Différences n°137 - janvier 1993

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Sommaire du numéro

n°137 de janvier 1993

  • Edito: 6 février, notre réponse par Mouloud Aounit
  • Race et civilisation: aux sources du racisme et de l'antiracisme par Claude Lauziu
  • Skinheads: bras armé de l'extrême-droite par I. Avran
  • Crimes contre l'humanité: Touvier condamnable.
  • Dans le viseur du F.B.I. (Léonard Peltier) par I. Avran
  • Comités locaux: le comité de Menton
  • Rencontres internationales à Nuremberg et Berlin par J.J. Kirkyacharian
  • Documents du MRAP: base de formation (suite)
    • Le racisme en 1992
    • L'antiracisme et l'Europe en 1993
  • On ne peut pas couper la terre en deux comme un pamplemousse interview de Susan George par I. Avran (dette du Tiers-monde, l'effet boomerang)

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JANV IER En 1 T 0 61·'ÉVRIER: NOTRE RtPONSE 1930. Après d'autres pa)'$, la crise économique touche en profoodeur la France. L'incapacité des hommes politiques d'apporter des solutions efficaces aux problèmes sociaux facilite la pousséede l'extrême-droiteavecdestendanoes fascisantes. Le6 février 1934, )'extrême- iroite 1anoe une manifestation vers le PalaÎS Bourbon qui se solde par des affrontemeolS violents avec la police. Derrière celle date, se protiJe J'ombre d'Hitler, de Mussolini. La mobilisation des antifascistes aboutit au Front Populaire. L'Histoire ft une vertu pédagogique essentielle: eUe nous éclaire sur les processus qui jettent les individus dans la voiture-balai conduite par des dictateun, charriant dans ses fKmbel1es ['exclusion, les frustrnlions, lesabandons, la mal-vie. Les avanoees du racisme se fondent sur les reculs, les démissions, J'absence de réponses aux problèmes!.X.l!lCrt:lSvécus par le plus grand nombreetsur la mollesse. la faiblesse, la rriloeité de nos démocraties 11 dtrcndrectà promouvoir dans Iequotidicn les valeursd'égalité, de juslÏoe, de fraternité qui les fondenL 1934-1992. Les symptOmes sont les mêmes. L'engrais qui fertilise le terrain où poussenlles mauvaises herbes est semé par le chOmage, le manque de \ogcments, l'absence de pcrspectives.ta pene de repères. la marginalisation de ~. On ne lUIte pas contre le Sida avec une seringue infectée. Les méWtases de ce cancer détruisent lesoonsciences, infectent nos valeurs. se propagcnt el s'expriment partout. Elles sécrètenlle nationalisme et le retour 11 l'idéologie de la "purification cthnique". Contrarier ledéveloppementde ce racisme banalisé,de massc, nécessite un traitement 11 la hauteurde l'enjeu queoecombat représente pour JKlIl dém .x:rntK:s. Ce sont d'autres logiques. d'autres actes, d'autres choix politiques. d'autres perspcçtives pennellant de répondre aux aspirations du plus grand JJ(XJIbre en Fraooe, en Europe el dans le monde qui s' imposenl Agir effJCaoemenl contre le racisme: - n.Xessite d'~lre fenne contre tOUles les manifestations. expressions, comportements qui favorisent le racisme ou prétendcntle légitimer - appelle 11 une mobilisation effective contre toutes les logiques et attitudes qui musenent le droil d'asile,légalisent la pratique de la double peine, verrouillent le droit de vivre en famille - passe par des solutions politiques et non seulement humanitaires aux problèmes du sous-développement, dont l'aoo. Iition de la dette CSllIDe étape indispensable, vitale - passe aussi par la ~ et la réalisation c:oncrète d'une citoyenneté réelle pour tous (droil au logement, droit 11 l'éducation, droit li l'emploi. .. ), une citoyenneté ouverte el partagée qui passe inexorablement par Iedroit de VOIe des immigrés. Rien n'est acquis pourtoujours. Tout seconquîcn. L'histoire des luttes illustre li quel point faire reculer le racisme passe par vous. par nous, par le je pluriel, rassemblant dans une unité sans exclusive tous ceux qui refusent le racisme comme fatalité et l'exclusion comme processus irrémédiable. ll s'agit de faire converger lesaspirations des hommes et des femmes qui souhaitent voir s'ériger un nouvel ordre éo::momique mondial basé sur le droit et l'amitié entre les peuples. de mobiliser les énergies pour que Iriomphe une citoyenneté réelle et partagée par tous. Cest le sens que le M RAP entend donner 11 la manifestation du 6 février 11}}3 11 Paris. Mouloud AOUNTT 1993 N o 137 10 F Race et civilisation AUX SOURCES DU RACISME ETDE L'ANTIRACISME Purification ethnique. mouvements xénophobes contre les immigrés et les demandeUB d'asile, renaissance de l'extréme droileel,en miroir, sur la rive sud de la Méditerranée, progession de l"intégrisme : les fermetures et les chocs d'identités sont, assu rément, l'une des tendances de notre époque. On a même parlé. li l'occasion duconnit du Golfe, de guerre des cultures, un eamp se réclamant du Djihad, de la Nation Arabe, l'autre de la défense de la civilisation contre la barbarie. Alain Joxe vient d'analyser, dans un récent ouvrage, les facteurs de fUlures affrontements nord·sud. entre Etats Unis et Etats du tiers-monde1• Ces facteurs sont bien sOr économiques, géopolitiques et stratégiques. Mais ils sont aussi culturels, ils résident aussi dans les représentations réciproques des sociétés, dans l'image qu 'elles ont d'elles-mêmes et des autres. C'est la constata tion qui est 11 l'origine de l'ouvrage Race el civilisllIion.le but était de décrire ce qu'on peut appeler notre atlas mental, ou notre vision du monde. Dans la façon dont nous nous définissons, dont nous nous dotons d'une identité, les autres sont toujours présents, par opposition

nationaUimmigré, étranger, Occi·

dent/Orient, Asie, civilisé/sauvage. Cela est vrai de toute collectivité humaine. La Chine, Empire du Milieu, s'était placée au coeur du monde ct cultivait le mépris envers les barbares. De même les Grecs,le monde musulman.. Il est certain également que les sociétés qui étaient ouvertes 11 la pénétration de l·étranger. telles les sociétés indiennes du "Nouveau Monde-, ou polynésiennes, ont payé leur ouverture du prix de la dépendance ou de la destruction. Mais, si la xénophobie, la phobie, la ré pulsion envers cequi est différent sont la chose la mieux partagée, le destin de l'Occident lui confère une place à paf t, et confère à son Atlas mental une importan, ce particulière. Sulltpagt4 su.. .....d eremI.e dSrOoiMIe'M_ A_IR_E ________ 3 o-It"rilnr" fBl .... 5 eo-ité loaI de M..- .... 6 d 7 u~m~ ~8 L'Eooope de m3 _ 9 Dette: re6'fl booaternt leiKOIIIbe avec s..u Georp: _________ paaes Ihl U La réda"tion de Différences vous présente ses ~eilleurs voeux pour 1993 ... \ REPÉRES LA JUSITCE CONFIRME: LE PEN ET LE FN "RACISTES" ET "ANTISÉMITES" A la veille des élections cantonales, Gérard Fumeix écrit dans le bimensuel savoyard Journal:: "en votant pour les candidats du Fn, c'est Le-PenPétain que VOlIS risquez de mettre au pouvoir, et derrière lui, tous les nazillons, les nostalgiques des chambres à gaz, les défenseurs de la race blanche, les chasseurs de juifs et d'Arabes. Ceux-là même qui sous le régime de Vichy (. . .) ont dénoncé d'autres Français à la Gestapo, ont participé à la rafle du Vel d'Hiv, ont contribué à la campagne d'extermination des juifs et des Tziganes ... On ne rigole plus. Les scores électoraux dépassent le seuil de tolérance pour un parti d'obédiance facsiste". Le Pen et le Fn ont porté plainte. Mais n'ont pas mentionné dans les motifs de diffamation ou d'injure le qualificatif de "parti d'obédiance facsiste" ni la mention du régime de Vichy. C'est ce qu'a observé le 4 nov. la cour d'appel de Chambéry, qui note également que cette organisation "n'hésite pas à parler de complot judéo-maçonnique, incitant ainsi à l'antisémitisme" et s'oppose "à toute personne qui n'est pas française par le sang". ANTISÉMITES: Un Soissonnais dont une partie de la famille, juive, a péri dans les camps de concentration nazis, subit depuis plusieurs mois insultes antisémites téléphoniques, et menaces de mort. Le comité local du Mrap a lancé un appel à la vigilance à la population. Un appel de personnalités rappelle notamment: "cette recherche écoeurante de bouc émissaire, juif ou étranger, représente un réel péril pour notre démocratie (. . .) " CONDAMNATION Le meurtrier de Khemissy Karar, tué à 19 ans en octobre 1990 à Neuilly-sur-Marne parce qu'il riait trop fort, un soir, dans sa cité des Fauvettes, a été condamné le 27 nov. à treize ans de prison. AGRESSIONS RACISTES: Deux étudiants et une étudiante de l'Université de Limoges ont été agressés sur le campus par des skinheads munis de couteaux le 20 nov. au soir, "simplement" parce qu'ils sont noirs. Des graffitis racistes se sont multipliés dans la fac dans la dernière période. Plusieurs centaines de Limougeauds se sont rassemblés le 23 à l'appel de nombreuses organisations - dont le Mrap et SOS-racisme qui ont porté plainte- pour protester contre le racisme. Les deux coupables, deux skins de 21 et 19 ans, dont un récidiviste, ont été arrêtés et condamnés. L'un a été membre du Front national des jeunes, l'autre du Pnfe. Dans les publications qu'ils diffusent, l'un d'entre eux demandait des "camps de concentration sociale" pour "les bronzés, les juifs et les cocos". PROFANATIONS DE TOMBES DE MUSULMANS: Cinquante-huit tombes de soldats originaires d'Afrique du nord, musulmans, qui avaient participé à la libération de la France contre le nazisme, ont été profanées dans la nuit des 21 et 22 nov. au cimetière militaire de Mulhouse. Plusieurs ministres, de même que le conseil municipal de Mulhouse, ont condamné cet acte raciste. C'est aussi le cas du Conseil national des Français musulmans, du Recteur de la Mosquée de Paris, du Crif ou de la Licra ... Le Mrap a immédiatement appelé à une manifestation le 25 et porté plainte avec constitution de partie civile. L'UNI ÉTAIT DERRIERE: "La présence excessive d'étrangers extra-européens encrasse nos facultés qui deviennent un véritable dépotoire du TiersMonde. Nous luttons pour des facultés démarxisées et purifiées. Certaines universités sont à la botte des juifs", lisait-on dans un tract diffusé à la faculté de droit de Nancy. Selon les premières enquêtes, ce tract émanerait de l'Uni, dont le Président est un enseignant de Paris-IV. Durant la semaine du 23, deux des coupables ont été arrêtés: un ancien membre du Front national de la jeunesse, un candidat du Fn aux cantonales de 1992. Un autre, membre du bureau politique du Rhône du PR, est recherché. FLAMBÉE SUR LA