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Sommaire du numéro

n°192 de janvier 1998

  • Edito: Une intense fraternité par Mouloud Aounit
  • Week-end de formation: connaître l'extrême-droite pour mieux la combattre par C. Benabdessadok
  • Vitrolles: FN version musclée par C. Benabdessadok
  • Congrès du MRAP les enjeux: prévoir et anticiper
  • Circulaire Chevènement: beaucoup de bruit pour un maigre résultat par le service juridique [législation]
  • Mumia Abu-Jamal: la vie d'un homme par Myriam Falco-Mairat
  • Gardanne: capitale du livre antifasciste par C. Benabdessadok
  • Jeu de loi: mode d'emploi
  • Hommage à Jean Blumpar Mouloud Aounit
  • Saine colère (réaction à l'expression: un procès pour la dignité cf n°191)


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Janvier 1998 - N° 192 o SOMMAIRE Week-end de formation Congrès du MRAP Les enjeux Paul Muzard Chevènement Bilan de l'application de fa circulaire Service juridique Mumla Abu·Jamal La vie d'un homme Myriam Falco-Mairat Gardanne Salon du livre Chérifa Benabdessadok Jeu de 101 Mode d'emploi Liliane Lainé Education Les documents 4 5 6 8 9 CONNAÎTRE LIEXT ÊME 0 OITE P URMIEUX LACOM ATT E pour la Semaine Chrono Chérifa B. Hommage à Jean Blum Moulaud Aounil 9 10 10 Des exposés de qualité, de nombreux témoignages ont jalonné le week-end de formation sur l'extrême droite organisé par le MRAP à Paris Et à Claude Roy 11 les 6 et 7 décembre derniers. Charles Palanl Courrier Tirage des bons de soutien 12 12 Très bref compte-rendu avec une incursion à Vitrolles, en attendant l'édition d'une relation détaillée. cr pages 2 et 3 Une intense Iraternité Le 18 el 19 décembre 1997, j'ai représenté le MRAP au Luxembourg pour la conférence de clôture de l'Année européenne contre le racisme. Ce fut un moment fon d'une intense fraternité. Prendre connaissance de centaines de projets dans les 15 pays de l'Union Européenne égayait l'esprit et le coeur des défenseurs des droits de l'Homme. Cette rencontre a pennis de se rapprocher des autres, de sortir du chacun pour soi pour aller vers le chacun pour tous. Des prolongements néanmoins s'imposent. La publication, lors de cette cérémonie, d'un sondage d'opinion réalisé à l'échelle de l'Union Européenne au printemps 97 est édifiante : 33 % des personnes interrogées se déclarent " assez racistes 011 très racistes », seule une personne sur trois s'estime" pas du toul raciste ». Si on se réfère à ceux qui se déclarent« très racistes », la Belgique arrive en tête avec 22 %, suivie par la France 16 % et l'Autriche 14 %. L'adhésion massive au rejet des immigrés et de l' Autre en générai, l'étude le confirme, est à imputer à J'jnsatisfaction des sondés concernant le ur situation personnelle, à la peur du chômage, à la perte de confiance dans le fonctionnement des insti tut ions et dans la classe politique. Les chiffres donnés poUf la France sont consternants; ils abÎment l'image de la patrie des droits de l'Homme, Ils renvoient chacun d'entres nous, les institutions, les mouvements associati fs, les partis politiques, les syndicats, à la nécessité de prendre la mesure de l'exceptionnelle gravité de la situation. Tous ceux qui se sentent concernés par la défense de la démocratie en danger de racisme ne peuvent se dérober, Puisse-t-on en cette période de fêtes, ce moment fort, ne plus considérer son voisin comme un ennemi mais comme son prochain. Cette attitude est déjà le début d'une résistance contre ce mal gravé au coeur de notre démocratie, BONNE ANNEE .• Mouloud Aounit Il Contre l'extrême droite CONNAÎTRE POUR MIEUX COMBATTRE L E WEEK-END DE FORMATION sur l'extrême droite organisé à Paris les 6 et 7 décembre derniers a permis d'aborder, avec la participation d'une centaine de personnes, des questions nombreuses et essentielles : histoire et évolution de l'extrême droite française, informations et analyses affinées sur l'ancrage notamment électoral du FN, études, réflexions et récits d'expériences sur les moyens de lutter contre le FN. La complexité de ce combat, qui justifie par ailleurs ce type de rencontre, a été largement évoquée: au plan pédagogique et politique comme au niveau juridique la tâche n'est pas aisée. tionne soit en termes de classe sociale, soit en termes de race, l'un et l'autre pouvant se mêler. Ce type d'études qualitatives comme les études sociologiques à plus grande échelle dont François Platone a donné un aperçu significatif - en se basant sur le travail de Pascal Perrineau (2), confirment le fait qu ' il n'y a pas un électorat FN mais plusieurs. « Ces gens qui s'aiment à détester ensemble », selon la formule d'Anne Tristan, ont toujours plus d 'antipathie que l'ensemble des Français à l'égard de tel ou tel groupe, mais ils proviennent de milieux sociaux, écono- La diversification des motivations du vote FN constitue l'une des difficultés de la riposte. Michel Soudais, journaliste (1), a rendu compte d 'un sondage qualitatif réalisé par la Sofres au cours de l'été 1995 à Vénissieux auprès de quinze électeurs du FN. L'analyse des entretiens réalisés auprès « C'est l'électorat le plus pessimiste sur le fonctionnement de la démocr atie en France : 77 % des électeurs frontistes considèrent que la démocratie y fonctionne pas très ou pas bien du tout, contre 67 % des communistes, 65 % des écologistes, 60 % des soutiens de la Droite indépendante, 57 % des socialistes et 42 % des électeurs RPR-UDF. C'est également le seul élector at où une majorité absolue d' électeurs (58 %) considère que " les hommes politiques ne se préoccupent pas du tout des gens comme nous". » de ces personnes fait Pascal Perrineau, apparaître quatre types de vote ainsi identifiés par les enquêteurs de la « Le symptôme Le Pen, Radiographie des électeurs du Front national, 1997 Sofres: - un « vote malaise» émanant d'interviewés plutôt jeunes, aux situations sociales très différentes qui « ont en commun une intériorisation aiguë d 'un échec social » ; - un « vote de protestation », provenant d'un groupe numériquement plus important qui ne manifeste qu 'un faible intérêt pour la vie politique mais qui ressent un fort besoin de protection et d'autorité; - un« vote d ' assentiment » qui provient d'électeurs connaissant une intégration sociale manifeste qui revendiquent une forte proximité avec le FN tout en l'assimilant davantage à un groupe de pression qu'à un parti politique ; - enfin, un « vote identitaire » totalement assumé qui foncmiques et culturels divers et de tranches d'âges différentes. Une comparaison entre les législatives de 1993 et de 1997 fait apparaître que 97 % de ceux qui avaient voté FN ont renouvelé leur adhésion en 97 ; Il % de ceux qui avaient voté droite classique ont choisi le FN en 1997 ; 5 % de ceux qui avaient voté PS ou gauche non communiste

7 % de ceux qui avaient voté PCF. Enfin

, deux autres catégories d'électeurs favorisent la pérennité du vote FN : 13 % de ceux qui s'étaient abstenus en 93 ont voté FN en 97 et 14 % des jeunes qui n'étaient pas en âge de voter. Du point de vue des moyens de lutte, Stéphane Meyer, avocat membre du MRAP, a Différences n° 192 janvier 1998 présenté d'une façon claire et illustrée d'exemples, les grandes lignes de la législation française contre le racisme. Il en a rappelé les limites et précisé que cette loi n'a pas pour vocation d'interdire le racisme mais d'en réprimer un certain nombre de manifestations: les propos, les discriminations, les agressions physiques. Concernant l'argument sans cesse invoqué par les leaders du FN quant au caractère« liberticide » de cette loi, Stéphane Meyer a souligné que les régimes protecteurs des libertés répriment l'expression de ce qui peut se retourner contre la liberté d'expression. Laisser s'exprimer le racisme, at- il ajouté, c'est nier à quelqu'un la liberté d'être ce qu'il est. Intervenant à la suite de l'avocat, Mouloud Aounit a présenté une analyse dont il ressort un lien direct entre la mauvaise gestion politique des questions sociales, les renoncements ou les complicités avec le FN et sa pérennité dans la vie politique française. Le secrétaire général du MRAP a rappelé que quel que soit le nombre de ses électeurs, le FN n'est pas un parti comme les autres, et le combat contre ce parti et ses thèses ne peut pas ne pas tenir compte de ce fait. Enfin, il a indiqué en quoi le FN est à la fois un révélateur et un amplificateur, et comment il ajoute la haine à