Droit et Liberté n°315 - novembre 1972

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    • Editorial: Il a fallu créer des mots par Albert Levy (Vietnam)
    • ANPE : Agence pour l'emploi ou pour la sélection raciale par Louis Mouscron
    • D'"ordre nouveau" en "front national"
    • Réunion: les voix des morts par Dominique Delhoume
    • Proche-Orient: l'engrenage
    • R.F.A.: Les cours sourds de la droite par Dagmar Taner
    • Dossier du mois: Vivre en bidonville, extraits du livre de Monique Hervo et Maris-Ange Charras "bidonvilles" présentés par Alain Gaussel
    • Civilisations: exposition sculptures africaines par Pierre Meauze
    • Littérature: Il y a dix ans, Mouloud Feraoun par Jean Cussat-Blanc
    • Livres: aux sources de l'idéologie raciste ("l'idéologie raciste; génèse et langage actuel" de Colette Guillemin) par Ida Berger
    • Cinéma: l'attentat d'Yves Boisset (sur Ben Barka) presenté par M.F. Antok
    • Vie du MRAP: congrès les 20 et 21 Janvier
    • Un vieil ami méconnaissable (évolution du journal "le Droit de Vivre") par Serge Kriwkoski


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droit liberté "----. ... M __ .. R_r_._Io'_' ... R"P, N M RE 1972. N- 315. PRIX 2.50 FRANCS DOSSIER VIVRE EN BIDONVILLE 2 Au delà des frontières Tous ici, suivons avec beaucoup d'intérêt les activités de « Droit et liberté», qui correspondent très exactement à nos vues. Par la presse et la radio, nous avons pu suivre les activités concluantes et l'extension que prend notre Mouvement sur le plan international. Les membres de l'Union internationale des métis, par son président : Nicolas RIGONAUX Dakar (Sénégal). Recevant régulièrement Il Droit et liberté », j'apprécie votre effort considérable dans la lutte que vous menez. Votre action mérite plus que simples éloges, et je m'y associe de tout coeur. Ben:u FELDMAN Bucarest (Roumanie) . J'ai eu l'occasion de lire plusieurs fois votre revue, et je la trouve plus que valable : elle est nécessaire et sa diffusion, au-delà des frontières de la France, serait, à mon sens à promouvoir. Pouvez-vous me faire savoir les moyens que vous proposez. Paul BOURGEOIS liège (Belgique). Comme au Moyen Age Une autre forme de racisme est mal connue; c'est celle qui oppose tantôt les Français du nord de la Loire à ceux du Midi, tantôt ceux des régions sous-développées à ceux des régions développées. Les habitants des vallées à ceux des plateaux, etc. Il y a quelques années, alors que je prenais un billet d'autobus à la gare routière d'Auxerre pour Saint-Sauveur de Puisaye, on me dit ironiquement: «Vous serez bien runique passager, pour aller dans ce pays de sauvages 1» Effectivement le quotidien départemental avait publié quelques mois auparavant, un reportage effrayant sur la Puisaye ... Ici, on a tendance à qualifier de « barbares» les habitants des villages situés au plus à une dizaine de kilomètres, dans le GAtinais. Réaction raciste également, celle qui consiste à hausser les épaules devant le massacre de trois millions de Bengalis ( Moins de bouches inutiles à nourrir», dit-on). alors qu'on s'indigne par exemple (et à juste titre) devant la répression en Ulster. La mentalité reste moyennâgeuse en généraI. Ce qui se passe près de nous, à propos de compatriotes ou de personnes de même appartenance politique ou religieuse a mille fois plus d'importance que les drames et les ' souffrances des peuples loin· tains. R. MERCIER 89-Courlon-sur-Yonne Souvenirs amers Il y a très longtemps, je fus confrontée avec cette idéologie que j'appellerais un christianisme sans péril. Mes souvenirs sont vivaces. A l'éQlise - je fus élevée, au cours de ma jeunesse par des catholiques - on me reprochait mes onglnes JUives, oubliant celles du christianisme. J'étais le bouc émissaire de toutes les misères, j'étais à la fois idolâtre, perverse, menteuse, hypocrite, sans respect humain, dépourvue d'intelligence.. . Tout ce que je faisais était critiqué. Que je fasse bien ou mal, peu imR0rte : le bien, c'était pour me faire valoir, le mal, c'était ma perversité qui ressortait. Damnée, vouée à l'ignominie éternelle, incapable d'aimer, j'étais celle que l'on bousculait sans courtoisie, celle que l'on regarde pour la critiquer. Puis la Bible devint mon livre de chevet, j'y retrouvais ma joie et mon identité perdues. M."'. DESTREZ Paris (17·) Une mort lente Nul n'ignore la situation qui prévaut actuellement en Angola. Depuis des années, une insurrection armée s'est déclenchée dans mon pays. La révolution a engendré une lutte achamée, véritable guerre qui met aux prises d'un côté les nationalistes angolais qui veulent se libérer du joug colonial, et de l'autre, les colonialistes portugais qui, eux, prétendent perpétuer leur oeuvre d'esclavage en terre angolaise. Plus forts sur le plan stratégique, maTtres et seigneurs du régime, les Portugais se permettent toute action tendant à rendre de plus en plus dure et insupportable la vie des autochtones en Angola : arrestations arbitraires, persécutions, injustices, bref l'Angolais vit en constante mort lente. Comme étudiant je' me suis VU dans l'impossibilité totale de continuer mes études, tellement le racisme bat son plein dans les universités, écoles supérieures et toute institution scolaire en Angola. Fallait-il continuer à vivre dans un milieu si hostile? Non, je ne rai pas pu. Ayant terminé mes études secondaires, je me suis réfugié en 1969 au Zaïre - exCongo - où j'ai vécu grâce à raide de compatriotes trouvés sur place. Toujours en Afrique, aujourd'hui en République centrafricaine, je me débats corps et Ame pour continuer mes études. Mateul CHIACO Bangui (R.C.A.) Du lait et des couleurs Voici un extrait du «Traité de l'allaitement », du Dr A.B. Martan, publié à Paris en 1899, chapitre : «Le choix d'une nourrice ». «Quelques personnes attribuent une grande importance à la couleur des cheveux; elles pensent que les brunes sont meilleures nourrices que les blondes (...). La pratique montre qu'il importe peu qu'une nourrice soit brune ou blonde. Mais les femmes rousses ne doivent être acceptées que lorsqu'on a constaté que leur transpiration axillaire n"exhale pas une odeur forte.» En quoi les préjugés d'aujourd'hui sont-ils . moins risibles que ceux d'hier? A.G. 93-Saint-Denis Une affiche imprimée Bravo pour le vote de la loi antiraciste! Mais il faudra veiller à son application en France et faire la même chose ailleurs . J'ai vu, en Belgique, apposée sur un café de Roslaur, une affiche imprimée (donc éditée à de nombreux exemplaires) portant la mention : «Etablissement Interdit aux NordAfricains. » Que prévoit la loi belge contre ça? Pierre LE BIHAN 92-Clichy N.D.L.R. A l'initiative du M.R.A.X. (Mouvement contre le raCisme, fantisémitill11e et la xénophobie), homologue belge du M.R.A.P., une proposition de loi comparable 6 celle qui a été votée en France est déposée depuil de longuel années devant le Parfement. Nous trenll11ettOntl finformation ci-deaus 6 nos amis balges, qui ne manqueront . pal d'en tenir compte danl leur action. Les idées et le papier J'ai constaté avec beaucoup de peine que le dernier numéro de « Droit et liberté» était imprimé sur du papier moins blanc et moins fort que d'habitude. Je suppose que c'est pour raison d'économie. La presse libre doit faire face à des difficultés de plus en plus graves, je le sais. J'espère que vous parviendrez à surmonter les vôtres, car il faut que votre revue soit lue partout. Et. il faut que la générosité de vos lecteurs assure la diffusion de vos idées généreuses. Georges DEROY Paris-19· N.D.L.R.-II est vrai que noui avonl dei difficultés et que le soutien actif de nOI lecteurs est indilpensabla pour BlSurer l'existence de • Droit et liberté.. Mail le changement de papier, pour le demier numéro, n'était pal volontaire. Il est dQ 6 une erreur de fimprfmerfe, qui .. t en effet fort regrettable et qui, noUI felpéronl, ne sa renouvellera plui. dans ce nUlllèro AGENCE POUR L'EMPLOI OU POUR LA SÉLECTION RACIALE 7 Une série de documents accablants l'Agence nationale pour remploi couvre certaines pratiques racistes condamnées par la loi (pages 4 et 5) . LES VOIX DES MORTS A la Réunion les morts ont droit de vote. C'était connu . En voici la preuve ... (page 7) . R.F.A. : LES COUPS DE LA DROITE En Allemagne Fédérale, la campagne électorale bat son plein . Une analyse des forces en présence, des intérêts en jeu (page 9). 1* hft·gml--- VIVRE EN BIDONVILLE Une série de témoignages vivants, recueillis «sur le tas ». Un document humain (pages 13 à 20). SCULPTURES AFRICAINES A travers une exposition, l'art africain se révèle et révèle toute une civilisation au grand public (pages 21 et 22) . MOULOUD FERAOUN Il y a dix ans, cet écrivain algérien tombait sous les coups de l'O.A.S ... Un portrait attachant, l'oeuvre d'un être déchiré par la guerre coloniale (pages 23-24). En couverture : Un centre de l'Agence nationale pour remploi (photos Gérald Bioncourt). MENSUEL J20. rue Saint-Denis - Paris (2) Tél. 231·()9..S7 - C.C.P. Pam ~70-98 ABONNEMENTS • Ull an : 25 F • Abonnement de soutien : 50 F Antilles, Réunion, Maghreh, Afiiquefrall' co phone, Laos, Cambodge, NO/(l'elle-CalédOllie

25 F. Allfres pays : 35 F.

Cltal1gemeill d'adresse : 1 F. Directeur de publication : Albert Lévy Imprimerie la Haye DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 éditorial , Il creer a rallu des lOols 1 A paix va-t-elle enfin triompher en Indochine? On l'espère; on s'interroge. Mais L après tant de paroles violées, de faux-semblants destinés à couvrir une escalade toujours plus cruelle de l'intervention des Etats-Unis, seuls les faits comptent. L'expérience prouve, hélas! qU'un accord n'apportera des garanties suffisantes que le jour où le retrait des forces américaines et l'élimination des régimes dictatoriaux qu'elles soutiennent, auront atteint un point de non-retour. L'activité fébrile déployée par le conseiller de M. Nixon se fonde sans aucun doute sur des préoccupations de politique intérieure, à la veille des élections présidentielles. On peut se demander, pourtant, par-delà les motivations immédiates, si le moment n'est pas proche où, effectivement, les dirigeants américains se trouveront devant la nécessité de renoncer à leur aventure vietnamienne . Car l'énormité des moyens mis en oeuvre engendre des problèmes économiques sérieux dans un pays où, derrière la façade de la prospérité, 30 millions de personnes - dont 8 millions de noirs - végètent au-dessous du seuil de la pauvreté . A l'échelle internationale, la poursuite de la guerre et les méthodes employées sapent gravement le prestige des Etats-Unis. Sur le terrain , surtout, la situation n'est guère encourageante pour le Pentagone. On se b,at à 18 kilomètres de Saigon. Au Nord, les bombardiers ne sèment pas la mort impunément : depuis le début du conflit, c'est le 4.000· qui vient d'être abattu. Et l'héroisme du peuple n'est nullement entamé par le déluge de fer et de feu qui s'abat sur lui. QUELS que soient les prochains événements, il reste que la guerre au Vietnam constitue le plus atroce massacre que l'humanité ait jamais connu. Depuis longtemos, les B 52 ont largué plus de bombes sur ce petits pays martyr qu'il n'en est tombé sur l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. La fin tragique de M. Susini. délégué général de France à Hanoï, confirme, s'il en était besoin, que les pilotes américains ont pour mission de raser systématiquement les villes et de terroriser la population . Ecoles, hôpitaux, églises, rien n'échappe à la destruction. Il Nous tuons des bébés, des femmes, des vieillards, c'est injustifiable! Il s'est écrié, à son retour d'Indochine, M. Ramsey Clark, ancien ministre de la Justice des EtatsUnis. Dans cette guerre « presse-bouton», les derniers perfectionnements de la technique et de la science sont mis au service de l'imagination la plus diabolique, pour rendre toujours plus « rentable» la machine à exterminer. Si bien que le transport de déportés vers de faux appareils à douches propageant du gaz Zyklon B, pratiqué naguère, apparaît comme une entreprise artisanale au regard des résultats instantanés que procurent le napalm, les bombes à billes, I.es défoliants, ou encore l'octol, cet explosif superpuissant qui projette une poussière invisible de particules mortelles. C'est trop peu de parler de génocide. Les savants et les juristes ont dO créer des mots nouveaux : biocide, écocide , pour traduire la destruction de toute vie, du milieu de vie, qui caractérise la guerre menée par les forces américaines à des milliers de kilomètres de leur pays. . COMMENT peut-on rester insensible à ces crimes contre l'humanité? Nous sommes concernés par cette expédition coloniale d'une violence sans précédent, qui, dirigée contre la liberté d'un peuple, représente une menace pour l'avenir de tous. La dénonciation des criminels d'hier perdrait toute signification si elle n'avait pas pour objectif d'empêcher qu'ils soient imités et dépassés dans l'horreur, par leurs émules d'aujourd'hui et de demain . C'est pourquoi la conscience universelle doit demeurer mobilisée. C'est pourquoi le M.R.A.P., dénonçant partout les atteintes _aux droits et à la vie des hommes et des peuples, quelles que soient les victimes, quels que soient les bourreaux, prend une part active à la lutte pour la paix au Vietnam. Albert LEVY. 3 discriIninalions Agence ou pour (( PAS de gens de couleur Il ••. Depuis que notre revue existe, il nous est arrivé bien des fois de dénoncer les pratiques racistes d'employeurs, de logeurs, de propriétaires de cafés ou d'hôtels. Ces discriminations sont désormais interdites en France, en vertu de la loi élaborée par le M.RAP. dès 1959, votée cet été - enfin! - par l'Assemblée nationale et le Sénat unanimes, publiée le l ar juillet 1972 au Journal officiel. Nous avons constaté que la crainte des lourdes sanctions prévues par cette loi, avait fait cesser, dans quelques cas individuels, des comportements discriminatoires. Tel café du Quartier Latin, naguère réticent, sert maintenant tous les clients, sans distinction d'origine et de « couleur». Il suffit parfois d'un simple coup de fil pour que l'auteur d'un délit raciste, invité à réfléchir sur les conséquences possibles de son acte, change d'attitude. Mais il n'en est pas toujours ainsi. Et le mauvais exemple vient de haut. Comment ne pas s'indigner et s'inquiéter, trois mois à peine après la promulgation de la loi. de voir celle-ci délibéremment bafouée par un organisme d'Etat qui devrait avoir justement pour mission de veiller à son application? Le M.R.AP., ayant eu connaissance des discriminations systématiques pratiquées par l'Agence Nationale pour l'Emploi, a décidé d'en appeler à l'opinion publique. Le 14 octobre, il a communiqué à la presse les photos d'une dizaine de formulaires, puisés parmi beaucoup d'autres, où l'Agence, se pliant aux exigences de certains employeurs, transcrit en toutes lettres leurs « restrictions» xénophobes et racistes. En se . plaçant sur un tel terrain, l'Agence - comme les employeurs qui la sollicitent - décide donc dè juger les candidats (Africains, originaires des départements d'outre-mer) non d'après leur qualification, leur aptitude à effectuer un travail, mais d'après le lieu de leur naissance ou la pigmentation de leur pea u. Or, la loi du 1 sr juillet 1972 condamne explicitement dans son article 7 cc toute personne amenée par sa profession ou ses fonctions à em- , ployer pour elle-même ou pour autrui, 4 pour l'emploi ... la sélection raciale 1 un ou plusieurs préposés, qui, sauf motif légitime, aura refusé d'embaucher ou aura licencié une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou aura soumis une offre d'emploi à une condition fondée sur l'origine, l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Il Nul doute : le délit est avéré, le scandale est patent. On ne saurait en accuser, bien entendu, les agents (400 à Paris) qui sont en relation avec les employeurs et avec les chômeurs se présentant pour demander du travail. Ces employés sont tenus d'exécuter les ordres de leurs supérieurs, lesquels dépendent de la Direction nationale, elle-même contrôlée par le ministère des Affaires sociales. Nous savons d'ailleurs que beaucoup, aux différents niveaux d'exécution, réprouvent les directives qui leur sont imposées en violation de la loi. Déjà, au mois d'août dernier, la C.G.T. avait dénoncé une opération de l'Agence Nationale pour l'Emploi qui visait à recruter pour Citroën 1 600 O.S., en excluant les Africains noirs et les Nord-Africains. Il apparaît maintenant que cette pratique n'était pas exceptionnelle, mais qu'elle traduit, au contraire une volonté délibérée de « sélection» au service des employeurs racistes. Quand des méthodes inacceptables sont ainsi généralisées dans un service public, c'est à l'ensemble des usagers, à tous les démocràtes qu'il appartient d'intervenir pour y mettre fin. Annonces : le M.RA.P. engage des poursuites Violant également les nouvelles dispositions législatives , de nombreuses annonces publiées par les journaux retiennent l'attention. Nous l'avons déjà souligné dans notre dernier numéro; nous pourrions en ' citer une grande quantité ' parues depuis, tant à Paris qu'en province. Pour un poste de manoeuvre, de peintre en bâtiment, de gardien de nuit, ou de distributeur de prospectus, on ne voit guère quel « motif légitime» permettrait d'exiger que le candidat possède obligatoirement la nationalité française. Et quand l'employeur précise qu'il recherche des travailleurs cc européens Il, il entend: de toute évidence, écarter les originaires d'Afrique Noire et d'Afrique du Nord, ainsi que les citoyens français des D.O.M. Ces tentatives plus ou moins hypocrites de tourner la loi méritent d'être sanctionnées sévèrement, si l'on veut empêcher que celle-ci reste lettre morte et que le racisme ne s'instaure ouvertement et pour longtemps dans notre pays. OFF,n O"EMPlOI .u:-a?:t-b n ,l~. En application de la loi du 1er juillet 1972, les « restrictions de nationalité» ne sont plus indiquées sur le volet de droite (codé) des formulaires de l'Agence nationale pour l'emploi. Mais ces mêmes indications figurent désormais en clair (ainsi que les restrictions raciales) sur le volet de gauche, à la rubrique des « renseignements complémentaires ». Il existe à Paris dix centres interprofessionnels de l'Agence nationale pour l'emploi (et plusieurs dizaines dans la région parisienne). Quand une offre d'emploi est enregistrée par l'un d'eux, elle est adressée à tous les autres. Jusqu'à ces derniers temps, cette communication se faisait sous la forme d'une photocopie du volet de gauche; depuis peu, les offres sont groupées dans un bulletin, sans indication des « renseignements complémentaires»; lorsqu'un candidat semble convenir à l'offre, c'est téléphoniquement que les éventuelles «restrictions» sont transmises, sur demande, par le centre où elles ont été.enregistrées. Aussi, après examen du problème par sa commission juridique, le M.R.AP. a décidé, comme l'y autorise la loi, de déclencher des poursuites contre les employeurs qui se livrent à des discriminations, en se constituant partie civile. Est-ce la faute des immigrés '1 Mais l'action contre les discriminations, il faut en avoir conscience, ne saurait se réduire à l'action judiciaire. Les faits que nous dénonçons se situent actuellement dans le cadre d'une campagne de grande envergure tendant à présenter les travailleurs immigrés comme une menace pour le gagnepain des Français. Ce seraient eux les responsables des difficultés économiques, du chômage! A cette campagne, qui alimente dans l'opinion des préjugés souvent tenaces, il convient de répondre par une argumentation précise et sérieuse. Quelques observations élémentaires peuvent être soumises à la réflexion de chacun. 1. D'abord, il doit être clair que le chômage n'a pas pour cause la présence des immigrés. Aux Etats-Unis, où l'immigration est infime, on compte plus de cinq millions de chômeurs. Ce phénomène plonge ses racines dans les données fondamentales du système économique. 2. Si l'on évalue à 700000 ou 800000, le nombre réel des chômeurs totaux ou partiels en France, on constate que près de la moitié sont des jeunes n'ayant pas encore travaillé et qui cherchent un emploi correspondant à leur C.AP. ou à leur diplôme. Par ailleurs, une importante proportion des chômeurs sont des cadres moyens, techniciens, ingénieurs ne parvenant pas à se recycler. Dans ces cas là, les immigrés ne sont pas en concurrence 'avec les Français. S'il est des professions (métallurgie, textile), où une telle concurrence existe effectivement, le sous-emploi actuel y est imputable à des conditions économiques et politiques bien précises. 3. On répète fréquemment dans les cercles officiels que les immigrés sont indispensables à l'économie française; le Via Plan, comme les précédents, prévoit une augmentation constante (100000 par an environ) du nombre des étrangers appelés à travailler dans notre pays. Ce même processus a lieu par exemple, en Allemagne Fédérale, en Belgique, aux Pays-Bas et dans les pays nordiques. Les nouvelles mesures gouvernementales (la circulaire Fontanet appliquée depuis le 15 septembre) semblent viser non pas à réduire l'immigration, mais à mieux la contrôler, à réaliser plus facilement une «sélection » nationale, politique et ethnique parmi les immigrés. Il y a donc une apparente contradiction entre l'organisation d'une immigration continue et les affirmations relatives à la «défense » des Français contre l'afflux des étrangers. 4. Tout se passe, en fait, comme si certains milieux responsables entendaient rejeter sur « les étrangers» la responsabilité des difficultés économiques actuelles, pour détourner d'une analyse approfondie et empêcher les changements demandés dans les couches les plus diverses de la population. Dans le même temps, accuser les étrangers de « manger le pain des Francais» tout en en faisant venir toujours plus, permet d'entretenir des divisions, des pressions, des tensions qui figurent précisément parmi les « avantages». que tire le patronat du recours à la main-d'oeuvre immigrée. Il faut en finir avec les atteintes quotidiennes aux droits et à la dignité des travailleurs étrangers ou « de couleur » ! Le M.R.A.P. est résolu à mener jusqu'au bout le combat nécessaire, certain de recevoir, pour cela le soutien de tous ceux en France, pour qui l'égalité et la fraternité ne sont pas de vains mots. / Louis MOUSERON r---« Pas de chambre pour vous ))~---, UN travailleur algérien nous téléphone : Il Cherchant un logement, je me suis présenté déjà dans une multitude d'agences immobilières. Dans certaines, on me dit que les propriétaires ne veulent pas d'étrangers, ou d'Arabes, ou d'Algériens, et on me refuse tout service. Dans d'autres, on me donne des adresses, et alors je me heurte aux refus des propriétaires, qui avancent, pour se justifier, les arguments les plus hypocrites ... » Un étudiant en médecine nous signale des chambres dont les propriétaires, passant des annonces dans les organismes universitaires, indiquent

