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Sommaire du numéro

n°261 de janvier 2007

  • Droit de vote des étrangers: un long combat pour faire admettre un droit universel par Didier *Poupardin [législation]
  • Mission MDM Rroms Ile-de-France par le Dr Charles Roux [gens du voyage]
  • Réseau Education Sans Frontières par Marie-Céline Pia
  • Mémorial de l'Outre-mer ou historial du colonialisme par E. Verlaque
  • Les Harkis par Anne Savigneux-Lointier
  • Une autre voix juive sur la crise du Proche-Orient, la guerre du Liban, le Droit, la Paix
  • Dossier: l'espoir qui nous vient d'Amérique latine
    • Introduction par R. Le Mignot
    • Alternative bolivarienne pour les Amériques par Gaël Le Mignot
    • Le racisme en Amérique latine par Philippe Le Clerre
    • Les peuples originaires à la conquête de leurs droits par Johanna Lévy
    • Interview de Jésus Arnaldo Pérez ambassadeur du Venezuela à Paris
    • Non à l'ethnocide du peuple Mapuche
    • Les mouvements sociaux et la nouvelle histoire bolivienne par Dan François Gumiel
    • L'Equateur: les Kichwas sonnent le réveil amérindien par Benito Pérez
    • Mexique: dix années de mort à la frontière, combien encore? Par Arturo Cano et Tania Molina
    • La commune d'Oaxaca par Luis Hernandez Navarro
    • La voix d'Oaxaca par Mumia Abu-Jamal

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DroIt de VOie Un long combat pour faire admettre l'universalite d'un droit 2 Sommaire Edito International Dossier Immigration Discrimination ' Education Kiosque Edito 3 Droit de vote 4 • Droit de vote des étrangers : Un long combat pour faire admettre l'universalité d'un droit Gens du vovage 5 • Témoignage d'un médecin bénévole: Mission MDM Rroms Ile-de-France • Non aux évacuations des Rroms d'Europe de l'Est Immigration • Réseau Education Sans Frontières .A la mémoire de Kazim Kustule 6 Dossier : li espoir qui nous vient dl Amérique latine • Introduction par Renée Le Mignot • Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) par Gaël Le Mignot • Le racisme en Amérique Latine par Philippe Le Clerre • Les peuples originaires à la conquête de leurs droits, par Johanna Lévy • Entretien avec Jesûs Arnaldo Pérez Par Eliane Benarrosh et Philippe Le Clerre • Non à l'ethnocide du peuple ma puche, par le Comité de solidarité avec le peuple ma puche • Les mouvements sociaux et la nouvelle histoire bolivienne, par Dan François Gumiel • L'équateur: les Kichwas sonnent le réveil améridien, par Bénito Pérez 11 Mémoire 1 • Mexique: dix années de mort à la frontière. Combien encore? • Mémorial de l'outre-mer ou historiai du colonialisme? • Les Harkis ... International • Une autre voix juive sur la crise du Proche-Orient, la guerre du Liban, le droit, la paix 9 Par Arturo Cano et Tania Molina • La « commune d'Oaxaca )), par Luis Hernandez Navarro • La voix d'Oaxaca, par Mumia Abu-Jamal Ce numéro comprend l'insertion d'un calendrier 2007 entre les pages 22 et 23 « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - ]anvier-Février-Mars 2007 de Mouloud Aounit « Différences » 43, bd de Magenta 75010 Paris Tél: 01 53 38 99 99 Fax: 01 40 40 90 98 6€lenuméro Abonnement: 21 € (4 numéros/an) COILECfIF DE DIRECfiON Directeur de publication: Mouloud Aounit Directeur de rédaction (*) : J.-c. Dulieu jcd.mrap®Wanadoo.fr Responsable productions (') : S.Goldberg Assistant prod./rédaction (' ) : J. Grzelczyk Administratrice (') : M.-A. Butez IMPRIMERIE Impressions J. -M. Bordessoules Téléphone: 05 46 59 01 32 Commission paritaire n° 0108H82681 (') - Bénévoles EdilO Edito ! International 1 Dossier : Immigration ! Discrimination ! Education ' Kiosque - La lutte digne et exemplaire des réfugiés de Cachan, la mobilisation exceptionnelle autour des parents sans papiers de jeunes enfants scolarisés et de jeunes majeurs lycéens sans papiers portée par RESF, l'action solidaire de tous les collectifs de citoyens « debout ", qui, avec ténacité et détermination, accueillent, accompagnent et réconfortent tous les jours ces dizaines de milliers de sans papiers, forcent le respect. La résistance face à une politique cruelle, inhumaine et dégradante se construit au prix d'efforts considérables et de déploiement d'énergies incommensurables. Il reste cependant que de tels sauvetages 'ne permettent en aucun cas de faire l'économie de la construction déterminée d'un cadre général susceptible de conférer une dimension politique aux solidarités quotidiennes. C'est précisément un tel cadre que veut porter L'Appel à la régularisation Globale et Immédiate de Tous les Sans Papiers en France qui vient de lancer une véritable campagne d'actions collectives pédagogiques et symboliques, pour faire avancer leur revendication de respect des droits de tous les migrants, y compris sans papiers. Un constat et trois exigences d'avenir portent cette campagne. Tout d'abord, le constat: la première tâche fondamentale doit être de faire comprendre et reconnaître le caractère totalement infondé des fantasmes de « l'invasion ", du « déferlement" et de « l'appel d'air ". Actuellement, environ 200 millions de personnes se trouvent hors de leur pays de naissance, soit à peine 3 % d'une population mondiale de 6 milliards d'individus. Dans leur majorité, il s'agit de personnes déplacées et réfugiées, fuyant les sécheresses, les conflits, les massacres et les famines au plus proche de leur région d'origine. Tant les réfugiés que les migrants économiques accomplissent des migrations tout d'abord Sud-Sud: ainsi près de 55 % des personnes en situation d'immigration ont quitté un pays pauvre pour rejoindre un autre pays un peu moins pauvre. En outre, l'observation de la réalité amène à ce constat: aucun mur, quel qu'en soit la hauteur, ne peut empêcher des êtres humains de fuir les « pays mouroirs ". Les 25 000 boat people qui, chaque année, sur des embarcations de fortune, quittent les côtes d'Afrique pour tenter de toucher aux rivages de l'Eldorado européen, sont là pour le démontrer, quelles que soient les mesures policières adoptées, tant dans les pays d'émigration que d'immigration. En terme d'exigence, au-delà de la régularisation globale des sans papiers pour leur restituer les droits qui sont fondamentaux pour tous sans distinction, il convient d'enclencher de manière significative et durable un processus qui permette un développement effectif de peuples ravagés par la misère du sous développement, asphyxiés par la dette et de plus en plus révoltés par les inégalités croissantes du monde. Ce processus, réalisme et lucicité obligent, ne saurait produire d'effets palpables à court terme. Cela suppose de comprendre et d'accepter, par raison autant que par solidarité, que pour un certain nombre d'années encore, la pression migratoire ne saurait que perdurer. Qui plus est, une politique d' « immigration choisie " réservée aux seuls migrants les plus hautement qualifiés, avec une limitation drastique des visas et une fermeture plus féroce encore des frontières à tous les autres, ne peut qu'exaspérer le désespoir, faire prospérer les filières illégales, multiplier le nombre des passeurs et faire exploser les coûts financiers et humains d'une traversée à tout prix des déserts et des mers. Les politiques nouvelles que nous appelons de nos voeux supposent bien évidement de dépasser le strict cadre du territoire national français et de s'inscrive dans une politique européenne globale avec obligation de mise en oeuvre et d'évaluation. D'autre part, il doit y avoir une véritable émancipation et libération de ces peuples qui passe par une réelle promotion des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les pays d'émigration, tout comme par une rupture effective des puissances « occidentales " du Nord du monde d'avec les régimes dictatoriaux et parfois sanguinaires qu'ils ont fait prospérer dans les pays du Sud. A ces réalités incontournables, il convient d'en ajouter une autre: celle de l'inefficacité - et heureusement! - des politiques gouvernementales. Il y aurait en France, de 200 000 à 400 000 sans papiers, selon l'évaluation tant du Premier ministre que du ministre de l'intérieur. Ce dernier, en fixant à 26 000 l'objectif annuel « réaliste" des reconduites à la frontière, contraint qu'on le veuille ou non, à une clandestinité forcée, durable et officielle, les migrantes et migrants non reconduits sur lesquels continueront à peser la violence des rafles et des éloignements forcés. Il convient en outre d'avoir toujours à l'esprit que chaque sans papiers, par son dur labeur pour un salaire de misère ici, fait vivre de 15 à 20 personnes de sa famille, contribue par ses tranferts de fonds au développement de son village. Leur expulsion ne peut donc que participer à la mise en mouvement d'autant de candidats potentiels au départ vers le Nord développé. Enfin, si le développement est l'un des moteurs de la « gestion" des mouvements migratoires, le pillage des compétences préconisé dans l'immigration « choisie" risque fort d'enfoncer plus avant ces pays dans le sous développemt;nt et, là encore, renforcer la pression migratoire. C'est pourquoi la campagne lancée pour la régularisation de tous les sans papiers est une action de bon sens, la seule en l'état susceptible d'apporter une réponse à la souffrance des migrants ici, de contribuer à soulager un peu . de la misère dans leurs pays d'origine, tout en faisant avancer pour demain les conditions d'une mobilisation mondiale pour réduire les causes mêmes de cette misère et des insupportables inégalités qui en sont le corollaire. « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - ]anvier-Février-Mars 2007 3 4 Droit de vote Edito International Dossier 1 Immigration Discrimination Education Kiosque Droit de vote des étrangers 1 Par Didier Poupardin Membre du CA du MRAP En novembre 2006, dans de nombreuses villes et facultés, s'est déroulée pour la troisième fois une votation citoyenne sur la question du droit de vote des étrangers aux élections locales. 76800 votants, 91 % de oui, 8,2 % de non et 0,6 % de blancs ou nuls. Ces chiffres paraissent dérisoires, mais ce ne sont pas des élections habituelles : elles se déroulent de façon exclusivement militante, elles s'adressent seulement à des personnes qui" passent ", la plage horaire est limitée. Il n'y a ni bureaux de vote officiels, ni présidents ni assesseurs, ni cahier d'émargement officiel. Ceux qui participent sont à priori motivés par la réponse OUI. Dans un temps limité, avec des moyens militants réduits, le Collectif Votation Citoyenne a pu pourtant intéresser 76 000 personnes. Depuis l'adoption en mai 2001 de la loi instaurant le droit de vote des étrangers aux élections locales (loi bloquée par Jospin qui a refusé de la soumettre au Sénat), la revendication du droit de vote a été présentée de façon insistante par des initiatives diverses : • Le Collectif national Votation citoyenne a maintenu chaque année sa permanence et son actualité. • Des municipalités ont posé la question par référendum aux habitants de leur commune. St Denis en mars, a été pionnière : 31 % de participation, 64 % pour, 36 % contre, suivie par d'autres communes du 93. • En novembre, à Ivry, a eu lieu un référendum ouvert au vote des résidents étrangers concernant un droit menacé : celui pour les femmes de pouvoir accoucher dans un service public de qualité à proximité de leur domicile. Ça bouge: l'enjeu aujourd'hui est l'application pour les municipales de 2008 La gauche dans toutes ses sensibilités est favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales ou nationales. A droite, les leaders sont plus nuancés: • L'UDF (le 03/ 07/ 06) : « François Bayrou est partisan du droit de vote des résidents étrangers non communautaires aux élections locales ... Il faut changer de République pour construire ensemble un système qui réponde aux attentes de tous. Seule une sixième République permettra d'élaborer un projet qui respecte, rassemble et entraîne à la fois les Français et ceux qui résident en France». • L'UMP (lell/ 08/ 06) : « Nicolas SARKOZY souhaite lutter fermement contre l'immigration clandestine et, dans le même temps, renforcer la chance de l'intégration pour les étrangers en situation légale.[. . .) dans ce cadre, il est nécessaire d'ouvrit· le débat sur le droit de vote des étrangers lors des élections municipales ». Le MRAP, depuis de nombreuses années, est favorable au droit de vote des étrangers à toutes les élections D'abord, pour des raisons de principe: les droits au logement, à la santé, à l'éducation etc. concernent tous les résidents français ou étrangers et sont décidés au niveau local, législatif et présidentiel. Dans le combat pour l'égalité des droits, les élections locales, si elles peuvent représenter un premier pas, ne suffisent pas. Il faut aussi prendre la mesure du mouvement de révolte des banlieues de novembre 2005 qui a révélé ce que peut produire la dégradation simultanée de la citoyenneté et des droits sociaux. Aussi, le MRAP est pour l'universalité du droit de vote pour tous les résidents en France, français ou étrangers Mais aussi pour des raisons d'efficacité

les femmes ont acquis

le droit de vote en 1945 grâce à leur combat. Elles revendiquaient aussi d 'autres droits d 'égalité avec les hommes, enjeux d'élections pas seulement locales. Aujourd'hui , les étrangers se mobiliseront d'autant plus que le droit de vote leur permettra d'accéder à d'autres droits qui dépendent aussi du pouvoir législatif ou présidentiel. L'égalité des droits est un outil pour lutter contre le racisme. Le droit de vote ouvert aux étrangers permet l'exercice d'une citoyenneté partagée par tous, renforce une cohésion sociale bénéfique à tous, participe à la lutte contre les replis communautaires propices aux idéologies racistes et obscurantistes. Comment faire? Le vote d'une loi instaurant une citoyenneté de résidence, ouvrant à des droits égaux pour tous, sociaux, civiques et politiques s'avère nécessaire. Cette citoyenneté de résidence doit être dissociée de la nationalité. Elle implique un changement de constitution mais à la veille des élections présidentielles, il en est déjà question. Reste le problème de la volonté politique et le MRAP interpellera tous les candidats sur leurs intentions, lors des présidentielles, puis aux législatives. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 Gens du vovage Edito International Dossier Immigration Discrimination ! Education ' Kiosque Témoignage d'un médecin bénévole Par le Dr Charles Roux Lorsque, ayant pris ma retraite, j'ai proposé mes services à MDM, je ne pouvais pas m'éloigner de Paris, pour des raisons personnelles et professionnelles. Il m'a alors été proposé de m'occuper des Rroms qui vivent ou survivent dans les bidonvilles entourant Paris. J'ai accepté, sachant qu'il n'était pas obligatoire d'aller chercher très loin la misère. Mais je ne connaissais rien d'autre des Rroms que ce que tout le monde peut voir superficiellement

