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Sommaire du numéro

n°44 de avril1985

  • En attendant d'autres Bhopal par Robert Pac
  • Des petites phrases valent mieux qu'une grosse bêtise (montée du front national) par J.M. Olle
  • Folles de mai contre 22 longs rifles: association de victimes des crimes racistes) par Bernadette Hetier
  • Le contrat de confiance (vie dans une cité à Marseille) [immigration]
  • La déchirure et les pansements (Viet-nam) par André Baudin
  • Je ne veux pas être à côté de la plaque (Mohammed Amara, sculpteur) par Cherifa
  • J'étais sous les ordres de Mengele par Zina Morhange-Saltiel
  • Tenir sa langue (un responsable de mouvement burkinabé contre le racisme s'interroge) par P. Ilbondo
  • La parole à Mounsi propos recueillis par D. Aloia
  • L'amiral des mots (jeu concours) par P. Aroneanu
  • Micros en main; Ocara diffuse des musiques du monde entier par J.J. Pikon
  • La dernière fugue (Rimbaud en Abtssinie) par Bernard Golfier
  • Israël; quoi de neuf par Jean David [moyen-orient]

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travaillé ses ordres )) r----- ~o{'C\ p..otesse oosta\ Cooer des Jeunes nations vous propose : Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences. 89, rue Oberkampf 75011 PARIS Tél. : (1) 806.88.33 D1RECTEÙR DE LA PUBLICATION Albert Lévy RÉDACTION Rédacteur en chef Jean-Michel Ollé Secrétariat de rédaction/maquettes: Véronique Mortaigne Se",ice photos : Abdelhak Senna Culture: Daniel Chaput Relations extérieures : Danièle Simon ADMINISTRATION/GESTION Khaled Debbah ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO: Dolorès ALDIA, Pierre ARONEANU, André BAUDIN, HichemBEN YAICHE, CHER/FA, Jean DAVID, Germnine DUPONT et Marcel DURAND, Benuud GOLFIER, Benwdette HETlER,PWùkILBONDO,WAN,CMn~ LANGEARD, Jean L1BERMAN, Catherine MINOT, Zina MORHANGE-SALT/EL, Robert PAC, Kamel RARRBO, Alnin RAUCHVARGER, Joëlle TAVANO, Yves THORAVAL. ABONNEMENTS 1 an: 160 F ; 1 an à l'étranger: 190 F ; 6 mois: 90 F. Etudiants et chômeurs, 1 an : 140 F, 6 mois : 80 F ljoindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien: 200 F ; Abonnement d'honneur: 1 000 F. Vente à l'étranger : Algérie 14 dinars, Belgique: 140 FB, Canada 3 dollars, Maroc 10 dirMms. PUBLICITÉ AU JOURNAL Photocomposition - photogravure impression: PCP, 17, place .de Villiers, 93ioo Montreuil. Tél. ·: 287.31.00 Commission paritaire n° 63634, ISSN 0247-9095. Dépôt légal: 1985-4 PHOTO COUVERTURE : Joseph Mengek SIPA-PRESS Différences - N" 44 - Avril 1985 . 1 SOMMAIRE 1 AVRIL POINTCHAUD ________________________________ __ 6 En aHendant d'autres Bhopal En ce moment, les enfants meurent à Bhopal. Mais l'implantation d'usines dangereuses n'est pas réservée à l'Inde. Robert PAC ACTUEL __________________________________ ___ 10 Des petites phrases valent mieux qu'une grosse bêtise ... Après les cantonales, un bilan des hésitations de l'opposition parlementaire face à la montée du Front national. Jean-Michel OLLÉ GROSPLAN ________________________________ __ 14 Folles de Mai contre 22 longs rifles Comment est née l'Association des familles de victimes de crimes racistes. Bernadette HETIER RENCONTRE ________________________________ __ 16 le contrat de confiance Une HLM dure à vivre, quelques jeunes passionnés de foot, un magasin grande surface habile, et voilà comment on transforme l'ambiance d'un quartier. DOS~ER __________________________________ _ 18 la déchirure et les pansements Adoré ou honni, le Viêt-nam est un de ces pays qui divisent l'opinion. Beaucoup de ses ressortissants vivent en France. Deux raisons pour le faire connaître aux lecteurs. André BAUDIN CULTURES __________________________________ _ 26 Je ne veux pas être à côté de la plaque Mohand Amara, un jeune sculpteur, mais une très grande maîtrise de son art. CHERIFA HISTOlRE _____________ 32 J'étais sous les ordres de Mengele TI y a quarante ans, les camps de concentration étaient libérés. Une déportée, médecin, travaillait à Auschwitz-Birkenau sous les ordres de l'ange de la mort. Elle raconte l'horreur. Zina MORHANGE-SALTIEL REFLEXION ________________________________ _ 35 Tenir sa langue On dit les Blancs, les Noirs ... Mais qu'est-ce que ça veut dire? Un responsable du MOVORAP, mouvement burkinabé contre le racisme, s'interroge. Patrick ILBONDO LAPAROLEA ________________________________ __ 38 Mounsi Le petit jeune qui monte propos recueillis par Dolorès ALOIA HUMEUR __________________________________ __ 41 l'amiral des mots Le début d'un grand jeu-concours. A vos crayons ! Pierre ARONEANU Et toujours .•. Le mois, l'agenda, les petites annonces, le courrier. 3 nces le journal • qUI défrise je m'abonne à Différences, o 160 F (1 an) 0 90 F (6 mois) 0 200 F (soutien) NOM _______ ____________ Prénom Adresse ____ _________ ~----------------- Code postal ---- _ _ Commune _ ___ _ _ ____________ Profession Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à: Différences (Service Abonnements), 89, rue Oberkampf, 75011 PARIS. Abonnement 1 an : étranger: 190 F ; chômeur et étudiant: 140 F. DIFF 4 CHERS LECTEURS LES CAMPS Il Il ne suffisait pas d'avoir obtenu ce témoignage exclusif sur Mengele, le médecin nazi qui fait courir (pas trop vite, pour . certaines), toutes les polices du monde, ilfallait l'illustrer. Les photos d'agences ont été tant et tant de fois utilisées qu'elles en sont toutes écornées, comme si elles portaient les stigmates de centaines d'in memoriam, de milliers de phrases graves qu'elles ont accompagnées /?endant quarante ans : pauvres corps emmêlés, visages décharnés, lourds regards mille fois vus, étouffés par les charrettes d'autres ' cadavres, de nouvelles catastrophes que déversent chaque jour les actualités de la télé ou Paris-Match, chaque semaine. Après quarante ans d'utilisation, les camps ne servent plus a rien ni à personne. A ceux qui se sont le plus battus pour qu'ils disparaissent, on oppose maintenant les méfaits du stalinisme. Les juifs qui rappellent le génocide reçoivent en retour la politique d'Israël à la figure. Dans ce monde où tout vaut tout, donc rien, les camps sont entrés dans la danse des petites phrases perfides. La banalisation après l'ignorance: une seconde déportation. Que faire, alors? Se taire, oublier Mengele et Barbie ? Dès la découverte des camps, en 1945, sont apparus les chantres de l'oubli, les . apologistes du « mauvais rêve ». On efface tout, on jure que ça n'arrivera plus, et tout ce qu'on fait ou dit maintenant, vous pensez bien, que ça n'a plus rien à voir avec les camps. On vit un monde où des F aurisson causent dans le poste . . Pourtant, dans les manifesta- I--:~~Jjijiji __ ~--;--l tions, on voit des messieurs et des dames très dignes et pas tout Jjeunes porter un pyjama rayé sur Veur costume de ville,. et défiler en silence. Sur leur passage, à Convergence 84~ les jeunes applaudissaient. Ni phrases, ni couronnes, des faits: de vieux pyjamas, toute une génération de supposés «Hitler- connais-pas» qui leur rend hommage. Des faits encore: Barbie dans «sa» prison, et M engele qui court toujours. D 1iHérences Différences - N° 44 - Avril 1985 5 POINT CHAUD - Catastrophes - EN ATTENDANT D'AUTRES BHOPAL À Bhopal, en Inde, naissent les premiers bébés malformés, après la catastrophe produite par l'échappée d'un gaz mortel de l'usine américaine Union Carbide. Ce n'était pas un accident, mais un choix. En voici les preuves. L' ~ffroyable catastrophe de Bhopal, en Inde, amis en relief le comportement condamnable des grandes sociétés multinationales à l'égard des populations des pays du tiers monde et des peuples indigènes. . Elles trouvent dans ces pays une main-d'oeuvre très bon marché et très docile, ainsi qu'un moyen de pression économique sur les gouverne- ~ ments en place, avec, le plus § - souvent, la complicité de la ~ Banque mondiale. Un parfait :: mépris de la vie des popula- 2 tions locales leur permet en ê outre d'installer et d'utiliser ~ leurs usines à moindre prix·;;

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1 , en ignorant les normes de ~ __ .::a._--" ....... .a-""';:' __ "':""_--";;;:::IIL __________ --I sécurité minimales. C'est que 10 décembre 1984 : des Indiens accusent Union Carbide à la vie d'un homme n'a pas le Bhopal. même prix à Washington qu'à New Delhi. Pour l'Union Carbide, à Bhopal, elle ne valait pas le centième des dispositifs de sécurité que les patrons se font imposer pour la première usine chimique venue aux Etats-Unis. Il est plus rentable de prendre le risque d'indemniser plutôt que d'investir. Ainsi, on implante sans précautions dans les pays pauvres des industries polluantes, malsaines et dangereuses, on y expérimente des produits toxiques, des armes destructrices" on y stocke des déchets empoisonnés. L'existence, la survie, les cultures des communautés indigènes sont menacées, l'équilibre écologique de ces contrées détruit, avec des conséquences sur celui de nos régions. Les pays industrialisés prennent l'habitude d'aller faire dans ces pays tout ce qu'ils ne peuvent plus tenter de faire chez eux sans provoquer une levée de boucliers. Le continent américain offre maints exemples. L'opinion internationale a été récemment alertée à propos de la 6 construction d'un barrage hydro-électrique sur le Tocantins à Tucurui, dans l'Amazonie orientale, au Brésil. Sous le prétexte de déga~er le terrain nécessaire, le Pentagone et la compagnie Dow Chemical ont essayé deux nouveaux types de défoliants. Résultat : la mort de plus de 7 000 Indiens, l'extermination de deux tribus, et un préjudice irréparable à la faune et la flore. Ces produits toxiques, voisins de la dioxine, sont semblables à ceux que les Américains ont utilisés au Vitit-nam, dont le fameux « agent orange ». De toute évidence, on a testé des produits plus puissants, plus toxiques. Selon le secrétaire de l'Agriculture de l'Etat de Para, des millions de personnes, dont la ville de Belém, sont menacées par la dioxine. De l'uranium chez les Navajos On a àussi répandu ces défoliants depuis plusieurs années sur 330 millions d'hectares, pour ouvrir les grandes routes transamazoniennes, causant des centaines de décès d'Indiens et des désordres écologiques dont les conséquences vont affecter toute la planète. Pour s'en tenir au Brésil, et parce que cela nous concerne directement, rappelons les agissements de la filiale brési· lienne d'Elf-Aquitaine, Braselfa, sur le territoire des Indiens Satéré-Mawé, sous prétexte de prospection pétrolière. Destruction de cultures, déboisements inconsidérés, usage d'explosifs, atterrissages d'hélicoptères au milieu des villages indiens, pollution des cours d'eau, distribution d'alcool, corrup" tion de fonctionnaires de la Fondation nationale de l'Indien (FUNAI), projections de films pornographiques ... , tels sont les faits dénoncés par une délégation de chefs indiens à l'ambassade de France à Brasilia en 1982. Le parallèle avec les réserves indiennes des Etats-Unis et du Canada est inévitable, d'autant qu'elles peuvent être considérées comme faisant partie des pays du tiers monde avec lesquels elles offrent maintes analogies. A cheval entre l'Arizona et le Nouveau Mexique, la réserve Navajo est grande comme la Belgique, peuplée par 130 000 habitants. Son soussol renferme 40 % de l'uranium des Etats-Unis, et aussi du charbon, du pétrole. La réserve produit près de dix fois la quantité d'énergie nécessaire à l'Etat du Nouveau Mexique. Pourtant, dans ce « Koweit de l'Amérique », le revenu moyen d'un Navajo n'atteint pas 1 000 dollars par an. Mais ce que les Indiens traditionalistes mettent en cause surtout, ce sont les blessures infligées à leur mère la Terre par les compagnies, sans consulter les habitants. Mines à ciel ouvert, laissant des territoires immenses impropres à la culture et à l'élevage à tout jamais, épuisement des nappes d'eau profondes, pollution et contamination radioa~tive 0.. I...-.::z....II; ........ ~e~ rivières: Les Indiens .ont 25 000 morts et des milliers d'aveugles. Pour les multinaete employes dans les q'lmes li' 1 l . iji 1 . d' d' . if J d, uram.u m sans aucune pro- o, na .es,, ce a ne JUstl le pas e pnx un ISpOSllt ue tection contre les radiations. secunte. Deux millions de tonnes de Carbide, Ken~McGee, Peacrassiers ont été abandonnés body Coal, Dow Chemical, aux quatre vents, tout contre Amax, Exxon, etc. les baraques des ouvriers. Centrales hydro-électriques Ces déchets d'uranium re- et barrages inondent les tiennent jusqu'à 85 % de la terres, au mépris des droits radioactivité initiale du métal ancestraux et du droit interet émettent du gaz radon et national, au mépris encore de des particules cancérigènes. la personne humaine et de la Le taux de cancer parmi les survie des communautés inmineurs indiens est cinq fois digènes. On a déjà évoqué supérieur à la moyenne na- dans ces colonnes l'affaire de tionale des Etats-Unis, les la James Bay, au Canada (in fausses couches sont nom- Différences, juin 1984). breuses, la mortalité à la Aujourd'hui, ce sont les naissance a fortement aug- Montagnais de la «côte menté, beaucoup d'enfants Nord» du Saint-Laurent au sont handicapés par de graves Québec, les Cherokees aux malformations. Etats-Unis, les Guaymis du Les compagriies impliquées Panama et d'autres encore au aux quatre coins du continent Brésil, qui sont menacés américain incluent entre d'être chassés de leurs terres "autres RIO Tinto Zinc, Union par l'inondation. Différences - N" 44 - A l'ril 1985 7 A ce propos, la presse a relaté, au début d'octobre dernier, la noyade de 22 000 caribous dans le nord du Québec, alors qu'ils traversaient une rivière appartenant au complexe hydro-électrique de la James Bay, comme ils le font depuis des millénaires au même endroit. Une vanne ouverte sans souci de l'environnement, de la faune et même des hommes. C'est une catastrophe écologique, car c'est 22 000 caribous qui ne se sont pas reproduits et les autres, dispersés, sont privés de leurs aires millénaires de paturage et de reproduction. Quant aux Indiens, ils . sont touchés au coeur, parce que le caribou est la base de leur économie. On connaît le grave problème, le plus souvent insoluble, du stockage des déchets radioactifs d'origine nucléaire. Aux Etats-Unis, on a évidemment pensé à installer les décharges nucléaires à l'intérieur des réserves situées dans les Etats du Wisconsin, du Minnesota et du Michigan, c'est-à-dire celles des Indiens Menominee. Les risques sont énormes, d'autant que la politique avouée du ministère de l'Energie est d'agir « au fur et à mesure» en ce qui concerne les problèmes de forage, stockage, transport et contrôle ! Des Phantom F4 sur les Innus Pour finir, on ne peuf mieux trouver pour illustrer notre propos que le fait suivant, qui fut rapporté lors des débats de la Journée internationale de solidarité avec les peuples indiens des Amériques, à Paris le 13 octobre 1984, par Gilbert Pilot, Indien Innu (Montagnais) du Québec. Depuis 1980, avec l'accord du Canada, la Luftwaffe d'Allemagne de l'Ouest effectue des essais de vols à basse altitude de bombardiers de combat Phantom F4 à partir de l'aéroport militaire de Takutauat, sans demander l'accord des Innus, occupants millénaires de la région. Des vols à moins de cinquante pieds au-dessus du sol, à des vitesses pouvant dépasser 850 km/h, provoquant des perturbations et des traumatismes, aussi bien chez les Indiens que parmi les caribous, lesquels sont indispensables à la survie des populations. On imagine facilement que cela serait impossible au-dessus des agglomérations ou des élevages en Eurppe. Non seulement on a passé outre à la demande des Indiens de suspendre ces vols, mais on a annoncé officiellement, l'année dernière, qu'une étendue de 1 750 milles carrés du territoire indien servirait à des vols avec largage de bombes et tirs de roquettes! Robert PAC 1 POUR MEMOIRE Crossroads Manifestations dans le bidonville noir de Crossroads, près du Cap, en Afrique du Sud. La répression fait 18 morts et plus de deux cents blessés (18 février). Gibraltar Après seize ans de blocus, symbolisé par la fermeture de la grille qui isole la partie anglaise, les relations entre le rocher et l'arrière-pays sont rétablies (5 février). Turqueries La campagne d'assimilation des populations turques vivant en Bulgarie soulève de vives protestations des autorités d'Ankara, qui affirment que de nombreux Turcs auraient été tués (23 février). Pik Visite pnvee du ministre des Affaires étrangères sud-africain à Paris. Pour la première fois depuis 1981, un dirigeant de l'apartheid est reçu au Quai d'Orsay par M. Roland Dumas. Le MRAP proteste vivement (16 février). Les trompettes de Saïda Achevant la première phase de son retrait du Liban, l'armée israélienne se retire de Saïda et sa région. Les troupes régulières libanaises y prennent position, acclamées par la population (17 février). Souvenirs, souvenirs LIbération publie le témoignage de cinq Algériens qui affirment avoir été torturés par le lieutenant Le Pen, ou en sa présence, pendant la guerre d'Algérie. L'affaire fait grand bruit, et les prises de position sont nombreuses. Parmi elles, celle du général Bigeard : « Il ne faut pas remuer la merde» (15 février). Accords Yasser Arafat et le roi Hussein de Jordanie signent à Amman un accord prévoyant la constitution d'une délégation commune jordano- palestinienne' en cas de négociations pour la paix au Proche-Orient. Quelques jours plus tard, le président égyptien, Hosni Moubarak, lance un appel en faveur de négociations directes sur cette base. Sans donner son accord, Shimon Pérès, Premier · ministre israélien, qualifie l'hypothèse d'« intéressante » (26 février). Pique-nique Des militants du Front calédonien , variante caldoche du Front national, organisent un piquenique au milieu des terres canaques de la région de Thio. Les gendarmes mobiles présents se heurtent aux Mélanésiens qui protestent (17 février). Expulsions .. Après la décision d'Edgard Pisani d'expulser cinq Caldoches impliqués dans l'affaire du pique-nique, le RCPR organise un « défilé pour la liberté» dans les rues de Nouméa (26 février). Autopsie Bardet Barka, un jeune Algérien de 16 ans, meurt dans des circonstances controversées. Passant entre deux policiers qui tentaient de l'arrêter, il tombe de son vélomoteur. Certains témoins affirment qu'il a été frappé au passage, mais l'autopsie attribue sa blessure mortelle au « choc de la tête contre un muret » (8 mars). Recel Bien connu pour ses prises de position contre l'immigration, qu'il accuse en particulier d'être fortement liée à la délinquance, M. Alain Griotteray, maire de Charenton, est inculpé de recel et abus de biens sociaux. Il aurait fait financer une partie de ses campagnes électorales par une entreprise de publicité dirigée par son beau-frère (13 février). Guadeloupe Un attentat dans un café tenu par un militant du Front national fait un mort et huit blessés à Point-à-Pitre. C'est la première victime depuis la recrudescence des attentats attribués aux indépendantistes depuis 1984 (13 mars). Touche pas à mon pote L'initiative lancée par quelques jeunes regroupés dans l'association SOS-Racisme rencontre un vif succès. Le badge en forme de main qu'ils ont conçu fleurit les boutonnières. L'association a reçu le soutien de nombreuses personnalités, dont les premières ont été Coluche, Bernard Henri-Lévy et Marek Halter (5 mars). Fausses nouvelles Pendant quelques jours, on croit que l'équipage d'un Transall de l'armée française, qui apportait son soutien aux opérations humanitaires en Ethiopie, ainsi qu'une équipe de Médecins sans frontières, ont été enlevés par des opposants au régime d'Addis Abeba. L'affaire se dénoue rapidement (5 mars). Césars En l'absence d'Alain Delon, couronné meilleur acteur à la cérémonie des Césars, Coluche improvise une lettre d'excuse, dans laquelle Delon, récemment installé en Suisse, déclarerait mieux comprendre les pro- . blèmes des immigrés (5 mars). 8 Témoin L'auteur de « Aucun de nous ne reviendra », un des plus grands témoignages sur l'horreur des camps de concentration, Charlotte Delbo, meurt à Paris (1" mars). Délinquance Un rapport du CESDIP, centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, confirme qu'en France, entre 1980 et 1982, la délinquance financière, «en col blanc », reste supérieure aux hold-up et agressions à main armée (2 mars). Escalade La «guerre oubliée », qui oppose l'Iran et l'Irak, connaît un nouveau développement. Pour la première fois de nombreux objectifs civils, comme les villes de Bassorah et Dezfoul, sont bombardées par les belligérants, faisant de nombreuses victimes dans la population (7 mars). Coup de crosse L'évêque d'Evreux, Mgr Jacques Gaillot, qui avait récemment, comme de nombre~ses personnalités de l'EglIse, condamné les partis politiques usant du racisme comme un thème de campagne, est vivement pris à partie par J.