l'exclusion. Il faut évoquer ici un exposé didactique et chargé d'humour sur l'outil Internet, son utilisation par les réseaux négationnistes et les questions de droit. Contrairement à une idée reçue, a expliqué l'intervenant, les lois françaises et notamment les lois contre le racisme, s'appliquent aux messages diffusés sur Internet. Il reste à réaliser un effort de terminologie et à définir les responsabilités entre l'utilisateur d'un site, le fournisseur d'accès, le fournisseur d'hébergement et l'auteur du message. Ce spécialiste des réseaux a exhorté l'assemblée à s'adresser aux spécialistes avant d'intenter un procès. Enfin des responsables de l'institut Reclus ont présenté un rapide et alléchant projet de formation qui aurait pour objet d'aider le MRAP à s'adapter à l'évolution de la lutte antiraciste en s'appuyant sur la richesse des pratiques militantes . • Chér ifa Benabdessadok 1) Auteur de «Le Front national en face », Flammarion, 1996 (2) « Le symptôme Le Pen », Fayard, 1997 W e ek-end de formation VITROllES: lE FN VERSION MUSClÉE CL, l 'inquiétude porte, dans l'immédiat, sur deux aspects. D'une part la disparition des relais dans le travail de prévention et les tensions entre les jeunes et une police municipale musclée par plusieurs dizaines de recrutements, n'augurent rien de bon. D'autre part, il va de soi que la municipalité FN a choisi d'agir par l'il provocation et la tension, en se plaçant délibérément sur le terrain de l ' illégalité et du coup de force. Y aurait-il un partage des rôles entre un extrémisme à« visage social » à Toulon et une version musclée à Vitrolles, histoire de tester les tactiques pour mieux faire avancer la stratégie globale de conquête? Toujours est-il que l'on apprenait le 12 décembre que le délégué à la vie associative au sein du conseil municipal a été mis en examen pour « complicité de violence en réunion, avec arme et préméditation» et « complicité de destruction de bien ». Gilles Lacroix est soupçonné d'avoir participé à un commando ayant agressé des routiers en grève sur un barrage le 5 novembre dernier dans la zone industrielle de Vitrolles. Deux employés municipaux, dont l'un est responsable des services de sécurité de la ville, ont également été mis en examen dans cette affaire. SI À TOULON la gestion municipale semble se diriger vers une application douce du programme du Front national (1), à Vitrolles les Mégret et leurs acolytes de la municipalité ne craignent pas d 'apparaître comme les champions de la chronique judiciaire, de la censure et de la préférence nationale. Celle-ci est d'ailleurs explicitement affirmée dans le programme électoral de février 1997. Depuis lors, des décisions significatives ont été appliquées : parmi les faits connus, il faut citer le licenciement de la directrice d 'un cinéma qui avait refusé de déprogrammer une série de courts-métrages sur la prévention du Sida, la résiliation de la convention qui liait la mairie au café-musiq ue le Sous-marin et la récupération des locaux après un murage hyper-médiatisé (et condamné par la justice), la suppression ou la forte diminution des subventions aux associations locales (celles du MRAP comme celle d'une régie de quartier chargée de l'entretien et de l'hygiène ont été supprimées). La Charrette Il faut également rappeler la condamnation de Catherine Mégret pour ses propos sur l'inégalité des races (Cf. Différences octo- RÉSULTATS ÉLECTORAUX DU FN À VITROLLES Européennes 84 21 ,24 % Législatives 86 26,29 % Présidentielles 88 29,95 % Législatives 88 30,50 % Municipales 89 11,75 % Cantonales 92 - 1 er tour 28,28 % Cantonales 92 - 2nd tour 39,29 % Légis latives 93 - 1 er tour 33,93 % Législatives 93 - 2nd tour 55,84 % Municipales 95 - 1 er tour 43,05 % Mun ici pal es--95---2f1t:Ho u r 42,90 % Municipales 97 - 1 er tour 46,70 % Municipales 97 - 2nd tour 52,48 % Législatives 97 - 1 er tour 38,74 % Législatives 97 - 2nd tour 47,87 % bre 97, n° 189, pages chrono), et « l'épuration » du personnel municipal : 150 personnes ont été privées d'emplois, dont une trentaine de licenciements et plusieurs nonrenouvellements de CDD, alors qu'une centaine d'embauches était réalisée notamment parmi les membres et les proches du Front national. Les indésirables ont d'ailleurs constitué une association, La Charrette, et ont intenté un certain nombre de procès, en cours d'instruction. Des éducateurs de rue ont été licenciés, les commissions d ' attribution des aides sociales n'existent plus, l'élue décidant seule de ces attributions, tandis que le temps de parole lors des réunions du conseil municipal a été limité à deux minutes ! Dans ce contexte, le comité local du MRAP, dont deux membres étaient présents au week-end de formation, inscrit son action dans la durée. Trois axes de travail mobilisent les militants et leurs amis : une présence régulière sur les marchés pour discuter avec les gens, un travail permanent avec les enseignants et un projet d ' exposition photos-textes sur le thème « Vitrolles et les préjugés» dont le financement est à l'étude auprès des organismes sollicités. Un réseau se tisse - la Coordination associative vitrollaise - avec les organisations de défense des droits de 1 'homme et avec d'autres telles que ATD-Quart Monde ou les fédérations de parents d 'élèves. Pour Jean-Marie Poncet, président du Doit-on espérer que cette gestion autoritaire et stigmatisante pour la ville dessille les yeux des électeurs trompés par un discours démagogique? On ose le penser avec les militants de Vitrolles qui sont bien décidés à tenir leur rôle malgré la faiblesse de l'opposition politique locale .• Chérifa Benabdessadok avec le comité local (1) « Toulon, la stratégie du Front national - Terroir, famille, pastis », Télérama nO 2498, 29/11 au 5/12 Les travaux du week-end Les interve ntions: Présentation globale de l'extrême dro ite, Pierre Krausz. Sociologie de l'électorat du FN, François Platone. S'adresser à cet é lectorat, Michel Soudais. La bataille juridique, Stéphane Meyer. Le MRAP et le combat contre le FN, la dissolution , Mouloud Aounit. Internet, Gérard Kerforn et un militant de Ras l'Front. Projet de formation pour les militants du MRAP, JeanPhilippe Milesy, Bruno Adjignon . Les té moig nages : Les militants qui sont intervenus au cours des débats. Et les invités: Pierre Barjidan, Syndicat général de la police; Daniel LarrièreCardoso, CFDT Transports urbains; Saadia Sahali, sociologue; Jean-Marie Poncet, CL Vitrolles; Pierre Estève, militant à Orange. Egalement : la soirée du samedi animée par le Théâtre de l'opprimé et des études commentées de textes de la presse d'extrême droite. Nous espérons pouvoir rapidement éditer un compte-rendu détaillé de ces travaux. Différences n° 192 janvier 1998 • Il Congrès du MRAP . 8, 9 et 10 m ai 1998 lES ENJEUX: PRÉVOIR ET ANTICIPER L E CONGRÈS du MRAP a débuté le 13 décembre demier avec le lancement des textes de base par le Conseil national. Il va se poursuivre maintenant par une préparation générale au grand rendezvous des 8, 9 et 10 mai. Participer à cette préparation, c'est déjà être présent. Dans la période planétairement tragique que nous traversons, nous sommes confrontés à une situation inédite pour notre Mouvement. Les termes mêmes des thèmes retenus traduisent cette actualité: racisme dans la crise, mondialisation, codéveloppement, termes quelque peu innovants dans notre langage habituel. C'est dire que nous avons à inventer des orientations de travail, des stratégies, des actions nouvelles, c'est-àdire adaptées à notre temps. Nous pourrions traduire notre entreprise de congrès par deux mots: prévoir et anticiper. Prévoir Tout le monde connaît la formule « gouverner, c'est prévoir» ; s'il est vrai que nous sommes entraînés dans un processus d'aggravation de la crise, il est clair que le chômage risque de s'accentuer encore, à moins que la volonté de changement qui s'est exprimée récemment prenne le dessus. Les exclusions en matière de logement, de santé, de revenus pour survivre risquent bien de faire de nouvelles victimes tandis que le Tiers-Monde va s'enfoncer encore un peu plus dans la misère; quant au racisme, il va s'exprimer toujours davantage par un rejet des étrangers, fantasmatiques, absurde au regard de la raison. Prévoir c'est donc non seulement réagir à l'événement immédiat mais aussi inscrire cette réaction dans un processus dont nous n'entrevoyons pas l'issue. L'assassinat d'un