Différences n°38 - octobre 1984

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Sommaire du numéro

n°38 de octobre 1984

  • L'apartheid craque de partout par Jean Roccia
  • Les minorités des iles (Antilles) par Me Hermantin propos recueillis par Mariette Hubert [DOM-TOM]
  • A.N.P.E. ils ne pensent qu'à toucher le chômage par A.M. Carmen [immigration, racisme]
  • La vie de Ranka T (travail au noir) par Annie Laurent et Violette Nauncevski
  • Le sentier de la paix (travail au noir) par Thierry Clech
  • Ars en Ré-Arbolé ligne directe (coopération Burkina-Fasso) par J.M. Olle
  • Black America: le rôle des noirs dans l'histoire des E.U. par Robert Pac [U.S.A.]
  • La femme arabe et le satelitte ("Sexe; idéologie, Islam" de Fatima Mernissi) par Marie Bousquet
  • Attention aux mots: Vous avez dit fascisme? par P.A. Taguieff
  • Les gros de ce monde par Martin Monestier
  • Cinéma: Paris-Texas et Smala Minguettes par J.P. Garcia; Le dernier des Miskitos par D.C.
  • Le nouvel ordre de l'information (débat UNESCO)
  • La parole à: Graeme Allwright par Julien Boaz

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Une somme irremplaçable d'arguments pour répondre aux « évidences » du racisme, tout ce que vous devez savoir sur les différences .... Je commande: Les réponses de neuf scientifiques de toutes disciplines. 80 pages, 35 F + 8 F de port. Toutes les interventions, les débats, le sondage des Assises contre le racisme. 80 pages, 40 F + 8 F de port. ... exemplaire (s) des actes du Colloque ... exemplaire (s) du compte-rendu des Assises Au delà de 10 exemplaires, prix respectifs de 30 F et 35 F. Nom: .................. Prénom: ................. . Adresse: ............... . .......................... . Bulletin dûment rempli à retourner accompagné d'un chèque à: Editions Différences, 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. 2 DIFFÉRENCES ET INÉGALITÉS Actes du colloque 10 décembre 1983 Palais du Luxembourg Editions 1iHérences Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences. 89, rue Oberkampf 75011 PARIS Tél. : (1) 806.88.33 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Alb.rt Lévy RÉDACTION Rédacteur en chef .... an-Mlch.1 Ollé Secrétariat de rédaction/maquettes : Véronique Mortalgne Service photos : Abd.lhak Sanna Culture: Danl.1 Chaput Relations extérieures : Danlèl. Simon ADMINISTRA TION /GESTION Khal.d Debbah ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO: Dolorès ALOIA, Julien BOAZ, Marie BOUSQUET, Anne-Marie CARMES, Thierry CLECH, Claude FERRAN, Jean-Pierre GARCIA, Mariette HUBERT, Pauline JACOB, Stéphane JAKIN, Annie LA URAN, Victor-Louis MATTHIAS, Martin MONESTIER, Claude MORHANGE, Violette NA UNCEVSKI, Robert PAC, Jean-Jacques PIKON, Jean ROCCIA, Yves THORAVAL: ABONNEMENTS 1 an : 160 F; 1 an à l'étranger: 190 F ; 6 mois: 90 F. Etudiants et chômeurs, 1 an: 140 F, 6 mois : 80 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien: 200 F ; Abonnement d'honneur: 1 000 F. Vente à l'étranger: Algérie 14 dinars, Belgique 140 FB, Canada 3 dollars. Maroc 10 dirhams. PUBLICITÉ AU JOURNAL Photocomposition - photogravure impression : c.P. Paris Commission paritaire n 0 63634, ISSN 0247-9095. Dépôt légal: 3187 PHOTO COUVERTURE: Burk UZZLE Magnum Différences - N ° 38 - Octobre 1984 ISOMMAIRE' OCTOBRE Différences n'échappe pas à la règle: l'augmentation des coûts du papier nous oblige à augmenter notre prix de vente. Le numéro sera désormais vendu 15 F., l'abonnement d'un an 160 F. POINTCHAUD ................................... tai L'apartheid craque de partout Les parodies électorales de ces dernières semaines ne changent rien au régime de Pretoria. A preuve, les nombreuses victimes de la répression. Jean ROCCIA ACTUEL ...................................................... 1C) Les minorités des Iles. Maître HERMANTIN nous décrit les différences sous les tropiques. Mariette HUBERT GRrunAN .................................................. ·1~ La vie de Ranka T. Une plongée dans le monde obscur du travail au noir. Annie LAURAN, Violette NAUNCEVSKI RENCONTRE ______________ 1tai Ars-en-Ré-Arbolé, ligne directe Grandeur et servitude de la coopération entre la France et la Haute-Volta, maintenant Bourkina-Fasso. Jean-Michel OLLE DOSSIER ................................................ _.18 Black America Le rôle des Noirs dans l'histoire des Etats-Unis, à l'heure où les candidats à la présidence courent après leurs intentions de vote. Robert PAC CULTURES_ ............................................ _ 25 La femme arabe et le satellite Nous avons rencontré Fatima MERNISSI, sociologue marocaine auteur de « Sexe, idéologie, islam ». Marie BOUSQUET Paris-Texas, Smala-Minguettes. Sur vos écrans, deux grands films à ne pas rater. Jean-Pierre GARCIA RÉFLEXION ____________ .... ~2 Attention aux mots Vous avez dit fascismes? demande P.A. TAGUIEFF . Jean-Jacques PIKON HISTOIRE ........ _ ........................................ ~4 Les gros de ce monde L'épopée de ceux qui prennent plus de place que les autres Martin MONESTIER Et touJours ••• Les flashes, le préjugé, le débat, l'agenda, les petites annonces ... 3 l Je m'abonne à Différences, l'autre regard sur le monde. D 160 F (1 an) D 90 F (6 mois) D 200 F (soutien) NOM ___________________________________ _ Prénom Adres~ __________________________________________________________________________ __ Code postal _____________________ Commune __________________________________________ _ Profession ________________________________________________________________________ _ Bulletin dûment rempli accompagné d'un·chèque à retourner à: Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS. Abonnement 1 an : étranger: 190 F ; chômeur et étudiant 140 F. DIF. 38 j 4 CHERSlEC1EURS Différences - N ° 38 - Octobre 1984 LES SOURDS « Vous avez vu Lady Di ? C'est un garçon. Quelle déception pour la Reine Elisabeth ! -- Vous savez, de toutes façons, des étrangers, il yen a trop. -- Et Airbus? C'est un bon coup pour nous, ça, vendre des avions aux Américains. -- Quand ils travaillent, c'est pour prendre la place de chômeurs français, alors ... -- Et Frankenpen, avec son casque à pointe et son accent, il me fait marrer. -- C'est vrai qu'ils causent même pas bien français. -- Desgraupes est viré de la télé. Trop vieux, paraît-il. -- Et la retraite qu'ils touchent, c'est du pain pris aux Français. -- A vec cette histoire du Mont Louis, vous verrez qu'on osera plus se baigner, on risquera d'être contaminés. -- Une vraie peste, je vous dis, il faudrait tous les renvoyer. -- R yale SICOB, aussi. Vous y comprenez quelque chose à l'informatique? -- Les chiffres, il n y a que ça de vrai. R paraît qu'ils sont six millions. -- Je lui trouve petite mine, à la Ockrent, en ce moment. -- On voit qu'eux partout. -- Et le coup de l'essence: on paie moins d'impôts, mais l'essence augmente. -- Rs s'en foutent plein les poches, et même pas merci. -- Et ces histoires de marche pour la paix, de missiles. Je vois le coup que ça va finir par une guerre mondiale. -- Alors là, je vous arrête: une bonne guerre, ça n'a jamais fait de mal à personne ». 5 IIINl CHAU Fausses réformes, vraies victimes: le régime de Pretoria aledos au mur, ce qui le rend encore plus dangereux. Johannesburg, août 84, jour d'élections harpeville, banlieue du Cap, S3 septembre: des enfants noirs dispersés à coup de fouet, le macadam qui brûle, des cadavres, noirs, daris les rues. Le plus symbolique de tout ça, c'est sans doute les coups de fouet. Les brigades anti-émeutes du gouvernement de Pretoria sont sur-entraînées, on ne peut attribuer l'utilisation de cet instrument à l'impéritie de forces de l'ordre prises au dépourvu. Le message est très clair, esclaves vous êtes, esclaves vous resterez, et si vous protestez, c'est le fouet, en attendant les balles. Esclaves. vous resterez: la nouvelle constitution de la République sudafricaine, votée, par les Blancs, en novembre 1983, vient confirmer celle de 1910, qui avait institutionnalisé l'apartheid. Les Noirs, 73 % de la population, restent à l'écart de tout. Pretoria a simplement tenté de séparer d'eux les Métis et les.Indiens, respectivement 2,8 millions et 900 000 personnes, en leur octroyant deux Chambres. Bien sûr séparées du parlement blanc, les deux Chambres, indienne et métisse statueraient sur les affaires concernant les deux communautés. A charge, simplement, pour le Président de la République, en l'occurence Pieter Botha, naguère Premier ministre, et plus anciennement pro-nazi, de décider ce qui les concerne ou pas. Les grands moyens Une stratégie vieille comme le monde, isoler les Noirs pour mieux les contenir. « Partager le pouvoir, dit un universitaire blanc, pour ne pas perdre le contrôle ». L'échec est total, d'ailleurs reconnu par M. Botha. L'UDF (1), organisation récente qui regroupe désormais plus de 700 organisations anti-apartheid, avait appelé Indiens et Métis au boycott. Pour son président, on devait considérer qu'une participation supérieure à 25 % serait un succès pour le Gouvernement. Celui-ci n'a pas lésiné sur les moyens: emprisonnement des leaders pendant la campagne 6 pour le boycott, pressions sur les électeurs à qui on a fait croire qu'ils perdraient leur pension, voire leur maison, s'ils ne votaient pas. En pure perte. 17 % de participation pour les Indiens, 18 % pour les Métis. Les élus représentent 5 % de la population. Deux députés du Cap ont été respectivement élus avec 118 et 115 voix. L'analyse même du calcul du taux de participation est significative

on peut dire, sans exagération,

que la minorité blanche en RSA (2) refuse de regarder la réalité de son pays en face. Pour ce faire, elle est obligée de se mentir à elle-même. Pour obtenir un taux de participation officiel de 28 %, on s'est basé sur les chiffres du recensement de ... 1980, alors qu'on reconnaît par ailleurs tout aussi officiellement, que la population métisse a augmenté depuis de près de 300 000 personnes, ce qui, au total, donne 10 % d'écart au score final de participation. Autre tentative, celle-là plus ancienne, autre échec de l'apartheid