BANANE: Toute la population de Martinique et de Guadeloupe s'est retrouvée derrière les planteurs 2 CHRONO de bananes, inquiets des conséquences du Marché unique en Europe. Ces derniers mois déjà, ils ont dû faire face à une importante baisse des prix de ce premier produit d'importation. Quatre jours "iles mortes"du 23 au 26 nov. Le 26, Louis Le Pensec, ministre des Dom-Tom annonçait que la France avait demandé à Bruxelles que soit appliquée la clause de sauvegarde prévue par la Convention de Lomé contre les importations de bananes du Cameroun ou de Côte d'Ivoire, ainsi que le traité de Rome qui exclut l'importation puis le transit de ces produits par un autre pays de la Cee. Le ministre a également annoncé une subvention susceptible de combler les préjudices subis par les planteurs. C'est en 1962 que le Général De Gaulle avait institué la règle des quotas pour l'approvisionnement français: deux tiers des Antilles et un tiers des anciennes colonies françaises devenues Etats indépendants. AFRIQUE DU SUD: VERS DES ÉLECTIONS LIBRES? Après l'échec des premiers rounds de négociations, ont commencé le 2 déc. des discussions entre l'Anc et le gouvernement de Prétoria. Selon Nelson Mandela, des élections libres, multiraciales, (revendiquées par l'Anc, qui demande l'élection d'un gouvernement intérimaire d'unité nationale) devraient avoir lieu avant la fin de l'année 1993. Les violences cependant se poursuivent en Afrique du sud, y compris dans les centres de police où de nombreux militants noirs continuent à être victimes de tortures. Un mouvement noir extrêmiste (l'aile militaire du Congrès panafricaniste) a revendiqué le 28 nov. un attentat contre des blancs. L'lnkhata, pour sa part, aidée des forces armées officielles, poursuit sa "guerre" intensive contre les militants de l'Anc. FRANÇOIS MITTERRAND AU PROCHE-ORIENT: Dans une conférence de presse (26 nov.) à l'issue de son second voyage en Israël, F. Mitterrand affirme le droit du peuple palestinien à un Etat, et le fait qu'il n'a "pas aperçu d'autre force que l'OLP pour s'exprimer au nom des Palestiniens". Un fonds de coopération scientifique et industrielle de 100 millions de francs a été créé, financé à part égale par la France et Israël. F. Mitterrand a également rencontré le 26 une délégation palestinienne. La France s'engage à financer une centaine de bourses à des étudiants palestiniens, notamment de futurs cadres administratifs, et une aide au développement de 20 millions de francs. Celui-ci est cependant compromis par l'intégration de l'économie des territoires occupés à celle d'Israël, par la poursuite des confiscations de terres et de la colonisation, par la non maîtrise par les Palestiniens eux-mêmes de leurs ressources (terres et eau) et par les mesures israéliennes de répression collectives telles que les couvre-feux. L'EUROPE DES MARCHANDISES: Réunis à Londres le 30 nov., les Ministres de l'Intérieur des Douze ont décidé que les frontières intérieures de l'Europe ne seraient pas ouvertes comme prévu aux individus le 1er janvier 1993, mais seulement aux capitaux et marchandises, faute de contrôle plus strict encore des frontières extérieures ... C'est à la mi-93 que la libre circulation des personnes s'instaurera à l'intérieur des frontières terrestres de l'Europe de Schengen (les Douze, à l'exception du Danemark, de la Grande-Bretagne et de l'Irlande), puis en décembre pour les frontières aériennes (pour les mêmes sauf la Grèce). Les Douze entendent en revanche adopter une politique plus restrictive encore en matière d'application du Droit d'asile, notamment quant à l'examen au fond des dossiers des demandeurs (demande exclusivement dans un seul des Etats, possibilité d'une procédure expéditive pour les demandes jugées "infondées", définition de "pays sûrs", incitation à l'asile intérieur plutôt qu'extérieur ... ). VANDALISME DANS UNE SYNAGOGUE: Des inscriptions antisémites et une croix gammée ont été peintes le 30 nov. dans les salles attenantes, également saccagées, d'une synagogue, à Strasbourg. DU MOIS INDE: Destruction (6 déc.) par une foule de fondamentalistes hindouistes de la mosquée d'Ayodhya, lieu supposé de la naissance du Dieu Rama. Affrontementements dans les jours qui suivent: au moins mille morts et quatre mille blessés. Les formations extrêmistes hindoues et islamistes sont interdites. ETOILES HUMAINES: Munich a dit non au racisme et à la xénophobie ce 6 déc. en parvenant à constituer sur quarante kilomètres de rues une étoile humaine rassemblant 300 000 personnes, au briquet ou à la bougie allumés. Ils étaient 100 000 à Duisburg (Rurh) le 8 et des milliers dans plusieurs autres villes, et 100000 de nouveau le 13 à Francfort pour un concert de près de trente groupes de rock sur le thème: "aujourd'hui eux, demain toi". RESTAURATION DELA MOSQUÉE DE PARIS: Début de la restauration de la Mosquée de Paris, élevée voici 70 ans en hommage aux 120000 soldats musulmans enrôlés dans l'armée française et morts dans "la grande guerre "(7 déc.). SOMALIE: Débarquement le 9 déc. des premiers marines américains en Somalie. 30000 soldats des Etats-unis, auxquels s'ajoutent ceux d'une trentaine de pays dont la France, pour une opération décidée par l'Onu (nuit des 4 et 5), officiellement humanitaire, censée permettre la distribution de vivres dans un pays ravagé par la guerre civile et la famine. RASSEMBLEMENT EUROPÉEN: 2000 personnes se sont retrouvées samedi 12 à Nancy à l'appel d'un front unitaire antiFn pour constituer un "Front européen antiraciste". Y participaient notamment Paul-ElieLévy, porte-parole du collectif, qui avait affirmé durant les dernières cantonales et régionales que "Le Pen est le fils spirituel REPÉRES d'Hitler, de Mussolini et de Pétain", Gilles Perrault, Madeleine Rébérioux, Présidence de la Ldh ... et où devaient intervenir plusieurs personnalités des mouvements antiracistes, dont Mouloud Aounit. TOMBES DE HARKIS: Huit tombes de Harkis ont été brisées dans la nuit du 12 au 13 au cimetière musulman de Muy. FOOT ANTIRACISTE: Les équipes de foot d'Allemagne et d'Italie ont dédié leurs matchs des 12 et13 à la lutte antiraciste: avec un slogan: "mon ami est un étranger". Chronologie établie par I.A. SKINHEADS: BRAS ARMÉS DE VEXTREME·DROITE Tandis que les crimes de guerre deviennent monnaie courante dans l'exYougoslavie, que l'horreur de la "purification ethnique" y est érigée en dogme d'Etat, des groupuscules de néo-nazis sèment la mort au nom des mêmes idéologies dans le reste de l'Europe. Dans la nuit du 22 au 23 novembre 1992, deux femmes et une fillette sont assassinées par des militants nazis. Incendiées dans leur maison, où vivaient 34 personnes, parce qu'elles étaient turques. };-a même nuit, les assassins incendient une autre maison où habitaient 19 personnes et revendiquent leur crime au cri de "Heil Hitler". Ces meurtres ont lieu à Molin, petite ville proche de Lübeck, en Allemagne de l'Ouest. Depuis janvier 1992, en Allemagne, quinze personnes sont mortes victimes du racisme, plusieurs dizaines ont été blessées. Plus une semaine ne passe à l'ouest comme à l'est, sans que des skinheads, parfois avec l'appui d'une partie de la population locale, attaquent des foyers de travailleurs immigrés, de demandeurs d'asile. Plus de 1800 attaques 1 racistes ont été recensées en un an. Le 13 novembre, deux skins tabasl, sent un homme à mort puis le brûlent parce qu'ils le soupçonnent d'être juif. Dans la nuit du 20 au 21, d'autres skins attaquent à la grenade un Il foyer d'enfants à Hambourg, d'autres assassinent un militant d'extrême- gauche à Berlin. Dans la nuit du 28 au 29 novembre, un nouveau foyer est incendié à Eberswalde, dans le Brandebourg. Deux jeunes tailladent au couteau une croix gammée dans la joue d'une gamine de quatorze ans qu'ils accusent... d'être de gauche. En Hongrie, le 23 octobre, plusieurs skins défilent en uniformes fascistes lors d'une manifestation officielle. D'autres, ou les mêmes, multiplient depuis des mois les agressions racistes. L'Association Martin Luther King en a recensés 120 depuis le début de l'année, principalement contre des Tsiganes, hongrois ou non. En Pologne, on estime à 3000 le nombre de jeunes (pour la plupart des adolescents de 12 à 17 ans) influencés par le mouvement skin. Neuf d'entre eux ont assassiné trois Allemands le 2 octobre pour l'unique raison qu'ils étaient allemands. En Italie, plusieurs foyers d'hébergements sont aussi victimes d'attaques incendiaires, des magasins juifs sont recouverts d'étoiles jaunes. En Espagne, une jeune femme dominicaine est assassinée le 15 novembre. Le 22 novembre, et ce comme chaque année, près de 4 000 nostalgiques de la dictature franquiste défilent dans les rues de Madrid. En France, les profanations de cimetières, lieux de cultes, se multiplient comme les appels à la haine. Pourtant, en Allemagne, il faut attendre les meurtres de Molln, véritable électrochoc dans la société, pour que des coupables soient arrêtés et que le mouvement néo-nazi "Front nationaliste" soit enfin interdit. Le 27 novembre, un des assassins de Molin est arrêté. Que faudra-t-il attendre pour assurer enfin la protection des ressortissants étrangers en Allemagne et avoir une autre réponse à ce fléau qu'un discours déma- 3 gogique sur la "nécessité de restreindre le droit d'asile", confortant du coup l'idée, dans la société, d'un danger dont seraient potentiellement porteurs réfugiés politiques, demandeurs d'asile, familles immigrées, pourtant doublement victimes, d'abord dans leur pays d'origine, puis dans leur pays de bien singulier accueil? En Espagne, 4 skins se sont fait arrêter à leur tour le 28 novembre pour l'assassinat d'un jeune Marocain. En Hongrie, 48 skinheads sont condamnés le 25 novembre à des peines de plusieurs mois de prison fermes ou avec sursis pour 21 agressions racistes, principalement contre des Tsiganes. Mais à Vienne, le chef du parti libéral (PFOe), Jorg Haider distribue en toute impunité ses appels-pétitions à la "purification raciale", qui demandent que l'Autriche soit officiellement reconnue comme non "pluri-culturelle" La peste raciste tente de gangréner les sociétés. Fort heureusement pour l'avenir, les manifestations se multiplient en Allemagne, en Espagne (près de quinze mille personnes le 22 novembre), en Hongrie (après les évènements du 23 octobre notamment) ... rassemblant des jeunes en grand nombre. Mais d'autres réflexes poujadistes, racistes, se