Différences n°42 - février 1985

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Sommaire du numéro

n°42 de février1985

  • Miskitos: le retournement (Guatemala) par Robert Pac [Amérique latine]
  • Cinémas, cinéma (journées cinématographiques antiracistes du Val de Marne
  • Les rescapés de l'ile en larme (Sri Lanka, tamouls) par L. Lasfargues
  • Qui sont les Falashas d'Ethiopie? Par Y. Thoraval
  • La bande à Paco (Paco Rabanne) par A. Senna et V. Mortaigne
  • On se mélange? : les Puces par C. Minot
  • Les blancs-Matignon (Guadeloupe) par M. Hubert
  • Kaci dévoilé (B.D. Voile) par M. Ayoun
  • Westerns à la française (train d'enfer, Urgence) par J.P. Garcia
  • Parlez-moi d'amour (couple mixte dans la littérature)
  • On les fait voter (immigrés pour les élections municipales) par D. Aloia [législation]
  • Les droits de l'homme vu par Müss
  • La parole à: Claude Amédé par J. Boaz

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\.af\1~ié ent're les peuples D BALADE AUX PUCES TMophie GAOl C'est arrivé en pologne Les dossiers du MRAP LES INDIENS D'AMER/QUE DU NORD mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples 89 ru. o~.,"a",p' 75011 pori. _41. : Il) 806 88 00 Deux nouveautés : C'est arrivé en Pologne Théophile GROL Roman historique situé en Pologne occupée par les nazis Un livre vrai. 70 F + 9,60 F (frais de port) Les Indiens d'Amérique du Nord Robert PAC Des fiches sur l'histoire, la religion, la société des Indiens Un dossier complet. 25 F + 6,50 F (fais de port) A commander au MRAP, 89, rue Oberkampf, 75011 PARIS. Tél. : 806.88.00 2 FÉDÉRATION UNIE DES AUBERGES DE JEUNESSE WEEK-ENDS DE SKI METABIEF (Jura) _____ 325 F (transport, hébergement, 1/2 pension) CHAMONIX (Haute-Savoie) et SEEZ-lES-ARCS (Savoie) 530 F (transport en car-couchettes, hébergement, pension complète) Fédération Unie des Auberges de Région De-de-France 10, rue Notre-Dame-de-Lorette, 75009 Paris. Tél. : 285.55.40 A la ville du Puy 36, rue Tronchet PARIS 7422569 Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences. 89, rue Oberkampf 75011 PARIS Tél. : (1) 806.88.33 DIRECTEUR DE lA PUBLICATION Albert Lévy RÉDACTION Rédacteur en chef Jean-Michel Ollé Secrétariat de rédaction/maquettes: Véronique Mortaigne Service photos : Abdelhak Senna Culture: Daniel Chaput Relations extérieures : Danièle Simon ADMINISTRATION/GESTION Khaled Debbah ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO Dolorès ALOIA, Monique AYOUN, Hichem BEN YAICHE, Julien BOAZ, Patrick BORGEL, Christiane DANCIE, Jean-Pierre GARCIA, Bernard GOLFIER, Mariette HUBERT, Stéphane JAKIN, Laure lASFARGUES, Annie lAURAN, Catherine MINOT, Robert PAC, Jean-Jacques PIKON, Alain RAUCHVARGER, Yves THORA VAL. ABONNEMENTS 1 an: 160 F ; 1 an à l'étranger: 190 F ; 6 mois: 90 F. Etudiants et chômeurs, 1 an : 140 F, 6 mois : 80 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien : 200 F ; Abonnement d'honneur: 1000 F. Vente à l'étranger : Algérie 14 dinars, Belgique: 140 FB, Canada 3 dollars, Maroc 10 dirhams. PUBLICITÉ AU JOURNAL Photocomposition - photogravure impression: PCP, 17, place de Villiers, 93100 Montreuil. Tél. : 287.31.00 Commission paritaire n° 63634, 1SSN 0247-9095. Dépôt légal: 1985-2 PHOTO COUVERTURE: -Un Blanc-Matignon montant à l'arbre Abdelhak Senna Différences - N° 42 - Février 1985 (SOMMAIRE' , FEVRIER POINTCHAUD ------------------------_________ 6 Miskitos : le retournement Le point sur la situation de ces Indiens du Guatemala qu'on a dits « génocidés » par les Sandinistes. Robert PAC ACTUEL -_----_______ 10 Cinémas, cinéma Le Val-de-Marne vit à l'heure indienne: début des journées cinématographiques antiracistes. GROS PLAN _______________ 14 La bande à Paco Le couturierPaco Rabanne et son oasis interculturelle. Abdelhak SENNA, Véronique MORTAIGNE RENCONTRE _______________________________ 16 On se mélange ? Les Puces, un haut lieu de la coexistence pacifique. Catherine MINOT DOSSIER ---------_____ 18 Les Blancs-Matignon A l'écart de tous, une petite communauté blanche vit en autarcie en Guadeloupe depuis la Révolution. Mariette HUBERT CULTURES ______________ 24 Kaci dévoilé Un dessinateur de bandes dessinées s'attaque au voile des musulmanes. Monique AYOUN Westerns à la française Trains d'enfer, Urgence, deux films qui tirent le signal d'alarme. Jean-Pierre GARCIA HISTOIRE .......... ____________ 34 Parlez-moi d'amour La perennité du thème du couple mixte dans la littérature, de SHAKESPEARE à Albert MEMMI. DÉMT _________________________ 36 On les fait voter Le droit de participer aux élections municipales pour les immigrés : grand problème. Quelques contributions à porter au dossier. Dolorès ALOIA HUMEUR ______________ 41 Les droits de l'homme vus par Müss, nouvelle série. Et encore ... Le mois, la parole à, l'agenda, les petites annonces. 3 R IX vêtements BESANçoN: 1, rue Gambetta LA ROCHE-SUR·YON: 11, rue Stéphane-Gulllemé BESANCON : 1 • rue Gambetta LA ROCHE-SUR-YON: 11 . rue Stéphane-Guillemé GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES : 72, avenue Gabrlel-Pérl GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72. av. G.-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE FONTAINE: Centre Commercial Record ORGEVAL: Centre Commercial "Les seize arpents" 4 CHERS LECTEURSk:: A ORAGE • •• La rage est revenue en France. Dans les départements de l'Oise, . de la Marne, toute peau de renard abattu rapporte une prime. Pourtant, chaque hiver, elle se rapproche de la capitale. Encore quelque temps et les loups entreront dans Paris. La rage est une maladie asociale, qui pousse un animal à s'attaquer à l'espèce. Une forme zoologique de la possession, en quelque sorte. Sans animaliser à outrance, on est quand même parfois surpris de la vigueur que mettent certains humains à vouloir mordre leurs congénères. Quand on lit le bouquin qu'Alain Griotteray vient de consacrer aux immigrés, on sent percer, sous le vieux costume du «Parlons clairement, disons tout haut ce que les autres », etc., l'envie de mordre. Même impression quand on voit ces images de Caldoches faisant la noce pour fêter la mort d'Eloi Machoro, neutralisé à l'épaule d'une balle dans le coeur. Même impression encore quand Claude Labbé, à l'Assemblée nationale, demande l'arrestation et la condamnation à perpétuité d'un Canaque assis dans la tribune du public. Et encore, c'est bien parce que la peine de mort, malgré lui d'ailleurs, a été abolie. Sans même parler de ceux qui tirent sur tout Arabe qui bouge: la rage est revenue en France. Bon, on ne va pas offrir une récompense pour la peau de ces possédés, rassurez-vous, ce n'est pas le genre de Différences. On citera simplement Konrad Lorenz, l'éthologue chenu, peu suspect par ailleurs de progressisme: «L'agressivité, le désir Charles de supprimer les autres, le souci de tenir son rang, est un phénomène qui profite à l'individu mais qui coûte énormément à l'espèce.» De jour en jour, l'image du bon Pasteur vaccinant un petit enfant mordu s'éloigne de nous. 0 1iHérences Tiffhp""p.o _ N° 4~ _ !i'P1Jr;pr IQR'i POINT CHAUD - Mystifications- MISKITOS •• LE RETOURNEMENT Il Y a deux ans, nous étions bien seuls à dire que les Sandinistes ne massacraient pas les Indiens. Aujourd'hui, les récents événements et la presse confirment. .. Tant mieux. B rooklyn Rivera et deux autres dirigeants de l'organisation indigène Misurasata (l'une des deux qui ont pris les armes contre les Sandinistes en 1982) ont effectué un voyage sur la côte atlantique du Nicaragua, à Jinotega et Matagalpa, du 20 au 31 octobre dernier, dans le but de réaliser la réunification du groupe indigène. C'était le point de départ d'un plan plus global pour réunir les ~ conditions d'une solution Ô juste et pacifique du conflit g qui ensanglante actuellement ~ la région. H dM· l' d' la ' Brooklyn Rivera a rencontré on uras: ampu es, ep ces ... le chef de l'Etat nicara- tances vis-à-vis de ses agisse- la région de la côte atlantique guayen, Daniel Ortega, qui ments pour entamer les pour- et une méfiance instinctive à lui a donné toutes les garan- parlers avec les Sandinistes, l'égard des déclarations des ties de sécurité durant son Brooklyn Rivera et les siens Sandinistes et des Miskitos de voyage. Tout cela a été rendu ont affirmé ne compter dans l'intérieur du Nicaragua. Un possible grâce à la solidarité leur rang aucun «Fa- résultat qui a donné de la active de plusieurs personna- gothiste », partisan du Mi- crédibilité à des individus ou lités françaises, dont Régis sura, l'autre organisation in- à des organisations hostiles Debray, du sénateur Edward dienne en guerre contre Ma- aux Sandinistes, comme Kennedy et de plusieurs or- na g u a et di r i g é e par l'Eglise morave. ganisations de défense des Steadman Fagoth Müeller, droits de l'Homme qui sou- ouvertement armée et entiennent les causes indigènes, traînée par la CIA et alliée du comme la Commission de FDN somoziste au Honl'Organisation des Etats amé- duras. ricains (OEA). Un diplomate L'élément clé dans l'action de français a accompagné Broo- la CIA autour des Miskitos a klyn Rivera durant tout son été la manipulation des mépériple. dias, tant aux Etats-Unis Le résultat le plus significatif qu'ailleurs, entreprise au mide l'ouverture de ces conver- lieu de 1980 (1). Ce bombarsa tio n s, c' es t d'a vo i r dement de fausses informaconfirmé le rôle provocateur tions a atteint un sommet et manipulateur de la CIA dans les six premiers mois de qui a recruté, organisé et 1982. entraîné les Miskitos dans les Le résultat a été de semer de territoires indiens du Hon- graves doutes sur le respect duras. En prenant leurs dis- des droits de l'Homme dans 6 Photo truquée Cette campagne trouva un très large écho en France. Les médias, certains ethnologues de très large audience et aussi d'autres qui se prétendent supporters des Indiens colportèrent ici toutes sortes de calomnies contre les Sandinistes. Massacres, viols, tortures, destructions, tout y passa. On se souvient de la fameuse photo publiée dans le Figaro-Magazine. La légende expliquait qu'il s'agissait d'Indiens Miskitos massacrés par les Sandinistes. Elle montrait, en réalité, des cadavres de victimes de la terreur somoziste brûlés par la Croix-Rouge par mesure d'hygiène, bien avant 1979 ! Alexander Haig, secrétaire d'Etat américain, qui avait repris ces élucubrations à son compte, fut obligé de reconnaître piteusement qu'il avait été« abusé » par cette fraude qui a, depuis, trouvé son dénouement judiciaire: le Figaro-Magazine a été condamné sur plainte du photographe auteur de la photo. Aujourd'hui, plus personne ne se risque à soutenir ces thèses. A cet égard, il était significatif d'entendre l'un des plus actifs acteurs de cette campagne en France lors d'un débat sur les luttes indiennes, en octobre dernier, dire que « là n'était pas la question », à savoir si toutes ces accusations étaient réelles! Au contraire, la presse « indépendante » elle-même écrit aujourd'hui qu'« un nombre considérable de réfugiés Miskitos ont été amenés de force au Honduras» (Le Monde Diplomatique, août 1983), comme les habitants indiens de Francia Sirpe, dans le département de Zelaya Norte, enlevés le 19 décembre 1983 par une bande de «cor.tras» avec l'évêque Salvador Schlaefer à leur tête. On sait aussi, et c'est le prix Nobel de la Paix argentin Adolfo Pérez Esquivel qui l'a révélé, que, le 6 janvier 1984, deux cents Indiens Miskitos ont été assassinés par l'armée hondurienne alors qu'ils essayaient de rentrer au Nicara& ua . Aujourd'hui, la colère des « contras », parmi lesquels malheureusement figurent des Miskitos, se porte sur les villages indigènes qui ont réduit leurs critiques contre les Sandinistes, face à l'oeuvre remarquable réalisée par le gouvernement révolution-naire dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'habitat, des communications. Les commandos somozistes attaquent maintenant les villages indiens. Ils détruisent tout, les écoles, les centres de santé. Ils assassinent les médecins, les infirmières, les instituteurs, tous ceux qui participent à la transformation du pays. Le 17 avril 1984, ce fut le village de Sumubila, près de la frontière nord. Neuf Indiens trouvèrent la mort, dont un enfant de neuf ans ; il Y eut quinze blessés et trente-neuf personnes enlevées. Tout fut détruit. Il y avait malheureusement des Miskitos parmi les assassins ! On mesure l'horreur de ce drame. On comprend aussi mieux la décision du gouvernement révolutionnaire de déplacer les populations indiennes du Rio Coco en 1981. Quel sera l'avenir des Miskitos qui ont été manipulés par Steadman Fagoth et qui sont utilisés par les forces somozistes ? (2) On garde le souvenir des minorités qui ont été utilisées par la CIA au Laos et au Viêt~nam et qui ont été ensuite proscrites par leur propre peuple. Et aussi des Kurdes entraînés dans le conflit irano-irakien par la CIA pour être ensuite abandonnés face aux forces irakiennes après le « lâchage » du Shah d'Iran en 1975. On trouve d'autres exemples avec le Congo, le Nigeria et l'Ethiopie. Comme tous les Indiens du continent américain, les Miskitos veulent rester des Indiens. Ils veulent continuer de vivre selon leurs coutumes, parler leur langue, se gouverner eux-mêmes. Ils re- Différences - N° 42 - Février 1985 vendiquent leur autonomie et leur souveraineté, comme leur en reconnaît le droit la Résolution 1514 (XV) des Nations unies. Or, les premières dispositions prises par le gouvernement sandiniste, bien qu'elles constituent un événement sans précédent sur le continent américain, ne les ont pas satisfaits parce qu'elles ne 'laissent pas entrevoir, même à terme, la volonté de leur accorder l'autodétermination. Citoyens de force avec vigueur. Ils obtiennent des soutiens dans le monde entier. Il serait donc injuste de traiter les Miskitos de contre-révolutionnaires lorsqu'ils agissent de même façon que leurs frères d'Amérique du Nord. Il semble que le gouvernement révolutionnaire du Nicaragua n'ait pas considéré cette apparente contradiction avec suffisamment d'intérêt. En même temps, le Nicaragua doit faire face à une situation dont dépend son existence en tant que pays libre. Les menaces d'une intervention militaire amériAux Etats-Unis, le procédé caine sont réelles. L'objectif le plus fréquemment utilisé des Miskitos n'est pas de pour voler leurs terres aux renverser le régime sandiIndiens est d'en faire autori- niste. Brooklyn Rivera se tairement des citoyens améri- reconnaît sans réserve cains. Si les Indiens sont comme nicaraguayen et il a citoyens américains, ils per- toujours tenu sa parole de ne dent tous leurs droits d'In- pas s'allier aux Somozistes. diens, de peuple autochtone. La seule issue au différend Lorsque cette politique est entre les Sandinistes et les mise en vigueur aux Etats- Miskitos réside dans un comUnis ou au Canada, les In- promis par lequel les Sandidiens. protestent et agissent nistes reconnaîtraient l'exis- ... les Miskitos au coeur d'une drôle de guerre. 7 tence des nations indiennes et leur garantiraient le droit de définir le cours de leur développement. Un tel compromis conduirait à la formation d'une alliance révolutionnaire qui montrerait clairement aux Indiens que. la Révolution défend leurs intérêts et aux Sandinistes que les Indiens peuvent être de puissants alliés. Voilà les problèmes qu'il faut discuter. Le gouvernement révolutionnaire, comme les Indiens, fait des erreurs. Une partie de la politique indienne des Sandinistes est fausse ; il n'y a pas de doute que certaines des positions prises parles dirigeants in- . diens du Misurasata sont également fausses. Les expériences des Miskitos et des Sandinistes sont historiquement très différentes, mais les deux ont pour objet la décolonisation. Tout n'est pas réglé pour autant. Après avoir repoussé une première proposition des Sandinistes, mi-décembre, parce qu'elle ne reconnaissait pas aux Miskitos le principe d'autodétermination, Brooklyn Rivera est récemment revenu clandestinement au Nicaragua pour rendre compte de ses démarches aux guerilleros indiens proches de son mouvement. Pris dans un affrontement entre combattants indiens et troupes gouvernementales, il aurait été blessé. De quoi ralentir la venue des nouvelles propositions sandinistes. L'alliance entre les Miskitos et le gouvernement du Nicaragua, événement sans précédent à ce niveau dans les luttes révolutionnaires en Amérique dite "latine", aurait une influence capitale sur le succès de celles qui sont en cours ou à venir. De plus, les principes des cultures indiennes apporteraient sans conteste des éléments nouveaux d'un intérêt considérable pour le développement de la pensée progressiste. 0 Robert PAC (1) Lire dans Différences n° 16 octobre 1982 : le Mystère Miskitos. (2) D'autant que, contre toute attente, celui-ci vient d'être expulsé du Honduras. LE MOIS Bal raciste La Tanière, en Saône-et-Loire, un petit village pittoresque à l'extrême sud du Morvan. Comme tous les samedis, le bal bat son plein et l'ambiance est des plus normales. Au cours de la soirée, à l'occasion d'un rock, deux jeunes filles, l'une Maghrébine, l'autre Française, dansent ensemble. Un jeune danseur interpelle l'une des deux danseuses en la traitant de «sale Bougnoule ». Les amis de la jeune fille s'interposent. La bagarre éclate, c'est l'escalade. Un jeune Maghrébin sort un couteau et blesse grièvement au thorax l'un des adversaires. Des adversaires qui, à mesure que les événements s'aggravent, se font de plus en plus nombreux. Parallèlement à la montée des coups, les invectives racistes se multiplient et les jeunes ' Algériens ainsi que leurs compagnes prennent la fuite. S'organise alors aux dires des fuyards une véritable « chasse à l'Arabe ». Toujours selon eux, !fS «gens du bal » , armé'$ dcttbâtons, fourches et même fusiiV, ont organisé une véritable «ratonnade », obligeant « deux jeunes Algériens à se planquer dans les prés et les bois jusqu'à six heures du matin ». Pendant ce temps, on évacuait le blessé en direction de l'hôpital du Creusot dans un état critique. L'enquête rapidement menée aboutissait à l'arrestation (sous incuipation de coups et blessures volontaires avec arme) de Abaida Kaddour, un jeune Algérien domicÜé à Torcy (près du Creusot) dans une cité à forte concentration d;immigrés. (24 novembre) Un élément nouveau donne à ce fait divers une tournure inattendue. Les sept compagnons d'Abaida Kaddour, incarcéré, entament une grève de la faim dans les locaux, du Centre social de Torcy. Soutéoos par leur avocat, maître Thierry Fenoy, ils en tendent par ·tette action « alerter l'opinion publique et réclamer la reprise d'une enquête, cette fois non orientée, menée dans les deux sens ». Les grévistes de la faim et leur avocat ne rejettent pas le chef d'inculpation retenu contre Abaida. Ils plaident simplement la légitime défense et dénoncent le caractère raciste du véritable lynchage dont ils ont été victimes. (1" décembre) Beur-Blanc-Black Instant inachevé: ' Farida Belghoul termine son discours, intitulé « Lettre aux gens convaincus », devant une foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes, place de la République vers 19 h. Un discours atypique, clair, sans concession. Le reflet de ce qui venait de se passer depuis un mois, depuis ce 3 novembre où, de cinq villes de France, les «mobylettes pour l'égalité» avaient démarré pour converger sur Paris. Farida Belghoul tient d'abord à évoquer la marche des Beurs de l'an dernier: l'espoir ce jour-là « d'un silence brisé» ; puis peu à peu « le lent retour du silence dans les rues », l'exemple de Talbot, l'isolement des travailleurs immigrés, la montée du phénomène Le Pen, les dérapages du gouvernement, pour en arriver à ce qui avait fait naître Convergence