-M. Le Pen. «Je suis prêt à aller au tribunal pour défendre la cause de l'homme », réplique l'évêque (3 mars). Arrestation Après concertation, les autorités coutumières de Puebo décident de livrer à la police le jeune Gérard Cana, meurtrier présumé d'un garde mobile lors d'affrontements avec les forc.es de l'ordre (13 mars). Ça continue Le mouvement de protestation contre l'apartheid continue son action devant l'ambassade d'Afrique du Sud à Washington. C'est le révérend Jesse Jackson qui, cette fois-ci, a été arrêté (11 mars). Enfants enlevés Le collectif de solidarité aux mères des enfants enlevés, représenté en particulier par des mères de l'opération « Un bateau pour Alger» se rend à Genève pour attirer l'attention des Etats et des ONG sur le problème des enlèvements d'enfants, et sur la lenteur des négociations franco-algériennes (6 mars). Veto Le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, s'oppose à ce que des subventions soient octroyées à un film que Martin Scorcese se propose de tourner sur la «dernière tentation de Jésus-Christ» (10 mars). Enquête La commIssIon du Parlement européen chargée d'évaluer la montée du fascisme et du racisme en Europe entend Me George Pau Langevin, présidente du MRAP (6 février). Poison? Me Vergès affirme que l'intoxication alimentaire dont souffre . Klaus Barbie est le résultat d'une tentative d'empoisonnement (28 février). Grand canal Le projet de canal des deux mers, un des grands rêves de Théodore Hertzl, qui devait relier la mer Méditerranée et la mer Morte, est abandonné en IsraëL en raison de son coût énorme (21 février). 2 J mars: les enfants des écoles, l'ellllS assister à ulle partie du spectacle des « huit heures contre le racisme» organisé par le MRAP, gare du Nord à Paris. Trafic d'armes Une organisation de protection des Tamouls, le PROTEG, affirme que le Portugal fournit clandestinement des armes au gouvernement du Sri-Lanka pour l'aider dans sa répression contre les Tamouls (26 février). Extradition Andrija Arturovic, ancien ministre de la République croate et accusé de crimes de guerre, est extradé vers la Yougoslavie par la justice américaine. Arturovic est responsable de la mort de 750 000 personnes, juifs serbes et Tsiganes (5 mars). Baroudeurs Dans l'Encyclopédie des armes, une production Atlas, un long article vante les mérites du Ratel, véhicule de transport de troupes équipé de canons français, qui s'est rendu particulièrement utile pendant les dernières campagnes contre la SWAPO en Namibie. L'article insiste sur le caractère pratique des meur- Différences - N° 44 - Avril 1985 trières, qui permettent de tirer aisément sur les combattants namibiens (5 mars). Rafles et taudis Le MRAP proteste contre le quadrillage du bas-Belleville, effectué par la police l'après-midi du 6 mars. Le MRAP évoque « la décomposition du tissu social, sur fond de spéculation foncière, engagée dans ce quartier » (8 mars). Refusnik La femme et le fils de Yossip Begun, détenu dans un camp de Pym, entament une grève de la faim afin d'obtenir le droit pour lui d'écrire à sa famille (7 mars). Retrouvailles M. Rabah Halladj a 38 ans. Il y a quelques années, il s'était distingué en sauvant 27 enfants prisonniers de l'incendie à l'orphelinat de Taninge. Soigné pour une leucémie en 1984, il risquait de mourir si on ne retrouvait pas son frère, perdu de vue depuis 9 Jes années, et seule personne susceptible de fournir la moelle osseuse nécessaire à une greffe. Rabah Halladj, citoyen algérien, est sauvé : un appel sur TF1 a permis de reprendre contact avec son frère Daif (25 février). Pas de VW pour les TGV Dans une note de service, la direction de Volkswagen indique à ses concessionnaires qu'il faut désormais éviter de vendre des autos de cette marque aux tziganes et gens du voyage (26 février). En vrac Le seul élu du Front national aux cantonales, M. Roussel à Marseille, est condamné par le tribunal pour incitation à la haine raciale sur plainte du MRAP et de la LICRA qui s'étaient portés partie civile (21 mars). Huit heures contre le raCisme dans la gare du Nord, à Paris. Pour commémorer la Journée internationale de lutte contre la. discrimination raciale, instituée par l'ONU en souvenir des massacres de Sharpeville, le 21 mars 1960, le MRAP a organisé un spectacle non-stop dans la salle d'échanges du RER. Une vingtaine d'artistes et près de cent mille personnes sont passés pendant cet après-midi (21 mars). Le comité local du MRAP se voit interdire, en revanche, par' . la mairie de Lunel, une salle où il voulait animer une soirée consacrée à la Nouvelle-Calédonie (18 mars). RADIO·EQUIPEMENTS • .. REA Boîte Postale 5 9, rue Ernest·Cognacq 92301 LEVALLOIS·PERRET Cedex 'B:' 758 11.11 ACTUEL - Pas de deux - DES PETITES PHRASES VALENT MIEUX QU'UNE GROSSE BET/SE ••. DepuiS 1983, l'opposition parlementaire ne sait pas trop quoi faire de l'extrême-droite. Entre le mariage forcé et le divorce à l'italienne, son coeur balance. Ce n'est pas un problème de fond, on en jugera avec les mesures que le RPR réserve aux immigrés s'il revient au pouvoir. Plutôt une question de chiffres. Le Pen, c'est un peu comme le tiercé, on l'oublie la semaine, on en parle le samedi, puis le dimanche pendant la course et un peu le lundi pour les rapports. A suivre les déclarations des dirigeants de l'opposition parlementaire depuis Dreux, fin 1983, on s'aperçoit vite qu'ils ne causent de lui qu'aux moments forts, c'est~à-dire avant, pendant, après les élections. Voilà pour les paroles. Pour les actes, malheureusement, qui s'étonne de voir, après ces cantonales, des candidats de droite élus avec les voix de l'extrême-droite? Qui s'étonne, d'ailleurs, de l'inverse notamment à Marseille? Même s'il est plus nouveau par l'extension qu'il prend, le phénomène était quand même prévisible, puisqu'à chaque fois que cela a été réellement nécessaire, à Dreux comme en Corse, l'accord droite-extrême-droite s'est fait, après quelques cris et beaucoup de chuchotements. Actes prévisibles donc . Quant aux positions sur l'immigration, la sécurité, etc., si elles ne sont pas énoncées de la même façon, elles ne divergent guère. Non, la seule différence tangible, dans notre monde de médias, ce sont les paroles, et nous avons recherché, dans les petites phrases de la droite depuis 1983 sur le Front national, les hésitations, les dissensions internes, les diffé- 10 rences de positionnement qui, si elles n'ont guère produit d'effet sur la dernière consultation . électorale, traduisent quand même des clivages importants. Si on veut résumer, en gros, ce qui se passe à droite depuis 1983, on peut dire que les dirigeants de l'opposition sont gênés par ce nouveau gamin qui gambade dans leurs pattes, propulsé là, disent certains, par une stratégie élyséenne. Longtemps tentés par les pitreries du sale gosse, qui a su se faire aimer des grands-mères, ils ont fini, in extremis, par le mettre au piquet, non sans lui glisser dans la poche quelques bonbons pour le faire taire. Dé-dra-ma-ti-ser Revenons fin 1983. Quand Le Pen paraît à Dreux, le cercle de famille n'applaudit pas à grands cris. Devant l'évidence de l'alliance, la première réaction de l'opposition, critiquée à gauche, et à droite par Mme Veil, c'est de refuser le débat. On ressort un thème lancé aupl1ravant, celui du fascisme rouge, qui s'appuie sur la participation des communistes au gouvernement. L'équation est ainsi posée: PSPCURSSfascisme rouge, donc l'opposition n'a pas à recevoir de leçons de moràle du gouvernement. Jacques Chirac: « L'élection de Dreux pose un problème de société, mais ceux qui ont fait alliance avec les commu" nistes sont définitivement disqualifiés pour donner des leçons en matière de Droits de l'homme. » Chirac qui rit jaune, numéro deux de l'UDF, François Léotard, numéro un, ne manquent pas une occasion de souhaiter la bienvenue au petit dernier. Pierre Bas, Charles Pasqua, Jacques Médecin, Raymond Barre aussi, chacun à leur façon . Marginaliser Pourtant, après l'Heure de vérité de février 1984, le bébé devient un peu encombrant. Difficile de l'éliminer, il faut dé-dra-ma-ti-ser. C'est que les thèmes développés par Le Pen n'ont pas été inventés par lui. France-Soir n'a pas attendu Dreux . pour titrer chaque jour sur l'insécurité, et souvent sur l'immigration. On ne peut guère se passer de ces thèmes traditionnels, il faut donc raboter. les angles de Le Pen, ou, si l'OIi veut, lui rogner les ailes. «M. Le Pen n'est pas un épouvantail », dit Raymond Barre. « La présence de M. Le Pen ne me dérange pas », dit François Léotard. Et surtout, il faut renier l'enfant. C'est la faute à la gauche: « Un gouvernement d'inspiration marxiste, volontiers sectaire, plutôt incohérent et assez inefficace, suffirait à expliquer Barre qui doute, Le Pen qui crie ... Pendant ce temps, un certain nombre de voix, et non des moindres, continuent de demander à l'opposition de se démarquer. Citons, en vrac, Simone Veil, Philippe Seguin, Bernard Stasi, Francine Gomez, Olivier Stirn, Michel Noir et quelques autres. Autour des européennes, s'élabore une deuxième attitude

on rejette Le Pen, et

on chasse sur son terrain. C'est le syndrome des fausses réponses aux vraies questions, créé par Raymond Barre ( éviter d'exploiter de façon sommaire et démagogique quelques thèmes qui correspondent à de vraies une poussée de l'extrêmedroite », dit Jean-François Deniau. Le thème de la paternité de la gauche dure encore. Si Le Pen entre en 86 à l'Assemblée, ce sera la faute à la proportionnelle de. Mitterrand, disent-ils d'un seul choeur. Dédramatisation et refus de paternité ont été, dans les DEMANDEZ LE PROGRAMME Fin 84, sous la présidence de MM. Giscard d'Estaing et Chirac, se réunissaient les Clubs 89, d'obédience RPR. Leur mission : élaborer une stratégie de gouvernement, dans l'hypothèse d'un retour au pouvoir. Voici les mesures préconisées dans l'action n" 3, consacrée à l'immigration. • Allocations familiales Les allocations familiales, créées pour soutenir l'équilibre démographique du pays et concrétiser la solidarité entre les générations, doivent être financées par l'impôt et réservées aux citoyens français . • Régulation de l'immigration légale - L 'immigration familiale, autorisée en fonction d'une conception européenne de la famille (couple et enfants) favorise dans les faits une immigration très large, difficile à contrôler. Une politique très stricte d'autorisation, liée à la volonté d'intégration des étrangers concernés, doit être mis en oeuvre. - Il convient de limiter l'utilisation abusive du statut de réfugié politique. L'attribution du droit d'asile politique devra se faire cas par cas, ses bénéficiaires devant apporter la preuve de ce qu'ils avancent, selon les règles internationales d'usage. - Enfin, le régime des étudiants étrangers en France pourrait ~tre amendé,_ pour p~rp1ettre un contrôle de la réalité des etudes (proce?ure d'e~amens ?es . ca~d!datures par les ambassades et eXIgence d une pratique mmlmale du français). Enfin un système de quotas permettrait à la France de choisir l'immigration future si elle devait reprendre . Cependant, le contrôle aux frmltières, même sérieusement organisé, ne peut être totalement étanche. C'est pourquoi il faut aussi rendre poss(ble les contrôles préventifs d'identité, permettant de détecteciles clandestins. A cet effet, la loi du 10 juin 1983 (1) devra êfre abrogée. En effet, la vérification d'identité n'est nullement attentatoire à la liberté d'aller et venir. Il convient de supprimer la carte unique de résident valable 10 ans instituée par le gouvernement socialiste en, mai 1984 mois qui ont suivi Dreux, un échec relatif. D'abord, Le Pen, porté par les médias, n'est guère «dédramatisable ». Quant à l'expulser de la famille, voilà qui est rendu difficile par les nécessités d'alliances locales, les reports de voif' à chaque partielle. Sans compter les discordances au sein de l'opposition: Jean-Claude Gaudin, (sans« droits acquis» pour les actuels bénéficiaires) et d'y substituer : - un visa de court séjour, au plus égal à un an, distinct du visa touristique de trois mois au maximum, non renouvelable; - un statut d'immigré (séjour de 2 ans renouvelable) délivré au vu d'un contrat de travail et avec le dépôt d'une caution par l'employeur ; - un statut de résident privilégié (10 ans de séjour, éventuellement renouvelable), accordé suivant une procédure limitée de quotas, aux personnes ayant manifesté leur capacité à s'établir en France et leur volonté d'assimilation. Ce statut ouvrirait seul le droit au regroupement familial. • Naturalisation - Les attributions automatiques de la nationalité française seront supprimées (par mariage et par naissance en France de parents étrangers). Ne seront français par naissance, outre les enfants de deux parents français, que les personnes née,s en France'd'un parent lui-même français. - La nationalité française sera accordée par naturalisation à tout étranger (y compris ceux nés en France) qui pourra satisfaire à un certain nombre d'exigences (maîtrise de la langue française, service civil ou militaire, francisation des patronymes, casier judiciaire vierge, parrainage par des nationaux, etc.). En contrepartie la procédure de naturalisation sera clarifiée et accélérée. - Une obligation de réserve s'impose à tout étranger accueilli en France. Le régime spécial relatif aux associations étrangères doit être rétabli (cf. décret-loi de 1938) et ' les manifestations politiques étrangères interdites. • L'obligation de retour ' Elle concernerait les étrangers dont la carte de séjour venue à expiration n'aurait pas été renouvelée et les chômeurs n'ayant pas retrouvé d'emploi dans un d1/ai d'un an et résidant en France depuis moins de 10 ans. Dans ce dernier cas, le retrait du titre de séjour serait accompagné d'un délai et d'une aide au retour. Au-delà du délai fixé, l'intéressé se mettait en infraction et perdrait ses droits. Il pourrait alors être expulsé; sur décision de justice immédiatement exécutoire. (1) Loi abrogeant la loi dite « Sécurité et Liberté ». NDLR. questions », formule reprise plus tard, et peut-être maladroitement, par Laurent Fabius). Chirac dira: «Il faut écarter toute éventualité d'une négociation avec M. Le Peri, tant son idéologie diffère de la nôtre.» Mais en même temps, il parte d'« invasion clandestine », lance le débat sur l'immigration aux assises du RPR, fait même quelques entrechats sur la condamnation de l'avortement. Le RPR sort des textes (voir encadré) qui n'ont rien à envier, sur le fond, aux positions de Le Pen. serré de près par le FN à Marseille ou les hésitations de Jacques Chirac en janvier 85 : « Je préfère de beaucoup m'allier ou m'èntendre avec les gens d'extrême-droite, qui, au moins, sont des nationaux, plutôt que de m'entendre ou de m'allier avec des communistes qui, eux, représentent pour la liberté des hommes un véritable danger, un véritable fascisme. » Retour du fascisme rouge , mais surtout retour à la case départ, sur la position défensive. C'est que revient le temps des' inquiétudes. Les cantonales, finalement, ne sont pas si clairement gagnées d'avance. « Et pourquoi jeter l'opprobre a priori sur le Front national?» se demande Bernard Pons. On reste cependant, très vague sur les perspectives électorales: c'est qu'on est en milieu de semaine. D'autant que les élections cantonales, qui restent lointaines, sont, par nature, locales, et qu'on n'arrive pas encore, eri 1984, à estimer le nombre de candidats FN qui seront présentés. A noter toutefois qu'on n'en mène pas large dans les états-majors des partis de l'opposition. Si, d'un certain point de vue, on peut espérer ratisser les électeurs d'extrême-droite en reprenant des thèmes que · ... Giscard qui explique: le look de la droite des allllées li(). Paniquer Février 85 est le mois · de la déroute. Un homme comme Didier Bariani, qui, après Dreux, pensait, après coup il est vrai, que l'opposition n'avait pas besoin de cette « alliance contre nature », de LE PEN, MARIE, ORTII ET LES AUTRES après tout, on sait manier, le danger interne ne cesse de se préciser. Les formations de l'opposition, surtout le PR, ne sont guère des partis de masse. Or, c'est tous les jours que des militants passent au Front national, qui ne man- P ublié rapidement après les élections européennes, l'Effet Le Pen est la compilation d'un ensemble d'articles parus dans Le Monde entre mars 1983 et juin 1984. Il existe un certain nombre de livres sur l'extrême droite, rendus souvent rébarbatifs par le nombre de références. Ce ne sont souvent que des faits qui s'enchaînent à d'autres faits, sans la moindre analyse. D'autant qu'on ne peut manquer de saisir les 'redites d'un ouvrage à l'autre. C'est un des mérites de ce dossier que d'avoir abordé le thème en le délimitant et en synthétisant les informations très diffuses dont on disposait jusqu'à ce jour sur le Front national et son leader. Le Pen a un passé. Un passé .d'activiste, de baroudeur, dont on a vu qu'il ne songe pas à le renier. Mais a-t-il un avenir? Et l'a-t-il malgré son passé ou grâce à lui? Telles sont les questions auxquelles ce dossier a choisi de répondre, après le vote de plus de deux millions de Français en faveur du FN. Car il ne suffit pas de s'en tenir au passé Le Pen pour comprendre la montée de son parti, et on ne peut trouver d'antidote durable qu'après un constat lucide sur ce que cache et révèle en même temps l'effet Le Pen. On trouvera donc dans ce livre un rappel historique, mais aussi une analyse détaillée des caractéristiques de l'électorat du FN et de l'évolution de la société française qui explique son audience nouvelle. que pas de le faire savoir. Militants peut-être déçus par .les combinaisons et les hésitations peu brillantes de l'année 84: liste commune ou pas aux européennes, référendum ou pas, cohabitation ou pas ... Ce qui explique la constance de M. Gaudin, cette «association qu'il n'est pas souhaitable renouveler », annonce En prolongement du travail mené avec ;Edwy Plenel, Alain Rollat s'est efforcé, tout seul cette fois, dans les Hommes de l'extrême droite, de situer l'émergence du FN sur la scène politique dans son contexte hexagonal et européen. Cela donne un livre facile à lire qui constitue cependant un véritable ouvrage de référence. Si Alain Rollat donne un portrait de Le Pen au centre d'autres figures de l'extrême droite, « Marie, Ortiz, et les autres ... », il va plus loin que · le portrait pour montrer que le dirigeant du FN est porteur d'un véritable projet de société, et d'un programme, contrairement à ce que l'on croit parfois, quand on réduit son succès au succès de ses deux principaux thèmes de bataille que sont l'opposition à l'immigration et l'exploitation de la psychose sécuritaire. Le chapitre V, intitulé «l'héritier du vichisme », en constitue à ce titre l'apogée. C'est textes à l'appui que Rollat expose et discute ce programme, jusqu'à en dévoiler la logique totalitaire qui le sous-tend: L'ouvrage, pertinent et impertinent, fournit des réponses aux interrogations des Français, en interpellant aussi, par delà d'eux, la classe politique. « Qui saura renouer avec les accents de Jaurès pour renvoyer les vieux démons à leurs placards ? »lance-t-il en guise de conclusion. 