Différences n°168 - novembre 1995

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Sommaire du numéro

n°168 de novembre 1995

  • Edito: Nous avons besoin de votre adhésion par Mouloud Aounit
  • Appel contre le terrorisme et le racisme : la citoyenneté à tout prix déclarations recueillies par David Gormezano
  • Radicalisation chez les skins propos de Jean-Yves Camus
  • L'encyclique cachée par Pierre Kransz
  • Reportage à Haïfa: Beith Hagefen veut croire en son étoile par Marie-Christine Peureux [moyen-orient]
  • A propos de l'aide au séjour irrégulier : vers un état d'exception par C. Benabdessadok
  • De retour d'Afrique du Sud: à la découverte de la nation « arc-en-ciel » par Xavier Saliaris
  • L'Homme est un homme blanc et bourgeois par C. Benabdessadok


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Novembre 1995 - N° 168 o SOMMAIRE Appel Skinheads Radiographie Jean-Yves Camus Découverte L'encyclique cachée Pierre Krausz Reportage .. Halfa 4 • 6 lA CITOYENNETÉ ÀTOUTPRIX 7 Marie-Christine Peureux D'une 101 à l'autre Vars un état d'exception? Chérifs Benabdessadok De retour d'Afrique du Sud La naUon arc .. n-clel Xavier Salians Conseil de l'Europe Plaidoyer pour "Egallté Préface de Gisèle Halimi Chrono 8 Les attentats terroristes de ces derniers mois et le dispositif de sécurité mis en place par le gouvernement ont créé un climat tendu, favorable aux dérapages de toutes sortes; le 3 octobre, le MRAP a lancé un appel intitulé 9 10 Cf pour que la solidarité et l'amitié soient plus fortes que le terrorisme et le racisme ». Chérifs Benabdessadok Les amalgames Communiqués du MRAP Campagne 12 Cet appel a été signé par plus d'une centaine de personnalités. Nous avons demandé à quelques-unes d'entre elles Mumla Abu.Jamal Meeting d'expliciter le sens de leur signature. r:r page 2 12 ~ Nous avons besoin de votre adhésion Avec la nouvelle année qui approche c'est le moment stratégique du renouvellement des adhésions et ré-adhésions qui s'annonce. Ce n'est pas un rite mais l'occasion de mesurer les défis générés par l'expression nouvelle du racisme: sa banalisation. C'est toute l'importance de notre mobilisation pour nous donner les moyens indispensables à J'avenir de notre combat! Cela suppose une condition essentielle: que chacun d'entre nous s'attelle à donner un sens, une réalité, un prolongement à ce pivot de l'action du MRAP: l'antiracisme de proximité. Voilà un outil incontournable de notre implantation et indispensable à la diffusion de notre philosophie. Le MRAP doit aussi se développer en renouvelant ses formes de lutte. A l'antiracisme de proximité doivent également être associées des formes nouvelles de développement. Car le racisme des gens victimes des exclusions, angoissés par la peur du lendemain est d'une autre nature que celle des racistes avérés et convaincus. Les personnes socialement et économiquement déclassées sont trompées par les propos et les initiatives démagogiques de ceux qui font du racisme leur fonds de commerce politique. Dès lors notre antiracisme doit prendre en considération la souffrance de ces gens, les aider à reconnaître que le racisme est une impasse pour tous et surtout d'agir avec eux pour modifier ce quotidien générateur de réponses ethniques aux problèmes de société. Des villes désormais gérées par le Front national, un maire « républicain )} celui de Beaucaire appelant à l'interdiction du territoire du Gard aux étrangers, et ceux de Bourges et de GrauDu- Roi qui refusent de délivrer des certificats d'hébergement, telle est la réa1ité. Nous devons y être présents, vigoureusement. Pour cela, nous avons besoin de l'adhésion ou de la ré-adhésion de chacun .• Moulaud Aounit Il Appel ~ contre le terrorisme et le racisme #" lA CITOYENNETÉ À TOUT PRIX Christine Daure Serfaty Présidente de J'Observatoire internationale des prisons « J'ai signé l'appel du MRAP pour une raison claire. Je sais bien que nous avons, chacun de nous, une identité propre, et donc nous appartenons à une communauté. Nous avons tous une famille de tel groupe, de telle tendance religieuse; mais je ne peux pas rester enfermée dans cette identité exclusive. Je ne crois pas que ce soit possible de vivre replié dans sa communauté. Le texte du MRAP ouvre vers un dépassement qui marque une petite avancée dans le domaine de l'universel. D'accord pour ne pas renier les problèmes identitaires et communautaires, mais jamais on ne construira quelque chose si on ne fait pas une ouverture vers la citoyenneté. Moi, je rencontre depuis un certain temps beaucoup de gens qui sont très pessimistes. On arrive même à se dire : pourquoi se battre? Mais on a tort de voir les choses comme ça. Je suis convaincue que si on ne se battait pas, le mal que nous combattons avancerait infiniment plus vite. De toute façon, il faut se battre, lutter, faire connaître des choses à l'opinion parce que c'est une forme de résistance. Dans ma propre vie, je crois que j'ai beaucoup agi parce que je disais non à quelque chose ». Mouloud Mimoun Journaliste « Appeler à la solidarité contre le racisme, c'est mettre àjour les enjeux qui sont partie prenante de cette situation. Car c'est un fait aujourd'hui, et je l'ai vérifié sur le terrain, toutes les rafles policières sont vécues sur le mode de l 'humiliation et du racisme. Effectivement, on ne peut que mettre en avant les notions de solidarité contre le racisme, parce que c'est de cela qu'il s'agit quand les jeunes sont contrôlés. Devant ou hors caméra, je n'aijamais entendu les j eunes justifier le terrorisme. Ils le dénoncent tous, ils se considèrent comme des victimes potentielles, désignées du doigt, du fait des contrôles au faciès. Ces rafles policières que je montre dans mon reportage (1) laisseront des traces. Le fossé déjà installé entre des zones d'infradroit (les banlieues) d'un côté et le reste de la société y compris les pouvoirs publics de l'autre s'est élargi. Ces jeunes cumulent déjà les handicaps de l'échec scolaire, de l'exclusion, du chômage, de la drogue, de la délinquance; et maintenant pour couronner le tout, nous avons le terrorisme. Jusqu'à quand, c'en est trop ... Je pense cependant qu'il faut rester optimiste. Peut être est-ce un mal pour un bien? Il faudrait saisir cette période un peu délicate pour sensibiliser à nouveau les gens autour de cette notion fondamentale qu'est la citoyenneté ». Didier Daeninckx Ecrivain « A chaque fois qu'il y a eu des menaces, des actes terroristes en France, la manière dont l'Etat a réagi a toujours été un peu curieuse, notamment lors de l'affaire du groupe Abdallah en 1986. Il y a dans les affaires de terrorisme des risques énormes de manipulations, autant des terroristes que de l'opinion publique; comme le souligne la manière dont Khaled Kelkal a été abattu. J'ai l'impression que le plan Vigipirate est un moyen d'aller beaucoup plus vite dans la reprise en main des banlieues. Aussi bien les jeunes qui ont tué des touristes au Maroc, que ceux qui s'inscrivent dans la mouvance Kelkal sont issus de banlieues où le chômage est massif, et peut aller jusqu'à 40%. Le plan Vigipirate, c'est une façon d'être présent dans tous ces lieux qui, contrairement aux idées reçues ou à ce que disent les journalistes, ne sont pas en dehors de la République. C'est la République qui les a rejetés en dehors des droits: droit au logement, droit au travail, droit à la santé, droit à la solidarité. Donc les gens ont été jetés hors de la République et deviennent parfois des bêtes furieuses. Le plan Vigipirate, c'est une façon de mettre une sorte d'état de guerre dans des lieux qui ont été délaissés. Actuellement, on fait d'une religion un bouc émissaire. Dès l'instant où la République rejette une partie importante de la communauté française (en tant que communauté citoyenne), les gens essayent de se tourner vers quelque chose qui puisse Différences n° 168 Novembre 1995 défendre leurs intérêts. Les partis politiques sont en état d'impuissance, les associations et les syndicats sont en difficultés, et une lecture étroite et partisane des religions peut donner une apparence de solution. Nous sommes dans une phase de décomposition des appareils politiques, syndicaux qui se sont construits pendant 150 ans. La seule façon de sortir de cette situation c'est de faire revenir tous les gens jetés hors de l'espace républicain dans l'espace de tous les droits et de toutes les libertés. Cela implique des luttes, des choix politiques, et je suis assez pessimiste quant à l'émergence de nouveaux appareils porteurs de ce message ». Frédéric Pottecher Chroniqueur judiciaire « Je n'approuve pas le terrorisme quel qu'il soit, ça me dégoûte; n'importe qui peut faire ça, tuer des gens dans la rue, c'est pas possible. Terroriste cela veut tout