la croyance qu'il fallait à

nouveau retrouver l'aide et le soutien des antiracistes convaincus. (1" décembre) Centre de rétention Le Conseil municipal unanime de Dugny s'insurge, car, depuis plus de quinze jours déjà, des travaux ont commencé sur la base aérienne 104 désaffectée et l'on a découvert avec stupeur que c'était pour y installer un des ces nouveaux « centres de rétention administrative » prévus par les dernières mesures contre l'immigration clandestine: en l'occurence, quelques baraques préfabriquées pour parquer les expulsables sans papiers en transit, attendant le premier avion. En vue de l'aéroport du Bourget et à proximité d'une caserne de gendarmerie, le lieu avait semblé idéal au ministère de l'Intérieur. Du côté de Roissy et Orly, il avait déjà essuyé de méchants refus. A Dugny, cette fois, malgré les rouspétances, on va de l'avant. Les centres de rétention, en principe, Félix Lacan, le maire, n'est pas contre, mais pas si près de ses administrés. «Même le principe de mettre de tels centres sur un aéroport n'est pas mauvais, dit-il. Mais il y a d'autres terrains disponibles », et de montrer à deux cents mètres de là le bout des pistes du Bourget. D'ailleurs, « ce terrain était dévolu au Musée de l'air », regrette le maire qui défend « le droit des gens à vivre tranquilles ». Cette fois, il pointe le doigt sur la cité HLM de l'autre côté de la rue, derrière le grillage barbelé . « Imaginez ces gens avec un camp de concentration en vis-àvis. Déjà que les citoyens du cru me reprochent de faire trop pour les Arabes. » 8 En conséquence, il a saisi le tribunal administratif de Paris et refusé le raccordement des canalisations avec les égouts communaux. En l'état, ce serait vraiment un centre de « rétention ». (2 décembre) Scènes de rafle La ratle massive effectuée à la Goutte-d'Or n'aboutit qu'à une vingted'Or n'aboutit qu'à une vingtaine d'interpellations au total. Comme toujours en pareil cas, la montagne accouche d'une souris, sans compter les inévitables bavures (un front fendu, un bras cassé, trois personnes au moins se préparent à porter plainte pour violence policière) et le racisme affiché : « Tout ça, c'est des cacalas, des vicieux, des voleurs. Des négros, quoi! » dit sans complexe un policier en action. Et au bout de ce déploiement policier, onze personnes sont interpellées pour trafic de stupéfiants, une pour recel et treize pour infractions à la législation sur les étrangers. A l'origine de cette invasion policière, une commission rogatoire émanant du juge JeanLouis Debré, dans le cadre d'une instruction sur un trafic de drogue, donnant autorisation de perquisitionner dans six bars et quatre îlots. Ces commissions suscjtent de vives polémiques : sont-elles vraiment légales et, en tout cas, sont-elles légitimes? Sans oublier que les policiers eux-mêmes prennent l'initiative de relever les empreintes de toutes' les personnes interpellées « pour ' rechercher le tueur du XVllI j,' l'assassin des neuf vieilles dames mortes autour de la: buttè Montmartre. Une telle cohJusion"des genres et des missions' 'transforme une intervention déjà musclée, la plus importante depuis 1981, en une opération douteuse sur le plan légal et 'dangereuse pour les libertés. En d'autres temps, la gauche s'était indlgnée'de'ces opérations coupde- poing qui tournaient plus autour du délit de faciès qu'à la recherche de trafiquants. (6 décembre) We shall overcome Dep~is ' bientôt deux semaines maintenant, tous les jours ou presque, l'élégante demeure qui abrite l'ambassade d'Afrique du Sud sur Massachussetts Avenue (surnommée « Embassy Row») à Washington est entourée de barrières de police autour desquelles se pressent parfois plusieurs centaines de manifestants. Ils tournent en rond et chantent « Libérez l'Afrique du Sud, libérez la Namibie, libérez les ghettos. » De temps en temps, quelques personnalités franchissent les barrières de la police et chantent quelques slogans ou la célèbre chanson du mouvement des droits civiques des années soixante We shall overcome. Ces personnalités sont alors arrêtés, car elles viennent d'enfreindre la loi qui interdit tout rassemblement hostile à moins de cent cinquante mètres d'une ambassade. Des membres du Congrès, comme Walter Fauntroy ou John Conyers, des comédiens, comme Dick Gregory, ou des personnalités, comme la fille du pasteur Martin Luther King ou les enfants de Robert Kennedy, sont conduits, menottes aux poignets, devant les caméras de télévision, dans une voiture de police. Ils sont ensuite relâchés sans inculpation. La politique d'engagement constructif, qui consiste grosso modo à préférer les pressions amicales et « la diplomatie discrète» aux sanctions économiques pour favoriser un changement « pacifique » des institutions sud-africaines, est défendue une nouvelle fois par son principal architecte, Chester Crocker, assistant du secrétaire d'Etat pour les Affaires africaines. Crocker, au cours d'un briefing à la Maison Blanche, déclare que l'Afrique du Sud connaît actuellement « un processus de changement »: «Nous avons exprimé très clairement notre grande inquiétude à l'égard de la répression en Afrique du Sud, qui risque de détruire tout espoir d'alternative pacifique dans ce pays. » Crocker, qui avait participé la veille à un dîner honorant Desmond Tutu, a également tenté de défendre le bien-fondé de la politique américaine. Il a cité « l'augmentation des dépenses pour l'éducation des Noirs », «l'ouverture des syndicats aux membres de tous les groupes raciaux », ainsi que les récents amendements constitutionnels, dénoncés pourtant généralement comme renforçant le système de ségrégation. Crocker a ajouté que Ronald Reagan trouvait le système d'apartheid «répugnant ». Cette répugnance n'est guère évidente a priori, et les manifestants de l'ambassade sud-africaine se plaisent à rappeler les abstentions répétées des Etats-Unis dès qu'il s'agit de dénoncer l'apartheid à l'ONU. Néan'molns ënprlvé; dès"responsables de la Maison Blanche ont été cités, déclarant que ces mani- De la neige sur Nice: encore un coup de la gauche? festations auront à long terme un effet bénéfique, ne serait-ce que pour bien faire comprendre aux autorités de Prétoria les limites de la bonne volonté américaine. (11 décembre) Allons donc! Le Conseil municipal de Vence (Alpes-Maritimes) décide de « demander que le gouvernement prenne sans plus tarder les mesures nécessaires pour débarrasser la France de tous les immigrés indésirables qui menacent la santé et la sécurité de nos concitoyens ». La motion, proposée par un conseiller municipal RPR, Gérard Prioux, ancien président du Conseil d'administration de l'ONI (Office national de l'immigration) dont il avait démissionné en 1983, est adoptée à l'unanimité moins une voix (PC) et trois abstentions (PS). La majorité du Conseil municipal de Vence est constituée par les membres d'une liste RPR, PR et sans étiquette, conduite par le maire, M. Bernard Demiche lis (RPR), par ailleurs conseiller général. . «Le Conseil municipal de Vence, dit la motion, est légitimement préoccupé par la montée de l'insécurité dans notre région, et constate l'apparition sur son ter- Différences - N° 42 - Février 1985 ritoire d'une délinquance nouvelle dont sont respons,ables les immigrés maghrébins ,ën:, J situation irrégulière dans 'n'Dtre pays. » (21 décembre) La grâce Deux religieux lyonnais,; 1~ prêtre Christian DelorIl)eet1~ pasteur Jean Costil, "demandent à François Mitterraijd ,; d'ex~rcer son droit de grâce pom;, ,'Jom,ni Djaidja, vingt-de~~ " ans, condamné en appel ,à . deux ans de prison dont , quinze '. mois ferme, pour «vol ayec violences ». Dans leur lettre rédigée le jour de l'arrêt de l!l cour de Lyon, les deux hommes souli~ gnent que, « quelle. que soit l:appréciation que nous. portons sur cette condamnation répétée, il n'est pas de notre propos de nous en prendre à l'autorité nécessairJ de la justice. Mais, à cause de tout ce que Toumi représente au plan de la fraternité entre les diverses communautés qui/ont la France, en raison aussi " iJe~' garanties de sérieux que rèprésente notre ami... nous nous permettons de solliciter votre grâce, sûrs que beaucoup dans ce pays accepteront d'appuyer notre requête » . (30 novembre) . François Mitterrand use de son droit. Le geste présidentiel « ré- 9 pond à l'espoir né de la marche des Beurs en 1983 ». Le MRAP s'en félicite. (22 décembre) La grâce accordée à Toumi par le président de la République provoque de multiples réactions chez les éternels mécontents. Outre l'Association professionnelle des magistrats (minoritaire dans la profession) qui considère que cette mesure est un désaveu intolérable à l'encontre dès juges et d'une décision de justice, les syndicats de policiers proches de la: droite et de l'extrême droite se déchaînent. La Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP) «éprouve» tout simplement un « sentiment de révolte et de dégoût en apprenant la mesure de grâce dont bénéficie le truand franco-algérien Toumi Djaidja » . Le Syndicat indépendant de la police nationale (SIPN) assure que cette grâce est « un désaveu cinglant infligé à tous ceux qui sont chargés de la sécurité des personnes et des biens, policiers et magistrats. Après Knobelspiess et bien d'autres, les Français apprécieront. » (27 décembre) En vrac Les propositions -avancées par M. Pisani semblent ramener le calme en Nouvelle-Calédonie. Cependant lajl10rt d'un jeune colon, Yvesrhual, dont on .accuse un groupe indépendantiste, déclench~ des émeutes de la part de la pôpulation blanche à Nouméa. Au même moment, Eloi Machoro, un des leaders du FLNKS, est abattu par une brigade de gendarmerie . (13 janvier). Le président de la République se . rend surplace pour un voyage éclair pendant lequel il rencontre les représentants des différentes tendances de la population. (19 janvier). Jean-Marie Tjibaou est reçu pal' le MRAP lors de sa tournée en France. (28 janvier). La loi de 1972 contre le racisme est élargie. Les associations pourront' désormais se porter partie ci~ile lors des crimes racistes, leyr compétence n'étant jusque-là, reconnue que dans le cas de pratiques discriminatoires ou d'injures, A cette occasion, le MRAP~e porte partie civile dans l'affaire du Bordeaux-Vintimille. Le film Train d'enfer, en partie inspiré de cette affaire, est .interdit dans le Tarn-et-Garonne, (9 janvier). Le film de Jean-Luc Godard, Je vous salue Marie" est, lui, interdit par arrêté municipal dans la ville de Versailles. /ACTUEL~ Des journées cinématographiques, à Créteil et un peu partout dans le département, un regard sur le cinéma indien. L 'oeil vers ~~ l' 1 n de» ... " Bien sûr, ce n'est pas bien facile à prononcer, essayez cinq fois de suite sans vous arrêter, vous m'en direz des nouvelles. Pas facile à dire, mais intéressant à voir. C'est le thème des IVes Journées cinématographiques du Val-de-Marne, qui commencent ces jours-ci. Nous avons rencontré JeanJacques Mitterrand qui, comme son nom ne l'indique pas, n'est pas de la famille, et Gérard Coulon, secrétaire national du MRAP, qui les organisent. Des journées cinématographiques contre le racisme et ~ pour l'amitié entre les~ peuples, la première question ~ était évidemment de savoir ce qui les différencie du Festival du film antiraciste d'Amiens, dont nous rendons compte chaque année. « Chez nous, pas de compétition, pas de palmarès. Il s'agit surtout de donner à voir des films qui n'arrivent généralement pas jusqu'à la banlieue. Rencontre avec d'autres regards, d'autres cultures, nous voulons que les spectateurs soient interpellés dans leur propre identité. » Après chaque film, il y a débat. Une quinzaine de villes, une vingtaine de lieux, les Journées, comme d'ailleurs à Amiens, visent à l'éclatement. Au déplacement aussi : le public des banlieues a souvent pour habitude d'aller voir ses films « à la ville ». « Nous cherchons à créer des habitudes, dit Gérard Coulon, et d'année en année, les gens viennent, surtout des jeunes. » Comment les faire venir? C'est le travail de préparation mené de front par les militants du MRAP et les animateurs de lieux culturels du département. La conjonction de ces deux « familles » "Î - Val-de-Marne - , , CINEMAS-CINEMA 10 différentes permet de toucher beaucoup de monde dans le département: tracts, affiches, bouche à oreille, tout est bon. Y compris la conférence de presse pour les médias nationaux, avec, s'il vous plaît, un buffet pour- récompenser les journalistes parisiens suffisamment courageux pour aller jusqu'en banlieue. Le choix des films est difficile. «L'ambition, dit Jean-Jacques Mitterrand, est de diffuser un cinéma peu connu, ce qui rend leur connaissance, ou leur reconnaissance plus ardue. Mais cela ne nous arrête pas. Nous savons. qu'il ne suffit pas de proposer de bons films pour que les gens viennent au cinéma. » Découverte totale D'ailleurs, on sent une légère inflexion dans le programme de cette année. Auparavant, le choix se portait plus facilement sur ce que l'on appelle parfois le «cinéma de ghetto », avec le danger de ne voir, à la projection d'un film, par exemple malien, que la communauté de cette nationalité du département. Cette année, le pari est plus difficile, puisque c'est le cinéma indien qu'on projette, et il y a fort peu d'Indiens dans le Val-de-Marne. La découverte, cette fois-ci, sera totale. Sauf que les films attendus sont tout de même un peu plus connus que ceux qui nous viennent d'Afrique. En France, on connaît un peu cette cinématographie, la première mondiale, et les noms, au moins, de gens comme Satyajit Ray ou Guru Drutt. Moins ceux de Bimal Roy ou Mrinal Sen. La liste est trop longue des lieux qui accueilleront les Journées cinématographiques -(1), dont les projections seront complétées de documentaires, d'analyses de Claude Sauvageot sur la vie quotidienne. Un moyen d'en savoir plus sur l'Inde que la mort d'Indira Gandhi, ou les catastrophes écologiques. (1) Tous rehSeignements au cinéma «La Lucarne », 100, rue Juliette-Savar, 94000 Créteil. Tél. : 377.50.56. - Au feu! - Nouvelle-Calédomanie O N ne vous parlera pas de Mélanésie. Tous les journaux le font et nous ne sommes pas en possession d'informations nouvelles sur le sujet. Voici simplement quelques constatations

