Différences n°171 - février 1996
Sommaire du numéro
n°171 de février 1996
- Edito: La jointure par Mouloud Aounit
- Analyse: le développement du MRAP et la crise par Paul Muzard
- Aide au séjour irrégulier: il est formellement déconseillé d'aider son prochain par C. Benabdessadok
- Semaine d'éducation contre le racisme: du 18 au 23 mars 1996, un nouveau contexte par Liliane Lainé
- Rencontre en Bosnie-Herzégovine: pour que la paix soit durable par Marie-Noëlle Bornibus [pays de l'est]
- La Turquie dans l'union douanière par R. Le Mignot
- Affaire Rosenberg: opération « Venoxa » la deuxième exécution par Schofield Coryell
- Le plus ancien prisonnier politique: Léonard Peltier par R. Le Mignot [U.S.A.]
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Février 1996 - W 171 0 SOMMAIRE Analyse Aide au séjour irrégulier Faut-il aider son prochain 1 Chérifa 8enabdessadok Semaine de ]'éducatlon 1996, un nouveau contexte Liliane Lainé International Rencontre ;li Tuzla Marie-Noëlle Bornibus la Turquie et l'Europe Renée Le Mignot Prix Sakharov 4 • 6 7 lE DÉVElOPPEMENT DU RAPET lAC ISE à Leyla Zana 7 L'affaire Rosenberg L'opération Venona Schofield Soryell Leonard Peltier 8 L'effort de mobilisation, note Paul Muzard, se heurte à de nombreux obstacles. Prisonnier politique Renée Le Mignot 9 10,11 Il propose un essai de diagnostic entrepris du point de vue d'une «perspective historique ». Chrono A lire ou à voir Le livre de M. Abu-Jamal 12 cr page 2 et le nouveau film de D. Kupferstein 12 ThéAtre 12 laioimure Par leurs travaux, Emmanuel Todd, Michel Wieviorka, Pierre-André Taguieff, Albert Memmi, pour ne citer que les chercheurs les plus en vue, scrutent, observent, analysent précieusement notre société et son rapport au racisme et à l'antiracisme. Souvent nous les avons croisés au MRAP, comme PierreAndré TaguietT ou Albert Memmi, et avec certains nous nous retrouvons sur l'essentiel: Emmanuel Todd, Michel Wieviorka. Tous nous ont aidés et éclairés sur nos pratiques et nos réflexions; tantôt ils nous ont confortés, tantôt interpellés. La finalité de la réflexion est de déboucher sur l'action, de prolonger l'hypothèse par l'effort dans l'expérience. De même que l'activisme n'agit qu'à la superficie des choses s'il n'est pas traversé par une orientation, une campagne d'actions s'apparente à la recherche d'un chemin de forêt dans la nuit si elle n'est pas portée par la réflexion. Chacun d'entre vous, adhérent, militant, sympathisant, est un patrimoine d'expériences, de connaissances, une ressource précieuse pour enrichir la réflexion théorique. Mais ce capital n'est pas à notre avis assez pris en compte. Dans cet esprit nous souhaitons, pour les mois à venir, ouvrir dans le MRAP un grand espace de réflexion pour approfondir le débat général et fortifier nos actions. Relever ce défi nécessite la mise en mouvement et la mobilisation de tous les militants et adhérents autour des grands thèmes transversaux de notre société, tels que la citoyenneté, l'intégration, les phénomènes religieux et communautaires, les politiques de discrimination positive, les droits de l'homme dans leur rapport aux droits des peuples, les flux migratoires. La Présidence du Mouvement est chargée de mettre en oeuvre cette action. Construire« en commun)} n'est certes pas un exercice facile mais nous devons le tenter. A vous désormais de bâtir cette {< jointure » entre être et savoir, savoir-faire et vécu .• Mouloud Aounit Il Analyse lE DÉVElOPPEMENT DU MRAP ET lA CRISE SILE DEVELOPPEMENT DU MRAP est à l'ordre dujour, c'est par nécessité de développer la lutte contre le racisme. S'il est nécessaire de renouveler cet appel, c'est bien le signe que l'effort de mobilisation se heurte à certains obstacles. Pourquoi est-il plus difficile que naguère de recruter durablement des militants? Si l'on peut procéder à un diagnostic des difficultés actuelles, comment retrouver une dynamique antiraciste? La lutte contre le racisme ne peut faire l'économie de l'histoire des cinquante dernières années, des évolutions ou des transformations économiques, sociales et politiques. 1 / La lutte contre le racisme en période de croissance économique Après avoir pris naissance pendant la guerre, on peut dire que le MRAP s'est développé et a forgé son identité pendant une période de croissance économique, cette période a été appelée les « 30 glorieuses », disons pour notre propos, de 1949 à 1975 ; elle a été caractérisée par le plein emploi et dans ce contexte économique porte aux droits et aux aspirations plus larges, les luttes ouvrières débouchent sur ce qu'on nomme aujourd'hui des« acquis sociaux» : reconnaissance de la section syndicale d'entreprise, soumission à l'autorisation de licenciement en certains cas, droit à la formation, règles pour les grands chantiers du bâtiment, pour ne citer que quelques exemples. Mais aussi, pour les travailleurs étrangers, progrès de la citoyenneté, par acquisition du droit d'être désignés délégués syndicaux en 1968, d'être délégués du personnel en 1975 ; ainsi que la résorption de l'habitat insalubre, notamment des bidonvilles qui subsistaient encore au début des années 70. Même les huit années de guerre d'Algérie, avec les tensions qu'elles ont provoquées, n'ont pas interrompu ce processus de progrès, à telle enseigne que, au bout d'un combat de treize années, le MRAP parvient à faire voter à l'unanimité du Parlement la première loi antiraciste. C'était comme un consensus national qui s'était établi pour rejeter comme nuisibles au fonctionnement de la société des pratiques discriminatoires fon- La loi antiraciste de 1972 : pour faire progresser son combat pour l'égalité et avait acquis des moyens de lutte. Autour du conflit central opposant le mouvement ouvrier aux maîtres du travail, s'organisait l'ensemble de la vie sociale, politique, culturelle, intellectuelle. 2/ Et puis vint la crise économique Et avec elle, les premières victimes du chômage. Dès juillet 1974, le gouvernement français décide d'interdire toute immigration de travailleurs. C'est une mesure qui reposera sur un consensus continu depuis ce moment-là. En 1976, sont instaurées les premières mesures d'aide au retour qualifiées d'aide à la réinsertion dans le pays d'origine au nom du droit au retour; bien qu'il soit encore mis des formes dans le langage pour inciter des gens à partir, les immigrés préfèrent le droit de rester. Cependant, le mal commence à faire sentir ses effets. Si des travailleurs sont incités à partir chez eux, c'est bien le signe qu'ils sont considérés comme de trop. Désormais, ils n'ont plus cette place qui leur était garantie auparavant, non seulement pour l'emploi, mais aussi pour le logement. Et le chômage poursuivant sa progression, la peur s'empare de beaucoup de citoyens qui vivent dans l'inquiétude de perdre leur emploi. Les droits citoyens au travail et au logement pour les étrangers sont considérés comme des « trop» au regard chacun avait sa place y compris les travailleurs immigrés, même si c'était une place «C'était comme un consensus national qui s'était établi pour rejeter comme nuisibles au fonctionnement de la société des pratiques discriminatoires fondées sur la religion, l'ethnie ou la race. » de «pas assez» pour les Français. On entre dans la logique de la préd'infériorité, confmés qu'ils étaient dans des travaux insalubres ou périlleux, habitant dans des logements en bidonvilles ou baraques de chantiers. A condition d'accepter sa condition d'exploitation, le travailleur étranger n'était pas menacé d'être renvoyé dans son pays, le développement économique avait besoin de ses bras; quand, en 1973, le gouvernement algérien a prétendu mettre fin à l'émigration de ses ressortissants en France en raison d'attentats répétés, pour la première fois un représentant patronal, M. Ceyrac, s'est exclamé à la télévision: « nous avons besoin de la main d'oeuvre étrangère »,alors que jusque-là, disait-on, c'est pour leur intérêt seulement que nous acceptions des travailleurs étrangers en France. En outre, en période de plein emploi, le travail ouvre la dées sur la religion, l'ethnie ou la race. Les événements de 1968 n'avaient-ils pas été aussi un moment d'ouverture aux étrangers ou immigrés qui a abouti au développement du mouvement associatif. Adoptée en 1972 (la même année que la loi pour la formation permanente), à un moment où la période de croissance touche à son terme, cette loi inscrit dans ses objectifs « de faire disparaître le racisme », car cet objectif semble à portée de la main; il est possible en effet de repérer les auteurs d'actes racistes et éventuellement de les faire condamner, les délits ayant été cernés, et on peut espérer que les actions éducatives feront progresser les consciences, on fait des expériences d'éducation interculturelle. Au cours de cette période, le MRAP s'était inscrit dans la dynamique sociale Différences n° 171 février 1996 férence nationale, dont le Front national fait l'un de ses slogans. Dans ce contexte de dérive vers la constitution du « bouc émissaire» stigmatisée par ceux qui ont peur de la déchéance sociale, ceux pour qui, au-delà du chômage, le manque d'argent devient lancinant, donc profondément perturbateur, les gouvernements s'engagent dans des politiques qui aggravent le rejet des étrangers ou immigrés. Toutes les mesures de renvoi, de recul ou de limitation de droits tendent à faire croire que décidément tous ces étrangers sont différents, hétérogènes à notre société