dire et ne rien dire à la fois, et ça couvre tout, il y a les vrais et puis les autres; on ne peut pas laisser impunis des gens qui viennent tuer chez nous. Le racisme anti-algérien est d'une grande force en France, et aujourd'hui, c'est de tolérance dont on a le plus besoin. La laïcité, qui est une caractéristique de la civilisation française, est à la base de toute notre formation, ce qui veut dire que nous devons accepter tout le monde. Au plan moral, il ne s'agit pas d'accepter des sacrifices ou des choses que l'on ne ferait pas, mais est-ce que ça nous dérange vraiment que des gens aillent à la mosquée; ça vous embête vous? Les bombes c'est horrible, ça me fait peur. On ne peut pas le permettre. Les Français ne sont pas si bêtes. Les gens sont calmes, ils ne sont jamais contents, mais ils sont calmes quand même ! Au fond, il ne font pas d'amalgame. Les gens doivent se comprendre, accepter de marcher dans la rue à côté de gens qui ne sont pas comme eux, et finalement la plupart l'accepte ». Claire Etcherelli Ecrivain « Les attentats, les morts, les blessés engendrent une inquiétude légitime, mais qui ne justifie pas un soupçon généralisé à l'encontre des Maghrébins, plus largement des Musulmans. Ce qui m'irrite, c'est que 1'on veuille prouver à partir de 1'itinéraire de Khaled Kelkal, que les jeunes Maghrébins vivent un rejet total (ce qui est faux) et n'ont donc d'autre issue que la révolte, la marginalisation et l'appartenance à des groupes violents fanatiques. Il y a une fascination de la jeunesse pour la délinquance, ce n'est pas nouveau. Un travail nécessaire consiste à démontrer auxjeunes en difficulté le danger qu'il y a à suivre ceux qui, exploitant leur désarroi, les embrigadent dans des groupes intégristes. Se battre sur le terrain social est indispensable mais lent. C'est pourquoi, il reste à répéter fermement que la loi du pistolet, de 1'agression tombe sous le coup de sanctions. Si le facteur humain de toute vie reste pour moi essentiel il ne justifie pas le mépris de la vie des autres. La citoyenneté, c'est l'égalité devant la loi. Notre vigilance par rapport à ce qui se met en place au nom de la sécurité, aux abus de certains contrôles ne nous dispense pas de réaffirmer que les lois de la République ne peuvent pas se transgresser, quelles que soient les origines de nos parents. Nous traversons une période de grande confusion et il serait bon d'aller voir à 1'intérieur des questions elles-mêmes, sans manichéisme ». Sami Haïr Professeur de sciences politiques « Cet appel est particulièrement urgent car il introduit de la clarté dans une situation qui tend à devenir de plus en plus confuse, et qui favorise l'amalgame entre d'une part l'existence dans ce pays d'une population d'origine maghrébine de confession islamique, et d'autre part le terrorisme. Il faut absolument rappeler à l'opinion publique française que l'immense majorité des immigrés s'oppose au terrorisme et ne Appel ~ contre le terrorisme et le racisme #" demande en général qu'une seule chose: vivre en paix dans ce pays, être respecté dans sa dignité et, lorsqu'ils sont de nationalité française, être considérés comme des citoyens à part entière. Il serait également irresponsable de mettre dans le même sac des populations socialement exclues, marginalisées, parmi lesquelles il se trouve effectivement beaucoup d'enfants d'immigrés, et d'autre part des affiliations identitaires ou confessionnelles. Les problèmes de la ville, les problèmes des banlieues ne sont pas des problème religieux. Il existe de réels problèmes d'intégration de toute une partie de la jeunesse française qui sont très différents des manipulations confessionnelles et politiques qui existent par ailleurs. Enfin, le texte du MRAP me parait décisif quant à la réaffmnation du modèle républicain français universaliste. Nous vivons une période historique (peut-être sans nous en apercevoir) où se déroule une véritable guerre culturelle entre un modèle anglosaxon ethniciste lié à une certaine forme de capitalisme sauvage qui porte en lui le racisme et l'exclusion d'une part, et un modèle républicain fondé sur l'universalité et la citoyenneté s'inscrivant dans la grande tradition culturelle française d'autre part. Le sort de cette compétition est fondamental. Nous devons faire face à une conjoncture où certains cherchent à créer une déstabilisation; et le problème n'est pas d'être confiant ou non, mais de faire prévaloir la solution de la citoyenneté à la française. Il n'y a pas d'autre modèle qui permette à des gens de vivre ensemble en se respectant. Ce modèle traverse une crise, il faut à tout prix le défendre. C'est une question de volonté. Si nous considérons Le texte de l'appel que tous les êtres humains sont égaux, et que les appartenances confessionnelles ou ethniques sont secondaires par rapport à la vie en commun dans l'espace public, alors nous n'avons pas d'autre solution ». Graeme AI/wright Auteur-compositeur « Les récents attentats m'ont plongé dans la consternation ; voir l'armée dans la ville c'est d'une grande tristesse. En NouvelleZélande où j'ai grandi, je ne connaissais pas le racisme. Je l'ai découvert en France, dans les années 1950 et 1960, notamment avec la guerre d'Algérie et la psychose policière de l'époque. La France, parfois, me désole par la profondeur de son racisme anti-maghrébin, d'autant plus que le terrorisme donne des arguments supplémentaires à Le Pen. Pour moi, il est clair que la banlieue génère des individus qui n'ont rien à perdre, qui n'ont pas d'espoir, mais j'espère tout de même que la raison l'emportera. De plus, la grande majorité des Arabes qui vivent en France sont contre le terrorisme, car ils en sont les victimes. La méfiance qui s'installe aujourd'hui me consterne. Sije suis pessimiste quant à l'évolution du monde contemporain,je garde une grande foi dans la musique, ce langage universel qui permet de dépasser les races, les religions, les conditions de vie » . • Propos recueillis par David Gormezano (1) M. Mimoun a récemment enquêté sur les opérations de police contre des individus suspectés de liens avec la mouvance islamiste. Nous citoyens de France, sans distinction de nos origines culturelle, religieuse, spirituelle ou politique, condamnons de toutes nos forces la violence aveugle des attentats terroristes. Nous appelons nos concitoyens : • à s'opposer aux confusions et à l'amalgame: banlieue, immigration, islam et terrorisme; • à résister à la tentation de la suspicion et de la stigmatisation frappant des groupes entiers de la population en raison de leur jeunesse, de leur origine ou de leur religion; • à unir leurs efforts pour que la solidarité soit plus forte que le terrorisme et la haine; à défendre ensemble, à l'abri des tentations de la logique communautaire, la société française voulue par celles et ceux qui depuis deux siècles luttent pour la République et pour faire avancer la France dans la voie de l'égalité et de la fraternité. Différences n° 168 Novembre 1995 • Il §1 Extraits [W1 d'une radiographie RADICALISATION CHEZ LES SliNS! Jean-Yves Camus, co-auteur avec René Monzat des Droites nationales radicales en France (1), nous a fait parvenir une toute récente radiographie du mouvement skinhead en France. Nous en publions ici un assez bref résumé. L A SCENE SKINHEAD rassemble en France environ mille individus organisés en groupes indépendants et dont l'activité s'appuie sur les « fanzines », la musique et les lieux de rencontre (bars, concerts, boutiques). Les journaux sont éphémères mais nombreux, le plus souvent diffusés à moins de 200 exemplaires sans commission paritaire, ni périodicité fixe. Les disques des groupes musicaux sont vendus à 1000 exemplaires, 3000 au maximum, par des producteurs spécialisés. Les fanzines et le courrier sont les moyens de communication les plus répandus entre groupes skinhead, mais chaque petit noyau reste indépendant. Il n'y a pas d'internationale skinhead: l'échange de publications et de correspondances entre skins français et étrangers est courant, mais n'implique pas de liaison organisationnelle. Il s'agit de relations interindividuelles. Le mouvement est actuellement divisé idéologiquement entre les nationaux-socialistes, en progression; les RAC (Rock Against Communism), nationalistes très influencés par le groupe britannique Blood and Honour fondé par Ian Stuart, chanteur (décédé) du groupe Screwdriver ; les nationalistes- révolutionnaires, ainsi que des skinheads « apolitiques» dont les fanzines ont néanmoins un contenu nationaliste et raciste. Skins et hooligans Sur la question des relations entre skins et hooligans des stades de football des liens existent mais tous les skinheads ne s' intéressent pas au football, et la majorité des