on tente de placer le

débat sur le terrain du droit du primo-occupant. Les Canaques n'ont rien à gagner sur ce terrain. Si on considère bon nombre de pays de ce point de vue, il faut rayer Israël de la carte, et donner le pouvoir en France aux seuls descendants des Celtes, ce qui ne fait pas grand monde. Curieusement, cette discussion en cache une autre. A savoir pourquoi les gens sont en Nouvelle-Calédonie. On peut peut-être rappeler qu'il y a eu là-bas, sous le régime Plaidoyer pour éviter un massacre précédent, une politique de colonisation forcée des territoires occupés, pour reprendre une terminologie en usage dans d'autres points du globe. Depuis les colonies de déportés jusqu'à l'importation massive de population ces dernières années, c'est l'Etat français en général, et la droite en particulier, qui est entièrement responsable de cette situation. Peut-être aussi rappeler que ces colons envoyés par milliers ne sont pas venus par philanthropie, mais pour faire de l'argent: les salaires en Nouvelle-Calédonie sont les plus élevés des DOMTOM, trois fois le salaire de base. Argent d'ailleurs réinvesti, en grande partie, en métropole. Quelles que soient les formules employées, à partir du moment où un peuple réclame son indépendance, c'est qu'il ne l'a pas, et qu'il s'agit d'une situation coloniale. Le gouvernement, incarnant l'Etat, est à ce titre dépositaire de tous les actes passés de cet Etat, hérite donc d'une situation coloniale. Ou il la maintient ou il se retire et laisse face à face deux communautés armées, ou il cherche à liquider la colonisation en obtenant toutes garanties pour que la situation, bancale mais de fait, soit viable dans le respect des droits de chacun. A partir du moment où l'Etat, donc le gouvernement, intervient, l'affaire deÇa cause, ça cause. .,; vient partie intégrante de la vie politique française et des médias. On ne peut pourtant qu'être gênés de voir l'opposition se saisir du problème pour faire monter la tension, alors que dans l'état actuel des choses, chaque effet de tribune en France, c'est un mort potentiel en NouvelleCalédonie. On peut aussi craindre que le gouvernement et le chef de l'Etat, donc l'Etat, cèdent au jeu de la provocation et n'envoient la troupe pour montrer leur courage. L'état d'urgence peut être considéré, de ce strict point de vue, comme un pas sur cette pente. On ne vous parlera pas de Mélanésie. Sauf pour appeler au calme. • • Une réunion profsélèves A Montreuil, on se chamaille à propos d'un foyer d'immigrés. Par contre, au lycé~ Jean-Jaurès, c'est le consensus. Des élèves d'origine étrangère ont reçu des lettres de menace de mort. Immédiatement, administration, élèves, profs, comité local du MRAP et municipalité ont organisé une journée portes ouvertes consacrée à la lutte contre le racisme. Du beau travail. Différences - N° 42 - Février 1985 11 ACTUEL - Génocide? - , LES RESCAPES A DE L'ILE EN LARME On en voit dans les rues de Paris. Ils ressemblent aux cc Pakis » de Londres. Que font les Tamouls en France? GO ~ Fi ou 8 ENM/.li SRi LANKA 1. Simplement, il fuient la mort. rialisme garantit la paix civile, comme par exemple en Nouvelle Calédonie? De quoi plutôt leur faire honte. Les colonisateurs, d'abord portugais et hollandais , avaient unifié deux royaumes indépendants. Les Anglais, ensuite, ont joué une communauté contre l'autre, en donnant aux Tamouls une place prépondérante dans l'économie. Les Anglais partis , les Cinghalais ont cherché à réparer les dégats, de façon quelque peu brutale . En 1956, le Cinghalais devient ~tI_oiiti langue officielle. Quelques """,!",!",,12 janvier 2012 à 17:54 (UTC)+:'----" années plus tard est instauré arnves jusqu'à Paris. Devidas habite un trois pièces aux papiers peints défraîchis .. Petite taille, les cheveux bouclés, le regard vif et rieur, il nous accueille chaleuréusement. Il a entre 25 et 30 ans, comme ses trois amis. Arrivés en France il y a deux ans, il travaille dans une boulangerie. « De 6 h 30 à 19 h, je n'ai pas le temps de rencontrer des Français.» Si certains jeunes Tamouls ne cherchent pas à s'insérer, c'est que, d'après lui, ce n'est qu'une étape dàns leur vie. Il regrette cet isolement. «Ce n'est pas facile d'apprendre le français, et rares sont ceux qui profitent de l'occasion pour s'installer en France. » ES Noirs asiatiques: c'est ainsi que parfois les parisiens déroutés par cet immigration récente appellent ces jeunes à la peau brune, originaire du souscontinent indien. Pakistanais, Indiens, mais surtout Tamouls, une ethnie minoritaire venus de SriLanka, autrefois Ceylan, cette île en forme de larme qui perle au bout du souscontinent indien. Les Tamouls seraient plus de 20 000 en France arrivés pour la plupart ces trois dernières années, ils fuient les massacres dont ils sont victimes. Ile paradisiaque vantée pour ses cocotiers et ses baies tranquilles, Sri-Lanka est périodiquement secouée par des vagues de violence. Depuis l'indépendance, Tamouls, hindouistes du Nord, et Cinghalais, bouddhistes du Sud, s'affrontent. De quoi faire pérorer les colonialistes qui pensent que seul l'impéun système de sélection à l'entrée des universités. , Lasi et Thilayamballam ont appris à se taire même dans leur propre langue Victimes de discriminations dans tous les domaines, les Tamouls sont de plus en plus rejetés. Certains, forcés de quitter leur emploi, s'exilent vers les Etats-Unis, le Canada, l'Europe ou l'Australie. Les années 60 et 70 se caractérisent par une radicalisation du conflit, les Tamouls s'organisent et réclament l'indépendance du Nord de l'île. Années marquées par de sanglants affrontements jusqu'à ceux de l'été 1983 qui feront 2 000 morts. Nous avons rencontré quelques uns de ceux qui sont 12 Bernard lui, était enseignant à Mannar. La plupart des jeunes qui fuient vers l'Europe appartiennent à des milieux aisés : il faut parfois payer très cher passeport, billet d'avion, et «droit de passage» aux frontières. Ici, à Paris, c'est la plonge, les travaux de nettoyage, ou k chômage. Bernard collecte de l'argent pour les familles des prisonniers politiques. Le gouvernement sri-lankais, depuis quelques temps, tente de bloquer ce soutien financier extérieur. Lasi et Thilayamballam sont plus réservés, ils ont appris à se taire, même dans leur propre langue. Sans visa, c'est pour eux, au mieux, le travail au noir. En partant , on leur a tout confisqué, papiers et affaires. Christie est arrivée chez moi tout sourire. En règle, il va épouser une jeune Tamoule. Il travaille comme employé de maison. Nanti pour l'instant de son seul visa touristique, il attend une réponse pour sa demande de réfugié politique. Bizarrement, après tant de massacres, ça traîne. L'OFPRA prétend que les Tamouls sont des réfugiés économiques. Difficile d'apporter les preuves d'une persécution, et de se débrouiller p a r écrit. Christie a confiance, il est prêt à enlever sa chemise pour fournir les preuves de violences physiques subies ... Les Tamouls sont victimes de ce que personne ne sait pourquoi ils sont là et qui ils sont. Condamnés à vivre ensemble, les deux communautés, d'abord réunies puis dressées l'une contre l'autre par la colonisation, cherchent un compromis. Le TULF (1) serait prêt à renoncer à l'indépendance pour des conseils régionaux séparés. Les Cinghalais craignent, à travers la solidarité des Tamouls de l'île avec leurs 50 millions de cousins indiens, la voracité de l'Etat voisin. En attendant, pour beaucoup, c'est l'exil. - Laure LASFARGUES (1) Office Français pour la protection des réfugiés et apatrides. (2) Tamil United Liberation Front, l'organisation politique des Tamouls. 1,· - Opération Moïse- Qui sont les Falashas , d'Ethiopie ? Juifs perdus dans la corne de l'Afrique, ils arrivent en IsraëL Un cas passionnant, mais tragique On les a longtemps ap- la péninsule Arabique. Les pel é sie s «j U ifs Falashas utilisent pour leur noirs» des hauts pla- liturgie le guèze, la même teaux éthiopiens, parfois on langue que les chrétiens amIes a confondus avec une des haras, proches des coptes à tribus « perdues» d'Israël, et certains égards. la question de leurs origines On a peu d'éléments sur et de leur identité agitent cette communauté : ce que aussi bien les chercheurs que l'on sait, c'est qu'elle s'est les autorités israéliennes. toujours réclamée, face aux En Ethiopie, les 25 000 persécutions chrétiennes et Falashas (un nom qu'ils récu- musulmanes, d'un judaïsme sent car il signifie « éxilés» antique, très empreint des pour les chrétiens am haras ), rites, des « signes» (étoiles recensés grosso modo, se de David, etc.) de cette relinomment eux-mêmes «Beta gion« figée» hors des tradi- 1 s r a ë 1» ( 1 a mai so n tions talmudiques. Le cas des d'Israël») et, jusqu'à leur Falashas serait passionnant « aliah» soudaine, ils for- s'il n'était aussi tragique: en maient une communauté mi- effet, leur survivance millésérable de petits agriculteurs, naire, jusque très récemexerçant également les mé- ment, sur les hauts plateaux tiers méprisés, mais craints abyssins ou bien les relie en Afrique, de forgerons et directement aux migrations de potiers. Pourtant ils ont eu «intersémitiques» dans la pour souveraine la reine Ju- région depuis des temps redith, qui mit au XIe siècle le culés, autour de l'ère ch réroyaume chrétien d'Axoum à tienne, ou bien démontre une feu et à sang, à une époque fois encore que le judaïsme a où la communauté falasha su être prosélyte, contraireaurait compté, ce qui est très ment aux idées reçues, et leur exagéré, un million de cas serait alors à rapprocher membres. de celui des Berbères, des Juifs ou judaïsés? p'our les Khazars turcs, des Géorùns, ce sont les descendants giens, des Yéménites, ou des de Cham, pour les autres des Bn'ai Israël (juifs noirs inconvertis · d'origine sémi- diens), convertis au cours des tique, comme plusieurs siècles. ethnies d'Ethiopie, venus de Yves THORA VAL Différences - N° 42 - Février 1985 13 F L A 5 H IL Y a quarante ans, des ombres sortaient de la nuit et entraient dans l'Histoire. Il y a quarante ans, Auschwitz était libéré. GREVE du zèle : le tribunal de Toulon conteste à Laurent Mendy, d'origine sénégalaise, sa nationalité française. Il est vrai qu'il n'est français que depuis ... 1960. UNE pétition circule pour étendre la protection de la loi de 1972 aux homosexuels. Renseignements auprès des Nouveaux Gays PTT, cio Savoir et Connaître, BP 474, 75528 Paris cedex 11. L A municipalité de Lunel interdit de jouer au ballon sur les places publiques. On conseille aux futurs Tigana d'aller s'entraîner au foot dans le cabinet du maire. SOUS l'égide du ministère de la Culture, des chercheurs en sciences sociales et des Medecine-men indiens se sont rencontrés à Reims pour confronter leurs expériences. P OUR la première fois en Autriche, on a dressé un monument aux Gitans assassinés par les nazis. kolpa Prêt-à-Porter féminin /6ROS PLANÂ Le groupe Boua-Boua. 14 Ça brasse en France, on n'arrête pas de le dire. Paco Rabanne, le couturier espagnol, a créé un centre pluri-culturel dans les anciens entrepôts d'une usine textile. Un vrai carnaval ! Reportage photo: Abdelhak SENNA Différences - N° 42 - Février 1985 15 SILENCE, on smurfe. Il a mis son bonnet pour mieux tourner sur la tête et ses gants pour ne pas s'écorcher les paumes sur le parquet. Ça neige dehors. Ça ne fait rien, vague de froid ou pas, il est venu avec son ghettoblaster, deux haut-parleurs qui crachent des décibels hachés. C'est black à souhait au 57, boulevard de la Villette. Un panonceau « privé» sur une porte anodine, une arrière-cour: le Centre Paco Rabanne fait dans la discrétion. Les 1 000 m2 d'entrepôts restaurés en 1982 par le couturier-parfumeur, immigré de la Guerre d'Espagne, brassent à présent quelques centaines de fidèles. Et ça danse fort devant les miroirs de la grande salle. Il y a les indépendants bricolas, musicos de tous poils, groupes branchés, funky, rock électrique, Brésil tropical. En bas, une jolie blonde revenue des îles avec un tee-shirt« Cuba si » apprend à swinguer au son du gros-kâ antillais. Qui a bu boira ... Yannick, le tennisman rasta, trône en gros plan sur une fresque de cocotiers. En face, il y a les cabines téléphoniques où on peut causer tranquille entre soi, appeler ses potes dehors. Un vrai carrefour de la communication, les cabines. Et puis, il y a les pros. Boland Brival répète Ti' Jean l'Horizon avec son groupe Boua-Boua. Cosaques na 2 et les Barikas remuent sec. A part ça, les Français ne courent pas les couloirs, les Beurs se font rares. Black, Blancs, Beurs? On y va, ony va. 0 V.M. . ~ • ! . Cosaques na 2 et les Barikas. RENCONTRE Shopping - ON SE MELANGE? Clignancourt ou Montreuil, les Puces sont un passage obligé de la vie parisienne. Et si, comme souvent, les commerçants Qrognent, le public est au moins aussi varié que les étalages. L es Puces, explique « Norbert, commerçant depuis plus de quinze ans à Cligpjlncourt, c'est d'abord un formidable '!1-élange : cela va du petit loubard qui a à peine dix francs en poche au type qui ~st antiquaire et qui se balade avec là, - ij fait un geste du côté du portefeuille - plusieurs briques. » Mélange? C'est certain! Brassage inouï où se côtoieot (aux heures de pointe le mot est faible) tous les âges et « looks », toutes les nationalités et classes sociales. Fabuleuse cohue où se croisent familles et solitaires, badauds et professionnels, couples et groupes. Flot qui charrie tant de visages entrevus, effleurés, et de corps différents: un peu du plaisir des Puces est sûrement là - étonnant, ambigu - dans cet étalage au grand jour de la multiplicité. A Clignancourt, côté commerçants, le problème majeur, c'est le vol. Là, les avis sont partagés. Il y a ceux qui haussent les épaules: « Ici c'est comme partout ailleurs, si vous commettez une imprudence, on ne vous rate pas. » Et puis, il y a les autres, plus virulents, comme Louis qui vend à terre quelques antiquités et s'écrie tout en tapant les cartes avec son associé: « Les voleurs, c'est tous des Maghrébins ou desYougoslaves, des romanichels quoi! Il Y en a même qui sont blonds, mais on les reconnaît /» Circulent alors des histoires de vols et d'agressions avec couteaux, barres de fer ou carabines, à pied ou en voiture ... « Ces gens-là, il faut les nationaliser (sic) ou les virer! » Et il ajoute en montrant un vendeur espagnol, un copain: « Ceux-là, on était «Le racisme, tout ça, c'est du blabla: ce qui les intéresse, c'est leur emplacement. » bien avec eux, ils venaient là pour travailler, ils n'avaient pas peur de trimer et de se salir les mains. Les Italiens, les Espagnols et les Portugais, ils sont comme nous, mais les Arabes, la différence de culture est trop grande, on ne peut pas se comprendre. » Jacques, la trentaine, a eu le temps de développer, en huit ans de pratique de Clignancourt, une véritable science des techniques de vol en vue d'assurer sa protection et celle de ses voisins. Il expose, sans aucun commentaire, « les stratégies des bandes de mineurs qui ratissent le marché: ils travaillent à la commande. Cette semaine, par exemple, c'est le cuir » . Un véritable réseau commercial parallèle dont ces jeunes sont les premiers maillons. Il est même au 16 fait des vanatIOns saisonnières : « En septembre, c'est le seul mois où l'on peut travailler tranquillement: ils sont tous à la foire du Trône. » Et la police? « Elle les relâche deux heures après. » A Montreuil, les choses sont différentes: les commerçants ne parlent pas tant de vols. Pour eux, le problème - « et ça devient sacrément sérieux» - ce sont les autres commerçants. « Ici, il Y a plus de 50 % de vendeurs étrangers, raconte Patrick, la quarantaine. Sur le marché, il y a trente-six lois différentes, personne n'est logé à la même enseigne. Toutes les lois favorisent ces gens-là. J'aime pas les immigrés, mais eux, ils ne font qu'en profiter. Ceux auxquels j'en veux le plus, c'est aux Français qui ont voté ces lois, aux gouvernements successifs. Mais, à force, ça retombe sur les individus, on s'énerve contre le premier étranger venu. » Et les commerçants asiatiques? « Oh, eux, ils ont attaqué le marché il y a deux ans. On les entend pas, ces typeslà, ils sont inexistants! Mais ça viendra: au début, c'est toujours tout bon, mais après .. . » Il s'arrête pour aller dire bonjour à un jeune Algérien qui pendant deux ans l'a aidé pour le remballage du soir. Pour Jacqueline, commerçante en bijoux et dentelles depuis six ans : « Tout ça, c'est du blabla: le racisme, c'est un prétexte! Tout ce qui les intéresse, c'est · leur emplacement et leur pognon ! Les étrangers ne font pas de concurrence, vu qu'ils ne vendent pas la même chose. Et puis les Noirs qui vendent ici, ce sont de Les Puces: une ambiance bon enfant, en dehors des « points parisiens. pauvres types : ils sont comme nous, il faut bien qu'ils mangent. » Les commerçants étrangers sont, quant à eux, nettement moins bavards. Ceux qui ont accepté de répondre ont eu pour premier mouvement de dire : « Je ne parle pas bien. Allez plutôt voir mon voisin, il est Français. '» « Moi, je n'ai pas peur'de parler: je suis en règle, je n'ai rien à cacher,'dit Farid, qui est Marocain. Je n'ai jamais eu de problèmes, je travaille et quand la journée est finie, je rentre chez moi, je ne Différences - N° 42 - Février 1985 traine pas dans les cafés. Ceux qui ont des histoires, c'est parce qu'ils les cherchent. » « Maintenant tout le monde, même les clochards, dit "si t'es pas content, retourne chez toi"! » , raconte Karim, Tunisien, vendeur en électro-ménager d'occasion. « C'est ça. le racisme, tournersa vèste'dès qu'il y 'a le moindre petit problème' f Moi, je ne 'réponds jamais rien, je détourne la tête. Cela fait vingtcinq ans que je suis ici, je f ais mon travail et c'est tout. » 17 A u sortir de toutes ces histoires de vols, agressions et tensions, on pourrait presque finir par en conclure que, perpétuellement agités de soubresauts divers, les Puces sont à rayer de la carte de la détente dominicale .. . Ce n'est visiblement pas l'avis de tous. Nombre de commerçants sourient aux mots de bagarres ou tensions: « La foule, c'est toujours la foule: les incidents sont inévitables. Ce n'est pas parce qu'il y a beaucoup de gens, et de toutes les races, qu'il faut automatiquement penser racisme: ici, c'est plutôt le contraire, ça se passe bien. » « On' est bien ici, pas de problème », répond ce commerçant sénégalais, quelque peu surpris, semble-t-il, par la question. Les agents de police approuvent de la tête : le plus gros de leur travail se répartit entre les joueurs de bonneteau, les voitures en stationnement interdit et les enfants égarés. « Il n'y a pour ainsi dire pas d'agression. D'ailleurs, les Puces de Clignancourt et de Montreuil ne font pas partie des points chauds parisiens. » « ,On s' e11;11;uie~ait presque », ajo?te ." deux, ml-Iromque ... Tranquilles alors, les Puces? C'est a'Usii si manifestement l'opinion des mill~~ de visiteurs (cent mille à ClignancdfJ~ quatre-vingt mille à Montreuil) qu'il. ~ circulent chaque fin de semaine. ) \'t~ « C'est cool ici, on n'a pas peur dë1$J balader, même le soir », affirment · ëè's deux jeunes lycéennes. Ou encore c'etM retraitée: « Je racontais justement cela à une amie hier: c'est extraordinaîre comme l'ambiance est sympathique iei, il n'y a jamais d'histoires! Il Y a beaucoup d'étrangers, mais c'est normal. Non vraiment, ici, c'est bon enfant / » Ce que confirme cet habitué de nationalité algériènne : « Je n'ai jamais assisté à aucun incident. On trouve toutes les races ici et les rapports sont cordiaux /; Cependant le public deClignancoùtt et celui de Montreuil ne s'échangent pas. Chacun de ces deux marchés a ses fidèles, ses amoureux, qui, curieusè~ . ment, ont sur le marché qu'ils ne fré" quentent pas des points de vue éton~ nants: à Montreuil, on se méfie de Clignancourt : « Il y a trop de clans différents. » . Par contre, cette habituée de Cl ignan- . court pense qu'à Montreuil il existe plus . de tensions car « il y a plus d'immt" grés ». Et cet autre soupçonne «la clientèle plus populaire » de Montreuil d'être source de conflits... A croire décidément que l'on n'aime que ce que l'on connaît. 0 Catherine MINOT ~'" , ' . Chaque samedi et dimanche.. Métro: Por;te de Clignancourt et Porte de Montre.ùil. ,) " DOSSIER ES - Outre -Mer - BLANCS -MA TIGNON Aux Grands Fonds: une communauté à l'écart des villes. 18 Différences - N° 42 - Février 1985 19 Rien à voir avec le Premier ministre. Ils vivent près de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe. Leur origine se perd dans l'histoire de la colonisation. Blancs et fiers de l'être, ils se sont mariés entre eux pendant des siècles. Mais le monde, qu'ils ignorel"lt, change autour d'eux. Est venu le temps du métissage, qui seul peut les sauver de la disparition. Grand, blond aux yeux bleus, on le croirait venu tout droit d'un pays scandinave. Mais son accent créole rappelle qu'il est né sous les Tropiques, en Guadeloupe. Armé d'un grand sourire, Jean-Luc s'élance hardiment sur le tronc du cocotier qui a lontemps abrité ses jeux d'enfants. Cette image insolite dévoile l'existence sur l'île d'une communauté blanche qui revendique maintenant son appartenance à la société guadeloupéenne bien que ses particularités et ses préjugés raciaux l'en aient tenu lontemps à l'écart. Tapis quelque part au sud de la Grande-Terre, l'aile orientale du « papillon» guadeloupéen, les Blancs-Matignon se sont efforcés de maintenir leurs traditions et de « préserver la race blanche» depuis presque deux siècles. Leurs origines restent mystérieuses et leur passé énigmatique. L'appellation « Blancs-Matignon» n'a pas cours au sein de la communauté. Elle provoque, en revanche, des rires étouffés et des regards de conn ni vence chez les Guadeloupéens noirs et métis, très ironiques sur leur sort. « Des pauvres Blancs qui ne veulent pas se mélanger, un peu tarés, des descendants de Normands et de Bretons venus s'échouer sur les côtes guadeloupéennes, on ne sait trop pourquoi. » La jolie frimousse d'Amélie esquisse une grimace comique. Ça la fait plutôt rigoler, elle, métissée indienne, noire et. .. arlésienne. Pourtant le cliché simpliste s'efface pour laisser place à la curiosité qui nous emmène tout droit dans un dédale de petites routes, de collines et de vallées, au milieu d'un inextricable fouillis de végétation tropicale en délire: les Grands-Fonds, fief invétéré des Blancs-Matignon. Sont-ils les descendants d'aristocrates déchus venus se refaire une virginité sur les Iles? La région, très boisée, véritable labyrinthe végétal, longtemps coupée des grandes voies de communication, a gardé un caractère essentiellement rural. Le relief tourmenté n'a pas effrayé cette communauté dont la plupart des membres se livrent à la culture vivrière et à l'élevage dans le fond des vallées. Autrefois, cet endroit ne pouvait constituer qu'un abri, un refuge. Se sont-ils fixés dans cette thébaïde verte pour fuir quelques persécutioll'i, comme les esclaves noirs « marrons» qui s'enfonçaient dans les forêts profondes' après s'être échappés de la plantation? L'existence des Matignon en ces lieux permet d'échafauder bien des hypothèses qui n'excluent pas la légende. Ne les dit-on pas descendants d'aristocrates déchus, venus aux Aritilles entre le XVIIe et le XVIIIe siècle se refaire une identité, une virginité en quelque sorte? Vers la fin du XVIIIe siècle, up révolutionnilire, Victor Hugues, sème l'effroi parmi les Blancs, notamment chez ceux qui vivent , dans l'opulence. Surnommé « le Robespierre des îles », il boute les Anglais hors de Guadeloupe et promulgue le décret du 16 pluviose an II (4 février 1794), abolissant l'esclavage. Les Blancs sont aux abois car seulement deux solutions s'offrent à eux: rester et prendre place sur l'échafaud dressé sur fond de bananiers ou s'enfuir dans les taupinières boisées des Grands-Fonds, car les côtes sont bloquées par les Anglais. Parmi ces Blancs, se cacheraient des têtes nobles. « On dit qu'il y a parmi eux un Bourbon, un Bouchard de Montmorency et même un Matignon qui descendrait des Grimaldi de Monaco. Mourir pour mourir, on ne va pas leur retirer le droit de choisir le suicide. Que les , cochons des bois et les tarentules aient leurs corps, que les figuiers-maudits leurs poussent sur le ventre. Et s'il reste quelque chose de leur âme pourrie, que l'Etre Suprême s'en charge! Ainsi soit-il J ... »(l) Victor Hugues n'est pas homme à plaisanter, mais, ironie du , sort, il mourra à Cayenne en 1826, aveugle et complètement oublié, alors que les Blancs des Grands-Fonds survécurent contre toute attente . . ~ls s'improvisèrent paysans, défrichant des arpents de «, terre morneuse et de peu d'importance» (cadastres du XVIII' siècle), cultivant l'igname et la patate douce, pratiquant un peu l'élevage et la chasse. Ils achetèrent même quelques esclaves pendant la Restauration. Mais l'abolition définitive de l'esclavage en 1848 acheva de les ,ruiner. Leurs revenus très modestes ne leur permettant pas ~ ,de prendre leurs anciens esclaves comme salariés, ils entreprennent alors d'assurer la mise en valeur de leurs terres par leurs propres moyens. 