de façon tout à fait cynique,

on pourrait imaginer que le seul régime au monde à avoir institutionnalisé le racisme depuis 1945 pourrait se maintenir, en effectuant une percée économique telle qu'elle émousse les désirs d'indépendance des populations maintenues dans l'esclavage. C'est ce que tente de faire Pretoria depuis quelques années en s'appuyant sur une infime bourgeoisie noire qui collabore avec elle. A coups de fouets Mais cette minorité est complètement isolée du reste de la population. Quand le maire noir de Soweto, M. Tshabalala, millionnaire élu en 1983 avec 10 % des suffrages, invite l'épouse de M. Botha a visiter une crèche entre deux haies de chiens po~iciers, il y a moins de cent personnes à la cérémonie. Pendant les dernières émeutes, le maire-adjoint de Sharpeville a payé de sa vie sa collaboration. Quand au progrès économique, la RSA vit une telle crise que les autorités ont dû augmenter les loyers des ghettos noirs de la banlieue, en sachant parfaitement à quelles protestations elles s'exposaient. Troisième échec, la tentative d'isolement de l'ANC. « Si l'UDF organisation légale, n'a pas de rapports avec elle, l'ANC ne jouit pas moins d'un prestige grandissant dans la population noire» nous disait récemment Jo Gele, un de ses dirigeants. La stratégie de la porte étroite a complètement échoué. Pretoria a entrouvert la porte à certains, mais bien peu veulent la franchir à ces conditions. Face à cela, il y a les forces qui poussent. On a vu le succès de la campagne pour le boycott. On a vu le succès de la grève des cours par les lycéens, qui ré~lamaient des conseils représentatifs, la fin des châtiments corporels, et la suppression des limties d'âge (3). Le mouvement a affecté plus de 30 écoles secondaires noires, puis huit universités, 40 000 personnes. Aux défilés ont succédé les arrestations, les dispersions à coup de fouet. Sept morts en quelques jours, suivis par les massacres du début septembre, DUférences - N ° 38 - Oelobre 1984 quand les populations des townships, (4) dont Sharpeville (5) sont descendues dans la rue pour protester contre la hausse des loyers. Une trentaine de morts en tout, les hélicoptères, les blindés, les balles de caoutchouc puis les balles réelles. La répression la plus sanglante depuis Soweto, en 1976. 73 % de Sud-Africains qui votent avec leur sang, seul moyen qui leur est laissé. Face à ces forces qui poussent, des forces qui résistent: l'opinion blanche d'Afrique du Sud est constamment maintenue par les medias en état de siège, d'hystérie permanente. Il en faut, du travail idéologique, pour faire considérer comme normal le fait de ne pas poser ses fesses sur le même banc qu'un Noir. Sur le chapitre hautement symbolique des relations sexuelles, un sondage récent montrait que 80 % des Afrikaners sont favorables au maintien de l'interdiction des relations sexuelles interraciales. Sans compter les dissensions à l'intérieur même de cette minorité blanche, puisque seulement 40 % des Anglophones sont fa- 7 vorables au maintien de cette interdiction. (Le Monde, 22-08-84). Sans présenter l'ex-nazi Botha comme un libéral, on ne peut comprendre la situation en Afrique du Sud sans admettre que pour une bonne partie de la population blanche, il est allé au bout des concessions possibles. Echec du simulacre d'ouverture, poussée de la population noire, exacerbation des résistances dans la population blanche, la RSA est une cocotte minute dont la soupape de sécurité vient de se boucher. Reste à ouvrir le couvercle. Depuis quelques années, le Gouvernement de la RSA a compris que son salut est à l'extérieur. Il a partiellement réussi à se débarrasser de la pression des pays de la ligne de front, surtout du Mozambique, en profitant de leur faiblesse économique pour arracher des concessions. En même temps, le Premier ministre a entrepris une opération de séduction envers les pays occidentaux, avec une longue tournée en Europe au mois de juin. Le Gouvernement français n'a pas réagi avec la fermeté qu'on attendait de lui, puisqu'au bout du compte, le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Jean Laurain, s'est retrouvé côte-àcôte avec M. Botha pour inaugurer un monument aux morts sudafricains de la dernière guerre (voir encadré). Après les émeutes du début septembre, Lionel Jospin a déclaré à Nairobi que le LA MÉMOIRE COURTE Parti socialiste « continuerait de faire pression sur les entreprises pour qu'elles diminuent leurs invertissements en RSA, et, si possible, qu'elles cessent d'en faire ». L'affaire récente des sous-marins laisse toutefois planer un doute sur la validité d'une telle affirmation (voir encadré). Il convient aux pays industrialisés de couper le feu sous la cocotte. En n'apportant aucun soutien extérieur au Gouvernement de Pretoria. Toute considération humanitaire mise à part, le problème de l'apartheid, c'est que c'est un régime qui n'est pas viable, qui ne peut s'acheminer que vers sa propre destruction, sauf survie artificielle de l'extérieur. Reste à éviter la destruction sanglante. Seules l'ANC et les organisations de l'UDF souhaitent l'établissement d'une société multiraciale à égalité des droits. C'est là qu'il faut chercher les forces de paix de l'Afrique australe. Jean ROCCIA (1) United Democratie Front. (2) République sud-africaine. (3) Beaucoup d'enfants noirs, en retard scolaire, doivent quitter l'école à cause d'elle. Rappelons que l'Etat dépense huit fois plus pour un écolier blanc que pour un noir. (4) Banlieues noires. (5) Le 21 mars 1960, la répression d'une manifestation à Sharpeville faisait 69 morts. La date a depuis été choisie par l'ONU comme celle de la journée internationale de lutte contre le racisme. Juin 1984 dans la Somme. Pieter Botha, membre d'un mouvement pro-hitlérien en 1940, vient s'incliner devant un monument aux morts sud-africains pendant la deuxième guerre mondiale. Sur la stèle sont gravés les noms et prénoms des combattants tués. Quand il y a seulement inscrit «soldat sud-africain », c'est que la victime était noire. Donc n'avait pas de nom. En juillet le MRAP demande « s'il est vrai que les négociations sont en cours pour la livraison de quatre sous-marins nucléaires à l'Afrique du Sud ». Claude Cheysson, ministre des Relations extérieures, et les chantiers Dubigeon démentent catégoriquement. D'après ces derniers, le matériel militaire ne peut être construit que par les arsenaux militaires. C'est oublier que les mêmes chantiers ont déjà construit des sous-marins, bâtiments rarement civils, pour l'Afrique du Sud. D'autre part, des informations complémentaires indiquent qu'il s'agit non d'en construire, mais d'en faire réparer quatre non-nucléaires il est vrai, réparations que les chantiers navals espagnols de Cartagena ont refusé d'effectuer, aunom de la lutte contre l'apartheid. On attend encore des précisions des chantiers Dubigeon. LE MBIS Patte blanche N'entre plus qui veut au Centre Leclerc du quartier d'Ouffe-IesBois, à Pau (Pyrénées Atlantiques). Pour être admis à y faire ses achats, il faut avoir préalablement montré « patte blimche ». A savoir, n'être pas gitan ou gitane, que l'on soit jeune ou vieux. Car les choses en sont là. L'un des collaborateurs de M. Guilhempourqué, le directeur du Centre, s'explique: « Que voulez-vous, le vol, pour ces gens-là, c'est comment dire? presque une profession . .. ». Mais a-t-on au moins pris en flagrant délit de chapardage des membres de la communauté des Gens du Voyage? « Nous n'en sommes pas encore là, reconnait l'interlocuteur, mais on ne compte plus les exactions, les agressions, les menaces verbales et les vols ». Une vingtaine de Gitans, parmi le petit millier qui réside actuellement sur un terrain tout proche du centre Leclerc, ont l'intention de porter l'affaire devant la justice, en se référant à la Loi du 1er juillet 1972, contre la discrimination raciale. « On se cotisera, disent-ils, pour payer un avocat ». (24 août) Le pacte En joignant leurs voix pour élire à la présidence de l'Assemblée régionale corse Jean-Paul de Rocca-Serra (RPR), la droite et l'extrême droite scellent un pacte de gouvernement. (26 août) Chut ... Jean-Claude Beaussart peut se frotter les mains. A Haubourdin (Nord), dans le quartier du Petit Belgique, on raconte depuis qu'il est tout gosse qu'il aime bien rouler des m'ècaniques et jouer les terreurs. Et il n'a rien fait de ma!. Enfin, rien de répréhensible aux yeux de la loi. Sauf peut être d'avoir planté au pied d'un immeuble HLM, pompeusement baptisé Résidence Flandres, une croix de bois marquée d'une croix gammée, accompagnée de l'inscription « Mort aux bougnouls. Vive Le Pen ». Trois heures plus tard, Karim Benhamida, vingt deux ans, agonisait à trois mètres de là, touché par une balle de 22 Long Rifle. Du racisme ? « Je crois que vous faite fausse route. D'ailleurs, je ne peux rien vous dire. Et on a reçu des consignes très strictes: secret de l'instruction ». Des consignes venues « de très haut» obligent les policiers à garder le silence. (29 août). Expulsions de nazis Le ministère de la Justice des Etats-Unis n'aime pas qu'on lui mente : quarante ans après la fin de la guerre, il a réussi à expulser l'archevêque orthodoxe roumain Valerian Trifa, accusé d'être responsable de pogroms à Bucarest, en 1941. Mais l'archevêque n'a pas été expulsé pour crimes de guerre ou crime contre l'humanité. Il a été simplement poursuivi pour avoir menti aux services d'immigration de l'Etat américain. (18 août) Le néo-faciste italien Emilio Carbone, détenu à laPaz pour conspiration contre le gouvernement bolivien et soupçonné d'être impliqué dans l'attentat de la gare de Bologne, qui avait fait quatre vingt cinq morts en 1980, sera expulsé vers l'Italie. Emilio Carbone s'était dernièrement consacré à l'organisation d'un centre d'entraînement de groupes para-militaires d'extrême-droite. Il a été un proche collaborateur de Pier Luigi Pagliai, lui aussi soupçonné d'avoir participé à l'attentat contre la gare de Bologne. (19 août) Soudan, l'été dernier « Les bourreaux accomplissent leur tâche au milieu des acclamations. Ensuite, brandissant les mains coupées à bout de bras, ils les présentent à la foule » ... Ce témoignage, cité par Amnesty International, décrit l'application de la loi islamique au Soudan : l'amputation de la main droite aux voleurs. Dans une déclaration, devant une commission des Nations Unies à Genève, Amnesty qualifie cette pratique, en vigueur au Soudan depuis septembre 1983, de « punition cruelle, inhumaine et dégradante, absolument interdit en vertu des critères internationaux existant ». Tout en prenant garde de préciser qu'« Amnesty International ne s'oppose ou ne soutient aucun système particulier de justice, à condition qu'il soit en accord avec les règles internationalement acceptées des droits de l'Homme ». (20 août) Délits d'amour en technicolor Un représentant en ordinateurs et une opératrice sont condamnés à quatre mois de prison avec sursis pour tentative d'infraction aux lois sud-africaines, dites « d'immoralité », interdisant les relations sexuelles entre Blancs et non-Blancs. Gill Steven Fourie, vingt sept ans, et son amie noire, Hermiena Koena, trente deux ans, ont été surpris par des policiers alors qu'ils étaient en train de se dévêtir dans un appartement. Cent soixante-neuf Sud-africains ont été déférés devant les tribunaux, l'an dernier, pour répondre du délit d'amour inter-racial. (20 août) Toshio Wakabayashi, comme tous les Japonais, est « Blanc honoraire» au pays de l'apartheid. Il n'en est pas moins contraint de quitter l'Afrique du sud parce qu'il a enfreint la loi en épousant une femme de race blanche. Avec Brigitta, sa femme, et leur petite fille Ichizu, Wakabayashi ira tenter sa chance en Namibie, où les lois interdisant relations sexuelles et mariages entre gens de races différentes ont été abolies, bien qu'il s'agisse encore d'une colonie sud-africaine. (21 août) Contre-feux Face aux flambées racistes et aux risques d'incendies xénophobes, qui l'ont mise à l'épreuve ces derniers temps, la police néerlandaise vient d'allumer ses contrefeux. Après neuf mois de campagne publicitaire et de recrutement par petites annonces, afin d'enrôler des immigrés sous l'uniforme, elle peut se vanter déjà de ses premiers succès. Rien qu'à Amsterdam, cent soixante Turcs et Marocains se sont portés candidats à l'examen d'entrée dans la police. Cinq d'entre eux suivent actuellement les stages et cours de formation. Il en est prévu autant pour la session d'octobre. Pour en arriver là, il aura fallu contourner quelques lois, dont celle qui implique la jouissance de la nationalité néerlandaise pour tout futur agent de police. Pour la première fois dans l'histoire des Pays-Bas, on verra donc des « bronzés» à l'accent berbère se pencher consciencieusement sur les papiers d'identité de blonds Hollandàis. (21 août) 8 Chou blanc Alors que les 2.600.000 de Métis sont appelés à élire, pour la première fois leur assemblée prévue par la nouvelle constitution sudafricaine, la police arrête les principaux chefs du UDF (Front démocratique unifié) qui appelle au boycott du scrutin. Parmi les personnes ainsi interpellées, figurent le président national de l'UDF, Archie Gumede, un vieil opposant au régime d'apartheid, ainsi que le secrétaire à l'information du mouvement, « Terreur» Lekota, un ancien prisonnier du bagne de Robben Island. Six autres membres du comité national exécutif de l'UDF sont également sous les verrous, dont le Dr Essop Jassat, un médecin qui préside le Congrès Indien du Transvaal, ainsi que le président du Comité pour la libération de Nelson Mandela, Curtis Nkondo, autre habitué des geôles sud-africaines. (21 août) « Dans certains bureaux de vote, il y a plus de policiers que d'électeurs », ironise un journaliste noir à Johannesburg. Les autorités sud-africaines poursuivent leur rafle des responsables des mouvements anti-apartheid, s'en prenant également aux partisans de la Conscience noire. (22 août) En boycottant à 70 070 les élections pour leur nouvelle assemblée, les Métis infligent un sérieux échec à Pieter Botha. Le revers est cuisant pour le régime de Prétoria. « La main coopérative tendue par l'électorat blanc», dônt avait parlé le Premier ministre Pieter Botha, est rejetée par la grande majorité des Métis d'Afrique du Sud. (23 août) Un détenu politique noir, Ephraïm Pemthetwa, est retrouvé mort, pendu avec survêtement dans sa cellule à Durban. Selon les autorités sud-africaines, il se serait suicidé. Par ailleurs, les arrestations se poursuivent: Moss Chikane, secrétaire général du Front démocratique unifié (UDF) pour le Transvaal, a rejoint plusieurs dizaines de ses camarades interpellés la semaine dernière. C'est dans un climat d'extrême tension que les 850 000 Indiens d'Afrique du Sud sont appelés à voter, comme les Métis il y a huit jours, pour le nouveau parlement tri-caméra!. (28 août) Avec près de 75 0J0 d'abstentions, plus encore que lors du scrutin organisé pour les Métis, la communauté indienne rejette avec éclat, les nouvelles institutions qui excluent la majorité noire du pays. (29 août) Charniers Un journaliste de l'Observer découvre en Ouganda, un charnier de deux mille personnes. Cinq ans après la chute d'Idi Amin Dada, l'Ouganda vit toujours sous le règne de la terreur. Plus de cent mille personnes auraient ainsi trouvé la mort en trois ans, principalement entre les mains d'une armée gouvernementale indisciplinée et incontrôlée. La situation en Ougaflda est 0( 0. Charles 12 janvier 2012 à 11:57 (UTC) ___________________________________ ~~YL __ ~ 10-09-84 : le cinéaste turc Ylmaz Güney meurt à Paris des suites d'une longue maladie. « la plus grave» de la planète, estiment les Américains. (21 août) La justice fait procéder à l'investigation de quatre fosses communes découvertes à Pucayacu, dans le sud du Pérou. Cinquante corps, dont celui d'une femme, en ont été exhumés. Le commandement des forces armées péruviennes a aussitôt publié un communiqué déclarant qu'il devait s'agir de cadavres de guérilleros sommairement enterrés là par leurs camarades, à la suite d'affrontements avec les forces de l'ordre. Néanmoins, selon des journaux de Lima, plusieurs cadavres porteraient des traces de tortures, ce qui pourrait accréditer l'hypothèse qu'ils ont été exécutés, peut être par les groupes antisubversifs qui sont à l'oeuvre contre les rebelles maoïstes du Sentier lumineux. (26 août) Musiciens juifS s'abstenir L'Islam est religion officielle en Malaisie: c'est la raison qu'invoque la direction de la Citybank de Kuala Lumpur, pour exiger que l'Orchestre Philharmonique de New York retire de son programme une oeuvre composée par un musicien américain d'origine juive, Ernest Bloch. Cette exi- Différences - N ° 38 - Octobre 1984 gence amène la Philharmonique à annuler les concerts, organisés par la Citybank, qu'elle devait donner dans la capitale malaisienne. Interrogé au sujet de cet incident, le ministre de l'Information malaisien, M. Rais Yatim, se contente d'estimer que l'annulation de cette tournée « ne fera de mal à personne », manière d'approuver indirectement la requête raciste de la direction de la banque. (13 août) La mort de N'Gom 1 Le footballeur Michel N'Gom, ex-attaquant du Paris SaintGermain, se tue en voiture, à quelques kilomètres d'Auxerre. Sa grande joie, c'était de marquer des buts : il était certainement le joueur français qui « explosait» le plus après un shoot victorieux. Le plus beau restera celui qu'il expédia dans les filets de la Juventus de Turin, en coupe d'Europe, pendant les arr~ts de jeux. Michel N'Gom était né voici vingt-cinq . ans à Dakar. (13 août) La noce Après avoir tenté sa chance avec le Soudan, l'Egypte et la Syrie, puis avec;: la Tunisie et le Tchad, c'est avec le Maroc que convole cette fois le colonel Khadafi. Le roi Hassan II du Maroc et le chef 9 de la révolution libyenne, signe à Oujda un traité particulièrement spectaculaire instituant « une union d'Etats ». (14 août) Passage à tabac Interpellé avec des amis alors qu'il circulait en sens interdit, Taoufik Matoussi affirme avoir été tabassé au commissariat du lOe arrondissement jusqu'à 4 h 30 du matin, avant d'être obligé « de balayer tout le commissariat » et de se « mettre à genoux ». « Quelqu'un m'a dit: « Je vais te montrer comment on vit en France ». J'ai perdu connaissance deux fois, et vers huit heures du matin, on a été tous les quatre transférés à un autre commissariat, d'où on a été libérés vers quinze heures. » Conclusion provisoire et classique: une procédure judiciaire a été engagée, pour infraction au code de la route et voies de fait sur les agents de police. T. Matoussi et ses amis ont, quant à eux, été conduits à l'hôpital Avicenne à Bobigny. Le médecin consulté leur a délivré un certificat pour des « lésions multiples », avec un arrêt de travail de quinze jours. Taoufik Matoussi devra rester hospitalisé trois jours et, fort de ce certificat, il déposera plainte contre la police, pour coups et blessures, et injures racistes. (14 août) En vrac 500 jeunes Israéliens, juifs et arabes, se réunissent pendant quatre jours sous l'impulsion du Centre de recherches de Givat Aviva, pour tenter d'établir des contacts susceptibles de favoriser la compréhension commune en réfléchissant sur les préjugés réciproques. Les expériences de ce genre devraient se multiplier. (ATJ, 29 août). A Tarbes, une association pour le « Souvenir des martyrs de la Libération» rebaptise quelques rues aux noms de Pétain, Doriot, Laval. (21 août). Mme Avital Chtcharanski affirme que les conditions de détention de Chtcharanski se sont brusquement aggravées. Les autorités l'auraient mis au régime dur. (9 août). 