0 Germaine DUPONT et Marcel DURAND L'effet Le Pen, de Alain Rollat ·et Edwy Plenel, éd. Le Monde-la découverte. Les hommes de l'extrême droite, de Alain Rollat, éd. Calmann-Lévy. qu'il faut à tout prix barrer la route à la gauche. Si les mêmes voix continuent à dire qu'il ne faut pas s'allier ( Comment mener le combat pour les Droits de l'homme dès lors qu'on accepterait de s'allier, même localement, avec ceux qui par des thèmes racistes et xénophobes attisent des sentiments de haine envers la population? », ipterrogeait Simone Veil) les dirigeants refusent de s'engager à ne pas accepter de désistements au profit de Le Pen, et nombre de locaux, derrière Gaudin ou Pasqua, annoncent des alliances : Ecorcheville à Gennevilliers Arreckx à Toulon, etc. Lecanuet parle non. de désistement, mais de retrait. On glose sur la liberté d'action des instances locales. Et vint lé calme Enfin, début mars, après de longues tergiversations, le RPR, par les bouches de Toubon et Chirac, annoncent qu'ils se maintiendront devant le Front national. Dès lors, les choses vont très vite. Sous la position officielle de non-désistement se dessinent des tractations qui laissent ·quelques miettes au Front national, moins voyantes ~ qu'un accord public. Il semble que le fait d'ignorer de quoi seront faites les législatives, proportionnelles ou non, ait dissuadé finalement les principaux leaders de brûler toutes leurs cartouches pour des élections qui n'en valaient guère la peine. Il ne faudrait pas sous-estimer non plus le poids de la conscience antiraciste, efficacement relayée par des personnes comme Simone Veil, Bernard Stasi et quelques autres. En fait, la situation reste ouverte, et bien malin qui pourrait actuell:ement prédire si la droite, suivant le mode de représentation choisi, saura garder son calme en 1986, ou cèdera à l'affolement dont elle}a fait maintes fois preuve ces vingt derniers mois. « Il ne faut pas se polariser sur M. Le Pen », dit -Raymond Barre. Bonne idée. 0 Jean-Michel OLLÉ Différences - N° 44" - Avril 1985 . - Méchant loup - Deux ou trois choses que nous savons de lui Pitre ou poison, Père Fouettard ou Dupont - l'horreur, difficile de l'éviter ces temps-ci. . Marie~José Chombart de Lauwe a présenté, devant la commission du Parlement européen chargée d'analyser la montée du racisme et du fascisme, un long rapport dont nous donnons la substantifique moelle. L e Parlement européen, où siège le Front na. tional allié avec ses amis fascistes italiens du MSI, a mis sur pied une commission d'enquête sur la recrudescence du fascisme et du racisme en Europe qui siège à Bruxelles. Les députés du Front national ont d'abord tenté d'en faire partie, puis, devant le refus des autres formations, ont choisi de la dénoncer. De nombreux experts ont été appelés à comparaître, dont Me George Pau-Langevin, préside rite du MRAP. Dans sa déposition, Mme Chombart de Lauwe, sociologue au CNRS, a notamment montré que Jean-Marie "Le Pen, qui assimile «les torrents migratoires des immigrés » à ceux des « Barbares» (mais n'est naturellement «pas raciste », parce qu'il évite de tomber sous le coup de la loi de juillet 1972 sur la discrimination raciale), a tout de même des antécédents éloquents. Le fourreur et l'avorteuse historien du FN, fasciste déclaré et partisan de la stratégie à la chilienne pour déstabiliser le pouvoir, un intime de Le Pen fondera à cet effet des Groupes nationaux d'intervention, lesquels passeront ensuite - légalisme oblige - à la très fasciste FANE. Marc Fredriksen, président de la FANE et émule du négateur des chambres à gaz, Faurisson, figurera sur les listes électorales du FN. L'un des cofondateurs du FN, Pierre Bousquet, n'est autre qu'un ex-SS, directeur politique du très extrémiste bulletin de l'Euro-droite Le Militant. P.utre allié fidèle de Le Pen : le haut en couleur François Brigneau, de Minute, qui s'acharne, en son style particulier dans le quotidien Présent contre le ministre de la Justice , Robert Badinter, traité de « fourreur errant ... Issue de la mouvance néofasciste d'après guerre et après l'interdiction de deux de ses mouvements les plus violents, Occident et Ordre Nouveau, l'extrême droite la plus caractérisée, dans un contexte d'éloignement des idéaux de la Résistance et de banalisation des fascismes, décida une opération d'entrisme en lançant, en 1972, avec le FN (et le PFN) un grand parti national-populaire, au profil plus rassurant. Les dirigeants de l'époque forment une galerie édi" fiante ! Feu François Duprat, . qui règle ses comptes, la bouche tordue par la levée du sang noir » en compagnie des i3 «Krasucki, Fiterman, Lang qui n'ont de français que l'habitat occidental ». Même acharnement antisémite du même contre «l'avorteuse » non catholique, Simone Veil. Peut~être ne sont-ce là cependant qu'erreurs de parcours dont on serait en passe de s'épurer? · Mais alors, pourquoi trouvait-on lors de la fête «Bleu, blanc, rouge» les livres de Rassinier et Faurisson , plus les (odieux) Mémoires d'un fasciste du collabo Rebatet où le massacre des juifs est purement et simplement justifié! Peut-on enfin ne pas évoquer l'organisation spectaculaire par le leader chrétien intégriste, Romain Marie, autre partisan de Le Pen de cette journée défouloir de l'Amitié française, où furent stigmatisées « les quatres puissances qui colonisent la France» sous notre « totalitaire» gouvernement de gauche: « le juif, le communiste, le franc" maçon, le protestant » ? 0 Jean LIBERMAN GROS PLAN - Têtues- FOLLES DE MAI CONTRE 22 LONGS RIFLES Silence, on tue: une vingtaine de moins par racisme ces dernières L'association des familles de victimes ne veut pas qu'on les Depuis le 2 octobre 1971, la France, terre d'asile, terre d'accueil, terre des droits de l'homme, patrie des libertés, n'est plus tout à fait la même. Ce jour-là fut abattu à Paris, dans le quartier de la Goutte-d'Or, un enfant de quinze ans, Djilali Ben Ali. « Une main qui demande de l'aide/ Une société quelconque, actuelle/ Un flic est là, sauveur, docteur! Sort son arme et tire droit au coeur! Un visage aux traits de l'enfance/ Une tronche rouge et pleine de sang/ Des yeux qui pleurent de souffrance/ Des yeux pour voir votre violence ... » Ce chant fut dédié par un jeune poète de Vitry, François Michel, à Abdel Kader, adolescent de Valenton, tué au cours de l'hiver 1980. Aujourd'hui, François n'est plus. Il est mort à vingt et un ans, le 16 juillet 1983, des suites d'un bal de 14 Juillet chez les pompiers de Vitry: parfois la fête s'achève dans les coups. Depuis 1971, la liste des jeunes assassinés par racisme en France est longue (voir encadré). Mais quelques-uns de ces meurtres ont débouché sur une prise de conscience. Contre-enquête de vingt ans sont morts années. de crimes racistes oublie. 28 octobre 1982: pour la famille de Wahid Hachichi-Allam, c'est la fin du monde. A leurs yeux, leur fils est tombé dans un guet-apens antiarabe. Très rapidement, naît l'Association des amis de Wahid, plus tard transformée en Wahid Association. Frères, soeurs, parents, amis vont mener leur contreenquête point par point pour infirmer les premières conclusions de l'enquête La Marche pour l'égalité en lWH : des femmes en colère ... 14 de police. Celle-ci reprend à son compte la thèse du meurtrier qui affirme avoir tiré de sa fenêtre du premier étage contre un groupe de jeunes voyous qui tentaient de lui voler sa voiture. La presse se fait l'écho du désarroi du jeune meurtrier, mis en détention préventive, dont la vie se trouve ainsi « brisée ». Nul hommage à la douleur de la famille de la victime. Wahid est présenté comme un quelconque braqueur de BMW. Il n'y a pourtant eu ni tentative de vol (pas d'empreintes digitales) ni effraction. Mme Hachichi déclare: «Je veux que la vérité sur la mort de mon fils soit dite clairement et que le coupable soit puni. Je veux que sa mémoire soit lavée de tout soupçon. Je lui dois bien ça, à mon fils. Dieu ait son âme. » Après six mois de détention préventive, le meurtrier est relâché par le magistrat alors chargé de l'instruction, arguant du précédent de la libération du meurtrier d'un autre jeune, Ahmed Bouteldja, de la cité Saint-Jean à Bron. En novembre 1983, et pendant la marche, a lieu à Nanterre, à la cité de Gutenberg, un hommage à Abdenbi Guemiah, pour le premier anniversaire de son assassinat, avec la participation de la mère de Wahid Hachichi et de la Wahid Association. La décision est alors prise de créer immédiatement une Association des mères de familles des victimes de crimes racistes. Sans haine Comme prévu, depuis le forum-justice des Minguettes du 22 juillet 1983, en plein été meurtrier, la première manifestation publique de cette association ;:: ; prend la forme d'un rassemblement des :;: mères sur la place Vendôme, devant le -.: Au-delà du crime raciste à proprement parler, c'est la banalisation des meurtres contre les enfants qui est en jeu. Chaque fois, les mères ont interpellé la justice et l'opinion publique, espérant qu'un jour on les entende, malgré l'indifférence des uns, le scepticisme et le découragement des autres, Sans haine et sans volonté de vengeance, elles demandent simplement le respect pour les victimes et leurs familles, le rétablissement des faits et le procès régulier des meurtriers. » Mme Hachichi lançait à toutes les mères l'appel suivant: «Quant aux autres mères, je crie "Réveillez-vous, car vos enfants sont en danger. Unissonsnous". » Un autre appel s'y joignait: « M. Mitterrand, M. Badinter, faites que les choses cessent, parce que je vois à chaque fenêtre un 22 long rifle. » Le 5 mai, au Carrefour de la différence, à Paris, avait lieu une journée de solidarité avec les mères de famille. Au cours de la conférence de presse, les mères de famille, frères, soeurs, cousines ou tantes de jeunes victimes font le point de la situation : pesanteurs et blocages de la justice, indifférence, voire hostilité des voisins. Mme Mirval, ministère de la Justice, le 21 mars 1984, ... des enfants menacés. à l'occasion de la Journée interna-· tionale contre le racisme instituée par MmeAubourg, mère de François les Nations unies, en commémoration Michel, Mme Mellyon, Mme Hachichi, des massacres de Sharpeville, le Neguib frère de Wahid, la soeur de 21 mars 1960, en Afrique du Sud. Toufik Ouannes, Zulikha, la cousine de Pendant la marche s-ilencieuse et le Moussa Mezogh, prennent la parole pour expliquer leur détermination à rassemblement de celles qu'on a voulu obtenir que la vérité soit enfin dite. EE:i.~e~:r:~Er:~;j~l!fCharles: d~! ~\~~!~i~~:'~;CharlesS:Charles:Charles::;:;':~r.~ Justice. Elle veut obtenir que la vérité aider dans leur combat épuisant, afin soit dite sur ces affaires douloureuses et que ces drames ne puissent se répéter, que les autres enfants restent vivants. que justice soit rendue, la même justice Une autre journée de solidarité, avec pour tous, victimes et meurtriers, une gala et participation d'artistes, a eu lieu justice qui ne se rende pas complice à Vaulx-en-Velin, près de Lyon, le involontaire du pire des maux: la 7 juillet dernier. banalisation du crime. Face au mutisme observé par le mi- « Les familles immigrées sont en émoi, nistère de la Justice après le rassembledéclarait l'association. Emoi partagé ment du 21 mars, l'Association des par les familles françaises et l'ensemble familles de victimes de crimes racistes et des jeunes qui cohabitent. sécuritaires (1) a appelé à un nouveau Différences - N° 44 - Avril 1985 I~ rassemblement place Vendôme le samedi 27 octobre 1984, pour réaffirmer ses revendications: « Etre reconnue comme association d'aide aux victimes, pouvoir se constituer partie civile dans toutes les affaires de crimes racistes, participer à la modification de la loi de 1972 contre le racisme, obtenir de la Chancellerie un contrôle des parquets trop souvent partiaux au détriment des victimes et la constitution d'un groupe de ,travail - ministère, juristes, associations - pour assurer le suivi judiciaire des dossiers. » Aucune ouverture de la part du chef de cabinet de M. Badinter... Un père, français, a réaffirmé : « C'est à nous de faire notre travail auprès de l'opinion publique pour que le ministère puisse agir en notre faveur. » Pour l'instant, les choses en sont là. Les parents de Marc Pinkaert, abattu par un bon père de famille qui possédait depuis des années une 22 long rifle, ont lancé par voie de presse en juin 1984 une pétition dont le texte est le suivant : « Les signataires demandent une réglementation stricte de la vente d'armes; un contrôle rigoureux des ports d'armes délivrés par la police; des sanctions exemplaires contre ceux qui pratiquent "le tir à l'homme" (2). » Cette démarche rejoint absolument celle de l'Association des familles de victimes de crimes racistes et la commission Justice du Collectif parisien des jeunes issus de l'immigration (3), qui la soutient. Mais limiter la vente d'armes et sanctionner le crime suffiront-ils à faire tomber la peur, la haine, et les préjugés? D Bernadette HETIER (1) Pour tout contact avec l'Association des familles de victimes de crimes racistes, écrire: 5 bis, chemin des Echarmeaux, 69120 Vaulx-enVelin, tél. : (7) 880.60.20 (jeudi de 18 à 20 heures). (2) Texte à renvoyer pour ceux qui le souhaitent à Mme Pinkaert, 17, bd de Solférino, 92500 Rueil-Malmaison. (3) 85 bis, rue de Ménilmontant, 75020 Paris. JEUNES ASSASSINES CES DERNIERES ANNEES - 1971 Djilali Ben Ali - 1973 Hadj Lounès -1974 Lucien Mellyon Patrick Mirval -1980 AbdelKader Kader Lareiche Lahouari Ben Mohamed Zahir Boudjelal - 1982 Wahid Hachichi Ahmed Bouteldja Abdenbi Guemiah -1983 Abdelhamid Benatir Habib Grimzi Toufik Ouannès Ahmed Bendikiri Zouaoui Benmabrouk Marck Pinkaert François Michel -1984 'Karim Benhamina RENCONTRE - Marseille - LE CONTRAT DE CONFIANCE Un quartier chaud, des jeunes un peu paumés, un directeur de supermarché prévoyant, un bout de terrain de foot : l'équipe de la Busserine est née. Fini le temps des rodéos, bonjour le foot , la tension est tombée. Quartier Nord de Mar- incarnent le bras de l'ordre établi. Qui , pOlJfrait s'étonner, dès lors, que de tels seille, les Minguettes a affrontements puissent connaître un Lyon, La Courneuve, c'est le même dénouement sanglant? amalgame: jeunesse, immigration, dé- Le 19 octobre 1980, c'est Houari Ben linquance, insécurité, qui crée la peur... Mohamed qui tombe, victime d'une et se vend bien. « bavure» policière. Le 20 février 1981, Ainsi se trouve bouclé le cercle vicieux Zahir Boudjellal est tué alors qu'il se qui enferme les jeunes des cités dans trouve dans une épave au pied des une violence très réelle, d'autant exa- tours. L'un et l'autre avaient 17 ans, ils cerbée qu'on ne lui laisse pas d'autre habitaient la cité des Flamants. issue. Et ce sont les affrontements avec Désespoir des familles, juste colère, les forces de police qui , aux yeux de ces manifestations spontanées auxquelles adolescents reniés par notre société, participent tous les habitants du quarÏ6 tier, dont ceux de la cité voisine de la Busserine. Là aussi , les jeunes sont pris dans la spirale de l'oisiveté forcée , de. l'échec, de la délinquance. Avec les meurtres des copains, la tension monte et la police ne s'aventure plus dans les cités. C'est alors que de jeunes adultes qui ont grandi à la Busserine, M .. . et T .. . décident de créer un club de foot pour accueillir ces garçons désemparés. Il naît en 1981. « C'était une époque très dure, dit M ... , le président du club. Il y avait beaucoup de délinquance, des vols. Il Y a eu le meurtre de Lahouari. On a voulu aider ces jeunes. De notre temps, déjà, il Y avait de la délinquance, mais pas à ce niveau. Les immeubles de la cité datent de 1964-1965. Les jeunes y vivaient en permanence, comme dans un blockhaus. » Mais un club de foot a besoin de ressources pour vivre. Où se tourner? M ... et T. .. ont l'idée d'aller trouver le directeur de l'hypermarché Carrefour du Merlan pour solliciter son aide. Réaction négative. Mais un nouveau directeur, M. G ... , se montre favorable à l'idée, persuadé par le président des commerçants de la galerie marchande. Celui-ci nous raconte comment on a fait connaissance avec le « club ballon », comment celui-ci a reçu ses premiers dons. « On nous a invités à prendre l'apéritif dans le quartier, dans la salle :": du club, au sous-sol d'un immeuble, mis ~ à la disposition par le directeur de la '" Société HLM. Il était très conscient des:": • problèmes sociaux des jeunes des quar- « On ne POUI'Ui/ pas espérer vivre seuletiers avoisinants ». Et T... de pour- ment sur les cotisations des membres. Il suivre: « Il a cru à notre projet, alors il fallait donc trouver quelqu'un pour nous a aidés. Les ' gens du quartier, les sponsoriser le club et on est allés frapper travailleurs sociaux, qui étaient là depuis chez Carrefour et à la galerie marplusieurs années, nous ont dit: "Vous 'chande. Chez Carrefour, c'était déjà une allez vous casser la gueule", mais ça a tradition de sponsoriser. Mais donner du marché. Les jeunes avaient confiance en fric, d'habitude, c'est facile. On donne nous, leurs aînés, ils étaient pleins d'en- un chèque et on n'en parle plus. Alors thousiasme, étaient fiers de porter le qu'ici on a essayé de créer un autre type maillot de leur équipe de foot. » de liens. » « Pour nous, reprend M. B ... , à Carre- Il semble qu'effectivement le courant a four, c'est plus une affaire de coeur que passé au club de la Busserine. Dès la de commerce. On a conscience que première année, ils ont reçu l'OM de l'existence du club a transformé les Marseille. Le quartier avait une maurelations entre le centre commercial et les vaise renommée et, avant la fin de jeunes du quartier. Le fait de sponsoriser l'année, le club se faisait apprécier pour le club équivaut à un contrat de la très bonne tenue de ses joueurs sur confiance 11)utuelle avec les jeunes et, les terrains. « Nous avons entretenu grâce à l'aide des aînés auprès des petits, avec les dirigeants un dialogue très les vols ont chuté incroyablement dans le positif sur les jeunes. On a parlé de foot magasin. » et de délinquance. Ils ont bien compris. » En 1983 a eu lieu le premier tournoi, au stade de la Busserine. Ont «Ce n'est pas tout, precise M ... , le président du club, la mentalité des gens du quartier a changé, les familles des gosses de l'équipe, les autres familles aussi ont vu l'ambiance s'améliorer. Il n'y a plus de rodéos comme avant. Actuellement, nous avons 100 à 120 jeunes à l'entraînement sur le terrain de la Busserine. » En fait, il faut partager le terrain avec six autres clubs, ce qui représente, pour chacun, un demi-terrain deux fois par semaine. En 1983, le club a été « invaincu », il a même gagné le tournoi de Malpasset. Ont-ils rencontré des difficultés majeures pour faire vivre et avancer l'entreprise? Essentiellement des problèmes de transport, d'équipement, de frais d'arbitrage, de licence. La Busserine, c'est un quartier à petit moyen. Différences - N° 44 - Avril 1985 été invités les clubs des quartiers Nord : le Merlan, la Batarelle, c.A. gambertois, F.C. Burel, Malpasset, les Aygalades, F.C. Sainte-Marthe. A l'unanimité, tous les dirigeants ont félicité la Busserine pour la tenue des joueurs, l'organisation, les rapports avec les dirigeants. Un gars de Sainte-Marthe a même pris le micro pour les féliciter. « Il nous a fallu pas mal d'argent pour assumer les frais du challenge, de la coupe, des sacs de sport, des médailles pour tous les joueurs du tournoi qui a eu lieu un samedi et un dimanche du mois de juin. Parmi les clubs invités, il y avait des clubs «assis », un peu bourgeois. Les parents y ont assisté et nous ont dit : "On avait peur quand on est venus dans le quartier, et maintenant on voit que c'est super, que les rapports entre parents et jeunes sont excellents. » 17 G râce au «contrat de confiance » et de respect mutuels entre Carrefour, la galerie marchande et les jeunes de la Busserine, on avance peu à peu et maintenant, le club va recevoir - sur sa demande - une table de ping-pong et des jeux de société. L'enthousiasme des responsables est communicatif. Avant que le club n'existe, les travailleurs sociaux du quartier n'avaient pas vraiment prise sur les jeunes : ils étaient assimilés à des « flics» qui étaient là pour les « tenir ». Mais au club, la démarche est toute différente : « Je ne suis pas là pour faire la police ; je suis là pour t'amener au ballon parce que le ballon me plaît » ... et surtout parce que les jeunes, ils les aiment. Alors, le jeune se prend en main lui-même. Ils ont même collé des affiches à l'école de leur propre initiative pour recruter de nouveaux membres. Aujourd'hui, au lieu de se vanter d'avoir fait des bêtises, comme autrefois, ils parlent des matchs de foot. Et ça intéresse les autres. Même si on se fait battre, on accepte de se tourner soimême en dérision « On en a pris 5 » ... c'est quand même du foot! Le mercredi suffit à peine pour les entraînements, les réunions de club et d'équipe. Hier encore, on voulait faire du mal pour se faire remarquer, parce qu'on était les délaissés. Aujourd'hui, le mouvement est renversé. On veut faire du bien pour se faire remarquer. Fini le temps des rodéos qui ont incité des gens à déménager. Aujourd'hui, il y a bien quelques brebis égarées et quelques petits vols, mais la tension entre les habitants est tombée. Ce club, parti de peu, modestement, a fait du travail en profondeur et maintenant, le résultat, «on dort tranquille », et les jeunes le savent bien. A mentionner également le programme de « réhabilitation» d'une première tranche de logements (pour le bâtiment P, environ 500 millions de travaux). En projet, la réfection de près de 3 000 logements sur la Busserine et Barthélemy III. Au total donc, une opération süperpositive. Les gens qui sortaient sur leur balcon avec un fusil ont décidé de rengainer. On ne lance plus de sommiers sur les voitures de police. , L'amitié cordiale des deux dirigeants, musulman et juif, est un symbole: l'esprit sportif permet de régler tous les problèmes dans le fair-play. Grâce au foot, à la Busserine, c'est le racisme qui est perdant. B. H. Dans les rues de Saigon, maintenant Hô Chi Minh-Ville. Il Y a dix ans, Saïgon devenait Hô Chi Minh-Ville. D'abord adul.~ pour sa 1.