« Pas d'étrangers»

ou « Pas d'hommes de couleur » . Cela n'est pas nouveau, certes. Et on ne peut affirmer que les pratiques racistes se soient brusquement développées. Ce qui est certain, c'est que la loi du 1 er juillet offre désormais aux victimes de ces discriminations la possibilité de se défendre. Cette loi joue le rôle d'un révélateur

grâce à elle, des plaies

jusque-là secrètes se dévoilent. Et la purulence du racisme apparaît, suintant de tous les replis de notre société. - Significative à cet égard est une lettre que nous recevons de M. Moussa Dirié, demeurant dans les Yvelines, et dont voici l'essentiel : «Ayant dû effectuer un déplacement de deux jours à Dunkerque, les 9 et 1 0 septembre, mon épouse et moi avons cherché un hôtel pour nous loger. Je me suis présenté, accompagné d'un ami de nationalité française à l'Hôtel Lunik, 32, rue des Arbres, Dunkerque. «Le propriétaire nous a reçu avec les mots: «U n'y a pas de chambre pour vous )1. DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 En sortant nous avons croisé trois jeunes gens qui étaient également à la recherche d'une chambre. Très surpris, nous avons pu constater que l'hôtel qui était soi-disant complet pour nous, ne l'était pas pour les autres clients, qui, je dois le préciser, étaient de couleur blanche. «Voulant m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un malentendu, je suis retourné à la réception pour demander des explications. J'ai été prié de sortir immédiatement et, à mon ' refus, le propriétaire m'injuria, tenta de me brutaliser et enfin menaça de faire appel à la police, ce dont je l'ai prié ( ..• ) «La police arriva sur les lieux et nous emmena au commissariat où, à la suite de nos témoignages, elle dut reconnaître que l"mcident était déplorable et indigne d'un pays comme la France. « Nous avons continué nos recherches. et. à l'Hôtel de Flandre, place Roger-Salengro, Dunkerque, mon épouse est rentrée seule pour demander une chambre. On lui confirma à la réception que la chambre nO 6, à 30 F, était disponible pour deux personnes. On lui a présenté deux fiches à remplir et n'ayant pas ma carte d'identité, mon épouse m'a appelé à l'extérieur. Je suis donc rentré également dans le hall de réception. La réflexion faite par la personne à la réception se passe de tout commentaire : «Je regrette, mais dans ces conditions, il n'y a plus de chambre de disponible. )1 « Ayant déjà subi une première expérience, nous n'avons pas insisté, mais sommes retournés directement au commissariat )1 ... M. Dirié ayant saisi le M.R.A.P., celui-ci a déposé une plamte en se constituant partie civile. 5 haines ( D' ((Ordre-noUVeaU)) en ((front national)) Une campagne raciste se prépare en France, à la faveur des prochaines élections législatives. On annonce la création d'un « front national», qui entend présenter 400 candidats, et dont la composition est, à elle seule, tout un programme. Qu'on en juge par les noms de ses participants : François Brigneau , rédacteur en chef de « Minute» et dirigeant d' « Ordre nouveau» ; Jean-Marie Le Pen, qui fut à la tête pendant de longues années de groupes d'extrêmedroite aux sigles variables, aujourd'hui éditeur de disques tels que les « Chants du Troisième Reich» , apologie du nazisme interdite à la vente; Guy Ribeaud , proche ami de Georges Bidault, qui fut avec Soustelle, l'un des plus émin_ents jusqu'au-boutistes de la guerre d'Algérie; Claude Jeantet, adjoint de Doriot sous l'occupation, passé ensuite par le poujadisme; Roger Holleindre qui « anima» naguère la campagne présidentielle de Tixier-Vignancour, etc. Le langage tenu par ce « front», qui est « national» comme l'était le « socialisme » que l'on sait , n'a rien d'original. Dans les commentaires d' « Ordre nouveau», initiateur de cette campagne , il est question de Il discipline Il, de Il hiérarchie Il, de Il sélection Il. La nation est conçue comme « une communauté de langue, d'intérêts, de race, de souvenirs ». Il est fait appel à la Il France silencieuse Il pour « faire échec au communisme». Enfin , dénonçant « le vice», « les copains» , les « voleurs» , la « pourriture» et défendant l' « ordre naturel» dans le style démagogique propre à ce genre de formations , « Ordre nouveau», lors de son dernier Conseil national , présente Il l'immigration et l'assimilation des étrangers Il comme un « souci majeur», dans la Il protection de la communauté Il. Il Rien ne sert de veiller aux frontières, est- il dit, si une invasion spécifique et légale change la nature et le particularisme de la nation française Il. Comme toujours, l'extrême-droite s'efforce d'exciter la xénophobie , le nationalisme, en misant sur les instincts les plus obscurs , sur les frustrations subies par les victimes d'une société brutale et injuste , dont elle est elle-même un produit. Une extrême vigilance s'impose donc pour barrer la route à ces provocatiom à la haine et à la violence. Une nouvellE fois se pose la question des limite! que la loi doit apporter à ces menées antidémocratiques, dangereuses pour la sécurité de la population et pour l'avenir de notre pays. Encore un ju~C prorané


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ciDletière Nous apprenons qu'une vingtaine de tombes du cimetière israélite de SarreUnion (Moselle) ont été profanées à la fin du mois d'août. Les socles de pierres tombales ont été renversés et fracassés ; les plaques de marbre portant les noms des morts ont été brisées. Des faits semblables s'étalent produits en avril , au cimetière juif de Belfort ; au même moment, le monument aux déportés de la ville avait été souillé . En avril également, des actes de vandalisme étaient constatés dans le cimetière israélite de Biesheim. En dépit des protestations des communautés juives concernées, ces différentes affaires sont restées sans suite . La police ne dispose-t-elle donc d'aucun indice lui permettant de découvrir les tristes individus qui se livrent à de tels actes, directement imités des nazis? Vieilles inCânties à Grenoble Une revue mensuelle « Echos-Région» diffusée gratuitement dans l'Isère à des fins publicitaires, disserte, dans son numéro de septembre sur les origines de Christophe Colomb. Se demandant si le célèbre explorateur était juif, l'auteur de l'article , qui signe « Tancrède», écrit notamment : Il En l'absence bien évidente de toute preuve matérielle, c'est dans l'étude du caractère de Colomb que l'on peut acquérir la conviction presque absolue de son origine juive. Il Et d'énumérer les traits qui caractérisent, selon lui, la « judéité» : Il mélange de faste et de De Touvier Après le président de la République , M . Valéry Giscard d'Estaing, MM. Servan- Schreiber et Lecanuet demandent à leur tour que soit jeté « le voile de l'oubli» sur les crimes de la « collaboration » et de l'O.A.S . A quelques mois des élections, leur prise de position ne serait-elle pas guidée par un calcul politique? M. Pompidou , quant à lui , a affirmé, on le sait, qu'il n'en était rien . 6 rapacité, d'esprit d'intrigue, de ténacité, d'orgueil ombrageux et de mesquinerie, de feinte assurance et de maladive inquiétude, et surtout 1 ... ) cette propension à Il bluffer Il, à s'entourer de mystère et à se parer de connaissances qu'il était loin de posséder. Il Poussant plus loin encore son « ana· lyse», « Echos- Région)1 affirme que Il le folklore israélite abonde en caractères de ce genre, plus roublards qu'intelligents, plus industrieux qu'entreprenants, plus hâbleurs que savants, mais merveilleusement aptes à tirer parti de leurs relations et de la crédulité à Pétain ... Allant plus loin encore , les deux leaders des « réformateurs» non contents de la grâce accordée à Touvier, se prononcent pour le transfert des cendres de Pétain à Douaumont. Ils rejoignent en cela la campagne menée par « Rivaroi » et autres anciens pétainistes. Ne savent-ils pas qu'au terme de l'article L. 498 du Code des pensions d'autrui Il. On le voit rien ne manque au « portrait» du juif, tel que le trace classiquement la propagande antisémite la plus odieuse. Il est vrai que l'auteur de l'article n'hésite pas à se référer à Roger Peyrefitte , dont le livre « Les Juifs» est un énorme ramassis de tous les stéréotypes racistes, du Moyen Age à l'hitlérisme .. . Le comité du M.R.A.P. de Grenoble examine les mesures qui permettront de faire comprendre à « Echos-Région» que ces temos- Ià sont révolus. militaires, d'invalidité et des VictImes de guerre , seuls les militaires français morts pour la France devant l'ennemi ont droit à sépulture dans un cimetière national? Ont-ils oublié que Pétain livra le pays , ses richesses , sa jeunesse, ses hommes à l'ennemi? Ont-ils oublié la répression sanglante contre les résistants, la chasse aux juifs, la milice, la division Charlemagne? réunion Les • VOIX IL aura fallu le renversement de trois municipalités de la majorité, un voyage de M. Michel Debré - député de la Réunion - et l'inculpation de deux de ses proches amis politiques pour que le scandale (ou plutôt les scandales) éclate au grand jour ... et nous parvienne. Et ce , malgré de multiples tentatives d'étouffement des milieux officiels , peu désireux de voir s'étaler dans les journaux l'art et la manière de se faire élire à la Réunion (quand on appartient à certaines formations politiques), peu soucieux aussi de voir la Justice démasquer et sanctionner certains bénéficiaires de ce « système électoral », dont les profitables trafics s'accompagnent en général d'une insolente impunité. Trois moyens de frauder On savait depuis longtemps ce département d'outre-mer (D.O.M.) propice aux fraudes électorales en tous genres, l'automatique unanimité politique des électeurs paraissant aux observateurs pour le moins suspecte . Mais on manquait de preuves. Or, aujourd'hui. c'est documents en main que nous sommes en mesure de parler. Ces chiffres , ces fac-similés révélateurs ont été rendus publics par les nouvelles municipalités d'Union démocratique (Saint-Louis , Le Port, La Possession). Ils établissent, répertorient les principales méthodes à l'honneur pour maintenir en place les tenants d'une politique donnée, quand, manifestement, la majorité de la population s'affirme mécontente de cette politique et désire en changer. Outre le procédé pour ainsi dire « classique » qui consiste à gonfler les résultats pendant le « transfert » des urnes, les moyens de truquer les listes électorales sont au nombre de trois : 1 ° Maintien sur la liste de personnes ne devant plus y figurer soit pour avoir perdu la « capacité électorale », soit pour avoir quitté la commune. 2° Introduction de personnes « fictives » n'ayant aucune existence à l'état- civil. 3° Maintien de personnes décédées depuis longtemps (Voir notre document). Pour montrer l'ampleur du phénomène - connu de tous à la Réunion - les responsables des trois villes citées plus haut présentent des chiffres, dont voici un échantillon. D'après les données statistiques de l'I.N .S.E.E., 45 % de la population de SaintLouis ont 21 ans et plus : soit 12 500 à 13000 adultes en âge de voter. Or, malgré les efforts déjà accomplis par la nouvelle municipalité pour régulariser la situation, malgré les radiations opérées en 1971 , 15 000 « électeurs » demeurent encore inscrits sur les listes ! En parcourant les documents rassemblés par les nouvelles municipalités, on découvre DROIT ET LIBERTÉ - N° 3t5 - NOVEMBRE 1972 des morts comment des urnes ont été remplies aux législatives de 1967 . (Elu : M. Gabriel Macé, V· République .) On apprend que les articles du Code électoral réprimant la fraude sont .. . inapplicables à la Réunion. Ainsi. si vous « entrez dans l'assemblée électorale avec une arme ... », vous ne serez nullement passible d'arrestation conformément à l'article L. 61 (aboli) ! Du suppléant au secrétaire particulier Comment, dans ces conditions, s'étonner de la corruption régnant dans l'île et de l'avalanche de scandales qui font surface en ce moment? La révélation - du moins à Paris - nous en est faite à l'occasion du dernier voyage de M. Michel Debré à la Réunion . Le premier touche son suppléant, M. Sers, avocat, qui retira , dit-on, d'une affaire d'héritage dont il s'occupe , de substantiels bénéfices, sans rapport avec des honoraires normaux. Le second vise le secrétaire particulier du ministre, qui émargeait sur le budget départemental au titre de fonctionnaire (3 000 F par mois) sans occuper aucune ( fonction ». Le troisième met à l'avant-scène le maire de Saint-Paul, inculpé pour fraudes et délits multiples, mais toujours en place. Le quat rième - moins récent - intéresse l'un des cogérants de la clinique de SaintBenoît (U .D.R.), inculpé pour pratique illicite d'avortement et fausses déclarations à la Sécurité sociale, pratique fort lucrative à ce que l'on sait ... Etc. .-.-----5'-'-- M: -.OE:".o ;:'5f~ -- -'- . ----'- -_.- --'--"'1 '\' ~- ..Jo". # •.•. _, .i:;:.~tl;L J , ._ 't, : . La liste s'allongerait que cela n'apporterait rien de plus au raisonnement de ceux qui dénoncent les conséquences du statut colonial en vigueur dans les D.O.M., en dépit de la « départementalisation )1. Et la démocratie? Elle confirme qu'à La Réunion, plus particulièrement, sont bafoués impunément les droits d'un peuple à décider de son sort ; que certains n'hésitent pas à user et abuser de méthodes inadmissibles, où l'obscurantisme le dispute à l'absolutisme, pour imposer leur présence, bâtir des fortunes sur la misère d'une île, alors que sont régulièrement frappés ceux qui tentent de protester contre ces manquements graves à la loi , qui réclament, tout simplement, le respect des Droits de l'Homme et de la Démocratie. Dominique DELHOUME D.O.M.-T.O.M.- - --- -------I Enfin abrogée! L'Assemblée nationale a abrogè ce 10 octobre, l'ordonnance du 15 octobre 1960, qui permettait aux préfets des départements d'outre-mer de muter d'office en métropole les fonctionnaires Il dont le comportement est de nature à troubler l'ordre public Il. Ce texte d'exception visait, au départ, au Il maintien de l'ordre Il en Algérie. En fait, il légalisait l'arbitraire, donnant au gouvernement le pouvoir de bannir des D.O.M. les fonctionnaires dont les idées ne se conformaient pas aux conceptions officielles, et d'exclure de la fonction publique ceux qui n'acceptaient pas le poste choisi pour eux du jour au lendemain, à huit ou dix mille kilomètres du lieu où ils vivaient. Depuis des années, le gouvernement s'obstinait à refuser l'abrogation de l'ordonnance. Mais certains qui ne l'ont jamais dénoncée dans le passé, pris d'une tardive indignation, n'ont pas hésité à la déclarer Il scélérate Il lors du débat récent à l'Assemblée nationale. Cependant, lors du vote final, la majorité s'est opposée à ce que les fonctionnaires victimes de l'arbitraire reçoivent réparation et puissent recouvrer le poste qu'ils occupaient avant leur mutation injustifiée. De telles dispositions, a estimé le gouvernement, auraient coûté trop cher. 7 Des faits qui ... • Un gardien de la paix a été condamné le 2 octobre dernier à 6 mois de prison avec sursis : il avait tiré sur son voisin de palier, M. Ayadi Agrebi. U trouvait « agaçante )1 la musique orientale que fai sait jouer celui-ci ! • Sept réfugiés basques espagnols ont été dernière ment expulsés de France de façon plus que cavalière : le délai de rigueur leur fut refusé

