Différences n°3 - juin 1981

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Sommaire du numéro

n°3 de juin 1981

  • Edito: faut-il nationaliser le monopole du cœur? par Jean-Louis Sagot-Duvauroux
  • Ce que Mitterand a promis de faire contre le racisme par Stephane Mayreste
  • 52 millions de françaises? (femme et nouvelle droite) par Pauline Jacob
  • Actualité: l'affaire Marchandon
  • Wallis et Futuma aux antipodes de la France
  • Des sanctions contre l'Afrique du Sud
  • Les tueurs: internationale des tueurs d'exrême droite (à propos de l'attentat contre le pape) par Claude Picand
  • Les fichiers: on s'occupe de vous par J.P. Giovenco
  • Les enfants de Falls Road (Irlande du nord) par Annick Monot
  • La question d'Irlande: les racines d'une crispation par Maurice Goldring
  • Histoire: Paris massacre ses protestants par Janine Garrisson-Estébe
  • Culture: français, langue métisse par Jean-Louis Sagot-Duvauroux
  • Le pape est mort (Bob Marley) par Marc Mangin
  • L'autre festival (Cannes) par Jean-Louis Mingalon
  • Artiste à la lettre (calligraphie arabe) part Maïten Bousset
  • L'identité perdue des immigrés: présentation du livre "un nom de papier" de Céline Ackaouy par Antoine Spire
  • Tribune des lecteurs: dialogue avec Daniel Mesguich comédien

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N° 3 - JUIN 81 - PRIX 12 F - MENSUEL 1664 de Kronenbourg. L'authentique. Edito FAUT-IL NATIONALISER LE MONOPOLE DU COEUR? N ombreux sont les immigrés qui, le 10 mai, tinrent à descendre dans la rue pour célébrer la victoire de la gauche aux élections présidentielles. J'en ai vu qui criaient: "Vive la France". J'en ai rencontré un qui avait intentionnellement laissé sa carte de séjour à la maison, non sans en relever prudemment le numéro sur un morceau de papier. Les embrassades généralisées ne firent, cette nuit-là, de distinction ni de couleur, ni d'accent. Le lendemain, dans le métro, à la station Opéra, deux jeunes femmes se faisaient copieusement insulter par un clochard yougoslave au dernier degré de l'imprégnation alcoolique. L'une d'entre elle laissa tomber: "Enfin! Maintenant, on va bientôt être tranquille. Mitterrand va donner un bon coup de balai là dedans:'J'essayai vainement de l'informer plus exactement sur les intentions proclamées du nouveau président mais ne réussis qu'à provoquer une déception incrédule de sa part et une réflexion acerbe de son accompagnatrice, une Antillaise. Avec Bouvard, Pécuchet, Sempé, Joseph Prudhomme et bien d'autres, j'en déduisis que rien n'est simple! Valéry Giscard d'Estaing avait, en 1974, lancé à François Mitterrand, son concurrent malheureux d'alors, la célèbre formule: "Vous n'avez pas le monopole du coeur". Il est vrai que son action ultérieure n'allait pas plaider l'exemple. Milliers de jeunes expulsés alors qu'ils ne connaissaient de pays que la France, généralisation des contrôles au faciès, lois et mesures indignes condamnées par tout ce que le pays compte d'autorités morales, jusqu'à la lamentable affaire Marchaudon où le ministère public demande une peine symbolique pour le policier qui a froidement achevé, dans le dos, la petite frappe algérienne qu'il avait déjà maitrisée, il n 'y a pas là de quoi convaincre. Et pourtant, l'ancien président n'avait pas tort. Heureusement! La France du coeur, la France antiraciste a une géographie qui ne recouvre pas les étroites limites des sympathies politiques. C'est l'honneur de plusieurs nobles voix de l'ancienne majorité que d'avoir dénoncé la constitution, en France, d'un racisme d'Etat. L'élection de François Mitterrand ouvre indiscutablement des possibilités pour un changement de cap. Il serait idiot et malsain que ceux qui, pour d'autres raisons, n'ont pas voté à gauche soient exclus du mouvement qui va naître pour améliorer les relations entre les diverses communautés vivant en France. D'autant plus que les lois et mesures racistes abolies, il restera beaucoup à faire pour changer les mentalités, combattre les idées inégalitaires qui disposent de supports puissants, créer la rencontre qui ne se décrète ni ne s'impose. Si nationaliser veut dire: rendre à la nation toute entière, alors oui, il faut nationaliser le monopole du coeur. Jean-Louis SA GOT-DUVA UROUX 3 EVENEMENT 7 CE QUE MITTERRAND A PROMIS DE FAIRE CONTRE LE RACISME Les immigrés, le Tiers-Monde, l'Afrique du Sud, Israël, l'antisémitisme et toutes les questions touchant à la lutte contre les discriminations et pour le rapprochement des peuples. Stéphane MA YRESTE ACTUALITE 14 52 MILLIONS DE FRANCAISES Pour la nouvelle-droite, la démocratie est une idée de femme. Pas étonnant, elles ont le cerveau moins lourd que les hommes! En apportant à l'Europe les idées de liberté, la France est-elle devenue une nation femelle '? Pauline JACOB NOTRE TEMPS 20 LES TUEURS "II n'a pas agi seul" titrent les journaux italiens. La tentative d'assassinat du Pape par un jeune faciste turc nous a fait enquêter sur l'internationale des tueurs. Claude PICANT NOTRE TEMPS 24 LES FICHIERS : ON S'OCCUPE DE VOUS Les fichiers ne deviennent dangereux que lorsqu'ils flirtent l'un avec l'autre . Pour les immigrés, c'est déjà fait. A l'armée, leurs enfants ont le même code que les repris de justice. Jean-Pierre GIOVENCO AILLEURS 30 LES ENFANTS DE FALLS ROAD Sous l'oeil des caméras électroniques, les enfants de la Belfast catholique tien nen t la rue. Annick MONOT CONNAÎTRE 36 LA QUESTION D'IRLANDE Les racines d'une crispation tragique plongent dans une histoire de guerres et de famines. Maurice GOLDRING HISTOIRE PARIS MASSA-.... .............. SES PROTESTANTS Le massacre de la Saint-Barthélemy n'a pas été un coup de tonnerre dans un ciel serein. Janine GARRISSON-ESTEBE CULTURE 45 LE FRANCAIS, LANGUE METISSE Des lois sont prises pour protéger la langue française des anglicismes. Et pourtant, des mots venus des cinq continents l'ont enrichi, s'y glissant sans carte de séjour. Jean-Louis SAGOT-DUVAUROUX MUSIQUE 48 LE PAPE EST MORT On l'appelait le pape du reggae . Bob Marley est mort à 36 ans . Le reggae reste. Marc MANGIN SPECTACLE 50 QUEL CIRQUE Le cirque de Pékin à Paris : acrobatie d'outre-Himalaya. Une expo : la parade en affiches. Marie MERCIE LIVRES 54 L'IDENTITE PERDUE DES IMMIGRES Le livre s'empare d'un problème de société décisif: la nouvelle génération issue de l'immigration ... Antoine SPIRE Les photos en couleurs du cahier central sont de Claude Grandveaud/ Sepia Chistoire Numéro 28 Le fascisme en France Numéro 28 Les Indo-européens ont-ils existé? Numéro 17 Les origines intellectuelles du racisme en France Numéro 26 Les frères musulmans Numéro 34 La gauche et les Juifs Numéro 3 La fin des vagabonds Numéro 15 Histoire de la peine de mort ~ ___ I-_____ ---- Bon de commande ~ (J1 M ________________________________________ OO ADRESSE __________________________________ __ Dcommande les numéros: _________________ (le nO 15 F) o souscrit un abonnement d'un an (11 nOS) au prix de 140 F, Je règle aujourd 'hui la somme de ____________________ __ par 0 CCP Dchèque bancaire Dmandat postal. à l'ordre de L'Histoire, A retourner accompagné de votre réglement à L'Histoire, 57 rue de Seine - 75006 Paris, Sommaire ______ J Ce mois-ci, Daniel MESGUICH, comédien, répond au courrier des lecteurs de Différences (page 56). ~ 0 3 " na 81 · PRIX 12 F - ME, 'Sl n, III.,HJU::ICES ,"a~aline mensurl édi'é pur la SEI (Sudélé des l':di'iolls Différences •• 89. rue Oberkaonpl' - 75011 l'aris - Tel. : 806.88.33 - lIirec .. ur de la publica'iun : Alber' I.E"Y . !\b O Il I1~ Il1 C llI : 1 an 140 F ; 1 an e'ranger 170 . ' ; 2 ans 270 F : 6 mui, 75 1: - E'udian's c' cho· mrurs : 1 an 120 .. : 6 muis 65 ... Joindr(' lIlle )1hol ol..'opi (.' de la carte u 'éludian! ou de la ca rl e dc poin tage - Sou'ien : 200 F - Abunnemen' d'bounrur : 1 000 . ' - Rédact eur Cil chef; .JeanLuuis SA(;OT-IHI" AUROUX - Direct,,,,,, . Michel HAGEGE - Che f, dc rubriquc : Jr.n· l' je r .. · GIO\'E~CO. Rober' PAC, Anue I.AURENT - Conccp tion ct r'"li,ation : Philippe TROJAN· Ie o nugraphie : Alain "O~TERAY - Ont collabo re ù ce nUllléro : S'l'phone MA , '. RESTE. Panline .JACOH, Claude PICANT, Annick MONOT. Maurice GOLDRING. Janine GARRISSOI.. . ·ESTEHE. Marc MANGIN. Mari. MERCIE • .Jran-Loui, MI~(;ALON. Maï- , 'en 1I0l.jISS,ET. An'oine SPIIU:. Daniel MESCUISH . JOZ - Photo de coOVcrture : Abdela· hak SEi'iNA - Diffu , ion NMPP - P romotion et ventc: Marie-Chri,'ine LUCAS· Compta bilit e; Kbal.d DEHHAH - Sec rétariat: Danièle SIMO:l - :si ulll cro de commiss ion pa ri ta ire; 63634 - Pho to L'ompositio ll ct pho togravure: t\rl Compo - Imprc,,,ion : ImprimerÎ\' Dulal' c' Jardin . CHAQUE MOIS, CE QU'IL FAUT __ RETENIR DE LA MUSIQUE. Le nouveau Monde de la Musique: 128 pages en couleurs sur le jazz,le rock, 'la musique classique, la chanson. A l'intérieur, un agenda détachable; 48 pages sur papier bibl1e, tous les concerts en Fra nce, toute la da nse, tous les livres, tous les disques. Devenez incollables en musique, abonnez- vous au Monde de la Musique 1150 Fies 11 numéros dont 1 doubleL Envoyez votre chèque au Monde de la Musique, Service Abonnement : 89, boulevard Sébastopol, 75002 Paris.Tél. 233.58.51. Actualité Les questions liées au racisme n'ont pas échappé à la campagne présidentielle qui s'est terminée par l'élection du Président Mitterrand. Le chef de l'Etat a pris à cet égard de nombreux engagements ... CE QUE MITTERRAND A PROMIS DE FAIRE CONTRE LE RACISME , 'Je suis étranger, je n'ai pas voté. Si j'avais pu le faire j'aurais choisi A1itterrand." Cette phrase, on l'a entendue des dizaines de fois dans la nuit du JO au Il mai, aux abords de la place de la Bastille, du côté de l'avenue de Champs-Elysées et vers la place Saint-Michel, après l'accession de François Mitterrand à la présidence de la République. Les immigrés, de l'avis de tous les observateurs, étaient très nombreux à chanter, à crier, à danser autour des braseros et des feux de joie. Le phénomène n'a pas revêtu uniquement un caractère parisien puisque des scènes similaires ont été signalées dans la plupart des grandes villes de France. Notamment à Marseille où Français et immigrés ont dévalé la Canebière, vers le Vieux Port, sous la pluie, en rappelant l'indispensable nécessité de la solidarité. Une question revenait souvent sur les lèvres: que va faire Mitterrand? La situation s'améliorera-t-elle vraiment pour les immigrés? La loi Bonnet, la circulaire Stoléru, le décret Imbert seront-ils, ainsi que le demande le MRAP, abrogés? Pour répondre à ces interrogations, nous nous sommes penchés sur le programme de François Mitterrand et sur celui du parti socialiste. Pour I~s immigris : igaliti d~s droits ~t droit à la diffir~nc~ Dans une déclaration faite à la LICRA et reproduite dans son bulletin "Le Droit de Vivre", François Mitterrand rappelle ses positions concernant l'immigration. "Je suis profondément opposé à toutes les mesures qui portent atteinte aux droits, à la dignité, à la sensibilité et aux 7 Actualité libertés des individus. De là procède ma proposition d'une politique d'insertion sociale garantissant aux immigrés l'égalité des droits et le droit à l'identité. Plus précisément, cette politique s'articulerait autour des points suivants: 1) Une immigration contrôlée, prévue dans le plan, négociée avec les pays d'origine. Dans la situation actuelle, je ne préconise pas la réouverture desfrontières (dont la fermeture a été décidée par le gouvernement en 1974), mais je garantirai l'interdiction des mesures arbitraires et discriminatoires aux frontières, le droit au regroupement familial et l'accueil de réfugiés politiques. De plus, ce serait justice élémentaire que de régulariser les "sans papiers ". 2) L'égalité des droits garantie par les mesures suivantes : • Carte d'identité de dix ans, renolivelable sans condition d'emploi. Suppression du recours à l'expulsion systématique pour les infractions anciennes et bénignes. Suppression des réglementations restrictives concernant le droit à l'emploi. Droit d'expression, droit d'association (abrogation du décret-loi de 1939), droit de vote aux élections municipales (après cinq ans de résidence en France). Démocratisation et régionalisation du FAS. 3) Développement du droit à la différence, à l'identité par la promotion de la langue et la culture d'origine. De plus, une politique d'insertion sociale reposant sur une approche globale sera mise en oeuvre. La sédentarisation de l'immigration nous appelle à "vivre et travailler ensemble": celle cohabitation requiert une réelle politique d'accueil assurant le logement, la formation et la santé. " Les menaces qui pèsent sur la "nouvelle génération" ont également retenu l'attention de François Mitterrand. Il a envoyé aux grévistes de la faim de Lyon qui protestaient contre l'expulsion des jeunes immigrés nés en France le message suivant: "C'est une atteinte aux Droits de l'Homme que de séparer de leurs familles et d'expulser vers un pays dont, bien souvent, ils ne parlent même pas la langue, des jeunes gens nés en France ou qui y ont passé une partie de leur jeunesse. Ces pratiques sont inacceptables. Si je suis élu président de la République, je demanderai au gouvernement d'y mettre immédiatement fin et de présenter les dispositions législatives nécessaires pour que nul désormais ne puisse )' avoir recours. " Les violences racistes et antisémites qui ont culminé avec l'assassinat de travailleurs immigrés et l'attentat de la rue Copernic sont encore dans toutes les mémoires. Au cours de la campagne électorale, François Mitterrand a indiqué quelles étaient les mesures qu'il comptait prendre pour réduire cette menace. "L'actuelle recrudescence du racisme et de l'antisémitisme, a-t-il déclaré, qui réveille notre mémoire me semble extrêmement préoccupante. Je pense qu'il faut d'abord enrayer cette montée de la violence raciste et antisémite en mettant fin à l'immunité dont jouissent aujourd'hui ses auteurs. Les opérations d'identification et de démantèlement des réseaux terroristes doivent être menées avec détermination et promptitude afin de ne pas laisser une impression d'impunité à de tels actes. Mais à cette réponse ponctuelle et répressive doivent s'ajouter d'autres actions préventives. La lutte contre la propagande raciste, antisémite et pro-nazie doit être conduite dans un esprit de fermeté en veillant à un respect très strict de la loi du 1er juillet 1972. Si l'arsenal législatif existant s'avère insuffisant, je serais prêt à demander que soit soumis au Parlement un projet de loi renforçant les moyens d'action contre le racisme et l'antisémitisme. Enfin, je considère comme une tâche prioritaire de reconstituer, d'entretenir la mémoire collective qui peut sembler aujourd'hui quelque peu défaillante - notamment par l'école, la télévision, le cinéma. C'est pourquoi, président de la République, je soutiendrai toute initiative allant en ce sens. " Larg~ dic~ntralisation ~n Outr~·M~r De nombreux resso rt issants des DOM-TOM travaillent et vivent en France . A leur intention, François Mitterrand a publié dans l'édition DOM de Combat socialiste un long article dans lequel il explique comment il entend régler les difficultés auxquelles sont con frontés les départements d' outremer. "L'attachentent à la métropole, écritil, ne doit pas inéluctablement se traduire par l'enchaÎnement sans merci au capitalisme et au colonialisme. La majorité de nos concitoyens d'outre-mer relèvent que les institutions qui les régissent sont inadaptées au développement qu'il serait nécessaire de conduire. Faut-il pour autant et sans appel les exclure de la communauté nationale et les mettre au ban de l'anti-France ? Ne devrait-on pas plutôt ouvrir enfin, dans des conditions saines et démocratiques, un dialogue franc et libre et reconnaÎtre à chacun son identité, son droit à se réaliser et les moyens d'y parvenir? Ne va-t-il pas de 8 soi que les Antillais, Guyanais et Réunionnais doivent avoir le droit de travailler, de vivre là où ils sont nés plutôt que d'être contraints à l'exil, au déracinement. Pour ma part, j'entends qu'une large décentralisation en outre-mer comme en métropole permette de donner aux élus du suffrage universel la direction des affaires locales et que ces mêmes élus soient consultés sur les accords internationaux concernant leur environnement régional." Ainsi, M. Mitterrand préconise-t-il la création d'un conseil départemental élu au scrutin proportionnel, doté de pouvoirs élargis et de véritables moyens jïnanciers ainsi que le maintien de la globalisation de l'aide actuellement versée aux départements. Néanmoins, sa répartition sera décidée par les seuls élus locaux . Lors du débat qui l'a opposé à M. Giscard d'Estaing, François Mitterrand a regretté de n'avoir pu évoquer la question du Tiers-Monde . Dans un entretien accordé au journal catholique La Croix (18 avril 1981), l'actuel préside. nt de la République a comblé cette lacune. Après avoir constaté que 50 millions d'êtres humains meurent de faim chaque année, que 800 millions d'êtres humains sont en état de pauvreté absolue, il s'est posé la question suivante: "Colt/ment parler des Droits de l'Homme quand le premier de ces droits, lIIanger à sa faim, n'existe pas ?" "Pour un socialiste, a-t-il ajouté, l'exigence de solidarité entre les hommes justifie un effort réel des pays les plus riches vis-à-vis des plus pauvres. C'est pourquoi je m'engage à ce que la France alleigne les 0,7 % du PNB d'aide publique (hors DOM- TOM) auxquels elle s'est engagée dans les instances internationales. L'aide au Tiers-Monde n'est : pas seulelnenl une obligation Inora/e, ' ~ c'est également une politique conforme à nos intérêts les plus essentiels. Un transfert de revenus supplémentaires vers les pays pauvres provoquera une relance internationale de la consommation se traduisant par des commandes de machines et d'aliments que nos industriels et nos agriculteurs peuvent produire... 1/ faut agir dans deux autres directions: 1) Etablir de nouveaux types de coopération qui favorisent le développement des cultures vivrières. 1/ ne s'agit pas d'accrOÎtre les dépendances extérieures des pays du Tiers-Monde mais de contribuer effectivement à leur développement. 2) Participer activement à l'établissement d'un I/ouvel ordre économique international, base de relations internationales plus justes. Le dialogue NordSud n'est rien si les pays développés ne s'engagent pas franchement sur des questions comme le moratoire de la dette des pays les plus pauvres, la stabilisation des cours des matières premières, la réforme du système monétaire international. Enfin, j'ajoute que la meilleure façon d'aider le Tiers-Monde est de modifier notre modèle de développement pour que notre abondance ne se fonde plus sur leur misère . .. L'élection de François Mitterrand à la présidence de la République va conduire, sans aucun doute, à un changement d'attitude à l'égard de la patrie de l'apartheid, l'Afrique du Sud. Lors de la campagne électorale, François Mitterrand l'avait laissé entendre: "Je peux vous préciser qu'une telle politique s'appuiera sur une révision de nos rapports avec l'Afrique du Sud, notamment en ce qui concerne les ventes d'armes, et sur une attitude active de la France dans les organisations internationales lors des débats et initiatives en faveur de la justice et de la paix" écrivait-il le 7 mai dernier au mouvement anti-apartheid, MAA/CAO. D~s sanctions contr~ l'Afriqu~ du Sud Propos confirmés quelques jours plus tard, le 21 mai, par Lionel Jospin, à la "Conférence internationale sur des sanctions contre l'Afrique du Sud". Parlant au nom de son parti, le Premier secrétaire du PS a déclaré, à propos de la Namibie: "Le parti socialiste a toujours reconnu l'autorité légale des Nations Unies et a dénoncé, à maintes reprises, les obstacles opposés par le reg/Ille de Prétoria à la marche de la Namibie vers l'indépendance. Notre parti soutient les résolutions 431 et 435 du Conseil de sécurité ... Comme vous tous, il s'est indigné de ce que, une fois encore, l'Afrique du Sud ait cru devoir/llettre en cause l'impartialité de l'ONU lors de la conférence de Genève. Enfait, l'Afrique du Sud a toujours considéré la Namibie comme sa cinquième province, ce qui ne saurait être accepté. " Lionel Jospin a continué ainsi: "Nous réaffirmons avec force le principe de base de tout règlement: la Namibie a le droit à l'indépendance et les Namibiens à la liberté. " Après avoir indiqué que c'est la politique de Prétoria qui est en cause, stigmatisé un pouvoir basé sur le racisme qui constitue une mel/ace permanente pour la paix et un obstacle fondamental au développement africain, souligné qu'il est faux et illusoire de prétendre que le développement économique engendrerait une désintégration progressive du système d'apartheid, il a rappelé les mesures préconisées par le PS : "L'arrêt de tout commerce avec la Namibie, et notammel/t de l'importation d'uranium, la réduction, dans des délais compatibles avec les contraintes techniques, des importations françaises en provenance d'Afrique du Sud, l'interruption de tout investissement public et de toute aide aux investissements privés, sans parler d'un embargo total sur les armes. Mais ces sanctions, a ajouté Lionel Jospin, doivent aller de pair avec un soutien accru aux pays de la ligne de front sur lesquels l'Afrique du Sud fait DIFFÉRENCES JUIN 81 peser de lourdes menaces. " Il a conclu son intervention en affirmant qu'un gouvernement de gauche doit apporter son soutien politique et diplomatique et une assistance humanitaire aux réfugiés et militants des mouvements de libération d'Afrique du Sud et de Namibie. L'accession de François Mitterrand à la présidence de la République n'a pas déchaîné l'enthousiasme des pays arabes. Le nouveau président passe en effet pour un ami fidèle de l'Etat d'Israël. Dans une interview à l'Arche (avril 198I), il énonçait les principes suivants : "j'ai approuvé le processus qui devait conduire à la paix entre l'Egypte et Israël: la visite du président Sadate en Israël, les accords de Camp David ... Quand au fond du problème, j'ai parlé à mes amis israéliens du droit des Palestiniens à disposer d'une patrie alors qu'au Caire, en 1975, avec le président Sadate et à Alger, en 1977, avec le président Boumédienne, j'ai réaffirmé que rien ne serait possible sans recol/naissance, par les pays arabes, du droit d'Israël d'exister dans des frontières sûres et recol/nues." A propos de l'OLP, François Mitterrand déclarait au CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France): "S'il apparaissait que l'OLP est à l'origine d'attentats commis en France, la présence de son bureau à Paris devrait être remis en cause. " Ces prises de position représententelles une remi se en cause fondamentale de la politique traditionnelle de la France en la matière? Le fait le plus saillant, en dehors d'une sensibilité générale plus "pro-israélienne", tient surtout dans l'approbation du processus de Camp David . Il ne semble pas, pour autant, qu'il faille s'attendre à des bouleversements spectaculaires dans un sens ou dans un autre, la reconnaissance des droits respectifs à l'existence des Palestiniens et de l'Etat d'Israël bénéficiant en France d'un très large consensus. Un grand nombre des intentions annoncées par le président Mitterrand lors de sa campagne ne pourront être mises en oeuvre qu'après l'élection législative. Pour ce qui est du large domaine réglementaire qui est du ressort du gouvernement, les choses pourraient changer rapidement. C'est en tout cas ce qu'a demandé le MRAP qui préconise un moratoire concernant les expulsions d'immigrés, la régularisation des "sans papiers" et des mesures immédiates de rétorsion contre l'Afrique du Sud. Les semaines qui viennent devraient nous fixer sur le rythme et l'étendue des transformations promises par le premier président de gauche de la 5e République. Stéphane MA YRESTE Actualité 1er MAI INSCRIPTIONS ANTISEMITES ANIMES NIMES o L'évêque de Nîmes exprime sa "révolte" après l'apparition , dans le courant de la semaine, de croix gammées et d'inscriptions néo-nazies sur les vitrines de deux magasins tenus par des Juifs. AFRIQUE DU SUD o Le "Parti National" remporte une confortable victoire aux élections législatives. Le "Parti Progressiste Fédéral" , qui représente l'opposition libérale au Parlement et qui prône une table ronde avec les leaders noirs pour résoudre les problèmes raciaux, réalise une percée remarquée avec 26 sièges (contre 17 en 1977). Rappelons que seuls les Blancs ont le droit de vote . 2 MAI TOULOUSE o Trois attentats sont perpétrés contre les locaux d'organisations d'extrême-gauche ou libertaires à Toulouse . Ils sont revendiqués par une organisation inconnue jusqu'à ce jour des policiers, la "Mangouste" . 3 MAI o Des inconnus barbouillent au cours de la nuit les murs de la petite commune de Raon-l'Etape dans les Vosges de croix gammées et de slogans antisémites. Les inscriptions portent en signature le sigle de l'ex-FANE. R.F.A. r La " Journée Internationale de Dachau", commémorant la libération du camp par les forces alliées en Mai 1945, est célébrée à Dachau, en Bavière, en présence de délégations de presque tous les pays européens. o Avec la bénédiction des autorités ouest-allemandes, une manifestation se déroule à Ausbourg pour réclamer la libération de Rudolf Hess, l'ancien adjoint de Hitler. 300 personnes défilent dans les rues. On signale en outre la présence de néo-nazis français, hollandais et espagnols. 5 MAI LA MORT DE BOBBY SAND o Décès de Bobby Sands, le militant de l'lRA qui poursuivait depuis 66 jours une grève de la faim à la prison de Maze pour obtenir le statut de prisonnier 10 politique. Il avait été élu membre GRENOBLE du Parlement britannique Ic Une semaine après l'annonce de 10 avril dernier. l'arrêt, pendant 3 mois, des AFRIQUE DU SUD o L'évêque anglican noir sudafricain, Desmond Tutu, se prononce en faveur de "l'excommunication" des membres de l'église anglicane sud-africaine qui soutiennent l'apartheid. S'adressant à la conférence annuelle du Conseil Sud-Africain des Eglises (SACC), l'évêque ajoute qu'on ne peut êire chrétien et pratiquer l'apartheid. 6 MAI LE LOURD PASSÉ DE M. PAPON Le "Canard enchaîné" accuse le ministre du Budget, M. Papon, d'avoir concouru à la déportation de 1 890 Juifs pendant l'occupation allemande alors qu'il était secrétaire général du préfet de Bordeaux. MASSY o Mille personnes défilent clans les rues de Massy (Essonne) pour témoigner leur solidarité aux 21 travailleurs tunisiens qui font la grève de la faim depuis le 22 avril dans cette localité pour protester contre les expulsions dont ils sont menacés. expulsions de jeunes immigrés de la "nouvelle génération", un Algérien de 23 ans, près de Grenoble, reste sous la menace d'une expulsion. On lui reproche des ... infractions au code de I.a route. PARIS o Une manifestation en faveur du dissident soviétique Anatoly Chtcharansky se déroule à Paris. Elle est organisée par le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRI F), la LIeRA et les comités de soutien aux Juifs d'URSS, à l'appel de Mme Avital Chtcharansky. MRAP Un périodique con fidentiel, "Le Colporteur", violemment antiarabe, est poursuivi en justice par le MRAP pour provocation à la haine raciale. 7 MAI LEMRAP S'ADRESSE A INTERPOL o A la suite d'un article paru dans Différences, le MRAP, au cours d'une conférence de presse, demande à Interpol de recevoir la Commission Nationale de Bob Marley est mort. l'Information et des Libertés (CNIL). Les fichiers des Juifs établis sous l'occupation pourraient, en effet, se trouver dans les locaux de l'Internationale policière. Interpol refuse de répondre favorablement à la demande du MRAP. BAGNEUX o Deux jeunes gens âgés de 16 et 18 ans, interpelés par la Police, avouent être les auteurs de la profanat ion des 81 tombes du cimetière juif de Bagneux. 8 MAI AFRIQUE DU SUD o Devant une conférence organisée par l'Organisation Internationale du Travail (OIT) à Livingstone en Zambie, un dirigeant syndicaliste noir déclare que plus de 50 000 enfants noirs sont morts de faim en 1980 dans les régions rurales de l'Afrique du Sud. IRLANDE DU NORD o Un nouveau prisonnier républicain irlandais entame une grève de la faim pour obtenir le statut de prisonnier politique. Trois autres militants de l'IRA observent déjà une grève de la faim depuis plusieurs semaines . L'un d'eux, Francis Hugues qui en est à son 5Y jour de grève, est dans un état grave. TENSION AU PROCHE-ORIENT C Israël envoie une nouvelle brigade blindée au Sud-Liban alors que la tension reste vive entre l'Etat hébreu et la Syrie. 9 MAI NOUVELLE GREVE DE LA FAIM CONTRE LES EXPULSIONS D'IMMIGRES Treize immigrés tunisiens entament une grève de la faim dans l'église Saint-Pierre à Chalon-sur-Saône, pour protester contre la politique suivie en matière d'expul sion et de délivrance de cartes de séjour et de travail. Il MAI DECES DE BOB MARLEY r.J Le "Pape du Reggae", Bob Marley, meurt à 36 ans d'un cancer généralisé dans un hôpital de Miami, en Floride. AUDINCOURT C Le maire communiste d'Audincourt (Doubs) intervient auprès du préfet pour demander l'annulation de la mesure d'expulsion prise à l'encontre d'un Algérien de 25 ans ayant vécu en France depuis l'âge de 3 ans. Il est depuis octobre sans travail et sans logement en Algérie, alors que sa famille est en France . [J Deux adolescents ont été tués et une vingtaine de personnes blessées au cours des trois jours d'émeutes de Reiger, faubourg de Johannesburg, réservé aux métis et aux Indiens. R.F.A. Pour faire pression sur l'Assemblée du Conseil de l'Europe réunie à Strasbourg et réclamer le rétablissement de la démocratie dans leur pays, 150 Turcs travaillant en Allemagne s'installent sur la rive française du Rhin, à Khel, où ils entament une grève de la faim. 12 MAI VICTOIRE DES TUNISIENS DE MASSY o Les 21 travailleurs tUl1lSlenS de Massy (Essonne) cessent leur Il \.1 l' grève de la faim après avoir obtenu la régularisation de leur situation. U.S.A.