- code de la nationalité qui oppose deux
jeunesses, parce que les parents de l'une viennent d'ailleurs, grignotage du droit au séjour, embûches pour obtenir le droit de vivre en famille, suspicion de fraude pour les couples mixtes, suspicion généralisée de fraude à l'égard des demandeurs d'asile. Tout un arsenal législatif persuade que ces étrangers ne sont pas des citoyens comme les autres; ils mettent en péril la stabilité de la société française et son identité; non seulement ils sont de trop pour l'emploi, mais pour faire bonne mesure, on ajoute à la concurrence pour l'emploi un péril culturel
- ils vont défigurer l'identité nationale,
ils sont une menace, car lorsque fait défaut, ou risque de faire défaut, une identité de travailleur, la tentation est forte de se retrouver dans le mirage d'une identité trompeuse de La mémoire. L'histoire a les moyens de nous prévenir, car toutes les crises ont été marquées par des regains de xénophobie et de déstructuration, aussi bien de 1866 à 1896 qu'entre 1919 et 1940. Au siècle dernier, des Italiens ont été renvoyés chez eux tandis qu'en 1938 il était préconisé de revenir sur les naturalisations; même si l'histoire ne se renouvelle pas, on constate les mêmes enchaînements de chômage, de rejet, d'appauvrissement, d'exclusions en cascade, de désignations de boucs émissaires. Les phénomènes ne sont donc pas nouveaux même s'ils étaient davantage Analyse emplois nouveaux pour des Français, ce qui montre bien que les causes sont ailleurs. L'antiracisme solidaire et de proximité est porteur de citoyenneté ; les mesures actuelles ont pour effet de diviser les gens, en opposant des immigrés aux Français, en opposant les chômeurs aux « privilégiés» de l'emploi, elles sont destructrices de citoyenneté
- la citoyenneté, c'est d'abord la
lutte contre l'exclusion des droits. Mais c'est la lutte contre l'exclusion des droits de tous. Le MRAP défend les droits des immigrés, parce qu'ils subissent des discriminations ultimes, mais les droits sont insubstitution. Ainsi peu à peu, le racisme s'insinuet- il dans de larges couches de la société. Devant les « Par son action orientée vers la citoyenneté, divisibles parce qu'ils sont citoyens
- les droits
de vivre en famille, de travailler, de se marier, sont des le MRAP va bien au-delà d'une action qui se réduirait à la défense de ceux qui sont discriminés: il le fait et continue à le faire pour faire reconnaître des droits imprescriptibles. » peurs et les angoisses, aux prises avec des inégalités croissantes, des gens osent maintenant s'avouer racistes et cèdent aux pires rumeurs et préjugés irraisonnés, tandis que le Front national, porteur d'une politique d'exclusions, trouve un droit d'expression officielle que légitiment ultérieurement ses résultats électoraux. Issue du chômage, la déstructuration de la société perturbe gravement les rapports sociaux; la délation gagne parfois même des membres des administrations. Certes des gouvernements ont préconisé une politique d'intégration; mais ce concept a toujours été lourd d'ambiguïtés en ce qu'il se rapportait aux efforts que devaient effectuer les étrangers eux-mêmes, quand ils ne concernaient pas des jeunes Français issus de l'immigration; alors que, en réalité, s'il y a difficulté d'intégration, c'est parce que les facteurs d'intégration que sont prioritairement l'emploi et le logement font défaut. Ainsi autant le plein emploi avait-il favorisé une dynamique et des progrès sociaux, autant le chômage débouche-t-il sur des reculs de droits, et pas seulement pour les étrangers, sur des éclatements de la vie en société et de la solidarité, sur la xénophobie et le racisme, finalement sur une déstructuration généralisée. 3/ Alors quel MRAP aujourd'hui? Si le racisme d'aujourd'hui n'est plus celui de la période précédente, l'antiracisme non plus ne saurait se défmir tout à fait dans les mêmes termes. marqués par la xénophobie que par le racisme et bien que la crise actuelle soit de bien plus grande ampleur que dans le passé. Le MRAP en tant que mouvement n'a que la mémoire de la période qui a suivi sa création. Il doit se faire à la situation nouvelle; il s'y est déjà attaché, mais nos mentalités et nos réflexes militants se réfèrent encore au passé, car inventer d'autres approches et d'autres pratiques antiracistes est onéreux. Pour un antiracisme solidaire, citoyen, formateur. La lutte aujourd'hui ne peut être que pleinement solidaire. Les victimes de la crise ne sont pas seulement les étrangers, mais toutes les victimes de toutes les exclusions, tous ceux dont les droits sont remis en cause aujourd'hui, même si le racisme est une exclusion extrême La lutte contre le racisme diffus des déshérités (répandu sous des formes irrationnelles provoquées par l'angoisse des lendemains incertains) ne peut plus se combattre au moyen de dénonciations juridiques ou morales comme naguère. Il s'agit d'aller au devant des gens, à leur rencontre
- il s'agit d'être proches, de« comprendre
» le désarroi de ceux qui craignent de devenir des « immigrés », qui ont peur d'une « immigritude » qui en ferait des sans-droits sujets d'opprobre. Il faut s'être confronté au racisme, même imbécile, pour trouver les moyens d'un dialogue, d'un antiracisme de proximité. Il faut pouvoir récuser les affirmations fallacieuses : le renvoi d'étrangers n'a pas empêché la progression continue du chômage, ni n'a libéré des Différences n° 171 février 1996 droits de toute personne humaine, indépendamment de ses origines. C'est à la lumière de notre expérience que nous pouvons faire partager cette approche des droits fondamentaux, même auprès de gens qui a priori ne semblent pas partager toutes nos orientations. Le MRAP poursuit naturellement aujourd'hui ses actions éducatives, comme par le passé dans les établissements scolaires, mais aussi plus largement une éducation du citoyen qui fait progresser des consciences. Par son action orientée vers la citoyenneté, le MRAP va bien au-delà d'une action qui se réduirait à la défense de ceux qui sont discriminés : il le fait et continue à le faire pour faire reconnaître des droits imprescriptibles. Mais sa lutte vise une citoyenneté active, partagée; elle ne cherche pas seulement à défendre, mais à progresser. Dire toute la vérité Enfin, la crise n'est pas hexagonale; elle est mondiale. Les migrations en provenance du Tiers-Monde résultent d'un chômage bien plus massif qu'en Occident et de politiques de pillage et d'exploitation des peuples concernés. Partout l'appauvrissement des populations a pour pendant des accumulations considérables de richesses qui ne sont pas affectées à l'investissement, c'est-à-dire à l'emploi, parce que les capitaux vont là où ils sont le plus rémunérés. L'encouragement, même involontaire, du racisme est un honteux alibi. Beaucoup de racistes se trompent de colère parce qu'ils sont trompés . • Paul Muzard • Il Aide au séjour irrégulier Il EST FORTEMENT DÉCONSEillÉ D'AIDER SON PROCHAIN! L E MINISTRE DE LA JUSTICE a présenté un projet de « loi antiterroriste » le 25 octobre dernier. Le 20 décembre, devant l'Assemblée nationale, le ministre a donné un certain nombre de justifications et a tenté de rassurer les parlementaires et les associations. De quoi s'agit-il? 1 / De la possibilité de considérer comme acte de terrorisme le fait d'apporter une aide à un étranger en situation irrégulière s'il est prouvé que cette infraction a été commise « dans le cadre d'une entreprise terroriste ». 