hooligans de Paris, Lyon et Marseille ne sont pas skinheads, bien que parfois politisés à l'extrême droite. Il faut de plus constater que les relations entre le Front national et les skinheads sont, depuis longtemps, très conflictuelles : si le discours lepéniste attire certains skins, la plupart le trouve beaucoup trop modéré. C'est donc du côté des groupuscules néonazis ou néofascistes que s'engage la majorité des skinheads français: Parti Nationaliste Français et Européen (PNFE); Faisceaux Nationalistes Européens (FNE) qui ont fusionné en 1994 avec le PNFE ; Oeuvre Française ; Groupe Union Défense (GUD). L'influence des États-Unis Aux Etats-Unis, il existe environ 3500 skinhead, auteurs de 22 meurtres depuis 1990. Leurs organisations principales sont l'American Front et l' Aryan Resistance League. L'influence américaine se fait désormais sentir en France autant que celle des skins anglais. Ainsi en juin 1993, paraissait le premier numéro du bimensuel Terreur d'élite « voix indépendante et radicale des nationaux-socialistes francophones ». Ce fanzine de 22 pages, d'une qualité inhabituelle, prévient les juifs que « lire cette publication vous transformera en abatsjour, en savonnettes ou en engrais» et donne l'adresse des N orthern Hammer Skins de Saint Paul, Minnesota. Il s'agit en fait de l'organe des Charlemagne Hammer Skins, organisation loi 190 l légalement constituée. Très hostile au FN, ce journal proche du parti nazi américain NSDAPI AO de Gary Lauck, actuellement emprisonné au Danemark, était animé par Hervé Guttuso, skinhead marseillais, qui publiait le fanzine « 9ème Croisade» fin octobre 1990. Guttuso est entré en contact avec l'American Front et les Chicago White Vikings (1991) : il a publié une interview de leurs leaders respectifs, Robert Heick et Mark Watson, puis est parti aux Etats-Unis pour raisons professionnelles pendant un an. Il y a rencontré les animateurs de la revue skin Resistance, la mieux faite de toutes les fanzines, tirée à 10 000 exemplaires depuis Différences n° 168 Novembre 1995 1994, et à laquelle il collabore (n022, été 1994). Dirigé par un canadien de l'Ontario, George Eric Hawthorne, ce journal est jumelé avec le plus grand producteur de disques skin d'Amérique, Resistance Records. Les distributeurs en France En France, les distributeurs de ce label sont: SPE Records à Gentilly (Val de Marne), dirigé depuis 1989 par Pascal Guérineau (animateur en 1986-1990 du fanzine « Skinhead pour l'éternité» tiré à 200 ex.) et One Voice, de Christian David, à Segré (depuis 1993, Maine et Loire). Terreur d'élite reprend la théorie, très répandue dans l'ultra-droite américaine, selon laquelle le gouvernement des USA est en fait commandé par les juifs: c'est le ZOG (Zionist Occupation Govemment). Il publie les textes de membres des groupes terroristes The Order, Aryan Nations, Brüder Schweigen, détenus pour meurtre aux Etats-Unis, et vend une cassette-vidéo dont les recettes sont reversées à ces prisonniers. Macabres fanzines Il faut également citer dans cette mouvance néo-nazie: « 88 Diffusion », distributeur de compact-disques. Dans les groupes nazis, le nombre 88 est souvent utilisé en référence à la 8ème lettre de l'alphabet (le h), et en abréviation de « Heil Hitler» ; ainsi que «Extermination Totale » : fanzine édité par Alain Diéni à Nogent -sur-Marne qui, en compagnie de Xavier Bourdin et Eric Petitberghien, a été appréhendé à Villepinte alors qu'ils collaient des autocollants du NSDAP/AO sur les portes de responsables de la communauté juive locale. La liste est longue des autres fanzines nationaux-socialistes. Des figures emblématiques Parmi les groupes indépendants, il faut nommer «Les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires », le plus médiatique des groupes skin, fondé par Serge Ayoub qui se sont dotées en 1991 d'unjournal,Le rebelle blanc. L'autre figure emblématique du groupe est Bruce Thompson, un Anglais établi en France. Bien qu'interpellé le 1 er mai 1995 à l'issue du défilé FN, son opinion sur ce parti est catégorique: « Le Pen est trop vieux, trop mou, trop riche» (Le rebelle blanc, 1989). Serge Ayoub a ouvert plusieurs boutiques spécialisées dans les fanzines et articles vestimentaires pour skinheads. La dernière, Darklord, a été fermée par décision du Préfet de Police de Paris en Mai 1994. Aujourd'hui, il s'est replié sur une boutique située à Saint-Maur (Val-de-Marne) ; etl'« Association de Répression contre le Communisme», fondée le 21 avril 1992 par Franck Berne, de Châtellerault qui publie un fanzine négationniste très radical: Renouveau Nationaliste. Synthèse skins / Nouvelle droite Un essai de synthèse skinheads 1 nouvelle droite s'est concrétisé avec la création en 1993 à Paris de Réfléchir et Agir qui vient d'atteindre le 12ème numéro. Ce journal a l'ambition d'élaborer une synthèse entre les skinheads, la mouvance GUD et quelques idées sommaires empruntées à la Nouvelle Droite, mais une Nouvelle Droite très hostile à Alain de Benoist. Son slogan (Europe, Jeunesse, Révolution), est celui du GUD et des éléments radicaux du FNJ. Par rapport au FN, Réfléchir et Agir porte un jugement nuancé : en mars 94, il déclarait: « Nous ne laissons aucun doute, nous voterons FN » afin de « se servir du FN comme tête de pont », «utiliser le débroussaillage idéologique et la levée des tabous opérée par le FN » et aussi « le FN a évolué dans ses prises de position depuis la guerre du Golfe» et qu'il « a dans ses instances les plus hautes des personnes bien pensantes (Pierre Vial) ». L'évolution de la scène skinhead en France traduit une certaine radicalisation politique. A côté des skinheads sans idéologie construite existent des groupes, avec leurs journaux, certes très éclatés et dotés de peu de militants, mais ouvertement nationauxsocialistes ou nationalistes-révolutionnaires, ayant quelques références politiques. Radicalisation et collusion La musique est aujourd'hui plus ouvertement affirmée comme un moyen de propagation de l'idéologie nazie de ces mouvements. Un certain «écrémage» s'est produit, qui n'a laissé en activité que les éléments les plus motivés. L'hostilité réciproque du FN et des skinheads est ancienne et avérée, prouvée par des incidents multiples. Pourtant le FN apparaît à la plupart des skinheads comme un parti auquel il faut « coller », parce qu'il est le seul à s'opposer globalement au système. L'évolution la plus préoccupante aujourd'hui est la radicalisation du FNJ et son interpénétration avec le GUD, dont le journal Les réprouvés est ouvertement antisémite et négationniste. Lors du cortège FN du 1 er mai dernier le FNJ Paris et celui de N ormandie (dirigé par Pottiez, responsable du GUD), se sont signalés par leurs slogans radicaux. Les groupuscules d'extrême droite les plus investis par les skinheads sont le PNFE, de Claude Cornilleau, etl'Oeuvre Française, de Pierre Sidos, qui poursuit une lente implantation en province . • (1) Presses universitaires de Lyon, 1992; JeanYves Camus est membre du comité de rédaction de la revue « Crises », (PUF). L'étude que nous avons ici synthétisée a été réalisée pour le Bnai Brith de France. Cornilleau condamné par la justice Sur plainte du MRAP, de l'UEJF et du procureur de la République, Claude Cornilleau a été condamné le 4 juillet dernier à six mois de prison avec sursis, et à payer des dommages et intérêts aux parties civiles. Président du PNFE, Cornilleau est aussi gérant d'une société qui a proposé à la vente, dans une brochure distribuée dans les boîtes aux lettres, des articles jugés par le tribunal de grande instance de Meaux comme relevant de la provocation à la discrimination raciale. Il s'agissait notamment selon la description qu'en fait le texte du jugement, « d'un couvre-chef dénommé "casquette européenne" présentée comme "L'antidote aux casquettes météquoïdes du genre nègre du Bronx" avec la précision "Ne va bien qu'aux têtes de type européen. Très belle qualité. S'orne sur le devant ou sur les côtés, de l'une ou de nos nombreuses épinglettes." ». Le catalogue en question présentait également des « statuettes et médailles à l'effigie d'Adolf Hitler, épinglettes, médailles, écusson, portes-clés et autres ornements (sic) représentant des insignes et symboles significatifs du régime national-socialiste allemand, l'ouvrage apologétique Hitler pour mille ans écrit par le collaborationniste Léon Degrelle ». Claude Cornilleau a fait appel. A suivre. Différences n° 168 Novembre 1995 Les caves du Vatican t:'ENCYCLIQUE CACHÉE Les silences de Pie XII face à l'Holocauste sont maintenant clairs. Ils avaient soulevé à travers l'Europe une polémique salutaire au début de l'année 1963 avec la pièce de théâtre de Rolf Hochhuth Le Vicaire. Même si dans l'église