étranger ou tout acte de délation ne sont pas des accidents de parcours de l'histoire contemporaine, ils sont significatifs d'une crise qui dure. En ce sens, prévoir c'est décrypter l'actualité, pour lire le future de demain et d'après demain afin de contrecarrer cette évolution négative ou nous y préparer. N'est-ce pas l'une des questions à nous poser au moment du congrès? Comment tenter d'y répondre? Prévoir, c'est encore s'appuyer sur les expériences, ou sur le vécu du passé. Depuis les débuts de l'ère industrielle, des crises ont précédé celle dans laquelle nous sommes plongés aujourd'hui; bien qu'elles aient été d'une ampleur moindre, leur histoire nous révèle des enchaînements identiques qui conduisent au chômage, à des expressions de rejet même physique, de désignation des étrangers (pour commencer) comme bouc émissaire, qui conduisent aux exclusions, à la xénophobie et au racisme pour déboucher sur des guerres. « C'est dire que nous avons à inventer des orientations de travail, des stratégies, des actions nouvelles, c'est-à-dire adaptées à notre temps. » Prévoir, c'est donc relier la mémoire et entendre ceux qui en ont été les témoins, riches d'enseignement, pour déraciner les slogans irrationnels ou la haine qui les porte. De ce point de vue, le procès Papon constitue un excellent rappel à l'ordre de l'histoire, celle qui va de la rumeur au racisme quotidien, de la banalisation à la délation, de l'obéissance aux ordres au four crématoire. La contribution oubliée et pourtant essentielle des travailleurs étrangers au développement industriel de la France depuis 1850 est aussi une relecture de notre passé à restaurer. Prévoir conduit à prendre des mesures de prévention. Anticiper Il s'agit là d'anticiper le monde que nous vivons. Les résistants de 1940 ou 1941 n'étaient pas nombreux mais leurs premiers engagements anticipaient déjà la victoire de 1945 ; ils avaient la conviction, ils avaient fait le pari que la paix dans la liberté triompherait. De la même manière, tous ceux qui luttent à travers le monde, malgré un rapport de force inégal, malgré les conseils des gens raisonnables portent en eux cette même conviction. Différences n° 192 janvier 1998 Les militants du MRAP sont de ceux-là: leur action à contre-courant des sentiments des « braves gens» est créatrice d'avenir. De fait, de plus en plus d'antiracistes deviennent acteurs et des solidarités se forment. De ce point de vue, anticiper c'est aller audelà des missions humanitaires qui, pansant courageusement les pallier, gèrent les conséquences des guerres et des appauvrissements programmés par les marchés insatiables de profit; anticiper, c'est s'attaquer aux causes, et diagnostiquant les vrais ressorts du racisme dans les discriminations et les slogans banalisés et en menant de ce fait un combat politique; «politique» parce que le racisme met en danger la vie de toute la cité, et pas seulement celle des victimes placées en première ligne. C'est pourquoi le combat politique anticipe la valeur essentielle de citoyenneté qui est à défendre et à promouvoir. A défendre parce que ébranlée par la crise qui engendre le doute, elle semble mise à mal comme en témoignent les abstentions des victimes elles-mêmes aux élections, tant aux élections prud'homales qu'aux autre scrutins; à promouvoir, à contre-courant, en la plaçant au coeur de notre action. Et maintenant au travail Ainsi allons-nous nous mettre au travail pour préparer notre congrès qui se tiendra dans quatre mois. Nous devons rapidement fixer les dates des réunions. Tous les textes proposés avec accord du Conseil national devaient être parvenus aux présidents( es) des comités locaux avant la fin du mois de décembre. Les électeurs de Différences qui ne sont pas rattachés à un comité sont également invités à apporter leur concours à ce travail d'élaboration mené par le Mouvement. L'appel au congrès est un appel général en sorte que nous ayons un maximum de richesses à mettre en débat. Les regroupements programmés au-delà du niveau local favoriseront la rencontre de personnes qui n'ont pas forcé ment l'habitude de travailler ensemble et l'enrichissement mutuel. Prévenir le futur dans toute sa complexité, voire le pire, anticiper le meilleur, tels sont les enjeux d'un Mouvement collectivement responsable et sûr de sa cohésion .• Paul Muzard, membre de la présidence du MRAP 19 décembre 1997 Circulaire Chevènement BEAUCOUP DE BRUIT POUR· UN MAIGRE RÉSUlTAT le cas pour la durée de résidence des familles, l'absence de prise en compte du concubinage, l'exigence faite aux célibataires d'avoir disposé d'une autorisation de séjour d'au moins 6 mois (excluant par là même ceux qui auraient bénéficié de récépissés de 3 mois renouvelés à plusieurs reprises ... ). Aussi, les préfectures ont-elles rejeté des demandes émanant de personnes ne justifiant que de 4 années de présence en France au lieu des 5 requises, sans prendre en compte les attaches familiales. Selon une dépêche AFP, à la fin novembre, sur 1500000 demandes déposées, le ministère de l'Intérieur annonce 9 000 refus, 10 000 titres de séjour délivrés et 17 000 récépissés provisoires. Les décisions de refus sont assorties d'invitations à quitter le territoire, qui donneront lieu si elles n'étaient pas exécutées, à des arrêtés de reconduite à la frontière. Le ministère de l'Intérieur a indiqué que les personnes ne seraient pas interpellées à leur domicile mais que les mesures d'éloignement seraient exécutées si elles étaient interpellées dans la rue. L E CONTENU DE LA CIRCULAIRE du 24 juin relative à d'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière n'a soulevé l'enthousiasme ni des collectifs de sans-papiers ni celui des associations. Parmi les problèmes de fond, les critères posés pour les treize catégories visées étaient si restrictifs qu'ils excluaient bon nombre de personnes disposant pourtant d'attaches personnelles et familiales. C'est notamment le cas des parents d'enfants nés en France et âgés de plus de 16 ans. Quant aux personnes ne disposant pas d'attaches familiales, elles étaient écartées de la régularisation, le ministère faisant ainsi une lecture limitative de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui consacre le droit au respect de la vie familiale mais aussi le droit au respect de la vie privée. Embûches et dysfonctionnements L'application de la circulaire a été semée d'embûches. Un premier bilan réalisé par le service juridique du MRAP à partir des dossiers traités par la permanence d'accueil du siège (environ 1 000 dossiers ouverts) et de données provenant des comités locaux fait apparaître les grandes lignes suivantes. De nombreux problèmes ont été rencontrés dès le dépôt des demandes de convocation. Ainsi, alors qu'aucun formalisme n'était requis, les préfectures ont souvent lié la fixation d'un rendez-vous avec la fourniture des documents exigés. De plus, elles ont parfois diffusé des formulaires détaillant les documents à présenter, rédigés de telle sorte qu'ils laissaient entendre que tous devaient être produits ce qui faussait les critères de la circulaire. On demandait par exemple aux personnes sollicitant la régularisation au titre des risques vitaux encourus dans leur pays de produire la décision de l'OFPRA les déboutant. Il en fut ainsi des Algériens. Des agents préfectoraux ont refusé des demandes émanant des conjoints en situation irrégulière en les invitant à regagner leur pays d'origine et à introd~ire une procédure de regroupement familial. La liste des documents exigés avarié d'une préfecture à l'autre. A Paris, certains se sont vus exiger, en violation du secret médical, la production de l'intégralité du carnet de santé de leur enfant. Le Conseil de l'ordre des médecins est intervenu auprès du ministère pour qu'un terme soit mis à cette pratique. Il est arrivé que l'on demande à la stupéfaction des intéressés de produire des bulletins de paie ou des déclarations fiscales! Bon nombre de demandeurs sont sans nouvelle de l'administration plusieurs mois après avoir déposé leur dossier. Bien que toute demande devait, selon le texte de la circulaire, faire l'objet d'une réponse expresse, le silence de d'administration audelà de 4 mois doit être interprété comme un refus implicite, lequel ouvre la possibilité d'un recours à condition que la personne en ait été informée. Certains demandeurs interpellés, ne pouvant fournir l'accusé de réception que devait leur adresser la préfecture, ont fait l'objet de mesures d'éloi gnement sans que la préfecture en charge du dossier ait été informée. Ces dysfonctionnement auraient pu être évités si le ministère avait prononcé un moratoire sur les expulsions comme il y a été invité à plusieurs reprises par les associations. Une application rigide, des effets limités Le caractère extrêmement restrictif des critères initiaux a favorisé des interprétations préfectorales très dures. C'est notamment Enfin, les régularisations accordées ne confèrent à leurs titulaires qu'un titre de séjour temporaire, assorti d'une autorisation de travail si les intéressés en manifestent la volonté. Au terme d'une année, seuls les conjoints de Français et de réfugiés recevront (s'ils remplissent les conditions de l'article 15 de l'ordonnance de 45 modifiée) une carte valable 10 ans. Les autres se verront renouveler leur carte de séjour temporaire si les conditions initiales sont toujours réunies, à défaut ils pourraient redevenir des sans-papiers .