c'est-à-dire les mendiants

des rues et du métro. J'ai découvert la réalité dès ma première sortie de veille sanitaire. Les conditions de vie de ces malheureux m'ont scandalisé. J'étais honteux que, dans mon pays, on puisse laisser vivre des êtres humains dans cet état d'abandon. Leur lot habituel est l'absence de sanitaires, d'enlèvement des ordures, l'éloignement des points d'eau. Tant qu'on ne l'a pas vue, on ne peut pas imaginer près de nous cette misère que nous croyons réservée aux pays du tiers monde. Tout de suite j'ai été frappé par la chaleur et l'amour de la vie des Rroms avec qui nous étions en contact. Ils sont toujours heureux de voir arriver le camion de MDM. Notre rôle proprement médical est certes important. Il est très varié. Nous avons à connaître des troubles dus au stress de l'incertitude permanente du lendemain, mais aussi quelquefois des pathologies plus lourdes dont la prise en charge n'est pas toujours facile, compte tenu de la situation administrative souvent problématique des patients. Mais j'ai toujours ressenti que le réconfort psychologique que nous leur apportions était essentiel. Il n'y a pas que la police qui s'intéresse à eux, il y a aussi des gadjé qui leur veulent du bien. Et cela compte beaucoup. Dans l'exercice proprement médical de notre mission, j'ai constaté avec étonnement que les nourrissons que l'on nous faisait examiner étaient toujours dans un état de propreté remarquable. Je dis " avec étonnement" car je pense à la difficulté habituelle d'accéder à l'eau. De plus, les enfants sont très généralement souriants et détendus. Ce qui veut dire qu'ils sont heureux et bien soignés par leur entourage. Ceci va à l'encontre de bien des idées reçues que j'ai entendu formuler autour de moi. Lors de ces veilles sanitaires sur le terrain, le médecin est accompagné d'un interprète et d'une personne capable de guider les Rroms dans leurs démarches administratives, surtout l'obtention de l'AME. Évidemment, un des points les plus préoccupants dans la situation des Rroms, c'est sa précarité. J'ai été d'emblée étonné de constater à quel point ils sont à la merci des municipalités et des autorités préfectorales. Certaines municipalités ont une attitude très positive, ce qui n'empêche pas toujours l'expulsion. D'autres sont franchement hostiles. Les menaces d'expulsion sont permanentes. Notre intervention permet quelquefois de les écarter, ou de les suspendre, quand des raisons sanitaires peuvent être invoquées. Par expulsion il faut entendre la mise à la porte des habitats précaires (caravanes ou cabanes), la mise sur le trottoir en quelques dizaines de minutes avec un minimum d'objets personnels. Tout le reste est secondairement détruit et aucune solution n'est proposée. Il ne reste aux malheureux qu'à se mettre en quête d'un autre terrain ou d'un squat après avoir tout perdu, quelquefois même leurs papiers. J'ai le souvenir précis d'une expulsion particulièrement dramatique. Un soir très froid de décembre 2003 nous avons été avertis que des Rroms expulsés d'un terrain de Seine-et-Marne se trouvaient, démunis de tout, sur un parking de Vitry-sur-Seine. Nous nous y sommes rendus avec des sacs de couchage et quelques vivres et médicaments urgents. Nous avons trouvé environ 70 personnes dont des enfants, des femmes enceintes et des malades dans un froid glacial, sans aucun abri, sans nourriture ni boisson. Ils s'étaient retrouvés à Vitry à proximité d'un foyer où certains d'entre eux avaient été accueillis auparavant. Mais pas possible de les accueillir dans ce foyer. Deux inspecteurs de police se trouvaient sur place, l'un d'eux correct mais rigide, l'autre extrêmement grossier et brutal. Tous deux très embarrassés. Que faire de tout ce monde sans aucune ressource? Les laisser là était s'exposer à l'accusation de mise en danger de la vie d'autrui. Mais qui voudrait d'eux? Finalement les policiers ont décidé de leur ordonner de retourner dans les camps d'où ils venaient (d'où ils avaient été expulsés) . Nous leur avons fait remarquer que, s'ils retournaient " chez eux ", ils trouveraient tout détruit. Ils nous ont répliqué que la police n'avait jamais détruit aucun campement. Devant un mensonge avéré affirmé avec un tel aplomb, que dire? Des cars de la Croix Rouge ont été appelés pour reconduire les Rroms sur leur terrain d'origine. Ils n'ont pas tardé à revenir, ayant trouvé les caravanes détruites et toutes les affaires des Rroms éparpillées dans la boue. L'affaire a duré presque toute la nuit avant que les efforts conjugués de plusieurs associations et ONG finissent par trouver une solution d'hébergement provisoire. Cette précarité est évidemment très nuisible non seulement par l'état de stress qu'elle entraîne, mais aussi du fait de certaines conséquences médicales: difficulté de suivre l'exécution des vaccinations qui nécessitent des injections répétées, difficulté de s'assurer de la bonne observance d'un traitement au long cours, comme celui de la tuberculose. Elle est nuisible aussi sur un autre plan, celui de la scolarisation des enfants à laquelle certains d'entre nous veillent avec beaucoup de constance et d'efficacité malgré de multiples difficultés. Mon expérience de médecin bénévole de la mission Rroms de MDM Ile-de- France a été pour moi très enrichissante et m'a convaincu de la nécessité de défendre la cause des Rroms, peuple victime depuis des siècles d'un racisme et d'une discrimination qui se perpétuent jusqu 'à nos jours et qui sont un objet de scandale. Le rôle de MDM dans l'action concrète sur le terrain et dans le témoignage me paraît essentiel. « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 5 " Immigration ': Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Marie-Cécile Plà Enseignante spécialisée et rééducatrice scolaire, membre du MRAP et du Réseau Education Sans Frontières Le Réseau éducation sans frontières (RESF) créé en juin 2004 par une poignée d'enseignants n'est pas une organisation, encore moins un collectif Pas de délégation, la légitimité de chacun vient de ce qu'il fait. Une mise en commun, de façon non hiérarchique, de toutes les capacités, savoir-faire, informations, en vue d'obtenir la régularisation de tous les jeunes et familles en situation irré guli ère. On ne prend pas les dossiers, en déchargeant les gens de leur propre lutte. On aide à construire la mobilisation autour des familles ou des jeunes concernés. On ne négocie pas non plus avec les préfectures et, en cela, on rompt totalement avec les pratiques anciennes des collectifs de sanspapiers. Ni caritative ni humanitaire, cette lutte s'inscrit dans la lutte générale des « sans-papiers ", et elle le fait à partir de l'école, lieu majeur de socialisation, qui permet de mobiliser ensemble familles, enseignants et personnes d'un quartier, et, à chaque fois que cela est possible organisations, associations, partis et élus. Créer et construire la solidarité et la mobilisation. L'échange, la connaissance mutuelle, l'accueil, réparent en partie la blessure de l'exil et, pour les enfants, celle de l'image de parents brisés, humiliés, menottés. La vieille scie de la maîtrise des flux migratoires en a pris un coup, Le goût des voyages est inscrit dans nos gènes depuis le paléolithique au moins. On minera les plages, fera un mur de bateaux garde-côtes, supprimera tous les visas et fermera les aéroports, les gens viendront quand même. Les trois quarts de l'humanité vivent dans un état de profonde désespérance et on aurait tort d'incriminer la seule misère économique. Ce ne sont pas les plus pauvres qui viennent, ce sont ceux qui ont des rêves. Il en meurt un sur dix. Il en mourra cinq, huit sur dix, mais ils viendront et la Méditerranée continuera à servir de charnier si la politique migratoire ne change pas. Le souci n'est pas d'empêcher les gens de venir, mais de savoir comment on les accueille et comment on vit ensemble. Le travail du RESF a ainsi permis que s'élabore une réflexion nouvelle autour des questions d'immigration. Les médias ont changé de ton. On n'a pas seulement donné un nom et un visage aux étrangers, on a réussi à faire basculer le débat immigration/insécurité à immigration/ dignité. Il n'y a pas, dans l'histoire, l'équivalent d'un mouvement de solidarité de cette ampleur dans la durée, Le ministre de la Sous-traitance et de l'insécurité a cru pouvoir surfer sur des peurs dignes de 1942, mais la France de 2007 n'est pas celle de Vichy. Les gens font le lien, comme s'ils pansaient ainsi une vieille honte historique. Comme si, à force de s'entendre dire qu'ils vivaient dans le pays des droits de l'Homme, ils voulaient s'y essayer vraiment. Nous avons en partie limité les dégâts causés par notre ministre du «j'te nettoie et t'nique» qui a semé une pagaille monstre avec sa circulaire. Cependant, il nous laisse une situation totalement explosive. Mais partout de nouveaux comités voient le jour et la solidarité ne cesse pas, malgré les difficultés grandissantes. L'insurrection des braves gens est en marche, Et si elle se heurte chaque jour à des problèmes de plus en plus complexes, elle n'est pas prête à s'arrêter en route. Par Evelyne Verlaque Membre du CA du MRAp, responsable commission Education Compte-rendu d'un colloque organisé à l'initiative du MRAP 73, de Survie et de la LDH 73, qui s'est déroulé le samedi 27 octobre 2006 à la Faculté SaintCharles de Marseille. Ouvrir un Mémorial de la France Outre-mer à Marseille en 2007, n'est-ce pas tout simplement appliquer l'article 4 de la loi du 23 février 2005, pourtant abrogé? A l'origine de notre inquiétude, des signes à la symbolique forte comme le lieu d'implantation prévu sur le site des expositions coloniales du XXè siècle à Marseille, au parc ChanoL. Nous avons donc voulu en savoir plus sur le projet scientifique de cet établissement. Lié par le contexte « Mémoires/ Histoire " aux délicats débats qui déchirent la société française, il est en effet emblématique : comment y sera présenté le passé colonial qu'il est nécessaire de transmettre aux générations futures? C'est ainsi que nous avons découvert la démission du conseil scientifique de deux historiens de renom, Claude Liauzu et Daniel Hémery (cf encadré), soucieux a contrario de promouvoir un projet émancipateur ou serait entendu, et traité avec un égal recul, « loin des préoccupations électorales ou idéologiques», le témoignage des métropolitains et celui des femmes et hommes anciennement colonisés, pour une « histoire croisée des colonisateurs et des colonisés». Pour en savoir plus sur le processus colonisation/ décolonisation tel qu'il a été conduit par la France, et aussi pour mieux cerner la manière dont nous pourrions Mémoire Edito International ' Dossier ' Immigration' Discrimination : Education ' Kiosque 1 soutenir un projet mémoriel plus conforme à une éthique antiraciste, nous avons décidé de nous donner un outil de travail en organisant un colloque à Marseille, le 21 octobre 2006. Ce colloque a rassemblé avec succès, sur deux demi-journées, une foule d'environ 400 participants à l'écoute de contributions très différentes et complémentaires sur trois thèmes: • Où en est la société française face à son histoire coloniale ? Débat passionnant sur l'indépendance de la recherche face aux enjeux politiques, conduit avec maîtrise par Jean-Luc Einaudi, écrivain, suivi de Raphaël Granvaud (Survie) qui nous a intéressé à la problématique de la transmission par les manuels scolaires. • Un colonialisme ou des colonisations ? Quelles relations entre démarche historienne, jugement de valeur, qualification juridique? Olivier Lecour Grandmaison, professeur de sciences politiques, auteur de « Coloniser, exterminer» (Fayard 2005) et Christian Bruschi, avocat, historien du droit, nous ont surpris et donné envie de lire ou relire leurs ouvrages et articles. Daniel Um Nyobe, fils de Ruben Um Nyobe, pionnier de l'indépendance du Cameroun, a témoigné au nom de son père assassiné en septembre 1958 au maquis. • Dans le pré carré français après 1960 : indépendance, néo-colonialisme, mondialisation

quelles articulations? Odile Biyidi , Lounis Aggoun, Nicolas Bancel, Damien Millet, orateurs convaincants aux styles très personnels , ont alterné témoignage, émotion et même humour au service d'une information précise, chacun dans son domaine