manifestent massivement. Telles en France les décisions de jurys populaires considérant semble-t-il comme quantité négligeable la vie d'un individu dès lors qu'il ne serait qu'un Beur. Telles, en Italie, les attaques de marchands de Florence en 1990 chassant de la ville les vendeurs ambulants africains avant le Mundial, les attaques multiples contre les camps de Tsiganes, voire les affiches fleurissant dans le nord du pays contre les Italiens du sud (en particulier en ce mois de novembre) ... En Espagne, un sondage d'El Mundo le 21 novembre révèle que 17% d'Espagnols considérent qu'il faut arrêter l'immigration, et 20% de leurs concitoyens estiment que les Blancs sont intellectuellement supérieurs au Noirs. Ces actes ou discours racistes bénéficient pour le moins d'une clémence suspecte dans les plus hautes sphères de certains Etats. En Hongrie, le Vice-Président du principal parti de la coalition au pouvoir (Istvan Csurka) diffuse cet été un pamphlet aux relents racistes sans perdre ni son siège de député ni ses responsabilités politiques, le ministre de l'Intérieur évoque les skins comme autant de "jeunes Hongrois honnêtes" et un député du parti du Premier ministre ("Forum démocratique") les reçoit et les trouve "bien intentionnés" lorsqu'ils demandent l'introduction dans les programmes scolaires d'une matière intitulée "défense contre l'esprit de l'étranger"(novembre). Ailleurs, ce sont les victimes de ces actes racistes qui sont de nouveau victimes des politiques de restriction. Victimes d'une politique de plus en plus en plus drastique qui se met en place à l'échelle de l'Europe restreignant, notamment, le droit d'asile ... I.A. ATLAS MENTAL AUX SOURCES DU RACISME ET DE L'ANTIRACISME (SUITE) Suite de la page 1 C'est que l'originalité de notre culture tient à sa capacité d'intégrer les autres, de digérer leur suc, disait Paul Valéry, mais aussi de les subvertir, de les occidentaliser, L'ouvrage s'efforce d'en fournir une explication historique. L'Europe s'est engagée à partir du XVe siècle dans un long processus de transformation, jalonné par le voyage de Colomb, l'Encyclopédie de Diderot, Darwin... dans un ensemble de mutations économiques, sociales, technologiques et politiques qui constituent la modernité. Cette montée en puissance a porté et porte à la fois des forces d 'émancipation et des forces d'oppression. Le titre de l'ouvrage, Race et civilisation, volontairement dérangeant par l'association des deux termes posés d'ordinaire comme antinomiques, traduit la démarche adoptée. Une première partie est consacrée aux "mots fondateurs" : droits de l'homme, nation, Europe et civilisation. Mot fondateur, en effet que ce dernier, inventé autour de 1760, et qui résume toute la philosophie des Lumières : progrès, raison, citoyenneté bientôt. La civilisation, c'est donc le fruit des efforts réitérés de la société, qui se libère du Trône et de l'Eglise. Dans un texte célèbre, où il affirme que "la nature n'a mis aucun terme à nos espérances", Condorcet promet cette civilisation à tous les peuples, les inclut tous dans le grand mouvement, mais ignore et exclut la pluralité, la diversité. Ce faisant, il exprime bien l'universalisme à la française que le XVIIIe siècle nous laisse en héritage, avec la question jamais résolue, et d'une criante actualité: comment peuton être différent et égal? Cette ambivalence de notre pensée trouve une formulation redoutable dans la notion de race. Celleci aussi est récente, dans son l-A. Joxe, l'Amérique mercenaire, Stock 1992. "Dans l'état actuel de l'économie mondiale, des conflits soda-économiques généralisés qui sont inévitables dans le tiers-monde, il est inacceptable qu'une superpuissance telles les USA y réponde par l'entrée en guerre ... Cela nous promettrait un vingt et unième siècle de guerres incessantes et barbares. " acception contemporaine, comme catégorie de classement. Elle est fille de la modernité, des progrès de la biologie du XIXe siècle et d'une culture de la domination. Son succès s'explique parce qu'elle fournit une interprétation hiérarchique de la diversité humaine. "Il y a plus de différence entre certaines races sauvages et certaines races civilisées qu'entre ces races sauvages et les anthropoïdes" (Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876). Laïc, républicain de progrès, Larousse est représentatif de la vision dominante de son temps. Certes, elle est soumise à critique et rencontre des garde-fous, et quand Léon Blum parle de "races inférieures", il raisonne en termes évolutionnistes. Restent la conscience de la supériorité du modèle occidental, la représentation des sociétés autres comme inertes, soumises à une Europe construisant leur avenir, Pour Marx, l'Angleterre a une mission historique à accomplir en Inde: faire entrer celle-ci dans la sphère européenne, l'arracher à la barbarie asiatique. De même, l'Orient musulman est, au mieux, un astre éteint. Un chapitre particulier est consacré à l'Islam, tant il fascine, parce qu'il apparaît comme la différence la plus proche et donc exige une mise à distance. Le livre étudie les aspects scientifiques de cet Atlas mental et sa vulgarisation, à travers l'école, la littérature, les médias. Du best seller qu'est Le tour de France par deux enfants ("la race blanche est la plus parfaite des quatre races") à Jules Verne ("La civilisation ne recule jamais") , la cohérence est évidente. L'anthologie consacre une attention particulière aux crises qui ont modelé nos représentations, à l'Affaire Dreyfus, aux années Vichy, à la guerre d'Algérie, et à l'émergence du tiers monde. Le souci de donner à voir, à lire, Claude Liauzu : Race et civilisation. Anthologie historique de la culture occidentale. Editions Syros, 180 F. (9 bis rue Abel Hovelaque, 75013 Paris) L'auteur, s'il est prévenu assez tôt, peut participer à des débats. 4 d 'analyser les courants inégalitaires de notre système culturel tient à la conviction que, s'ils ont été enfouis, refoulés, ils demeurent prégnants. On ne comprendrait pas autrement leur faculté de revêtir des habits neufs (La Nouvelle Droite) et de reconquérir du terrain dans les situations critiques comme celle que nous vivons. La construction européenne, fondée sur la fermeture, sur une ségrégation entre étrangers communautaires et étranges étrangers, sur la définition d'une identité écartant les ' cultures des immigrations récentes, risque de faire le lit des mouvements xénophobes. Le dépassement des antagonismes nationalistes d'hier menace de s'effectuer contre un nouvel ennemi, le tiers monde, le monde arabe, contre des milliards d'hommes perçus comme une menace. Réfléchir aux limites de notre conception du monde dans un village planétaire de plus en plus étroitement interdépendant, inciter à l'élaboration d'un humanisme à la mesure de l'humanité: tel est l'objectif de cet ouvrage. Claude Liauzu CRIME CONTRE L'HUMANITÉ: TOUVIER CONDAMNABLE L'ancien milicien Paul Touvier, chef du deuxième bureau de la police française, installé à Lyon en 1943 et 1944, sur qui pesaient onze chefs d'accusation!. sera jugé pour crime contre l'humanité, imprescriptible, pour le massacre de Rilleux-la-Pape. La chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi cassé partiellement (27 novembre) le non-lieu accordé par la chambre d'accusation de Paris le 13 avril dernier. Sans revenir sur le fond de la politique du Gouvernement de Vichy, laissant ce débat et aux historiens (qui l'ont tranché depuis longtemps ... ) à la société française tout entière (et, pourquoi pas, à l'Etat lui-même), le procureur général Pierre Truché, après les arguments des différents avocats, a mis en avant quatre arguments. Il accuse les juges de la chambre d'accusation de Paris d'avoir modifié la définition du "crime contre l'humanité", prétendant qu'il serait le fait d'un individu agissant pour le compte d'un "Etat totalitaire": le procureur rappelle que les crimes contre l'humanité sont commis au nom d'un état pratiquant une politique "d'hégémonie idéologique". Il montre ensuite que ce régime pratiquait effectivement une telle politique, et relève à ce sujet les contradictions du jugement de la Chambre d'accusation qui affirme dans le même temps que ce régime n'aurait eu "nila vocation ni l'occasion d'asseoir une domination quelconque et d'imposer une idéologie conquérante" mais a adopté "des mesures d'exclusion à l'encontre de citoyens français ou d'étrangers d 'origine juive"... Le procureur général souligne aussi que les juges avaient reconnu que le secrétaire général de la milice dont dépendait Touvier, Joseph Damand, avait prêté serment d'obéissance à Hitler. De même Touvier était accusé "d'assassinats", et les juges ont conclu qu'il n'était pas coupable "d'extermination. " Le procureur ajoute un argument subsidiaire: le massacre de Rilleuxla- Pape est une participation caractérisée à "l'élaboration Olt à l'é'écution d'lm plan concerté en vue de commettre des assassinats", en l'occurence en complicité avec les autorités d'occupation nazies, puisque l'assassinat des juifs de RilIeux-la-Pape fut décidé par le chef de la Gestapo à Lyon et le chef régional de la Milice, "l'ordre" ayant été transmis à Touvier. Le 27 novembre, la Chambre criminelle de la Cour de cassation levait donc partiellement le non-lieu accordé par la chambre d'accusation de Paris. Touvier sera jugé pour crime contre l'humanité. D'autres, tels Bousquet ou Papon, savent désormais qu'ils le seront aussi. LA 1- Attentat contre la synagogue du quai de Tilsit, assassinat dit Président de la ligue des Droits de l 'Homme, Victor Bach, et de sa femme, rafles antisémites, arrestations, tortures. assassinats ail envois en déportation de plusieurs résistants, massacre de Rille"x la Pape le 29 juin 1944 (voir notre nwnéra 128, mai 1992). PR IS ONNI E RS P OL I TI QUES Dans le viseur du FBI Début des années 1970. Misère et violence règnent dans la réserve indienne de Pine Ridge, Dakota. Avec l'argent et les armes fédérales, un gang fait régner sa loi. Les Indiens font appel à l'American Indian Movement, qui les aide à assurer leur protection, mais aussi à mettre sur pieds d'importantes activités sociales. Ils organisent également la résistance à l'oppression dont sont victimes les Amérindiens aux Etats-unis. Le FBI n'apprécie pas. Comme il n'apprécie pas l'influence grandissante des Black Panthers parmi les jeunes Noirs des ghettos ... De nombreux militants de l'AIM meurent assassinés. Rien n'épargne les familles entières de ceux et celles qui les soutiennent. 