l'arrêté administratif n'a

pas été motivé, ce qui interdit tout recQurs. Où est donc la belle réputation qui fit de notre pays une terre d'asile universellement reconnue ? • Deux jeunes Israéliens de 18 ans ont demandé à bénéficier du droit d'asile politique en Suède : Us refusent de faire leur service militaire en Israel et de « participer ainsi au conflit armé israélo-arabe )1. donnent ... • Il n'y aura pas de prix Nobel de la Paix cette année: ainsi en a décidé le Comité norvégien du prix Nobel. • Par décision du Conseil de commandement de la révolution, annoncée par RadioBagdad le 27 septembre, les tëtes religieuses juives seront considérées comme officielles en Irak, ce qui entraînera la fermeture des administrations et des entreprises privées. • Le rabbin Meir Kahane, dirigeant de la « Ligue de défense juive ., qui se livre depuis plusieurs années à des activités terroristes aux EtatsUnis, a reconnu dans une interview qu' il était un agent du F.B.I. Il a été interrogé, en Israël, sur ses relations avec la Mafia. • Cent cinquante jeunes gens et jeunes fiUes israéliens, appartenant à des kibboutzim du parti travailliste, ont décidé de jeûner pendant trois jours pour la tëte du Ramadan, avec des paysans arabes pour favoriser le rapprochement entre Israéliens juifs et arabes. .. a penser 8 Proche-Orient L'engrenage UNE nouvelle attaque israélienne contre le Liban et la Syrie a eu lieu le 15 octobre. Les bombardements aériens contre des bases palestiniennes et - affirme-t-on à Beyrouth - contre des camps de réfugiés, auraient fait dix tués et une quinzaine de blessés, pour la plupart civils. L'opération a paru d'autant plus injustifiée qu'à la suite d'un accord avec les autorités libanaises, les organisations militai res palest iniennes se sont éloignées de la frontière d'Israël et ont cessé leurs activi tés dans ce secteur. Le gouvernement israélien déclare que « désormais, la seule présence de saboteurs en Syrie et au Liban, qu'ils attaquent ou non les frontières d'Israël, doit être considérée comme une provocation ». La tension entre donc dans une phase plus aiguë. L'occupation par Israël de territoires arabes entraîne inévitablement une résistance des populations, qui se traduit par des actions de guerilla, mais aussi par des attentats aveugles, selon la tactique et les conceptions des différents groupes. Les rafles, les arrestations et autres mesures qui s'ensuivent créent, dans ces territoires, une incitation supplémentaire à la lutte nationale, selon un processus bien connu. En portant également la riposte dans les pays voisins, et en assimilant l'ensemble des Palestiniens à des terroristes, les dirigeants israéliens prennent le risque de rompre le cessez-le-feu et de renforcer les éléments les plus extrémistes dans le monde arabe, tels .Ies commandos de « Septembre Noir », auteurs de l'odieux attentat de Münich . Le cycle des violences se perpétue donc ; et, plus de cinq ans après la guerre des Six Jours, il faut bien constater que rien n'est résolu. Ne peut-on pas rompre ce tragique .engrenage ? Il apparaît évident que la seule solution possible repose sur la prise en considération réal iste de toutes les données politiques de la situation , en particulier le droit d'Israël à l'existence et à la sécürité, comme les droits nationaux du peuple palestinien . Seule l'application de la résolution votée unanimement par le Conseil de sécurité , le 22 novembre 1967, peut ouvrir la voie ~ une paix juste et durable. Mais, tandis que les dirigeants d'Israël renforcent l'implantation juive dans les territoires occupés et mettent au point la multiplication de leurs interventions « dans des endroits inattendus » ; que les Palestiniens, divisés, s'interrogent sur les formes à donner à leur lutte nationale ; et que des init iatives communes des grandes puissances ne semblent pas prévisibles, l'espoir demeure encore bien fa ible de voir se préciser les bases d'une issue pacifique. Dangereux transferts Les remous créés par le drame de Münich n'ont pas fini de se manifester. Parmi les errements les plus graves auxquels nous assistons, il faut dénoncer la t ransposition du conflit du Proche-Orient sur le plan ethnique et religieux, et son transfert géographique, tendant à en fa ire un affrontement mondial entre « J uifs» et « Arabes». En France, au moment où, dans certa ins milieux juifs, on se mobilise contre le « terrorisme arabe », des lettres de menaces - flétries comme des provocations par les organisations palestiniennes - parviennent à des groupements ou à des personnalités israélites, sous la signature : « Organisation Septembre Noir, section France ». Parallèlement, un certa in « Front populaire de libération juif , Talion, Promotion Judas Macchabée » menace les ambassades arabes. Et une « Armée de libération juive» annonce dans un tract : « Nous ferons sauter tous les sièges des Palestiniens et leurs refuges arabes, comme les sièges des compapnies aériennes et les ambassades. » L'attentat contre la « Libra irie Palestine», à Paris, perpétré au nom de la « Terreur juive », s'inscrit dans le cadre de ces excitations malsaines. Il convient de souligner que diverses organisations juives représentatives, telles que le C.R.I.F. et l'U.J .R.E., ont vigoureusement exprimé leur réprobation . Le M.R.A.P., quant à lui, «condamne une nouvelle fois le recours è la violence aveugle comme une perversion de la lutte politique, une méthode inefficace et dangereuse, créant l'insécurité pour les populations, nuisant è la solution des problimes posés. Il Le communiqué du M.R.A.P . (6 octobre 1972) ·précise encore: tcTransposer en France le conflit du Proche-Orient, ne peut qu'inciter au racisme, aussi bien antijuif qu'~nti-arabe et favoriser les éléments qui misent sur un climat de violences propice aux diversions, è la confusion, aux aventures antidémocratiques.)) R.F~.------------------------------------- Les coups sourds de la droite I L faut « tout faire pour empêcher la droite de gagner les élections » : telle est la consigne de toutes les forces démocratiques en République Fédérale Allemande pour les élections 'législatives qui auront lieu le 19 novembre prochain. Cinq partis politiques se présenteront, dont les deux partis qui forment actuellement le gouvernement, mais n'ont plus la majorité au Parlement: le S.P.D. (parti social-démocrate d'Allemagne) et le F.P.D. (parti libéral-démocrate). Plusieurs députés de la coalition gouvernementale ont été accueillis au sein de l'opposition de droite, dans la C.D.U.-C.S.U. (Union chrétienne-démocrate et Union chrétienne-socialiste, l'aile bavaroise de la C.D.U.), non sans que celle-ci ait été accusée d'avoir offert des sommes importantes aux transfuges, chose d'autant plus vraisemblable qu'un tel cas fut révélé, tin 1970. Le parti néo-nazi, le N.P.D. (parti nationaldémocrate d'Allemagne), qui, lors d'élections régionales, avait re cueilli jusqu'à 7,9 % des voix, se présentera comme opposition d'extrême-droite. Depuis sa fondation, c'est la premiére fois que le Parti communiste, le D.K.P. participera en tant que tel aux élections pour le Bundestag, le Parlement Ouest-Allemand. Mais la clause anti-démocratique des 5 % (chaque parti pour être représenté au Parlement doit avoir un minimum de 5 % des voix) retiendra, sans doute, un certain nombre d'électeurs de voter pour lui, par crainte que leurs voix ne soient « perdues ». Après une longue période de guerre froide particulièrement intense en R.F.A., du fait de l'existence d'un Etat socialiste sur le sol allemand, après vingt ans de gouvernement chrétien-démocrate, la coalition S.P.D.-F.D.P. a dû tenir compte de la volonté de paix du peuple allemand. Pour la première fois dans l'histoire de la R.F.A. après la signature et la ratification des traités avec l'U.R.S.S. et la Pologne, un gouvernement reconnaît l'intangibilité des frontières existantes, notamment la frontière occidentale de la Pologne et la frontière entre la R.D.A. et la R.F.A. Ces accords n'ont pas seulement une importance primordiale pour le peuple allemand, mais aussi pour les autres peuples européens, préoccupés du maintien de la paix et voyant dans le refus de l'Allemagne d'Adenauer d'accepter les frontières existantes une cause possible de conflit armé. De la même façon, les accords des quatre grandes puissances sur Berlin-Ouest portent-elles un coup aux « revanchards ». Si, dans cette nouvelle politique envers les pays socialistes, les considérations économiques jouent certainement un grand rôle, il faut considérer aussi que le gouvernement de la R.F.A. ne peut se passer ni de l'opinion à l'intérieur du pays, ni de l'opinion mondiale - surtout après l'attribution à Brandt du Prix Nobal de la Paix - qui soutient tous les efforts susceptibles d'éta blir une paix durable. Contrairement à la politique du gouvernement chrétiendémocrate qui tentait de faire croire à la p'opulation ouest-allemande que la R.D.A., comme Etat indépendant, n'existait pas et qu'elle était partie intégrante de la R.F.A., la coalition S.P.D.-F.D.P. a entamé des négociations. Il est fort possible que ces négociations aboutiront à un accord fondamental entre les deux Etats allemands DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 MM. Stop h, Premier ministre de la R.D.A. et Willy Brandt. Cha ncelier de la R.F.A. avant les élections législatives. La R.D.A: fait tout pour arriver à une élaboration rapide, entre autre parce que cela renforcerait considérablement le gouvernement Brandt vis -à-vis de l'opposition de droite. Et le fait que la R.D.A. et la R.F.A. seront, sans doute, prochainement admises à l'O.N .U. apparaîtra comme l'un des résultats heureux de cette nouvelle politique de l'Allemagne lëdérale à l'égard de l'Allemagne démocratique et des autres pays socialistes. Mais pour ne pas se couper des masses qui, dans leur grande majorité, sont favorables à une politique de rapprochement avec les pays socialistes, la C.D.U.-C.S.U. attaque le gouvernement avant tout dans le domaine de la politique intérieure. Les mesures sociales et économiques prises par la coalition S.P.D.-F.D.P. n'ont, en effet, conduit à aucune amélioration essentielle pour la population. Dans de nombreuses couches règne un mécontentement profond dont le parti chrétien-démocrate s'efforce de tirer profit, oubliant qu'il fut, durant vingt ans, le promoteur de mesures et d'attitudes parfaitement anti-démocratiques. L'anticommunisme continue à porter ses Iruits en Allemagne fédérale: l'interdiction du K.P.D. n'est pas levée; les communistes, et ceux que l'on soupçonne de l'être n'ont pas le droit de travailler dans les services publics, notamment dans l'enseignement ; toute unité d'action avec les communistes est défendue aux adhérents du S.P.D. Les lois d' urgence adoptées avec les voix des chrétiensdémocrates et des sociaux-démocrates privent le peuple ouestallemand de droits démocratiques fondamentaux. Une telle politique ne se dirige pas seulement contre les communistes et les syndicats, mais se tourne finalement aussi contre les sociauxdémocrates eux-mêmes, comme l'a démontré déjà si tragiquement l'Histoire allemande. Que ce danger existe toujours, les attaques violentes de toute la droite contre le gouvernement S.P.D.-F.D.P. en témoignent. Bien que le N.P.D. ait perdu des partisans, le « Rechlskarlell )) (( carlel des droites))) compte encore toute une agglomération de groupes et de forces plus ou moins ouvertement néo-nazis qui ont, cependant, tendance à se regrouper dans la C.D. U.-C.S. U. Des slogans comme : « Brandt au mur! », « Balayez l'ordure rouge! » ou « Pendez les traîtres! », la terreur ouverte, les actes criminels prouvent s'il en était besoin, le caractère fasciste de l'Aktion Widerstand (Action résistance) et des autres organisations d'extrême-droite. Afin que ces forces ne se dispersent pas, la C.D.U., et particulièrement sa branche bavaroise, la C.S.U., servent de plus en plus de structure d'accueil à toute l'opposition de droite. Franz Josef Strauss, président de la C.S.U., secondé par le puissant cartel de presse Springer, ne dissimule guère son mépris pour une politique de coexistence pacifique et sa haine des institutions démocratiques. Seule l'unité la plus large des forces démocratiques peut permettre d'éviter un retour de la droite au gouvernement ouest-allemand, une résurgence de groupes néo-nazis prêts à tout pour faire éclater leurs nostalgies et leurs haines. Dagmar T ANEK. 9 Distribution : Sangêne - Merci NS. BouIy, 71, rue de Provence, Paris-9' - Tél. : 744-{i7-S9. 10 LE PAVILLON Roger Maria Editeur 5, rue Rollin - 75005 PARIS - Tél. : 326-84-29 C.C.P. Paris 10.865-02 • Albert Norden : LE SECRET DES GUERRES. Genèse et techniques de l'agression. Préface de l'abbé Jean Boulier. -.. _ . .. . . _ . . . . . . . . . . 33,00 F • Dr Bernard Muldworf : LIBERTÉ SEXUELLE ET NÉCESSITÉS PSyCHOLOGIQUES. .. .. . 10,O~ F • Dr Janine Neboit-Mombet : QUI ÉTAIT LE MARQUIS DE SADE 7 Préface d'Hubert Juin. 21 ,00 F • André Sève, avec la collaboration de Maurice Agulhon et Lucien Sève : PERSPECTIVE DE L'HISTOIRE. Chronologie graphique - Précis d'Histoire de la Civilisation. Préface de Jean Bruhat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20,00 F • Gilette Ziegler: AMOURS, COMPLOTS ET RÉVOLUTIONS. 21 chroniques de l'Histoire de France. Préface d'Alain Decaux . . . . . . . . . . . . 20,00 F • Jérôme Favard et Jean Rocchi : SCANDALES A L'O.R.T.F. 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Magasins ouverts tous les lundis GANTS - TETINES BOL~""" Chez votre pharmacien Programme commun et racisme Parmi les mesures contenues dans le Programme commun de gouvernement de la gauche, signalons succinctement celles qui sont relatives au racisme : 1 r. partie, 1 : « Le plan prévoira le nombre de travailleurs immigrés accueillis chaque année afin de définir les mesures économiques et sociales à prendre. Les travailleurs immigrés bénéficieront des mêmes droits que les travailleurs français. La loi garantira leurs droits politiques, sociaux et syndicaux ». 38 partie, 1 : « La liberté de conscience et des cultes sera garantie ( ... )). « Les discriminations raciales et antisémites et leurs expressions seront interdites et réprimées par la loi». 48 partie, Il : « Renonciation à la force de frappe nucléaire stratégique sous quelque forme que ce soit». « Cessation de toute vente d'armes et matériels de guerre aux gouvernements colonialistes, racistes ou fascistes (Afrique du Sud, PortuÇlal. Espagne, Grèce)). V : « ( ... ) pour le retrait total des forces américaines [du Viêt-nam] ( ... )). « [Le gouvernement] s'efforcera de contribuer au rétablissement de la paix et de la sécurité au Proche-Orient, dans le respect du droit à l'existence età la souveraineté de tous les Etats de la région, notamment de l'Etat d'Israël, ainsi que des droi!s nationaux du peuple de Palestine. " fondera son activité en ce sens sur la résolution du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967». VI : « Le gouvernement reconnaîtra le droit à l'autodétermination des peuples des D.O.M. et des T.O.M. ( ... )) (suivent des précisions sur ce point). VII : « [La France] appliquera les décisions internationales prises à l'encontre des gouvernements colonialistes et racistes d'Afrique du Sud et de Rhodésie». Camps de concentration en Ouganda La décision d'Amin d'expulser les Asiatiques d'Ouganda est à la fois raciste et complètement inefficace pour relever le pays de l'état de sous-développement où il se trouve. Elle pose en outre de graves problèmes humains pour ces dizaines de milliers d'Asiatiques qui doivent tout quitter et se retrouvent soit officiellement, soit pratiquement, sans patrie. La situation semble' même s'empirer : d'après le quotidien La Croix, les Indiens et Pakistanais de l'Ouganda ont à endurer toutes sortes de brimades et ne peuvent obtenir que difficilement leurs visas d'émigration. Toujours d'après ce même journal, des camps de concentration seraient déjà prêts, le délai d'expulsion expirant le 7 novembre. En outre, Enoch Powell et ses partisans, qui représentent une fraction importante du Parti Conservateur britannique ont lancé une campagne raciste de plus contre l'entrée d'Asiatiques en Grande-Bretagne. DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 Nous avons reçu la photo ci-dessus d'un correspondant belge. Il s'agit de l'entrée d'un dancing de Lievin, ville où résident de nombreux travailleurs mineurs nord-africains. lIOn a peine à imaginer qu'en 1972, des individus du type de ce patron de dancing puissent encore avoir le droit de telles choses Il, commente notre ami. Le racisme existe aussi chez certains noirs; qui songe à le nier? Mais comme l'a dit le président Nyerere : l'Afrique entière n'est pas responsable des crimes de tel ou tel chef d'Etat africain et de ses acolytes. Amin, qui expulse les Indiens, qui sacrifie l'économie de son pays, qui provoaue des incidents frontaliers, est un chef de gang et un criminel, mais Vorster ou les extrémistes de droite français et anglais (qui feignent de s'indiçtner) ne valent pas mieux. Chili : le chaos de la réaction Sur injonction de leurs directions, les membres du Parti démocrate chrétien, du Parti national et du mouvement d'extrême-droite « Patrie et liberté» sont passés, depuis peu, « des paroles aux actes» ! Alors que les premiers organisent un savant marasme économique en coupant le ravitaillement - « grève» des transporteurs, « grève» des commerçants - les derniers fomentent provocations sur provocations s'attaquant même, comme le rapporte « Le Monde» du 18 octobre, à un ioaillier de Santiago qui avait la double tare d'être juif et de gauche» ! Dans le même temps, le Chili, coupable d'avoir nationalisé ses ressources naturelles pour échapper aux tutelles étrangères est d'objet de pressions économiques ouvertes. " y a la saisie sur le cuivre chilien , demandée par la « Kenvecott» et ordonnée par un tribunal. .. français. " y a le refus de la « Banque mondiale », - plus ou moins manipulée par les U.S.A. - d'accorder un prêt au gouvernement chilien. " y a ces complots montés par l'obscure et puissante C.I.A., avec l'aide de trusts surpuissants (I.T.T.). " y a ... une vaste tentative d'étouffement économique du Chili, qui reviendrait, si elle réussissait, à détruire l'espoir mis par le peuple chilien en l'Unité populaire pour assurer sa libération . Le président Allende , la Centrale unique des travailleurs et tous les partis de l'Unité populaire ont lancé de multiples avertissements, ont demandé la mobilisation des masses pour faire 11 échec à la sédition, pour éviter la paralysie économique et celle du système de communications . Un appel solennel a été diffusé: qu'ils agissent de l'intérieur ou de l'extérieur, tous ceux qui ne respecteront pas les décisions de la majorité du peuple chilien devront rendre des comptes. O.A.S. : la continuité Marseille, jeudi 3 octobre: Jean-Jacques Susini, ex-dirigeant de l'O .A.S., ex-éminence grise de Salan , est arrêté . Motif: il aurait trempé dans l'assassinat de Raymond Gorel , ex-trésorier de l'O .A.S . (( Cimeterre» pour ses amis) . Sinistre suite à une dramatique aventure, mais suite qui ne manque pas de logique , si l'on y réfléchit. Car les méthodes de l'O.A.S . - crimes , terreur, chantage, vols - exigeaient des hommes prêts à tout. Susini, à son procès , ne s'était-il pas proclamé « un national-socialiste» ? Se « reconvertir» en gangster ne représentait pas pour lui et ses acolytes une transformation radicale de ses activités . La paix venue , l'indépendance de l'Algérie, le gang se scinda , des rivalités surgirent, avec ce qui s'ensuit : poursuites infernales, règlements de comptes", Gorel détenteur du « trésor» , fruit à la fois de vols et de dons volontaires, a laissé sa vie dans cette bataille pour le partage du butin . Lettre ouverte contre l'apartheid 333 pasteurs et professeurs de théologie et 1 02 laïcs appartenant aux Eglises rattachées à la Fédération protestante de France , viennent d'adresser une lettre ouverte aux représentants des sociétés huguenotes d'Afrique du Sud venant célébrer en France le souvenir des huguenots. Ce texte exprime l'angoisse de nombreux chrétiens devant l'apartheid en Afrique du Sud, et leur solidarité avec ceux qui combattent ce système inhumain. En voici un bref extrait : « Nous avons appris que vous venez en France pour célébrer le souvenir des huguenots qui, en XVIIe siècle, furent persécutés pour avoir préféré « obéir à Dieu qu'aux hommes». « Nous sommes troublés cependant de penser que les Eglises réformées auxquelles vous appartenez sont actuellement divisées sur une base raciale , et qu'elles apportent un soutien théologique à la thèse « chrétienne-nationale» d'une « mission» de la minorité blanche sud-africaine , mission de tutelle et de domination , imposée à vos compatriotes de couleur. Cette conception de la « mission nationale» d'une minorité raciale ne nous paraît pas seulement une erreur politique et une faute morale : il est très grave qu'elle se couvre d'une interprétation religieuse qui en fait , à nos yeux , une perversion de la foi chrétienne aut hentique. » « Nous ne faisons, en cela , que redire ce que 78 théologiens de votre pays ont dit, en 1968, à leurs compatriotes, en déclarant solennellement l'incompatibilité de l'apartheid et de la foi chrétienne ... » « Hors de l'écoute de la Parole de Dieu , et de l'obéissance de la foi, telle que nous la discernons aujourd'hui chez la minorité chrétienne persécutée d'Afrique du Sud, toute célébration des témoins exilés, persécutés, accusés de « subversion » que furent les huguenots, n'est à nos yeux que dérision et .. balayure ". » Les évêques et la situation des immigrés Les deux evêques de Montpellier ont publié une « lettre pastorale» à l'occasion des vendanges. Ils insistent sur les devoirs des « Héraultais » à l'égard des saisonniers espagnols (plus de 30000) . CI Il faut ... élargir le dialogue, créer un courant d'amitié entre 12 les personnes et les peuples. Que tous ... fassent preuve d'imagination et de créativité. Il Ils rappellent que Il la première forme de la charité fraternelle réside dans l'exercice de la justice Il. Ils affirment que si un net progrès a été réaliSé pour le logement, CI il reste beaucoup à faire dans le domaine de l'hygiène et des conditions sanitaires Il. Et terminent ainsi : CI Par-dessus les frontières et par-delà les ethnies, travaillons à créer une même communauté