2 / De la possibilité de procéder à des perquisitions de nuit (de 21 heures à 6 heures du matin) en matière de terrorisme. L'objectif affiché de lutter contre les violences terroristes est indiscutable dans son principe. Pourtant, les associations, notamment le MRAP, le Syndicat de la Magistrature et la Commission nationale consultative des droits de l'homme, s'inquiètent pour les raisons suivantes. Les éléments d'une infraction doivent être définis avec précision - Concernant l'aide au séjour irrégulier, le MRAP souligne que cette disposition reprend les termes de l'article 21 de l'ordonnance (modifiée) du 2 novembre 1945 selon lesquels « Toute personne qui, alors qu'elle se trouvait en France aura par aide directe ou indirecte facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de deux mois à 5 ans et d'une amende de 2 000 à 200 000 francs ». D'un point de vue juridique, ce texte est contestable et contesté, en particulier par certains tribunaux, car« par son imprécision, (il) va à l'encontre du principe de la légalité des délits et des peines, principe selon lequel les éléments d'une infraction doivent être définis avec précision par un texte de loi. Ce texte emploie, en effet, des termes si généraux que tout comportement en faveur d'un étranger irrégulier peut être poursuivi. C'est d'ailleurs sur ce même fondement de principe que la 5ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Toulouse a débouté le ministère public dans sa plainte contre une jeune femme qui était accusée de vivre en concubinage avec un étranger en situation irrégulière. (Cf. Différences nOl69 décembre 1995). La loi ne doit pas fournir de prétexte aux dérives - Concernant la deuxième condition, soit le fait d'aider au séjour irrégulier d'une personne liée au terrorisme, toute la question réside dans la ma manière d'en faire la preuve. En effet, l'exposé des motifs du projet de loi tel qu'il a été mis en distribution le 30 octobre indique que « A peine de nullité, ces perquisitions devront être autorisées, au cours d'une enquête préliminaire ou de flagrance, par le président du tribunal de grande instance ou unjuge délégué par lui. Elles ne pourront avoir un autre objet que la recherche ou la constatation d'infractions terroristes » ... Ce qui amène les associations de défense des libertés publiques et des droits de l'homme à s'interroger sur la manière dont on pourra discerner une intervention judiciaire qui aurait pour but de confondre un terroriste ou ses complices de celle qui aurait pour Annonce du comité Mrap 5ème/13ème Paris Réunion publique le vendredi 23 février, 20 heures, Centre culturel La Clef 21 rue de la Clef, 75005 Paris métro: Censier-Daubenton Le thème : Le dossier Véronique Akobé, une jeune fille ivoirienne sans papier a tué son employeur- violeur en 87 à Cannes, elle a été condamnée en 1990 à 20 ans de prison, elle était défendue par un avocat commis d'office, Jacques Peyrat, alors responsable régionale du FN, actuel maire de Nice. Cette rencontre sera animée par Bernadette Bétier du MRAP et Marie-Victoire Louis, responsable de l'association contre les violences faites aux femmes dans le travail, auteur d'un livreLe droit de cuissage Ed. de l'Atelier 1994. Différences n° 171 février 1996 objet (inavoué, pourquoi pas) de surprendre y compris en pleine nuit une personne en situation irrégulière ou celle qui lui aurait accordé une aide de quelque forme qu'elle soit. L'appel de la CNCDH sera-t-il entendu? En somme, les garanties avancées par le ministre ne paraissent pas suffisantes à assurer les principes fondamentaux qui régissent les libertés individuelles. Et cela, d'autant plus qu'un article du code pénal assure déjà la possibilité de poursuivre une personne complice d'un crime ou d'un délit. C'est ce que défend la Commission nationale consultative des droits de l'homme qui dans son avis du 19 décembre « demande solennellement» que soit retirée du projet de loi antiterroriste, la disposition sur l'aide aux étrangers en situation irrégulière. La Commission « met en garde contre le risque d'amalgame, dans l'esprit du public, entre actes de terrorisme et aide à des étrangers en situation irrégulière» ; et surtout, l'aide apportée à des étrangers « ne saurait relever de la législation antiterroriste qu'au cas où elle constitue une complicité au sens défini par l'article 121-7 du Code pénal ». Pour sa part, le Syndicat de la Magistrature dénonce ce projet de loi qu'il considère comme relevant d'une juridiction d'exception et d'un droit d'exception inutile et dangereux; le secrétaire général du SM, Jean-Claude Bouvier a notamment déclaré dans son allocution d'ouverture au congrès qui se déroulait le week-end du 13 janvier: « Les identifications de Khaled Khelkal et de Boualem Bensaïd sont le fait de moyens policiers classiques, des empreintes digitales, des écoutes téléphoniques, de patientes filatures. Elles ne doivent rien aux mesures exceptionnelles, ni aux rafles opérées avec plus ou moins de discernement ». Une motion adoptée par le congrès réclame un « retour à un droit commun moins liberticide et suffisant pour l'efficacité de l'enquête ». Le MRAP a saisi le Premier ministre, le ministre de la Justice et les présidents des groupes parlementaires ainsi que les sénateurs. Le texte est débattu au Sénat finjanvier avant d'être proposé à l'Assemblée nationale pour une deuxième lecture. Si un vote positif devait avoir lieu, seule la saisine du Conseil constitutionnel permettrait d'empêcher la promulgation de ce texte . • Chérifa B. Semaine nationale d"éducation contre le racisme DU 18 AU 23 MARS 1996, UN NOUVEAU CONTEXTE Tous LES JOURS A L'ECOLE, au travail, dans la rue, des étrangers, des immigrés sont victimes de comportements racistes: mépris ou rejet pouvant aller jusqu'à la violence meurtrière. Ces attitudes peuvent être le fait d'individus exaspérés par les sentiments de frustration et de révolte engendrés par la crise économique et ses corollaires que sont le chômage et l'exclusion. Elles peuvent aussi émaner de mouvements ou de groupes dont l'idéologie se fonde sur le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie. Depuis les précédentes «semaines de l'Education », un fait sans précédent s'est produit: le Front national dont le discours trouve un écho favorable dans une population en plein désarroi comme inassimilables, parce que participant d'une autre culture et d'une autre religion, elles se préservent pour ellesmêmes une identité. Faisant partie de la communauté, elles ne se sentent plus marginalisées. Les immigrés eux-mêmes ne sont pas exempts de ce repli communautaire pouvant susciter de leur part des manifestations de haine et de violence. Dans ce contexte, les actions de sensibilisation, d'information, d'éducation sont d'une importance capitale. Elles sont d'autant plus indispensables qu'elles se situent à contre-courant de l'idéologie dominante, renforcée par un arsenaljuridique qui lui confère un label de « normalité ». Prenons quelques exemples. La réforme du mais créent un climat général de suspicion dont pâtissent tous les étrangers ou ceux qui paraissent tels. Ainsi se crée une situation préjudiciable à l'insertion sociale et à la solidarité. Ces difficultés se retrouvent naturellement à l'école, lieu de rencontre par excellence, de toutes les cultures et censée être le creuset de l'intégration. Comment avancer malgré le retard Ce n'est certes pas le remède-miracle; mais bénéficiant du parrainage du ministère de l'Education Nationale, elle facilite l'accès auprès des directeurs et chefs d'établissements, parfois « frileux ». Elle donne souvent lieu à des initiatives qui débordent la période considérée. Temps fort de la lutte antiraciste, elle l'est aussi pour notre Mouvement. Plusieurs comités locaux nous ont déjà fait part de leurs projets: Pau, Metz, Orléans, Nord-Pas de Calais, Troyes, Rouen, Saint Nazaire ... et bien sûr la région parisienne. Le MRAP met à votre disposition, outre les expositions s'est affirmé comme parti de «gouvernement» et installé dans certaines mairies où il dispose désormais de tout l'appareil lui permettant de contrôler les institutions-clefs qui ont en charge l'éducation de la jeunesse. Notamment les écoles, les MJC, les centres Dans les villes gérées par le Front national celui-ci contrôle les « institutions-clefs qui ont en charge l'éducation de la jeunesse. et cassettes-video, un matériel de type réduit (photocopies des expos en A2 ou A3) pouvant être plastifié ou mis sous verre par vos soins. Ne tardez pas à le demander et à faire connaître vos besoins. En outre, nous tiendrons à Notamment les écoles, les MJC, les centres de vacances, etc. Or, un mandat municipal dure 6 ans (plus que le temps d'une scolarité primaire). En mesure-t-on suffisamment les conséquences? » de vacances, etc. Or, un mandat municipal dure 6 ans (plus que le temps d'une scolarité primaire). En mesure-t-on suffisamment les conséquences? Cela ne signifie pas