26 juin 1976. Deux agents du FBI poursuivent un homme qu'ils recherchent jusque dans la réserve de Pine Ridge, à Oglala, où les Indiens se sont organisés contre la violence et les risques permanents d'assassinats, et où une série de codes permettent de reconnaître les amis, Qui commence alors à tirer? L'enquête officielle qui suivra ne nous l'a pas appris. Seule certitude: une fusillade éclate. Les deux agents du FBI, Coder et Porter, meurent. Une véritable chasse à l'homme commence alors. Les militants de l'AIM, qui savent les risques que leur appartenance politique leur fait courir, parviennent à quitter les lieux. Quatre d'entre eux sont finalement accusés des meurtres, Les charges sont rapidement abandonnées contre le premier. Deux autres, Dino Butler et Bob Robideau, sont jugés en 1976, et acquittés. C'en est trop pour le FBI. Il faudra bien que Léonard Peltier, le quatrième, paie. Coupable? Non coupable? Là n'est pas la question. S'il faut des preuves, autant les fabriquer, c'est plus sûr. Léonard Peltier vit au Canada Pour le juger, il faut d'abord parvenir à l'extrader. Rien de plus simple: il suffit de communiquer aux autorités canadiennes le témoignage d'une jeune femme qui, soumise à de multiples pressions (y compris au sujet de sa petite fille), accepte de se faire passer pour la petite amie de Léonard Peltier, et de l'accuser du meurtre. Tout démontre par la suite que ses témoignages sont des faux, qu'elle ne connaît même pas Peltier et n'a jamais mis les pieds à Oglala ni vu Peltier. Mais on ne le reconnaît que plus tard, lorsqu'il est extradé, lorsque le FBI le tient enfin, lui, Amérindien, Anishinabe- Lakota, membre de l'AIM depuis 1970 ... Il ne reste plus alors qu'à instruire un procès à l'issue enfin certaine. Le 18 avril 1977, Léonard Peltier est condamné à deux peines de prison à vie. Le FBI présente une preuve irréfutable: les résultats d'une analyse balistique d'une arme qui aurait appartenu à Peltier. La preuve suffit. Pourtant, en septembre 1981, grâce au "Preedom of information Act", ses avocats ont enfin accès à plusieurs documents concernant l'experti- 5 se balistique du FBI: l'expert avait en réalité déclaré à ses supérieurs que l'arme attribuée à Léonard Peltier ne pouvait être celle du meurtre: son percuteur était différent de celui de l'arme ayant tiré ... La preuve irréfutable n'était qu'un faux du FBI. Les avocats de Peltier adressent alors une requête à la Cour suprême des Etats-unis: le procès doit être révisé. Mais la loi américaine est ainsi faite: pour qu'un procès soit révisé, il faut que la Cour soit convaincue qu'avec les nouveaux éléments apportés, la décision du jury aurait une forte probabilité (et non seulement une simple possibilité) d'être différente. En l'occurence, contre toute évidence, ce n'est pas l'avis de la Cour. Elle décide que le procès ne sera pas révisé. Des années durant, le FBI s'est attaqué à l'AIM, comme aux Black Panthers. Nombre de leurs militants ont été tués, sans que jamais les auteurs des meurtres soient recherchés, d'autres ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Léonard Peltier croupit toujours dans un pénitencier américain. Telle est la trame du film que Robert Redford et Michael Apted viennent de réaliser1. Ce n'est pas un film de fiction. 150 prisonniers amencains revendiquent comme Léonard Peltier le statut de prisonniers politiques. Parmi eux, Mumia Abu-Jamal, journaliste, militant des Black Panthers, accusé d'avoir tué un policier blanc la nuit où celui-ci a tabassé sauvagement son frère, condamné à mort par des jurés soigneusement triés sur le volet, et sur la foi de témoignages se contredisant les uns les autres. Couloirs de la mort des prisons américaines, quartiers et cellules à isolement sensoriel total, tel est le sort réservé aux prisonniers politiques aux Etats-unis. En recevant de sa prison les multiples appels qui lui parviennent en faveur de sa libération, Mumia Abu J amal, que l'Etat de Pennsylvanie s'apprête à exécuter, écrit: "votre présence est pareille à une bougie" ... I.A. (1) - Incident à Dglala, que le Mrap et le "Comité de soutien aux prisonniers politiques" ont présenté en avant-première au cinéma Beaubourg les HaUes le 17 novembre. LE MRAP SUR LES ONDES En Ile-de-France, sur 93,1 Radio-Aligre, le Mrap a la parole un mercredi sur eux, à partir de 11 heures. Débats avec nos invités, analyse de l'actualité, expression des activités du Mouvement, sont les principales rubriques de l'émission Différences. N'hésitez pas à écrire à Alain Callès et Marie-Christine Perreux au Mrap pour enrichir de vos réflexions cette émission qui aura bientôt un an ... EPINAY-SUR-SEINE Fête de l'amitié entre les peuples, musiques et danses de Mauritanie, de Turquie, d'Amérique latine, chants et poésie contre le racisme. BOULOGNE BILLANCOURT Chaleureuse soirée d'amitié avec du Raï, de la musique latino-américaine. SAINTES Couscous de l'amitié pour fêter les 20 ans de la loi contre le racisme. LE HAVRE Manifestation à la mémoire des passagers clandestins du cargo Mac Ruby, jetés à la mer et abattus à coups de carabines. SAINT-LO Après la pièce "un homme ordinaire", expo d'affiches "vingt ans de lutte contre le racisme." SUITE DES INITIATIVES AUTOUR DU 9 NOVEMBRE Manifestations à Clermont-Ferrand, Grenoble, Montpellier, rasssemblements à Saintes et à Perpignan et débat à la faculté. THIONVILLE Conférence-débat "l'immigration et la montée du racisme", animée par Fausto Giudice et organisée par le Mrap et l'Atmf. MONT-DE-MARSAN Conférence-débat "le racisme en 1992", avec Mouloud Aounit, et "la loi française contre le racisme", avec Me Boulanger, du barreau de Bordeaux. GRENOBLE "Que sont les Indiens devenus?": conférence-débat avec Eléonore T. Sioui et Robert Pac. AVIGNON Présentation du film "rêves suspendus" de Jean Chamoun et May Masri, suivie d'un débat. NANTES Le comité local, le Snes et le SniPegc organisent le 12 janvier à 20h30, salle Neptune, une conférence- débat avec Albert Jacquard, sur le thème: "comment vivre à six milliards d'hommes sur une si petite planète". COMITÉS LOCAUX LE COMITÉ DE MENTON Alexandrine Vocaruto et Yves Marchi animent le comité local de Menton. Ils ont répondu aux questions de Différences. Quand le comité local s'est-il constitué? Il a été créé en 1985, à la suite du meurtre d'Aziz Madak. Dans une ville où le racisme s'était manifesté plusieurs fois de manière violente (passages à tabac dans les bars, ratonnades au petit matin ... ), le besoin d'une structure s'est fait sentir. Le Cl a démarré avec une vingtaine de membres, a progressé durant deux ans pour se stabiliser autour de 55 adhérents. Du point de vu~ composition, on note près de 50% d'enseignants, et une parité hommes/ femmes, alors que cela n'a jamais été un choix délibéré de notre part. Quelle a été la dynamiquedu CL? Si certains voyaient au départ le Mrap comme une structure dormante, réactivable comme outil défensif, se cantonnant dans une sphère jundique, très rapidement nous avons développé l'action sur le terrain, par une présence active, offensive, des actions publiques. 6 Nous avons refusé que le Mrap se limite au seul cercle des adhérents et avons fait en sorte de donner aux idées du Mrap l'audience la plus large possible. Alors que l'extrêmedroite occupait seule le terrain, nous avons voulu imposer le Mrap comme instrument de riposte aux discours comme aux agissements (ne pas laisser les murs au Fn, par exemple, réagir aux attentats racistes), mars également comme une force de réflexion et de proposition. Nous nous sommes imposés une présence régulière: affichages (affiches photocopiées ou affiches du siège); tractages publics (gare, lycées) et boîtes aux lettres (en moyenne un par mois à 3000 exemplaires sur des sujets aussi variés que la Palestine, la montée du racisme, le droit d'asile, Maastricht, la montée des nationalismes, les déboutés du droit d'asile kurdes ... ); organisations de conférences-débats (une ou deux par an) avec des intervenants de qualité, tels que PierreAndré Albertini sur l'Afrique du sud, Alain Gresh sur la Palestine, Annette Wieviorka sur les négateurs de l'Histoire, Christian De Brie sur la guerre du Golfe, Yves Plasseraud sur la montée des nationalismes; création de dossiers d'information (la citoyenneté, l'immigration, la question kurde ... ); expositions dans les établissements scolaires (1789, la Déportation ... ) Nous tenons à aborder les problèmes dans leur complexité, tout en veillant à ce que cela reste compréhensible au plus grand nombre. Contrairement à une idée répandue, les gens lisent... Pour mener à bien ces diverses actions, nous essayons de faire intervenir le maximum d'adhérents et de sympathisants. C'est peut-être parce que le mode de fonctionnement est peu hiérarchisé que toutes ces actions sont possibles. Une structure trop lourde briserait sans doute le dynamisme du CL. Une réunion des membres actifs a lieu chaque mois. Nous invitons tous les adhérents à une AG annuelle (publique, avec conférence) et, chaque fois qu'un problème sensible doit être traité, on organise une réunion de tous. En l'absence d'un local ou de permanences (nous n'avons pas de subvention), nous essayaons de maintenir le lien avec l'ensembles des adhérents par une lettre bilan d'activités distribuée une fois par mois en moyenne. Quelles sont les relations du comité avec les autres organisations? Le Cl s'est toujours refusé à entrer dans les débats politiciens et/ou électoralistes. Nous tenons à rester totale- ) ment indépendants, ce qui ne signifie pas que nous refusions de travailler avec d'autres, mais lorsque nous le faisons, c'est toujours dans des relations de confiance, de clarté et sans faire de concession sur les pnnclpes. Le Cl est souvent dans ce cas moteur de mobilisations larges. Comment avez-vous traité l'actualité, dans la dernière période? Au cours du mOlS de novembre, par exemple, nous avons diffusé trois tracts: "Nuit de cristal" (le tract national), "le verdict de Reims", "29 novembre, journée internationale de solidarité avec la Palestine". Le mois précédent, nous avons organisé une campagne de promotion du N° spécial de Différences sur les antisémitismes, avec 150 lettres personnalisées, 2 000 tracts de publicité, et nous avons également organisé une conférence-débat sur le Kurdistan avec Christiane More. Car depuis le mOlS de mai, nous sommes engagés auprès de douze Kurdes de Turquie déboutés du droit d'asile (pétitions, délégations à la préfecture, campagne de soutien financier, mise sur pied d'un comité de soutien, réunions publiques d'informations, dossiers, cassettes ... ). Quel est l'apport du siège national? Nous apprécions la qualité de la réflexion, les perspectives ouvertes, la facilité de contact avec les responsables nationaux. Nous regrettons en revanche le manque de rigueur dans la gestion matérielle quotidienne (délais, retards, mauvaise qualité des photocopies envoyées ... ) et l'absence de matériel d'intervention (affiches, maquettes de tracts ... ). En ce qui concerne Différences, les trimestriels sont très bien, les mensuels souvent dépassés, sans perspectives clairement définies. Le comité local mène-t-il des campagnes d'adhésions? Pour s'engager sur le long terme, un adhérent doit sentir que localement sa démarche a été utile. D'où la nécessité d'actions locales. Mais il faut aussi qu'il sente que les actions menées ne sont pas isolées, mais s'inscrivent dans un projet plus vaste. Au siège peut-être de proposer des campagnes préparées et soutenues par un matériel d'intervention approprié et directement utilisable. Mais nous ne demandons jamais à quelqu'un d'adhérer. Nous l'invitons. Propos recueillis parChérifa Benabdessadok. 