fracture

coloniale, Françalgérie, Afrique et dette ... A ces contributions preCleuses s'est ajouté l'apport de Benjamin Stora , professeur d'Université, grand spécialiste de l'Algérie (( La gangrène et l'oubli», ed. La Découverte) qui nous a envoyé des réflexions écrites permettant d'envisager un véritable contreprojet. • En conclusion Beaucoup reste à faire pour qu' au-delà des mémoires rivales ou blessées, puisse enfin être pris le recul nécessaire à l'écriture d'une Histoire partagée. Dans ce travail fondamental pour l'avenir de nos sociétés, il est impossible que des scientifiques français, métropolitains et ultramarins, ne soient pas associés à leurs homologues vivant actuellement dans les pays anciennement colonisés par la France. Le Mémorial national de la France Outre-mer de Marseille, au coeur de bien des enjeux idéologiques, ne doit donc pas sortir de nos préoccupations! Pour tout renseignement complémentaire, merci de contacter la FD, 13, Pedro Fernandez ou Evelyne Verlaque : 04 91 42 9465. « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 7 8 Mémoire Edito ' International ' Dossier Immigration ' Discrimination Education ' Kiosque s Par Anne Savigneux-Lointier Ce 30 novembre 2006, la trop petite salle du nouveau tribunal de Montpellier a entendu résonner en mille et une détestables dysharmoniques tout ce que l'horrible « soushomme )} a pu réveiller auprès de citoyens de la République dont les blessures encore et toujours à vif, sont prêtes à se rouvrir, à couler, à suinter, abondamment, et à nouveau. Et cette douleur a pu, dans un espace qui définit le contrat social entre citoyens, enfin, être dite: le désarmement, l'abandon, les massacres, la relégation dans les camps, espaces volontairement loins de la plus proche ville, du plus proche village, de la plus proche maison, Entourés de barbelés, de miradors, et rythmés par le lever aux couleurs, comme Bias ou Saint ••• Maurice l'Ardoise, ou fermés seulement par un interdit intériorisé, par l'impossibilité de conquérir l'autonomie, par la peur d'un environnement hostile, comme Le Logis d'Anne, non loin d'Aix, Si les régimes des camps les plus scandaleux, ceux qui avaient vu défiler tous les étrangers indésirables, Républicains espagnols, Juifs, Tziganes, avant" d'accueillir " les harkis, ont été modifiés, permettant la libre circulation, suite aux révoltes des fils de harkis en 1975, d'autres camps, au régime peut-être plus soft, ont continué à fonctionner, enfermant et contenant à la fois des familles contraintes de se resserrer les unes contre les autres, ré-enracinées sur la terre qu'on leur avait définie comme Mère Patrie, ainsi que le film Indigènes vient de le rappeler. Aujourd'hui, quelques familles vivent encore, dans l'espace du camp, à Fuveaux (3), par exemple, Oubliés il Sacrifiés de l'hisloire il Parias de la République ... TraÎlres ou collabos ... Titres de la grande presse, analogies rapides, trop rapides, entre la résistance au fascisme et au nazisme pendant la seconde guerre mondiale et la résistance au colonialisme, Comment ce mot arabe qui signifie « mouvement" a-t-il basculé dans les deux langues 1 Ces hommes, à qui on a menti, s'étaient engagés ou avaient été enrôlés, parfois mineurs , pour différentes raisons: participation à un groupe d'auto-défense, représailles suite aux exactions du FLN, Messalistes, personnes déplacées obligées de nourrir une famille , mais parfois aussi fidélité à un uniforme, ou même respect de ce qui représentait «la loi", Ils sont restés dans ces camps, invisibles, de la droite comme de la gauche, parce que nous avions besoin d'une histoire en binaire, Invisibles et instrumentalisés par la seule extrême-droite, par cette OAS qui continue à défiler, à édifier ses stèles, Si Pierre Vidal-Naquet, dès novembre 1962, écrivait dans Le Monde « ILS n'ont pas à payer pour NOS fautes ", d'une manière générale, la presse a été très silencieuse pendant longtemps, Invisibles dans l'espace géo-politique, ils sont demeurés invisibles dans l'espace médiatique, celui qui fait l'opinion". Jusqu'à la révolte par l'écriture des filles de harkis : Fatima Besnaci- Lancou, Hadjila Kemoun et Dalila Kerchouche. Le camouflet de Bouteflika, le silence de Chirac. Pour finir, écoutons Mohamed Harbi s'adressant à Fatima Besnaci- Lancou lors de la remise du prix Seligman : « Nos itinéraires algériens, vous fille de harki, moi membre du FLN, ont certes pris des directions opposées. [ .. .) Acteur hier, historien aujourd'hui, je mesure mieux la distance entre subjectivité et vérité. L'histoire de l'Algérie contemporaine est à écrire dans sa complexité, dans ses contradictions, en prenant compte de sa diversité. On verra peut-être alors que l'Algérie était une nation en formation et que son épine arabo-berbère était confortée par les apports français et, à travers ceux-ci, méditerranéens et universels ». r------- - ------------------ - -- - -- - -------------------- ------------------- - ------------------------- - - --- - - -~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 BULLETIN D'ABONNEMENT PROMOTIONNEL DE « DIFFÉRENCES» • International Juridique • • Dossier Immigration • • Education Histoire ... Renvoyez ce bulletin d'abonnement à l'adresse suivante: Différences, 43 bd de Magenta, 7501 0 PARIS Je souscris 4 numéros pour 12 € seulement! D Oui, je profite de l'offre de la revue Différences. Je recevrai les quatre numéros à l'adresse suivante: NOM :. PRÉNOM: . PROFESSION : . ADRESSE: D Ci-joint mon règlement de 12 € par chèque à l'ordre de Différences. 1 ~---------------- ---- --------- -- ------------- - -------- ------ - - - ---------------- - ------ - ------ - -- -- ------- -_ . « Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 261 - ]anvier-Février-Mars 2007 Par « Une autre voix juive" Une autre voix juive, qui réitère les termes de son manifeste (1) partage l'indignation et la colère des démocrates contre la violence de l'opération « Pluie d'été à Gaza )), les humiliations infligées au peuple palestinien par l'arrestation de députés et de ministres, et l'intervention au Liban, les bombardements dans des zones fortement peuplées, les meurtres de civils et de soldats de la FINUL. Une autre voix juive considère que ces crimes de guerre doivent être punis, les autres crimes de guerre quoique de bien moindre ampleur, les bombardements des centres urbains de villes israéliennes, conséquences de l'agression israélienne. Quoi que l'on pense de l'origine de la crise (les signataires d'UAV] sont évidemment divers à cet égard), UAV] considère le gouvernement israélien comme totalement responsable: aucune initiative de sa part visant à résoudre par des moyens politiques la crise ouverte par l'enlèvement de ses soldats n'a cherché à prévenir la catastrophe qu'il a ainsi provoquée; rien ne saurait justifier la destruction massive des infrastructures d'un pays souverain, les souffrances infligées aux populations civiles libanaises, les morts civiles, les morts d'enfants. Pendant le même temps, le gou- . I, nternational , ' Edito ' International Dossier ' Immigration ' Discrimination Education : Kiosque , , verne ment israélien a poursuivi ses exactions dans les territoires palestiniens occupés. Le gouvernement américain s'est illustré dans cette situation par une attitude de boute-feu; il porte une écrasante responsabilité dans la poursuite d'une guerre de destruction qu'il a encouragée. UAV] s'oppose à tout ce qui peut nourrir l'obsession du « choc des civilisations ". La question des réparations de ce qui peut l'être encore est ainsi posée. Israël et les Etats-Unis devront figurer parmi les contributeurs majeurs à la reconstruction du Liban. La paix ne peut être obtenue que par la négociation, sur la base de la légalité internationale, sur la base des résolutions de l'ONU, du droit de tous les peuples - palestinien, libanais, israélien - à l'indépendance, à la sécurité, à la paix. Dans le même temps, des questions incontournables se posent à ceux qui veulent oeuvrer en France à une solution pacifique au conflit du Proche-Orient. UAV] n'entend pas renoncer à travailler dans ce sens, aussi graves que soient les périls. Il n'y a pas de balance pour comparer les responsabilités, nous l'avons dit. Pour autant, il ne peut y avoir selon nous d'avancée vers une solution juste et durable au Proche-Orient dans des prises de position, d'où qu'elles viennent, qui laissent planer le doute sur la légitimité de l'Etat d'Israël telle que l'institue la résolution de l'ONU qui le fonde. Cette résolution crée deux Etats souverains sur le sol de Palestine. L'un existe, l'autre pas encore; c'est à la mise en oeuvre de cette résolution qu'il convient de travailler, si complexe que cela soit. Pour ce faire, la plus grande attention doit être accordée selon nous a a a à la sensibilité de l'opinion publique israélienne; cela ne suppose aucune indulgence, aucune sorte de compromission avec les actes d'un gouvernement criminel. Il s'agit bien au contraire de contribuer à en désolidariser la majorité du peuple israélien. Il s'agit de favoriser une évolution de l'opinion publique israélienne vers la négociation et le respect des droits nationaux fondamentaux du peuple palestinien. Il s'agit de tout faire pour que les forces de paix en Israël relèvent la tête. Les déclarations constantes et continues du président actuel de l'Iran, ses initiatives visant à ridiculiser, à nier le génocide des Juifs d'Europe par les nazis, ses appels à " rayer Israël de la carte" sont autant d'éléments qui confortent l'unilatéralisme et la politique de force employée par le gouvernement israélien. Ces déclarations et ces actes ont contribué fortement au soutien de l'opinion publique israélienne aux décisions de son gouvernement. Ils alimentent, de plus, la confusion entretenue à dessein tant par les dirigeants d'Israël que par les antisémites entre Israéliens et les Juifs de la diaspora. Cependant, aussi graves soientils, ils ne légitiment en aucune manière la politique de guerre voulue par les dirigeants de Washington, ni les initiatives des dirigeants actuels d'Israël, que ceux-ci agissent ou non en accord avec les précédents. Ils ne légitiment aucune" mise de l'Iran - que l'on ne saurait confondre avec son président actuel - au ban des nations ". Mais cela ne justifie ni la surdité, ni l'aveuglement. Bien avant la guerre menée par Israël au Liban, une force politique libanaise, par ailleurs puissamment armée, agissant en son nom propre, disposant de députés et de ris ministres, le Hezbollah, bénéficiant de l'aide militaire de l'Iran, avait développé notamment sur sa chaîne de télévision, un langage analogue. En pleine guerre, le président iranien a persévéré avec des propos et des actes qui sont, en Europe, considérés comme des crimes. Le mouvement du Hezbollah n'a rien trouvé à y redire, ni avant la guerre, ni bien sûr pendant, ni surtout après. Le gouvernement libanais, pour sa part, s'est tenu coi à cet égard. La violence de l'agression israélienne ne peut excuser pareil comportement, on ne comprendrait pas qu'il puisse perdurer. Les déclarations récentes du principal responsable du Hezbollah, qui semble aujourd'hui préférer le patronage idéologique et politique de la Syrie, ne sauraient évidemment tenir lieu du changement nécessaire. La lucidité élémentaire impose de voir qu'une pareille attitude a des conséquences négatives pour la réalisation des droits du peuple palestinien. UAV] note avec attention pour en souligner la remarquable constance, les efforts politiques du président de l'autorité palestinienne pour agir de toute autre façon. Ces initiatives ont le soutien d'UAVJ. En même temps, UAV] ne peut qu'être préoccupée par les déclarations les plus récentes de dirigeants et de ministres du mouvement Hamas, réitérant leur refus de reconnaître la légitimité d'Israël; UAV] veut croire que cette régression politique ne reflète pas la position actuelle de l'autorité palestinienne. UAV] n'appelle pas pour autant à exiger des mesures militaires à l'égard du Hezbollah. La situation créée par la politique israélienne suppose que l'on n'ajoute pas un désastre à un autre dont le peuple libanais ferait à nouveau les frais. « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 261 - ]anvier-Février-Mars 2007 9 10 International . - . Edito ' International Dossier Immigration Discrimination Education ' Kiosque Il revient, selon nous, au peuple libanais, de résoudre en toute indépendance le problème qui lui est posé. La mise en oeuvre de la résolution 1701, le désarmement du Hezbollah, doivent se faire par des moyens politiques. Cela demande du temps mais cela doit se faire sans équivoque ni ambiguïté. Il n'y aura pas de solution juste et durable au Proche-Orient, il n'y aura pas de solution politique à la question des droits du peucc pie palestinien sur la base d'un accord tacite ou explicite incluant la remise en cause de la légitimité de l'Etat d'Israël, dans le cadre des résolutions adoptées par l'ONU. Toute expression se référant à "l'entité sioniste " est la forme préférentielle de ce rejet. Les forces démocratiques et pacifistes françaises ont toutes les raisons de considérer que notre pays peut et doit jouer un rôle moteur dans une solution pacifique où les peuples, tous les peuples du Pro- •• Le mois de janvier est traditionnellement celui de la BD, avec le Festival International de la BD à Angoulême à la fin du mois, et les meilleurs plumes de ce genre littéraire. Nous vous présentons ci-dessous quelques albums, pas toujours récents, ayant pour cadre l'antiracisme et l'amitié entre les Peuples ... le complot, ou l'histoire secrète des protocoles des Sages de Sion Will Eisner, Editions Grasset, 19 euros Comment un texte inventé de toutes pièces peut-il circuler depuis cent ans et provoquer de telles récupérations de la part des antisémites? Will EISNER, le grand auteur américain disparu en 2005, retrace avec génie l'histoire de ce faux " complot juif" monté au début du xxe siècle pour attiser l'antisémitisme régnant en Europe et en Russie. On connait moins l'origine française de ce faux: les" Protocoles " sont une copie presque conforme d'un obscur traité antibonapartiste écrit par un dissident français en exil ! Aujourd'hui les " Protocoles " ressurgissent à l'occasion, et on les trouve en vente dans les librairies d'extrème-droite ou dans certains pays arabes (Iran, Syrie .. .) Cette BD est à lire absolument ! Serge GOLDBERG Parrabellum Alain Paillou (deSSins), Olivier Legrand et Jean Blaise Djian au scénario. Editions Proust, 12,20 euros 1937 ... Deux opposants à Mussolini sont assassinés dans une forêt parisienne (les frères Gabrielli dans l'ouvrage, les frères Rosselli en réalité). « En quelques traits ciselés, inscrits à la pointe sèche, Parrabellum nous plonge dans les coulisses des années trente. La guerre n'est pas là. Pas encore. Mais des menaces se dessinent, en France et en Europe, tandis que le Front Populaire s'essoufle au pouvoir. Des pratiques ont cours, des épithètes scandaleuses sont employées, des discours insupportables sont prononcés, qui de nos jours conduiraient leurs auteurs devant les juges (..) Parrabellum nous invite à garder les yeux grands ouverts.Car le passage du jour au crépuscule est presque insensible. Mais alors la nuit n'est plus loin ». che-Orient vivent en coopération, dans la souveraineté, la dignité, la sécurité et la paix. Cet objectif suppose que la plus grande rigueur soit de mise dans les expressions publiques. Fermer les yeux sur ce qui nourrit une politique négationniste ne peut que contribuer à des tensions graves en France même, et favoriser les agissements des pires ennemis de la démocratie, quels que soient les masques dont ils s'affublent. » Extraits de la préface de Guillaume Piketty, directeur de recherches au Centre d'Histoire de Sciences Po. le Chat du Rabbin 4 le paradis terrestre Joann Sfar - Editions Dargaud 9,80 euros «j'ai grandi dans la guerre. Le charnier général. La charnière entre deux âges. La révélation des camps de la mort. L'antisémitisme ordinaire et la lutte féroce entre les vieilles lunes et les lendemains qui chantent ... (SFAR) fait partie de ces gens d'âme dont le rôle est de raconter des histoires qui donnent du sens aux histoires que leurs aînés leur ont racontées. Quant au chat du rabbin, ce petit voleur de parole, je le soupçonne d'être celui par lequel Joann Sfar a entrepris de donner du sens à sa propre histoire. Je propose à tous de grignoter son rêve avec gourmandise. » Préface de Jean Il Moebius " Giraud. Si vous ne connaissez pas cette série du Chat du Rabbin, toute entière consacrée à la vie quotidienne des popiulations juives, il vaut mieux commencer par les albums précédents : • 1 - La Bar-Mitzva • 2 - La Malka des Lions .3 - L'Exode Les dangers sont immenses Une autre voix juive, continuera de faire « entendre, obstinément, la voix de Français juifs, ou d'origine juive, qui soutiennent les idéaux de démocratie, de liberté, d'universalité des droits humains et des droits des peuples. » (1) - www.uneautrevoixjuive.com l'affaire du voile Pétillon, Editions Albin Michel 12,50 euros Maintenant que le débat sur le port du voile s'est appaisé, on peut lire (ou relire) ce merveilleux album de l'un des meilleurs dessinateurs du Canard Enchaîné ... Intégristes s'abstenir! Rire contre le racisme Editions Jungle 12,95 euros Les meilleures planches contre le Racisme de 25 auteurs, dont CABU, CESTAC, GELUCK, GOTLIB , MARGERIN, MOEBIUS, PETILLON, PLANTU, WILLEM ... Un regret : que les bénéfices de l'ouvrage soient versés à SOS Racisme, que l'on rencontre peu sur le terrain, et de l'UEJF, qui n'est pas une association antiraciste mais une organisation communautaire ... Mais ne soyons pas sectaires, l'album vaut le coup! «Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 Edito International Dossier Immigration ' Discrimination ! Education 1 Kiosque - 1 Renée le Mignot, vice-présidente du MRAP. chargée des questions internationales Il La société doit avoir pour base constituante une égalité absolue de droit et de justice qui ne s'incline jamais devant la naissance ou la fortune ii Simon Bolivar Ca bouge en Amérique Latine. Sous des formes différentes du Mexique à la Bolivie, du Vénézuela au Pérou, des peuples sont en mouvement. Ces transformations se produisent alors qu'en 2003, 40 % des latino américains disposaient de moins de 2 dollars par jour, seuil de l'extrême pauvreté selon l'ONU; 70 % vivant avec moins de 5 dollars par jour. L'arrivée de la gauche dans un certain nombre de pays (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Cuba, Equateur, Nicaragua, Uruguay, Vénézuela) fait suite aux nombreuses révoltes de ces dernières années: les" Sans Terre " brésiliens, les " piqueteros " (c'Ûupeurs de routes) d'Argentine, les marches des Indiens de Bolivie, les Zapatistes du Mexique, la " Commune d'Oaxaca" aujourd'hui, etc. Les pays d'Amérique Latine ont connu une longue succession de coups d'état suivis de dictatures militaires. Dans les années 90, l'opposition aux dictatures l'emporte, un processus de redémocratisation se met en place avec des politiques libérales. Aujourd'hui c'est contre ce libéralisme qui a maintenu l'Amérique Latine dans un état de dépendance et d'extrême pauvreté que se mettent en place, démocratiquement de nouveaux types de gouvernements, le fer de lance de ce procéssus étant Hugo Chavez dans ce qu'il appelle « la révolution bolivarienne: Révolution du XXle siècle ». Certes, les programmes et les aspirations des uns et des autres varient. « Il y a autant de gauche que de pays » écrit Maurice Lemoine, rédacteur en chef du Monde Diplomatique. On retrouve cependant un dénominateur commun: la dénonciation du modéle " néolibéral " imposé par les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, Banque interaméricaine de développement). Ces bouleversements constituent un défi pour l'hégémonie des Etats Unis et l'espoir d'" un autre monde" possible. Certains (Bolivie, Vénézuela, Urugay, Equateur) affirment de fortes revendications en faveur des nationalisations des ressources naturelles (hydrocarbures ou eau). D'autres pays où les réformes sont plus timides aussi bien sur les questions économiques que sur les questions de société (avortement ou divorce par exemple) sont traversés par de vifs débats entre les partisants de mesures prudentes pour « ne pas effrayer les investisseurs étrangers » et les . partisans de rupture politique et sociale. Dans certains pays où la droite s'est maintenue au pouvoir grace à des fraudes et des manipulations de tout ordre la révolte gronde (Mexique .. .). Pour faire face au modèle libéral impossé par les Etats-Unis s'est constitué l'ALBA, un autre systéme économique fondé sur la coopération et l'entre-aide (voir article spécifique). Dans le même temps, après cinq siècles d'humiliation et de souffrances les peuples indigènes retrouvent leurs droits, leur identité et leur dignité. Le 21 janvier 2006, dans les ruines de Tiwanuku, Evo Moralès, dans un costume de cérémonie tel que l'utilisaient les Incas, recevait l'investiture des Nations indiennes, acte sans précédent pour lequel s'étaient déplacés des représentants des peuples indigènes de tout le continent. Le Président Moralès devenait ainsi " l'emblème des dépossédés ". « Pour la première fois dans l'histoire bolivienne, les Aymaras, les Quechuas, les Mojenos sont présidents. Non seulement Evo est le Président mais nous sommes tous des présidents » Evo Moralès, Tiwanaku, Bolivie le 21 janvier 2006. Ces nouveaux gouvernements ont les mêmes axes prioritaires: santé, éducation, lutte contre la misère Au Vénézuela, ont été créés 600 centres de diagnostic de santé, 600 dispensaires et 35 centres de haute technologie pour assurer à l'ensemble de la population vénézuelienne l'accès gratuit aux soins. Pour ce projet un accord a été signé avec Cuba qui a formé 40 000 médecins, 5 000 spécialistes de santé latino américains et 10 000 médecins et infirmiers vénézueliens. 1,2 millions de Vénézueliens ont eu accès aux soins pour la première fois de leur vie. De 1996 à 2002 la mortalité postnatale a baissé de 38 %. L'analphabétisme a été éradiqué, il touchait 1,5 millions de personnes. Le budget de l'Education nationale a doublé ; un million d'enfants supplémentaires ont été intégrés dans le système éducatif