que le racisme soit, ailleurs, absent, notamment le racisme antiarabe. Les personnes en difficulté et en voie de marginalisation ont besoin de trouver un bouc émissaire. En désignant les immigrés code de la nationalité « légalise» la séparation des enfants qui naissent sur notre territoire en deux groupes: enfants de parents étrangers et enfants de parents français, une distinction qu'ils ne devront pas oublier. En restreignant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers, les lois Pasqua non seulement augmentent le nombre des clandestins et favorisent les contrôles au faciès, votre disposition un 8 pages sur la Semaine, élaboré par le collectif des organisations et une affiche. Toutefois, un certain retard a été pris pour la confection de ce matériel, en raison notamment de l'ignorance où nous sommes du montant de la subvention du FAS. Passez néanmoins vos commandes. Bon courage! • Liliane Lainé OUI À UN PACTE POUR LA VILLE, UN PACTE DE CITOYENNETÉ Au lendemain de l'annonce du Pacte de relance pour la Ville, le MRAP demande aux pouvoirs publics de s'intéresser notamment à : • la lutte contre les discriminations en matière d'emploi et de logement dont sont victimes les habitants des quartiers en détresse • l'instaurationd'unpactedecitoyennetéPolice-Jeunes:« enfavorisant notamment le volontariat des affectations de policiers ayant une longue expérience dans les quartiers dits sensibles • la restauration de la confiance dans la Justice par une lutte contre la« justice à deux vitesses» dont sont trop souvent victimes les plus démunis et les jeunes, notamment d'origine étrangère; • lamobilisationd 'urgence de l'Administration pénitentiaire, en liaison avec les autres services de l'Etat et le tissu économique et social Le MRAP lance un appel solennel au gouvernement et au Parlement afin qu'ils prennent en grande urgence la décision d'en finir définitivement avec toutes mesures ayant pour effet de fragiliser, puis éloigner du territoire français les personnes de nationalité étrangère ayant toutes leurs attaches personnelles et familiales en France. A cette fin, le MRAP demande: 1) un moratoire immédiat sur tout éloignement des jeunes nés en France, 2) la réforme urgente de la « manifestation expresse de volonté » afin de permettre un accès sans entrave de tout jeune né en France à la nationalité française. Courts extraits du communiqué du MRAP du 19 / 01 / 96 Différences n° 171 février 1996 • Il International 1 Rencontre en Bosnie-Herzégovine POUR QUE LA PAil SOIT DURABLE Marie-Noëlle Bornibus a participé pour le MRAP à une rencontre organisée par l'Assemblée européenne des citoyens (1) et le Forum civique de Tuzla autour du thème Unir les citoyens, unir les nations. Cette manifestation s'est déroulée en Bosnie du 20 au 22 octobre dernier. Compte-rendu commenté. SEULS CEUX qui agissent en faveur des valeurs citoyennes et multiculturelles peuvent établir les conditions de la paix en Bosnie. Est-ce pour cela qu'ils sont systématiquement ignorés des officiels et des médias? Autrement dit, veut-on vraiment la paix pour la Bosnie Herzégovine? Ils la voulaient et la veulent encore tous ceux qui, sur le thème « unir les citoyens, unir les nations» se sont retrouvés, à Tuzla, les 20- 22 octobre dernier. Or, ils ont été également ignorés. Et ceci, bien que les observateurs internationaux, en poste sur place, aient déclaré que cette manifestation organisée par l'Assemblée Européenne des Citoyens et le Forum Civique de Tuzla (avec des représentants de Mostar et de Sarajevo) était la plus importante en ce pays depuis le début des hostilités. La lutte pour le pouvoir à tout prix Cela ne peut que confirmer la mise en cause, entre autres, par le Tribunal Permanent des Peuples, du rôle de la communauté internationale et des médias dans ce conflit. Cela ne peut que confirmer la justesse d' analyse de M. Mazowiecki - présent à Tuzla - et qui semble déranger lui aussi; démissionnaire de sa fonction de rapporteur spécial de l'ONU au moment de l'impardonnable abandon de Srebrenica et autres enclaves, n'a-t-il pas dénoncé la fausseté de la thèse de l'origine ethnique (et, ajoutons, religieuse) de ce crime contre l'humanité? « Ses propagateurs, a-t-il dit, veulent dissimuler de cette façon le vrai but du conflit, celui d'une lutte pour le pouvoir à tout prix et par tous les moyens? » À qui cela profite? Lutte qui profite à qui ? Al' ère de la « communication» où l'on ne nous laisse rien ignorer des états d'âme ni de la vie privée de Lady D., desjournalistes courageux et censurés en sont réduits à faire eux-mêmes appel à l'opinion publique pour défendre l'objectivité de l'information. La boucle est bouclée ... Pourtant la question est prioritaire et urgente. Elle fut posée à Tuzla aux 32 délégations venues de l'Est et de l'Ouest (dont une croate et une serbe forte de 65 membres) sous cette forme: « L'Europe (et / ou la démocratie ... ) estelle en train de mourir en Bosnie ? » Cette question exige une réponse. Car il existe en Bosnie une alternative non nationaliste, la volonté d'un Etat de droit international, le refus de la partition ethnique. Il existe en Bosnie des gens - nous les avons rencontrés - qui veulent vivre ensemble et, parmi eux, un conseil populaire croate, un conseil civique serbe (et pas seulement, comme on voudrait nous le faire croire « Les Serbes » de Pale installés dans un quartier de Sarajevo comme une bombe à retardement). Des centaines de milliers d'objecteurs Il existe, en outre, à Zagreb et à Belgrade des citoyens oppo- De l'avis Nous devons nous donner les moyens de tisser - ici et au-delà des frontières - des liens étroits pour défendre nos valeurs communes et témoigner les uns des autres, envers et contre tous les silences organisés. Ce silence ne montre-t-il pas, d'une certaine façon, que nous représentons un danger pour les mauvais desseins extrémistes ? Que l'aide à la reconstruction puisse contribuer à l'union Nous voulons une paix juste en Bosnie Herzégovine? Cela implique, par exemple, de veiller à ce que la distribution de l'aide à des observateurs internationaux en poste sur place, la construction contribue à l'union et non à la séparation, de veiller au respect du droit au retour chez eux (ou à une juste indemnisation) de tous les réfugiés. Cela implique, bien entendu, d'exiger la poursuite cette manifestation était la plus importante organisée dans ce pays depuis le début des hostilités. sés à la guerre : pourquoi les avoir négligés? Il existe environ 400 000 obj ecteurs en Serbie et autant au Kosovo : que vont-ils devenir, seront-ils à vie déchus de leurs droits civiques, comme les objecteurs allemands de la « dernière» guerre le sont encore aujourd 'hui? Tout cela constitue la base d'une société civile indispensable dont nous avons le devoir d'être solidaires. Tout dépend, en définitive, et à toutes les échelles, de la société civile. des criminels de guerre et de nous faire l'écho amplificateur des défenseurs multiculturels des droits de l'homme. Le silence n'a que trop duré . • Marie-Noëlle Bornibus Commission Europe (1) Créée par Vaclav Havel, au début des années 90, pour l'application de la Déclaration d'Helsinki sur la protection des droits des individus et des peuples dans le respect de la démocratie. À NOTER Après la séparation des participants dans la région de Split, en Croatie, le pacifiste serbe, Radovan Jovic, a été arrêté par la police de M. Tudjman. Réclamez sa libération en protestant auprès de l'ambassade de Croatie, 39 avenue G. Mandel 75016 Paris. Un petit compte-rendu concernant la visite des trois centres de réfugiés de Srebrenica est à la disposition des amis qui le souhaitent ainsi qu'un compte-rendu de l'atelier « dialogue interconfessionnel ». Vous pouvez les demander au CL du MRAP, Centre Pierre Mendes France, 12 avenue de Paris, 42300 Roanne. Différences n° 171 février 1996 J International 1 La Turquie et l'Europe LA TURQUIE DANS L'UNION DOUANIÈRE blème kurde », l'Etat turc intensifie les opérations militaires visant essentiellement les civils. Les condamnations de démocrates turcs pour « délit d'opinion » reprennent: le sociologue turc Ismail Besikci est condamné le 27 décembre à une peine de 5 ans de prison et à une amende de 533 millions de livres turques (environ 50 000 F) pour « avoir critiqué par voie de publication une opération de l'armée turque dans le Sud-Est» (Kurdistan) ; le 29 décembre, un autre universitaire turc Haluk Gerger, libéré le REsTEs SOURDS aux dé marches répétées des associations de défense des droits de l 'homme, tant en France que dans d'autres pays d'Europe, une majorité de députés européens