7 RENCONTRES INTERNATIONALES À NUREMBERG ET BERLIN Dans le cadre de l'intensification des rapports entre les antiracistes d'Europe, marquée entre autres par la constitution du "réseau" qui a été à l'origine de la manifestation du 9 novembre à la Mutualité, le Mrap a participé à deux colloques en Allemagne: les 7 et 8 novembre à Nuremberg (capitale symbolique du nazisme) et les 13, 14, 15 à Berlin. Les Verts organisaient le premier colloque, le PDS le second. Jacques Chevassus représentait le Mrap au premier, Norbert Haddad et Jean-Jacques Kyrkiacharian au second. Thème du colloque de Nuremberg: "les Allemands n'ont-ils rien appris?". Il s'agissait de comparer le nazisme des années trente et quarante et le racisme actuel, marqué par les attaques violentes contre les étrangers et les demandeurs d'asile. Les participants, surtout italiens, anglais, français, ont trouvé que le rapprochement est excessif: la situation en Allemagne n'est pas dégradée à ce point. Il est vrai qu'en 1992 le nombre de meurtres racistes est élevé, que la population civile et l'opinion publique ont gravement fait preuve de passivité et d'inaction, que le Parlement s'apprête à restreindre le droit d'asile par la modification de l'article 16 de la constitution. Mais il y a aussi, depuis, de grandes manifestations antiracistes, la police commence à sortir de son étrange passivité, et des poursuites s'engagent contre quelques groupes néo-nazis ... Le colloque de Nuremberg a appelé au renforcement et à la coordination des luttes contre le racisme et le fascisme, préconisé l'organisation à la même date et en des lieux différents de manifestations de soutien aux immigrés et réfugiés présentés comme des boucsémissaires. Mot d'ordre de la rencontre de Berlin: contre une Europe-forteresse. Le PDS, organisateur, a fait appel à des intervenants très divers, aux analyses contrastées, depuis l'Ara britannique jusqu'aux Verts d'Allemagne, à plusieurs groupes qui s'intitulent "SOS-rassismus", aux commissions ouvrières espagnoles, au groupe hollandais "Unis pour l'action interculturelle" etc ... et aussi évidemment au Mrap. Ce qui était frappant c'est que, tout en avançant sur le fond une analyse d'ensemble, à caractère politique, de la situation, les organisateurs se sont montrés très demandeurs de l'expérience des autres, sur le terrain. La "ligne politique" du PDS, telle qu'elle a été exposée avec brio par Gregor Gysi, peut se résumer en trois points: il y a bien des raisons pour qu'une partie de la population se laisse gagner par la démagogie raciste, mais cela n'est pas du tout une excuse. Il faut que l'Etat donne l'exemple et adopte une attitude ferme, y compris sur le plan pénal. L'Etat ne fera rien sans la mobilisation civique, qu'il faut organiser en dehors de tout sectarisme (par exemple: la manifestation de Berlin est plus importante que la volonté de Kohl d'en récupérer les effets ).L'Europe-forteresse est l'une des faces du problème, dont l'autre est le sous-développement du sud, qui produit les réfugiés: il faut un changement radical de la politique des pays riches. La demande à l'égard des antiracistes de tous pays est très forte. Les Allemands sont d'ailleurs tous très attachés à l'originalité des actions à la base, à l'Est comme à l'Ouest. Les membres du Mrap ont vu s'exprimer dans les commissions bien des diversités et bien des divergences, qu'ils ont appris à connaître dans les réunions du "réseau". Ce qui était neuf, ici, c'est qu'aucune volonté, de nulle part, ne cherchait à tirer parti de ces divergences. Le Mrap a pu, dans ces conditions, défendre les positions qui sont les siennes en particulier celles du congrès: elles ont été reçues avec la plus grande attention et les deux représentants ont eu la certitude que, tout comme ce qu'ils ont entendu, ce qu'ils ont fait euxmêmes entendre fera son chemin dans les consciences de tous les gens qui étaient là. J.J Kirkyacharian PARIS Rassemblement le 28 novembre au Parvis des droits de l'Homme à l'appel d'associations de travailleurs turcs et kurdes, en réaction au meurtre raciste de Méilhn:"faut-il rappeler que la démocratie, ça se développe, ça ne se restreint pas et que le droit d'asile est le dernier droit qui reste à ceux qui n'en ont plus", a notamment dit Alain Callès. Norbert Haddad DOCUMENTS DU MRAP LE RACISME EN 1992 Le racisme est devenu une donnée importante de la vie nationale française. Il revêt des formes ou des expressions multiples qui ne se situent pas toutes au niveau politique explicite de l'extrême-droite. Les politiciens de l'extrême-droite et leur idéologie procèdent à l'assimilation ouverte de "l'identité française" au rejet de tout ce qui apparaît comme "autre". N'ayant jamais accepté l'indépendance des pays de l'ancien Empire français, ils militent ouvertement pour l'exclusion des immigrés originaires de ces pays et de leurs descendants. Désormais, ils ne cachent plus leur filiation vis à vis du régime de Vichy ou même du nazisme, comme on le voit avec les négateurs des chambres à gaz hitlériennes. Le drame est que l'extrême-droite sert de repère ou de support politique passager ou habituel à un racisme moins structuré, moins ancré qu'il n'y paraît dans certaines couches de la population française. L'exclusion devient un élément central d'un programme politique. Il y a en effet un racisme moins militant qui est exprimé en réaction contre les difficultés du quotidien: difficultés de logement, d'emploi, de cohabitation liées au désoeuvrement et à l'épreuve du chômage. Des personnes, sans être tout à fait des exclues, sont inquiètes devant l'avenir, avec de graves incertitudes vécues comme des menaces pour eux-mêmes et leurs enfants. Des gens de bonne volonté qui avaient ou qui ont encore des idées sociales faites d'humanisme et même de tolérance; mais devant les dimensions des difficultés de quartier, devant la pression de gens aux prises avec la mal-vie, en viennent à douter de la justesse de leurs idées. Ce doute est déjà un recul démobilisateur. L'affaiblissement du mouvement associatif et syndical, la disparition de beaucoup de lieux de solidarité et de vie commune, ajoutés à la perte d'influence des organisations politiques de gauche et singulièrement communistes qui structuraient la vie dans les quartiers défavorisés et les cités populaires, facilite le passage d'un populisme protestataire qui ne trouve plus de débouchés dans la lutte et n'a plus de perspectives face à une attitude de rejet de l'autre et de racisme. Les thèses de l'exclusion, sous des formes diversifiées, gagnent aujourd'hui du terrain. N'oublions pas non plus qu'à l'arrière-plan 'de ces forces souterraines et inavouées, il y a aussi les violences et les meurtres racistes. La dernière victime -en juillet- un collégien d'origine marocaine, tué à bout portant sans aucun prétexte, est la 200ème en 10 ans. La propension au racisme est encouragée par des attitudes, des comportements ou même des décisions faits de passivité, de compromis, de calculs politiciens ou de faiblesse. Ainsi les délits racistes ne sont-ils pas toujours poursuivis avec la rigueur définie par la loi. A des propos racistes est opposée la liberté d'expression. Les juges qui ont relaxé Touvier se sont autorisés à réécrire l'histoire du point de vue de Vichy. Certains élus locaux vont jusqu'à refuser impunément, concernant les immigrés nonEuropéens, d'appliquer certaines lois de la Republique en s'abritant éventuellement derrière l'opinion majoritaire de la population. Le racisme militant ou ambiant est lié à des prolongements internationaux: violences à l'encontre d'immigrés en Allemagne ou en Belgique cependant que l'antisémitisme a pu s'exprimer dans certains pays de l'Europe de l'est. Les thèses révisionnistes débordent largement le cadre hexagonal. Les nations de l'Europe des Douze, loin de ratifier la Convention internationale sur les 8 Bases de droits des migrants adoptée par l'Assemblée Générale de l'ONU, prennent prioritairement des dispositions policières pour se protéger des immigrés en provenance du Tiers Monde, comme en témoignent les accords de Schengen. L'Europe des Douze verrouille ses frontières. Les gouvernements qui agitent la menace de la pression migratoire du "Sud" ne font pas la preuve de leur volonté d'aider les pays dont le sous-développement s'aggrave. Aucun d'entre eux ne se prononce pour cette première mesure pourtant si simple que serait l'annulation de la dette. Alors, comment lutter contre le racisme aujourd'hui? Il faut bien sûr dénoncer les actes racistes caractérisés surtout et avant tout quand ils émanent d'hommes publics, en particulier les hommes politiques, les élus et tous ceux dont le mandat ou une fonction de premier plan donne à leurs propos ou à leurs actes une autorité susceptible d'être écoutée. D'une manière générale cependant les actes racistes doivent être sévèrement réprimés. Mais la répression ne suffit pas. La lutte contre les méfaits racistes doit s'accompagner d'un antiracisme de proximité, de terrain. Le racisme naît de l'exclusion sociale et il