27 marocains font la grève de la faim pour que leur soit reconnu un statut de prisonniers politiques. Trois d'entre eux meurent, avant que le mouvement soit suspendu jusq'au 24 septembre pour laisser aux autorités marocaines le temps de tenir leur promesse. (24 août). Dennis Bank, Indien Chippewa, en fuite depuis 1975 après avoir participé à l'occupation de Wounded Knee, s'est rendu aux autorités*du Sud Dakota. (19 septembre) Ch amp ratel JO 84 BIEN SÛR, il Y a eu les Jeux Olympiques de Los Angeles, les vrais, pour les grands, enfin, ceux qui sont venus. On a tous vu ça à la télé. Verra-t-on ceux de Champratel ? Champratel, « la zone» au Nord de ClermontFerrand, le quartier le plus démuni en infrastructures sportives et en locaux pour les jeunes. Et devinez qui y habite? La Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), aidée du MRAP, de comités de quartier et de nombreuses associations y a organisé récemment les premiers Jeux Olympiques populaires. L'objectif: battre des records olympiques. Rien moins que cela. Avec quelques aménagements mineurs: le record du cent mètres était en jeu sur ... cinquante mètres, le record olympique du saut en longueur dans une épreuve « multisauts ». Carl Lewis n'avait qu'à bien se tenir. Tout le monde s'est défoncé. Parallèlement, des gamins suçaient leurs crayons pour réaliser l'affiche des JO. A l'heure où l'olympisme bat de l'aile, la flamme était reprise par les enfants de Champratel, d'origines pour le moins diverses. Une flamme qui tient chaud au coeur. D Correspondance particulière. 10 FLASH On se prépare à éli~e Miss, Beauté juive aux ~t~tsUnis. On voudrait saVOIr quels sont les cnteres retenus. E encore un trou de mémoire pour Faurisson. La parution du livre « Les chambres à gaz, secret d'Etat» aux Editions de minuit lui ont inspiré une longue diatribe sur le mode « si c'était vrai, ça se saurait ». Soirée de gala pour les Parisiens de la Société des amis de Différences. Ils ont été invités à l'avantpremière de« The karate kid », un film qui raconte avec beaucoup de tendresse l'alliance d'un jeune garçon d'origine italienne avec un vieil homme d'origine japonaire contre une bande de Californiens trop blonds qui les persécutent. I ndiana Jones fait courir. les foules et fu~r les Indiens, qui, comme chacun sait, ne se nournssent que de cafards géants, de chauve-souris et de serpents. Beurk! ouis Pauwels n'aime pas les Noirs. On le savait L. déjà, mais pas à ce point: il a interdit qu'on passe dans Le Figaro-Magazine et dans Le FigaroMadame toute photo de mannequin noir. 'été, c'est le moment des plaisanteries. Reagan L déclare à la radio qu'il va faire sauter l'URSS. Quant à Sharon, il annonce qu'il faut annexer la Jordanie. Qu'est-ce qu'on rigole. L aMarche, c'est reparti, mais cette fois en mobylette: Convergence 84 pour l'égalité veut rassembler le 3 décembre à Paris cinq cortèges venus de cinq villes de France. Aux dernières nouvelles, les organisateurs manquaient de mobylettes. Si vous avez ça dans vos garages, écrivez-nous, on transmettra. es journées entières dans les arbres, c'est ce qui Dattend les sculptures végétales d'Ernest Pignon Ernest dans le Jardin des Plantes de Paris. Allez voir ses « Arbrorigènes ». Au meeting du Front National à Balard, Le Pen s'est présenté à ses adorateurs sans casque à pointe ni accent allemand : on dit que personne ne l'a reconnu. L e Yiddish vous tente ? Le MJP reprend ses cours tous niveaux le 8 octobre à 18 h 45, au 14, rue de Paradis (Paris lOe). Renseignez-vous au 272.06.83. ~C1UEl Différences: Diverses ethnies composent le peuple guadeloupéen. Certaines minorités jouent un rôle très important dans l'île, notamment les Libanais et les Indiens. Sont-elles animées par un sentiment indépendantiste ou bien souhaitent- elles le maintien du statut actuel? Georges Hermantin : Plusieurs communautés cohabitent effectivement dans notre pays. Des Libanais, des Syriens et quelques Palestiniens sont venus s'établir en Guadeloupe dans un but lucratif. Les Libanais, installés dans l'île depuis trois ou quatre générations, détiennent les rênes du négoce, alors que les Syriens et les Palestiniens ne possèdent que de petits étals ambulants. Les Libanais demeurent une particularité dans les composantes du peuple guadeloupéen. Ils se sont peu mêlés à la population et constituent de ce fait une ethnie endogame. Leur réussite commerciale révèle toutes les carences de ma communauté. Travailleurs acharnés, sachant organiser convenablement leurs affaires, ils ont un sens aigu de l'économie et de l'épargne. De ce point de vue, ils constituent « un Etat dans l'Etat ». Tous les magasins de la rue Frébault (artère principale de Pointe à Pitre) leurs appartiennent. Très intelligents, les Libanais ont une approche très pragmatique du monde des affaires. Par ailleurs, ils ne sont pas restés indifférents à leur patrie d'origine, le Liban. Jusqu'en 1976, c'est dans ce pays qu'ils réinvestissaient. Désormais, compte tenu des événements, la Guadeloupe est devenue le terrain privilégié pour leurs investissements axés vers le tourisme et l'immobilier. Cette accumulation de richesses ne les prédisposent pas pour l'indépendance. Partisans du maintien du statut actuel, ils n'animent aucune formation spécifique contre l'indépendance. Peu enclins à la participation politique, ils savent toutefois que les Guadeloupéens devront « compter avec Différences - N° 38 - Octobre 1984 - Guadeloupe - Les minorités des Iles Aux Antilles, Il n'y a pas que les Noirs et les Blancs ... M- Hermantin ancien vice-président du MRAP, bâtonnier auprès de la Cour d'appel de Basse-Terre en fait le constat. eux », le moment venu. Alors, un problème se posera: comment leur faire restituer ce qu'ils ont pris! Différences: Et la minorité indienne, se trouve-t-elle dans une situation identique? G.H. : Je refuse de dire que les Indiens de Guadeloupe constituent une minorité. Ils font partie intégrante du peuple guadeloupéen et se considèrent avant tout, comme des Antillais à part entière. Sur les bancs de l'école, j'avais des camarades indiens. J'ai moi~même des origines indiennes et je ne me suis jamais posé la question, à savoir si les Indiens étaient ou non des Guadeloupéens. Pour moi, c'est une évidence. Beaucoup, parmi eux, ont pu conserver leurs traditions tout en sachant s'adapter au mode de vie antillais. Ils participent activement 'à la vie politique et économique de l'île et se sont plus particulièrement orientés vers l'agriculture et la pêche. Comme tous les Antillais, ils restent très partagés sur les perspectives de l'indépendance. Différences: Les Guadeloupéens sont contraints à l'émigration, notamment vers la métropole. Néanmoins, les Guadeloupéens ont, eux aussi, leurs immigrés en la personne des Dominicais et des Haltiens qui fuient les persécutions de régimes dictatoriaux. Ils forment un sous-prolétariat peu estimé de la population qui voit en eux, l'origine de tous les maux dont souffre la Guadeloupe. G.H. : C'est un problème douloureux. Je vais vous relater un fait divers intervenu en Guadeloupe en novembre 1982. Des Dominicais avaient été accusés du viol d'une jeune fille. La colère s'est vite transformée en haine raciale et l'on assista à un véritable pogrom. Les Dominicais furent pourchassés par les Guadeloupéens. Ce fut une véritable chasse aux nègres par des nègres, (1). J'émis d'ailleurs, à cette époque, plu- 11 sieurs protestations qui n'eurent pas d'écho. Il est dommage que ceux qui souffrent du racisme en métropole adoptent une attitude aussi négative visà- vis des Dominicais et des Haïtiens qui vivent en Guadeloupe. Je regrette que celui qui est victime du racisme soit aussi porteur des mêmes germes. Ces immigrés parviennent, le plus souvent clandestinement en Guadeloupe. Ils viennent s'entasser dans des bidonvilles à la périphérie des villes (le quartier Boissard à Pointe à Pitre, par exemple). Ils travaillent sans être déclarés, ce qui accentue leurs conditions de vie déjà précaires. La bourgeoisie guadeloupéenne n'hésite pas à employer ces esclaves modernes, d'où la haine des autochtones qui estiment que les immigrés leur volent leur travail et les réduisent au chômage. Différences: Les Dominicais et les Hai~ tiens sont des ressortissants de pays indépendants. Constituent-t-ils aux yeux des Guadeloupéens un exemple négatif de l'indépendance ? G.H.: Effectivement, l'Haïtien ou le Dominicais est aussi détesté parce qu'il vient d'un pays indépendant qui ne peut le faire vivre. En outre, la situation géographique d'Haïti et de la Dominique n'est pas étrangère au problème. Les deux pays sont relativement proches de notre île. Aussi les partis politiques hostiles à l'indépendance agitent-ils, au moment propice, le spectre d'une indépendance « ratée », qui mènerait la Guadeloupe tout droit vers la misère et la soumission à Cuba! Pour l'instant, ce sont les Haïtiens et les Dominicais qui subissent le contrecoup de ces propos et deviennent les boucs-émissaires d'un peuple qui hésite à prendre son avenir en main. D Propos recueillis par Mariette HUBERT (1) Voir l'article de Différences de décembre 82, Scène de chasse en Basse- Terre. Les Dominicais sont originaires de l'île de la Dominique, située à quelques encâblures de la Guadeloupe. /PREJUtiEI,' -ANPE- « Ils ne pensent qu'à toucher le chômage. •• » C'est ce qu'on entend dire. Pourtant, l'accès aux agences pour l'emploi n'est pas simple pour les étrangers, comme en témoigne ce récit. our l'immigré qui se P présente à l'accueil d'une ANPE, rien n'est évident. On lui remet un dossier qu'il doit remplir. S'il ne sait pas écrire, on lui dit de se débrouiller ou d'aller voir une assistante sociale ! Très rarement, un agent de l'ANPE le fera à sa place : «Nous ne sommes pas un service social ... Pas le temps ... Nous n'avons pas le droit ... ». L'auto-inscription (pratique en vigueur depuis quatre ans) ne rend pas service aux immigrés, ni à ceux - français - qui sont presque analphabètes. Quand le dossier est rempli par une assistante sociale, il l'est tellement bien que l'on n'ose même plus demander à l'intéressé s'il sait lire et écrire! Du coup, dans les fichiers de l'ANPE, les dossiers des immigrés, notamment ceux cherchant un emploi de manutentionnaire, sont parfois mieux remplis que ceux des secrétaires ! Pas d'affiche Quand les immigrés sont reçus au libre service des offres, il y a beaucoup de tensions, latentes ou non! L'affichage des offres, c'est bien, mais quand on ne sait pas lire, c'est moins évident. Et comme! de plus, les immi~ grés viennent souvent en groupe pour chercher du travail, cela crée une réaction de peur de la part du personnel. Bien souvent, on ne reçoit pas les gens individuellement afin d'examiner leurs problèmes particuliers, on se contente de leur dire «il n'y a rien 1. S IOLl Etlf:»AÙC.HONS; E M PLO ... "'lIM' ........... ~~ ...... "'" ~."- SAu F iMl1i ,,~i:s "t L::;:;:::;:::::::::::--. aujourd'hui, revenez demain ». Ça dure un mois, deux mois, six mois ... C'est très ambigu: on n'ose pas leur dire que les employeurs sont racistes, - c'est une réalité - ou bien que l'on ne peut rien faire pour eux tant qu'ils ne sauront pas lire. Il est vrai que l'Agence est impuissante devant cet état de faits. Le personnel de l'ANPE est insuffisamment formé par rapport aux problèmes de l'immigration. En région parisienne, on est plus sensibilisé, les responsables de l'Antenne pour les travailleurs migrants interviennent souvent à ce propos dans les stages de formation des agents. Mais en province, tout est différent. Ainsi, il n'est pas encore ren- 12 tré dans les moeurs que l'établissement doit rappeler fermement aux employeurs la loi de 1972. Combien de fois a-ton entendu des employeurs demander du personnel français parce qu'ils avaient dépassé leur quota! Quel quota? Depuis six ans; j'ai toujours l'affiche du MRAP sur la loi de 1972 dans mon bureau; les collègues trouvent ça bien, sans plus. Mais au moment de répondre à un employeur qui communique une offre raciste, on se contente de répondre que l'on ne pourra pas afficher son offre! Il invoque souvent les mêmes motifs: «Je ne suis pas raciste, mais la clientèle a moins confiance dans le personnel étranger! ». QUE IIJ . 'F-e:rv.Îs. MIe.U~ De: Q.t.lou 17.-/11 e:n... D1o.flJS, ION PAYS . -, ... f:.T VIT t:. ••• Dans combien d'ANPE, trouve-t-on affichés les renseignements spécifiques utiles aux immigrés? Et pourtant, il en existe! Et pourtant l'antenne de l'APIM met à notre disposition des traducteurs, y compris par téléphone. Une des missions de l'Agence est d'informer; cette information doit se faire dès l'accueil. Il ne s'agit pas de demander un traitement de faveur pour les immigrés, mais un traitement à égalité d'informations. Loin de « prendre de travail» des Français, les immigrés restent cruellement démunis face au chômage. 0 Anne Marie CARMES ANPE IiRDS PlAI - Travail au noir - LA VIE DE RANKA T. Yougoslave, ouvrière clandestine, Ranka raconte. Un document passionnant sur les victimes de ce fléau moderne. Différences - N ° 38 - Oelabre 1984 13 N ous venions de ~~ nous marier, " Zoran était menuisier et gagnait l'équivalent de 150 F par mois ... Comment payer le logement, le manger ? Alors on est parti à l'aveuglette. Pourquoi on a choisi la France ? Parce que ma soeur était à Paris, c'est chez elle qu'on a débarqué . On n'avait pas de carte, ilfallait bien faire au noir ». C'était il y a dix ans, quand Ranka T. a quitté son village près de Belgrade (1). Son premier emploi lui a été trouvé par un compatriote. Celui-ci possédait, en banlieue, un pavillon dans lequel il hébergeait trois ou quatre couples, gratis, à condition qu'ils fassent de la confection pour lui. Il payait 300 F par mois. Non déclarés, Ranka et son mari acceptèrent tout, le manque de confort, le travail excessif : « On a appris à coudre, jusque là je n'avais jamais fait que du ménage» dit Ranka, «le début a été très dur, surtout avec les voisins, des compatriotes, très jaloux, ne cherchant pas à nous aider ». Trois ans comme ça et puis Ranka et Zoran quittent le pavillon, s'installent à Ménilmontant dans une «petite bâtisse affreuse ». Ils y resteront quatre ans: aucun confort, toilettes sur palier. La propriétaire, une vieille dame, avait coupé une pièce en deux par up. rideau et en louait une partie, gardant l'autre pour elle. Les locataires devaient, bien sûr, payer le loyer, mais encore l'électricité «des deux trucs. La vieille profitait au maximum, on en a bavé ... le patron nous faisait travailler dans une cave et gardait le passeport et les souliers des ouvriers, tant il avait peur'qu'i1s se promènent. Une boulangère se demandait pourquoi cet homme - un Yougoslave - achetait tant de baguettes? C'était pour nourrir son monde. Il a d'ailleurs été arrêté plus tard ». Enfin, un employeur les embauche. Il les paye assez bien, puis leur achète une machine. Jusqu'en 1981, le ménage ~ vaille au noir, mais un nouveau patron, lui, les déclare, ils ont enfin des papiers. Jusqu'alors ils mouraient de peur. « Quand on sonnait à la porte, ils fallait cacher vite la machine. Une fois, dans un café, on jouait aux flippers, entrent des agents «pour contrôle », je n'avais que mon passeport à donner, ils : ont regardé et rien dit. ~ Qu'est-ce que j'ai eu peur ... ~ Ils pouvaient nous réexpédier ..: LLe---"SLe--'nOt:i;'""e-r"a"tu.::""c!oe.u.:c..r--'~de.:c..P,""':aris en apatrides et nous n'avions pas assez de fric pour rentrer, pas pu être soignée comme ça, que faire si on se retrouvait c'est très cher ». là-bas sans ressources, surtout avec ma mère au village, ilfaut l'aider. Et voilà, maintenant on est déclaré et pas moyen· de mettre du fric de côté ». :Ranka est depuis deux mois au chômage. Et le travail, c'était comment? La darne de la poilee «La confection, c'est très fatigant. Du matin au soir, on boulonne, et tard dans la nuit. Quand on vivait dans le pavillon, c'était terrible; si tu avais mal à la tête, défense d'aller te coucher; travailler, travailler, des fois jusqu'à minuit. Les patrons sont assez réguliers, mais faut que ça marche. Et quand le travail manque, ils se foutent de nous, mais, dans l'ensemble, ils sont réguliers ». Enfin, petit à petit, eUe apprend le métier: « A l'atelier, une dame nous montrait comment faire avec la machine, il faut aller de plus en plus vite, c'est le rendement qui compte. Bien sûr que le patron exploite: 10 F pour l'ouvrier quand lui vend 30 F ». Ranka n'a pas d'enfants. Après une fausse-couche, elle n'a pas voulu « remettre ça ». Elle raconte qu'à l'hôpital on est gentil avec les étrangers et qu'elle n'a pas eu à payer: « En Yougoslavie, je n'aurais Les vacances? Son visage s'éclaire: «Oui, j'aimerais bien y aller régulièrement, on a une vieille auto et on fait arranger une maison au pays, pour plus tard. Tant qu'on a pu, on est allé, mais maintenant ... Et pourtant, ce serait facile puisqu'on est déclaré; avant, au noir, le problème c'était de revenir, on demandait bien un certificat d'hébergement, mais... ou encore on prenait un billet pour Bruxelles et de Bruxelles en train, on n'était pas arrêté à la frontière ... Il Y a plein de magouilles pour qui s'y connaît. Ainsi, il y avait une dame dans la police, mais non, je ne veux pas en parler, enfin plein de magouilles, sans ça, on ne pourrait pas rentrer ». Elle espérait mieux : «Mon mari aussi voudrait repartir, mais trouver du travail chez nous ... Il faut soit des diplômes, soit des relations qui vous poussent ». Elle dit qu'elle a des amis français, ils sont gentils avec eux, plus que les compatriotes, ( ils veulent tous arriver et se prennent pour quelque chose »). Et le travail au noir, c'est terminé ? ou il en reste ? « Oui, oui, et toujours dans la confection. En ce moment, on trouve plus facilement du travail non déclaré, on le fait à domicile, on continue à avoir peur, de tout, des voisins. Si tu es pris, confiscation des machines et grosse amende pour l'employeur ». Paradoxalement, les travailleurs yougoslaves rencontrés, préféraient «un régime de droite. A vec le socialisme, les patrons paient plus d'impôts, ils embauchent moins. Mais ce qu'on a peur, - elle le répète plusieurs fois - c'est que des gens, des Le Pen viennent au pouvoir ». Est-elle découragée? : « Par moment surtout qu'on ne peut plus faire de l'argent pour là-bas. Peut-être que la crise ne va pas durer, qu'on pourra finir d'arranger la maison et y vivre, un jour ». Alexandar N. est en France depuis quinze ans, avec sa femme et ses deux filles. Il est né dans un village de Macédoine