catholique, des hommes de conscience comme Mgr Saliege, évêque de Toulouse, ont eu le courage de dénoncer les crimes perpétrés par les bourreaux nazis, même si comme l'ont suggéré certains historiens, l'attitude de Pie XII était dictée par une volonté de ne pas aggraver les persécutions, le comportement du souverain pontife a été lourd de conséquences. Et voilà que le débat rebondit. Deux historiens belges, Bernard Suchecky et Georges Passeleq viennent de publier L'encyclique cachée de Pie XI. Sous ce titre, les auteurs présentent un projet d'en- • cyclique rédigé en 1938, que Pie XI, prédécesseur de Pie XII, devait présenter au monde. Même si ce projet n'est pas exempt d'antisémitisme religieux et sociologique (la conversion et la défiance restent la norme), ce texte intitulé Human generis unitas constitue une condamnation sans appel de la marée brune et de l'antisémitisme raciste qu'elle a engendré. Pourtant, cette encyclique ne serajamais publiée. Pie XI meurt en 1938 et son successeur la tiendra secrète et refusera d'y faire allusion durant tout son pontificat. L'église vaticane avait perdu l'occasion de s'affirmer comme autorité morale face à la barbarie et à l'oppression. Plus de cinquante après où en sommesnous ? Certes, il y a eu Vatican II, certes l'actuel souverain pontife a rendu une visite hautement symbolique à la synagogue de Rome. Pourtant des ombres persistent. A Auschwitz qui devrait être aujourd'hui un haut lieu de la conscience universelle, l'église a bâti un carmel où symboliquement bourreaux et victimes sont assis à la même table - ce n'est qu'après une vive campagne internationale que cet établissement a été démantelé; l'Opus Dei organe ouvertement fascisant après la canonisation récente de son fondateur continue à étendre son influence sur le Vatican; et surtout, à quand une proclamation du Pape condamnant sans appelle génocide et toutes formes d'antisémitisme? Pierre Krausz Il Reportage à Haïfa BEITH HAGEFEN VEUT CROIRE EN SON ÉTOilE! En ces temps de forte grisaille sur le chemin de la paix israélo-palestinienne, il fallait que quelqu'un nous appelle pour nous dire: j'en viens, j'ai vu des expériences encourageantes. Que Marie-Christine Peureux soit remerciée pour ce reportage rafraîchissant et lucide. tueuse et même vitale, mais précisément combattue par l'opinion publique majoritaire. Il n'est pourtant pas une création artificielle : les liens (au moins commerciaux) entre Juifs et Arabes qui existaient avant 1948, sous le mandat britannique, n'ont pas été totaledu plus célèbre par les médias depuis la signature des accords de Washington, en septembre 93, et bénéficiant de financements plus conséquents depuis 94, « supporté» par l'actuel maire Arwan Mitzna (ancien général aux commandes du pays pendant l'Intifada et considéré par les Israéliens de gauche comme relativement libéral, aligné sur la politique de Rabin), Beith Hagefen connaît depuis deux ans une multiplication sensible de ses activités. Son directeur, Mordechai Peri, n'y est pas pour rien; ainsi douze projets ont été réalisés depuis 94. A titre d'exemple, une rencontre-débat entre Yasser Abbit Rabbou, ministre de la Culture palestinien et A. Mitzna, maire de Haïfa, en novembre 94 ; une autre du même type entre Oum Djihad, ministre de la Santé palestinienne et Hora Namir, son homologue israélienne, en décembre 94, L E BEiTH HAGEFEN - Arab JewishCentera32ans! Il faut dire qu'à Haïfa, municipalité socialiste au long cours jusqu'au début des années 90, les choses ne sont pas tout à fait comme ailleurs dans le pays. Le visiteur y perçoit une ambiance plus conviviale, plus « méditerranéenne» qui n'est peut-être pas seulement due à la présence de la mer et du port. Et s 'il laisse ses pas le guider, comme naturellement, là-où-l'on-se-sent-bien, au pied du Carmel, à deux pas du centre ville, le voyageur se rendra compte qu'il est en train de flâner à Wadi Nisnas, l'un des quartiers arabes. Beith Hagefen est précisément sis à la lisière- est de ce quartier-là, cher au coeur de l'écrivain arabe israélien Emile Habibi (1). < Haifa est considérée comme LA ville-laboratoire de la cohabitation Un projet pionnier Fondé en 1963 sous l'impulsion vigoureuse du maire de l'époque, le socialiste Abba Roushi qui trouva des appuis tant chez des Juifs que chez des leaders arabes du pays, Beith Hagefen a tout du projet pionnier: unique en son genre au moins jusqu'en 1993 (une expérience similaire se développe depuis deux ans à Jaffa près de Tel Aviv) ; donc isolé, il maintient son cap avec la ténacité de qui se sait porteur d'une idée frucjudéo- arabe de demain... > ment anéantis par la guerre d'expulsion - pour reprendre la formule de l'historien palestinien Elias Sanbar (2) ; ne seraitce qu'en raison de la nécessité, formulée à l'époque par Ben Gourion, alors chef de la Haganah, et bientôt Premier ministre de l'Etat d'Israël, de conserver des Arabes pour disposer d'une main d'oeuvre à bon marché, destinée à la construction d'Eretz Israël. En Israël les constructions vont bon train, métamorphosant continuellement le paysage, notamment sous l'avancée frénétique du damier blanc des colonies. Beith Hagefen, lui, a longtemps progressé au rythme tranquille du chameau ou, pour reprendre une métaphore bien de chez nous, a « vieilli à l' ombre comme le bon vin ». Renpuis, à Gaza en juin 95 ; une tournée théâtrale de la troupe de Haïfa à Gaza (à deux reprises), pour des représentations gratuites destinées aux enfants et aux adultes (avec le soutien du ministère des Affaires Etrangères)

dans le nord de la Galilée,

dans le village de Kaoukhab, la création-exposition de 20 sculptures pour la paix par des artistes arabes et juifs d'Israël accompagnés de cinq Palestiniens des territoires « autonomes » ; des rencontres publiques avec de nombreux artistes, poètes, écrivains, comme Sami Mikhaïl Guit), Ahmad Darbour (écrivain palestinien né à Haïfa); la promotion d'une tournée d'un groupe de rockjordanien « Mirage» ainsi que d'un groupe de chanteurs bédouins de Jordanie sous la Différences n° 168 Novembre 1995 direction d'Ommar Abdallah, bédouin lui-même; la tenue d'un raid ... à bicyclette AmmanHaïfa sous le soleil et les drapeaux jordanien et israélien, au printemps 95 ; une première expérience de camp de jeunes, venus de Haïfa et des environs, en Jordanie, en août 95 (parmi lesquels 18 Juifs et 32 Arabes). Certes, des bâtons dans les roues, rançon de sa célébrité acquise à l'ombre du processus de paix, Beith Hagefen en rencontre, comme cette manifestation d'extrémistes israéliens contre le festival d'arts plastiques qu'il organise depuis 13 ans, en mai-juin, dans 40 villages arabes du nord de la Galilée, manifestation qui fut dispersée sur ordre du gouvernement ou comme cette campagne d'opinion, en février 95, au lendemain de l'explosion d'une bombe kamikaze près de Netanya et qui visa à faire interdire à Gaza la tenue d'un spectacle théâtral destiné aux enfants. Là non plus, Beith Hagefen n'a pas cédé et a eu gain de cause. Une belle vitrine? S'il n'a pour lui qu'un mince pourcentage de l'opinion israélienne, Beith Hagefen ne bénéficie pas pour autant d'un consensus favorable de la part des Arabes israéliens euxmêmes; « une institution comme celle-ci, c'est une belle vitrine, un beau trompe-l'oeil, comme le gouvernement Rabin excelle à en produire pour donner le change et faire croire à la réalité du processus de paix», déclare, par exemple, en substance, Mansour Kardoch, président de l' Arab Association For Human Rights dont l'incrédulité et l'amertume s'alimentent au constat des manoeuvres quotidiennes (du gouvernement et des colons) visant à transformer le contenu du processus de paix en une sinistre farce. D'un autre côté, il semble en tout cas évident que Haïfa soit désignée comme LA « ville-laboratoire» de la cohabitation judéo-arabe de demain, à en juger d'après ce qui s'y met peu à peu en place. Quand on est né de père arabe musulman et de mère juive, comme c'est le cas de certains Galiléens, dont Udi B., jeune agent d'assurances de 30 ans, et recrue enthousiaste, il doit y avoir de quoi « y croire » ... Une expérience qui doit grandir « Il faut regarder Haïfa comme un modèle de la manière de vivre avec les Arabes, puisqu'on est destiné à cet avenir» déclarait un membre de la Compagnie des acteurs israéliens. Jérusalem à la fin du mois d'août... Oui, l'idée avance, dirait-on. Quant à la toute récente prolifération des projets avec la Jordanie, il y a lieu de craindre qu'ils n'éclipsent ceux qu'il serait de loin préférable et vital d'élaborer avec les Palestiniens tant de Cisjordanie que de Jéricho et de Gaza, toujours laissés pour compte. Le moins que l'on puisse souhaiter à Beith Hagefen est de prospérer, de dépasser le statut