~He cont~e .l'impé.ri~ récemment mis en cause pour l'incursion de ses troupes en Thallande, le Vlet-nam divise. VOICI, pays meurtri par la guerre. lisme, puis détesté pour l'invasion du Cambodge, sans honneur ni indignité,.Ia vie quotidienne de ce LA DECHIRURE ET LES PANSEMENTS 18 Différences - N° 44 - Avril 1985 19 Hanoï juste au-dessous de nous. Du hublot, le panorama a quelque chose d'étonnant. Inondée de rizières d'un vert très vif, la campagne vietnamienne est également criblée de cratères. Une terre meurtrie qui, aujourd'hui encore, ~-'--__ "'" porte le témoignage de la puissance de feu des vagues d'assaut de B52 américains dont les chapelets de bombes semaient la mort et la désolation et transformaient les sols en paysages lunaires. Pourtant, le temps est loin où, le 22 décembre 1944, une silhouette mince, curieusement coiffée d'un chapeau feutre, le colt à la ceinture, s'adressait à un petit groupe de trente et un hommes et trois femmes armés de quelques revolvers et de lances de bambou. Dans les profondeurs des régions montagneuses de Cao Bang, l'armée populaire du Viêt-nam venait de naître. Ce n'était alors que « la Brigade de propagande armée pour la libération du Viêt-nam ». Et l'orateur n'était pas encore dans l'Histoire avec pour nom cette seule syllabe: Giap (1). Aujourd'hui VÔ Nguyên Giap, le théoricien de la guerre révolutionnaire, est vice-président du Conseil et ministre de la Recherche scientifique. Mais c'est en uniforme de général, chemise verte et quatre petites étoiles d'or au collet, qu'il nous reçoit. L'entretien a lieu dans l'ancienne résidence du gouverneur du Tonkin. La révolution éclata aux grilles mêmes de ce palais, dans lequel s'installa ensuite le président Hô Chi Minh avec le premier gouvernement provisoire, de retour du maquis. « Nous portions alors tous les deux le short colonial », souligne avec malice le général qui porte allègrement ses 74 ans, le cheveu grisonnant mais l'esprit vivace. « Trois cents kilos sur une bicyclette » « L'oncle Hô, raconte-t-il, aimait beaucoup plaisanter. Au lendemain de Diên Biên Phu, il dit à ses diplomates: Voyez-vous, messieurs, nous, dans cette guerre, nous n'avons perdu ni tanks, ni avions" ... » Et pour cause, les soldats du général Giap faisaient la guerre à bicyclettes. Ces fameux vélos avec lesquels ils réalisèrent de véritables prouesses, transportant par-delà les montagnes des charges de trois cents kilos, et qui, de Diên Biên Phu à la piste Hô Chi Minh tinrent en échec les technologies les plus avancées de la guerre moderne. , Les années ont passé, mais la bicyclette est toujours la reine des transports au Viêt-nam, au Nord comme au Sud. Les seules voitures, officielles ou de service, qui circulent, doivent se frayer le passage à grands coups de klaxon pour écarter la marée de vélos qui s'écoule lentement, toujours au même rythme, dans les artères de la capitale. Un flot continu que perturbe parfois un tramway vétuste et surchargé qui trace sa voie dans un bruit de ferraille assourdissant. Le spectacle de la rue témoigne de la pauvreté de ce pays qui manque de tout, et qui continue à consacrer à la défense la part essentielle du revenu national. D'abord la lutte de libération. Puis le Cambodge, contre les « purs et durs» de Pol Pot. Les « volontaires vietnamiens» ont fini par mettre Pol Pot en déroute, le chassant récemment des derniers sanctuaires qu'il occupait encore au Cambodge. Le chaos apparent de la société civile moritre toutefois que le prix à payer de cette politique est très élevé pour le peuple vietnamien. D'autant que l'article 4 des Accords de Paris est resté lettre morte. Les Etats-Unis n'ont pas contribué « au rétablissement du Viêt-nam », « en pansant lès blessures de guerre » ; ils ont au contraire entraîné la plupart des pays occidentaux dans une politique de blocus économique qui prive le pays de toute aide, hormis celle des autres pays du bloc socialiste, de quelques pays scandinaves et, à un degré moindre, de la France. «Notre économie est extrêmement faible », dit Hoang Tung, secrétaire du Comité central du Parti. «Nous manquons d'expérience dans l'édification. Nos générations sont nées et ont grandi dans la lutte, et non pas dans la construction. Mais nos travailleurs sont capables de supporter des sacrifices. Pourtant je vous prie de croire que durant toutes ces années de travail, ils n'ont jamais eu l'estomac complètement plein. » Le Viêt-nam, pays agricole, ne compte que 500000 ouvriers pour une population de 60 millions d'habitants. Les salaires sont très bas, alors que les prix, au marché libre, grimpent parfois vertigineusement. Alors, o~ se débrouille, tant bien que maL.. On occupe plusleurs emplois, on fait du commerce à la sauvette ou divers petits métiers. Comme cet ancêtre accroupi au bord d'une avenue d'Hanoi: avec une vieille pompe à côté de lui: pour quelques dongs, il regonfle les chambres à air des bicyclettes ... Le gouvernement pourvoit au minimum en distribuant à 20 Du monde, beaucoup de monde à Hanoï devant le mausolée de Hô Chi Minh ou dans les rues. Au marché central, les échoppes privées vont bon train chaque famille des tickets pour acheter dans les magasins d'Etat. Mais ces derniers ne sont pas toujours bien pourvus. La vie est donc dure, très dure même. Les Vietnamiens ne sont pas pour autant faméliques. Bien au contraire. Les rues et les marchés sont très animés. Les gens à Hanoi: sont assez pauvrement vêtus, mais on ne rencontre pas ou peu de ces mendiants en guenilles qui hantent le tiers monde. Et puis les enfants s'approprient l'environnement de ce pays. A Hanoi:, ils paraissent même particulièrement à leur aise, dans cette ville sans voitures qui semble avoir été conçue pour eux, avec ses lacs et ses innombrables espaces verts. La capitale, '"---"---..... dont les quartiers populaires de paillottes et de maisons basses disputent l'espace aux rizières, a d'ailleurs l'aspect d'un gros village qui abrite tant bien que mal son million d'habitants, parmi lesquels une grande majorité de paysans portant le chapeau conique ou le casque colonial. Pas étonnant donc que les progrès les plus sensibles aient été enregistrés dans l'agriculture. Les rizières produisaient une seule moisson par an avec un maximum de deux tonnes à l'hectare. Maintenant on arrive à deux moissons pour un rendement de quatre tonnes à l'hectare. Résultat, le Viêt-nam, pour la première fois, n'a pas été contraint d'importer des produits alimentaires l'année dernière. C'est un progrès considérable qui a notablement amélioré le niveau de vie de la population agricole. Les difficultés les plus grandes s'accumulent, surtout dans, les villes, parmi la population salariée. Et des réformes ont été rendues nécessaires: «Nous avons dû changer et appliquer un système économique plus souple, plus créatif, plus viable », reconnaît Hoang Tung. «Nous avons procédé à une répartition des responsabilités au niveau des provinces, des villes, et même des zones de montagnes pour impulser davantage de créativité dans le travail économique. » Il n'avait pas terminé sa phrase que la pièce du Comité central où il nous recevait, était soudainement plongée dans l'obscurité. C'était l'une des nombreuses pannes qui, faute d'énergie électrique en production suffisante, perturbent régulièrement l'activité de la capitale. Montrant la lampe à mèche que l'on venait d'installer devant nous, Hoang Tung sourit : « Au fait, ne trouvez-vous pas que ça sent le pétrole ici ? .. » Et il ajoute: « Le Viêt-nam aura peut-être du pétrole. Les Soviétiques procèdent en ce moment à des forages qui, d'après les experts, donnent de bons résultats. » Hô Chi Minh-Ville :« Le nom de cette ville a été changé de Différences - N° 44 - Avril 1985 21 UN ELEVAGE DE SfRPENTS VENIMEUX Une initiative originale à Hô Chi Minh-Ville. Celle du pharmacien Sau Duc. Dans la banlieue de ta ville, il a installé un centre d'élevage et d'études sur les serpents venimeux qui fourmillent au Viêt-nam (un quart des trois cents variétés de reptiles recensées dans le Sud). Le pharmacien Duc y manipule sans crainte najas, cobras et autres crotales, plus dangereux les uns que les autres. Et il joue, comme l'on ferait d'un caniche, avec les pythons qui se promènent librement, et dont il se plaît à recouvrir les épaules de ses invités ... Ilfaut dire qu'il ne manque pas d'expérience. Jeune étudiant, il a mis ses connaissances au service de la lutte contre le colonialisme en soignant, dans lajungle, les combattants mordus par des reptiles. Il en a tiré des enseignements. Bt en 1949, il afondé dans le Sud, au coeur même d'une zone de résistance contre les Français, son centre d'études qui est aujourd'hui reconnu par le ministère de la Santé. Ses recherches ont débouché sur la fabrication de trois cents sortes de médicaments : pilules, pommades, liqueurs, etc. Il m'a invité à boire un verre de liqueur de serpents, recommandée pour les rhumatismes et l'insomnie, etfaite à partir d'un mélange de vipère, de naja, de crotale, le tout aromatisé de quelques plantes médicinales. D'un trait,j'ai dû avaler ce breuvage, paraît-il aussi aphrodisiaque, mais au goût indescriptible, alors que mon hôte se délectait ostensiblement. Question d'habitude sans doute ! ... façon trop hâtive. Il aurait fallu attendre encore quelques années pour que Saigon méritât vraiment le nom de Hô Chi Minh- Ville» J'étais donc prévenu. En quittant Hanoi: pour la grande métropole du Sud, c'est une autre réalité du Viêt-nam que j'allais découvrir. Pour les gens du Nord, Sai:gon était la ville des . soldats et des fonctionnaires de 1'« armée fantoche », une ville de débauche, de compromission, entièrement tournée vers la consommation. Elle comptait alors quelque cinq millions d'habitants parmi lesquels plus d'un million de chômeurs, quatre cent mille prostituées, des centaines de milliers de drogués, des dizaines de milliers de vagabonds et d'orphelins livrés à eux-mêmes. Plus de la moitié de la population était directement associée à l'appareil de guerre américain. Les changements opérés ces dernières années n'ont pas été, ont le sait, des plus faciles. Et, pour le moins, l'opération ne s'est pas faite sans douleur!. .. « A Hô Chi Minh-Ville, les jeunes filles portent i la jupe » Hô Chi Minh-Ville présente en effet un tout autre visage que la capitale Hanoi:. Elle paraît moins austère. Le spectacle de la rue laisse entrevoir un niveau de vie plus élevé que dans le Nord. Les vélos, par exemple, sont de meilleure qualité. On y voit même des Peugeot, la Rolls de la bicyclette au Viêt-nam. De nombreux cyclomoteurs, qui coûtent pourtant une fortune , arpentent également les artères de la cité, bien que l'essence soit rare et hors de prix. Les gens, les jeunes surtout, sont mieux vêtus, avec davantage de goût et sans doute aussi de moyens. On y rencontre énormément de jeunes filles en jupe, chose impensable à Hanoi: où ce genre de tenue occidentale est jugée tout à fait indécente. « Il faut être une fille de peu de vertu pour ne pas porter le pyjama en ville 1 ... » s'est indignée mon interprète (du Nord). Mais il ne faut pas seulement se fier aux apparences. L'ancienne Saïgon traîne toujours 1 les graves séquelles des longues années de guerre. La ,« désintoxication» n'a pas 1 encore donné tous ses effets. Trente-cinq mille personnes, chiffre officiel, ont déjà été '« rééduquées» dans les centres de réhabilitation. Pour autant ces derniers ne désemplissent pas, et il y a encore pas moins de quarante mille prostituées (chiffre officiel) qui continuent à braver l'interdit en racolant le soir. .. à bicyclette, dans les avenues principales d'Hô Chi Minh-Ville. Le chômage a été en partie résorbé par une relance de la petite industrie et une politique du retour à la terre (trente mille « déracinés» ont ainsi été « invités» à regagner leurs villages d'origine), mais il reste, selon la statistique officielle, cent quatre-vingt mille chômeurs alors que, chaque année, près de soixante mille jeunes arrivent sur le marché de l'emploi. De plus, l'effort de relogement est perturbé par le reflux, des provinces environnantes, de paysans qui, après des années de guerre et d'exil, ne peuvent se réadapter au travail à la campagne, notamment dans les rizières qui doivent être régénérées dans des zones défoliées par les produits toxiques. Ils reviennent alors en ville chercher d'illusoires moyens de subsistance en faisant du « tripotage », selon la formule en cours, héritée du temps où Saïgon était la ville des tripots en tous genres. La nuit tombée, on les voit installer leurs litières de fortune sur les trottoirs d'Hô Chi Minh-Ville qui deviennent pour des familles entières de véritables dortoirs. Comme au bon vieux temps ... Par ailleurs, le nouveau pouvoir doit faire face à une guerre de sape multiforme de la part d'une opposition qui, malgré Paula Hyman De Dreyfus à Vicby L'évolution de/a com1JWlnaTl~ juive en France iP-I939 L'espact dtl/,oIifitjllf 22 la répression, est toujours active: hémorragie de l'or (des dizaines de tonnes ayant déjà quitté le pays), fausses rumeurs, annonçant par exemple une pénurie de riz pour provoquer le stockage et la montée vertigineuse des prix. Ou bien elle fait courir le bruit que l'Etat prend le sang des écoliers afin d'inciter les parents à ne plus envoyer leurs enfants à l'école. Enfin, elle a organisé les départs illégaux, les tragiques boat people ... Le problème des boat people a commencé quelques mois seulement après la libération de Saïgon. La première vague de fugitifs rassemblait tous ceux qui étaient directement impliqués dans l'armée, la police et l'administration saigonnaise. Ont suivi les membres de leurs familles. Puis les Hoas, ces Vietnamiens d'origine chinoise du quartier Cholon qui contrôlaient quatre-vingts pour cent de l'économie du Sud. Après les premières mesures prises par le nouveau pouvoir pour limiter le genre de commerce auquel ils se livraient, ils ont quitté en masse le pays pour l'Occident. «C'étaient des trafiquants », nous a dit le général Giap. «Ils sont partis parce que nous ne leur avons pas permis de poursuivre leurs activités délictueuses. Et croyez-moi, ils ne sont pas allés en France, ou ailleurs, pour faire la révolution culturelle ! » D'après les autorités, les Hoas ont ensuite pris une part essentielle, « non sans cupidité, bien sûr », précisent-elles, à l'organisation des départs de tous ceux qui ne pouvaient pas supporter les conditions de vie de l'après-guerre, souffrant, dans les villes en particulier, de difficultés économiques inextricables. Il faut aussi préciser qu'un million de personnes ont émigré du Nord vers le Sud, après la fin de la guerre. Parmi elles, une grande majorité de catholiques et d'anciens collaborateurs de l'administration française. « Est-ce à dire que nous n'avons pas commis d'erreurs? », s'interroge Hoang Tung. « Certainement pas. Nous avons adopté une attitude trop sévère, trop âpre, avec ces gens qui ont travaillé dans l'ancien appareil. » La guerre finie, le nouveau pouvoir s'est immédiatement attaqué aux problèmes politiques et sociaux les plus urgents. Comme exemple, on nous a cité le rôle des «familles méritantes », dites de « culture moderne », qui prennent en charge les orphelins et les jeunes délinquants. Elles ont ainsi permis à des dizaines de milliers d'entre eux de se réinsérer dans la société, et de devenir des « neveux de l'oncle Hô ». Il reste cependant beaucoup à faire, bien que la criminalité ait tendance à diminuer, et que la sécurité et l'ordre public soient relativement maintenus. Hô Chi Minh-Ville progresse à partir d'une petite production, avec des moyens économiques et techniques très limités: l'ancienne Saïgon était seulement équipée de petits centres industriels, presque essentiellement de transformation alimentaire. De plus, à cause du manque d'énergie et de matières premières, les machines ne sont utilisées qu'à 40 % de leur capacité de production, et l'expérience dans la gestion fait gravement défaut après le départ massif des cadres qui ont suivi les propriétaires des usines dans leur fuite à l'étranger. Actuellement, tous les directeurs et la plupart des ingénieurs et techniciens sont originaires du Nord. Le nouveau pouvoir, après une période d'erreurs et d'hésitations, a donc été amené à réagir autrement. Les paysans : se réadapter au travail après des années de guerre Politiquement d'abord, en incitant et en aidant les cadres qui n'ont pas quitté le pays à sortir de l'ombre et à reprendre leur place dans la production ; ces ingénieurs sont alors mieux rémunérés que leurs collègues du Nord, considérés, eux, comme des militants. Economiquement ensuite, en lançant, un peu à la japonaise, une campagne d'émulation pour inciter les travailleurs, du manoeuvre au directeur, à prendre des initiatives originales allant dans le sens de l'amélioration de la production, des primes substantielles venant récompenser leurs efforts. Ainsi, dans l'entreprise de machines à coudre Sinco (ex-Singer) que nous avons visitée, le sous-directeur est un ancien lieutenant de l'armée de Thieu, diplômé de l'Ecole polytechnique. Il nous a dit que son salaire était supérieur à celui du directeur (venu du Nord) et qu'après avoir fait progresser, grâce à de nouvelles méthodes, la productivité du travail des ouvriers, il recevait maintenant une prime égale à son traitement. Le commerce, également, a été réorganisé. Sept mille trois cents points de vente sont déjà gérés par l'Etat, bien que soixante pour cent du ,petit commerce reste aux mains du privé, c'est-à-dire des Hoas, dont le talent en la matière n'est plus à démontrer. Facile d'ailleurs à distinguer, une boutique privée d'un magasin d'Etat : l'une est toujours Snootie 327 ru e saint rw 'IHl 7b003 paris ! iél ;~77 bi ,) ;i:) 23 bien pourvue, l'autre ... beaucoup moins! Mais le nouveau pouvoir ne renonce pas devant l'expérience et le poids de la tradition, d'autant que cette dernière débouche souvent sur une certaine spéculation. Des réformes sont en cours, à l'issue desquelles tous les prix seront fixés par l'Etat qui prélèvera un impôt sur les bénéfices et fera payer une patente aux commerçants. Dévastée par les défoliants, la banlieue d'Hô Chi MinhVille a été recouverte d'une ceinture végétale qui assure aujourd'hui soixante pour cent des besoins de la population en légumes. Mais l'épandage par les Américains, pendant la guerre, de produits chimiques toxiques continue de faire des victimes dans les régions qui ont été infestées. Pour faire face à toutes les graves séquelles de ces années de guerre, le nouveau pouvoir a dû consaérer une partie importante du budget à la santé. En neuf ans, le nombre de lits d'hôpitaux a été triplé dans le Sud (trente lits pour 10000 habitants) . Cet effort sanitaire, encore bien insuffisant, a pu permettre cependant d'enrayer les épidémies qui, très répandues, faisaient aussi des ravages pendant la guerre. Autre domaine prioritaire pour le gouvernement: l'éducation. Il y a aujourd'hui à Hô Chi Minh-Ville huit cent soixante mille élèves et vingt-cinq mille enfants dans les garderies. La ville compte également vingt mille étudiants dans quinze écoles supérieures et trente et un établissements d'enseignement professionnel. Par ailleurs, des cours du soir sont organisés pour les enfants pauvres, et souvent analphabètes, qui doivent travailler pour subsister. Ils sont encore des centaines de milliers dans cette situation, la plupart sont orphelins. Plus de la moitié d'entre eux font l'effort de suivre des cours. Sur le plan de l'information, les moyens d'imprimerie sont plus que dérisoires. De plus, l'encre et le papier sont des matières rares et chères. Seules paraissent quelques feuilles de chou, contrôlées par le Parti, l'armée ou le syndicat, qui tranchent avec les luxuriants journaux en couleurs de l'ancienne Saïgon. La ville dispose d'un studio autonome de télévision, mais les téléviseurs sont en très petit nombre dans les foyers . La radio reste donc le principal moyen de communication ; certains arrondissements ont même leur propre station. Et comme de nombreuses familles ne sont pas, non plus, pourvues de poste récepteur, le pouvoir a fait installer des haut-parleurs dans les maisons. Le cinéma se développe, surtout des films des pays socialistes, encore que le tout jeune cinéma vietnamien soit en plein essor. Mais lors de notre séjour, l'inévitable Louis de Funès, cette valeur universelle de la culture française, tenait aussi l'affiche d'une des principales salles de l'ex-rue Catinat! Ainsi, l'ancienne Saïgon, devenue un peu le symbole du Viêt-nam d'aujourd'hui, cette ville sinistrée, déculturée, rongée dans ses profondeurs par le cancer de la guerre, se remet peu à peu à vivre, après une très sérieuse « cure de désintoxication ». Retrouvera-t-elle suffisamment d'énergie pour surmonter les graves difficultés qui surgissent encore et entravent sa nouvelle croissance? « Nous ne surestimons pas nos forces. Mais il ne faut pas non plus les sous-estimer, parce que la guerre est l'épreuve la plus grande imposée à un peuple ... » répond Hoang Tung. André BAUDIN (1) La scène est immortalisée par un extraordinaire document photographique du musée de l'Armée à Hanoï: les trente-quatre guérilleros écoutaient alors le « camarade Van,. ; l'histoire raconte qu'il lui arrivait de devoir expliquer aux trois femmes de son groupe armé, toutes trois paysannes des minorités ethniques du haut pays, que lorsqu'elles étaient malades, ce n'étaient pas dû aux fantômes, ni aux esprits, mais à un phénomène physiologique que l'on pouvait très bien soigner avec des plantes médicinales. A l'époque, ce petit groupe pouvait paraître bien dérisoire face aux adversaires que les Vietnamiens allaient devoir affronter. Pourtant ••. CULTURES - Haute-fidélité - Micros en main Des musiques processionnelles de Sardaigne au tambourineurs du Burundi, Ocora diffuse les musiques du monde entier depuis bientôt trente ans. O cora? Un remarquable florilège de musiques traditionnelles vivantes du monde entier, des îles Seychelles au Rajasthan, des tambourineurs du Burundi aux grands requiems de la Grèce orthodoxe, en passant par les traditions populaires de Bretagne, du Béarn, ou de la Vendée ... Véritable institution musico-discographique, 1'0- cora est née dans les années cinquante à l'initiative de l'homme-orchestre Pierre Schaeffer. Et l'aventure aura survécu à toutes les tribulations de la Maison de la Radio... Cette collection est dirigée aujourd'hui par Pierre Toureille. Uri bureau plutôt exigu à Radio France, mais une bonhomie à toute épreuve et beaucoup de passion sous des moustaches à la Brassens ... « Le sigle Ocora . remonte à 1958 et signifiait alors: collection. En 1983, le disque d'Harmonic Choir (A l'écoute des vents solaires), le groupe américain de David Hykes a battu des records parmi les tirages Ocora. Le magnifique enregistrement, réalisé en France à l'abbaye du Thoronet, fut une performance collective vocale - au sens le plus étymologique du terme - s'inspirant des sonorités mongoles et tibétaines. Autre grand succès: les Bonpos tibétains venus aussi en France, en concert. Car l'objectif avoué de Pierre Toureille est bien de faire aujourd'hui coïncider le Office de création radiophonique; on l'a gardé sous l'ORTF, puis Radio France. A l'époque, Schaeffer était ' chargé d'installer la radio dans les "colonies françaises" d'Afrique, mais il savait déjà que là où on apporte la radio, on Turquie: une musique populaire toujours vivante bousille les traditions. Et ça n'a guère changé depuis avec - en plus - la télévision. D'où l'idée immédiate de Schaeffer, à l'époque, de faire des enregistrements sur place. » En ces temps-là, l'Ocora produisait trois à quatre disques par an. Aujourd'hui, une quinzaine pour « les bonnes années» et sur une moyenne de dix disques, six ou sept encore enregistrés sur le terrain, les autres en studios ou en concerts. La création musicale contemporaine a même trouvé place dans cette plus possible le disque et ïa présence réelle de~ musiciens enregistrés. « Il y a maintenant un vrai public pour toutes ces musiques. Et si certains se posent légitimement la question du pourquoi - par exemple - faire venir en . "tournée" des moines tibétains, je dois dire que les auditeurs présents étaient littéralement soufflés et figés de respect, ne sachant s'ils devaient applaudir ou pas ... Et ça, que les "habitudes" soient cassées, c'est tout à fait réjouissant 1 Il existe donc aujourd'hui un public - et de 24 plus en plus jeune - qui cherche des points de repère et veut comprendre. « Toutes ces musiques du monde, qu'on s'acharne à sauver depuis le début du siècle dans la foulée de grands pionniers comme Bartok ou Kodâly, ne sont pas, en fait, derrière nous, mais devant 1 Et il y a une raison simple à cela: au rythme de nos sociétés de consommation actuelles, les gens commencent àse sentir consommés eux-mêmes et beaucoup éprouvent une immense aspiration à autre chose .. . » Si la radio est bien par essence « vulgarisatrice », la vocation des éditions musicales et discographiques Ocora est justement de faire « sortir » ces musiques du monde d'hier à aujourd'hui du « ghetto» où, presque inconsciemment, les spécialistes les enferment ou les conserv ent. « Nos musées sont pleins d'extraordinaires et magnifiques "conserves" dit encore Pierre Toureille. Songez qu'à Paris - par exemple - existe la seule collection des enregistre- .' ments du Congrès du Caire de 1932 où se retrouvèrent des musiciens comme Bartok pour la Hongrie, Hindemith pour l'Allemagne, etc. Or, depuis des années, on essaie d'exhumer et de "sortir" ces disques ... » A l'heure où l'Ocora cherche à diffuser au maximum les trésors populaires ou « savants » des musiques mondiales, il faut bien constater que d'autres collections publiques (comme celles du musée de l'Homme) se raréfient singulièrement. Depuis 1980 - outre ses disques - Ocora édite aussi des cassettes. Pierre Toureille ajoute : « Ce qu'on a gardé du passé - et j'y veille comme à la prunelle de mes yeux - c'est la garantie d'authenticité. S'il y a chez nous des enregistrements plus "beaux" que d'autres, il n'y aucune "tricherie" ... » Dans cette collection, en effet, pas de chants de piroguiers du Sénégal enregistrés dans une case ou un hôtel local avec à la clef mixage de bruits d'eau ... « Certes, les enregistrements doivent être de la meilleure qualité technique possible, mais un enregistrement mono restera mono 1 .. . Améliorer, soit 1 mais sans trahir.» Voilà pour la déontologie. Dans la majeure partie des cas, les commentaires explicatifs des pochettes sont rédigés par des ethno-musicologues spécialisés. Mais sur le mode le plus clair; le moins abscons possible. Les dernières productions Ocora ? Des musiques processionnelles de Sardaigne et un Hommage à Tsitsanis, l'un des plus grands chanteurs de bouzouki. Et pour le mois de mars 85, un enregistrement de derrière les fagots des villages de Turquie : un des derniers troubadours autochtones itinérants ; aveugle mais accompagné de son fils qui le suit en écho ... Si aujourd'hui - au fil des programmations sur France Culture ou France Musique - des «échantillons» signés Ocora se font de plus en plus entendre (une promotion maison récente), qui se plaindrait de ce bonheur d'écoute des Quatre Vents du monde ? 0 Jean-Jacques PIKON Les disques et cassettes Ocora sont distribués par Harmonia Mundi (catalogue sur demande à Radio-France). Signalons aussi que l' Ocora faisait partie des coproducteurs des Journées de musiques arabes du Maghreb au Théâtre des Amandiers à Nanterre (du 25 janvier au 10 février dernier). Méli-mélomanie INITIATION. Fruit de la collaboration de la danseuse Isnel Da Silveira, du percussionniste Cocosel et de Miluc Blanc, pour la scénographie et les éclairages, First One Ritual est l'aboutissement d'un travail entrepris sur la célébration du rite tel qu'il est pratiqué dans l'Ouest africain. Parcours initiatique où l'accord intime du tambour et de la danseuse mène à la transe. Sur la scène, un cercle lumineux de bougies disposées à même le sol. Pieds nus, vêtue de voiles clairs, la danseuse tourne et tourne encore autour des flammèches au son du tambour, dialogue rythmé tout Différences - N° 44 - Avril 1985 à la fois subtil et violent. Longue danse oscillante, circulaire, où les reprises, les pas, saccades, soubresauts soudains ou tournoiements déroutent toute linéarité. Et le corps de la danseuse, agité, déhanché, comme sous l'emprise de la force insistante et capricieuse qui l'anime, se désarticule par moments. Et l'on ne sait plus très bien qui - homme ou femme, jeune ou vieillard, mort ou vivant -lutte et danse. 0 Catherine MINOT First One Ritual. A L'OUEST DU RIGOLO. Z'avez pas vu Momix ? Posez cette question à ceux de votre entourage qui vous assurent que « la danse, bof 1 ça les branche pas du tout ... » Et comme il est probable qu'ils ne connaissent pas cette troupe américaine, emmenez-les très vite, si vous avez la chance d'habiter Lyon, Amiens ou Chelles. Moi, j'ai déjà initié ma voisine à Créteil. La grande salle du théâtre André-Malraux était fascinée par l'étrangeté du spectacle. Dès le lever de rideau: ballet d'une petite lumière sur fond noir et ricanement musical. Le ton enjoué était donné, irritant les puristes, surprenant agréablement les néophytes. Un duo amoureux sur ski donne bien envie de rencontrer le prince charmant sur les pistes, mais le clou de la soirée reste , à mon sens, le final: génial ballet d'ombres où les bestioles préhistoriques se disputent la vedette avec Adam et Eve dans un délire cocasse et surréaliste. Leur originalité vient. sans aucun . doute du mélange subtilement dosé de muscles et d'imagination qui caractérise une partie de la jeunesse américaine. Impossible de disserter sur les dons de l'enfant Momix sans parler du père Moses Pendleton et de la compagnie mère Pilobolus dont il fut cofondateur. Dans tes années 1970, l'arrivée en France des Pilobolus fit l'effet d'un extra-terrestre dans le milieu artistique et plus particulièrement chorégraphique. Tout en eux était étrange : le nom de leur compagnie, leur absence de formation traditionnelle en danse . leur façon de se mouvoir collés ensemble ou, au contraire, de se multiplier soudainement. On retrouve chez Momix la même maîtrise technique acrobatique. l'imagination débridée, hors des normes chorégraphiques traditionnelles, et un humour frais et poétique. Un seul danseur - Daniel Ezralow - a déjà une carrière derrière lui au 25 BOUQUIN RICAINS. Tout sur les endroits les plus « ricains» de Paris : restaurants, librairies, journaux, cours de langue, centres culturels, boîtes de jazz et de rock, nippes et fripes, cinémas, théâtres, les clubs de voitures américaines, le « custom », les juke-boxes ... et aussi comment préparer vos voyages outreAtlantique ou louer un appartement à New York... On y parle aussi du MRAP au chapitre « Indiens ». R. P. L'Amérique du Nord à Paris, par YvesMarc Ajchenbaum et Pierre Benoît. Editions Rochevignes. sein de deux grandes compagnies .américaines. James Hampton se passionnait auparavant pour le montage et la fabrication des guitares tout autant que pour la danse. Quant aux filles de la troupe, Morleigh Steinberg était danseuse, mais Ashley Roland était gymnaste. Ces jeunes artistes doués savent ne pas se prendre au sérieux. Il me paraît improbable que l'on puisse résoudre une quelconque équation de modern dance américaine sans tenir compte de ces sacrés momes « X ». 0 Chantal LANGEA RD Momix. Maison de la danse de Lyon, du 8 au 14 avril; Maison de la culture d'Amiens le 25 avril, et enfin, Maison de la culture de Chelles le 26 avril. Momix fait du ski. Amour et prince charmant, dansons sur les pistes CULTURES - Pierres - « Je ne veux pas être à côté de la plaque » Sculpteur, Beur et jeune, Mohand Amara joue la carte de la culture occidentale Si ce n'étaient les deux rides aux commissures des lèvres, j'aurais pris Mohand Amara pour un adolescent un peu timide. Si je ne l'avais rencontré dans son atelier d'Aubervilliers, où les personnages qu'il sculpte imposent leur lourde et impressionnante présence, je me serais dit: voilà encore un jeune qui cherche sa voie ... Eh bien non ! Amara a choisi son mode d'expression, la sculpture. Il s'affirme depuis quelques années dans un style et une unité de création frappants. Sa passion: le corps humain et l'animal, en particulier le cheval, «cet animal fabuleux ». Sa méthode: le travail. Un travail obstiné. Amara est un laborieux doublé d'un méticuleux. Ses sculptures semblent surgies d'un corps à corps à la fois tendre et violent. « Je ne suis ni un conceptuel ni un cérébral, me dit-il avec un grave sourire, j'ai besoin de prouver les choses par le réel. J'ai besoin de dévoiler les corps, de les affirmer. » En effet, les personnages d'Amara ne transmettent pas d'idées, ils suggèrent des sensations, des sentiments, des situations, des parties du temps. Visages et corps ne sont pas beaux, les muscles et les membres sont épais, déformés. Les lignes convergent finalement dans un mouvement d'attente que l'on a envie de briser pour faire naître autre chose. Le réalisme affirmé des thèmes et des corps humains et animaux s'invente 26 chez lui dans des situations où l'appel d'un devenir différent semble inéluctable, dramatique et douloureux. En ce sens, les Prisonniers, pièce commandé par le ministère de la Culture, le Cavalier, la Femme endormie sont inquiétantes

elles suscitent avec force la

conscience du rapport à la matière, à la terre, au socle; au mouvement qu'elles immobilisent, mais elles suggèrent aussi la dynamique du temps et du geste qui les a construites, qu'elles poursuivent, dans un arrêt à la fois momentané et définitif. Au milieu de ces scènes qui me disent tant de choses, Amara, lui, est serein, calme, malgré la fièvre qui l'a fait sauter du lit à cinq heures du matin: la vie d'artiste, décidément, n'est pas celle qu'on imagine ... Mais Amara, brillant élève des BeauxArts pendant huit ans, puis lauréat de la Fondation de France,ne craint ni l'effort ni les choix difficiles, parfois à contre-courant. S'orienter vers une carrière artistique, malgré un diplôme de comptable-mécanographe dans la poche et les légitimes réticences des parents, quand on est un jeune Beur de vingt-cinq ans, ce n'est pas la voie royale de la réussite sociale. Pourtant, Mohand, version kabyle de Mohamed, et Mad pour les copains, ne présente aucun symptôme de mégalomanie et encore moins de marginalité. Il se Femme endormie (terre cuite 1980). Mohand Amara dans son atelier. contente d'élever un peu la voix quand on s'étonne que, dans l'oeuvre d'un jeune sculpteur d'origine algérienne, arrivé en France, à l'âge d'un an, il n'y ait aucune trace de sa culture d'origine. «Je ne me pose pas le problème de la culture d'origine, explique-t-il. J'ai toujours évolué et j'évolue toujours dans la culture occidentale, et dans des choses qui me sont propres, à titre individuel. Je suis sensible aux problèmes de ma communauté, mais je refuse le ghetto. Je refuse aussi qu'on se coupe de la gauche française et de tous ceux qui restent sensibles aux problèmes humains. On me dit parfois que je suis un privilégié. Un faux personnage ~ J'en ai assez de devoir me justifier, car je ~ me suis aussi beaucoup battu, même si je .;'; n'ai jamais eu à affronter directementê des comportements et des actes racistes.::; Pourtant, à l'Ecole des beaux-arts, je :::, . jouais le rôle d'un faux personnage, je ne Les En~ants, de ~arguertte disais pas que j'habitais dans une cité de au Festival de Berlin. Duras, transit. A vec ma famille, nous avons longtemps vécu dans le dénuement matériel. Mon père est invalide depuis l'âge de trente-six ans à cause d'émanations toxiques subies sur son poste de travail. Aujourd'hui, grâce notamment à l'extraordinaire soutien affectif de notre mère, mes cinq frères et soeurs et moimême nous en sommes sortis, bien sortis même... J'ai malgré tout de gros problèmes financiers, j'ai pris des risques importants cette année, mais j'ai fait un choix définitif et j'ai des projets d'exposition et de création qui me passionnent. » De ses origines algériennes, Mohand garde le souvenir de la guerre qui obscurcit son regard. L'arrestation de son père en France, son emprisonnement pendant trois ans, l'expulsion de la maison sans eau que sa famille squattait, il en parle brièvement. « Aujourd'hui, je pense que mon père finira par rentrer en Algérie, mais mon fils Tarik ne se posera pas le problèrrze de nationalité. Il saura d'où il vient, mais il sera ici chez lui. Quant à moi, je me sens bien. C'est mon travail qui m'a sauvé du chaos, des déchirements et des tentations de la marginalisation. Je ne veux,pas faire de l'orientalisme ou du folklore, d'ailleurs je ne pourrais pas. Je suis dans l'art occidental, je ne veux pas me scléroser dans un art qui serait du surfait. Je ne veux pas être à côté de la plaque. » D CHÉRIFA "Mohand Amara a également obtenu le 2' prix de sculpture au salon international de Toulon en 1977, le 2' prix du salon de la Celle-Saint-Cloud en 1980. II a participé à de nombreuses expos, dont celle de Beaubourg sur les jeunes issus de l'immigration, et de Cap sur l'avenir à Montréal en 1984. Le musée d'Art contemporain lui a acheté plusieurs oeuvres. Différences - N° 44 - Avril 1985 27 ___ Cinémois _ _ Le jury du Festival de Berlin, en partageant le prix entre un film de l'Europe de l'Ouest Wetherby (G-B) et la Femme et l'Etranger d'Allemagne de l'Est, a voulu, dans l'éclectisme de son choix, rendre compte du cinéma qui chaque jour arrive à Berlin. Des EtatsUnis, sont venues les Saisons du coeur de Robert Benton, beau film dominé par un personnage de femme interprété par Sally Field, l'ouvrière du film de Martin Ritt, Norma Rae. CINEMA SANS VISA En attendant son dernier film, la Maison et le Monde, qui sort bientôt, l'émission de FR3 Cinéma sans visa, d'avril, présente Tonnerres lointains de Satyajit Ray qui date de 1973. Ce film occupe une position particulière dans la filmographie de Ray. Voici ce qu'en dit Michel Ciment dans le n° 219 de Positif: « Dans Tonnerres lointains, il y a des personnages centraux, Gangacharan et sa femme, mais ... c'est la vie du village qui intéresse Rayet un ton épique qui oppose les destinées individuelles au drame collectif provoqué par la famine et l'épidémie de choléra qui ravagèrent le Bengale en 1943, tuant plus de cinq millions d' habitants. D'abord extérieure (le bruit des avions de guerre entendus au loin forment le «tonnerre lointain»), la pression de l'histoire se fait de plus en plus forte jusqu'à ce plan final d'une Robert Benton a déclaré avoir fait un film «en faveur des minorités », à l'opposé du cinéma «reganesque ». Simplement une scène, très forte: Moze, ouvrier agricole noir, est sur le point d'être lynché par le KKK. Un aveugle, témoin de l'attaque, met en fuite les agresseurs : il les a reconnus à leur voix. Des Etats-Unis aussi, dans la sélection du Forum, l'oeuvre d'un jeune cinéaste noir, Go tell it on the mountains, d'après le roman de James Baldwin. Pour qui n'a pas lu le livre, le film risque malheureusement de donner l'image d'un peuple noir aliéné par la musique et la religion, comme si le Cotton Club s'était déplacé dans une église pentecôtiste. Thème majeur de ce festival: la famille. Mère et fille pour l'Avenir d'Emilie d'Helma Sanders Brahms; la famille et l'école, pour les Enfants de Marguerite Duras et Jean Mascolo, son fils. C'est une famille juive tunisienne que met en scène Louise l'insoumise de Charlotte Silvera. La mère (Catherine Rouvel) ne sort pas de son appartement de banlieue, interdit à ses filles de fréquenter des étrangers. Deux ouvertures pour Louise dans ce monde étouffant: l'école et la télévision qui lui apprend (nous sommes dans les années soixante) que plusieurs femmes insoumises se sont évadées de la prison de la Roquette des femmes du réseau Jeanson (1). Le film est sorti dans les salles de France, courrez-y, c'est autre chose que Souvenirs, Souvenirs. Christiane DANCIE (1) Voir Différences N° 28. foule au bord d'un précipice qui se détache en silhouettes sur un ciel immence. Tonnerres lointains est le seul film de Ray où les calamités qui frappent l'Inde quotidiennement sont évoquées directement. Sans fuir les problèmes majeurs de son pays, il n'en est pas moins vrai que Ray, si réaliste qu'il soit à certains égards, n'affronte pas directement les situations extrêmes: (prostitution, campagne de terreur contre les intouchables, misère atroce des bidonvilles de Calcutta). Tonnerres lointains aborde cette dimensiontragique de la société indienne avec une rigueur et une complexité qui en font une des· oeuvres majeures du cinéaste. Même décalée dans le temps, l'action fait écho aux blessures que ressentent les plus lucides des Indiens d'aujourd'hui et à leur profond sentiment d'angoisse. »0 Christiane DANCIE Cinéma sans visa,jeudi 25 avril, FR3. CULTURES La courte existence de trent~-sept années de Rimbaud en auraIt-elle compté deux: côté pile, la période européenne, celle du poète, et côté face, la période africaine, celle du négociant et de l'explorateur? Non, répond en substance le livre d'Alain Borer qui stigmatise, dans une telle interprétation dichotomique, un refus de voir le tout que forment l'oeuvre et la vie. «On a trop négligé ce Rimbaud d'Abyssinie. .. Quand Rimbaud cesse d'écrire, il cesse d'intéresser. » Reconnaissons plutôt, même si cela peut agacer, que Rimbaud no~s échapp~, dans son oeuvre et dans sa VIe, comme Il s'échappait (à lui-même ~) .par se~ .fugues successives du domIcIle famlhal, par ses nombreuses allées et venues à

travers l'Europe, et pour finir, par son