lui aussi, ce sont le

manque de travail au pays et les salaires relativement élevés à Paris qui l'ont incité à l'aventure. N'ayant suivi jusqu'alors que les cours primaires obligatoires, il avait commencé sa vie professionnelle comme berger, puis cultivateur. Enfin, il avait travaillé pour un tailleur. Avec l'aide de ses frères déjà à Paris, il trouve, quoique sans papiers, un emploi dans la confection. «En majorité » explique-t-il «les 14 patrons se comportent avec les ouvriers selon leur intérêt personnel, quand ils ont besoin de nous, ils sont sociables, sinon, en période de morte saison, ils se montrent peu respectueux de la maind'oeuvre étrangère. Et les périodes creuses sont importantes dans la confection. On peut dire que les patrons nous aident selon leurs intérêts. Enfin, peu à peu j'ai pu acheter mon logement, il est très simple, mais m'appartient. Qui je fréquente? Surtout des compatriotes. De l'argent de côté Les Français ne sont pas inamicaux, non, plutôt indifférents. J'ai ressenti parfois du racisme, mais heureusement pas comme beaucoup ... Jusqu'ici, je n'ai jamais eu de problèmes avec la police. Ma femme m'aide dans la confection, et elle fait tout à la maison, nous mangeons de préférence des plats du pays. Jusqu'en 75, on mettait l'argent de côté, maintenant je dépense mes économies pour vivre. J'essaie de retourner chaque année en vacances, je suis bien reçu là-bas, bien que, parfois, je ressente une gêne, je suis vu comme un étranger en France et au pays, pas tout à fait, mais quand même? J'aime être là-bas, je me promène dans la forêt, j'aime la nature. Plus tard, après ma retraite, j'espère, j'espère retourner chez nous, acheter une ferme, des moutons, ça me changera du xr arrondissement ... Non, moi je n'ai pas d'auto. Mes filles se sont bien incorporées dans la société ici. Elles ont fait des études, ma deuxième est encore au lycée. Peut-être, que ne se sentant pas déchirées comme moi, même partagées entre deux pays, deux cultures, elles resteront en France ... Est-ce que je regrette d'être parti ? Non, vraiment, mais que conseiller aux jeunes ? Malgré les difficultés, on gagne tout de même mieux sa vie ici ... ». 0 Violette NAUNCEVSKI Annie LAURAN (1) Ranka s'exprimant avec difficulté en français, l'entretien a été traduit par V.N. - Créations - Le Sentier de la paix Deux cents Pakistanais se sont regroupés au sein de l'ASPEC : Association pour une solution aux problèmes d'emploi clandestin. ne activité intense U règne dans le Sentier (Paris ne). capitale du textile, quartier où est centralisée la quasi-totalité de la création et de la production du prêt à porter féminin. Au fond des boutiques de mode et des petits magasins de confection, les manutentionnaires s'agitent, gesticulent, laissant paraître par instant une réelle fébrilité. Tous leurs faits et gestes semblent répondre à un langage codé établi depuis des lustres, ce qui leur confère, vu de l'extérieur, un caractère mécanique. Le quartier du Sentier ne peut de ce fait, éviter la comparaison avec une fourmilière : même structure monolithique, mêmes impératifs de rendement et de productivité ... Tout semble donc fonctionner pour le mieux au sein de cette « microsociété ». Mais le travail au noir est une réalité à laquelle le Sentier n'échappe pas, même si les employeurs semblent vouloir passer ce problème sous silence. Tenter de leur soutirer une quelconque opinion sur la question revient à s'exposer à des réponses du type: « Je n'en pense rien, je ne sais pas », jusqu'au paroxysme de l'hypocrisie: « Je ne suis pas au courant ». Mutisme total trouvant sans aucun doute son explication dans la peur et l'appréhension d'un contrôle susceptible de révéler au grand jour les entorses faites à la législation du travail. Les travailleurs au noir, dans leur majeure partie originaires du Pakistan, se rassemblent souvent Place du Caire, vers huit heures du matin, espérant une hypothétique offre d'emploi qui se limitera de toute manière à la journée, à la demi-journée ou même à l'heure, parfois sans aucune couverture sociale. Différences - N ° 38 - Oclobre 1984 C'est dans une optique curative qu'a été créé en mars 1983, sous l'impulsion des pouvoirs publics et de la CFDT, une société coopérative ouvrière de production (SCOP) qui, entre autre, a pour fonction d'enrayer et de résorber le travail illicite dans le Sentier : « Il devenait indispensable de déclarer la guerre au travail au noir », confie Mme Abbou (présidente du conseil d'administration de la SCOP). La coopérative est une société de services, qui loue des porteurs aux fabricants. Animosité Les débuts furent difficiles sur le plan économique, « mais aujourd'hui, souligne Mme Abbou, l'équilibre financier est enfin réalisé ». Outre ces problèmes de gestion, la SCOP s'exposa au cours de ses premiers mois de fonctionnement à l'animosité des petits patrons du quartier qui voyaient en elle un adversaire plutôt qu'un éventuel allié. Il semble que l'osmose entre les deux partis se soit progressivement réalisée, puisque désormais les entreprises de confection du Sentier font de plus en plus souvent appel à la SCOP pour s'attacher les services des travailleurs pakistanais rémunérés au SMIC (le double de ce qu'ils pouvaient toucher auparavant) : « Nous n'avons pas que des désavantages en passant par l'intermédiaire de la SCOP, nous dit un employeur du Sentier, au niveau financier, nous y perdons, mais par contre cela facilite notre organisation du travail ». Tout ceci, bien sûr, dans la plus stricte légalité puisqu'en s'adressant à la coopérative, les Pakistanais « ont pu régulariser leur situa- z tion au regard de la législation ~ 15 française (autorisations de travail et de séjour). Encore fallait-il éviter à ces immigrés de l'Orient de retomber dans le cycle infernal de l'illégalité. Dans cette optique, la coopérative a mis en place un processus de formation qui doit faciliter l'intégration des Pakistanais dans le marché du travail, mais également, de manière plus générale, dans la société. La langue est le premier obstacle auquel se heurte les travailleurs pakistanais, souligne Mme Abbou : « Certains ont déjà une formation professionnelle, mais ils ne peuvent lefaire savoir du fait de l'obstacle linguistique ». Indispensables tremplin vers l'intégration, des stages à dominante linguistique sont organisés, ainsi que d'autres, manuels, devant déboucher sur une véritable formation profes- Réunion à l'ASPEC sionnelle, formation qui préserve les Pakistanais de l'exploitation. A tout cela, viennent se greffer des problèmes tels que la santé, le logement, auxquels la SCOP tente d'apporter les solutions les plus satisfaisantes possibles. Reste à savoir si le bilan, après environ deux années de fonctionnement, peut être qualifié de positif. Il semble que ce soit le cas puisque le travail au noir, faute d'avoir été totalement résorbé, voit son importance décroître régulièrement. D'ores et déjà, de nombreux Pakistanais ont pu réintégrer le marché du travail (essentiellement chez les employeurs du Sentier). «Ils sont maintenant au même niveau que les autres, déclare Mme Abbou, ni plus, ni moins défavorisés sur le marché du travail ». 0 Thierry CLECH RENCBN1Rl - Qu'est-ce qu'on peut faire? ,. ,. ARS-EN-RE - ARBOLE LIGNE DIRECTE Grandeurs et servitudes de la coopération entre un petit village de France, et un canton du nouveau Bourklna-Fasso. A rs-en-Ré, dix mille habitants en août, mille en décembre. Une bourgade qui vit au rythme d'une station balnéaire l'été, puis d'un village quand la bise, toute relative d'ailleurs, est venue. Un endroit tranquille, assez riche, replié sur lui même dans l'attente des flots estivaux. Qu'est-ce qui a pu pousser Ars à se lancer dans la lourde tâche de creuser des puits à Arbolé, village du Bourkina Fasso, ex-Haute-Volta ? Une. venelle proprette, qui déborde de roses trémières. Une petite porte dans un grand mur et nous sommes chez Mme Malbosc, ancienne directrice d'école, qui vit sa retraite à Ars. C'est elle qui a planté les roses et entretient la ruelle. A Ars comme ailleurs, les enfants gran( üssent, font des études et partent découvrir le monde. Un des fils du village a fait médecine, et, ses études terminées, est parti faire sa coopération à Ouagadougou. Là-bas, il rencontre des gens installés dans la capitale mais originaires d'Arbolé, un village du nord, qui veulent faire quelque chose pour leur région. C'était en 1978, après la terrible sécheresse du Sahel, avant la seconde. Impres~onné par la détresse du pays, un des plus pauvres du monde, le jeune homme revient à Ars, en parle à ses parents, qui en parlent au maire. Le conseil municipal se réunit, on parle d'aide au développement, il faut faire quelque chose. Mme Malbosc, " qui 'occupe des affaires. sociales est désignée, avec quelques autres. aire quelque chose, mais quei ? Allons donc ir sur !place. Janvier }9~1: . personnes s'embarquent pour Ouaga, destination Arbolé. 0/' « Nous penstons à un village. quelque chose de la même taille ~ 'Ars. Nous voici reçus en grande flOlftpe par les officiels, cheft de vilrage et chef d'llrrondi~- L'Ile de Ré : villages tranquilles sement d'un canton qui regroupe vingt mille personnes. On a été accueilli très poliment dans chaque village, les chefs disaient «Les Français vont nous aider », les instituteurs traduisaient. On a été un peu effrayés: qu'est-ce qu'on peut faite pour tant de monde ? » Retour à Ars. C'est décidé, il faut agir. Mais trouver des gens pour faire de~ dons aux Xoltaïques, ce n'est guère facile. On crée une association. « Le Sahel était à la mode à ce moment!là, on ne voyait que ça à la télé. Manque de chOMe, le Sahe s'arrête juste au dessus d'Arbolé. On a quand même dit Sahel, pour expliquer. On était venu en jdtf.lIi!}/"-, en p'leine saison sèche. Une pauvreté terrible, l'érosion nivelle tout. On -se demandë si quelque ose a j(llllWis pu pousser ici,...alors qu'il parait qu'au mois d'août, le Sorgho (I/Oeut atteindre qlifIre mètres de hllUt. ) On collectera oe l'ar~ént polIt creuser des"wits àArbolé. La campagne t lancée en 1981 : Wle 16 réunion publique est organisée dans la salle des fêtes d'Ars, avec films et diapos. Il manquait un magnétophone, mais le succès a été total : il a fallu faire deux séances, la salle était trop petite. Stand à la fête d'Ars: les organisateurs montent à Poitiers acheter, chez Artisans du monde, des objets fabriqués en Haute-Volta. On expose aussi ce qu'on a rapporté de là-bas. « Vous nous auriez vus dans l'avion, on avait une tête de buffle, avec les cornes ! On a eu Clément sur le stand, un Voltaïque qui fait ses études à Bordeaux. Ça faisait bien d'avoir quelqu'un de noir qui parle bien le français. » P endant tout l'été, une exposition permanente attire les estivants dans la salle de la mairie: du dépaysement pour ceux qui reviennent de la plage ... « On a eu quelques adhésions parmi les touristes. Ensuite, on a essayé de rayonner sur l'île entière, avec des annonces dans Le phare de Ré. On a tenté une réunion publique dans d'autres villages. Mais aux Portes (le village voisin, NOLR) ça n'a rien donné. » En 1982, l'association piétine un peu. On organise quand même des collectes de y jeux papiers dans les villages, des gens font des gâteaux, qu'on vend « poor la Haute- Volta ». Mais on n'envoie rien encore. Il y a bien le gar~iste, qui ferme boutiql.Je l'hiver pour faire des voyages en 4 x 4. q~tte année-là, il doit faire le Sahara. On lui confie urt"chargement J'our Arbolé, mais il tombe en panne dans une oasis du désert et laisse tout sur place. ~Ap,.ès tout, ça a profité d'autres.. », ajqute Mme Malbosc. Le problème, c'est le contact là-bas. Ceux qui écrivent, ce sont les instituteurs

«Joseph est venu nous rendre

visite. On avait besoin -d'un correspondant, pour être sQr que- /'ar:gent était bien uJ.lisé auxpui(s. 11 y à tifis$i Lawre. UIJ. autft!'- institute;v, mt& il s'expli ue Le Bourkina-Fasso (ex Haute- Volta) : le manque d'eau, d'écoles, de médecins •.. moinsfacilement par écrit. On n'arrivait pas à avoir de projet chiffré pour nos puits. Lazare se plaignait toujours du manque de fournitures scolaires. On a fini par soustraire une somme du total, huit mille francs, pour les fournitures, qu'on leur a envoyée.» Pendant ce temps, Lazare essayait sur place de monter un groupement qui déciderait de l'utilisation de l'aide, des projets de puits, etc. Puis, coup sur coup, tout s'effondre en 1983. Le gouvernement décide brusquement un grand programme de forage, en liaison avec le FMI et la CEE. « Nous sommes restés avec nos puits sur les bras, l'argent était là et nous ne savions plus quoi en faire. On voulait quelque chose de précis, à l'échelle d'Ars, et d'un seul coup, on était débordé par ce programme à l'échelle de l'Etat. » Différences - N° 38 - Octobre 1984 place des COR, conseils de défense de la révolution, qui doivent animer les projets de développement. Elus sur place, ils sont très disparates : il y a bien quelques arrivistes, mais surtout les animateurs traditionnels des villages ralliés au nouveau pouvoir. Lazare fait savoir qu'il faut désormais s'adresser au COR. Ce qui, semble-t-il, n'a guère enchanté les gens d'Ars ... Le père Alliot, pourtant, est très intéressé par la nouvelle structure. Membre de Peuples solidaires, une organisation d'entraide (2), il a longtemps vécu en Haute-Volta. Etrange figure que ce prêtre baroudeur, paquet de muscles et coupe para, au milieu du salon douillet de Mme Malbosc. Il explique les COR : « Sankara sait très bien que son pays ne peut vivre sans l'aide internationale, mais il a voulu que cette aide ne se perde pas, qu'elle soit rationnalisée et donne l'occasion aux populations de se prendre en charge. Ça nous interpelle, nous qui avons tendance à vouloir garder un oeil sur la façon dont on utilise notre aide. Mais à long terme, c'est sans doute plus efficace. » 17 Voilà pour la politique. « Quant à la lenteur des choses, c'est une habitude des Voltaïques. Ce peuple nous donne une véritable leçon de démocratie directe. La lenteur de Lazare à créer une association, c'est le signe d'une longue concertation: on discute jusqu'à ce que tout le monde soit d'accord avant d'accepter l'argent d'Ars. En plus, on change d'échelle: ici, on est tenté par une petite action, concrète, précise, et contrôlable. Les gens veulent voir ce qu'ils ont fait. Les Voltaïques auraient plutôt tendance à rechercher l'action commune, la fédération. » Entre Ars et Arbolé, il y a des milliers de kilomètres, et sans doute pas que des kilomètres. Mais tant de bonnes volontés finiront bien par se retrouver. A l'heure où paraissent ces lignes, Mme Malbosc et ses amis du conseil municipal sont repartis à Arbolé. La cagnotte d'Ars-en-Ré, plusieurs millions de centimes, finira bien par servir. 0 Jean Michel OLLE (1) Sorgho : céréale, sorte de gros mil (2) 5, avenue Trudaine 75009 Paris. Après avoir commencé seule, l'association d'Ars-en-Jlé y a adhéré.