4 000 " écoles bolivariennes

" où la cantine est gratuite ont été construites, 36 000 enseignants ont été embauchés. L'UNESCO l'a officiellement reconnu, déclarant le Vénézuela « territoire libéré de l'analphabétisme ". La mission Mercal est un réseau qui distribue de la nourriture à des prix très bas essentiellement aux communautés rurales et indigènes. Plus de 6 000 marchés en font partie ce qui en fait bénéficier 8 millions de personnes. De même 150 000 personnes qui vivaient dans une extrème pauvreté peuvent maintenant manger quotidiennement gratuitement. Ce sont ces résultats qui expliquent le triomphe d'Hugo Chavez le 3 décembre. « Récupérer les ressources naturelles exploitées depuis cinq siècles par des sociétés privées aux « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-Février-Mars 2007 11 12 Dossier Edito International ' Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque L'indiennité au pouvoir en Bolivie. 21 jan· vier 2006, dans les ruines de TIwanuku, Evo Moralès, en costume de cérémonie incas, reçoit l'investiture des Nations indiennes. mains de quelques familles, pour les Indiens de Bolivie c'est récupérer son destin. Et s'il est une ressource à leurs yeux plus chère que n'importe quelle autre c'est "Pachamama", la terre mère» Evo Moralès. Ce n'est pas par hasard si le Président a choisi le 2 aout, jour de " célébration de la Terre" dans le calendrier Quéchua pour lancer sa réforme agraire. Alors que 87 % des terres cultivables étaient entre les mains de 7 % des Boliviens, avec comme conséquence 90 % de la popupation rurale vivant en dessous du seuil de pauvreté, Evo Moralès a promis de redistribuer 20 millions d'hectares (1/5 de la surface du pays) sous forme de dotations collectives, des milliers de tracteurs seront fournis grace à des prets gratuits sur 15 ans. On comprend que les latifundistes soient sur le pied le guerre ! Au Brésil, Lula a été réélu malgré les affaires de corruption qui ont gangréné la vie politique. Bien que ne disposant pas d'une majorité au Parlement, il a fait reculer la misère : les programmes " faim zéro" et " bourse famille" viennent en aide à plus de 40 millions de personnes. Les familles reçoivent un revenu mensuel de base (équivalent à 45 dollars) et bénéficient de la prise en charge des soins et de l'éducation pour les enfants de moins de 15 ans, pour la première fois le taux de pauvreté a diminué. Le projet " lumière partout " a permis de réduire de moitié le nombre de foyers ne disposant pas de l'électricité. C'est cette aide aux plus pauvres qui a assuré la réélection de Lula. Mais les difficultés sont énormes et beaucoup reste à faire: près d'un quart du budget du Brésil sert au paiement des intérets de la dette constituant « un détournement énorme de ressources qui ne sont pas utilisées pour satisfaire les besoins humains fondamentaux » comme le déplore le comité pour l'annulation de la dette. 20 % de la population controlent encore 64 % des richesses et 1 % détient toujours la moitié des terres; le Mouvement des Sans Terre (MST) a passé un accord avec le gouvernement en novembre 2003 pour favoriser l'installation de 430 000 familles sans terre mais l'objectif est loin d'être atteint. Après des années de dictature et de misère la violence reste omniprésente (100 personnes meurent par jour par armes à feu). Les défis du nouveau mandat de Lula sont donc immenses. Le Nicaragua vient à son tour de " basculer " à gauche même si pour remporter la victoire Daniel Ortéga, le candidat sandiniste a du tisser des alliances contre nature et accepter des reculs tels que l'interdiction totale de l'avortement dans un pays à 85 % catholique. Pays pauvre (la moitiéde la population touche moins de 1 dollar par jour), le Nicaragua doit consacrer le quart de son budget au remboursement de la dette extérieure. Les sandinistes au pouvoir dans les années 80 étaient venus à bout de l'analphabétisme qui touche à nouveau 35 % de la population. Daniel Ortéga a promis « une révolution pour sortir le pays de la pauvreté ». Après 16 ans de dictature Pinochet et une transition social-démocrate, l'élection de Michelle Bachelet au Chili le 15 janvier dernier a suscité un espoir. Michelle Bachelet avait été torturée avec sa mère sous la dictature de Pinochet. Après le Brésil, le Chili tient la deuxième place parmi les pays les plus inégalitaires du monde. Les Chiliens attendent aussi des réformes des institutions héritées de la dictature et la justice concernant les disparus. Les 17 années de transition démocratique n'arrivent pas" à effacer l'oeuvre du bourreau ". Les 3 200 assassinats et les 28 000 victimes d'atrocités diverses ont usé la gauche et laissé des cicatrices néfastes. La révolte des lycéens et des étudiants en mai dernier pour " le droit à l'éducation pour tous " Cils étaient 800 000 à exiger la refonte du systéme éducatiü marque- t-elle comme l'écrit Vicente Araya, professeur de cinéma à Santiago, ancien exilé" le réveil de la société chilienne? ". La grève des mineurs d'Escondida et leur victoire en septembre dernier semble le confirmer. La mort du dictateur le 10 décembre a entrainé des manifestations de joie à Santiago mais l'amertume due à l'impunité des crimes commis est grande; les disparus continuent de hanter la mémoire du peuple chilien. Au Mexique, un vaste mouvement populaire conteste l'élection , frauduleuse " de Felipe Calderon, candidat du Parti d'Action Nationale (droite). Vu le faible écart des voix (0,5 %) le PRD (Parti de la révolution Démocratique) a demandé un nouveau décompte ; de nombreuses irrégularités ont été constatées. La crise politique qui s'en est suivi n'est que la conséquence de la crise sociale : la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté ; 20 % des Mexicains ayant moins de 2 dollars par jour. Chaque année, 400 000 Mexicains tentent de passer clandestinement la frontière avec les Etats Unis qui érigent un autre" mur de la honte ". C'est dans ce contexte que la " Commune d'Oaxaca" défie le gouvernement depuis mai. L'alliance d'Oaxaca et du Chiappas sous controle zapatiste depuis 12 ans pourrait rendre le Mexique ingouvernable : l'armée écrasera-t-elle les révoltes dans un bain de sang? L'Argentine est en passe de retrouver sa mémoire confisquée. L'abolition des lois dites d'impunité marque après 30 années de lutte la réouverture des dossiers d'une dictature responsable de la " disparition " de 30 000 personnes et de l'appropriation après l'assassinat de leurs mères de plus de 500 enfants nés en captivité. Plus aucune loi ne protège les 300 militaires ou policiers actuellement détenus (auxquels pourrait s'ajouter un milliers d'autres) confirmant le fait qu'aujourd'hui la justice finit toujours par rattraper les tortionnaires. D'autre part le président Kirchner, élu en 2003, a renationalisé l'eau. En Equateur où 43 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, la ' révolte des hors-la-loi " avait mis en fuite en avril 2005 le Président Lucio Gutierrez. A l'issue de l'élection du 26 novembre 2006, le candidat de la gauche, Rafael Correa était élu avec près de 60 % des voix contre son adversaire de l'ultra droite, Alvaro Naboa, l'homme le plus riche du pays. Avocat de l'annulation de la dette (10 milliards de dollars) « une corde au cou empêchant tout développement social», Correa a l'intention de mettre en oeuvre une politique d'indépendance vis à vis des Etats Unis et des institutions financières internationales (FMI ou Banque mondiale). Il veut nationaliser la production pétrolière et convoquer une assemblée constituante avec les pleins pouvoirs , pari qui effraie les multinationales et les oligarchies locales. Correa sera-t-il capable de changer l'Equateur en un Etat d'un peuple souverain? Il y a de quoi inquiéter les EtatsUnis. Noam Chomsky déclarait dans le quotidien argentin Clarin « le continent sud-américain évolue désormais hors de tout contrôle. La politique de Washington en Amérique latine ne mènera qu'à l'isolement des Etats-Unis». Il est plus difficile aujourd'hui de faire débarquer les marines ou de fomenter un coup d'etat à la Pinochet (la tentative de coup d'état contre le Président Chavez en 2002 s'est soldé par un échec) mais G. Bush n'a pas renoncé. Attention « Le Vénézuela exerce une influence déstabilisatrice en amérique Latine» a menacé la secrétaire d'état américaine, Mme Rice. Mais elle n' a pas obtenu la moindre déclaration critique à l'égard du Président Chavez lors de sa tournée en avril dernier au Chili, Brésil, Colombie, Salvador. Pressé par Washington de s'éloigner ' dans son intéret " du ' dictateur Chavez ", le Président Moralès déclarait « nous sommes proches du Président Cha vez parce que lui n'envoie pas de troupes mais de l'aide solidaire pour régler les problèmes des peuples ». 20 000 litres de fioul viennent d'être livrés dans le Bronx dont la population est au trois quart hispanique. Et tout cela pour un prix inférieur de 40 % à celui du marché. Ce sont 400 millions de litres de fioul qui ont ainsi été livrés aux pauvres des Etats Unis. Des milliers de foyers d'Harlem eux aussi devraient bénéficier de ce programme ! « Il est plus difficile de tirer un peuple de la servitude que d'en asservir un libre » Montesquieu. Rien n'est acquis, l'Amérique latine, en plein bouleversements a besoin d'une solidarité internationale. C'est aux peuples de décider de leur sort et de leur avenir. Ce qui se passe aujourd'hui est l'espoir de l'émergence d'autres possibilités que l'escalade entre une super puissance qui veut dominer le monde et des terroristes fanatiques. C'est le sens des actions de la commission Amérique Latine du MRAP que nous vous encourageons à rejoindre. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-Février-Mars 2007 j Dossier Edito International Dossier Immigration ' Discrimination ' Education 1 Kiosque Gaël le Mignot, com mission Amériq ue Lati ne Il Parmi les régions du monde victimes des politiques néolibérales, l'Amérique Latine occupe une place de choix. Aucun projet d'intégration régionale n'a échappé à leurs effets destructeurs. Les mesures de libéralisation commerciale et financière ont accéléré la prise du contrôle du marché intérieur de chaque pays par les multinationales américaines et européennes. Elles ont également accentué la dépendance des économies régionales à l'égard des marchés extérieurs Il. Emir Sader professeur à l'université de Rio de Janeiro Contexte et historique Depuis plus d'une décennie, les Etats-Unis d'Amérique tentent d'imposer au reste du continent une zone de libre échange sur le modèle néolibérale, nommée l'ALCA (Area de Libre Comercio de las Américas). Façonnée sur l'exemple de l'ALENA (zone de libre échange entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada), qui permet aux multinationales américaines d'exploiter les richesses et la force de travail bon marché du Mexique, l'ALCA est dénoncé par les mouvements sociaux et les peuples des pays d'Amérique Latine comme étant un projet de colonisation économique. Face à l'ALCA, le Président de la République Bolivarienne du Venezuela, Hugo Chavez, propose un contre modèle: l'ALBA (Alternativa Bolivariana para las Américas) , qui signifie aussi" aube" en espagnol, fondé sur l'entre aide, la coopération et l'intégration dans le respect mutuel. Les premiers accords de l'ALBA furent signés en 2004 entre le Venezuela et Cuba, le Venezuela fournissant du pétrole sous le prix du marché à Cuba (permettant ainsi de desserrer. l'étau de l'embargo qui asphyxie les cubains depuis plus de 40 ans), et Cuba fournissant au Venezuela des médecins et des professeurs afin de mettre en place les missions sociales en faveur des populations les plus pauvres du Venezuela. La Bolivie, après l'élection d'Evo Morales, a rejoint l'ALBA en 2006. Des accords dans le cadre de l'ALBA ont aussi été passés entre des municipalités du Nicaragua tenues par les Sandinistes et Daniel Ortega, qui vient d'être élu Président, a fait part de sa volonté de rejoindre l'ALBA. De même, le candidat de la gauche en Equateur, Rafael Correa, qui a vaincu un milliardaire pro-américain au deuxième tour des élections, est lui aussi partisan de rejoindre l'ALBA. Principes de l'ALBA Contrairement aux traités de libreéchanges classique, l'ALBA considère que la libéralisation des échanges commerciaux n'est pas une fin en soi et que la libéralisation brutale du commerce entre des pays trop inégaux ne peut conduire qu'à la domination des plus faibles par les plus forts. L'ALBA privilégie la satisfaction des besoins des peuples, la réduction de la pauvreté et des fléaux comme l'analphabétisme et les immenses inégalités, et s'appuie 8 pour cela sur les services publics et les obligations sociales des Etats, là où l'ALCA vise à imposer la privatisation massive et le désengagement de l'Etat de tout ce qui concerne l'économie. L'ALBA défend aussi la souveraineté alimentaire des pays en s'opposant à la logique de concurrence entre les agricultures des différents pays, concurrence qui ne peut qu'étouffer les petits paysans au profit des géants de l 'agroalimentaire. S'il fallait retenir une seule mission, certes symbolique, mais caractéristique de l'esprit de l'ALBA, il faudrait choisir la " Mision Milagro " visant à soigner six millions de citoyens de l'ensemble de l'Amérique Latine atteints de maladies des yeux. Des équipes Cubano-Vénézueliennes parcourent en ce moment même l'Amérique Latine, proposent aux personnes concernées de se faire soigner, gratuitement, dans les hôpitaux des pays de l'ALBA (principalement Cuba, mais aussi au Venezuela et tout récemment en Bolivie, où un centre vient de S'ouvrir). Plus de 300 000 personnes ont déjà retrouvées la vue dans le cadre de cette mission. Philippe le Clerre. président de la commission Amérique Latine Le racisme est un phénomène complexe en Amérique Latine. D'abord victimes du sentiment de supériorité des blancs, les peuples métis subissent un racisme évident. Dans ce contexte de racisme à étages, commençons donc par définir celui qui est subi par tous. Le racisme blanc à l'encontre des peuples métis Venant des citoyens étasuniens, il parait proche du racisme anti-arabe que nous connaissons si bien en France : refus prononcé de se mêler et méconnaissance. Par contre, en . provenance des pays latino-américains les plus blancs (ceux qui ont exterminé tous les indigènes (1) de leur zone), il s'agit surtout d'un complexe de supériorité « blanc" par rapport au «métèque ". Ce complexe ne s'exprime qu'entre latino-américains. Le cas typique est celui des Argentins qui disent volontiers être le «premier pays blanc au sud du Rio Grande». C'est dire que le complexe est fort (à ce complexe de supériorité est associé chez ces derniers le sentiment d'être une sorte d'européen en exil). L'effet miroir existe puisque le sentiment de rejet induit est assez net chez les peuples métissés (tous les pays latino-américains métissés), mais ne s'exprime qu'en Amérique (2). En France, par exemple et a contrario, il y a beaucoup de fraternité entre tous les latinos. L'attitude « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-Février-Mars 2007 13 14 Dossier Edito International Dossier Immigration ' Discrimination Education Kiosque change donc chez les mêmes individus selon qu'ils se trouvent de l'un ou l'autre côté de l'Atlantique. le racisme dans la société latino-américaine Vient ensuite le racisme à l'intérieur de la société latino-américaine. Il ne s'apparente pas à notre racisme haineux et à la défiance envers les Africains, Arabes, Musulmans ou Juifs de France mais plutôt à un racisme social. L' " indio " (terme péjoratiD représente l'arriéré pour la société métisse, ce qui signifie que cette dernière ignore le passé très élaboré socialement ou culturellement et parfois sur le plan scientifique de sa racine indigène, l'une des deux sources de son existence. Selon cette vision oublieuse, le monde occidental blanc aurait en quelque sorte largement amélioré l'autochtone en s'installant avec sa production civilisationnelle et en se mélangeant à lui. Cette vision est au moins en partie contredite par l'histoire puisque les chroniqueurs espagnols du XVIe siècle ont écrit avoir trouvé des cités fabuleuses sur le " nouveau continent" et découvert des peuples plus évolués qu'eux sur le plan de l'astronomie (Mayas). En fait, l'apparence du moment tient lieu d'évidence: dans une grande ville comme Mexico aujourd'hui, l'Indien est un mendiant dont les enfants sont en guenilles (comme nos pauvres d'autrefois). Un racisme social Etre indigène, c'est se trouver tout en bas de l'échelle sociale, avoir comme langue maternelle l'une des nombreuses langues répertoriées et totalement méconnues autant qu'incompréhensibles des métis et la pratiquer entre soi. Comme il s'agit d'un racisme social, un Guarani ou un Cora s'habillant et se coiffant comme les métis (en suivant la mode " occidentale ", ayant le même mode de vie, parlant correctement l'espagnol - le portugais au Brésil) devient un citoyen national comme un autre. Il accède à ce moment là à la plus basse des couches sociales" métisses" qui se situe au-dessus de la " couche sociale indigène ". Mais que se passe-t-il lorsque les plus basses couches sociales accèdent à de nouveaux droits et demandent la même considération que tout un chacun? Certaines formes de rejet apparaissent. Nous assistons donc aujourd'hui à une émergence de la partie occultée du racisme envers les indigènes bénéficiant nouvellement des mêmes droits que les blancs et les métis. C'est le cas notamment en Bolivie où le fait que les enfants des classes dominantes se trouvent maintenant côte à côte avec de jeunes indiens sur les bancs de la faculté est mal vécu et suscite des réactions de rejet, un rejet où l'aspect social se mêle sans doute étroitement au rejet à connotation raciale. Dans ce contexte, quelle est l'importance de la couleur de la peau en pays essentiellement métis? la couleur de la peau Avoir la peau claire, les cheveux châtains (voire blonds), c'est une bénédiction en pays métis. Les enfants ayant au moins un de ces types physiques (surtout la couleur de la peau) sont un peu plus adulés que les autres. L'adulte doté par miracle de ces attributs a sempiternellement la vie facilitée