a voté la ratification de l'accord de l'Union douanière avec la Turquie. Même le refus de libérer Leyla Zana, à qui ce même Parlement a accordé le prix Sakharov, leur a paru un incident bénin. Cette acceptation d'un partenaire qui s'appuie sur l'extrême droite militaro-fasciste, bafoue les décisions de l'ONU, mène à l'encontre du peuple kurde une guerre de « purification ethnique », pratique couramment la torture y compris sur des enfants, n'épargne ni les journalistes, ni les universitaires, ni les défenseurs des droits de l'homme, ni les opposants politiques turcs, déshonore l'Union européenne. La veille de ce vote, Madame Danielle Mitterrand avait pourtant déclaré « admettre la Turquie d'aujourd'hui dans l'Union douanière reviendrait à consentir à ses crimes, à renoncer à nos propres valeurs et à nous rendre complices d'un génocide en cours ». Prétexte Le prétexte invoqué par ceux qui ont ainsi voté contre les droits de l'homme et le droit des peuples était la nécessité de contenir ainsi les islamistes. Le résultat des élections qui se sont déroulées le 24 décembre (dans un climat de terreur dans les régions du Kurdistan) est un cinglant démenti à cet argument; le parti islamiste est arrivé en tête avec 21,32% des voix et 158 députés. De plus, l'entrée dans l'Union douanière avec, comme conséquence, une montée spectaculaire du chômage, ne fera que renforcer le courant islamiste; en Turquie comme ailleurs, c'est la misère sociale qui nourrit les fanatismes. La parenthèse du « libéralisme» ouverte à la veille du vote du Parlement européen s'est très vite refer- « N'oublions pas que l'honneur des habitants d'un pays est au moins aussi sacré que la terre de ce pays » Yachar Kemal, écrivain turc mée. Malgré le cessez-le-feu unilatéral décrété par le PKK au lendemain de l'appel du Parlement européen « au gouvernement turc, au PKK et autres organisations kurdes pour qu'elles mettent tout en oeuvre afin d'apporter une solution politique non violente au prola novembre, était de nouveau condamné à la mois de prison en raison d'un article paru dans le journal Ozgür GÜndem. Depuis le 13 décembre, la répression en direction des prisonniers politiques dans la prison d'Umraye à Istanbul a fait 3 morts et plus de 160 bles- PRIX SAKHAROV DE LA LIBERTÉ DE PENSÉE POUR LEYLA ZANA Leyla Zana, ex-députée et militante kurde a été emprisonnée sans jugement pour liens présumés avec le PKK. C'est son mari qui a reçu à sa place à Strasbourg le 17 janvier le prix Sakharov de la liberté de pensée remis par le président du Parlement européen, en présence de Danielle Mitterrand. Dans son message, l'ex-députée a critiqué le feu vert donné à l'Union douanière « sans qu'Ankara ait satisfait aux exigences de réformes démocratiques. » Dans un court article du Monde Diplomatique du mois de décembre, il est notamment rappelé la résistance des intellectuels aux violations des droits de l'homme en Turquie et leur attachement (qu'ils soient kurdes ou pas) au règlement pacifique de la question. Le plus célèbre des romanciers turcs contemporains Yachar Kemal avait organisé en 1994 une conférence de presse en compagnie d'une vingtaine d'écrivains, de journalistes et d'hommes de loi pour laquelle il a été férocement et durablement traîné devant les tribunaux; il s'était insurgé contre l'application de la loi sur la « lutte contre le terrorisme» qui ferme la voix à tout débat démocratique sur les sujets sensibles de la société et de la vie politique en Turquie. Chérifa B. Différences n° 171 février 1996 sés. Le 8 janvier, le journaliste Metin Goktepe qui effectuait un reportage lors des funérailles des détenus, a été assassiné par la police (il est le 25ème journaliste ressortissant turc assassiné en 4 ans). Interpellé en compagnie de deux autres journalistes, il a été placé en garde à vue. Le rapport d'autopsie prouve qu'il a succombé à une hémorragie cérébrale due aux coups reçus. L'un des députés qui a voté non à l'entrée de la Turquie dans l 'Union douanière justifiait ainsi son vote: « si on accepte les critères allégués par les partisans du "oui", les dictatures de Franco et de Salazar en Espagne et au Portugal ou le régime des colonels en Grèce auraient également été acceptées par l'Europe démocratique ». Ce vote implique une lourde responsabilité dans les événements qui vont désormais se dérouler en Turquie. Face à cette situation, les organisations de défense des Droits de l'homme doivent se mobiliser .• Renée Le Mignot EXTRAIT DE LA DÉCLARATION DU MRAP 17 janvier 1996 Le Conseil national du MRAP s'élève avec indignation contre la passivité des milieux dirigeants de notre pays et de l'U. E à l'égard de ce qui se passe depuis si longtemps en Turquie. Cette passivité va jusqu'à la complicité puisque la répression militaire dans les Sud-Est anatolien est menée avec un armement en provenance de France et de RFA. Le Conseil national demande au secrétariat et à la présidence de faire une démarche auprès du Quai d'Orsay. Il souhaite que les fédérations et les comités contribuent par des initiatives appropriées à éclairer et mobiliser l'opinion sur le scandale permanent de la violation des droits de l'homme en Turquie. • Il L'affaire Rosenberg OPÉRATION Il VENONA JI : lA DEUXIÈME EXÉCUTION Les profondes et graves irrégularités dont fut entaché le procès des époux Rosenberg en pleine guerre froide et à l'issue duquel ils furent condamnés et exécutés semble loin d'aboutir enfin au rétablissement de la vérité. Journaliste et membre de l'Association pour le réexamen de l'affaire Rosenberg, Schofield Coryell fait ici le point sur les derniers développements aux Etats-Unis. l'affaire Rosenberg, c'est-àdire à l'accusation selon laquelle le couple aurait livré aux Russes « le secret de la bombe atomique ». Même si l'on ne remet pas en cause l'authenticité de ces documents, les « informations » qui y figurent ne prouvent pas que les Rosenberg avaient réellement accès identité n'étant même pas camouflée sous un pseudonyme. L'identité des personnes désignées comme « agents travaillant pour le compte de l'URSS» est dissimulée, elle, sous des noms codés et chaque message publié est suivi d'une annexe révélant au lecteur d'aujourd'hui les vrais noms des individus mentionnés dans le texte. Mais quelle preuve avons-nous que les identités ainsi « décryptées » correspondent à la réalité et ne sont pas tout simplement inventées pour les besoins de la cause 7 Ainsi, Julius Rosenberg, présenté comme un espion important, figure dans 20 des 49 messages Venona rendus publics, d'abord sous le nom d' « Antenne », puis sous celui de « Liberal ». Les messages parlent parfois de sommes d' argent qui lui auraient été versées, mais surtout des relations de Julius avec son beau-frère David Greenglass, qui travaillait à l'usine de Los Alamos. Simple mécanicien, Greenglass était loin d'avoir accès aux secrets de la production de la bombe. C'est pourtant sur son seul témoignage que les Rosen- LES EPOUX ROSENBERG, exécutés il y a 42 ans sur l'accusation aberrante, jamais démontrée, d'avoir « volé le secret de la bombe atomique pour le compte de l'URSS », préoccupent toujours le pouvoir aux EtatsltR L'été dernier, les spécialistes de la CIA et de la NSA (National Security Agency - sécurité militaire) ont rendu publics, au cours d'une conférence de presse, les textes classés jusqu'alors « ultra-secrets » de messages échangés entre les agents du KGB à New York et leurs supérieurs hiérarchiques à Moscou. Ces messages auraient été interceptés entre 1942 et 1945 et décryptés par les services de contreespionnage des Etats-Unis dans une vaste opération baptisée « Venona ». « Pourquoi donc les services de renseignement ont-ils décidé de révéler aujourd'hui au grand public Les révélations de la NSA Les 49 messages que la NSA a jugé bon de révéler au public (sur les 2 200 que cet organisme dit posséder) ne touchent pourtant pas à l'essentiel de des documents connus depuis longtemps des spécialistes et dévoilés en partie dans des livres à succès? » au « secret» du procédé de production des premières bombes atomiques. Ces messages ne contiennent, en effet, que des informations d'ordre général; par exemple, le plan approximatif des usines atomiques de Los Alamos (Nouveau Mexique) ou la liste des savants qui y travaillaient, dont Enrico Fermi, Harold Urey, Edward Teller et surtout Robert Oppenheimer, leur berg avaient été condamnés et c'est ce seul témoignage qui avait donné aux autorités politiques et judiciaires le prétexte dont elles avaient besoin pour faire des Rosenberg les boucs émissaires de la grande affaire des « secrets atomiques volés au bénéfice