humaine, oeuvrons pour l'union entre les peuples et la paix du monde Il. L'évêque d'Ajaccio , de son côté , également dans une « lettre pastorale 1), attire l'attention des catholiques de Corso sur la présence dans leur île de musulmans étrangers qui constituent maintenant 8 % de la population. Aux statistiques officielles de fin 1971 , il y aurait en Corse 19 500 musulmans, soit 17.487 Marocains, 1 025 Tunisiens, près de 900 Algériens et 82 Turcs . Ceci non compris les immigrations saisonnières (vendanges et récoltes de fru its) ou clandestins, ni les deux villages de harkis. L'évêque en conclut que CI la Corse est devenue un des lieux ou l'Islam et le christianisme peuvent se rencontrer en un dialogue fécond Il. Il réclame de ses diocésains une attitude d'accueil fraternel qui CI retentisse sur l'ensemble de leurs comportements Il. Bien des catholiques « traditionnels » sont encore fort étonnés de tous ces gestes de compréhension amicale et d'accueil, et qui sont pourtant dans la droite ligne de l'esprit évangélique , si souvent bafoué au cours des siècles d'intolérance . - Au secours! Le Code de la nationalité L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, le 11 octobre, un projet de loi complétant et modifiant le Code de la nationalité française. Dans l'ensemble, ce projet est un pas en avant: il assouplit les conditions d'acquisition et de répudiation de la nationalité française. Il introduit de nouvelles possibi lités tenant à la naissance , la filiation , le mariage. Désormais, un individu ayant acquis la nationalité fran çaise jouit des mêmes droits que le citoyen français, à dater du jour de l'acquisition - à une exception près : s'il peut être électeur, il lui faudra attendre 10 ans pour être éligible et 5 ans pour accéder à la fonction publique . Enfin , la règle de la double nat ionalité a été adoptée DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 en Statisticiens, sociologues, journalistes, photographes en font souvent l'objet de leurs enquêtes ... Oue l'on parle d' cc habitations de fortune Il, de cc bidonvilles Il ou de cc micro-bidonvilles Il, chiffres, descriptions, reportages abondent. Mais il est rare que les victimes de ce mode particulier de cc logement Il puissent faire savoir euxmêmes ce que sont leurs infâmes conditions d'existence. Pourtant, lorsqu'il se trouve un auditeur pour enregistrer leur témoignage, .Ie document prend une extraordinaire intensité. Il crie le quotidien fait de poussière et de boue, de misère et d'angoisse, d'humiliations et de révolte contenue. Il exprime aussi l'espoir, la volonté de changement. En clair, il accuse. Certes, des bidonvilles disparaissent, en fonction des impératifs de l'urbanisme et de la lutte menée pour améliorer l'habitat des immigrés; lutte de ces derniers, mais aussi des populations voisines indignées de l'existence de ces ghettos inhumains; lutte des municipalités concernées, des syndicats, des associations telles que le M.R.A.P. Mais à la destruction devrait correspondre la construction de logements décents en nombre suffisant. Il n'en est rien. Les habitants chassés des baraq'ues disloquées se regroupent alors plus ou moins loin, dans des cc micro-bidonvilles Il; d'autres îlots poussent à proximité des zones industrielles; ailleurs, ce sont les cc bidonvilles verticaux Il, immeubles vétustes surpeuplés, qui pullulent. En fin de compte, les efforts des pouvoirs publics ne font guère reculer cette plaie, cet aspect particulièrement cruel de la crise générale du logement en France. Ce drame vécu, il apparaît à chaque page du livre de Monique Hervo et Marie-Ange Charras, cc Bidonvilles Il, (Ed. Maspéro), dont l'essentiel est fait de la simple reproduction de témoignages recueillis à la source. Alain Gaussel en a extrait un certain nombre (1), montage qui constitue notre dossier de ce mois. (1) Texte paru également dans « Dossiers pour notre temps». 13 ~I~e en bldon~lI'e La peur du feu ... E COUTONS d'abord la petite Yasmina qui, en quelques mots, évoque tout un climat : « - J'aimerais aller en bâtiment car j'aurais une chambre toute seule; je sérais bien propre et je dormirais tranquille parce qu'il n'y a pas de feu comme ici. Dans La Folie (1), il y a toujours le feu. Une fois, dans la nuit, il y a eu le feu, et je ne pouvais même pas me lever; on aurait dit que j'avais de « l'eau dans mes pieds» tellement j'avais peur. Il y avait des monsieurs qui criaient et un qui était monté sur notre baraque. Ici, j'ai peur, beaucoup. J'aimerais bien loger dans le bâtiment parce que c'est bien propre; et puis aussi parce qu'ici, pour le W.C., il faut aller dans une boîte, c'est pas comme dans le logement, où on va aux cabinets. Et pour chercher l'eau, il y a des fois où des Arabes, quand ils me rencontrent, poussent le carrosse avec moi parce que je n'y arrive pas: c'est dur parce que ce n'est pas comme un chemin où tu vas au robinet et voilà, tu ouvres, tu cherches de l'eau et puis tu reviens... Alors, est-ce que tu sais quel jour on va avoir le logement? » Dans un bidonville de Villeneuve-le-Roi le feu est passé par là ... (1) L'un des bidonvilles de Nanterre, actuellement rasé. 14 Le feu, au bidonville, ce n'est pas une peur de gosse, c'est le quotidien, l'angoisse permanente : « - Il Y en a partout, à droite, à gauche, de tous les côtés, et s'il y a le feu, je ramasse les enfants et ma femme et je laisse tout : il faut partir. Comme ce monsieur qui a perdu trois enfants: je pense toujours à lui, et c'est pas une fois par mois mais tous les jours, tous les matins, et je crois que s'il y avait le feu comme ça, moi aussi je perdrais toute la famille! Je fais toujours atten tion, mais qu'est-ce que je peux faire si ça brûle, avec les enfants? J'en sauve un ou j'en sauve deux, ou j'en sauve trois ... Combien je vais pouvoir en sauver? » Une « rue » ... « - Si je m'en vais dans un magasin et que je vois des choses qui me plaisent, je voudrais bien les acheter, mais je ne peux pas les mettre dans La Folie, parce que La Folie, pour nous, c'est comme si ça n'existait pas à cause du feu: on a toujours peur de brûler». « J'ai peur du leu depuis le matin quand je sors jusqu'au soir quand je rentre chez moi. Si ça arrive, le feu, derrière moi, je . sortirai comme ça : je n'ai même pas mes affaires. Le matin, je prends avec moi seulement mon passeport et tous mes papiers. Ah oui! que j'ai peur du feu malgré qu'on fasse attention! Quelquefois, on couche même avec nos vêtements, je ne retire pas mes affaires et je couche comme ça à cause du feu. La nuit, s'il arrivait quelque chose, on brûlerait! C'est mieux qu'on couche avec nos affaires, comme ça si le feu arrivait la nuit, on sortirait et on parti rait tout de suite.» « - Je ne peux pas laisser la lampe à essence à mes enfants quand je n'y suis pas: je ne l'allume pas, je cache l'essence, je cache tout parce que j'ai peur qu'ils fassent des bêtises; même avec la bougie, je ne suis pas tranquille. Au travail, ou quand je vais faire une course, je vous assure que je pense toujours au feu. D'abord, j'ai dit à ma fille, la plus grande, qui a treize ans : « Si tu vois le feu dehors ou dedans, tu n'as besoin de rien prendre, rien que tes frères et soeurs, c'est tout. » Et je lui redis ça tous les jours. Des fois je sors le matin, je vous assure, je vais jusque là-bas au coin et je retourne jusque dedans pour regarder si je n'ai pas laissé la bougie allumée, je regarde encore une fois partout, et alors là, je ressors. J'ai peur parce que s'il arrive un feu et puis qu'ils dorment, après ... » « - Toujours, je pense au feu: par exemple, je ne peux pas dormir bien. Chaque jour~ je dors trois heures et je vais dehors parce que j'ai peur qu'il y ait des voisins qui aient oublié les bougies; s'ils les mettent à côté des cartons, le feu s'allume, alors tout le quartier va brûler. Je ne dors pas tranquille parce que chaque fois ça arrive comme ça. Déjà, une fois, les baraques, chez nous au bidonville, ont brûlé et il y a eu trois enfants qui sont morts là-dedans . C'est à cause de ça que je ne peux pas dormir bien, parce que je pense toujours : « Et si je brûlais! » Je ne sais pas si c'est moi qui pense comme ça pour le feu, mais je crois que tout le monde ici pense « avec ça ». « - On a toujours peur du feu, surtout l'hiver avec les poêles, et depuis le matin jusqu'au soir, mon coeur n'est pas à sa place. Parce que je pense toujours que si ça ne vient pas de chez moi, ça :vient de chez l'autre; si ça ne vient pas de chez l'autre, ça vient de chez l'autre encore et jusqu'au soir quand je descends du train, je suis en train de penser à ça, jusqu'à ce que j'arrive là. Et quand je vois que ça va, alors mon coeur commence à aller un peu mieux. Sans ça, toute la journée, je n'ai goût de rien, je ne suis pas dans la vie, quoi ! » « - On a toujours peur du feu et c'est ça que moi je voulais te dire. Chaque fois que je vais au travail, je pense: « Ce soir, est-ce que je trouverai la baraque à sa place, ou bien rien du tout? » Parce que ça m'est déjà arrivé une fois: quand je suis rentré le soir, je n'ai plus rien trouvé du tout! Et L'eau •• Mais l'eau, au bidonville, c'est comme le feu, une obsession : « - C'est trop difficile : vous savez, ici on cherche de l'eau avec les charrettes, il faut les tirer et puis c'est loin aussi de l'eau. Des fois, on trouve à peu près vingt personnes ; des fois trente, des fois cinq, six; ça dépend des jours. Mais le plus souvent, ça arrive qu'il y ait trente gars. J'y vais le soir quand j'ai fini mon travail : je rentre, je prends ma petite « voiture» et je vais chercher de l'eau. Alors, naturellement, il y a beaucoup de gens; c'est normal parce qu'ils rentrent tous vers six heures, six heures et demie. Mais même maintenant (il est 21 heures), si vous allez regarder la fontaine, vous la trouverez toujours pleine. On attend des fois une heure, une heure et demie et à minuit, il y en a encore qui vont chercher de l'eau. Je vous dis bien à minuit ou une heure du « soir» : tu en vois et c'est normal parce qu'ils ne peuvent pas en chercher à un autre moment quand ils travaillent en équipe. « Et si je suis malade, je pense que je ne vais pas à l'hôpital jusqu'à temps que je m'en vais au cimetière, direct. Je ne peux pas aller à l'hôpital parce que si je laisse mes gosses, ma femme ne peut pas aller chercher l'eau. Comment voulez-vous qu'elle fasse? Elle ne peut pas laisser trois gosses et aller à la fontaine! Ça, c'est impossible à cause du feu. » « - Chaque fois que le patron me dit : « Tu vas aller sur un chantier en dehors de Paris », alors, à cause de la flotte, je dis : « Non, Monsieur, je ne peux pas parce que je n'ai pas de flotte à la maison, et c'est moi qui dois chercher la flotte pour que les enfants puissent vivre». Même pour aller à Paris, pour voir les amis, ou pour aller, moi tout seul, en vacances au Maroc, je ne peux pas y aller à cause de la flotte parce que, dans la maison, il n'y a personne qui peut aller chercher l'eau. La flotte est trop loin; c'est pas à côté de nous, tu comprends ! Si c'était à côté de nous, même les enfants iraient chercher la flotte, même ma femme, mais c'est trop loin pour eux. Il faut une demi-heure, trois quarts DROIT ET LIBERTÉ - N° 315'- NOVEMBRE 1972 quand je travaille la nuit, comme le chan tier n'est pas loin de La Folie, des fois je sors pour regarder s'il n'y a pas le feu au bidonville ... Ma parole, c'est vrai, je ne suis pas tranquille et je sors de mon travail pour regarder s'il n'y a pas le feu au bidonville. Et ici, à chaque fois qu'il y a des pompiers qui klaxonnent, on est obligé de sortir de la baraque pour regarder. Même si on est couché, il faut qu'on sorte pour voir ce qui se passe.» Qu'est-ce qui est plus fort que lefeu, dit la devinette populaire, c'est l'eau : « - Quand il n'y a pas d'eau à la maison, je suis aveugle, je ne vois rien, je ne comprends rien, parce que, surtout à La Folie, quand j'allume une allumette, si le feu prend avec de l'eau à la maison, je peux me débrouiller, mais si je n'ai pas d'eau, c'est compliqué. C'est pour ça que je ne peux pas rester, ni la nuit, ni le jour, sans eau. Et quand. il n'yen a pas, il n'y a rien à faire, je suis obligé d'y aller et de remplir tous mes bidons. Après que je les ai remplis, je suis contente.» une obsession d'heure, une heure si tu attends, pour chercher un bidon de flotte. C'est pour ça que c'est difficile et qu'il n'y a pas de moyens que je parte, même un jour! » Mais, comme s'il ne sujJisait pas de la menace du feu, de l'esclavage physique des corvées de l'eau, voici qu'intervient le regard des autres: « - Quand ma femme me dit : « Tu vas chercher de l'eau», moi j'aime les prisons mieux que ça, ma parole! J'aime la prison mieux que de chercher de l'eau parce que tu pousses la charrette devant tout le monde qui te regarde! » Une honte qui pourtant devrait être la honte des autres : « - Les gens qui ont tout ce qu'il faut chez eux ne comprennent pas et ne se Un camp de tôles rouillées (Orly) ~~ .............. ..:. rendent pas compte de ce que c'est que de ne pas avoir d'eau. Alors, eux, au lieu de dire : « les pauvres», ils vous regardent d'un air! L'air de dire : « Ah ! forcément, ce sont des Algériens! » ou « Ah ! celle-là c'est une putain, elle vit avec les Arabes ». Moi, je vous jure, je n'irai plus à la fontaine. Avant j'y allais parce que c'était rue de la Garenne et qu'il n'y avait pas de maisons, qu'il n'y avait rien, pas de Français, et que c'était des musulmans comme nous qui ètaient là. Tout le monde connaissait la misère et on était tous pareils. Mais rue de Chevreuil, jamais j'irai. D'abord, je ne pourrai plus maintenant car je suis trop fatigué, mais quand même je n'irai pas parce que c'est honteux. Mon Dieu! Pourtant c'est pas honteux! Pourquoi avoir honte alors que, justement, nous luttons pour tenir le mieux possible? C'est la misère du logement et c'est plutôt honteux pour les gens, pour tous ceux qui nous laissent comme ça. Mais' eux ne pensent pas ça, au contraire! Ils disent que c'est de notre faute.» Mais les autres qui regardent, ils regardent sans savoir, ils regardent sans comprendre: « - Les gens qui ne connaissent pas le bidonville parlent mal de nous; parce qu'ils sont dans un bâtiment ou dans un H.L.M., des fois ils se moquent même de nous. Mais eux, ils ne peuvent pas vivre, comme nous ici dans un bidonville, parce que je ne dirai pas qu'ils ne sont pas capables ou qu'ils ne sont pas des êtres humains, je n'en sais rien, mais pour vivre dans un cabanon comme ça, il faut vraiment être courageux; il faut vraiment avoir du courage! Vous voyez, par exemple, pour moi et pour ma femme même, on a toujours honte quand on a de la visite. Quand il vient quelqu'un chez nous, on est toujours gêné, toujours emmerdé parce qu'on est dans un bidonville et qu'on n'a aucune chose de valeur qui peut être présentée à ces invités. On a des vieilles valises parce que d'ailleurs, c'est bon pour le bidonville; et puis, on ne peut pas acheter, parce que c'est du gaspillage. C'est-à-dire qu'on a honte, forcément, oui, parce qu'on est dans un bidonville ... Mais au fond. non, je n'ai pas honte du 15 tout parce que ce n'est pas de ma faute, et d'ailleurs il n'y a pas que moi. J'ai essayé, j'ai fait toutes les démarches, j'ai demandé partout, j'ai fait tout mon possible mais je n'ai jamais eu de réponse, alors ça ne me fait plus de la honte. Au fond,je suis dégagé définitivement de ça parce que je sais que, si je suis toujours dans un bidonville, même si quelqu'un me demande pourquoi, ou que je vois quelqu'un qui me regarde, je sais quoi répondre: « Ce n'est pas de ma faute ». « - C'est pas tout à fait du racisme, mais ces gens-là qui nous critiquent, ils croient qu'on n'a aucune valeur parce qu'on habite dans un bidonville. Le gars qui habite dans un bidonville, il n'a pas de valeur devant eux. Mais pour moi, ces g('ns-là, je dis, et je peux vraiment vous l'affirmer, c'est des ignorants; parce que s'ils sont vraiment intelligents, ils penseront : c'est un être humain comme les autres, qu'il habite au bidonville ou ailleurs, c'est toujours pareil. Je vous dis pas « tous », mais il y en a quelques-uns qui croient que si on habite dans le bidonville, c'est fini, on ne comprend rien, on ne sait rien, on est des bêtes. D'après moi, et je ne vous dis pas que je suis intelligent, celui qui dit toujours ça, et bien c'est lui qui est bête et c'est lui qui est ignorant! D'ailleurs, c'est pas moi, qui ai fait le bidonville: ils sont gênés de l'avoir chez eux, ils n'ont qu'à s'adresser au gouvernement pour que le bidonville soit rasè. Une fois, j'ai été à la mairie, j'ai vu une demoiselle pour faire mes cartes de soin : « Oh ! C'est le bidonville! Toujours pareil ! - Ah! Oui, je dis, on est du bidonville. Mais vous, qu'est-ce que vous faites ici? Vous travaille?:? Eh bien, c'est moi qui vous paye ;' en fait, c'est pas moi qui vous paye, d'accord, mais c'est moi qui vous fais du travail et vous, vous touchez votre paye à la fin du mois, vous passez à la caisse; et moi, je viens ici, je vous apporte les papiers pour me les faire parce que j'habite dans un bidonville. » « - Et regardez comment les gens sont! On n'a rien, on n'a pas le plaisir d'avoir un beau logement, on n'a le plaisir de rien, mais on peut se permettre d'avoir une voiture d'occasion puisque, avec le prix d'une voiture, on n'a pas un logement : alors, les gens, qu'est-ce qu'ils disent? « Ah! Ils ont de belles voitures! Ils feraient mieux d'acheter un logement que d'habiter là, dans leurs baraques.» Ils ne se rendent pas compte qu'avec le prix d'une voiture, on ne peut pas obtenir un logement, qu'on n'a pas une maison. On n'a que ce seul plaisir, alors on le prend. Mais les gens ne disent pas : « Au moins, ils ont ça comme plaisir! » au contraire, ils nous critiquent.» « - Au moins, le dimanche, on va très loin du bidonville, ça nous fait changer de vie. On emmène les gosses et on va loin ... On s'évade un peu, voilà. - Et quand on va beaucoup plus loin, on a l'impression d'être comme tout le monde : là, ça y est, on est comme tout le monde, on se sent sauvé, on croit qu'on est sauvé. - Oui, on a un soulagement. - C'est vrai, ça nous fait quelque chose. Au moins, les gens, quand ils me regardent, ne pensent pas que je suis du bidonville, tandis qu'ici : « Oh! C'est des gens des bidonvilles, c'est des sauvages, c'est des « cloches» qui ne sont capables de rien faire.» Le regard des autres Et s'ils regardent les chaussures, ils ne savent pas : « - C'est vrai, on cire les chaussures pour qu'elles soient bien propres, mais elles sont quand même toujours tachées. Moi par exemple, j'aime bien avoir mes souliers convenables quand je rencontre des Françaises parce que tu sais, ceux qui ne sont pas du bidonville, ils regardent toujours nos chaussures. J'ai tout le temps l'impression qu'on regarde mes chaussures et tu vois, j'ai honte quand elles sont pleines de boue : pourtant je fais tout mon possible pour qu'elles ne soient pas pleines de terre, mais il y a toujours de la boue. On arrive à l'herbe et on commence à essuyer les chaussures avec, et puis des fois on prend des chiffons avec nous pour les frotter quand on est sorti du bidonville. Il y en a qui prennent même des godasses de rechange : les messieurs qui travaillent les prennent dans leur sac; ils traversent le bidonville et après, ils mettent les chaussures sales dans le sac et prennent les autres qui sont bien, pour aller à Paris. Moi, j'aimerais bien avoir tout le temps mes souliers propres mais comme' ils sont toujours sales, j'ai honte parce que, quand on vous voit, on ne regarde que vos chaussures et ça, c'est vrai. » Et quand le passant, regardant les baraques vétustes, accuse peut-être .l'insouciance des habitants qui pou"aient au moins les entretenir, sait-il la vérité? « - On voudrait bien arranger proprement, mais on a peur parce que si les agents viennent, ils vont tout casser, alors on ne 16 veut pas, on a trop peur. Il n'y a rien à faire, on n'a pas le droit. S'ils nous trouvent en train d'arranger ou d'agrandir un tout petit peu, enfin de faire propre ou bien de mettre une petite' fenêtre, ou même qu'ils ne trouvent que du ciment ou des carreaux de plâtre dans la cour, ils nous cassent tout. C'est pour ça qu'on a beaucoup peur : on n'a pas le droit de rien faire, pas moyen. Ils ne nous laissent pas, autrement on arrangerait très bien, on nettoierait pour que ce soit bien propre, on ferait les murs avec les carreaux de plâtre et on mettrait la peinture, tandis qu'on a peur qu'ils nous cassent la baraque, alors, on laisse comme ça, il vaut mieux. Moi, c'est en cachette que j'arrange, autrement je ne pourrais pas : j'ai mis les carreaux de plâtre par-dedans et contre le bois, comme ça à l'extérieur, pour la police, la baraque était toujours en bois comme avant. » Le logement des migrants Il 3.3 % des étrangers vivent en bidonville proprement dit et 9.5 % en chambres meublées que l'on peut pour la plupart qualifier de bidonvilles verticaux (soit un total d'environ 400000 personnes à l'heure actuelle).)1 Il Certaines nationalités sont particulièrement défavorisées. notamment les Portugais et les Algériens. Parmi ces derniers. 55.1 % seulement. au lieu de 97 % des Français. vivent dans des logements dits Il ordinaires )1 et 32 % au lieu de 1.3 % en chambres meublées. en hôtels ou en garnis.)I CI ••• Outre les 3.3 % vivant en bidonvilles ou assimilés et I~ 9.5 % en chambres meublées ou en garnis. 7.5 % des étrangers vivent dans des logements dits CI ordinaires Il qui n'ont même pas l'eau courante. Cela signifie que plus de 20 % de la population étrangère. soit plus de 650 000 personnes. vit dans des taudis et que pour certaines nationalités le pourcentage est plus élevé.)I Il En effet. si on étudie simplement les 386 160 Il ménages)l (au sens I.N.S.E.E.l d' Algériens. Espagnols. Portugais recensés en 1968. 5.2 % vivent en bidonvilles ou équivalents. 14.7 % en chambres meublées ou hôtels garnis et près de 10 % sont en logements CI ordinaires)l sans eau. Ainsi. 30 % environ des étrangers de ces nationalités vivent dans des logements CI mauvais)) par nature. Il Il 56.8 % des étrangers vivent en état de surpeuplement et 26.8 % de façon critique. La proportion atteint 78.3 % pour les Marocains. 77.5 % pour les Portugais. 76.9 % pour les Tunisiens. 70.8 % pour les Yougoslaves et 65.9 % pour les Turcs.)I « Hommes et Migrations», n° 117 : « Les mal-logés».

