Différences n°223 - novembre 2000
Sommaire du numéro
n°223 de novembre 2000 'Mouvement: Saint-Nazaire: un comité dynamique dans une ville qui bouge par Gérard Gueniffey
- Education: des craies sur l'ardoise
- Contre les discriminations: encore un effort Mrs et Mmes les député(e)s
- Conférence nationale du MRAP par P. Mairat
- Israël-Palestine, violences en France: déclaration du MRAP
- Dossier: femmes immigrées: le combat pour l'égalité [immigration]
- Flux migratoire et droit des femmes par Claudie Lesselier
- Le collectif du MRAP « femmes immigrées en lutte » poursuit son combat par Marianne Wolff
- Les effets des statuts personnels en vigueur dans les pays du Maghreb par Prune Helfter
- Marche européenne des femmes à Bruxelles
- Le MRAP s'associe à l'appel à la condamnation de la torture pendant la guerre d'Algérie
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Texte brut du numéro
1)iflérences Mouvement contre le racisme el pour l'amaié entre les peuples Novembre 2000 - W 223 PO, UR L'EGALIT Sommaire Saint-Nazaire" un comité dynamique dans une ville qui bouge page 2 Education: Des craies sur J'ardoise page 4 Israë l/Palestine: Déclaration ,de la Conférence nationale du Mrap page 5 Editorial page 5 Dossier: Femmes en immigration pages 6 à Il Condamnation de la torture durant la guerre d'Algérie: l'Appel page 12 Mouvement Saint-Nazaire: un comité local dynamique dans une ville qui bouge CRÉÉ IL Y A un siècle et demi, SaintNazaire est une ville d'immigration. C'est le savoir-faire des Briérons dans la construction des chalands qui a déterminé le choix de cette ville pour l'implantation d'un chantier naval par Napoléon III et les frères Péreire, Saint-Simoniens et banquiers, fondateurs de la CGT (Compagnie Générale Transatlantique). Aussi, à la souche des Briérons (habitants de la Brière, marais d'eau douce, à ne pas confondre avec le marais salant de Guérande plus à l'ouest) vinrent s'ajouter les ingénieurs écossais des premiers Chantiers Scott et des ouvriers provenant de tout l'Ouest. Plus près de nous, dans les années soixante arrivèrent Algériens et Marocains, puis une filière depuis la Casamance fut établie par des entreprises de carénage des bateaux. Aujourd'hui, la ville vit une « Renaissance » (nom d'une série d'une douzaine de paquebots de croisière dont le 7ème vient de sortir) avec un carnet de commandes des Chantiers de l'Atlantique plein jusqu'en 2 003 et le développement d'un projet municipal « Ville-Port» ambitieux, visant entre autre à « digérer» les traces de l'occupation Le Pont transcouleur, bimestriel de la fédération Loire-Atlantique, à Nantes 2 Différences nO 223 Novembre 2000 allemande de 1939 à 1945, en utilisant la base sous-marine construite sur ordre des Allemands. Et les Nazairiens, comme il y a un siècle et demi, sont partagés entre l'enthousiasme d'une « résurrection» (une du Figaro Magazine du 6 juin 2000) et l'incertitude sur l'avenir (la construction navale, et plus particulièrement le choix d'un créneau de production très limité, étant soumise aux menaces de la« mondialisation »). Notre comité local est inséré dans le tissu associatif, syndical et politique. Depuis sa création le 7 mars 1988, nous avons voulu rassembler des hommes et des femmes de sensibilités très diverses, attachés à défendre les valeurs citoyennes et antiracistes. Nous y avons réussi plus ou moins bien au fil des années. Une convivialité fraternelle entre les adhérents - développée par les repas annuels après l'Assemblée générale et ceux des bureaux élargis fin juin ou à l'occasion de discussion de point important - permet un rayonnement reconnu par tous nos partenaires. Notre stand est toujours très visité au Forum des associations. Les actions d'éducation sont permanentes. En répondant en mars 90 à l' invitation de SOS-Racisme à participer à la Cité Scolaire à la Semaine de l'éducation contre le racisme, nous avons donné une dimension nouvelle au souci permanent d'éducation. Le 21 mars 91 nous avons organisé une soirée publique avec Mouloud Aounit, mais pas d'action en milieu scolaire à cause de la guerre du Gol- Autocollant édité par le collectif nazairien de soutien aux sanspapiers, tiré à 1200 exemplaires LIBeRTE, EGALlrg:FRATERNITE! OUI A la régularisation des sans papiers fe. La Semaine de l'éducation a été reprise en 92, avec l'investissement de Françoise et Chantal, en collaboration avec la Ligue des Droits de l'Homme, le CNASTI (Comité Nazairien d'Accueil de Solidarité pour les Travailleurs Etrangers, membre de la FASTI) formant, avec le Mrap, le Collectif antiraciste auquel se sont associés les syndicats enseignants, les Maisons de Quartiers et d'autres associations au fur à mesure du développement des actions, des thèmes et des lieux touchés. En effet, partie de la Cité Scolaire qui draine 4 000 lycéens, la Semaine de l'éducation touche maintenant tous les établissements scolaires du primaire et du secondaire de la Presqu' île, de St-Nazaire et Guérande et s'est développée sur les quartiers. Elle nécessite un travail, du mois de septembre jusqu'au mois de juin. Elle est fortement institutionnalisée mais notre bénévolat rencontre des difficultés pour le partenariat avec Ville-Etat et FAS pour monter les projets et obtenir les subventions. Des cartes postales et un livret de poèmes ont été édités à partir de travaux d'élèves. Nous assurons un rôle de veille pour ne rien laisser passer des agissements racistes. Ayant fait condamner un conseiller régional et, à travers lui le Front national pour un tract raciste en 90, la vigilance contre l'extrême droite n'a jamais été un vain mot; à l'initiative du Comité de Vigilance. De nombreux débats ont animé la scène locale, dont le plus marquant fut celui avec des militants de Vitrolles. La question est posée de relancer ce collectif autour de la situation autrichienne et au vu des dernières élections en Belgique. Nous avons participé à l'accueil de deux Ghanéens descendus d'un bateau, et à la campagne pour permettre à deux Algériens en situation irrégulière de se marier. Parmi les actions juridiques que nous avons menées, nous nous sommes portés partie civile devant le refus d'accès à la discothèque l' Indiana du casino de La Baule, pour deux jeunes étudiants chercheurs algériens. Devant le refus d'embauche d'un français d'origine algérienne nous avons intenté un procès que nous avons gagné. L'Amitié entre les Peuples. Depuis « ça suffat comme çi »avec Gilles Perrault le 25 mai 90 et le « contre sommet franco-africain» (7 pays africains représentés) tenu à la Maison du Peuple de Saint-Nazaire, le 19 juin, après la manifestation de La Baule où se tenait le sommet officiel nos rapports d'orientation et nos actions ont toujours intégré les préoccupations d 'un autre rapport Nord/Sud, passant entre autre par l'annulation de la dette. Comme lors du génocide du Rwanda qui révéla Sème SEMAI N E D'ÉDUCATION CONTRE LE RACISM E DU LUNDI 20 MARS Affiche locale de la Semaine nationale d'éducation contre le racisme, avec des activités AU DIMANCHE 26 MARS 2000 qui se sont déroulées du 21 mars au 4 avril 2000 l'écrasante responsabilité de la « FrançAfrique » et des réseaux élyséens. Lors de la guerre du Golfe, nous avons participé au très large collectif «Non à la Guerre» avec réunion quasi quotidienne à la CGT, nombreux rassemblements et manifestations. Nos amis marocains ont organisé la première soirée publique avec Abraham Serfaty après sa libération, huit cents personnes ont participé à une soirée très chaleureuse. La situation en Algérie a mobilisé nombre d'associations et d'individus dans un collectif Solidarité Algérie qui a organisé des débats nombreux et des contacts avec la ville de Tiaret. Plus récemment nous avons été, avec le Mouvement de la Paix, à l' initiative de la création du comité local d'ATTAC. Nous avons pris l'initiative d'un rassemblement pour la Palestine. Avec les sans-papiers. Nous n'avons pas ménagé notre peine
- débat avec Madjiguène Cissé,