nourrit en retour les forces qui vivent de l'exclusion sociale. Aussi notre action doit-elle viser à surmonter les divisions entre les catégories d'exclus, à montrer à nos concitoyens que l'exclusion les concerne tous et qu'ils sont tous menacés par ceux qui manipulent l'exclusion raciste. A cette fin, l'action antiraciste ne peut se justifier uniquement par les bons sentiments; la formation des militants antiracistes prend là tout son sens. Les Comités Locaux ont aussi à mettre en oeuvre des pratiques innovantes et à échanger leurs expériences. L'action engagée a besoin de s'amplifier considérablement pour être efficace; c'est dire que l'action antiraciste doit reposer sur une assise large, à partir du moment où les analyses définies dans le Mouvement sont partagées. Les militants antiracistes et ceux qui les soutiennent doivent être plus nombreux et mieux formés pour être efficaces. Ne nous le cachons pas: le MRAP n'est pas aujourd 'hui en mesure de relever le défi du racisme et d'apporter à la lutte une contribution décisive. Le MRAP a un nombre d'adhérents trop faible. La composition sociologique du MRAP n'est pas satisfaisante. Notre faiblesse numérique génère une faiblesse politique. Le renforcement du MRAP n'est pas simplement un problème quantitatif, mais une nécessité. L'exclusion mène au racisme et au bout du racisme il y a la mort. Il y a déjà eu trop de victimes, il n'est pas question d'attendre. Il est urgent de sauver notre société du mal qui la menace dans son existence même. Nous devons être impérativement plus nombreux. L'ANTIRACISME ET L'EUROPE EN 1993 L'actualité a été dominée, il y a peu, en France, par le débat pour ou contre Maastricht; on avait parlé, mais beaucoup moins, des accords de Schengen. Cet été il y a eu la recrudescence des attaques de skinheads allemands contre les foyers de demandeurs d'asile, à Rostock et ailleurs; mais nous-mêmes avons connu en France de nombreuses grèves de la faim de demandeurs d'asile déboutés. Les journaux nous parlent maintenant des cadavres rejetés sur les rivages espagnols proches de Gibraltar; même en Espagne et en Italie, la xénophobie se met à faire des ravages qui vont déjà jusqu'au meurtre. En Yougoslavie, une guerre civile à plusieurs personnages oppoformation (suite) se depuis des mois les différentes nations, et s'accompagne de nombreuses atrocités que certains n'hésitent pas à légitimer au nom de la "purification ethnique".Les guerres interethniques ravagent d'ailleurs aussi plusieurs régions de l'ex-Urss, en particulier au Caucase. Le néo-nazisme, l'antisémitisme, refont surface un peu partout. L'action antiraciste, par la force des choses, tend à s'organiser à l'échelle européenne, au-delà de la solidarité internationale que nous avons toujours manifestée comme par exemple à l'égard des Palestiniens, contre l'apartheid etc .... Le MRAP, avec son expérience, son organisation à l'échelle du pays, son pluralisme, est armé pour faire face à cette situation complexe.La construction européenne est une réalité, nous devons en tenir compte. En outre la vitesse des informations, le fait que les images nous renvoient l'histoire en train de se faire, tout cela constitue une condition indépassable; rien de ce qui arrive quelque part n'est extérieur à notre horizon de militants contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples. 1; UNION EUROPÉENNE,SÇHENGEN. CITOYENNETÉ. ETRANGERS NON-EUROPEENS Le& accords de Schengen concernent actuellement sept pays sur les Douze. Ils introduisent une réglementation nouvelle en ce qui concerne le droit d'asile et le passage des frontières. On a dit qu'en principe ce qui était visé c'était la lutte contre le terrorisme et la toxicomanie; c'est possible. Mais cela ne peut pas ne pas avoir d'effets sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en général. Quiconque dépose un dossier de demande d'asile se voit interdire d'en déposer un autre dans l'un des pays signataires; cela semble inoffensif, mais on fait bon marché des demandeurs d'asile, de leur ignorance des conditions d'emploi dans chacun des pays, dans des secteurs donnés, ce qui pèse lourdement sur les critères d'accession au séjour. Sur le traité de Maastricht. l'article KI du titre VI prévoit expressément que "une politique commune" doit être appliquée dans les domaines de "la politique d'asile, les règles de franchissement des frontières, la politique d'immigration et la politique à l'égard des ressortissants des pays tiers, les conditions d'entrée et de circulation des ressortissants des pays tiers, les conditions de séjour y compris le regroupement familial et le droit à l'emploi, etc .... ". Certes on peut dire que cette politique commune pourrait être définie dans le sens le plus progressiste ... on nous permettra d'être un peu méfiants! Notons aussi une phrase bien mystérieuse dans le "protocole additionnel sur la politique sociale", article 2, 3ème paragraphe

Le Conseil Européen statue à l'unanimité (c'est nous qui soulignons)

sur les conditions d'emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de la communauté" Enfin, pas une seule fois n'est mentionnée la convention internationale sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles - qui n'est d'ailleurs ratifiée par aucun des pays qui ~mploient de la main-d'oeuvre immigrée, Europe, Japon, USA, Emirats, etc .... Tout laisse craindre une possible dérive vers un "euroracisme", une Europe forteresse fermée au Sud dans laquelle les étrangers non-européens seront exclus de plein droit de la citoyenneté que nous réclamons pour tous C'est en fonction de ces remarques formulées par le MRAP dès juin 1992, que beaucoup de militants se sont prononcés pour le non au référendum de Maastricht. Mais c'est un souci qu'ils partagent avec ceux qui ont voté oui, qui donnaient à leur vote le sens d'un non à la xénophobie et au nationalisme, et qui estimaient que la lutte contre le racisme et pour une citoyenneté solidaire devait se développer désormais à l'échelle européenne. 9 DOCUMENTS DU MRAP II. UNE LUTTE A L'ÉCHELLE EUROPÉENNE Rappelons encore une fois que l'Europe ne se réduit ni aux Douze, ni aux Seize, et que tout ce qui se passe dans la C.E.I., en Yougoslavie, en Pologne, a des répercussions pour nous-mêmes. Le MRAP avait dès 1990 pris des contacts en vue de la constitution d'un - réseau européen des mouvementsantiracistes. Ces contacts ont abouti, après notre Congrès 1992, à plusieurs rencontres entre "les Français" et des mouvements allemands, anglais, belges, italiens, etc. Ces mouvements se sont donné pour objectif de coordonner les actions en Europe occidentale autour des dates du 9 novembre (Nuit de Cristal) et du 21 mars (La Journée de l'ONU contre le racisme).Les positions des différents mouvements, liées aux situations des différents pays,- dont les déterminations historiques sont très variées, sont assez éloignées les unes des autres. Il y en a qui estiment que l'antiracisme est avant tout l'affaire des "minorités" discriminées elles-mêmes, qui doivent faire reconnaître leur ambition d'être représentées, il y en a d'autres qui pensent que ce qu'il faut faire - et qu'ils font d'ailleurs avec beaucoup d'efforts - est de constituer dès maintenant dans les faits une société multiculturelle. Il y a des mouvements centralisés à l'échelle nationale, et il y a ceux qui n'ont d'existence que locale ... Quoi qu'il en soit, les contacts et les coordinations dans l'action devront se poursuivre et se renforcer. Le MRAP se garde de tout sectarisme et de tout suivisme. La position que nous défendons dans tous les contacts avec nos amis et alliés européens est basée sur deux principes (qui sont d'ailleurs les mêmes que ceux qui doivent nous guider dans notre action commune avec les autres associations, les partis, etc .... , sur le terrain français) : 1. nous ne devons pas gommer nos différences de points de vue, mais au contraire chercher à en approfondir en commun la signification, de sorte que chacun puisse apprendre des autres. Car même si les conditions de l'action antiraciste, pour le moment, varient beaucoup d'un pays à l'autre, elles seront nécessairement amenées à se rapprocher.2. Dès maintenant il nous faut, ensemble, choisir des objectifs clairs, au contenu politique au sens large: le refus de l'Europe fermée sur elle-même, la nécessité pour les pays européens et pour la C.E.E. d'aboutir à un renversement de la politique jusqu'ici observée à l'égard du "Sud" : l'aide au développement ne doit plus être un petit secteur (une sorte de "luxe" humanitaire) de l'action publique, mais devenir un axe essentiel, et si l'on peut dire, non-humanitaire, de l'orientation politique européenne; car si la politique actuelle condamne à plus ou moins brève échéance les pays du Sud à la mort, nul doute qu'elle nous conduira nous aussi vers une catastrophe. Nous n'avons aucune raison d'ailleurs de limiter nos contacts à ceux que nous rencontrons dans le "réseau", ni même de limiter nos rapports avec tel ou tel faisant partie de ce réseau mais existant néanmoins de façon indépendante ... D'autres organisations nous sollicitent souvent, et nous répondons chaque fois que nous le pouvons· Le MRAP est connu et apprécié par beaucoup de gens, bien au-delà de ce qu'on croit. Peut-être ces contacts déboucheront-ils sur la constitution de groupes apparentés ou même affiliés au MRAP dans d'autres pays? Certains amis nous l'ont déjà demandé.L'essentiel se situe bien au-delà des préoccupations de boutique. La lutte contre le racisme, pour l'amitié entre les peuples, ne connaît pas les frontières: cela fait longtemps que nous luttons pour la liberté de l'Afrique du Sud, pour les Indiens et les Noirs d'Amérique, pour les Palestiniens. Il est normal que ce qui se passe et se passera en Europe, de Rostock à Sarajevo et de Londres au détroit de Gibraltar, devienne de façon de plus en plus nette l'arrière-plan immédiat de nos luttes pour le partage de la citoyenneté. A L ire LES ANTILLES SANS FARD Nous connaissions Marcel Manville l'avocat, le militant infatigable des droits humains, de l'antiracisme, de la lutte anti-coloniale, voici Manville l'écrivain. C'est son propre itinéraire d'homme qu'il nous propose dans ce premier livre, Les Antilles sans fard, publié chez L'Harmattan. C'est-àdire à une tranche d'Histoire. "Une propagande trop habile a trop longtemps masqué la réalité du problème colonial aux Antilles et en Guyane. Il