« exode» en Ethiopie, « sa dernière fugue », et selon Alain Borer, « la plus achevée ». Son impatiente «bougeotte» évoque une forme de mythe de la disparition à perpétuité, ailleurs, toujours ailleurs, celui d'un oiseau migrateur infatigable, condamné à la loi toute-puissante de ses ailes. Pourtant, remarque Alain Borer, « en tout lieu rêvant de l'ailleurs, Rimbaud semble partout au même endroit, non situé, indifférent. Il se déplace sans arrêt, mais au fond il ne voyage pas ». L'impossible négritude Son départ ultime, en Afrique,. réveille chez lui une inflexion nostalgIque au retour, vers les siens, vers sa mère en particulier, avec qui il échange u.ne prolifique correspondance. Il s'y plaInt beaucoup: de la chaleur écrasante (4Ü"), de la fatigue de se~ déplacements en caravane, de la sohtude. Il y retrouve aussi avec elle, un langage commun ceiui de l'argent! A croire que la s~ule communication qu'il pût entretenir avec elle n'ait été cO:îcevable qu'à distance (et quelle distance !). Il faut donc admettre, avec Alain Borer, que Rimbaud « ne se tient pas là où on le cherche: il reste l'énigmatique ». C'est pour interroger cette énigme, et plus encore y insister pas~ sionnément, qu'Alain Borer est partI lui-même, à vingt-sept ans - l'âge de Rimbaud arrivant en Ethiopie -, à l'occasion du tournage d'un film pour la télé (1), sur les traces de ce « nègre» de la poésie (2), venu, qui sait, chercher en Abyssinie une «impossible négritude », une utopique identification. Du voyage en Ethiopie, où Rimbaud coula ses dix dernières années avant 0: - Bougeotte - La dernière fugue Rimbaud se déplaçait sans arrêt, mais ne voyageait jamais. Il cherchait. Jusqu'en Abyssinie. , - ,.' ! ! d'aller mourir (s'échouer ?) à l'hôpital ci . ... __ , . _ __ , de Marseille d'une tumeur au genou, Rimbaud à Londres, deSSin de F. Regamey. 28 est donc né un second périple, celui d'Alain Borer. Il s'agissait moins d'ajouter une pierre à l'édifice déjà considérable de la « rimbaldothèque », que d'explorer sur place les lieux de l:aventure rimbaldienne. «Ce calepm, dit-il s'est écrit en voyageant. Sans le plan ~igoureux d'un livre qui pr~tend~ait celer la vérité... Un carnet plutot qu un projet. » . Qu'était donc venu cherche~ Rlm~a~d au fin fond du désert de 1 AbySSInIe, dans Harar, cette « ville sans eau, sans fontaine, une ville sans mémoire, o~ tout se renouvelle lentement dans lldentique » ? Car, entre Harar et ~d~?, ~l n'a pas fait que du commerce (Il n etait d'ailleurs qu'un médiocre ~archand : « Il avait des idées et il savmt compter ,cela ne suffit pas pour faire un commerçant: Rimbaud n'aimait pas vendre.) » Il n'y a pas seulement vendu (à perte !) des armes au roi Ménélik. Une logique de relais Segalen rapporte pour sa part qu'il s'y est dépensé en «d'énormes .labeu~s inutiles », pour tromper l'ennUI dont Il souffrait isolé au milieu de rares Européens av~c qui il communiquait 'p~u, ~ar il n'était pas moins « barbare » ICI qu en Europe. Peut-être,. au contac! de.s Ogadines ces êtres Indolents qUI « VIvent dans 'un temps suspendu, [pour qui] le passé n'est pas mort ,- ~l n'est mê",:e . pas passé », découvre-t-Il la «vraIe vie » qu'il aurait été tenté d'appre.ndre d'eux ? ... Pour Alain Borer, «Il ne cherche pas quelque chose, mais existe par le seul acte de chercher. .. La vie de Rimbaud n'apparaît pas comme une construction. Mais ses projets multiples ont une logique de relais. Il se déplace comme le cavalier sur un jeu d'échecs. ~ Bref en Abyssinie comme en Europe, Il rest~ un pur aventurier «. q'!i fuit .son passé, poursuivan~ u~, Charlesnlr ,~r;tpo~slbl~, et qui à force de dlre lCI et a prese,nt , ne laisse aucune trace ». PaSSIOnnes et intrigués par Rimbaud, nous sommes peut-être comme cet enfat.tt d'un con~e de Noël qui, « dans la nell5.e f!t la nuit,. suit les pas de l'inconnu qUl voent de IUl apporter un cadeau : les traces s'arrêtent soudain au milieu du champ ». D Bernard GOLFIER Rimbaud en Abyssinie, d'Alain Borer, aux éditions du Seuil. Alain Borer est un des meilleurs spécialistes de Rimbaud. Il a traduit et préfacé la biographie de Rimbaud écrite par Enid Starkie (éd. Flammarion). (1) Le voleur de feu (TF1, 197~). • . (2) Le premier titre d'Une saISon en enfer etaIt: Livre païen ou Livre nègre. Différences - ND 44 - Avril 1985 Lectures _ _ AMOURS POLONAISES. Une tranche d'histoire qui nous est livrée sous la forme d'un roman, quelque peu conventionnel il est vrai, et ayant pour cadre la Pologne à l'époque de la Seconde Guerre mondiale. D'où vient l'antisémitisme et quels sont ses fondements ? Et d'où vient le fait que des Polonais considérés eux-mêmes comme appartenant à une race inférieure par les nazis et donc voués à ~ne extermination inéluctable, se SOIent brusquement mués en dénonciateurs zélés, voire en bourreaux du peuple juif? , . Au fil des pages, Theophde Grol, l'auteur de C'est arrivé en Pologne, ne cesse de poser ces ques~i?n~ .. Existe~t-il une réponse ? Certes, 1 hltle~Isme n explique pas tout. En Pologne, Juste a~ant la guerre, l'antisémitism~ semble,. a, ce point ancré dans les espnts que lI~eologie nazie arrive à point pour servIr de .formidable détonateur. Dans ce monde plein de terreur, au milieu des ghettos, des tortures et des fuites éperdues, un seul espoir subsiste: l'am0l!r. L'amou! qu'Emilia, la belle PolonaIse, porte a Yanek-le-Noir, le juif, l'étranger. L'amour, en effet, est rédempteur. Il balaie tout sur son passage et donne aux êtres une nouvelle innocence. Pour l'amour de Yanek, Emilia reniera son éducation, ses préjugés. Haine~ sans fondement, idées préconçues, raclsm.e. : tout est oublié. Pour Yanek, Emlha finira par devenir un membre actif de la Résistance et, bien plus tard, tentera. de participer à la reconstruction, bIen difficile, de son pays. 0 C'est arrivé en Pologne, de Théophile Grol. Editions Droit et Liberté. Les ghettos à New York: quand les Noirs sont venus remplacer les juifs 29 CONTRE , TOUT CONTRE. .L a revue Traces - ,,; publie, dans son dernIer num~ro, un dossier très complet sur les relatIons des différentes communautés juives et noires à travers le monde. Au fil des interviews (Neville Eisenberg), des lettres (Martin Luther King), des articles (Michel Giraud) ou d'études (Nathan Glazer), il apparaît que, partout, la situation a évolué de façon sensiblement identique. Aux Etats-Unis, les ghettos noirs de New York ont engendré l'antisémitisme. Les ghettos noirs sont nés de l'abandon par les Juifs de leurs anciens ghettos. Leur progress~o~ vers d~ nouveaux quartiers fut SUIVIe de pres par l'exode des Noirs vers ces mêmes quartiers. Exode que le~ propriétàires juifs tentèrent, tant bIen que mal, d'enrayer, ne serait-ce que pour conserver leur valeur locative à leurs appartements. Racisme? .. La méfiance la haine s'ensuivirent; les Noirs se sentant exploités par les petits possédants juif~: com~~rçant~, propriétaires, supeneurs .hlerarch.lq~es.:. Le cas d'Antilla, magazIne martInIquaIs est lui aussi exemplaire. Encore sous l'é~otion d~ l'invasion du Liban par l'armée israélienne, ce journal ne se contente pas de hurler sa colère ou sa désapprobation devant les ~assacres des réfugiés palestiniens, malS en arrive au contraire, à maudire le « pe~ple juif» dans sa totalit~. En Afrique du Sud, les relatIOns e~tre Juifs et Noirs semblent, pour le mOInS, troubles. Pourquoi ces deux communautés sont-elles devenues totalement étrangères alors que to~t dans le.ur~ origines et dans leur passe les porta~t a combattre côte à côte? La question reste posée. 0 Joëlle TAVANO Traces. Dossier: Juifs et Noirs, 8, rue de la Paix, 75002 Paris. 'CULTURES' BLOC-NOTE. Ouf! cette fois-ci, voici un bloc-note auquel un seul sujet suffira ! En effet, je tiens un sujet colossal, passionnant: L'Année de l'Inde, une immense manifestation tous azimuts qui se déroulera en France, de juin 1985 à la fin de l'été 1986, sous l'égide de l'Association française d'action artistique (AFAA) du ministère des Relations extérieures. Le coup d'envoi de ce festival géant sera donné les 7 et 8 juin, alors que les Parisiens seront conviés à un «mela» ( fête ») complètement indien qui aura lieu pour la première fois hors de l'Inde : entre Trocadéro et la tour Eiffel, la Seine sera transformée, deux jours durant, en Gange parcouru de centaines de bateaux-najas et éclairée de milliers de bougies, «un reflet de la grande Inde multiforme », accueillant des danseurs et des musi· ciens accourus de toutes les régions de « Mother India ». Avignon affichera un événement de première importance : la mise en scène, par Peter Brook, et dans une nouvelle traduction, du Mahabharatha, la grande légende religieuse hindouiste que les Parisiens verront ensuite au Festival d'automne. De son côté Ariane Mnouchkine, l'inlassable cu~ rieuse, ouvrira sa Cartoucherie à des Tziganes indiens. Toute une série d'expositions jalonneront cette «année» exceptionnelle: arts plastiques modernes au Centre Pompidou (qui affichera simultanément une rétrospective cinématographique), Tambours de terre au pavillon des Arts, Textiles de l'Inde, aux Arts décoratifs, Architecture contemporaine indienne à l'Ecole des beaux-arts et surtout, Patrimoine indien, une immense exposition au Grand Palais, ainsi qu'un délice pour les yeux, L'Inde des rêves (manuscrits et enluminures précieuses), à la Bibliothèque nationale (deux manifestations qui se passeront de mars à juillet 1986). Bref, la France vivra à l'heure indienne et l'occasion sera unique pour tenter d'embrasser l'ensemble d'une civilisation prestigieuse, mais aussi de comprendre qu'au-delà des difficultés de ce grand pays, au-delà des clichés également, l'Inde est un pays dont de larges secteurs sont résolument engagés dans la plus achevée des modernités. 0 Yves THORA V AL Association française d'action artistique (AFAA), 45, rue Boissière, 75016 Paris. Maison des cultures du monde, 101, boulevard Raspail, 75006 Paris. Tél. : 544.72.30. Festival d'automne. Tél. : 296.12.27. Association dialogue entre les cultures, 14, rue N otre-Dame-des-Victoires. Tél. : 296.15.51. AMERIQUE DU NORD AMERIQUE CENTRALE AMERIQUE DU SUD AFRIQUE NOIRE CONTINENT INDIEN EXTREME-ORIENT 100 DESTINA TIONS SUR LIGNES REGULIERES A PRIX CHARTERS 28, rue Pierre-Lescot, 75001 Paris u (1) 508.44.88 Métro Etienne-Marcel ou Châtelet/Les Halles 30 L'Inde et son cinéma L'ERRANCE. L'histoire contemporaine du Proche-Orient est douloureusement marquée par le drame palestinien : ce sont les événements qui ont conduit à l'errance de ce peuple que tente de retracer Eric Rouleau dans son livre les Palestiniens, d'une guerre à l'autre. L'auteur, lui-même d'origine juive et parlant parfaitement l'arabe, observe, depuis 1955, pour le Monde, les pro? lèmes du Proche-Orient dont il est, lllcontestablement, un grand spécialiste. Il est aussi l'un des rares journalistes à avoir fait connaître, en Occident, le point de vue des Palestiniens et de leurs dirigeants. « Informer» sans déformer et «témoigner » sans craindre les tabous en cours sur le sujet, telle est la volonté que souhaitait exprimer Eric Rouleau et qui fait remarquer d'emblée dans l'introduction de son livre que « le journaliste qui a le privilège de connaître intimement les deux peuples, de sympathiser avec leurs aspirations élémentaires à survivre et à préserver leur identité, a du mal à croire à une telle fatalité (le refus de s'adapter). « Il faut s'attarder dans les quartiers populaires de Tel-Aviv ou de Jérusalem, prendre langue avec les habitants de misérables camps de réfugiés en Cisjordanie ou au Liban, se mêler aux bourgeois palestiniens d'Amérique ou du Koweit, pour mesurer l'ampleur étonnante des affinités psychologiques de deux peuples qui ont souffert, à des époques différentes, de l'intolérance, des discriminations et des persécutions » qui les frappaient. Et de conclure: « A n'en pas douter, ce sont les juifs et les Palestiniens qui sont les mieux placés pour se comprendre réciproquement. » Pour mieux comprendre la situation actuelle, Eric Rouleau a choisi de remonter le temps et de faire débuter son livre à partir de la guerre des Six Jours de 1967 : en effet, cette guerre a permis à Israël de s'étendre en faisant la conquête de nouveaux territoires (Cis- 1 Les Palestiniens, d'une guerre à l'autre, à travers le monde jordanie, Gaza et Jérusalem-Est) et mis fin à une « solution militaire» arabe. D'où l'émergence, à partir de 1968- 1970, de l'OLP. Devant l'absence de solution, Israël a entrepris - depuis 1967 - dans les territoires occupés, une politique de colonisation active, avec la « ferme» intention d'annexer un jour ces terres. Quitte à «réécrire l'histoire » quand c'est nécessaire. Le témoignage, ici du journaliste est imparable: «Au cours de nombreux déplacements, entre Tel-Aviv et Jérusalem, les Israéliens de rencontre ont attiré notre attention sur la vaste plaine de Latroun, rocailleuse mais bien nivelée. Laissée en friche par lr;s Arabes, disaient-ils, elle sera transformée en vergers. Aucun ne savait que trois villages arabes s'y trouvaient deux ans auparavant; certains s'indignèrent quand nous fimes allusion à leur destruction à la dynamite et au bulldozer le 12 juin 1967, deux jours après la fin des hostilités ... » Et celui qui tente de récuser cette formulation, cette réponse lui sera assénée systématiquement: « C'est impossible. Vous êtes victimes de la propagande arabe. » A travers son livre, Eric Rouleau rend compte aussi de la situation à géométrie variable des Palestiniens : les camps, les luttes fratricides, la diaspora ... Et aussi la «tourmente libanaise» qui débouche sur le départ des Palestiniens du Liban et le déclenchement du mouvement de dissidence. Hichem BEN YAICHE Les Palestiniens, d'une guerre à l'autre d'Eric Rouleau. Editions La Décou: verte. Différences - N° 44 - Avril 1985 Te/-A viv, 1982, man(festation contre Begin Israël : quoi de neuf ? N oUS voulons remplir le ~~ vide créé par le glisse- " ment à droite du Parti travailliste », déclare le politologue israélien Zeev Sternell (1). Itinéraire symptomatique que celui de cette « colombe », ex-membre du bureau exécutif du Parti travailliste (PT), celui de Shimon Peres, où Sternhell n'adhéra qu'en 1977 (au lendemain de sa défaite électorale) pour y animer le club A voda 77 en vue « de le remettre sur des rails socialistes » ... Et dont il démissionna en 1984 au lendemain de la constitution, « contre nature », dit-il, du gouvernement dit d'Union nationale dirigé pour deux ans par Shimon Peres. Ii tente depuis, de l'extérieur, ce qu'il n'a pas réussi à l'intérieur: «créer un parti socialiste à la gauche du PT en regroupant autour du Mapam, du mouvement kibboutzique Artzi et du Parti des droits civiques (Ratz) des personnalités travaillistes et de Paix maintenant. Le retrait du Liban La passion socialiste - même celle d'un politilogue - ne saurait être neutre! Mais elle avive l'acuité de son jugement devant certaines déclarations et geste récents de Peres et de quelques dirigeants du PT semblant rechercher un « dégel », voire un new-look politique d'Israël. « Bien sûr, concède Sternhell, il y a des différences avec le déchaînement nationaliste du Likoud, une amélioration dans la mesure où les leaders travaillistes sont des [Jens rationnels, mais elle est de ton, de propos ... Fort peu de fond. 'Et comment pourrait-il en être autrement à l' heure où le Likoud, lié par contrat gouvernemental au PT, à la réalisation de six nouvelles implantations, présente son chèque à la caisse?» (et obtient gain de cause comme on sait). 31 « Pour ce qui est du Liban, où nous nous faisons massacrer, tout le monde voudrait en sortir, constate notre interlocuteur, mais les travaillistes, qui s'étaient engagés à le quitter dans les trois mois, ont désormais les mains liées par le Likoud. Pas d'illusion à se faire: un retrait total n'est pas pour demain. « Comment de plus, ajoute-t-il, Peres peut-il parler de l'intercession des pays européens, quand l'énorme aide US suffit à peine à payer les intérêts de notre dette extérieure 1« Quant à rencontrer Hussein, ce n'est guère difficile pour tout homme politique, mais comment aboutir au moindre résultat sans que Peres et les leaders du PT renoncent au plan Allan de présence militaire et civile israélienne sur les territoires occupés ? « Cela supposerait pour eux une (impraticable) "révision déchirante". » Sternhellle déplore d'autant plus que le Conseil national palestinien d'Amman, même si l'OLP ne s'y est pas alignée sur Hussein, a montré, dit-il, que «les Palestiniens ont évolué, ont compris que leur sort était lié au nôtre, qu'une certaine intransigeance conduirait à leur destruction... et par le monde arabe. Mais Israël n'est, hélas 1 pas en état de leur faire des propositions réalistes. C'est bien pourquoi nous voulons constituer une force qui y pousserait le PT. » Car Sternhell, qui ne croit guère aux vertus d'une conférence internationale sur, la région, estime, en revanche ' qu une entente est possible sur la base de l'application du principe d'autodétermination pour les Palestiniens des territoires occupés dans le cadre d'un accord bilatéral israélo-jordanien. « On prend, conclut-il, le chemin inverse en poursuivant les implantations. » 0 Jean DAVID (1) Professeur de sciences politiques à l'université hébraïque et auteur de plusieurs ouvrages parus en France, notamment Ni droite ni gauche (sur l'idéologie fasciste en France). J'ETAIS SOUS LES ORDRES DE MENGELE Partout en France et dans le monde, on célèbre le quarantième anniversaire de la libération à Auschwitz-Birkenau, se rappelle le médecin tortionnaire, obsédé par les jumeaux et les yeux La première fois que je me suis trouvée face à lui, à la descente du train qui nous avait amenés de Paris à Auschwitz-Birkenau, je ne pouvais imaginer qu'il s'agirait de l'homme criminel et cynique qu'il s'est révélé être. Qui d'ailleurs pouvait penser alors que nous étions presque tous voués, à plus ou moins brève échéance, à l'extermination? Il était là sur le quai de la gare, debout, sanglé dans un uniforme impeccable, une badine à la main qui lui servait à désigner aux voyageurs le côté où ils devaient se ranger ; et son calme, sa correction contrastaient avec le comportement des soldats qui nous avaient fait descendre, en hurlant et à coups de crosse, des wagons à bestiaux où nous étions entassés. La badine m'a fait signe de rejoindre, à gauche, une file de femmes jeunes (je portais, en tant que médecin, un brassard avec une croix rouge). Plus loin, toujours à gauche, il y avait un groupe d'hommes jeunes. Mais à droite, Mengele envoyait les vieux, les mères avec leurs enfants, les malades, et tous ceux qui s'avouaient fatigués, leur annonçant un camp de repos ... Nous sommes partis: à pied, 52 jeunes femmes ; en camion, vers leur camp un peu plus éloigné, 48 hommes valides ; en camions, mais vers la chambre à gaz où on les a fait pénétrer sous le prétexte d'une douche, 350 hommes, 554 femmes, la totalité des enfants, 174, qui ont été gazés puis brûlés sans être même entrés au camp. Nous avions quitté Drancy le 29 avril 1944 : 1 004 personnes. 100 seulement ont eu la vie sauve à l'arrivée. 