accueil d'e la caravane de l'Ouest, interpellations des élus de gauche sur la régularisation et sur les lois en débat - l' argumentaire national ayant été lu attentivement par notre sénatrice Marie-Madeleine Dieulangard. Un collectif de marraines et parrains continue à agir: conférence avec Emmanuel Terray sur le thème « les sans-papiers et le travail »; édition à la veille du référendum à 1 200 exemplaires d'un autocollant. Nous avons organisé une conférence avec JeanMarc Bourquin, du Bureau national, pour débattre de la « liberté de circulation et de la liberté d'installation ». Pour le droit de vote. Avec la Fédération Léo-Lagrange, nous menons la campagne« Même sol, même droits, même voix )), associant les partenaires locaux et nous avons recueilli 900 signatures. Solidarité. Nous participons pour la fédération du Mrap 44 à la Coordination Bretagne Pays de Loire solidaire des personnes im- 1es hommes ~ : nai~ent ~ . libres et égaux é'criL~ dil11s le cadre de la &maine de l'Éducation contre le Racisme (1995-1996 ) Organisé par le Collectif i\nli-ruci~Le de &ainl-Nazaire migrées. Créé autour du Gasprom (ASTI de Nantes) elle réunit beaucoup de villes du grand ouest (de Brest à Laval), pour des échanges d'informations, des formations juridiques et des actions autour des sans-papiers et du centre de rétention de Nantes. Elle a sorti une affiche sur la liberté de circulation. Nous éditons Le Pont Transcouleur avec le Mrap de Nantes, journal bimestriel de la fédération 44 que nous réunissons à cette occasion et pour coordonner nos actions. Nous participons aussi ensemble à la Codac. Développement de notre comité, de ses actions bien engagées cette année et de notre participation au Mrap national (dont nous regrettons l'insuffisance) sont les objectifs de notre 13èmc AG du 20 janvier 2001. Programme toujours aussi chargé et enthousiasmant! Pour le comité du Mrap de la Région nazairienne Gérard Gueniffey Je m'appelle Fabien Je suis un Marsien Et tous les matins Mes parents me font un câlin Je m'appelle Damien Je suis un Vietnamien Et chaque matin Je vais prendre mon bain Je m'appelle Ali J'habite à la Bouletterie Et tous les midis Je monte à Rallye Je vais dans le rayon de confiseries Et je m'achète des Bountys Je m'appelle Abdel Je suis un immigré Je n'aime pas Le Pen Parce qu'il veut me virer Mais il n'en vaut pas la peine Mohamed (6ème) Couverture et poème d'un recueil de textes écrits par de jeunes scolaires et produit par le collectif antiraciste Différences nO 223 Novembre 2000 3 1Jf ouvetneut , Education : des craies sur Ilardoise SÉMINAIRE TRIENNAL, Après Aix-en-Provence, ~ c'est à Berlin que se sont retrouvés du 30 juillet au 6 août les Ir jeunes Allemands, Israéliens, Palestiniens et Français pour le second séminaire du projet triennal «Mémoire(s) et idendité(s). Trois thèmes ont structuré les échanges et les visites: la problématique Est-Ouest dans l'identité allemande, la mémoire de la Seconde guerre mondiale et sa transmission auxjeunes générations, approche comparée des relations Etatreligions. La troisième et ultime session aura lieu l'été prochain à Jérusalem. Les questionnements déjà élaborés lors des précédentes rencontres seront abordés dans le contexte d'Israël et de son environnement. Deux volets en formeront le programme: l'interaction entre Mémoire et Histoire dans ~ SEMAINES DE L'ÉDUCATION contre le racis- 11 me. En cette année 2001, année internationale de mobilisation contre le racisme, le 21 mars devrait prendre un relief particulier. Le collectif d'organisations a décidé exceptionnellement de semaines de l'éducation tout au long du mois de mars permettant ainsi à l'ensemble des initiatives de slalomer entre les écueils d'un calendrier électoral passablement encombré (municipales et cantonales, Il et 18 mars). Du matériel est produit dans cette perspective: support primaires (réédition du poster Rue du Monde + petit livret illustré) ; support ados Uournal8 pages) ; affiche officielle; précisions et commandes auprès du secteur Education la construction d'une nation, d'un Etat, d'une identité (recours à des figures ou à des mythes fondateurs, débats historiographiques , modèles de société, etc) ; les enjeux d'aujourd'hui: dialectique Israël/Palestine, identité des Arabes israéliens, rôle et place des religions. LES DISCRIMINATIONS à La Villette. La Cité des sciences et de l'industrie La Villette organise une grande ex...;;;;.;.;;;.;;==:--.;;;;~ position entre mars et juillet 2001 sur le thème des Cultures du travail. En lien avec le Mrap, tout au long du mois de mars , plusieurs initiatives auront lieu autour du thème des discrimi nations: racisme à l'embauche, difficultés d'accès aux stages, emplois réservés . .. Il est notamment prévu une conférence grand public, des journées avec les collégiens sur l'orientation professionnelle, projection de courts-métrages Dfcr dans l'exposition, un débat public sur Jeunes et discriminations dans le monde du travail... , CYBER-]OURNAL. Le Mrap élabore actuellement le . journal Arc-en-ciel en direction des enfants de 8 à 13 ans. Vous êtes amenés à faire s'exprimer des enfants de cet âge sur les thèmes du racisme, des discriminations, de l'amitié entre les peuples, du rapport à l'Autre, des différences ... : faites-en profiter Arc-en-ciel. Adressez ces productions quel qu'en soit le support (photos, dessins, textes .. . ) au secteur Education .• DOUZE FILMS contre le racisme (DFCR). Le calendrier de diffusion des films (que nous avons présentés dans Différences du mois d'août dernier) est le suivant: diffusion sur les chaînes de télévision durant la deuxième quinzaine de décembre et exploitation en salles entre janvier et juillet 2001. Nous annoncerons au fur et à mesure les villes où la série est diffusée. Parallèlement, un accort a été conclu avec Gebeka Films (le distributeur) selon lequel plusieurs copies 35 mm seront réservées pour pouvoir répondre aux demandes émanant de comités ou collectifs locaux qui désireraient utiliser ce support pour des événements ou actions de sensibilisation (contacter secteur Education). Ce nouveau calendrier diffère jusqu'à la rentrée de septembre la possibilité de disposer de la série sous format VHS. Enfin, plusieurs projections sont prévues lors du Salon de l'Education du 22 au 26 novembre. ~----_ .. ~ Contre les discriminations ---- - -------Encore un effort Messieurs et Mesdames les député(e)s Une proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations a été présentée au Parlement le 12 octobre dernier par le groupe socialiste. Pour le Mrap, « Cette proposition comporte des avancées importantes: • elle élargit le champ des actes discriminatoires (accès à un stage, formation, déroulement de carrière ... • elle complète les motifs discriminatoires (orientation sexuelle, apparence physique, patronyme) • elle ouvre la possibilité aux organisations syndicales d'exercer en justice les actions ouvertes à un salarié • elle tend àassurer la protectiondes témoins contre des représailles • enfin elle transpose le régime de l'aménagement de la charge de la preuve prévue dans la directive européenne du 29 juin 2000. Ainsi, à partir du moment où un salarié apporte des éléments de faits laissant supposer d'une discrimination directe ou indirecte, il incombera 4 Différences nO 223 Novembre 2000 ensuite à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le fardeau de la preuve ne repose plus exclusivement sur le salarié. Le Mrap regrette cependant que la proposition de loi ne concerne que le domaine de l'emploi, alors que la directive de l'Union européenne a un champ d'application beaucoup plus vaste (éducation, protection sociale, accès aux biens et aux services ... ). En outre, la proposition comporte des lacunes. Ainsi, aucune disposition ne prévoit d'élargir le droit d'accès pour les inspecteurs du travail et les institutions représentatives du personnel notamment aux dossiers personnels des salariés. Il en est de même concernant les rapports établis par l'inspecteur du travail qui ne sont pas