20 Serge Matignon, paysan plantureux, la quarantaine, la mine rougeaude, les yeux bleus et les cheveux coupés court, se pose bien des questions sur ses origines, sous le gigantesque arbre à pain qui ombrage le fond de sa cour. Il est hanté par l'idée qu'à Paris, la résidence du Premier ministre s'appelle l'hôtel Matignon. Assis devant un « Tipunch »(21, sa femme debout derrière lui, attentive aux moindres ordres de son mari, il se confie: « J'suis presque sûr que cet hôtel a un rapport avec notre famille. » Il relève la tête, l'air hautain, le profil presque aristocratique. D'ailleurs, on dit que le prince Rainier de Monaco serait venu ici, en personne, il y a quelques années, pour y retrouver la trace de ses ancêtres. Mythomane, Serge? Pas vraiment. Il existe effectivement dans un coin de Bretagne une petite bourgade répondant au nom de Matignon, qui a été le berceau d'une famille noble, les Goyon-Matignon. Une célébrité, parmi eux, donne un peu de crédit aux propos de Serge. Jacques IV de Matignon, maréchal de France et gouverneur des armées du Roi pour la Normandie, épousa en 1715 une Grimaldi, la princesse Louise-Hippolyte, héritière du trône monégasque. Il devint Jacques 1er ,de Monaco. En 1725, les Matignon-Grimaldi s'installent dans l'hôtel de la rue de Varenne qui prend alors le nom qu'on lui connaît aujourd'hui. , Commissaire du Gouvernement Les Blancs-Matignon vivent de l'agriculture. Chassés du littoral par Victor Hugues, 'le « Robespierre des Iles », ils se disent descendants de Jacques IV de Matignon, devenu en 1715 Jacques 1er de Monaco, ancêtre du prince Rainier. Un ancêtre de Jacques 1er de Monaco aurait-il fait voile vers les Antilles? Il y a quand même de quoi fantasmer, surtout quand le mythe est plus ou moins entretenu par la lecture d'un vieux Femme d'aujourd'hui des années soixante relatant l'histoire de l'hôtel Matignon et de la famille qui l'habita. Le journal semble être passé entre les mains des deux cents membres de la communauté des Grands-Fonds. Le côté aristocratique de cette histoire laisse Emile Matignon perplexe. Enseignant, soucieux de connaître ses origines lui aussi, il nous montre avec fierté les quelques documents qu'il a pu réunir sur son présumé ancêtre Léonard de Matignon ou Léonard Matignon, l'incertitude subsiste quant à la particule, dit Lacreuse. Originaire de Touraine, il aborda vraisemblablement le rivage guadeloupéen entre 1665 et 1671. « Travailleur blanc ayant accepté d'aliéner sa liberté », cette mention apposée sur l'un des documents laisse supposer qu'il appartenait peut-être à cette cohorte d'engagés, recrutés essentiellement dans l'ouest de la France (Normandie, Bretagne, Poitou, Saintonge) qui s'embarquaient à La Rochelle ou au Havre vers les îles, sous contrat de trois ans. On les appelait aussi « les trente-six mois ». Pendant cette période, ils étaient obligés de servir ceux qui avaient réglés leur voyage. Le délai expiré, ils pouvaient, avec le maigre pécule qu'ils avaient reçu, soit repartir vers la métropole, soit rester et s'établir définitivement. Leur sort était peu enviable car l'engagé était, en fait, un esclave temporaire qu'on ne ménageait pas. Le père Dutertre, en 1654, dresse un tableau assez affligeant des conditions de vie draconniennes que les colons leur imposaient : « On les accable de Différences - N° 42 - Février 1985 21 travail, on les nourrit mal, et on les oblige souvent à travailler en compagnie des esclaves. Il y a des maîtres si cruels qu'on se voit forcé de restreindre leurs achats, et, en Guadeloupe, j'en connais un qui avait enterré plus de cinquante serviteurs dans sa plantation qui étaient morts de l'excés de travail ou du manque de soins quand ils étaient malades. Sa cruauté venait de ce qu'il ne les possédait que pour trois ans et préférait épargner ses nègres. " Avec le temps, leur situation s'améliora. Certains parvinrent même à s'établir correctement. La section Matignon est un village où le voisin du voisin s'appelle Matignon En 1671, Léonard de Matignon habite Capesterre en Basse-Terre où il possède une petite propriété. Catholique et célibataire, il a à ses côtés un serviteur blanc, Louis Madie, ce qui est toutefois révélateur d'une certaine richesse. Puis il épouse Marie Delord dont il aura trois enfants, avant de mourir en 1707 à Petit-Bourg en Basse-' Terre près de Pointe-à-Pitre, là où prit naissance l'insurrection fomentée par Victor Hugues. Puis la famille Matignon se retrouve aux Grands-Fonds-du-Moule. Selon Emile, il n'y a aucune explication à cette fuite sinon un simple désir de reconversion dans l'agriculture. Mais à cette époque, la région est recouverte d'épais taillis et les terres sont incultes. Toujours selon Emile, les Matignon n'auraient jamais été mêlés à la traite des Noirs et Victor Hugues ne les a pas pourchassés. Il nie même l'existence aux Grands'~ , Fonds d'esclaves aux côtés de ses ancêtres. Les différentd versions exposées sur l'origine de ces Blancs laissent , uiE ~ flou historique où chacun trouve son content. Il sembleraik que les Matignon contribuent à brouiller les pistes. D'aut~ tres familles blanches comme les Ramade, les Roux, les; Boucher, les Berlet, les Saint-Prix et les Bourgeois le~;; rejoignirent rapidement et s'y enracinèrent. Plusieurs - 1 familles, plusieurs patronymes, cette communauté n'en est pas moins conn~e sous le vocable Blanc-Matignon, du nom du premier habitant des Grands-Fonds. La section Matignon(3), un village où le voisin du voisin s'appelle Matignon, révèle toutes les carences d'un groupe d'hommes et de femmes restés trop longtemps imperméables aux moeurs de la société guadeloupéenne si fortement métissée. Ils forment à la fois un clan, une grande famille, une ethnie, une tribu, une société. La marginalité dans laquelle ils se sont maintenus les a obligés à garder intactes des structures familiales qui leur sont propres et qui les différencient de la famille guadeloupéenne. Il existe en Guadeloupe et, par extension, dans toute la Caraïbe, un modèle familial monoparental, dont les structures remontent à la période de l'esclavage. La mère se retrouve souvent le chef de famille car le père pratique une polygamie juridiquement non reconnue, mais qui est entrée dans les moeurs,' et qui l'oblige à s'absenter très souvent. Autrefois, le maître de la plantation se plaisait à séparer le plus souvent mari et femme. Les enfants étaient laissés à la mère, alors que le père était contraint d'aller dans une ,autre plantation. Ce mode de vie imposé par les esclavagistes a conditionné la vie de la famille guadeloupéenne qui souffre encore aujourd'hui de ce problème. 1 Josette, Odile et Emile: un des premiers couples mixtes chez les Matignon. Chez les Matignon, le schéma de la famille rurale traditionnelle, telle qu'on la concevait en métropole, domine. Le père, aidé par ses fils, travaille dans les champs, alors que la mère et les filles restent au foyer pour vaquer aux travaux quotidiens. Deux modèles familiaux s'opposent. Ce n'est pas la seule raison qui sépare les Matignon du restant de la population guadeloupéenne. La couleur de la peau a longtemps exacerbé la haine des Matignon envers tous ceux qui n'étaient pas Blancs. Ils sont restés pendant des années farouchement hostiles à tout métissage. Se considérant comme supérieurs aux Noirs, à cause de leur couleur de peau, mais aussi parce que tout Noir signifiait descendant d'esclaves, ils préféraient se marier entre eux. L'endogamie a nettement augmenté la consanguinité dans le groupe. Entre 1840 et 1940, sur cent six mariages, soixante-quatre furent endogames consanguins. Sur ce dernier nombre, seize ont uni des cousins germains. Dans quatre cas, les parents de chacun des conjoints étaient cousins germains, de sorte qu'entre eux, la parenté génétique était aussi étroite qu'entre frères et soeurs(4). Au bout de quatre générations, les Blancs-des-Grands-Fonds devinrent tous parents entre eux. La marche en rond des chromosomes provoqua une dégénérescence au sein du groupe, laissant des séquelles jusqu'à maintenant. Des personnes se retrouvent actuellement physiquement et moralement très atteintes. Les plus handicapés refusent de se laisser photographier. Ils habitent des pauvres bicoques en bois qui les protégent quand même des regards indiscrets. Ils sont conscients que leur misère est facilement exploitable par des gens en quête de misérabilisme. Une vieille femme Matignon nous expliqua, non sans méfiance, qu'une étudiante noire de Basse-Terre était venue séjourner au village et avait publié un livre, dans lequel elle les décrivait comme des gens sales et miséreux qui vivaient presque à l'état sauvage, des gens un peu fous à cause de leurs alliances consanguines. « Quand on travaille la terre, on se salit les mains. Ce n'est pas une raison pour nous traiter de dégoûtants. » Elle suffoquait de colère en se remémorant cette mésaventure et finit par nous claquer la porte au nez après un coup d'oeil méfiant sur nos sacs. Vers les années cinquante, une brèche s'ouvre dans les traditions, les alliances endogames se raréfiant. L'exogamie apparaît, mais on reste entre Blancs! Aux Saintes, à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, des îles avoisinant le continent guadeloupéen(5), vivent des communautés blanches qui évitent elles aussi de pratiquer tout métissage. Des Normands et des Bretons y ont fait souche, voire même des Suédois à Saint-Barthélémy. Les Matignon manifestent un engouement tout particulier pour les SaintBarths (habitants de St-Barthélémy). M. Ramade, agriculteur vivant dans sa propriété de la section Matignon, n'hésite pas à clamer haut et fort: « J'ai quatre filles, et je les ai toutes mariées à des gars de St-Barth, c'est mieux comme ça, on reste entre Blancs, c'est préférable ». Cette perception du Blanc pauvre, malade et isolé, dans le contexte antillais où le Blanc a toujours fait figure de dominant, ne cesse d'étonner. Cet « accident historique » a relégué les Matignon aux confins de la marginalité sociale. Aussi les jeunes ontils décidé de passer outre le racisme et de s'intégrer tout à fait à la société guadeloupéenne en contractant des mariages mixtes. Un jeune Matignon rencontré dans une librairie à Pointe-à-Pitre, ODEURS DE CUISINE Ti'punch A la noix de coco Versez le contenu d'un verre à eau de rhum blanc dans la pulpe râpée d'une noix de coco. Pressez le liquide dans un linge fin pour en extraire le lait, ajoutez à convenance du sucre de canne, un zeste de citron râpé, de la muscade et de la cannelle finement râpées et un morceau de vanille coupé en menus morceaux, bien agiter et servir avec un glaçon. 22 ~------------------------------------~ Il \. 1 nous a présenté avec fierté sa fiancée noire. Le frère de ce jeune homme a, par ailleurs, épousé une jeune Martiniquaise noire. Un enfant est né de leur union, et tous trois vivent aux Grands-Fonds en compagnie des grandsparents. L'enfant, qui est métis, ne semble souffrir d'aucun racisme. Mais, il y a quelques années, l'arrivée d'un enfant métis dans le clan Matignon n'engendrait guère la joie. Devenu adulte, il devait quitter la communauté à tout jamais. Un Matignon métis, âgé d'environ quarante ans, rencontré vers la section Matignon, avoue qu'il porte le nom de sa mère, blanche, qui s'est retrouvée mère célibataire. Ce Matignon métis a épousé une femme noire : ils vivent tout deux à l'écart de la communauté. Marié à une Béké, le parvenu mal dégrossi accède à la haute bourgeoisie de l'île L'intégration du conjoint noir dans une famille Matignon est acceptée sous certaines conditions. Il doit être doté d'une certaine instruction, jouir d'une bonne réputation dans sa communauté et être travailleur. Les jeunes Matignon souffrent plus que jamais du complexe de la consanguinité et, pour eux , le mariage mixte constitue le moyen le plus sûr pour cesser de vivre dans l'opprobre. Cette alliance leur ouvre les portes de la société guadeloupéenne. C'est la bouée de sauvetage. L'intolérance n'a cependant pas complètement disparu. Les femmes semblent plus réticentes à l'égard du mariage mixte. Elles émettent beaucoup de réserves. Dans tous les couples mixtes rencontrés, l'homme était Matignon. Un Métropolitain serait, bien sûr, un mari idéal, mais, à ce jour, il semble que peu de jeunes filles Matignon aient eu l'occasion de faire ce choix. Les Békés(6) ont, eux au.ssi, lancé l'anathème sur les Blancs Matignon . Blancs, les Békés, oui. Mais riches. Solidarité? Non! Mais condescendance et mépris. Les grandes familles békés ignorent complètement ces petits Blancs. Une anecdote révèle la mésentente qui régne entre les deux groupes. En 1946, l'aîné d'une famille Matignon de sept enfants, demeurant aux Grands Fonds, eut le privilège d'épouser une riche veuve béké beaucoup plus âgée que lui. ' Il se retrouve bientôt veuf, mais à la tête d'un important patrimoine: bananeraies, commerces, nombreuses plantations. Afin de pouvoir continuer à entretenir tous ses biens, il fait venir de la main-d'oeuvre puisée tout droit chez les cousins et neveux des Grands-Fonds. Six mois après la mort de son épouse, il se remarie avec une jeune béké de vingt-six ans qui l'oblige à rompre avec sa communauté. Ce qu'il fit. Tout reniement bu, le parvenu mal dégrossi accédait à la haute bourgeoisie de l'île et confirmait son appartenance à la société blanche créole. Le mode de vie guadeloupéen a fini par avoir rais'ün d@!; Matignon, sans toutefois parler d'une véritable « créolisation ». Le vieux père de Serge Matignon, analphabète, ne parle pas le français, mais seulement le créole. Son fils lui-même a un fort accent créole. Autrefois, les enfants allaient à l'école de Gascon spécialement créée pour eux en 1931 (auparavant ils n'étaient pas scolarisés). Cette école n'existe plus et les enfants s'en vont faire leurs études au Différences - N° 42 - Février 1985 Moule, la ville la plus proche, première ouverture sur la vie guadeloupéenne. Quant à l'habitat, il, lui aussi s'est adapté. Pas de chaumières normandes sous les cocotiers! Emile Matignon a construit sa maison en tenant compte à la fois du climat et de la situation géographique. Il l'a orientée de telle manière qu'en cas de cyclone elle ne puisse subir des dégâts trop importants. La façade est recouverte de lattes de mahogany(7) ainsi que l'intérieur de la maison, afin de permettre une parfaite isolation du froid et de la chaleur. Même s'ils s'en vont à la ville pour le travail et les études, ils reviennent toujours aux Grands-Fonds afin de ne pas couper le cordon qui les lie à la vie campagnarde. Peu d'entre eux s'exilent vers la métropole. Toutefois, l'insertion dans la société guadeloupéenne risque de les confronter aux mêmes problèmes auxquels doit faire face la majorité de la population de l'île: le manque de travail. Emigrer, c'est pour eux prendre la billet du retour des ancêtres. Un retour aux sources plein d'amertume. Mais pour les vieux, il restera encore de longues soirées à passer sous le cocotier échevelé, à éplucher les patates douces ou à jouer aux dominos. 0 Mariette HUBERT (1) Quand les Français cherchaient fortune aux Caraïbes, Louis Doucet, Editions Fayard. (2) Un petit punch. (3) La « section » correspond à un hameau ou à un tout petit village. (4) Etude sociologique de Francine Chartrand-Mac Kenzie. (5) Aux yeux des insulaires, la Basse-Terre et la Grande-Terre forment un continent, de par leur étendue nettement supérieure à la superficie de ces petites îles. (6) Nom donné aux Antilles aux descendants des colons blancs. (7) Bois tropical de couleur rouge, très répandu en Guadeloupe. Il est utilisé pour la construction des cases créoles et la fabrication des meubles. DÉCOUPEZ CE COUPON IL VOUS RÉSERVERA 1 UN ACCUEIL PRIVILÉGIÉ DANS NOS 3 MAGASINS~ • 151. Bd Jean-Jaures - 92110 CLICHY - Tél. : (1) 270.97.09 • Agréé APPLE 101 Bd Haussmann - 75008 PARIS .Charles 12 janvier 2012 à 17:54 (UTC) 1 MO Mairie de Clichy. Tél. : III 265.62.89 MO Saint-Augustin. . \~ ~ L ~0,':ViC::U::5016 PA:: T~l) ::90~MO.:pe~ ::: 23 CULTURES - Bande dessinée - , , KACI DEVOILE Humoriste, cartésien, musulman, il publie un album consacré au voile des femmes. Très rigolo. 24 1 .} 1 ! . 1 \ 1 1 1 1 1 ) Différences: Rachid Kaci, vous venez d'achever un livre de bandes dessinées intitulé Bas les Voiles et entièrement basé, come le titre le suggère, sur le thème du voile. Les scènes qui y paraissent sont-elles vues ou imaginées ? Rachid Kaci : La plupart du temps, ce sont des choses que j'ai vues, la jeune fille qui porte un walk-man sous son voile, la femme qui arrive voilée à la plage et qui se met en bikini ... Il Y a beaucoup d'anecdotes de ce genre. Outre le voile, il yale tchador. Le tchador est réapparu en Algérie. Les intégristes musulmans sortent à la mode Khomeiny (barbe et vêtements blancs) et leurs femmes portent le tchador. Les Algériens ne les apprécient pas beaucoup, ils bondissent en arrière quand ils les voient. D'abord parce qu'ils ne s'habillent pas d'une manière propre au pays: c'est de l'importation. Ils réagissent devant eux comme ils réagiraient s'ils voyaient débarquer des punks. En plus, les intégristes musulmans ont une idée derrière la tête, ils visent le pouvoir. Différences: N'était-il pas question d'abolir le port du voile au moment de l'Indépendance? Pourquoi les Algériennes l'ont-elles remis? R.K. : Le voile est encore imposé par certains chefs de famille mais c'est en voie de changement. Des textes ont été écrits en faveur des droits de la femme. Il y a d'ailleurs de plus en plus de femmes dans les universités et je pense que ça ira en s'accroissant. Je crois que les hommes doivent aider les femmes à s'émanciper et, pour ma part, j'essaie de faire ce que je peux par le biais de l'humour. Différences: Dans votre enfance, ressentiez- vous la colonisation des Français dans votre vie quotidienne ? Différences: Connaissez-vous des Algé. riens qui ont regretté la présence de Français? R.K. : J'ai rarement entendu un Algérien regretter les Français. Bon. Sauf quand un ascenseur ne marche pas. Ils jurent en disant qu'au moins le Français assurait à ce niveau-là; il avait la technicité. Ils disent quelque chose comme: «Ils nous ont laissé dans notre merde! » Mais ça c'est de l'humour, c'est pas sérieux. Différences: Comment vous, humoriste, pouvez dire que l'humour ce n'est pas sérieux? Est-ce qu'au contraire il n'y a pas là le plus grand sérieux ? R.K. : Oui quelquefois, pas dans ce cas. C'est vrai qu'on entend ce genre de commentaires. C'est que les Français ont été très durs avec les problèmes de l'OAS, la politique de la terre brûlée. L'OAS voulait tout brûler et laisser les Algériens dans une situation impossible. Si l'Algérie ne marche pas actuellement à plein rendement, c'est à cause de cela aussi. Les Français n'ont pas formé beaucoup de monde pendant toutes ces époques coloniales. A la fin de l'Indépendance, les cadres, ça se comptait sur le bout des doigts. Et ce sont eux qui devaient reprendre l'Algérie en main. KA Cl R.K.: Oui, quand j'étais petit, à l'école, j'étais considéré comme fran- Différences: Quand les Français reviençais puisque algérien, mais une fois nent, y a-t-il des problèmes de haine? . dehors c'était terminé. Il pouvait arri- R.K.: Pas le moins du monde. Les ver qu'un flic me donne des coups de pied en me traitant de sale bicaud. Là; Algériens ont autre chose à faire qu'à. je n'~tais plus français. être haineux, ils ont un pays à reconsChacun a vécu cette époque à sa ma- truire. Pour la haine, ils n'ont pas le nière. J'avais des petits copains fran- temps. On aurait pu s'attendre, il est çal.s , comme tout 1e monde, mais je vrai, à ce qu'ils soient rancuniers, vu ce savais qu'il y avait une différence entre qu'ils ont subi et ce qu'ils subissent ici; eux et nous. Avec mes copains arabes, mais non. Il n'ont aucune rancune et les on se le disait, on le savait, c'est clair Français sont accueillis à bras ouverts. qu'on était considérés commes des es- Différences: J'avais entendu dire qu'on claves. Pourtant j'étais privilégié, mon avait supprimé les panneaux écrits en, père était enseignant. Même au niveau français. A-t-il été fait table rase de toute architectural, il faut être aveugle pour la culture française? ne pas voir que c'étaient les .Français . __ --_---______ _ qui habitaient les plus beaux quartiers. R.K. : Ça n'a rien à voir, c'étaient des C'est comme si on compare le XVI et " extrêmistes. A un moment les extréBarbès. mistes barraient toutes les plaques Différences - N° 42 - Février 1985 25 écrites en français , par exemple la rue Anatole-France donnait la rue AnatoleAlgérie, c'est véridique. La culture française existe avant tout dans la langue, dans la vie quotidienne. Dans la rue, on parle toujours français. Quand je descends à Alger, je parle avec tout le monde en français, quand je vais dans un ministère ou dans un bureau, que je désire un entretien pour mon livre par exemple, je parle français. Bien sûr, la politique actuelle du gouvernement algérien, c'est d'arabiser