faut, avec courage, ne plus masquer la vérité et détruire les chromos d'une littétarature inspirée par le seul souci de maintenir l'ordre du maître. Cette autopsie d 'un colonisé voudrait permettre aussi la compréhension des flux et des reflux de notre mouvement national", affirme-t-il dès l'introduction. Hommage rendu à sa famille. Découverte ou prise de conscience, pendant l'occupation de la France, de la réalité coloniale. D'abord le choc de savoir la capitale de la lointaine métropole sous le joug nazi: "si nous avions connu Paris, si notre père avait fait le voyage pour découvrir la capitale de la France, ce Paris envoûtant pour tout homme qui aspire aux échanges fécondants, aux bouturages des cultures interplanétaires, nous aurions compris aujourd'hui encore son désarroi. Mais notre mère, pas plus que notre p ère, n'avaient jamais traversé l'At/antique". Puis la découverte des discriminations que les colonisateurs font subir avec le plus grand naturel à ceux qui portent "leur p eau noire" sous le "masque blanc". Conscience, enfin, de l'absurdité économique de la relation coloniale: si, durant la guerre, "le lien ombilical des importations imposées étant coupé, ils (les Martiniquais) avaient créé de toutes pièces des industries de transformation qui avaient permis à la population de ne pas périr", "le retour de la légalité républicaine a été aussi le retour du sel de France qui, inondant notre marché, a ruiné cette production nationale". Marcel Manville, compagnon de Frantz Fanon, qui se plaît à citer Césaire le poète plus volontiers que Césaire le politique, revient sur les années de guerre, sur celles des premiers combats du jeune avocat, des premiers procès de la lutte an ti-coloniale, consacre un long chapitre à "la diaspora en France", à son histoire, à ses combats, en particulier dans les années 50-60-70. Il relate la naissance du Mrap, les procès et massacres de la guerre d'Algérie, son retour dans sa patrie. Indépendance? "La servitude n'est pas seu- INTERVIEW DE SUSAN GEORGE "On ne peut pas couper la terre en "L'effet Boomerang. Choc en retour de la dette du Tiers-Monde." Tel est le titre de l'étude que Susan George, économiste, directrice associée au Transnational Institute d'Amsterdam et membre du conseil d'administration de Greenpeace, publieavec une équipe de chercheurs et en collaboration avec l'Institutefor Policy Studies, de Washington- aux éditions La Découverte. Susan George a publié plusieurs ouvrages sur la dette, ses mécanismes, ses conséquences pour les peuples du Tiers-Monde1 ••• Elle s'interesse cette fois aux effets de la dette sur les populations des pays du nord "Il Y a eu énormément de livres sur la dette du Tiersmonde, sur l'impact de l'ajustement structurel dans les pays endettés, de nombreuses campagnes ont été organisées, j'ai participé à des campagnes dans toute l'Europe et même en Australie, et force est de constater que les efforts de nombreux militants et chercheurs ont sans doute permis de faire prendre conscience des effets de la dette à des publics plus larges mais n'ont rien changé à la réalité de la situation. J'ai voulu m'adresser à un public qui n'est pas mon public habituel, lui parler de ses propres intérêts et des raisons pour lesquelles on ne peut pas couper le monde en deux comme un pamplemousse, et expliquer qu'on est d'une certaine façon solidaire, qu'on le veuille ou non", commente Susan George dans une interview qu'elle a accordée à Différences. "Nous espérons pouvoir montrer dans ce livre que si n'importe quel critère humain ou de respect éthique exige une révision de la dette, notre intérêt bien compris fait de 10 même", écrit-elle. Aussi s'interroge-t-elle sur six effets de la dette du Tiersmonde dans les pays du nord. Tout d'abord l'écologie, rappelant à quel point "si l'Amazone est le poumon de la planète, alors la dette en est la pneumonie". Elle souligne à quel point l'endettement implique des courses à l'exportation et des stratégies de survie individuelles qui poussent à la surexploitation des ressources existantes, et notamment à la déforestation, à la désertification, avec toutes leurs conséquences en chaîne pour l'ensemble de la planète, aujourd'hui connues. Elle explique aussi que l'endettement favorise le commerce d'exportations" "rentables", et en l'occurence le commerce de la drogue pourvoyeuse de narco-dollars dont dépend la survie des pays larinoaméricains par exemple; que les banques créditrices, non contentes d'étouffer les pays débitteurs notamment par des taux d'intérêts exorbitants, ponctionnent aussi, sous forme déguisée, les contribuables des pays riches; que les réductions des possibilités d'achats des pays endettés de même que la nécessité, pour les Etats du "nord", d'acheter les produits qu'exportent ceux du sud s'ils veulent leur laisser une chance de rembourser les banques, contribuent aux pertes d'emplois dans les pays riches. "Les travailleurs américains perdent leur emploi pour que les dettes brésiliennes aux banques suisses qui agissent pour le compte d'intérêts arabes soient remboursés", écrit -elle. Elle rappelle de même les effets reciproques des guerres et conflits sur les endettements. Et elle montre à quel point endettement, pauvreté, recherche de ressources, impliquent migrations, d'abord internes, puis externes. 280000DOLLARS À LA MINUTIE Mais Susan George cite aussi les chifres effarants de la dette depuis 1982, date du début de la crise de la dette. C'est en effet, nous dit-elle, à partir de 1981 que Reagan a mené aux Etatsunis une politique monétariste susceptible de juguler l'inflation, notamment en augmentant les taux d'intérêts à 6%, 7%, ce que n'avaient pas prévu les pays débiteurs. De 1982 à 1990, en 108 mois, les pays du sud, écritelle, ont payé chaque mois 12,4 milliards de dollars de remboursement de leurs dettes, dont 6,5 milliards d'intérêts, à des banques privées, tandis que dans le même temps l'aide des pays du nord à ceux du sud n'était au total que de 927 milliards de dollars. Soit une "assistance financière sans précédent prodiguée aux riches par les pauvres", deux comme un pamplemousse" ceux-ci "privant leurs peuples, en particulier les classes les plus pauvres, de l'équivalent de six plans Marschall". "Les nouveaux chiffres de l'Ocde nous permettent de faire le calcul sur les 120 derniers mois: la situation est pire encore", nous dit Susan George. "On arrive à des chiffres de l'ordre de 280 000 dollars à la minute depuis dix ans, en incluant la dette à court terme. L'augmentation de la dette pour l'Afrique sur les 10 années calendaires est de 123% et pour les pays que l'Ocde appelle les moins développés, ce chiffre atteint 158%". "Je crois que le Fmi et la Banque mondiale agissent comme des agents de collecte des dettes, organisant l'économie de ces pays en fonction de cet objectif. Notre Institut a travaillé sur la question des exportations de matières premières africaines: nous montrons qu'hélas, les exportations africaines n'ont aucun avenir. La Banque, elle, ne le reconnaît pas. Elle n'a qu'une vue à très court terme. La banque ne remet jamais en cause ses propres stratégies: les problèmes proviennent toujours, selon elle, de la mauvaise application de ses choix par le pays débiteur...". Si, dit -elle, les pays du Sahel bénéficiaient autrefois de trois récoltes d'avance, ce n'est plus le cas aujourd'hui. y a-t-il des tentatives de ruptures avec ces "modèles de développement" qui ont fait la démonstration de leur faillite? "Je ne pense pas", dit Susan George. Au nom de la doctrine "Tina": "There is no alternative" ... Pour Susan George, si le siècle précédent a été celui du passage du capital agricole au capital industriel, il s'agit aujourd'hui du passage au capital financier. Pour le paysan du pays du Tiers-monde, la situation se résume à une "déruralisation", à une émigration des campagnes vers les villes, puis des villes vers le nord, écrit-elle. Aussi Susan George évoque-t-elle les mIgrations des réfugiés politiques, mais aussi des réfugiés économiques et des réfugiés écologiques... La progression, dit-elle, en est géométrique et non arithmétique tant des seuils ont été dépassés. De telles migrations, si elles peuvent rapporter des devises aux pays d'émigration, les privent aussi des "membres de la société les plus jeunes, les plus dynamiques, voire les plus qualifiés". Susan George cite Max Frish: "nous avions demandé des travailleurs et ce sont des êtres humains qui sont venus". En même temps, elle écrit: "nous devons nous efforcer d'aborder la question de l'immigration en rendant celle-ci moins nécessaire". "Comme Sami Naïr l'explique très bien dans son livre, dit Susan George, l'immigration pour le nord n'est pas un problème économique, l'immigré contribue plus qu'il ne prend." Mais il y a en revanche "un problème politique". Susan George va jusqu'à évoquer le risque d'un "Apartheid planétaire au XXIè siècle". "Tout le monde va être en concurrence avec tout le monde", dit-elle: "chômage endémique, bas salaires menaçant l'ensemble des salaires, ce qui est un autre 11 boomerang à plus long terme. Une sorte de "vente aux enchères" vient d'avoir lieu dans les différentes usines de General Motors aux Etats-unis; les ouvriers ont été amenés à jouer les baisses de salaires les uns contre les autres, et les usines du Texas ont été choisies, celles du Michigan vont fermer, parce que les ouvriers du Texas ont accepté de baisser .leurs salaires ... " . "L'Apartheid mondial, c'est cette division entre une masse de main d'oeuvre qui n'est plus employée ou presque pas, qui survit dans l'informalité, une classe moyenne plus ou moins employée, plus ou moins dans la sécurité et, en haut de la pyramide, des élites du nord et du sud". Susan George conclut son livre par un appel à l'action. Avec, déjà, des premiers résultats: 800 personnes en Belgique pour une conférence organisée par un collectif d'Ong préparant une campagne "boomerang", le ministre de la coopération étant lui-même interessé; une campagne organisée par un syndicat en Italie; des représentants de toutes les universités de GrandeBretagne souhaitant lancer une campagne à ce sujet... "j'aimerais voir des coalitions de gens qui ne se parlent pas très souvent ou n'ont pas forcément l'habitude de travailler ensemble: des militants antiracistes avec des militants écologistes, par exemple" dit Susan George. Propos recueillis par Isabelle A vran. 