Différences entre les versions de « Différences n°134 - octobre 1992 »

De Archives
Aller à la navigation Aller à la recherche
m (Remplacement du texte — « </div> » par « </div>{{Notes de bas de page}} »)
 
(Aucune différence)

Dernière version du 1 mars 2012 à 11:12

Sommaire du numéro

n°134 de octobre 1992

  • Edito: la mémoire ou la honte par Mouloud Aounit
  • Faut-il encercler l'échec scolaire par C. Benabdessadok
  • La parole est à Boulogne: interview de Patrick Schwiezer
  • Yougoslavie: l'horreur de la purification ethnique
  • Immigration: la société française face à elle même propos de Samir Nair recueillis par I. Avran

Numéro au format PDF

Cliquez sur l'image ci-dessous pour avoir accès au document numérisé. Cliquez ensuite sur l'onglet "précédent" de votre navigateur pour revenir à cette page.

Voir-pdf.jpg

Texte brut

Le texte brut de ce document numérisé a été caché mais il est encore visible dans le code source de cette page. Ce texte ne sert qu'à faire des recherches avec la fonction "rechercher" dans la colonne de gauche. Si une recherche vous a amené sur cette page, nous vous conseillons de vous reporter ci-dessus au document numérisé pour en voir le contenu.

1 l EDITO LA MÉMOIRE OU LA HONTE Rostock: des jeunes habillés d'une mentalité que l'on croyait caduque, braIent. sous le regard de la police el les applaudissements d'une panie de la population. des foyers de demandeurs d'asile. Depuis le début de J'année, JO morts. 100 blessés ont été victimes de cette gangrène raciste. Les commentaires soulignent à juste ti tre les ressorts de ces actes barbares: chute sociale. abandon, ave· niT opaque. pene de repères. non-résolutions des probl èmes concrets. Dans le même temps, la riposte des antiracistes. n(){amment li Rostock. est presque ignorée. A vouloir lrop comprendre el expliquer, le risque est grand de voir ces actes justifiés, d'occulter aussi "la stratégie des tensions" de l'exlrême-droitc en Allem agne. Ba rrer la route au développement du racisme, révélateur de déchirures humaines, gcmle actif de d&:omposi tion sociale, passe par un éclairage et une intervention sur les re ssorts sociau)( qui propul sent le raci sme : par la lutte contre les e)(c1usions, le développement de la marginalité, les situations d'infra-droit. L'oubli de la mémoire 1araude aussi le racisme. En France, le racisme ami-maghrébin se nourrit aussi du non-dit ct le l'amnésie collective autour de la guerre d'Algérie. Les brèches antisémites qui s'ouvrent aujourd'hui en France relèvcnt de la contre-offensive des révisionnistes, du blanchiment de Touvier, du piétinement dans la recherche des auteurs de la profanation du cimetière de Carpentras, Parce que les bourreau)( et tes tortionnaires d'hier on t s urgi d'un peu ple comme les autres, [a mobilisation des antiracistes sur les non-lieu)( de la mémoire est un acte pédagogique indispensable, salvateur. Le 17 octobre 1992 : 31- anniversaire d'un massacre orchestré par un certain Papon où périrent 200 Algériens, où une rafle aussi mét hod iquement menée que ce lle du Vel'd'HiventraÎna 11000 arrestations et 400 disparus. Le Mrap demandera, à cette occasion, l'ouverture des arc hi ves et un traite ment autre de la guerre d'Algérie dans les manuels sco lairb. Le 9 novembre, nous commémorerons le 54 .... anniversaire de la tragique "nuit de cristal", Une riposte antira' ciste à l'échelle européenne sera organisée. Le Mrap fera de cctte date un poim de départ de reconquête de la lutte contre toutes les exclusions de la mémoire. Pour que la mémoire ne s'efface pas et que ne se renouvellent pas l'horreur ct la honte. Mouloud Aounil Dir~ct~ur d~ la publicalÎon OCTOBRE 1 9 9 l N ' 1 J4 lO F. FAUT·IL ENCERCLER L'ECHEC SCOLAIRE 1 La qu~slion ainsj/ormufé~ peut paraftr~ saugrenu~ ~t la ripon s~ unanim~ par son appar~nt~ ivjd~nc~: oui, iI/aut enurcIer l'lchec sco",ire! Pourtant, onze ans après sa mise ~n pIQc~, la politjqu~ ilabori~ dans I~ cadn des Zon~s d'Education Prioritains, u nsle encercler l'ichu scolair~ comm~ on balis~ un te"ain d~ batQiII~, cdU politique bUle sur /lne qu~stion-cfé : pour quoi/aire? La politique des Zep concerne tres directement le Mrap dont le dernier congrès s'esl déroulé sous la banniè re de la "lutte contre les e)(clusions el pour l'égalité des droits", Cette démarche.Zcp a été précisément conçue pour donncr plus de chances de "réussir" à ceu)( qui en ont le moins. Selon une circulaire ministérielle en date du 1er octobre 1990, la politique des Zep a pour objct "de renforcer l'action éducative dans les zones où les conditions sociales sont telles qu'elles conslituenl un facteur de risque voire un obstacle pour la ré uss ite scolaire des enfants adolescents qui y vivent et donc, a tenne, pour leur insertion sociale", DU TEMPS, DES MOYENS, DES GENS Il fallait donc investir pl us (de temps, de moyens, d ' argent, d'encadrement e t de réflexion) pour tirer "vers le haut" des enfants dont l'appartenance au)( couches sociales dites défavorisées entraîne d'emblée dans une logique d 'échec, Voilà de quoi éveiller l"appétit des militants du Mrap dans la mesure notamment où la question de l'échec des enfants d'immigrés est replacée dans son vrai conte)(te : celui de J'e)(clusion socio-économique et de "la France à deu)( vi tesses" que l'on a "découverts" via "Je problème de l'immigration", Pour autant, ce "replacement"' n"informe pas sur la stratégie adoptée et les objectifs assignés à J'école de la République: s'ag it-il en l'occurrence d 'encercle r l'échec scolaire dans le but d'éviter les risques d'e)(plosion à la maniere des opérations d'urgence anti-été chaud ou d'agir plus radicalement sur les mécanismes de reproduction à l' intérieur et à l'e)(térieur de l'école? Les fonnulations dominantes sur l'échec scolaire (institutions, presse, voire discours associatifs) continuent à appréhender les "conditions sociales" sous l'angle exclusif de la dégradation et de la négativité. Comme si, passant de "l'idéologie du don" à celui du détenninisme socio-économique, le regard porté sur l'école et les enfants qui y travaillent réalisait un saut qualitatif en surface (tous les enfants seraient potentiellement capables de "réussir") tout en restant profondément conservaleur sur le fond , En e ffe t, la prise en compte des paramètrcs socio-économiques conduit le plus souvent a laisser dans un parfait silence les richesses et les valeurs culturelles ou éthiques dOnl sont porteurs les milieu)( de la pauvreté ou du déclassement social et sur lesquelles, préc isément, l'école peut investir un savoir-faire pédagogiq ue au serv ice de sa fo nction propre : la transmission des savoirs. Comme l 'a ffirme J ean-Yves Roc he)!;. membre d'une équipe de recherche(l) à l' université de Saint-Denis (dans le département du 93), lier sans nuance "handicaps socioculturels" et échec scolaire conduit d'une part a une vision sociologique etlmocentriste pour (suit~ page 4) Ure les Informations brèves en pages intérieures Vincennes: les suites .. .............. ... ,_ ...... ..... p. 3 Renforcement du Mrap ....... ",,_ ...... ....... , p, 7 SOS juridique ... ......... . ............................. p, 7 le courrier de l'Éducation Nationale au Mrap ................. _.. _.. ...... p,9 La lettre ouverte au Président François Minerrand ...... p, 12 CHRONOLOGIE 12 : violences fascistes: faisant la tournée des bars de Quimperlé, avec un élu du Front National (Christian Mouton) deux Skinheads émèchés vocifèrent à l'encontre de la démocratie, menacent le patron du bar, s'en prennent à un jeune métis attablé dans le bar, le menacent à l'aide d'une chaîne et brutalisent plusieurs consommateurs. Une enquête est en cours. 14: droit d'asile: Pierre Dieuquifait, demandeur d 'asile débouté en mai 1991, meurt au commissariat de Chelles (77) lors d 'une garde à où il est retenu pour "défaut de titre de séjour". Le rapport du médecin-légiste conclut à l'auto-strangulation. Pierre Dieuquifait est mort après plusieurs mois d'espOIr et un an et demi de clandestinité forcée, dans un squatt parisien. Un collectif ô'associations (Aide et Soutien aux Haïtiens de France, Collectif Haïti, Gisti, Mrap, Syndicat des Avocats de France), demande que toute la lumière soit faite sur les circonstances de cette mort. Elles appellent le gouvernement à engager "un débat sur la réforme en cours de notre procédure pénale, en vue ô'un véritable respect des droits fondamentaux de l'individu". Afrique du sud: massacre dans le ghetto noir de Thembisa, au nord de Johannesburg. IS : Algérie: Le Haut Conseil d'Etat renforce les mesures d'état d'urgence prises le 9 février dernier. Trois nouveaux quotidiens sont fermés. 19 : SomalIe: Le Programme Alimentaire mondial poursuit son aide massive mais encore insuffisante aux populations victimes de la guerre civile, des persécutIOns ethniques, des pillages, la France met en place un pont aérien depuis Djibouti. Les réfugiés au bord de la famine se comptent par centaines de milliers. 20 : Expulsions : Deux dirigeants du FIS algérien, sont reconduits à la frontière par les autorités françaises. 21 : Souvenir: Charles Palant, au nom du Mrap, et Philippe Labeyrie, sénateur-maire de Mont-de-Marsan, inaugurent une plaque du souvenir à l'école du Pouy, en souvenir de huit enfants juifs arrêtés le 18 août 1942. Une autre plaque est posée, commémorant un lieu de passage clandestin de la ligne de démarcation entre les zones nord et sud. Palestine: à trois jours des négociations israélo-arabes devant reprendre à DU Mo 1 S Washington, Israël empèche la délégation palestinienne des territoires occupés de passer le pont du Jourdain. Rushdie: Salman Rushdie, en visite à Oslo, demande aux pays occidentaux de ne pas normaliser leurs relations diplomatiCJ,.ues avec l'Iran tant que pesera sur lui la condamnation à mort prononcée par l'ayatollah Khomemy. 22 : Allemagne: violentes attaques racistes contre un foyer de demandeurs d'asile à Rostock. (voir encadré). Le Mrap appelle à une "mobilisatIOn pédagogique anti-raciste" à l'échelTe européenne, propose la mise en place d'une législation anli-raciste en Europe, et saisit à ce sujet l'ambassade d'Allemagne. 26 : Algérie: attentat à la bombe tuant neuf personnes et en blessant plus d'une centaine d'autres a l'aéroport d'Alger. Cet attentat aveugle n'est pas revendiqué. 27 : Tziganes: naissance de l'Eurom à Budapest. Il s'agit du premier "Parlement européen des Tziganes". Les diverses organisations tziganes d'Europe de l'ouest et de l'est fondatrices de l'Eurom, qui représentent 10 millions de personnes, dénoncent la montée sur notre continent d'une xénophobie dont ils sont les victimes désignées, tout particulièrement en ex -Yougoslavie. 28-29 : Profanation: profanation du cimetière juif d'Herlisheim, dans le HautRhin. Près de 200 tombes sacca~ées. Aucune inscription n est relevée. Le consistoire israélite porte plainte contre X. Dans un télégramme adressé à la communauté israélite de la région et à Jean Kahn, Président du Conseil représentatif des Institutions JUIves de France, François Mitterrand fait part de ses "sentiments de révolte et d'indignation" et de ses "souhaits très vifs de voir sanctionnés ces agissements". Le Mrap "attend des pouvoirs publlcs et des autorités la mise en oeuvre des moyens susceptibles d'arrêter dans les plus brefs délais les coupables de cet acte odieux". Devant la multiplication en France comme en Allemagne, notamment, de violences de type néo-nazi - attentats contre des demandeurs d'asile, contre un monument juif de Berlin, profanations de cimetières ou de A- IS AOUT lieux saints..... le Mrap met en garde contre ce qui représente une véritable menace pour nos démocraties. Le 6 septembre a lieu une cérémonie de recueillement. Le 31 août, l'autel de la synagogue de Saint-Avold, en Moselle, est incendié par un individu espérant y trouver de l'argent. A Carpentras, plus de deux ans après la profanation du cimetière juif, le 10 mai 1990, les parties civiles s ' inquiètent de ce qui leur semBle pour le moms une lenteur de l'instruction. Elles s'étonnent de n'avoir pas été entendues par le juge a'instruction et ôe n'aVOIr pas eu accès aux dossiers. De même que le Crif, le Mrap redoute que "l'instruction aboutisse à un non-lieu à la fin de l'année", ce qui signifierait que la profanation demeurerait "impunie". 29 : Afrique du sud: tandis que depUIS mai sont interrompues les négociations entre le gouvernement raciste et l' Anc, l'enjeu en étant l'instauration d'une nouvelle Constitution et l'élection d'un gouvernement sur des bases non raciales que dirigerait vraisemblablement Nelson Mandela, le chef de Allemagne: réfugiés boucs-émissaires. Moins d'un an après les évènements racistes et sanglants d'Hoyeswerda, à la veille du second anniversaire de la réunification, (le 3 octobre), l'Allemagne est de nouveau le théâtre d'incidents racistes d'une rare violence, plusieurs semaines durant, au cours desquelles des jeunes par dizaines attaquent des foyers de réfugiés demandeurs d'asile. C'est à Rostock, cité-dortoir de l'ex-Rda, près de la Baltique, qu'est attaqué dès le 22 août le foyer planté au coeur de la cité. Plusieurs nuits de suite, des groupes de jeunes lancent insultes et cocktails molotov, avec l'appui actif ou passif d'une grande part de la population. Victimes économiques d'une réunification trop brutale, contraints à un chômage massif, les haBitants considèrent les demandeurs d'asile comme des concurrents potentiels et sont prêts à accepter jusqu'à la violence à leur égard. Dans les jours qui suivent, les violences s'étendent à d'autres villes d'Allemagne de l'est mais aussi de l'ouest. Quarante-quatre Bulgares échappent à la mort lors de l'atta9ue d'un foyer à Ketzin. Des manifestants insultent les habitants d'un foyer d'Eisenhüttenstadt aux cris de 'Sieg Heil". A Prenzlau, un bus est lapidé. Le 3 septembre, un foyer est incendié à Bonn. A Hembash, dans le Bade-Wurtemberg, deux enfants sont blessés ... Ce sont surtout quelques centaines de jeunes qui propagent la violence d'une ville à l'autre. Tous ne sont pas forcément affilies à des groupes d'extrême-droite. Pourtant, l'on estimait à 32300 le nombre de fascistes en Allemagne en 1990, à 39800 en 1991. La plupart (97%) sont des hommes, très jeunes. 