] Un nouveau cadavre, celui

d'un jeune Noir de 17 ans. est découvert à Atlanta. C'est le 27 enfant noir assassll1e à Atlanta depuis le mois de juillet 1979. IRLANDE DU NORD C Un second républicain irlandais, Francis Hugues, meurt à la prison de Maze, près de Belfast, après 59 jours de grève de la faim qu ' il menait pour obtenir le statut de prisonnier politique. R.F.A. o A Dusseldorf, les défenseurs des anciens responsables du camp de concentration de Maidanek, en Pologne, demandent l'acquittement de leurs clients. Le procès a commencé en 1975. 13 MAI UN MINISTRE SUD-AFRICAIN EST REÇU AUX ETATS-UNIS o Le ministre sud-africain des Affaires étrangères, M. Roelof pik Botha, arrive aux Etats-Unis . Il y rencontre le secrétaire d'Etat, M. Alexander Haig. o Le "Canard enchaîné" publie de nouvelles révélations sur les activités de M. Papon durant l'occupation . Celui-ci se refuse à toute déclaration. Le Comité départemental de la Gironde des Anciens Combattants de la Résistance estime qu'il faut instruire l'affaire Papon . 14 MAI ATLANTA PROTEGE SES ENFANTS NOIRS o Les responsables de la ville d'Atlanta commencent à organiser un véritable encasernement des jeunes Noirs de la ville dans des camps pendant la période des vacances, pour empêcher que ces enfants ne traînent dans les rues, et soient ainsi à l'abri de toute "agression" . FRANCE o Conséquence de l'élection présidentielle: l'élaboration des circulaires d'application portant sur les contrôles d'identité légalisés par la loi "Sécurité et liberté" n'a pu être menée à son terme. Ces circulaires ne peuvent donc pas être appliquées, 1\.1 ' Il Une banque française "natiooalisable" installée en Afrique du Sud et en Namibie. La force d'une chaine est celle de son plus faible maillonmais tous nos maillons sont forts! \11(1 · a~ II ... . \ ~ \h ·'lT t .. · t" ' l"UlhJlI(': tr.ln p " rl III r ttu H'~ ";{l r an (;( ~

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,: ,:! , , f ' ! : ,~ Hl .F Charles.; '.:~tU~" ~' ~·;;.~~\:.~ tf,/'::,:;;,,·.~;: "r '~:': 'W:IT . :,' H j fi Il);'h fi, Ht trnl.tin "" . ,;;,' -" ., . 1 · " ,"A. , 1. ~ -":. " 1'" ! .. " "' : . " ,., \,.\,: i ::i : :1 ! ' ,~ ,,:':!:l . !, ' "("",,,'1..1,\ !:,." ';:tl"'r,', ',1 ( .t \-""(!fil"!': u ni .;::. IIV.: li l;'h :1 Le pasteur Oen Cha\'is au bureau national du MRAP. FRANCE o La Ligue Internationale contre le Racisme et l' Antisémitisme (LICRA) ainsi que le MRAP demandent l'ouverture d'une information judiciaire sur les activités de M. Papon alors qu'il était secrétaire général de la préfect ure de la Gironde sous l'occupation allemande, 15 MAI U .S.A.-U .R.S.S. o Le secrétaire d'Etat amencain, M. Alexander Haig, révèle qu'il a remis personnellement à l'ambassadeur d'Union Soviétique à Washington le texte d'une résolution votée par le Sénat et appelant à la libération du dissident soviétique Anatoly Chtcharansky. 17 MAI MANIFESTATION EN FAVEUR DE LA PAIX A TEL-AVIV o Plusieurs dizaines de milliers de manifestants israéliens crient leur volonté de paix en défilant dans les rues de Tel-Aviv aux cris de "Paix maintenant", "Nous ne voulons pas la guerre au Liban" et "Begin démission". AFRIQUE DU SUD

J M, Pik Botha termine sa

visite officielle aux Etats-Unis. A l'issue de ses entretiens avec M. Botha, le secrétaire d'Elat, M. Alexander Haig, a insisté sur "le climat de plus grande confiance" qui s'était établi entre Washington et Pretoria. U.R.S.S. L'émigration d'URSS des citoyens soviétiques d'origine juive a sensiblement diminué ces derniers temps, Selon des statistiques américaines, 21 471 personnes ont émigré l'an dernier - contre 51000 en 1979 - et 4 661 au cours des 4 premiers mois de 1981. Une minorité d'entre elles s'installent en Israël. 18 MAI FRANCE U M, Papon demande la création d'un "jury d'honneur", composé de résistants authentiques, "pour juger de son passé durant l'occupation allemande". 19 MAI NICE U Marc Gillet, 22 ans, membre de l'ex-FANE dans les AlpesMaritimes, est condamné à 18 mois de prison dont 15 avec sursis par le tribunal correction- 12 nel de Nice pour "menaces de mort par écrit, provocation à la haine raciale, à la haine et à la violence" et "détention d'armes de première catégorie". PRISON AVEC SURSIS POUR LE BRIGADIER MARCHAUDON 'J Le brigadier Marchaudon, qui avait abattu froidement "à bout touchant" de plusieurs balles dans le dos un jeune Algérien de 20 ans, désarmé et tombé à terre, est condamné à cinq ans de prison avec sursis, Les jurés ont retenu l'inculpation de coups et blessures volontaires, mais ils ont considéré qu'ils n'avaient pas été donnés avec l'intention de tuer! 20 MAI LE PS FAVORABLE A DES SANCTIONS CONTRE L'AFRIQUE DU SUD o La "Conférence internationale sur des sanctions contre l'Afrique du Sud" organisée par les Nations Unies et l'Organisation de l'Unité africaine s'ouvre à Paris au palais de l'Unesco. '\.1 l' Lionel Jospin. M. Lionel Jospin s'y prononce plainte contre celui-ci. en faveur de sanctions contre l'Afrique du Sud, SAINT -QUENTIN C Deux policiers comparaissent devant le tribunal correctionnel de Saint-Quentin pour avoir sauvagement battu un Ghanéen de 26 ans. Entre autres sévices, ils avaient obligé le jeune homme à boire dans la gamelle de leur chien, à quatre pattes. BELGIQUE J Un responsable du parti social-chrétien est accusé de financer l'extrême-droite. IRLANDE DU NORD o Le résultat des élections municipales marquent le triomphe des partisans d'une ligne "dure" à l'égard des républicains irlandais. 21 MAI AFFAIRE PAPON . REVELATIONS DU MRAP IRLANDE DU NORD o Un troisième grévisre de la faim irlandais, Raymond McCreesh, meurt à la prison de Maze, près de Belfast. 22 MAI SOLIDARITE AVEC LA NAMIBIE Tenue à Paris d'un meeting de solidarité avec la lutte de libération de la Namibie, organisé par l'AFASPA, le MRAP et le MAA-CAO. y participent les leaders des mouvements de libération namibiens, Le pasteur noir américain Ben Chavis, l'un des respon sables du "Mouvement pour l'Egalité Raciale aux EtatsUnis", y fait une intervention très remarquée. 25 MAI D Au cours d'une conférence de U Pretoria s'inquiète de presse à Bordeaux, les responsa- l'audace et du degré d'organisables du M RAP présentent de tion des guerilleros du Congrès nouveaux documents sur les agis- National Africain (ANC) dont les sements de M. Papon durant actions se sont multipliées dans la l'occupation allemande et annon- dernière période. Certaines cent que le MRAP va porter d'entre elles sont revendiquées à \3 Kwane Oseï. Paris par M. Tambo, président de l'ANC. ..J Un 28e jeune Noir est assassiné à Atlanta. 26 MAI o Meeting de solidarité à la Bourse du Travail de Paris avec les vict imes du racisme aux EtatsUnis, avec la participation du pasteur Ben Chavis, l'un des" la de Wilmington" et leader actuel du mouvement noir. ..J Dans une interview pub.liée par le "Washington Post", Jacques Delors, ministre de l'Economie et des Finances, déclare que la France respectera tous ses engagements, y compris les ventes d'armes à l'Afrique du Sud. Propos confirmés à Europe 1 par Claude Cheysson, ministre des Relations Extérieures. o M. Gaston Deferre, mlllistre de l'Intérieur, décide la suspension "dans l'immédiat et à titre provisoire" de toute mesure d'expulsion des immigrés, "sauf exception justifiée par une nécessité impérieuse d'ordre public". L'expulsion des jeunes immigrés de la seconde génération (nés en France ou venus très jeunes) ne sera plus appliquée et la procédure d'expulsion entièrement revue afin d'assurer un respecl réel réel des droils de la défense. 27 MAI o La Conférence sur les sanctions contre l'Afrique du Sud réunie à Paris sous l'égide des Nations Unies se termine sur un appel à tous les gouvernements pour qu'ils renforcent les embargos sur les armes et le pétrole prononcés contre l'Afrique du Sud, - Les deux policiers auteurs de violences racistes à l'encontre d'un ressortissant ghanéen, M. Kwané Oséi, sont condamnés par le tribunal de Saint-Quentin. Le premier, M. François Marcaille, se voit infliger une peinede 18 mois de prison dont 3 avec sursis. Le second, M. Michel Thomas, est condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis. 28 MAI o Le Ku Klux Klan a étendu ses activités aux forces américaines stationnées en RFA et établi des contacts avec les néo-nazis ouestallemands, affirme l'hebdomadaire allemand "Stern". actualité L'attachement de la France à la démocratie en fait-elle un peuple de femmes? C'est la thèse de la nouvelle droite qui méprise la femme parce que Mariane en est une. 52 MILLIONS DE FRANÇAISES ?• Une femme est pourvue de seins, son rôle est évidemment nourricier. La masse musculaire de l'homme est supérieure à celle de la femme, il est donc fait pour la chasse. Si hommes et femmes ne veulent pas tomber dans "la déviance sexuelle", il leur est vivement conseiJlé de rester à leur place. Cela n'a pas été toujours le cas. Poussée hors de ses foyers par l'Histoire, la femme est allée voir ailleurs ce qui s'y passait. .. Dans le débat qui oppose la Nouvelle Droite aux démocrates libéraux et progressistes, il a été abondamment question de race et de culture. Guère de sexe. Encore moins de l'image de la Femme véhiculée par les penseurs du GRECE (Groupement de Recherche et d'Etudes pour la Civilisation Européenne) . Pourtant, ses propositions de renouveau élitiste, qu'elles se manifestent par la sélection scolaire ou l'eugénisme science de "l'amélioration de la race" intéressent les femmes au premier chef. Sont en jeu la libre disposition de leurs corps et l'éducation de leurs enfants. Perçue comme différente et seulement différente, la femme se voit nier droits et libertés revenant "naturellement " aux hommes. Là, c'est le droit au travail, à la participation politique et à l'éducation qui est remis en cause. Cerveau poids-plume Ce n'est sans doute pas un hasard si les recherches scientifiques liées au sexe ont connu un intérêt particulier au XIX" siècle et dans les années 70. Estimé in férieur à celui des hommes, le poids du cerveau de la femme posait un problème à Proudhon qui voyait là un vice rédhibitoire l'excluant de la participation politique et de l'enseignement du latin! ~. VIOII El' Le héros nazi l'sI un homme (sculpture d'Arno Brecker). La démocralie ferail de nous des femmes! 14 Aujourd'h ui, de pseudo-sciences sont appelées à la rescousse d'une conception des rôles masculin et féminin bouleversée par la société industrielle. Parmi ces pseudosciences figure en bonne place la sociobiologie, discipline se présentant non sans une certaine candeur comme l'étude systématique du fondement biologique de tout comportement social. "Le sens de l'orientation, la tendance à s'assembler entre gens du même sexe, un mode de pensée plus diversifié (sic) sont situés sur le chromosome mâle" affirme-telle, forte de ses expériences effectuées sur des ... animaux. Si les femmes n'ont pas le plaisir de se retrouver tous les soirs entre elles au bistrot, cela n'est qu'affaire de biologie. Les femmes sont réputées dépressives. Pour M. Yves Christen(1), ce n'est certainement pas parce qu'elles sont retenues au foyer à des tâches non gratifiantes . Il en veut pour preuve le nombre égal de femmes déprimées au travail et au foyer. Bien sûr, la double journée, la culpabilisation des mères au travail, le manque d' éq ui pemen ts collect i fs ne comptent pour rien dans la déprime des femmes . Elles sont tout simplement victimes de la structure de leur cerveau à déprime ... Au four et hauts-fourneaux Quoique la sélection nat urelle soit une notion complètement dépassée en génétique, la Nouvelle Droite persiste à s'accrocher à une idée qui, transposée dans le champ social, rend aberrante toute forme de contestation. Comme chacun sait, la contestation n'est pas "naturelle". Ainsi, vouloir exercer une pro fession, même en conformité avec sa "nature" (enseignante ou infirmière) expose la femme à ce terrible soupçon : est-elle une mauvaise mère? Chacun sait que le rôle de la mère au foyer fait l'objet d'un travail de sape de la part des subversifs. Dépouillée de ses rôles domestiques traditionnels par les spécialistes de l'éducation, les équipements sociaux, la multiplication des biens de consommation, la femme s'est engagée dans la vie économique. Voici ce qu'en pense le Dr Dukan cité dans Le Figaro-Madame, forum féminin de l'idéologie néodroitiste

"On a libéré les femmes

pour nourrir l'ogre de la production ... c'est pour faciliter cet état de choses qu'on a donné les mêmes droits et les mêmes libertés aux femmes qu'aux hommes. De là à supprimer, au nom de l'égalitarisme, la t'ameuse petite diHérence. "(2) Ces propos, bien que se situant sur le mode du sous-entendu, ne laissent aucun doute: la perte de la féminité est la conséquence logique de l'égalité des droits pour les femmes. Pour recouvrer sa féminité, un seul moyen: retrouver le droit chemin du statut inférieur. On remarquera que, même évoquée, la libération des femmes ne peut être que l'effet d'un complot dont elles sont le jouet: "On a libéré les femmes pour. .. " Nul n'est censé ignorer que les femmes n'ont rien eu à arracher, que le grand ogre de la production, spontanément, leur a offert le droit d'interrompre une grossesse. Un grand ogre infidèle du reste, puisqu'il souhaiterait aujourd 'hui renvoyer les femmes à leurs foyers pour cause de crise. Qu'à cela ne tienne, selon Alain de Benoist, druide à tout-faire de la Nouvelle Droite, la Femme et l'Ogre formaient un couple si malheureux qu'il devait prendre fin : " ... Il est étrange de voir ceux qui dénoncent l'aliénation sociale à l'oeuvre dans les circuits de production, faire passer la libération de la femme par son intégration à ceux-ci. "(3) Participer ne veut pas dire subir. II est vrai que perdre le pouvoir de contester, dès lors qu'on participe, renète assez justement la "société organique" prônée par la Nouvelle Droite . La légitimité raciale "Le caractère folâtre des hommes, rapporte M. Yves Christen, s'explique par le fait qu'ils ont des milliards de spermatozoïdes à Louis Pauwels, rédacteur en chef de Figuro-IHugazine. ouvre largement ses colonnes aux idées de la Nouvdle Droite sur les femmes. distribuer tandis que la femme ne pond qu'un ovule par mois."(4). On serait porté à rire si de telles assertions ne s'inscrivaient dans le droit fil de préjugés qui ne demandent qu'à être encouragés. Cette morale de l'immobile femme-ovule et de l'agitation spermatique n'empêche pas la Nouvelle Droite de se prononcer ouvertement pour la maternité volontaire et contre le culte malsain de la virginité. Des positions auxquelles s'associerait volontiers toute féministe avertie ... Il est fâcheux qu'une lecture approfondie du concept de liberté sexuelle selon M. Yves de SaintAgnès, autre métapoliticien distingué, révèle le cadre dans lequel il convient qu'elle s'exerce: celui de la race: "La femme adultère viole le principe d'intégrité de la famille en risquant d'introduire dans celle cellule de base un sang étranger ... Dans une société qui a le culte de la vie, et par conséquent de la lignée, ceci apparaît comme une faute capitale. "(5) Et M. de Saint-Agnès de poursuivre

"Une croissante liberté de

moeurs alliée à des possibilités grandissantes de brassages ethniques confère un caractère aigu à la question de la liberté sexuelle. D'autres l'ont compris et pas n'importe qui puisque le jeune Etat d'Israël n'a pas omis d'inscrire une interdiction faite à ses filles et fils d'épouser des hommes et femmes étrangers au peuple élu." De quoi se plaint-on? Le judaïsme sait trouver grâce aux yeux de la Nouvelle Droite lorsqu'il exprime son goût du 15 sang pur et de la terre promise. II ne faut pas se méprendre. Ce qui est honni, c'est la diaspora, ce nulle-part, bouillon de polyculture et par suite de "névroses" ... La démocratie, une idée de femme Que la Nouvelle Droite fasse de la démocratie une faiblesse toute féminine ne relève pas du hasard. Pourquoi faiblesse? Pourquoi féminine? La démonstration arrive sous la forme d'un stupéfiant amalgame entre le besoin d'être aimé et le désir insatiable, donc névrotique, d'être aimé. Les psychologues s'entendront à le reconnaître: les individus socialement dévalorisés, dont la femme, cherchent une compensation perpétuellement insatisfaite dans l'amour. De là à faire du besoin d 'être aimé et de l'amour tout court l'expression d'une névrose , il n'y a qu'un pas que franchi ssent allègrement les hommes du GRECE. C'est sur cette "névrose" qu'est bâtie l'i nterprétation "métapolitique" des fondements de la démocratie: système politique d'essence féminine puisque le chef d'Etat d'une démocratie a besoin d'être aimé pour se maintenir au pouvoir. Sous-entendu, un vrai chef n'a pas besoin d'être aimé/élu; il tire sa légimité d'une mission que lui confère son rang. Ennemi farouche de l'amour DIFFÉRENCES JUIN 81 chrétien perçu comme la compensation (le Christ) offerte par un Dieu tyrannique à ses adorateurs-esclaves, Alain de Benoist lève le voile, après Nietzsche, sur les agents propagateurs du christianisme: "Le christianisme ne recueillait de succès qu'auprès des insatisfaits, des révolutionnaires avant la lettre, esclaves, artisans, femmes isolées "(6). Les femmes n'ont pas attendu d'être liées dans un même opprobre à la démocratie pour comprendre que leurs intérêts passaient par le maintien en place de structures démocratiques. Elles en ont administré la preuve un soir de mai . La place de la Bastille s'était soudain couverte de milliers de "femmes isolées" et, Ô miracle, la démocratie n'avait pas transformé les hommes en femmes ... Pauline JACOB ......................... :-»:-:.:-:.: (1) "Les femmes craquent bien plus souvent" par Yves Christen dans "Le Figaro Magazine" du 4.10.80. (2) "Les hommes préfèrent les rondes" pur Héléne de Turckheim dans "Le Figaro Madame" du 28.3.71. (3) "La femme en développement " pur Alain de Benoist dons "Vu de Droite", Editions Copernic, 1977. (4) "La science découvre le sexe fort" par Yves Christen dons "Le Figaro Magazine" du 3.5.80. (5) "Pour la liberté sexuelle" par Yves de Saint-Agnès dons "Nouvelle Ecole" n ° 8, avril-moi 1969. (6) "Lu thése dU' christiunismepoison" par Alain de Benoist dons "Question De" n° 5, 1974, page IJ. ........... .:.;.:.:.:.:...... ....: -:-:-:-:-:-:.:.:-:-: ........ . Actualité Une fête judéo-chrétienne. La Pentecôte, ancienne "fête des moissons". LA PENTECOTE Pâques a ses oeufs et ses cloches, Noël a ses cadeaux, son Père-Noël, ses sapins illuminés et son inépuisable saveur d'enfance. Mais la Pentecôte n'a que son lundi. Un jour de congé perdu dans un printemps qui en est généralement prolixe. C'est pourtant une fête bien intéressante qui plonge ses racines dans trois traclitions. On lit dans la Bible, au livre cie l'Exode: "Tu observeras égalemenl la fêle de la !\1oisson. des prémices de ce qu 'onl produi/les champs par loi semés. " Cette fête de la Moisson ou fête cles Semaines doit être célébrée sept semaines après la Pâque. Sept semaines, c'est-àdire cinquante jours, d'où le nom grec de "pentekostè" qui veut dire cinquantième. La Pentecôte est une des trois grancles fêtes primitives de la foi mosaïque. La Pâque commémore la sortie d'Egypte, le passage cie la mer Rouge et la traversée du désert par le peuple hébreu en quête cie la terre promise. Elle est donc une fête spécifiquement israélite. Par contre, la fête des Moissons (Pentecôte) et celle cles Récoltes semblent bien être la "judéification" d'anciennes coûtumes païennes qui se retrouvent dans la plupart des religions et où l'on offre aux dieux les prémices de ce que l'on est censé recevoir d'eux. Le Pentecôte est en fin la deuxième fête chrétienne, après celle cie Pâques qui célèbre la résurrection cie Jésus. Comme Pâques, elle a gardé le nom cie la fête juive où l'événement célébré est censé s'être cléroulé. Elle commémore l'envoi en mission des apôtres de Jésus, réunis pour la fête cles Semaines et recevant l'inspiration du Saint-Esprit sous forme de langues de feu. C'est la fête de la fondation de l'Eglise qui établit les prémices du LES COULEURS DELAFRANCE L ' élection présidentielle a multiplié les drapcaux dans les rues des villes de France. Mais d'où viennent ces symboles de l'identité nationale au nom desquels se sont souvent joués le meilleur et le pire? L'histoire du clrapeau se confond avec celle des hommes et surtout des soldats. Création avant tout militaire, le drapeau est apparu quand des soldats, isolés dans des corps à corps féroces, coupés de leurs camarades, ont éprouvé le besoin cie se reconnaître entre eux. Sa naissance était aussi inscrite dans la tactique militaire. Comment faire manoeuvrer une 16 troupe lors d'une bataille s'il n'existe pas un emblème auquel elle puisse se rallier et qui cie surcroît symbolise son espérance? Sous l'Antiquité déjà, les militaires montaient au combat derrière un insigne quelconque. Ce n'est qu'au Moyen-Age que le drapeau tel que nous le connaissons royaume de Dieu sur terre avant qu'e ne viennent les Temps Derniers où Dieu recueillera la "récolte" du travail apostolique. On le voit, la fête chrétienne tire une grande partie cie son symbohsme cie la tradition juive qu'elle prétencl accomplir. Si la Pentecôte n'a pas, sous nos climats, l'importance qu'elle avait chez ks anciens Hébreux, c'est sans doute à cause cie sa date printanière qui arrive en France bien avant les moissons, la grande fête cie printemps étant à l'évidence Pâques comme Noël est la grande fête d'hiver. N'en déplaise à la Nouvelle Droite, la tradition païenne des prémices s'est envolée de Pentecôte pour nous laisser une journée exclusivement "judéo-chrétienne". • aujourd'hui, un carré d'étoffe taillé dans un drap (d'où drapel et drapeau) a fait son apparition sur les champs de bataille. Il se présentait alors sous la forme cI'une bande d'étoffe multicolore terminée en pointe (pennon ou gonfannon). Les chevaliers le portaient accroché au bout de leur lance ou de leur pique. Il servait de signe de ralliement aux solclats d'un même régiment. Il y avait autant de drapeaux que de régiments. Le drapeau le plus ancien du monde est conservé au Danemark. Il date de 1219. La forme du drapeau a évolué S'Jus les DIFFÉRENCES JUI . 81 L"'AFF AIRE MARCHAUDON" Cinq ans de prison avec sursis: l'ex-brigadier Marchaudon a eu la peine que demandait l'accusateur public. Peine accessoire: Marchaudon est privé de ses clroits civiques pour dix ans. Cc qui lui interdit de rester policier. Pour le brigadier Marchaudon, c'était de la faute à pas de chance. C'est du moins ce qu'il affirma lors d'une interview téléphonique: ça n'aurait pas été la période des vacances personne n'aurait parlé âges. Sa fonction aussi. Symbole du régiment, le drapeau, jusqu'à de la mort de Mustapha Boukhezzer, jeune délinquant sans arme, tué dans le dos, à "bout touchant", alors qu'il s'enfuyait. Il est vrai que sans les journalistes la mort de ce dernier serait passée inaperçue. Et malgré l'opiniâtreté dont firent preuve certains d'entre eux la vérité a eu du mal à émerger du puits où on l'a plongée. Après la mort de Mustapha Boukhezzer, le "hasard" voulut qu'au moment de la reconstitula fin de l'Ancien Régime en France, ne pouvait symboliser la l. Nation. Cependant, il faut savoir que le drapeau national a eu un ancêtre, "la bannière de France" de Charles VII. Elle symbolisait moins la nation que la volonté rovale de refaire la France. Le roi pa~r principe s'identifiant à la nation, il n'apparaissait pas utile alors de créer un "drapeau national". Ce n'est qu'après la transformation de ce principe en 1791, son abolition en 1792 et la suppression du roi en 1793 que la tion des faits, l'emplacement du cadavre se déplace de quatre mètres. plus tuer "accidentellement", du moins sous le couvert de l'uniforme. Les journalistes le firent remarquer au juge d'instruction. Ils s'entendirent répondre: "Mêlezvous de ce qui vous regarde!" Dans cette confusion, sm'amment mise au point, les jurés de Nanterre ont reflété le trouble qui les avait saisis. Il n'en reste pas moins un certain écoeurement clevant cette ... "sanction". Malgré l'expertise balistique qui montrait bien que Marchaudon avait tué clc deux balles dans le dos, clont l'une à "bout touchant appuyé", malgré un témoignage formel sur ses actes, Marchauclon nc payc pas cher la mort cl 'un jeune homme qui fuyait. • Ils ont condamné Marchaudon, assortissant du sursis la peine cie prison. Marchaudon ne pourra I7 Convention décida qu'il était couleurs du roi (cira peau blanc à temps cie donner à la patrie un fleur de lys) remplacent symbole: le drapeau national l'emblème national. En 1830, composé de trois couleurs égales, après les émeutes qui ensanglanle bleu, le blanc, le rouge. Ces tèrent Paris et au cours desquelcouleurs (le blanc de la royauté, les, pour la première fois, fut le rouge et le bleu de la ville de arboré le clrapeau noir (qui Paris) étaient celles des cocardes deviendra en 1883 le symbole clu tricolores que les Gardes Natio- mouvement anarchiste), le dranaux portaient depuis le 27 juillet peau tricolore et républicain fut 1789 et celles aussi de la ... livrée rétabli. En 1848, des révolutionroyale. Elles s'identifièrent à la naires proposèrent l'acloption du République. L'armée française drapeau rouge, symbole de la n'adoptera le drapeau tricolore révolution sociale. Parmi ceux qu'en 1804. Ensuite, sous la Res- qui s'opposèrent' à cette modifitauration et le retour de la cation: Lamartine. Il obtint gain monarchie (de 1816 à 1830), les de cause. • actualité Dans les îles de Wallis et Futuna, on a \'oté Giscard d'Estaing à 97,68 0,70. WALLIS ET FUTUNA C ' est comme Laurel et Hardy, La GarenneColombes ou RéumurSébastopol, il ne viendrait à l'idée de personne de séparer Wallis et Futuna, ces îles exotiques qui régulièrement, aux élections, menacent de "faire la différence". Mais quel est ce pays où M. Giscard d'Estaing a fait un score de 97,68 D70, laissant quelque 2 D70 au Président Mitterrand? Déjà, au temps de Pythagore et des géographes grecs existait la légende du continent austral. C'est le capitaine Cook qui fixa les contours du rêve. Parmi les nombreux points culminants d'un territoire immergé de Aux antipodes de la France. 176 millions de km', l'Océanie, de Territoires d'Outre-Mer Wallis et Futuna sont deux archi- (TOM). 8000 habitants d'ethnie pels minuscules de 210 km ' à eux tongan vivent dans les villages deux, perdus entre Fidji et groupés le long des côtes de ces Samoa. C'est une mission territoires volcaniques, sous un mariste, installée là depuis 1837, climat équatorial, chaud et pluqui a fondé l'unité de ces deux vieux, tempéré de mai à octobre. groupes d'lIes et contribué ainsi à Des montagnes de Futuna aux maintenir les traditions. A la lacs de Wallis, la vie est dure. On suite d'une campagne de conver- manque souvent d'eau potable, sions foudroyante, la mission on subit des cyclones dévastarégenta les petits rois locaux et teurs qui détruisent les cultures transforma les îles en véritables d'ignames, de bananes, de théocraties, fermées au com- manioc et les cocoteraies déclimerce et à l'administration. Une nantes, mal soignées et envahies demande de protectorat, formu- par les rats. L'élevage bovin en lée par la France en 1842, ne fut est à ses débuts, les 300 chevaux ratifiée qu'en 1888, et ce n'est servent de moyens de locomoqu'en 1959 que Wallis et Futuna tion, la pêche artisanale est une optèrent pour leur statut actuel activité familiale. Seul le porc 18 permet de nourrir une population qui a le niveau de vie le plus bas de toutes les dépendances de la Nouvelle-Calédonie. Alors, les jeunes s'exilent vers Nouméa et aux Nouvelles Hébrides et souvent ne rentrent plus. Il n'y a qu'une liaison aérienne mensuelle avec Nouméa. L'aide financière de la métropole ne suffit pas à entretenir une économie sous-développée. Les indemnités de chômage et les allocations familiales versées à la hâte en période électorale cachent derrière les palmiers obliques des dépliants touristiques une économie délabrée, entièrement tournée vers un pays des antipodes, la France. _ Sanctions. Le mot revient régulièrement dans la chronique de l'ONU lorsque se débat la question de l'Afrique du Sud, pays soumis au régime raciste de l'apartheid et qui occupe illégalement un territoire voisin, la Namibie. L'Assemblée Générale des Nations Unies a maintes fois demandé, à une très forte majorité, qu'elles soient appliquées ou étendues. La Charte de l'ONU fait en effet un devoir aux Etats membres de "sanctionner" par des mesures effectives de boycott les pays qui font planer une menace directe contre la paix. La majorité de l'ONU considère que les interventions répétées de l'armée sudafricaine contre ses voisins, notamment l'Angola, ainsi que l'occupation continue de la Namibie, tombent sous cette règle. En 1974, la plupart des pays exportateurs de pétrole ont décidé de cesser leurs ventes à Pretoria. Grâce à l'aide technologique de pays comme la France, les USA, la RFA ou Israël, l'Afrique du Sud a pu parer le coup en mettant en place une importante industrie nucléaire et en construisant de gigantesques usines de transformation du charbon en hydrocarbures. Mais en 1977, les pays membres du Conseil de Sécurité acceptaient une résolution imposant aux Etats· représentés à l'ONU un em bargo total sur le matériel militaire. L'intransigeance de l'Afrique du DIFFÉRENCES JUIN 81 Sud sur la question namibienne a remis la question des sanctions à l'ordre du jour. A la conférence de Paris qui s'est tenue à l'UNESCO en mai dernier, les principaux pays occidentaux étaient absents. Néanmoins, la France a fait acte de présence, créant l'événement du fait des récents changements politiques. Lionel Jospin, Premier secrétaire du Parti socialiste, s'y est affirmé favorable au renforcement de l'embargo sur les armes, à l'arrêt des importations en provenance de Namibie et à l'arrêt des investissements publics. Cette mesure devrait être d'autant plus effective que le nouveau président français s'est prononcé en faveur de la nationalisation du crédi ~ et de plusieurs groupes qui ont d'importants intérêts en Afrique du Sud. Notons enfin que, lors d'un meeting de solidarité qui s'est tenu à Paris en fin mai, en présence des présidents de l'ANC (Mouvement de Libération d'Afrique du Sud) et de la SWAPO (Mouvement de Libération de la Namibie), les représentants de trois organisations françaises, le MRAP, le MAA/CAO (Mouvement anti-apartheid) et l'AFASPA (Association Française d'Amitié et de Solidarité avec les Peuples d'Afrique) ont demandé que des mesures immédiates de rétorsion soient prises et que soit notamment dénoncé le contrat de livraison de deux centrales nucléaires françaises à Pretoria. - ~ daniel hechter