de symbole pour devenir un lieu d'expression et de créativité véritablement engagé et audacieux où se reconnaîtront de mieux en mieux des Arabes et des Juifs d'Israël-Palestine et pourquoi pas, d'acquérir un rayonnement international. • Marie-Christine Peureux MRAP-91 (1) Né en 1922 à Haïfa, alors en Palestine. Il a été, de 1948 à 1989, rédacteur en chef du quotidien arabe à Haïfa Al Ittihad (L'Union) ; il est l'auteur de nombreux romans, nouvelles, pièces de théâtre, pour la plupart traduits en hébreu, anglais, russe, bulgare, français. (2) Dans Palestine 1948 - L 'Expulsion, Les livres de la Revue d'Etudes Palestiniennes (1984), et Les Palestiniens dans le siècle, Découverte Gallimard, (1994). Actualité f rançaise À PROPOS DE L'AIDE AU SÉJOUR IRRÉGULIER VERS UN ÉTAT D'EXCEPTION? Le 13 juin dernier, les magistrats du tribunal correctionnel de Douai ont condamné un prêtre, l'abbé Jean-Noël Carlier, à six mois de prison avec sursis pour avoir hébergé unjeune étranger en difficulté par rapport à la régularité de son séjour en France. Le 1~ octobre ce fut au tour d'une jeune femme, Sylvia, d'être condamnée par le tribunal correctlOnnel de Nanterre à trois mois de prison avec sursis pour avoir voulu épouser un Congolais en situation irrégulière au regard du séjour. Lui-même a été condamné, par ailleurs à trois mois de prison ferme assortie de trois ans d'interdiction du territoire. ' Les magistrats n'ont pas la main leste! La loi ~eur donne-t-elle toute latitude pour condamner ainsi le simple fait d'héberger, ou de voulOIr épouser un étranger en situation irrégulière? La réponse semble, comme souvent en matière de droit, affaire d'interprétation. La loi du 27 décembre 1994 réaffirme l'existence du délit d'aide au séjour irrégulier (créé par une loi de 1991) de la façon suivante: « Toute personne qui, alors qu'elle se trouvait en France, aura par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de deux mois à 5 ans et d'une amende de 2000 à 200000 francs ». Les nouveaux monstres En avril 1995, dans un appel public dont le MRAP était l'initiateur, de très nombreuses personnalités attiraient l'attention des pouvoirs publics sur« une utilisation monstrueuse de cette loi qui instaurerait un délit de solidarité ». Les personnalités signataires déclaraient que « conformément à notre devoir de citoyens, nous avons déjà aidé ces hommes et ces femmes qu'on appelle les "sans papiers" et / ou sommes disposés à aider les étrangers en situation irrégulière ». L'alerte était donnée mais à l'époque, aucun cas n'était signalé. Mieux encore, une fem~ me, Séverine, accusée par le parquet d'avoir hébergé son mari, un Marocain sans papier avec lequel elle vivait depuis trois ans, était relaxée par un tribunal de Paris. Ces magistrats avaient notamment expliqué que d'une part « les époux se doivent mutuellement aide et assistance » et que d'~utre part la loi en question a pour but de « réprimer les passeurs, transporteurs et logeurs qUi profitent de l'immigration clandestine, ainsi que les réseaux de mariages simulés ». Aujourd'hui, à l'ombre d'un climat exceptionnel créé par les attentats terroristes les condamnations se multiplient, les « irréguliers» se terrent, et les magistrats appliqu~nt la loi dans toute sa sévérité, confondant allégrement aide humanitaire et réseaux clandestins à but lucratif. Le MRAP a engagé une série de démarches: sur le moyen terme, l'association souhaite que les groupes parlementaires mettent à l'ordre du jour une réforme de cette loi; sur le court terme, le MRAP demande au ministre de la Justice d'édicter une circulaire interprétative qui précisera que des poursuites ne pourraient être engagées à l'encontre de perso~es ayant agi à titre strict~ment humanitaire. Les personnalités qui ont signé l'appel du mOlS de novembre sont, par aIlleurs, appelées à écrire à leur tour au ministre de la Justice pour appuyer la demande du MRAP. Mais au moment où nous bouclons ce numéro, on apprend que Jacques Toubon, précisément, a proposé au Conseil des ministres du 25 octobre, un renforcement de la législation a~titer:~riste ~ar laqu~lle 1'« aide ~ l'étranger en situation irrégulière» sera intégrée dans les dISpOSItiOns d exceptlOn. De ce faIt, le domicile d'une personne soupçonnée d'héberger un étranger en situation irrégulière pourrait être perquisitionné à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit et si elle était arrêtée la garde à vue pourrait aller jusqu'à quatre jours. Dans ce contexte, on peut désormais se demander s'il faut continuer à parler de dérive du plan Vigipirate ou si imperceptiblement et dans une grande indifférence, on ne s'achemine pas vers un état d'exception qui remet profondément en cause les libertés individuelles. Chérifa Benabdessadok Différences n° 168 Novembre 1995 • Il De retour d'Afrique du Sud À lA DÉCOUVERTE DE lA NATION ment sans entrave, un partage des pouvoirs réel et, surtout, des contre-pouvoirs populaires multiples et efficaces (la vie associative est très dense: 54 000 ONG). Un réel travail d'apprentissage de la démocratie se développe à la base. Même si Nelson Mandela conserve une popularité et une aura difficilement imaginables (y compris parmi les électeurs de l'opposition), le peuple n'est pas aveuglé et nombreuses ont été les manifestations auxquelles nous avons assistées, que ce soit en faveur des femmes, des enfants victimes d'abus sexuels, pour davantage de moyens, pour l'éducation, etc. " ARC-EN-CIEL Il L'Afrique du Sud est entrée, on le sait, dans une nouvelle ère. L'apartheid vaincu, il s'agit maintenant d'aller plus loin dans la construction d'une nation plus égalitaire entre Noirs et Blancs, plus démocratique. Xavier Saliaris qui est allé là-bas nous a envoyé son récit de voyage. A près de longues années d'engagement contre l'apartheid et de soutien aux combattants de la liberté et à leurs organisations en Afrique du Sud, ou ailleurs, lorsqu'ils subissaient la répression, l'interdiction, l'exil, ce voyage et la découverte d'une nouvelle nation étaient devenus pour Jo Briant, animateur du Centre d'Information Inter-Peuples (une organisation grenobloise dynamique et influente), et moi-même un impératif, en tout cas, un désir profond. Nous savions, lorsque j 'en fis la proposition huit mois auparavant, que la rencontre avec le peuple sud-africain et ses représentants constituerait un grand moment d'émotion. Mais nous voulions surtout nous rendre compte sur place des réalités du changement, de la marche vers cette nouvelle Afrique du Sud libre, unie, démocratique et non raciale dans laquelle nous fondons tant d' espoir et pour laquelle nous nous sommes, au MRAP comme dans d'autres organisations, tant battus. Egoli, la ville d'or Nous avons séjourné cinq semaines dans le pays, de Johannesburg (Jo 'burg, comme on l'appelle là-bas ou encore Egoli, « la ville de l'or») au Cap en passant par Pretoria, Soweto et bien d'autres townships. Les rencontres ont été nombreuses, riches et variées. De l' ANC au Parti National (qui, devant nous, a refusé de qualifier le système d'apartheid de criminel, le qualifiant simplement de « mauvais»), aux multiples ONG, associations de juristes, artistes, etc. Tous nous ont apporté des témoignages préCleux. Nous avons d'abord trouvé un pays bouillonnant d'initiatives, de projets dans tous les domaines. Sur le plan politique, l'Afrique du Sud est devenue réellement démocratique. Une presse totalement libre, des partis d'opposition qui s' expri- Une vraie dynamique sociale Dans de nombreux secteurs d'activités, les grèves sont parfois fortes. Pour la préparation de la future Constitution, quiconque a des propositions à formuler peut le faire par téléphone, fax ou courrier (version modernisée de nos cahiers de doléances) ! Des ONG organisent des standards téléphoniques pour informer le public du déroulement des élections locales du 1 er novembre. De vastes campagnes incitent les électeurs à s'inscrire et des réunions s'organisent dans les plus reculées des townships. Sur le plan culturel, bien que ce fut déjà le cas dans la clandestinité pendant la lutte contre l'apartheid (les initiatives et les INITIATIVE D'AIDE AUX ÉTUDIANTS Le comité lance une campagne de souscription pour aider le Père Emmanuel Laffont, prêtre français qui vit depuis de nombreuses années au coeur des townships de Johannesburg et de Pretoria, à financer des bourses pour permettre à des étudiants noirs de suivre une formation universitaire (les frais d'inscription sont très élevés et les Noirs sont encore largement sous-représentés à l'Université). Envoyez vos dons libellés à « CHP-MRAP Afrique du Sud» CCP Grenoble 279 475 K à: MRAP, Maison des Associations, 6 rue Berthe de Boissieux, 38000 Grenoble, téléphone

(16) 76 95 90 30.