70% ont 20 ans ou moins, seulement 3% 30 ans ou plus. Les néo-nazis se revendiquant officiellement des thèses hitlériennes seraient près de 4000. En revanche, les sondages ébrèchent les idées reçues sur la progression de l'extrêmedroite à l'ouest et à l'est. En 1992, ils seraient 19% de citoyens à l'ouest à se reconnaître dans les thèses d'extrême-droite, 12% à l'est. Le Front national français faIsait-il des envieux en Allemagne lorsque voici quelques mois encore, un Français sur trois se déclarait proche de ses thèses? En Allemagne, cette idéolo~ie de la haine a pris les chemins de la violence. 270 agressions de type raciste en 1990, 1483 en 1991, et dejà 670 durant les six premiers mois de 1992. Fort heureusement, ces attentats suscitent aussi dégoût et réactions politiques dans une partie de la société allemande. Par milliers, à l'appel, notamment, de mouvements alternatifs ou écologistes, des jeunes, des militants anti-nationalistes ... ont manifesté pour dénoncer les attentats de Rostock et d'ailleurs. Mais la population de Rostock a regardé sans trop se sentir partie ~renante ces cortèges de militants d'extrême-gauche dont ils rapprochent l'iôéologie à celle du pouvoir qu ils ont renversé, ou d'hommes et de femmes venus du confort des villes de l'ouest, cet ouest qu'ils sentent si méprisant à leur égard, venus comme pour leur donner des leçons. Du côté des "grands" partis politiques, si la condamnation est pratiquement unanime, la mobilisation se fait toujours attendre. En revanche, la démagogie fait recette. Faute de s' attacher à éradiquer les raisons de cette banalisation du fascisme, faute d'élaborer de véritables perspectives économiques et de citoyenneté à l'est comme à l'ouest, coupant 1 'herbe sous le pied des ser&ents recruteurs du néo-naZIsme, les autorités allemendes préfèrent légitimer l'idée d'un "seuil de tolérance qui serait "dépassé" en matière d'accueil des réfugiés. Il est vrai qu'en Europe, c'est vraisemblablement l'Allemagne qui a le plus ouvert ses portes aux ôemandeurs d'asile politique. Particulièrement à ceux des pa)!s ex-sociaristes. Les réfugiés yougoslaves eux-mêmes, p'0urtant VIctimes de la guerre civile, savent que S'Ils ont une petite chance de réfugier dans un pays d Europe, ce sera surtout en Allemagne. Mais l'Allemagne commence à mettre un terme à cette politique d' accueil. Si 43000 Roumains, majontairement Tziganes, ont foulé le sol allemand depuis janvier 1992 pour y demander le statut de réfugies politi9ues, moms d'un pour cent des dossiers traités ont reçu une réponse favorable. Pire: le SPD, qui jusgue la s'y opposait, a accepté la révision constitutionnelle prônée par le pouvoir en place concernant la modification du fameux article 16, celui qui concerne le droit d' asile. Avec un souci: non pas respecter les droits humains les plus élémentaires et les conventions internationales, mais restreindre le droit d'asile. I.A. 2 15 SEPTEMBRE l'Inkhata, Mangosuthu Buthelesei, appelle à une véritable guerre contre l'Anc. 31 : ex-Yougoslavie: publication du rapport de Tadeusz MazowiecKi (rapporteur spécial de l'Onu), sur la sltuationen ex-Yougoslavie (voir à ce sujet notre article pages 8 et 9). 1" septembre: . Droit au logement: à six heures du matin, la police expulse près d'une centaine d'occupants d'un hôtel meuble du XIème arrondissement dt: P~ris, pre~que tous ImmIgres, parmI lesquels 43 enfants. L'immeuble, racheté par l'OPAC en 1985, est voué à être détruit, l'OPAC voulant construire 220 logements sociaux dans le quartier. Depuis une décision d'expulsion du tribunal de grande instance de Paris de 1989, les familles paient une indemnité mensuelle d'occupation, ce qu'elles font. Elles demandent aussi un relogement à l'OPAC, ainsi qu'au maire d'arrondissement Alain Devaquet. Ce mardi, âprès diverses propositions en foyers mais essentiellement pour les cél i bataires et un seul relogement effectif, l'OPAC propose aux familles des les reloger à ses frais, provisoirement, durant trois mois, dans des hôtels de tourisme des XIème, XIXème et XXème arrondissements. Mais après ces trois mois? Double peine: M. Abderrahmane Derraridj entame une grève de la faim. Né en France, où il a toujours vécu, il a pourtant été condamné à une interdiction définitive du territoire, à la suite d'une condamnation par un tribunal correctIOnnel. Pour aller où? Pour s'exiler dans un pays qu'il ne connaît pas? C'est le principe même de la double peine, condamnant deux fOlS les non ressortissants français: une première fois pour le délit commis, comme tout citoyen, une seconde fois du fait gu'ils n'ont pas la nationalIté française. Le collectif contre la double peine, que le Mrap soutient activement, était parvenu à quelques avancées significatives protégeant certaines categories de non ressortissants français. Pourtant, les expulsions se poursuivent. (voir à ce sujet la lettre ouverte du Mrap au Président de I~ République, page 12). La situatIOn personnelle de nombre de grèvistes de la faim de janvier et février 1992 demeure donc plus que précaire. C'est le cas a' Abderrahmane Derreridj. Le Mrap, "qui ne peut approuver le principe d'une greve de la faun, appuie ses revendications et partage les motifs de sa colère". 2 : Logement: plusieurs des familles qui, ne parvenant à trouver un logement à Paris, s 'étaient réfugiées dans un immeuble de Montreuil d'où elles avaient été expulsées le 28 juillet dernier viennent d 'obtenir un relogement dans cette commune, sur décision de la Préfecture. Le maire de Montreuil, Jean-Pierre Brard, accuse le maire de Paris de pratiquer "une politique d'Apartheid" et de vouloir "transformer les communes de banlieue en ghettos". 4 : Maroc: 97% de participation et 99,96% de oui au réferendum proposé par le roi pour modifier la Constitution. L'oPl?osition crie au trucage. 4-6 : DrOIts humains: Au cours d'une conférence à La Haye, Amnesty International preconise un renforcement des préro~atives de l'ONU en matière de defense des droits humains. L'organisation souhaite notamment que la commission des droits de l'Homme puisse désigner des rapporteurs susceptibles d'enquêter en extrême urgence sur les si~ations waves.~lle propose la creatJon d un bureau des drOits de 1' Homme, doté de véritables moyens d'enquête, de surveillance et d'action. Pour Amnesty, qui condamne aussi la violence aveugle de certains mouvements d'opposition, il est temps qu'audela des discours ou des condanmations formelles les Etats qui se prétendent défenseurs des drOits humains prennent de véritables mesures économiques et politiques à l'encontre de ceux gui les violent S : Radio-Beur: apres onze années d'émiSSIOn, Radio Beur n'a pas obtenu de nouvelle autorisation de la Csa qui, décidément, s'autorise des sélections selon des critères qu'il serait bon de débattre ... Radio Beur organise à Paris son dernier concert de la solidarité. Sahara occidental: Bachir Mustapha Sayed, dirigeannt du Front Polisario déclare que le Maroc a violé à plisIeurs repnses le cessez-Iefeu conclu un an plus tôt. Le Front Polisarion envisagerait de reprendre les armes. 6 : ClOVIS : Le Pen tient meeting devant la cathédrâle de Reims, l'évêque de Reims, dénoncé comme un dangereux ,Progressiste par le FN, n ayant pas voulu se prêter à cette grand messe d'extrême-droite. Non content de polémi9,uer, le Pen en appelle au châtiment" contre les promoteurs de toute construction européenne. Nouvelle "guerre sainte" néo-fasciste made in France? N'ayant rien trouvé d'autre, fantasmant sur 3 CHRONOLOGIE DU Mo 1 S Clovis comme sur "les soldats trahis d'Indochine et d'Algérie", Le Pen ne précise pas quelles armes il choisirait pour supplicier ses adversaires, de la roue ou de l'électricité qui lui rappelle sans doute des souvemrs plus récents. Mais peut-être cette ~uestion est-elle pour lui de 1 ordre du détail. SOS: Fode Sylla succède à Harlem Désir à la tête de SOS-racisme. L'organisation se réoriente plus résolument vers les banlieues mais en même temps vers des coopérations antl-racistes à l'échelle européenne. 7: Afrique du sud: l'armée du Ciskeï tire sur des manifestants de l'ANC. Au-moins 25 morts et plus de deux cents blessés. 9 : Ma~oc : début d'une grève de la faIm de Mohamed Raïss, détenu 18 ans à Tanzmamart puis aujourd'hui à Keinitra. Souffrant de la colonne vertébrale, il demande à voir un médecin spécialiste. Etats-unis: manifestation de Haïtiens devant la Maison Blanche. Ils réclament notamment que le droit d'asile ne SOIt pas systématiquement bafoué à leur encontre. Le joueur de tennis Arthur Ashe, venu les soutenir, est arrêté. Par ailleurs, toujours aux Etats-unis, selon une enquête du centre de recherches de l'Université Tufts de Boston, sur 250 millions d'Américains, 30 vivent en-deçà du seuil de pauvreté au pomt de ne pas manger à leur faim. 12: droit d'asile et détention arbitraire: le comité de soutien aux détenus du droit d'asile organise à Rennes une marche de protestation contre la détention prolon$ée de militants du comite ayant hébergé des membres "supposés" de l'ETA. 13 : Profanation: de nouveau un cimetière juif est profané. Le cimetière de "La Mouche", à Lyon. Le Mrap demande au gouvernement et à la Justice de faire toute la lumière sur cette affaire. La fédération du Rhône porte plainte auprès du Procureur ôe la République. Sans doute peut-on y voir les effets mévitables de la propagation des discours de haine raciste. Mais, selon le Mrap, "ces évènements répétés indiquent que que les néo-nazis ont entrepris une véritable offensive a l'échelle européenne". Aussi le Mrap invite-t-il à des initiatives nationales et européennes concertées, en particulier à l'occasion du smistre anniversaire de "la nuit de cristal" du 9 novembre 1938. Chronologie établie par I.A. Protocole d'accord pour les mal-logés de Vincennes Tandis que près de trois cent familles campaient toujours sur l'esplanade de Vincennes faute de logement, deux représentants des famille s, un représentant du Conseil des Maliens de France accompagnés de deux représentants du Mrap négociaient début septembre avec la Préfecture de Paris le relogement immédiat des sans-toits et l'amélioration des conditions de logement des familles les plus mal logées. Un protocole d'accord est alors conclu, répartissant les familles en quatre catégories: les sans abri, les très mal logées pour lesquelles des relogements d'urgence sont également indispensables, les mal logées, et enfin une autre catégorie de familles "dont la situation réclame un réexamen". Ainsi, à 35 familles sans toit est proposé un hébergement immédiat (éventuellement provisoire), 72 familles très mal logées devraient bénéficier enfin d'un logement dans un délai maximum de six mois, une promesse de solution dans un délai maximum de dix mois étant faite aux familles considérées comme "mal-logées". Durant ces périodes de six à dix mois, les familles devraient accéder à des logements passerelles, en dur ou non. Le Mrap, présent depuis le début du conflit, "se félicite de l'avancée, bien que tardive, de (ces) négociations et de (ces) décisions". Il estime qu'il s 'agit d' une "avancée positive", mais entend bien "rester vigilant quant à l ' application effective des décisions prises durant ces négociations". Il rappelle aussi à quel point sont nécessaires "une volonté politique et des engagements effectifs des pouvoirs publics pour s'attaquer au problème des mal logés ". Plusieurs familles jugent cependant cet accord très insufisant. Et, plusieurs jours après la conclusion de l 'accord , des "lenteurs" dans sa mise en oeuvre par la préfecture notamment, entraînent rancoeur et colère des familles qui campent à Vincennes. Certaines des familles sans toit se trouvent confrontées à la volonté des communes où elles ont été relogés de ne pas les accueillir, soit parce que les politiques de quotas sont toujours et encore à l'oeuvre à l'encontre de familles immigrées, soit parce que des maires estiment insuffisantes les conditions de salubrité des lieux d'hébergement. Ces lenteurs et ces "dysfonctionnements" ont conduit les familles à élire de nouveaux délégués des familles, désavouant en partie ceux qui les avaient représentés jusqu'alors. Le Mrap met en garde contre toute utilisation à des fins politiciennes des difficultés auxquelles se heurtent les familles, contre les dangers de revendications "extrêmes" jugées "irréalistes", et appelle la Préfecture de région à ne pas prendre prétexte du fait que le camp n'a naturellement pas été levé dans les délais prévus pour ralentir ou interrompre le plan de relogement. Il appelle la préfecture à respecter effectivement le protocole dans les délais les plus brefs. ZONES D'ÉDUCATION PRIORITAIRES ZONES D'ÉDUCATION PRIORITAIRES FAUT-IL ENCERCLER L'ÉCHEC SCOLAIRE? (suite de la page 1) laquelle les populations circonscrites (encerclées?) sont