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19 Notre telTIps L'activiste turc qui a tenté d'assassiner le Pape n'en était pas à son coup d'essai. R existe une internationale des tueurs d'extrême-droite. LES TUEURS Au-dessus de la foule une main brandit un pistolet nettement orienté vers le Pape dans sa jeep blanche. Pendant plusieurs jours on se demanda si le tueur de la place SaintPierre n'avait pas eu un complice. Puis, les expertises balistiques sont arrivées: Mehmet Ali Agsa, le tueur turc, était seul. Et pour qui a fait du tir, il a réalisé ce jour-là un exploit peu ordinaire: mettre au jugé, en tenant son browning audessus de sa tête, deux balles au but. C'est le fait d'un excellent tireur, bien entraîné. Ce fait confirme les enquêteurs italiens dans leur impression première: Ali Agsa fait partie d'un complot international. Voilà 18 mois, il s'est évadé de prison, en Turquie. Il passe d'un pays à l'autre avec des faux papiers qui semblent bien être des vrais. Et l'on estime que, pour vivre comme il le faisait depuis 18 mois, il lui fallait aux alentours de 300 F par jour: changement d 'hôtel tous ies jours, restaurants, déplacements fréquents, etc ... Et puis, il faut dire que la DIGOS, la "police antiterroriste" italienne est bien placée pour savoir qu'il existe une internationale noire et que celle-ci a ses relais, ses tueurs. On cherche les anarchistes. on tombe sur un réseau fasciste. Ils avaient inflitré la police secrète. D'ailleurs la 01GOS a été créée parce que l'internationale noire était tellement bien implantée en Italie qu'elle avait "pénétré" le S.1.0., les services secrets italiens. Il a faJIu près de douze ans pour connaître quelques chaînons de l'internationale des tueurs. Le premier attentat sérieux qui les montra en action fut celui de Milan, le 12 décembre 1969: plusieurs bombes explosent place Fontaine: 16 morts, 88 blessés. Ce qui retint moins l'attention, ce furent les attentats commis à Rome le même jour : 16 blessés. Dès le départ, le SIO et les carabiniers fournissent les juges d'instruction en données abondantes ... sur les anarchistes. Un certain Valpreda est arrêté, interrogé fort vigoureusement. Il faudra que deux juges d'instruction, Alessandrini et Fiasconaro, trouvent l'enquête étrange et reprennent la leur à zéro, y compris dans les archives du ministère de la Défense, pour que la vérité commence à apparaître: tout débouche sur les groupes néo-nazis. Les deux juges d'instruction retrouveront la boutique où ont été vendus les sacs contenant les bombes, Ip fabricant des "timers" qui ont été utilisés ... Mais tout cela ne sera établi qu'en 1972 par les juges d'instruction de Milan ; de la même manière, ils retrouveront dans les "archives", les inspirateurs des militants d'extrême droite italiens: c'est le 18 avril 1969 qu'ont été décidés les attentats au cours d'une réunion au sommet de représentants de différents mouvements d'extrême droite. Parmi ceux-ci, Pino Rauti, un des fondateurs d'Ordre Nouveau (Ordino Nuevo), député du M.S.1. Et quand en 1974, l'enquête sera bouclée (cinq ans après l'attentat de Milan ... ) Ordre Nouveau n'existe déjà plus: il a été dissous par le ministre de l'Intérieur italien qui a pris une longueur de retard. Le passage à l'action pourrait être imminent

intensifiez la surveillance ."

Le le, mars 1974, les anciens d'Ordre Nouveau, décidément mal surveillés, se réunissaient à Catolice, dans la province de Forli, et se donnaient un programme "terroriser avec les bombes les antifacistes, déchaîner la terreur du massacre, créer une situation de violence selon les méthodes de la grande et .jamais oubliée O.A.S.". Ce programme allait être le premier à faire référence à des mouvements "étrangers" car l'O.A.S., on allait ensuite la retrouver en beaucoup d'endroits: non pas l'O.A.S. des PiedsNoirs désespérés, mais celle des officiers qui en constituèrent l'ossature, et qui ont essaimé dans le monde entier. En Argentine, en particulier, où ils ont constitué le fer de lance de la 3 A, l'Alliance Anticommuniste Argentine, sorte d'escadron de la mort. Ainsi, pour François Corre, un journaliste de France-Soir, qui se rendit dans ce pays après la disparition de deux religieuses, DIFFÉRENCES JUIN 81 tous les témoignages sont formels; d'anciens membres de l'O.A.S. dirigeaient le commando qui enleva les deux religieuses. Pour beaucoup, ils étaient arrivés là après un passage par l'Espagne qui fut le refuge de nombre d'entre eux, mais pas d'eux seuls . Ainsi, le lundi 24 février 1977, à Atocha, un quartier de Madrid, des hommes armés de pistolets mitrailleurs à silencieux font irruption dans le cabinet d'un collecti f d'avocats madrilènes, tuent cinq personnes dont quatre avocats des commissions ouvrières. Le massacre est revendiqué par l'Alliance Apostolique Anticommuniste Espagnole (A.A.A.E.), qui n'est pas sans rappeler la 3 A argentine. Le 29 février, la police madrilène fait une descente dans un appartement, 29, Caille Felaio, en plein centre de Madrid. Elle y découvre un atelier de réparations d'armes et six ressortissants italiens. Au cours d'une seconde descente, on . le pape. , d'assassIner Le 23 novembre 1973, avait été ordonnée une rafle dans tous les locaux appartenant à Ordre Nouveau. Quatre mois plus tard, le 7 février 1974, un télégramme du ministère de l'Intérieur avait lancé l'alarme suivante: "Ordre Nouveau désormais dissout par la loi est reconstitué en groupes clandestins sous la dénomination "groupe année zéro". qui a tente . r Agsa ,'homme , . Mohalncd AI' , . tes turCS so Les {aSCIS d l'Ouest. CI, vs d'Europe e , . la plupart des pa. nt organises dans trouve une jeune Française. Parmi les Italiens un nommé Marco Pozzan, un ancien dirigeant d'Ordre Nouveau . Et, après vérification, les policiers espagnols vont découvrir avec stupeur que la jeune femme est de Nice, qu'elle est l'associée de la femme .. . d'Albert Spaggiarri. Celui du "casse" de la Société Générale. Au cours de la descente, on découvre également trois lingots d'or venant du casse de Nice. Spaggiarri est un ancien de l'O.A.S. Au cours de ses interrogatoires, il a toujours dit que la plus grosse partie de l'argent était partie dans les caisses d'une mystérieuse organisation: la Catena. C'est là que vont se dérouler certaines péripéties curieuses de cet te longue histoire. Les autorités françaises vont dire que la Catena, elles ne connaissent pas. Les Italiens vont faire remarquer que cela veut dire tout simplement la "chaîne" et que depuis longtemps, on sait que ce fut le nom d'un réseau d'évasion d'anciens nazis. Ensuite, les versions vont diverger à propos de la jeune femme. Les autorités françaises n'auraient pas été avisées de son arrestation . Les Espagnols, eux, disent: "Ce n'est pas vrai, nous attendons toujours un venir" . Autres points curieux: quand la police espagnole fit sa descente, elle s'attendait à retrouver deux hommes: Stefano Della Chiaiae et Guerin-Serac. Stefano Della Chiaiae, qui tenait une trattoria à Madrid, était un ancien dirigeant d'Ordre Noir et vraisemblablement l'organisateur de la plupart des attentats commis en Italie et qu'on tenta de mettre sur le dos des anarchistes. Les pistolets mitrailleurs qu'on découvre chez AGINTER étaient fabriqués par une officine de la CIA. Guerin-Serac, ancien de l'O.A.S. comme Spaggiarri, avait tenu jusqu'à la "révolution des oeillets" au Portugal une étrange agence de presse Aginter : Quand les militaires portugais firent une descente dans son officine, ils découvrirent bien de quoi faire un petit bulletin (d'ailleurs imprimé à Dieppe, en France), mais aussi une des plus belles officines de fabrication de faux papiers qu'on avait jamais vues et qui avait une 22 icularité étonnante: les tampons qui servaient à faire ces faux papiers n'étaient pas faux, mais avaient disparu de commissariats, de casernes, de préfectures, Enfin, dernier détail qui attira peu l'attention, les pistolets mitrailleurs à silencieux qu'on trouve à Madrid, s'ils furent dénommés "Marietta" par les Italiens, sont connus par les amateurs d'armes sous le nom de son inventeur, Gordon Ingram, qui vendit le brevet à une officine de la CIA : la BR Fox Compagny. Il y aurait sans doute cu beaucoup de questions intéressantes à poser à Della Chiaiae et à Guerin-Serac, mais ils étaient partis ... pour l'Argentine. Pendant ce temps, l'internationale noire continuait à sévir: en 1980, Bologne, 84 morts dans la gare qui saute; Munich, 12 morts et 203 blessés au cours des fêtes de la bière. Et les polices italienne et allemande, dès le départ, affirment que ces attentats étaient le fait de mouvements néo-nazis. Après Bologne, on arrête à Nice un nommé Marco Affatigato... qui avait été arrêté bien auparavant par la police monégasque. Celle-ci en réfèra à la police française, un mandat international étant lancé contre lui: il fut relâché. A Munich, le tueur qui mourut dans l'attentat faisait partie d'une organisation dirigée par un certain Karl Hoffman . Hoffman, qui, en 1963, monta pour le compte des militaires grecs une organisation fasciste qui se livrera au trafic d'armes pour les Kurdes, se fit arrêter. .. en Turquie et fut relâché des prisons turques dans on ne sait pas trop quelles circonstances. Hoffman que les autorités allemandes laissaient agir parce qu'il était "folklorique", disposait de fonds énormes, et il ne cacha jamais son but. Ali Agsa aimait beaucoup l'Allemagne. Pourquoi? Qu'y faisait-il ? Qui y rencontrait-il ? Après le massacre de Munich, un de ses porte-parole, confia à Jacques-Marie Bourget, journaliste à VSD et un des meilleurs spécialistes de ces questions: "Dans notre esprit, dès le départ, il n'y avait aucune ambiguïté. Nous voulions former une troupe solide, un corps d'élite international préparé à toutes les tâches militaires et clandestines. Heroldsberg était la base numéro 1 mais nous envisagions d'en créer d'autres ailleurs, même à l'étranger, de former des commandos mobiles ... Beaucoup de personnages officiels, des lJ1i1itaires importants nous ont toujours aidés. Aujourd'hui même, nous gardons de bons contacts". L'interview fut recueillie en octobre JUIN 8] La gare de Bologne après l"al1enlal fascisle du 2 aoûl 1980 : 84 n!orIS. COPERNIC: la piste turque ---------- Depuis l'attentat de la rue Copernic, de nombreuses pistes ont été suivies par les enquêteurs français. Mais actuellement, ce sont les enquêteurs italiens qui sont intéressés par une des hypothèses. la piste chypriote. Chypre. on l'oublie souvent. est plus qu'à moitié occupée par les forces turques. Le tueur de la rue Copernic. on le sait, portait des papiers chypriotes. Or, des papiers chypriotes, certains sont délivrés par les autorités chypriotes. mais d'autres sont • 'fabriqués" aussi dans la zone turque. Qu'il soit un ressortissant espagnol, comme l'affirment certains policiers de ce pays, n'aurait rien d'étonnant, car il y eut des Français, des Italiens et des Espagnols parmi les mercenaires qui combattirent au Liban et qui avaient droit tous les deux mois à un entraÎnement et à un temps de repos à Juneh, une base turque. CAMPS D'ENTRAINEMENT EN FRANCE ___ _ Il y a eu des camps d'entraÎnement fascistes en France. Et une affaire en apparence purement crapuleuse, l'enlèvement de M. Hazan, PDG de la société Phonogram allait en révéler au moins deux. Il faut tout d'abord savoir que les hommes qui enlevèrent M. Hazan étaient presque tous membres de groupuscule d'extrême droite, notamment un ancien membre de l'O.A.S., Jacques Prévost. Au cours de l'enquête, les policiers se penchèrent peu sur leurs relations internationales. Pourtant, parmi eux se trouvait un nommé Moschini qui avait une personnalité fort intéressante: membre d'un groupe néo-fasciste en Italie, il fut aussi mercenaire en Angola et au Liban avant de devenir l'entraÎneur des groupes français. Un tueur à gages des entre- I prises rétro-coloniale, c'était bien sûr l'idéal. Un camp d'entraÎnement fut d'ailleurs découvert dans le Cantal au cours d'une 1980, huit mois après la "dissolution" officielle. Au même moment, un rapide recensement permettait de décompter 83 organisations néo-nazies en Allemagne, ayant environ 18000 adhérents, et des contacts avec tout ce qu'il ya de fascistes et de néo-nazis dans le monde, y compris les "Loups gris", le mouvement d'extrême droite dont faisait partie Mehmet Ali Agsa. Les "Loups gris" qui sont regroupés en R.F.A. sous l'égide d'une "Fédération des clubs idéalistes". Allemagne où Ali Agsa se réfugia après son évasion de Turquie (il avait assassiné le rédacteur en chef du journal "Milliyet" et est soupçonné d'avoir commis plusieurs autres meurtres). Quand Ali Agsa est arrivé en Italie, deux jours avant l'attentat contre le Pape, il n'avait pas d'armes sur lui. Sa chambre avait été retenue téléphoniquement par une personne parlant un italien absolument sans aucun accent. Il avait sur lui. au moment de son arrestation, 2J opération de police. Officiellement, le camp d'entraÎnement était celui d 'hommes-grenouilles qui devaient travailler pour une Société Aqua-Simplex, elle-même sous-traitante de travaux de surveillance de barrages hydrauliques, pour le compte d'E.D.F. En fait, quant eut lieu la descente, furent découvertes des cartes qui n'avaient rien à voir avec les opérations prévues. Il y avait, entre autres, des cartes des champs pétrolifères "ofshore" du Cabinda, enclave angolaise entre le Zaù'e et le Congo, et l'on se demande encore aujourd 'hui à quoi auraient bien pu servir ces cartes. Car au cours du procès qui eut lieu, personne n'en parla, les inculpés eux-mêmes ne cherchant pas à se servir du fait qu'ils s'entraÎnaient manifestement pour autre chose que pour l'enlèvement d'un PDG. Peut-être redoutaient-ils une sortie de prison houleuse ? 300 000 lires ( environ 1 500 F), toutes choses qui montrent qu'il ne menait pas une existence de loup solitaire. Mais pourquoi vouloir tuer le Pape? Ali Agsa avait bien envoyé, après son évasion, une lettre où il affirmait vouloir le faire. N'était-il pas alors l'agent idéal pour ce geste meurtrier, pour ceux que l'Eglise catholique gênent? N'oublions pas qu'au Salvador, un évêque fut abattu pendant qu'il disait la messe. Et si le Pape Jean-Paul Il réprouvait l'engagement politique des prêtres, il n'en avait pas moins lancé un message où il affirmait qu'il ne fallait pas ne laisser que les miettes aux pauvres. Un message encore trop révolutionnaire sans doute pour quelques groupes de pression de certains pays d'Amérique du Sud. Ceux-là mêmes où aboutissent toutes les filières de repli des tueurs de l'internationale noire. Claude PICANT Notre tell1Q-s- ----------------------------------- Chaque Français moyen est fiché 100 fois. Le danger commence quand un fichier flirte avec un autre. Pour les immigrés, Le Parlement a voté une loi, II' 6 janvier 1978, créant la Commission Nationale dl' l'Informatique et des Libertés (CNIL). Affirmant dans son préambule que l'informatique ne "doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux Droits de l'Homme, ni à la vil' privée, ni aux libertés individuelles ou publi(IUeS" la loi repose sur les principes suivants

1.- Les traitements info rmatisés et fichiers doivent, préalablement à leur mise en OEuvre. faire l'objet d'une déclaration auprés de la CNIL. Les fichiers déjà en service doivent être également signalés à la Commission. 2.- La collecte, l'enregistrement et la conser\' ation d'informalions sur les personnes peu\' ent comporter des limites. 3.- Un droit d'an'ès aux informations qui la concernent est reconnu à toute IJersonne figurant dans un fichier. L'article 3 dl' la loi du 6 janvier 1978 affirme que "toute personne a II' droit de connaître ct dl' contester les informations et les raisonnements utilisés dans les traitements automatisés dont les résultats lui sont opposés". LI' droit d'accès aux fichiers est donc reconnu. Pour en bénéficier, il suffit de s'adresser à la' CNIL, de récupérer l'adresse du fichier auquel on l'st inscrit et de prendn' rendezvous avec le responsable du fichage. On peut aussi s'adresser directement à l'organisme détenteur du fichier. Les choses nI' SI' passl'nt pas toujours aussi simplement, surtout quand les fichiers auxquels on s'intéresse sont gérés par la Police ou les Renseignements Généraux. On nous a confirmé à la CNIL que les fichiers des RG ont bien été déclarés à la Commission. Cependant, il l'st impossible d')' accéder directement. Le scénario suivant est appliqué: si une personne pense être fichée par les RG, l'Ile doit s'adresser à la CNIL. La Commission désigne un magistrat. CI' magistrat, et ce magistrat seul, prend connaissance de la fiche si elle existe. c'est déjà fait. Les fichiers: ON S'OCCUPE DE VOUS L a voiture s'arrête devant un barrage mis en place par la brigade de gendarmerie locale. La nuit descend doucement. Nous sommes à quelques kilomètres d'Orléans. Dans la voiture les passagers attendent, en discutant, la suite des opérations. Un gendarme s'approche du conducteur, le salue et lance l'habituel: "Vos papiers, s'il vous plaît !" Le chauffeur ouvre son portefeuille, en extrait son permis de conduire et la carte grise: "Les voici !" Le gendarme jette un coup d 'oeil sur les documents, relève le numéro d'immatriculation du véhicule et rejoint son fourgon. Là, il branche son poste de radio et entre en contact avec son collègue resté à la brigade. D'une voix bien claire pour mieux se faire entendre, il épèle le numéro d'immatriculation de la voiture. Simple formalité: il veut savoir si elle a été volée. Son correspondant compose le numéro qu'on lui dicte sur le clavierécran qui se trouve devant lui. La console est reliée au terminal de l'ordinateur central où sont emmagasinées les informations concernant les voitures volées. Le gendarme tire. L'homme s'écroule. Zut! L'ordinateur s'est trompé. La voiture lui appartenait bien Bien que la machine se trouve à plusieurs dizaines de kilomètres, la réponse apparaît quelques secondes plus tard. Le verdict tombe sans appel: la voiture a été dérobée quatre mois plus tôt. Pour être sûr de ne pas avoir commis d'erreur le gendarme interroge de nouveau l'ordi~ 24 nateur par l'intermédiaire du clavier. La réponse s'inscrit de nouveau sur l'écran: la voiture a bien été volée. Il annonce la nouvelle à son collègue. Les gendarmes jubilent. Ils viennent de coincer un voleur. Ils encerclent la voiture. Alors, les choses vont très vite. Un coup de feu claque. Un gendarme a tiré. Le chauffeur s'effondre. Une balle l'a atteint en pleine tête. C'est la consternation autour de la voiture, puis la colère quand, quelques heures plus tard la vérité, tragique, s'impose à tous: l'homme que les gendarmes ont abattu (fort heureusement, il se remettra de ses blessures) est innocent. Certes, la voiture avait bien été volée quatre mois plus tôt mais, depuis, elle avait été retrouvée et vendue le plus légalement du monde à son dernier propriétaire. Comment l'ordinateur a-t-il pu se tromper aussi lourdement? Tout simplement parce que les gendarmes avaient oublié de mettre à jour le fichier. Ce fait divers dramatique a montré que l'informatique peut être la meilleure ou la pire des choses. Tout dépend de la manière dont on l'utilise. Un ordinateur ne réfléchit pas. Il se contente d'enregistrer et de restituer, à la demande, les informations que les hommes stockent dans son cerveau. Ici, les bandes et les disques magnétiques remplacent les neurones. L'ordinateur a une grosse mémoire, des réflexes rapides mais aucune intelligence. Dans le cas d'un ordinateur voué au fichage, les données appartenant à une même classe d'information (par exemple la gestion des comptes sur livret d'une banque) sont regroupées sous un code unique d'identification. Le client de la banque possède lui aussi un code d'identification. Si l'on veut savoir combien il reste d'argent sur son compte on "dialogue" avec l'ordinateur. On compose sur le clavier son numéro d'identification et quelques secondes plus tard, l'ordinateur répond en inscrivant sur l'écran les informations demandées. .-:: z z ~ L es fichiers nominatifs informatisés, grosso modo, fonctionnent presque tous de cette manière. Aujourd'hui la tendance est à informatiser les fichiers manuels quels qu'ils soient. Selon une étude réalisée en Suède, un citoyen vivant "paisiblement" est fiché une centaine de fois. Ce nombre est sensiblement plus élevé chez les personnes mariées. Ces statistiques sont valables pour la France. M. Dupont lui aussi est bardé de numéros d'identification, de fiches perforées; son nom figure dans de nombreux disques magnétiques. Son fichage a commencé très tôt, exactement le jour de sa naissance quand ses parents l'ont déclaré à l'état civil. On l'a fiché à l'école où de bonnes âmes lui ont attribué un carnet scolaire et un dossier de santé pour suivre, année après année, ses progrès en français et mesurer sa taille. On l'a fiché quand il s'est inscrit au club cycliste. Comment lui aurait-on fait parvenir sa licence et la revue de fa fédération. On l'a fiché quand il est parti skier dans les Alpes, grâce au Fond d'Action Sociale de sa commune. On l'a fiché quand il a passé son certificat, son B.E.P.C. et, couronnement de sa carrière scolaire, quand il a obtenu le bac. On l'a fiché quand il a fait son service militaire, quand il s'est inscrit sur les listes électorales, quand il est devenu salarié, quand il a acheté une voiture, loué un appartement, contracté des assurances, payé des impôts locaux, nationaux, réglé ses notes de gaz, d'électricité, d'eau. On l'a encore fiché quand il a ouvert un compte en banque, un compte de dépôt. On l'a fiché quand il s'est abonné au quotidien local et à un hebdomadaire parisien. On l'a fiché quand il a acheté, par correspondance, une tondeuse électrique. Depuis ce jour, M. Dupont ne cesse de recevoir des propositions d'achat émanant d'autres organismes. Ça l'inquiète d'ailleurs un peu. Les confusions de noms, ça existe. Quand elles portent sur des histoires d'achat de matériel, ce n'est pas bien grave mais si elles concernaient, par exemple, des affaires politiques ... M. Dupont a vu le film "M. Klein" où, à cause d'une homonynie, un homme, que l'on confond avec un Juif, se retrbuve dans un camp de la mort. M. Dupont ne voudrait pas être réveillé, un beau matin, par deux hommes à mines patibulaires et finir dans une geôle à la Notre temps ------------------------------------------------------------