communicables aux victimes et aux représentants du personnel. ». Il faut encore ajouter que les partenaires sociaux seront appelés à veiller à ce que ces dispositions soient appliquées dans les conventions collectives. Trois mois après le lancement du 114, seuls 1 0 % des appels reçus au 114 ont pu être traduits en plaintes devant les tribunaux, l'expérience montrant que les preuves de la discrimination subie sont difficiles à établir. Le Service juridique organise deux sessions de formation au siège du Mrap de 9h30 à 17h30 - le 2 décembre 2000, sur l'entrée et le droit au séjour des étrangers - le 13 janvier 2001, sur la législation antiraciste et le droit des victimes de racisme et de discrimination. Inscriptions closes une semaine avant la date de la formation. ';';;';'---' Conférence nationale du Mrap LA CONFÉRENCE Nationale qui s'est tenue les 14 et 15 octobre derniers fut un franc succès. La qualité des invités y a contribué. La clarté du propos de Gérard de Bernis sur les mouvements de population Nord / Sud, les fantasmes dénoncés par Monique Chemillier-Gendreau à l'aune du droit international, l'étude des discriminations au sein de l'école présentée notamment par Françoise Lorcerie, sans oublier la très intéressante communication de Meryem Marzouki sur le thème Internet et racisme ont permis à chacun d'entre nous d'enrichir notre réflexion. La remarquable qualité des débats qui ont suivi ces exposés comme ceux qui ont gouverné les ateliers de réflexion sur l'avenir de notre Mouvement, la direction que nous souhaitions lui faire prendre, a brillamment démontré s'il en était encore besoin, la maturité de nos militants. Un regret cependant: tous comités locaux n'y étaient pas représentés. Des textes, des contributions, des pistes de réflexions avaient été pourtant adressés à chacun d'entre nous. Insuffisamment sans doute, bien qu'il faille rappeler qu'une réunion des PST qui s'était tenue précédemment, avait réuni un grand nombre de comités locaux. Il a été pris la décision d'éditer l'ensemble interventions pour que chacun puisse en bénéficier de la richesse. Le Mrap est aujourd'hui une vraie référence dans notre pays. I~ a démontré sa capacité à bousculer, à dér~nger sans complaisance les ordres établis, à ~eser de toute son influence et en toute indéfendance sur nos gouvernants pour faire av,ancer nos idées. Inscrit dans le mouvement social, les revendications du Mrap sont écoutées et respectées. Que ce soit au sein d'une église, au coeur d'une cité de banlieue, dans un foyer de résidents étrangers, le Mrap sera toujours au côté des exclus, sans-papiers, étrangers, français issus de l'immigration, victimes du racisme, victimes des discriminations de toutes natures. Il a besoin pour ce faire de toutes les forces vives du Mouvement au premier rang desquelles l'ensemble de ses militants. A chacun d'entre nous de prolonger les débats de cette Conférence, de poursuivre la réflexion sur les orientations de notre Mouvement, de mettre nos actions au service de nos idées .• Pierre Mairat, président-délégué Israël, Palestine, violences en France Déclaration du Mrap Le Mrap, tous les antiracistes, tous les gens épris de paix s'étaient réjouis des avancées vers une solution pacifique du conflit israélopalestinien. La tournure prise par les événements ces dernières semaines, les sanglantes tragédies de ces derniers jours ruinent les fortes espérances qui, il y a peu, semblaient devoir déboucher. Les morts se comptent pas dizaines, les horreurs commises se multiplient qui accélèrent le cycle infernal des méfaits et des représailles. En France l'émotion est intense. Elle vire à l'angoisse, notamment parmi nos concitoyens qui ont des liens affectifs ou familiaux avec la population que menace la guerre, là-bas. Des colères poussent certains irresponsables à commettre des actes indignes, comme les agressions contre des synagogues ou des écoles juive,s. D'autres sont venus s'en prendre aux locaux du Mrap, auquel il est reproché de dénoncer les massacres. Le Mrap,jadis issu des combats contre le racisme hitlérien, ne se laissera pas détourner du chemin qui est le sien. Il continuera d'oeuvrer pour l'amitié entre les peuples et pour le droit de chacun à disposer d'un Etat assuré de la sécurité et de la paix. Il faut que soit entendu notre langage de vérité. Il s'adresse aujourd'hui, comme depuis la création du Mrap, plus particulièrement à celles et ceux que blesse cruellement dans leurs affections, le sang qui coule là-bas. Quelles que soient nos origines et nos croyances, la France est notre pays à tous. Ensemble nous luttons et militons pour le respect de la dignité de chacun et des droits de l'Homme pour tous. Rejetons tous les racismes. La haine de l'autre ne saurait exprimer la solidarité qui nous unit à l'un ou l'autre des peuples en cause au Proche- Orient. Ces peuples n'ont-ils pas eux-mêmes payé au racisme le lourd tribut de larmes et de sang? Demain, bientôt, le conflit israélo-palestinien s'apaisera. Des chemins nouveaux s'ouvriront vers la paix. Qu'en sera-t-il alors dans nos villes, si aujourd'hui nous laissons attiser des colères dévoyées vers les honteuses déchirures du racisme anti-arabe ou anti-juif? Des décennies durant, le Mrap a mené, avec d'autres, une action vigoureuse pour doter notre pays d'une législation qui sanctionne les menées racistes de toutes natures. Le racisme est, en France, un délit grave, puni comme tel. Le Mrap demande aux pouvoirs publics de tout faire pour retrouver et châtier avec toutes les rigueurs de la loi, les auteurs de tous les actes racistes. Conférence nationale du Mrap, 14 octobre, Saint-Denis (93) 1961 : il s'en fallut de peu, pour que notre siège soit réduit en poussière, suite à l'attentat orchestré par l'OAS. 1976, 1977, 1980 : des bombes meurtrières ravagent nos locaux. Une signature: un groupe néo-nazi du nom de Joachim Peiper. 9 octobre 2000 : on s'attaque sauvagement à la devanture de notre siège. Point commun aux auteurs de ces forfaits: la même haine qui habite tous les extrêmes. Imposer leurs idées et vouloir contraindre par la violence. Le refus du débat contradictoire et de la démocratie. Ceux qui, en s'attaquant à notre siège, ont commis le premier acte de violence en France depuis le déclenchement des événements au Proche-Orient, comme ceux qui s'attaquent aux synagogues, aux écoles juives, ceux qui scandent « Mort aux Arabes )} sur les Champs-Elysées ou « Mort au Juifs)} à la République, partagent le même dessein: desservir les intérêts des peuples israélien et palestinien. Ce n'est pas l'amour des Palestiniens ou des Israéliens qui les habite, mais d'abord la haine du Juif ou de l'Arabe. Ces manipulateurs de haine ne nous feront pas taire! Au contraire, ils renforcent notre détermination à combattre le déni quotidien de justice dont souffre le peuple palestinien, nié dans ses droits fondamentaux et lassé de vivre en pointillé. Plus que jamais, ils aiguisent notre engagement en faveur du droit légitime du peuple israélien à vivre en sécurité. Notre mobilisation n'aura pas de répit. Ces manipulateurs nous encouragent à combattre ceux qui veulent que ce confl it dégénère en conflit confessionnel, et se prolonge ici par des replis communautaires, attitude d'enfermement, excluante, contraire à l'identité et au creuset français .. Relever ce défi, c'est être fidèle à nous-mêmes, aux combats que nous avons menés contre les deux plus grandes tragédies du siècle: le nazisme et le colonialisme. Si tout ne peut être comparable, il est insupportable et incompr éhensible, de la part du gouvernement israélien dont le peuple a vécu les horreurs du crime contre l'Humanité qu'est la Shoah, de faire vivre dans les territoires occupés la tragédie coloniale. Mouloud Aounit Différences nO 223 Novembre 2000 5 Flux migratoires et droits des femmes LA FÉMINISATION des mouvements migratoires à l'échelle mondiale est significative. Des femmes non seulement accompagnent ou rejoignent des hommes migrants ou immigrés, mais