stigmatisées comme homogènes et d'autre part à fausser le statut dans cette perspective, l'école est paralysée: soit elle est appréhendée comme to ute pu issante, capable de réparer magiquement toutes les dégradations opérées ailleurs, dans l'histoire indivi duelle ou collective des enfants, soi t elle est vécue comme impuissante face a ce qui se construit ou se passe hors d'elle: chômage, délitement ou démission des familles, etc. Cette vision des choses à laquelle Jean-Yves Rochex semble attribuer l "'impensé" de la politique des Zep pèse probablement assez lourd dans la partie négative du bi lan de l'action éducative-Zep inspirée, il faut bien le rappeler, du principe anglo -saxon de la "discrimination positive". Jean-Yves Rochex, dont les travaux sont éclairants, tient à rappeler que malgré l'ampleur des moyens mis en oeuvre aux EtatsUnis, à partir de 1964-1965, les programmes éducatifs compensatoires dont l 'objectif était d'enrayer le "cycle infernal de la pauvreté" dans les ghettos s'averent peu probants. Pire, certains des promoteurs de ces programmes (dont le plus connu est A.R. Jansen) n'ont pas hésité à conclure à l'existence d'une infériorité intellectuelle d'origine génétique qui séparerait les Noirs des Blancs, working class and middle class". Cette information révèle bien le danger que présenterait l'échec de la politique des Zep si cet échec, qui n'est pas avéré, n'était pas analysé en fonction de critères d'évaluation objectifs et précis. Ici aussi, on pourrait vite conclure à la manière Jansen si on n'instaurait pas une "visibilité des pratiques pédagogiques et de mise en cohérence des interventions éducatives des différents "partenaires" (2). Le chercheur a bien raison de remarquer que n'ayant pas diffusé l'information nécessaire sur les expériences de discrimination pos itive aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, le ministère français a privé les acteurs de terrain fran çais (qu'il invitait pourtant à se mobiliser) des leçons et des interrogations que ces expé riences ont fournies. Dommage. LA CARTE DES ZEP ET LE FONCTIONNEMENT DE L'ÉCOLE ET SON RÔLE Les découpages administratifs font apparaître l'existence de 362 ZEP en 1982-1983, 390 en 1984- 1985, 507 en 1989-1990 (cf.tableau). Pas de hasard à ce que TOUS les quartiers qui font l'objet de projets DSQ sont également des quartiers classés Zep. Sur les 390 Zep de la rentrée 1984-1985, 20% sont situés en zone rurale, 47,5 % dans des agglomérations de 2000 a 100000 habitants, 32,6% dans des agglomérations de plus de 100000 habitants. Dans ces espaces, l'école, comme l'habitat, est devenue un symptôme majeur de la dégradation des quartiers et du tissu social urbain. Malgré ces données peu surprenantes, le cafouillage administratif est de rigueur : il est en fait très diffici le d'apprécier quelle est la proportion exacte des Zep qui le sont ailleurs que sur le papier. "Les appréciations les plus optimistes parlent de la moitié; pour ma part, note J-Y Rochex, je situerais plutôt cette proportion entre 20 et 30%". Que s'est-il passé dans les Zep où "ça a bien marché"? D'abord, écrit un autre chercheur, "qui dit, aujourd'hui, Zep traduit implicitement une structuration de réseaux, d'échanges et d'interactions entre acteurs de ter rains"( 3). Là, ce qui semble se comporter comme moteur de l'action entreprise c'est la conviction des acteurs que, dans ce qu'ils font "en plus", les avantages l'emportent sur les inconvénients. Si la Zep n'est pas qu'un découpage administratif ne s'appuyant sur aucun dynamisme pré-existant, alors des actions émergent et se mesurent. "La politique des Zep s'est traduite, en premier lieu, par une démarche de renforcement des apprentissages (exemple: groupe de soutien). A un degré moindre apparaissent des actions visant à intensifier le lien social dans l'établissement (3). Les lieux où se définissent des actions en col- COMMISSION ÉDUCATION DU MRAP Cette commission présidée par Mireille Maner a élaboré un document de 18 pages prévu initialement comme contribution du Mouvement au travail de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Ce texte est une synthèse de qualité quant à J'expérience du Mrap en matière d'interventions scolaires et d'analyse sur l'Ecole. Y sont passés en revue les "dérapages institutionnels", les "moyens pour l'école, constat, propositions", la question des "contenus". Informations détaillées et chiffrées à l'appui, ce document ouvre de nombreuses pistes dont les comités locaux peuvent se saisir s'ils le souhaitent (*). On retiendra ici une partie de la conclusion: "Trop souvent les enseignants ont l'impression de se heurter à l'opacité des critères de répartitions, à l'arbitraire. Ils se heurtent également, dans les zones sensibles à la difficulté de trouver des partenaires: souvent le "turn-over" de la population est très important dans ces quartiers. Les associations n'y sont pas forcément très implantées. Le Ministère de l'Education Nationale ne favorise pas toujours non plus l'intervention de ces dernières (ex: les difficultés énorn1es rencontrées par le Mrap et Sos-Racisme -malgré la fourniture de dossiers probants- pour obtenir l'agrément leur permettant d'intervenir dans les établissements scolaires, le Cnaecep remettant sa décision de mois en mois. Ces associations sont pourtant "artisans des droits de l'homme" selon la phrase de Mme F. Best dans son projet d'avis à la Cncdh de J'an dernier). Paradoxalement, on semble moins réticent sur l'entrée de "sponsors" et l'arrivée de financements externes qui, pourtant, risquent davantage de mettre en cause l'indépendance du service public. Autre problème, soulevé cette fois par l'intervention des collectivités locales sur lesquelles de plus en plus de charges semblent reposer: ne risque-t-elle pas d'accentuer les inégalités, les villes riches pouvant naturellement se permettre d'investir beaucoup plus que les communes pauvres. D'où l'importance des structures nationales tant dans les financements pelmettant une réelle prise en compte des besoins, que dans les examens et les contenus. Seul ce cadre peut assurer l'égalité", éviter la stigmatisation. (*) Vous pouvez vous procurer ce texte en téléphonant ou en écrivant à Norbert Haddad 4 laboration avec les instances non-scolaires apparaissent en troisième lieu avec une fréquence plus grande dans les Zep de banlieue. Sans porter de jugement sur la nature de ces actions, il semble aller de soi qu'elles restent centrées sur le fonctionnement- même de l'école. Au jugement porté par les enseignants sur les effets de cette politique, il ressort, en 1989, que "seuls 9,2% d'entre eux jugent "important" les relations avec les partenaires, contre 63,5% par exemple sur les comportements des enfants ou 59,7% sur la vie de l'école"(3). La question reste ouverte de savoir comment une action concertée des acteurs locaux permet le changement de point de vue sur l'école; si celle-ci doit fonctionner dans un "système" ou dans "un environnement plus ou moins délimité". Ce qui pose, par exemple, la question du rapport de l'école aux parents, lesquels pourraient être considérés non plus seulement en "parents d'élèves" mais en "parents d'enfants", en travailleurs ... J-Y Rochex, qui souhaite "bousculer les représentations héritées du taylorisme"( 4), affirme que "les représentations imaginaires, réductrices ou dévalorisantes du monde du travail, et tout particulièrement du travail industriel, me paraissent être, en amont, une composante des difficultés scolaires"( 4). En somme, l'école n'a pas à être investie par les parents, mais elle pourrait s'ouvrir à eux en termes de compréhension des objectifs. Dans ce sens, la dégradation de l'imaginaire collectif sur le monde du travail doit être combattue au sein de cette écoleZep- laboratoire d'innovations parce que de ce fait même elle combat le mécanisme de la répétition négative que l'enfant en situation d'échec scolaire et classé comme tel a intériorisée. L'analyse de l'équipe de SaintDenis est particulierement précise à ce sujet. Elle repère les trois "autorisations" dont l'enfant ou l'adolescent a besoin pour grandir avec et à l'école : 1 O)Le jeune s'autorise à changer; 2°)La famille l'y autorise; 3°)11 autorise ses parents à être ce qu'ils sont et que lui-même ne veut pas être. Dans une étude comparée entre un collège de la Zep de Saint-Denis et un collège hors Zep à Massy-Palaiseau ("mixte" du point de vue de l'origine sociale), des processus de différenciation assez précis ont été identifiés. Nous ne pourrons pas tous les passer en revue ici mais deux d'entre eux attirent l'attention avec force. VIVRE SA PROPRE HISTOIRE D'une part, la réussite scolaire comme résultante de lautorisation accordée par chaque génération (parents et enfants) à l'autre de vivre sa propre histoire. La continuité entre générations s'instaure à travers l'hétérogénéïté, reconnue comme légitime, des références culturelles de chacune. Le processus fonctionne dans le champ des apprentissages; par exemple : "mes parents ne sont pas allés a l'école, et pourtant j'ai appris beaucoup de choses avec eux" ; a l'opposé: "mon père est un homme cultivé sans culture" cultivé en Algérie, sans culture en France"(4). Au cours de l'entretien qu ' il nous a accordé, J-Y Rochex cite le cas d'un adolescent d'origine algérienne, dont le père est éboueur, qui se définit comme étant "né dans une poubelle", avec à l'appui un discours particulièrement dur et cruel sur le père. On imagine ici le sens que prend ce qu'on appelle l'éducation interculturelle comme intervention du savoir sur d'autres aires socio-culturelles. Cette éducation n'intervient pas comme marque de "bons sentiments" mais comme acquisition de réels savoirs qui servent notamment à sortir de la dégradation symbolique du milieu dont l'enfant ou l'adolescent provient et de l'histoire qui est la sienne. A ce titre, une autre remarque de J-Y Rochex mérite l'attention et la discussion des militants du Mrap qui agissent en milieux scolaires-Zep : "Les processus différenciateurs (qui distinguent les "bons" et les "mauvais" élèves" fonctionnent à l'intérieur de la même classe sociale". Ce constat décrit et analysé dans le rapport de l'équipe de Saint-Denis (1) permet d'ouvrir le champ de l'action spécifique de l'école mais aussi du monde associatif auquel s'offre un vrai territoire de médiation et d'innovation. D'autre part, si la différenciation se fait à l'intérieur d'une même Répartition académique des zones d'éducation prioritaires et évolution France sans TOM - public Académie 1982-1983 1989-1990 1990-1991 Aix -Marsei.I le 44 30 31 Amiens Il 13 22 Antilles-Guyanne 7 9 10 Besancon 18 29 17 Bordeaux 13 31 33 Caen 6 9 8 Clermont-Ferrand 11 12 9 Corse - 6 7 Créteil l7 15 24 Dijon 19 20 21 Grenoble 17 18 21 Lille 37 61 62 Limoges - 7 7 Lyon 21 22 31 Montpellier 16 14 14 Nancy-Mezt 21 35 33 Nantes 6 21 25 Nice 7 8 8 Orléans-Tours 7 12 17 Paris 6 14 14 Poitiers 9 11 12 Reims 10 17 17 Rennes 9 16 13 Rouen 18 21 21 Réunion - 14 17 Strasbourg 6 13 12 Toulouse 14 16 16 Versailles 12 13 30 France métropolitaine 355 484 525 DOM 7 23 27 Total 362 507 552 Note d'information du ministère de l'Éducation Nationale, N°91-36 5 classe sociale, il se réalise aussi, semble-t-il, d' une manière transversale, en fonction des sexes. "Aux différences idéaltypiques entre Saint-Denis et Massy se combinent des différences entre garçons et filles . Les apprentissages relationnels, affectifs et liés au développement personnel sont davantage évoqués par les filles que par les garçons, que ce soit à Saint- Denis ou à Massy"(4). CHERCHE PILOTAGE DÉSESPÉRÉMENT L'ensemble de ces éléments fait entrevoir que la politique des Zep, malgré les impensés, les effets pervers accumulés(5), constitue un champ fécond pour des pratiques enseignantes innovatrices et pour l'affinement de la réflexion sur l 'inter-action entre le local et le national, l 'histoire individuelle et le détermi nisme collectif. Il reste que plus de moyens doivent y être consacrés: que penser de la baisse en peau de chagrin de l' indemnité versée aux enseignants engagés dans les Zep : "Initialement annoncée comme devant s'élever à 6200 francs, cette indemnité annuelle de "sujétions spéciales" versée aux enseignants des Zep a finalement été fixée à 2000 francs pour l'année 1990-1991, elle sera portée à 4100 francs à la rentrée 1991 et à 6200 francs seulement en septembre 1992(6). Et peut-être que des investissements autres que financiers sont à la clé d'un bilan plus radicalement positif: consacrer plus de temps aux pratiques innovantes et pas en heures supplémentaires, alléger les procédures administratives dont la lourdeur décourage le plus convaincu des enseignants, enfin donner à ces projets réellement prometteurs un cadre de pilotage politique compétent. Pour [mir ce tour d'horizon, il parait essentiel d'inclure plus de lycées dans les Zep car c'est là que les quartiers et les origines sociales se mélangent davantage et que s'acquièrent les diplômes nationaux. (1) Chargé de cours en Sciences de l'Education et membre d ' une équipe de recherche "Education, Socialisation et Collectiv ités locales-ESCOL" avec B.Charlot, E.Bautier,et R.Kohn. Cette équipe est l'auteur d'un passionnant "Rapport au savoir et rapport à l'école dans les zones d'éducation prioritaires" remis au FAS et à la DPM en février 1992 (2 )Les zones d'éducation prioritaires depuis 1981, in Société ji"ançaise, n029, 4ème trimestre 88 (3)Patrick Bouveau, groupe ESCOL : Ouvertures, partenariats et éducation en ZEP, l'enseignant et ses points de vue, in Migrants-formation n085, juin 1991 (4 )Rapport au savoir et rapport à l'école dans les ZEP, texte cité note 1 (5)Heurs et malheurs de la discrimination positive, Ch. Bachman, in Hommes et Migrations n01146, sept. 91 (6)Réussite scolaire: le pari difficile des zones d'éducation prioritaires, Caroline Helfter, in Aciualités sociales hebdomadaires nO 1734, 19 avril 91 Chérifa Benabdessadok POUR EN SA VOIR PLUS ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES fournies par j-Y Rochex à propos des orientations générales • Depuis 198 1, l'école pour tous? Zones d'éducation pnori taires; Collection C.R.E.S.A.S n04, L'Harmattan LN.R.P., 1985 • Ecoles et quartiers, des dynamiql),es locales; colfectlOn C.R.E.S.A.S n 8, L'Harmattan LN.R.P., 1989 • Les Z.E.P. depuis 1981, Jean-Yves Rochex; in Societé Francaise n029, 88 • La politique des zones d'éducation priontaires, Eric Plaisance~ in Les cahiers du CTNNEHRI, N°4j, 1988 • Zones d'éducation prioritaires : un changement social en éducation?, A.Chambon et M.Proux; in Revue française de Pédagogie, n083, avril mai- Juin, 1988 à propos des actions développées • Les choix éducatifs dans les zones prioritaires, V.Isambert-Jamati; in Revue française de sociologie, n03, 1989 à propos des enseignants .Fuir ou construire l'école populaire, A.Léger et M. Tripier; Méridiens Klincksieck, 1989 • L'amélioration des relations entre milieux populaires et école élémentaire dans les dynamiques écoles et quartiers, M.F.Doray; 1.N.R.P., collection rapport de recherche, N°5, 89 • Des militants d'éducation nouvelle dans les zones d'éducation prioritaires, J.Testanière, sous la direction de P. Perrenoud et C.Montandon ; in Réalités sociales. 