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,. Iw leS con . '11 l .. Militaire ,le SM tra"al e . La SécUf\te b'en sûr. l,a, 1 . ser"ices de . nSU l ," es ' tur Â- leur l, ora\Ïon a,e,. \:'CE. Â- nll ' 'troite colla~ 1 DST et le sO ' dans les el' RG a ntenues 1 s police, es. {O;ma\Ïons co. " collectées a or. que les ln bliés ici ont e~c pas encore aU documents p~ pelés n'étalent 1 s jeunes ap que1~~ militaire. ser ' " , .~ ..... . 1., , - 1 l, " . " IlIl" ., '" Pour'I~~ '. . fr an{'a,'s fils Ud"l onles' MI"'a ires 1 . généralion:' 'mmigrés, les e~/', es Jeunes appel' . D l" nt' so ants dD 1 • t's ' ,n '('rt'. 1\ 'l'ur' nI pas des : ,a '.~el'onde "cII/jer , IOIt'nlion cil. . hanrais li . d ' t' Code 4 . t'S Ont l'ré' Parr ~ nOlrt' do('U ,qu, corrt'spond . ,e Un cfldl' Par. Irrcli~e" PI mcnl appelle" a le qUe l'aull'( 'l' . us gra ' Une aff ' Ir nl/ cs au~ ". le: les fils d" eClalHl() rn 1 . . , . mlerdit, d . "nmiu ' . ,s· ~lres 'qui 0 ~ l'séjour" .. rcs SOnl assi. f, Cha ge des' "n t eu a'fa i.r e à la S'" el . au~. .. ('Ontesla ' Sl'Cond ' ,cllrllé '~'I ' . mt'nl praliq' es générali ." /YJ/ I/aire. 1.1' m('nt~. ue, {'omme 'l' 10 Ons e.st l'Ouram onlrent "Os d • . fI('II · place d'un autre. Ces fichiers n'ont souvent rien de commun entre eux. Les uns relèvent du domaine administratif (état civil, listes électorales, etc.), les autres du domaine privé et commercial Uournaux, entreprises, etc.). En soi, un fichier n'est pas dangereux dès lors qu'un certain nombre de règles sont respectées: secret, mise à jour régulière, possibilité pour les citoyens à avoir accès à leur fiche. Le danger apparaît quand on procède à leur interconnexion. L'opération consiste à relier les ordinateurs entre eux. Pour peu que les fichiers aient la même structure ou que l'on dispose d'un numéro d'identification commun, il est possible de visualiser sur une console écran-clavier l'ensemble des informations contenues dans les mémoires des ordinateurs ainsi interconnectés. Les croisements ainsi réalisés permettraient d'établir des "profils moyens" et induire des "comportements futurs". Siun tel ordinateur centrai existait, il suffirait de composer sur le cadran le numéro d'identification unique de M. Dupont, son numéro INSEE par exemple, pour savoir que sa santé est déficiente, qu'il n'a pu faire son service militaire, qu'il a été au chômage pendant un an, qu'il n'a pas payé d'impôts pendant trois ans, qu'il a souvent changé d'employeurs, qu 'il lit un hebdomadaire marqué politiquement. "L'informatique rend ce profil statistique moyen facilement réalisable" écrit Hommes et Libertés, la revue de la Ligue des Droits de l' Homme qui s'inquiète du "danger de marginalisation des individus qui, statistiquement, ne font pas partie de la moyenne souhaitée" . On voit, en effet, tout le parti que pourrait tirer un employeur de telles informations. Embaucherait-il un travailleur sujet à de fréquentes maladies ou lisant un journal dont il ne partagerait pas le point de vue? De même, un directeur de banque consentirait-il à octroyer un prêt à un client dont la fiche révèlerait son inaptitude à régler ses dettes? ··Safari" lance la chasse aux fiches. Heureusement, les citoyens refusent de se laisser prendre. Jusqu'à la prochaine fois? En 1974, le ministère de l'Intérieur a tenté de créer un tel fichier informatisé. Installé dans les locaux parisiens du 26 ministère, il aurait pu, à partir d'un identifiant unique, s'interconnecter avec tous les autres fichiers. Nom du projet: "SAFARI", Fort heureusement, il n'y eut pas de retour à la loi de la jungle et, devant la levée de boucliers, les gouvernants firent machine arrière. Le projet GAMIN (Gestion Automatisée de Médecine) se proposait, selon le même modèle, d'interconnecter les informations médicales collectées lors de visites médicales obligatoires et des informations administratives (situation socio-professionnelle, problèmes familiaux, aides sociales). La conjonction de ces deux types d'informations conduisait à définir un "profil moyen" des familles ou des individus pouvant présenter des "risques", GAMIN ne fut mis en place que dans quelques départements, puis abandonné devant l'hostilité générale des citoyens. Un dérivé du projet GAMIN existe néanmoins: il vise les enfants étrangers étudiant en France. Son initiateur: le Conseil de l'Europe, Il se présente sous la forme d'un carnet scolaire où sont regroupées des informations concernant les études et des données de caractère médical. Parmi les informations recensées: la religion. De nombreux établissements scolaires de la région parisienne ont refusé de tenir à jour ces fichiers. L e danger que fait peser l'informatique sur les libertés a conduit les parlementaires à créer en janvier 1978 la Commission Nationale de l'Informatique et des libertés (CNIL). Son objectif: veiller à ce que l'informatique ne menace plus les libertés individuelles et collectives (1). Certes, tout danger n'est pas écarté. On le reconnaît volontiers à la CNIL où l'on estime que l'idée d'interconnecter les fichiers entre eux doit encore trotter dans la tête de nombreux apprentis sorciers. L'une des tâches de la CNIL consiste à recenser les fichiers et surtout les traitements auxquels ils conduisent. Un fichier peut avoir, selon les cas, une ou plusieurs applications. Ainsi, tel fichier de gestion des salaires permettra aussi l'information des ouvriers et intéressera le fisc ou l'administration. Une grande ville du Midi de la France a déclaré à la CNIL une quarantaine de fichiers ... mais 250 traitements. Actuellement 24 000 traitements sont recensés à la CNIL. Selon M. Gervais, chef de l'informatique et du contrôle, ce nombre ne représenterait que 10 llJo des traitements informatisés existant en France. Il y aurait donc, selon ses estimations, plus de 200 000 traitements informatisés en circulation, comprenant plusieurs dizaines de millions de noms, Le plus gros fichier ... fiché par l'ordinateur de la CNIL est le "répertoire national des personnes physiques" (50 millions de noms), suivi par le fichier électoral (36 millions de noms), le fichier des abonnés du téléphone (15 millions), des cartes grises, des automobiles, etc. "Les fichiers les plus volumineux ne sont pas forcément les plus dangereux, explique M. Gervais. Prenons par exemple le cas d'une officine pharmaceutique d'un quelconque chef-lieu de canton qui gère les ordonnances des malades. Ce fichier ne concerne que 500 ou 600 personnes. Mais les informations recensées sont confidentielles, "pointues" dans un pays où tout le monde se connaît. Ce fichier est à mon avis plus dangereux que le fichier électoral. Tout est affaire d'utilisation." Et M. Gervais d'ajouter en philosophe: "Comme disait Rabelais, science sans conscience n'est que ruine de l'âme." La police n'a pas échappé à la révolution informatique. Elle a même senti le vent venir il y a quelques années et a pris ses dispositions à ce moment-là afin de négocier dans les meilleures conditions le virage qui s'annonçait dans les méthodes du fichage. Aujourd'hui, le ministère de l'Intérieur, avec 510 unités (chiffres de 1978), gère le plus important parc d'ordinateurs de l'administration française. c e développement spectaculaire de l'informatique policière a inquiété la CNIL puisque, dans le rapport d'activité pour les années 1978-1980 (2) qu'elle a fait paraître récemment, nous lisons ces commentaires

"Au moment où la police prend

possession d'un matériel perfectionné incontestablement nécessaire à ses missions, la Commission souhaite qu'il ne soit pas générateur de procédures nouvelles de contrôle. L'expérience montre que lorsqu'un ordinateur existe, il faut l'alimenter ... En l'état actuel de ses travaux, la commiSSion voit s'édifier devant elle une mosaïque. Les pièces en apparaissent une à une sans que l'ensemble puisse se deviner." Il n'est pas facile, en effet, de reconstituer le puzzle. Les morceaux épars dont nous disposons nous permettent néanmoins de nous faire une idée des arrièrepensées qui ont présidé au tissage de cette toile d'araignée informatisée où nombre d'entre nous se sont laissés prendre. Une chose surprend d'entrée: le nombre élevé de fichiers dont dispose la police. Plus de deux cents si l'on en croit le "répertoire" des fichiers de police, un document confidentiel édité en 1968 mais toujours actuel dans ses grandes lignes. Un véritable inventaire à la Prévert où l'on constate que presque tout le monde est fiché: les propriétaires de voitures, les criminels, les voleurs mais aussi les agents immobiliers, les agents de locations, les avorteurs, les bandits, les astrologues, les fakirs, les mages, les exclus des champs de courses, les artistes les consuls étrangers, les corrupteurs de' fonctionnaires, les cadavres identifiés, les cadavres inconnus (sic), les conseils juridiques, les détenus, les démarcheurs à domicile, les usagers de la drogue, les faux-monnayeurs, les journalistes, les "garnis", les fugueurs, les disp~rus, les enseignes publicitaires des garnis (resic !), les joueurs, les prostituées, les chanteurs, les "trousseautiers", les amateurs radio, les voleurs itinérants, les usuriers .. . Les enfants, hélas, n'échappent pas à la manie du fichage. La direction centrale de la police judiciaire (sous-direction des affaires techniques, section C) gère un "fichier mécanographique central des jeunes délinquants" . On apprend qu'il renferme des informations concernant les "jeunes de 13 (treize) à 25 (vingtcinq) ans des catégories suivantes: chefs de bande, agresseurs à main armée, auteurs d'attentats aux moeurs avec violence, bi-récidivistes, délinquants habituels insusceptibles de s'amender". Un autre fichier est constitué de "photographies des mineurs interpelés sur la voie publique et considérés comme prédélinquants". Qui décide qu'un jeune interpelé est pré-délinquant? Tout jeune serait-il à priori suspect? Les nomades sont aussi fichés. Par nomades, il faut entendre Tziganes et gens du voyage. L'opération a été dévolue à la direction centrale de la police judiciaire (sous-direction des affaires techniques, section B). Les fiches contiennent les renseignements suivants

état civil, surnoms, signalement,

photographie, empreintes décadactylaires, référence au carnet anthropométrique. Le répertoire reconnaît aussi l'existence d'un fichier "Nord-Africains". Détenu par la Direction centrale des renseignements généraux (sous-direction de l'Information, 7C section), il comporte des "renseignements individuels d'étatcivil et d'activité" et des "renseignements d'ordre général rassemblés dans les dossiers de principe ou de travail établi par la section". Les R.G. (sous-direction de l'Information, 3" groupe, 8e section) tient pour sa part à jour un "fichier d'outre-mer" centralisant des informations à propos d'immigrés "originaires d'Afrique Noire", de Français des "départements ou territoires d'Outre-Mer" et de personnes venant de la "péninsule indochinoise". 27 DIFFÉRENCES JUIN 81 (.-". ......-..,.. .... ",1 ." "'" ,01'1' " ....... '. Notre tem}?s ----------------------------------------------------- M. Bonnet. ancien ministre de l' Intérieur. voulait "informatiser" les expulsions. 28 L e fichage des immigrés est monnaie courante. D'ailleurs, en décembre 1977 dans une circulaire, le ministre de l'Intérieur, M. Christian Bonnet, liait le renouvellement du titre de séjour des étudiants étrangers installés en France à la "consultation du fichier d'opposition". A l'époque, l'affaire fit grand bruit et les questions posées par Droit et Liberté, le mensuel du MRAP (3), sont toujours d'actualité: "A quoi sert ce fichier? Quels renseignements renferme-t-il? Quelles polices l'alimentent? Les opposants politiques sont-ils sun'eillés par la police? Les ambassades et les gouverne- • ments étrangers y ont-ils accès ?" Il Y a encore quelques semaines, le ministère de l'Intérieur émettait le voeu de recruter un élève de l'ENA dont la mission aurait été de veiller aux aspects réglementaires d'un fichier contenant des informations relatives à "II'origine ethnique ou raciale, aux opinions politiques, religieuses ou syndicales". L'informatisation des titres de séjour délivrés aux immigrés, la constitution d'un fichier central informatisé comportant de nombreuses indications sur leur vie familiale, leurs activités professionnelles et leurs rapports avec l'administration, la délivrance d'une carte plastifiée et infalsifiable, ont inquiété les immigrés et les associations de solidarité (4). Bien que des modifications aient été apportées par rapport au projet initial, des doutes subsistent quant à la finalité de cette opération. La question de la connexion de ce fichier avec d'autres (fichier des personnes recherchées) n'a pas reçu de réponse claire. La distinction entre carte de séjour et carte de travail sera-t-elle maintenue? L'établissement de ces cartes informatisées ne va-t-il pas favoriser l'expulsion des irréguliers ? Les réponses à ces interrogations sont sans doute pour bientôt, après l'installation du nouveau gouvernement. L'armée n'y va pas de main morte. Les français fils d·étrangers ont le mime numéro de code que les repris de justice. Si le ministère de l'Intérieur n'a pas hésité à ficher les immigrés, la Sécurité Militaire, elle, s'est tout particulièrement intéressée aux fils d'immigrés, à ces jeunes de nationalité française qui appartiennent à ce que l'on appelle "la seconde génération", "la nouvelle génération" . Il faut savoir qu'au moment de son affectation dans un régiment, le jeune appelé se voit attribuer un numéro de code à des fins de fichage. Ces numéros sont au nombre de 5 et correspondent à 5 cas-types d'affectation, à 5 fichiers. Le code 0 correspond à une "affectation normale". C'est le cas le plus courant. Le Code 1 a trait aux "affectations par décision particulière". Sont concernés les appelés bénéficiant de "piston" et ceux dont on veut utiliser les compétences professionnelles pour des tâches précises (transmission, etc.). Le code 3 (il n'y a pas de code 2, on ne sait pourquoi) regroupe les appelés pouvant se prévaloir d'une "affectation obligatoire en raison d'un droit (catégorie prioritaire et PMT". Il s'agit ici des appelés ayant effectué une préparation militaire. Le code 4 porte le nom d' "affectation restrictive". Font partie de cette catégorie où sont réunis les pestiférés, "les interdits de séjour, les fils d'étrangers. SM". Le signe SM signifie: Sécurité Militaire. L es autorités militaires n 'y vont pas par quatre chemins : il y a les bons appelés et les mauvais. Les bons sont ceux dont les noms sonnent bien français. Les mauvais, ce sont tous les autres. Dans le même sac (fiche codée 4) : les métèques, les bandits de grands chemins, les "politiques" . Des documents prouvent que des soldats du contingent 78/ 12 affectés dans les forces françaises de RFA ont fait l'objet d'une affectation restrictive (code 4). Sur 385 noms recensés dans le fichier, 90 070 étaient d'origine étrangère: italienne, polonaise, maghrébine, espagnole, portugaise. Certes, les autres, les 10 % restants, portaient des noms français ... c'étaient les mères qui étaient étrangères ! "Depuis sa création en 1961, dit-on au CDLIM (5), la Sécurité Militaire développe, en liaison avec de nombreux services de police, un important travail de fichage des militants d'associations politiques, syndicales, religieuses et, en règle générale, de tout individu suspect de non-conformisme.' '(6) Le fichage des militants s'est systématisé au lendemain de l'apparition des "comités de soldats" dans les casernes. Le fichage comporte, outre le nom de la personne et le lieu d'affectation, des informations de caractère politique tels que: "M.X., un des responsables du mouvement de la Paix en LoireAtlantique. A participé à une grève de la faim en faveur des objecteurs de conscience." "M.Y. codirigeant de la Ligue communiste. Assiste à Paris à un meeting de Krivine." Toutes les bobines ne sont pas aveugles. Pour compléter ses in formations, la Sécurité Militaire peut consulter les fichiers de la police nationale, au SDECE, de la gendarmerie, des Renseignements Généraux, de la DST. Si l'on s'en tient à la lettre de la Loi de janvier 1978 créant la CNIL, ces fichiers auraient dû être tous déclarés. On sait que l'armée s'est soumise à la loi et a fait enregistrer 162 traitements. En revanche, la police paraît moins désireuse de coopérer. Quoi qu'il en soit, l'accès à ces fichiers reste malaisé, voire impossible. En effet, le dernier alinéa de l'article 31 de la loi de 1978 précise que pour "des motifs d'intérêt public", il peut être fait exception à l'interdiction de "mettre ou conserver en mémoire informatisée des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales des personnes" . La plupart des fichiers dont nous venons d'évoquer l'existence appartiennent à cette dernière catégorie. Autant dire que le plus légalement du monde, la police et l'armée peuvent continuer à alimenter leurs fichiers, à les enrichir d'informations concernant la vie privée des gens, et cela à l'abri de tout contrôle public. L a bataille de l'informatique et des libertés n'est pas encore gagnée. La loi de 1978 doit être modifiée et rendue plus efficace, plus opérationnelle, plus contraignante 29 DIFFÉRENCES JUIN 81 aussi. De la même manière que l'on doit empêcher une interconnexion des fichiers au niveau national, l'on doit veiller aussi à ce qu'elle ne s'élabore pas, en douce, au niveau international. Les fichiers se vendent en effet d'un pays à l'autre. Des sociétés multinationales qui aspirent à s'ouvrir à de nouveaux marchés, à occuper de nouveaux "créneaux" commerciaux, à mieux "cibler" leurs campagnes publicitaires remuent ciel et terre pour se procurer de tels fichiers. "Si nous ne prenons pas garde. il risque d'y avoir des paradis de "données" comme il y a des paradis fiscaux". déclare M. Gervais. Demain on camouflera les fichiers nominatifs dans les caves de telle compagnie installée dans tel ou tel pays comme aujourd 'hui les possédants camouflent leur argent dans les coffre-forts des banques suisses. J .-P. GIOVENCO (1) CNIL : 21 rue Saint·Guillaume, 75006 Paris. Tél. : 544.40.65. (2) Rapport de la CNIL : on peut se le procurer à la Documentation Française, 29-31 quai Voltaire. 75340 Paris Cedex 07. Tél. : 261.50.10. Prix: 45 F, 220 pages. (3) Numéro 374, novembre 1978. (4) Lire à propos de cette question l'int éressante étude de Jacqueline Costa-Lascoux publiée dans "Gréco 13 , recherche sur les migrations internationales", 82 rue Cardinet. 75017 Paris. (5) Le Comité Droits et Libertés dans l'Institution Militaire (CDLlM), 27 rue Jean-Dolent, 75014 Paris. Tél. : 707.56.35. (6) Lire l'ouvrage "La Sécurité Militaire". Les deux auteurs appartiennent au CDLlM (édité aux Editions du Cerf). Un hélico se pose sur Divis Flat. Ça ne fait pas rire les gamins de la Belfast catholique. LES ENFANTS DE FALLS ROAD Falls Road, l'axe de la Belfast catholique, s'enfonce dans la brume poussiéreuse qui noie la ville comme dans un cocon. Tout en bas, un hélicoptère vient de se poser sur le plus élevé des immeubles de Divis Flat, grand ensemble de HLM minables où s'entassent des centaines de familles pauvres et d'innombrables enfants que leur espièglerie légendaire semble multiplier. Le fortin que s'est construit l'armée britannique sur le toit du bâtiment surveille toute la journée les allées et venues. Il est ravitaillé chaque semaine par de gros hélicoptères. Les soldats ne descendent pas dans les étages et sont évacués par la voie des airs. On ne sait jamais. Les habitants qui vivaient au-dessous de cette curieuse base militaire ont dû s'en aller. Le bruit était insupportable. Et puis le plafond commençait à se lézarder. Plus bas encore dans Falls Road, c'est l'enfer: les maisons éventrées, pas un arbre, parfois un pub soigneusement grillagé et toujours les enfants au visage malicieux, sali par l'atmosphère humide et chargée. A la sortie de la messe, on parle du curé qui a donné l'idée de construire ce grand ensemble au milieu des petites maisons de brique traditionnelles. Parce qu'il aurait ainsi une paroisse plus peuplée et donc un plus grand poids dans la hiérarchie ecclésiastique ! Belfast-Ouest, le ghetto catholique, ne cherche plus à cacher sa misère. Le chômage y est deux fois plus fort que partout ailleurs dans le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. Depuis 1969, le ramassage des ordures se fait au hasard, chacun se débrouillant comme il peut en attendant le passage mensuel de la benne municipale. Les "taxis du peuple", conduits par d'anciens prisonniers qui ont trouvé ce moyen de survie, sillonnent les rues pour pallier l'abandon presque total de tout service de transports en commun. De temps en temps, une jeep de l'armée s'arrête brutalement dans la rue. Les sol- Jeu ou tragédie? La guerre fait partie de la vie des enfants de Belfast. 30 Issus de familles Irès nombreuses, les enfanls sont les rois de la rue el des lerrains vagues de la Belfasl calholique : Les gavroches de Sainl-Palrick. dats en sortent précipitamment, se jettent à terre, mitraillette au point, foncent dans une rue adjacente, reviennent à leur véhicule et disparaissent. Action contre un groupe de l'IRA, intimidation ? On ne sait pas très bien et d'ailleurs, c'est la routine. Personne ne détourne la tête. Seulement, depuis dix ans, la consommation de tranquillisants a pris des proportions phénoménales. La "guinness" ne suffit plus pour faire dormir les catholiques de Falls Road. Chaque jeudi, après le traditionnel irish stew, le ragoût de mouton qui fait l'ordi- 32 naire de la plupart des Irlandais, c'est pour bien des familles la visite aux prisonniers. Près du local du Sinn Fein, l'aile légale du mouvement républicain, les paquets s'entassent, alignés, avec chaque fois un nom et un numéro matricule. Une pauvre liste réglementaire en Sur Falls Road, près du siège du Sinn Fein, un enfanl brandille drapeau d'une union de Iravailleurs. dit long sur la pauvreté de familles qui ont souvent perdu leur principal soutien: trois pommes, une planche de bois (certains prisonniers ont le droit de faire de petits travaux de menuiserie), un morceau de fromage. La communauté a mis des petits cars à leur disposition . Ceux qui n'ont pas de paquets sont les parents des "blanketmen", ces prisonniers républicains qui ont été arrêtés après le 1er mars 1981 et qui ne bénéficient plus du statut de prisonnier politique. N'ayant pas accepté le statut de "droit commun" et l'uniforme qu'il 33 impose, ces hommes, environ trois cents, vivent nus, couverts seulement d'une couverture, au bloc H où est mort le député Bobby Sands après une grève de la faim de 66 jours. Dans le bloc H, une visite par mois seulement, pas de colis, pas de livres hormis la Bible, inter