• D'après un premier bilan élaboré par le service juridique De la Ville aux Libertés publiques Délégué à la Ville et au Développement social urbain, de 1991 à 1994, Jean-Marie Delarue a été nommé au mois de novembre directeur des Libertés publiques et des Affaires juridiques au ministère de l'Intérieur. Cette information intéressera tout particulièrement les militants qui animent des permanences d'accueil et qui s'adressent à cette direction dans le cadre des recours hiérarchiques. Dans un entretien accordé au quotidien Ouest-France (22.11), il a notamment préconisé « une politique sociale très active à l'égard des immigrés» et regretté qu'aucun responsable politique n'ait « pris la peine de s'adresser directement aux étrangers ».11 a expliqué que les étrangers « sont aussi révélateurs de ce que nous éprouvons à l'égard de la pauvreté ». « L'égalité des chances, a-t-il ajouté, a régressé. Les parents veulent le collège le plus potable possible: les familles les plus pauvres n'ont que les restes. Même chose pour l'emploi. Les plus "pauvres" des dispositifs jeunes sont pour les plus pauvres comme les emplois les plus précaires. La discrimination à l'embauche n'est pas avouée mais très claire par peur des réactions de la clientèle ». Différences n° 192 janvier 1998 Il Au nom de la justice MUMIA ABU-JAMAl : lA VIE D'UN HOMME Myriam Falco-Mairat, avocate, s'est rendue à Philadelphie où s'est déroulé le 6 décembre dernier un contre-procès destiné à faire le point sur la validité du procès par lequel Mumia Abu-Jamal a été jugé et condamné à mort il y a près de seize ans. Compte-rendu détaillé de l'audience et conclusions. MANDATÉE PAR LE MRAP pour participer en qualité de juge au contre procès de Mumia Abu-Jaml organisé à Philadelphie, j'avais pris le parti de rester totalement impartiale. Il me semblait indispensable d'honorer la mission qui m'était confiée avec un authentique souci d'objectivité. Cela serait donc à l'aune des principes universels qui gouvernent l'idée de justice énoncés dans les principaux textes de droit international que j'aurai à élaborer mon jugement. Le Tribunal international a siégé le 6 décembre 1997 à Philadelphie. Il s'agissait d'un Tribunal composé de 23 membres de nationalités et d'origines socioculturelles très diverses: juristes, personnalités du monde de la culture et défenseurs actifs des droits de l'Homme. Cette composition cosmopolite s'expliquait par la vocation véritablement internationale de ce Tribunal, chargé d'examiner et d'apprécier si le procès de Mumia Abu-Jamal, à l'issue duquel une condamnation à mort a été prononcée à son encontre le 30 juillet 1982 par un tribunal de Pennsylvanie, réunissait les conditions légales requises d'équité et du respect des droits de la défense. Cette décision pouvait-elle se prévaloir d'une quelconque légitimité ou validité juridique? Avaitelle été rendue en conformité avec l'ensemble des conventions internationales protectrices des droits de 1 'Homme et dans le respect des textes fédéraux américains en vigueur à cette époque? C'est à l'ensemble de ces questions qu'il m'appartenait de répondre. Mumia Abu-Jamal, journaliste, écrivain afro-américain et ex-Panthère Noire, a été accusé d'avoir dans la nuit du 9 décembre 1981 provoqué la mort dans la ville de Philadelphie et par arme à feu, d'un officier de police blanc. Le contexte historique dans lequel les faits incriminés s'étaient produits a été précisément évoqué à travers de nombreux témoignages directs et indirects et lors de la diffusion sur écran vidéo de certains passages d'un reportage effectué il y a plusieurs mois par un journaliste britannique. Le principe de l'oralité des débats a donc été respecté au cours de ce procès. A la lumière de cette journée d'audience, il est apparu que loin d'être un simple fait divers de criminalité urbaine et jugé comme tel, cet événement a été l'occasion de mettre en évidence la partialité d'une justice à l'évidence discriminatoire, déterminée pour des raisons politiques d'ordre conjoncturel, et suffisamment corrompue pour décider de l'élimination d'un homme militant activement pour la liberté d'expression et le respect de l'égalité des droits entre les hommes. L'examen de la régularité procédurale du procès dont Mumia Abu-Jamal a été l'objet, est accablant. Un procès inéquitable Un des principes fondamentaux qui dominent le droit pénal repose sur une stricte égalité de moyens entre la défense et l'accusation, permettant à l'un et à l'autre de faire valoir ses droits. Ce principe de l'égalité des armes participe du respect des droits de la défense. Or en l'espèce, les règles élémentaires de justice ont été manifestement faussées dès le début de cette procédure. MumiaAbu- Jamal n'ajamais pu, et ce, dès son incarcération, disposer des moyens nécessaires à sa défense. En effet, la procédure anglo-saxonne de type accusatoire nécessite pour se défendre un budget considérable pour le règlement des avocats, des enquêteurs etc ... Il s'est vu attribuer une somme de 150 dollars ! alors même que le coût habituel d'un tel procès est d'environ 1 million de dollars aux Etats Unis! Il sera donc assisté par un avocat commis d'office, non spécialiste du droit pénal criminel, dont il ressort qu'il n'avait ni l'expérience, ni la compétence requise pour assurer valablement sa défense. Cette négation des droits élémentaires de se défendre justifierait à elle seule que Mumia Abu-Jamal soit rejugé, mais il y a bien pire ... Une présomption de culpabilité Un second principe fort dans le procès pénal est la sacro-sainte présomption d'innocence avec comme corollaire l' obligation pour l'accusation de rapporter la preuve de la Différences n° 192 janvier 1998 culpabilité de l'accusé. Orl'ensemble des preuves présentées par l'accusation sur la base duquel a été établie la culpabilité de Mumia Abu-Jamal, ne pourra être juridiquement admis, n'ayant aucun caractère probant s'agissant soit de preuves testimoniales ayant été recueillies dans des conditions douteuses et légalement répréhensibles, soit d'indices matériels qui auraient pu innocenter Mumia Abu-Jamal et qui font cruellement défaut. Cette procédure, tant dans la phase de l'enquête policière que dans celle de l'instruction proprement dite aura été jalonnée d'un nombre considérable d'anomalies et d' irrégularités. Les indices matériels En matière criminelle, il va de soi qu'un certain nombre d'actes et d'investigations doivent être effectuées pour permettre la manifestation de la vérité et sont parfois même de droit. Ainsi, une reconstitution des fai ts s'impose. Celle-ci peut s'avérer déterminante dans la mesure ou elle confronte, le plus souvent, les indices matériels relevés et les témoignages recueillis et permet ainsi de souligner des contradictions ou des invraisemblances. Aucune reconstitution digne de ce nom n'aeu lieu. De plus, les expertises balistiques permettent de reconstituer la trajectoire des projectiles utilisés et de vérifier la situation, les gestes et la position des intéressés, au moment de la commission des faits. Le témoignage des experts aurait pourtant été capital pour la défense de Mumia Abu-Jamal . En effet, si l'on s'en tenait aux constatations et à la démonstration des services de police, il faudrait admettre, dans 1 'hypothèse de la culpabilité, que la trajectoire du projectile utilisé, aurait été « zigzagante », ce qui bien