1988 • Enseignants et parents: changement de perspective, M.F.Doray et E.Rogovas Chauveau; in Ecoles et quartIers cf. plus haut à propos des familles • L'Ecole et l'espace loca l, A.Henriot-van Zanten; P.U.L. 1990 Les familles face à l'école. Rapports institutionnels et relations socla1es", A.Henriot-van Zanten; in Education familiale, sous la direction de P.Duming, Matrice, 1988 • Lire en famille: des fami lles immigrées et l'apprentissage de la lecture, G.Chauveau et E.Rogavas Chauveau; in Ouvertures: l'école la crèche, les familles, Collection C.R.E.S.A.S n03, L'Harmattan-LN.R.P., 1984 à propos des "résultats" • Les zones prioritaires, B.Liensol; in Education et Formation nO 12, 1987 • Le bilan des zones d'éducation prioritaires, C.Garin, in Le Monde de l'Education nOl61,juin 1989 LE MRAP À L'ONU Des représentants du Mrap sont présents a titre consultatif dans les diverses instances de l'Onu (Conseil Economique et Social, Commissions des DrOits de 1 'Homme, SousCommissions contre les discriminations ainsi que divers Comités d'Ong), P, Harvey participe activement depuis 2 ans aux réumons qui se tiennent à New-York, J -J, Kirkyacharian est le représentant principal du MRAP à Genève, assisté d'autres militants Il rend compte ici de la session d'août de la Sous-Commission. Les convergences entre beaucoup de ces organisations sont de plus en plus marquées Il apparaît, même à des organisations qui hésitent à prendre des positions autres qu'humanitaires, que les transformations du monde de ces trois dernières années ne sont pas unilatéralement positives! L'unipolarité, et même le recours permanent à une p,hilosophie officielle des Droits de 1 Homme ont quelque chose de suspect. Le Mrap s'est associé à des démarches contre le blocus de Cuba, l'embargo qui fraPJ?e les civils en Irak; il participe à l'Importante campagne lancée p'ar le Tribunal des peuples contre' l'impunité". En séance publique, le Mrap est intervenu: a) sur le fOisonnement des phénomènes racistes dans le monde et sur la notion d'exclusion, seule capable de rendre compte de leur diversllé, ainsi que sur le risque très important de von tous ces phénomènes se réunir en un "faisceau raciste". Reprenant les idées du Congrès, le Mrap a montré toute l'importance de la répression pénale du racisme, son insuffisance aussi, et a tenté à nouveau la ratification, par tous les Etats, de la convention des travailleurs migrants (cf. Différences de Juillet nO 131). b) Sur le rapport entre le racisme et l'aggravation du déséquilibre Nord-Sud, telle que la révèlent les documents officiels, en particulier le rapport annuel du programme des Nations-Unies sur le développement - dont le constat est très fort, même si la philosophie générale contestable. c) Sur divers r.roblèmes qui apparaissent comme 'humanitaires" comme la répression en Turquie, à Timor-Est, en Palestine, au Maroc - ou encore les guerres dites "ethniques" en Yougoslavie , au Nagorny-Kerabagh- et dont la signification est en réalité politique et appelle une solution politique 9.u' on ne peut sans arrêt remettre à plus tard". d) sur les prisonniers noirs, indiens, politiques et antiracistes aux Usa, en particulier Mark Curts et Léonard Peltier. Les interventions du Mrap sont appréciées diversement.. certains représentants d'Etats font évidemment la grimace. Mais d'autres manifestent un intérêt réel pour nos analyses, et en tout cas les organisations non gouvernementales accueillent avec beaucoup d'intérêt nos positions, parce qu elles tendent à apporter un peu de netteté dans l'examen des problèmes à l'ordre du jour. Et les représentants des peuples qui souffrent: Sahraouis, Kurdes, Africains du Sud, Palestiniens, Timorais, Indiens d' Amerique ainsi que les representants de pays pourvoyeurs de main-d'oeuvre Immigrée trouvent dans le Mrap un soutien dans leur juste combat. Le Mrap sera evidemment présent à la Conférence Mondiale sur les Droits de l'Homme qui doit se tenir en juin 1993, et qui doit être un moment fort de l'action pour l 'Amitié entre les peuples, contre les divisions inhumaines que suscite le racisme. J.]. K. COMITÉS LOCAUX COMIT ÉS LOCAUX LA PAROLE EST A" BOULOGNE Président du Comité local de Boulogne, membre du Conseil national, très longtemps ouvrier spécialisé chez Renault, Patrick Schweizer apporte une précieuse réflexion sur l'action antiraciste: à l'intersection d'une expérience syndicale au coeur de l'usine et d'une pratique associative au coeur de la ville. Différences : Quelles sont les principales caractéristiques de ton Comité? Patrick Schweizer : Le comité de Boulogne s'appuie sur une quarantaine d'adhérents dont une vingtaine à Boulogne et une autre vingtaine dans les communes de Sèvres et d'Issy-lesMoulineaux. Dix à douze d'entre eux se réunissent environ toutes les six semaines. La moyenne d'âge de ces militants se situe autour de la trentaine. Nous rencontrons deux types de difficultés : nous sommes d'une part peu de militants actifs, d'autre part, presque tous sont engagés dans d'autres organisations ou associations. De fait, je ressens comme un échec le fait d'être dans l'incapacité de susciter des vocations militantes et de faire prendre des responsabilités à des gens qui ne veulent pas être des "militants professionnels". Comme dans le Mrap dans son ensemble, une partie de nos adhérents sont très âgés, ils apportent un soutien financier certain mais n'ont plus les capacités de militer réellement. Nos militants sont salarié, mais à l'inverse d'une grande tendance du Mrap aucun n'est enseignant, ce qui pose de sérieux problèmes de disponibilité, en particulier en ce qui concerne notre intervention auprès de la jeunesse. Le comité existe depuis fort longtemps mais il a, semble-til, pris un second souffle au milieu des années quatre vingt. Pourquoi et dans quelles circonstances? Nous avons démarré le comité, en 1984, avec un élu, Robert Créange, qui était déjà membre actif du Mrap ; l'importance de l'appui d'un élu réside dans sa propre personnalité. Voilà quelqu'un qui connaît très bien la ville et la population, il a dynamisé la création du noyau originel de militants avec le souci, très tôt, de nourrir le pluralisme 6 auquel un comité du Mrap doit être attaché. Ce qui n'entre nullement en contradiction avec le fait qu'il appartienne à un parti de gauche. En ce qui me concerne, j'ai été, pendant plus de vingt ans, militant syndical Cgt à l'usine Renault où j'ai travaillé jusqu'à ces dernières années. Là, j'ai toujours côtoyé des travailleurs immigrés, et j'ai toujours eu une sensibilité particulière à l'égard des problèmes qu'ils pouvaient rencontrer. Même si le syndicat a constamment intégré ces travailleurs à son action, cela ne suffisait pas à promouvoir les valeurs de l'antiracisme dans la ville. Il fallait une association dont la principale activité soit celle-là. De plus, le contexte local de la ville et la montée de l'extrême droite rendaient le travail antiraciste indispensable. Nous avons probablement eu le sentiment que le racisme gagnait du terrain, qu'il fallait s'y attaquer par tous les moyens. Quel bilan tires-tu de ton expérience en entreprise? Peux-tu évoquer quelques aspects de ton itinéraire personnel? On n'a jamais réussi à développer une activité Mrap au sein de l'entreprise, à l'exception d'initiatives ponctuelles. Mais le fait d'être connu comme un militant syndical ayant des responsibilités au Mrap donne plus d'écoute et d'attention aux problèmes liés au racisme. J'ai pu intervenir dans les instances syndicales sur ces questions. Les ouvriers spécialisés dont je faisais partie étaient pour la plupart tous français; nous étions employés à l'entretien des chaînes tandis que les immigrés, eux, travaillaient sur les chaînes. Certains comportements de mes collègues francais à l'égard des immigrés m'étaient parfaitement intolérables. La proximité dans le travail développe des relations humaines et d'amitié entre des communautés mais, parfois, et souvent à partir des hiérarchies induites par la division du travail, des réactions racistes se produisent. La spécificité de l'entreprise et le poids du syndicat conduisaient, à l'époque, à l'existence d'une conscience antiraciste certaine. Curieusement, les comportements racistes dont j'ai pu être témoin dans mon atelier ne visaient que très rarement les gens de l'usine. Cela s'explique par le fait qu'on se connaît, on boit le café ensemble, on mange ensemble à la cantine ... Mais on retrouvait de temps à autres les clichés habituels: "ils ont des logements avant les Français", "ils font trop de gosses", "ils augmentent le chômage" ... Ces clichés sont les mêmes depuis fort longtemps, pourtant ils ont progressé dans l'opinion. Oui, l'évolution générale des conditions de vie et de travail a mené à un rejet plus explicite de l'immigré. Et puis, j'avoue que j'ai découvert d'autres formes de racisme dont je ne soupçonnais pas l'existence, l'antisémitisme par exemple. J'ai été surpris d'entendre, il y a quatre ou cinq ans, des formules-clichés sur les juifs que j'avais pu lire mais uniquement lire jusque-là. Lorsqu'on ne parlait plus des immigrés, l'antisémitisme se profilait, à ma grande stupeur. J'ai pris conscience, à ce moment-là, que si on lâche du terrain sur le racisme anti-maghrébin, l'antisémitisme vient en renfort tout de suite après. Que faire quand on est confronté à des comportements ou à des provocations racistes? Je ne réponds jamais de la même manière. Je crois beaucoup à la pédagogie de l'amitié qui porte des fruits irréversibles. Je peux vous certifier que certains copains qui avaient des réactions racistes violemment stupides ont évolué de telle manière que ce sont eux qui maintenant réagissent contre. Ces copains avec lesquels je sortais le soir étaient comme ça "naturellement" racistes. Je ne voulais pas m'engueuler avec eux, hausser le ton et tourner les talons. Il fallait les convaincre. Alors on discute des soirées entières, on cherche des arguments, on rapporte des expériences. C'est plus difficile que d'insulter mais à la longue, c'est plus payant. A l'autre extrême, face à un contremaître tenant des propos racistes du haut de son poste hiérarchique, ma réaction était plus "légaliste". Je lui demandais de se taire et de m'attendre tandis que j'allais vers mon placard où je \t\ ( conservais des documents du Mrap. J'en revenais avec le texte de la loi de 1972, je lui donnais le document en le menaçant de porter plainte contre lui s'il s'avisait de répéter les propos qu'il venait de tenir. L'intention était de créer un choc mais aussi de discuter avec les autres. Mon expérience me porte à affirmer qu'il faut toujours intervenir en fonction des circonstances et des individus. On ne peut pas se comporter d'une façon analogue avec un passant, un voisin, un collègue de travail et avec quelqu'un qui détient des responsabilités ou qui représente une institution. En résumé, il faut épuiser toutes les ressources de la pédagogie, et elles sont nombreuses, avant de passer à un comportement plus "dur". Quelle est l'influence du CL sur la ville? On peut penser sans se tromper, que sur les cent mille habitants de Boulogne, quelques milliers connaissent notre existence. Nos interventions sont, le plus souvent, ponctuelles, à la demande de personnes qui nous font directement appel ou en passant par des institutions locales ou encore par le biais du Mrapnational. Depuis un an et demi, nous avons apporté une aide concrète aux demandeurs d' asile déboutés, en les aidant à constituer leurs dossiers administratifs, à écrire leurs courriers, en accompagnant leurs démarches. Nous avons obtenu récemment une carte pour l'un d'eux auprès de la Commission de recours. Cette activité a concerné peu de militants. L'objectif immédiat est de former d'autres militants pour répondre