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A chaque élection, on regarde du côté des Noirs. Une enquête qui va plus loin que l'analyse électorale, et lTIontre leur rôle dans l'histoire du nouveau continent. 6L-__________________________________________________ __ 18 BLACK Différences - N° 38 - Oclobre 1984 19 Un vote massif? L'actualité de ces dernières semaines a fait apparaître deux faits importants de la vie politique américaine: la désaffection des Noirs pour les élections précédentes et, ce qui, apparemment, en est la conséquence, leur faible nombre d'élus. Sur dix sept millions d'électeurs potentiels, dix seulement étaient inscrits sur les listes électorales lorsque Jesse Jackson commença sa campagne présidentielle. L'un de ses résultats les plus importants est d'avoir convaincu les Noirs de voter en masse et de les avoir amenés à s'inscrire sur les listes. Si bien qu'aujourd'hui, cet écart étant comblé en grande partie, la masse de l'électorat noir doit désormais influer sur la politique du gouvernement autant que sur celle des partis. Les Noirs, pour 10,5 % de la population des Etats-Unis, ne détiennent que 1 % du nombre total d'élus (maires, conseillers municipaux, juges, shérifs, députés ... ). Cependant, on ne peut admettre que la pensée et l'action des grands leaders spirituels et politiques noirs n'aient eu, dans le passé aucune influence. Ce serait négliger par exemple, l'action admirable des abolitionnistes noirs avant la Guerre de Sécession, (qui ét~ient des esclaves affranchis ou en fuite dans le Nord), tels William Wells Brown, Frédéric Douglass, Harriet Tubman, Sojourner Truth, Henri Highland et Frances E.W. Harper. Angela Davis et Jesse J.a ckson Puis, de W.E.B. Dubois, auteur de l'Ame du Peuple Noir en 1903, l'un des organisateurs du Niagara Movement en 1905, puis fondateur de la NAACP (1) et éditeur de la revue Crisis. Son idée fondamentale était de faire prendre conscience aux Noirs de leurs valeurs culturelles et esthétiques et de les rendre fiers de leur négritude. Il en va de même pour Marcus Garvey dont l'action aboutit sans doute à un échec, mais qui avait pourtant, en son époque, provoqué le réveil de la conscience noire et réhabilité l'Afrique. L'action d'Angela Davis et des leaders du Black Power, la vie et l'oeuvre immense d'hommes comme Malcolm X et Martin Luther King ont eu, c'est indéniable, une profonde influence sur la pensée, non seulement des Noirs, mais également des Blancs, car elles allaient fondamentalement dans le sens de l'unité de tous les Américains, quelle que soit leur couleur. Une analyse fine des résultats de novembre pourrait montrer la résurgence d'un « vote noir ». ,- Drôles de guerres ,...-,----;:---------, Peut-on imaginer ce que seraient devenus les EtatsUnis sans les Noirs? Ce qui est le plus étonnant dans le rêve partagé par beaucoup d'une Amérique exclusivement blanche, c'est que personne ne semble se poser véritablement la question. Il est évidemment difficile de l'imaginer. Sans les Noirs, pas d'économie esclagiste dans le Sud, pas de Guerre de Sécession, pas de Klu-Klux-~an ni de système « Jim Crow » (2). Et sans leur exploitatlOn forcenée au sein du sous-prolétariat américain, après leur affranchissement et la manipulation des craintes raciales des Blancs par les politiciens, il est presque impossible de concevoir ce que serait devenu le système politique des EtatsUnis. 20 Les Noirs ont pris une part importante dans toutes les guerres qui ont fait l'histoire des Etats-Unis. La place nous manque ici pour rapporter leurs exploits, mais il leur fallut, à chaque fois, lutter pour obtenir le droit de se battre pour leur pays! Il est très symbolique que le premier révolutionnaire américain tué en luttant contre les Anglais ait été un homme de couleur, Cris pus Attucks, qui mourut à la tête d'un groupe de citoyens, Noirs et Blancs mêlés, qui protestaient contre les brutalités des soldats anglais, le 5 mars 1770, dans King Street, à Boston. L'acte de Cripus Attucks devait avoir d'importantes conséquences dans le développement de l'esprit de révolte américain (3). George Washington hésita longtemps avant d'admettre qu'on accepte des Noirs dans l'armée américaine. Il lui fallut le manque d'effectifs et la crainte de les voir s'engager dans l'armée britannique qui leur promettait l'émancipation, et les désertions de plus de trois mille hommes de l'armée américaine en 1777 pour surmonter sa répugnance et leur permettre de combattre pour l'Indépendance, ce qui, à leurs yeux, leur vaudrait d'être émancipés. Espoir déçu pour la plupart : mille soldats seulement gagnèrent ainsi leur émancipation. Au début de la Guerre de Sécession, les Noirs, ceux du Nord comme ceux du Sud, se virent encore refuser le droit de servir dans les rangs de l'armée nordiste. Il leur fallut attendre Frederick Douglass, un esclave fugitif devenu un des leaders antiesclavagiste. Travail et discrimination: En Louisiane au bord des voies. A New-York. le mois d'août 1862 pour voir le gouvernement de Lincoln s'acheminer, non sans hésitations, vers leur enrôlement. C'est que le Nord se battait surtout pour le maintien de l'Union et non pour l'affranchissement des esclaves. C'était le grand souci de Lincoln qui ne cessa de le répéter. S'il avait donné ce dernier objectif à la lutte, cela aurait été funeste pour cette guerre, déjà peu populaire dans le Nord, d'autant plus que plusieurs Etats (les « Etats frontières ,») qui se battaient pour l'Union pratiquaient l'esclavage. Quand les lynchages étaient nombreux ... Mais les Noirs du Sud pressentirent que la défaite des Sudistes ne pouvait qu'amener l'abolition de l'esclavage et, dès le début, ils firent tout ce qui était en leur pouvoir pour aider le Nord. Plus de 500 000 durant toute la guerre s'enfuirent vers les territoires de l'Union. Mais, au lieu d'un hâvre d'accueil, ils ne trouvèrent que le chaos et la misère. L'armée nordiste n'avait pas de politique claire à leur sujet. Certains généraux les renvoyèrent dans le Sud. Le Nord fut finalement contraint de recruter des soldats noirs, l'opinion publique pensant ainsi hâter la victoire de l'Union. Au moment de la Guerre de Sécession il y avait 4 000 000 de Noirs en esclavage dans le Sud et 488 000 dans le Nord. 180000 combattirent dans les rangs de l'armée nordiste, 37 000 périrent au cours des batailles. Différences - N ° 38 - Octobre 1984 21 r--------.;;:--------, La Première Guerre mondiale survint dans une période dramatique pour les Noirs américains. Les acquis de la guerre de Sécession avaient été peu à peu abolis. le Bollweevill (charençon) avait détruit les plantations de coton du Sud, provoquant l'exil vers le Nord où ils n'avaient trouvé que chômage et misère dans les ghettos. Le racisme grandissait, les lynchages étaient nombreux. A l'entrée en guerre des Etats-Unis, la population noire investit les bureaux de recrutement, mais là, ils constatèrent qu'il allait encore falloir lutter pour avoir le droit de combattre. En effet, après avoir comblé les vides des quatre régiments noirs et des Gardes nationales noires, (environ vingt mille hommes), on leur ferma les portes. Leurs organisations ainsi que leurs leaders menèrent une lutte acharnée et obtinrent finalement la formation d'une première division noire. En tout, on mobilisa quatre cent mille Noirs dont cent mille traversèrent l'Atlantique. Avec stupeur, ils ne remarquèrent pas de signes visibles de ségrégation en France. Le racisme était alors ailleurs, dans les colonies. Les rapports qu'ils eurent avec la population et les officiers français qui les commandaient étaient tout à l'opposé de leur situation dans l'armée américaine où ils vivaient isolés, tant en ligne qu'à l'arrière. Les soldats noirs combattirent brillamment sur les fronts de l'Argonne et de Champagne. Ils gagnèrent des centaines de Croix de Guerre, leurs régiments furent cités à l'ordre de l'Armée française. Leurs homologues féminines, participèrent elles aussi à l'effort de guerre. Mais elles se heurtèrent également au racisme, comme dans la division des infirmières de la CroixRouge: il leur fallut attendre juin 1918 pour qu'on les autorise à soigner des Blancs. De même, les soldats noirs étaient exclus de l'YMCA (4). Et, lorsque en décembre 1941 les Etats-Unis entrèrent en guerre, les partisans de la ségrégation firent tout ce qui était possible pour s'opposer à la mobilisation en masse des Noirs. Ils durent encore combattre dans des unités séparées et vaincre les oppositions dans la marine où on ne les acceptait que pour servir à table, et dans l'aviation où ils étaient « rampants », évincés du pilotage et de la navigation. Pire, en novembre 1941, la Croix-Rouge annonça que le sang des donneurs noirs serait refusé par les banques du sang : les soldats et les marins blancs du Sud refusaient de se prêter à la transfusion, directement pratiquée d'un individu à l'autre à cette époque. La Croix-Rouge maintint donc des banques du sang séparées jusqu'à ce que Charles Drew, un médecin noir, mette au point les techniques de conservation du plasma sanguin qui ont sauvé depuis d'innombrables vies humaines. Pendant l'attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, il y avait un stewart noir, Dorie Miller, à bord du vaisseau de guerre Arizona. Dans le feu de l'action, il mit à l'abri son capitaine blessé, se saisit d'une mitrailleuse et abattit quatre avions ennemis, ce qui lui valut de recevoir la Navy Cross un an après. Son exploit est désigné comme« la seule victoire de ce jour ». Les Noirs combattirent sur tous les fronts : Afrique du Nord, Italie, France, Belgique, Allemagne, dans le Pacifique et en Birmanie. En 1943, ils étaient cinq cent quatre vingt deux mille en service dans toutes les armes, nombre auquel il faut ajouter plus de cent infirmières ainsi que trois mille femmes dans les auxiliaires féminines (WACS). 0 ~ 1 ~I-~---~~------------------------~ Carl Lewis SPORTS il est un domaine dans lequel les Noirs améri- S ' cains excellent particulièrement, c'est bien celui du sport. Quoique l'athlète noir soit souvent considéré comme un facteur secondaire dans le combat de libération des Noirs, il y a pourtant largement contribué en détruisant, à travers ses exploits, le mythe de la supériorité blanche. Il a prouvé que les Noirs pouvaient vaincre. En 1936, aux Jeux Olympiques de Berlin, Jesse Owens infligea à Hitler le plus cuisant échec dans son entreprise de démontrer au monde entier la supériorité des « aryens» germaniques. En 1968, aux Jeux de Mexico, les athlètes noirs, avec Tommie Smith et John Carlos à leur tête, en levant leur poing ganté de noir, avaient souligné le divorce entre les honneurs qui leur sont accordés sur le stade et les humiliations qui sont leur lot quotidien. Lors des Jeux de 1972 à Munich, dix huit athlètes noirs américains se joignirent aux vedettes africaines et carai~ bes pour exiger et obtenir l'exclusion de la Rhodésie blanche raciste d'alors. Ce qui fait déplorer davantage «l'oncletomisme» navrant de Carl Lewis à Los Angeles. Cet authentique super-champion a bien mérité une médaille de plus, décernée par le Parti républicain, pour son soutien au « nouveau patriotisme» de Reagan, alors que ses frères noirs sont dans la pire situation qu'ils aient connu depuis la grande dépression de 1930. En base-bail, sport numéro un depuis 1970, sur les vingtquatre leaders nationaux, vingt deux sont noirs. Depuis 1963, tous les attaquants champions de la Ligue Nationale de Football sont des Noirs. En basket, trois joueurs blancs seulement ont été en tête des marqueurs depuis 1960. Comme pour la musique, le Noir a marqué de son empreinte les sports qu'il pratique. Ainsi, le grand champion de base-bail Jackie Robinson, des Brooklyn Dodgers, fut le premier Noir à briser en 1947 la barrière raciale dressée devant ses frères dans l'élite du sport professionnel. Mais le sport des Noirs, celui qui fait partie de leur vie quotidienne, celui qu'ils ont entièrement modelé à leur image, c'est le basket. Le basket, c'est le grondement des terrains de jeu et des cours d'école de Harlem, Stuyvesant, des ghettos à travers l'Amérique. La suprématie des Noirs y est écrasante! 0 22 Du blues au Hip-hop Lorsqu'on évoque l'apport culturel des Noirs aux EtatsUnis, ce qui vient tout de suite à l'idée, c'est le jazz. Moyen de communication entre esclaves, chants de travail, négro-spirituals puis blues, synthèse culturelle d'apports sociaux et religieux divers, la musique négro-américaine devint au début de ce siècle un langage universel. La lente transformation des mélopées africaines, chantées par les esclaves noirs au son des tam-tams, par l'apport de références non-africaines environnantes allait donner leur forme« américaine ». Puis ce fut, peu à peu, l'introduction des instruments, qui remplacèrent les voix et instaurèrent de véritables déferlements sonores. Le jazz, né du chant des esclaves, a donné à l'Amérique le visage le plus original de sa culture. A Harlem, ou à Central Park, la danse, la langue parlée, sont en évolution constante. Les musiciens de jazz ont élaboré un art authentique et ils ont conscience d'avoir donné à l'Amérique le visage le plus original de sa culture. Le premier musicien américain de la première moitié de ce siècle, pour les traités de musicologie, ce n'est pas George Gershwin, c'est Duke Ellington. Depuis le début de ce siècle, les Noirs ont influencé, voire créé, toute la musique populaire américaine, ils -lui ont donné son image. Du « rock» jusqu'au « country», en passant par les « crooners» et le « hillbilly », rien qui ne doive quelque chose à la musique populaire noire. De la comédie musicale américaine aux compositeurs «classiques » personne n'est resté insensible aux rythmes etaux sonorités du Jazz. Célèbres, les cantatrices noires et la plainte du nègre dans l'accent de Yale. On dit que Ravel, en voyage aux Etats-Unis, passait des nuits entières à écouter le clarinettiste noir Jimmy Noone à 1'«.Apex Club» de Chicago. Les merveilleux musiciens de jazz noirs, les chanteurs de blues, de gospels, de spirituals, de « rythm and blues », de « rock », de « soul », de « rap », ont un rayonnement universel. On ne peut séparer la danse de la musique dans cette culture. Là encore, les Noirs ont créé un style de danse dans Différences - N ° 38 - Octobre 1984 23 lequel l'Afrique à sa part. Il suffit de voir les danseurs de Harlem, ou le regretté Bill « Bojangles » Robinson ou les Thomas Brothers auprès desquels Fred Astaire fait figure de danseur mondain ! Les Noirs peuvent aussi réussir dans la musique classique. Ort a connu dans le passé de très bons chanteurs comme Marian Anderson et Paul Robeson. Les cantatrices noires sont parmi les meilleures à l'heure actuelle: Leontyne Price, Jessy Norman, Barbara Hendrycks ... Il est un autre domaine essentiel de la culture américaine que les Noirs ont particulièrement marqué de leur empreinte, c'est la langue. Dans un sens, la nation américaine est le produit de sa langue, bien particularisée, qui commença d'émerger bien avant que les colons anglais et africains soient transformés en Américains. C'est un langage qui s'est développé à partir de la langue anglaise, mais, s'appuyant sur les réalités de la' terre américaine et des institutions coloniales - ou du manque d'institutions - il s'est développé très tôt comme une révolte nationale contre les coutumes, les moeurs et l'autorité de la mère patrie. C'est un langage qui est né de la fusion de beaucoup de langues réunies. C'est ainsi qu'il y a des traces du langage des esclaves dans le plus distingué des accents d'Harvard et, s'il existe un accent de Yale, il y a néanmoins en lui la plainte du nègre, sans doute introduite par ses fondateurs et ses premiers étudiants qui, probablement, l'avaient hérité de leurs nourrices noires. CULTURES La flexibilité de la langue noire, sa musicalité, sa diction très libre et imagée, ont été assimilées par les grands écrivains américains du XIX· siècle, alors que la grande majorité des Noirs étaient encore des esclaves. Mark Twain' l'a célébré dans la prose de Huckleberry Finn. Sans l'existence du style négro-américain, l'humour, le burlesque et le roman américains, et même les sports, auraient manqué des rebondissements inattendus, de la liberté et de l'audace, des changements de rythme soudains qui servent à rappeler aux Américains que le monde n'e~t jamais totalement exploré, qu'une complète domination de la vie n'est que pure illusion et que le vrai secret réside dans une remise en cause permanente de l'existence, à la fois réaliste et humoristique. Aujourd'hui, la plupart des grands écrivains américains sont des Noirs. Langhston Hughes, Richard Wright, issus de la « Harlem Renaissance» entre les deux guerres, Chester Himes, Ralph Ellison, Leroi Jones (Imani Amiri Baraka), James Baldwin, Claude Brown, Gwendolyn Broocks, pour ne citer que les principaux, tous des romanciers noirs engagés, la « New Black Renaissance ». Ils sont les héritiers de Phillis Wheatty, poètesse noire née en Afrique, arrivée comme esclave en 1761, de William Wells Brown, un ancien esclave qui fut le premier romancier noir en 1853, de la poètesse Frances E.W. Harper, de Paul Lau~ rence Dunbar, poète et romancier mort en 1906, de W.E.B. Du Bois, BookerT. Washington, Charles W. Chesnutt ... 0 Robert PAC (1) NAACP : National Association for Advancement of Colored People: Principale organisation noire, fondée en 1909 par W.E.B. DuBois, émanation de la « petite bourgeoisie» noire. (2) Jim Crow : Nom par lequel on désigne le système ségrégationniste dans le Sud. (3) Voir Différences nO 5, novembre 1981 : Les oubliés de Yorktown. (4) YMCA: Young Men's Christian Association: Association religieuse qui devait procurer aux troupes des services religieux, des divertissements, des enseignements et autres actions sociales. (7) L'Odyssée noire par Nathan Irvin Huggins. Collection L'Epopée humaine Editions J.A. Paris 1979. HEARMEOUT D ans une de ses plus belles compositions, le grand chanteur noir Stevie Wonder passe en revue quelques hommes noirs qui ont fait l'Amérique. Le premier homme à atteindre le pôle nord le 6 avril 1909, fut un Noir, Matt Henson, membre de l'expédition polaire de l'Amiral Robert E. Peary. Fils d'esclave affranchi, Benjamin Bannecker devint un astronome et un mathématicien dont les recherches scientifiques furent très importantes. n participa à la construction de la ville de Washington où il construisit la première horloge réalisée en Amérique. n fut surtout un militant abolitionniste très important et sa lettre à Thomas Jefferson, en 1791, est demeurée célèbre dans l'histoire des Etats-Unis. Stevie Wonder rappelle encore que la première opération à coeur ouvert a été réalisée par un chirurgien noir, le Docteur Daniel Hale Williams, à la fin du siècle dernier et que la ville de Chicago fut fondée par un Noir, Jean Baptiste Pointe Du Sable, en 1784. On pourrait ajouter George Washington Carver qui découvrit en 1896 de nouvelles utilisations des produits agricoles, comme l'arachide, ou encore Norbert Rillieux, de la Nouvelle-Orléans, qui révolutionna l'industrie du raffinage du sucre en Amérique et en Europe en 1846, en perfectionnant les cuves d'évaporation sous vide, créant ainsi les principes sur lesquels est fondée l'industrie sucrière moderne. Et Jan E. Matzeliger, inventeur en 1883 d'une machine à former les chaussures qui devint universelle. 0 24 ODEURS DE CUISINE Poulet frit new orleans Pour 4 personnes: 1 poulet de 1,200 kg environ, 2 oeufs, 4 bananes (de taille américaine !), 1 bol de farine et 1 bol de mie de pain fraîche passée au tamis ou à la moulinette. Découpez le poulet en morceaux, ne gardez que les ailes, les cuisses et les filets. Salez-les puis panez-les en les roulant successivement dans de la farine, de l'anglaise (oeuf battu avec une cuillerée à soupe d'huile, une cuillerée à soupe d'eau, sel, poivre) et de la mie de pain fraîche. Ciselez le dessus des morceaux en croix, jetez-les dans une friture pas trop chaude, laissez-les frire doucement, égouttez-les lorsqu'ils remontent Il la surface de l'huile. Placez-les sur un torchon pour finir de les égoutter, mettez-les au chaud. Pelez les bananes, panez-les de la même façon que les morceaux de poulet et faites-les frire doucement. Servez le poulet avec les bananes, parsemez de persil frais. 