évidemment est totalement irréaliste! Au surplus, il s'avère que le projectile ayant mortellement atteint la victime, provenait d'une arme d'un calibre différent (calibre 44) de celui de l 'arme appartenant à Mumia Abu-Jamal (calibre 38) qu'il possédait légalement ayant été victime par le passé de plusieurs agressions nocturnes. Du reste, des projectiles placés sous scellés disparaîtront mystérieusement, ce qui empêche de procéder à certaines vérifications ... Enfin, les expertises concernant les traces papillaires relevées par les services interpellateurs sur les lieux de l'agression, notamment sur les armes ont été incomplètes. Des carences inexplicables Pire encore, aucune expertise n'aura été effectuée sur les mains tant de Mumia Abu-Jamal que sur celles de la victime, permettant de constater la présence ou l 'absence de poudre. Cet acte était extrêmement important, car il permettait d'établir d'une manière indiscutable si l'intéressé avait ou non fait usage d'une arme. Or l'accusé a toujours clamé son innocence et affirmé ne pas avoir utilisé d'arme à feu la nuit des faits. Aujourd'hui, ce point ne peut plus être vérifié. Autant de carences inexplicables dans l'exécution de l'enquête policière pourtant confiée à des professionnels chevronnés dans la lutte contre la criminalité qui témoignent d'une dérive progressive de l'institution policière animée uniquement par des considérations politiques, et par une volonté obstinée de considérer la culpabilité de Mumia Abu-Jamal comme un a priori incontournable. Les témoignages Dans les toutes premières déclarations recueillies apparaît la description de l'auteur du coup de feu mortel qui ne correspond C o ntre-procèS à Philadelphie en rien au signalement de Mumia Abu-Jamal. Cette piste ne sera pas exploitée. Quelques semaines plus tard, les mêmes témoins proféreront des déclarations accusatrices accablantes pour Mumia Abu-Jamal, le désignant désormais formellement comme étant l'auteur du coup de feu. Il a été cependant constaté que des mesures d'intimidation, de chantage, voire de violence ont été exercées sur ces témoins par les services de police. En effet, certains « témoins repenindicateurs de police; qu'un témoin placé sous un régime de mise à l'épreuve à la suite d'une précédente condamnation, pouvait craindre pour sa liberté

qu'un autre témoin oculaire,

Cynthia White avait mystérieusement disparu, et que l'authenticité du certificat de décès produit par l'accusation était sérieusement contesté par la défense; enfin que l'un des policiers qui a escorté Mumia Abu-Jamal blessé à l' abdomen, jusqu'à l'hôpital, ayant prétendu dans un rapport écrit « Mumia Abu-Jamal aura supporté le poids d'une véritable présomption de culpabilité et la procédure diligentée à son encontre est manifestement entachée de nullité par manque de base légale et par l'absence de tout fondement juridique. Le tribunal international refuse de cautionner une justice barbare, expéditive et discriminatoire. » tis » ont expliqué dans quel contexte et pour quelles raisons ils avaient été amenés à proférer de telles accusations mensongères. Une femme, V éronica Jones, qui s'est d'ailleurs courageusement présentée à l'audience du 6 décembre dernier, a expliqué avec beaucoup d'émotion pourquoi elle avait mensongèrement accusé Mumia Abu-Jamal sous la pression policière. D'ailleurs, à l'occasion de ses rétractations faites lors d'une précédente audience en 1996, une autre femme, Véronica Jones, sera subitement interpellée à la barre et incarcérée au motif de l'émission d'un chèque sans provision datant de plusieurs , , annees .. . . Enfin nous apprendrons au cours des débats les faits suivants

deux témoins oculaires

n'ont jamais été interrogés; que certains témoins étaient plus de deux mois après les faits, avoir recueilli ses aveux sur sa culpabilité, ne sera jamais réentendu, restera in joignable, et sera contredit par le personnel hospitalier également présent, qui précisera que Mumia Abu-Jamal était incapable physiquement de prononcer la moindre parole La réalité des manipulations sous ses formes les plus diverses, dont ont été victimes les témoins, ne semble pouvoir souffrir d'aucune discussion. Tout ceci me permettra de conclure que Mumia Abu-Jamal aura supporté le poids d'une véritable présomption de culpabilité et que la procédure diligentée à son encontre est manifestement entachée de nullité par manque de base légale et par l'absence de tout fondement juridique. La dimension raciste de la décision qui nous a été déférée s'est imposée au Différences n° 192 janvier 1998 Tribunal international d'une manière indiscutable. Le juge Saba qui avait été chargé d' instruire ce dossier, s'était tristement distingué au cours de sa carrière, pour avoir en 14 années d'exercice de cette profession, prononcé 31 condamnations à la peine capitale concernant pour 29 d'entre elles, des gens « de couleur ». Ces statistiques sont éloquentes. Il est vrai qu'en sa qualité d'ancien policier membre de « l'ordre fraternel de la police », organisation raciste d'extrême droite à laquelle appartenait d'ailleurs la victime, il se flattait d'avoir le record des condamnations à mort aux Etats-Unis. Obligation de résultat Rien de surprenant alors que le Tribunal international refuse bien évidemment de cautionner une justice aussi barbare, expéditive et discriminatoire que celle qui a été appliquée à Mumia Abu-Jamal en 1982. Les valeurs sacrées, les droits fondamentaux de l'Homme ne peuvent connaître aucune frontière. Une véritable démocratie ne peut exister que dans un Etat de droit. Oui mais voilà, Mumia Abu-Jamal vit depuis quinze années dans le couloir de la mort et même si cette condamnation à mort a été rendue en violation manifeste des principes les plus élémentaires des droits de la défense, la menace de l'assassinat << légal» de Mumia Abu-Jamal reste malheureusement plus que jamais d'actualité. C'est pourquoi une obligation de résultat nous incombe à tous! Il nous faut demander, imposer, exiger que Mumia Abu-Jamal soit rejugé dans le cadre d'un procès équitable, respectueux des droits universels et fondamentaux. La vie d'un homme en dépend .• Myriam Falco-Mairat • III Contre "extrême droite GARDANNE, CAPITALE DU liVRE ANTIFASCISTE tandis que l'Unesco et le Conseil de l'Europe acceptaient de le parrainer. Gardanne n'a bien sûr pas été choisi au hasard: cette petite ville industrielle et minière de 20 000 habitants, située entre L ES ORGANISATEURS du Salon du livre antifasciste qui s'est déroulé à Gardanne du 15 au 23 novembre dernier n'ont pas caché leur satisfaction devant le très net succès de cette manifestation. Avec la participation de 150 éditeurs, auteurs et ÉCLAIRER SANS BRÛLER devait remplacer l'actuelle « qui compte seize places assises pour une agglomération de 300000 habitants» (Le Monde 26.11.97). Il faut savoir aussi que des livres sont censurés et des personnels renvoyés (lire page 3). C'est notamment le cas à Orange où une association informelle d'éditeurs, illustrateurs et auteurs de livres destinés à la jeunesse, le COUAC - Collectif des ouvrages actuellement censurés à Orange - fait savoir que Il li vres ou autres supports (dont un livre sur l'Egypte ancienne chercheurs, plus de 55 000 entrées, dont 6 400 aux neufs tables rondes, 6 000 titres exposés sous un chapiteau de 10 000 m2 et plus de 15 000 « L'information doit être la tâche et la responsabilité principales de ceux qui veulent défendre le livre livres ou revues vendus, plusieurs expositions et la projection permanente de films, c'est bien la plus grande bibliothèque antiraciste de France que Gardanne a eu le pri vi lège d'accueillir. et les bibliothèques. C•• •) En une époque où certains défis sont à relever plus que jamais, le combat par le livre doit être mis à la première place. On n'opposera pas à des censures des contre-censures, on ne brûlera pas les livres et les écrits des adversaires. Mais on en relèvera la teneur, on en démontera les mécanismes. On expliquera. On éclairera. On préviendra. C'est une des ambitions de ce. Salon qui veut être d'abord un lieu de rencontre, de dialogue, de rassemblement et de confrontation. » Raymond Jean, écrivain (extrait d'un des textes publiés dans le livre du Salon intitulé « Eclairer sans brûler », Actes Sud) Orange, Marignane et Vitrolles, a su résister à la pression du Front national et l'a même fait reculer aux élections de 1996. Ce