à cette demande. Plusieurs militants habitent la cité du Pont de Sèvres, l'une des dernières concentrations populaires de ta ville. Nous y disposons d'une salle polyvalente à coût réduit; c'est là que nous organisons depuis cinq ans une fête annuelle qui réunit environ 500 personnes et dans laquelle nous investissons la totalité de la subvention municipale. Le travail d'information autour de cette fête est un support à l'activité Mrap dans son ensemble. C'est aussi l'occasion pour de nombreuses familles socialement démunies de sortir gratuitement et à proximité de chez elles. L'objectif de cette fête est à moitié atteint: la majorité des personnes qui y viennent sont immigrées ou d'origine immigrée. Nous avons voulu, par ailleurs, élargir notre public. Aussi, avons-nous organisé en avril dernier une conférencedébat sur la découverte des Amériques qui s'est déroulée dans la salle des fêtes, un endroit plus prestigieux que notre salle polyvalente. Cette activité a été appuyée par la diffusion de tracts, d'affichettes, de passages publicitaires dans les supports d'information de la vi Ile. Résultat: la centaine de personnes qui sont venues étaient toutes plus ou moins connues du Cl. L'initiative a connu un franc succès par sa qualité: on a appris des choses, ce qui n'est pas toujours le cas des réunions publiques. Mais nous n'avons pas pu élargir notre public audelà de celui qui nous est plus ou moins acquis Je suppose que ces évaluations en "demi-succès" vous incitent à vous interroger sur la portée de votre travail ? Nous nous interrogeons beaucoup sur le sens de notre activité et l'image reflétée par nos actions. Par exemple, nous ne sommes pas capables d'avoir une action spécifique à l'égard des jeunes. Nous avons conscience qu'il faudrait faire autre chose ou autrement mais nous n'arrivons pas à envisager cet "autrement". De plus, il faut bien voir que si on s'appesantit trop sur cet aspect des choses, cela paralyse et décourage. Depuis quelques mois, nous avons pris la résolution de ne pas laisser les affiches du Front national plus de deux ou trois jours. Pour cela, nous avons dû fabriquer des affiches simples, en utilisant une écriture manuscrite, des messages très simples. Nous essayons de rompre la banalisation des messages véhiculés par le Fn. Il est évident que pour réaliser ce travail, les affiches doivent être très bon marché. Il serait souhaitable que le Mrap-National fabrique pour les comités des maquettes de tract et d'affiche qui puissent être ré-utilisées. Le matériel du National est trop cher. Ce fut le 7 cas pour la brochure sur l'extrême droite(1). Quant à l'affiche sur la loi(2), elle est jolie et bien faite mais je n'ai pas encore eu l'opportunité de l'utiliser. Une campagne d'adhésions est à l'ordre du jour: comment appréhendes-tu cette question de la baisse de l'adhésion? Nous diffusons autant des bulletins d'adhésion que de milliers de tracts distribués tous les ans. Mais il faut reconnaître que nous savons peu proposer l'adhésion. Pourquoi? Difficile à dire. On sait défendre les gens, mais on ne sait pas leur demander de construire le Mouvement en y adhérant. Il existe probablement une usure de l'acte de "recruter de l'adhérent". La baisse de l'adhésion militante concerne toutes les structures politiques, syndicales, associatives. En proportion, le Mrap a probablement moins ,perdu d'adhérents que d'autres structures, Exprimer et se battre pour des valeurs antiracistes dans sa vie privée, est certainement vrai. Mais opposer l'inutilité de l'adhésion militante est une erreur. Il faut, en revanche, observer que le fonctionnement des structures, trop lourd ou trop opaque, ait une part de responsabilité dans le désengagement des gens, La remarq ue s' appliq ue peu au Mrap étant donnée la modestie de la structure mais il faudrait y regarder de plus près, Le Mrap est un des rares mouvements où le pluralisme est réel y compris dans les instances nationales, A la moindre erreur de ce point de vue, je réagis très vivement. Je suis convaincu qu'on s'écroulerait très facilement si ce pluralisme actif n'était pas maintenu, (1)"Chronique de l'extrême droite- 1991", en vente au Siège et dans les Comités, 25 francs (frais de port compris) (2)Un tract (l9cm x 30cm) et une affiche (95cm x 30cm) sont à votre disposition aux prix respectifs de 0,10 Franc et 3 francs l'unité (tarif CL). Voir reproduction noir et blanc dans Différences du mois de juillet Interview réalisée par Chérifa Benabdessadok RENFORCEMENT DuMRAP Le Congrès en a décidé ainsi : le MRAP doit impérativement se renforcer et se développer. L'actualité le lui impose, Une première note d'interventions a été adressée à l'ensemble des Comités locaux au début du mois de juillet. Un programme structuré de formation des adhérents et partenaires leur sera envoyé après le Conseil National du mois d'octobre, Les Comités ou Fédérations qui souhaitent entreprendre un effort de formation (cf. N° 4 du courrier du 1er juillet) peuvent dès à présent faire état de leurs attentes à faire parvenir au siège national. Une note sur "le racisme en 1992" sera intégrée au prochain envoi, C'est l 'ensemble du Mouvement qui doit prendre les moyens de son développement. Paul MUZARD Sos JURIDIQUE Avez-vous pensé à désigner le correspondant juridique de Pierre Mairat, Président de la Commission Juridique, qui vous exposait, dans sa lettre du 21 avril 1992, un projet de "réseau national d'information et d'entraide juridique", Si l'idée paraît vous séduire, encore faudrait-il la concrétiser! Aujourd'hui seuls 36 comités locaux ont répondu sur les 142 que compte le Mrap, Trans-former ce projet en réalité dépend de vous. La permanence juridique du siège parisien du Mrap est à votre disposition et attend vos réponses, LE CHEQUE ET LES MOTS Une personne qui souhaite garder l'anonymat a fait don de la somme de 1 300 Frs au Mrap, Elle raconte ici pourquoi et comment cet acte antiraciste, Ces mots font chaud au coeur, "Veuillez trouver ci-joint un chèque de 1300 Frs qui est un don que je veux faire à votre Mouvement, Je tiens à ce que vous sachiez d'où vient cet argent. J'ai travaillé une semaine dans un magasin, dont la patronne a émis, à deux reprises, des propos racistes contre des clients, J'ai alors quitté ce travail et décidé de vous reverser cette semaine de salaire . Cela n'a rien d' héroïque, mais il me semble important de vous montrer qu'il existe des gens qui luttent en actes contre le racisme. Je vous remercie d'exister, de constituer ce Mouvement, et vous prie de croire en l'expression de mes sentiments distingués", ACTIONS UN APPEL D'ORGANISATIONS NONGOUVERNEMENTALES CONTRE LE RACISME A la suite de la session d'août de la Sous-Commission, un séminaire s'est tenu pendant deux jours à Genève, dans les locaux du Centre OEcuménique des Eglises, sur la montée du racisme en Europe. Cette réunion, qui se tenait juste après les violences racistes de Rostock et le jour même de la contremanifestation des antiracistes allemands, a fait apparaître une large convergence de vues parmi les participants. Cinq groupes de travail ont été chargés de préparer un dossier en vue de la Conférence mondiale des Droits de l'Homme (juin 93): 1) Le racisme et ses liens avec les politiques économiques; 2) La discrimination raciale et les violences contre les immigrés, les réfugiés, les demandeurs d'asile et autres "étrangers"; 3) Le racisme et les médias; 4) L'éducation contre le racisme; 5) Les conflits ethniques. En outre, un appel a été lancé à toutes les forces sociales et spirituelles, pour une contre-offensive qui ne soit pas seulement ponctuelle, mais qui doit tendre à faire reculer vraiment la menace raciste et fasciste. On note la convergence entre cette initiative et celle du "Réseau Européen" auquel participe le Mrap. Voici le texte de cet appel, et la liste de ses premiers signataires : APPEL À L'ACTION Dressez-vous et intervenez contre le racisme. Le racisme a atteint des proportions alarmantes en Europe. Dans plusieurs pays, le nombre des attaques des néo-fascistes, racistes et autres groupes prêchant la haine, contre, les groupes minoritaires, les migrants et les réfugiés, a dramatiquement augmenté. Dans le passé, des actes semblables ont abouti à la guerre et à des millions de morts. Le poison sape la démocratie et la justice, il menace la paix. C'est maintenant qu ' il faut l'arrêter. Nous exprimons notre entière solidarité avec tous ceux qui participent aujourd'hui à des manifestations massives dans beaucoup de villes d'Europe contre le retour du racisme, du nationalisme extrémiste et de la xénophobie. Nous appelons à intensifier ces actions dans la période qui vient. Nous proposons de retenir deux semaines comme semaines d'action, à savoir la dernière semaine de novembre et la première semaine de décembre, pour porter à un niveau plus élevé le Mouvement populaire actuel contre le racisme. Genève le 30 août 1992 - Union des juristes arabes; Conseil indien d'Amérique du Sud; Femmes pour la Paix (Genève); Comité grec pour la EUROPE EURO PE Yougoslavie: l'horreur de la purification ethnique Cet été, l'opinion publique internationale a découvert l'horreur à un point encore insoupçonné en exYougoslavie. Des individus étaient retenus prisonniers dans des camps de concentration d'un autre âge, soumis à la faim, aux humiliations, aux travaux forcés. Pour "la pureté de la race". En ex-Yougoslavie, un néo-na~i~me est à 1 'oeuvre, rappelant les massacres racistes d'il y a cinquante ans: ceux commis par les TchetmkiS serbes, comme ceux commis par les Oustachis croates alliés des nazis, et qui n'avaient alors pas hésité à massacrer plusieurs centaines de milliers de non-Croates. Cette fois, menacés dans leur pérennité, les pouvoirs en place en "ex-Yougoslavie" ont préféré jouer la carte des nationalismes plutôt que d'accepter un processus de démocratisation. Les Etats européens, au nom du droit à l'autodétermination des peuples, ont préféré soute"ii ùes indépendances vite proclamées des fédérations du nord de l'exYougoslavie, et intégrer ces républiques du nord (plus riches que celles du sud), dans leurs zones d'influence, plutôt que de soutenir les forces démocratiques, pacifistes, non-nationalistes, et les aider à promouvoir de nouvelles formes fédératives ou à aménager des indépendances qui respectent réellement les droits des peuples et des individus. Cet été, l'opinion internationale a effectivement mesuré l'ampleur de la catastrophe. La guerre, qui tue, massacre, répond à un projet de "purification ethnique". Le projet "pan-serbe" d'un Milosevic (comme le projet croate d'un Tujman d'état-nation homogène ... ) connu depuis plusieurs années passe par la colonisation des populations et par le dépeçage de la BosnieHerzégovme. Les populatIOns du Kosovoavaient déjà eu l'occasion depuis de nombreuses années de mesurer le poids de cette politique raciste du pouvoir serbe. Celles de Bosnie-Herzégovine, en fait surtout les populatIOns musulmanes, en sont parmi les premières victimes aujourd'hui. Et comment ne pas craindre l'extension de cette guerre civile au Kosovo, en Vojvodine, en Macédoine? UN DOCUMENT ACCABLANT «( ... ) Le Rapporteur spécial (de la commission des droits de l'homme de l'Onu, ndrl) s'est rendu dans des régions intéressantes de l'ancienne y ougoslavie, pour son mandat, et en particulier en Bosnie-Herzégovine, du 21 au 26 août 1992. ( ... ) La mission a rencontré des représentants des gouvernements et des autorités locales ainsi que d'organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Elle a également reçu des renseignements de représentants de partis politiques et de groupes minoritaires, et s'est entretenue avec des dignitaires religieux de confessions diverses. La mission a interrogé un certain nombre de victimes de violations des droits de 1 'homme appartenant à tous les groupes ethmques intéressés, ainsi que des témoins de ces violations et a également pu entendre de simples citoyens dans les divers endroits qu 'elle a visités. La majeure partie du territoire de l'ancienne Yougoslavie, et en particulier la Bosme-Herzégovine, est actuellement le théâtre de violations massives et systématiques des droits de l'homme ainsi que d' atteintes graves au droit humanitaire. La politique de purification ethnique est la cause de la plupart de ces violations. ( ... ) Politique de purification ethnique à l'encontre des musulmans et de la minorité croate dans les territoires de BosnieHerzégovine et de Croatie contrôlés par les Serbes ( ... ) Les méthodes utilisées sont décrites par un témoin de Bosanska Dubica. D'après celle-ci les autorités élues qui étaient modérées et qui essayaient d'empêcher les actes de violence ont été démises de leurs fonctions et remplacées par des extrémistes serbes. Les musulmans, qui étaient majoritaires à Bosanska Dubica et, dans une moindre mesure, les Croates, subissent en permanence des harcèlements, des actes de discrimination et des violences de la part des soldats et des mercenaires serbes et même de certains de leurs voisins serbes dans le village. Le témoin a raconté que des soldats serbes de différents villages s'étaient vantés en sa présence d'avoir tué plusieurs musulmans. Plusieurs personnes, dont un ami de la femme qui a témoigné, ont eté tuées. Toutes les nuits, pendant le couvre-feu imposé de 22 heures à 5 heures, des maisons sont incendiées. La mosquée a également été réduite en cendres. Un ~rand nombre d'habitants sont arretés et conduits au poste de police local pour interrogatoire où ils sont soit frappés et torturés par la police soit contraints de se battre entre eux. L' hôpital local refuse de soigner les enfants de familles musulmanes ou croates. ( ... ) ( ... ) En fait, diverses méthodes sont utilisées pour procéder à la purification ethmque. Des employés du secteur public appartenant aux minorités ethmques croate et musulmane ont été licenciés en raison de leur origine ethnique. Le secteur public est important dans l'ancienne Yougoslavie, et des di zaines de milliers de personnes ont été affectées par ces mesures. En ce qui concerne les personnes employées dans le secteur privé, on a la preuve que les ma~asins et les entreprises appartenant a des Croates ont éte brûlés ou pillés. Dans les territoires contrôlés par les Serbes, les formes les plus courantes d'intimidation consistent à tirer pendant la nuit ou à lancer des explosifs contre des maisons appartenant à des membres des autres qroupes ethniques. ( ... ) On a également signalé au Rapporteur spécial, entre autres exemples récents, qu'un millier de musulmans avaient été chassés de chez eux, dans la ville de Sanski Most, à 28 kilomètres de Banja Luka, la semaine avant son alTivée. Ces personnes avaient été emmenées par les autorités locales vers le territoire contrôlé par le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine , mais avaient été abandonnées dans le territoire contrôlé par les Serbes.