Différences n° 168 Novembre 1995 créations foisonnent en peinture, théâtre, musique, danse, etc. L'Afrique du Sud bénéficie d'une richesse culturelle formidable. Quelle ne fut pas notre j oie de rencontrer par hasard, le soir de notre arrivée à Johannesburg, Hugh Masekela, l'un des plus grands musiciens sudafricains! D'autres artistes nous ont invités à visiter leur atelier et contempler leurs oeuvres. La « National Gallery » au Cap expose actuellement des tableaux et des sculptures qui évoquent avec force la période de lutte. Nous avons également assisté à une pièce de théâtre écrite et jouée clandestinement dans les années 70. Intitulée « L'Ile », elle retrace l'histoire de deux détenus sur l'île de Robben, pénitencier où fut incarcéré Mandela. La richesse reste blanche et la misère demeure noire Dans le domaine économique et social, les changements sont bien plus lents. Certes, l'électricité alimente aujourd'hui même les camps de squatters, les soins sont gratuits pour les femmes enceintes et les enfants de moins de six ans, un repas est offert aux plus jeunes écoliers et de nombreuses écoles ont été construites ainsi que plusieurs milliers de logements. Cependant, la richesse reste blanche et la misère, l'extrême misère parfois, demeure noire. La vision des bidonvilles autour du Cap et de leurs hostels (baraquements pour travailleurs migrants) reste choquante dans un pays si riche en ressources. La politique d' « affirmative action » qui donne la priorité à l'emploi aux plus défavorisés (les Noirs) n'a pas éradiqué un chômage massif (plus de 40% des Noirs en moyenne, jusqu'à 70% dans certaines zones). Malgré tout, la vie dans les towsnships n'est pas si misérable. Des quartiers réellement cossus se développent, les projets communautaires de développement se multiplient, la fierté des habitants est réelle. Une mixité encore relative Même si l'apartheid, sur le plan juridique, a totalement disparu, les discriminations économiques et sociales n'ont pas été effacées. De même, la mixité reste très relative. Sans doute plusieurs générations seront nécessaires pour refermer les plaies du passé et malgré quelques témoignages d'impatience, il nous paraît possible d'envisager que le peuple - noir notamment - puisse demeurer patient (pour beaucoup, ce nouveau sentiment de liberté l'emporte sur le désir d'une vie matériellement plus « confortable»). La plus grande inquiétude, car la plus grande incertitude, réside dans les tensions, les violences qui agitent le K wazulu-Natal. L'Inkatha et son « Ubu-chef» Buthelezi représentent un danger considérable pour la stabilité de la nouvelle Afrique du Sud. Certains nous ont fait part de leur crainte de voir le K wazulu se transformer en un nouveau Rwanda! Mais l'Afrique du Sud a su faire face à tant de défis qu'elle parviendra sans doute à résoudre celui-ci. La situation dans cette nouvelle nation est si complexe, si particulière et les enjeux si considérables que notre optimisme ne peut être que tempéré, même si l'espoir reste vivace. Quel symbole pourrait représenter ce pays s'il réussissait à éliminer le racisme sous toutes ses formes .• Xavier Saliaris MRAP - Grenoble, ancien animateur du Comité grenoblois anti-apartheid (1982-1992) « L'Homme est un homme blanc et bourgeois » Au moment où se tenait la 4 ème Conférence des NationsUnies sur les femmes à Pékin, les éditions du Conseil de l'Europe (1) publiaient un modeste petit livre intitulé Plaidoyer pour l'égalité. Le propos de ce texte illustré par des tableaux et des statistiques, est d'« identifier dans tous les domaines les droits porteurs d'une véritable égalité dans la dualité. Droit de tribune politique, reconnaissance professionnelle, droit d'accès à tous les avoirs, droit de procréer librement ou droit de transmettre son nom, toutes ces conquêtes abouties ou encore à réaliser sont les marques du progrès de la condition des femme et de l'espèce humaine tout entière ». Ce texte est préfacé par Gisèle Halimi qui écrit notamment concernant ce qu'elle appelle l'ambiguïté philosophique et politique parlementaires femmes au monde. En 1975, au début de la décennie de la femme, ce pourcentage était encore de 12,5 % et l'année record dans ce domaine était l'année 1988 avec 14,6 % de femmes dans les parlements. Parmi les Etats membres du Conseil de l'Europe (1), seuls quatre Etats ont actuellement une représentation supérieure à 30 %. Il s'agit en l'occurrence de la Finlande avec 39 %, de la Norvège avec 35,8 %,de la Suède avec 33,5 % et du Danemark avec 33 % ». Le 6 ème chapitre décrit la situation des femmes immigrées en Europe. Il distingue deux types d'obstacles qui s'opposent à une intégration véritable des femmes immigrées : ceux provenant de la société d'accueil et ceux provenant de la communauté immigrée. Au nombre des difficultés imposées par les pays d'accueil, du principe d'universalité: « Dans son acception classique (Déclaration de 1789), l'Homme porteur des droits universels est un individu neutre, générique et généreux. Dans la réalité (Sartre le soulignait), l'Homme est un homme (blanc et bourLes petites Inains sont répertoriés: le statut juridique, trop souvent dépendant des conditions restrictives du regroupement familial ; une position plus faible des femmes immigrées en matière de sécurité de résidence, de droit au Les femmes représentent la moitié de la population mondiale, elles sont à l'origine de deux tiers de tout le travail accompli au monde; elles reçoivent 10 % des salaires et ne sont propriétaires que de 1 % de toute la propriété au monde. travail, etc., découlant de la législation en vigueur; la discrimination en matière d'emploi; la discrimination et les problème d'accès à l'éducation ainsi qu'à la formation professionnelle; les faiblesses et les incohérences de la législation du pays d'accueil en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. » geois) et non une femme. Ainsi admise, l'universalité peut jouer un rôle de paravent respectable. Les atteintes spécifiques aux droits de l'homme (donc universels), dont souffrent les femmes parce que femmes, deviennent invisibles. De toutes manières, il sera interdit, au nom du principe, de prouver le contraire. On peut toujours - c'est si commode - incriminer les mentalités, leur retard notoire, leur puissance maléfique pour anéantir les effets de nos lois démocratiques ... Mais au fil des statistiques et des années, l'argument sonne faux. Lisez les chiffres de participations dans les parlement et vous constaterez le décalage entre la proclamation égalitaire et la réalité ». Le chapitre sur « la démocratie et les femmes» est explicite: « L'édition 1993 du rapport de l'Union interdépartementale a révélé que la représentation féminine au sein des parlements avait encore régressé et, ainsi l'on ne compte plus que 10,1 % de Ce livre fait 175 pages; on y apprend beaucoup et comme le plus souvent grâce à la comparaison entre les pays, les législations, les statistiques. On peut se le procurer auprès de la librairie Kléber, Palais de l'Europe à Strasbourg, fax: 88 52 91 2l. Chérifa Benabdessadok Les Etats membres du Conseil de l'Europe sont: Albanie, Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Moldova, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, République tchèque, Turquie. Différences n° 168 Novembre 1995 • EN BREF • Le Forum des Artistes Intellectuels et Scientifiques algériens qui a tenu une rencontre à Paris les 23 et 24 septembre derniers sous le thème « contre le fascisme intégriste et pour la démocratie» lance une souscription pour financer les frais de publication de l'appel issu de cette rencontre et la liste des signataires. Pour toute information supplémentaire, écrire au FAIS à l'adresse du siège du MRAP. • Deux couples qui venaient le 21 octobre à la mairie de Roubaix sceller leur union ont refusé que la maire-adjointe y procède; motif: la consonance étrangère de son nom. Le MRAP a décidé de porter plainte pour discrimination raciale. • L'université