il arrive plus facilement aux

meilleurs postes, les plus prestigieux, et bénéficiera toujours d'une meilleure considération dans la vie sociale. Blanchir sa lignée en ayant des enfants avec une personne de couleur de peau sensiblement plus claire est un but avoué, pas toujours sur le ton de la plaisanterie. Ce phénomène est connu aux Antilles françaises. Le racisme est donc presque toujours une dépréciation de celui qui est proche de l'indianité (ou de la négritude dans quelques Etats) par le plus blanc que lui. On peut noter cependant que des velléités de racisme indigène envers les blancs apparaissent parfois avec, comme justification, l'oppression passée. Mais si, en dehors de toute dérive raciste, la critique de l'oppression et des massacres de la colonisation est partiellement justifiée, elle reflète aussi un romantisme magnifiant l'Indien comme un être pur et présente le défaut d'ignorer l'oppression des peuples guerriers sur d'autres qui ont dû les subir. Cette vision stéréotypée doit bien sur être combattue en mentionnant les faits historiques. Rappelons tout de même que le premier racisme, massif, est celui des blancs contre les métis et les indigènes et celui des métis contre les mêmes indigènes. Le combattre, c'est s'atteler à une tâche immense. En cela, en Bolivie, la venue au pouvoir d'Evo Morales, d'origine indienne comme celle de Benito Juarez, au Mexique il y a 60 ans, est un symbole dont l'avenir dira s'il peut faire comprendre que l'apport entre civilisations ne peut être qu'un échange et non un soi-disant don (la démocratie, le progrès technologique qui menace la planète), sous peine de catastrophes comme nous en connaissons en ce XXe siècle. (1) - Le terme" indigène" est neutre: il désigne l'aborigène, celui qui occupait les lieux avant la colonisation ayant imposé une grande partie de la culture actuelle (langue, religion. .). (2) - Le mot " Amérique" est bien sûr à prendre dans sa véritable acception: continent américain dont l'origine du nom serait Amerigo (Vespucci), "découvreur" du continent. " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - ]anvier-Février-Mars 2007 Dossier Edito i International Dossier Immigration Discrimination ' Education Kiosque Johanna Lévy, représentante du MRAP à Caracas « Vous connaissez beaucoup de pays où de nouveaux peuples originaires réapparaissent chaque année?», feint de s'étonner, un grand sourire aux lèvres, Eliézer Gonzales, encore affairé à la préparation des festivités du 12 octobre. Depuis 2004, les célébrations officielles du 12 octobre au Venezuela ont peu à voir avec le reste du continent. Et pour cause. Le « jour de la découverte" de l'Amérique a été rebaptisée en 2002 " jour de la résistance indienne " par le gouvernement de Hugo Chavez. Une victoire, parmi d'autres, des peuples originaires du pays. Eliezer est conscient du moment historique que vivent aujourd'hui les peuples originaires du Venezuela. Représentant du peuple Wayuu de l'Etat de Zulia, il est l'un des coordinateurs nationaux du programme social Guacaipuro. Une" mission bolivarienne " entièrement consacrée aux populations indiennes dans le but, notamment, d'accélérer le processus juridique de démarcation de leurs territoires. Pour lui, les chiffres parlent d'eux-mêmes: « Il reste encore énormément de choses à faire pour nos peuples, mais on ne pourrait expliquer le renversement de la tendance numérique de la population indienne et son augmentation régulière, sans la dynamique qu'a provoquée la politique menée par le gouvernement à notre égard». Depuis l'accession d'Hugo Chavez au pouvoir en 1999 en effet, les peuples originaires du Venezuela ont fâit l'objet d'une politique de reconnaissance inédite dans ce pays, sinon dans le continent. La Constitution de la République bolivarienne du Venezuela est ainsi l'une des seules au monde ayant inclus une reconnaissance aussi ample des droits spécifiques des peuples originaires. Le droit à une" éducation interculturelle bilingue " intégrant la langue maternelle, nncorporation de la médecine traditionnelle au système national de santé, comme la reconnaissance de systèmes de juridiction propre ont désormais valeur constitutionnelle. Et surtout, l'Etat vénézuélien reconnaît pour la première fois (1) aux communautés indiennes le droit à la propriété collective de leurs terres « Pour nous, c'est le plus important, parce qu'un indien sans terre n'est pas un indien». Ces acquis juridiques, symbolisés par la redéfinition de l'Etat vénézuélien comme" multiethnique, pluriculturel et multilingue ", ont eu une incidence notable sur la population indienne elle-même. Tandis que le Recensement Indigène de 1992 témoignait de l'existence d'une population indienne de 315 815 personnes, distribuée en 28 groupes ethniques, celui de 2001 rend compte d'une population indienne d'environ 534 816 personnes (sur 25 millions d'habitants, soit 2,1 % de la population totale) distribuée en 35 peuples originaires différents. Soit une augmentation significative de la population comme du nombre de peuples revendiquant leur identité. Mais comme le souligne Eliezer, « il s'agit à présent de se battre pour que nos droits soient mis en pratique ». Car en dépit de l'avancée historique que constitue la Constitution vénézuélienne, les peuples originaires du Venezuela continuent de vivre des situations menaçant leur survie individuelle comme collective, notamment en raison du maintien de l'extraction indiscriminée des ressources naturelles sur leurs territoires. « Protéger nos terres et responsabiliser l'Etat dans sa gestion de 1 / environnement sont des démarches qui prennent du temps », concède Eliezer. Heureusement, le processus avance. Plus d'un million d'hectares de terre ont en effet déjà été remis aux communautés indiennes. « Cela reste insuffisant, reconnaît Eliezer, mais désormais nous sommes en mesure de défendre nos droits, et nous les défendrons jusqu'au bout ». (1) - Ce droit, énoncé dans la Constitution de 1811 et diifendu par Simon Bolivar, a été constamment bafoué ou renié par celles qui ont suivi. " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - ]anvier-Février-Mars 2007 15 16 Dossier Edito ' International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Ambassadeur du Venezuela à Paris Entretien avec Jesus Arnaldo Pérez, ambassadeur du Venezuela à Paris, recueilli le 7 décembre 2006 par Eliane Benarrosh et Philippe Le C/erre de la Commission Amérique Latine du MRAP. Cet entretien a donc eu lieu trois jours après les élections qui ont reconduit sans coup férir Hugo Chavez à la tête de l'Etat vénézuélien. Dinérences: Monsieur l'Ambassadeur, suite au succès électoral du Président Chavez dimanche, quelles sont les perspectives pour le Venezuela? JesUs Arnaldo Pérez : D'abord, vous avez dit" la victoire du président Châvez ". Je pense qu'il faut dire qu'il s'agit de la victoire des Vénézuéliens. Pourquoi? Parce que nous sommes devant une situation qui est inédite en Amérique Latine et surtout que l'on met en pratique quelque chose qui n'était pas prouvé, à savoir comment pourrait fonctionner la démocratie participative. Il y a une démocratie participative et bien sûr que c'est le président Châvez qui représente tout cet espoir d'un peuple, le peuple vénézuélien qui, rien qu'avec la démocratie, dans un cadre démocratique, a pu mettre en échec les tentatives de déstabilisation d'une puissance très importante, celle des Etats-Unis d'Amérique, qui ne cessent d'être très hostiles à ce qui se passe ici. A vrai dire, c'est quelque chose de très particulier, à savoir que la plus grande démocratie du monde, comme disent les journaux, est en train d'attaquer sans raison la démocratie vénézuélienne, la révolution bolivarienne, démocratique. Nous L: ~::::;:t~i~~,?· ./ ~.+ : .,~. < • ,1 Deux millions de personnes se sont rassemblées à Caracas paur soutenir le président Chavez, vétues de rouge paur éviter que, comme ils l'ont fait en 2004, les médias ne diffusent ces images en les faisant passer paur des manifesta~ons de l'oppasi~on. sommes un pays de moins de 30 millions d'habitants, on a prouvé que nous sommes très attachés à la démocratie et actuellement, les perspectives sont, d'abord, approfondir davantage la voie que nous avons choisie parce que le peuple vénézuélien a été très clair. Au début, le président Châvez avait proposé au peuple vénézuélien que s'il était élu, il ferait une assemblée nationale constituante et qu'il y aurait un référendum et qu'il fallait aller par cette voie. Eh bien, cette voie ne s'est pas encore épuisée, parce que c'est le peuple qui donne ce pouvoir constituant et voilà que nous sommes actuellement dans une phase qui me semble très importante dans l'évolution de notre pays: nous avons choisi la voie démocratique pour aller vers le socialisme. omérences: « Avez-vous des chiffres sur la participation dans les villes et dans les zones indigènes? » Jesus Arnaldo Pérez: Les seules informations que je peux vous donner sont que les zones urbaines ont voté en faveur de Châvez dans une proportion qui va de 51 à 55 % et plus vous allez vers les zones rurales, par exemple l'Etat du delta Macuro ou l'Amazone, la proportion est de 80 %, 70 %, 75 % pour le président Châvez et le reste pour Rosales, pour l'opposition. On peut extrapoler, on peut en déduire que les communautés autochtones ont appuyé majoritairement et presque entièrement la politique du président Châvez. omérences : « Les nouveaux droits qu'ont acquis en participant à la vie politique les communautés indigènes ne provoquent-ils pas des ressentiments et une certaine montée du racisme de la part des autres populations, celles qui avaient ces droits autrefois? » Jesus Arnaldo Pérez: Ce qui a caractérisé la position politique directe, c'est qu'elle était représentée par une élite majoritairement blanche, d'origine européenne et qui s'était approprié les institutions de la démocratie dans la IV' République. Ils restent là, ils sont toujours là, ils sont minoritaires mais ils conservent le pouvoir économique. Vous n'allez pas trouver un entrepreneur qui soit métis, on ne peut pas les voir, ce sont plutôt des blancs ; vous pouvez voir des anciens ambassadeurs qui ont des têtes différentes. Cette élite s'est exprimée par un mépris du peuple et tout ce qui représente le peuple, la majorité, ils le méprisent d'abord en confisquant la démocratie et en utilisant comme le font les populistes un pouvoir qui ne correspond plus à ces majorités exclues. Ce sont des paysans sans terre qui sont avant tout des métis, des Indiens, avec des gens d'origine africaine et c'est vrai qu'ils [la minorité dominante]' l'ont exprimé depuis le début du mandat du président Châvez en se moquant carrément du Président de la République, en continuant à se moquer des ministres qui ne leur ressemblent plus. Voilà. A la limite, ils sont presque xénophobes, et très racistes, et là, c'est une minorité qui se concentre dans les zones riches. Dinérences: « Est-ce que cet état d'esprit se traduit par des actes de discrimination au niveau des établissements scolaires ou de l'habitat, par exemple? » Jesus Arnaldo Pérez: Vous savez que nous sommes un pays avec une ancienne constitution où, par exemple, il est interdit de faire allusion au mot" race ". Ca n'existe plus, ça n'existe pas; ça n'a jamais existé. Dire qu'on ne va pas vous accepter à un endroit parce que vous êtes noir ou indien, cela ne se voit pas sous cette forme. Il y a une espèce de ségrégation qui est très forte, c'est par rapport à l'idéologie d'une élite qui n'accepte pas que des gens pauvres puissent avoir accès à un théâtre, au théâtre où l'on donne des ballets, de la musique classique. Ca les gêne vraiment mais il n'y a pas de refus. Il y a plutôt une ségrégation par l'argent. omérences : « Un racisme économique ... » Jesus Arnaldo Pérez : Tout à fait. Une exclusion par l'argent, par le facteur économique. « Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 Edito ' International ' Dossier Immigration Discrimination ' Education : Kiosque Dinérences : « Aujourd'hui, puisque ces relations sont vécues positivement, peut-il y avoir des mariages mixtes par exemple? » Jesus Arnaldo Pérez : Bien sûr. Il n'y a aucun problème. Ce problème [de mariage mixte]' ne peut pas exister. Il y a un problème communautaire, une sorte de tradition, de comportement des familles aisées qui voient d'un mauvais oeil par exemple qu'une de leurs filles vive avec quelqu'un de plus pauvre et plus encore si ce quelqu'un qui est pauvre n'est pas blanc. Mais ils savent qu'elle va accepter. J'ai connu le cas, par exemple, d'une amie dont le copain était noir, de la côte. Le père [de cette amie]' était commerçant, un métis, mais ce père n'était pas d'accord pour qu'elle se marie avec cette personne qui était de la côte. Ca existe comme une trace d'une domination très ancrée dans la culture. Il existe des mots tels que" le malheur est noir ", " je n'ai pas de chance, je suis dans le noir" et dans l'imaginaire, dans le langage lui-même, c'est ce qui est contraire au blanc, négatif, quoi. Dinérences : « Quelle est la situation aujourd'hui, trois jours après les élections au Venezuela? Est-ce que la rue est calme, joyeuse, il se passe quelque chose? » Jesus Arnaldo Pérez: C'est une situation très calme, le petit groupe qui est à droite, représenté dans les partis politiques, (ils sont blancs), ce sont surtout des fils de nouveaux arrivés, des Portugais, des Espagnols, des Italiens qui sont plutôt des commerçants, ont des professions libérales et qui sont dans des partis politiques de droite. Aujourd'hui, j'ai reçu une petite vidéo dans laquelle ils utilisent des mots vraiment très grossiers, même sales pour parler du gouvernement. Ce sont de tout petits groupes qui s'habillent parfois en chemise noire, ça vient surtout d'Italie, des fascistes de droite ... Dinérences: « Cela vient donc d'Europe ... » Jesus Arnaldo Pérez : Oui, d'Espagne aussi comme la phalange, même du Portugal, j'ai su que ce parti-là a bénéficié d'un vote écrasant dans un consulat général à Vigo, en Galice, ils s'expriment comme ça. Ils bénéficient de la double nationalité vénézuélienne et espagnole. Ici-même, nous avons eu le même comportement électoral dans l'est de Caracas. omérences : « Dans quelle mesure le MRAP peut-il être un apport et un élément d'échange avec vous? » Jesus Arnaldo Pérez: Je vous considère comme un mouvement progressiste qui travaille et la lutte contre le racisme est dure, surtout aujourd'hui. Elle est au centre du débat depuis une trentaine d'années. Il y a l'apparition d'un parti d'extrême-droite qui a fait un fonds de commerce de la question du racisme et ses positions anti-immigrés qui sont un petit peu plus ambiguës. Il y a là des racistes convaincus et il y en a d'autres qui ne sont pas des racistes convaincus mais qui se laissent entraîner par des raisonnements simplistes. En ce qui con- Par le Comité de solidarité avec le peuple mapuche Les Mapuches (littéralement" peuple de la terre ,,) sont originaires du centre et du sud de l'Amérique latine (c'est-à-dire l'Argentine et le Chili actuels). Un million et demi de Mapuches vivent au Chili, ils sont 200 000 en Argentine, 94 % ne possèderaient par d'acte de propriété de leur terre. C'est le seul peuple originaire d'Amérique latine qui n'a pas été vaincu par la colonisation espagnole, obligeant celle-ci à signer avec ses autorités traditionnelles des traités reconnaissant 10 millions d'hectares comme territoires autonomes mapuches. En 1810, L'indépendance du Chili déclenche un formidable génocide qui fait passer la population mapuche de 1 800 000 à 360 000 personnes en 20 ans. Les Mapuches sont alors enfermés dans des réserves et " pacifiés ", leurs terres spoliées, leur culture niée, leurs traditions et leur langue interdites. En 1971 le président Allende édicta une législation indigène qui donnait la possibilité d'incorporer les communautés dans le processus des réformes agraires. Par ce concept les fun dos pouvaient être expropriés et rendus aux communautés indigènes. Cette loi fut opérationnelle pendant un peu plus d'un an. En 1973, le coup d'état militaire du général Pinochet frappe, de nouveau, durement les Mapuches dont bon nombre sont alors torturés, assassinés ou portés disparus. Avec le retour de la démocratie, l'espoir qui renaît dans les communautés laisse vite place à un sentiment de trahison. La tran. sition démocratique n'apporte aucune amélioration spécifique à la condition de vie des Mapuches