La police détruit tout

« - Si j'arrange encore, la police va passer et ils vont à nouveau démolir! Pourquoi casser des baraques? Je n'ai pas la tête pour comprendre la « vérité» de La Folie, j'en ai marre. » « - Et puis, quand il pleut, ça coule partout dans la pièce, surtout chez moi... regarde. Mais pour monter sur le toit pour arranger, je ne peux pas, j'ai peur de la police; s'ils me trouvent là-haut, ils vont me le démolir. Même le toit, je ne peux pas l'arranger et je ne peux rien dire. Ils ne nous logent pas mais ils ne veulent pas nous laisser faire, je ne comprends pas. » « - Si je monte une baraque, je vais dépenser des sous, peut-être 200000 ou 300000 F, et après-demain la police va venir et démolir, alors c'est pas la peine. On est « coincés». Même pour faire des .waters, et la police m'a dit: « Non, attention

si tu fais les waters, on va tout

démolir ». Oui, pour les cabinets, les waters, même pour ça, ils m'ont dit non! » « - Ah! Mais vous n'avez pas le droit de toucher à ça ! Toutes les fois que je vais demander à la police, ils me disent: « Non, pas le droit.» Je me demande toujours : « Mais pourquoi?» et ils me répondent : « Il n'y a pas le droit», alors nous, on' reste comme ça ... « ~es rats habitent en haut sur le toit, au « premier étage» et moi j'habite en bas à la cave parce qu'eux, ils ont le droit! Ils sont montés au « premier étage », mais nous on n'a pas le droit parce que ce monsieurlà, l'agent de police, m'a dit : « VOU)) n'avez pas le droit»; mais les rats, vous, vous avez le droit. » « - On n'a pas le droit. Moi, j'ai mis trois ou quatre planches en dessous de la porte pour que l'eau du chemin ne rentre pas par la porte, mais la police est venue et ils les ont arrachées. Mais la police ne vient pas ici' sans ordre, il faut qu'il y ait un ordre; elle ne vient pas au bidonville individuellement

c'est un ordre donné par le

Gouvernement. Pourtant moi, je ne suis pas un nouveau, j'habite ici depuis quatre ans et demi.» « - C'est exactement comme sion était des gangsters! Il Y a un gars qui habitait tout près de la route et une voiture est entrée dans sa baraque et l'a arrachée, alors il est allé au commissariat pour faire faire un papier comme quoi il avait le droit de l'arranger. La police est venue pour voir si c'était bien un accident de voiture. Après, il a remonté sa baraque mais, bien sûr, comme celle qu'il avait avant était trop petite pour lui, il l'a prolongée de 50 cm ! Mais une fois qu'elle a été finie, quand hi police est revenue, ils ont mesuré et ils ont trouvé 50 cm de plus, alors ils ont démoli la DROIT ET LIBERTÉ - W 315 - NOVEMBRE 1972 baraque et lui ont dit: « Maintenant tu n'as qu'à la refaire encore une fois. » « - On n'a pas le droit; autrefois, c'était pareil, mais maintenant, c'est interdit, interdit. » Donnons juste un instant la parole aux auteurs de l'enquête : « - Que peuvent penser, par exemple, les femmes de La Folie à qui est arrivée la mésaventure suivante : parmi les anciennes familles, certaines, dans leur cour, prenaient grand soin de faire pousser quelques lègumes, n'oubliaient jamais d'y réserver un carrè pour les fleurs. Elles étaient naturellement fières de ces parcelles ornées de plusieurs variétés de fleurs. Or, la police vint anéantir toutes ces plantations. L'une de ces femmes recommença cependant à semer ses graines, mais l'équipe Z vint à plusieurs reprises saccager complètement son « jardin». Une Algérienne âgée, ayant planté, elle aussi, un magnifique carré Maurice Cantacuzène de lègumes, à l'abri de sa clôture à clairevoie, qui permettait à la police de vérifier aisément ce qui se faisait derrière, se vit tout piètiner avec l'explication que, derrière cette palissade, elle pouvait construire une baraque! Qui pourra vous expliquer comment cela peut aider à la résorption des bidonvilles? « - Un enfant ne peut pas, psychologiquement, se développer normalement dans un tel climat. Un petit Algérien de cinq ans nous a répondu un jour: « Papa n'est pas là il est parti chercher un bâtiment», et devant nos demandes d'explications, il h continué: « Je ne veux pas que papa achète une maison, tu sais bien, les maisons on les casse, le bâtiment on peut pas le casser. » Ce serait trop facile de citer bien d'autres propos d'un sens similaire entendus de la bouche de tout jeunes gosses. On pourrait èvoquer également le cas de très jeunes enfants qui refusent de sortir sans leur mère, de crainte de rencontrer les démo- Sur un chantier. 17 n~e en bidonville (( Si je " . , f ~,'"!'(~" En attendant les bulldozers, à Nanterre. lisseurs. Que tous les gosses du monde soient impressionnés par la police, c'est encore dans l'ordre normal des choses, mais là où cela devient particuliérement grave, c'est quand l'enfant rattache à cette impression diffuse une autorité pouvant être menaçante, tout un contexte réellement et concrétement menaçant: l'arracheclous ou la masse que ces hommes balancent négligemment au bout de leur bras, les enfants de ces bidonvilles ont déjà vu ce qu'ils pouvaient faire. Non seulement en marge des autres enfants par leur mode d'habitat, ils grandissent en outre dans une atmosphére telle qu'elle privilégie avec évidence les rapports de force et de violence. Chez l'enfant encore plus que chez l'adulte, c'est donc un mal irréparable.» Non contents de démolir, les policiers: « - Ici, ils entrent comme ils veulent. Je sais bien qu'ils n'ont pas le droit, mais ils entrent quand même. Si j'ai fait quelque chose, d'accord; mais ici ils entrent dans la cour puis dans la maison. Pourquoi ça ? Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait? Si j'ai fait quelque chose, d'accord : « Tu as fait ça, tu as volé ça». Mais eux, ils entrent, ils s'en foutent : ils nous regardent comme des esclaves, c'est pareil. » Sur chacun des thèmes évoqués et sur quelques autres, il y aurait dans l'ouvrage « Bidonvilles» des dizaines de citations à recueillir qui se complètent ou, par leur répétition se reriforcent. Que choisir pour clore ce dossier ? 18 deviens L'argument économIque ? « - En 56, moi j'étais fort parce que je ne logeais pas ici, j'habitais bien et maintenant si j'ai attrapé la maladie, c'est à cause de la cabane; je ne l'ai pas attrapée ailleurs. Et regarde mes gosses comment ils sont? Par année, je dépense des 300 000 à 400000 F, rien que de médicaments pour les enfants avec le toubib, sans compter moi. Alors, au lieu de payer un loyer! Et fou )) ... Après le passage des démolisseurs puis, les gosses ne seraient pas tout le temps malades: ici je ne paye pas de loyer, mais je paye les médicaments et le médecin. Et la Sécurité Sociale va me rembourser tout ça : alors moi j'ai perdu, et la Sécurité Sociale c'est pareil. » Le prestige de la France : « - La Belgique, les Espagnols avec Franco, les Italiens qui sont à côté de la France, disent : « Regarde, les garçons qui 1--Contre les ghettos-----, Le relogement des travailleurs immigrés

un problème d'importance sur le

plan des relations inter-communautaires, qui peut donner lieu aux meilleures et aux pires réactions. A Chelles (Seine-et-Marne), les pouvoirs publics, à la suite de multiples protestations, se sont enfin résolus à détruire le bidonville dit des Coudreaux, et de reloger les immigrés intéressés dans un groupe d'immeubles, à eux seuls réservés. Manifestement, ce n'était pas là la meilleure solution : les risques qu'elle comporte sont faciles à délimiter. D'une part, danger de recréation d'un ghetto (( vertical Il, de manifestations d'hostilités de la part des habitants de la région souvent porteurs d'idéologie raciste, et élimination de toute possibilité de contacts humains, d'intégration des immigrés dans le tissu urbain et la vie sociale. D'autre part, asphyxie certaine de l'infrastructure sociale et scolaire, déjà notoirement insuffisante. , Il convenait donc de réagir, afin de prévenir : c'est là l'attitude adoptée par une majorité d'associations (dont le M.R.A.P.), d'organisations politiques de gauche, de syndicats, de représentants des habitants de la localité et de ceux du bidonville, Tous ont fait leurs les revendications des travailleurs immigrés : un logement décent, en H.l.M. ou autre, des moyens pour les écoles devant accueillir leurs enfants, etc. Dans un autre cas, à Houilles (Yvelines), une situation comparable donne lieu à d'autres réactions, ouvertement xénophobes celles-là. Les autorités préfectorales ont décidé de créer sur le territoire de cette commune une cité de transit, Un comité (( de défense Il des riverains de la future cité s'est créé. Ses mots d'ordre: (( Les étrangers envahissent votre pays, grèvent le budget communal au détriment des Français, apportent le désordre, menacent notre sécurité, etc. Il, Un quotidien local apporte sa caution à cette campagne (Le rr courrier républicain Il, 27-9-72). Des pétitions circulent, une manifestation est même organisée devant la mairie. Fort heureusement, plusieurs associations, dont le M.R.A.P., ont réagi, expliquant à la population que la (( concentration Il des immigrés dans un nouveau ghetto n'est certes pas une solution acceptable, mais qu'on ne saurait les rendre responsables de cette situation, et que, de toute façon, les calomnies répandues à leur égard sont indignes et relèvent de la propagande raciste. Une modification d~ projet a été suggérée

scission de la cité de transit en

deux ou trois unités disséminées dans la commune. Cette proposition semble recueillir une large approbation. sont en France habitent en bidonville, dans la baraque. » et ça, c'est mauvais pour le Gouvernement français. Et moi, je pense que c'est pas bon pour la France, et non pas pour nous. C'est mauvais pour elle parce qu'il y a beaucoup de touristes qui passent à côté de chez nous et qui regardent les baraques, ici à côté de Paris! Et toutes les fois, ils prennent des photos des enfants et des hommes qui habitent les bidonvilles de la France et ils les appor- ... un coin de dortoir ... tent en Amérique, en Belgique, en Italie : « Regarde les gars qui travaillent en France, regarde où ils habitent! Ils habitent dans les baraques.» Ça, c'est pas bon pour la France, c'est la premiére « catégorie» ; alors, pourquoi elle laisse les bidonvilles chez elle?» Le réquisitoire véhément de l'aide maçon: « - Ça fait dix-sept ans que je suis en train de perdre ma santé sur la maçonnerie: ça fait quand même un bon moment depuis dix-sept ans et je n'ai rien « gagné» pour être comme tout le monde dans une vraie maison avec mes enfants. Souvent, on nous dit : « Tu n'as qu'à rester là -bas DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 La « décence)) obligatoire Aux termes de la circulaire nO 172 du 23 février 1972, émanant du ministère du Travail, et applicable depuis le 15 septembre, tout nouvel immigrant devra fournir une attestation d'hébergement (( assuré dans des conditions décentes et à un prix normal Il pour séjourner et travailler dans votre pays. Le logement sera garanti par l'employeur, dont 1'(( attestation Il, fera partie intégrante du contrat de travail L'insuffisance et le caractère rectrictif d'une telle mesure tombent sous le sens. D'abord elle ne concerne que les nouveaux arrivants. Les immigrés vivant déjà en France devront donc se contenter de leurs taudis actuels. Mais surtout, on ne voit pas en quoi cette (( obligation Il exprimée sur le papier pourra changer la réalité si elle n'est pas assortie de mesures concrètes en matière de constructions de logements et de foyers. Or, de cela, il n'est pas question. chez toi.» Et pourquoi? C'est une honte, ça, mon vieux ; moi je vous dis franchement, je ne suis pas content tout à fait. Je n'ai pas été à l'école. Je ne suis pas un gars qui fait de la politique, mais j'ai quand ml..ne un peu quelque chose dans la tête. C'est une honte qu'ils nous laissent vivre comme ça, que tu sois obligé de te cacher comme un chacal. Il faut nous loger. Comme moi : s'ils ne peuvent pas nous loger et qu'ils disent : « Allez, fous-moi le camp», mettons demain matin, même aujourd'hui, je suis volontaire pour repartir; je n'ai pas peur, je n'ai pas honte, et puis c'est tout. » « - J'ai vu comment vivent les gens et comment je vis moi. J'ai vu comment vivent les gosses des gens et j'ai vu comment vivent mes gosses. J'ai vu comment dorment les gosses des gens et j'ai vu com- . ..Ies sanitaires. Q) c 'Q) N