( ... ) Les musulmans qui voulaient quitter le village y étaient autorisés à condition de partir avec toute leur famille. 8 Le transfert des réfugiés a été organisé par la Croix-Rouge locale, qui a coopéré étroitement avec les autorités serbes locales. Avant d'être autorisés à-partir, les intéressés ont été contraints dè signer des documents s ' engageant à ne jamais revenir, Aucune mention n'y était faite des biens qu'ils possédaient dans le village, en partIculier de leurs maisons. Le témom a indique qu'ils avaient le choix, entre les vendre à un prix dérisoire et confier les clefs à la municipalité jusqu'à leur retour, c'est-à-dire, à vie.( ... ) De telles tactiques étaient également fréquentes dans les réglOns de Croatie occupées par les Serbes , notamment avant le déploiement de la Force de protection de l'ONU (FORPRONU). Dans le nord des zones protégées par les Nations Unies, les membres de la mission ont vu une ville presque entièrement détruite, et d'autres où les demeures appartenant à des musulmans avaient éte sélectivement détruites par des explosifs. L'emploi de ce genre de procédés est devenu moins fréquent grâce aux efforts déployés par la FORPRONU pour limiter les activités des milices locales, mais les tirs et les bombardements dirigés contre des habitations se poursuivent, bien qu'à une moindre echelle, dans les zones protégées par les Nations Unies, et les victimes de la purification ethnique continuent à fUlr. Les attaques d' églises et de mosquées font également partie de la campagne d'intimidation visant à contramdre les musulmans et les Croates à quitter le territoire bosniaque et, en allant à Banja Luka, la mission a vu des lieux de culte portant des impacts de balles et d'exploSIfs. Une autre tactique utilisée pour forcer les musulmans et les Croates à fuir consiste à assiéger une ville, en bombardant les centres habités par la population civile et en coupant l'approvisionnement en denrées alimentaires et autres denrées essentielles. L'esemple le plus dramatique et le mieux connu en est Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine. La mission a visité 1 'hôpital et a pu y voir de nombreuses victimes ciViles. Elle a également pu constater les dommages causés à 1 'hôpital luimême, délibérément bombardé à plusieurs reprises, bien que l'emblème de la Croix-Rouge y soit bien Le gouvernement serbe se défend de diriger les milices de tueurs et de pilleurs qui massacrent impunément. De faIt, la guerre clvlle entraîne des dynamiques propres des milices. Et il est évident que le pouvoir serbe ne contrôle pas t.out. Ma~~, outre .les)l!teux pi~lages, qui finance, qui fournit l'armement lourd permettant le martyr de villes.entieres,. qUI declde la mIse en oeuvre de ce plan de "purification ethnique"? Est-lI.trop tard aUJourd 'hUI pour brIser ceprocessus? Ceux qui le souhaiteraient se réveillent bien tard. Des aIdes SO?~ c,ertes apporté~s ~ux centau:es et centaines de milliers de réfugiés, malgré un embargo dont lis sont en vente parmI les pnnclpales VICtImes. MaiS les Etats européens refusent de les accueillir massivement. ~ l'exception de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Suède ... La France, qui se targue d'ingérence humamta~re dès lors qu'elle n'a lieu qu'à l'extérieur de ses frontières, n'en a accueilli qu'un peu plus d'un mIllIer. La CroatIe, quant à elle, n'accueille pratiquement plus de réfugiés de l'ex-fédération. Elle a en renvoyé sur le front plusieurs milliers. La Slovénie en a accueilli près de 75 000, maiS 25 000 demeurent dans des camps. Au-delà de l'aide aux réfugiés, c'est aussi une aide politique aux forces de paix qui mènent couraoeusement un combat contre le nationalisme qu'il faut apporter aujourd'hui. D'avoir attendu si longterrfps pour s'~n rendre compte rendra sans doute infiniment plus compliquée la possiblité d'une solution politique necessltant de mettre un terme de toute urgence au processus de "purification ethnique" qui de toutes façons, laissera des traces indélébiles dans la population. ' Nous publions ici des extraits du rapport de Tadeusz Mazowiecki, rapporteur spécial de la Commission des droIts de l'Homme de l'Onu dans le territoire de l'ex-Yougoslavie, en date du 5 septembre. I.A. visible. Des centres culturels ont également été visés, ce qui conduit certains observateurs à penser ~ue les attaquants sont résolus à "tuer' la ville elle-même et à anéantir la tradition de tolérance et d'harmonie entre les groupes ethniques qu 'elle symbolise.( ... ) Il est dangereux de se risquer à l'extérieur, et nombreuses sont les personnes et les familles qui restent Isolées pendant de longues périodes. Les réseaus publics d 'alimentation en électricité et en eau ne fonctionnent plus. Les produits alimentaires et les autres biens de première nécessité sont rares, car 1 approvisionnement dépend du pont aérien organisé par le-Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et protégé par la FORPRONU. La caserne et le siège de la FORPRONU, ainsi que l'aéroport lui-même, comptent parmi les principales cibles des bombardements. La ville et la région de Bihac, dans le nord-ouest de la Bosnie, sont également assiégées par les forces serbes et bombardées quotidiennement. Il n' y a pas d'objectifs militaires importants dans la ville, et le principal but, semble-t-il, de ces bombardements est de terroriser la population civile. Selon le médecin qUI est directeur de 1 'hôpital , 51 enfants ont éte tués dans cette ville depuis le début des hostilités et 1 'hôpital lui-même a été touché par des obus à trois reprises.( ... ) Le sièlSe a aussi des effets désastreux sur l' economie de la région, autrefois prospère, désormais tributaire de l'aide alimentaire de la communauté internationale.( ... ) D' autres villes et régions de la Bosnie-Herzégovine seraient dans la même situation.( ... ) La détention de civils est à l'évidence utilisée pour inciter les habitants à quitter le territoire. Selon des observateurs impartiaux, l'une des principales causes des détentions arbitraires de en Bosnie-Herzégovine est la nécessité de s'emparer de Serbes pour les échanger contre des détenus musulmans.( ... ) (Le rapporteur mentionne des rumeurs de politique de purification ethnique à l'encontre de serbes et musulmans en Bosnie-Herzégovine. Les conditions ne lui ont pas permis de le vérifier. Ndrl) La fuite des Serbes de Croatie. La discrimination, les harcèlements et les mauvais traitements dont sont victimes les Serbes en Croatie représentent aussi des-problèmes graves et généralisés. Ces pratiques ont poussé de nombreus Serbes à se réfugier en Serbie et dans les parties de la Croatie et de la BosnieHerzégovine sous contrôle serbe. La mission a reçu des copies de listes liées de citoyens de Croatie, selon leur origine ethnique. L'existence de ces liste à la discrimination. Des dizaines de milliers de personnes auraient perdu leurs emplois pour cette raison. La mission a été également informée que les Serbes étaient victimes de nombreuses discriminations. Dans un camp de réfugiés près de Belgrade, des membres de la mission ont interrogé un citoyen croate d' origine serbe qui avait été jugé pour rébellion. Après avoir été acquitté, il a été accusé par la radio locale d'être un "chetnic' . Il a jugé que cette accusation mettait impliCItement en danger sa vie et sa sécurité et s'est enfui en Serbie, laissant sa femme et ses enfants en Croatie. En Croatie, le Président du Groupe de travail de la détention arbitraire a obtenu des preuves indiquant qu'un grand nombre de Serbes accusés de rébellion étaient détenus, souvent en l'absence de toute preuve concrète de véritables liens avec le gouvernement non reconnu de "Krajina" et avec les forces qui lui sont fidèles. Cette pratique revient en réalité à arrêter des civils en raison de leur origine ethnique. L' importance des violations des droits de l'homme dont les Serbes sont victimes en Croatie ne saurait être sous-estimée ou minimisée. Néanmoins, les preuves dont on dispose à 1 'heure actuelle semblent mdiquer que les pratiques qui ont provoqué l'exode d'un grand nombre de Serbes vers la Serbie et vers les parties de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine contrôlées par 9 les Serbes, si odieuses soient-elles, ne peuvent être comparées à l'emploi systématique de la violence contre les minorités croate et musulmane en Bosnie-Herzégovine. Les dirigeants de la République fédérative de Yougoslavie, (Serbie et Monténégro), n'approuvent pas ouvertement la polil1que de puriftcation ethnique.( ... ) Le Président de la République fédérative de Yougoslavie a condamné cette pratique. Il a aussi déclaré que la solution du conflit ethnique en Bosnie-Herzégovine serait une "cantonisation" qu'il a décrite comme la constitution en Bosnie-Herzégovine d'unités comprenant différentes ethnies avec des garanties réciproques pour les droits des Serbes, des Croates et des musulmans. ( ... ) Le Président de la Serbie a également condamné la politique de purification ethnique. Toutefois, la République fédérative de YougoslavIe et la Serbie exercent manifestement une très grande influence sur la "République serbe de BosnieHerzégovine" qui, sans leur coopération, serait complètement coupee du reste du monde. Rien ne prouve jusqu 'à present que la République fédérative de Yougoslavie et la Serbie aient pris effectivement des mesures afin d'user de leur influence pour mettre un terme à la purification ethnique en Bosnie. En outre, il semble que le danger de purification ethnique soit imminent dans certaines parties de la Serbie et du Monténégro où se trouvent d'importantes communautés qui ne sont pas d'origine serbe. Au Kosovo, où la populatlOn d'origine albanaise se plaint de discrimination et d'oppression depuis de nombreuses années, des organisations non gouvernementales ont apporté la preuve gue les cas de torture et de meurtres etaient de plus en plus nombreux. En Vojvodine, dans le nord de la Serbie, qUl compte un grand nombre d'habitants d'origine hongroise, croate ou autre, on a signalé que la population non serbe étaIt en butte à des harcèlements et à des actes d'intimidation de plus en plus fréquents. Des milliers de personnes auraient déjà commencé à fuir la région de Sandzac, située à la frontière de la Serbie et du Monténégro, et dont la population est en majorité musulmane. ( ... » ACTIONS solidarité démocratique internationale; Fédération internationale des Résistants; Comité de liaison international pour la réunification pacifique de la Corée; Réseau international d'études sur les Philippines; Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales; Organisation internationale des Journalistes; Mouvement international des jeunes pour les Nations Unies; Mouvement anti-apartheid suisse; Mrap; Mouvement de la Paix (France); Mouvement pour la solidarité avec les peuples d'Afrique et d'Asie (Fédération de Russie); Mouvement suisse pour la paix; Mouvement international de solidarité Nord-Sud; Fédération démocratique internationale des Femmes; Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; Association mondiale des guides et scouts féminines; Confédération mondiale de la profession enseignante; Conseil mondial des Eglises; Fédération syndicale mondiale; Conseil mondial de la paix. COURRIER DE L'EDUCATION NATIONALE "A l'occasion du 20'- anniversaire de la loi française contre le racisme, le Mouvement contre le racisme et pour /' amitié entre les peuples lance une campagne nationale de sensibilisation de l'opinion publique contre le racisme. Je souhaite que le Ministère de /' Education Nationale et de la Culture soutienne cette initiative. Des affiches et des tracts produits par le MRAP vous seront adressés. Je vous prie de bien vouloir veil/el' à ce qu'ils soient largement diffusés dans les établissements scolaires au cours de /' année scolaire prochaine". Tel est le contenu de la lettre envoyée par le Directeur du Cabinet du Ministre de l'Education Nationale et de la Culture aux recteurs. Il serait donc souhaitable que les comités fassent parvenir aux fonctionnaires concernés l'affiche réalisée par le siège parisien. DONNER À L'ANC