ça viendra peu à peu, je pense ...

Moi-même je suis incapable de faire un discours arabisant. Je peux, mais en arabe dialectal, l'arabe parlé qui s'utilise en famille ou avec des amis. Tandis que le français, c'est la langue véhiculaire. Différences : Etant jeune dans votre ly" cée, vous étiez considéré comme français, vous étiez avec des Français et vous appreniez la littérature française, l'histoire française ... R.K. : Ah oui, « nos ancêtres les Gaulois » . J'ai commencé comme ça. Les Algériens sont vraiment à cheval entre deux cultures. Au Maroc, on nous appelle « deuxième France ». Les Marocains ont beaucoup plus de traditions, ils sont plus proches de leur culture. Donc à l'école, j'apprenais l'histoire de France et pas seulement l'histoire, j'étais imprégné de l'esprit de la France, la clarté et la mesure françaises, Descartes et compagnie, mais à la sortie, quand la cloche sonnait, tout changeait

à la maison on parlait arabe, je

n'allais pas à l'église mais à la mosquée, mes copains étaient arabes comme moi, nous avions nos quartiers, bien séparés de ceux des Français, nos coutumes, nos traditions. C'est de cette dichotomie- là que nous sommes faits , cette double appartenance. Le résultat c'est qu'aujourd'hui, si l'Algérie m'est chère, la culture française n'en est pas moins essentielle à mes yeux. Malgré tout elle fait aussi partie de moi, de mon éducation ... Différences: Est-ce que vous essayez d'aider l'Algérie, de faire bouger les choses là-bas ? R.K.: Oui, j'essaie de changer les choses par mon métier. En Algérie on prend souvent les problèmes avec beaucoup de sérieux, moi j'essaie d'y introduire un note d'humour. C'est infime, je le sais, ce n'est rien, mais si mon bouquin rentre en Algérie et qu'il fait rigoler les gens, c'est déjà pas mal, j'en serai heureux. Je me dirai : « Rachid, tu vis en France, mais tu fais quelque chose pour l'Algérie, à ta façon. » 0 Propos recueillis par Monique A YOUN 1. /CULTURESj Lectures PALESTINE: RADIOSCOPIE. De nombreuses raisons peuvent motiver le choix d'écrire , aujourd 'hui , sur le conflit israélo-palestinien: ce qui est particulièrement frappant, c'est son exceptionnelle durée, trente-six ans, et surtout le caractère spécifique du mouvement de la Résistance palestinienne, comparé aux autres mouvements de libération : celui-ci a en effet tout pour « déconcerter» l'observateur. Nadia Benjelloun-Ollivier a d'emblée placé son analyse dans ce contexte. Elle n'ignorait pas, en choisissant de traiter ce thème, la complexité de l'entre- ~ prise : car l'ampleur du sujet et les ~ passions qu'il déchaîne rendent souvent i2 difficile la compréhension du problème fg par l'opinion publique internationale. ~ L'auteur, avec une remarquable maî- ..(~~-"",,!,,~-~:--------Charles 12 janvier 2012 à 17:54 (UTC)----_..-..:;;...,; trise de l'objet de son étude, s'est attachée à brosser un tableau complet' de ce conflit qui ressemble fort à une « guerre de cent ans ». Et, comme elle le fait observer à juste titre, les ' « données du problème, résumées à l'équation fondamentale, sont les mêmes aujourd'hui qu'en 1920 : deux peuples se disputent un territoire, qui entendent chacun y établir leur souveraineté au nom des droits historiques et des réalités concrètes. » Mais, paradoxalem"ent, l'errance d'un peuple n'a pu prendre fin que grâce à l'errance d'un autre; car il s'agit bel et bien, ici, d'une « colonisation qui n'a pas besoin de colonisés ». De Ben Gourion - « Nous devons tout faire pour que les réfugiés ne reviennent jamais! » - à Dayan - « Les territoires, mais pas la population » -, et de bien d'autres, cette préoccupation était constamment présente dans la politique d'Israël. Parallèlement, l'action militaire palestinienne n'arrive pas à s'exprimer logiquement sur le terrain. Et, par conséquent, la « subversion» par la guérilla ne peut s'exercer naturellement à l'intérieur du territoire de l'Etat d'Israël. Tout cela explique la « minceur » de" l'action militaire et le recours à un terrorisme qûi « ruine l'image de la cause palestinienne aux yeux du plus grand nombre » . A ce stade de son analyse, Nadia Benjelloun- Ollivier réussit, avec une grande clarté, à nous introduire dans les arcanes de la politique de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et tente, par la même occasion, de situer son action politique et militaire par rapport à ses choix stratégiques. Ces derniers sont constamment mis à l'épreuve des faits et compliqués par les intérêts divergents des alliés arabes de l'OLP. Depuis la guerre du Liban, en 1982, les données du problème semblent se modifier, et cela permet à l'auteur d'écrire : « La direction de l'OLP peut se prévaloir d'avoir effectivement fait la guerre, à une échelle non négligeable, pour s'engager décidément dans un processus de paix. » Ce processus a largement ouvert, au prix de nombreuses divisions internes au sein de l'OLP, la voie à une appréciation nouvelle de la situation et à la redéfinition des objectifs stratégiques qui sont actuellement à l'oeuvre dans les instances palestiniennes. L'impasse qui prévaut actuellement au Proche-Orient ne peut être dépassée que lorsque le peuple juif et le peuple palestinien consentent à se reconnaître mutuellement en cherchant un « compromis ». L'ouvrage de Nadia Benjelloun-Ollivier, remarquable par sa réflexion et sa rigueur, est une sérieuse contribution à la clarification des péripéties de ce' conflit. Un livre de référence. 0 Hichem BEN Y AÏCHE La Palestine: un enjeu, des stratégies, un destin, de Nadia Benjelloun-Ollivier, éditions de la Fondation Nationale des sciences politiques, Paris 1984, 374 p., 140F. L'auteur de ce livre a obtenu le 6 octobre 1984 le Prix de l'amitié franco-arabe, en même temps que Bouzid, auteur de la Marche, éd. Sindbad (voir Différences n° 40). 26 DOSSIER LIBAN. Il faut prendre au sérieux le livre de J.-P. Péroncel-Hugoz, journaliste au Monde et correspondant de ce journal pendant dix ans dans le monde arabe. Une croix sur le Liban (1) délaisse le ton pamphlétaire du Radeau de Mahomet (2). L'auteur lance ici un cri d'alarme: les Chrétiens libanais, les Maronites en particulier, sont, si l'on n'y prend pas garde, menacés de disparition, physiquement ou en tant que minorité religieuse autochtone. La montée d'un intégrisme islamique totalitaire dans tout le monde arabe (et musulman), le silence tendancieux, paradoxalement anti-chrétien, des médias internationaux, s'allient pour occulter un combat qui n'a rien à voir avec la Jean Legrand ~ Cuisinier-Conserveur ~. TOUTE L'ANNÉE Foie Gras Frais d'Oie et Canard Ses magrets de canard frais ou fumés Ses plats grande cuisine 58, rue des Mathurins 75008 PARIS Tél. : 265.50.46 18, rue Montmartre Qg 75001 PARIS Tél. : 236.03.52 lutte de «musulmans-progressistes» contre de méchants « chrétiens-fascistes ».Si la communauté maronite disparaît en tant que telle, c'en est fait de tout espoir de voir un groupe non musulman " vivre dans la paix et la dignité au Proche-Orient. Cela est valable aussi pour les juifs israéliens dont malheureusement les armées jettent, suicidairement, de l'huile sur le feu qui brûle le Liban. L'auteur souligne aussi, avec courage, le rôle des Palestiniens du Liban dans la guerre qui ravage ce pays. A lire, ce livre a, malheureusement, tout l'air d'une pièce irréfutable du « dossier» Moyen-Orient. D (1) Ed. Lieu Commun. (2) Poche/Flammarion. Y.T. C'est cette pensée qui oriente le choix du deuxième livre de la collection développée par Radio-Beur et Grenel. Voici les poèmes de Lounès Haddad, poète algérien de langue française, condamné à une longue peine de détention dont il a déjà accompli une partie. Il s'agit de textes particulièrement forts et émouvants qui aident à comprendre les luttes quotidiennes du détenu, non seulement contre les tracasseries de l'administration, mais encore contre l'étouffement d'un temps figé . Souvenirs, révoltes, espoirs, sont les thèmes majeurs de ce recueil intitulé de façon caractéristique Mémoire cimetière. Dans l'Inévitable Aboutissement, Lounès Haddad évoque la destruction de son village, en Kabylie , pendant la guerre d'Algérie: « Et moi je suis le ADAM. A l'initiative de l'association rescapé invraisemblable / De ce carnage ADAM (l 'Association pour la dispari- m' qua l;l[J;t' a ble ... » . tion des archétypes masculins), un col- Sur le plan proprement littéraire, ces loque s'est tenu fin octobre à l'Ecole thèmes si vrais et si vécus, sont traduits normale supérieure de St-Cloud, sur dans une forme contrastée, où la bruta « les hommes et le sexisme », organisé lité de l'expression voisine avec des par un collectif d'hommes (qui s'expri- accents presque baudelairiens. 0 A.L. ment depuis 1981 dans la revue Types) Mémoire cimetière, Lounès Haddad. soucieux de témoigner, de réfléchir et Edition Radio Beur-Grenel. de lutter « contre toutes les formes de discrimination sexistes » ... Un pro- • AMOUR FOU. Lorsqu'au VII' siècle de gramme particulièrement chargé, où de notre ère, en Arabie, un jeune poète nombreuses interventions (d'écono- bédouin, Qays, s'éprend de sa . belle mistes, de travailleurs sociaux, d'ensei- cousine, Layla, et clame dans ses vers gnants, de psychanalystes) furent pré- son amour à tous les vents, jusqu'à en sentées : « l'économie» du sexisme et devenir fou ( majnun », « fou» en sa remise en cause, les questions de arabe), quand sa dulcinée est mariée à différenciations sexuèlles et les possibles interventions « anti-sexistes ». Le fameux projet de loi Roudy fut aussi présenté (et discuté) par son rapporteur, le député socialiste lean-Pierre Michel ; projet prudent et quelque peu coincé dans les méandres juridiques (rappelons le « tollé » des médias et des publicitaires) ... Reste que le dossier de ces «communications» mérite d'être consulté, comme outil de réflexion sur un sujet qui n'en finit pas d'être actuel et nous concerne tous, chacunes et chacuns. D J.-J.P. Types/Paroles d'hommes. Association ADAM : 10, rue Marcadet (75018 Paris). ECRITS DE PRISON, Dans un récent courrier du Monde, un détenu évoquait le traumatisme psychologique que constitue la vie carcérale et le sentiment de haine vis-à-vis de la société qu'elle ne peut manquer de développer. « Ce sentiment naît en moi, ajoute le détenu, et c'est pourquoi j'écris. » En effet, témoigner, s'adresser aux autres, est peutêtre pour le prisonniede seul moyen de surmonter l'horreur de sa condition. Différences - N° 42 - Février 1985 ADAM: Vers un nouveau type d'hommes? KIOSQUE Sélection/livres La Route d'Ein Harod, de Amos Kenam. Ed. Albin Michel. Deux hommes sont traqués, le premier est un Israélien, le second un Palestinien. C'est violent, c'est implacable, mais le dialogue finira par s'établir. Les Cochons au balcon, de Pierre Chambert. Librairie le Pont de l'épée. Une poésie de « circonstances » , un défi à l'ordre des mots où même le hasard tremble de la souffrance des hommes. Le Combat arménien, d'Armand Gaspard. Ed. l'Age d'Homme. L 'évolution de la question arménienne, depuis le traité de Lausanne en 1923. Le Pain de misère, de Nathan Weinstock. Ed. la Découverte. Histoire du mouvement ouvrier juif en Europe. Homme invisible, pour qui chantestu ?, de Ralph Ellison. Ed. Grasset. Une fresque de la condition du Noir aux Etats-Unis, des images de ses souffrances, de ses frustrations, de son aliénation. Réquisitoire intraitable contre un système qui produit des ê!res ~ans visage. 0 un autre contre son gré, il ne sait certes pas que son exemple va susciter le mythe de l'amour tragique le plus fécond des littératures aral;lo-musulmanes. Les amants maudits arabes, qui n'ont peut-être jamais existé, ouvrent la voie à la lignée mondiale des amoureux malheureux, de Roméo à Tristan, de Werther au Fou d'Elsa, peut-être par le truchement de l'Andalousie musulmane médiévale et des troubadours occitans. Arabisant de réputation internationale, titulaire de la chaire de littérature arabe classique au Collège de France, de surcroît administrateur général de la Bibliothèque nationale, essayiste et romancier déjà, André Miquel est allé à la source des textes arabes et il vient de publier une anthologie traduite des poèmes de Majnun (1) donnant simultanément au mythe de l'amour fou la chair d'un grand roman, Layla, ma raison (2) pour initier le grand public au trésor littéraire d'une culture, d'un peuple, du patrimoine universel, en un mot. D Yves THORA V AL. (1) Majnun, l'amour po'ème. Ed. Sindbad. (2) Ed. du Seuil. 27 1 1. ! CULTURES - Saine littérature - Les copains de la classe Le Palais vert: un roman d'aventure en Irak Germaine Fimifter fait dans la littérature enfantine depuis longtemps. Sensibilisée aux problèmes de résurgence du racisme, elle s'est aperçue qu'il n'existe rien, pour les enfants de nos écoles, qui les envoie à la découverte des autres cultures, même quand celles-ci sont représentées dans leur classe. Il y a bien quelques classiques, comme Mon ami Frédéric, quel! ques romans qui traitent du problème, ou bien des collections, très "pédagogiques", qui idéalisent le pays présenté et passent au-dessus, au-dessous? En tout cas à côté des réelles préoccupations des enfants. Quand elle a commencé ses enquêtes, Mme Fimifter s'est rendu compte que, par exemple, les enfants français ne s'intéressent pas à l'Islam, mais se demandent souvent pourquoi leurs copains arabes ne mangent pas de porc à la cantine. Et, symétriquement, que les enfants arabes sont étonnés, voire choqués, qu'on leur pose des questions sur une chose aussi naturelle. Cette réflexion a donné une nouvelle collection, baptisée Les Copains de la classe, où chaque pays d'origine des immigrés vivant en France est ou sera présenté, à partir des questions que se posent les autres enfants, questions recueillies à partir d'entretiens dans les classes (1). « Quand les enfants portugais parlent du pays, dit Germaine Fimifter, ce n'est pas de la culture, qu'ils ne connaissent pas. Débarqués des régions les plus pauvres comme le Tras-os-Montes, ils racontent Une collection pas comme les autres surtout le courage du père passé en fraude, la beauté des paysages de là-bas. Ils disent leur peur de repartir quand leurs parents manifestent devant eLix le désir de rentrer au pays, et en même temps se demandent pourquoi ils sont là. » Le livre, du coup, devient un instrument de dialogue dans les classes. Avec «Nous venons du Portugal », enseignants et élèves pourront causer. Est-ce pour cela que nombre d'éditeurs ont refusé d'éditer la collection, jugée pas assez commerciale dans l'état actuel de l'opinion? Les éditions Syros ont accepté, et c'est tant mieux: «Nous venons d'Algérie» est en préparation, viendront les Tsiganes, les Antilles, les autres pays du Maghreb. « Quand les enfants parlent du pays, ce n'est pas de culture. Ils racontent le courage du père passé en fraude, la beauté des paysages ... » Autre belle idée, chez le même éditeur, est née de la même association d'enseignants, "Branchés interculturalité" (2), une collection bilingue. « Les documentalistes des établissements scolaires, généralement pleins de bonnes intentions, réclament des textes pour enfants en 28 langue étrangère, dit Madeleine Thoby, de Syros, mais ils sont généralement désarmés parce qu'incapables d'apprécier la qualité de textes écrits dans des langues qu'ils ignorent. » L'idée était simple: il faut des livres bilingues. D'abord un abécédaire, en trois lan~ gues, dont l'arabe, calligraphié par Hassan Massoudy. Puis, en préparation, un recueil de contes arabes avec la traduction française en face. « L'écueil, dit Suzanne Bukiet, qui s'occupe de la collection, était de choisir des textes puis d'y plaquer une traduction artificielle. C'est pourquoi nous avons choisi des oeuvres qui sont porteuses, en elles-mêmes, d'interculturalité. » Aussi les contes de la Colombe au collier font-ils partie intégrante de la culture arabe, mais sont en fait une traduction de contes orientaux du VIlle siècle. La traduction arabe fait depuis autorité, elle a même inspiré La Fontaine. Si même le père du Corbeau et du Renard chipe ses idées à l'Islam, il n'y a pas de raison pour que nos enfants limitent leur culture à l'Hexagone! Avec cet objectif chez les auteurs : que les classes qui comptent des élèves étrangers ne soient plus, à terme, redoutées, mais recherchées comme lieu d'épanouissement plus grand - un objectif qui nous semble raisonnable. J.