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En l'absence de moyens suffisants de contrôle, et de critères précis, de multiples entorses à cette réglementation sont possibles. Et l'on peut compter sur l'esprit de suite du patronat pour en trouver les modalités. Il est à craindre, en particulier, qu'un logement dit (( décent Il ne soit accordé à l'immigrant que pour obtenir la validation du contrat de travail, et qu'après un certain temps, celui qui en avait bénéficié soit remplacé par des nouveaux venus. Ce système des (( immeubles-tiroirs Il est d'ailleurs déjà pratiqué. De toute façon, dans la mesure où l'employeur fournit lui-même le logement, il dispose de moyens de pressions accrus. La nouvelle (( circulaire Fontanet Il risque donc d'aboutir à la fois, dans l'état actuel des choses, à des brimades administratives supplémentaires et à une exploitation renforcée, l'immigrant ne pouvant être admis à travailler que s'il s'en remet totalement à remploveur. ~ _~iÎllllliil A Conflans-Sainte-Honorine. Dans une épave de péniche ( L'architecture» en bidonville 19 CI: o vi-vre en bldon~I •• e je trouve une mitraillette et que je vais en tuer une douzaine, une quinzaine, ce n'est pas de ma faute, parce que ça me fait mal au coeur. Même si je ne suis pas fou, c'est obligé que je devienne fou. Même si je suis sérieux, quand je vois avec mes yeux, dans la journée, comment habitent tous les gens, quand je vois qu'ils sont civilisés, qu'ils ont tout et que le soir, en rentrant chez moi, je trouve la baraque, pas même de l'eau, c'est obligé que je devienne fou et c'est pas ma faute. Qu'est-ce que tu veux, c'est le cerveau qui travaille! Même si je suis sage, tranquille, sérieux, quand je vois ça, le soir, c'est pas ma faute si un jour je vais tuer.» dehors parce que, quand même, on verrait assez loin, c'est pas comme ici. Quand on est dans la baraque et même dans la cour, qu'est-ce qu'on voit? Absolument rien, ou plutôt si : des baraques! Moi, mon rêve, c'est d'avoir une petite fenêtre et que je puisse regarder dans la rue, ça me suffirait, et puis aller à l'école. Si on allait habiter dans un bâtiment, les premiers jours, je sais que je ne dormirais pas de la nuit; je ne pourrais pas rester dans mon lit. Je n'aurais pas le courage de dormir, je crois bien que j'ouvrirais la porte durant la nuit pour voir l'escalier et réaliser que c'est bien dans un bâtiment qu'on demeure, que c'est vrai. » Q) c ~

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tU ~ Un «intérieur ».. . ment dorment mes gosses : nous, comme les esclaves, on est dix dans une chambre, et les murs. c'est des carreaux de plâtre. Alors, si je deviens fou, ce n'est pas de ma faute ! Si je deviens fou, si un jour mettons, Le rêve de la jeune Ourda : « ~ D'abord, je rentrerais dans ma chambre, j'ouvrirais la fenêtre et je regarderais Le rêve ou la réalité? « - Mais la vie, c'est comme ça : on nous laisse pourrir dans les cabanes comme des ordures, peut-être exprés. » 20 LA SANTÉ DES MIGRANTS Il L'opinion publique, facilement xénophobe, au mieux seulement tolérante, imagine rimmigration des travailleurs étrangers comme la contribution généreuse de nos sociétés industrielles aux pays sous-développés •• Cette notion est fausse, dangereuse, malhonn~te. Au corps médical, qui constate sur rhomme les conséquences souvent désastreuses d'une politique d'immigration laissée au hasard, de rendre compte objectivement de la situation ••• Il Ainsi commence « La Santé des Migrants» livre publié dernièrement par le Comité médical et médico-social d'aide aux migrants, aux éditions « Droit et Liberté». Ce petit livre, vous ne pouvez l'ignorer: il vous concerne, il nous concerne tous. Il doit être lu, pour saisir l'importance de cette question. D'ores et déjà la presse en a rendu compte en termes élogieux. Mais sa diffusion est la tâche de tous. Aux militants, il apportera la documentation de base indispensable ... A ceux qui, conditionnés par la propagande xénophobe, colportent des notions fausses, il apportera l'information objective indispensable. BON DE COMMANDE M ••••••••••••••••....•.••...•..•...••••.••.•.......••••.•......•.••.•..••...••.•••......•••••.•••.•.••...•.•....••.••. Adresse ••••••.•••••••••••••••..•••..•••.•••••••••••••..••••••••••••.••••••••••• ~ ••••••••••••••.•••••••••••••••••••.. passe commande de ................. exemplaires du livre LA SANTÉ DES MIGRANTS • au prix de 7 francs l'un Ousqu'à 9 exemplaires) • au prix de 5,60 F l'un (commandes atteignant ou dépassant 10 exemplaires) soit un montant total de F •••.••........•••••..•••. Paiement par : • chèque bancaire • chèque postal • mandat (rayez les mentions inutiles). [Adresser le ben de commande et le paiement à « Droit et Liberté Il, 120, rue Saint-Denis, Paris (2e). C.C.P. 6070-98 Paris] . cl-vilisations Sculptures africaines Une exposition s'ouvre le 8 novembre au musée de l'Orangerie li Paris, sous le titre : « Sculptures africaines dans les collections publiques françaises Il. M. Meauzé, commissaire général de l'exposition, a bien voulu nous autoriser à publier ici un extrait de la préface du catalogue. Telle est la vertu du sang noir : où il en tombe une goutte, tout refleurit. Michelet DEVANT l'évidence de la scu lpture africaine où en dehors des formes déjà acceptées et désormais classiques, l'insolite apparaît encore et n'a pas fini d'apparaître bien des esprits craintifs ont tenté d'en isoler les apports , de leur refuser toute filiation , de les faire considérer comme intruses dans l'histoire de l'art, leur réservant peut-être une place entre la magie, la sorcellerie et l'artisanat. Par contre , ceux qui attendent des manifestations de l'inconnu autre chose que les rassurantes harmonies qui bercèrent l'enfance de nos sens occidentaux, acceptèrent d'emblée tout ce que ce nouvel ordre révélait de contacts et d'échanges avec la nature, bref une éthique encore vierge . Il fallait retrouver l'instinct perdu des grands rythmes venus du fond des âges, et que l'Afrique avait gardé intacts: en témoignent ces lignes d'Elie Faure : « ... pour obtenir cette force symétrique , le schéma résumé dont les éléments parallèles s'équilibrent comme l'édifice du corps humain ou les figures de la danse , il faut des centaines de siècles d'obsessions unilatérales, un génie infaill ible de la répétition rythmique abrégée, purifiée, austère . » Notre siècle donne la preuve vivante de la prise de ces boutures et nos arts plastiques, ainsi que tout un domaine de la musique contemporaine , en dérivent et y ont trouvé de nouvelles rai sons d'être et de nouvelles dimensions. Il nous paraît cependant vain de tenter ici une étude , même succincte, de ces phénomènes d'influence dont on a souvent abusé , confondant les images et l'esprit , les apparences et l'essence. Nul doute que les Picasso, Matisse, Derain , Lipchitz , Brancusi , Gonzalès et tant d'autres ont vu les sculptures africaines, y ont trouvé réponse à leurs problèmes plastiques et même pour certains, une nouvelle optique. Jean Laude a traité en profondeur ce sujet pour la période 1905- 1914, DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 et seule une vaste confrontation d'oeuvres pourrait nous apporter d'autres lumières, et quelques certitudes .. . ... Car les sculptures d'Afrique sont souvent porteuses de signes non encore déchiffrés, « de charges» de consécration ou bien magiques non encore définies. Sous des apparences allant du charme à la brutalité, elles cachent une énergie vierge, celle de cette terre rouge, latéritique, ridée jusqu'à la craquelure, celle de la haute forêt sombre à trois étages de voûtes arborescentes, contraste permanent de chaleur humide et d'aride sécheresse , d'orages et de violences naturelles; tout concourt ici à donner aux formes expressives une force délivrée , une prise de possession de l'espace par le mouvement, par le rythme, et aussi parfois, par un besoin contraire et passagèrement rassurant, un désir d'attention, de grâce, enfin de pure beauté (dans plusieurs dialectes africains un seul mot traduit le beau et le vrai). L'aspect le plus important de la sculpture africaine réside de toute évidence dans les masques, les statues, statuettes , objets divers de culte dont les services multiples tant religieux que sociaux, commencent à être déterminés et précisés. Les caractères sacrés de ce vaste Panthéon ont résisté plus longtemps qu'ailleurs aux destructions occidentales, à celles d'un christiani me inadapté et vite animisé. Pour l'Islam dont les concepts abstraits évitent ou minimisent les représentations anthropomorphes, le cas est différent : il semble avoir donné, aux formes soudanaises notamment, une rigueur ma- ~ thématique dans les courbes compen- .~ sées, un élan dans les verticales, styli" 'g sant les personnllges mythiques jus- al qu'au fût, jusqu'à la colonne. c Il reste cependant un autre domaine, .~ celui des petits objets domestiques et ~ tutélaires qui révèlent l'homme africain 1: sous un angle aigu, celui de l'observa- ; teur journalier, l'oeil-flécheur en perma- ~ nent éveil , celui aussi de sa perméabi- ~ lité à ce qui l'entoure, et d"où découle ~ sou'lent un infaillible humour. Ainsi ~ Masque Dogon du Mali . 21 ~ a-t-il inventé ces innombrables petits bronzes ou laitons fondus à la cire perdue, servant de poids-contrôle pour vendre ou acheter la poudre d'or alluvionnai re, représentation d'animaux dangereux ou familiers, figures de personnages ou groupes illustrant un proverbe , d"autres enfin purement géométriques qui rejoignent les signes universels déjà identifiés par ailleurs sur d'autres continents

. s'y rattachent aussi par leurs

dimensions et leur intégration à la vie de tous les jours, les petits objets protecteurs et fonctionnels, mais personnalisés, tels que les poulies de métier à tisser, les pagnes, les cuillères anthropomorphes, les masques réduits servant d'insignes de grade dans certaines sociétés d'initiés, les objets-symboles et les « charmes» au sens que l'étymologie donne à ce mot, bien d'autres encore , taillés dans, l'ivoire , l'os, le bois dur et poli pénétré d'huile orange, huile de palme naturelle, ou de n'gula, poudre de graines d'un rouge chaud. L'usage, l'amour et le respect qu'en ont eu les utilisateurs s'y traduisent par de merveilleuses patines transparentes et fluides où la main semble avoir totalement imprégné la matière de sa force chaude et vitale ... aspect singulièrement fascinant que ces témoignages modestes en apparence, mais qui à l'analyse révèlent souvent des chefs-d'oeuvre hors dimensions et gardent dans leur exiguïté la rigueur et la sûreté des grands rythmes. Une telle exposition ne peut avoir la prétention que d'exprimer et de révéler au public de nombreux aspects de la création plastique d'Afrique noire, par les témoignages dont nous sommes, à divers titres, les dépositaires et au sens le plus noble, les conservateurs. Les collections françaises, celles des musées d' Etat, des musées municipaux et d'histo'ire naturelle , des facultés de lettres avant que l'ethnologie ne soit définie , montrent l'intérêt que de trop rares esprits ont eu pour ces oeuvres 10nQtemps r.onsidérées comme curiosi- Statuette Ogbani en métal du Nigeria. tés exotiques par la plupart, mais qui furent bien autrement situées par des hommes de génie sachant d'instinct reconnaître tous les signes de l'authenticité , même chez leurs plus lointains cousins .. . ... Bien qu'ici toute oeuvre soit de fonction première destinée à signifier, à lier l'acte humain à une cosmogonie universelle, rien n'interdit au sculpteur, guidé par cette nécessité, de rechercher la forme pure, l'architecture contrastée , la variation inventée, qui éclaire le style, le rajeunit et lui apporte le renouveau dans la maîtrise. Chaque artiste africain , qu'on rappelle forgeron, artisan, potier ou de tout autre nom, ' est un créateur unique. William Fagg , pour le Nigéria en a déjà personnalisé plusieurs de façon précise , dans les ethnies Yoruba; nous avions nous-mêmes tenté , lors de la création du musée d'Abidjan , une semblable démarche en partant de riches séries de masques Baoulé, Yaouré, Gouro. Le 2se Bal annuel 22 de l'Union des Engagés Volontaires et Anciens Combattants Juifs aura lieu le dimanche 24 décembre de 10 h à l'aube, dans les salons de L'HÔTEL HILTON 18, avenue de Suffren, Paris. L'orchestre de la Tour Eiffel dirigé Réservation : U.E.V.A.C.J. P 1 Fabre animera la soirée. 58, rue du Château-d'Eau par au PARIS-10" Entrée 30 F Tél. : 607-49-26 Porte Baoulé. Serpent lovp. Le titre même de cette manifestation laisse donc entrevoir son contenu : elle ne prétend pas représenter tous les styles à ce jour connus des ethnies de l'Afrique noire, elle est constat et bilan ... .. , Plus de trois cents pièces, dont beaucoup de petites dimensions, formeront cet ensemble présenté de façon à éviter le lassant déroulement géographique, comme si l'Afrique noire ne pouvait être abordée que par le Sénégal. la Guinée, le Mali et ainsi de suite comme nous le montrent tous les manuels, toutes les monographies et comme, il faut le dire, toutes les expositions jusqu'ici nous l'ont montrée. Nous pensons que cette optique de voyageur occidental à sens unique est périmée et qu'il est plus important de tenter de confronter, de rappr-ocher et d'opposer les styles et les tendances très diverses que nous propose le continent noir. C'est ce que voudrait exprimer cette exposition . Pierre MEAUZE Conservateur du musée des Arts africains et océaniens, commissaire général de l'exposition. [Musée de l'Orangerie, 8 novembre 1972- 26 février 1973, Tous les jours, sauf le mardi, de 10 heures Il 20 heures. Journée 9ratuite : vendredi 24 novembre 19721. ,-___ littérature Il y a dÏx Mouloud ans, Feraou FERAOUN , ce n'est pas son nom, C'est son nom français; il date de 1890, Il On en a collé un à chaque famille. Il Il fallait contrôler et les officiers des Affaires indigènes ignoraient le kabyle. Alors, à- la karouba des AÎt Chaabane, tous les patronymes furent en F .. , Mais Mouloud est un des noms du Prophète. Officiellement né le 8 mars, mais sans doute en février, dans une petite maison basse et noire, comme toutes à TiziHebei, Mouloud Feraoun est le fils du pauvre. Sous ce titre, c'est sa propre existence qu'il raconte. Dans la première part.ie du roman sous forme de journal; sous celle de récit dans la seconde. Il Tous les Kabyles de la montagne vivent uniformément. Il n'y a ni pauvres ni riches... Il existe... ceux qui .e .uffi.ent régulièrement et ceux qui pa.sent au gré de la bonne au mauvai.e fortune, de la misère la plus complète à l'humble as.urance des favorisés du ciel. Il Mais son père, lui, Il était un véritable gueux. Trois dates de nai.sance pour lui : 1871, 73, 76 ... Bien entendu, ne sait ni lire ni écrire. Il Dès 1910, il a pris le chemin de la France. Changer le monde ... Ce sont Les Chemin. qui montent qui analysent la condition du Il travailleur étranger Il. Comme Amer, le fils de Madame, le fils d'une Française, le père du Fils du pauvre, Ramdame, aurait pu dire: Il Nous savons. Nou. somme. bêtes, mai. nous savons quand même. Tu quittes le pays de la faim; tu vas au paradis des hommes. Il Le père fit, écrit en 1953 Mouloud Feraoun , Il une vingtaine de voyage. en tout, le dernier s'est terminé par un accident que j'ai relaté dan. Le Fils du pauvre, et la pension de 74,40 F (revalorisée 2 000 F). Il Dans Les Chemins qui montent, le Fils de Madame sera vaincu par le destin. C'est que pour lui l'ennemi a double visage. Enfant de son village , il s'affirme : 1111 faut bien tenir à son pay., être fier de son origine, ne pas se renier Il Mais cc certains ... tout au moins Il voudraient se débarrasser de lui. CI Qu'il reste chez les infidèles, ses Il oncles Il ! ... II Et c'est vrai qu'il se dit: CI Si j'étais né en France, si j'avais vécu là-ba., même n'importe quelle vie ... je serais un homme au milieu de million. d'homme., peut-être malheureux, peut-être heureux, un homme quoi, comme tant d'autres. Il Ici , en Algérie, sa mère ra fait instruire, CI Pauvre maman, tu as fait de moi un raté. J'en veux à I-'instituteur qui t'a ouvert l'appétit, qui t'a fait croire que j'étais intelligent, que je pouvais poursuivre mes études. Il Seule, celle qui l'aime, mais au lendemain de sa mort, comprendra dans sa vérité CI ce coeur noble qui voulait changer la face du monde Il. Du collège, il est renvoyé pour mauvaise conduite, indocilité, lecture de journaux interdits, Alors il devient chef de cellule communiste dans son village. Arrêté, en considéra- DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 tion de son onglne bâtarde, il échappe à Colomb-Béchar. Mais sa mère affolée, l'expédie en France. Dans les journaux du parti Ille peuple de France tendait large .a main au peuple algérien exploité Il. Il part, aussi soucieux de sa dignité que de ses bagages. Le vieux qui raccompagne à la sortie du village le conseille : CI Le .ecret de la réussite en France c'e.t le culot ••. Le commerce, ce n'est pa. mauvai ••.. à condition de perdre la honte. Il Mais Amer ne veut pas perdre la honte. Ils sont de plus en plus nombreux à ne pas vouloir la perdre. Il Nou. y tenons de plus en plus. Mais les anciens .e moquent de nou •... Nous finis.on. quand même par la perdre. Il Et l'ironie de Mouloud Feraoun flagelle. Il Les Nord-Africain. découragent toute. les bonnes volontés. Le. braves gens qui .'intére •• ent à eux sont chaque foi. déçus et navré •. Il. s'en détournent la mort dan. l'Ame, le dégoQt dans le coeur, le venin dan. la bouche. Alors, ce bon coeur les pous.e irrésistiblement à mettre en garde d'autres brave. gens ... On le. écoute, on finit par .e demander pourquoi toute. les bonne. villes de France continuent d'accueillir dans leurs bas-quartiers une graine .i malfai.ante. Pourquoi il. ne resteraient pas chez eux au lieu de venir infester les pays bien poliCés. Il Mais Amed Mouloud Feraoun répond sans morgue : Il La Kabylie est un cadavre rongé ju.qu'au cartilage. Plu. qu'un cadavre : un .quelette. Il faut bien que nous la fuyion •• Il C'est que l'Algérien a des compatriote. privilégié. : Français, ils disent aux Français de France: IC L'Algérie, c'est nou •. Voyez ce que nous en avons fait. Il Mais que les Kabyles assurent qu'eux aussi sont Algériens, ils leur assènent: CI Vous en êtes 7 C'est bon. Tas d'indigènes, que suppo.ez-vou. 7 Nous .omme. Français, nous. Arrière et garde à vou. ! Il Se sentir libéré ... Le drame de Feraoun, celui qui le conduira à la mort, est celui du Fils de Madame: par son père, fils de la terre kabyle, par sa mère, fils de France. Mouloud, enfant de ce village et de cette vie que les Jours de Kabylie modèlent avec une émotion où même l'ironie est tendre ... Il La terre e.t saine, mode.te et pure comme une pay.anne pauvre mais de bonne nai •• ance.1I Mais Feraoun est aussi le fils de cette langue et de cette culture qui lui fournissent son instrument et peut-être son âme de témoin . Le 25 juin 1953, il écrit à son éditeur: Il J'ai toujours eu foi en l'homme, particulièrement en l'homme de France, généreux et instruit qui repré.entait mon idéal~11 Au long de l'insurrection algérienne, Le Journal de l'instituteur Mouloud Feraoun, directeur d'école, retrouve ce long débat de culture et de sang. Mais il lui est devenu un définitif déchirement. Sa réaction immédiate rejoint les rebelles. L'insurgé, c'est le peuple kabyle. Alors , il dit nous, car Le Fil. du pauvre lui appar- ~ . 23 ---+ tient . La révolution est vertueuse, les fellaghas redresseurs de torts. L'idéal du maquis : Il Etre libre. Se sentir libéré, l'égal de tous les hommes. Il Comme on le sent proche de cette foule drapée dans une dignité nouvelle, raide comme un habit neuf, Il une foule de Il ramadhan Il où l'on ne voit personne fumer ou priser, qui passe et repasse , indifférente et presque hautaine devant les chars militaires et les camions pleins de soldats. Pourtant, une crainte sournoise s'immisce partout. Alors qu'après deux mois de guerre , il écrivait des maquisards : lIOn ne les craint pas, on les aime, on les couve Il, le 10 mars 1955, il écrit: Il Les prétentions des rebelles sont exorbitantes, décevantes. Elles comportent des interdits de toutes sortes, uniquement des interdits, dictés par le fanatisme le plus obtus, le racisme le plus intransigeant, la poigne la plus autoritaire. Il Et le 11 mars, il lance sur son cahier cette plainte et cette interpellation solitaires : Il Il n'est pas possible de pardonner leurs erreurs aux maquisards. Ni leurs injustices. Voilà cent ans que nous subissons tout cela... Alors, messieurs, pourquoi vous battez-vous?.. Vous n'avez pas le droit. Et si vous le prenez ce droit, nous vous détesterons. Il Réaction trop immédiate, sans doute. Elle monte de l'incertitude où se trouve Feraoun. Après avoir lancé , rageur Il Je suis plus Français que vous! Il à un Il pauvre petit vichyste borné Il et se l'être assuré à luimême, il s 'interroge avec une sorte de désespoir: Il Quand je dis que je suis Français, je me donne une étiquette que tous les Français me refusent : je m'exprime en français, j'ai· été formé à l'école française. J'en connais autant qu'un Français moyen. Mais que suis-je, bon Dieu? Ce peut-il que tant qu'il existe des étiquettes, je n'ai pas la mienne? Qu'on me dise qui je suis. Il La peur ... Avec l'escalade du travail forcé , de la torture, du double terrorisme illustré à Palestro par le bombardement des douars s'uivi du massacre de dix-sept jeunes Parisiens, Mouloud Feraoun est saisi d'une peur qui ne le quittera plus. Ce qui est clair, c'est la force : les droits acquis par la force , conservés par la force , légitimés par la force ; et partant de là, le circuit infernal oppression-in surrection-répression , Il colères implacables ... D'où toutes tentative ~'évasion est devenue une utopie Il. Il a peur non d'être tué, mais parce qu'on tue . Il J'ai peur du Français, du Kabyle, du soldat, du fellagha. J'ai peur de moi. Il y a en moi le Français. Il y a en moi le Kabyle. Il Voilà ce qui est clair. Et pourtant il voudrait voir. Il Je brûlais de vivre près des maquisards ... de lever tous les doutes à la fois, ceux qui me concernent, ceux que m'inspire la révolte. Il Il passe donc un mois de vacances à son village Tizi-Hibel où il a une maison toute neuve . Il en revient avec ses doutes et sans illusions : Il Il n'y a plus que des victimes. Il n'y a plus que des coupables, il n'y a plus que des justiciers. On peut être ceci ou cela tour à tour. On ne peut pas être autre chose. Il Assassiné par l'O.A.S. Ce n'est pas toucher à la qualité humaine de Mouloud Feraoun que de le découvrir dans ses incertitudes et ses angoisses secrètes . Lui-même se juge : Il Tandis que je ratiocine ... Il Et il énumère les luttes, les horreurs et conclut : «Le peuple épouvanté apprend chaque jour un peu mieux que le Français est le seul responsable .de ses malheurs. Il Mais il sort d'écrire : Il Toute la question est de savoir pourquoi se battent les patriotes, ce qu'ils veulent, ce qu'on leur refuse. Il 24 Enfants kabyles : l'univers quotidien de la misère. l'armée présente partout... Car le général Olié vient de l'interroger sur ses travaux littéraires et Mouloud Feraoun l'a compris comme un avertissement et une invite à la reconnaissance, c'est-à-dire Il à se boucher les oreilles, à fermer les yeux. Rien de plus. Il Mais un honnête homme, un homme de coeur ne saurait le faire. Il Toute la question est de savoir ... Il répète-t-il. Dans l'un et l'autre camp il Il bénéficie de la même estime, de la même confiance, de la même méfiance Il, mais en définitive choisit . Il En toute simplicité, je me refuse à être du côté du manche. Je préfère souffrir avec mes compatriotes que de les regarder souffrir; ce n'est pas le moment de mourir en traître puisqu'on peut mourir en victime. Il Cela lui sera accordé , mais alors que la guerre s 'achève. Il écrit.e 5 février : Il Combien va-t-elle exiger de victimes cette fin très proche? Maintenant l'O.A.S. ne prévient plus personne... Dernière flambée des terrorismes aveugles... Paix à ceux qui sont morts. Paix à ceux qui veulent survivre. Cesse la terreur. Vive la liberté! Il Ce sont les dernières lignes du Journal, ce mois-là même remis à l'éditeur. Et le 15 mars 1962, à El Biar, ils étaient six dans les bureaux des centres sociaux, dont l'inspecteur Mouloud Feraoun . Un commando O.A.S . entre. Il ne reste dans une cour que six cadavres allongés. Nul plus que Mouloud Feraoun ne s 'était délié des haines inhérentes aux guerres civiles. Mais si c'était à cause de cela ... Jean CUSSAT-BLANC. 'I~es Aux sources de l'idéologie I L existe peu d'ouvrages qui ont analysé le problème du racisme sous !lutant d'aspects que celui de Colette Guillaumin (1). Avec une grande pénétration elle a réussi à mettre à nu les différents éléments de l'idéologie raciste. Selon l'auteur, la perception de « l'autre» comme essentiellement différent, n'existait pas en Europe avant le XIXe siècle. C'est seulement à partir de cette date-là, que l'on voit naître une idéologie discriminatoire. Celle-ci est fondée sur une minimisation systématique des minorités et c'est ainsi que l'on tente de justifier la notion de race. Ce terme est également un élément relativement moderne du vocabulaire des pays dits hautement civilisés. Au X V" et au XVI" siècle il signifiait « simple lignage » et c'est seulement avec Buffon qu'il prend le sens de groupe humain. Avec le grand essor de la biologie - donc sous une étiquette « scientifique » - le terme « race » se généralise au cours du XI·Xe et au début du XX" siècle. Cependant il est souvent confondu avec « ethnie » et « culture ». Mais bientôt la variété des formes culturelles est expliquée et justifiée par la variété des formes physiques. « C'est explicitement la thèse fondamentale du racisme théorique. » Il existe donc désormais une échelle de valeurs entre les différentes formes physiques. Curieusement, ce sont toujours des groupes minoritaires « en situation de dépendance et d'infériorité » qui sont « discriminés » (certaines classes sociales, les jeunes, les femmes, les juifs, les gens de couleur, etc.).