Depuis vingt ans, l' Anc et ses militants pourchassés ont trouvé refuge en Tanzanie. Ils y ont construit deux centres de formation , grâce à l'aide de nombreux amis de beaucoup de pays: Mazinbu et Dakaya. Plusieurs comités et militants du Mrap ont contribué à cette entreprise Nos amis ont encore besoin de soutien. La lutte contre l'apartheid n'est pas terminée. Adressez vos dons à MRAP-Solidarité : Compte CCP W 1286996 D. ARABO-AMÉRICAINS Les Arabo-Américains ont créé un mouvement: l' AméricanArab-antidiscrimination Movement (A.D.C.). Ils publient une revue intéressante, que l'on peut consulter au centre de documentation du Mrap, ou obtenir en écrivant à A.D.C. 4201 Connecticut Avenue, N.W Washington DC 20008. INTERVIEW DE SAMI NAIR Sami Nair, professeur de sciences politiques à l' Université de Paris VIII, vient de publier chez Grasset "Le Regard des vainqueurs" : les enjeux français de l'immigration. Etudiant les mutations de Ûl société française durant ces trente dernières années, il observe "la crise du lien républicain" et du "modèle républicain" de la nation, qui s'appuie sur le territoire, et sur le principe d'égalité. Il constate dans "l'imaginaire nationalfrançais", à l'inverse, une auto-représentation ethnique et confessionnelle de Ûl société. On ne saurait trop conseiller la lecture de ce livre. Particulièrement les chapitres où il démonte les "arguments du racisme ordinaire. Telle cette idée répandue et ancrée, selon laquelle l'immigré (dans une "conception économiste de l'être humain") serait un concurrent potentiel dans un marché du travail saturé. Il interroge aussi les clichés d'ordre "ethnicoculturel" "historico-national" pour dén~ncer "les chemins' de la démagogie". Il répond ici aux questions de Différences, abordant un vaste panorama des secteurs qu'il analyse avec précision dans son livre. Différences: Vous n'avez pas écrit un ouvrage sur !'immigration, mais sur la société française. Toute votre démarche consiste à étudier les fractures -économiques, politiques, culturelles ... - qui entament cette société provoquant une crise ou des crises sinon de son identité du moins de sa perception d'elle -même . Et c'est à partir de cette analyse que vous tentez de cerner en quoi cette société vit l'immigration comme un problème. Pourquoi? Sami Nair : Travailler sur la façon dont la société française a été confrontée à ses immigrations depuis le XIXème siècle m'a mené à un double constat Tout d'abord, les immigrations changent, mais les discours restent sur le fond les mêmes, sinon qu'ils se radicalisent plus ou moins. Ensuite, cette radicalisation s'opère dans des moments précis: des moments de crise ou de transformation de la société française elle-même Aussi le vrai problème n'est-il pas les immigrations ou les immigrés mais la société. La conception de l'immigration comme "problème" occulte problème posé par la transformation de la société s'agit en fait de comprendre ces mutations profondes. C'est la société française qui se pose le problème de l'immigration. Les discours qui se construisent sur ce qui serait "le problème de l'immigration" tombent dans ce piège. Ce qui ne signifie pas qu ' il n'existe pas de problèmes spécifiques posés avec l'immigration, mais pas fondamentalement différents de ceux des couches défavorisées de la société française Défavorisés et catégorisés comme immigrés. Pourquoi parlez -vous du "regard des vainqueurs" ? Dans la construction de l'immigré comme victime idéale, dans son objectivation comme problème, ce qui se joue c'est le reqard de la société française sur ellemême. C'est un regard de vainqueur, qui considère les autres particulièrement, du sud, comme nécessairement " inférieurs", comme sujets et non-citoyens Aussi une question est-elle occultée: l'égalité, On refuse de problématiser l'immigration en termes d'égalité. Ce n'est sans doute pas un hasard si les luttes de l'immigration des années 1980 ont porté sur cette question de l ' égalité. Pour des raisons historiques, culturelles, les droits ne sont pas les mêmes. Ce problème particulièrement compliqué et profond du rapport à l 'égalité concerne toutes les couches de la société. Ce regard est particulièrement flagrant à l 'égard des Algériens, des Maghrébins. Le double échec de la colonisation et de l'intégration de l'Algérie à la France est d'abord celui de l'égalité Autrement dit, c 'est la République qui s'est déniée dans cet échec. Le regard des vainqueurs est celui de ceux qui pensent détenir les moyens et les compétences de la réussite face à ceux qui ne les auraient pas. Le regard raciste est toujours un regard de vainqueur. Vous parlez cependant d'une grande proximité avec ces immigrés de l'Afrique du nord-ouest, malgré une "différence" de taille,' la religion. Aussi évoquez- vous une spécificité du regard vis-à-vis de "l'Arabe" ... Il y a à la fois une histoire commune et un divorce encore toutà- fait digéré par la puissance coloniale. Les liens se so nt défaits par la force des armes : comment cela ne laisserait-il pas de traces? En plus se nouait dans cette histoire le lien à l'Islam. C'est évidemment un mélange explosif. L'ensemble des déterminants de la société était en jeu dans cette relation: culturel, social, économique ... Et derrière cet antagonisme, s'est constituée une proximité telle qu'on n'en a jamais connue d'aussi forte dans l'histoire des migrations dans la société française. Une proximité paradoxale 10 Immigrations: la société française face à elle-même C'est la première fois qu'un processus s est construIt aussI avec une dimension paradoxale. Toutes les précedentes migrations (celles des Polonais , Italiens, Juifs d'Europe centrale) ve-naient d'un "extérieur culturel" par rapport à la société française. Ce n'est pas le cas des migrations de l'Afrique du nord, où la langue elle-même joue un rôle considérable. Qui est la langue du colonisateur. Vous parlez de proximité, n'y a t-il pas aussi (nécessairement ?) un rejet réciproque, mais fondamentalement différent ? rejet de la colonisation, d'un côté, et de l'autre là aussi, un rejet de "vainqueur". Si, il s'agit précisément de ce qui se noue dans la relation colonisé/ colonisateur. Le rapport aux "Maghrébins" pose un problème complexe à la société française au sens où Edgard Morin parle de complexité du social. La France n'a pas fait sur soi le travail de deuil de la colonisation, passée au compte des pertes et profits. Par quoi aurait dû passer ce deuil ? Par la reconnaissance de la relation coloniale, par la reconnaissance de la guerre, et aussi par la prise en compte de la réalité économique de l'Algérie dans laquelle il y a une co-responsabilité. L'immigration est aussi le fruit de la déruralisation ... Avec l'Italie ou l'Espagne se sont établies des relations de nations à peuples. Entre la France et l'Algérie, il s'agit d'une relation de couple avec ce que cela peut signifier des deux côtés lorsque le couple vit une crise pathologIque. Et ce rapport de la société française à l'Islam? Il renvoie à l'image de la France "fille aînée de I 'Eqlise". La colonisation a terrassé 'Islam, mais ne l'a pas réduit C'est "l'Autre" de la culture européenne. Comparons les racismes religieux. Le racisme anti-juif décrit le Juif comme l'ennemi intérieur porteur d'une trahison potentielle. C'est "l'ennemi tapi" Le racisme anti-islamique se fonde sur la même structure, mais symétriquement inversée. Il décrit le Musulman comme l 'ennemi extérieur qui ne pense qu'à envahir Alors même que la culture latine s'est construite avec un apport musulman et arabe important. La religion a fonctionné comme prétexte à la non-égalité. La catégorie "Français musulman" a été créée à cette occasion, posant aussi un problème considérable au droit français. Revenons à ces mutations ou crises de la société française. Vous écrivez que 1 a "camelote" du racisme se vend bien parce qu'il s'est produit des mutations profondes dans 1 a société et l'imaqe qu'elle a d'elle-même , et vous énumérez les mutations économiques, le passage d'une "société d'exploitation" à une "société d'exclusion". malgré l'émerqence de "l'éthique de la jouissance", la transformation des représentations de l'avenir, notamment par les couches moyennes, envisagé non plus de façon "collective et radicale" mais de manière "empirique", "pragmatique", avec des démarches "utilitariste" et "instrumentaliste". Vous évoquez les mutations d'identités sociales, professionnelles, vous décrivez le lien social qui se délite là ou les concurrences prennent le pas sur les solidarités, vous mentionnez la capacité des médias a promouvoir des "consomma teurs d'images passifs", vous dites que l'avenir personnel comme politique est vécu comme aléatoire et l'avenir national comme en danger. C'est sur ce substrat qu' aurait été problématisée l'immigration. L'étude des mutations de ces trente der nib'es années n'entraÎne-t-elle qu'au pessimisme? Bien sûr que non. Mais j'ai essayé de regarder l'évolution de la société française dans le rapport qu'elle cons trui t à l'immigration. Durant ces trente dernières années, d'autres trans formations importantes et positives ont eu lieu, qui concernent les rapports entre les sexes, les rapports au travail, à la culture, le développement de l 'autonomie. L'atome et la pilule ont bouleversé en profondeur cette fin du XX'm siècle. Mais dans ce processus, les "couches marginalisées" sont dans le collimateur de notre société. Il y a, effectivement, prise en compte de la diversité du genre humain, des cultures. L'idée selon laquelle la culture des autres peut être un apport, peut enrichir le tissus collectif commun a progressé. Pour autant, le développement d 'un individualisme, possessif, et le désengagement face au collectif, constituent la grande défaite de ces trois décennies. Au point que l 'on peut parler d'une "modernisation conservatrice" dont la droite comme la gauche, au gouvernement, ont été porteuses. L'Etat joue de moins en moins son rôle, le marché s'impose de plus en plus, on passe du fordisme au libéralisme Il y a dérégulation du rapport social, crise du lien social. Cette transformation en profondeur contribue à la désocialisation de couches sociales de plus en plus importantes, parmi lesquelles les immigrés. Dans ce contexte, où vous décri vez l'absence de plus en plus marquée de contenu, notamment économique, de l'antagonisme droite /gauche (d'une certaine droite et d'une certaine gauche) vous situez l'immigration comme un "enjeu social, politique, symbolique" comme si s'opérait un glissement du discours politique, se focalisant autour d'un "problème immigré". Et vous parlez de la montée progressive, "aux extêmes, de la dramaturgie de l'exclusion". Face à cela, vous évoquez une certaine difficulté voire une incapacité du mouvement syndical à prendre réellement en compte l'immigration . .. Oui Le mouvement syndical français est passé pour une larqe part à côté de l'immigration Les 'syndicats s'appuient traditionnellement sur des catégories sociales spécifiques, essentiellement les ouvriers qualifiés, parmi lesquels ne se recrutent pas massivement les travailleurs immigrés Pourtant, certains mouvements importants ont mêlé -ou tenté de mêler- les revendications, les actions, ces voix, de travaill eurs immigrés ou non, tels ces mouvements des ouvriers de chez Citroën ... Oui. Un redéploiement s'est opéré à partir de 1986 en particu ier. Les syndicats, après s'être investis, pour certains d'entre eux, dans "l'aide au retour", se sont davantage ouverts à cette partie de la classe ouvrière, d'OS, de travailleurs majoritairement peu qualifiés que sont les travailleurs immigrés. C'est aussi une conséquence de la transformation de la classe ouvrière. Le mouvement associatif, ditesvous, a joué le rôle que ne tenaient pas d'autres courants sociaux. Les associations ont joué, sur une plus petite échelle, et en étant plus proches des gens, des réalités, le rôle joué par l'Etat dans les années 60. Elles ont mis en place une politique sociale, et obtenu immédiatement des subventions d'Etat, au comptegouttes. Comme un mouvement capillaire, de toutes façons moins coûteux pour l'Etat qu'une véritable politique sociale. Elles ont aussi joué un rôle de socialisation que ne jouaient plus les partis. Socialisation " entendez-vous aussi "intégration" ? Je tiens à préciser d'emblée qu'il ne faut pas confondre intégration et assimilation, ni tomber dans le piège de l'assimilation. La question de l'assimilation est une fausse question. On n'est jamais assez assimilé d'un point de vue social, culturel quoi de commun entre Dupont de banlieue et Durant de Neuilly ? N'y a-t-il pas proximité plus grande entre Dupont et Mohamed de banlieue? Poser la question de l' assimi lat ion , c ' est sousentendre celle de l'exclusion. L'intégration en revanche est une vraie question. Elle renvoiè à la nature des mécanismes que la société est capable de mettre en oeuvre pour intégrer. Et à quoi s'intègre-t-on? A un développement de la société En ce sens, l'inté~ration est toujours une dynamique. L' intégration concerne donc toutes les couches de la population. Toutes les couches "exclues", parmi lesquelles aussi, majoritairement, les immigrés. Depuis 20 à 30 ans, la société française crée un champ de marginalité important. Il n'existe pas de couche sociale qui a priori ne veut pas s'intégrer. Mais il y a des mécanismes bloqués dans la société Dans les secteurs du travail, de la formation, de l'école Tout le reste en découle. C'est une logique d'exclusion Je considère que l'intégration