qui n'est pas courant de nos jours. et la série télévisée « 1 '!nstit ») ont été retirés de la bibliothèque de la ville. Bien que le code des communes accorde aux maires un pouvoir discrétionnaire sur la gestion des bibliothèques municipales, les professionnels du livre n'entendent pas laisser faire. Des associations se créent, des réseaux d'information se constituent afin de lever toute possibilité d'isolement de personnels en butte aux tracasseries de membres du FN. Un projet de loi sur les bibliothèques est à l'étude au ministère de la Culture qui devrait traiter de l'ensemble des problèmes qui se posent aujourd'hui. Les exposés et les débats du week-end ont abordé de nombreuses questions de fond sur l 'histoire de l'extrême droite française, sur les liens entre l'exploitation économique et le racisme, sur l'action militante, sur la stratégie éditoriale de l'extrême droite, sur le fascisme islamiste algérien. Une rencontre riche en points de vue, parfois divergents, un ton grave mais pas désespéré, un événement qui a eu le mérité de rassembler dans une réflexion et une quête communes plusieurs milliers de particuliers, chercheurs, militants, professionnels du livre, etc. Le MRAP de Marseille a tenu un stand sous le chapiteau, et des militants notamment de Vitrolles, Fos-sur-Mer et Menton étaient présents. Ce Salon est destiné à voyager partout en France . • Chérifa Benabdessadok L'idée est née parmi les bibliothécaires de la région Provence-Alpes-Côte-d' Azur, dont Jean Tabet, ancien directeur du centre de formation des bibliothécaires de Marseille, et Simone Roche, ancienne directrice de la médiathèque de BerreL'Etang, qui ont coordonné l 'ensemble du projet. CAP 250 (le comité marseillais de Ras 1 'Front), a mis son savoir-faire au service des professionnels du livre, les associations et les syndicats de la région n'ont pas ménagé leur aide. De nombreuses institutions ont apporté leur soutien, notamment le conseil général (le conseil régional a refusé pour sa part de s'y associer), Nous reviendrons ultérieurement dans le détail sur l' offensive du Front national dans les villes dont il dirige les municipalités bien sûr, mais pas uniquement, puisque partout où il dispose d'une assise électorale et de conseillers municipaux, il fait pression sur les bibliothèques publiques pour tenter de diffuser sa« littérature ». Quelques jours avant la tenue du Salon, le conseil municipal de Toulon a voté l'annulation d'un Formation interne projet de construction d'une bibliothèque de 5 300 m2 qui La première des 3 journées de formation prévues par le Secteur Education du MRAP aura lieu le 7 février à Paris. Au programme: - présentation du système éducatif (dont les articulations avec l'action du MRAP) - Utilisations du Jeu de loi (démonstration, possibilités d'adaptation etc) Inscriptions auprès d'Alain Pellé ou de Karim Ouamrane Différences n° 192 janvier 1998 1 1 Rendez-vous pédagogiques JEU DE lOI, MODE D'EMPLOI cours à un stagiaire DEFA ou BEATEP pour lequel cette action pédagogique peut constituer une formation de terrain complémentaire à sa formation théorique. Nous venons, au siège national , de recruter un stagiaire BEATEP. Autofinancement. Il est tout à fait concevable de faire payer la location du matériel et éventuellement le service de l ' animateur. Ces suggestions peuvent paraître trop ambitieuses et choquer nos habitudes, mais le Jeu de loi nous pousse à nous monter ambitieux. La manière dont nous sollicitons l'enfant à réagir devant les situations de racisme l'interpelle en tant que citoyen. Lorsque nous l'encourageons à confronter sa propre identité (noir, blanc, rouge ou vert) à celle des autres, c'est pour mieux comprendre la diversité et la respecter. En même temps, nous l'invitons à réfléchir à la dimensionjuridique comme axe organisateur de la société. En cela, notre démarche est assez proche des principes qui fondent les nouveaux programmes d'éducation civique au collège. Très axée sur l'éducation à la citoyenneté, elle définit le citoyen comme « titulaire de droits et d'obligations dans une société démocratique ». Grâce à ces convergences, nous n'avons aucun mal à être compris lorsque nous nous adressons aux professionnels de l'éducation, aux institutions (rectorats, inspections académiques) mais aussi tout simplement aux parents. Le Jeu de loi peut être un outil formidable pour les comités locaux s'ils se « l'approprient» sans crainte, dans tous les sens du terme. Les commandes doivent être passées au plus tôt. • L'ACCUEIL RÉSERVÉ aux exemplaires qui circulent actuellement dans les régions parisienne et rouennaise confirme, en les dépassant, nos espérances les plus optimistes. Pour faire face aux demandes provenant non seulement des écoles mais aussi des PJJ (Protections judiciaires de la jeunesse), services municipaux, ludothèques, clubs UNESCO, Conseils municipaux d'enfants, etc ... , nous envisageons de faire réaliser dans les prochaines semaines un certain nombre d'exemplaires supplémentaires qui seront vendus 5 500 francs (ou moins si le nombre total de commandes dépasse 20 exemplaires). Cela permettra une diffusion plus large, et pour les comités locaux qui le souhaitent une totale autonomie de gestion. Possibilités d'acquisition Le coût peut sembler excessif à certains, mais il doit être comparé aux prix de location hebdomadaire (augmentés des frais de port). Subventions exceptionnelles. Des possibilités réelles de financement existent. Un projet bien élaboré autour du jeu peut donner lieu à des demandes de subventions spécifiques auprès des collectivités territoriales plus disposées à accorder des financements si les projets pédagogiques portent sur toutes les écoles primaires d'un quartier, d'une ville ou d'un département. Notre jeu ayant l'agrément du ministère de la Jeunesse et des Sports, les directions départementales devraient accueillir nos sollicitations avec bienveillance. Recrutement d'emplois-jeunes ou de stagiaires. Pour être utilisé avec le maximum d'efficacité pédagogique, il est souhaitable que le . jeu soit accompagné par un animateur assurant lui-même la formation d'autres animateurs en même temps que la préparation et le suivi pédagogique avec les enfants et les enseignants. Or, les préfectures disposent actuellement de centaines d'emploisjeunes dont elles sont tout à fait disposées à doter les associations dès lors que celles-ci présentent un projet sérieux et formateur pour l'intéressé, ce qui est notre cas. Une alternative à cette solution est le re- Liliane Lainé Semaine nationale d'éducation contre le racisme Les dates de la semaine nationale d'éducation contre le racisme ont été déplacées: la campagne se déroulera, calendrier électoral oblige, du 21 au 28 mars. Le cercle du collectif national s'est élargi cette année à de nouveaux partenaires: CEMEA, FRANCA, Fédération Léo Lagrange, Anima'fac. Des documents de travail qui devraient permettre de préparer efficacement cette échéance sont d'ores et déjà disponibles. • Ainsi les revues L'Histoire (n° 214) et La Recherche (nO 302) ont consacré des dossiers au thème du raci sme dans leurs livraisons d'octobre dernier. Par ailleurs, un dossier intitulé « Le racisme à l'oeuvre » paraît dans le numéro de janvier / février de Hommes et Migrations (présentation et tarif particulier dans notre livraison de février). D'autres publications s'inscrivent directement dans la perspective de la Semaine: • Textes et documents pour la classe (TDC) nO 744, novembre 1997 entièrement dévolu aux « Avatars d'une idée fausse ». Comme à son habitude TDC comprend des exposés clairs, une iconographie choisie, un poster et différents supports pédagogiques, qui en font à la fois un idéal « livre du maître » et une bonne base documentaire pour des adolescents. Disponible au siège 25 francs port compris. • L'affiche officielle. Immédiatement sur demande. • Deux suppléments spéciaux, édités par les Clés de l'Actualité, disponibles dès la fin janvier: sur le même modèle que ce qui a été réalisé les années passées, la version senior (8 pages) s'adressant aux collégiens et lycéens et une nouveauté, une version junior (journal de 4 pages) s'adressant aux élèves du primaire. • Umouveaudocumentaire vidéo réalisé conjointement par le MRAP et l'agence Orchidées sortira à la mi-février. Composé de courts sujets - racisme et travail, jeu de loi, etc - il est conçu comme complémentaire de celui de mars 