les multinationales et les

riches latifundistes chiliens, qui ont récupéré des milliers d'hectares sous Pinochet, continuent d'exploiter leurs terres spoliées et de les menacer dans leurs vies comme dans leurs traditions. Les gouvernements démocratiques qui ont suivi la dictature de Pinochet ont paradoxalement utilisé son arsenal politico-judiciaire contre les Mapuches ; seuls 375 000 hectares leur ont été restitués mais ce sont souvent des terres de mauvaise qualité. En 1992, les premiers soulèvements mapuches ont lieu. Depuis, et sans que les gouvernements successifs n'apportent aucune autre réponse qu'une répression féroce, ils continuent de lutter contre la déforestation, les mégas projets de centrales hydroélectriques, la contamination cerne la révolution bolivarienne, vous êtes des alliés stratégiques

vous faites partie du groupe

des associations et des militants qui font avancer les choses. C'est très important que vous parliez de la révolution bolivarienne et que vous nous aidiez à diffuser ces valeurs que nous portons par rapport à la lutte contre le racisme parce que c'est très clair: nous sommes contre toute forme de discrimination raciale et ce sont des bases de la même façon que nous sommes pour l'indépendance et l'autodétermination des peuples et pour la paix. Nous disons que votre lutte est notre lutte et cette convergence fait que vous êtes nos alliés dans notre mouvement progressiste. (*) - Note de la rédaction de leurs sols par des décharges sauvages, les discriminations économiques, sociales et raciales dont ils sont l'objet, au quotidien. Si les" terroristes" mapuches n'ont encore causé la mort de personne, la réciproque n'est pas vraie: plusieurs militants ont été tués par la police dont le jeune Alex Lemun, 17 ans et José Domingo Collihuin Catril, 71 ans. Si sous la pression des organisations internationales de défense des droits humains, le terme " terroriste " a été abandonné, la justice, niant leur lutte politique, considère désormais les Mapuches comme des délinquants qui s'attaquent à la propriété privée. On dénombre actuellement 9 prisonniers politiques mapuches détenus dans les centres pénitenciers de Concepciôn, Angol et Traiguen, condamnés ou risquant des peines allant de 5 à 10 ans de prison, ainsi qu'une trentaine de « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 17 18 Dossier Edito . International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque personnes qui se sont déclarées en fugue afin d'éviter les mêmes condamnations. Divers rapports émis par des institutions internationales (ONU, FIDH, HRW, Amnesty International) ont dénoncé ces différentes atteintes aux droits du peuple ma puche tout en préconisant au gouvernement chilien un certain nombre de recommandations telles que la reconnaissance constitutionnelle des peuples indigènes, l'arrêt de la criminalisation de leurs demandes territoriales, la réforme de la loi antiterroriste héritée de la dictature et utilisée exclusivement en période démocratique contre les Mapuches, la libération de tous les prisonniers politiques, la mise en place d'une vaste politique de restitution des terres, l'accès à la citoyenneté pour les populations indigènes et la participation aux prises des décisions politiques les concernant. Aujourd'hui, malgré de nombreuses bonnes intentions et promesses, force est de constater que ceux qui sont au pouvoir au Chili (gouvernement, parlementaires et pouvoirs économiques) font preuve d'une grande hypocrisie en prétendant résoudre cette grave situation à coups de mesures paternalistes inefficaces et d'actions répressives contre ceux qui refusent des « miettes « et réclament des solutions politiques ainsi que la restitution sans condition de leurs terres. En Argentine le peuple mapuche dépossédé de ses terres est en conflit avec l'entreprise Beneton qui possède plus de 970 000 hectares de terres en Patagonie par le biais de la Southern Argentinian Land Company (Entreprise Terrestre d'Argentine du Sud). Les décisions favorables à Benetton sont basées sur un registre de la terre de 1896, mis en place suite à une campagne militaire connue sous le non de « conquête du désert ", à laquelle les Mapuches résistèrent : pendant cette campagne, des milliers d'indigènes furent tués par l'armée argentine, puis dépouillés d'une terre ensuite redistribuée à des particuliers pour leur usage personnel. Au milieu de Dan François Gumiel. pour « Le jouet enragé )} avec l'aimable autorisation de reproduction des articles Il Evo Moralès représente pour le monde entier la détermination d'en finir avec une dictature économique qui terrorise nos élus et qui génère de plus en plus de misère. Il Danielle Miterrand La notion de « Nouvelle Histoire bolivienne ", naît du constat que les mouvements sociaux ont provoqué le réveil de la conscience populaire quant au droit à la souveraineté sur toutes les ressources naturelles et la reconnaissance de l'urgence d'inclure dignement les populations indigènes au sein du système politique du pays. Ces deux phénomènes sont irréversibles et marquent un tournant historique de la plus grande importance. Pour comprendre cette « Nouvelle Histoire bolivienne ", il est nécessaire de revenir sur les principaux mouvements sociaux et mobilisations qui se sont produits en Bolivie ces dernières années. Bataille pour l'eau Le premier mouvement social important surgit en avril 2000 et a pour épicentre Cochabamba, la deuxième ville du pays. Une hausse des tarifs de l'eau potable a provoqué le mécontentement de ses habitants. Le service d'eau potable avait été privatisé durant la première présidence de Gonzalo Sanchez de Lozada (1993- 1997). L'entreprise multinationale Bechtel fit appel au soutien du Président, le général Hugo Banzer, pour imposer par la force sa politique de hausse des tarifs et pouvoir assurer le maintien de sa présence dans le pays. Le gouvernement déploya des troupes dans la ville pour tenter de contenir les manifestations ; il Y eut plusieurs morts. Le gouvernement démontra ainsi son soutien aux entreprises multinationales et aux politiques de tendance néo-libérale, au prix du sang de sa propre population. Il faut insister sur le fait que cette violente revendication populaire s'est produite autour d'une ressource naturelle: l'eau. L'eau avait été bradée à des intérêts étrangers et fut récupérée par la volonté de la rue, qui pour la première fois est apparue comme une actrice incontournable dans la vie politique du pays. La « Coordination pour la défense de l'eau et de la vie!!, avec à sa tête Oscar Olivera, est une institution surgie de ce mouvement social pour combattre la privatisation des services municipaux d'eau potable. cette conquête, le gouvernement transféra les terres mapuches à la Southern Argentinian Land Company (une entreprise anglaise). Depuis novembre 2005, Benetton ne renonce pas à donner ces terres situées dans la région de Piedra Parada (Sud de l'Argentine). Mais sur les hectares" offerts" aux peuples indiens, la grande majorité (plus de 95 %) n'est ni cultivable, ni propice à l'élevage, car il s'agit de flancs de montagnes, de ravins, ou encore d'affleurements rocheux. Poussé à vivre sur les pires terres d'Argentine, le peuple mapuche n'a aujourd'hui aucun droit, il est menacé de disparition. Revendications indigènes Le deuxième mouvement important se déroula entre les mois de septembre et d'octobre de la même année. Il eut un préambule au mois d'avril lorsque la souspréfecture d'Achacachi, village proche du lac Titicaca, avait été mise à sac et brûlée par la population. Un officier de l'armée était mort, calciné dans sa voiture. Ce mouvement a eu pour leader Felipe Quispe Huanca, dénommé le " Malku " (<< condor ,) Il était alors à la tête du syndicat paysan le plus important de Bolivie, la CSUTCB (Confédération Unique des Paysans de Bolivie). Son discours avait pour fondement le constat du lamentable état économique des campagnes de l'altiplano bolivien. Sur le plan idéologique, les revendications exposaient l'argument selon lequel l'élite blanche a usurpé le pouvoir et n'est autre qu'une héritière des temps coloniaux espagnols. Cette vision est celle d'une reconnaissance de la nécessite d'instaurer « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 des instances de pouvoir indigène, pour assurer à ceux-ci le pouvoir de décider de leurs affaires, ce qui leur a toujours été nié jusqu'à présent. Même si cette révolte ne s'est déroulée que dans les zones de l'Altiplano (haut plateau situé à 4 000 mètres d'altitude), sans que d'autres populations indigènes ne s'y joignent, elle a été la première expression nette de protestation face à l'absence de participation indigène au système politique du pays (rappelons que 62 % des Boliviens sont Indiens). Pendant plusieurs semaines, les routes de l'Altiplano autour de La Paz ont été barrées, forçant le gouvernement à établir un pont aérien pour faire face au terrible problème de ravitaillement de la ville. Après d'intenses négociations le gouvernement a accepté de satisfaire presque toutes les revendications des paysans, essentiellement celle de la mécanisation de l'agriculture. En ce qui concerne l'aspect idéologique, le " Malku " fondera un parti politique dénommé « Movimiento Indigena Pachakuti !!, aux très nettes revendications de pouvoir indigène. L'an 2000 a été marqué par la prise de conscience de la nécessité de défendre les ressources naturelles ainsi que par une critique populaire exigeant la révision des fondements du système politique en vigueur. Une crise de la représentativité politique était mise en évidence, ainsi que la nécessite de convoquer une Assemblée constituante et l'on pouvait déjà entrevoir le besoin d'une décolonisation de l'état inscrit dans un nouveau texte constitutionnel. Les politiques néo libérales étaient sérieusement remises en question. La coordination pour la défense de l'eau et de la vie participera à toutes les manifestations sociales afin de rappeler les leçons tirées du mouvement social de Cochabamba et de renforcer l'opposition croissante aux politiques néo-libérales. Le système politique s'affaiblissait de manière inquiétante : la vieille technique utilisée pour résoudre les conflits sociaux, qui avait reposé durant des décennies sur la mise en vigueur du couvre- feu, n'avait strictement plus aucun effet face à l'émergence de mouvements populaires massifs exprimant leur mécontentement. A deux reprises consécutives, le gouvernement avait été obligé de céder face à la volonté populaire. Dossier Edito International Dossier Immigration Discrimination Education ' Kiosque Guerre de l'impôt Le troisième mouvement social s'est déroulé en février 2003. Gonzalo Sanchez de Lozada, surnommé « Goni ", qui avait été élu pour un second mandat en 2002 était convaincu que sa victoire lui signait un chèque en blanc. Il ne prit pas en compte les avertissements des crises de l'année 2000 et il voulut gouverner de manière autoritaire. Le gouvernement annonça que le déficit fiscal était excessivement élevé et que pour y faire face des mesures économiques s'imposaient immédiatement. Avec le soutien du FMI, le gouvernement conçut un impôt sur le revenu, qui n'a jamais existé en Bolivie, avec lequel il comptait réduire le déficit à court terme. Les réactions contre la mesure surnommée « impuestazo " eurent lieu le 12 février. D'abord une mutinerie éclata dans la police, réclamant sa suppression immédiate ainsi qu'une augmentation de salaire ; puis les élèves du lycée national Ayacucho se sont joints au mouvement. Le déploiement de l'armée fut ordonné autour du palais présidentiel pour les disperser, mais un régiment rebelle de la police d'élite, utilisée pour réprimer les manifestations, s'est opposé aux militaires. Un échange de tirs fit plusieurs morts des deux côtés. Le président diffusa un message à la Nation, annonçant le retrait immédiat du projet de loi au parlement, mais la population, descendue dans la rue, continua de manifester sa profonde indignation. A La Paz, la situation arriva à son paroxysme lorsque les manifestants mirent à sac et incendièrent le Ministère du Travail et le Ministère du Développement durable. Le mécontentement populaire était général ; le vice-président Carlos Mesa convoqua une commission de l'OEA (Organisation des Etats américains) et mit en oeuvre un remaniement ministériel. Ainsi une décision qui avait été exigée par le FMI avait mis à feu et à sang le pays. Une nouvelle fois le système démocratique ne prenait pas en compte le fondement essentiel de toute démocratie