diction d'avoir cahiers et stylos. Lors de la visite mensuelle que peut recevoir chaque prisonnier, visiteurs et visités sont soumis à des fouilles si dégradantes que certains des "blan ketmen" ont demandé à leur femme où à leur mère de ne plus venir les voir . Falls Road déverse chaque jour, à son autre extrémité, la foule des catholiques qui ont à rejoindre la citadelle commerciale et administrative, au centre de la ville. Avec ses 500000 habitants, la capitale de l'Ulster est devenue un véritable camp retranché. La "zone de sécurité", qui en est le coeur, ferme hermétiquement à 18 heures chaque soir. Dans les rues, des panneaux roses indiquent: zone de sécurité - aucun véhicule ne doit être laissé sans personne à l'intérieur. Les seuls engins qui circulent sont ques. Sous les ponts , des enfants tracent subrepticement les graffiti aux sigles appris dans les conversations d'adultes. L'un d'entre eux, Michaël Mc Cartan en est mort, tiré par une patrouille anglaise. Mais pire encore que la tristesse de l'endroit, ce qui transpire ici, c'est la haine farouche que se vouent catholiques et protestants pauvres, nationalistes et loyalistes, pour employer la terminologie politique que préfèrent les activistes des deux camps . Belfast-Est est loin d'être un paradis . Un peu moins misérable peut-être que le côté catholique, car on chôme plus facilement quand on est "papiste". Mais les protestants qui forment 72,4 070 de la population ont également leurs problèmes. La désorganisation et le marasme dûs à la guerre civile pèsent sur eux Le graffiti qui constellent les murs d'Irlande du Nord sont bien SOllvent le fait des enfants. ceux de l'armée britannique et du RUC, la Police Royale d'Ulster, composée à 90 070 de "loyalistes". Pour pénétrer dans la zone de sécurité, double fouille obligatoire. Une petite cage ferme la rue avec les fonctionnaires qui doivent à deux reprises s'assurer qu'on ne porte pas d'armes. Partout, des caméras, des détecteurs électroniques. La ville est entièrement sous surveillance. Automobiles, passants, acheteurs sont à tout moment sous le feu des caméras ultraperfectionnées qui permettent de sélectionner un visage dans une manifestation. Toutes ces "informations" sont traitées par l'ordinateur central de Lisburn : un demi million de fiches soit un tiers de la population des six comtés d'Irlande du Nord; des fiches si précises qu'elles peuvent indiquer jusqu'à la couleur du papier peint de votre chambre à coucher, mais aussi les amis avec qui vous allez au pub, votre état de santé, votre pratique religieuse, etc. Au milieu de la ville coule le Lagan, petite rivière triste entourée de fabriaussi, même s'ils en accusent, avec une incroyable animosité, l'autre bord. En plein centre de Belfast-Est: Short Strand. La seule enclave catholique de ce cote-ci du Lagan compte 2 000 habitants. Trois usines y sont implantées. Trois usines où travaillent 9 ouvriers catholiques seulement. A Short Strand, le taux de chômage atteint 75 070 de la population en àge de travail- 1er! L'Irlande celtique et mystérieuse de jadis est loin dans cette triste cité industrielle où quasiment plus personne ne parle le gaëlique. Sous le pont où passent deux prêtres en soutanes, le Lagan pousse ses eaux sales vers la mer. L'armée britannique veille sur ce bout de Tiers-Monde aux marches de l'Europe, avec ses milliers d'enfants aux joues roses qui disputent la rue aux patrouilles militaires. Bobby Sands est mort. Derrière les grillages qui les protègent, les pubs grondent de colère. On rira encore, le soir, avec la guinness, mais Belfast est malheureuse. Annick MONOT L'armée britannique veille. Bobby Sand est mort. La vie continue. 35 Odeurs de cuisine L'irish stew pour 4 personnes • 200 g de pâte feuilletée, • 500 g de gigot de mouton désossé ou d'épaule, • 500 g de pommes de terre, • sel de céleri, • poivre, • une pincée d'estragon en poudre, • 1 bouillon cube, • 1 oeuf. L 'irish stew est le plat national irlandais. On y trouve ces deux institutions nationales de l'Île que sont la pomme de terre et le mouton. Bien-sûr, l'irish stew de tous les jours ne se fait pas avec du gigot mais c'est un luxe qu'on peut s'offrir lorsqu'on le fait, en France, pour connaÎtre à table un peu de l'atmosphère irlandaise. Dans un plat al/ant au four, on dispose d'abord les pommes de terre crues, coupées en rondelles. Pardessus, on met le mouton préalablement coupé en tranches. On assaisonne avec le sel de céleri, le poivre et l'estragon puis 01/ verse un ou deux verres de bouil/on. Ensuite, on ferme hermétiquement la préparation avec une pâte feuilletée que l'on dore avec un jaune d'oeuf. Plus qu'une heure et demi de cuisson à four moyen avant de déguster ce succulent ragoût venu d'outre mer ... d'/rlande. Irish coffee Comment évoquer la cuisine irlandaise sans rappeler l'irish co/Jee qui a déjà, depuis longtemps, conquis les palais français. Dans un verre, on verse une portion de "whyskey" irlandais puis on ajoute une quantité identique de café brûlant et du sucre à la convenance du gourmet. Une légère couche de crème fleurette glacée viendra napper le tout, délicatement versée pour qu'elle reste à la surface de cette succulente façon de marier le café et le pousse-café. Connaître Malgré un récent attentat où elle l'ut grit'vcment blessée, Bernadette Devlin, héroïne des Nationalistes irlandais. poursuit son action. LES CINES D'UNE CRISPATION 36 D epuis 1968, deux mille cent morts en Ulster. A l'échelle d'un pays comme la France, près de soixante mille morts, plusieurs centaines de milliers de blessés. L'Irlande du Nord est en train de repousser les limites du supportable. Elle donne au monde le terrible témoignage de ce qu'une population civile est capable d'endurer. Ce n'est pas une société bloquée. C'est une société qui s'engloutit lentement. Personne ne lâche prise. Mieux vaut se noyer que de lâcher prise. L'IRA, qui considère qu'elle mène la dernière guerre coloniale, a reconstitué un soutien qu'elle avait perdu dans la population catholique, et un appui dans l'opinion publique internationale qu'elle s'était aliéné par des activités militaires dont les victimes étaient trop souvent civiles. Elle reprendra plus tard la campagne armée. Les grévistes de la faim meurent lentement. Le gouvernement britannique remplace l'absence d'initiatives politiques par l'intransigeance et la répression. Plus la politique est en carton, plus on est dame de fer. L'Irlande du Nord n'est pas la dernière colonie de l'Empire britannique. C'est la forme moderne du ghetto social. Dans un monde où l'on considère comme une fatalité la misère, le chômage, les taudis pour un quart de la population, les exclus vivent à Harlem ou à Watts, à Brixton ou dans les banlieues. En Ulster, ils s'appellent catholiques et protestants, et leur révolte passe par le chemin de la mémoire historique. La situation actuelle en Irlande est l'aboutissement d'un terrible engrenage qui a broyé les hommes et façonné les consciences. 1 Pour Cromwell, une tête de prêtre vaut une tête de loup DIFFÉRENCES JUIN 81 L'Irlande gaële a été christianisée au ye siècle par saint Saint-Patrick, évangélisateur et patron de l'Irlande gaële. Patrick. Elle fut conquise une première fois au XIIe siècle par Henri II, mais cette première conquête se limita en fait à l'établissement d'une tête de pont à Dublin, qu'on appelait "The Pale". La véritable conquête du pays date des XYle et XYlIe siècles. Elle correspondait à la Réforme en Angleterre. Les envahisseurs étaient protestants. Le catholicisme s'enracina dans la résistance nationale. Les monastères furent brûlés, les églises détruites, la tête des prêtres mise à prix. Une tête de prêtre valait une tête de loup. Cromwell, en Angleterre, est le chef de la révolution de 1640. En Irlande, il est mieux connu sous le nom de "Boucher". L es indigènes matés, massacrés, chassés de leurs terres, allaient vivre pendant près de deux siècles en situation de citoyens proscrits. Les "lois pénales", d'une extrême sévérité, codifiaient leur infériorité. L'accès aux affaires, aux élections, aux fonctions publiques, leur était interdit. Les prêtres officiaient en plein air. Les poètes, les conteurs, ayant perdu la protection des grandes maisons nobles, allaient de village en village chanter les légendes héroïques. Battus, soumis, nostalgiques d'un passé révolu, les Idandais étaient incapables de se révolter. Les premiers signes d'insoumission vinrent de la garnison protestante. Ils réclamaient le droit de gérer leurs propres affaires, stimulés d'abord par la révolution américaine, puis par la révolution française. Mais lorsqu'ils demandaient de nouveaux droits, ils ne pensaient pas plus à la population indigène que les colons américains ne pensaient aux Indiens. La révolte menée par le protestant Wolfe Tone, républicain convaincu, échoua. Par l'Acte d'Union de 1801, l'Irlande fut intégrée dans le Royaume Uni. Il faudra attendre 120 ans Olivier Cromwell: républicain en Angleterre, "boucher" en Irlande. 37 Connaître jusqu'à la création de l'Etat libre. Le XIX' siècle fut marqué par des mouvements de masse importants qui transformèrent les sujets soumis en acteurs de leur propre histoire. Premier grand mouvement de masse moderne, l'agitation pour le retrait des lois pénales, dirigée par l'avocat Daniel O'Connell. Les lois pénales furent abolies en 1829. O'Connell relança un nouveau mouvement pour le retrait de l'Union. Démagogue génial, conservateur têtu, O'Connell craignait la révolution et refusa l'affrontement direct avec le gouvernement anglais. Son mouvement échoua. L'échec fut suivi par la Grande Famine qui va laisser l'Irlande exsangue. 2 La famine divise la population irlandaise par deux Trois années de suite, de 1845 à 1848, la récolte de pommes de terre sera ravagée par une maladie qui pourrit les tubercules sur pied. L'Irlande ne fut pas le seul pays frappé par l'épidémie. Mais c'était le seul où la pomme de terre formait l'essentiel de la subsistance. Huit millions d'habitants avant la famine, quatre millions après . Famine, choléra, exil. Les historiens discutent encore de la part respective des trois facteurs dans la division d'un peuple par deux. Un million et demi sont sans doute morts de faim, directement ou indirectement. Le reste s'est entassé dans les bateaux. Ceux qui ne mouraient pas en route débarquaient aux Etats-Unis. Les Irlandais qui tombaient épuisés au bord des routes voyaient passer d'un oeil vide les convois de viande et de blé à destination de l'Angleterre, assez pour nourrir deux fois le nombre de ceux qui sont morts de faim. Mais à l'époque du libre échange, rien ne devait entraver les voies commerciales. D ans la conscience populaire, ces trois années se résument dans l'expression: "Dieu a envoyé la maladie, , mais l'Angleterre a apporté la famine." Jamais plus. Des fossés du Connemara, des taudis de Dublin, les hommes et les femmes se lèvent et relèvent la tête. Ils ne mourront plus couchés. Les étapes de la conscience nationale portent des noms: Michael Davitt, Parnell, Connolly, Larkin. Derrière ces noms, le peuple devient un héros collectif. Le peuple paysan s'organise dans la Ligue agraire. Terminé les expulsbns arbitraires. Si le propriétaire chasse une famille et demande un nouveau fermier, le jour de l'adjudication la salle est remplie d'une foule serrée. Gare à celui qui lève la main pour lancer une offre! Il sera reconduit fermement jusqu'à la sortie. Si un étranger au pays reprend la ferme, il ne trouvera plus d'ouvriers agricoles pour l'exploiter, plus de domestiques pour entretenir la maison, les magasins fermeront leur porte. Le capitaine Boycott envoyait des lettres au Times, les dames des salons londoniens pleuraient en lisant qu'il devait préparer son thé lui-même. Le capitaine renonça et laissa son nom derrière lui. 3 Les ouvriers touchent leur paye au café Le peuple ouvrier. A Dublin, il vivait dans les taudis, était sous-payé. La mortalité infantile, en 1913, était plus élevée qu'à Calcutta. Les payes étaient distribuées dans les cafés et l'Eglise catholique dénonçait l'alcoolisme. Dans des rapports officiels, le patronat expliquait qu'il était normal que les ouvriers dublinois fussent mal payés, car ils arrivaient épuisés avant même de commencer leur journée, ils étaient peu productifs . Larkin organise un grand syndicat, "The Irish Trans- 38 port and General Workers Union". Le patron des patrons, William Murphy, licencie les ouvriers syndiqués. Il n'accepte de les réembaucher que s'ils signent un document où ils promettent d'être sages et de ne pas s'organiser. Au lock-out répond la grève. Pendant six mois, Dublin est paralysé. Les manifestations, les emprisonnements se succèdent, de juillet à décembre 1913. Froidement, cyniquement, les patrons attendent que la faim et la misère réduisent la résistance. Ils croient avoir gagné lorsque les travailleurs reprennent lentement le chemin des ateliers et des magasins. La lueur qui s'est allumée dans leurs yeux ne s'éteindra plus. Dans le ciel de Dublin le bâtiment le plus élevé, plus haut que les banques et les cathédrales, est le siège du "Irish Transport and General Workers Union" . L es mouvements de fond sont moins spectaculaires que les actes héroïques. Les livres d'histoire accordent plus de pLace au soulèvement de Pâques 1916 qu'à la grève de 1913. Insurrection, répression, jugements et fusillades sommaires, rien ne manquait. Sauf le peuple. Il entre à nouveau en scène à la fin de la première guerre mondiale, accorde sa confiance, à 80 pour 100, à une assemblée élue qui déclare l'indépendance du pays. Le gouvernement de Londres ne reconnaît pas la nouvelle autorité, envoie ses troupes, sa police, ses tribunaux. La guerre anglo-irlandaise dure de 1919 à 1921 et se termine par l'instauration de l'Etat libre d'Irlande. Fin. Tout recommence. Car l'indépendance n'est arrachée que pour vingt-six comtés. Il reste six comtés qu'on appelle ,'Ulster, ou le Nord. Le nouvel Etat libre compte deux millions et demi d'habitants, catholiques à 95 pour 100. Au Nord, un million et demi : un million de protestants, cinq cent mille catholiques. Une partie des combattants républicains ne pardonne pas à ceux qui ont accepté la division du pays et considèrent que le combat ne se terminera que lorsque l'Irlande sera réunifiée. La communauté protestante, qui refuse d'être intégrée dans le nouvel Etat, se retranche dans une citadelle assiégée. Elle organise délibérément un Etat protestant, un parlement protestant, une police protestante. La minorité catholique est traitée comme une cinquième colonne que veut détruire cet Etat protestant. 4 La révolte de 1968 Lorsque l'action pour les droits civiques s'est développée en Irlande du Nord, en 1968, elle était politique. Demander l'égalité des droits du citoyen, le suffrage universel, le retrait des mesures discriminatoires à l'égard des catholiques dans le domaine du logement, du travail, de la direction des affaires locales et régionales, l'abolition des brigades terroristes, fer de lance des pogroms (les B. Specials), tels étaient les éléments d'une plate-forme politique forte. Forte parce qu'elle réclamait "simplement" l'application des principes élémentaires d'une société démocratique. Le pouvoir protestant était perdant sur ce terrain. Les Unionistes ne pouvaient justifier, ni par leurs propres principes, ni devant l'opinion publique internationale, le maintien d'un système fondé sur la discrimination. Leur seule réponse possible pour tenter d'éviter l'écroulement était de créer un autre terrain d'affrontement. Il leur fallait montrer que la défense des droits civiques n'était qu'une couverture dissimulant une agression contre la population protestante, ses valeurs, sa volonté de rester unie à la Grande-Bretagne. Apparaissant comme des agresseurs, ils devaient "prouver" qu'ils étaient agressés . lis devaient mon- 19\3. La police britannique charge les grévistes irlandais de Dublin . trer que les manifestations de 1968 étaient la poursuite de la guerre anglo-irlandaise. Le moyen pour cela était simple: provoquer une riposte armée aux attaques contre la communauté catholique. Le piège ainsi tendu fonctionna parfaitement. La riposte de l'IRA dépassa leurs espérances. Elle rendit "coup pour coup", ce qui était précisément ce qu'on attendait d'elle. La plate-forme des droits civiques fut oubliée et l'Irlande du Nord s'installa dans une guerre de tranchée. P udeur, prudence, difficulté? Dans la littérature abondante qui traite de l'Irlande du Nord, la tendance est de parler de tout, sauf de l'obstacle principal à toute évolution. La communauté catholique s'est retrouvée unie comme jamais dans le mouvement pour les droits civiques de 68-69. L'IRA nourrit ses nostalgies meurtrières du pourrissement de la situation, des atermoiements, des promesses non tenues. Tout pas en avant vers une solution politique du conflit la marginaliserait immédiatement. Le gouvernement de Londres? Qu'il soit soucieux de l'avenir politique de l'Irlande, très certainement. Il souhaite que l'Irlande reste solidement ancrée dans le système occidental, il a toujours favorisé la venue au pouvoir de gouvernements modérés contre un républicanisme plus radical. Mais l'exemple de la République montre que la partition n'est pas une nécessité pour conserver l'emprise de la Grande-Bretagne. Capitaux, main-d'oeuvre circulent librement entre Dublin et Londres. La partition du pays est le résultat d'une résignation plutôt que d'un choix délibéré. Lloyd George était prêt à accorder l'indépendance à l'ensemble du pays. Churchill, en 1940, était prêt à échanger l'Ulster contre l'engagement de l'Etat irlandais aux côtés de l'Angleterre en guerre. Chaque fois que Londres a voulu ou accepté des réformes, l'autonomie en 1912, l'indépendance en 1921, il s'est heurté à l'intransigeance de la communauté protestante devant laquelle il s'est 1981. A Paris, après la mort du député républicain Dobb,· Sands, manifeslantes à Paris. chaque fois incliné. En 1969, il s'est heurté à la même volonté, plus particulièrement forte dans la composante ouvrière de la communauté protestante. Les accords de Sunningdale de 1972 prévoyaient le partage des pouvoirs entre les deux communautés. Ils étaient acceptés par la bourgeoisie protestante. Ils se sont effondrés lorsque les ouvriers protestants ont paralysé le pays par une grève. 5 Les ouvriers protestants contre les nationalistes Le nationalisme classique a longtemps esquivé la difficulté. 11 concevait l'Irlande comme si Belfast et le Nord n'existaient pas. L'histoire réintroduit toujours ceux que les discours ont exclu. Non seulement les ouvriers protestants du Nord forment un bloc politique et idéologique avec l'unionisme, mais ils en constituent l'élément irréductible lorsqu'une des composantes de l'alliance donne des signes de faiblesse. Depuis soixante ans, on nous explique que les ouvriers protestants sont "manipulés" par l'impérialisme britannique. Depuis soixante ans, ces explications piétinent et n'ont pas levé les divisions. Une étude plus serrée montre que la partition n'a pas été le résultat d'un complot, mais la conséquence dramatique d'un développement séparé. L ' union de l'Irlande et du Royaume-Uni date de 1801. L'abolition des tarifs douaniers a ruiné l'industrie dans tout le pays. Sauf au Nord. Les industries de l'Ulster, textile, métallurgie lourde, chantiers navals, sont au coeur de la révolution industrielle anglaise et ont largement profité de l'intégration. Belfast se développe rapidement, passe de cent mille habitants en 1850 à quatre cent mille en 1914. Le niveau de vie des ouvriers, à qualification égale, est celui des ouvriers anglais. L'industrialisation du Nord est L'IRLANDE vue par Swift vers 1726 Traversez le pays, regardez ces figures hâves, ces bouges misérables, ces cultures à peine aménagées, ces femmes nues, ces hommes qui ressemblent à des bêtes fauves; dites si le jugement de Dieu n'est pas descendu sur nos têtes. Est-ce l'frIande ou la Laponie et reconnaÎtrez-vous notre pays où la terre est féconde, le ciel doux, le climat modéré, les hommes doués de qualités souples, variées, heureuses? De misérables vêtements, une nourriture ......................... ..... 39 détestable, la désolation de presque tout le royaume, les ruines de nos châteaux, la détresse de nos paysans, sans bas, sans souliers, sans abri, vivant de pommes de terre et forcés de payer des loyers énormes. Tout cela peut-il faire plaisir à nos voisins anglais qui viennent de temps en temps nous visiter comme des bêtes curieuses et qui retournent dans leur pays, heureux et empressés d'y trouver ce qui nous manque ?

Une littérature de Prix Nobel : .......... ...... ' . . . ..... .... »:-:.;.»» :-:-:.;.: L'Irlande possède deux littératures. Outre les nombreux textes théologiques en latin du début de son histoire, la littérature gaëlique trouve ses lettres de noblesse dans les grandes sagas et la poésie des premiers siècles, transmises par les filid (prophètes-conteurs) et plus tard par les bardes. Après de longues éclipses, elle reprend un rôle important avec notamment Thomas Osborne Davis (1814-1845) qui comprit que la langue pouvait devenir une force politique. Pourtant, nombre d'écrivains - et parmi les plus grands du monde - ont exprimé en anglais une réalité proprement irlandaise. Citons Swift (1667-1745), dont le conte cruel et satirique, Les Voyages de Gulliver date de 1726. Mais il faut surtout parler, à l'époque contemporaine, de la particulière vivacité du théâtre irlandais. Grâce à Yeats (1865-1939, prix Nobel 1924), qui fonda avec Russel la Ligue Gaëlique en 1893 puis le Théâtre Littéraire irlandais en 1899, dans Abbey Street, ce théâtre trouva son souffle à Dublin même, et non plus sur les scènes anglaises. De Yeats, il faut citer la Comtesse Cathleen (1892) et le Pays du désir du coeur (1894) à l'inspiration mystique. A eux se joignit Synge (1871-1909) qui trouva ses thèmes dans les îles d'Aran. De lui citons le Baladin du monde occidental (1907) et Deirdre des douleurs (1910). De 1916 à 1923, la ruefut plus à l'ordre du jour que les salles de théâtre et c'est un enfant des luttes révolutionnaires, O'Casey (1883-1964) qui prit la parole sur les scènes avec des drames politiques dont le protagoniste est le peuple d'Irlande (la Charrue et les Etoiles 1926). L'Irlande enfanta d'autres génies qui vécurent en exil comme Wilde (1856-1900), le plus fêté et le plus humilié (Portrait de Dorian Gray, Salomé), G.B. Shaw (1856- 1950, prix Nobel 1925), dont nul n'ignore le Pygmalion, ou Samuel Beckett (né en 1906, prix Nobel) qui a porté ses personnages en décomposition à l'état de symboles. Le théâtre d'Abbey Street, jusqu'en 1916, éclipsa un peu le roman, qui trouva à cette époque son renouveau avec James Joyce (1882-1941). S'il fut déçu par la cause nationaliste et s'il vécut la plupart du temps à l'étranger, il n'en reste pas moins le chantre de l'Irlande, notamment avec Gens de Dublin, 1914, Dedalus, Portrait de l'artiste en jeune homme, 1916, et son Ulysse, 1922 qui, par sa forme nouvelle, le monologue intérieur, d'une prodigieuse prolixité, a influencé toute la vision du monde de l'Occident contemporain . ...... .... .. . ', '«.» :-:.» »:-:- « ««.:.:« . .. .. " ............................................. " indépendante de l'évolution économique du Sud. Elle est entièrement tournée vers l'extérieur, vers l'exportation et les échanges avec le capitalisme britannique. Au Sud, le nationalisme dominant est celui d'une bourgeoisie peu développée, aspirant à créer un centre de développement capitaliste indépendant. Bourgeoisie faible, conservatrice, effrayée par le syndicalisme "anglais". Le nouvel Etat libre reflétera cette idéologie en excluant de l'histoire et de la culture "légitime" un million de protestants intégrés dans le développement industriel britannique. 6 Une société à idéologie unique Les collines qui séparent l'Ulster de la République ont formé une frontière beaucoup plus fermée que la mer qui la relie à la Grande-Bretagne. On comprend que la bourgeoisie protestante ait voulu maintenir des liens dont elle avait profité. Mais est-il si facile de dire que les ouvriers n'avaient aucun intérêt à ce maintien? Les arguments utilisés par les syndicalistes du Nord auraient dû être pris plus au sérieux: l'indépendance, disaient-ils, donnerait le pouvoir à une Eglise réac- René Fréchet, Histoire de l'Irlande - PUF, Que sais-je? 1975. Rafroidi, Guiffan, Verrière, Irlande, milieu et histoire, Paris, Armand Colin, 1970. Roger Faligot, La Résistance irlandaise, Paris, Maspéro, 1977. Roger Faligot, James Connoly, Paris, Maspéro, 1978. Maurice Goldring, Irlande, idéologie d'une révolution nationale, Paris, Editions sociales, 1978. Les Cahiers Irlandais sont publiés chaque année par le Centre d'Etudes et de Recherches irlandaises de l'Université de Lille Ill. (CERIUL) sous la direction de Patrick Rafroidi et Pierre Joannon. La revue Encrages, de l'Université Paris 8 - Vincennes-SaintDenis (2, rue de la Liberté, 93 Saint-Denis) publie un dossier sur l'Irlande (l'Irlande; changement et stabilité) dans son numéro 2-3, automne 1979. La revue Irlande Libre. ................ ' .. .:.;. ........ . 40 tionnaire et à une "lumpen-bourgeoisie". De telles préventions n'ont certes pas été atténuées par la sauvagerie avec laquelle les forces conjuguées du patronat, du nationalisme politique et de l'église catholique ont réprimé le mouvement ouvrier de Dublin au cours du lockout de l'hiver 1913. L e bilan des salaires, du taux de chômage, du niveau de vie, des services de sécurité sociale, est régulièrement en défaveur de l'Etat indépendant. Peut-être plus important: au plan culturel s'est formée une société cléricale qui fonctionne en termes d'exclusive, donc d'intolérance. La République d'Irlande s'extrait péniblement d'une société à idéologie unique où qui n'appartient pas à la culture dominante catholique se trouve exclu, parfois douloureusement, par la censure et l'exil. Peut-on reprocher aux ouvriers protestants de ne pas manifester un enthousiasme excessif pour une conception de leur avenir qui s'apparente à un Tiers-Mondisme intérieur? Selon cette conception, ils forment une aristocratie du travail, relativement privilégiée; ils devraient accepter de perdre leurs privilèges afin de s'intégrer dans la communauté nationale, pauvres mais aimés. Evoquer leurs privilèges alors qu'ils travaillent dans les secteurs les plus touchés par la crise leur paraît d'un goût douteux . 7 Favoriser le pluralisme Il fut un temps où Bernadette Devlin, la militante républicaine, et Ian Paisley, le député protestant, accompagnaient ensemble une délégation des syndicats de Belfast pour réclamer des mesures contre le chômage. Aucun journal français n'a publié ra photo de cette délégation, pourtant diffusée par les agences de presse. Cette photo existe, je l'ai vue. Elle était, hélas, moins spectaculaire qu'un soldat enflammé par un cocktail Molotov, moins dramatique qu'une grève de la faim. La photo jaunit pendant que s'épaissit la muraille entre les deux communautés. Personne ne peut rester insensible à l'héroïsme du sacrifice personnel. Mais s'il faut à tout prix choisir, je choisis l'héroïsme de ceux qui, au péril de leur vie, maintiennent des sections syndicales où se côtoient catholiques et protestants, de ceux qui tentent d'organiser, sous les insultes et les menaces, des écoles où enfants catholiques et protestants partagent la même cour de récréation. Je n'écrirai pas un mot, pas une virgule, qui puisse aider ceux qui ajoutent de nouvelles pierres à la muraille . Maurice Goldring Le Sernam en 1981, c~st d'abord des dé/a;s garantis de quelques heures 24 heures 4Bheures 3;ours S;ours Le dired express pour relier les centres des villes d'un bout à l'autre de la France. Le spécial express sur toutes les relations importantes de domicile à domicile. Le spécial express sur toutes les autres relations, toujours de domicile à domicile. La messagerie accélérée, véritable service in te rvilles. La messagerie, de domicile à domicile, partout et pour tout. 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La France au XVI" siècle, comme beaucoup de pays européens, est pénétrée par les idées de Réforme. Ce mouvement revendique au premier chef une réforme des hommes et des rouages de la vieilLe Eglise catholique et romaine, mais il exprime également de nouveaux comportements et de nouvelles mentalités dans tous les domaines de la vie publique et de la vie privée. Bien que persécutés dès l'origine par les pouvoirs civils et religieux, bien que refusés par les catholiques, les protestants français ont, depuis 1559, réussi à implanter dans le royaume leurs convictions religieuses et morales et des institutions ecclésiastiques qui leur sont propres. L'OCCITANIE CHOISIT LA RÉFORME Ces protestants forment, aux alentours de 1560, une forte minorité d'environ 2 millions d'individus, soit les 10 % de la 42 population; inégalement répartis dans le royaume, ils sont particulièrement nombreux au-dessous d'une ligne La Rochelle-Lyon, au sud du pays. Ce Midi de langue occitane se montre depuis le Moyen-Age rebelle à l'intégration: les mouvements hérétiques des Vaudois et des Cathares témoignent de ce refus d'alignement sur un ordre catholique et monarchique. Cette indépendance à l'égard du pouvoir central est renforcée par une longue pratique de l'auto-gestion municipale et provinciale grâce à des institutions de "libertés" que le gouvernement, faute de moyens techniques et humains, n'a pu encore déraciner. Dans ce cadre de semi-autonomie, les populations du Midi portent volontiers leur fidélité vassalique vers la famille d'Albret qui perpétue la seule grande maison féodale du Midi; les Albret sont rois en Navarre, vicomtes en Béarn et seigneurs d'une foule de fiefs dans le Sud-Ouest de la France. Le Midi occitanophone affirme une fois encore sa différence par cette large adhésion au protestantisme, religion qui n'est pas celle du pouvoir central non plus que celle de la majorité des Français. Il est vrai qu'une étrange connivence s'est établie entre les systèmes et les valeurs dont le protestantisme est porteur, et la culture, la sociabilité, les traditions politiques du Sud imprégné de romanité . Les Huguenots se recrutent dans les villes et les bourgs parmi les magistrats, les hommes de robe, les marchands et aussi les artisans; des cités entières sont d'ores et déjà passées à l'hérésie et y demeureront à l'abri de leurs murs, alimentées par un plat-pays qu'elles contrôlent politiquement et religieusement durant les quarante ans de troubles. Dans les campagnes, le mouvement est très peu suivi sinon dans les Cévennes, mais en revanche hobereaux et nobles d'importants lignages ont adopté avec enthousiasme la nouvelle religion; la famille d'Albret ellemême s'est convertie en la personne de Jeanne, reine de Navarre. Ces nobles se trouvent être les chefs naturels des armées puisque la guerre est leur métier et ils sont également dans une certaine mesure, les animateurs du parti. Comme à la Cour, des princes du sang tels Antoine de Bourbon et Henri de Condé ont également quitté le giron de l'Eglise romaine, les protestants se trouvent en 1560 suffisamment puissants pour réclamer la participation qui leur revient au pouvoir politique à tous les niveaux et la reconnaissance officielle de leur religion et de leurs Eglises. Or, depuis 1559, le pouvoir monarchique représenté par des rois adolescents (François II et Charles IX) et une éternelle régente (Catherine de Médicis), traverse une phase de faiblesse; aussi est-il porté, pour un temps du moins, à la négociation et accorde-t-il, par l'édit de janvier 1562, la liberté de conscience aux protestants, reconnaissant ipso jacto l'existence d'une religion autre que le catholicisme traditionnel. Ainsi aurait pu se mettre en place une inter-confessionnalité peut-être contestée, du moins garantie par la loi. Ce ne fut pas le cas ; ni le peuple tenu en main et manipulé par le clergé catholique, ni une partie de la haute noblesse (dont le clan des Guise se constitue en image de marque) ne tolèrent l'existence de cette minorité politico-religieuse nouvelle venue. C'est ainsi que débutent, en 1562, les huit guerres de religion; les historiens de l'époque les nomment "troubles", ce qui est un meilleur vocable puisqu'il ne s'agit en rien de combats continus mais de violences sporadiques, d'affrontements ponctuels, de désordres locaux, avec de temps à autre des batailles rangées (on les compte sur les doigts d'une main) où les forces catholiques et royales s'opposent aux troupes protestantes. UNE PAIX RELATIVE ET HARGNEUSE En ce mois d'août 1572, le royaume en est à sa dixième année de troubles. Une paix relative et hargneuse a mis, en 1570, un DIFFÉRENCES JUIN 81 terme provisoire à la troisième guerre. Les protestants retrouvent, en tant que tels, leur place dans la communauté nationale. Les grands du parti protestant siègent au conseil du roi, organe essentiel du gouvernement central. L'amiral de Coligny devient même l'un des conseillers intimes de Charles IX, tandis que les Huguenots de sang bleu participent à nouveau aux divertissements de la Cour. La situation semble donc très favorable aux protestants, CATHERINE DE MÉDICIS DONNE SA FILLE A UN HUGUENOT Catherine de Médicis se propose même de marier sa fille, Marguerite de Valois (la future reine Margot), à l'héritier de la maison d'Albret, Henri de Navarre. Pourtant, à l'intérieur de cette classe dirigeante réunifiée, des tensions et des divergences se manifestent bientôt dont la politique extérieure est l'enjeu . Gaspard de Coligny et ses amis souhaiteraient un renversement des alliances qui engagerait la France aux côtés des pays protestants: l'Angleterre et surtout les Pays-Bas du Nord (bientôt les Provinces-Unies), révoltés contre la domination espagnole. Bien que désireuses de souder l'unité intérieure du royaume, la reine-mère et son équipe ne peuvent envisager une rupture avec les puissances européennes catholiques