97 (notion de race, le 21 mars, racisme et humour, l'Afrique du Sud, etc ... ). Différences n° 192 janvier 1998 • EN BREF • Brigitte Bardot a comparu le 2 décembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour diffamation publique et provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à propos d'un texte datant d'avril dernier sur l'abattage rituel des moutons lors de l'Aïd el Kébir. Jugement le 20 janvier. • Le Comité national de vigilance contre l'extrême droite, dont le MRAP est membre, a demandé le 9 décembre au président de l'Assemblée nationale et aux présidents des groupes parlementaires l'ouverture d'une enquête parlementaire sur l'organisation et le fonctionnement du DPS (Département protection et sécurité), le service d'ordre du FN. Prud"hommes 1997 La présence du Front national par l'entremise de la «Coordination française nationale des travailleurs », créée le 20 octobre dernier, aux élections prud'homales du 10 décembre a donné lieu à des plaintes de la part des syndicats et à des jugements contradictoires. Plusieurs listes CFNT ont en effet été annulées par les tribunaux, c'est notamment le cas à Bressuire dans les Deux-Sèvres et à Villeneuve- Saint-Georges, mais ailleurs, comme à Niort et à Créteil, les recours n'ont pas pu aboutir. Selon le secrétaire général de la CGT, Louis Viannet, la CFNT aurait «constitué des listes dans le collège salarié dans 125 sections ». Une dépêche AFP fait état de l'appel d'un collectif d'avocats rattachés au barreau du Val-de-Marne intitulé « Observatoire de l'égalité et des 1 ibertés » destiné aux huit conseils prud'homaux nouvellement élus et comportant des adhérents du syndicat CFNT. Il s'agit des conseils de Lyon, Créteil, Nice, Troyes, Martigues, Montpellier, Verdun et Avignon. Dans leur appel, les avocats s'adressent ainsi aux conseils prud'homaux : « La préférence de votre juridiction va vers la légalité et l'égalité des salariés devant la loi ». Codéveloppement Le Premier ministre a confié à Sami Naïr, le 14 novembre dernier l'animation d'un « groupe de CHRONO PO travail interministériel» sur la politique de coopération avec les pays à forte émigration vers la France. Un premier rapport de bilan et d'orientation a été remis à M. Jospin le 10 décembre. Le MRAP a accueilli «avec espoir » cette nomination et souligne que « le rôle des migrants, en tant qu'acteurs privilégiés du codéveloppement, doit être reconnu et valorisé. Leur parole doit être entendue. »Au cours de son voyage au Mali, le Premier ministre a annoncé, le 21 décembre, la fin des charters de sans-papiers mais le gouvernement n'a pas l'intention de renoncer aux reconduites « dans la dignité». Vitrolles, un lycée en effervescence La jeune lycéenne candidate malheureuse à une inscription au lycée Pierre Mendès France à Vitrolles a été accompagnée par ses parents, les élèves et les professeurs au tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence le 5 novembre dernier (cf. Différences nO 190 page Il). La secrétaire contre laquelle la famille a porté plainte pour injures à caractères racistes n'est en fait curieusement pas réapparue depuis le 17 octobre dernier: jugement le 16 janvier. Deux inspections ont eu lieu dans ce lycée: la première à propos d'une plainte des enseignants auprès du ministère de l'Education nationale concernant la transgression par le proviseur du « principe de neutralité de l'enseignement public dans ses rapports avec la municipalité Front national de Vitrolles» (Le Monde 6.11.97) ; la seconde en rapport direct avec le refus d'inscription. Le 4 décembre la FCPE a appelé les parents à occuper le lycée pour «exprimer leur colère face à la dégradation du climat à l'intérieur du lycée due au comportement autoritaire du proviseur, notamment avec l'exclusion d'un élève sans passer par le conseil de discipline» (La Marseillaise, 4.12.97). Noyeurs Cinq jeunes gens ont été jugés par la cour d'Assises de Paris du 25 au 28 novembre dernier pour avoir tué par noyade un Malien en juillet 1994. Cela se passait en juillet 1994 à Paris. Ces cinq garçons et deux autres mineurs avaient décidé selon les déclarations de certains d'entre eux de « se faire un Noir ou un Arabe », ou « se payer la racaille des cités HLM » selon d'autres déclarations. Le MRAP, partie civile ainsi que la Licra et SOS Racisme, a notamment déclaré que ce Hommage à Jean Blum Fondateur du MRAP, de la fédération des Landes en 1980, président du comité local de Mont-de-Marsan, membre assidu du conseil et du bureau national, Jean Blum nous a quittés le 30 novembre à l'âge de 80 ans. Le décès de Jean a été ressenti avec une très grande peine et une immense tristesse par tous ceux qui l'ont côtoyé. Homme de conviction, la vie de Jean conjugua le verbe résister dans le temps et dans l'action. De la lutte contre l'occupant allemand et contre le pouvoir de Vichy, de la dénonciation des lois racistes qui l'avaient exclu de la faculté jusqu'au combat contre le Front national, Jean fut de toutes les résistances. Décoré de l'Etoile de l'Office républicain des mérites civiques et militaires pour son action dans la Résistance, il fut honoré des Palmes académiques pour son action éducative contre le racisme. Nous garderons de Jean Blum l'image d'un homme ouvert, chaleureux, accueillant, tout autant que sa famille. Il savait devant la rudesse du combat trouver les réponses pertinentes, fortes et tendres de la fraternité. A Nanni son épouse, et à Véronique sa fille, je voudrais au nom de tout le Mouvement leur témoigner notre chagrin devant la perte d'un être qui inspire le respect. Il restera pour nous un exemple qui nous aidera à continuer notre combat. Mouloud Aounit Différences n° 192 janvier 1998 UR MÉMOIRE type d'agissement« met en évidence de manière tragique la lourde responsabilité de ceux qui diabolisent les immigrés et poussent ainsi au passage à l'acte. » Un skin condamné La Cour d'assises de la Seine-Maritime a condamné mi-décembre un skindhead de 25 ans, à 18 ans de prison ferme, pour homicide volontaire sur la personne d'un jeune Français d'origine tunisienne. Ce meurtre avait été commis au Havre par David Beaune et un autre skinhead, lequel a été condamné à la même peine en juillet dernier au Portugal où il s'était réfugié après les faits. Les extraits de l'audience publiés par la presse révèlent un meurtrier violent qui ne renie pas ses convictions racistes et xénophobes, ainsi qu'un itinéraire personnel chaotique fait de misère affective et de haine de soi autant que des« autres ». Le juge a pu établir que dans les heures précédant le meurtre, David Beaune était passer « saluer» des amis qui assuraient le service d'ordre du Front national à J'occasion d'une réunion publique annoncée ce jour-là au Havre. LePen: le détail Lors d'une réunion publique le 5 décembre à Munich en Allemagne à laquelle il participait au côté de l'ancien Waffen SS, Franz Schoenhuber, Le Pen a réaffirmé ce qu'il a déclaré il y a dix ans: « J'ai dit et j'ai redit, au risque d'être sacrilège, que les chambres à gaz sont un détail de J'histoire de la seconde guerre mondiale. » Le MRAP a aussitôt annoncé son intention d'engager des poursuites judiciaires, précisé que « cette nouvelle déclaration du chef de file de l'extrême droite française est une offense à la mémoire des victimes de la barbarie nazie. Cette réaffirmation ne peut être assimilée à un dérapage. Elle constitue un acte d'adhésion et de soutien à l'idéologie fasciste. »et demandé« une condamnation ferme et dissuasive incluant la privation des droits civiques. »La première déclaration de Le Pen sur les chambres à gaz, « point de détail de la seconde guerre mondiale », tenue le 13 septembre 1987, avait valu à son auteur une condamnation à verser 100000 francs à chacune des associations parties civiles, par décision de la Cour d'appel de Versailles le 18 mars 1991. En application de la loi Gayssot, le parquet de Paris a décidé le 18 décembre dernier d'ouvrir une information Contre la bêtise et la haine Claude Roy est mort le 13 décembre. Il avait quatre-vingt-deux ans. Tout jeune poète il s'engage activement dans la Résistance, après s'être évadé d'un camp de prisonniers de guerre. Romancier, journaliste, grand voyageur, critique d'art, il fut l'ami de Vilar, Picasso, Aragon, Eluard, Roger Vaillant, Marguerite Duras, Gérard Philippe. A différentes occasions, il marqua son soutien au MRAP, siégeant au jury du prix