est une question fondamentale Mais pour toute la société française, pas uniquement pour les immigrés. Au sein des marges elles-mêmes, se reproduisent d'autres exclusions ... Tout-à-fait. La société française fonctionne avec des modes de hiérarchisation Les formes de domination et d'exclusion qui opèrent au niveau macro-social se retrouvent au niveau micro-social. Vous consacrez un chapitres aux Femmes de l'Islam, ou dans les pratiques de l'Islam. En l'occurence, dans ce "regard de l'extérieur" par rapport à l'Islam ou à la culture islamique, qu'est-ce qui relève de l'engagement solidaire pour l'égalité des femmes, qu'est-ce qui relève au contraire de cette démarche de "vainqueur"? Je n'ai traité cette question que sous un seul angle. J'ai voulu montrer que cette positivation de l'image de la femme vise généralement à défavoriser encore plus l'image de l ' immigré, et de 1 'homme immigré. li existe cette tendance à considérer les femmes en raison de l'exclusion ou de l'infériorisation éhontée qu'elles subissent à travers des pratiques de l'Islam, pour les sortir de la religion, non pour la transformer ou en transformer les pratiques. Et je dis cela d'autant plus tranquillement que pour ma rart je suis athée. Ceci étant, Il faut 11 INTERVIEW DE SAMI NAIR défendre le droit des femmes à l'égalité. Il s'agit en l' occurence de ne pas faire du racisme à l'envers, le critère du racisme étant l'infériorisation de l'individu. li n'y a pas davantage de raisons d'accepter l'infériorisation des femmes dans cette conception de l 'Islam que celle des Noirs dans le système d'Apartheid Je crois qu'aucun a priori culturel n'est justifié. Le combat pour l'émancipation est un combat-clé. Et ce n'est pas non plus un hasard si les intégrismes s'attaquent particulièrement aux droits des femmes leur combat est porteur d'émancipation. Vous abordez très brievement les politiques migratoires successives de l'Etat français. Vous rappelez que la France, pays "importateur de main d' oeuvre" depuis le milieu du XIX'"" siècle a accéléré cette politigue après guerre, avec une apogée dans les années 58-68, ce qui a correspondu au plein emploi des Trente Glorieuses, avant ce que vous appelez "la mutation conservatrice" des années 70. Vous vilipendez l'attitude, des autorites de certains pays d'immigration enfait essentiellement du Maroc "qui partage 1 a vision de l'extrême droite, obéit aux mêmes impératifs ... ". Pouvez-vous préciser? Pour les deux pays, d'émigration et d'immigration, ces migrations sont une bonne affaire au départ. Le pays d'accueil voit arriver une main d'oeuvre adulte, déjà formée, immédiatement "rentable", pour laquelle il n'a rien investi Le pays de départ se débarrasse quant à lui d' une partie de la population qui, autrement, poserait des problèmes sociaux considérables. C'est le cas d'une partie de la population rurale marocaine qui, en revanche, peut envoyer des devises dans le pays d'origine. Les choses se compliquent à l'étape suivante. Pour le pays d'accueil, l'immigration n'est pas qu'un phénomène économique, c'est aussi un évènement humain. Et l'on ne connaît pas de phénomène migratoire s'étant conclu par des vagues de retour C'est généralement l ' intégration qui prévaut. La société d'accueil a en ce sens des responsabilités. Le discours ou la politique de l 'extrême droite s'opposent à l'intégration, prônent le maintien des travailleurs immigrés dans une situation de précarité totale. C'est aussi comme cela que les autorités marocaines conçoivent leur intérêt: cette précarité incite ou contraint les travailleurs marocains à épargner dans la perspective du retour. Sans doute cette dernière question mériterait-elle que l'on s' y arrête beaucoup plus longuement et précisément. Mais puisque vous même l'abordez dans votre conclusion, revenonsy rapidement. Vous l'appelez à quel point l'accroissement du fossé économique entre un nord riche et s'enrichissant et le tiersmonde. ne peut qu'entraîner l'accélération de mouvements migraoires de plus en plus massifs. Et aux "néo-anti-tiers-mondistes" pour qui les indépendances n'auraient finalement mené à rien, vous répondez qu'on n'en est peut-être l'esté qu'à cette première étape de l'indépendance. Certes, mais comment imaginer les vo'ies menant vers de nouveaux l'apports internationaux? Nous vivons une période de très profonds bouleversements à l' échelle internationale. Les déplacements de populations dans le monde, dont on ne voit qu'une faible part en Europe, sont considérables. La Somalie, malgré son Pib, est pourtant un pays d 'accueil. L'immigration touche majoritairement les pays pauvres. Le Tiers-Monde a connu une période de développement dans les années 60-70, aujourd'hui, c'est le non-développement. Après une période développementaliste et donc pas seulement commerciale dans les relations internationales, c'est le grand retour du commerce international. Les pays du sud n'ont pas les moyens de maîtriser leur propre développement Les politiques de contrôle et d'ajustement du Fmi et de la Banque Mondiale visent à mettre en conformité le Tiers-Monde avec le modèle libéral à l 'échelle internationale. Ces pays n'ont n'ont plus la maîtrise de leurs propres richesses, ni la possibilité de fixer leurs prix en fonction des marchés intérieurs, ni celle de développer des politiques publiques en fonction des réalités sociales. Aussi les indépendances deviennent-elles formelles, des coquilles vides. Le Fmi et la Bm empêchent ainsi les politiques d'intégration globale de ces sociétés et accentuent les processus de dualisation. Avec, pour le moins, l'aval des autorités de certains pays concernés! Sans aucun doute. Tant que ces choix dureront, les migrations forcées se poursuivront. Comment en sortir? C'est l'objet d'un autre livre ... propos recueillis par Isabelle A vran COURRIERS DOUBLE PEINE Lettre ouverte du Bureau National du Mrop à Monsieur Francois Mitterrand Président de la République Le Bureau National du Mrap, réuni à Paris le 19 septembre ]992, lance un appel solennel à M. Francois Mitterrand, Président de la République, afin qu ' il prenne la décision de mettre un terme véritable aux cruelles situations dont sont victimes depuis parfois de longues années certaines catégories d'étrangers dits ·'protégés". En dépit des nouveaux textes législatifs et réglementaires et malgré les assurances écrites des pouvoirs publics , ceux-ci restent frappés de "double peine" judiciaire (I!f/ltdl) ou administrative (expulsions). Le Mnlp a depuis Toujours poursuivi ses efforts militants contre les mesures d'éloignement forcé du territoire français de ceux et celles qui possèdcnt toutes leurs attaches en France. Il soutient l'action du Comité National contrc la Double Peine et il a appuyé les justes revendications des grévistes de la faim de janvier et février 1992 contre la "Double Peine". Le Mrap a pris note avec eSfH)ir des avancées que représentent: - la loi du 31.!2.1991, en ce qu'elle consacre certaines catégories d'étrangers protégés des Interdictions du Territoire Français, - le télégramme circulairc du 30.01.1992 du Ministre de l'lntérieur aux préfets, relatif à la régularisation de la situation administrativc de ces étrangers. - la circulaire du 22.0Ll992 du Ministère de la Justice établissant une procédure spéciale en matière de requêtes en relevé d'ltf/ltdf applicable aux personnes déjà condamnées auxquelles la nouvelle loi ne peut être appliquée rétroactivement, - la lettre du 20.02.1992 du Ministre de l'Intérieur donnant des assurances relatives: au caractère non automatique des arrêtés ministériels d'expulsion "en urgence absolue" et à l'étude au cas par cas des demandes d'abrogation présentées, à la restitution des titres de séjour après annulation des mesures d'éloignement, à la "prise en considération dans un sens humanitaire" des demandes présentées par les grév istes de la fa im de janvierfévrier 1992. Cependant. comme au lendemain de la circulaire du 22.01.1992, le Mrap est convaincu par l'expérience qu'il est illusoire de s'en remettre aux seuls magistrats pour apporter une solution collective efficace à la situation de tous les étrangers dits "protégés", frappés d'interdictions judiciaires du territoire prononcées antérieurement à la loi du 31.12.1991. De plus, tant la loi que la circulaire excluent de toute protection certains étran· gers normalement protégés des expulsions. Malgré les assurances écrites reçues par le Comité National contre la Double Peine, le Ministre de l'Intérieur, en concertation avec les préfectures. semble continuer à appliquer de facon quasi-systématique la procédure dérogatoire d'expulsion "en urgence absolue" aux étrangers protégés des expulsions simples par l'anicle 25 de l'Ordonnance du 2.11.1945. L'examen au cas par cas des dossiers d'expulsion par le Ministère de l'Inté ri eur ne semble pas toujours tenir suffi sammefll compte des âges de réinsertion ct de la situation actuelle des intéressés et n'a, pour l'instant, apfH)né qu'un très petit nombre de mesures d'annulation ou d'assignation à résidence. Pendant les périodes d'instruction de leurs requêtes en relevé d'ltf (de 2 à plusieurs mois selon les cas) par les juridictions concernées, les intéressés sont privés de tout titre de séjour et de travail. Ils ne peuvent prétendre à aucune des aides publiques à la réinscrtion des sortants de prison (hébergement. fonnations, Anpe, Ami, etc ... ). Une telle situation ne peut que gravement favoriser la récidi· ve. Contrairement aux instructions du ministère de l' Intérieur, de nombreuses préfectures refuscnt de restituer aux personnes dont les mesures d'éloignement ont été annulées, les titres de séjour auxquels elles pouvaient auparavant prétendre ou dont elles étaient déjà titulaires. Parfois, comble d'inhuman ité, les refus de relèvement d'interdiction du tenitoire ou les refus d'abrogation d'arrêté d'expulsion concernent de grands malades dont certains meurent actuellement en prison ou sont expatriés loin de leur famille. Après 6 mois, la situation personnelle de très nombreux grévistes de janvier-février 1992 est loin d'être règlée. C'est pour 12 obtenir de Monsieur François Mitterrand, président de la République, d'urgentes décisions d ïntérêt général sur tous ces chapitres que Monsieur Abderrahmane Derraridj, membre act if du Comité National contre la Double Peine, frappé lui -même d'une interdiction définitive du tenitoire fransais, a décidé le 1er septembre dernier d'entamer seul une seconùe grève de la faim, après celle de janvier-février 1992. Le Mrap, qui ne peut approuver le principe d'une grève de la faim, appuie ses revendications et partage les motifs de sa colère. Il déplore que certains se trouvent acculés à choisir de tels moycns pour tenter de faire entendre leurs légitimes revendications collectives. Il exprime sa profondc inquiétude face au désespoir de celles el ceux qui SOnt menacés d'éloi gnement alors qu'ils sont profondément enracinés dans la vie de la société francaise. Il s'agit notamment de tOUle une généralion d'aînés de famille, que les hasards de l'Histoire et de la géograph ie ont empêchés de devenir francais. comme la plupan de leur frères et soeurs. Ils se trouvent en danger grave d'exclusion de la société et de déracinement de leur propre famille. Cette situation précarise douloureusement les intéressés. leurs parents, leurs conjoints el leurs enfant s. Le Mrap lance un appel pressanl au Président ùe la République afin quïl veuille bien se saisir en urgence de ce douloureux dossier. La France résolument européenne se doit de montrer la voie aux autres signataires de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Ne pas agir pousserait M. Abderrahmane Derraridj et demain au bout de la logique du désespoir et serait lourd de conséquences pour l'intégration des communautés immigrées de longue date en France el en Europe. Le Mrap réitère la demande du Comité Nati onal contre la Double Peine et du Collectif d'Associations qui le soutient qu'une réunion intenninistérielle ait lieu dans les plus brefs délais afin de mettre sur pied un mécanisme de traitement du problème de la Double Peine. Pour le bureau national Mouloud Aounil Secrétaire général A VOIR ET ENTENDRE Voix de Méditerranée: Les 9 et 10 octobre, vous pourrez entendre Houra Aïchi, Leila Chaiane, DOllTusulana (polyphonies corse), et Tasga à l'auditorium du Chatelet, à Paris. Vous pourrez aussi éCOUler Sultana Daoud. ·'Reinette l 'Oranaisc", le 9 et Sapho le 10. Réservations: 42361390. Yenenga : Danse africaine contemporaine, une création d'Irène Tassembedo, avec la compagnie Ebene ct lc groupe instrumental Koko, à Paris, Grande Halle de la Villelle, du 7 au 14 octobre. Réservations: 43 28 60 97. OEMANDEZ LE FILM Sortie cn vidéo-cassette du film de D. Kupferstein sur les étrangers dans le combat contre le nazisme. La cassette sera bientôt en vente et en location: commandez-là dès maintentant au prh promotionnel de 600 francs (au lieu de 800) auprès de Jean-Pierre au Mrap. Prix valable jusqu'au 15 novembre. Différences 89. rue Oberkampf 75543 Paris Cedex II Tél. : 48.06.88.00 Téléçopie: 48.06.88.01 Directeur de la publication Mouloud Aounit Gérant bénévole Martial Le Nancq Rédactrice en chef Cherifa Benabdessadok Journaliste Isabelle Avran Publicité aujoumal Abonnements Isabel de Oliveira Conception, mise en page Jean-Guy Vizet Tél.: 46.63.76.53 Impression Montligeon Tél. : 33.83.80.22 Commission paritaire n° 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légal 1992-10 l

Notes

<references />

Catégories