développent de plus en plus leur projet migratoire propre. Elles viennent trouver du travail, une vie meilleure, elles veulent s'émanciper de situations d'oppression sociale et familiale devenues insupportables, et les demandeuses d'asile cherchent refuge face à des violences de toutes sortes. Ces migrations sont dues non seulement aux inégalités accrues dans un monde plus globalisé, mais aussi aux évolutions sociales dans les pays dominants (avec l'appel croissant de main-d'oeuvre pour des emplois de services) et aux transformations de la condition des femmes dans les pays d'origine qui les rend plus autonomes (volontairement ou par obligation). La proportion des femmes parmi la population étrangère en France, qui atteint aujourd'hui 44 %, témoigne de ces évolutions. Les chiffres officiels, bien entendu, ne prennent pas en compte les étrangers sans titre de séjour, dont les femmes constituent une proportion notable. Des sans-papières sont sorties de l'ombre, dénonçant la précarité, la surexploitation, les violences, revendiquant leurs droits, avec force et sentiment de légitimité. Mais d'autres restent sans voix, telles ces nombreuses femmes sous la 6 Différences nO 223 Novembre 2000 coupe des réseaux de proxénétisme international ou d'autres trafiquants, ou celles enfermées dans des conditions d'esclavage domestique. Dans une large mesure, la situation des hommes et des femmes face aux politiques de contrôle et de répression de l'immigration est similaire, mais ces politiques doivent aussi être analysées sous l'angle des rapports sociaux de sexe : elles entérinent, voire aggravent, les situations d'inégalité et de dépendance des femmes. En effet, les femmes migrantes ne sont pas reconnues dans leur dimension de travailleuses, ayant besoin d'un emploi et d'un revenu pour vivre ou faire vivre leurs proches. Le stéréotype de la femme migrante comme épouse d'un travailleur migrant a la vie longue. Si parfois on reconnaît leurs activités professionnelles, on accepte et banalise une fonction, assignée aux femmes, de service domestique, notamment aux particuliers. Le choix qui se manifeste dans plusieurs pays d'Europe de faire venir légalement des immigrants « utiles» pour leurs compétences techniques et intellectuelles (cf. les circulaires pour les informaticiens, ou les nouveaux titres de séjour« profession artistiques et culturelles », « scientifiques », ou ceux attribués aux« personnes qui peuvent rendre des services importants à la France») exclut les femmes qui Manifestation des sans-papiers Paris le 2octobre 2000 .~ CD Cf) Cf) CD --l CD '5 ~ CIl U @ dans leur pays ont moins accès aux études que les hommes. Le cadre familial, un cadre familial pensé de façon très traditionnelle et normative, dont il faut rappeler qu'il est toujours marqué par la prééminence des hommes sur les femmes, est dans la plupart des cas pour les femmes le cadre imposé pour l'accès au séjour en France. En raison des difficultés de la procédure de regroupement familial, beaucoup de femmes viennent ou sont venues avec un visa de tourisme et ont de grandes difficultés à obtenir un titre de séj our, comme d'ailleurs les femmes étrangères en situation irrégulière qui se marient en France avec un résident étranger. La loi entérine ou favorise des situations de dépendance conjugale car l'attribution d'une carte de séjour en raison du mariage avec un Français nécessite (en tout cas à la préfecture de Paris) la présence du conjoint, et les titres de séjour obtenus en fonction d'une relation conjugale ne sont pas renouvelés si la vie commune cesse. Pendant plusieurs années donc, des femmes sont contraintes à subir une relation malheureuse ou même de violence et de chantage. Si leur époux demande le divorce, elles perdent leur droit au séjour, et de plus, en raison des accords bilatéraux avec certains pays où le divorce peut être obtenu par un homme sur simple demande, elles peuvent être l'objet d'une procédure expéditive qui leur dénie tout droit. Evoquons aussi les épouses d'hommes polygames, exclues du droit au séjour par une situation dont elles ne sont pas responsables. L'homme polygame peut toujours divorcer, mais l'ex-épouse ne peut plus alors faire valoir ses liens familiaux en France. Evoquons aussi les femmes contraintes par leur famille à un retour forcé dans leur pays d'origine (ou celui de leurs parents), notamment en vue d'un mariage, qui, dans le cas où elle réussissent à revenir en France, se retrouvent sans droit au séjour. Le droit au séjour en raison des liens personnels et familiaux et du respect de la vie privée et familiale, prévu par la loi Chevènement, est appliqué de façon très limitative, cette vie privée et familiale doit entrer dans des normes et des modèles sociaux et moraux stricts. Le concubinage doit être durable et stable, si possible avec des enfants. La vie commune avec un homme marié n'est évidemment pas pris en compte, ni un lien de couple s'il n'y a pas domicile commun. Les relations avec des collatéraux non plus. Quant aux couples pacsés, les faits montrent que rien n'est encore gagné pour eux. La restriction du droit d'asile atteint aussi les femmes. Les persécutions contre les femmes en tant que « groupe social» ne sont pas reconnues comme telles, malgré la convention de Genève. De nombreuses violences contre les femmes sont considérées comme privées ou fortuites, ou si elles sont très répandues, elles sont banalisées comme faisant partie de l'ordre de choses ou de la culture. Si elles ne sont pas le fait des autorités, mais de la famille, de la société, de groupes non étatiques, elles sont encore moins reconnues. Indépendamment même des persécutions, les autorités françaises, lorsqu'elles prennent des arrêtés de reconduite à la frontière, ne mesurent jamais les conséquences pour une femme d'un retour forcé dans certains pays. Dans de nombreuses sociétés, une femme célibataire, divorcée, n'a aucune place. Quelles perspectives peut-on définir, dans une optique d'universalité et d'égalité, pour faire valoir les droits des femmes en matière de migration et d'asile? La reconnaissance de l'autonomie juridique, sociale, économique des femmes est un préalable. Cela implique par exemple qu'en cas de séparation d'un couple, de départ contraint de France, de polygamie, les femmes aient un droit personnel et inaliénable au séjour, que les conventions bilatérales soient renégociées pour empêcher l'application en France de lois discriminatoires, que les femmes ayant un emploi puissent obtenir un titre de séjour« salarié », que les liens privés et familiaux soient validés dans toute leur diversité ... Pour les femmes aussi, il faut à l'échelle internationale la liberté de circuler et de choisir son pays de résidence. La fermeture des frontières, alors que circulent marchandises, capitaux, informations, et personnes des classes dominantes des pays riches, institutionnalise un apartheid international et met en danger celles et ceux qui malgré tout doivent passer des frontières. Et, pour que la j'l ' liberté de circulation ne soit pas une pièce dans une mondialisation néo-libérale qui veut des travailleurs et travailleuses flexibles, mobiles et précaires, il faut bien sûr l'égalité des droits dans tous les domaines, l'abolition de toutes ·les discriminations et la citoyenneté pleine et entière pour toutes les personnes vivant sur le même sol et donc faisant partie d'une même société, indépendamment de la nationalité, du sexe, et de « l'origine». Enfin il faut que les femmes victimes de répression et de persécutions en raison de leur sexe puissent obtenir le droit d'asile . • Claudie Lesselier historienne Le collectif Mrap Femmes immigrées en lutte poursuit son combat Au DEBUT de l'année 1997, en pleine loi Pasqua-Debré, des femmes, souvent en charge d'enfants, se présentent à la permanence d'accueil du Mrap, en proie à l'isolement et à une très grande précarité, parfois en danger. Sans papiers, elles se heurtent à des problèmes de logement, de santé, de ressources. Elles