en démocratie, le Peuple

est souverain. En obéissent a une décision prise dans les bureaux du FMI, le gouvernement continuait à gouverner le pays comme une« république bananière ", sans prendre en compte le changement . radical de contexte, la population étant descendue dans la rue pour défendre ses intérêts. Ce fut ainsi l'apparition du " contrôle social " sur les décisions du gouvernement, contrôle qui existe toujours et qui est appelé à se maintenir pour longtemps dans la mesure où il est la conséquence du réveil social du pays. (( Goni JJ poussé à la démission Le quatrième mouvement social a surgi en octobre 2003. Entre août et la mi-septembre, le gouvernement a tenté de cacher à l'opinion publique les discussions sur le choix du pays qui serait traversé par le futur gazoduc destiné à acheminer les exportations de gaz bolivien vers le Mexique et les Etats-Unis. Subitement il annonça que le gaz serait exporté à travers le Chili. La première grande mobilisation de refus eu lieu le 19 septembre. Cette foisci, le « contrôle social " a rejoint la défense des ressources naturelles par la population. Le Il octobre pour faire face à la grève générale de protestation qui paralysait la ville d'El Alto, le gouvernement ordonna l'envoi de l'armée. Les militaires massacrèrent plus de soixante-dix personnes. La population de tous les quartiers défavorisés de La Paz commença à descendre dans la rue. Ce fut presque toute la ville d'El Alto qui descendit à La Paz, formant un cortège colossal. Goni se vit obligé d'abandonner le pays. A nouveau la population s'était mobilisée pour une ressource naturelle parce qu'il s'agissait de la vendre sans bénéfices pour le pays. Un président chassé Le dernier grand mouvement social se déroula en mai-juin 2005. Les habitants d'El Alto exigèrent la nationalisation du gaz et du pétrole; la paralysie du pays fut totale. Le Président Carlos Mesa croyait qu'il lui suffisait de négocier avec Evo Moralès, leader de l'opposition, pour résoudre le conflit mais il fut obligé de démissionner. Une autre bataille allait commencer pour empêcher les partis de la coalition au pouvoir de placer un de leurs hommes à la présidence comme en 2003. Evo Moralès prit la tête de cette bataille et appela tous les secteurs sociaux à manifester à Sucre, où le Parlement s'était déplacé. Eduardo Rodriguez Veltzé fut nommé Président avec comme impératif la tenue d'élections dans les six mois. Evo Moralès, premier Président Indien Evo Moralès s'était intégré progressivement aux mouvements sociaux. Il provient de la zone tropicale de la région de Cochabamba où l'on cultive la coca. Quatre de ses frères sont morts peu après leur naissance de misère et de famine. Les cultivateurs de coca, « les cocaleros " se sont fédérés derrière Evo Moralès, député de la région, leader syndical incontesté depuis 1990. Evo participait au combat contre l'éradication de la coca qui fit un grand nombre de morts (la coca a de multiples usages autres que la cocaïne et constitue la seule ressource des paysans des hauts plateaux). Le MAS d'Evo Moralès aurait pu encourager une prise de pouvoir par les armes ; une lutte armée aurait eu un succès garanti, mais Evo voulait changer le pays « non pas avec des balles mais avec des votes ". Cette volonté démocratique assura le triomphe d'Evo Moralès en décembre 2005, victoire qualifiée de « victoire en démocratie ". La partie exclue du pays qui n'avait jamais été prise en compte a montré qu'elle était largement majoritaire. Le MAS l'a emporté avec la majorité absolue des suffrages et est doté d'une légitimité sociale incontestable. En Bolivie est née une nouvelle démocratie qui devrait se consolider définitivement au cours de l'Assemblée Constituante, héritière des mouvements sociaux. La légitimité sociale est conditionnée par l'exigence de souveraineté nationale sur toutes les ressources naturelles et la pleine intégration des populations indigènes au sein du système politique national. (1)- «Eljuguete Rabioso" est un journal indépendant diffusé tous les 15 jours en Bolivie depuis février 2000. Sa naissance a coi17cidé avec les grandes luttes sociales qui ont conduit au changement historique que connaît la Bolivie actuellement. Diffusé à 10 000 exemplaires en Bolivie, il a été l'un des seuls journaux à ouvrir ses pages à ces luttes et a joué un rôle important dans la campagne qui a amené Evo Moralès à la Présidence. Une édition internationale a été lancée en 2004. «Le jouet Enragé" est la version en langue française (contact: info@lejouetenrage. com; tél. : 0633149603). « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 19 Dossier Edito International Dossier Immigration Discrimination · Education Kiosque •• réveil Benito Pérez. jou rna 1is te de « Le Cou rrier », Genève Un ambassadeur du peuple kichwa parcourt /'Europe pour alerter contre les méfaits de la course au pétrole. Pour les indigènes d'Amazonie comme pour tous les peuples ... Trente ans que leur cri est étouffé. Qu'ils sont devenus des gêneurs sur leurs propres terres. Trente ans que les compagnies pétrolières ont fait leur l'Amazonie équatorienne, semant la violence et la maladie dans le sillage des puits et des oléoducs. Bien que le scandale se soit quelque peu ébruité, les Kichwas amazoniens - qui peuplent ces forêts depuis des millénaires - savent qu'ils sont un peuple en sursis. Que leur survie dépendra avant tout de la solidarité des hommes. «Je suis venu pour que les Blancs prennent conscience des méfaits causés par leur mode de vie. Que de vouloir consommer toujours plus d'énergie non renouvelables nous mène tous vers des guerres sans fin », explique Fredy Alvarado, le jeune coordinateur du Réseau des communautés kichwas de l'Amazonie. Il parcourt l'Europe pour alerter et sensibiliser les populations du Nord aux dangers qui menacent les Amérindiens. « Qu'on ne commette plus de génocide au nom du développement ! ». Déjà, d'autres communautés ethniques voisines des Kichwas ont disparu ou ont été décimées par la pollution, les maladies ou les violences. B. Perez : « Quel est le prindpal danger qui menace les Kichwas ? » Fredv Alvarado: L'exploitation pétrolière est un des problèmes les plus importants en Amazonie équatorienne. Le gouvernement tente actuellement de développer ce secteur pour attirer des entreprises multinationales afin qu'elles investissent dans la recherche de nouveaux gisements. Pourtant, cette industrie a déjà de multiples conséquences néfastes. Par exemple, au niveau sanitaire, les régions touchées ont vu les taux de cancers augmenter fortement, notamment chez les femmes. On a beaucoup de cas d'avortements, de malformations. De nombreux paysans ont dû quitter leur terres devenues impropres à l'agriculture après des déversements. En Amazonie, la plupart des gens dépendent directement des ressources naturelles, de l'eau, des forêts , des poissons. Or l'industrie pétrolière entraîne des abattages massifs d'arbres et ses rejets empoisonnent toute la chaîne alimentaire. Son arrivée dans le nord de l'Amazonie a même fait disparaître un peuple indigène, les Tetetes. Ils étaient un petit groupe de 300, il n'yen a plus aucun aujourd'hui. D'autre sont menacés. Les Secoyas, qui étaient 1 500, ne sont plus que 650. Les Cofâns sont passé de 15 000 à quelques centaines ... Nous pensons que les Kichwas d'Amazonie sont aussi en diminution, mais le gouvernement ne fait pas de vrai recensement. Il n'en a pas intérêt! Outre les atteintes à la santé et à l'environnement, il faut signaler que, là où elles s'implantent, les sociétés pétrolières nuisent à l'économie traditionnelle. Elles offrent du travail avec des contrats temporaires de trois mois. Certains paysans délaissent alors leurs activités agricoles, vendent leurs terres - souvent aux multinationales - et deviennent dépendants des entreprises. Beaucoup quittent la région et finissent dans les rues des grandes villes. Dans l'autre sens, le pétrole a amené en Amazonie certains fléaux comme la prostitution, la délinquance, la violence. B. Perez : « Mais le pétrole est aussi une source de revenu, il est vu par beaucoup comme un moyen de développer ce pays pauvre qu'est l'Equateur. .. » Fredv Alvarado : On essaie de nous faire croire que le développement de l'Equateur dépend du pétrole. C'est faux. Son exploitation rapporte surtout aux entreprises. Celles-ci signent un contrat avec l'Etat, afin d'obtenir une concession pour explorer le sous-sol. En contrepartie, elles versent des redevances. Mais les sommes sont minimes : l'Etat ne touche qu'entre 2 % et 20 % des revenus, le reste allant aux transnationales ! L'arrivée des entreprises pétrolières a surtout coûté très cher au pays. L'Etat a dû s'engager à construire des infrastructures comme l'OCP (oléoduc pétrolier de 500 kilomètres mis en service en 2003, ndrl) , des stations de stockage, des raffineries ... Tout cela a fait tripler la dette extérieure nationale, dont le remboursement coûte chaque année la moitié du budget de l'Etat. Bien plus que ne rapporte le pétrole! Et des études montrent qu'en Amazonie équatorienne, il y a tout au plus pour dix ou quinze ans de réserves pétrolières ... Sans compter que nous devenons toujours plus dépendants des ressources naturelles que nous pouvons offrir aux pays développés. Il faut que l'Equateur revienne à la raison, il ne sera jamais le Venezuela, il n'a pas le potentiel pour être un exportateur de pétrole. B. Perez : « Concrètement, que revendiquez-vous? » FredV Alvarado: D'abord la reconnaissance des violations des droits humains commises avec complicité du gouvernement. Ces faits sont très graves. Nous demandons simplement: pourquoi des populations sont empoisonnées à leur insu? Pourquoi elles n'obtiennent jamais réparation? Nous exigeons aussi un moratoire sur tout nouveau forage dans les zones encore préservées, afin de nous permettre a Edito ! International Dossier Immigration ! Discrimination 1 Education ; Kiosque d'explorer de nouvelles pistes de développement pour nos communautés. Nous demandons qu'avant la mise en place d'un projet de développement économique, les communautés soient informées et consultées, comme le prévoit la constitution équatorienne et la Convention 169 de l'OIT (Organisation internationale du travail, ndlr), qu'elles puissent décider en toute connaissance de cause de leur avenir. Aujourd'hui, le gouvernement signe un contrat avec une société pétrolière, puis nous « consulte " ... B. Perez : « Quel développement alternatif voyez-vous pour le pays? » Fredv Alvarado: L'Equateur doit redécouvrir sa vrai richesse, l'agriculture. Nous pouvons redevenir un grand pays exportateur de café, de bananes, etc. Encore faut-il que cela se fasse dans le respect de la nature, sans OGM, avec des énergies renouvelables. Notre environnement est fragile, La forêt humide amazonienne ne se régénère pas facilement. La couche d'humus étant très mince, l'exploitation agricole doit être sous contrôle. La biodiversité et les connaissances ancestrales des indigènes représentent aussi une grande richesse. Et puis, il yale tourisme. La zone amazonienne possède un grand potentiel. Notre réseau Recoka est né pour l'explorer et développer ces alternatives à l'exploitation pétrolière. Pour cela, nous défendons la mise sur pied de « zones intangibles " ou « territoires ancestraux ". Ils ne bénéficieraient pas qu'aux indigènes mais aussi aux autres populations d'Equateur, d'un point de vue économique d'abord, et plus largement sur le plan écologique. Car de l'avenir de l'Amazonie dépend la capacité des hommes à contrôler les changements climatiques. B. Perez: « Que faut-il pour réussir ce développement respectueux des peuples et de la nature? Une volonté politique? » Fredv Alvarado: Oui, mais aussi une conscience populaire, planétaire, pas seulement en Amérique. L'arrêt de la déforestation, de la pollution, du saccage des ressources naturelles est à ce prix. Aujourd'hui, c'est la lutte sans fin pour contrôler le pétrole, pour obtenir plus d'énergie. Et comme le pétrole est non renouvelable, on va vers toujours plus de guerres. On doit réagir maintenant.