des Russes ». Les « révélations» des documents Venona n'ont pas ébranlé les convictions de ceux qui s'efforcent depuis plus de 40 Différences n° 171 février 1996 ans d'obtenir la réhabilitation posthume des Rosenberg. Ainsi, l'avocat Aaron Katz, président du Comité national pour la réouverture de l'affaire Rosenberg, qualifie l'opération Venona de duperie grossière, d'une mystification de plus ajoutée aux centaines de mensonges de la guerre froide. C'est un point de vue partagé par des intellectuels américains éminents comme l'historien Eric Foner, le journaliste non-conformiste Sidney Zion ou l'avocat William Kuntsler, bien connu comme défenseur des victimes d'injustices. Dans une lettre à l'hebdomadaire de gauche The Nation, Katz met le doigt sur quelques anomalies flagrantes qui devraient suffire à ôter toute crédibilité à ces documents. Il y a, par exemple, un décalage de dates. Les Rosenberg auraient été repérés comme « espions atomiques» dès 1947. Pourquoi donc n'ont-ils été arrêtés qu'en 1950, l'ouverture de leur procès coïncidant ainsi avec le déclenchement de la guerre de Corée 7 Une autre anomalie saute aux yeux: presque toutes les personnes citées dans les messages Venona sont « couvertes» par des noms codés - à l'exception de celles (est-ce une simple coïncidence 7) qui permettent d'identifier à coup sûr les Rosenberg. En effet, dans le message daté du 21 septembre 1944, Moscou est informé de l'intention de « Liberal» de recruter dans son réseau la bellesoeur de sa femme, Ruth Greenglass, qui réside à Stanton Street, Brooklyn. Le mari de Ruth, frère d'Ethel Rosenberg, est David Greenglass, mécanicien à Los Alamos. Puisque le nom et l'adresse de Ruth Greenglass y sont donnés en clair, « ce message, souligne Aaron Katz, brûle complètement la couverture de leur espion important Liberal ». Cette négligence, remarque-t-il, aurait dû valoir le Goulag au responsable du KGB à New York ainsi qu'à son supérieur à Moscou. Or, il n'en a apparemment rien été. En voulant trop bien démasquer « Liberal », conclut Katz, les services américains semblent avoir fait une gaffe qui les démasque euxmêmes. Outre ces anomalies, les documents rendus publics sont parsemés d'un si grand nombre de « trous» - des passages plus ou moins longs qui auraient échappé au décryptage - qu'il est impossible de considérer l'ensemble comme fiable. « Un puzzle infernal » Si l'opération Venona n'a été révélée au grand public que l'été dernier, l'existence de ces documents était connue depuis longtemps de certains éléments des services occidentaux de contre-espionnage, et de quelques journalistes privilégiés. Par exemple, dans un livre à grand succès publié en 1987, Spy Catcher (1)- un ex-haut fonctionnaire des services de contre-espionnage britanniques, Peter Wripublic des documents connus depuis longtemps des spécialistes et dévoilés en partie dans des livres à succès 7 C'est sans doute en réponse à une récente recrudescence de publications et de prises de position mettant sérieusement en doute la version officielle de l'affaire Rosenberg et dénonçant l'hystérie anticommuniste des années 50. Du contre-procès à la deuxième exécution Par exemple, une organisation aussi respectable et conservatrice que l'Association Américaine des Juristes (American Bar Association) a organisé en 1993 un procès simulé des époux Rosenberg qui a abouti à l'acquittement des deux inculpés par un jury tiré au sort. Fait également significatif, dans son autobiographie, publiée après sa mort, Roy Cohn, procureuradjoint du procès Rosenberg, reconnaît explicitement que la procédure avait été entachée de graves irrégularités. Roy Cohn est aussi le personnage principal de la pièce à succès de Tony Kushner Angels in America qui ght, parle en Pour en savoir plus ou détail de l'opéra- aider à faire connaître se termine par l'apparition du fantôme d'Ethel Rosenberg La publication aujourd'hui des documents Venona semble donc avoir pour but de redorer le blason de l'Etat tion Venona, mais finit par avouer qu'après tout cette opération n'était qu'un « puzzle infernal, et incomplet, qui promettait tant et la vérité sur l'affaire Rosenberg Association pour le réexamen de l'Affaire Rosenberg 89 rue Oberkampf, 75011 Paris Tél: 48 05 47 49 révélait si peu ». Pour sa part, le journaliste David Martin, spécialiste de la CIA et de l' espionnage, fait mention à plusieurs reprises des documents Venona dans son livre KGB contre CIA, mais ne donne pas le nom de code de cette opération (2). Pourquoi donc les services de renseignements ont-ils décidé de révéler aujourd'hui au grand américain et de justifier rétrospectivement l'assassinat juridique des Rosenberg. Il s'agit en quelque sorte d'une deuxième exécution . • Schofield Coryell (1) Peter Wright, Spy Catcher, Paris, Laffont, 1987 (2) David C. Martin, KGB contre CIA, Paris, Presses de la Renaissance, 1981 Le plus ancien prisonnier politique LEONARD PELTIER-- Février 1996 marque le 20ème anniversaire de l'incarcération de Leonard Peltier, ancien responsable de l'American Indian Movement (AIM) accusé d'un crime qu'il n'a pas commis. Il a été condamné à deux peines de prison à vie pour le meurtre présumé de deux agents du FBI, tués le 26 juin 1975 lors d'incidents survenus dans la réserve sioux de Pine Ridge dans le sud Dakota. Il est en réalité l'une des nombreuses victimes de la répression menée par le FBI au cours des années 70 contre l'AIM. Rappel des faits Un mouvement de retour au traditionalisme de la part des Indiens Oglala qui s'efforçaient de suivre les traditions culturelles de leurs ancêtres afin de reprendre le contrôle des terres et des ressources qui leur étaient garanties par le traité de Fort Laramie de 1868 s'était développé à Pine Ridge. Une véritable campagne de terreur était alors mise en place dans la réserve avec la constitution des Goons (Guardians of the Oglala Nation), analogue aux escadrons de la mort du Salvador ou du Guatemala, financés par le gouvernement américain; on a enregistré plus de 170 meurtres politiques de 72 à 76. Aucune enquête ne fut menée sur les crimes commis par les Goons alors que la réserve avait le taux le plus élevé d'agents du FBI par citoyen de tous les Etats-Unis. C'est dans ce contexte que surviennent les incidents du 26 juin 75 (objet du film de Robert Redford Incident à Oglala). Les avocats de Leonard Peltier ont obtenu toutes les preuves de son innocence notamment grâce aux documents confidentiels du FBI. En 1981, après un procès s'appuyant sur la loi sur la liberté d'information, le FBI fut obligé de communiquer un certain nombre de dossiers. 12 000 pages concernant Leonard Peltier furent remises à ses avocats (6 000 furent gardées secrètes pour raison de ({ sécurité nationale »). Ces documents contredisent sur plusieurs points les témoignages des agents du FBI et autres témoins à charge durant le procès Peltier. En particulier, le rapport contredisait ce que le Procureur avait considéré comme ({ la pièce à conviction» la plus importante du procès: l'expert en balistique du FBI reconnaissait dans son rapport que l'arme attribuée à Leonard Peltier avait un percuteur différent de l'arme du crime. Or, au procès, il avait prétendu que le test effectué n'avait pas été concluant! Malgré les preuves de son innocence, la 8ème Cour d'Appel des Etats-Unis a refusé la réouverture du procès en 1993 et le bureau de libération conditionnelle a informé qu'il statuerait de nouveau sur ce cas en 2008 ! Le seul espoir qui reste d'obtenir la libération de Peltier est donc la grâce présidentielle, une demande en ce sens a été déposée par le sénateur Daniel Inouye, président du sous-comité aux Affaires Indiennes du Sénat. Un soutien international Cette demande est soutenue par 60 membres du Congrès des EtatsUnis et 165 préSidents de conseils tribaux, des personnalités telles que Rigoberta Menchu (Prix Nobel de la Paix 92), Nelson Mandela (prix Nobel de la Paix 93), Mère Thérésa, l'archevêque Desmond Tutu, le Révérend Jessie Jackson, le juge américain Gerald Heaney, Albert Jacquard, Bernard Clavel, des écrivains, des acteurs, 50 membres du Parlement canadien, la Commission Royale sur les Peuples autochtones, 67 membres du Parlement italien, 48 membres du Parlement néerlandais, Amnesty International, plus de 300 maires de France, etc. Le 15 décembre 1994, le Parlement Européen adoptait une résolution demandant la grâce présidentielle au Président Clinton. Leonard Peltier est incarcéré au pénitencier fédéral de Marion dans l'Illinois où sont pratiquées des méthodes dites de « modification du comportement ». Il a subi l'isolement carcéral, il a été victime