l'Espagne, la Papauté, les principautés italiennes et

une partie de l'Empire. Une lutte s'engage donc au Conseil entre les tenants de l'une et l'autre politique; Coligny, mis en minorité, s'entête car il pense rallier le roi à ses projets et donc passer outre les avis de la majorité. Pourtant, le 18 août 1572, se célèbre le mariage de Marguerite et d'Henri. Cérémonie bizarre puisque le futur époux, protestant, n'a pas assisté à la messe et qu'il est resté à l'extérieur de Notre-Dame, en attendant que la bénédiction nuptiale soit donnée aux fiancés sur une estrade dressée à cet effet sur le parvis, devant la cathédrale. Dans la matinée du vendredi 22 août, l'amiral de Coligny revient paisible du Louvre, entouré de quelques familiers, lorsqu'une arquebusade l'atteint, le blessant au bras et à la main. Alors que le tueur réussit à s'enfuir, le blessé gagne son logis où viendra bientôt le soigner le célèbre chirurgien Ambroise Paré. Mais, parmi les Huguenots nombreux puisque beaucoup sont venus du Midi assister au mariage d'Henri de Navarre, la colère gronde. Charles IX promet de faire chercher le coupable pour le châtier. Le samedi après-midi, Catherine, dans l'impasse, se trouve contrainte de lui apprendre qu'elle est à l'origine de l'attentat. Pris entre les politiques opposées de sa mère et de l' amiral, effrayé également par la rage des gentilshommes huguenots, au cours d'une entrevue dramatique à laquelle participent notamment la reine sa mère, le duc d'Anjou son frère et le duc de Guise, tous trois personnellement mis en cause par les menaces protestantes, le roi se laisse arracher l'ordre de tuer tous les noble ~ "hérétiques", capitaines et chefs du parti qui se trouvent rassemblés à Paris. Après minuit, au palais du Louvre et dans les hôtels proches où résident l'amiral et ses coreligionnaires, les gardes royaux et les sbires de François de Guise et d'Henri d'Anjou s'occupent à massacrer. Crime politique, crime de palais à l'italienne, crime de la peur. Dans la hâte et l'angoisse, l'organisation de la proscription laisse à désirer. Pourtant on avait mandé le prévôt des marchands pour lui faire assembler devant l' Hôtel de Ville les milices bourgeoises: elles devaient contribuer à exterminer Le duc de Guise, le chevalier d' Angoulèmc. le duc d'Aumale devanl le corps de l'amiral de Colign)' Culture R. ViOl 1 rT Le duc de Guise. La "reine Margot". les protestants installés hors les murs, faubourg SaintGermain, lorsque sonnerait, une heure avant le jour, le tocsin de Saint-Germain-l' Auxerrois. Mais quand retentissent les cloches, les milices encadrées par les dixainiers et les quarteniers ne sont pas prêtes; les "hérétiques" avertis par les bruits et les lueurs sur l'autre rive du fleuve pressentent le danger et s'enfuient à bride abattue sur le grand chemin d'Orléans. LE TOCSIN DONNE LE SIGNAL DU MASSACRE Pourtant, le rassemblement des milices s'effectue et, faute de nobles, on tuera du libraire, de l'artisan, du marchand, du professeur ou plus simplement du voisin. C'est alors que le crime change de nature puisque, cessant d'être proscription, il devient massacre populaire. La Saint-Barthélemy est un pogrom; la volonté d'éteindre la "race" différente et étrangère apparaît manifeste. "Ils n'épargnent ni femmes ni enfants ... " dit un chroniqueur plutôt favorable au massacre; de même, des femmes enceintes que l'on tue, on extrait l'enfant à naître pour le tuer aussi, certains cadavres d'hommes, dont celui de Coligny, sont émasculés. Pourtant, si les massacreurs ont voulu atteindre globalement la "race" protestante, ils ont dirigé leur violence vers des victimes de choix, et en ce sens la Saint-Barthélemy est un crime de classe. Sur le Pont-aux-Changes, sur le pont Notre-Dame, dans le quartier royal et autour du Louvre et de SaintGermain- I' Auxerrois, ce sont des changeurs, des diamantaires, des marchands de soie, des orfèvres que l'on assaille en même temps que leurs boutiques, véritables cavernes d'AliBaba, sont mises au pillage . De même sont anéantis de nombreux avocats et membres de la fonction publique. Comme si le peuple refusait aux hérétiques le droit d'être riches et puissants (ce qu'ils sont souvent) et s'efforçait en les tuant de rétablir une égalité sociale. Mais la Saint-Barthélemy revêt surtout l'apparence d'un crime rituel, d'un gigantesque holocauste. A détailler à travers les témoignages oculaires les gestes des tueurs, on s'aperçoit qu'ils se répètent sans arrêt: les victimes sont tuées à l'arme blanche, puis elles sont mises nues et traînées par les rues, enfin elles sont jetées dans la rivière. Les gestes de la foule sont bien des pratiques purificatrices destinées à apaiser la colère divine et à nettoyer l'espace pour une nouvelle sacralisation. La purification par le feu intervient à un degré moindre mais ô combien symbolique: le bouc émissaire par excel- 44 lence que représente Coligny a subi l'épreuve du feu puisque son cadavre est brûlé sur un bûcher. Tout aussi symbolique est le sort réservé aux boutiques des libraires-imprimeurs de la rue Saint-Jacques: elles sont vidées de leurs livres qui sont transformés en brasier au milieu de la chaussée. DURANT TROIS JOURS, PARIS RESTE PORTES CLOSES Le massacre a duré trois jours durant lesquels Paris, derrière ses murs dont les portes n'ont pas été ouvertes, est une ville folle. Le gouvernement responsable de la proscription est en fait responsable du crime populaire puisque le peuple a vu dans le premier acte politique l'autorisation d'accomplir le second acte purificateur (ou hygiénique) ; redoutant d'être débordé par cette vague de violence, le roi se terre au Louvre. "Le sang et la mort courent les rues en telle horreur que leurs majestéz mesmes, qui en estoient les auteurs, ne se pouvaient garder de peur dans le Louvre ... " écrira plus tard le maréchal de Saulx-Tavannes, co-responsable du massacre puisqu'il a assisté au dernier Conseil du samedi 23 août. Seuls des messagers franchissent les portes gardées du palais; ils sont porteurs d'ordres adressés au prévôt des marchands (un maire de Paris qui serait nommé par la monarchie) et aux échevins de l'Hôtel de Ville; tous ces "mandements" (renouvelés plusieurs fois les 24,25,26 et 27 août 1572) visent à faire rentrer les "bourgeois" de Paris chez eux, à cesser les tueries et les pillages et à protéger les protestants. Ces ordres sont impuissants à maîtriser le raz-de-marée; celui-ci ne s'apaise que les 27 et 28 août 1572. La reprise en main ne se fait vraiment que le 30 août. Combien de morts? Ils sont très difficiles à chiffrer, ils se situent autour de 2 000 à Paris. Mais, comme l'écrit Michelet: " ... la Saint-Barthélemy n'est pas une journée, c'est une saison ... " De fait, lorsque les nouvelles parisiennes arrivent dans les provinces, des massacres s'opèrent à Angers, Saumur, Orléans, La Charité-sur-Loire, Lyon, Meaux dans les derniers jours d'aôut ; à Rouen, Troyes, Bourges en septembre. Dans ces villes, la présence d'une forte minorité "hérétique" a déjà provoqué - en 1562 par exemple - des troubles et des tueries; en 1572, les catholiques, à l'instar de ceux de Paris, ont traité les protestants en victimes sacrificielles, accomplissant sur les cadavres les rites de purification. Dans le sud du royaume, une Saint-Barthélemy ensanglante dans les premiers jours d'octobre Toulouse, Bordeaux et Gaillac; les exécutions sont différentes des "matines parisiennes" car elles sont plutôt des règlements de compte à l'intérieur des milieux dirigeants: à Toulouse et Bordeaux, il s'agit d'épurer le Parlement qui représente en province la justice du roi de ses éléments non conformes; à Gaillac, les notables "papistes" exterminent l'équipe municipale protestante et prennent sa place. Pourtant, le décompte des morts en ces journées sanglantes est lourd: ils atteignent sans doute 5 000 pour tout le royaume. Ce n'est pas seulement pour des raisons religieuses que le groupe monarchique a ordonné la proscription: le souci politique a joué avant tout. A l'intérieur d'une France unie aux pays protestants, les détenteurs du pouvoir n'auraient pu longtemps encore détenir la conduite des affaires

mais il y a plus
en faisant assassiner les nobles huguenots

présents à Paris - à l'exclusion toutefois des princes du sang: Henri de Navare et Henri de Condé - c'est aussi le Midi, ce lieu d'un éternel irrédentisme que l'on veut tuer en le privant de ses chefs naturels. Et puis, le crime provoqué par les ambitions et les intérêts d'un gouvernement déchaîne l'escalade de la violence: les actes "limités" de la royauté servent de légitimation au peuple massacreur. Janine GARRISSON-ESTÈBE _______ Culture _______ - L'Office du Vocabulaire Français traque les anglicismes mais les mots d'origine étrangère s'infiltrent tout de même, avec ou sans carte de séjour. Les langues scandinaves nous un laissé un vocabulaire nautique a"ec l'étrave. la crique et le homard. L'anglais est moins discret! 45 L ' Office du Vocabulaire Français a déclaré la guerre au terme "parking". II préfère le vocable, combien plus hexagonal, de parcage. Convaincra-t-il? On peut en douter. Et pourtant, au seizième siècle, l'humaniste Henri Estienne mène déjà une campagne analogue contre l'envahissement des mots italiens dans la langue française: "Nous laissons, s'indigne- t-il, sans savoir pourquoi, les mots qui sont de notre creu, et que nous avons en main, pour nous servir de ceux que nous avons ramassés ailleurs." On le voit, l'affaire n'est pas nouvelle. Dans l'océan des mots d'origine latine qui forment le vieux fonds du français, assaisonné de quelques racines celtiques romanisées après la conquête de la Gaule et de débris épars des invasions germaniques, vogue une multitude d'apports divers qui, venus des 5 continents, nous permettent de dire en français notre monde d 'aujourd 'hui. Ces enrichissements successifs nous font suivre les avatars d'une histoire qui, sortant du morcellement médiéval, s'est peu à peu universalisée. Et d'abord par le Proche-Orient et l'Afrique. C'est en effet à l'arabe que l'on doit, après l'anglais et l'italien, les présents les plus nombreux. Alors que les guerres féodales enferment dans quelques rares monastères les foyers de culture et de réflexion, les Arabes reprennent et enrichissent l'antique culture grecque (c'est par leur intermédiaire que Saint-Thomas d'Aquin fait connaissance avec les oeuvres d'Aristote) . Venise l'a bien compris en bâtissant sa richesse sur le commerce avec le Levant qui occupe d'ailleurs d'anciennes terres de chrétienté comme l'Espagne et la Sicile. Beaucoup de mots d'origine arabe s'introduiront en français par l'intermédiaire des négociants italiens (douane, gabelle, chiffre) ou à travers l'Espagne si longtemps influencée par sa merveilleuse civilisation mozarabe (guitare, abricot, algarade, alezan). Quelques curiosités comme le mot romaine qui, par l'intermédiaire du provençal, désigne une "balance" d'origine Culture arabe (rommâna) mais dont la tradition a vite fait une "balance romaine" donnant cl l'empire fondé par Auguste une conquête de plus, mais totalement imméritée. Le mot laquais est un bon exemple de l'évolution des rapports entre les peuples. AI kaïd (le caid), chef de guerre arabe donne en espagnol alacayo. Mais à partir du Xlye siècle, les chrétiens en font voir de dures aux "infidèles" et le mot suit l'évolution qui renvoie les chefs maurcs à un rôle subalterne . Le laquais français n'est plus qu'un valet de chambre. L'ARABIE HEUREUSE NOUS APPREND LES MASSAGES VOLUPTUEUX SOUS LES LILAS OU DANS LE CREUX DES SOFAS Dcs 270 mot s d'origine arabe, un grand nombre évoquent les fastes et les plaisirs de l'Orient . Ainsi, le verbe masser qui fait miroiter tout un univers d'almées, de houris errant dans des hammams tandis quc sur son alezan, le sultan rêve au sofa où il pourra retrouver sa belle aux yeux de nacre cernés de kôhl et boire avec elle un sirop au parfum dc lilas. Mais les Arabes furent égalemcnt les ambassadeurs d'autres peuples et nous apportèrent de Perse les échecs, mot qui signifie roi (cf. schah) . Et puis, de leur longue fréquentation avec la Grèce alexandrine, les conquérants dc l'Espagne rendent cl l'Europe des mots d'origine hellénique comme timbre, moustache ou céleri. Si l'arabe est, de loin, la langue la plus influente du haut Moyen-Age, il n' est pas la seule. Les Pays-Bas nous laissent de quoi monter une poissonnerie en donnant au français le bar, le cabillaud, le flet, le maquereau, l'éper/and, l'aiglefin et autre colin. Mais avant de le manger, encore faut-il l'avoir pêché. Nos cousins flamands ne nous abandonnent pas et nous prêtent le hâvre où haler nos chaloupes, les digues où rêvent les malelots. L'image halieutique et paisible des Pays-Bas tranche avec celle des principautés allemandes à qui le français doit des termes de bivouac où le son du jïfre signale les arquebuses vi sant à la cible, les hussards aux hrandebourgs clinquants, le pistolet et la cravache, Il est vrai que les Allemands nous font également cadeau d'une réalité et d'un mot moins guerri ers : lcs nouil/es. L es envahisseurs "normands" qui, sur leurs drakars, menacèrent Paris ont, eux, visiblement impressionné par leur connaissance des choses de la mer . De leur langue scandinave, ils nOLIs ont donné le goût de cingler vers les criques où fourmillent homards et crabes, l'étrave fendant la vague, la hUile cernée de haubans bien tendus. Plus récemment, et par l'intermédiaire de l'anglais, les langues nordiques nous ont permis de donner lin nom à un sport qu'on prétend "alpin", le ski! Ajoutons le sabre qui nous vient des Hongrois, le vampire serbe, le robot tchèque sans parler des soviets bolcheviks qui dirigent les kolkhozes d'outreBérésina et nous aurons fait le tour des apports en provenance de l'Europe du Nord et de l'Europe centrale. Au seizième siècle, l'Europe "découvre" I:e monde. Pour l'asservir. Cette rencontre se fera-t-elle à sens unique? La langue française répond par la négative. Les Indiens Arawaks ne sont plus le Ihé. la jonque el le sampan nous viennenl d'Asie. 46 que quelques centaines, sur les côtes de Guyane, après avoir été ext erminés sur leurs îles caraibes et remplacés par des esclaves africains. Pourtant, leurs canots transportent toujours, dans les pages de nos dictionnaires, le tabac, la patate et le maïs, cl moins qu'un ouragan n'incite à rester à l'abri des goyaviers, dans la savane, ou que l'on préfère préparer les flêches au curare, confortablement installé dans un hamac. L'OURAGAN DE LA CONQUÊTE DÉTRUIT LES INDIENS CARAÏBES MAIS RAMÈNE LE TABAC LA PATATE ET LE MAÏS Le cacao dont on fait le chocolat nous vient des Aztèques. La vigogne et le caoutchouc sont des mots quechuas, la langue des glorieux Incas. Après avoir conquis les Indes, les officiers anglais prennent le repos du guerrier sous des vérandas qui les protègent de la jungle. Parfois un triste lascar vient leur proposer la compagnie d'une belle indienne au châle de percale ou de cachemire. Même en pyjama, après un bon shampooing QU croquant une mangue en short kaki, le digne représentant de la couronne sait se tenir avec les bayadères. Mais les délices des Capoue d'Extrême- Orient ne sont pas assez puissants pour arrêter l'avancée européenne vers l'Est. Juste le temps de ces quelques emprunts aux langues de l'Inde et l'on s'embarque vers la Malaisie sur des navires qui croisent les jonques et les sampans, maniés à la pagaie dès que le vent baisse. Et puis, du malais "têh" nous vient la dénomination d'une boisson naturalisée britannique , le thé. Notons en fin la "plaisan teric" des prem icrs naturalistes hollandais qui donnèrent à un grand primate asiatique le nom d'orang-outang, en malais "homme des bois" . P lus à l'Est, les apports au français se raréfient. il y a bien le bonze japonais, le kaolin chinois , le kangourou des aborigènes au straliens ou le tabou polynésien mais ces mots sont loin d'être ceux de tous les jours. L' Afrique est également avare de ses vocables et ne nous ", guère prêté que quelques mots comme balafon ou chimpanzé désignant des réalités qui lui appartiennent en propre. Notons tout de même le titre de noblesse éthiopien ras qui est entré dans le dictionnaire français et qui est tout dernièrement réapparu dans le mot populaire rasta désignant les Jamaicains adeptes du rastafarisme. Ras Tafari est un titre que portait le négus Ha'llé-Sélassié avant sa montée sur le trône. Les rastas croient que l'exempereur défunt est une réincarnation du Dieu Jah. Malgré quelques exceptions notables, l'éloignement géographique et culturel rend les mots empruntés plus reconnaissables, soit qu'ils désignent une réalité dont on reconnaît immédiatement le caractère exotique, soit que leur consonnance elle-même ait gardé la musique des rivages où ils sont nés. Il est évidemment beaucoup moins facile de deviner les mots qui nous sont venus par l'intermédiaire d'autres langues romanes comme l'italien, l'espagnol ou le portugais. Dès le Xlye siècle, tout ce que la France connaît d'intellectuels novateurs tourne le regard vers les cités galiennes. Le rôle commercial de l'Italie du Nord, son dynamisme financier introduisent le mot banque, par référence au banc des changeurs qui est rompu en cas de faillite, de banqueroute. Les 850 mots d'origine italienne qui nous sont restés donnent une bonne idée de l'image que les Français de l'époque se font de l'Italie. Le style de vie italianisant fait fureur chez les jeunes loups de la Renaissance . Frasques, foucades, caprices font les choux gras des courtisans qui se pavanent, s'amourachent brusquement, pour quelques caresses, n 'hésitent pas à se frotter à la canaille, à la populace puis repartent en carosse pour de nouvelle escapades avant de tomber en disgrâce. Les rivalités incessantes entre villes italiennes comme les guerres entreprises contre elles par les rois de France ont eu des effets plus durables que la bataille de Marignan. On leur doit le canon quel qu'en soit le calibre, le mousquet, l'escopelle et bien sûr les cartouches. Les armes à feu ne remisent pas pour autant le fleurel au magasin des accessoires et l'escrime continue, de bOlles en estocades, à faire de belles estafilades. Mais l'art militaire cède vite la place aux beaux-arts qui trouvent entre Rome, Yenise et Florence leur terre d'élection . Musique et architecture se disent avec des mots transalpins et comment en serait-il autrement dans une France qui sort de son Moyen-Age les yeux fixés sur le dôme de Brunelleschi? Rapidement, on va imiter, avec les mêmes mots, les façades ornées de stucs, les corniches pilloresques, les pilastres à l'antique . Des sérénades s 'offrent au pied des appartements où le violon contraste avec le trombonne qui donne la cadence en sourdine. L e dernier mot d'usage courant que le dictionnaire français ait emprunté à l'italien désigne un courant politique fondé en Italie par un certain Mussolini, le fascisme! La péninsule ibérique, moins présente dans les courants d'échange européens, est aussi moins prolixe en apports sémantiques. On lui doit pourtant le mot camarade, d'origine espagnole, qui signifie originairement compagnon de chambrée. Espagnol aussi, le terme saynète dont l'histoire est curieuse. Sainete désigne, dans la langue de Cervantes, un petit morceau de gras qu'on donne au faucon de chasse lorsqu'il revient sur le poignet de son maître. De là, on passe au sens d'assaisonnement puis d'une petite pièce légère et bou ffonne destinée à agrémenter un spectacle sérieux . Une fausse éthymologie fait le reste et maintient le mot en français. VIENS FAIRE UN TOUR AU DANCING, ON Y SWINGUE SUR DU JAZZ, EN JEANS OU SUR ROLLERS. C'EST SUPERCOOL ! Et puis le sujet, jusque-là plein de la poésie qu'y mettait l'éloignement du temps et l'exoti sme des terres évoquées, prend un aspect polémique, agace: l'anglais fait son entrée. L'anglais, avec son air de gentleman .................. .... ... . ... .. ........................... . .. . .. ... . .. MOTS SANS FRONTIÈRES Le bonze prit un verre de thé mais l'ouragan arracha le châle qui couvrait ses épaules el mil à jour les tatollages baroques de cet homme matois et laquin. Son visage de poussa prit la couleur d'une lomale, mais alors que le cyclone faisait rouler des paquets bizarres sur le goudron et s'engouffrait dans le kiosque, un bidon s'effondra sur son crâne écarlate. 1/ y a dans ce texte des mots d'origines indienne, arawak (caraïbes), portugaise, malaise, polynésienne, japonaise, scandinave, espagnole, aZlèque, allemande, chinoise, néerlandaise, turque, persane, arabe, italienne el anglaise. Pouvez-vous les trouver? 'uESJ;)d : ;)lEPEJ3 - ;)AEU!P -UEJS: UOP!8 - JJI1j : ;)nbsoD{ - ;)qEJE

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47 DIFFÉRENCES JUIN 81 un peu snob, confortablement installé dans un rocking-chair sous les boulingrins, lisant un magazine ou écoutant une émission avant de faire un bridge, celui-là, passe encore. Mais le style minette super-cool faisant son jogging le walk-man à l'oreille, c'est plus que flippant, ça vous fait perdre vot re selfcontrol, ça vous met K.O. Il n'y a plus qu'à aller oublier au dancing, faire un puzzle ou mettre à fond sa hi-fi! Faut-il dénoncer le "franglais"? N'est-ce pas un combat d'arrière-garde contre une évolution positive et, somme toute classique, de la langue? L'influence du monde anglosaxon dans le monde, depuis maintenant deux siècles, a fait de l'anglais la principale langue internationale. Plus que l'anglomanie du XIXe siècle, assez comparable au fond à l'italianomanie du XYi siècle, ce qu'il faut craindre c'est la paresse du français à s'approprier les mots qu'il puise dans le fond d'Outre-Manche et surtout, désormais, d'Outre-Atlantique. Si les bowling-green, devenus boulingrins en traversant le Channel (pardon, la Manche !) ont été naturalisés par cette transformation orthographique, on regrette d'avoir à écrire flirt, qu'on prononce fleurte, et qui n'est jamais qu'un emprunt de l'anglais à la jolie expression française: conter fleurette. Ecrira-t-on un jour, bloudjines et pouloveur pour blue-jeans et pullover ? L a marge est étroite entre un conscrvatisme étroit qui, finalement, enlèverait toute capacité d'évolution à la langue et la saine résistance à l'envahissement de l'anglais, devenu dominant dans le monde. Les dégâts parfois irrémédiables causés par le français sur certaines langues africaines donnent à penser . La domination coloniale ayant fait accroire que tout ce qui ressortissait à la modernité était, par essence, européen, on a vu s' installer une évolution unilatérale des langues dominées qui, perdant toute vitalité, empruntèrent ce qui servait à dire les choses nouvelles aux mots de l'envahisseur qui les apportait. La pente est dure à remonter. D'une certaine manière, le français se trouve aujourd'hui en position de faiblesse par rapport à l'anglais tout puissant. Bien sûr, l'exemple des apports italiens de la Renaissance montre qu'un grand nombre d'emprunts sont de simples phénomènes de mode qui passeront avec le temps. La défense de la "différence" française passe aussi par une vigilance ouverte où notre langue, métisse comme notre peuple, saura conserver sa capacité d'évolution sans vendre son âme. Jean-Louis SAGOT -DUV AUROUX

  • Sur ce sujet, lire l'excellent "Que sais-je" :

les molJ étrangers, de Pierre Guiraud. Cufture "Lorsque je me souviens des claquements du fouet / Mon sang se glace / Je me souviens du bâteau d'esclaves / Lorsqu'ils brutalisèrent mon âme profonde." (Bob Marley

"Slave Drivers").