Si le terme race existe depuis plus d'un siècle, le mot « raciste » n'est employé que depuis 1930. L'auteur parle d'une racisation systématique des groupes minoritaires, systématiquement infériorisés. En revanche, les groupes dommateurs qui persécutent les minoritaires se perçoivent eux-mêmes en état de normalité évidente. Il leur paraît donc parfaitement normal d'être de couleur blanche (le « blanc» n'est pas ressenti comme couleur!), d'être chrétien, d'être bourgeois. Car selon Colette Guillaumin, il eXiste également un racisme de classe. Le système de justification de l'idéologie raciste est le suivant : « Les groupes racisés DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 racÏste sont mineurs parce que incapables ; incapables, parce que différents; différents parce que marqués des stigmates de la dépendance. » D'une façon minutieuse, on étudie ensuite les différents mécanismes de minimisation et de justification de la notion de race. C'est, entre autres « la nécessité. et son frère le « devoir humain » qui sont les parrains de l'entreprise coloniale ».

Si le dix-neuvième est le siècle de la colonisation massive, il est aussi celui d'une nouvelle forme de l'antisémitisme. Auparavant, les persécutions contre les juifs se fondaient sur une idéologie religieuse. Mais depuis urie centaine d'années, l'idéologie des persécutants prend une tournure plutôt raciale. Les juifs deviennent une race maudite. L'auteur souligne les di fférentes étapes de ce nouvel antisémitisme : de l'affaire Dreyfus aux « Protocoles des Sages de Sion », de la « France juive » d'Edouard Drumont à « Mein Kampf» d'Adolf Hitler. « Si en effet. dans les siècles précédents, il s'agissait de la destruction d'une religion dans son expression humaine, désormais il s'agira de la destruction d'un groupe humain. »

Il paraît difficile de rapporter ici le grand nombre d'observations judicieuses que contient cet ouvrage si riche. Un des chapitres les plus intéressants est consacré à l'analyse de la catégorisation des différents groupes discriminés : les catégories d'âge (la norme c'est d'être adulte), les femmes, les nègres, les jaunes, les juifs, les homosexuels, les « basses» classes sociales, etc. Cette catégorisation est entreprise exclusivement par ceux qui ne se croient pas concernés par un tel classement d'infériorisation consciente ou inconsciente. Tous les exemples cités sont extraits de numéros de France -Soir de ces dernières années. Par ailleurs, il est vrai que depuis la fin de la dernière guerre, les idéologues racistes ont été obligés de prendre quelques précautions et de ne pas montrer trop ouvertement leur vrai visage. D'autant plus que les anciens « racises», qu'il s'agisse de juifs, de noirs, de jaunes, de femmes ou d'ouvriers, lèvent de plus en plus la tête. Et il paraît symptomatique que les persécutés ne se contentent plus de la grande concession d'une assimilation que les couches libérales de telle ou telle population voudrait bien leur faire. Dans ce contexte, la phrase prononcée par Cassius Clay et citée par l'auteur : « Je n'ai pas à être ce que vous voulez que je sois », est une réplique type de la résistance accrue de tous les individus et groupes que l'on veut systématiquement opprimer.

En résumé, l'auteur conclut que malgré une certaine prise de conscience, le racisme actuel, quoi qu'on en dise, se nourrit encore aujourd'hui des mêmes sources que celui du dix-neuvième siècle. Il paraît donc indéniable qu'une idéologie raciste fait partie intégrante d'une société fondée sur l'exploitation de l'homme par l'homme, et l'ouvrage de Colette Guillaumin a l'incontestable mérite d'avoir su clarifier l'image floue de cette idéologie non seulement néfaste, mais criminelle. Ida BERGER. (1) Colette Guill aumin: « L'Idéologie raciste, genèse et langage actuel ». Ed. Mouton ; Paris, La Haye, 1972. A "tt.7J-"OIIS rellOln'elé "olre aoonnelDent PETITES ANNONCES Jeune fille possédant C.A.P. employée de banque et sténodactylo, cherche emploi. Ecrire : Mlle Hanitouche, 7, rue Léonard"de-Vinci, Paris (16·). Collaboratrice de « Droit & Liberté» cherche logement 2 pièces-cui sinedouche à Paris. Téléphoner au journal : 23 1-0 9-57. 25 cc La nuit de crista 1 )) AVEC La nuit de cristal (1), aucune subtilité, aucune contradiction; nous sommes confrontés avec l'antisémitisme sous sa forme élémentaire, brutale et virulente: en 193B, prévoyant et préparant la guerre, Hitler veut se débarrasser des juifs demeurés en Allemagne et pour cela multiplie les mesures vexatoires. En novembre, un jeune juif vivant à Paris. Grynszpan, bouleversé par les persécutions subies par .sa famille , se procure un révolver et abat le troisième secrétaire de l'ambassade d'Allemagne en France. Cela va servir de prétexte à un vaste pogrom. Le parti national-socialiste et la police . les S.A., les S.S. organisent des manifestations antisémites « spontanées» : on brûle des synagogues, on profane les Tables de la Loi, on brise les vitrines des magasins juifs et on pille; hommes et femmes, vieillards et enfants, les juifs sont battus , malmenés et humiliés, voire tués. Sous l'impulsion de Goering , on organise la mainmise sur les biens juifs. On pousse les juifs à émigrer. Mais partir où ? Les autres nations assistent passivement au crime; l'opinion publique parfois réagit en France , campagnes de meetings, d'affiches, de tracts. Mais le gouvernement français fait saisir les tracts et arracher les affiches. Les U.S.A. refusent de modifier les lois sur l'immigration, la France affirme qu'elle a déjà reçu autant de réfugiés quO elle en peut recevoir. Les Pays-Bas sont plus accueillants, mais, petit pays déjà surpeuplé, ils ne peuvent offrir une véritable solution au problème des réfugiés. L'Espagne et la Pologne applaudissent Hitler. C'est un film monstrueux que déroulent sous nos yeux les auteurs. Les témoins parIent, les actes des bourreaux s·éclairent . Le lecteur plonge dans l'obscurité de la rafle gigantesque , annonciatrice du génocide . De cette descente aux enfers l'on remonte mieux armé : il est des leçons d'histoire que l'on n'oublie pas. M.B. (1) Rita Thalman et Emmanuel Feineirmann La nuit de cristal, Ed. Robert Laffont, collection L' histoire que nous vivons. clnélDa (( L'attentat )) COMMENT peut-on, en France, enlever, torturer, assassiner un leader politique du tiers monde, à l'instigation ou en tout cas, au profit des services secrets américains, puis enterrer totalement une affaire aussi explosive? C'est le thème de « L'Attentat », d'Yves Bosset, et en même temps, bien sûr, la reconstitution « romancée» de la « neutralisation» de Mehdi Ben Barka en 1966 . Voilà une oeuvre salutaire, et sordide pourtant, un témoignage vrai mais insoutenable aussi sur notre « beau pays». N'importe quel spectateur lucide et un peu honnête en sort avec un goût de cendre dans la bouche . En effet, on ne peut qu'être accablé par la vision des méthodes d'une certaine police française, du S.D .E.C.E., des hauts fonctionnaires, par la puissance de destruction de ces machines administratives. Ici , les individus ne sont rien et la raison d'Etat prime tout. Ces constatations faites, on joue ensuite à mettre un nom sur chaque personnage de cet inexorable engrenage . Et puis, on se dit que Ben Barka était le troisième, en 1966... C'est cette même année qu'ont été assassines Lumumba et Che Guevara... Ainsi les trois leaders de la Tricontinentale n'existaient plus, ainsi le tiers monde allait, durant quelque temps, moins « bouger», et les luttes de libération être freinées . C'est pourtant de pareils hommes dont les pays sous-développés ont besoin et c'est pour cela que de telles machina- De haut en bas, de gauche à droite : Michel Piccoli, Dulkir, Mehdi Ben Barka et Gian Maria Volonte. tions sont intolérables, au sens littéral du terme. Seule la vérité compte, intéresse, et même nous justifie, seule la vérité vaut la peine qu'on dérange les gens. Voilà pourquoi tous les antiracistes et les défenseurs des opprimés du tiers monde - et d'ailleurs -, doivent se sentir concernés par ce film courageux et quasi parfait sur le plan esthétique. Ne manquez pas le documentaire qui le précède: un défilé militaire du 14 juillet, à Paris, les commentaires enthousiastes des spectateurs et, en contrepoint les images de la vraie guerre, celle des hommes qui brûlent vif, des enfants tués, des fuyards hagards, de la bombe atomique. Cela vous donne un sentiment de honte et de mépris qui vous met admirablement dans l'ambiance du film d'Yves Boisset. qui suit .. . Marie-France ANTO K Lu... vu... entendu ... 26 • « Les cinémas africains en 1972» de Guy Hennebelle, publié - par la revue « L'Afrique littéraire et artistique », présente une intéressante analyse comparative des cinémas nationaux surgis sur ce continent. • Les films de trente pays arabes et afri cains ont été projetés au 4" Festival international de Carthage. C'est à la Syrie et à la République démocratique du Congo qu'est revenu ex aequo le tanit d·or. • Jean Ferrat , au Palais des Sports s remporté un immense succès . Il a dû prolonger son spectacle d'un jour pour satisfaire à la demande du public. • A voir: Gilles Vigneault au Théâtre municipal Romain Rolland , le 25 novembre à 21 heu res. Prix : 16 F et 10 F pour les adhérents. Ainsi que « Une si belle amitié», de Raymond Gerbai , dans le même théâtre, jusqu'au 12 novembre. • La pièce « Les Immig rés » réalisée par le Théâtre populaire de Lorraine , sous la direction de J . Kraemer poursuit sa tournée à travers la France. Elle sera représentée à Saint-Denis le 27 octobre , dans le cadre de la Quinzaine de l'Immigration , puis à Aubervilliers (28 , 29 , 30 et 31 octobre), à Roubaix (8 novembre) , Tourcoing (9), Arras (1 0) , Metz (du 13 au 20), Montataire (8 décembre) , Grenoble (18 , 19 et 20 janvier), Châlons-sur-Marne (16 mars) , Marseille (19, 20 , 22 et 23 mars). Nimes (21) , Montpell ier (28 et 29) . • L'acteur Robert Le Vigan , qui vient de mourir en Argentine, avait tenu des rôles dans de nombreux films , avant la guerre. Ami de Céline et collaborateur de l'occupant , il s'enfuit à Sigmaringen avec les responsables vichystes en 1944. Condamné à dix ans de prison, il fut libéré au bout de trois; il gagna alors l'Espagne, puis l'Amérique latine . vie du M.R.A.P. Congrès • • 20-21 • • Janvier Le prochain congrès du M.R.A.P. aura lieu le samedi 20 et le dimanche 21 janvier 1973. Pour sa préparation quatre commissions nationales sont d'ores et déjà constituées. Elles étudient respectivement : 1 ° Les données actuelles du racisme et de la lutte antiraciste en France. Les problèmes de l'immigration. Les comités du M.R.A.P. tiendront des assemblées locales et départementales pour débattre de ces différents thèmes, former eux-mêmes, éventuellement des commissions, et transmettre leurs observations, suggestions et projets aux commissions nationales. 2° Sous-développement, guerre et racisme. Défense des droits et de la dignité des hommes et des peuples contre les discriminations et l'oppression raciste. Pour donner au débat qui s'ouvre et au congrès lui-même toute l'ampleur exigée par les événements actuels et l'importance des sujets traités, les adhérents du Mouvement, les abonnés à cc Droit et Liberté" sont invités à faire connaître leur point de vue. Le document servant de base de travail à chacune des commissions peut leur être envoyé sur simple demande faite au siège national du M.R.A.P. ou à ses comités locaux. 3. Information, éducation et culture dans la lutte contre le racisme. 4° Structures, implantation et moyens d'action du M.R.A.P. « Hommes des pays loin )) C ETTE année, durant la période des vacances (juillet-août), le comité d'entreprise de l'EDF-GDF, la C.C.A.S. (Caisse centrale d'activités sociales) a tenté, dans l'une de ses plus importantes institutions de vacances, à Capbreton , une expérience unique d'animation socio-culturelle. Expérip.nce d'autant plus importante qu'elle unissait dans un même collectif d'animation travailleurs et artistes, responsables C.C .A.S. et membres du groupe Organon (groupe professionnel d'animation et de productions culturelles animé par Patrick Morelli) . Elle mettait en oeuvre des moyens d'approche différents : des ateliers (jeu et expression, activités féminines, photo, club des jeunes, bibliothèque), des animations ponctuelles (musique, mime) ou permanentes (sportive, régionale) et des spectacles (groupe folklorique , cirque, bals et montages). C'est dans le cadre de ces spectacles qu'à la demande de la C.C.A.S., le groupe Organon a répété et produit devant les estivants un montage sur le racisme Il Hommes des pays loin Il qui, en liaison avec une exposition sur l'Afrique du Sud et le film « Derrière la fenêtre», fourni par le M.R.A.P. fut le thème dominant de la première session. Réalisé et mis en scène par Patrick Morelli à partir de documents, de textes (George Jackson, Langston Hughes, Prévert, etc.), de chansons, de dialogues et de projections de diapositives, interprété par Claire Viala, Jean-Christophe Quel, José Branco par ailleurs compositeur de la musique des chansons, il fut ioué une vingtaine de fois dans les autres villages C.C.A.S. de la région devant environ trois mille personnes. Il traite du racisme quotidien : les préjugés, les à prtOn la publicité, la bande dessinée, des travailleurs immigrés, de la colonisation , de l'Afrique du Sud et de la lutte des Noirs en Amérique du Nord. Chaque représentation fut suivie d'un débat dont la dernière diapositive du spectacle posant la question suivante : « A qui profite le racisme? » fournissait le prétexte. Si, parmi les spectateurs touchés, beaucoup, pleinement conscients de l'actualité du problème racial, répondaient à la question posée en abordant les causes historiques, économiques et politiques du racisme , surtout parmi les jeunes et les militants syndicaux, d'autres avouaient manquer d'informations; un petit nombre rejetait le spectacle comme « sujet à ne pas aborder pendant les vacances» ou taxait le montage de propagande. Mais tous furent concernés personnellement, comme en témoigne la vivacité des débats tournant autour des lois racistes en vigueur en Afrique du Sud qui restent peu connues, de l'Irlande, du nazisme, des travailleurs immigrés, de la guerre d'Algérie et des Jeux Olympiques. En général , il semble que les gens qui ont vu le spectacle aborderont le racisme avec d'autres données et plus de conscience . Une représentation d' CI Hommes des pays loin Il a eu lieu le 20 octobre à Paris (salle Jussieu), pour les personnes intéressées à la diffusion de ce spectacle (comités locaux du M.R .A.P., M.J.C., etc .). Pour sa location, s'adresser à Organon . Quinzaine de l'iDlDligration à Saint-Denis A l'heure où nous mettons sous presse, la Quinzaine de l'immigration bat son plein, à Saint-Denis. D'ores et déjà on peut être assuré que cette initiative du comité local du M.R.A.P., patronnée par la municipalité. et soutenue par plusieurs dizaines d'associations, fera date. Chacun se remémorera longtemps I~s grands DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 moments de cette campagne exceptionnelle