0 - Cinéma Paris-Texas, Smala-Minguettes aris-Texas de Wim Wenders, P enfin sur nos écrans ! Le plaisir du cinéma retrouvé. Une satisfaction totale qui entoure en emmêle les sentiments dès les premiers mouvements de la caméra-complice de Robby Muller (le directeur de la photographie). C'est incroyable comme l'on sent parfois la sympathie qui naît entre un film et un public. A Cannes, lors de la présentation de Paris-Texas à la presse, cela a été vécu, très fort. Le film, c'est le Texas - le désert qui mêle les pays et se conjuge en kilomètres marchés par un homme - . Travis - à l'ombre gigantesque. Le Texas, entre Mexique et Etats-Unis, un liéu où vivent pierres et cactus, un espace que l'on sent taillé à la mesure de ceux qui veulent oublier ce qu'ils cherchent. Travis marche résolument dans ce désert sans mot dire. A son frère venu le chercher et qui lui demande ce qu'il a fait depuis quatre ans, Travis oppose un mutisme profond. Petit à petit l'univers de cet homme va se déverrouiller, un peu comme si la vie rejetée (notre vie) repénétrait doucement en lui au contact de la ville. Travis va remonter vers la source, vers le craquement qui agite son passé. Avec lui, nous allons essayer de recoller les morceaux d'un puzzle éclaté en flashbacks. Avec lui nous irons encore plus loin vers un drame que l'on imagine profond. Après avoir retrouvé la femme - l'amour - brisée (dans la mémoire puis dans la réalité), Travis repartira, car c'est à la source de sa propre cassure qu'il doit se retremper. Le personnage de Travis est à l'image de cette corde de guitare qui se tend, rauque jusqu'à se rompre et donne une note obscure et belle. Paris-Texas, c'est un blues marié à une chanson mexicaine. Ry Coder a écrit cette musique pour Wim Wender. Le Super-huit nous est donné à voir, film dans le film, mémoire et représentation du passé. De même cette longue séquence dans un peep-show où Travis parle avec sa femme derrière une glace sans tain : écran lumineux qui établit la Différences - N° 38 - Oelobre 1984 Deux films à ne pas rater. Palme d'or de Cannes pour le premier, trophée d'antiracisme de Différences pour le second. distance et la mesure de la communication dans nos « modernes» sociétés. Paris-Texas, c'est le film sur l'univers américain des années 80. Le paradoxe est qu'il ait dû transiter par un réalisateur allemand. Mais est-ce bien étonnant quand on sait que les films pénétrant avec le plus d'acuité les mythes américains ont été l'oeuvre de cinéastes exilés ou immigrés aux Etats-Unis. De toutes les couleurs . Victor Lanoux est à l'affiche de deux films de la rentrée. La triche, de Yannick Bellon. Au-delà d'une affiche douteuse, c'est un film essentiel sur l'homosexualité, ou plutôt sur la « force tranquille » d'une bisexualité vécue sans complexes. Et puis, La smala, de Jean Louis Hubert. Une affiche de Margerin, celle-là réussie, pour un film d'humour néo-français revu et corrigé par le caféthéâtre. N'ayons pas peur des grands mots : La smala est un des plus grands films antiracistes de ces dernières années, même s'il n'en a pas les oripeaux et le langage. Peut-être pour cela, d'ailleurs ... C'est un peu l'histoire de France et de ses mélanges, de ses migrations successives. Lanoux y est un brave père de famille, chômeur des Minguettes, que les infidélités de sa femme ont doté de cinq enfants de toutes les couleurs. Une famille allègrement pluri-ethnique. Les jumeaux ont la même tête que Omar, le patron d_u bar-tabac (Mahmoud Semmouri, le réalisateur de Prends dix mille balles et casse-toi). La smala est couvée par une -âide-ménagère, ex-rockeuse des «Socquettes roses », has-been des années soixante. Comme rarement dans un film grand public, les immig~és du film ne sont pas désignés comme tels, mais saisis dans leur normalité absolue, faux-enfants de Robert et vrais fils des Minguettes. Comme dans la France de 1984. tout finit par du rock, dans un orchestre où chaque membre de la famille tient sa place. De l'accordéon au synthétiseur, de la deux-chevaux aux mobylettes, c'est la France du mélange. Et ça pétarade drôlement. 0 Jean-Pierre GARCIA La Smala: un bonbon pour mémé .CUl1URES Été indien Le dernier des Miskitos Ou le septième Fest-Noz du Cinéma des minorités nationales, à Douarnenez L'Avion cannibale de Christophe Peray Le cri désespéré des Empewenas de l'Amazonie colombienne. e n'est pas par erreur, que Chris- C tophe Colomb, croyant arriver aux Indes, baptisa les premiers individus rencontrés « Indiens ». En fait, saisi par la beauté à la fois physique et spirituelle des « Taino » (1), il pensa qu'ils avaient été créés à l'image de Dieu, « De corpus in Deo » (Du corps de Dieu). « in Deo » devenant Indien au fil du temps. Ce septième festival, aura été celui des cris désespérés que poussent aujourd'hui même, les Empewenas (2) de l'Amazonie colombienne, les Quéchuas du Pérou (3) ou de l'Equateur (4), les Txicaos (5) ou les Tupis Tamoios (6) du Brésil, les Otomis du Mexique (7), les Pieroas du Vénézuela (8), les Aymaras de Bolivie (9), ou bien encore les Guaranis (10) du Paraguay... Des peuplades indiennes d'Amérique Latine, essentiellement colonisées par les Espagnols et les Portuguais. Cris de guerre lancés contre les envahisseurs blancs, qui les déportent, les étouffent, les détruisent, au nom des mêmes sordides intérêts, avec les mêmes méthodes, depuis le Rio Grande au sud des Etats-Unis jusqu'à la Terre de Feu. Le drame est que nulle part, à la brève exception du Général Torrès en Bolivie, on n'a vu un homme politique d'origine authentiquement indienne diriger un pays, là même, où les masses indigènes sont démographiquement majoritaires. Le Festival aurait pu tout aussi bien être celui des Majorités opprimées. Face à la standardisation croissante des productions télévisées ou de celles du cinéma commercial, un festival comme celui de Douarnenez, où les Tziganes étaient de passage l'année dernière, s'attache à promouvoir un certain style de cinéma du « réel ». S'y côtoient des peuples aux revendications communes en termes de résistance et de survie. 26 Outre le superbe Raoni de Jean Pierre Du tilleux tourné en 1977, sur les Indiens Megronotis du Brésil, les événéments auront été nombreux, tout au long de la semaine. La confrontation d'abord entre les films tournés sur les Indiens Miskitos du Nicaragua. Le dernier des Miskitos d'Yves Billon de 1984, et Les Indiens Miskitos, un défi pour les sandinistes d'Yvan Patry, tourné en 1982. Indiens Miskitos bousculés par la Révolution sandiniste, récupérés par les « contras » et qui risquent dans les années à venir de servir de chair à canon, dans un conflit entre grandes puissances. Quand les montagnes tremblent, ensuite, un documentaire/fiction de Pamela Yates et Thomas Sigel, tourné en 1983, dans lequel Rigoberta Menchu s'est taillé la part belle du scénario, en réunissant la légende maya intemporelle, la fantaisie d'un Gabriel Garcia Marquez et la froide réalité des militaires, de l'église, des pauvres et la guérilla. Film qui raconte l'histoire d'une paysanne indienne et nomade du Guatémala qui devient la porte-parole, la passionaria, de tout un peuple en lutte. Témoignage fascinant sur un cinéaste au génie obsessionnel, un événement encore que Burden of dreams. Le poids des rêves réalisé par les Blank en 1982, sur le film de Werner Herzog, Fitzcarraldo. Mais Douarnenez, c'est aussi le phare, la vitrine du cinéma breton, qui s'affirme avec un ensemble de jeunes « Fondus de l'enchainé », un cinéma de lutte et de résistance, sous l'impulsion de l'ARC (11), de Cinémaction, la revue, et de nombreuses autres associations, dont l'Association bretonne pour la promotion et la diffusion du cinéma. Dernier train et sixième ciel Si la Retraite, ,un film de Michel Dupuy a récolté le flambeau dans la compétition bretonne, c'est probablement que les images étaient bonnes, et que le film posait bien la question du politique, du déchirement d'un homme, qui doit quitter l'école, le village à la suite d'une décision venue d'ailleurs, d'une administration, d'un bureau ... Toujours est-il que la journée du cinéma breton fût un grand moment de bonheur, avec des court-métrages d'inspirations diverses, tel que Krang Bigornen de Claude Fleurent, dessin animé sur la quête du Graal par un modeste Bernard l'hermite. Le sixième ciel de Jacques Loic, film dans lequel un handicapé physique ne pourra échapper à l'emprise tragique de son imaginaire. Le Dernier train d'Athanassios Evanghelou, dans lequel l'auteur d'un roman adapté à la télévision devient peu à peu le personnage tragique de son histoire. J'ai bien aimé La ceinture du diable de Yannick Letoqueux. Pour les va-et-vient mystérieux au manoir d'une petite fille qui possède l'étrange pouvoir de vaincre la maladie. Parce que ce film m'a plongé au coeur de la mythologie bretonne, avec son cortège de surnaturel et de magie. Levé tôt, couché tard Le cinéma celte, autre que breton, était symboliquement présent avec deux films assez remarquables, Acceptable Levels de John Davies (Irlande du Nord) tourné en 1983, sur les enfants de Belfast et la violence dans leur ville, et puis Another time, another place de Mickaël Radford, tourné lui aussi en 1983 sur fond de deuxième guerre mondiale au nord de l'Ecosse, où un groupe de prisonniers italiens de culture et de mentalité différentes, bouleverse quelque peu, les habitudes du village dans lequel ils sont hébergés. Entre vidéo, diaporamas, expositions et rencontres, il fallait se lever tôt et se coucher tard le soir pour être un peu partout et saisir du regard l'ivresse de ce rassemblement à l'instar du Kan Ha Diskan, véritable blues breton, où des voix dans la nuit se répondent, roulent, se balancent les unes sur les autres au son de la bombarde. Si cette année encore le cinéma· est le grand gagnant de ce festival, Douarnenez restera aussi dans un coin de ma tête l'extrême tendresse de ses venelles de pierre qui serpentent jusqu'à la rade, le port, où les mouettes par paquets à la crête des vagues, ressemblent étrangement aux blanches colombes de la paix. 0 D.C. (1) Peuple aujourd'hui rayé de la carte (2) Radio la jungle et avion cannibale, Christophe Peray 1982. (3) Aggripino, de Jan Lindquist 1976 (4) Fuera de aqui, (Hors d'ici), de Jorge Sanjines (5) Chronique du temps sec, d'Yves Billon et F. Schiano 1976 (6) Anchieta Jose do Brasil, de Paulo César Saraceni 1978 (7) Ethnocide, de Paul Leduc 1978 (8) De'arua, de Vincent Blanchet et J'ean Monod 1969 (9) Chuquiago, d'Antonio Eguino 1977 (10) El pueblo, de Carlos Saguier assisté d'Antonio Pecci (11) Atelier régional cinématographique bretagne. Différences - N° 38 - Oclobre 1984 - Levée de rideau - Donna Giovanni: une version féminine et mexicaine du célèbre opéra. Mozart version 1984. SIX FEMMES POUR UN DON "UAN Une femme qui veut être comme un homme manque d'imagination, c'est bi~n con.nu. Sauf lorsqu'on s'appelle Jesusa Ro~riguez et que l'on a décide de fmre renmtre Don Juan dans le corps de SIX femmes, les Divas A. C. Donna Giovanni nous vient du Mexique. Créé en hommage à une amie disparue, passionnée de Mozart, cet opéra-théâtre « chanté en itagnol ancien» est certainement un des événements majeurs de la rentrée parisienne. Poursuivi, fuyant, conquérant, Don Juan incarne le désir incontournable, le génie de la sensualité. Fidèle au livret de Da Ponte où le valet, Leporello, se masque à plusieurs reprises sous les traits de son maître, Jesusa Rodriguez a choisi d'accentuer la nature indéfinie de Don Juan: chacune des actrices joue le rôle de Don Juan tour à tour, passant de l'expression la plus rude au maniérisme le plus sophistiqué. Tout cela donne un opéra délirant où l'on a l'impression que ces six femmes au verbe facile ont emmagasiné des trésors en coulisse. Des malles d'où sortent costumes et maquillages comme dans un tour de passe-passe. Des sacs à malice où elles puisent une formidable et contagieuse impudeur. Impudique, le public. Surtout celui des amateurs d'opéra, toujours frileux lorsqu'il s'agit de bouleverser les règles de l'art et de la bienséance. Après quelques scènes, on rit, on applaudit devant les voix cassées - exprès -, la sérénade, où à chaque note, l'on s'attend à voir surgir une bande de mariachis, les dialogues en « itagnol », mélange succulent d'italien et d'espagnol. « Me gusta le femine, Tus ojos sono belli », chante un Don Giovanni, en pur accent mexicain. Mais Don Juan n'est-il pas de partout? Impudiques, les actrices, qui se touchent, se draguent, se dévêtent, et, pire, jouent Mozart à gorge déployée. Impudique, Dona Elvira nue, nymphomane, ou attachée au poteau de StSébastien. Et profane, la statue du Commandeur en femme noire, Zerlina les seins nus, Don Giovanni donnant un dollar à son valet. On s'imagine à la fête, sur la place du village ou sur le parvis de la cathédrale. Les saltimbanques repartiront demain avec leur piano et leurs grands chapeaux. Elles remettent le baluchon sur l'épaule, nous laissant le souvenir d'un grand rêve de séduction où les hommes ne sont pas des saints, ni les femmes des cruches. 0 Véronique MORTAIGNE Donna Gio,!anni. Opéra en deux actes pour six comédiennes et une pianiste. De Jesusa Rodriguez, d'après Mozart et Da Ponte. Maison des Cultures du Monde, 101, Bld Raspail. (1) 544.41.42. Jusqu'au 20 octobre. 27 - Sexe et Idéologie - LA FEMME ARABE ET LE SATELLITE Fatima Mernlssl est un auteur qui monte. Au moment où son premier livre, Sexe Idéologie Islam (1), paru en 1983, doit être réimprimé en livre de poche, elle nous revient avec deux autres ouvrages, Le Maroc raconté par ses femmes (2) et un conte au titre provocateur : Qui l'emporte, la femme ou l'homme? Marocaine et sociologue, elle a été l'une des premières chercheuses arabes à s'attaquer au tabou de la sexualité. Différences: Comment devient-on Fatima Mernissi ? Fatima Mernissi . Qu'entendez-vous par là ? Différences : Pour moi, vous êtes une femme qui a réussi, dans un contexte plutôt défavorable à acquérir une formation scientifique, à se consacrer à un domaine de la recherche jusque-là peu exploré, et qui se distingue par son indépendance d'esprit, tout en donnant l'impression d'une vie heureuse et épanouie hors des modèles dominants, puisque vous vivez seule, ce qui est, à ma connaissance assez exceptionnel pour une femme dans un pays comme le Maroc ... F.M. : Tout d'abord laissez-moi vous dire que la proportion des ménages dirigés par une femme au Maroc dépasse 27 0,10, selon les statistiques de 1971 ! Les résultats de 1983 ne sont pas encore publiés ... 50 % des femmes qui travaillent sont divorcées. Comme vous pouvez le constater, vivre seule au Maroc est loin d'être exceptionnel! Ce qui peut l'être, bien sûr, comme c'est mon cas, c'est qu'il s'agisse d'un choix ... Pas forcément définitif du reste! Je cherche toujours un compagnon, avis aux amateurs ! Mais revenons aux choses sérieuses ... Je pense que j'ai avant tout bénéficié de 28 circonstances historiques et politiques particulières. A l'époque où j'ai commencé à aller à l'école -le mouvement nationaliste avait fondé des écoles et les avait ouvertes aux filles - il Y régnait un enthousiasme extraordinaire, une croyance passionnée dans le renouveau arabe. A cinq ans, je chantais Al huriya jihadina hatta naraha - luttons jusqu'au bout pour notre liberté. Cette chanson était sur toutes les lèvres ... On pensait vraiment qu'on pouvait tout réinventer. Cela, je continue à le croire ! Par ailleurs, en tant que femme, je dois faire un bilan nuancé de la colonisation. Pour les couches dominées, la colonisation a été un mal, c'est certain. Mais elle a ébranlé la structure patriarcale, elle a touché au pouvoir des catégories dirigeantes, et, par là, favorisé l'émergence de groupes dominés, dont les femmes ... D'un point de vue privé, d'autre part, j'appartiens à une famille de la bourgeoisie fassie (3), où l'on respectait relativement les femmes. Cela aurait pu être différent ailleurs, if faut tenir compte des différences régionales, et de celles qui sont liées aux appartenances de classe. dynamique culturelle s'est instaurée. On assiste à un véritable bouillonnement culturel au Maroc actuellement. A partir de tous ces éléments, j'ai pu faire mon chemin personnel. M'affranchir des idées reçues. Comparer l'ici et l'ailleurs. L'univers entier me concerne. En tant que femme arabe, c'est partout que je dois chercher ce qui peut alimenter ma quête. Différences: Justement, ne vous accuset- on pas d'être influencée par l'Europe, l'Occident ? F.M. : Chacun possède son image de l'Europe, de l'Occident! Les gens qui m'accusent, et avec moi tous les partisans du progrès, d'être influencée par l'Europe sont ceux-là même qui ne connaissent de l'Europe que les boîtes de nuit, les prostituées, ou les boutiques. Je n'ai aucune leçon à recevoir d'eux! A Paris, moi, je peux voir des expositions remarquables, comme La Syrie de Baal et d'Astarté, ou Le Prince en terre d'Islam, qui enrichissent ma connaissance de ma propre culture, et dont je ne peux avoir l'équivalent à Bagdad, Riad ou Tunis ... « Ceux qui disent qu'il faut rejeter en bloc l'Occident, sont les ennemis de la culture arabe » Différences : Pourtant -vous dites que votre père, fervent nationaliste et à certains égards père exceptionnel, puisqu'il allait jusqu'à vous emmener avec lui à la mosquée, avait le projet de vous voiler à quatre ans! F.M. : Oui, à cet égard, mon père était très représentatif de la mentalité nationaliste, il voulait se débarrasser des Français, mais s'accommodait du statut quo au sein de la sphère domestique. C'est là que j'ai effectivement bénéficié d'une situation historique ... Différences: Il me semble que ce n'est pas un hasard si Fatima Mernissi est marocaine ... F.M. : C'est certain. Dans nos pays, il faut prêter une grande attention aux nuances, aux degrés de liberté, de démocratie, même infimes. Au Maroc, il existe malgré tout une petite marge de manoeuvre, qui peut paraître négligeable vue de l'extérieur, mais qui a une grande importance pour nous. Je peux m'exprimer parce que d'une part le milieu intellectuel marocain est habitué au multipartisme. Le droit d'expression y est peut être un peu plus reconnu qu'ailleurs, dans les pays où prévaut le système du parti unique, même lorsque le régime est plus « avancé» en théorie. Et puis, une Différences - N° 38 - Octobre 1984 Et puis moi, l'Europe me concerne aussi en tant que citoyenne. En Europe, par exemple, on n'emporte pas les urnes pendant les élections. La fraude est sanctionnée, ou elle se produit à un autre niveau. Les individus jouissent de certains acquis, de certains droits ... Ceux qui disent qu'il faut rejeter en bloc l'Occident sont les ennemis de la culture arabe. Il faut le dire. Une culture qui ne s'ouvre pas sur l'extérieur est une culture morte. Les États arabes devraient miser davantage sur leurs communautés installées à l'étranger, comme le fait par exemple la Chine, alors qu'ils ne s'en soucient pas jusqu'à présent. Différences: Pensez-vous que votre opinion est partagée par beaucoup de vos concitoyens ? F.M. : Le citoyen marocain n'est pas dupe. Il sait très bien quand on veut le rouler en lui parlant de nation arabe, etc. Malgré les grands et les petits censeurs, il est « branché ». Il sait que ce qui compte aujourd'hui, c'est le satellite. On ne peut pas lui cacher tout ce qui se passe ailleurs. Même les paysans des régions les plus reculées écoutent les radios internationales. Le cloisonnement, l'enfermement, c'est dépassé. 29 Il y a dix ans j'étais venue à Paris pour faire du journalisme. J'ai échoué. Et l'autre jour, j'ai été interviewée par une jeune journaliste de vingt cinq ans, Aïcha, originaire d'Agadir, dans le sud du Maroc ... A l'aise comme un poisson dans l'eau dans les médias internationaux ! C'est cela l'avenir de la nation arabe! Que nos jeunes se lancent à l'assaut des capitales occidentales, des multinationales, qu'ils réussissent partout, qu'ils vengent la défaite de leurs parents! La première fois que je suis venue en France, j'ai été frappée par la présence de jeunes, filles et garçons, autour des tables de cafés, discutant ensemble, en dehors de toute stratégie de séduction ... ce qui n'excluait pas un certain érotisme. J'ai éprouvé un grand sentiment d'injustice. Cet échange égalitaire, pourquoi nous était-il refusé à nous? Aujourd'hui, les jeunes ne se résignent plus à la ségrégation sexuelle. Différences: Malgré la poussée islamique dont on parle tant? F.M.: Ceci est un phénomène complexe, sur lequel je prépare un travail. Je préfère donc ne pas en parler pour le moment. Différences: Vous insistez sur l'existence d'une tradition de contestation féminine? F.M. : Oui, et je pense qu'il faut la poursuivre. La femme maghrébine ne devrait pas suivre aveuglément les hommes dans leurs choix, que ce soient les hommes politiques, les syndicalistes, ou leurs maris. Par exemple dans le conflit entre l'Algérie et le Maroc, j'essaie de me tenir au courant de ce qui se passe de l'autre côté de la frontière, et surtout chez les femmes, malgré la guerre ... Cette guerre qui est la négation de mon travail en tant qu'intellectuelle maghrébine. Il faut s'assurer que l'on n'épouse pas les batailles des autres. Qu'on ne prend pas des trains qui vont dans des directions qu'on n'a pas choisies ... Jerne suis fixé comme règle de faire le point, tous les matins, Je mets mon réveil à six heures, et je consacre une bonne heure à passer au crible les événements de la veille. Et j'essaie d'éliminer tout ce qui ne va pas. Les choses et les gens qui m'humilient, me font perdre mon temps, m'empêchent d'avancer. Et c'est valable pour toutes mes relations, qu'il s'agisse de relations professionnelles ou affectives, d'un éditeur ou d'un ami. D (1) Editions Tierce (2) SMER (3) de la ville de Fès Propos recueillis par Marie BOUSQUET CUL1URES ___ Lectures COHABITATION. L'un des plus beaux livres publiés récemment en France est certainement l'un des meilleurs exemples de vulgarisation de bon niveau sur l'Islam. Et cela sur un aspect d'autant plus controversé qu'il est moins connu de la civilisation née de la prédication de Mahomet. En effet, avec doigté, finesse et une sympathie militante, le grand orientaliste italien et ses collaborateurs dressent une sorte de bilan, superbement illustré, de la présence et de l'influence des Arabes et des Turcs en occident du VIle au xxe siècle. Treize siècles de cohabitation guerrière, mais aussi de fructueux contacts culturels, ont modelé la culture occidentale. Ils ont laissé des traces profondes dans les domaines philosophiques, scientifiques, techniques, littéraires, et surtout, pour notre plus grand plaisir, dans les villes et les monuments, en Andalousie, en Sicile, dans les Balkans - qui abritent encore plus de deux millions de musulmans autochtones -, à Istambul, l'ancienne Constantinople, en Russie. Ce beau livre retrace l'aventure d'une occasion en partie réussie de symbiose, que l'antagonisme entre deux volontés parallèles d'imposer son ordre a vu se terminer dans l'effondrement de l'Empire Ottoman et la mainmise coloniale européenne sur l'Islam. 0 Yves THORA V AL Histoire de la Civilisation de l'Islam en Europe, sous la direction de Francesco Gabrieli, éd. Bordas, ill., 279 p, 260 F. TRANSSAHARIENNE. Histoire fabuleuse des différentes étapes de la traversée transsaharienne