de menaces de mort, de tentatives d'assassinat, de privations de soins médicaux qui ont entraîné la cécité de son oeil gauche. Il est devenu le symbole de la lutte de tous les peuples indigènes contre la destruction de leurs cultures et l'expropriation de leurs terres. De sa cellule, il continue à se battre contre les violations des droits de l'Homme (notamment contre l'exécution de Mumia Abu-Jamal). Le président Clinton n'a toujours pas répondU à la demande de grâce présidentielle. Peltier a un besoin urgent de votre soutien. Renée Le Mignot Différences n° 171 février 1996 • Il EN BREF • Parution du premier numéro du journal du MRAP Nord 1 Pas-de-Calais en décembre dernier. Au sommaire l'assemblée générale de la FD et le compte-rendu d'un festival régional. • Le comité européen pour la prévention de la torture a rendu public le 22 janvier un rapport dans lequel il dénonce les mauvais traitements dans les commissariats de police en France. • Le dernier numéro (double: janvier 1 février) de la revue de la LDH, Après-demain, est totalement consacrée au thème: « Les femmes et le pouvoir, l'exception française ». CHRONO PO UR 'MÉMOIRE Peines de mort enChine Selon Amnesty International, la Chine recourt de plus en plus systématiquement à la peine de mort pour les coupables de délits les plus divers. L'association a recensé 1313 exécutions durant le premier semestre de l'année 1995. La peine capitale est prononcée aussi bien pour des délits type cambriolage, vol de voitures, escroquerie que pour les crimes de sang. Lourdes condamnations A l'issue de quatre semaines d'audience, les matelots du McRuby ont été condamnés par la cour d'assises de Seine- Maritime le 10 décembre à de lourdes peines de prison: réclusion à perpétuité pour le commandant et son second, 20 ans de réclusion pour les exécutants. Ils ont reconnu avoir tué (ou donné l'ordre de tuer) et jeté à la mer des Africains qui avaient embarqué clandestinement à bord du bateau de marine marchande. New York sous le choc Un incendie criminel d'une boutique a fait huit morts le 15 décembre à Harlem. Cet acte provoqué par un Noir dans le magasin d'un Juif porte de fortes connotations racistes ou pour le moins de concurrence entre Juifs et Noirs dans ce quartier de New York. Des manifestations et de violentes altercations avaient eu lieu les jours précédant le drame. Les tensions entre les deux communautés ont connu ces dernières années de très vives expressions; et Louis Farrakhan le leader de la Nation de l'Islam ne cesse de développer des thèses xénophobes à l'égard de toutes les communautés non « afro-américaines » y compris Palestiniens et Coréens qui auraient illégitimement, selon lui, investi dans le commerce au sein des quartiers noirs. Alerte aux sectes Selon le rapport parlementaire voté le 20 décembre par la commission créée à cet effet, les 170 sectes qui existent en France se partageraient 160 000 adeptes recrutés dans les classes moyennes aisée!> et comptent un nombre important de personnes qui occupent des « postes importants dans la société» (L 'Humanité Il janvier). Il faut préciser que la commission ne s'est penchée Hébergement que sur les « sectes dangereuses » dont « les pratiques mettent en danger la vie ou l'intégrité de la personne (mauvais traitements, exercice illégal de la médecine ... ), qui violent certaines obligations familiales (soin aux enfants), qui pratiquent la diffamation ou la violation de la vie privée (comme l'Eglise de scientologie), la fraude fiscale, la violation du droit du travail, la déstabilisation mentale, etc» .La commission a préconisé un certain nombre de mesures pour mieux connaître et faire connaître les sectes, pour appliquer le droit existant, accroître le dispositif existant et aider les anciens adeptes. Bompard menace Selon un article dujournalLe Monde en date du 24 / 25 décembre le maire d'Orange, Jacques Bompard, membre du bureau politique du Front national, menace le conseil d'administration et les enseignants du collège Jean Giono de « porter plainte» s'il « obtient un témoignage portant soit sur un enseignant ayant fait de la politique dans sa classe, soit sur une décision ou une motion politique adoptées par le conseil d'administration» de l'établissement. L'apôtre de la préférence nationale semble avoir mal supporté ou pris prétexte d'une motion votée le 4 juillet par le conseil d'administration qui proclamait l'attachement de ses membres « aux déclarations successives des droits de l'homme et, en particulier, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, confortée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950» selon lesquelles « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Le RPR en rajoute une louche Le RPR a fait connaître le 25 janvier ses propositions pour durcir les conditions d'attribution des certificats d'hébergement par les maires. Le MRAP a aussitôt rendu public un communiqué dans lequel il rappelle notamment que la délivrance du certificat d'hébergement est déjà fortement réglementée en plus du fait qu'il faut ensuite obtenir un visa ... En effet, « la venue d'un étranger pour une durée maximum de 3 mois est subordonnée à la production de justificatifs de ressources suffisantes pour lui permettre de couvrir ses frais de séjour, de garanties de rapatriement ( ... ), les conditions de logement de l'hébergeant peuvent être vérifiées par les agents de l'Office des Migrations internationales à la demande du maire» etc ... « Le MRAP estime que l'adoption de ces propositions par le gouvernement constituerait une double concession en direction d'une part, des élus qui se sont placés hors la loi par leur refus systématique et sans motifs légaux de signer des certificats d'hébergement, et d'autre part, du Front national qui remporterait ainsi une victoire idéologique.» Extraits du communiqué du 25 janvier Différences n° 171 février 1996 Ils étaient 80 Emile Fouchard, ancien député-maire de Chelles (Seine-et-Marne) est décédé le 2 janvier; il avait été l'un des 80 parlementaires à avoir refusé de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940. Selon Libération, un seul de ces hommes est encore vivant. Libérée du centre de rétention Une Guinéenne de 27 ans a été libérée du centre de rétention administrative de Lyon-Salontas le 6 janvier sur décision du préfet du Rhône. Cette jeune femme et ses trois enfants avaient fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière bien qu'elle ait fait appel auprès de la Commission des Recours de la décision de l'OFPRA, sa demande d'asile politique ayant été rejetée en décembre. La famille de M. Condé avait été proche de l'ancien président guinéen Sékou Touré. La décision du préfet a été prise le jour où le MRAP publiait un communiqué dans lequel il annonçait qu'il saisissait les ministres de l'Intérieur et de la Justice. Le tribunal de Lyon a ordonné sa mise en liberté sous contrôle judiCiaire jusqu'à une prochaine audience fixée au 19 avril. D'ici là la Commission des Recours aura statué sur son appel. Hommage à François Mitterrand L'ancien chef de l'Etat est décédé à la suite d'un cancer le 8 janvier Le MRAP a publié un communiqué dans lequel il: « exprime son émotion et son respect devant la disparition ( ... ) d'un homme politique et d'un homme d'Etat d'une dimension exceptionnelle. François Mitterrand a marqué de son empreinte la vie publique de notre pays durant 50 ans dont 14 à la tête de l'Etat. Son prestige était également très grand en Europe et dans le monde. Avec ses encouragements, le mouvement antiraciste a connu en France, après 1981, un développement impétueux tandis que l'extrême droite xénophobe et raciste trouvait dans la crise persistante le terreau qui permit sa progression dangereuse dans l'opinion publique. Nous retiendrons de la vie exemplaire de François Mitterrand sa grande fidélité, la seule qui vaille : la fidélité aux idéaux et aux valeurs de la République ». Militants anti-IVG condamnés Le tribunal correctionnel de Valenciennes a condamné le 15 janvier le directeur adjoint du centre hospitalier de la ville à dix-huit mois de prison dont neuf avec sursis et 20 000 francs d'amende. Celui-ci s'était associé le 16 octobre dernier à un commando anti-IVG. Alors directeur des ressources humaines, il avaient volontairement choisi une matinée où des IVG devaient être pratiquées. Plusieurs autres peines ont été prononcées à l'égard des autres membres du commando. Voilà Maréchal amnistié Samuel Maréchal avait été condamné en correctionnelle à huit mois de prison avec sursis, à la suite d'affrontements entre des lycéens et des militants du FNJ qui avaient fait trois