sont venues vivre en France pour des raisons économiques, pour rejoindre un mari ou des proches, ou parce que, menacées dans leur pays, il ne leur est plus possible d'y vivre ... A ce moment là, quelques militant(e)s du Mrap lancent le collectif des« femmes immigrées en lutte ». avec des femmes qui ont décidé de se montrer au grand jour et de lutter pour l' obtention de titres de séjour stables. En avril 97, elles décident de présenter aux pouvoirs publics un dossier explicitant leurs difficultés et celles de leurs enfants, la précarisation totale dans laquelle elles vivent, l'isolement, les dangers qu'elle encourent en cas de retour dans leur pays, enfin les obstacles ainsi opposés à leur intégration dans la société. A ce moment là, avec le changement de gouvernement l'espoir naît d'une refonte complète de la loi sur le séjour des étrangers. On sait que ce ne fut pas le cas. L'espoir est déçu. La circulaire Chevénement, à l'application de laquelle les militants de la permanence d'accueil furent mis largement à contribution, permit toutefois, parmi les femmes du collectif, un certain nombre de régularisation: des femmes ayant des enfants français, une jeune femme ayant été forcer à l'adolescence à retourner en Algérie ... Mais les situations restent précaires puisque les titres (peu nombreux) accordés sont des titres d'un an, posant des problèmes constants (auprès de l' employeur éventuel, auprès des banques, pour obtenir des formations ... ) et pour lesquels la question du renouvellement se pose à courte échéance. Après trois années, le titre précaire n'est toujours pas transformé en carte de résident. Comme si on n'était pas vraiment accepté! C'est de cette précarité là et surtout de celle de toutes les femmes que la circulaire n'avait pas régularisées, dont le collectif est allé parler, en délégation, au ministère de l'Intérieur et au ministère des Affaires sociales en juin 98. L'année dernière, quelques femmes du collectif se sont réunies pour rédiger, à l'appui de leurs actions, un livre blanc et préciser les raisons de leur lutte pour obtenir le droit de vivre et travailler de manière stable en France
- elles explicitent notamment les points
suivants : -les raisons pour lesquelles il est exclu pour elle de rentrer dans leur pays, les dangers qu'elles peuvent y encourir, l'exclusion dont elles peuvent être victimes - les difficultés qu'elles rencontrent dans tous les domaines de la vie, pour elles-mêmes et leurs enfants - les difficultés engendrées, pour celles qui ont enfin réussi à obtenir des papiers, par la précarité des titres de séjour valables au plus une année. Plus de deux ans après, la situation reste bloquée - algériennes, elles n'arrivent pas à obtenir l'asile territorial alors qu'en tant que femmes, elles ont subi des menaces ou des violences dans leur pays, il est inconcevable qu'elles y retournent - séparées de leur mari ou rejetées par celuici, elles se retrouvent sans titre de séjour avec des enfants à élever, sans allocations familiales (que continue parfois à percevoir le mari) - employées dans des cadres domestiques, présentes en France depuis de nombreuses années, à la merci totale de l'employeur, elles n' arri vent pas à prouver ces années de présence en France... ~ Si vous voulez reioindre le collectif « Femmes immigrées en lutte» ou si vous connaissez des femmes susceptibles de le rejoindre, il se réunit dans les locaux du Mrap, le dernier jeudi de chaque mois en fin d'après-midi. Avant la réunion, un accueil est prévu pour tenter d'orienter les femmes qui le souhaitent dans leurs démarches se loger, se soigner, avoir accès à la justice ... Différences nO 223 Novembre 2000 7 DOSSIER ~ Pour élargir son action, le collectif s'associe à d'autres structures. Début 2000, nous nous sommes joints aux autres associations et collectifs réunis au sein du Réseau pour l'autonomie des femmes immigrées et réfugiées (Rajfire). Nous avons ainsi constitué une délégation, avec l' Asfad et la Fasti, auprès du secrétariat d'Etat aux droits des femmes qui a fait des promesses d'interventions auprès du ministère de l'Intérieur non tenues à ce jour. Nous sommes intervenues dans un colloque sur « la situation des femmes immigrées et étrangères en France », à l'initiative du comité de suivi des lois sur l'immigration (actes du colloque à paraître). Par ailleurs, nous avons participé aux manifestations organisées par « La Marche mondiale des femmes », à Paris le 17 juin et à Bruxelles le 14 octobre (voir page 1 0). Dans les deux villes, les femmes immigrées avaient décidé de faire entendre leur voix et d'exiger une politique d'immigration ouverte en Europe. A Bruxelles, le 14 octobre, la tenue d'un forum « femmes immigrées et étrangères: pour l'égalité », avec des participantes d'autres pays européens, a permis de jeter les bases d'un réseau agissant à l'échelle de l'Union européenne, puisque c'est maintenant à ce niveau-là que sont prises les grandes orientations relatives à l'immigration et, plus largement, à l'entrée sur le territoire. Cette année, le collectif poursuit son action: il l'envisage non seulement comme un moyen de lutte mais aussi d'entraide et de solidarité .• Marianne Wolff Militantes, dont celles du Mrap, à la Marche européenne des femmes © Marie-Paule Brezot 8 Différences n° 223 Novembre 2000 Le témoignage dlHenriette : , « A quoi ça sert ce temps gâché ? » HENRIETTE vient du Congo, ex-Zaïre. La vie au Congo, où son compagnon avait de graves problèmes politiques, n'était plus possible. « Il n'y avait aucune liberté et j'étais trop repérée. Je travaillais dans une entreprise importante qui avait des liens avec la Belgique. Mon patron m'a aidé à obtenir un visa pour la Belgique. Je suis partie ». chaque fois, l'obligation de reverser une partie de ce que je touchais à celui ou celle qui m'avait « prêté» ces papiers ». r Quand W. a l'âge d'aller à l'école, il lui faut trouver un domicile fixe pour le scolariser. « Ma soeur a accepté de prendre l'enfant le ~ temps que je trouve un logement ». Henriette a heureusement trouvé car sa logeuse n'a pas vérifié ses papiers. Depuis, elle lui a expliqué. « Elle a bien voulu me garder bien que On était en 1992. Henriette est enceinte et son bébé est donc né en Belgique l'année suivante. Mais ses demandes de papier pour rester en Belgique avec son fils, W., ont été rejetées. « J'ai décidé de rejoindre ma famille en France. J'y ai deux soeurs, dont l'une est française. Mais, dans un premier temps, mon beau-frère a refusé de m'accueillir ». Commence alors pour la mère et son fils une « vie» d'hébergement temporaire en hébergement temporaire. « Pour gagner de quoi vivre, et de quoi faire vivre mon fils, je me procurais des papiers pour trouver un travail. Avec, je n'ai pas de papiers ». Une vie où tout est à la merci des autres et de leur bon vouloir. « Heureusement, W. travaille très bien en classe ». Et heureusement aussi qu'Henriette se bat, avec le Mrap, depuis qu'à la permanence d'accueil François Prunet l'a reçue et soutenue un jour de janvier 1996. Il faudra bien, de toute façon, régulariser la vie d'Henriette et de son fils, qui lui n'ajamais connu que l'Europe. Alors, à quoi sert ce temps gâché? Pour en savoir plus RAJFIRE Réseau pour t'autonomie des femmes immlgrees et réfugiées c::) Comme son nom l'indique, le Réseau pour l'autonomie des femmes immigrées et réfugiées (Rajfire) a pour ambition de rassembler des groupes, des associations, des militantes, étrangères ou françaises, engagées dans la lutte pour l'autonomie, l'égalité et les droits des femmes étrangères, immigrées, réfugiées, en France. Le Rajfire a édité au mois de mars dernier une excellente brochure toujours d'actualité (1). On trouve notamment au sommaire: le manifeste des femmes sans-papiers; des analyses appuyées sur des exemples de la situation des femmes sans-papiers; les revendications concernant le droit au séjour; un texte sur la régularisation et la précarité des sans-papières qui ont accepté de témoigner; une