l'art africain, artisanat traditionnel

et plus récent, au syndicat d'initiative

les chroniques hebdomadaires dans

« Saint-Denis-Républicain Il ; les visites dans les foyers de travailleurs immigrés; l'exposition itinérante dans les foyers et comités d'entreprise, etc. Et puis les soirées et galas du Théâtre Gérard Philipe : cc Les immigrés Il de Kraemer, la soirée de cinéma franco-algérien, Pa co Ibanez et puis Cilla ... Enfin - mais cette liste n'est aucunement exhaustiveles débats passionnés, les prises de position fraternelles, les exposés et recherches dans les écoles. Nous en donnerons un compte rendu complet dans notre prochain numéro. 27 Un TÏeÏI alDÏ lDéconnaÏssable DeDiundes et réponses En avril 1972, cc Le Droit de vivre Il, organe de la L.I.C.A., a consacré un long réquilitoire au M.R.A.P., accusé, entre autres aménités, cr« abuser ceux qui lui font confiance Il, et de faire preuve de (( la malhonnêteté intellectuelle la plus caractérisée Il. C'est une habitude, dans ce journal, de se livrer périodiquement à ce genre d'attaques contre notre Mouvement et ses dirigeants. Nous avons répondu en exposant, pour que les lecteurs du (( Droit de vivre Il puissent en juger, quelles sont les modalités et les critères de notre action. Dans un premier temps, (( Le Droit de vivre Il a annoncé (en juillet) que le M.R.A.P. lui avait adressé un (( message Il, qui lerait publié ultérieurement. Puis, en septembre, paraissait un article ne reproduisant pas la moindre ligne de notre réponse, et reprenant les mêmes attaques, comme si nous n'avions pas donné le moindre mot d'explication. Cela aussi est une habitude : à plusieurs reprises nous avonl expérimenté cette méthode, qui conliste à faire soi-même lei demandes et lei réponses, en ignorant totalement le point de vue de ceux que l'on traine dans la boue. C'est la forme la plus confortable de la polémique. Nous ne souhaitons pas, quant à n.ous, polémiquer avec (( Le Droit de vivre Il. Nos adversaires, ce sont les racistes. Nous nous efforçons de combattre avec une égale vigueur toutes les manifestation de racisme, toutes les atteintes à la vie, aux droits et à la dignité des opprimés, sans distinctions, sans parti-pris, en quelque lieu qu'elles se produisent. Ne faisant pas deux poids deux mesures, évitant les prises de position partielles et unilatérales, nous dosons nos ripostel en fonction de la gravité des faits, et non d'arrière-pensées politiques. C'est ce qui nous différencie des orientations actuelles de la LI.C.A. Nul plus que nous n'est 'persuadé que notre cause gagnerait à runion de toutes les forces antiracistes. Pour que celles-ci se rencontrent et s'unissent dans un combat commun, la condition première est que ça combat soit mené effectivement, danl la clarté, sur le même terrain, par tOUI ceu'x qui s'en réclament. Nous publions, ci-contre, à ce sujet, le témoignage attristé de Serge Kriwkoski, dont toute la famille fut parmi les fondateurs et les responsables de la LI.C.A., et qui évoque le temps où il diffusait les premiers numéros du (( Droit de vivre Il. 28 C'EST avec une certaine tristesse que je vois devant moi un vieil ami t rès ctier que je reconnais à peine , tellement il a changé , terriblement changé! Je fis sa connaissance , il y a une quaranta ine d'années, du côté de la ' rue du Château-d' Eau . Tout de suite , je fus séduit par son nom exaltant : Il Le Droit de Vivre Il ! Comme l'écrivait alors Pierre Paraf : lIOn cherchait un titre à ce journal. La vieille bénédiction d'Israël, vers la vie , est tout naturellement venue à nous Il. La lutte cou rageuse qu'il menait efficacement en faveur des persécutés de toutes origines avait enthousiasmé mon ardeur juvénile , C'est lui qui a guidé mes premiers pas dans le combat antiraciste - dans la rue, devant le Théâtre du Nouvel-Ambigu - contre les camelots du roy antisémites, à la tête desquels se trouvait le fielleux Charles Maurras, directeur de ({ L'Action Française », qui dénonçait le juif comme Il étant un corps étranger dans la nation Il. ({ Le Droit de Vivre» m'avait appris à savoir reconnaître mes vrais amis ; ceux qui, à la fin du siècle dernier, avec Emile Zola , Jean Jaurès ... , avaient pris le parti du capitaine Dreyfus dans la fameuse affaire qui avait divisé les familles françaises en deux clans. Sans cesse , il me mettait en garde contre les faux amis. Vous savez , ces gens cauteleux qui vous disent: ({VOUS», vous n'êtes pas comme les autres. Ah ! « s'ils» étaient tous comme vous». Ce cher et fier journal m'avait appris également à ne jamais pactiser avec les antisémites de l'espèce maurrassienne : les Darquier de Pellepoix, Léon Daudet, Maurice Pujo, Xavier Vallat , etc. , dont le désir était de voir tous les juifs exclus de la communauté nationale. Malheureusement, ils le furent sous l'occupation hitlérienne et l'on sait à quel prix! Depuis 1932, date de naissance du ({ Droit de Vivre», jusqu'à ce jour, j'ai suivi scrupuleusement son enseignement. Par cont re , mon maître, lui , semble s'en être écarté : trop de nouveaux ({ amis » ambigus ont été introduits dans sa maison . Il y avait déjà Me Joannes Ambre, membre d'honneur du Comité lyonnais de la L.I.C .A., qui écrivit sous l'occupation une odieuse brochure antisémite, et dont les Combattants antinazis d' Israël ont demandé l'arrestation . Il y avait aussi Jacques Soust~lIe, . Président de l'Union ""alilte Provençale Secrétaire de la Fédération r6giOM~ ... dl-Pyr ..... • René SCHWERER, Président de 1. Féd6raHon Mgionale du guedoc-Méditerranée • AI.x TEISSIER, Président du Cercle Saint-Cha,'" (Ni.,....) • Jean CRES, Président de l'Union Aoyalfs'e Lyonnal •• • Louis de PARDIEU. Président de l'Union Roral1a'e DIIUpft .... SM'Oie Pierre PUJO, Directeur d'Aspects de la France Pierre JUHEL, ancien Camelot GUY RER OLLE Au rassemblement maurrassien de Montmajour (II Aspects de la France », mai 1972). président de la Fédération du RhOne, qui a prouvé son antiracisme très particulier en apportant son actif soutien à l'O .A.S. Et maintenant, la place d'honneur, dans les colonnes du « Droit de Vivre» est réservée à Michel de Saint-Pierre - oui , je dis bien : le même Michel de Saint- Pierre que l'on a entendu, au dernier rassemblement royaliste de Montmajour, en juin 1972, faire le panégyrique du doctrinaire antisémite, Charles Maurras, prenant ainsi la succession de feu Xavier Vallat, l'ancien commissaire aux questions jUives de Vichy, à qui incombait cette tâche au cours des précédents rassemblements. Sans doute, le bien triste conflit du Moyen-Orient fait- il tourner les têtes les plus froides et commettre bien des erreurs. Et cela donne des phrases comme celles-ci : « S'il était quelques hommes en Afrique , qui portent une tlte sur les épaules et non une pastèque, c'est à une véritable unité qu'ils se consacreraient lI. .. . Oui , c'est bien dans Il Le Droit de Vivre» , porte-parole d'une organisation de lutte contre le racisme , que l'on peut lire, en juillet 1972, une généralisation aussi méprisante, aussi méprisable, dans un article virulent contre l'Organisation de l'Unité Africaine! Voilà ce qu'il advient, hélas! quand les ennemis d'hier deviennent (occasionnellement) des ({ amis» et vice versa. Mais, est-ce à toi , cher et vieux « Droit de Vivre», qui n'as pas pour habitude de t'en laisser conter, qu'il faut rappeler ce que tu écrivais, en mars 1932, dans ta rubrique « A bout portant» : « Les amis de nos ennemis sont nos ennemis». Serge KRIWKOSKI. ~e que "vous pou"Vez Caire Des lecteurs nous demandent parfois ce qu'ils peuvent faire pour aider le M.R.A.P. ampleur. Mais ne pouvez-vous pas, aujourd'hui même, offrir un, deux ou peut-être cinq ou dix abonnements à Nous leur donnons ce mois-ci en des personnes susceptibles de s'intéresser à « Droit & Liberté Il ou avant besoin exemple ces amis qui ont décidé d'offrir à CENT PERSONNES de de le lire? leur connaissance un abonnement d'un Vous pouvez au moins nous coman à « Droit & Liberté Il. Ce geste géné- muniquer 5, 10, 20 ou 100 adresses de personnes à qui nous· adresserons notre reux, plus efficace qu'un simple don, revue, à titre d'essai, pendant trois mois, constitue à la fois une aide majeure à et qui, peut-être, s'abonneront ensuite notre revue, et Wl moyen de développer (surtout si vous leur écrivez personnelson influence et son action; comme on peut espérer qu'une certaine proportion lement pour les inciter à le faire). Autre question : avez-vous réglé vos de ces abonnements seront renouvelés, Bons de souti·en 1972? Si oui, nous cette contribution aura des effets duvous en remercions. Sinon, votre verrables. sement (30 F) nous serait des plus Tout le monde ne peut évidemment utiles. Hâtez-vous, car le tirage est pas prendre Wle initiative d'une telle prévu pour le 9 décembre .•• ~ ___________________________________ J Une lettre de M. Maurice Herzog- Nous avons reçu de M. Maurice H€rzog, membre du Comité international olympique, la lettre suivante: « Monsieur le Secrétaire Général, « Vous m'avez écrit le 17 août 1972 à propos de l'affaire de la Rhodésie. « Je n'ai pas manqué, au sein du C.I.O., de défendre la thèse conforme à vOc voeux. « Je me réjouis d'y avoir réussi. « Veuillez croire, Monsieur le Secrétaire Général, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs. Il ..",.", ," '"' ;' .. ,,~.. ~, P.... ... do ........ ,- ..... • Charles 22 février 2011 à 15:44 (UTC)eM~Rtt'gÉJ~~1lJ~aAI~!~A~É:;ed HERMANTIN ; racisme, l'antisémitisme et pour la paix, COMITE D'HONNEUR Bâtonnier Paul ARRIGHI, Georges AURIC, Claude AVELINE, Roben BALLANGER. Roger BASTIDE, Jean CASSOU, Aimé CESAIRE. Charles de CHAM BRUN, André CHAMSON. Pierre COT, Louis DAQUIN, Huben DESCHAMPS, Henri DESOILLE, Michel DROIT, Maurice DRUON, Pasteur André DUMAS, Adolphe ESPIARD, Henri FAURÉ, Max- Pol FOUCHET, Marcel GROMAIRE, André HAURIOU, Pierre JOXE, Charles-André JULIEN , Alfred KASTLER, Henri LAUGIER. Alain LE LEAP. Michel LEIRIS, Jeanne LEVY, Darius MILHAUD, Théodore MONOD, Etienne NOUVEAU. Jean PAINLEVE, Marcel PRENANT, Alain RESNAIS. Emmanuel ROBLES, Françoise ROSAY, Armand SALACROU, Jean-Paul SARTRE, laurent SCHWARTZ, Jean SURET-CANALE, Jacqueline THOME-PATENOTRE, VERCORS, Dr Pierre WERTHEIMER . Roben ATIULY, Vincent AURIOL, Jean DALSACE. Georges DUHAMEL. Yves FARGE. Francisque GAY, Jacques HADAMARD. Georges HUISMAN, Jules ISAAC, Frédéric JOLIOT-CURIE, Jean LURÇAT, Léon LYONCAEN, André MAUROIS. Amiral MUSELlER, Marc SANGNIER. André SPIRE, Général Paul TUBERT. Chanoine Jean VIOLLET. J'adhère au M.R.A.P. Nom .. _ ... .. . .. . _.. . .. . .. . .. . _.. . .. .................................... . Prénom _.. .......... .. ._ .. ...... _.. . _.. . _.. ...... .. ...... _.. ........... . Profession .... .. ._ .. . .. ........... _.. . _.. ._ .. . _.. . .. . .. . .. . _.. . . Adresse .... _.. ..........._ .. . _.. . _.. ..........._ .. .......................... . Le montant de la carte d·adhésion (à partir de 10 francs) est laissé à l'appréciation du souscripteur, selon ses possibilités, compte tenu de la nécessité d'apporter le soutien le plus efficace à l'action du M.R.A.P. MOUVEMENT CONTRE LE RACISME, L'ANTISÉMITISME ET POUR LA PAIX (M.R.A.P.) 120, rue Saint-Denis - Paris (2e ) - Téléphone : 231-09-57 - C.C.P. : 14-825-85 Paris DROIT ET LIBERTÉ - N° 315 - NOVEMBRE 1972 Sachez-i aussi que... 1 • A Champagney (Haute-Saône), la Journée de la négritude a eu lieu pour la seconde année consécutive, le 20 août, en souvenir de la prise de position des habitants de la commune contre l'esclavage, dans leur cahier de doléances établi en 1789. • Dans Il Témoignage chrétien Il du 27 juillet, une double page de l'abbé Jean Pihan, vice-président du M.R.A.P. et du C:L.E.P.R. : Il Ecrasons le raciste qui sommeille en nous ! Il • Une assemblée d'information sur la nouvelle loi contre le racisme, aura lieu à Annecy, le 18 novembre, sur l'initiative du comité local du M.R.A.P., avec la participation de Me Jean Schapira, membre du bureau national. . ' Présentation du film Il Négritudes Il de Jean Schmidt, le 13 novembre, à l'école du Saint-Rosaire à Sarcelles; débat animé par Henri Citrinot, secrétaire national du M.R.A.P. • Répondant à l'invitation de la Fédération des Bouches-du-Rhône, Me Emile Pollak a accepté d'apporter son concours à la commission juridique du M.R.A.P. et à l'action qu'elle mène pour la défense des victimes du racisme. • Foyer et loisirs de la jeunesse, association protestante, a organisé à Toulon une exposition sur la solidarité entre les hommes et le racisme. Dans ce cadre, a eu lieu le 20 octobre, la projection du film It Etranges Etrangers Il, suivie d'un débat qu'animait Serge Kriwkoski, responsable régional du M.R.A.P. • L'exposition philatélique du M.R.A.P. sur la lutte contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples a été présentée en septembre au club des jeunes de Noisy-le-Sec. Elle sera à Montpellier du 27 octobre au 5 novembre; à Aytré (Charente-Maritime). du 2 au 11 décembre, à Bruay-surEscaut du 29 décembre au 7 janvier. NOTRE CARNET Nos deuils Nous avons appris avec émotion le décés de Jean-Jacques BERNARD, qui fut l'un des fondateurs du M.R.A.P., et membre de son comité d'honneur jusqu'à ce qu'il fût terrassé par une douloureuse maladie. Fils de l'écrivain Tristan Bernard, écrivain lui-même, il avait, sous l'occupation, été interné à Drancy. Nous exprimons à sa . famille nos sincéres condoléances. 29 Diffusion de couture eaL Créations Arlette Nastat vaoe~nastat 43, rue d'Aboukir, Paris-2e • Tél. : 508-88-60 30 à Rain"tt : 8.P. 233 75 063 Patis cedex 02 soil'te sous l'egide du ., SANlE PUBLiQUE'; de peter NICHOLS 13 m1l 0. ..aUIIIT : ~ MEACURE • \lICTOIt. _ ....... , ...... : 11_ 'IlItAI _ ... HUlU" ......... liE - 0. IlOUIIQEB .. Dr _ BOYO ; ,.... HU"EHOT _ ."OCHAIID : ....... WllElt . ~lfll" f _ CHEVIT - MOllETTE : __ BOH • fOIlU ___ VERON _ 0101 : ........ IIIUCI • MACCAItO UonoI .... vu.c· Or .- 'OUItOU .. __ '0'10 _. Olt _ CAVitE · 0. ~OI"""'U . _ ...- "'"o '"' $ • .lAYlI • lhoo _ _ ~"'NOlllHf _ l '_ TII_ LA.LlO' • Ut! _ .-.. a-. IIlllIl _ __ lAfllUII. c-too CAPuu.U • CUlln"l. ~,;r"...... .... .. M""" .- .. CIoo HDIITON. l00I:0,, ...... a' : _, __ "Id '"'AM _ Adaptation française : Claude Roy Mise en scène : Jean Mercure Scénographie et costumes : Nicolas Politis Musique: Marc Wilkinson

Notes

<references />