les premières approches du

Sahara se perdent dans la nuit des temps, coupées de longues périodes où le désert retrouve sa solitude. Ce sont les garamantes qui furent les premiers utilisateurs d'un axe transsaharien. Au Ive siècle apparaît « le vaisseau du désert », le chameau, puis avec la conquête musulmane des villes se forment en Mauritanie et la transsaharienne multiplie ses parcours. n faut attendre le 1ge siècle pour que se mette en branle le rêve européen : Tombouctou «aux rues pavées d'or» appelle d'intrépides explorateurs et beaucoup y laisseront la vie. Mais le chemin est préparé pour de nouveaux chevaliers, ceux du ParisDakar ... Les photographies de Cet B. Desjeux -. TROISFRANCAIS AU SAHARA OCCIDENTAL _ 1784-1786- Un heureux naufrage ... sont très belles et incitent le lecteur à, lui aussi, fouler les pistes maintenant accessibles de la transsaharienne. 0 Transsaharienne - AlaiN Riondet, Catherine et B. Desjeux. L'Harmattan Ed. Coll. CairnTexte de Alain Riondet, guide professionnel au Sahara pendant dix ans - 1984. NAUFRAGE. Curieux texte, dans lequel les trois héros de l'aventure présentent leur exploit, chacun à sa façon : il y a deux siècles que Follie, Saugnier et Brisson firent naufrage sur les côtes du Sahara et restèrent prisonniers des habitants de la région. Ce livre qui sort de l'ombre des textes historiques, bien présenté par Maurice Barbier, spécialiste du Sahara occidental, est aussi attachant que le plus passionnant des Jules Verne. 0 Trois Français au Sahara occidental (1784-1786) . L'Harmattan Ed. 1984. SANS RETOUR POSSIBLE. « De la Russie et de la mer Caspienne à la Bulgarie, de la Grèce à Médine », L'antique Arménie avait déjà été, depuis quatre mille ans, le théâtre d'atrocités perpétrées contre ses populations. «Les gens te parleront de Dieu, d'amour, de justice, mais partout tu verras l'or briller ». Dans le climat de terreur qui a suivi les massacres de 1896 en Turquie, la communauté arménienne d'Anatolie a pressenti l'annonce d'un malheur plus grand encore. Chaque famille avait à déplorer au moins un pillage, un assassinat, un enlèvement ou un viol. Après avoir hésité à devenir prêtre, Aram préfère demander la main d'Araxie qu'il aime éperdument. Nous 30 KIOSQUE Sélection/Livres D écolonisation, indépendance, immigration, les écrivains trouvent leur inspiration, dans les déchirements et les turpitudes de l'Histoire et dans la quête de l'impossible unité. Le livre des célébrations. Chams Nadir. Ed. Publisud. Les chercheurs d'Os. Tahar Djaout. Ed. Le Seuil. L'espoir était pour demain. Slahedine Bhiri. Ed. Publisud. Le chinois vert d'afrique. Leila Sebbar. Ed. Stock Greffes. Rachid Boudjedra. Ed. Denoël Maghreb pluriel. Abdelkebir Khathibi. Ed. Denoël. Littératures du Maghreb. Ed. l'Harmattan. La croisade de Lee Gordon. Chester Himes. Ed. 10/18. sommes à la veille du grand génocide de 1915. Le processus d'humiliation s'accélère. On ne dénombrera pas moins de vingt mille morts à Anada en 1909. Pour ne pas être turquifiées, russifiées ou crucifiées, des familles entières, effrayées, déferlent dans les campagnes « telles les eaux d'un barrage dynamité ». Aram et Araxie choisissent la proximité de Armen le fédaï, le sacrifié, qui préfère « rire de la mort en vivant pour la bonne cause ». Et la résistance s'organise malgré la faim, la vermine, les épidémies et la déportation dans les déserts de Syrie. n est des mots qui touchent autant que des actes et Pascal Tchakmakian sait les manier, pour nous conter quelques-unes des heures les plus sombres de l'histoire de l'humanité. A l'aube du soulèvement bolchévik, l'auteur nous invite à partager l'histoire d'une famille et, à travers elle, l'histoire d'un «peuple millénaire disséminé aux quatres coins du monde, comme des graines jetées au vent ». Le «Crépuscule des Anges» nous plonge au coeur de la tragédie du peuple arménien désarmé, condamné à l'extermination totale et, pour quelques survivants, à un départ « sans retour possible ». Un très beau livre, écrit avec le sang d'un peuple à qui la dignité doit être rendue. Il faut que le monde sache enfin la vérité et que justice soit faite car l'enfer continue. 0 Julien BOAZ Le Crépuscule des Anges, Arménie 1915-1921 de Pascal Tchakmakian, éd. Astrid. - En avant la musique - Le rhorho-rock and roll de Carte de séjour Différences : Pour Carte de Séjour le rock fait-il son beur? Rachid : Oui, à partir du moment où on a voulu faire de la musique, c'était gagné. Différences: La famille s'agrandit on dirait? Rachid: C'est vrai, au début il y avait Mohamed à la guitare, Mokhtar à la basse, moi, j'étais déjà la voix. Puis Jérôme est venu, on a ajouté des percus avec Brahim, une batterie avec Germain, et un luth avec Jellal. Mais on ne va pas s'arrêter là, on ne veut pas se limiter. Le seul problème, c'est que la technique a du mal à suivre. C'est pas pour rien que des tas de groupe vont enregistrer en Angleterre. Le rock français a été reconnu à partir du groupe Téléphone, mais il est loin derrière le rock anglais. L'étiquette rock français est lourde à porter à l'étranger. Différences: Ton morceau préféré, c'est lequel? Rachid: Difficile à dire, on les aime tous, on les a créés et on les interprète, il y a un peu de nous à chaque fois. En fait c'est le public qui tranche. Différences : Si tu devais définir le genre de votre musique, tu dirais quoi? Rachid: A la FNAC de Lyon l'autre jour, quelque chose m'a fait très plaisir. On était classé à rock anglais, ils ne savaient pas où nous mettre. On classe, on colle des étiquettes, pour que le public ne s'y perde pas. Et nous, pour échapper à tout ça, on aime bien brouiller les pistes. Différences : Et de vos rapports avec la presse, peux-tu dire quelque chose? Rachid: A partir du moment où l'on fait ce métier, on a pas trop le choix. On vient nous voir, des fois je n'ai rien à dire, alors je ferme ma gueule. En lisant, les articles, les papiers, on ne découvre plus grand chose sur nous. On aimerait se découvrir davantage, un peu . comme dans un miroir ou dans l'eau d'une fontaine. Différences : Et le blues, tu aimes? Rachid: Sûr que j'aime le blues, c'est une musique très forte, révélatrice d'une histoire. Chaque coin du monde à son blues, on a tendance à ne parler que d'un seul. Différences - N ° 38 - Oclobre 1984 Un Intervlevv d'enfer de Rachid, l'homme à la volx d'or du groupe Carte de Séjour. De l'afro-rythm'n blues, chaloupé de reggae et sa musique orientale, le tout chanté en cc rhorho n, l'argot arabe de l'Immigré. Dès que j'écoute El Hadj Mohamed, « El Anka », je trouve cela génial. Le flamenco, c'est du blues, il utilise le banjo, la mandoline. Différences: Deux, trois mots sur le racisme? Rachid: Je n'aime pas ce mot, ça craint vraiment. Parler du racisme, c'est faire de la publicité à des gens qui n'en valent pas le peine. Notre dernier album, s'appelle Rhorhomanie, «rho» ça veut dire, frère en arabe. Là, j'ai tout dit. Différences : Une petite touche finale? Rachid: Oui, on pourrait poétiser en disant qu'il y a des paquets de larmes, dans le ciel de Paris, aujourd'hui. Le temps est le reflet de notre humeur. On a même collé des étiquettes au temps, printemps, automne. Lui, il en a raz le cul. n a envie de faire froid au printemps, chaud en automne, il faut lui donner la parole. On nous a bourré, « beuré », de pessimisme. Moi, je veux me vivre autrement. Des fois, je ferme les yeux pour rêver. 0 Rhorhomanie Dist. CBS Propos recueillis par Stéphane JAKIN COMPLET' MAN-DINGUE ans la foulée du King, le grand D Sunny Adé, la marée noire des griots africains continue de déferler sur l'Europe, avec le même bonheur, la même conviction, la même transe voyageuse. Hugh Masekala, bien connu pour ses positions anti-apartheid et son engagement en faveur de la libération de Nelson Mandela, vient d'enregistrer au Botswana un superbe 33 T, Techno Bush (1), dans lequel il conjugue sa sensibilité zoulou avec une technologie de pointe en matière d'enregistrement. Osibisa, le groupe pionnier de l'afrorock, tente un come-back, avec un nouvel album distribué par Celluloïd, mais leur chef-d'oeuvre reste incontestablement le bon vi:;l Woyaya (2), une cuvée exceptionnelle de plus de dix ans d'âge. Fela Anikulapo Kuti, le« Black Prési- 31 dent », qui continue d'attaquer les trusts néo-colonialistes en pronant le pan-africanisme, sort un nouveau vinyl Live in Amsterdam (3), c'est assez géant. Avec leur album Live (4), les frères Touré Kunda passent la cinquième vitesse. Au-delà des mots, des textes mandingues difficiles d'accès, l'émotion transpire, l'énergie est là. Ray Lema, le surdoué subtil et drôle, le « tupamaros» de la rumba zaïroise, nous offre son dernier album, Kinshasa-Washington DC, Paris qui résume assez bien son itinéraire musical. Les Bobongo Stars enfin, avec Zaïro distillent un funk très soft à l'africaine, c'est très vocal et puissamment pulsé par les cuivres. 0 (J) CBS (2) MCA (3) Pathé Marconi (4) Celluloïd REllEllDI -Nouvelle droite- ATTENTION AUX MOTS ... cc Vous avez dit Fasclsn1es ? n ••• Un ouvrage collectif (préfacé par Robert Badinter) né d'un colloque International de l'Union des écrivains. Des auteurs, des poètes, des artistes, des chercheurs s'exprin1ent sur la question. Deux cc plats de résistance n dans ce livre : cc La stratégie culturelle de la Nouvelle Droite en France n par Pierre-André Taguleff n un cc n1ust n d'analyse et de docun1entatlon et : cc Qui n'est pas de gauche? n par "acques Tarnero ; un texte de cOn1bat, Incisif et percutant. Ici, Pierre-André Taguleff répond aux questions de Différences. 32 Pierre-André Taguieff: D'emblée, le mot« fascisme» est saisi de l'équivoque des termes génériques, un «concepthôpital » qui va de la dénonciation de dissidents soviétiques du «fascisme rouge» à celle de sud-américains dénonçant le fascisme chilien. Historien et politologue, je devais prendre un peu de recul quant à l'usage relativement indéterminé de ce mot. Différences : Cent cinquante pages (la moitié du livre (1) sont donc consacrées par vous à une analyse très fouillée de la Nouvelle Droite en France. P.A. Taguieff: Oui. Ça peut paraître un peu démesuré dans le corps de ce livre. Mais c'est un texte analytique, plus qu'une « intervention» ponctuelle. J'essaye de poser des problèmes de fond à la fois politiques et idéologiques. C'est, finalement, un recueil de textes centrés sur la Nouvelle Droite et sur les fascismes au pluriel. Pour bien en montrer le caractère problématique. A travers mon analyse, je m'adresse aux politologues, aux militants politiques, et à l'ensemble de la gauche qui doit s'engager aujourd'hui dans une tentative de renouveau de ses argumentations. En trouvant là, j'espère, matière à réflexion sur cette stratégie culturelle de la Nouvelle Droite française. Car, voilà bien un exemple frappant de relative réussite « culturelle ou méta-politique» qui mérite d'être réfléchie en profondeur. Différences: Le moins qu'on puisse dire c'est que votre texte est hyperdocumenté, fouillé, consciencieux. Vous « balayez» ainsi l'ensemble du champ idéologique de cette Nouvelle Droite qui a beaucoup fait parler d'elle. P.-A. Taguieff: On a trop, je crois, déliré sur la question. J'essaie d'avoir un regard « froid» en me basant sur des textes et des informations sûres. Je pense qu'il faut travailler sérieusement cette question de l'extrême-droite aujourd'hui et non plus la conjurer par ce que j'appelle des formules commémoratives : du genre : « Le fascisme ne passera pas! ». Différences: Partons d'un problème sérieux, actuel et concret : l'immigration et le racisme. Par rapport à vos réflexions, comment voyez-vous cette question quand elle est abordée et « traitée» par la droite néo-classique, l'extrême-droite, et la nouvelle droite? P.-A. Taguieff: Il faut d'abord réfléchir sur ces catégories. Quand on parle d'extrême-droite face à l'immigration, il faut faire les distinctions qui s'imposent. Disons qu'il y a, premièrement, le traditionnalisme catholique; on assiste d'ailleurs aujourd'hui à sa résurgence « intégriste » et maurassienne'. Ensuite la Nouvelle Droite elle-même clivée depuis 1980 (depuis l'élection de Reagan) entre une tendance très néo-libérale et le GRECE (Groupement de Recherche et d'Etudes pour la Civilisation Européenne). Et enfin, ce que j'appellerais le « national-populisme» représenté par le Front National. Sans oublier qu'en France, il n'est pas seul puisqu'en décembre 83, d'une de ses scissions s'est créé le Parti Nationaliste Français, et qu'il existe aussi des groupuscules actifs. Voilà, en gros, les trois catégories actuelles de la population d'extrêmedroite. Sur la question-de l'immigration, leurs attitudes respectives? ... Le traditionnalisme catholique est en principe non-raciste puisqu'il récuse la division de l'humanité en races inassimilables. Mais comme, d'autre part, il rejette le modèle républicain d'intégration, il n'a pas finalement les moyens de penser le phénomène de l'immigration; il n'a pas de concepts pour ça. Différences: Ce qui est passablement « ambigu ». Pour ne pas dire dangereux. P.-A. Taguieff : En l'absence de théorie raciste et d'idéologie précise sur la question, ce traditionnalisme catholique se retrouve « piégé ». A côté, qui y-a-t'il ? L'Action Française et le néo-maurassisme qui considèrent le phénomène d'immigration comme une «invasion étrangère ». Quant au «nationalpopulisme » à la Le Pen, il tend vers la xénophobie pure et simple, notamment à l'égard de tous les étrangers issus d'une culture autre que la christianooccidentale, ceux d'origine araboislamiques étant particulièrement « visés ». Dans les discours de Le Pen, on ne trouve pas trace d'attaques contre les immigrés d'origine européenne, c'est du racisme sans véritable théorie raciale. Mais n'oublions pas qu'au sein du Front National existe un courant néo-nazi (les « nationalistes révolutionnaires ») qui, se faisant tout petit depuis les deux ou trois ans où le Front National a fait sa percée électorale, continue néanmoins à avoir son i,mportance et à s'exprimer à travers sa revue Militant. Ce serait donc une erreur de voir le Front National comme un espace idéologique unitaire et sans conflits internes. La gauche aurait intérêt à mieux réfléchir sur les tensions des « anciens» et des « modernes ». du Front National. En lisant attentivement des textes de la Nouvelle Droite, on remarque que - de moins en moins - le terme « d'inégalité » est employé à propos des races, des Différences - N ° 38 - Octobre 1984 ethnies, et des cultures. Par contre, le mot fonctionne beaucoup pour aborder les relations entre individus. On assiste là à un individualisme anti-égalitaire dont la devise simplifiée est finalement : « Qt(e les plus forts gagnent! ». Un nouvel éloge de la compétition qui n'est peut-être plus aujourd'hui le seul apanage de la droite. De plus et simultanément, se développe un véritable « culte» des différences. Différences : Mais dans un sens voulu d'absence de dialogue, de communication ... P.-A. Taguieff: Exactement. C'est le fétichisme des «différences» bétonnées. On absolutise les «différences ». On récupère très habilement l'argument de gauche du « droit à la différence » qu'on retourne alors contre la gauche toute entière ... C'est l'opération stratégique majeure de la Nouvelle Droite ; une ruse idéologique à laquelle le mouvement antiraciste français n'a pas été assez sensible. Soyons bien clair: deux manières aujourd'hui de pratiquer le racisme coexistent tout en étant autonomes. L'une est « classique» (liée au colonialisme et au néo-colonialisme) et fonctionne par hiérarchisation et comparaisons entre peuples, races, ethnies, et mentalités. donnés au dangereux «culte des différences » ; des sacro-saintes différences d'origines. Il y a des « effets pervers» de l'idéologie régionaliste. . Le paradoxe du racisme d'aujourd'hui c'est qu'il soit aussi bien hétérophobe (ce refus de la différence très bien décrit par Albert Memmi) qu'hétérophile ; du style: «J'aime tellement ta différence que tu dois retourner chez toi »... Le Pen parle de moins en moins « d'inégalité »; il met plutôt l'accent sur le respect de l'identité nationale, sur les différences de traditions et leur incompatibilité entre elles. Différences: Stratégie électoraliste oblige! Sans oublier aussi qu'un certain nombre de « déçus» du gouvernement socialiste ont voté pour lui. P.-A. Taguieff : Oui. Et qui représentent environ 25 11,10 de son électorat. .. Je crois qu'il ne faut pas se servir de la question des Droits de l'Homme comme argument polémique et comme prêt-àpenser. Qu'il faudrait revoir la déclaration de ces droits en fonction des problèmes qui se posent aujourd'hui, tel celui de l'immigration. Moi-même qui suis d'origine un peu française, un peu polonaise et un peu russe, ma patrie française est essentiellement culturelle. De l'idée de patrie à l'idée de nationalisme et de chauvi- « Que les plus forts gagnent ! Voici venu un nouvel éloge de la compétition, qui n'est peut-être plus aujourd'hui le seul apanage de la droite ». L'autre est beaucoup plus perverse et moins évidemment perceptible dans le champ idéologique actuel. C'est la forme « différentialiste» du racisme. Dans les discours de la Nouvelle Droite, particulièrement dans ceux du GRECE comme dans ceux du Front National et des néos-nazis, on trouve un vrai mythe « différentialiste ,». L'immigration y est perçue comme un problème majeur, mais qui porte atteinte à l' identité française, européenne et - plus génériquement - au « monde blanc» (3). Autrement dit, c'est l'identité blanche qui fait la différence (sic) et se place au centre du grand fantasme raciste d'aujourd'hui. Les autres races n'y sont plus vues comme inférieures puisque ces idéologies de droite revendiquent aussi «le droit des peuples à demeurer euxmêmes ». En prenant évidemment soin de ne pas se présenter comme les tenants d'un « apartheid» qui doit demeurer en coulisses ... Là, il faut bien rappeler que certains régionalistes et certains gauchistes se sont un peu trop béatement ab an- 33 nisme, il n'y a aucune conclusion logique. Et il est dangereux de penser comme certains gauchistes que le patriotisme mène nécessairement au Le Pénisme. De même que l'idée socialiste ne se réduit pas à la vulgate marxiste. Différences : Ce qui frappe à la lecture de votre texte « la stratégie culturelle de la Nouvelle Droite en France », c'est que vous mettiez si fortement l'accent sur la sous-estimation par la gauche - dans son ensemble - de tout ce qui donne pas mal d'audience à cette nouvelle droite. (suite p. 42) Deux poids, deuxmesures. Il ya les normauxetles autres. Certains ontmême atteint la demltonne. Des associations oeuvrent pour la fraternité de polds,l.s édiles suédolsveulent taxer les kilos superflus. La femme la plus forte du monde: 270 kg. LES GROS DE CE MONDE éjà, les Grecs et les Romains admettaient difficile- D ment l'obésité et firent leur possible pour lutter contre ses méfaits. D'autant plus qu'ils s'aperçurent très vite que les gros mouraient plus jeunes que les autres. Hippocrate y voyait une influence des climats. Pythagore, lui qui habituellement conseillait l'abstinence de tout rapport sexuel, les recommandait pourtant pour maigrir. Il y avait, à Athènes et à Rome, des hommes appelés andropodo-capeloi qui faisaient métier de dégraisser les esclaves. Les soldats eux-mêmes ne devaient pas dépasser un certain poids, ' et les cavaliers romains devenus obèses perdaient leur cheval. Au cours de l'histoire, les obèses comptèrenr dans leurs 34 r:angs de nombreux souverains et gagnèrent ainsi leurs lettres de noblesse. Denys, tyran de Syracuse, mourut étouffé par la graisse, et les chroniques précisent: « Il n'osait plus se montrer à ses sujets de peur d'être moqué et tous les jours on le saignait à l'aide de multiples sangsues ». Dans les rangs des gros et très gros, prennent encore place Guillaume le Conquérant, Charles et Louis le Gros, Henri 1 de Navarre, Sanche l, roi de Leon, Frederic 1 roi de Wurtemberg, Henry VIII, Louis XVIII, et bien d'autres personnages illustres. Henri Bernard, qui s'est dépeint dans Le martyre d'un obèse, dédia son livre notamment aux Falstaff de son temps, le Maréchal Joffre, Edouard Herriot, Lucien Guitry et Maurice Vlaminck. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, dans toute l'Europe, pas une foire, pas une fête de village ne manquait de présenter son obèse. Quelques kilos leur étaient souvent rajout.és par exagération, mais cela n'avait guère d'importance pUiSque le seul fait de les contempler faisait éprouver le poids de leur énormité. La foule les adorait: pour elle, gros était souvent synonyme de drôle. En 1724, on présenta au roi d'Angleterre, George l,. un homme du comté de Lincoln qui pesait 350 kg. Ce monsieur avait voulu monter à cheval, mais l'animal plia sous le poids et expira, les reins rompus. M. Sponer, lui, avec ses 335 kg, se prit de querelle à la foire d'Atheraton, avec un marchand qui lui planta dans le ventre une lame de cinq pouces de longueur. Il fut protégé par ses six pouces de lard. Mais les Anglais, contrairement à ce qu'affirmait Buffon, ne sont pas plus prédisposés que d'autres peuples à produire des obèses. En France, en 1943, Emile Naucke, colosse de 245 kg aux 183 cm de tour de hanches, se montrait en combattant de ring. Il mourait en 1952, laissant la vedette à l'Allemand Wilhem Halter. L'Américain John Graig, à l'âge de deux ans, avait gagné mille dollars au concours du plus beau bébé de New York. Trente ans plus tard, il annonçait 453 kg. Trois quintaux à la puberté On ne connaît que quatre hommes dans toute l'histoire de l'humanité qui aient dépassé la demi-tonne. Beaucoup d'experts donnent l'Américain Johnny Alee comme l'homme le plus lourd de tous les temps avec 562 kg. Né en 1926 dans l'Illinois, Robert Earle Hugles, dont le portrait fut le plus souvent reproduit dans la presse, valait déjà 92 Kg à six ans et 170 à dix ans. Il franchit le cap des trois quintaux après la puberté pour s'élever à 503 kg vers trente ans. En 1956, il tomba gravement malade. Aucune des portes de l'hopital ne lui permettait d'entrer. Les médecins dressèrent une tente dans la cour. Aucun lit ne pouvait le supporter. On lui construisit une immense estrade rembourrée. Malgré des soins attentifs, il s'éteignait en juillet 1958. Aucun cercueil ne fut assez grand pour sa dépouille et, provisoirement, on le mit en bière dans une caisse de transport pour piano à queue, jusqu'à ce que son frère ait fait fabriquer un énorme cercueil et loué une grue pour le mouvoir. Le quatrième est encore Américain: Michael Walker ne pèse pas moins de 538 kg. Né en 1934 au Texas, il est incapable de se bouger depuis 1967, et passe ses journées et ses nuits allongé sur un immense lit dressé au milieu d'une roulotte pourvue de côtés en: verre pour que le public puisse l'admirer. Bien que les hommes détiennent les records de poids absolu, les femmes obèses sont en bien plus grand nombre, et beaucoup n'eurent rien à leur envier quant à la popularité. Si au siècle dernier, La belle Fatma, Victorine la colosse, Lisa la captivante ou Susan Bortom, La Femme mammouth, se présentèrent chacune comme la femme la plus grosse du monde, aucune n'aurait pu rivaliser avec les étoiles de l'après-guerre. Pour conquérir gloire et célébrité, Jolly Daisy, 375 kg, offrait une prime à quiconque la gardait cinq minutes sur ses genoux. Surtout, elle avait habitué le public à lui envoyer des pièces de monnaie sur l'estrade où elle les ramassait en faisant bien attention de montrer son derrière, ce qui rendait les spectateurs hilares. Lorsqu'on aime, on est capable de tous les efforts. L'amour poussa une femme-phénomène à tenter de matérialiser un rêve impossible : maigrir. Elle réussit. Différences - N° 38 - Octobre 1984 35 Mme Steel se résolut à maigrir à l'âge de quarante ans pour pouvoir donner un enfant à son époux. En dix-neuf mois, sans aliment - si ce n'est une mixture composée d'eau, de café noir et d'un certain liquide scientifique - elle descendit de 214 à 91 kg. Son objectif: le seuil des 70 kg. Elle y parvient. De la grâce au lieu de la graisse La vie des gros est pleine de vicissitudes, qu'il s'agisse des difficultés à utiliser les transports en commun, à voyager même, ou des simples questions de la vie quotidienne : les vêtements, les meubles, les emplois, etc. L'obésité semble la plus répandue des maladies. En France, trente pour cent des femmes et quinze pour cent des hommes en sont victimes. En Allemagne de l'Ouest, le problème est plus aigu encore. Presque la moitié de la population en souffre : soixante quinze pour cent des hommes, cinquante cinq pour cent des femmes. Il en coûte trente-cinq milliards de francs par an à la République fédérale, en frais médicaux et heures de travail perdues, ce qui préoccupe fort les autorités. En 1977, le ministère de la Santé voulant frapper le mal à la racine lançait une campagne nationale sous le titre : « De la grâce au lieu de la graisse ». Puis il adressa une lettre personnelle aux directeurs et aux cuisiniers des grandes cantines pour les inciter à se joindre à l'action du gouvernement en servant des repas plus équilibrés. Douze grandes villes réunirent sous l'égide du ministère, des diététiciens, des cuisiniers, des chefs d'entreprises, pour étudier les mesures propres à combattre le fléau. La fraternité de poids Le tour de poitrine des femmes allemandes étant, dit-on avec 97 cm, le plus grand d'Europe, une fabrique de soutien-gorge avait axé sa publicité sur le slogan : « Les hommes préfèrent les grassouillettes ». Cette entreprise se vit virtuellement condamnée par plusieurs commissions. La compagnie aérienne Lufthansa, réagissait de façon inattendue