étude « pour une critique féministe des lois sur l'entrée et le séjour des personnes étrangères en France» ; voix de femme: mariage forcé, un aller sans retour; le droit d'asile au regard de la persécution du fait du sexe ou de l'orientation sexuelle. (1) 36 pages 21 x 29,7. Prix : 38 F (port inclus). Rajfire cio Maison des femmes 163 rue de Charenton 75012 Paris ou Fasti 102 av. Maurice Thorez 94200 Ivry-sur-Seine email : rajfire@wanadoo.fr c::) Le Bulletin de liaison des adhérent(e)s et ami(e)s de la Fasti, Expression immigré(e)s - Français(e)s publie régulièrement articles, reportages, témoignages sur la condition des femmes immigrées, en particulier des primo-migrantes. Dans son numéro de septembre, Flavia Salvia signe un article sur les violences à l'encontre des femmes. Elle souligne que « la féminisation de la pauvreté est un phénomène qui ne cesse de s'amplifier, sous les coups conjugués de la logique néo-libérale et des politiques d'ajustement structurel. Elle se caractérise par une situation qui peut se résumer ainsi: "les femmes représentent la moitié de la population du monde, constituent un tiers de la main-d'oeuvre salariée, disposent de un dixième des revenus, d'un sur cent des propriétés, et deux illettrés sur trois sont des femmes" ». Fasti : adresse ci-dessus Tél: 01 4658 Il 77 Les effets des statuts personnels en vigueur dans les pays du Maghreb Monsieur Robhi, marocain résidant en France avec son épouse marocaine, obtient dans son pays en 1976 la répudiation de sa femme, sans même que celleci en soit avertie. Six ans plus tard, la Cour de cassation accepte de reconnaître l'acte de répudiation en droit français, le divorce est prononcé, bien qu'à aucun moment l'épouse n'ait pu faire étendre ses droits. Ce genre d'atteintes portées aux droits des femmes sur le territoire français résulte de la difficile cohabitation, pour les étrangers vivant en France, du code de statut personnel du pays dont ils ont la nationalité avec le code français. Le statut personnel concerne l'état et la capacité des personnes. Il régit les règles relatives à l'identification des personnes (sexe, âge, filiation) et à leur relation de famille (époux, enfants, parents). Chaque pays dispose de son propre code de statut personnel: au Maroc, il s'agit du mudawwana de 1957, révisé en 1993, en Tunisie, du Magâlla rédigé en 1956 et modifié en 1993, enfin, en Algérie, du code de la famille de 1984 amendé en 1988. Ces trois codes s'inspirent du Fiqh, le Droit musulman, et reprennent des dispositions discriminatoires à l'égard des femmes, contraires au droit civil français et aux textes internationaux sur l'égalité entre les sexes. A titre d'exemple, notons la présence obligatoire, selon les codes marocain et algérien, d'un tuteur matrimonial pour la femme, même majeure, lors du consentement au mariage. De manière générale, et même si le Magâlla tunisien s' avère nettement plus protecteur des droits des femmes que les deux autres codes de statut personnel maghrébins, la prééminence de l'homme sur la femme est organisée par les lois des trois Etats. Les accords bilatéraux. Or, par réciprocité avec l'article 3 du Code civil français qui précise que « les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger », toute personne étrangère est, à son tour, soumise à la loi du pays dont elle a la nationaiité. C'est ainsi que les tribunaux français peuvent avoir à traduire en droit français des jugements rendus au Maghreb concernant des personnes résidant en France, alors même que ceux-ci se trouvent en contradiction avec le droit français et ne respectent pas les droits des femmes. De plus, alors que le juge français doit théoriquement refuser d'appliquer une loi étrangère si elle est contraire aux principes fondamentaux du droit français (notion d'ordre public), il peut reconnaître certains effets de règles de droit musulman, même en contradiction avec l'ordre public national et international, en faisant appel à la notion d'effet atténué de l'ordre public. Ce peut être une initiative du juge lui-même, qui tente de concilier ordre public et coutumes des résidents étrangers qui s'en prévalent et s'interdit de recourir à la notion d'ordre public quand cela n'apparaît pas indispensable; mais, cela résulte souvent des conventions bilatérales que la France a signé avec l'Algérie (1962, 1964, 1965 et 1988), le Maroc (1957 et 1981) et la Tunisie (1972). La légalité de la polygamie, comme de la répudiation, en Algérie et au Maroc, font planer sur les ressortissantes de ces pays une lourde menace, même s'il est difficile de mesurer avec précision le nombre de femmes concernées en France chaque année. L'ordre public interdit que soit célébré en France un mariage polygame entre Algériens ou Marocains, alors même que les codes algérien et marocain l'autorisent. Cependant, s'il a été célébré à l'étranger, l'effet atténué de l'ordre public permet de reconnaître certains effets du mariage polygame en France: la co épouse a ainsi droit au versement d'une créance alimentaire au même titre que l'épouse en cas de divorce et a droit à réparation dans le cas du décès du mari dû à la faute d'un tiers. Bizarrement, la coépouse ne peut être ayantdroit du mari pour bénéficier de la sécurité sociale et doit contracter une assurance volontaire, avec les conséquences néfastes que cela implique sur la santé des femmes lorsque cette démarche n'est pas effectuée. De même, la coépouse ne peut bénéficier du regroupement familial, ce qui a entraîné des situations douloureuses dans le cas de femmes dont le mari profitait de vacances au pays pour leur subtiliser leur passeport et faire venir la seconde épouse en France au titre du regroupement fami lial. Le droit pour un homme de répudier sa femme est reconnu au Maroc, où la procédure n'est même pas judiciaire, et en Algérie, où le juge ne fait, en pratique, qu'entériner la décision du mari. De plus, dans les trois pays, le seul régime de mariage existant est la séparation de biens. Au moment du divorce, l'épouse risque donc de n'obtenir aucune part du patrimoine familial si, comme c'est souvent le cas, c'est le mari qui a réglé les achats. Or, selon l'article 310 du Code civil, la loi française régit le divorce de deux époux résidant en France, ce qui devrait protéger Marocaines et Algériennes de France de toute répudiation. Mais, tel n'est pas le cas puisque la convention franco-marocaine du 10- 08-1981 reconnaît la compétence nationale pour la dissolution du mariage de deux personnes de même nationalité, tandis que la convention franco-algérienne du 28-08-1962 permet à l'un des deux époux de demander l'application du code de la famille algérien, même si l'autre n'est pas d'accord, dans le cadre d'un divorce. En pratique, les tribunaux français semblent se montrer fort accommodants pour reconnaître les répudiations intervenues en Algérie et au Maroc. L'évolution de la jurisprudence est plus favorable aux femmes. Dans deux arrêts de 1990, la Cour de Cassation a précisé qu'une répudiation intervenue au Maroc ne peut être reconnue en France que si le choix de lajuridiction marocaine n'a pas été fait dans un but frauduleux, c'est-à-dire pour échapper au versement d'une pension alimentaire qu'un juge français aurait sans doute imposé, et si la procédure suivie a permis à chaque partie de faire connaître ses prétentions. En pratique, engager rapidement une procédure de divorce en France, si possible avant que le mari obtienne la répudiation, permettra ensuite à l'épouse de démontrer au juge français le caractère frauduleux de la répudiation intervenue au Maroc ou en Algérie. Plusieurs solutions permettraient d'éviter que des femmes résidant régulièrement en France se voient appliquer des codes de statut personnel inégalitaires et sexistes. La solution la plus évidente consisterait à encourager les femmes se battant, dans leur pays, pour la révision de ces codes, comme c'est le cas, par exemple, du Collectif95 Maghreb Egalité qui a présenté, à la Conférence de Pékin de 1995, un projet de code de la famille respectueux des droits des deux sexes. La dénonciation des conventions bilatérales dérogatoires serait aussi un moyen pour protéger les Maghrébines résidant en France de la répudiation. Une autre solution consisterait à encourager l'inclusion, déjà possible en théorie mais très rare en pratique, dans les con- ~ Différences nO 223 Novembre 2000 9 o SI ~ trats de mariage, de clauses permettant d'atténuer les inégalités qu'énonce le statut légal: interdiction de la polygamie, compensations financières notables en cas de séparation, association plus étroite de l'épouse au gouvernement de la famille, etc. Une solution doit en tout cas être trouvée pour empêcher que soient reconnues en France des situations juridiques faisant fi des droits de la personne les plus élémentaires .