37 devaient revenir à la Libération. Je venais, sans le comprendre encore, d'assister sur ce quai de gare, et de survivre, à ma première sélection. Mengele, pour sa part, n'en était pas à son coup d'essai. Si les sélections avaient été instituées dès 1942 et pratiquées par d'autres médecins nazis à maintes reprises, il était, lui, médecin-chef à Birkenau (le camp d'extermination du complexe d'Auschwitz) depuis 1943. A ce titre, il en avait présidé un grand nombre : sur la rampe de la gare à l'arrivée des trains de France, de Belgique, de Hollande; dans les blocks du Revier (de l'hôpital) ; et dans les blocks du camp. C'est donc au Revier que j'ai revu Mengele, y ayant été intégrée comme médecin après' un premier contact avec le camp principal, qui tenait de l'enfer. Petit camp à l'intérieur du camp, le Revier comportait des blocks (des baraques) attribués aux Allemandes, aux Polonaises, au personnel détenu de l'administration, à la chirurgie, à la Où est Joseph Mengele ? Ces temps-ci, on a beaucoup parlé de Mengele. Le gouvernement de la RFA a proposé une prime pour sa capture, un groupe d'Américains aussi. La CfA a été accusée de l'avoir plus ou moins protégé. La plupart des accusations actuelles se portent vers le Paraguay, mais le président Stroessner dément et accuse à son tour les Etats-Unis. On annonce, au Portugal, qu'on vient de retrouver son cadavre. Simon Wiesenthal, le « chasseur de nazis », ne s'émeut pas: « C'est la dixième fois , au moins, qu'on annonce sa mort. » Mais pour .lui, il ne fait aucun doute qu'il est encore vivant, et très probablement au Paraguay. ' 0 32 convalescence, etc. J'ai été affectée au block des Juives. Celui-ci était surchargé. Les lits en bois comportaient trois étages de lattes à claire-voie recouvertes d'une mince paillasse, pas de draps, une simple couverture. Le plus souvent, on y couchait deux malades par niveau, quel que soit leur état : une femme atteinte de dysenterie en côtoyait une autre qui souffrait de furonculose, ou de plaies purulentes sur les jambes. Mais à la tête du lit, chacune avait sa feuille de maladie propre, avec le diagnostic rédigé en latin et les médicaments prescrits, bien qu'il n'yen eût pratiquement pas à leur donner. Mengele faisait sa visite quasiment chaque jour. Son arrivée était annoncée par une déportée qui guettait à la porte: aussitôt, deux filles préposées passaient une serpillière humide le long du passage qu'il devait parcourir. « Son regard fixe causait un malaise » La blockowa l'accueillait; nous, les trois médecins, étions au garde-à-vous, le stéthoscope autour du cou. Il faisait une apparition théâtrale, un homme jeune, de taille moyenne, le képi sur la tête, l'uniforme impeccable, parfois recouvert d'une blouse de soie blanche, souvent des gants immaculés; brun, les yeux foncés, dont l'un atteint d'un léger strabisme. Son regard fixe me causait un malaise, je m'efforçais de l'éviter. Mengele n'approchait jamais les malades: d'elles il ne voyait que la tête, le corps étant complètement recouvert par la couverture bien tendue. Mais il lisait le diagnostic, souvent falsifié par nos soins, car une tuberculose, un diabète, une paralysie équivalaient à une condamnation à mort, et il aurait fait relever le numéro tatoué sur le bras gauche de la malade pour l'envoyer dans un « hôpital spécialisé », en fait le crématoire. Il lui arrivait d'exiger, toujours dans la même intention, qu'on lui indique les cas inguérissables. J'ai entendu la doctoresse polonaise, une aryenne, la seule à parler allemand, lui dire très calmement que Dieu seul pouvait dire d'un malade si son état était désespéré. Il s'est mis en colère, menaçant, en sortant, de vider une partie du block. Mais nous ne pouvions pas cacher les moribondes, et nous ne pouvions les sauver non plus. Un grand nombre de femmes mouraient chaque jour: cadavres qu'on sortait lematin en plein air, entassées sur le sol les unes sur les autres, squelettes complètement nus, le crâne rasé, les yeux ouverts ... Alors arrivait le commando de la mort, traînant des charretons à deux roues pour y empiler les corps qu'ils emmenaient au crématoire. Toujours les têtes traînaient à terre, cognant les pavés à chaque tour de roues. Un jour j'ai vu une adolescente de quinze ans reconnaître ainsi le visage de sa mère ... De même qu'il exigeait, concernant les malades, le simulacre des usages médicaux, de même pour les médecins, il maintenait les marques extérieures de l'hygiène et du rang: une douche hebdomadaire (réelle, camps' de concentration. Une déportée bleus. celle-là), la blouse blanche (cachant la bande de peinture rouge sur le dos de nos robes), les cheveux coupés court mais non tondus. Tant qu'Himmler n'ordonnait pas l'extermination générale, c'était son hôpital, les apparences étaient maintenues, le décorum respecté. Non pas que nous fussions tranquilles pour autant. Perpétuellement sur le qui-vive, à l'affût du signe le plus ténu annonçant la sélection, au moindre soupçon de danger, nous faisions sortir très vite la déportée que nous gardions quelques jours au repos ou, malgré la gravité de leur état, les malades qui tenaient à peu près debout. Et comme nous ne pouvions leur expliquer notre intransigeance, elles nous reprochaient notre cruauté. Pourtant, une fois enclenché le processus de la sélection, nous n'aurions pu les sauver. Les sélections dans le Revier, en 1943 et 1944, ont exclusivement concerné les Juives. Mengele arrivait avec son escorte habituelle, composée de personnel du camp èt de soldats. ta secrétaire portait la liste des malades par numéros. Les malades devaient descendre de leur lit et défiler nues. Souvent, il plaisantait avant de commencer. Ensuite, du doigt, il désignait celles qui étaient très maigres, ou atteintes de furoncles et de plaies suppurées, ou de gale; celles qui, d'épuisement, tenaient à peine debout ; et celles dont les cheveux, qui repoussaient en gris, trahissaient l'âge. La secrétaire notait les numéros. Pour lui, une fois atteint le nombre qu'il s'était fixé, 50, 100 ou davantage, il repartait satisfait, sifflotant ou plaisantant. « Il rêvait d'un moyen d'augmenter en nombre la race "supérieure" » Mais un jour, voyant,. lors d'une sélection, des traces de ventouses sur le thorax d'une malade, il s;est emporté, disant que c'était un procédé barbare. Une autre fois, une femme sélectionnée pour mourir s'est jetée à ses pieds en suppliant: «Laissez-moi vivre, j'ai deux enfants en France~. Lui, de la botte, l'a repoussée: «Mais quel péché as-tu commis, que tu aies si peur de mourir? » Quelqu'un m'a traduit la phrase: nous étions enfermées impuissantes, ce soir-là, dans le petit cagibi où nous dormions, mais de la fenêtre nous observions tout. La sélection ' terminée, tandis que Mengele s'en allait tranquillement, les condamnées étaient enferméès dans un block voisin: elles y restaient deux jours, trois jours, sans eau, sans nourriture. L'accès en était interdit, mais j'ai réus~iune fois à m'y glisser en cachette : certaines femmes étaient résignées, d'autres très dignes, 'héroïques, nous demandant de faire ,savoir au monde, si nous avions la chance de rentrer, ce qui s'était passé à Birkenau. L'une d'elles m'a embrassée: imaginez nos regards quand je les ai quittées ... Puis un soir retentissait l'ordre «Blockssperre », nous remplissant d'épouvante: c'était l'obligation de nous Différences - N° 44 - Avri1198~ 33 t sa rnère. Hornernan e édecin fou Alexand~r es cobayes, "ences » du rn Un des Jeun' t s des « expeJ1 . rnort des SUl e ' . enfermer dans les blocks, portes closes, et l'impossibilité de voir ce qui se passait au-dehors, car les fenêtres étaient au niveau des toits. Blockssperre, c'était toujours à la tombée de la nuit, quand les camions venaient chercher les victimes pour les mener au gaz. L'air était déchiré par les sifflets stridents, les cris, le bruit des véhicules roulant sur les pavés, chargés de femmes que de solides prisonniers, préposés à ce travail, avaient jetées les unes sur les autres, n'ayant pas hésité à faire sortir celles qui se cachaient sous les lits en les tirant avec des cannes munies de crochets. Les camions s'éloignaientet, peu après, des flammes immenses s'élevaient des cheminées du crématoire. Pour moi le mot Blockssperre est lié aux massacres. Celui des nains, un soir ' de juin ou de juillet 44 - une petite population un peu privilégiée, logée dans un petit block en famille, et amusant Mengele qui allait parfois les voir et les entendre danser et chanter. Un soir, on leur a distribué le pain comme d'habitude. Une demi-heure plus ta:rd, les camions ont surgi et ils ont tous été gazés puis brûlés, en une seule nuit. Celui des Tziganes, qui vivaient en famille dans un petit camp mitoyen, le Zigeunerlager. Arrêtés un peu partout en . Europe, il en restait alors un peu plus de 3 000, dont un certain nombre avait la nationalité allemande, certains même décorés de médailles militaires. Le 1er juillet 44, les Tziganes ont été gazés puis brûlés, en une seule nuit. Celui des Tchèques, qui vivaient aussi dans un camp familial et dont une sélection précédente, quelque~ mois auparavant, avait laissé à peu près 4 000 survivants. On a donné aux gens jeunes et valides la possibilité d'abane donner parents et enfants et d'avoir la vie sauve, mais la plupart ont refusé. Les Tchèques ont été gazés puis brûlés, en une seule nuit. Longtemps protégés, les Juifs hongrois ont payé un lourd tribut à ce carnage quand les. Allemands ont occupé la Hongrie en 1944. Du 15 mai au début d'août, de nombreux trains bondés sont arrivés à Birkenau, amenant 380 000 à 400 000 personnes dont à peine quelques centaines ont survécu. Souvent accueillis sur la rampe par un orchestre de femmes jouant des marches ou des valses, des trains entiers de Juifs hongrois sont allés droit au gaz. Il est même arrivé qu'on force les arrivants à se déshabiller sur la rampe . même, le simulacre de la douche prenant trop de temps: 34 ce soir-là nous avons entendu des cris... Jour et nuit brûlaient les fours crématoires, avec des flammes immenses qui montaient à plusieurs dizaines de mètres dans le ciel, illuminant tant les ténèbres que la nuit semblait le jour (et longtemps je n'ai pu voir une flamme sortant d'une cheminée non plus qu'entendre le bruit d'un camion sans tressaillir). Les crématoires ne suffisant plus à disposer des cadavres, on a brûlé les corps dans des fosses profondes remplies de branchages - les petits enfants assommés à coups de crosse, jetés vivants dans cette fùurnaise. Jusqu'à la fin d'octobre, il y a eu encore une série d'opérations de ce genre, avec des convois qui arrivaient de France (le dernier en juillet), de Belgique, -de Hollande; en dernier lieu, 70 000 personnes du ghetto de Lodz. Au début de novembre, un ordre d'Himmler mit fin aux sélections qui toutes avaient été présidées, avec un parfait sang-froid, par Mengele qui, le lendemain, réapparaissait calme et satisfait. Mais tout n'est pas dit sur lui. Une triste notoriété concerne les crimes qu'il a commis sur les enfants. Le plus souvent, enfants et femmes enceintes étaient gazés à l'arrivée. Pourtant celles qui ne signalaient pas leur état, ou l'ignoraient encore, conservaient la vie jusqu'à leur accouchement : puis mère et bébé passaient au gaz, cela ne concernant que les Juives. Parfois l'accouchement était clandestin, la mère sacrifiait son enfant pour survivre quand elle parvenait à se procurer une drogue létale. En revanche, s'il y avait des jumeaux, la mère et les bébés étaient fêtés et mieux nourris, devenant des sujets d'expérimentation pour cet homme qu'obsédait le pro. blème de la gémellité. Car il rêvait d'un Inoyen d'augmenter rapidement le nombre de cette race supérieure qui devait régner sur le monde et recherchait, dans les convois et dans le camp, ces enfants-là. Sur eux il se livrait alors à des examens variés, morphologiques, radiologiques, sérologiques, et les faisait souffrir par des prises de sang répétées suivies de réinjection du sang d'un autre groupe, finissant pat; les tuer afin de les faire 'autopsier. « Depuis quarante ans, . Joseph M engele jouit d'une parfaite impunité» De même pour les yeux. Rêvant d'une race allemande blonde aux yeux bleus (à laquelle il n'appartenait d'ailleurs pas), et faisant fi des théories génétiques déjà connues à l'époque, ce docteur en médecine et docteur en philosophie faisait injecter dans les yeux des enfants des liquides de natures diverses mais également douloureux, pour essayer d'en modifier la couleur. Maître absolu à l'hôpital de Birkenau, responsable de tant de massacres, de tant de supplices d'innocents, pur produit de théories raciales scélérates qu'il faisait siennes, Josef Mengele a joui pendant quarante ans d'une totale impunité... Nous autres, anciennes déportées si peu nombreuses à revenir et dont le nombre diminue chaque jour, nous avons peut-être survécu grâce à notre volonté de témoigner, et aussi par fidélité au souvenir de ces millions de victimes innocentes, réduites à l'état d'esclaves, considérées comme des sous-êtres du fait de leur religion, de leur nationalité, de leur race, de la couleur de leur peau ... « On se doit de rappeler périodiquement à l'humanité des choses qu'elle n'a pas le droit d'oublier» (1) , Zina MORHANGE-SAL TIEL n° matricule 80 636 (1) Neville Spearman, les Massacres de Baby Yar. REFLEXION - Lapsus- TENIR SA LANGUE On dit les Blancs, les Noirs, les Jaunes ... Un responsable du MOVORAP, le mouvement contre le racisme du Burkina Fasso (ex-Haute-Volta), réfléchit sur ce que parler veut dire. F ors les actes, actions, comportements et attitudes évidemment racistes, le racisme au quotidien le plus insidieux et le plus répandu se manifeste dans l'expression des opinions. Que n'entend-on pas ici et là des gens qui, prêts à étaler leur bonne foi, jurent sur leur candeur qu'elles ne sont pas racistes, quand bien même elles laisseraient échapper, comme le retour du refoulé raciste, ces mots hétérophobiques qu'elles seraient sans doute les premières à condamner chez les autres? En Afrique, dans certaines situations soit conflictuelles, soit régulières, on emploie le plus souvent ces termes d'une innocence suspecte: « C'est un homme de couleur... un Noir ... un Bougnoule (pour les Maghrébins) ... ». Apparemment, les vocables de «Blanc, Noir. .. ~~ ne sont point affectés d'épithètes purement péjoratives telles «mauvais Blanc, sale Noir ... »; mais le contexte de leur emploi est chargé d'une connotation raciste qui ne trompe personne, car il renvoie à tout un héritage et tout un substrat culturels bien précis. D'ailleurs, pourquoi faut-il désigner a priori une personne par sa race ? Les langues humaines sont si riches qu'il y a certainement d'autres termes pour désigner les protagonistes d'une situation sans avoir besoin de recourir aux races auxquelles ils appartiennent. Par parenthèse, il convient de remarquer qu'il n'est rien de plus insultant et de moins amical que dire des Noirs, pour les désigner dans le langage quotidien, qu'ils sont des hommes de couleur. Si le noir est bien une couleur, le blanc en est une autre. Le jaune aussi. Dit-on des personnes de la race blanche ou de la race jaune qu'elles sont des hommes de couleur? Le recours aux races des hommes sous-entend leurs appréciations dans les champs de valeur que; malheureusement, une certaine ethnologie et une socio-anthropologie sertie d'idées reçues ont savamment codifiés dans un dessein hétérophobique, bêtifiant les uns pour mieux magnifier les autres Différences - N° 44 - Avril 1985 comme si la magnificerice était une question de pigmentation de l'épiderme. En effet, l'ethnologie européenne a parfois porté sur les autres peuples, sur leurs us et leurs coutumes, le regard du Huron, . ce fameux et fumeux regard qui a la prétention de permettre au nouveau débarqué dans un pays ou au sein d'une tribu humaine de tout comprendre en un seul coup d'oeil et d'en tirer, par voie de conséquence, un «grand livre» rempli de vérités définitives. En se détournant ainsi de la capacité d'éprouver pour celle d'évaluer, les auteurs de ces sciences pratiquent la dévotion des chaisières qui ne laissent à personne le soin d'allumer son cierge. Ainsi ont-ils fait leur une théorie éprouvée des sciences de l'information: acquérir, dans le domaine du langage, la maîtrise du champ ou de l'usage verbal et s'assurer du même coup une haute stratégie permettant d'atteindre à loisir sa cible. Ils occupent donc l'espace des mots en gardant par-devers eux le contrôle ou la possibilité de contrôler la définition des concepts, ceux également de se positionner à l'envi pour gérer l'univers axiologique. • Le raciste verbal, conscient ou inconscient, volontaire ou involontaire, finit par concrétiser ses opinions par des 35 actes. Chacun de nous ayant acquis ses connaissances pour diriger ses actions par l'intermédiaire du langage, il va sans dire qu'on est d'abord accoutumé à vivre dans un monde de mots qui renvoient alentour à des réalités. L'habitude de croire que là où il y a des mots, il y a des réalités qui leur correspondent, pousse donc en dernier ressort à agir en conséquence. C'est pourquoi il importe de contenir, voire d'éliminer l'hétérophobie verbale susceptible d'aiguiller son auteur vers des actions de la même nature. Cela amène à envisager, . dans une optique identique, un cas précis : l'antiracisme raciste. A bas les Blancs ! L'an dernier à Ouagadougou, les Amateurs du Théâtre voltaïque (ATV), en collaboration avec le Mouvement voltaïque de h,ttte contre le racisme, l'apartheid et pour l'amitié entre les peuples (MOVORAP) et le Centre d'information des Nations unies (UNIC) , ont joué, en théâtre forum, une pièce intitulée Apartheid. Quand la révolte éclata sur la scène et que les « opprimés » se lancèrent à l'assaut des . ségrégationnistes, un spectateur se leva et cria à la cantonade: «A bas ' les · Blancs, vive les Noirs ! » Prié ensuite d'expliciter davantage sa réaction, il s'avisa sans doute de l'énormité de son exclamation et excipa de sa bonne foi en tendant d'attester qu'il n'avait aucun préjugé racial, que sa réaction lui a été inspirée par la situation honteuse et intolérable de l'apartheid. Reste cependant que, par son exclamation, il a traduit une opinion antiraciste ' raciste; pratiquant donc en aval ce qu'il condamne fermement en amont. En conclusion, l'hétérophobie verbale est aussi dangereuse que celle en actes, d'autant plus qu'elle est chaque jour et chaque fois' vite commise dans le langage quotidien. 0 Patrick ILBONDO · ORIC ATMOS: LE N° 1 DES ORDINATEURS PRIVES ORIC ATMOS, c'est la micro-informatique parvenue à son plus haut niveau de maturité. Conçu autour du microprocesseur 6502 A, il intègre dans 16 K de ROM l'interpréteur BASIC et offre 48 K de mémoire vive (RAM) pour l'utilisation. Avec son clavier alphanumérique de type professionnel, son affichage 8 couleurs avec vidéo inversée et clignotement, et son générateur de son, ORIC ATMOS est un ordinateur hautement évolué et très fiable. Ses possibilités d'extension et en particulier son MODEM de communication lui permettent de fonctionner en réseau avec d'autres ordinateurs. C'est aussi un merveilleux instrument familial d'initiation, de découverte, de divertissement, et même d'utilisation professionnelle. Avec une importante bibliothèque de logiciels ludiques et éducatifs, et une gamme complète d'accessoires périphériques, comme le crayon optique, parents et jeunes peuvent avec ORIC ATMOS, .entrer concrètement dans le monde informatique. Caractéristiques Techniques • Unité centrale: Microprocesseur 6502 A-16 K de ROM inter· préteur BASIC. 48 K de RAM (Mémoire vive d'utilisation) • Di· mensions : Hauteur: 52 mm . Largeur: 280 mm - Profondeur: Avec votre matériel vous recevrez le fameux guide d'utilisation ORIC édité par ASN, accompagné d'une cassette. Ainsi, vous aurez les deux outils indispensables qui feront lajoie des débutants et le plaisir des chevronnés. 175 mm - Poids: 1,2 Kg • Clavier: 57touches à répétition au· tomatique • Langage: BASIC évolué et puissant. En option: FORTH et ASSEMBLEUR. Ecran: Connexion directe sur TV avec PERITEL, sur Moniteur, sur TV Multistandard, ou sur TVUHF (Canal 36) avec Modulateur (en option) • Affichage mode caractère: 28 lignes de 40 caractères sur toutes les fonctions couleurs: noir, bleu, rouge, magenta, cyan, jaune et blanc. Choix de couleur d'arrière plan, choix qe couleur de caractère, caractère clignotant, double hauteur de caractère. Affichage mode graphique: 200 x 240 pixels Haute Résolution. Toutes les fonctions couleurs comme en mode texte. Sonorisation: Haut·parieur et amplificateur intégrés. Connexion HI·FI possible. Synthétiseur à 3 canaux et 7 octaves. Mixage d'effets spéciaux pour les jeux vidéo. Effets sonores pré'programmés • Interface lecteur de cassettes: sur format Tangérine à 300 ou 2400 bauds. Permet de sauvegarder des programmes, des données, des blocs·mémoire et même t'affichage écran. Interface pour imprimantes: Interface parallèle type CENTRONICS. ASN Diffusion Electronique SA • li La Haie Griselle BP 48 94470 BOISSY·SHEGER .20 rue Vitalis t3005 MARSEILLE (91) 94.15.92 Leader en France: rès de 100.000 possesseurs + ALIMENTATION 12 VOLTS + PRISE PERITEL CR~D'TI51 (après versement d'un chèque de caution de 200 Frs, retoumé après acceptation du dossier de crédit + 1 chèque de 40 Frs de port) pendant 12 mois -Coût total du crédit: 242, 60 Frs assurance. incluse - Taux TEG.: 24,90% COCharlesANT 1579 F + P4~~T ff\\lES 'JOlRE CHO\X ria m/cro'ln' , . ous brancher su parfaite 1 Vous êtes d~c~I~~S~ Vvotre In/tlatl,~~s::~~s d'ORIC 1 format\Que 'os OéJci 100 (100 pas avec 1 ATM . 1 t 7 Alors notre C'est tout dire. ace micro compJe informatique 2 JI vous fa~~I~re e~~nst/tue 1'7nCharles:~~onneJies ci des offre sp • , . des Qualites dont vous reveL . nelles tique pero conditions e12 janvier 2012 à 18:03 (UTC)~ votre réfleXID~I!~~O;~~ante ORiC 3 Vous vl~Uli~:ors achet~z seul;~e:onflgUratlon ORIC. sonne e. ur completer va r MCr 40 po ~'''''''''')-l Une garantie supplémentaire ORIC est distribué exclusivement par ASN, revendeur agréé de la marque ORIC en France. 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Arrivé en France à l'âge de trois ans, en pleine guerre d'Algérie, Mounsi n'a eu pour tout horizon que la DDASS et la petite délinquance. Maintenant, il chante la « seconde génération », cc les immigrés», et ses copains les « enfants de harkis ». Dans les banlieues, une espèce de conscience des jeunes émerge. Il y a eu la première marche pour l'égalité, puis la deuxième qui me semble encore plus intéressante car elle était black, blanc, beur. Un carnaval cosmopolite s'est dessiné. Au lieu de s'enfermer seul dans son mouvement, on va vers les autres. C'est pour cette raison que je suis très confmnt en l'avenir. L'effet Le Pen! Il nefaut pas le systématiser. C'est dangereux, bien évidemment. En France, cependa1l;.t, une partie de la population s'est vue, tout à coup, obliger de se définir moralement par rapport à lui. Il est vrai qu'en temps de crise certains sont prêts àjeter la pierre aux minorités. Le Pen est le reflet de cette tendance. Y réagir me semble essentiel pour l'avenir. Je préfère le terme de seconde génération à celui de beur qui me paraît un peu plus branché, «chébran» comme on dit, et aussi plus dangereux. «Seconde génération» n'est pas une marque déposée. C'est une expression vaste qui peut regrouper des tas de gens, tandis que le beur sert beaucoup dans les épinards médiatiques. Je me méfie un peu de cela. Toute expression culturelle est importante. Je n'aime pas être confondu à la chanson française. Je dis toujours que je suis à la chanson française ce que l'harissa est à la moutarde. Ce que je voudrais, c'est qu'on tienne compte de nos particularités. Quand j'était môme, dans le bidonville' de Nanterre, j'avais des copains fils de harkis. Autant pour la génération de mon père c'était quelque chose de lié à un moment historique bien précis, autant pour nous, c'étaient des gosses comme nous, sauf qu'ils avaient la nationalité française. Ils s'appelaient Hamed ou Salah. On galérait ensemble. Quand les flics nous arrêtaient, ils montraient leur carte d'identité française, moi, ma carte de résident. Les flics les faisaient chier en leur demandant: , « Pourquoi t'as cette carte? » et ils répondaient : « T'as pas à me poser cette question. Occupe-toi de tes affaires ». Finalement, gamins fils de harkis ou arabes, la réalité était la même,jace à certains aspects sociaux. 