Fraternité. En 1989, il écrivit ce texte en préface au catalogue de la vente d'oeuvres d'art organisée au profit du MRAP pour le 40e anniversaire du Mouvement. « Je ne suis pas misogyne, une de mes meilleures amies est une femme. Mais tout de même ... Je ne suis pas xénophobe, un de mes meilleurs amis est étranger. Mais tout de même ... Je ne suis pas ségrégationniste, je donne ma clientèle à un épicier arabe. Mais tout de même ... Je ne suis pas antisémite, un des mes bons camarades de travail est juif. Mais tout de même ... Nous le savons, que le racisme est le plus sournois des virus. Il crève les yeux chez le raciste affiché, ouvert, officiel, proclamé. Mais il guette toujours au coin de la rue ordinaire, au coin des pensées sans surveillance, au coin même de l'innocence distraite. C'est pour essayer de soigner, de guérir, d'extirper ce virus qu'a été fondé le MRAP. » Charles Palant judiciaire pour« contestation de crimes contre l'humanité ». Projet Chevènement: déception! A l'heure où nous mettons ce numéro sous presse, le projet de loi Chevènement a été voté en première lecture à l'Assemblée nationale. Le MRAP a exprimé « sa déception sur la teneur de ce texte, qui ne comporte que des avancées timides et conserve des dispositions dangereuses des lois précédentes. Il constate que la majorité des amendements tendant à améliorer le projet ont été rejetés, notamment ceux visant à supprimer la « double peine », à accorder un visa de plein droit aux personnes bénéficiaires d'une carte de séjour de plein droit. ( ... ) Le MRAP regrette vivement que l'avis de la CNCDH, rendu le 1er octobre dernier, n'ait pas davantage inspiré les députés. Cet avis soulignait la nécessité que toute législation en matière d'immigration soit fondée sur le principe d'égalité, principe mis à mal par les lois Pasqua et Debré. Or, le projet maintient des dispositions attentatoires aux droits fondamentaux, notamment celle permettant aux officiers de police judiciaire de contrôler les titres de séjour en dehors de tout contrôle d'identité. Cette disposition légitime le contrôle au faciès et figure toujours dans le projet. » Infos rassemblées par Chérifa Benabdessadok Différences n° 192 janvier 1998 EN BREF • Le MRAP a appelé à manifester à Paris le 16 décembre pour tenter d'infléchir le débat parlementaire sur le projet de loi sur l'immigration. • Saisi par le préfet de l'Isère, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le 24 décembre la délibération du conseil municipal de CharvieuChavagneux autorisant son maire Gérard Dezempte (RPR) à organiser un référendum sur l'accès des étrangers aux HLM (source: AFP). • Saisi en référé, le tribunal de grande instance de Nanterre a condamné JeanMarie Le Pen, le 26 décembre pour ses propos sur le détail (lire ci-contre). Il devra payer 1 franc de dommages et intérêts aux associations parties civile et consigner 300 000 francs pour la publication de ce jugement dans la presse. 1 Il Courrier SAINE COlÈRE be une souffrance tout juste tenue à distance - par dignité aussi -, et par laquelle les victi mes d'il y a 55 ans s'engagent en toute responsabilité auprès des générations d'aujourd'hui. A ce prix seulement l'on peut réellement assumer et revendiquer une citoyenneté fai te de liberté, de respect sans faille dans l'égalité des droits, et de dignité; c'est cela la juste lulle du MRAP. Alors mes camarades, dont je ne veux pas m'éloigner, quelle que soit ma colère (ccux de ma famille qui furent des rescapés étaient les premiers à militer avec le MRAP), soyez vigilants. clairs, intransigeants avec vous-mêmes. Il en va de la crédibilité et de la grande dignité de notre combat à tous. » Nous avons reçu une lettre contestant une expression utilisée dans notre dernière parution. Texte quasi-intégral. EN PREMIÈRE PAGE du <'/ Différences de décembre ~ 97, nO 191, en large titre puis en chapeau renvoyant à l'article de Pierre MalTat au procès Papon, ces formules consternantes: "Un procès poUf la dignité" (. .. ) "indispensable pour redonner la dignité aux victimes et à leurs proches" ( ... ). Comment des militants, des élus et des responsables au plus haul niveau du MRAP, mouvement né dans la résistance au nazisme et au fascisme, où l'on revendique le respect le plus haut, le plus absolu de l'homme et de son appartenance sans réserve aucune et sans exclusion à l'espèce humainecomment pouvez-vous user de fannules toutes faîtes, imbéciles, nocives. et qui de surcroît dénaturent totalement le lexte de Pierre Mairat, d'une toute autre tenue et d'une autre portée, D'où viendraient que "les victimes et leurs proches" aient besoin de "retrouver leur digni~ té 1" Quelle est cette dangereuse idéologie qui rejetterait le soupçon - d'égarement, de faute, d'ignominie, que sais-je? - sur ceux-là mêmes que le nazisme et ses complices, y compris en France (et par delà le nazisme, historiquement, tous les fascismes, les régimes d'apartheid et totalitaires ... ) ont humiliés, exterminés, et tenté de ravaler à la condition de sous-hommes, et non-hommes, ont tenté d'anéantir définitivement, par tous les moyens. Même réduites à ces corps torturés, exsangues, innommables, littéralement "défigurées", ces victimes-là (et combien d'enfants parmi elles ?), n'en sont pas moins demeurées des femmes et des hommes jusqu'au hoUl,jusqu'à l'impensable et l'irreprésentable. dignes, en cela même - entendez-vous! dignes, humains. Peut-être - ne le mesurerons-nous jamais pleinement - plus qu'humains! Ce sont elles, les victimes. avec leurs proches, qui,lorsqu'elles s'en remettent à la justice de notre pays, lui rendent ainsi hommage et lui font confiance. Elle s'en remettent, elles, à la dignité d'un appareil et à la dignité d'un pays prêts à faire un travail de lucidité. prêts à assumer dans la clarté l'indignité trop longtemps masquée, ignorée, voire sciemment niée. C'est une très courageuse, longue et difficile démarche, qui exacer- Michèle Ganem Gumpel MRAP Grenoble Chère Michèle. J'accepte tes critiques et ton interprétation de l'expression malheureuse que j'ai utilisée et sur laquelle tu Tirage des bons de soutien le 15 décembre 1997 LES NUMÉROS GAGNANTS • 1er lot, un week-end pour 2 personnes dans une capitale européenne: 063796 • 2e lot, un caméscope: 005755 • 3e lot, un VIT : 235630 • 4e lot, une parure de stylos: 244459 • Se lot, un parapluie: 251448 • 6e lot, un ballon de basket: 235395 • 7e au 25e lot, un porte-clés jeton Caddy®: 231098; 076532 ; 250941 ; 225524 ; 029532 ; 252233 ; 050761 ; 090450 ; 044689 ; 254385 ; 025030 ; 026832 ; 049973 ; 035871 ; 04n24; 106950; 065640; 076375; 035887 • 26e au 50e, un badge Fraternité: 248868 ; 2422n ; 242274; 242279; 257413; 219285; 226633; 053616; 222449; 016729; 242275; 222836; 054089; 214029; 242273 ; 054086 ; 203264 ; 203266 ; 245210 ; 030636 ; 220064 ; 213799 ; 035760 ; 076370 ; 030627 Attention: Pour les délais de réclamation des lots, se reporter aux billets. Différences n~ 192 janvier 1998 te fondes pour réagir avec co- 1ère: elle peut en effet sous-entendre que les personnes visées auraient perdu leur dignité. Je voudrais à ma décharge invoquer les éléments suivants. Tout d'abord, tu détaches cette formule du second membre de la phrase. « et comment il doit concourir à développer un travail sur la mémoirecollective ». Prise isolément, cette expression apparaît encore plus critiquable. Permets~moi d'attirer ton attention sur les textes que j'ai choisis pour accompagner l'article de Pierre Mairat. Le premier, de Primo Lev i, évoque la responsabilité des fonctionnaires, et le second, de Robert Antelme, porte sur le « sentiment ultime d'appartenance à l'espèce humaine» ; il se termine par l'idée d'une claire conception de l'unité indivisible de l'espèce humaine. Cela étant dit, ma formule était maladroite

je suis désolée d'avoir

provoqué ta colère et ta peine. Chérifa Benabdessadok 43, boulevard de Magenta 75010 Paris TéL: 0144 52 03 03 T(!l(!çopie: 0144 52 0044 • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérante bénévota Isabelle Sirot • Rédactrice en chef Cherira Benabdessadok • Administration - gestion Patricia Jouhannct • Abonnements Ériç Lathièrc-Lavcrgnc 120 F pour Il numéros/an 12 F le numéro Maquette Cherifa Benabdessadok Impression Montligeon TéL: 02 33 85 8000 • Commission paritaire n° 63634 ISSN 0247·9095 Dépôt légal 1997-12

Notes

<references />

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