• Prune Helfter Adresses utiles _---, o N ~ al Q) "S • Coordination française pour g: la Marche mondiale des femmes cD 104 rue des Couronnes 75020 .~ Paris Tél: 01 4462 12 33 ~ email :marchefem@ras.eu.org Site: www.ffq.qc.ca/marche2000 • Collectif national pour les droits des femmes cio Cadat 21 ter rue Voltaire 75011 Paris Tél/Fax: 01 4356 3648 • Comité contre l'esclavage moderne 4 place de Valois 75001 Paris Tél 01 55 35 36 55 Fax 01 55 35 36 56 • Elele - Maison des travailleurs de Turquie 20 rue de la Pierre Levée 75011 Paris Tél: 01 43 57 76 28 Fax: 01 433801 32 • Femmes de la Terre Relais 59, 1 rue Hector Malor 75012 Paris Tél: 43432082 Fax: 01 43432298 • GA MS-Groupe femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles 66 rue des Grands Champs 75020 Paris Tél: 01 4348 1087 Fax: 01 4348 00 73 • Femmes contre les intégrismes BP 0640, 69239 Lyon Cedex 02 TéllFax 04 72 38 75 99 • Migrants contre le sida cio Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives 70 rue de la Fraternité 93170 Bagnolet • Maison des femmes de Paris 31 rue de Charenton 75012 Paris Tél: 01434341 13 Fax: 01 4343 42 13 La Marche européenne des femmes à Bruxelles le 14 octobre 2000 Aller - retour Paris/Bruxelles pour Lila, Henriette, Louiza, Marie-Paule et Marianne La Marche mondiale des femmes qui a eu lieu le 17 octobre à New York est une initiative des femmes du Québec. Elle avait pour objectifs de lutter contre la pauvreté qui touche particulièrement les femmes dans le monde et contre les violences qu'elles subissent. La Coordination française pour cette Marche a organisé toute une série d'initiatives autour du droit d'asile pour les femmes persécutées en raison de leur sexe, la reconnaissance des discriminations contre les lesbiennes, pour des politiques qui respectent l'autonomie des femmes avec un véritable service public de la petite enfance (crèches, maternités ... ). Une Marche européenne s'est déroulée le 14 octobre à Bruxelles: des membres du collectif Femmes immigrées en lutte racontent leur journée. 8h51, Paris, gare du Nord. Embarquement dans l'une des deux Thalys spéciaux en direction de Bruxelles. Un train de femmes et quelques hommes solidaires. 10h16, Bruxelles, gare du Midi. La foule s'engouffre dans le métro. Direction « Le Parc du cinquantenaire ». Les banderoles se déploient. Nous partons en un long cortège à travers le parc puis le long des rues complètement désertes de ce quartier dévolu aux bureaux des structures européennes. Peu de Bruxellois sur le parcours. Bien étudié pour que la manifestation ne dérange personne. Pour autant, les chants, les slogans ne manquent pas de fuser. La délégation française reprend en choeur des chants adaptés à la circonstance. Et des femmes du Portugal, d'Espagne, d'Italie, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique bien sûr, qu'elles soient du pays ou immigrées. Toutes ensemble. Des slogans féministes et aussi de solidarité avec toutes les femmes du monde, les Afghanes, les Algériennes, les Irakiennes ... Contre toutes les formes de violence faites aux femmes et contre la pauvreté qui les frappe particulièrement. Des masques, des chapeaux, des drapeaux, des ballons lâchés vers le ciel de New York où allait aboutir la marche mondiale. Des spectacles, des témoignages, des rencontres, des projets. 16h, un petit tour en ville. Histoire de voir la grande place et de rapporter du chocolat. Toutes celles qui n'ont pas de papiers sont heureuses de profiter de ce passage de frontière qui leur est normalement interdit. 20h23, gare du Midi. Le Thalys nous attend pour un retour animé! 21h47, retour à.Paris. l a Différences nO 223 Novembre 2000 • lOS ues passionnantes sur les Brésiliennes Boukhobza) ou encore problémaexilées en France dans les années tisent la terminologie de « l'imsoixante- dix (Annette Goldberg- migration» (Gabrielle Varro). "' •• n. Salinas), ou encore les migrantes Claude Liauzu revient sur le pasdu Nordeste brésilien arrivant à sé proche, avec une étude sur les Sao Paulo et s'impliquant dans les « mariages mixtes» dans l'Algémouvements sociaux populaires rie coloniale. Les écrits littéraires (Jeanne Bisillat). Cathie Llyod pré- de femmes sur l'enfance témoisente les débats britanniques sur le gnent du rôle de l'école (Maïr Femmes en migrations, Cahiers multiculturalisme et le rôle des Verthuy) tandis que Claude Zaiddu CEDREF, nO 8/9, janvier femmes noires dans le mouvement man questionne la sociologie de 2000. CEDREF : Université féministe. Un autre volet est celui l'éducation et son usage des vaParis VII, 2 place Jussieu, du travail salarié des migrantes et riables « sexe» et « origine cul- 75521 Paris cedex 05. Prix: des politiques migratoires en rap- turelle». Les institutions de ges- 100 F (port en sus 16 F). port avec la mondialisation du mar- tion de l'immigration en France Ce volume est issu des travaux ché du travail: Sophie Condon étu- et leur évolution apparaissent à ... -----du réseau « Femmes en migra- die les parcours de femmes travers le témoignage d'Anne Gotions » de l'Université Paris VII antillaises en métropole, Laura Oso lub, qui a travaillé une quarantaiet reflète un travail d'élaboration l'immigration en Espagne, et Lia- ne d'années au FAS. Enfin Madnovateur croisant les perspectives ne Mozère la situation des assis- jiguène Cissé souligne le rôle des de genre et celles sur les relations tantes maternelles en France. femmes dans la lutte des sans-pamigratoires ou les relations « in- D'autres auteures présentent la si- piers. terethniques ». Les quinze textes tuation des femmes issues de l'im- Ce numéro des Cahiers du CEici réunis abordent cette problé- migration maghrébine en France, DREF constitue un ouvrage de matique de façon diversifiée. Les la construction de leurs identités, référence, d'un grand intérêt et uns étudient la trajectoire de mi- les relations entre générations, la d'une lecture aisée, qui enrichit grantes ou d'exilées et leur ren- confrontation avec les cultures do- nos connaissances et ne peut contre avec les mouvements de minantes et les discriminations (Fa- qu'inciter à la poursuite de la réfemmes: ainsi on lira des études bienne Rio, Sabah Chaïb, Nora flexion. Claudie Lesselier Noire, la couleur de ma peau blanche, Toi Derricotte, Editions du Félin, 2000 Un livre grave, une description sans concession du racisme de la société étasunienne, une courageuse et parfois violente introspection . Comme l'indique le titre, l'auteur est noire mais sa peau est suffisamment claire et ses cheveux suffisamment lisses pour passer inaperçue dans le monde des Blancs, et recevoir ainsi en confidence tous les mots du racisme primaire et les
~--------------~------ Q.JJCfer -P rrl stéréotypes éculés. Toi Derricote