-M. O. r, ' . (1) Editions Syros. (2) L'Arbre à livres, 76, bd Saint-Michel, 75006 Paris. Théâtrissimo BRECHT, L'EMIGRE. Tch... tch.. . tch, le train de gare en gare perce la nuit de ses lourdes vapeurs. Fuyant l'Allemagne nazie, comme Bertolt Bretch au lendemain de l'incendie du Reichstag en février 1933, Ziffel et Kalle échangent quelques mots. Le premier est physicien, un intellectuel non engagé. Le second est un ouvrier métallurgiste, militant communiste. « Etre Allemand, c'est faire les choses à fond, qu'il s'agisse de cirer le parquet ou d'exterminer les juifs », c'est ainsi que se poursuit le dialogue entre ces deux hommes, que l'exil place sur un pied d'égalité. Ziffel entreprend même de rédiger ses mémoires, dont il donne peu à peu lecture à Kalle au buffet de la gare d'Helsingfors en Finlande, où ils se retrouvent au bout du voyage. ~ Il Y sera question de bière et de cigare, g de démocratie et de liberté, de l'amour t et de l'ordre, des libres-penseurs et du t facisme. « Plus ils sont durs avec les Brecht, ..,.' .... lIJi.' ..... ~ riches, plus les petites cotisations affluent. » L'exil semble avoir donné à Brecht un solide instinct de conservation, doublé d'une bonne dose de scepticisme et d'humour. N'a-t-il pas écrit: « la meilleure école pour la dialectique, c'est l'émigration », lui qui, réfugié aux Etats-Unis, se verra en 1947 interrogé par la Commission des Activités antiaméricaines avant de repartir pour l'Europe à nouveau et Berlin-Est, où il s'installera définitivement en 1948 ? Un pari toujours difficile que de mettre en scène Dialogues d'exilés, à cause de la densité du texte. Pourtant Bernard Djaoui s'en tire très bien. Une tentative qu'il faut saluer à sa juste valeur, comme il convient de saluer les acteurs, Philippe Catoire et Jérôme Franc, ainsi que Frank Vallet qui, côté jardin, décors et costumes, a déployé une certaine originalité avec un minimum de moyens. Brecht n'a pas pris une ride, les années trente ressemblent étrangement aux années quatre-vingt. 0 Daniel CHAPUT Dialogues d'exilés -18 - Théâtre - 16, rue Georgette-Agutte, 75018. ECORCHES. Deux voisins qui se connaissent pour s'être croisés dans l'escalier. Un soir, lui frappe à sa porte et pénètre chez elle, qui lisait. Elle (interprétée par Christine Deschaumes) est une jeune femme blanche, indépendante et cultivée - une « libé- Différences - N° 42 - Février 1985 raIe », comme il se plaît à lui répéterdont la vie tranquille se~tisfait d'un discours humanitaire de bon ton. Lui (Tola Koukoui qui a également réalisé la mise en scène) est Noir : tour à tour emporté, amer ou un rien enfantin, gauche, il débusque avec un entêtement déconcertant ses faux-semblants à elle, en défait la cohésion toute de surface. Dès les premiers échanges, leur parole respective se heurte, se bloque l'une l'autre: déroutes, agacements contenus, silences embarrasés rompus par de brusques changements de sujet avec sourires de mise aux lèvres. Puis, c'est l'emballement, la violence: autour de la différence de peau, l'incompréhension bat alors son plein et les tient, liés, dans cet étrange jeu oscillant, jusqu'au bout et sans dénouement possible, d'entrelacement en agression, éphémères instants d'intimité et hurlements de refus. - La qualité de la mise en scène qui déploie l'espace scénique quasiment « de poche» du théâtre 3/4, comme le jeu difficile, heurté, des deux acteurs de cette pièce, signée James Saunders, invitent à suivre de près le théâtre Kaidara, dont la prochaine production, Sonate en solitude majeure du maestro de Julius Amédé-Laou, aura lieu en mars au Théâtre 18. 0 Catherine MINOT. Les Voisins de James Saunders par le théâtre Kaidara au Théâtre 3/4. 29 CLAUDEL dans Différences! Claudel qui disait: « La tolérance, il y a des maisons pour cela. » Claudel, qui, dans l'imaginaire littéraire de beaucoup, représente le catholicisme rétrograde, l'intolérance bourgeoise, l'antisémitisme et tant d'autres choses. Dans Partage de midi, monté à Marseille par la compagnie Chatôt-Vouyoucas, Yse dit: «Je déteste tous ces Jaunes. » C'est dire. C'est vite dire. Car Partage de midi, c'est l'une des plus belles pièces du répertoire français, et, à ce titre, une universelle leçon de ferveur. Sur fond de colonialisme d'opérette, Claudel, ambassadeur de France, y était beaucoup trop impliqué pour y croire, on nous parle d'une rencontre, celle de Mesa qui n'aime pas les hommes parce que Dieu ne l'aime pas, et d'Yse qui n'a pour seule force, terrible, que l'évidence de sa propre existence. Mesa qui s'inquiète parce qu'il n'est pas « né au monde », et Yse qui est tranquille parce qu'elle sait que ce monde, autour d'elle, n'existe pas, ou peu. Et l'amour qui éveille ce mort-né , et cette morte vivante. Claudel n'est plus à la mode, et c'est bien périlleux de le monter à Marseille. Raison de plus pour saluer le travail d'Andonis Vouyoucas. Si vous avez du mal à prononcer, dites « le Grec » , c'est comme ça qu'on l'appelle là-bas. J.-M. O. Partage de midi, à l'Espace Massalia, 60, rue Grignan à Marseille, tél. : 33.70.85, jusqu'à fin février. CULTURES - Cinéma-combat - WESTERNS A LA FRANÇAISE Train d'enfer: inspiré de la triste histoire vraie d'Habib Grimzi, balancé du train par des apprentis légionnaires. Urgence: un journaliste aux prises avec une bande d'extrême droite. Deux films qui tirent le signal d'alarme. R oger Hanin et Gilles Behat ont choisi un genre, le policier, le genre le plus populaire dans le mode d'expression qui est le leur: le cinéma. Roger Hanin nous présente une situation à plat: une analyse poussée du racisme dans ses effets et dans ses causes, apparentes et cachées. Il s'en tient à l'analyse politique pure et simple: les faits, les hommes qui les provoquent ou les subissent. Pas de psychologie, pas d'action individuelle à proprement parler dans Train d'enfer. Les individus correspondent, mis en scène par Hanin, à des idées, voire des stéréotypes. C'est un parti pris cinématographique qui se tient et qui, loin s'en faut, n'est pas tout à fait neuf. Seules l'action, la cadence donnée au film rythment la vie de ces personnages. Il est notable, à cet effet, de constater que très peu de scènes du film nous montrent les protagonistes dans leur milieu familial, dans leur maison. Quand cela se fait, c'est uniquement pour accentuer la présentation stéréotypique de l'individu ou du groupe : visite du domicile du petit führer local qui cache chez lui une collection de Mein Kampf et des affiches nazies et antisémites .. . Train d'enfer fonctionne comme un western de série B produit par la LESTER J. PERIES, SRI-LANKAIS C 'est au festival de la Rochelle 1980 que l'on doit la découverte· en France de Lester James Peries, cinéaste du Sri-Lanka. L'émission Cinéma sans visa reprend le flambeau le 21 février. Lester JameS Peries est un pionnier. Il a été le premier à réaliser des films dans son pays sans dépendre de l'Angleterre ou de l'Inde. Le Trésor est son huitième long métrage. Le film se situe en 1911. Willy, un Attention, tout abus sera puni. Une silhouette dessinée sur le sol, près d'un bout de rail, en plein coeur de Belfort. Un hommage poignant à Habib Grimzi, organisé par le MRAP de la ville au printemps dernier. R.K.O. (ce qui n'est pas péjoratif !) dans les années quarante. Le shérif est remplacé par le commissaire de police, le saloon par la salle de bal, le lynchage se passe dans le train ... Aux dernières nouvelles, le film fonctionne assez bien auprès du public. On secret d'un trésor: c'est le sacrifice d'une jeune femme qui lui permettra d'y accéder. « Le héros, dit le réalisateur, est pris entre deux cultures, la culture occidentale britannique et sa propre culture traditionnelle. Il a assimilé le plus mauvais des deux, sans être capable de s'adapter à l'un ou l'autre monde. La société change, et lui devient fou. » Le film a reçu le Lion d'argent à Venise en 1972. 0 Christiane DANCIE peut toutefois s'interroger sur les réelles qualités cinématographiques de ce film d'intervention. Ce ciné-tract réussirat- il à faire naître autre chose que des émotions de surface? Pire, à force de simplifier pour mieux faire passer le message, Hanin ne risque-t-il pas luimême de tomber du côté de ceux qui schématisent les situations et les êtres qui les portent? jeune homme issu de la bourgeoisie, a Le Trésor, de Lester James Peries. Toute autre est la démarche de Gilles Behat dans Urgence. A partir d'un roman policier de Gérard Carré et Didier Cohen, il a, avec Jean Herman (1) bâti un scénario de film à suspense sur fond politique : « Nous avons voulu marier une intrigue policière avec le roman à énigme. C'est en quelque sorte l'association d'Agatha Christie et de Dashiell Hammett », nous précise Jean Herman. Il y a en effet, dans le film , quelque chose qui fait penser à la Moisson rouge de Dashiell Hammet, trouvé dans un vieux manuscrit le __ FR3, jeudi 21 février à 22 h. quelque chose qui renvoie à une autre 30 1 1 1 TRAIN D'ENFER: CE QU'ILS EN DISAIENT À LA SORTIE • Je préfère ne pas commenter. C'est dur et c'est triste. • Je ne regrette pas d'avoir dépensé trente balles • Je trouve qu'il retranscrit bien ce qui s'est passé il y a un an, mais la réalité dépasse la fiction. pour voir ce film. • C'est encore plus fort que Dupont Lajoie. • C'est un bon film policier, un film d'actions, et en plus contre le racisme. • Le crime est horrible. • C'est un film plein de bonnes intentions. • Il dénonce bien la connerie humaine. Il a le mérite d'exister. Des films cdmme ça, • C'est un film efficace et courageux. il en faudrait plus souvent • A une époque où le racisme s'installe pour remettre les pendules à l'heure. il est bon que certains osent le dénoncer. ET ROGER HANIN ? • Je suis parti de l'émotion qu'a provoquée en moi le fait divers réel. Vous savez que cet Arabe C'est le détonateur qui m'a permis de voir comment on pouvait fabriquer ce genre d'individus. Comme disait Jean Genet: « Quand quelqu'un tue ce n'est jamais lui qui tue qui a été défenestré d'un train en marche par trois « would be » légionnaires n'est pas le sujet de mon film. Cet incident ne représente que sept minutes du film, c'est une intrigue policière. mais ceux qui sont au-dessus de la pyramide qui ont amené ce geste. » société en crise. Pour Jean Herman, ce n'est pas étonnant: «Le roman noir traduit la crise d'une société. En France, ce que l'on a appelé le néo-polar a dix ans d'avance, du point de vue thématique, sur le cinéma. Un phénomène identique s'est passé aux USA, avantguerre. Les oeuvres maîtresses du roman noir américain sont nées de la crise de 1929. Dans Urgence, nous avons pu avec G. Behat faire passer nos obsessions d'auteurs sur des thèmes comme la nuit, la ville, la police ... » Le fond du film de Behat est politique, mais l'auteur a tout fait pour que le spectateur ne cherche pas systématiquement des clés, attitude différente de celle de Hanin. Avec Jean Herman, Behat a inventé un type d'agence de presse qui n'existe pas véritablement en France ; il précise à ce propos : « Je ne veux pas faire passer de message, le cinéma que j'aime est celui de Pakula, Schatzberg, Forman, Polanski, un cinéma de spectacle qui raconte des situations fortes inscrites dans un contexte qui n'est pas gratuit. C'est ce cinéma-là qui m'intéresse, c'est celui que j'essaie de faire.» D'une manière encore plus elliptique, Jean Herman déclare: «Nous avons voulu faire un film et non organiser un débat. » Dans l'ombre Le résultat, c'est un film qui accroche mieux que celui de Roger Hanin, dans la forme mais aussi dans le fond. Urgence touche beaucoup plus que Train d'enfer et, en particulier, le public jeune. Urgence fonctionne comme une enquête policière (le personnage de l'inspecteur ou du détective est remplacé, ici, par un journaliste) qui ne nous révèle son contenu politique que très progressivement. Le danger est d'abord danger, avant de se révéler dans son caractère terroriste et nazi. La Différences - N° 42 - Février 1985 menace représentée par le groupe nazi ne nous est pas assenée d'un coup et avec force détails. Un seul nazi est suivi de bout en bout, il a le visage du policier Lucas Schroeder, brillamment interprété par Bernard-Pierre Donadieu. L'ensemble du groupe d'extrême droite reste dans l'ombre, ce qui parle beaucoup plus à l'imagination. « Nous avons voulu, dit Jean Herman, signifier une menace cryptique, matérialisée uniquement par le personnage de Schroeder. Nous ne montrons pas volontairement tout l'organigramme du groupe infiltré dans la police ; mais on les sent présents au travers des informations échangées par radio par Schroeder. Nous avons, par contre, beaucoup fouillé le caractère de ce personnage, même si nous l'avons un peu élagué dans la version définitive du film. » Le rythme d'Urgence traduit bien l'idée contenue dans son titre. Un montage serré, une cadence soutenue qui excluent les temps morts. Les personnages CANNES ENCORE L e mois de janvier 1985 a été fertile en sorties de films déjà repérés par Différences lors du dernier festival de Cannes : • Stranger than Paradise, de Jim Jarmusch (USA-Caméra d'or), l'Amérique de 1984 vue par un regard d'étranger. • Los Santos Inocentes (les Saints Innocents), de Mario Camus (Espagne), qui avait obtenu le grand prix d'interprétation masculine pour Francisco Rabal et Alfredo Landa, nous raconte l'histoire d'une famille de paysans pauvres dans l'Estrémadure des années soixante. • Another country (Un autre pays), de Marek Kanievska (Grande-Bretagne - prix de la meilleure contribution artistique), nous plonge dans 31 se reposent peu dans ce film. Ce qui nous amène avec force vers les deux moments clés: la projection du film super 8 que les nazis veulent récupérer à tout prix et la scène au cours de laquelle l'attentat d'extrême droite doit avoir lieu. Ce petit film est en fait la reconstitution d'un document authentique que TF1 avait diffusé il y a quelques mois et qui montrait la réunion des néo-nazis européens à Dixmüde en Belgique, le jour du solstice d'été. En voyant Urgence, on ne peut s'empêcher de penser aux attentats de Bologne ou de la rue Copernic, aux assassinats de Pierre Goldman et d'Henri Curie!. Et tout cela nous dit qu'il y a urgence. D Jean-Pierre GARCIA (1) Réalisateur, scénariste, connu également en tant qu'auteur de romans noirs sous le nom de Jean Vautrin et dont je vous recommande entre autres Billy-ze-kick et Aime le maudit (Série noire), des classiques ! l'univers d'une high-school britannique qui exclut ceux qui sortent de la norme. Cela se passait dans les années trente. • Voyage à Cythère, de Théo Angelopoulos (Grèce - prix du meilleur scénario). Un voyage à travers l'imaginaire, l'amour, la mort. La fascination d'un cinéaste pour les personnages de son propre pays ... • El Norte, de Grégory Nav (EtatsUnis - section Un certain regard et Grand Prix du festival des films du monde de Montréal 84). La longue marche de deux jeunes qui émigrent du Guatemala vers la Californie. Un voyage dont nul ne sort indemne ... 0 J.-P. G. (Pour plus de détails, se reporter à Différences n° 36/37, septembre 1984, et n° 38, octobre 1984.) 1 .1 i, dorothée bis Chaussures MINELLI 120 points de vente dans toute la France Nouvelle collection Printemps/Été 1984 PARIS et BANLIEUE LYON MARSEILLE GRENOBLE STRASBOURG BORDEAUX ROUEN TOURS LILLE REIMS MULHOUSE BREST RENNES CHAMBÉRY . VICHY CLERMONT·FERRAND AVIGNON DIJON VALENCE NIMES MONTPELLIER BEZIERS TOULOUSE LENS TOULON CANNES NICE . 