon de 12 ans, Paul Peny, de La Rochelle, a écrit récemment au «Monde Il pour attirer l'attention sur un petit ouvrage éducatif intitulé «Volumétrix Il. Il Y a relevé la légende suivante, sous une illustration représentant des « tipis Il indiens: Il Ces tentes, ornées de motifs étranges et richement décorées, se montent et se démontent avec rapidité. Elles répondent è l'esprit nomade et belliqueux des tribus hostiles à toute civilisation . Il Le jeune correspondant s'indigne légitimement de cette façon de présenter (une fois de plus) les Indiens comme des Il sauvages Il. Afin de justifier, sans doute, les exactions commises contre eux. 38 du Petit Journal, la dégradation du capitaine Dreyfus, sous le titre, en énormes caractères : « Le traître ». L'autre est une affiche de propagande électorale émanant probablement d'une ligue d'extrême-droite et où nous relevons entre autres les deux légendes suivantes : (( Ne votez à aucun prix pour les candidats dreyfusards, défenseurs d'un traître juif justement condamné deux fois par le Conseil de Guerre » .. (( Ne votez à aucun prix pour les Juifs et les Francs-Maçons qui nous A propos de l'affaire Dreyfus volent, qui nous pillent et se sauvent ensuite à l'étranger avec nos économies ». Cette dernière légende sous-tend une image qui représente des juifs aisément reconnaissables à leur ((faciès ». ((' Si nous ne vous soupçonnons pas un instant d'éprouver une sympathie quelconque pour les auteurs de ces deux affiches infâmes, nous devons vous dire par contre qu'en les mettant ainsi sans précautions sous les yeux des enfants, vous nous paraissez avoir gravement méconnu cette vérité fondamentale de leur psychologie : c'est que les images possèdent pour eux une toute autre éloquence et un tout autre pouvoir de persuasion que les discours ou les écrits. Il est fort à craindre qu'ils restent, après avoir vu celles-là, sous leur impression, et qu'ensuite les textes les mieux intentionnés, les plus nettement axés sur l'innocence de Dreyfus, que même vos excellents commentaires de la page 8, ne puissent réussir à en détruire l'effet». Aprés avoir demandé à son correspondant de faire connaître son point de vue sur ces observations, Marc-André Bloch ajoutait en post-scriptum: (( Nous reconnaissons bien volontiers qu'une partie de nos critiques tomberait si votre (( Documentation Pédagogique» s'adressait, non, comme nous l'avons supposé, à de jeunes élèves, mais à des adoles- 'cents, à des lycéens du secon(f cycle, censés être déjà suffisamment entraînés à la lecture et à l'utilisation critiques des documents imagés.. c'est un point sur lequel nous aimerions être fixés ». M.G. Lilamand, directeur de la « Documentation Pédagogique» et des éditions classiques de la Librairie Hachette, répondit aussitôt: « J'ai été consterné que notre publication puisse donner lieu à un semblable malentendu, et je m'empresse de vous préciser à' quel public nous destinons cette revue pédagogique, et de quelle façon elle est utilisée dans les établissements d'enseignement. Je pense que cette mise au point suffira à vous rassurer pleinement. La (( Documentation Pédagogique» ne s'adresse directement ni à de jeunes élèves, ni même à des adolescents collégiens ou lycéens. Ce n'est pas un instrument de travail individuel, comme un manuel d'histoire que l'on peut acquérir chez un libraire et que l'on étudie seul chez soi. Il s'agit d'une revue destinée aux enseignants, instituteurs ou professeurs de C.E.S. C'est un instrument de travail (( collectif», qui est utilisé par les maîtres pour préparer, asseoir ou illustrer leur enseignement. Les pages de textes, auxquels d'ailleurs vous vous plaisez à rendre hommage, sont lues par le maître ou le professeur. Leur niveau d'ailleurs, qui est assez élevé, ne serait pas accessible à des enfants. Les images, elles, dont le format a été choisi pour qu'elles soient commentées à des groupes, sont expliquées, et, comme on dit, (( exploitées» par le professeur. Dans ces conditions, je crois que votre critique tombe d'elle-même, ainsi que vous le suggérez dans votre post-scriptum. Telle image qui risquerait d'être traumatisante si elle était mal interprétée par un enfant seul, prend tout son poids quand l'enfant est guidé par un adulte qui lui en explique la portée. Je ne crois pas, quant à moi, qu'il faille jeter un voile pudique sur les ignominies antisémites, laisser la jeunesse dans l'ignorance du passé, et prendre ainsi le risque que, faute d'informations, elle prête une oreille naïve à des argumentations qui peuvent toujours renaître. Je crois au contraire qu'ilfaut démonter les mécanismes du racismes, et souligner en particulier les assimilations hâtives qui .