blessés après que le leader du FNJ ait « donné l'ordre de repousser les manifestants qui menaçaient son groupe ». S. Maréchal avait fait appel, il a été amnistié le 15 janvier par la cour d'appel d'Agen en application de la loi d'amnistie du 15 août 1995. Eléments d'information rassemblés par C. Benabdessadok Intégrisme C'est l'histoire d'un mec et de sa meuf Le mec s'appelle Nasr Abou Zeid, il est égyptien. Issu d'un milieu populaire, Nasr suit les cours du soir à l'université du Caire pendant plusieurs années en même temps qu'il travaille comme électricien aux PTT. Bien plus tard, tout récemment, il rencontre une femme qu'il épouse. Au printemps 1993, ayant obtenu tous les diplômes requis, il pose sa candidature à une chaire de professeur de langue arabe à l'université. Et là, une machinerie kafkaïenne démarre et s'emballe. Un jury refuse sa candidature au motif que ses écrits sont hérétiques. Puis, un groupe d'avocats islamistes réclame devant les tribunaux la séparation du couple en arguant du principe, selon eux, qu'un apostat n'a pas le droit de vivre avec une femme musulmane. Les tribunaux s'inclinent et la Cour d'appel du Caire confirme! Nasr Abou Zeid a intenté un pourvoi en cassation dont l'examen a commencé le 15 janvier dernier. Lui et sa femme, excédés par l'impossibilité de vivre normalement dans leur pays, sont en exil à Leyde, en Hollande. L'université de cette ville a proposé au paria Abou Zeid un poste d'enseignant-chercheur. Le crime de cet homme? Avoir tenté de ré ouvrir la porte de l'exégèse en matière d'interprétation des textes sacrés. Oui, Nasr Abou Zeid n'est même pas un « affreux communiste athée» ; il a été, selon ses propres déclarations, sympathisant des Frères musulmans dans les années soixante. Mais l'intégrisme ne se satisfait d'aucun itinéraire qui ne rompe définitivement avec l'intelligence, qu'elle soit celle du coeur ou celle de l'esprit. Chérira B. (D'après un article de Libération) Différences n° 171 février 1996 EN BREF • La Cour d'appel de Paris a confirmé le 24 janvier la condamnation de Claude Cornilleau à six mois de prison avec sursis pour la mise en vente d'insignes et d'objet évoquant le nazisme (cf. Différences n0168 page 5). • Relaxée par le tribunal correctionnel de Privas le 1e, mars dernier, Nadia Kurys (comité local d'Aubenas) comparaîtra devant la cour d'appel de Nîmes le 23 février prochain, les parties civiles déboutées ayant interjeté appel. • En visite à Orange le 25 janvier pour l'inauguration d'un collège, Barbara Hendricks a déclaré regretter qu' « Orange ait accueilli une certaine forme d'intolérance comme solution trop facile aux problèmes d'aujourd'hui. » • A lire ou à voir En direct du couloir de la mort Le livre de Mumia Abu-Jamal est en vente au MRAP au prix de 85 francs, frais de port inclus quel que soit le nombre de livres commandés. Il est fortement conseillé d'acheter ce livre au MRAP puisque grâce à un accord avec l'éditeur, La Découverte, une partie du prix de vente, soit 35 francs par livre vendu par l'association, sera reversée à l'auteur pour la révision de son procès. nie par auto-déclaration des intéressés est la pratique la plus respectueuse des libertés individuelles ». Ce qui se moduJe par le fait que ( la déclaration de l'ethnie est un choix subjectif, dépendant de considérations sociales plutôt que traduisant une réalité biologique ou héréditaire ». Un document plus complet sur ces questions devrait être publié ultérieurement. Nous y reviendrons. INED, 27 rue du Commandeur, 75675 Paris, Cedex 14 Article 31 Rappelons que La Lettre d'Article 31 a pour ligne éditoriale de « connaître l'exrême droite pour mieux la combattre ». Elle fourmille d'informations indispensables à celui qui refuse de s'en tenir à un antiracisme incantatoire pour se tourner résolument vers la connaissance d'un courant politique qui non seulement jouit d'une tradition historique profonde mais traverse l'ensemble de la vic publique. Le numéro de décembre 1995 propose notamment la deuxième partie d'un dossier de 4 pages sur la « chronique du Front en matière d'atteinte au droit à l'IVG .» Un précieux travail documentaire. Petit dictionnaire pour lutter contre I"extrême droite, de Martine Aubry et Olivier Duhamel, Seuil Quelques vérités qui étaient bonnes à dire (ou à redire) et des questions laissées en suspens bien qu'explicitement posées, tel est l'intérêt majeur de ce petit dictionnaire pas aussi modeste qu'il y paraît à première vue. Ce texte effectivement conçu et présenté comme un dictionnaire à entrée alphabétique founnille d'infonnatians connues par ceux qui suivent l'actualité mais intelligemment rassemblées; on y trouve par exemple les dates et lieux des calembours lepénistes, le nombre de passages du chef du FN à l'Heure de Vérité (neuf fois en dix ans) mais aussi un rappel de l'engagement des socialistes pour le droit de vote des étrangers (non communautaires) aux élections locales et son abandon (pragmatique) de ce thème ... Ce livre est aussi un appel à l'action contre le FN qui s'articule en particulier autour de la question; comment récupérer les voix de l'électorat populaire qui se laisse gagner par un discours et une doctrine en contradiction fondamentale avec ses intérêts objectifs" Une bonne question est donc posée mais les réponses ne sont pas ni claires ni évidentes bien que l'avant-propos énonce l'idée d'un mode d'emploi. Et pour cause! Administration et rédaction: Article 31, BP 423, 75527 Paris Cedex 11, Population et sociétés n" 309 janvier 1996 Le bulletin de l'INED (Institut national d'études démographiques) publie dans ce numéro 3 textes d'un intérêt certain: 10) La question des critères de définition des minorités dans les enquêtes; 20 ) La variation plus ou moins subjective des critères d'appartenance à une ethnie; 30) Les rivalités démographiques en Irlande du Nord. Sous le titre évocateur ( Quand l'ethnie déclarée change», il est notamment avancé la définition suivante: ( Le repérage de l'eth- FILM-VIDÉO L'esclavage d'hier à aujourd'hui Construit à partir d'entretiens et de documents d'archives, ce nouveau documentaire réalisé par Daniel Kupferstein pour le MRAP, est un excellent outil pour animer des débats, notamment avec des jeunes, en milieu scolaire ou pas. Didactique et dynamique, ce film de 35 minutes présente les fonnes modernes de l'esclavage et montre en quoi elles sont le plus souvent sous-tendues, en plus du ressort économique, par une vision raciste et humiliante de l'Autre. A commander au siège du MRAP. prix: 150 francs Théatre Un pur moment de Rock"n roll Deux femmes et deux hommes, quatre acteurs nus comme au premier temps du monde sur une scène d'un petit théâtre du 18- arrondissement de Paris (1), ça surprend beaucoup. Ca surprend d'abord, ça irrite ensuite, parce que ça dure dix bonnes minutes en illustration d'un long monologue comme craché à la face du spectateur. On se demande où est le rock n'roll et puis après ça coule de sens. Il s'agit, dans ce spectacle théâtral, de la banlieue et de la «( fracture » 1 Le texte de Vincent Ravalec est brutal et agressif. Il restitue ce qu'on appelle le mal des banlieues, la délinquance, la drogue, la violence, le racisme etc. Il frôle la vulgarité mais n'y sombre pas. La mise en scène ( de Marc-Ange Sanz) donne au texte toute son intensité dramatique. Les acteurs sont jeunes, frais et dispos, ils ont une pêche d'enfer, il fallait ça. Le jeu autant que le texte tiennent le spectateur à distance, on ne larmoie pas maJgré la terrible tristesse du monde qui est donnée à voir. Mais la tension monte et la dernière scène vous prend à la gorge, vous déchiquette littéralement. Entre la nudité intégrale du début à l'aboiement collectif de la fin, s'est déroulé un parchemin retraçant des itinéraires peu enviables etqui laisse très mal à l'aise. Comme sur la faim d'une autre fin. Chérifa B. (1) Le Dix·huit théitre. Les prochaines représentations auront lieu le 22 février à Sarreguemines et du 22 au 28 avril Il Thionville au théitre populaire de Lorraine. DifNrences n° 171 février 1996 Chérifa Benahdessadok 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex Il Tél.:43148353 Télécopie: 431483 50 " Directeur de la publication Mouloud Aounit " Gérant bénévole Martial Le Nancq " Rédactrice en chef Cherifa Benabdessadok " Administration - gestion Patricia Jouhannet " Abonnements Isabel Dos Martires 120 F pour 11 numéros/an 12 F le numéro " Maquette Cherifa Benabdessadok " Impression Montligeon Tél. : 33858000 " Commisslon paritaire n° 63634 ISSN 0247·9095 Dépôt légal 1996·2 l 1
Notes
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