Paris 7 organise les 13 et 14 décembre prochains un colloque européen: « Réussite scolaire et universitaire, égalité des chances et discriminations à l'embauche des jeunes issus de l'immigration ». URMIS, tour centrale 6ème étage, pièce 608, université de Paris 7, tél 44 27 56 66, fax 44277887. Accords de Taba L'OLP et Israël ont conclu le 26 septembre à Taba, en Egypte, un accord sur l'extension de l'autonomie palestinienne en Cisjordanie et le redéploiement de l'armée israélienne. Cet « accord d'étape» divise la Cisjordanie en six zones aux statuts différents. L'armée israélienne doit notamment se retirer dans l'intervalle de six mois (d'ici mai 96) de six villes tandis qu'elle se maintiendrait au coeur d'Hébron pour assurer la protection de 32 familles de colons. Un curieux cadeau aux extrémistes si l'on constate que l'opinion publique israélienne est favorable au démantèlement des colonies. L'accord prévoit également l'utilisation par les Palestiniens de 18 % des réserves d'eau. En bref, nous sommes encore loin des dossiers qui viendront sur la table des négociations finales, mais si les provocations des extrémistes des deux bords, ne font pas capoter totalement le chemin du dialogue, on peut dire que la voie de la paix est toujours ouverte. Il faut, de ce point de vue, souligner cette déclaration du Premier ministre israélien : « Je ne suis pas favorable à l'établissement d'un Etat palestinien dans la période actuelle. Et j'insiste sur "période actuelle". Mais pour l'avenir toutes les solutions sont envisageables ». Une déclaration qui, à son tour, lève le tabou sur l'Etat palestimen. CHRONO PO Orange extrême Au cours d'une conférence de presse tenue le 2 octobre, Didier Thibaut, président délégué du Syndicat national des directeurs d'entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) a lancé un appel aux élus et à l'ensemble des formations politiques « sur les dangers du populisme et de la régression culturelle ». Il s'agissait en particulier d'exposer les problèmes que vont vivre les trois villes dirigées par des maires appartenant au Front national. Christian Paquet, directeur du Théâtre national de la danse et de l'image de Châteauvallon a déclaré : « Il y a un vrai danger néofasciste dans ce pays, contre lequel il faut cesser d'être en situation de négociation pour mener une lutte frontale. Je ne crois pas à une réponse politique contre le FN, je crois à une réponse culturelle. » Le directeur du centre culturel Mosaïques d'Orange, Liberto Vals, est pour sa part dans une situation différente: le maire, Jacques Bompard, a purement et simplement décidé de couper les vivres au Centre. Le Conseil municipal de cette ville a, le 26 septembre dernier, décidé de « dénoncer la convention triennale signée avec la municipalité précédente». La politique de I"urgence La préfecture de la région Ile-de-France a annoncé le 3 octobre la livraison avant la fm décembre de 2 900 logements destinés aux plus démunis, c'est-à-dire ceux qui sont dans la rue ou risquent de s'y trouver à brève échéance. Cette annonce entre dans le plan du ministère du Logement qui a fixé à 10 000 le nombre de logements d'urgence à fournir au niveau national. Mais les associations spécialisées reprochent au ministre d'utiliser des crédits destinés à construire des logements sociaux pour des opérations visant à répondre à l'urgence. Paradoxes de lajustice américaine o. J. Simpson, ancien footballeur noir américain, accusé du meurtre de sa femme et de l'ami de celle-ci est acquitté le 3 octobre à l'issue d'un procès qui a duré neuf mois. Paradoxes: ce procès fut aussi celui de la police et notamment du policier qui a mené l'enquête lequel s'était vanté publiquement de vouloir truquer les preuves s'il pouvait coincer un couple mixte. Le jugement a, d'après la presse et les médias, diVise l'Amérique en deux: en gros les Noirs sont satisfaits de l'acquittement, tandis que les Blancs convaincus de sa culpabilité sont « sous le choc ». Toulon, mutation! Le secrétaire général de la mairie de Toulon passée au Front national lors des dernières municipales a signé début septembre un ordre de mission signifiant à un animateur de quartier sa mutation au service du nettoiement. Sous la municipalité précédente (UDF-PR) ce jeune d'origine arabe était l'un des piliers du Centre des loisirs et de l'animation scolaire. Une des applications immédiates de la préférence nationale se- La Libye expulse La ruine des campagnes, la misère des bidonvilles, les déplacements de population dûs aux guerres, et bien souvent toutes ces causes à la fois, contraignent des millions d'hommes et de femmes d'Asie et d'Afrique à l'émigration. ( ... ) Partout, ils sont en butte à la xénophobie et à la violence. Pour des raisons politiques, la Libye expulse des Palestiniens et des Soudanais (300 000, dit-on). Beaucoup de Palestiniens n'arrivent pas à pénétrer dans les territoires autonomes, l'armée israélienne leur en interdisant l'accès. Les Soudanais sont massés à la frontière. Le MRAP demande à la Jamahirya libyenne de suspendre ces expulsions et de ne mettre fin au séjour des travailleurs immigrés que dans les conditions définies par leur contrat et selon un plan de licenciement. Communiqué du MRAP /3 octobre 1995 Différences n° 168 Novembre 1995 UR MÉMOIRE rait ainsi de pousser les « français de papier» à la démission. A propos de sport A la suite des interventions du MRAP auprès du Conseil régional d'Ile-de-France concernant les manifestations racistes et xénophobes parmi les supporters durant le match PSG / Le Havre du 31 mai au Parc des Princes (cf. dnn Différences n0164), plusieurs conseillers régionaux ont répondu par courrier à l'association. Notamment, Bernard Lehideux qui assure dans un courrier daté du 3 octobre que « l'attitude du groupe UDF, lors du débat relatif au vote du budget d'achat de places pour les matches du PSG, dans le cadre de la discussion sur le budget primitif pour 1996, sera dictée par les réponses sans équivoque et efficaces qui auront été apportées par les dirigeants du Paris Saint Germain pour que cessent ces atteintes insupportables à l'esprit du sport ». Le MRAP a également bénéficié du soutien du groupe Communistes et apparentés qui a attiré l'attention du président du Conseil régional, Michel Giraud, sur ces faits devenus quasi-rituels. La démocratie version FN.J Un jeune lycéen de 17 ans a été frappé par des militants du Front national de lajeunesse devant les portes du lycée PaulBert dans le 14ème arrondissement de Paris. Cela se passait le 12 octobre dernier alors que les militants d'extrême droite distribuaient des tracts. Le lycéen tabassé a eu le tort de déchirer le tract en question, ce qui est apparu comme insupportable par « l'aile marchante » du Front national comme Le Pen aime à considérer les jeunes sbires du mâle front. Samuel Maréchal, le gendre de Le Pen, a cherché à minimiser l'agression en considérant qu'il ne s'agissait pas « d'un drame national ». Les parents du jeune homme ont porté plainte contre X et contre le FN. Lourdes condamnations en Allemagne Les quatre incendiaires de Solingen, responsables de la mort de deux jeunes femmes et trois petites filles turques, ont été condamnés à de lourdes peines de prison par le tribunal de Düsseldorf le 14 octobre : quinze ans pour le plus âgé et le plus politisé d'entre eux, et dix ans pour les trois autres. Le premier appartenait à un groupe d'extrême droite. Ces crimes racistes de Solingen (mai 1993) avaient été le point culminant d'une vague de Joseph Rotblat, prix Nobel 1995 Le prix Nobel de la paix 1995 a été décerné le 13 octobre à un physicien militant antinucléaire britannique, Joseph Roblat, et à son mouvement, Pugwash. Le comité Nobel norvégien a émis l'espoir que cette décision « encouragera les dirigeants du monde entier à intensifier leurs efforts,pou~ déba~rasser le monde des armes nucléaires ». Tandis que le laureat declaralt que ce prix est « un message à la France, à la Chine et