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Avec l'aimable autorisation de reproduction de RISAL (Réseau d'Information et de Solidarité avec l'Amérique Latine) : http://risal.collectifs. net Arturo Cano. Tania Molina. journalistes Sur la scène nationale, les sans papiers qui meurent à la frontière font partie de la rubrique « faits divers Il. Dans le débat sur les migrations, ils ne sont que des numéros. Mais derrière chaque chiffre, il y a un nom, un visage, une histoire, qui prouve que la faim est toujours plus forte que la peur et qu'aucune politique de sécurité frontalière - aussi inefficace qu'hypocrite - ne pourra contenir le flux de migrants. Le premier de la liste, Victor Nicolâs Sânchez, est mort noyé dans le fleuve Tijuana, le 21 janvier 1995. Il avait 30 ans et venait de Oaxaca. En 10 ans, 3 000 personnes sont mortes en tentant de rentrer sans papier aux Etats-Unis, refoulées dans les endroits de passage les plus dangereux par Guardiân et ses équivalents en Arizona et au Texas. Ces victimes sont la conséquence de la politique de sécurité frontalière nord-américaine qui a débuté le 1er octobre 1994 sous le nom d'Opération Guardiân. Le nombre de morts augmente chaque année. Une liste des victimes depuis 1996 a été élaborée par le projet frontalier de la California Rural Legal Assistance Foundation (CRLAF) sur base d'informations du secrétariat aux Relations exté, rieures. Elle est incomplète car 1/3 des victimes n'ont jamais été identifiées et ont fini dans les fosses communes des pays voisins. L'existence seule de cette liste est une honte pour le Mexique. Personne ne devrait mourir pour avoir cherché une vie meilleure. Qui étaient-ils ? Quels étaient leurs rêves? Ils sont morts déshydratés, mordus par des animaux, noyés ... Mais ils sont aussi morts parce qu'ils voulaient du travail, que leurs enfants aillent à l'uni- «Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 21 22 Edito ' International ' Dossier 1 Immigration ' Discrimination Education : Kiosque versité, pour avoir une maison. Ils ne sont que des chiffres à l'heure du bilan. Mais ils avaient un nom et un prénom, une histoire et des rêves. Et ils ont laissé des veufs et des veuves ou des orphelins. Ils sont aussi une minorité puisque certains calculent que pour chaque mort à la frontière, 800 personnes arrivent à passer. Guardian a débuté comme un périmètre entouré d'une triple barrière avec des lampes très puissantes, un équipement de surveillance 24 heures sur 24 sur la ligne TijuanaSan Diego. Avec les années, il s'est étendu à toute la frontière et son Il budget n'a cessé d'augmenter tout comme les technologies utilisées et le nombre d'agents. Les coupables, selon les gouvernements des deux pays, sont les maffias de trafiquants d'êtres humains. C'est un fait, les histoires d'abus et de cruauté des polleros (les passeurs N.d.T.) sont innombrables. Mais les trafiquants bénéficient également du fait que les agents de la Patrouille frontalière surveillent et bloquent les entrées près des villes et obligent les migrants à chercher un passage par les déserts ou les montagnes, par les endroits les plus dangereux. Les coupables se sont avant tout ceux qui maintiennent la majeure partie des peuples de notre planète dans un état de pauvreté extrême et les inégalités insupportables qui font que 20 % de la population mondiale se partagent 80 % des richesses. Lors de la tragédie de Yuma, le représentant républicain d'Arizona, Bob Stump a déclaré : «Je suis plus intéressé à tenter de les freiner (les migrants) qu'à essayer de les aider ;je ne voudrais pas paraître inhumain mais il y aura simplement plus de passages s'il y a moins de danger ». Il faut donc les jeter aux lions pour qu'ils n'osent plus s'inviter au banquet. aca Il luis Hernandez Navarror journaliste mexicain 1/ ya des luttes sociales qui préfigurent des conflits de plus grande envergure. El/es sont un signal d'alarme qui donne l'alerte sur de graves problèmes politiques sans solution dans un pays. La mobilisation enseignante-populaire qui, depuis le 22 mai, secoue Oaxaca est une expression de ce genre de protestations. Elle a mis en lumière l'épuisement d'un Dernière minule modèle de gouvernement, la crise de relation existant entre la classe politique et la société, et la voie que le mécontentement populaire peut suivre dans un futur proche dans tout le pays. La protestation a commencé comme expression de la lutte des enseignants de cet Etat pour l'obtention d'une revendication: l'augmentation de salaire par la voie de l'ajustement sur le coût de la vie. Mais la tentative du gouvernement de l'Etat de Oaxaca d'en finir avec le mouvement en utilisant la répression sauvage le 14 juin (la police attaque les manifestants faisant 2 morts et une centaine de blessés) a radicalisé Des familles des personnes arrêtées ou disparues ont demandé à Louise Arbour, Haut-Commissaire d~s Nations unies en matière des droits de l'homme, d'envoyer dans cet Etat des rapporteurs afin d'y constater « les violations des libertés fondamentales» commises par le gouvemement mexi· cain après plus de six mois de troubles dans la ville d'Oaxaca. De nombreux rassemblements et manifestations ont eu lieu en France et dans le monde. Le MRAP s'est joint au comité de solidarité; il demande la fin de la répression, la libération des prisonniers, la vérité sur le sort des disparus. l'ELZN a lancé un appel pour une journée internationale de solidarité le 22 décembre, jour anniversaire du massacre perpétré en 1998 à Acteal contre les indigènes du Chiapas. Une Commission civile internationale d'observation pour les droits humains (CCIODH) doit se rendre à Oaxaca prochainement. Le MRAP soutient ses deux initiatives et s'est adressé à Madame Louise Harbour (La commission Amérique Latine du MRAP). les enseignants qui, dès lors, ont exigé la destitution du gouverneur de l'Etat. La revendication a trouvé rapidement un écho dans une très large partie de la société oaxaquefia qui s'y est ralliée. Offensés tant par la fraude électorale par laquelle Ulises Ruiz est devenu gouverneur que par la violence gouvernementale contre une multitude d'organisations, des centaines de milliers de oaxaquefios ont" pris" la rue et plus de 30 mairies. Près de 350 organisations, communautés indigènes, syndicats et associations civiles ont formé l'Assemblée Populaire du Peuple de Oaxaca (APPO). Les protestations ont coïncidé avec les élections fédérales (le 2 juillet 2006). Après avoir laissé entendre qu'ils allaient boycotter ces dernières, l'APPO décida de soutenir le vote de sanction contre le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRO et le Parti d'Action Nationale (PAN). Le 02 juillet ils ont administré à ces deux-ci une sévère raclée. La coalition « Pour le bien de Tous» obtint 9 des Il députés et les deux sièges de sénateurs en jeu. Depuis lors, une très large part de la société ne reconnaît pas Ulises Ruiz comme gouverneur de l'Etat. Le 11 juin, l'APPO a Le 1er octobre, on fêtait les 10 ans du lancement de l'opération Guardian à San Diego. A Tijuana, des centaines de personnes se sont réunies lors d'une marche qui allait de la plage - là où commence la barrière du Pacifique - jusqu'à l'aéroport, à 12 kilomètres de là. Ils portaient un cercueil recouvert de 3 000 actes de décès symboliques. Source: La j01'nada - RISAL (Réseau d'informations et de Solidarité avec l'Amérique Latine): http://risal.collectifs. net. Traduction: Anne Vereechen. entamé, avec succès, une campagne de désobéissance civile et pacifique par laquelle elle a cherché à rendre manifeste l'ingouvernabilité et l'absence d'autorité dans l'Etat. Le mouvement a assumé le contrôle politique de la ville de Oaxaca. Pour essayer de pallier la crise, Ulises Ruiz a changé plusieurs fonctionnaires de son cabinet, dont le secrétaire de Gouvernement, et les a remplacés par des membres des groupes du PR! qu'il avait supplanter du gouvernement de l'Etat. La manoeuvre n'a pas eu plus d'effet. Dans le même sens, dans une action désespérée pour conserver le pouvoir, il a trahi son chef Roberto Madrazo, en proposant lors d'une réunion des gouverneurs du PRI de reconnaître Felipe Calderôn comme vain- « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-février-Mars 2007 queur de la bataille électorale. Le gouvernement fédéral, à court d'alliés pour faire face aux protestations contre la fraude électorale, a répondu en soutenant le gouverneur destitué. La radio universitaire, conduite par le mouvement, s'est transformée en un véritable instrument d'information et de mobilisation sociale. Le mouvement a cessé d'être une lutte traditionnelle de protestation et a commencé à se transformer en un embryon de gouvernement alternatif. Les institutions gouvernementales locales sont toujours de plus en plus des coquilles vides sans autorité, tandis que les assemblées populaires deviennent des instances dont émane un nouveau mandat politique. L'exemple de la " Commune d'Oaxaca " est loin de se circonscrire à sa localité. Edito ! International ' Dossier ' Immigration ! Discrimination i Education : Kiosque Le 27 octobre l'attaque d'hommes de main du gouverneur Ruiz fit 4 morts et plusieurs blessés. Le 29 la police fédérale a enfoncé les barricades ; les manifestants se sont réfugiés à l'Université mais les autorités ont investi les lieux et coupé les transmissions radio. L'état d'exception règne à Oaxaca où le gouverneur continue de commettre de graves violations des droits de l'Homme : assassinats, arrestations arbitraires (plus de 300 détenus dont 35 femmes transférés vers les prisons de haute sécurité du nord du Mexique), tortures, disparitions (une centaine). Cette situation a ému tout le pays et de nombreuses manifestations de soutien se sont déroulées notamment à Mexico. Au Chiapas, les Zapatistes ont appelé à bloquer les route ; une « caravane pour la paix et la solidarité des peuples du Chiapas avec les peuples d'Oaxaca» est partie le 9 novembre. Les Il et 12 novembre, l'APPO a élu une direction permanente. Le 1er décembre, 5 000 membres du Syndicat national des travailleurs de l'éducation (SNTE) et des membres de l'APPO « ont brisé la crainte d'être arrêtés et ont infligé une défaite à l'encerclement policier qui s'était développé les jours précédents et qui visait à mettre fin au mouvement social de protestation », pour reprendre la déclaration du porte-parole de l'assemblée Florentino Lopez ; mais la répression s'est transformée en une véritable traque de tous les militants. Source: Lajornada (www.jornada. unam.mx), Traduction: Cathie Duval, pour le RISAL, Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique latine . (www.risal.collectis.net). Manifestation à Paris le 20 novembre 2006. D ifférences ~ Janvier 1 }OUItDl!L'AN 12 S' l_ 1 3S"~ 4 S'Odilon 5 y l'.dow<<l fi' Mct.ine ) 7 ~oir>h>njc 8 S' Lu";.", 1 9 9' Allx 1 10 S'Gu,Ia""", 11 S'l'>ulitl 12 "..,......,. 13 9""" .... '" )14 S"NiN. , 15 S'Rémi f 16 iHbrccl f 17 S"Roodino 18 $""""",, 19 Hloriuo 20 s~ .. i<fI ) 21 S":\gI"? , 22 S Voocc'nO 1 23 S' Ilomaro 124 S'fr.rnçoilld<Sok> 25 Conv. S'l\oul 26 S· P,nu< 27 S" An!o'lo ) 28 S'_'d'Aguitl . 29 S'Gilcb. f 30 S" t.U.t ... t 31 S"M=.oIl< , , • , • , • , Février L! v 2 53 D4 L 5 MG M 7 .~ -S'1lIo'" S"vétoftlqo< S"Asa,t.. ,'~ il ' E~"u"#"ni~ , 8 S" J><quo::Iin< V 9 fi' A(»IIino S 10 S'"","w D Il N.-O,<I< l.ooI<.b L 12 S'R!iJ< M 13 !1" __ M 14 S'YoIcOOn 15 S'Claude: V 16 S"JoI_ S 17 S'AIc:." o 18 S" &erno<.I<t<c L 19 S'GIWn M20 _ ....... M2 1 S'~ 22 S" i>oIJdIe V 23 S'~ .. '" s 24 S'_ D25 ,,_ L 26 S'Ne!«< M 27 r.-......-..., M 28 S'JlunWn • , , , • , • , -.zooeiE...l , c...... o.nnun. .......... ü...-. 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D ifférences ~ Juillet o 1 S'Thielt}' L 2 S' ManW<n :/7 M 3 S' Thom>o .M 4 ~ f'l<ltm! r 5 ~ Ar<oin< V 6 r.-Mariotlo: S 7 s' l(oOul Il D 8 SThihaul L 9 s- hlnan<Iine 1/1 M 10 S'undi 1\1 Il S'_ 12 ~O!i""'" V 13 S" H«WI,jdi S 14 fITENATIO:ow..E • o 15 S' Donald L 16 N . .!), du MI.carmol 79 M 17 S"o.._ M 18 H<tUtric 19 S'AI>im< V20 s-Mariru. S 21 S'VICI"," o 22 '" M.rie-M, .. ddcir>< .;. L23 s-11tifitte 30 M 24 S-CIWtine M 25 ~ J>«jUC> r 2 6 S" Anne, }oodIirn V 27 .... ~· .. ho'"' 5 28 s' s..m,.,.. D 29 S· ~brth< L 30 S· Juli<tte 3/ ~ M 31 S'lgnooe<le1.. Août M l , 2 S" JuIi<n, Eymard V 3 S"Lydie 54 S' J.", V<tnncy D 5 S'Abel l L 6 Traruf~ .J2 M 7 S'Go&n M 8 S'Oomini 9 ,_ V 10 S'La ......... S Il s- Ch;re D 12 S"urn_ _1 L 13 S' "'PP"T< 33 M 14 S'1'vnnl M 15 .',SSOMPTlO)oI 16 S'Armel V 1 7 S' Il)"O<Whe S 18 s-_ D 19 S'J..".Eu<Jeo L 20 S' Benutd 34 ) M 21 S' M22 S'_ 23 S-_<Idk". V 24 S'~ 5 25 S' loub D 26 S"N>Udu L 27 S" Mo<\iqu< .15 M 28 S'~in Gb M 29 S"Sobirx r 30 S'"' V 31 S'Ariobd< Septembre S l ,- Il ~ ; ~;:.. J6 M 4 S"Roooli< Il M 5 S"110"" 1 D S'_ v 7 S"-'" S 8 N .. ivit<!N,·D. o 9 S' ....... L IO S"IDèf 37 M Il S' A<Io:Iph< • M 12 S' ApoIbnù< r 13 S'Aimé V 1 4 1os.~ S 15 S' KoIan<l 016 S"F.dith L 17 S' ...... <><I .J8 M 1 8 S"N~ M 19 S' fsnili< ) J 20 S'o.>')" V 2 1 S' -'illlII;ou S 22 S' Maurie<" ïf23 .wro .... NE L 24 S" Thki< 39 M 25 S' Iicrmonn M 26 S"CIm:. o.mien ~ 1 27 S' Vo><rot do Paul V28 S'~ S 29 S' Mille! o 30 S' Ji'rOme --.I._~ ,," ............. '_.-."' .. "' .... 1" juillet 1972 : Adoption de la loi 72-546 relative à la lutte contre le racisme Celle-ci fait de l'expression du racisme non plus une simp le opinion mais bien un délit Vous présentent leurs meiUeurs voeux pour2001 8 mai 1945 : Victoire contre le nazisme Avril Mal Juin D 1 lI.>m<> .. L 2 S"_ 14 ~ M 3 S'-.w M 4 S'~ 5 S" Iotno: V 6 S'Ma<Cdlin 5 7 S'~II>~dobS<l1e o 8 PÀQt1ES L 9 S' GlOIh.... 1'1 M 10 S' l'uI>.>I Il M 11 S'_ J 12 S')uIr< M 1 ftrEWTIlAVAlL V 1 S' J..un M 2 S'Bo<is ~ S 2 S"Bb t>dine l 3 'il' Philipp<. J>«jUC> V 4 S'S)1rtin L 4 S"00Iil<I0: S 5 S"J..dà11 M 5 S'1p' D 6 S" f'l'ud<noe M 6 S' r;oo ..... L 7 S"GioM< 19 J 7 S'GIh« M 8 VJCTOllU! 19O5 V 8 S' MMatd M 9 S' Pocoe>o S 9 S" Di>n< l 10 S"SoIulft< « 0 10 S'UMy V ll S""-'<eIIe 5 1 2 S'AdilIe M 1 2 S'GlJy ~ rmDES MDoeS " , V 13 S"kll D 13 S" Roland< M 13 Hrlli,.>< d< ~ 5 14 S' Maxin>o: L 14 S' MantU>$ 20 1 14 S' Eliot<- D 15 S'P;tcn>< M 15 .S"l.>enitc V 15 S"Genn>in< _ L 16 S' I:le ••o ll-' " M 16 S' IlOnOrt • 5 16 H·F Rq, .. M 17 S"'"' M 18 S'P>rl" ... • J 17 ASOENSION D 17 s' 11=,. ftrE DES PtuS 19 S" l'mm>. v 20 S"C><leoe 5 2 1 S'~ D 22 S' ""=r><Jrc L 23 S'~ M24 S'f"".dèIe M 25 S'Mo", J 26 '1".-JO;b V 27 S"Zito 5 28 S" Yol&.e D 29 S"CaIh. <Ie_ L 30 S'* " " , v 18 S'Et!< 5 19 S'v. .... D 20 S' 6cm>r<bn L 21 S'Ooootmtin M 22 ,~Emio: M23 S'~ J 24 S' Don>t>ett V 25 .S" So[<IIe S 26 "'1Ién_~ o 27 Pflo."TECÛTE L 28 S' Germain M 29 S'Aymar M30S'_ 1 , 1 \".-;.", " , II L 18 ~ lhn.'c M 19 ~ lIom<Iald M 20 S' Silvm l 2 1 Ltrll v 22 S' Albon 5 23 S"A<Xky D 24 ~ }ean.Ba)Xi><e L 25 ~I'roof><:r M 26 ~AWdrne M 27 s' f<rn>nd r 28 S'1_ v 29 S' Pie!r<, Paul S 30 "'M>~ .. l Vous présentent leurs meilleurs voeux pour2001 " " 10 d écembre: Journée des Droits de l'Homme Proclamée en 1950, cette journée commémore l'adoption de la déclaration universelle des Droits de l'Homme (948) Octobre Novembre Décembre L 1 M 2 M 3 n V 5 56 D 7 L 8 M 9 S"~dorE. -). ,"'" ,~ .S'~ d'_ ,- "-"" S"~ ,- M 10 S' GhioIaIn J Ihl'innin. v 12 S'W>Il'rId 5 13 S'G&o<><l D 14 S'}u>« L 15 S"~d" ....... M 16 S"f.m.ilI< M 17 S'Ro..x...in , 18 S'!.uc v 19 S'Reno' S 2 0 S" A<Ieline o 21 S"CéIine L 22 S"f..k>;l;c M 23 S'J<andoCapioln.n M 24 S' l'IoA."OOn .J 25 S' C«pin V 2 D S'!>mm S 27 S" F.met;ne 028 S"SIn>on.Jude L 2 9 S' N.",,M 30 9l1«n""", M3 1 S'~ w , " • " , ., ~ « 1 TOI.IW.lNf '11 V 2 l~ S 3 S' lIoftrt D '1 S'o..rb L 5 S"~ 4$ M 6 S"1lc<Iil1e M 7 S"c.m.: J 8 S Gc<>Ifroy V 9 S lU<><Io<e • S IO slA>n D I l .... snce 1916 L 12 SOviot"", 46 M 13 S'BoU M 14 S'_ l 15 S'Albert v 16 S"lob'll"'-rto S 17 S"El"'b.:th ) D 1 8 S"""",, L 19 S'T"'S"y 41 M20 S'~ M 2 1 Pn'$. t.Ut>< 1 22 S- Ucile v 23 S'OI"", ... S 24 S"fhe Gb D 2 5 S"~ ~ L 26 S" Driphine 48 M 27 S'stvem M 28 9~ do" .... <Çbc J 29 S'5o[""';" v 30 S'_ S 1 S"~ D 2 S"V""'"" L 3 S' f .. ..."...x""..". M 4 S" Ro.bar> M 5 S'GMId r 6 S' Nk'ola. V7 S'~ S 8 lmrnac,~;oo D 9 S'r Fooricl L 10 S' lIomatic M Il S'o.nicl M 12 '1" J.· f. <leOwul r 13 S"Luci< V 14 S"0diI< 5 15 S"N"""", îfI6" S- lÙl<."< L 17 S'~ M 18 S'Gltip/W< V 21 S' l'Xm: Q.niWs S 22 HI"1Jl D 23 S'.'ont'Und L 24 S"Mde M25 NOI'J. M 26 S' llienne 27 S' 1<= 1''"8 v 28 S" lrw>ooeOO 5 29 S'u.vi<l 030 "R, L 31 S'SyI"""", ., '" " " . 1 , , • , • , Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Mumia Abu-Jamal Il Y a quelques semaines, un long et poussiéreux cortège constitué de milliers de personnes ondula de la ville méridionale d'Oaxaca vers la capitale Mexico, parcourant une distance de 800 kilomètres, pour soutenir la démocratie et exiger la démission du gouverneur qui s'est emparé du pouvoir grâce il une élection profondément corrompue. Les marcheurs, une mult itude bariolée de professeurs, étudiants, paysans, commerçants et autres, avancèrent sur ce chemin tortueux, à travers les montagnes et les vallées, affrontant des pluies battantes, une chaleur torride et un froid glacial, marchant ainsi pendant 19 joulS!XlUr apporter leurs doléances au siège du gouvernement. Le groupe, autoproclamé Assemblée Populaire des Peuples d'Oaxaca (ou APPO, acronyme espagnol pour Asamblea Popular de los Pueblos de Oaxaca), a secoué tout le Mexique de par son obstination inflexible à revendiquer que les élections soient vraiment justes et exemptes de corruption, et que la volonté du Peuple soit respectée. J'ai lu ce qui se passait à Oaxaca pendant plusieurs semaines, et à chaque fois que je lisais quelque chose là-dessus, je pensais aux Américains, qui ont tranquillement accepté les élections corrompues de 2000, et de 2004, comme des agneaux qu 'on aurait mené à l'abanoir. Car les élections volées de 2000 en Floride, puis de 2004 dans l'Ohio, ont causé des dommages sans précédent à la notion même de démocratie, brisant la foi de millions de personnes dans le processus électoral. Le peuple d'Oaxaca, bmvant non seulement les éléments naturels mais aussi politiques, jusqu'au terrorisme des instruments de l'Etat (violence de la police et de l'année), a prouvé par sa marche et ses protestations que la vf3ie démocratie revêt une importance immense pour le peuple. L'APPO, qui a insumé la résistance dans tout Mexico et dans d'autres parties du pays, a engendré une crise politique de la nation en revendiquant avec ferveur la destitution du gouverneur d'Oaxaca, Ulises Ruiz, et la restauration de la démocratie. La crise résulte du fait que plusieurs des partiS politiques du pays font tOUI leur possible pour faire taire, dévier ou intimider le peuple; car sïl sort viaorieux (ils le craignent), il y aura deux, trois, une douzaine d'Oaxaca à travers tout le pays. Oaxaca, bien qu'étant l'Etat le plus pauvre du Mexique et l'un de ceux ayant la plus grande proportion de population indigène, inspire des gens bien au-delà des limites du Sud mexicain. La résistance d'QaxaC"d est née de la répression, quand le gouverneur Ruiz ordonna à la police de donner l'assaut contre le piquet de grève du syndicat des professeurs d'Oaxaca en juin. Les professeurs battirent en retraite et, au bout de quelques jours, plus de 300 000 personnes participèrent à une marche pour soutenir le syndicat. De ce soutien large et massif naquit l'APPO, l'Assemblée Populaire. La crise continue que tf3verse le Mexique pourrait !XlUsser les forees sociales à se joindre aux expériences radicales de l'APPO, ou pourrait laisser la porte ouverte à la terreur menaçante des. instruments de l'Etat ". Pour être clair, ce qui a commencé dans la répression pourrait bien sc terminer dans encore plus de répression; mais cela ne se produira pas, quand bien même cela ne signifierait pas pour autant la fin. Car les forces issues de l'APPQ ne sont encore qu'un frémissement, prêt à jaillir dans un autre Ew, où les travailleurs et les pauvres luttent pour résister aux forces féroces de la globalisation. Quand les pauvres sont maltraités, quand les travailleurs sont mal payés, les conditions de la résistance existent d'ores et déjà. Et tandis que la tentation de l'Etat d'utiliser ses instruments . brutaux • grandit, il est très probable que l'étinceUe de la résisL1nce se maintienne et s'attise. Oaxaca ouvre la voie, et les exemples de résistance populaire indigène au Mexique, <."Omme l'AJlPO et les zapatistes, ainsi que diverses luttes dans toute ['Amérique latine, l'ouvrent aussi. Le peuple d"Oaxaca doit être soutenu, pas seulement par les paroles mais aussi par l'organisation de mobilisations similaires contre des élections irrégulières et corrompues, par tous les peuples du monde. Et cela devrait commencer aux Etats-Unis. Depuis le cOllloir de la II/ort, MflmiaAbu:}t11l1al. • Différences. - Mouvement romre le racisme et pour !"amitié entre les peuples - n° 261 - Janvier-f évrier-Mars 2007

Notes

<references />

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