1- Comment meurt l'autre moitié du monde (Laffont, 1978), Jusqu'au COll , enquête sur la dette du Tiers-monde (La Découverte, 1988), Famine et pouvoir dans le monde (Puf, 1989) ... A ·L ire lement matérielle, elle est morale, elle est culturelle, elle est dans l'âme lorsqu'elle fait barrage au rêve et à/' espérance d'une communauté d'être maîtresse d 'elle-même". "Si l'Antillais de France est plus perméable à l'idée d'indépendance, c'est parce qu'il est quotidiennement interpellé par son apparence physique (. . .). Il est "français par le passeport, mais étranger par la p eau". L'indépendince est un apprentissage, et l'histiore des forces politiques en présence en Martinique, qu'il nous donne à lire, en porte témoignage. Marcel Manville revient sur l'avenir dans un dernier chapitre où il rappelle que "jusqu'en 1983, la violence du colonisateur était subie dans nos trois pays. Lorsque Antillais et Guyannais se défendaient contre cette violence, ce n'était pas en remettant en cause la présence française, mais en posant exclusivement la question de l'égalité des droits et non celle de la souveraineté. Tragique ironie du sort; ils demandaient l'intégration dans tous les domaines (. . .), et le pouvoir français, qui affirmait solennellement que les Antilles et la Guyanne étaient françaises, faisait mitrailler ces hommes, ces femmes et parfois leurs enfants". "Plus un mensonge est gros, plus il risque de tromper", rappelle Marcel Manville, qui, lui, en appelle à "repenser fondamentalement un autre objet de société et un autre statut politique pour les Antilles et la Guyane". DROIT D'ASILE "Droit d'asile: suite et ... fin?" Tel est le titre de la dernière livraison du Gisti. Un numéro important pour tous ceux qui s'intéressent au droit d'asile, c'est-à-dire à la démocratie. Une réflexion documentée sur la tradition du droit d'asile, spécifiquement en France, sur la politique de l'Ofpra, transformé en régulateur de flux migratoires à l'encontre de sa vocation officielle (avec, à la clef, l'histoire de la bien curieuse transformation des conclusions d'un rapport de mission au Sri-Lanka en conclusions inverses ... ) sur les stratégies étatiques de la France et d'autres Etats européens face aux demandes d'asile par temps de fin de guerre froide. Les situations de plusieurs pays d'émigration massive sont étudiées: Haïti, Sri-Lanka, Zaïre, Turquie. Et de nombreux témoignages, reprenant en partie ceux des "appels à témoins" organisés cet été par le "collectif droit d'asile". I. A. Plein Droit, N° 18-19, octobre 1992 (80F), publié par le Gisti (30, rue des petites écuries, 75010 Paris). COURRIERS SCANDALISÉ 1 Je suis scandalisé par J'éditorial du numéro 135 de Différences "Deux mains, la paix!". En fait, il n'y a qu'une seule main, celle des Palestiniens. De plus cel édito ne reflète pas du tout la position de notre Mouvement sur ce problème, car il renvoie dos à dos les oppresseurs et les opprimés, les occupants elles occupés. Deux exemples mensongers de cet édito : lcs Israéliens proposeraient l'autonomie des territoires, en fait ils proposent la gestion du ramassage des ordures, et "il y aurait des indices qui tendent 11 laisser penser que le gouvernement israélien ... ", alors que l'ensemble des médias s'accorde 11 reconnaître que le gouvernement israélien freine les négociations, c'est le moins que l'on puisse dire. Sans parler des 12.000 Palestiniens en prison, des raids israéliens au Sud-Liban, des 1.000 morts depuis le début de l'intifada, des tortures qui se poursuivent (selon un rapport d'Amnesty International) ( .... ). A l'aube du XXIème siècle, ce conflit peut et doit être résolu sur la base de deux peuples, deux A LI R E LES FRONT/ERES DE LA DÉMOCRATIE par Elienne Balibar Etats. Oui, le peuple israélien a le droit de vivre en paix, mais pour cela il doit accepter la réalité historique et contemporaine du peuple palestinien. Le Professeur Leibovitz, Chef de département à l'Université de Jérusalem. a dit lors d'une interview à un quotidien, il y a quelques semaines, parlant de l'Etat israélien "Depuis 1967 celui-ci est devenu un appareil d'oppression sur un aUlre peuple. Les énergies sont tendues ve rs ce seul but, perpétuer l'oppression. Il est urgent d'en finir, il est urgent de comprendre que sur celle terre coexistent deux peuples dont chacun a la plus profonde conscience que ce pays est son pays. Voilà pourquoi il n'y a qu'une seule solution, le partage~. L'écrivain israélien Amos Oz lauréat du prix de la Paix à Francfort, a déclaré. lors de la remise de ce pri,,: "La Palestine sera indi!pendante et en sécurité sur une partie du pays, Israél vivra en paix et en sécurité dans une autre partie du pays" .... MLe conflit israélo-palestinien est un affrontement tragique entre le droit et le droit, entre deu" revendicat ions qui en portent l'une et l'autre la conviction". Oui, le poète palestinien, Mahmoud Darwisch a raison quand il dit "N'y aurait -il pas pour nous de meilleure tâche que de creuser des tombes?" Ahmed KHENNICHE Responsable de la Commission Proche et Moyen Orient du Mrap Je suis désolée que le lilre de l'édilO "Deux mains, la paix!" ail été pris comme "deux mains la paix": fa virgule er le point d'exclamalio'l étant deslinés à l'inscrire précisément dans un (J.venir que le Mrap souliaite proclie. Tout le premier paragraphe est consacré au fait que ~rien n'(J. e'lcore vraimenl changé sur le terrain", l'exposition dont l'agenda est publiée en fair foi. Lo suppression de la loi israélienne interdisalZl les cont(J.CIS (J.vec l'DL? n'est pas un "mensonge" ni encore les propos lenus par M. Rabin. Deux mains, la paix c'esl appeler cette paix pour demain. On peul renIer de trouver dans la réalité des signes qui augmentent un lendemain rel qu'on le souhaite, même s'ils sont fragiles. Merci pour IOn courrier. C.B. se demandent comment envisager l'intérieu r, comme le sont les Noirs des actions et des luttes, alors que au" Etats-unis, et qu'ils soient toute méthodologie, toute inter- Turcs, Sri-Lankais, Maghrébins, prétation globale du monde ont, à ne change rien de fondamental. ce qu'on dit, sombré.. Des développements lrès impor- Le droit de vote des immigrés tants sont consacrés au contenu de mènerait-il à la transfonnation de ce que l'on appelle "'les droits de Cc livre est important et j'en la nation française? oui! car la l'homme" et qui invitent à ri!f1éconseille la lecture à tous les mili- nation française que nous voulons chir à la citoyenneté. L'expression tants du Mrap. Il ne s'agit pas ici et qui d'ailleurs se constitue, ne que nous avons parfois employée dcs faits. mais des idées qui per- peut être la même que celle qui au Mrap de " nouvelle citoyennemellent d'en comprendre révolu- reposait sur l'exclusion des té~ recouvre la conscience que lion. femmes, des ouvriers ... La ~nation nous avons d'un décalage, d'une La première partie est consacrée française en format ion" est ainsi discordance entre la citoyenneté au racisme. C'est en fait le cas de l'héritière légitime et paradoxale individuelle, seule tenue pour valitout le livre: l'idée directrice est de la Révolution Française. de en politique et liée à la nationaque le racisme ne constitue pas un Car l'immigré n'est rien que la for- lité, ct la place tenue effectivement phénomène social particulier. La ce de travail nue, indifférenciée, a dans la réalité sociale, dans le sysseconde: citoyenneté et nationali- priori non qualifiée. La différenee tème social.Tous les droits sociaux té, c'est bien l'une de nos préoccu- politique ne sert qu'à marquer ct à se sont établÎs pa.r des lutles. on le pations centrales. Et la lroisième: stabiliser la différence sociale.La sait. Dans ces conditions, on peut "penser autrement?'" tente de fin du colonialisme politique n'a considérer que la lutte pour la répondre aux interrogations ct aux pas été la fin de la colonisation, démocratie constitue la forme la inquiétudes de tant d'entre nous, mais elle en a généralisé l'effet: plus générale de la lutte des classes et tant d'autresautour de nous, qui désonnais les colonisés sont à dont parle le marxisme. ---~--------------------------- - --- - ------ -------------- - --------------- - ---, OUI, JE REJOINS LE MRAP : Pour donner au MRAP la force humaine et financière de continuer le combat contre le racisme et la xénophobie, Pour [ être solidaire de la réfle"ion et de raction du mouvement antiraciste et pluraliste qu'est le MRAP. Pour être in formé. 1 de manière permanente, et recevoir chaque mois Différences, J'ADHtRE AU MRAP ET JE REÇOIS DIFFERENCES Nom: __ _ Prénom: Adresse Ci-joint un chèque de: ____ _ Tarif: Adbésion + sboruteOll,'nt au mensuel : Simple. . .. 220F Jeune (-18 ans) ... Couple ...................... . ..... .320 F Soutien à partir de . Sans emploi ............... . .......... ............................. 100 F Bienfaiteur à partir de 12 . .......................... 50F . .. 500F ......... I XXlF 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex li nI.: 48.06.88.00 Télécopie: 48.06.88.01 Directeur de la publication Mouloud Aounit Gérant bénéVOle Maniai U: Nancq Admlnl.tration geation Patricia Jouhannet Rédactrica en chel Cherifa Benabdessadok Journaliste Isabelle A vran Publicité aujoumal Abonnements Isabel de Oliveira Mile en page STANWSari Tél.: 49372825 tmpr."lon Montligeon Tél.: 33.83.80.22 Comml'.lon paritaire n063634ISSN 0247·9095 Dépôt légaI1'~2·10 Ce mouvement de conquête et d'élargissement est à l'oeuvre, dès les origines de la Révolution française et jusqu'à nous, et Balibar invente pour cela un mot clé: celui d'égaliberté, qui va plus loin que l'opposition classique entre les libertés individuelles el l'égalité sociale. L'égaliberté est un mot plus pertinent parce que conçrètement social. que celui que l'on voit souvent en tête des manifs: "l'égalité des droits". Cc sec compte-rendu fait hélas subir un appauvrissement considérable au livre de Balibar, qu'il m'en pardonne. Ce qui compte, c'est l'invitation à penser autrement, c'esl-di re à penser sérieusement. Nous avons bien besoin, en cc temps de vacarmes et de vaines parlote~, d'être énergiquement incités à penser le COOlenu de notre expérience de militant antiraciste aujourd'hui. J.-J.K. Rendez-vous le 6 février La manifestation antiraciste du 6 février aura lieu probablement de République à Nation et commencera en début d'après-midi.

Notes

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