Oui, le reggae se tourne vers le passé lointain du peuple noir . 11 se tourne vers l'Afrique, terre des racines d'où sont venus les esclaves, ancêtres des actuels Jamaïcains. Ils embarquèrent par milliers de la Côte de l'Or vers le Nouveau Monde où ils arrivèrent vers 1517. C'est pourquoi, aujourd'hui encore, à la Jamaïque plus que dans les autres Îles des Caraïbes, on retrouve des coûtumes, des rites et des instruments des peuples Ibo , Coromantès, Haoussa et Mandingue. Ils remplacèrent bien vite ceux des Indiens Arawak, exterminés par les Espagnols qui suivirent la voie ouverte par Christophe Colomb en 1494. Le reggae raconte cette histoire qui fut celle de la plus grande déportation que l'humanité ait connue En écoutant les paroles des chansons, on revit les grands événements de cette terre à peine plus grande que la Corse. On apprend à connaître ses héros légendaires comme Marcus Garvey ou Paul GobIe. Le reggae jama'lcain e s t aujourd'hui l'expression des Rastas . C'est, avec la ganja (herbe), le meilleur moyen d'entrer en communication avec Jah (Dieu). Le mot Rasta vient d'ailleurs du nom original du dernier empereur d ' Ethiopie: Ras Tafari Makonen. Le mot est entré dans le vocabul aire jamaïca in après que Marcus Garvey eut "prophétisé", en 1927, la venue d'un nouvel empereur noir en Afrique. Trois ans plus tard, le nouveau souverain s'installait sur le trône et prenait le nom de "Haïlé 48 Sélassié (trad . : "pouvoir de la Sainte Trinité"), descendant de David, lion conquérant de la tribu de Juda ." Les Rastas ont adopté le mode de vie des marrons, ces esclaves rebelles qui se sont réfugiés dans les montagnes et ont recréé des mini-sociétés dans l'empire colonial. Leur organisation était telle que les Anglais, qui succédèrent aux Espagnols en 1665, signèrent avec eux un t raité d ' Indépendance le lor mars 1739. Les Rastas vivent donc dans les montagnes . Ils ne ma ngent quasiment pas de viande . A la rigueur un peu de volaille, mais surtout pas de porc . Ils ne boivent pas d'alcool non plus. Leur chevelure, na{{y dread (cheveux nattés), est une coiffure naturelle qu'ils appellent dread loocks, car il est dit dans la Bible : "Aucun instrument tranchant ne doit toucher la tête du juste." Fidèles à ce principe , les Rastas ont les cheveux longs. Bob Marley disait aussi: "C'est le symbole de la liberté. " L es Rastas s'appellent entre eux Israëlites et se considèrent comme fai sant partie des tribus perdues d'Israël. Ils ont une sainte horreur de la femme en période de menstruation . A cette époque, elle est isolée du groupe et ne doit pas toucher son ma ri . D'ailleurs, la pire insulte rasta n'e st-elle pas "Blood Clot" ou "Bumba Clot" (caillot de sa ng) . En général, la femme occupe une situation inférieure dans la société ra sta. Puisant dans les idées de Marells Garvey, les Rastas prônent le retour vers l'Afrique. En son temps, Marcus Garvey, exilé aux USA, donnait des conférences, expliquant "qu'il n ' y a pas de salut pour les Noirs dans les plantations coloniales". 11 créa une société : The Black Star Liner, compagnie maritime ayant pour but le rapatriement des Noirs en Afrique . Le seul bateau qu'i! ait jamais pu mett re en service ne connut d'autre ligne que celle conduisant de Floride à Cuba. "The Black Star Linner" n'a eu de succès que dans les boîtes puisque c'est aussi le titre d 'un excellent morceau du groupe •• Regulars" . Enfin, les Rastas prônent une consommation maximum de la ganja (marijuana locale) . La meilleure du monde selon les spécialistes ! Ce que l'on connaît sous le nom de reggae est beaucoup plus récent que le mouvement rasta . Il faut savoir que la Jamaïque n'est indépendante que depuis 1962 et pendant longtemps l'usage du tambour y fut interdit. Le tambour a une double importance: il transmet les messages et représente la puissance d'une tribu . Comme d ans toute société coloni ale, la culture locale est _,ouvent étouffée au profit de la culture coloniale . Aussi, la radio permit aux Jamaïcains de se brancher sur les stations noires américaines qui di stillaient du rythm'n blues à longueur de journée. Avec les rythmes africains, le rythm'n blues est à l'origine du reggae . Un groupe comme "Toots and the May tais" était déjà célèbre à cette époque. Aujourd'hui, il a accentué le tempo de sa musique pour lui donner un son plus reaggae, mais l'influence rythm'n blues américain y est encore nettement reconnaissable. La ver sion jamaïcaine du rythm 'n blues s'appelait le dka et commença à avoir du succès au début des années 60. Son rythme était nettement plus rapide que celui du rythm'n blu es. La légende dit que l'été 66 fut très chaud et très sec. Le tempo ralentit pour donner une danse plus lente . Le nom de la musique s'adapta et devint le rock sleady. L a Jamaïque est un pays pauvre et les bals ont souvent lieu en plein air. Pour se faire entendre, les disc-jockeys devaient pousser les basses au maximum . Ce son original plut beaucoup et devint une règle pour les nouveaux groupes qui affinèrent la technique. Le reggae était né. Depuis, les musiciens se sont appliqués à donner à leur musique un son toujours plus propre et toujours plus riche. Aujourd ' hui, le reggae s'appuie sur un trio rythmique (basse, guit are, percussions) et sur un trio mélodique composé de voix; le plus élaboré reste sans doute celui de Mylton Cedric , du g roupe Congo. Le reggae n'est plus seulement une musique de danse, c'est aussi une musique que l'on écoute. La musique reste, pour de nombreux Jamaïcains, le seul espoir de sortir de la misère. La concurrence entre les groupes est terrible. Le système de vente s 'est adapté. Des disc-jockeys ambulants proposent des quarantecinq tours sur lesquels la chanson occupe une face, une partie dub la seconde . Le dub est la version in strumentale de chaque morceau . Elle permet au disc-jockey d'improvi ser son propre texte, ce qui donne parfois lieu à des concours acharnés très prisés par le public. Le dub est aussi devenu une expression propre où le technicien se fait musicien. Le sucl:ès du disque dépend souvent de son doigté à manier la distorsion et la chambre d'écho . L'a uditeur attentif d écèle dans chaque groupe ou chaque disque de reggae des effets nouveaux accompagnant des rythmes de plus en plus travaillés. Le reggae est devenu un véritable opium, à tel point que bon nombre de Jamaïca ins ne croient une information qu 'à partir du moment où ils l'ent endent sur le di sque de leurs musiciens préférés. C'est le journal de la Jamaïque, cent fois plus puissant qu'une radio . Certains parlent de troisième force du pays . Une force résolument tournée contre "Ba bylone", c'est-à-dire le monde dominé sur le vice, l'argent, l'injustice . Bob Marley vient de mourir. Le vide est grand pour les millions d'admirateurs qui écoutent ses disques avec passion dans le monde. "Get up, stand yp for your rights", levezvous pour défendre vos droits, ce cri tant repris par les musiciens de reggae, c'est lui qui le porta le plus loin au-delà des rives de la Jamaïque. Il chanta notamment aux fêtes de l' Indépendance du Zimbabwé un morceau qu'il avait composé en l'honneur des 49 DIFFÉRENCES JUIN 81 résistants qui se battaient contre le régime blanc de lan Smith. Grâce à son audience internationale, Bob Marley permit que le reggae sorte du ghetto et que des studios modernes fu ssent construits en Jamaïque même. Ainsi, le plus connu des musiciens jamakains, le "pape du reggae" comme certains l'ont nommé, au -delà de son immense talent et parfois de ses faibles ses, aura avant tout permis qu'un continent nouveau de la ch anson contemporaine soit ouvert au monde entier. Il est toujours atrooe de dire qu'un homme qui meurt à 36 ans vit toujours par ses oeuvres. Ça lui fait une belle jambe ! Cc qu 'a permis Marley. c'est mieux que ça, c'est que les vivants qui participèrent au même mouvement créatif que lui puissent se faire entendre . Adieu. Marc MANGIN j Culture 1 Is sont une soixantaine de virtuoses dans cette très jeune troupe du cirque de Pékin, orIgInaires de Chongqing, une ville du Sichuan sur le fleuve Yang-Tsé. La plupart n'ont pas dix-huit ans, certaines jeunes filles paraissent en avoir douze. Leurs numéros se succèdent à une cadence infernale et rigoureuse qui ne laisse pas une seconde d'ennui, avec des interludes comiques et élégants. C'est ce qui frappe dans ce spectacle aux rouages impeccables: la perfection, la distinction, tout est réglé comme un ballet d'opéra. La chorégraphie dose en douceur les séquences de force , d 'humour ou de prestidigitation avec la même grâce déliée. D'emblée, le public est "ceux qui parcourent les lacs et les rivières" ou encore "les montreurs à même le sol". Ils présentaient leurs performances à l'abri des mauvais payeurs grâce à des auvents de toile rudimentaires. Dans les grandes villes, toutes les formes de spectacles étaient regroupées dans des quartiers spéciaux. Au XIXC siècle, à Pékin, on pouvait, dans le quartier de plaisir du Pontdu- Ciel, assister à des opéras, à des numéros comiques, traîner dans les maisons de thé, aller au restaurant ou voir des marionnettes. Il existe encore à Hong-Kong de ces lieux spécialisés où, aux spectacles très traditionnels, s'ajoutent les strip-teases, les films de Kung-Fu, la patinoire et le zoo... Ces lieux de plaisir remontent à la dynastie des QUEL CIRQUE Le cirque de Pékin traverse Paris. Le cirque tout court traverse l'enfance et se dessine aussi, dans ses affiches ... conquis par un numéro d'origine bouddhique, la danse des Lions. Ces lions de peluche (seuls "animaux" présents) virevoltent, font de l'équilibre et pondent des bébés lionceaux folâtres pour la plus grande joie des jeunes spectateurs. Suivent des numéros qui recèlent des influences étrangères, de l'Inde (contorsionniste et prestidigitation) ou de la Perse (exercices sur les tables). Les shows caractéristiquement chinois comme la danse des lanières, les jongleries, l'acrobatie, remontent à la plus lointaine tradition. A l'origine le cirque chinois était itinérant. Les bateleurs se déplaçaient en famille, par petits groupes. On les appelait Song. 11 yen avait trois contenant chacun une cinquantaine d'auvents rien qu'à Kaifeng, capitale des Song du Nord. Les bateleurs se divisaient alors en deux groupes : ceux qui faisaient les numéros durs (acrobatie, équilibre, jonglerie) et ceux qui faisaient les numéros mous (prestidigitation, burlesque). Mais tous ces bateleurs recevaient le même enseignement de base, comme on le fait dans les cirques à la française, de nos jours. Ce que la jeune troupe nous présente aujourd'hui ne devrait pas être intitulé cirque, car il s'agit d'art acrobatique et un des plus brillants au monde. Il est amusant, au sortir du cirque de Pékin, d'aller faire un tour du côté de la rue de Paradis, au numéro 18, où le très beau musée de l'Affiche offre un aperçu panoramique de l 'histoire du cirque à travers ses affiches. Colorées, luxuriantes, mouvementées, elles offrent un contraste assez frappant avec la rigueur et le classicisme du cirque de Pékin, qui apparaît stylisé, épuré. Cela tient peut-être au principe de l'exportation, à l'absence d'animaux qui ne peuvent facilement traverser la planète, mais aussi au lieu, le Palais des Congrès étant bien loin de donner l'atmosphère particulière des grandes tentes en toile où le public entoure la scène. L'affiche du cirque a des qualités et une existence bien à elle. Elle doit d'abord annoncer avec éclat, en une seule image, l'arrivée du cirque et de ses multiples shows. En ce seul numéro représenté, elle doit donc susciter la quintessence de cette fête kaléïdoscopique. Une, elle provoque mille rêves et mille désirs: désirs et rêves qui ne seront pas déçus, l'affiche est authentique et véridique, quand le rideau s'ouvrira sur les clowns et que la fanfare éclatera (ô musique des films de Fellini), le spectateur saura qu'on ne l'a pas trompé. L'affiche ne ment pas. Elle est au-dessus de tout soupçon . L'image de cette affiche est fixe, plate, définie, mais elle a pour mission de représenter ce qui est avant tout mouvement, tintamarre et couleur. Ainsi, toutes ces exigences ont fini par lui donner un caractère propre, elle s'est simplifiée pour être plus forte et plus frappante, dynamique, essentielle. Elle attire, mais attention, sans jouer les maquerelles, car son public, c'est la famille. Elle harangue et attise le désir des grandmères et des petits-enfants! Le texte et les lettres participent des mêmes manoeuvres. Dans les anciennes affiches où l'image était moins importante, la typographie s'accordait au pas du numéro: dansante pour les acrobates, comique pour les clowns, élégante pour les figures équestres, exotiques etc. Si le cirque semble être un des plus vieux métiers du monde (honni soit qui mal y pense !) Le cirq1Je de Pékin à Paris. l'affiche met du temps à s'organiser et prend ses titres de noblesse au XIX· siècle avec le cirque Napoléon, le cirque de l'Impératrice et les hippodromes. Elle est gravure sur bois ou sur zinc jusqu'en 1870, puis la lithographie prend la vedette car elle permet l'utilisation d'une palette riche en couleurs. Les FoliesBergère, qui montrent égaiement des numéros de cirque, font appel à des caricaturistes célèbres, surtout à l'apparition de Footit et de son compère Chocolat, les deux clowns. On crée pour eux de beaux aplats de couleurs sans cerne. En 1901, Barnum et Bailey implantent en France leur chapiteau géant et lancent des campagnes d'affichage dans un rayon de soixante kilomètres autour de leurs points d'ancrage. C'est une révolution. En 1921, Alfred et Jules Court créent le Zoo-Circus, avec tOlltes sortes de bêtes fauves. Amar, Bouglione et Spessardy suivent. L'automobile permet des déplacements rapides . L'affiche est alors le seul moyen publicitaire. Les campagnes et les villes sont inondées d'un placardage sauvage et efficace. Les Barnum ne craignent pas de montrer des scènes de chasse en Afrique: tumulte, violence, exotisme, tout est bon . Les dompteurs ont bien entendu la part belle. Au début du siècle, cirque et music-hall ne cessent de s'influencer. Si le music-hall a pris au cirque ses numéros, le cirque à son tour se lance dans de véritables mises en scène. Après la guerre, le cirque marque un déclin, mais il connaît à présent une très nette renaissance grâce à la ténacité de certains amoureux de cet art populaire. On ne peut que très chaleureusement recommander cette exposition qui durera quelques mois. Avec un peu de chance, vous y rencontrerez un clown du cirque d'Annie Fratellini qui vous initiera aux secrets du maquillage. Marie MERCIÉ DIFFÉRENCES JlIIN 81 un grand anden. Charles Vanel. L'AUTRE AU FESTIVAL Valeurs sûres en baisse, comme par hasard, un autre valeurs naissantes ou cinéma levait le voile sur quelrécentes en hausse. ques différences. Voilà , pour reprendre un jar- Entre Blanche et Barbès. les gon très mode en ce moment, portes du cabaret entendent le l'image que laissera le Festival cri désespéré d'un travesti en de Cannes 1981 qui s'est tenu manque de drogue ("Neige"). du 13 au 27 mai dernier. Une A Berlin, pas très loin du production mondiale en mur, entre deux enfermerégression, l'imagination, ments psychiatriques, une l'invention et l'humour en schizophrène s'offre généreuvoie de disparition, des sement aux "damnés de la cinéastes reconnus qui terre" ("Die Beruhrte"). De s'appliquent en tirant la lan- la Galilée à la Cisjordanie gue: les écrans de Cannes ont occupée, deux générations de été bien pâlichons cette femmes palestiniennes année. L'émotion, ce sera confrontent leur destin sans le pour la prochaine fois. savoir ("La mémoire L'impression est personnelle, fertile"). Quelque part en naturellement, mais cepen- Algérie, une famille revient dant corroborée par la nappe au village natal après l'immide morosité qui s'est abattue, gration en France et retrouve 15 jours durant ou presque, une culture qui n'est plus la sur le Palais, lieu de projec- sienne ("Prends 10 000 balles tion des films de la sélection et casse-toi "). Chant d'amitié officielle. Ce n'est donc pas sur fond de thriller, plainte là, à une exception près, que solitaire en semi-liberté, cette ballade cannoise condui- paroles-constats sans agressira, mais plutôt à des manifes- vité, déracinement vécu sur VIVA tations parallèles ("quin- images comiques, le cinéma Le seulpleur Cl'sar. za i ne" , "per s pec t ives", prend la réalité à bras le corps auleur des lrophées remis "semaine de la critique") où et livre là, mine de rien, qua- aux lauréalS. sur les marches du palais. 51 Culture tre oeuvres importantes. ENTRE BLANCHE ET BARBES Betty le travesti de Pigalle (Nini Crépon) est en manque. Sans son gramme de poudre blanche, il ne peut vivre. Son amie Anita la barmaid (Juliet Berto), aidée de son amant Willy, karatéka un peu fruste (Jean-François Stevenin) et Jocko, un pasteur noir profiteur de religion (Robert Liensol), remplace Bobby l'Antillais, l'habituel pourvoyeur qui vient d'être abattu par la police . Les trois novices au grand coeur vont y laisser leur liberté sinon leur peau. La brigade des stupéfiants ne fait pas dans le détail. Embuscades, fourmilières, folles poursuites, fu sillades auraient pu faire de ce film un classique thriller à la trançaise avec emprunt new-yorkais . Mais la réalisatrice n'a rien oublié, ni de ses précédents films comme comédienne, ni de sa propre expérience. Berto ne ressemble pas aux promeneurs aveugles qui parcourent le trottoir de Barbès à Blanche. Elle a déjà soulevé le rideau de la fête foraine et poussé la porte des cabarets glauques. Elle a mesuré la détresse sous la délinquance (ou plutôt sous le comportement que la loi nomme délinquance). Elle a suivi de son doigt sensible la trame des amitiés troubles et sincères tissées entre tous les paumés de J'ombre. Elle a observé les coups de coeur impossibles naissant au milieu des fragiles dérives . Film constat, film regard, attachant, sans prise de position morale, "Neige", la première oeuvre de Juliet Berto, écrite avec Marc Villard et réalisée avec JeanHenri Roger, sélectionnée officiellement par la France après avoir été initialement retenue par la Semaine de la critique, a été interdit aux mineurs de 18 ans pour, semble-t-il, incitation à l'usage de la drogue. C'est Ambiance du Feslival. Derrière les feux de la rampe, un autre cinéma se fait jour. une décision absurde que le nouveau ministre de la Culture devrait annuler (si ce n'est déjà fait) car c'est bien au jeune public que s'adresse ce film en priorité. LES PLUS HAUTES DES SOLITUDES Avec Die Berhurte ("La fille offerte") d'Helma Sanders, on quitte la fête foraine et les cabarets pour retrouver "les plus hautes des solitudes", celles de la maladie mentale, de la vieillesse et de l'immigration. Il y a quelques années, une certaine Rita G. envoyait à la réalisatrice une lettre lui proposant de tirer un film de son autobiographie . Rita G. est une schizophrène et son mal pourrait passer pour un simple désir de communication absolue avec les hommes auxquels elle s'offre d'abondance si elle ne cherchait en eux l'incarnation vivante du Christ. De sa première expérience sexuelle à son dernier internement, la vie de Rita G. n'est qu'une suite de rencontres, d'hospitalisations, fuites et tentatives de suicide. Ni sa famille, grande bourgeoisie hors du coup, ni le médecin qui choisit le traitement chimiothérapique, ne lui laissent la moindre chance. Interprété par Elisabeth Stepanek, étonnante de vérité et de douceur éper- 52 due, ce dernier film d'Helma Le ton change radicalement Sanders est une oeuvre boule- dans "Prends 1 00 balles et versante aux images parfois casse-toi" de Mahmoud Zeminsoutenables. mouri, dont c'est aussi le premier long métrage. Ce cinéasSahar Khalifeh, romancière te de 35 ans, né à Boufarik, a palestinienne, a une trentaine choisi pour traiter le thème du d'années. Divorcée après retour le style comique et sar- 13 ans de mariage , elle vit en castique, un parti-pris qui Cisjordanie occupée, seule laisse à l 'humour le soin de avec ses deux filles . Sarah dégeler une situation impossiHatoum, la cinquantaine, ble. Après de nombreuses femme du peuple, est veuve et années passées en France, une habite Nazareth avec ses deux famille algérienne (père, mère enfants. Elle refuse obstiné- et deux adolescents) décide de ment de négocier quoi que ce rentrer au village. Ce sont les soit à propos de sa terre volée enfants, rapidement affublés en 1948. Sans se connaître, de surnoms haut en couleur ces deux voix vont se répon- ("Fifi rouge à lèvres" et dre . Deux générations portent "Travolta") qui vont provol'hi stoire d'un peuple et de ses quer par leur mentalité et leur femmes . La résistance obsti- comportement banlieusard le née dans la tradition et le phénomène de rejet . La popucombat quotidien difficile lat ion ne peut supporter longouvrant sur l'avenir. Michel temps ces "étrangers" dont la Khleifi, avec ce premier long culture risque de contaminer métrage, "La mémoire fer- la jeunesse "saine" du viltile", renouvelle le genre lage. Le rire fait la force de ce document politique qui en film-farce, aux situations avait bien besoin. Alternant cocaces ou réelles, parfois les récits à la première per- caricaturales. sonne, sobre et sincère avec les images souvent émouvan- Pari s, Berlin, Palestine, Algétes des situations familiales, il rie, à des milliers de kilomècomplète un long poême sans tres, les réalités s 'offrent au fureur ni haine à la mémoire regard de cinéastes, à ceux qui de la terre perdue et à la gloire tentent de déchiffrer le préde la femme arabe à la recher- sent pour préparer J'avenir. che de son identité. PRENDS DIX MILLE BALLES ET CASSE-TOI Plus la plongée est profonde, plus les différences s'amenuisent. C'est aussi le rôle du cinéma. Jean-Louis MINGALON Artiste à la lettre De la Sublime Porte à l'Arabie Heureuse, du profond Moyen-Age à nos jours, Hassan Massoudi qui la pratique - et avec quel talent - nous fait découvrir la calligraphie arabe. 53 DIFFÉRENCES JUIN 81 Hassan Massoudy est calligraphe et calligraphe vivant. L'ouvrage qu'il vient de consacrer à cet art de dessiner le caractère de l'écriture arabe, de l'orner et de l'utiliser à des fins décoratives est l'histoire d'un itinéraire, le sien. Itinéraire dans le passé, celui des styles, des codes, des leçons de grands maîtres, des recettes, mais aussi un voyage dans le présent de la calligraphie, qui a encore actuellement droit d'existence, et revendique haut et fort un espace qui lui est propre. Aujourd'hui, et ceci malgré l'introduction de l'imprimerie, la calligraphie et son maître-d'oeuvre le calligraphe sont encore protégés par cette complexité spécifique à l'écriture arabe qui rend son passage à l'imprimerie parfois plus délicat et plus coûteux. En effet, si les journaux, les revues et les livres sont bien entendu imprimés, les titres, les affiches et les génériques de films sont encore calligraphiés, sans compter toutes les possibilités ornementales qui sont offertes à la lettre ornée depuis J'emploi dans la décoration architecturale - même si elle se fait plus rare qu'autrefois - jusqu'à cette exploitation visuelle du signe calligraphié en tant que composition pouvant se suffire à elle-même au niveau plastique. Le livre d' Hassan Massoudy part de l'élémentaire, c'est-àdire des outils. Du roseau naîtra, nous dit l'auteur, "la ligne musicale et la ligne écrite, la flûte et le calame". L'encre aura ses recettes particulières