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Veuve très tôt, elle s'est occupée seule de son unique fils Hossein (Tallal), peintre lui aussi. Rien de très particulier, au fond, jusqu'au rêve qu'elle fit, dans les années 65 : Allah lui est apparu et lui a dit : « Lève-toi, tu as un palais à décorer. » Dès le lendemain, elle achetait des pots de peinture Ripolin et appliquait de la couleur, à l'aide de chiffons imbibés, sur des supports qu'elle avait à sa disposition. La toile et le pinceau ne viendront que plus tard. C'est P. Gaudibert (conservateur au musée de Grenoble) qui va la « découvrir » au cours d'un voyage au Maroc (en 1966). Le reste, les expositions (en ce moment à l'Institut français d'Athènes dans le cadre du colloque la Femme et la Méditerranée), les achats de musées, la mode Chaïbia au Maroc même, tout cela a suivi. Que dire de son oeuvre? A. Flamand, dans Regard sur la peinture contemporaine au Maroc, parle d'art brut, primitif, évoque le groupe Cobra qui, il est vrai, semble avoir eu les mêmes préoccupations esthétiques que Chaïbia aujourd'hui. Que dirait-elle elle-même de toutes ces étiquettes, de sa parenté plus ou moins lointaine avec les oeuvres d'Aloïse ou de Chaissac, de Dubuffet ou d'Appel ? Peut-être rien dans la mesure où ce genre de spéculations ne l'aide ni ne l'empêche de peindre, pas plus que les questions que l'on s'imagine en droit de poser sur la représentation de la figure humaine dans l'Islam. Chaïbia remplit l'espace de sa toile de visages et de mains, de maisons, utilisant les couleurs sans les mélanger, les juxtaposant de telle manière que parfois ce qui est représenté bascule vers quelque chose d'abstrait, devient signe. Bien sûr, on lui a dit qu'il fallait «apprendre à peindre », de même qu'elle s'est mise à lire et à écrire ces dernières années. Qu'importe, cela n'entame en rien ce qui se lit à fleur de toile : un certain bonheur de peindre. Patrick BORG EL. Différences - N° 42 - Février 1985 ~Méli-mélomanie NANTERRE, LES MILLE ET UNE NUITS Du 25 janvier au 10 février, pour une quinzaine de soirées seulement, hélas, le Théâtre des Amandiers* à Nanterre, se transformera en un antre enchanté des Mille et Une Nuits, résonnant des musiques savantes, raffinées ou populaires du Proche-Orient arabe, jouées et chantées par plus de 150 musiciens venus d'Egypte, de Syrie, du Liban, d'Irak, du Soudan, de Palestine, du Qatar. Il ne faut pas manquer cette occasion de s'initier au talent d'artistes qu'il est souvent difficile, même dans leur pays d'origine, d'entendre en public. Au menu de ce festin, des musiques traditionnelles très belles, moins « abordables» que d'autres de prime abord : celles de Nubie ou les psalmodies coranique ou soufies du Caire, ou les musiques rurales du Soudan (concerts qui seront également présentés à Annecy, à Genève, Marseille, Rennes et Villeurbanne). Le golfe arabo-persique, avant la manne pétrolière, vivait surtout de la pêche des huîtres perlières, et la tradition des chants de groupe de ces forçats qui plongeaient pour les chercher se perpétue grâce au groupe, envoyé pour la première fois en Europe, des chanteurs 33 Têtes (1980), une gouache de Chaïbia. Un certain bonheur de peindre. Jeannie Dumesnil à la Galerie Erval (16, rue de Seine, 75006 Paris), jusqu'au 16 février. Une peinture suave aux harmonies assourdies. de Qatar. La musique classique proprement dite sera représentée par un grand ensemble de Bagdad ainsi que par Munir Bachir (Irak), le plus talentueux soliste de « oud », le luth du monde arabe. Et puis, on pourra aussi entendre Sabah Fakhri, superbe chanteur de Syrie, qui interprète les formes traditionnelles de la musique arabe, en sachant toucher un immense public dans le monde arabe, qui s'arrache ses enregistrements. - Yves THORA VAL ·7, avenue Pablo·Picasso, 92000 Nanterre, tél. : 721.18.81. BOITE A RYTHME Sélection/disques A Paris, Mory Kanté, Sacodis. Le griot funk et sa Kora mandingue. Joao Bosco. Ao Vivo, Polydor. Seul ou en formation réduite, un lutin brésilien habité par le swing. Manu Dibango. Surtension, Garimal RCA. Descente de l'Afrique profonde, version électro-funk. Linton Kwesi Johnson. Making History, IslandlPhonogram. Quand le reggae brûlot flirte avec les sons jazzy et même avec une mandoline. Thelonious Monk. That's the way 1 feelllow, A & MICRS. Pour l'un des plus grands compositeurs de jazz. Il 1 III Il 1. INlsrD/REJ - Grands sentiments - RLEZ-MOI D' MOUR On réédite « Agar », un roman qu'Albert Memmi a écrit dans les années cinquante. Sujet: les couples mixtes. Catherine Paysan suit le mouvement, dont la première vague remonte ... à l' « Othello » de Shakespeare. Preuve de la pérennité du thème. L ' annonce faite à ... Brabantio de l'union de sa fille Desdémone avec le Maure, Othello, déclenche une petite tempête dans l'âme paisible du digne sénateur: comment est-il en effet possible « qu'une fille si tendre, si belle, si heureuse... ait, au risque de la risée générale, couru de la tutelle de son père au sein noir de suie d'un être (Othello) fait pour effrayer et non pour plaire? » Ce qui effraye en tout cas le vieillard et ne lui plaît pas du tout, c'est la conclusion, à son insu, de ce mariage inimaginable, entre sa douce (mais rebelle !) progéniture, la « blanche brebis », et ce « noir bélier ». Croyant tout d'abord que Desdémone a été abusée par quelque sorcellerie, il découvre bientôt que c'est par elle seule qu'il a été trompé lui-même. Dépité, il déclare alors que ce ne peut être que par « un jugement difforme et très imparfait» que la « perfection » (ce que, dans sa fille, il attribue à luimême) ait pu ainsi «faillir contre toutes les lois de la nature ». , Quatre siècles après le drame de Shakespeare, les racines culturelles, qU:elles soient d'origine ethnique ou religieuse, opposent toujours le poids d'une résistance, en littérature au moins, à ces « amours hybrides », qu'on appelle aujourd'hui les mariages mixtes. C'est d'une forme~ de cette résistance interculturelle dont témoigne Albert Memmi dans Agar (1). Ce récit, d'inspiration autobiographique, relate en effet les épreuves et les déchirements que connaît un jeune médecin juif tunisien et une jeune étudiante catholique française lorsqu'ils décident, une fois mariés, de venir vivre dans le pays natal de celui-ci. Dès les premiers temps de leur installation dans la famille du héros, il semble que les dés soient pipés. Les difficultés du « mélange» interculturel, immédiates, sont ressenties de façon d'autant plus inconfortable par le héros qu'il se trouve en position d'intermédiaire, voire de bouc émissaire, entre d'un côté les malaises de Marie, son épouse, et de l'autre les malentendus avec sa famille: « Ils reconstruisaient Marie et la situation selon leud désirs.' ils crurent ainsi que se ferait un mariage religieux et que Marie se convertirait. » Alors que Marie est enceinte et va mettre au monde leur 34 enfant, le père du héros tente encore d'exercer une forme de chantage : « Si je ne donnais pas son nom à son petit-fils circoncis, comme j'avais reçu celui de mon grand-père, j'éteindrais cette survivance, j'étoufferais l'écho de ce verbe qui, sans ma faute, se répercuterait jusqu'à la fin des temps. » « Elle n'était pas des miens ... » De son côté, Marie est perçue comme « une étrangère », tant par la famille que par les autorités religieuses. En retour, le milieu culturel nouveau où elle est accueillie, loin de déclencher un réflexe d'adaptation de la part de la jeune femme, réveille ses défenses: « Elle ne pouvait ni comprendre ni excuser notre laisser-aller méditerranéen. » Son rejet des coutumes locales est de plus en plus marqué, elle perçoit la façon de vivre de la communauté d'accueil comme «anachronique », et bientôt « insupportable ». «Je n'ai pas, dit-elle à son époux, quitté les préjugés de chez moi pour tomber dans cette... barbarie. » A son tour, le héros ressent le contrecoup des malaises de sa femme : «J'étais honteux, comme d'une indécence, lorsque (les miens) se livraient trop crûment devant Marie. » Peu à peu, l'évidence de leurs différences se fait jour, douloureuse, imparable : « Marie ne pouvait faire partie des miens. » Ils décident donc de s'installer hors de la maison familiale. Mais l'isolement qu'ils choisissent ainsi, au lieu de rendre la situation plus vivable, fait connaître au couple de nouvelles épreuves à la naissance de leur fils: faut-il ou non le circoncire? Lui le « désire », pas tant pour maintenir le cordon ombilical avec les siens que pour retrouver un peu de lui-même dans ce fils qu'il croit déjà voir lui échapper à travers le conflit avec sa femme. Mais Marie a le sentiment que si cette circoncision est faite, ce sera « contre elle ». Par ... bonheur, le petit a un phimosis. La circoncision perdra-t-elle son caractère symbolique culturel pour ne garder qu'une dimension purement médicale? Non, car l'ambiguïté demeure. «N'avais-je pas le droit, pense le héros, de me juger innocent? Mais non, le sens de nos actes ne nous appartient pas! Marie ne voulut pas croire à mon innocence. Et y croyais-je moi-même? J'avais beau le r refuser avec dégoût, ce sentiment de bonheur ambigu était là, subtil, honteux, mais certain. » La circoncision sera finalement décidée, la mort dans l'âme, par le héros, mais encore asservie au sens d'un acte rituel tout en étant travestie dérisoirement en acte païen, chirurgical... Le prix d'un combat Jusqu'au bout de cette histoire d'amour et de déchirement avec Marie, le héros aura donc eu à se battre non seulement contre le poids des traditions, contre les malentendus et la méfiance des uns ou des autres, contre ses propres contradictions d'individu pris entre deux feux, entre deux cultures, ( J'avais rapproché, menaçantes, Le Paradis perdu (anonyme, 1820). Deux individus, deux cultures, «deux parties hétérogènes de soimême ». l Différences - N° 42 - Février 1985 1 35 l'une en face de l'autre, les deux parties hétérogènes de moimême »), mais aussi pour un enjeu, celui de transgresser « une communication qui ne va pas de soi », comme le souligne A. Memmi dans sa préface, pour réinventer les «conditions d'une libération ». Mais, comme l'auteur l'écrit encore, « une libération n'est jamais gratuite, et il vaut mieux en connaître le prix exact. » Et c'est notamment le prix d'un combat avec soi-même, car la libération qui est en jeu dans l'histoire exemplaire de Agar passe par une nécessaire et double trahison : celle d'une identité culturelle, comme « principe de réalité », et celle de l'amour de l'autre, trahison d'autant plus délicate que cet( te) autre est aussi un Autre culturel. Sous une autre forme, plus poétique, et avec le ton d'un échange de confidences, Catherine Paysan évoque dans Le Rendez-vous de Strasbourg» (2) la rencontre réitérée, trente ans après leur aventure amoureuse à Paris, d'un couple d'amants: Ali Ben Taleb, musulman marocain, et Sarah Leilah, chrétienne française, mariés, depuis, chacun de leur côté. A travers ces brèves retrouvailles dans Strasbourg, une ville qui leur est à tous deux étrangère et qu'ils découvrent ensemble, une ville symbole aussi en tant que carrefour de civilisations, à travers leur déambulation dans les rues de cette cité et dans les souvenirs de leur passion ( Le vrai plaisir. Celui de l'ensoleillement des corps qui ouvre les chemins du coeur. »), deux cultures différentes se regardent, se parlent, s'opposent parfois, mais s'écoutent toujours avec respect. Des fenêtres indécentes Ce roman suit donc, et retrace, le cheminement libre et capricieux de leur conversation. Autour de la signification de Jésus, par exemple: « Nous autres musulmans, explique Ali, n'avons jamais rien eu contre cet homme qui fut un prophète. Seulement il n'est pas Dieu. Dieu a parlé par sa bouche, comme par celle d'Isaïe, d'Ezéchiel, de Jérémie, par celle de Mahomet. Mais il n'est pas Dieu. Je te fais de la peine, Leilah ? - Mais non. Chacun sa vérité et son erreur, après tout, mon cher Ali. »Ou encore, à propos de la vision du monde occidental : «Autrefois, se rappelle Sarah, tu t'étonnais qu'ici, en Europe, les fenêtres donnent sur les rues. Que n'importe quel homme, quel enfant, quelle femme surtout, puisse les ouvrir, s'y accouder sans scandaliser personne. Que les gens éprouvent le besoin de voir et de se faire voir ( .. .) Les fenêtres, leur accumulation, étaient devenues chez toi une idée fixe. En même temps elles t'attiraient. » Ali était en effet choqué par cette forme « d'indécence », pour lui, des femmes occidentales en particulier, qu'il ne comprenait pas: « On ne s'habitue pas du jour au lendemain, au fond de soi.. . à ce qu'une femme maintienne, malgré le visage, les jambes, le corps découverts, une distance entre elle et vous. » Il met aussi en relief les contradictions de cet « exhibitionnisme typiquement occidental » .' « Ce qui me gêne jusqu'au malaise ... c'est que les gens qui cachent de moins en moins leurs corps, qui tiennent absolument à souligner leur sexe dans des vêtements étroits, qui semblent prêts à tout pour attirer l'attention, provoquer le désir, se comportent en même temps entre eux comme des aveugles ... Ils n'ont plus de regards à échanger ». Il met ainsi en question la libération des moeurs en Occident: « Est-ce que ce n'est pas avec la virginité du regard d'abord que la pudeur vous a définitivement quittés, et avec elle la sagesse de préserver un certain mystère qui constitue le charme des rapports entre les êtres ? ». 0 (1) Réédité chez Gallimard, collection Folio. (2) Aux éditions Denoël. Bernard GOLFIER - Municipales - Egalité des droits, droit de vote: ça discute ferme un peu partout. Faut-il municipaliser le~ ~trang~rs ? Cataplasme sur une jambe de bois ou seule mesure efficace, nous ne trancherons pas, VOICI ce qu en disent les gens, connus ou pas. Radio trottoir En battant la semelle, micro au poing, devant une bouche de métro on a écouté ce qu'en pensent les gens. -Je suis pour car les immigrés vivent comme nous, travaillent et paient des impôts. Je ne vois pas pourquoi ils n'auraient pas leur mot à dire dans la vie politique française. De plus, si on leur octroie le droit de vote, on fera plus attention à la manière dont on les traite. -Je suis favorable au droit de vote pour les immigrés mais je pense que ce n'est vraiment pas le moment de leur accorder. Actuellement, la tension à leur égard est beaucoup trop vive. Leur participation aux élections ne pourrait que l'envenimer. -Je suis relativement partagée sur cette question. D'une part, ce sont des êtres humains et ils ont donc à ce titre le droit de participer à la vie de la cité. D'autre part, je pense que la meilleure intégration passe par leur naturalisation. -Je suis ni pour ni contre. Je ne vote pas moi-même. -Je suis plutôt opposée au droit de vote pour les immigrés. Ce serait une ouverture à tous les abus. On a 36 beaucoup de problèmes économiques et notamment d'emplois, on aura donc encore plus de mal à les résoudre car ils auront les mêmes droits que nous. Je ne suis pas contre les immigrés mais il y en a trop. S'il veulent voter ils peuvent -toujours se faire naturaliser. A priori je suis contre. Si on leur accorde le droit de vote, il faudrait qu'ils habitent en France depuis au moins un an et qu'ils soient obligés d'y rester. Si cela n'était pas le cas ils se mêleraient de la vie politique sans être véritablement impliqués. Et les immigrés qu'en pensentils ? -Je suis catégoriquement contre. l l Je suis pour car nous, les immigrés, participons à la vie de ce pays tant au niveau économique, scientifique que culturel, et par nos impôts, bien entendu. Nous devons donc pouvoir participer à la vie politique comme en Suède par exemple. -Je n'aime pas du tout la vie politique française, je ne souhaite donc pas voter dans ce pays. -Les immigrés doivent pouvoir voter afin de s'exprimer pleinement, ne plus être cians un ghetto et ne plus laisser les autres choisir à notre place. Lors des dernières élections à la sécurité sociale les immigrés ont pu voter, cela n'a pas« révolutionné» la France pour autant. Par ailleurs, le droit de vote pour les immigrés est uné des propositions de François Mitterrand. Elle a d'ailleurs été annoncée à Alger par Claude Cheysson. Il serait temps 'qu'on nous l'accorde même s'il faut ,pour cela changer la Constitution. ,Le droit de vote fait partie de la réalité ~humaine. C'est un droit à l'expression (inaliénable. Etant donné que nous