--. en son/' l'un des ressorts, et que l'affiche électorale de 1902 traduit admirablement bien. Ce n'est' Ras a.utre chose que nous nous sommes donné comme objectif». Il était un capitaine Après examen dé cette réponse par le bureau du C.L.E.P.R., Marc-André Bloch, a écrit à nouveau à M. Lilamand. Après avoir indiqué que les explications reçues sont ft de ft"· · e à diminuer dans une large mesure les . réhensions que vous avions éprouvées _, il i-oursuit : (( Nous nous permettons cependant d'attirer votre attention sur le fait que l'affiche (( Le traître» - de même que l'affiche électorale dont nous vous avions également signalé la nocivité possible -,fussentelles, comme vous le dites, (( exploitées» au mieux par le professeur, risquent ensuite de passer au archives et de tomber entre de toutes autres mains. Peut-être eût-il été bon de les accompagner de ce que nous appellerions une légende de protection, qui pourrait par exemple, en ce qui concerne l'affiche du Petit Journal, être libellée ainsi: (( Voici jusqu'où peut aller la haine raciale» (ou la passion antisémite). « Dreyfus? Connais pas!. .. » 1\ ne faut pas qu'on puisse dire cela. L'excellente collection Plein Vent, destinée aux adolescents, présente « l'Affaire» sous la forme d'un agréable récit romancé, parfaitement documenté , (1). Excellente idée que d'en avoir fait la toile de fond d'une intrigue amoureuse toute simple, et d'avoir su l'insérer dans un panorama de la vie parisienne et française aux années tournantes de « La Belle époque». y sont évoqués le scandale de Panama, les débuts du cinématographe, l'incendie du Bazar de la Charité, les pièces d'Edmond Rostand, mais plus encore l'expédition coloniale de Madagascar, et par-dessus tout l'intoxication antisémite qui servit de bouillon de culture à l'affaire Dreyfus. Les jeunes d'aujourd'hui « s'y retrouveront » dans le personnage central du roman, un jeune journaliste qui n'admet pas que l'on falsifie à Paris les dépêChes qu'il expédie de la I( Grande ile» à son journal. Mais surtout, ils nourriront leur indignation à l'égard de la « raison d'Etat» qui n'hésite pas, prenant appui sur des haines viscérales, à sacrifier sciemment un innocent pour intimider ou couvrir de hauts personnages réellement coupables. Faire lire ce petit livre, c'est prémunir le citoyen de demain contre le retour toujours possible de pareilles ignominies, et c'est aussi raider à comprendre qu'à tout moment il faut être prêt à «s'engager» pour la défense des Droits de l'Homme et la lutte contre toute intolérance. J.P. (1) «II était un capitaine », par Bertrand Solet. Collection « Plein Vent.. aux éditions Laffont, 1972, 230 pages, 11 F, N.B. - Cet ouvrage a obtenu le prix Jean Macé, de la Ugue française de renseignement et de l'éducation permanente, D'autre part, l'objectivité aurait peutêtre voulu qu'en regard de cette affiche calomnieuse fût présentée, s'il eut été possible de s'en procurer une, une affiche illustrant le point de vue des dreyfusards, et l'innocence finalement reconnue de Dreyfus. Des films qui Nous pensons que, dans une matière aussi délicate, on ne · $aurait être trop attentif, ni prendre trop de précautions » ... .... . apprennent a aimer Il est inutile de commenter cet échange de correspondance, qui, soulève des problèmes d'une importance fondamentale, intéressant les auteurs de manuels et textes pédagogiques, mais aussi les enseignants de tous les degrés, dans leur pratique quotidienne. C'est pourquoi le C.L.E.P.R. - avec l'accord, il faut le souligner, de M. Lilamand - a estimé opportun de le rendre public. Le C.L.E.P.R. a publié à plusieurs reprises, dans son ancien bulletin ou dans les pages spécialisées du « Droit et Uberté », des titres de films antiracistes ou, plus positivement, contribuant à l'éducation de la fraternité. C'est aujourd'hui une liste de 175 de ées films qui nous est présentée par Geneviève Legrand, dans le nO 72 «Education à la Fraternité» est la rubrique mensuelle du Centre de liaison des éducateurs contre les p-éjugés raci.aux (C.L.E.P.R.). . Le C.L.E.P.R. développe' ses activités : - En organisant des rencontres et des débats entre éducateurs, tel le colloque de Nanterre sur la scolarisation des enfants des travailleurs immigrés; - Eh 'favorisant les échanges d'expériences entre les enseignants, et en leU1 ' envoyant la documentation qu'ils demandent. '. Il a besoin, po.ur cela, du soutien de tous ceux qui s'intéressent à son action et la jugent nécessaire. MONTANT DE LA COnSAnON l , " Membre aedf: 10 F (donnant droit aux deux numéroSadfu.teIs de Droit A LIMrté où parait un dossier de 8 pages réalisé par le C.t..E.P.R.), 'cette cotisation minimale étant portée à 5 F pour les abonnés l\ Droit A Liberté. . Membre d"'eur : 20 F, Memln ........... : A partir de 30 F •. Adresser les adhésions à' Mlle Renée Baboulê.ne; 50, ~ des Poissonniers, Paris-Ig. avec un chèque postal (3 volets) à l'ordre de Mlle R. Baboulêne, institutrice - ' , C.L.E.P.R. (C.c.P. 18 17135 .. Paris). ' ;. DROIT ET L1BERTË - ND 320 - AVRIL-MAI 1973 (48 trimestre 1972) de Ciné-Jeunes, revue trimestrielle du Comité français du cinéma pour la jeunesse" 6 bis, rue Fourcroy, 75017 Paris. (Ce numéro : 4 F, C.C.P. Jacqueline Dubois, 6729-98 Paris.) Ces films sont classés sous différentes rubriques : Paix et hommes à mieux connaître, Nos amis les animaux, Belles histoires d'amour et d'amitié, Contre la guerre et l'oppression, Contre l'esclavage, le racisme, l'antisémitisme, Problèmes sociaux, Métiers et vocations de la fraternité. Hélas! il est certains de CE1S films dont on ne peut, en France, disposer pour le circuit éducatif et culturel, ainsi que le déplore Raoul Dubois. Par l'intermédiaire des associations de cinéma culturel, des recherches pourraient être entreprises afin de se les procurer. 1\ serait souhaitable que tout film projeté dans le but d'éduquer à la fraternité fasse l'objet de discussions et de débats. La revue CinlhJeunes et les pages « Education à la fraternité» rendraient volontiers compte de telles initiatives, et des réactions provoquées. J.P. 39

Notes

<references />