au reste du monde ». « J'espère, a-t-il ajouté, que le message à la France est clair ( ... ) : la sécurité du monde ne dépend pas des armes nucléaires. A l'appel de six organisations pacifistes, 15 000 personnes ont manifesté le 15 octobre dans le port du Fret, à la pointe du Finistère, face à l'île Longue qui abrite la flotte stratégique nucléaire française. L'académicien Théodore Monod qui y participait au nom du Mouvement pour une alternative non violente a notamment déclaré au journall'Humanifé(16 octobre) « Il n'existe que trois abris antinucléaires en France, à Lyon, sous l'Elysée et à l'état-major de Taverny. En cas de conflit nucléaire, je voudrais voir la tête des gens qui après avoir pendant six mois mangé leur caviar quand ils ouvriront leur porte s'ils réussissent à l'ouvrir. A l'extérieur, il n'y aura plus qu'un monde d~ mâchefer et de céramique! L'action du lobby nucléaire - vivace en France - risque de mener à cela! ». violences xénophobes qui ont pris les Turcs pour cibles. Tremoletde Villiers Le MRAP émet une vive protestation à l'encontre des propos tenus par l'avocat de Touvier, maître Tremolet de Villiers, diffusés sur la chaîne TF1 le 12 octobre au cours d'un reportage dans l'émissionJy croisjy crois pas. L'avocat a déclaré : « Lorsque Touvier a été poursuivi et condamné, c'est parce que certains et au premier rang desquels, Serge Klarsfeld, a voulu que ce soit un crime français qui soit puni. Je le dis : tous ceux qui sont venus témoigner de ce qui s'était passé à ce moment-là, ne pouvaient que mentir. Nous avons donc vécu une parodie de justice organisée. Ce n'est pas le nazisme qu'ils poursuivent, ce n'est pas vrai, ce sont des leurres. Ce qu'ils veulent faire condamner, c'est ce qu'il y a de plus pur, de plus indiscutable dans la renaissance des années 1940-41-42-43, et c'est cela l'enjeu de l'affaire Touvier ». Pour le MRAP, cette déclaration relève de l'apologie des crimes contre l'Humanité et doit être condamnée. Par ailleurs, les propos sur les magistrats et les témoins sont diffamatoires, lorsque l'on sait que l'instruction a duré plus d'une vingtaine d'années et le procès s'est étalé sur au moins un mois et demi. Eléments d'information rassemblés par Chérifa B. Différences n° 168 Novembre 1995 EN BREF • Le 24 octobre dans l'après-midi, le septième charter d'expulsés depuis juin a quitté Paris avec à bord, selon la presse du 30 octobre 33 Tunisiens et 27 Zaïrois renvoyés dans leurs pays respectifs. • La Fédération protestante de France tient ses Assises durant les 24, 25 et 26 octobre. A l'issue de leurs débats, les 500 délégués ont voté une motion contre le renforcement de l'arsenal antiterroriste qui élargit les conditions d'application du « délit de solidarité ». • Le 30 octobre, Sarah Balabagan, cette employée philippine aux Emirats arabes unis, accusée du meurtre de son patron violeur est condamnée à une année de prison, au lieu de la peine de mort à laquelle elle a échappé. • Les trois maires FN sont convoqués à exposer leurs bilans devant le bureau politique de leur parti le 30 octobre. Le Pen a déclaré sur une radio que ces maires ont été « élus sur des listes du FN, sur le programme du FN, avec le patronage du FN et du président du FN ». Il Il D'aprè s les c ommuniqués du MRAP FLAGRANT DÉLIT UN GRAVE AMALGAME Le maire de Beaucaire (Gard) demande au ministre de l' Inté· rieur de prendre un arrêté soumettant tout étranger (régulier ou non) qui souhaite s'installer dans le département à J'autorisation du préfet. C'est ce qui découle d'une délibération relative à l' immigration sur la commune du Conseil municipal de la ville de Beaucaire du 23 octobre dernier, laquelle illustre parfaitement l'amalgame que nos élus font entre immigration et délinquance. Le député-maire Jean-Marie André fa it valoir que depuis quinze ans«Jes banlieues s 'enfoncent dans la barbarie el l 'Etat n y a p lus sa place. Mais aujourd'hui ce sont nos villes de province et nos villages du midi qui en sont atteints. L'immigration y est conquérante et les élus du terrain que nous sommes, vivent l'insécurité de leurs administrés et la leur, quotidiennement. Il n y a pas une journée où es-qualité, nous ne sommes confrontés à des problèmes de violence, de drogue, de trafic en matière de bons d 'aide médicale, de cartons de médicaments envoyés à l 'étranger sur les fonds sociaux français ... ». ( ... ) Ces propos relèvent de la provocation à la haine envers la population immigrée, et le MRAP ne manquera pas d'engager les poursuites judiciaires adéquates. Le MRAP condamne avec force cette intention et dénonce l' escalade à laquelle se livrent les maires. En outre, ce type d'attitude donne une légitimité aux thèses xénophobes et racistes prônées par le Front national en faisant un réel amalgame entre l'immigration et l'insécurité. Le MRAP attend du ministère de J' Intérieur qu' il mette un tenne à l'ensemble de ces pratiques. 25 octobre 1995 Le MRAP est profondément choqué par le contenu du projet de loi que le garde des Sceaux vient de présenter au Conseil des Ministres. Ce projet relatif à la lutte contre le terrorisme, élargit la liste des infractions considérées comme des actes de terrorisme en y insérant l' infraction d'aide à un étranger en séjour irrégulier. Le MRAP n'entend pas s' opposer à la nécessité de lutter farouchement contre le terrorisme. En revanche, il dénonce l'esprit pernicieux du gouvernement qui exploite la crise actuelle pour renforcer l'arsenallégislatifà l'encontre des immigrés et des personnes leur apportant une aide humanitaire. Il rappelle que la législation française instituant le délit de solidarité et son application récente par les tribunaux vont à l'encontre de la Convention Campagne Sauvons Mumia Abu-Jamal le collectif d'associations qui a entamé il y a plusieurs mois une campagne pour la révision du procès de Mumia Abu-Jamal, journaliste noir américain condamné à mort, organise un meeting de solidarité. l'TlIeeti rIIg Lundi 27 novembre de 18 h 30 à 22 heures Bourse du Travail, salle Ambroise Croizat 3 rue du Château d'Eau 75010 Paris; métro : République Interviendront au cours de cette importante rencontre qui sera présidée par Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP : c:> Leonard Weinglass, avocat de Mumia c:> Kathleen Cleaver, avocate c:> Michel Forst, président d'Amnesty International France c:> Christine Oaure Serfaty, présidente de l'Observatoire international des prisons c:> Marie Agnès Combesque, journaliste, membre de la Commission Amériques du MRAp, qui sera de retour d'un séjour aux Etats-Unis c:> Un représentant du Parlement international des écrivains. DffNrences n- 1eB Novembre 1995 de Schengen qui ne vise que la répression de l'aide à des étrangers « à des fins lucratives )}. En outre, un tel projet concourt à un réel et dangereux amalgame entre l' immigration et le terrorisme. Cette confusion inacceptable légitime les thèses de l'extrême droite et nous dirige vers un Etat policier. Sous couvert d'un état de crise, le Gouvernement porte une atteinte considérable aux libertés individuelles. Par le biais de cette procédure d'exception, une personne apportant une a ide à un étranger en situation irrégulière pourra voir son domic ile perquisitionné en pleine nuit, être maintenue en garde à vue durant quatre jours. ( ... ) Le MRAP va saisir l'ensemble des groupes parlementaires afin qu' une résistance s ' organise contre ce projet de loi. 26 octobre 1995 89, rue Oberkampf 75543 Paris Cedex 11 Té1.: 43 14 8353 Téléoepie: 43 14 83 50 • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérant bénévole Martial Le Nancq • Rédactrice en chef Cherifa Benabdessadok • Administration - gestion Patricia Jouhannet , Abonnements Isabel Do:s Marti res 120 F pour II numtroslan 12 F ie numéro • Maquette Cherifa Benabdessadok Impression Montligeon Tél.:3385S000 • CommisskJn paritaire nQ 63634 ISSN 0247·9095 Dépôt légal 1992· 10 • )

Notes

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