vivons coupés de notre pays d'origine

~on ne vote finalement nulle part et on lne s'exprime pas. , • "Serge Le Péron, cinéaste. • -Je suis pour, bien évidemment. Les immigrés sont installés en France. Ils vivent ici. Ils doivent pouvoir participer à la gestion de la cité. Au niveau national, je voterais éventuellement pour un immigré, mais 'cela dépend de son programme, de ses alliances, de son discours ... Mais pourquoi pas? Denis Manuel, comédien. -Je suis à fond favorable à l'attribution du droitde vote aux immigrés. Ils ont les mêmes devoirs que les Français. Pourquoi n'auraient-ils pas les mêmes droits? Je trouve qu'il serait normal que les immigrés soient citoyens à part entière, surtout ceux qui sont installés en France depuis plusieurs années. En France, pour pas grand-chose, les 'petits délinquants perdent leurs droits 'civiques pour longtemps, tout cela parce que leur différence n'est pas acceptée. Alors d'ici à ce que le droit de vote soit accordé aux immigrés, beaucoup d'eau coulera sous les ponts~ Pierre Bourgeade, écrivain. -Je suis d'accord pour attribuer le droit de vote aux immigrés our les élections Différences - N° 42 - Février 1985 VouS ye. ftftE z., II: $. fIN'Q.O"T PAtl. y .\ Q. r'1. i "f, 'f2.l ÉvÎ IE. t1 tU: Nf ON f'4 i1'" TOtJ'T" PO'"' n. L..!-~ f/Il A1J)"~ •••. En mars 1984, Différences publiait un sondage exclusif sur le thème: « L'insertion des immigrés: l'opinion des Français. » (1). A la question, pensez-vous que les immigrés devraient ~ouvoi~ voter e~ France aux municipales? 63 % des personnes interrogées, sur un echantIllon natIOnal de 1000 personnes, ont répondu NON. (A moins qu'ils ne soient nés en France 10 %, qu'ils ne se fassent naturaliser 36 %, en aucun cas 17 %.) . En revanche, 33 % des personnes interrogées se sont pron~~cées pour le d~Olt de vote des immigrés aux municipales. (10 % après un an de seJour, 15 % apres 5 ans, 8 % après 10 ans.) Pour Véronique de Rudder, sociologue, chargée de recherc~e au CN~S, c.es résultats montrent une réticence politique générale, entachee de natlOnahsme. En effet, pour eux, droit de vote et nationalité so~t in.dissocia.bl.es, et l'ac~è.s des immigrés au corps électoral passe par leur naturahsatlOn. ~alS Ils son~ SUIVIS. de près par ceux qui jugent qu'un temps de séjour plus ou mOInS lo~g d?It ouvnr ~e droit. Restent 17 % de personnes pour lesquels même la naturalIsatIOn ne suffit pas à rendre citoyen français ... (1) Ce sondage a été effectué pour le MRAP par la SOFRES du 25 jauvier au 4 février 1984. locales. Cela me semble normal. En revanche, je suis réservé pour les élections à l'échelon national. En effet, je suis en désaccord avec la Constitution actuelle. Elle m'apparaît monarchique et non démocratique. De ce fait, avant d'attribuer le droit de vote aux immigrés il faudrait réviser la Constitution et notamment supprimer l'élection au suffrage universel du Président de la République. La Charte Internationale des Droits de l'Homme, adoptée par l'assemblée généràle des Nations unies le 10 décembre 1948, par 48 voix dont celle de la France et 8 abstentions, stipule que : « Toute personne à le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisi. 37 Evolution ou régression? Héritage de la Révolution, la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 affirmait dans son article 6 : « La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous soit qu'elle protège soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » LA PAROLE A Claude Amédé «Je crois beaucoup à la • Jeunesse » Il est né à la Martinique, au nord de l'île, dans un milieu de pêcheurs. Initié dès son plus jeune age à la musique, Claude Amédé n'hésite pas aujourd'hui à descendre dans le métro pour travailler ses ambiances musicales; c'est là que nous l'avons rencontré. l 'ai été élevé en musique. Là-bas, on prend le sein au rythme de la biguine et de ses mélodies. Mon grand frère faisait de la guitare, du sax, je baignais dedans. {'ai gr~ndi,je suis ve!,u en Europe, en France, à l'époque du service militaire. e SUIS reste pour en savOIr davantage, pour comprendre un peu mieux qui j'étais, c'était une manière de combattre l'ignorance. La génération de nos parents a créé trois millions de chômeurs, elle s'est plantée. Je crois beaucoup à lajeunesse car l'avenir lui appartient. Je ne me sens pas tout àfait à l'aise dans ce monde, l'Occident a imposé sa vision à l'humanité entière, et quelle vision! Malgré cette merde sociale, j'ai appris à être positif, dans le sens où certaines valeurs morales et spirituelles m'apportent de l'oxygène. J'ai rencontré énormément de difficultés, mais elles ont donné le ton majeur à ma musique. Je me sens plus à même d'apprécier ma propre culture et partant celle des autres. Je viens d'enregistrer une maquette, que je vais présenter à plusieurs maisons de disques. J'ai l'intention de partir vivre _un peu en Angleterre, mais je garderai des contacts avec Paris, c'est une ville qui a fait monter en moi bien des choses. • J'ai toujours été plein d'admiration pour ceux qui se mettent du côté desfaible et des opprimés, des gens comme Luther King ou Gandhi. l'ai confUlnce en l'avenir, et comme l'écrit Aimé Césaire: « On a beau peindre en blanc la peau de l'arbre la force de l'écorce en dessous crie. ~ , Propos recueillis par Julien BOAZ 38 COURRIER Ouf! Enfin, ça y est! Différences a sacrifié à l'article sur les Juifs d'URSS, l'indispensable brevet d'indépendance à l'égard de qui vous savez. L'ennui, c'est que cet article ne parle seulement que d'une très petite minorité de Juifs soviétiques. Comme J.-M. allé le fait remarquer, il Y a eu en URSS un mouvement d'assimilation, une "laïcisation" inconcevables avant la Révolution. En toute logique, cela est dû au fait que les Juifs n'avaient plus besoin de se regrouper et d'affirmer leur spécificité pour survivre face à l'oppression, comme au temps des tsars, parce qu'ils étaient placés dans la même situation que les autres citoyens soviétiques. Résultat, aujourd'hui, sur 1 850 000 Juifs, le nombre des Juifs croyants en URSS n'est pas supérieur à 60 000 personnes. Et si les écoles yiddish périclitent, c'est d'abord par manque d'élèves. Mais, contrairement à ce que vous écrivez, il existe une faculté pour l'étude du yiddish auprès du Centre d'études de ' Léningrad. Et des revues, comme Sowetish Heimland publient régulièrement dans leurs suppléments des leçons de yiddish. Je vous reprends également au sujet des séminaires. Depuis près de 25 ans, la synagogue centrale de Moscou possède son "échiva", école religieuse destinée à former des rabbins, des chanteurs, des circonciseurs, des lecteurs de Thora. Les élèves de cette école bénéficient d'une bourse deux à trois fois supérieure à celle que touchent les étudiants des écoles supérieures d'Etat. Les étudiants reçoivent en plus une nourriture cachère gratuite. Cependant, cette école manque d'étudiants: tantôt il en manque totalement, tantôt les candidats ne sont pas aptes aux études religieuses. L'école judaïque hongroise dont vous parlez est une école de degré supérieur où les meilleurs élèves de léchi va" se rendent pour parfaire leurs études. Quant aux boucheries cachères, je demande à un Juif français habitant à Brie-Comte Robert, ou même à Auteuil, combien il doit parc 1urir de kilomètres pour en trouver une. Et encore, les Juifs français sont proportionnellement une fois et demie plus nombreux que leurs coreligionnaires soviétiques et dans un pays 41 fois plus petit que l'URSS. Restons sérieux ! La réduction de l'émigration des Juifs soviétiques vers Israël, hormis qu'elle peut paraître 10- gique à bien des égards à un esprit objectif, n'est par ailleurs nullement un phénomène purement soviétique. D'après la presse américaine, l'émigration des Juifs américains pour Israël (il y a aux Etats-Unis plus de 6 millions de Juifs, soit trois fois plus qu'en URSS) a baissé en 1974 de plus de 2,5 fois par rapport à 1971 et de près de 2 fois par rapport à 1972. En outre, les autorités israéliennes ont reconnu que le nombre d'arrivants en 1975 a été deux fois inférieur à celui de 1974; d'autre part, ce nombre était en 1974 de 42 % intérieur à celui de 1973. . Depuis l'établissement de l'Etat d'Israël, seul un Juif sur dix dans le monde a immigré. Ce résultat modeste se réduit encore quand on considère trois faits : Premièrement, plus de 45 % des immigrants sont arrivés dans les premières années d'euphorie qui ont suivi l'établissement d'Israël : 685 000 arrivées entre le 15 mai 1948 et le 31 décembre .1951 ; mais depuis les 25 dernières années, moins de 7 % de Juifs ont émigré d'Israël, ce qui équivaut à plus de 16 % du chiffre total des immigrants, malgré les incroyables difficultés faites à l'émigration par Israël dont, apparemment, personne ne s'indigne en Occident. J'en arrive au plus grave. Le Comité antisioniste dont parle J.-M. allé n'accuse par les sionistes de s'être alliés avec les nazis pendant la dernière guerre mondiale, mais d'avoir proposé à l'Allemagne nazie une alliance contre la Grande-Bretagne en Palestine. Proposition que les nazis ne prirent pas au sérieux. Le Comité antisioniste précise que c'est le groupe Stern seul qui commit cet acte impardonnable. Parmi les membres les plus en vue de ce groupe Stern figurait un certain Itzhak Shamir, aujourd'hui dirigeant "alternatif' de l'Etat d'Israël. C'est un acte historique dont on peut avoir la relation dans un ouvrage qu'on ne peut soupçonner d'avoir été inspiré par les Soviétiques, Ben Gourion, le prophète armé, par M. Bar-Zohar (Fayard, Paris 1966, page 99) et dans le Monde diplomatique de décembre 1983. Parmi les documents conservés au Mémorial de l'Holocauste (Yad Vachem) à Jérusalem, classés sous le numéro E 234151-8, on peut trouver un document signé M. Itzhak Shamir (qui s'appelait alors Yezernitsky) et Abraham Stern, remis à l'ambassade d'Allemagne à Ankara, alors que l'extermination des Juifs par les nazIs ne cesse de s'amplifier, et Différences - N° 42 - Février 1985 proposant une collaboration avec ces derniers. Egalement une lettre marquée du mot "Secret", envoyée en janvier 1941 par l'ambassadeur de Hitler à Ankara, Franz von Papen, à ses supérieurs, racontant les contacts avec les groupes Stern. y est ajouté un mémorandum de l'agent des services secrets nazis à Damas, Verner Otto von Hentig, sur les pourparlers avec les émissaires de Stern et de M. Shamir. L'un des chefs historiques du groupe Stern, M. Israël Eldad, confirme dans un article publié dans le quotidien de Tel-Aviv Yediot Aharonot du 4 février 1983, l'authenticité de ces pourparlers entre son mouvement et les représentants officiels de l'Allemagne nazie. Il affirme sans ambages que ses collègues avaient expliqué aux nazis "qu'une identité d'intérêts entre un nouvel ordre en Europe selon la conception allemande et les aspirations du peuple juif en Palestine représentée par les combattants pour la liberté d'Israël (le groupe Stern) est probable." (Le Monde Diplomatique, décembre 1983.) Robert PAC La France menacée SOS, la France est menacée! L'identité française que les immigrés viennent partager avec le peuple de France, la culture française dont les étrangers aimeraient s'abreuver avec ceux qui restent attachés aux vraies valeurs qui font rayonner notre pays dans le monde, contre j'invasion culturelle américaine , sont en danger. La vie d'une jeune Français d'aujourd'hui va quotidiennement du Coca-Cola au hamburger (voir la foule des fast-foods), du vidéo-clip aux feuilletons télévisés, avec génériques en anglais, du T-shirt aux couleurs américaines aux accessoires vestimentaires faisant référence aux Etats-Unis, du matériel scolaire fantaisie aux sacs en toile avec inscriptions, slogans, symboles militaires américains. Les chansons américaines envahissent les ondes et les cerveaux des jeunes et des très, très jeunes. La jeunesse de France est culturelle ment violée et manipulée. Dans vingt ans la France se réveillera américaine. Pour le faire oublier, certains politiciens veulent faire croire que l'identité française est menacée par la présence des immigrés sous le prétexte de défendre la France. C'est un imposture qu'il faut dénoncer. Alain Griotteray vient de publier

les Immigrés,' le choc. Il

faut attaquer durement son cauteleux discours. Ne pas laisser dans l'ombre le venin, le poison qu'il véhicule, qu'il veut inoculer dans les cerveaux des Français. Pour illustrer mes propos, une histoire authentique, d'un jeune Marocain qui vit à Strasbourg, qui peut témoigner : Il travaille au mois de juillet sur un chantier, seul étranger. Les ouvriers alsaciens, avec lesquels il travaillait, parlaient le dialecte alsacien d'origine germanique. Les seuls mots français qui étaient prononcés sur le chantier étaient ceux que prononçait le jeune Marocain ou les ordres qu'on lui adressait. Voudriez-vous demander à Alain Griotteray qui défend le mieux l'identité nationale? qui défend le plus la culture française? et lesquels de ees hommes compte-t-il vider en premier? Robert DELABAUDIERE Strasbourg Les petites annonces de DIFFÉRENCES J.F. 26 ans, agrégée d'histoire. 4 années d'expérience professionnelle normalienne, cherche nouvel emploi. Etudie toutes propositions. Ecr. au jnal qui tr. n°{jD. Apprenez la mer sur un Aquila. Croisières sur mesure, départ Bretagne-sud, WE, semaine, enfants acceptés. Tél.: (1) 700.24.51. N° 61. A vendre rue de Bagnolet, Paris, appart. 56 m', séjour 25 m', 2 ch., cuis., s. de b., W.-c .. 5' étage ss ase. 390000 F. Ecr. au journal qui transmettra n° 62. Tarif: 25 FT. T .C. la ligne (26 signes ou espaces) Texte et règlement à Différences: 89, rue Oberkampf 75011 Paris Tél. 806.88.33 L LI L 1 [ 1 Les membres de la Société des amis de Différences bénéficient d'une insertion gratuite par an (maximum 5 lignes) 1 1 1 1 Ll. _1 . 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 L 1 1 1 x-- VITE! Je m'abonne à Différences ! 1 1 I~ 1 1 1 1 o 160F(lan) o 90 F (6 mois) o 200 F (soutien) Nom: Prénom : Adresse: Code postal : Ville: Bulletin dûment rempli à retourner accompagné d'un chèque à Différences, service abonnements, 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Abonnement 1 an étranger: 180 F ; chômeur et étudiant: 140 F. 39 lAS FÉVRIER 'ft Durant tous le mois, à .Ji. 21 h 45, représentations du tJrophète, de Khalil Gibran . I\daptation et mise en scène de 3uy Bousquet. Au théâtre du Lucernaire, 53, rue N otreDame- des-Champs, 7500Q Paris. Rens. tél. (1) 222.26.50 0 3 Et les 6,10,13 ,17, le théâtre A Venir présente à 15 h un spectacle de marionnettes pour enfants (et adultes) , Nasreddin Hodja, monté par Isil Kasapoglu, au théâtre Dunois, 28, rue Dunois, 75013 Paris. tél. (1) 584.72.00. 0 5 Jusqu'au 10, la MC 93-Bobigny, en coproduction avec le théâtre Poitou-Charentes et le théâtre de la Reprise II, présente ~e Tombeau d'Atrée, d'après 1'« Orestie» d'Eschyle, de Bernard Chartreux, dans une mise en scène de Robert Gironès. Rens. MJC 93, boulevard Lénine, Bobigny (SeineSaint - Denis ), t él. ( 1) 831.11.45 0 e: Jusqu'au 3 mars, le Centre ~ culturel Léonard-de-Vinci, 5, place Bégude, Feyzin (Rhône) reçoit l'exposition Enfants de l'immigration bis. Rens. Marc Rampe: (7) 867.65 .11. 0 6 Jusqu'au 30 mars, les mercredis, jeudis, vendredis et samedis, à 21 h, à la Fondation Deutsch de la Meurthe, 37, boulevard Jourdan, 75014 Paris, la compagnie Théâtre en Perce présente Un homme véritablement sans qualité, adaptation d'après le « Journal » de Kafka, interprété par Christian FischerNaudin. Rens. et réservation (obligatoire), Théâtre en Perce (1) 707.77.75. 0 7 Au théâtre Victor-Hugo, 14, avenue Victor-Hugo, de Bagneux (Hauts-de-Seine) , Carnaval, masques des saisons. Ce spectacle est présenté les jeudis, vendredis, samedis à 20 h 30 ; les dimanches à 15 h, jusqu'au 10 mars. Rens. théâtre VictorHugo, tél. (1) 663. 10.54. 0 9 Pendant deux jours, un forum des quartiers et des communes sur le thème Vivte ensemble Français-Immigrés est organisé à la MANU, 11, boulevard de Stalingrad à Nantes (Loire-Atlantique). Rens. Collectif « Vivre ensemble FrançaisImmigrés », 12, rue du Chapeau- Rouge, 44000 Nantes. 0 12 A 21 h, Musique class ique du Viêt-nam, concert présenté par l'Union générale des Vietnamiens en France. Le 15, clôture de l'exposition d'oeuvres de Mostafa Goudjil, artiste algérien. Le 24 à 15 h, un film marocain de Mohammed Reggab, Le Coiffeur du quartier des pauvres, en v.o . sous-titrée. A prévoir en mars une exposition sur les Artistes du monde contre l'apartheid. Rens. Maison de l'Etranger, 8-16, rue Antoine-Zattara, Marseille (3'), tél. (91) 95.90.15. 0 14 Jusqu'au 25, au théâtre des Amandiers de Nanterre, le groupe Banquise présente A quoi rêvent les phoques? inspiré de légendes et de contes esquimaux, spectacle pour enfants de trois à huit ans. Rens. (1) 655.89.58. 0 2 8 Séminaire de recherche sur Racisme et culturalisme

la culture comme seconde

nature, au 9, rue Malher, 75004 Paris, salle 107, 1" sous-sol. Rens. ERMI, 82, rue Cardinet, 7501 7 Paris, tél. (1) 267.07.60. 0 MARS 2 Et 3, colloque Immigration et Retour à Amiens. Les réunions et commissions se dérouleront en deux lieux de la ville, place Dewailly et au château de Dury, organisées par l'AEFTI de la Somme. Rens. AEFTI, BP 221, 80002 Amiens, tél. (22) 46.60.60. 0 2 Jusqu'au 28 avril, suite des Rencontres et dialogues avec les pays du Sahel : • Tendances contemporaines de l'art africain (exposition), du 2 au 17 mars, à la MJC BainsDouches de Limours. • L'Homme de la Navy (film spectacle), le 16 à la MJC BainsDouches de Limours. • L'Architecture en terre (exposition), du 16 au 30 mars, à la MJC de Fontenay-les-Briis. • L'Agriculture et l'Alimentation au Sahel (conférencedébat), le 22 mars, au centre de formation Bel-Air, salle SaintEloi, parc de Soucy. • Mission en Centre-Afrique (exposé-débat), le 23 mars, à la MJC de Fontenay-les-Briis. • Regards de reporter sur le Sahel (exposition photos), du 24 mars au 28 avril, à la Bénerie de Limours. Rens. Inter MJC, BP A4, 91470 Limours, tél. (6) 458.08.02 et (6) 458.17.80. 0 9 Jusqu'au 17, au centre Georges-Pompidou, à Paris, VII' Festival international de films ethnographiques et sociologiques. Ren. BPI du centre Pompidou, tél. (1) 277.12.33. 0 Il Réunion de recherche du CHE ID , à 17 h, sur Le nouvel ordre économique international pour le tiers monde, avec Mohamed Elhocine Benissad, professeur à l'université d'Alger. Rens. ISMEA, 11, rue Pierre-et-Marie-Curie, 75005 Paris , tél. (1) 633.73.42. 0 ET ENCORE L'OREILLE GAUCHE. Grâce à la revue sonore l'Oreille gauche, les aveugles et les mal-voyants peuvent entendre des articles de la presse démocratique. Elle paraît tous les deux mois sur 4 casse ttes de 66 minutes chacune ; son supplément sur 2 cassettes de 66 minutes. Si un handicapé de la vue désire connaître l'Oreille gauche avant d'adhérer, le GIPAA (Groupement pour une information progressiste des aveugles et des amblyopes) peut lui prêter un exemplaire de sa revue sonore. Des livres en braille ou sur cassettes sont prêtés aux membres de l'association. Pour être adhérent au GIP AA, une cotisation de 100 F par an est demandée. Rens. GIPAA, 34, rue du Moulinet, 75013 Paris, tél. (1) 588.62.07. 0 LANGUE. L'Association des travailleurs de Turquie organise des cours de turc pour les Français, gratuitement, par des professeurs turcs. Toutes les personnes intéressées peuvent contacter l'association, tous les aprèsmidis au 523.48.08. A TT, 19, rue de l'Echiquier, 75010 Paris. 0 CULTURE JUIVE. Dans le cadre du mois de la culture juive, une production du Fonds social juif unifié, en collaboration avec l'ARC de Villeurbanne: 28 février à 20 h 45. Les Contes de Chlem, par Alexis Nouss et Muriel Bloch, dans la salle Gérard- Philipe, 46, cours de la République à Villeurbanne. 2 mars à 20 h 45. Chants yiddish, interprétés par Talila, au Centre culturel de Villeurbanne, 234, cours E.-Zola. 7 mars à 20 h 45 (soirée de Pourim). Nuit de la musique judéo-arabe, avec Michel Rebibo, salle Gérard-Philipe à Villeurbanne. 40 14 mars à 20 h 45. Concert de musique hassidique, par Igal Klaus. Rens. et informations pour ces spectacles : (7) 872.88.23. 0 EXPOSITION PERMANENTE. Les Déserts de .t'homme : le Sahara des nomades, à l'abbaye de Sénanque, Gordes (Vaucluse), tous les jours de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h. Rens. abbaye de Sénanque, tél. (90) 72.02.05. 0 TRADUCTION. Deuxième prix de littérature enfantine, à partir de neuf langues (arabe, bambara; berbère, créole, espagnol, ita~ lien, portugais, serbo-croate, turc). Clôture le 30 avril 1985. Le règlement est à demander à la bibliothèque Saint-John-Perse jeunesse, prix de traduction, 2; rue E.-Poisson, 93300 Aubervil7 liers. Rens. (1) 834.11.72. 0 Pour tous renseignements concernant ces pr. grammes, contacter la Maison pour tous, MIe Les Marquisats, 52, rue des Marquisats, 74011 Annecy cedèx, tél. (50) 45.08.80. 0 CULTURES DU MONDE. Un programme chargé en mars pour l'ex-théâtre de l'Alliance française. Jusqu'au 17 : A Castro par le Teatro Comuna de Lisbonne (Portugal). Les 14 et 15 : Bao (ballet de clowns pour enfants) par le Teatro Comuna de Lisbonne. Du 19 au 22, à 14 h 30, 20 h et 22 h. La troisième Rencontre des conteurs du monde. Renseignements Maison des cultures du monde, 101, boulevard Raspail, 75006 Paris. Tél. (1) 544.72.30. 0 Agenda réalisé par Danièle SIMON Les Droits de l'Homme vus par La. ha.ine nou~ ezmpri":onne- rOU5 c.e lIez de';) al.lfrcz':l ou la. nôrrcz Différences - N° 42 - Février 1985 41 L'association « Regards et Graphisme» rappelle ses prêts d'exposition de dessins humoristiques sur les questions des droits de l'Homme et la vente de ses albums et dessins. dont les comités locaux et associations conservent les bénéfices au profit de leurs actions. Contact: « Regards et graphisme », B.P. 35, 33290 BLANQUEFORT. Tél.: ~6 (56) 35.15.34 (le soir). Quand la. i:berhi 5' irlZinr l'ombre :0' érend Merre.z rou.joul"!I le doigr sur Jes Droih. d(2 )' HOYYlme.) . .. ava.l11- ~u ' 011 IIZ-u r m eH-a. 10.. main da.55US. PARIS 6~ - 54, rue Bonaparts. PARIS 16~ - 23, Av. 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Notes

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