D J 0 r se débat entre un sentiment fugace Maux d'exil, Olivier Pasquiers (photographies) et Jean-Louis RJ ( mais irrépressible de supériorité par Levy (recueil de témoignages), par le Comede et Le Bar Floréal! rapport aux noirs et une conscienédition L..e Rtl' ce exacerbée qui refuse à la fois le Lorsqu'une cause est servie à la fois par de solides compétences et S !3{)JN mensonge des apparences et les une profonde sensibilité artistique, cela donne ce type de livres dont eX'lJltovtées clichés qui collent à la peau de chasont coutumiers les artisans du Bar Floréal. J.-L. Levy, médecin gé- r ~7 que « race ». Poète et universitainéraliste de 1989 à 1996 au Comité médical pour les exilés (installé à ~ rrvr (ndle l re, Toi Derricote a connu les afl'hôpital de Bicêtre fres de la dépression nerveuse et près de Paris) a re- une perturbation permanente de cueilli les témoignages son image, face à quoi elle a nourdes réfugiés (es) ve- ri et développé un refus radical du nus (es) en consulta- racisme, une quête désespérée pour tion soigner des trou- saisir toutes les facettes du drame bles physiques ou à l'extérieur comme à l'intérieur de p s y c h 0 log i que s. soi. Inspiré d'un journal personnel Membre du « bar flo- tenu pendant vingt-cinq ans, ce texréal photographie », te a le mérite et l'originalité de nous Olivier Pasquiers les a çevtd plonger dans la quotidienneté d'un photographiés avec racisme structurel profondément pudeur et sobriété. Ils Les religions expliquées à ma inscrit dans les psychologies indico- signent une sorte fille, Roger-Pol Droit, Seuil viduelles. On n'est plus dans l'absde chronique person- Comment comprendre le monde traction ou la froideur de l'analyse nalisée de l'exil admi- et sa richesse culturelle sans rien sociologique ou historique: on rablement bien servie savoir du religieux et des reli- touche là,jusqu'à plus soif, à l'expar une conception gions? C'est à cette question que pression d'un combat quotidien et graphique elle aussi répond la motivation ce livre qui personnel contre j'aliénation racissobre et sensible apporte aux croyants comme aux te qui pervertit tout, y compris le réalisée par Isabelle libre penseurs de précieuses no- regard qu'une femme porte sur son légo et Alex lordan. tions sur l'histoire des religions, mari au sortir de l'acte d'amour. c.B. leurs rituels et leur influence. Chérifa Benabdessadok Différences n° 223 Novembre 2000 l l Le Mrap s'associe à l'appel à la condamnation de la torture durant la guerre d'Algérie Douze personnalités (1) ont fait paraître dans le quotidien L'Humanité du 31 octobre un texte appelant à la condamnation de la torture durant la guerre d'Algérie adressé au président de la République et au Premier ministre. Le même jour, le Mrap a rendu publique une déclaration par laquelle il se solidarise avec cet appel et le soutient. Voici le texte de l'appel que les adhérents et amis du Mrap sont invités à signer, ainsi qu'un large extrait de la déclaration du Mrap. «Des deux côtés de la Méditerranée, la mémoire française de réduire par tous les moyens la résistance du dominé. et la mémoire algérienne resteront hantées par les horreurs Avec cette mise à jour il ne s'agit pas seulement de vérité qui ont marqué la guerre d'Algérie tant que la vérité n'aura historique, mais aussi de l'avenir des générations issues de pas été dite et reconnue. diverses communautés qui vivent avec ce poids, cette culpa· Ce travail de mémoire appartient à chacun des deux peuples bilité et ce non·dit. et aux communautés, de quelqu'origine que ce soit, qui ont Pour nous, citoyens français auxquels importe le destin par· cruellement souffert de cette tragédie dont les autorités fran· tagé des deux peuples et le sens universel de la justice, pour çaises portent la responsabilité essentielle en raison de leur nous qui avons combattu la torture sans être aveugles aux obstination à refuser aux Algériens leur émancipation. autres pratiques, il revient à la France, eu égard à ses res· Aujourd'hui, il est possible de promouvoir une démarche de ponsabilités, de condamner la torture qui a été entreprise en vérité qui ne laisse rien dans l'ombre. En France, le nouveau son nom durant la guerre d'Algérie. Il en va du devoir de mé· témoignage d'une Algérienne, publié dans la presse, qui met moire auquel la France se dit justement attachée et quine de· en accusation la torture, ne peut rester sans suite ni sanction. vrait connaître aucune discrimination d'époque et de lieu. Dans Le silence officiel serait ajouter au crime de l'époque une faute cet esprit, et dans cet esprit seulement, tourné vers un rap· d'aujourd'hui. En Algérie, se dessine la mise en cause de pra· prochement des personnes et des communautés et non vers tiques condamnables, datant de la guerre et surtout lui ayant l'exacerbation de leurs antagonismes, nous demandons à M. survécu, commises au nom de situations où « tout serait per· Jacques Chirac, président de la République et, à M. Lionel mis ». Il reste que la torture, mal absolu, pratiquée de la façon Jospin, Premier ministre, de condamner ces pratiques par une systématique par une « armée de la République» et couverte déclaration publique. Et nous invitons les témoins, les citoyens en haut lieu à Paris, a été le fruit empoisonné de la colonisa· à l'exprimer sur cette question qui met en jeu leur huma· tion et de la guerre, J'expression de la volonté du dominateur nité. » (1) Henri Alleg, ancien directeur d'Alger républicain, auteur de La Question; Josette Audin, épouse de Maurice Audin assassiné par ses tortionnaires; Simone de Bollardlère, veuve du général Pâris de Bollardière, opposé à la torture et condamné à deux mols de forteresse; Nicole Dreyfus, avocate de Baya Hocine et Ojoher Akrour; Noël Favrelière, rappelé, déserteur; Gisèle Halimi, avocate de Djamila Boupacha ; Alban Liechti, rappelé, insoumis; Madeleine Rebérioux, historienne, secrétaire du comité Audin; Laurent Schwartz, mathématicien, président du comité Audin; Germaine Tillion, ethnographe, résistante, auteur de L'Afrique bascule vers l'avenir; Jean-Pierre Vernant, historien, résistant; Pierre Vldal.Naquet, historien, auteur de La Torture dans la République. « Le Mrap se solidarise avec cette initiative qui rejoint son propre combat pour mettre fin il l'amnésie qui touche toutes les exactions commises pendant la colonisation, toutes les tortures et tous les massacres commis pendant la guerre d'Algérie, sans oublier le massacre du 17 octobre 1961 à Paris, où tout semble fait pour éviter l'ouverture des archives, pour cacher le visage du mépris - quel mépris de la personne que la torture! - de la haine ct de J'horreur. L'amnésie entretenue prolonge en quelque sorte les promesses des gouvernants qui assuraient tortionnaires et criminels qu'ils seraient couverts et impunis. En réalité, J'amnésie et le refoulement de la mémoire sont porteurs de la persistance du mépris ct du racisme anti-algérien. Or, les peuples se grandissent en regardant leur histoire pour l'assumer. La colonisation ct les guerres coloniales ont été des périodes d'aveuglement. Cette déclaration nous appelle à ouvrir les yeux. En particulier que soient débaptisées les rues qui portent le nom de tortionnaires. Pour Je Mrap, il s'agit, cc faisant, de libérer la parole de ceux qui ont été mobilisés pour la guerre, qui ont éte témoins et parfois acteurs contaminés par l'horreur, et qui en portent encore aujourd'hui une blessure profonde, une culpabilité caché par le non-dit. La reconnaissance de la torture pratiquée comme acte politique au service d'une politique de domination est aussi un défi d'avenir pour les jeunes issus de l'immigration algerienne, pour leur intégration dans un pays qui aura assumé son passé colonial, et toutes les horreurs qui l'ont marqué. » Affiche du « Comité pour le procès » du général Massu, commandant militaire du département lors de la bataille d'Alger (1957), qui a fait systématiser l'usage de la torture par ses unités parachutistes. 43 bld de Magenta 75010 Paris - T : 01 533899 99 Télécopie: 01 4040 90 98 · E.mail : joumal.differences@free.fr 13 F le numéro - Abonnement 135 F (II nO'/an) Directeur de publication: Moulaud Aounit. Gérante bénévole: Isabelle Sirat. Rédactrice en chef - mise cn page: Chérifa Benabdessadok. Directeur administratif: Florence Festas. Abonnements
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Notes
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