jus de mûres pour

les uns, noix de galle pilées mélangées à de l'eau pour d'autres. Le support, ce sera Culture le bois, lecuir, l'os, leparch - min ou le papier que cenains calligraphes continuem de fabriquer, mais aussi la brique émaillée en marbre rouge comme pour cette stèle funé raire du XIIe siècle q ue l'on peut voir au musée du Louvre, ou encore ce plat en céra mique sur lequel est inscrit "la science, son goût est amer au début, mais à la fin plus doux que le miel. Santé". Car la calligraphie, ce igne figuré, est intermédiaire. message. Message religieux. à Ulu Jami, la grande mosquée de Bursa en Turquie, édi fi ée de 1314à1413,oùlesmurs tle colonnes sont recouverts de gigantesques calligraphies qui se transforment po ur le croyant en voix psalm odiant le Coran. Elle peut aus i ,illeurs, exprimer l'idéologiq ue du pouvoir et joue al o rs le rôle de propagande, comme dans le Harem du Palais de Topkapi à IstambuI où l'on peut lire "Le sultan est l'ombre de Dieu sur la terre" . Souple et cursive, la call igraphie arabe est de style Neskhi, raide et anguleuse, elle e:t de style Koufi, l'une et l'autre ayant donné naissance à une centaine de styles en iron. Mais bien que codifié, l'arl de la calligraphie laisse un trè grande liberté à cel ui q ui la pratique. Et maître de son savoir, et de son geste, Ha - san Massoudy en o ffre un belle démonstration dam les dernières pages de son livr , lorsqu'il investit le papier de la trace d'un roseau ou d ' une plume qui traduit dans la concentration intérieure, 1 intentions secrètes d 'un esp rit créateur. Itinéraire passionné et passionnant, dont les ill us trations très nombreuses sont suffisamment éloque n tes, l'ouvrage d'Hassan Ma soudy atteste grandement de la survie d'un art lié à l' hi · toire du monde ara be qui témoigne aussi pour le présent. Maïten BOUlSSET Editions Flammarion, /92 pages, 300 dessins, pholo~a. phies et relel'és de calligraphies. , L'IDENTITE PERDU, E DES IMMIGRES L es jeunes Maghrébins. Des adolescents, fils et fi lles d'immigrés. On parle de "deuxième générati n". Ce concept abstrait reco uv re mal des réalités con tradictoire s . Céline Ack o u. dans "Un nom de papier" nous raconte l'histoi re de Mario Roumi. En fant, il a peu connu l'Algérie. A trois ans, il a quitté les Aurès pour aller vers la France comme on va vers la terre pr mise. Dans le Nord, à quelques ki lomètres de Lille, il connaîtra la roulotte, la cité de transit, la vie des sq uat ters avant d'atterrir au bid onville de Nanterre. De centre d'accueil en pension, d'As, istance publique en "orphelinat", combien d'instit ution s Mario a-t-il connues! Non pas qu'il yait t rouvé partout un climat répressif et inhumain. Mais jamais un nid douillet pour p\!rmettre à cet enfant de se dé 'dopper dans un climat de confiance et d'amour. Trop souve nt les coups, les punitions. la répression. Une vie de vio lence marquée par la révo lte qui le sa isit et l'entraîne toujours plus loin. Terrible cycle, provocationrépres 'ion marquant son existence comme celle de milliers d' immigrés marginalisés par un 'ociété qui les ignore. Mario a connu les bas-fonds de cc monde, les hôtels bor!:,' Tles, les voi t ures abandonnées où l'on peu t passer la nuit, la peur et l'angoisse de celui q ui n'a rien dans le ventre ct qui craint le doigt qui vien t frapper au carreau, au petit matin. En fait, quelle fam i ll e a-t-il vraiment co nnu ? Sa mère semblait n'être plus 54 Le livre s'intéresse à ce qui est devenu un des principaux problèmes sociaux de la France contemporaine : une nouvelle génération issue de l'immigration. rien en France. Déracinée. Comment vivre loin de la ville C'est en Algérie qu'elle se où il a grandi? Il ne parle et remet à vivre au rythme qui ne comprend pas vraiment est le sien, mais Mario lui, ne l'arabe. Il est francisé au peut plus vivre en Algérie. point de connaître chaque Expulsé à plusieurs reprises pavé de la capitale comme par une justice expéditive, cet n'importe quel poulbot de la immigré de la deuxième géné- reglon parISienne. Il s'est ration est un étranger de imprégné d'une culture franl'autre côté de la Méditerra- çaise qu'il sai t pertinemment née. ne pas pouvoir retrouver en Algérie. La vie des Aurès n'est pas la sienne. Il étouffe dans le désert et s'ennuie avec ses cousins qui font paître les troupeaux familiaux. Mais à Oran ou à Alger, il ne se sent pas non plus chez lui. Dans la "Mal-Vie" (Editions Sociales) Daniel Karlin et Tony Lainé racontent l'histoire de cet Algérien qui, rentré dans son village, était prêt à faire 80 kilomèt res dans les deux sens pour aller retrouver le goût de la bière qu'il avait connue en France. La patrie de Mario, ce n'est pas l'Algérie, mais ce n'est pas encore la France. Pourtant, il ne connaît pas d'autre endroit pour vivre et, qu'on le veuille ou non, il est le produit de la culture, de la civilisation, de l'enseignement français, produit inabouti peut-être, mais produit quand même. Tout cela n'en a pas fait lin ange, loin de là, mais en tout cas pas un Algérien apte au retour au pays . Fleur des cités de la banlieue parisienne, il a quelques épines qui ne justifient pas qu'on le rejette à la mer . Après chaque expulsion, ce sera donc la course au retour. Au retour clandestin évidemment. Que n'a-t-il affronté pour revenir en France? Que ceux qui, du haut de leurs certit udes , proclament que la so lution du problème de l' immigration est dans le retour au pays d'origine méditent l' histoire de Mario et de son acharnement à retrouver le Nanterre de son enfance. Ses premiers souveni rs se son t const it ués en France et il s'y sent un peu comme chez lui. Un peu seulement , car il n'est pas français bien sû r, mais plutôt algérien de France avec ce que ces mots portent d'identités contradictoires. Après avoir enfin vaincu tous les obstacles qui le séparaient de Nanterre, Mario l'expulsé revint chez lui pour découvrir que le bidonville avait disparu et qu'un bulldozer avait passé par-dessus le terreau de son enfance. On devrait applaudir à la destruction des bidonvilles. Et pourtant! Dans la cité de transit qui lui a succédé, l'émerveillement de l'emménagement n'a pas duré. Le bidonville y fut reconstitué. Les murs n 'étaient que de simples cloisons de papier mâché. Entassement. Promiscuité. Bruit. Rapide détérioration. L'humidité suinte et léprose les parois . Sur :ln point, on a même perdu au change par rapport aux bidonvilles. On a touché un gardi,en qui sait parfaitement LIVRES REÇUS . .. •........... ......... :««':-:':«:» ', ........... . CONTES D' AFGHANIST AN Abdurrahman Pazwak Stock o Des textes populaires et poétiques écrits en langue dari . LE COMPLEXE DE PROCUSTE Vladimir VolkoH Julliard ~ Un plaidoyer léger pour la différence qui rend la vie plus gaie. HANTA YO Ruth Beebe Hill Julliard fail revivre la vie quolidienne des premiers Américains. TRICONTINENT AL Numéro spécial Maspero C Créée en 1968 en liaison avec son homonyme de La Havane, cette revue parut en France jusqu'en 1971, bravant les interdictions et les condamnations. Ce numéro spécial reste fidèle à la ligne du combat anti-impérialiste de Che Guevara sur les trois continents. L'IRRESISTIBLE ASCENSION DE JAKOB FORMAN o L'histoire d'une famille J.-M. Simmel d'Indiens entre 1750 et 1830 nous Albin Micbel où gîte chaque famille , cha que gosse, faci lement repér - ble en cas de contrôle poli cier . Il faut en finir avec ces ghettos! Certainement pa l, à coups de bulldoze r. D' où qu'ils viennent. Sam. dou te faudrait-il affecter d s moyens financiers pour permettre une réinsertion de ce, familles immigrées sur tout le territoire . Multiplier les init iatives susceptibles de faire . rencontrer, dialoguer des communautés d'origine cu ltu relle différentes . Ces Igériens de France ont besoin d'une structure à eux pour se retrouver et affirmer leur DlFFÉRENCES JUIN 81 identité. Des centres culturels pour exp rimer leur histoire 'péc ifique. Des contacts div r, ifiés avec la population 'ori gi ne française. Long processus. Habitudes à transfo rmer. Combien d'Algériens n 'ont jamais partagé le repas d'une fa mille française après plu. de vingt ans passés chez n us ? L'assimilation est plus fac il e à décréter qu'à réaliser. Mélanges, rencontres, affirrH lion des identités respectives,.. autant de principes q u ' il est plus facile de proclamer que de conc rétiser . .. Antoine SPIRE BIBLIOGRAPHIE Un nom de papier - L 'ir/l'lllité !}('rrlu(' d'/III iii/migré racontée pur Céline Ackuollv - Editiolls Clallcier Guénuud. Du bidonville à J'expul."iun - Iti fl(!raire ri '/111 j eulle Algérien de Nanterre 1){lr f-i-cIl1{"ois L. (~j(JI"I - L ditio!l.\ Cf ; /\1/\1, Paris /980. Des jeunes Algériens tm l'rance - Lel/rs voix el les nôlres - O/lvrage collectif ('oordonll(; I)([r i\1artille CI/Urlot- Ed. CIEMM, Paris /98/ . Réseaux d'immigré!ot - L thl/ographie de Ill/Ile part - Jucques Kutllszewsli et R/l\vUI Ogiell - 1.:(/. Ouvrii'res. Pourquoi l'immigratiun en hance. d'A lhuno Cordeiro - PrélaC(' de Rohert Lilllll/rl - O/vIM Créleil /98/ . Rappel: La plus haute dl's so litude. - /'v1isi're (/Jfective et sexuelle d 'éll1igrés l1()rd-(~/i 'icains - Seuil/ Y 77. ..... ". .:««.:-:-:«-: .. .. .J Les aventures picaresques el érotiques d'un aventurier cynique dont Fassbinder va tirer un film cet été. COMMENT ON RACONTE L'HISTOIRE AUX ENFANTS Marc Ferro Payot L A côté de l'Histoire offici elle des manuels scolaires, les réci ts, les fêtes, les films raconten t au. si les sociétés et leur pas.sé. La éité so rt de leur confrontation. LA RESISTANCE DANS LES CAMPS .........., .,. ... ..... . 55 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . .... DE CONCENTRATION NATIONAUXSOCIALISTES 1938-1945 Hermann Lang bcin Fa}'ard "::::J Quand ct comment elle s'est organisée, ses buts différents selon les camps et selon les époqu e ~, les nationalités et les caractèr s propres de leur résistance. J UX ET COMBATS André I.woff l'rix Nobel de Médecine ]965 Fayllrd U Les leXIes les plus importants d'André Lwoff sur la recherche et ses commentaires sur les problèmes de la peine de mort, du racisme et de l'antisémitisme. .................... -... . . . . . . .. . ,;. Tribune Eviter les assimilations abusives Cher ami, Pierre Taguieff, à qUI Je faisais part de mes sentiments à la lecture de votre article "L'extrême-droite en soutane" (dans le numéro 2 de Différences) me conseille de vous écrire. J'ai lu avec d'autant plus d'intérêt votre article fort documenté que, en tant que chrétien, je suis particulièrement sensible au racisme et à l'antisémitisme chez les chrétiens, doublement odieux chez les chrétiens, car il est une insulte non seulement à celui qui en est victime, mais aussi au Christ lui-même. J'ai été scandalisé par les propos et les écrits racistes et antisémites que vous citez et je suis atterré par tant de bêtise et tant de haine. Cependant, je dois vous dire très franchement que j'ai été très choqué par l'amalgame inadmissible qui est fait par la bouche de Roger Leray, Grand-Maître de l'obédience maçonnique du Grand-Orient de France, entre les intégristes et Jean-Paul II. Rien dans l'action ou dans le discours de Jean-Paul II ne justifie une pareille assimilation abusive, visant à insinuer que l'Eglise serait complice des discours antisémites de l'extrêmedroite intégriste. Jean-Paul II s'est fait inlassablement le défenseur des Droits de l'Homme et l'avocat du respect de la personne humaine et de sa dignité, en toutes circonstances. Est-ce la cohérence d'un plaidoyer pour l 'homme, qui veut le bien de tout l 'homme et de tous les hommes qui suscite tant de haine? Pourtant, le respect de l'homme "créé à l'image et à la ressem blance de Dieu" doit être absolu, ou alors il n'a aucun sens. C'est le message des chrétiens. Bien amicalement . Michel DE GUIBERT N'oubliez pas les handicapés Je suis un handicapé moteur et toujours travailleur social, éducateur spécialisé pendant 20 ans, dont JO ans en "milieu ouvert" familial auprès de "grands handicapés", pour handicapés et inadaptés divers . J'ai travaillé ensuite auprès d'infirmesmoteurs cérébraux dans un centre d'aide par le travail dans la Brie et dans deux externats médico-pédagogiques avec l'Education Nationale. J'ai eu toute une gamme d 'handicapés et aussi des enfants ou adultes juifs ayant souffert de la déportation ou du fait de celle de leurs parents. J'aimerais beaucoup que Différences, le MRAP, la LICRA, la Ligue des Droits de l'Homme s'intéressent au racisme anti-handicapés qui sévit en France. N'oubliez pas Sèvres, Vestric dans le Gard (où j'ai écrit à l'évêque de Nîmes), Marseille, Bordeaux, l'Hérault avec le prêtre sadique, le père Fabre, qui a laissé mourir sous camisole de force une mongolienne. Albert VINAS Etablissement spécialisé pour scléroses en plaques Paranoïa J'ai lu avec intérêt le numéro 1 de Différences, notamment l'article de R. Pac et l'interview du pr Grassé. Ci-joint mon abonnement. En ce qui concerne le fait "que les Juifs veulent dominer le monde", je répondrais qu'il y a beau temps que la paranoïa a fait irruption dans J'histoire et qu'elle y restera "aussi longtemps que l'homme restera aliéné à une culture de pacotille, qui favorise la fuite devant la réalité sociale, rejette la réflexion, nourri t l 'ill usion, fal si fie l 'histoire et impose par làmême des vues conformes aux visées de la classe dominante". (Extrait du texte de présentation au dos de la Conscience Pétrifiée). Thierry FERAL Chamalières 56 Daniel MESGUICH Daniel Mesguich a 28 ans. Il est né à Alger, dans une famille juive "pied-noir". En 1962 ses parents s'installent à Marseille où il pousuit ses études. Après un passage au Conservatoire de Marseille, Daniel Mesguich "monte" à Paris et réussit son entrée au Conservatoire National d'Art Dramatique. Rapidement, il se fait remarquer par ses mises en scène. En 1972, il a alors 20 ans, il adapte pour le théâtre le roman de Kafka: "Le château". Jouée au conservatoire de Paris, la pièce est présentée à l'espace Cardin puis au festival d'A vignon. C'est le succès. Homme aux visages multiples, Daniel Mesguich a été tour à tour metteur en scène ("Le château", "Les catcheuses", "Le prince travesti", "Britannicus", "Andromaque", "Hamlet" de Shakespeare, "Linceul", "Tête d'or", "Le grand macabre"), comédien de théâtre dans "Danton et Robespierre" où il jouait le rôle de Camille Desmoulins et dans "L'alchimiste" de Pierre Henri, comédien de cinéma où il est apparu dans "Molière" (Ariane Mouschkine), "Dossier 51" (Michel Deville), "L'amour en fuite" (François Truffaut), "Clair de femme" (Costa-Gavras) et "Quartet" (James Yyory). Daniel Mesguich a, en outre, créé sa propre troupe théâtrale "Le théâtre au miroir". Il est marié et a deux enfants: William et Sarah. Il a accepté de dialoguer a\'ec nos lecteurs. L'homosexualité un mal devant Dieu Monsieur J'ai eu connaissance du premier numéro de Différences et je salue son pouvoir et sa force de vouloir conserver une certaine amitié entre les peuples en dénonçant les injustices et inégalités. Mais je dois vous faire part de mon indignation au sujet de l 'homosexualité que vous présentez comme un événement normal de l'actualité dans vos pages douze et treize. Ma crainte serait que vous tom biez dans cette erreur, de tout excuser, même le mal ou le pêché,afin de faire la différence. Dans ce sens, les racistes, antisémites, les nazis, tous les pervers ou les déviants d'une manière ou d'une autre auront le droit de réclamer leur différence de ce qu'ils sont. Loin de moi de rejeter l'homosexuel en luimême, c'est-à-dire l'homme que je dois aimer comme moimême, mais je dois condamner l'homosexualité qui est un .. . .. . . .. :-:-:.»:-:«« .: ............. . ... . mal devant Dieu, aussi grave que le racisme, l'antisémitisme, le nazisme, l'injustice, la méchanceté, cupidité, perfidie, l'envie, le meutre, la querelle, la ruse, le vice, le rapporteur, le médisant, l'impie, l'arrogant, l'orgueilleux, fanfaron, les ingénieux du mal, les sans intelligence, les sans loyauté, sans affection naturelle, sans reconnaissance, sans pitié, etc. C'est à cause de toutes ces mauvaises actions que Dieu détruisit la terre par le déluge ainsi que les villes de Sodome et de Gomorrhe par le feu, et c'est encore à cause de toutes ces actions que les hommes et les nations devront en rendre compte un jour devant Dieu. Excusez-moi de ce témoignage particulier mais je crois que l'acception de personne n'engage pas à accepter les différences qu'il a en soi mais quel qu'il soit. M. LANOIX Mulhouse D.M. : Nous ne pouvons pas dialoguer tranquille- ......... :.:.»» ;.:.: .. ment: vous êtes croyant, je ne le suis pas. Ce n'est pas athéïsme laïc de ma part: c'est que j'essaie de promener ma foi - ou plutôt mes fois -, de les déplacer, de les faire reculer peut-être, de ne pas, en tout cas, les bloquer en un seul noeud incompréhensible qu'on nommerait le Ciel. Vous dites que votre crainte est que Différences excus{; tout, même le mal et le pêché, même l'homosexualité. "Excuser" ? Mais il ne s'agit pas d'excuser qui que ce soit: nOlis n'excusons pas les Juifs ou les Noirs d'être juifs ou noirs. Oui, je sais, vous n'avez pas \'oulu écrire cela; mais vous l'avez écrit ! Vous mettez dans le même sac (un sac énorme, votre énumération à la lecture semble jouissive) racisme et homosexualité. Il y a au moins une différence: le racisme est de la haine, l'homosexualité de l'amour. De l'amour interdit par Dieu, direz-vous. Mais je connais au moins un raciste qui vous dirait que l'amour avec un Noir ou une Arabe est interdit par Dieu. Et si nous partions du principe que l'amour ne soit jamais interdit, comme ça, pour voir. Les sociétés occidentales, peutêtre mondiales, sont des sociétés homosexuelles refoulées. Je crois qu'il faut arrêter de travailler à ce refoulement. Lorsque l'homosexualité est dite, elle est condamnée, opprimée, méprisée. Lorsqu'elle n'est pas dite, son refoulement opprime les femmes. C'est l'analyse et l'amour qui permettent de lever les refoulements, de faire reculer le racisme et la haine, de tuer la mort. Faire connaître les pays d'émigration J'ai beaucoup aimé vos articles , surtout le dossier sur les Maliens et "les Français plus" qui va me servir pour des gars pas du tout au fait de 57 ces questions. J'espère que vous en ferez d'autres sur d'autres pays d'émigration. Prévoyez-vous de faire de tels dossiers adaptés aux enfants? J'utiliserais volontiers ce genre d'encarts dans votre journal. J'ai aimé la rubrique "Préjugés". Que répondez-vous. A propos, j'aimerais que vous fassiez une mise au point historique sur la diaspora juive. J'insiste sur le travail de vulgarisation que vous devez faire à mon avis. Je conçois votre journal comme un outil de travail . C'est pourquoi je trouve que vous devriez éviter le style trop journalistique (ex.: titres et phrases en caractères gras, mal choisis, de l'article sur les Maliens) (on en a assez de journaux qui en abusent) sans perdre votre côté attrayant, indispensable à la vulgarisation. Martine ROSSI D.M. : Vous avez raison de trouver important qu'un journal tel que Différences DIFFÉRENCES JUIN 81 diffuse des dossiers sur les populations victimes du racisme. L'une des assises du racisme est le mépris. Mépris de soi-même souvent (et c'est ce mépris de soi-même qu'il faudrait interroger avant tout), transféré sur l'autre. L'une des possibilités de ce transfert est l'ignorance. Et l'ignorance s'érige facilement en vertu. J'étais un soir dans un traincouchette, au milieu de gens plutôt modestes. Un vieil homme est entré soudain dans le compartiment, très grand, mince, infiniment ridé, gestes aristocratiques, lents et précis

il avait un turban sur la

tête. Je connais bien les Algériens (je les connais chez eux), et tous ceux qui les connaissent verront immédiatement de quel genre d'homme je veux parler : je veux parler de quelqu'un qui est dans son pays ce qu'on pourrait appeler chez nous un sage, un homme vénéré et respecté de sa famille et de ses amis, sachant commenter dans la langue la plus belle, la plus métaphorique, la plus rare et la plus "partageable" pourtant, son idée de la morale, de la foi, de la poésie, de la justice, de la loi, de l'amour, sachant raconter des histoires fabuleuses à ses enfants et arrière petits-enfants. Une femme dans le compartiment lui a dit je ne sais plus quoi, de pousser sa valise, de ne pas mettre son manteau ici mais là, etc. en le tutoyant, puis s'est mise à parler de lui à son compagnon comme si le vieil homme n'était pas là. Lui, le vieux a fait ce qu'elile demandait et l'a regardée simplement. C'était comme si une imbécile commandait à un prince. Si cette femme avait connu les Algériens, leur culture, si elle était allée dans certains petits villages d' Algérie, si elle connaissait la musique de ce peuple, son histoire, elle aurait su lire ce regard, et elle aurait eu honte. TrlDune Il faut séparer Juif et sioniste J'ai longuement hésité avant de vous écrire. Et pourtant tant de choses m'indignent et me révoltent. Sionisme ? Si vous considérez ce sujet comme un préjugé raciste, c'est que vous êtes encore bien loin de cette vérité que vous brandissez comme un étendard . Tout d'abord , il faut séparer Juif de sioniste. Et ce, quoiqu 'en disent certains qui veulent mêler les deux afin de continuer leur jeu d'autruche et taire les crimes commis au nom du sionisme . D'accord, un Etat a le droit de se constituer comme tel, mais jamais au détriment d'un autre , grâce au monopole de l'argent, en colonisant, expropriant et cela nous rappelle les colons d' Amérique et le génocide indien. Terre promise? Oui, et pureté de la race aryenne aussi. Ici, je réponds à Madame N. Allemant (Droit et L. mars 81) (militante au MRAP-FEN). Je ne vois pas comment une Université peut nuire à la sécurité des citoyens "occupants" sau f,en risquant de faire prendre conscience à certains de leur état de colonisé, en formant l'élite de demain et empêchant ce qui reste du peuple arabe à déserter encore la terre occupée. Bombes racistes de Palestiniens ? Ne nous faites pas rire en niant à un être humain le droit de se révolter contre l'asservissement, l'occupation de son pays, l'internement d 'hommes politiques à qui on refuse ce statut et qu'on traite en criminels de droit commun ? Assassinats de leaders palestiniens à l'étranger (Suède: Service secret israélien - France) et pour finir, J'annexion du côté arabe de Jérusalem. Vous vous demandez comment réagiraient les Français s'ils étaient menacés (ne l'êtes -vous pas, Française ?). Où ? Sur leur sol ou sur la terre des autres? Comment? En vivant dans le respect d'autrui ou en cherchant son avilissement? Jouer sur les crimes nazis pour glorifier un état raciste, c'est aberrant et aussi, criminel en soi. Parle-t-on du groupe des 27 ? De ces jeunes Israélites qui refusent de faire leur service militaire en territoire occupé et qu'on a emprisonné pour cela? Parle-t-on de ces Israélites d'origine orientale ou africaine, aussi mal traités que les Arabes? Parle-t-on de la façon dont s'est créé l'Etat d'Israël? Les Juifs veulent gouverner le monde? Non, pas les Juifs, les sionistes. Horribles, les organisations néo-nazies. Affreux, le calvaire juif, en période hitlérienne, et méprisables, toutes actions qui empiètent sur la liberté et le droit de vivre d'autrui quand celui-ci respecte les nôtres. Qu'on cesse de tricher et d'assimiler Juif et sioniste. Pas plus qu'on ne peut lier Allemand à nazi. Que seront les sionistes à venir? C'est l'avènement d'Hitler qui recommence au travers de certains fanatiques parmi ses propres victimes. Qu'on imagine une puissance sioniste comparable à celle de la puissance hitlérienne. "Différences"? Il n'y a aucune différence entre deux êtres humains. Deux personnes, de culture totalement différentes, ne se comprenant nullement par le langage, sont pareilles par le coeur. On se comprend aisément et on se retrouve pleinement grâce au regard, au geste d'amour. La différence réside dans le coeur. Je pense ne jamais te ressembler, même si tu parles ma langue et es de ma culture, car si ton coeur n'a pas l'amour d'autrui, nous ne pourrons jamais nous retrouver. Je suis Indien, Palestinien, Africain, Juif, Afghan, Américano-Latin, et tout être humain qui se bat contre son oppresseur . Fadhéla BENABDELLAH D.M. : Je crois que je suis politiquement d'accord avec vous et je me sens solidaire de la lutte des Palestiniens contre l'impérialisme israélien au Proche-Orient, contre une armée de plus en plus féroce, 58 dirigée par un gouvernement que les causes économiques, de plus en plus à droite et je politiques, etc., ne sont pas, me sens très loin de toutes les contrairement à ce que le organisations sionistes en marxisme bon-teint annonce France. partout, les véritables infrasMais je ne peux pas être tructures d'une guerre. Elles d'accord avec ceux qui disent en sont souvent la possibilité, qu'il faut rayer Israël de la et le déguisement. Juifs et carte. Arabes se haïssent depuis Je hais le sionisme s'il est une longtemps (ou s'aiment trop, pensée el une action politique c'est pareil) comme les frères et militaire qui dépasse cette ennemis Caïn et Abel, et tanchose toute simple: qu'Israël tôt l'un est agréé et l'autre existe et vive en paix, au pas, et tantôt c'est l'autre et milieu des Palestiniens, avec pas l'un. C'est cette haine du eux ... Et je ne peux qu'être le "même autre" qu'il faut "sioniste" de q,uiconque interroger avant tout (cf un pense que le petit pays des article de Daniel Sibony dans Juifs doit mourir. Et tous les "Eléments pour une analyse Juifs qui pensent comme moi du facisme" en 10/18). Les ne sont pas forcément des sio- Israéliens ne sont que des nistes. Il faut séparer" Juif" Palestiniens, les Palestiens, de "Sioniste" dites-vous. que des Israéliens. C'est poliOui, à condition de séparer tiquement qu'il faut se battre, aussi sioniste de Juif. pas racialement. D'autre part, vous savez aussi Et que quiconque, Arabe ou bien que moi que la haine citoyen d'un pays de l'Est, raciale a parfois besoin de se n'a jamais pensé juif en déguiser en ce qui, souvent, disant sioniste me jette la l'autorise. Je "eux dire par là ennième bombe. Demain La rubrique Agenda est ouverte aux organismes et associations qui proposent des activités contre le racisme, pour le rapprochement des peuples et l'expression des différences. Samedi 6 et Dimanche 7 juin o Dans le cadre de son programme 1980-1981 de débats sur les pays d'origine , la MTl, Maison des Travailleurs Immigrés, a déjà organisé des forums sur la Tunisie, l'Algérie et les pays de l'Afrique Noire . Celte fois, le thème en est le Sénégal, sous le patronage de l'UGTSF, Union Générale des Travailleurs Sénégalais en France . Samedi r Le président de l' UGTSF, Sally N'Dongo , accueillera les participants et parlera de la situation des paysans et des travailleurs pendant la colonisation au Sénégal. L'après-midi, Claude Meillassoux parlera de l'exploitation des Sénégalais en France, Roland Colin, du premier plan quinquennal et les paysans sénégalais. A 18 h, présentation d 'un film suivi d'un débat. ri Le comité du MRAP de Sarran (Loiret) organisera à partir de 20 h 30 une soirée-débat consacrée au racisme au Centre culturel Jacques-Brel. En int roduction, sera présenté le film de Ali Shalem : "Mektoub" . Dimanche [ Claude Reboul parlera des problèmes agronomiques dans le monde, et en particulier de l'aménagement du fleuve Sénégal. A 14 h 30 se réuniront les commissions perspectives et propositions. - Maison des Travailleurs Immigrés, 46 rue de Montreuil , 75011. Tél. : 372.75.85 . _1 Notons que la MTI va rendre publique une déclaration: Pour rendre caduques les lois antiimmigrés, soyons les artisans propres de nos acquis. Celte déclaration sera largement diffusée sous forme de tracts et d'envois aux associations amies. Samedi 13 et Dimanche 14 juin [' Le Centre International "Le Rochelon" organise un week-end audiovi suel sur le développement du Tier s-Monde, avec le concours de 20 associations, dont le Comité Français contre la Faim, la Fédération LéoLagrange, le Secours Catholique, les Scouts de France, Terre des Hommes, la Cimade, InterService- Migrant s ... L'objectif en est la connaissance des montages audio-visuels existant sur ce thème et le repérage des manques, la sensibilisation des animateurs de groupe, l'utilisation du matériel audio-visuel pour le travail sur l'opinion publique, la contribution au développement de relations interassociations . - Centre International UCJG, Le Rocheton, 77008 Melun-La Rochette . Tél. : 437 . 12.32. Samedi 13 L- Au lycée de Maurepas (Yvelines), présentation d'une exposition sur l'antisémitisme à l'initiative du MRAP. Mardi 16 juin n Le Comité Médico-Social pour la Santé des Migrants organise, au Comité national de lutte contre la tuberculose et les maladies respiratoires, 66 boulevard St-Michel 75005 Paris, la projection de deux films: "Des remmes migrantes parlent de leur grossesse, et Je ne peux pas dire ! . .. ou la communication avec le malade migrant. Ces films sont destinés à servir de support à toutes les informations et tous les débats ayant un rapport avec les problèmes de santé liés à l'immigration. - Comüé Médico-Social, 23 rue du Louvre, 75001. Tél. : 233 .24.74. • Rappelons que le Comité édite une brochure men s uelle Migra/ions-Saf//é que l'on peut sc procurer à l'adresse ci-dessus sur simple demande. Du 29 juin au au 4 juillet 33 panneaux dont les grands thèmes sont la définition des populat ions immigrées, l'hi stoire des migrations et leurs raisons économiques, l'exploitation des migrants, les lois en France, l' action des organisations et des associations, de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), les droits et revendications des migrants . - On peut se procurer cette exposition pour le prix de 75 F, frais d'expédition compris en s'adressant au CFEI. Tout le mois [1 Le CRIF, Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, organise une campagne de parrainage de "refusniks", Juifs d'URSS à qui l'on refuse le visa pour Israël, sous le slogan Une lellre de vous, un espoir pour eux. Il s'agit de soutenir, par un courrier régulier, les Juifs auxquels les autorités soviétiques ont refusé le visa de sortie. - CRIF, 19 rue de Téhéran, 75008 Paris. Tél. : 561.00.70. r' Au Centre RACHI , à l'occasion du 30 anniversaire du Fonds Social Juif Unifié et du 33 anniversaire de l'Etat d'Israël, la fête continue • Dimanche 7 juin, des films ("Le Dibbouk", Yossele Rosenblalt" et des courts-métrages sur Israël) et dut héât re yiddish . • Mercredi 10 juin, un concert de musique classique, hassidique et israëlienne avec la participation de Judith War,zl\vski (violon), Nathalie Wayzer (piano), René Benedetti (violoncellel,. Jeall ' !,UC Grégoire (flût e), et le trio Viva de Paris . • Jeudi 11 juin, un grand thème : 30 ans d'école juive, deux générations témoignent. Une table ronde à 20 h 30 : contribution des nouvelles générations à la création contemporaine, avec notamment Alain Finkielkraut, Serge Moati (au Centre Commun Le CFEI, Centre de Forma- nautaire de Paris, 19 boulevard tion et d'Echanges Int ernatio- Poissonnière, 75002). naux organise un stage "immi- • Un week-end de détente et de gration" à Marseille. Ce stage est rencontres, vendredi 12, samedi réservé aux jeunes immigrés de 13 et dimanche 14, avec un rallye 18 à 25 ans, et a pour but de faire automobile le dimanche. connaître les mécanismes de • Lundi 15 juin, un après-midi l'immigration et les droits des littéraire et artistique . immigrés . - Inscriptions avant • Le mardi 16 juin, clôture des le 14 juin au CFEI, 12 avenue festivités . Soeur-Rosalie, Paris Cedex 13. Centre RACHI-CUEJ, 30 bouleTél.

535.10. 16. vard de Port-Royal, 75005 Paris .

• Dans ce cadre, leCFEI a conçu Tél.: 331.98.20. Fermeture une exposition "Comprendre annuelle: 17 juillet-7 septembre l'immigration" comprenant 1981. 59


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Notes

<references />

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