0 Propos recueillis par Dolorès ALOIA 38 COURRIER Peuples naturels et peuple cc surnaturel » ... Kanata: mot algonquin qui semble signifier « là où j'habite »... Entendu puis déformé par les Français de No\!velle- France, vers 1600.. . Cela donnera plus tard Canada. Kanaka: mot polynésien qui signifie «homme » .. . Entendu puis déformé par les Français de Nouvelle-Calédonie, vers 1800... Cela donnera plus tard Canaque. Au-delà de cette singulière çoïncidence phonique, il en existe d'autres plus pertinentes qui jalonnent l'autoroute de l'histoire coloniale: à dix-sept mille kilomètres de la mère patrie, des barrages de route ont été dressés: ici et là, aux quatre coins de l'île, la séparation est effective entre Canaques et caldoches, entre villes de la côte et villages de la brousse, entre civilisés et sauvages. Si la «frontière» américaine avait pour mission d'interdire a priori toute relation entre le monde «blanc» et le monde « indien », les barrages canaques, eux, tentent a posteriori d'empêcher les Caldoches de pénétrer le seul territoire qui soit encore « tribal ». Pour les Canaques d'aujourd'hui, comme pour les Indiens d'hier, l'attachement - pour ne pas dire l'amour - de la terre demeure le problème initial qui les opposent aux Caldoches .. . Pour les premiers, ce territoire où ils vivent, s'il est certes cultivable, est aussi culturel- et bien davantage ! ... Ces liens qui unissent « universellement » les sauvages sont tout à la fois d'ordre économique, politique, historique, mais surtout d'ordre poétique ; et c'est bien là que le refus occidental à pénétrer un territoire aussi nouveau et généreux se révèle être tragique ... 1534: Jacques Cartier «découvre » le Canada. 1774 : James Cook « découvre » la Nouvelle-Calédonie L'ailleurs est uniformément baptisé Nouveau Monde ... Fallait-il que l'ancien soit réellement à ce point vétuste pour que l'on s'empresse de qualifier ces territoires de: Nouvelle-Guinée, Nouvelles- Hébrides, Nouvelle-Zélande, Nouvelle-Bretagne (pour ne citer que des territoires océaniques)... Jusqu'au NouveauMexique qui mérite une petite parenthèse tant ce nom est significatif des mentalités coloniales: une fois la conquête du Mexique faite par le royaume d'Espagne, quelques oubliés du partage mexicain iront voir plus loin ; ils découvrent, dans le sud-ouest des futurs Etats-Unis, un pays accueillant où ils s'installent, et qu'ils nomment... NouveauMexique! Les colons ne sont pas seulement affamés, ils sont aussi anthropophages !... , Une fois le rivage abordé, les nouvelles terres ne seront pas visitées de si tôt ; l'intérieur du pays est délaissé et semble n'offrir aucun intérêt quant à ce qu'il a d'inc;ligène et de particulier : à chaque aventure coloniale le peuplement s'arrête à la côte .. . Qu'il s'agisse de Québec ou de Nouméa, l'homme blanc tourne le dos au pays. Au-delà, c'est la forêt ou la brousse. Le monde sauvage .. . L'aventure se doit d'être rentable: c'est le tabaë qui « a fait » la Virginie, le castor le Canada' et le nickel , la Nouvelle-Calédonie. La rencontre est consumée, le partage a vécu, place aux jouissances

en Amérique comme

dans le Pacifique, l'homme blanc s'isole; le fort, l'église, ou la mine seront ses «nouvelles terres », là où il se sent maître et propriétaire. Les , premières réserves abriteront des Blancs ! Le drame qui se joue depuis quelques mois en Nouvelle-Calédonie se réfère à bien des égards à cette confrontation aux allures de rupture. Car pour l'autre, la vie est jeu. A Nouméa, les uns, en ville, ont un discours, les autres, en brousse, dans lès villages, ont une parole. 0 Pascal KIEGER Paris En attendant Molière Le badge Touche pas à mon pote, c'est bon et même très bon pour le coeur. Les discours, les débats, les articles, c'est bon et utile pour le cerveau. Mais pourquoi avoir oublié la rate? Un éclat de rire bien ajusté, ça peut vous plier en deux ou en quatre un adversaire, puis lui dilater la rate au point de nécessiter son hospitalisation d'urgence pour splénomégalie thumoristique ! Pourquoi depuis l'âge de pierre jusqu'à aujourd'hui le rire ,n'a jamais été utilisé comme arme de choix? Il a pourtant des vertus explosives indéniables. Si les trompettes ont fait crouler les murs de Jéricho, pourquoi le rire ne pourrait-il pas faire crouler de rire nos ennemis? Les cris appellent les cris puis les coups ; cela se vérifie tous les jours lorsque se font face manifestants et forces de l'ordre. Il serait intéressant de voir ce que Différences - N° 44 - Avril 1985 donnerait sur l'humeur combative de plusieurs compagnies de CRS la vision d'une foule hilare? Obligés peut-être qu'ils seraient de se boucher les oreilles, ils en oublieraient leurs matraques. Ou le rire, par sa force contagieuse, les paralyserait. Cela, pour vous suggérer la mise sur pied d'un etat major du rire antiraciste d'où serait lancé une stratégie tous azimuts à coups d'affiches, de sketches, de chansons, de caricatures, etc. Jusqu'à ce que ces nouveaux croisés de la haine perdent leur troupe et qu'eux-mêmes plient le genou et s'enfuient de notre horizon politique. Nous prouverions au monde que nous sommes toujou!1le peuple le plus spirituel de la terre et, en prime , peut-être, nous donnerions un coup de main par notre exemple victorieux à tous les antiracistes des autres pays, des autres races. Car, n'oublions pas que le racisme est, hélas, aussi la chose la mieux partagée. J'ai même rencontré, ici et là, des Noirs racistes, des Chinois racistes et des Arabes racistes. Etaient-ils heureux? 0 Pierre ARONEANU Paris êf"URJ!ft VOYAGES ETE 85, KENYA 3 SEMAINES PAKISTAN/NEPAL 4 SEMAINES PEROU/BOLIVIE 4 SEMAINES 9995 F 8995 F 9595 F ET 50 AUTRES DESTINATIONS, F~~ratioD Unie des Auberges de R~OD De-de-France 10, rue Notre-Dame-de-Lorette, 75009 ParIs. T~I. : 285.55.40 , i Les petites annonces de DIFFERENCES -:, Stages en Provence : tissage, peinture, poterie, photo, danse, sculpture, tapisserie. Pays e.t cadre très beaux. Piscine. Documentation contre 3 timbres à Puyharas, 04150 Banon. n° 68 A ,vendre moto 400 CMT Honda, 1981, 19 000 km, prix environ 6500 F. Tél. le soir au 526.48.50. n° 69 Collaboratrice Différences cherche appartement 3/4 ,1 pièces dans Paris, pas trop maine , enfants acceptés. cher, genre 3000 F. Tél. au Tél. : 700.24.51. n° 72 journal qui transmettra. n° 70 Equitation près de Paris, à Saint-Martin-du-Tertre (Val· d'Oise). Tous niveaux, du débutant à l'équipe de concours dressage et C.S.O. 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T .C. la ligne (26 signes ou espaces) Texte et règlement à Différences: 89, rue Oberkampf 75011 Paris Tél. 806.88.33 Les membres de la Société des amis de Différences bénéficient d'une insertion gratuite par an (maximum 5 lignes) L 1 1 1 Ll. _1 . 1 1 1 1 1 1 1 LLLl,~I'---1.I---"-I _-,---,---,--1 --,1 L--L-...L-..l-.-JL-J,.I--L-LI ......L.-...l...-L-JI---.lI--L.---L--L-..L1 ---.LI .-.JIL-l--L._--LI ...-11----1...1 -LI ......L.-...L..J.I ~ L 1 1 1 1 1 1 1 1 1 x-- 39 AGENDA' AVRIL 1-3 Dans le cadre ,de la Nuit reggae au théâtre du Forum des Halles, 15, rue l'Equerre-d' Argent, porte Lescot, niveau - 3, concert de Yaya and Think, à 21 h 30; pré~ cédé à 19 h du film Reggae Sunplash. Rens . tél.: (1) 240.16.09 0 14 A partir de 15 h, manifes- , tation du souvenir à l'occasion du 42' anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, salle des Congrès, 29, boulevard du Temple, 75003 Paris, sous la présidence de Charles Lederman, sénateur, président de l'UJRE, Robert Chambeiron , député à l'Assemblée européenne, secrétaire du Conseil national de la Résistance, Mme Eva Golgevit, déportée résistante, Charles Palant, vice-président du MRAP. Cette manifestation est organisée par un comité groupant des associations juives et des organisations de la Résistance, de la Déportation et des , Anciens Combattants et comportera une ' grande partie artistique. Les invitations sont à retirer 14, rue de Paradis, 75010 Paris, tél. : (1) 770.62.16. 0 15 Jusqu'au 27 , le comité de solidarité avec les travailleurs immigrés de Savoie organise une exposition, intitulée Immigration mon humour. Le racisme et l'immigration vus par les dessinateurs humoristiques, réunissant des oeuvres de Plan'tu, Pessin, Saladin, Slim, Million .. , dans le hall de la M.J.e., 311, faubourg Montmélian à , Chambéry (Savoie). Rens. CSTIS, 95, rue Juiverie à Chambéry, tél. : (79) 62.14.52. 0 16 Début de la 38' vente de Solidarité-Kermesse, de la Commission centrale de l'enfance au profit de ses oeuvres sociales, en ses locaux, 14, rue de Paradis, 75010 Paris. Braderie de marchandises diverses et de qualité, de 10 à 19 h, jusqu'au 22. Rens. Commission ' centrale de l'enfance, tél. : (1) 770.90.47. 0 16 Dans le cadre d ' une tournée européenne, Joao Bosco est au New Morning, 7-9, rue des Petites-Ecuries, 75010 Paris. Pour deux soirs seulement, une grande vedette brésilienne, seule avec sa guitare, inspirée par ses racines africaines. 0 19 Présences artistiques du Maroc, organisée par le Centre national d'art contemporain de Grenoble. Centrée autour des arts plastiques, cette manifestation rassemble , pour la première fois en France, les oeuvres d'un grand nombre de créateurs marocains contemporains. Afin de les situer dans un contexte culturel général, ont été mis en place des débats, des colloques, des tables rondes avec des écrivains, des philosophes, des sociologues. Une semaine su-r le cinéma , une série de concerts, des soirées de littérature et de poésie complètent ce programme, jusqu'au 10 juin. Rens . CNAC, 18, rue Joseph- Charron, 38000 Grenoble, tél. : (76) 54.22.20. 0 19 Pendant trois jours se tient , au ministère des PIT, 20, avenue de Ségur, 75007 Paris, le 65 Congrès annuel de la Ligue des droits de l'homme, avec pour thème: « Libertés et sécurités ». Un gala aura lieu le 20 au soir au Zénith à la Villette, au profit de la Ligue. Rens. LDH, 27 , rue Jean-Dolent , 75014 Paris, tél. : (1) 707.56.35 . o 20 Jusqu'au 11 mai , suite et fin des Rencontres et dialogues avec les pays du Sahel dans l'Essonne: littératures africaines, du 20 au 28 avril, à la bibliothèque des Molières; photos du Mali, du 22 avril au 5 mai, à la bibliothèque de Briis-sous-Forges; multivision sur le Sénégal (diaporama) à la Bénerie de Limours ; spectacle de théâtre , le 4 mai, à Forges- les-Bains ; stage de cuisine africaine, les 4 et 5 mai, à Forges- IesBains ; fête de clôture, le 11 mai , à Vaugrigneuse . Rens: Inter MJC, BP A4, 91470 Limours, tél. : (6) 458.08.02 et (6) 458.17.80. - 0 22 Jusqu'au 28, semaine d'animation Rencontre avec les gens du voyage. Exposition de peinture et photos à travers la ville de Plaisir. Le 26, à 21 h, soirée avec Lény Escudero et les Romalen, sous chapiteau, place de la République. Le 28, dans le cadre d'une foire à la brocante, démonstration de différents métiers propres aux gens du voyage (cannage, vannerie, dinanderie, etc.) ., Cette semaine est organisée par un collectif qui comprend

Animation municipale,

le centre social Flora-Trista'n', le CCFD, le club Léo-Lagrange, le club des Voyageurs et le MRAP. Rens. R. Neveu, tél.: 055.47.50. 0 23 Le théâtre de Sartrouville présente, à 21 h, Pedro et Isabel Soler et Juan Varea pour un spectacle de flamenco. Le T mai, à 21 h, le groupe afrojazz Xalam. Rens. théâtre de Sartrouville, rue Louise-Michel, tél.: (1) 914.23.77. 0 23 Jusqu'au 28, Vues d'Afrique - Les journées du cinéma africain au Québec (jumelées avec le Festival panafricain de Ouagadougou, Burkina- Fasso), à la Cinémathèque québecoise, 355, boulevard de Maisonneuve-Est, Montréal, Québec, de 18 h30 à 20 h 30. Rens. Journées du cinéma africain au Québec, complexe Guy Favreau, tour Est, bureau 102, Montréal H 2Z 1X4, Québec, tél. : (514) 283.6303. 0 26 Sixième Festival de Conflans, premier marché international du caféthéâtre et du rire, autour de la chanson, théâtre, animation, la ville de Conflans-Sainte-Honorine ouvre ses différents lieux . Réservations au bureau du festival, «Les Terrasses », avenue du Pont, 78700 Conflans, tél. : 919.20.09, ou 'rens. Bodo-Latraverse, tél. : (1)355.53.59. 0 28 Et 29, à 21 h, les maîtres musiciens de Jajouka perpétuent la tradition des rites de Pan marocain. Les 5 et 6 mai, à 21 h, ReinetteJ'Oranaise, chanteuse juive d'Algérie, interprétant les classiques arabo-andalous et les airs populaires de la région d'Oran. Et les 12 et 13 mai, à 21 h. Jon Hassel qui associe la technologie des éléments des musiques indiennes et africaines. Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette, 75011 Paris, tél. : (1) 357.42.14 o 29 Avant une tournée française, le groupe antillais Malavoi se produit juqu'au 4 mai, à 20 h 30, à l'Olympia, 28, boulevard des Capucines, 75009 Paris, avec, en première partie: Fernando Marques et Bonga_ Location: Olympia, tél. : (1) 742.25.49. 0 MAI 4 De 13 h 30 'à 22 h, 176, rue de Grenelle, 75007 Paris, l'Association des amitiés franco- tanzaniennes organise une journée d'information et de rencontres pour toutes personnes désireuses de partir en Tanzanie. Rens. e. Silliau, AFT, 210, boulevard Raspail, 75014 Paris. 0 ET ENCORE ENFANTS DE 'l'IMMIGRATION. L'exposition de Beaubourg , continue ses déplacements : 40 - du 1" au 15 avril, à la MJC ' d'Elbeuf (Seine-Maritime) ; - du 15 au 31 avril, à la mairie de Fontaine-sur-Isère ; - du 19 au 29 avril, au CES Romain-Rolland, rue des Glycines, au Havre (Seine-Maritime). Et à l'initiative de l'association « Le grain magique », l'exposition se promène dans le département de la Loire : - du 3 au 8, à la salle' des fêtes de la mairie de Firminy ; - du 8 au 15, dans le hall de la maison de l'information , 2, rue Molière, à Roanne ; - du 15 au 22, à la Bourse du travail de Saint-Chamond; - du 2 au 30, dans le hall de la mairie de Saint-Etienne., Pour tous renseignements: ISM, 12, rue Guy-de-Ia-Brosse, 75005 Paris, tél. : (1) 535.12.11. o PARADE. L'Association culturelle des familles antillaises de Bagneux monte l'opération Parade. Elle concerne quinze jeunes, âgés de treize à quinze ans, représentatifs de la cité, multi-ethnique , en majorité antillaise , qui feront en août 1985 un séjour de découverte en Guadeloupe et Martinique. Aller aux Antilles pour retrouver ses racines ou faire partager sa culture aux autres et mobiliser tous les jeunes tant dans la préparation au voyage qu'à son exploitation du retour qui donnera lieu à des manifestations musicales, audiovisuelles et culturelles. ACFAB Guirlande, 7, 'rue Mozart, 92220 Bagneux. 0 VOYAGES. Le Centre d'échanges et de voyages internationaux pour études de développement propose différentes formules de découvertes à de petits groupes, une participation à l'élaboration du voyage, une réflexion sur le « sous-développement » . Cet été: voyage dans différents pays d'Asie (Inde, Thaïlande) , d'Afrique (Cameroun, Burkina, Sénégal, Mali) et d'Amérique latine (Mexique, Colombie, Equateur, Brésil, Pérou) . Pour prendre part à la préparation d'un voyage, inscrivez-vous rapidement. Par ailleurs, les 20 et 21 avril 1985, un week-end de réflexion sur le tourisme dans le tiers monde est proposé à Lyon. Rens_ CEVIED, 8, quai Maréchal- Joffre, 69002 Lyon, tél. : (7) 842.95.33. 0 Agenda réalisé par Danièle SIMON 1 L'amiral des mots M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Savez-vous que vous parlez arabe, hébreu, hindi, malais, algonquin, nahuatl et même chinois? Voici un conte. Mais tous les mots en italique sont issus de langues étrangères - notées en bas (1). Un abonnement gratuit pour la personne de leur choix aux cent premiers qui nous donneront l'origine exacte de ces mots. A vos plumes ! Il était une fois, dans un modeste bazar d'Istanbul, un chérubin qui fit jubiler ses parents lorsqu'il vint au monde : il tenait dans sa main une turquoise en forme de nénuphar. « Par Allah, voilà un futur sultan ou un nabab de la finance! », s'écrièrent-ils tout heureux. Et ils accrochèrent la précieuse pierre au cou de l'enfant comme talisman. En attendant de le voir atteindre le zénith de sa destinée, ses parents lui firent une vie de pacha : pour protéger ses voies respiratoires, brûlaient en permanence des essences de santal, de benjoin, de camphre et de bergamote ,. pour qu'il ne prît pas froid, son moïse .fut placé sous un baldaquin en mohair, pour qu'il conservât une peau soyeuse il fut enduit de talc tous les jours et fut revêtu uniquement de percale et de satin,. son régime alimentaire n'avait rien de mesquin: caviar, épinards, massepain, oranges, bananes et les sirops les plus rares formaient la base de son ordinaire. Hélas ! en grandissant, le benjamin perdit son air séraphique et les parents leurs illusions: il n'avait rien du génie escompté. Un jour, en rentrant de la médersa, il leur déclara tout net que « chiffres, algèbre, alchimie et sourates, tout ça c'était kif-kif, du charabia et purs salamalecs pour vieux turbans et que ça ne valait pas une roupie !!! ». Ce fut un joli tohu-bohu dans l'éden familial. La mère devint écarlate, s'écroula sur un sofa et se lança dans des jérémiades sans fin ; le père, tout aussi cramoisi, saisit une cravache, perdit son colback, brisa une carafe, mais réussit à attraper son fils et ne le relâcha que lorsque ses fesses furent rouge carmin. Les voisins, attirés par le ramdam, donnèrent naturellement raison au père. Différences - N" 44 - Avril 1985 Mais rien n'y fit: l'enfant se mit à courir les souks, à faire la nouba avec tous les lascars des gourbis et à se lancer dans des algarades épiques avec tous les janissaires du sultan. Il finit par fumer du haschisch pour suivre la mode de l'époque. Lorsque son pauvre père l'apprit, il le traita -d'assassin en herbe, d'envoyé de Satan et, après lui avoir prédit qu'il finirait aux galères ou sous le yatagan d'un mamelouk, il le chassa de la maison. Il effectua une razzia dans le magasin paternel, emportant quelques bons mètres de coton, de quoi se monter une guitoune et, pour viatique, une pleine valise de maravédis et de sequins ... Profitant de la première caravane en partance, il s'en remit au hasard pour découvrir l'oued fameux où les séides du sultan viennent chercher les belles odalisques aux yeux d'azur rehaussés par le khôl, aux hanches de gazelle, au cou de girafe, à la peau parfumée au jasmin et qui dansent des nuits entières au son du luth, dans le secret des sérails. En attendant de trouver la houri de son harem, il affronta les avatars de la vie en aventurier sans totem ni tf bou. Il devint le caïd d'une horde de parias apatrides, de bédouins en rupture de smala et de cosaques ayant tourné casaque. Il fit des océans et des déserts un vaste gymkhana et transforma tous les bleds et toutes les oasis qu'il traversait en autant de caravansérails où coulaient à flot toutes sortes d'a/cools et d'élixirs qu'il fabriquait dans ses alambics. Sur le dos de ses méharis, dans le fond de ses boutres voyageaient des diamants qui valaient leur poids de faux carats, des matamores-épouvantails momifiés par les sables, des timbales pour mâts de cocagne, des bougies berbères, 41 de l'authentique lapis-lazuli, de faux titres de toubib et de vrais secrets d'a/cove. Hélas ! un jour, à la suite d'un naufrage sur les récifs de la mer Rouge, il fut reconnu par un derviche-tourneur que la faim avait rendu maboul. Traîné jusqu'au divan du grand vizir, il fut condamné à la décapitation pour n'avoir jamais payé la moindre gabelle! Attendant sa dernière heure, il se mit à frotter machinalement son talisman, tant et si bien qu'un génie au ventre rond comme une pastèque lui apparut soudain ! «Que veux-tu? lui demanda le poussah. - Que tu me sortes d'ici! - Soit, mais à une condition ... que tu cesses de vendre de la camelote. - Avec plaisir, mon prince ! - Alors, écoute-moi bien ... » Le vizir était dans tous ses états : le stock de résine destiné aux torches éclairant le palais avait mystérieusement disparu et le sultan en personne allait arriver le soir même ! Le prisonnier, par le truchement d'un gardien, lui fit savoir qu'il avait un secret pouvant lui sauver la face et la tête... ' Le vizir accepta de l'écouter. Pierre ARONEANU La suite au prochain numéro ... (1) Pour plus de simplicité, on adoptera la notation suivante: (a) : arabe. (t) : turc, turco-persan. (i) : hindi, sanscrit, bengali, indonésien, malais, tibétain. (po) : polynésien. (h) : hébreu. (am) : langues amérindiennes. (mal) : malgache. (ch) : chinois. (al) : d'Afrique. 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