elle décidait, un temps, de peser les passagers des

lignes intérieures avant de les laisser monter à bord et de taxer les plus gros. Aux Etats-Unis, où vingt-cinq à trente pour cent de la population seraient obèses, beaucoup de sociétés refuseraient de les employer, jugeant qu'ils nuisent à leur image de marque. Pour cet ensemble de raisons, un peu partout dans le monde, les obèses s'affilient à des associations oeuvrant pour la fraternité de poids. L'une d'elles, NA.SA (The national associated to Sid Fats), demande des droits égaux au travail et, surtout, essaie de faire adopter par la législation l'idée qu'il est criminel de laisser les obèses s'exposer dans les foires. Le nombre des obèses ne cesse de croître. Aussi certains préconisent-ils de revenir à la solution avancée, en 1904, par des édiles suédois mais que repoussait le gouvernement alors en fonction: un impôt progressif sur l'obésité. Selon les calculs de ces élus, le poids normal avec lequel un citoyen pourrait circuler en franchise, dans la rue, s'arrêterait à 135 livres. Au-delà de ce poids, commencerait le tarif des suppléments

de 135 à 200 livres, quinze francs par an ; de 200

à 270, trente francs. ; au-dessus de 270, une taxe de neuf francs pour chaque livre supplémentaire. La taxe, la super taxe ou la contre-taxe, est-elle vraiment le seul moyen, alors que depuis le temps, la diététique, la médecine, la psychiatrie et bien d'autres disciplines ont fait de considérables progrès, pour soigner ces malades et empêcher qu'ils« creusent leurs tombes avec leurs dents» ? 0 Martin MONESTIER EN BEIA - Tamtam- UN NOUVEl ORDRE DE L'INFO~ATION ?• L'UNESCO a lancé un débat capital pour l'avenir, mais le monde entier, ou pourtant occulté : Qui nous informera en l'an 2000, quelques agences? Henri LOPES, sous directeur général de l'UNESCO « Les informations viennent de cinq ou six agences ... » Une simple observation des faits montre bien que la plupart des informations sur le Nord, comme le Sud sont émises par cinq ou six grandes agences mondiales qui présentent les événements selon leurs propres visions. Le reste du monde ne fait que reproduire ces nouvelles, ce qui constitue un déséquilibre dans ces échanges d'informations. Cette dépendance du reste du monde envers les puissances munies de moyens de communications considérables a plusieurs conséque,nces. La première et la plus évidente, pour n'en citer qu'une, est le fait du cliché déformant que représente cet état de fait: à l'heure actuelle, il n'est plus possible de voir la planète entière à travers ces seules et mêmes sources d'information. Cela va plus loin encore puisque l'accent est mis également sur les publications d'ouvrages, nombreux documents et outils de communication. C'est pour ces raisons qu'il fallait trouver une nouvelle voie, d'où l'émergence de ce nouvel ordre mondial de l'information et de la communication, le « NOMIC » où les pays en développement pourront faire entendre leur voix. 36 • .J. 1,, , .-' '- .. ,- - - \ ~_."".--.~ ........ 1 1 1 .1 1 / 1 Marco, 35 ans, employé Pendant les vacances, j'ai regardé la retransmission des Jeux Olympiques à la télé. C'était une chaîne américaine qui avait l'exclusivité; ABC, je crois. Impossible de voir sauter les perchistes français. C'est simple, à chaque fois que les Etats-Unis n'étaient pas sûrs d'avoir la médaille d'or, pas moyen d'avoir des images du sport. Si il y avait eu quinze télévisions sur le stade, on aurait pu choisir. Si vous dites que c'est ça que recherche l'UNESCO, je suis d'accord. 0 .. , 1 , \' " QOM BOH IJO)f alJ( 130M 130)\ 1)1-", .... , ..... Odile, 20 ans, étudiante C'est la mode de toujours critiquer les pays libres. D'ailleurs, c'est même leur caractéristique principale de pouvoir les critiquer. Bien sûr, on peut permettre aux autres informations de se faire entendre, mais si c'est pour avoir la voix du gouvernement en place dans chaque pays non-libre, le monde risque vite d'apparaître comme une somme de petits paradis terrestres, et alors, bonjour, l'information ! 0 Différences - N ° 38 - Octobre 1984 37 « .. .11 faut favoriser l'émergence d'un équilibre. » e Nouvel Ordre Mondial de l'Information répond L à un grand besoin, certes, celui de favoriser l'émergence d'un nouvel équilibre de la circulation de l'information à l'échelle du monde. Il constitue un fait sans précédent dans l'histoire de l'humanité, gage de l'épanouissement de la liberté de l'information qui représente pour nous une préoccupation majeure dans la réalisation de la vaste entreprise de dialogue entre les peuples et les cultures. Il s'inscrit dans les préoccupation de l'UNESCO. En effet, la mission principale de cet organisme est de développer la coopération intellectuelle entre les nations. Elle sert de lieu de réflexion pour les activités de l'esprit: éducation, science, culture, information et communication, et favorise l'échange des idées et des connaissances en ces domaines. D'où, par exemple, les recherches qu'elle conduit, la publication de livres, de revues, de documents qu'elle diffuse à l'échelle de toute la planète. Dans l'esprit de cette phrase de son acte constitutif: «C'est dans l'esprit des hommes qu'est née la guerre, c'est dans leur esprit que doivent s'élever les défenses de la paix ». lA PARBlE A Graeme Allwright « La guerre est partout, elle est aussi en nous » Troubadour des temps modernes, ermite vagabond. Néo-Zélandais d'origine, Graeme AII",,right a écumé toutes les mers, a exercé tous les métiers, menuisier, machiniste, professeur d'anglais. A l'approche de la soixantaine, Il est plus jeune que jamais, habité d'un brin d'éternité. ui, on peut parler de véritable renaissance. J'ai beaucoup ~~ 0 voyagé ces dernières années, je suis allé aux Etats- Unis et en " Afrique, en Côte d'Ivoire et au Congo. En Ethiopie également, où je suis resté six mois, en venant d'Egypte et du Soudan. Ce trip m'a profondément marqué et reste à l'origine d'une profonde remise en cause de mon univers. J'ai séjourné à la Réunion, à l'Re Maurice et aux Indes, pays qui m'a fasciné, bouleversé et où j'ai fait de très nombreuses rencontres. Ces voyages ont enrichi ma musique. Mes chansons, sont par exemple habillées de béguine, de reggae, de rythmes africains et de folk. Les musiciens avec qui je tourne en ce moment sont entrés dans ma vie. Il s'agit de quatre malgaches du groupe Lolo Sy Ny Tariny, d'un Congolais aux percussions, d'un Tunisien à la basse, d'un Arménien à la batterie et d'un Breton au synthétiseur et à l'accordéon. Nous sommes tous des immigrés. On ne trouve plus de réelles possibilités d'expression sur le plan politique. C'est épouvantable, la guerre est partout, elle est aussi en nous. Je ne veux pas prêcher, mais je veux prendre le risque d'être un rêveur, un utopiste, à la façon de Bob Dylan ou de Léonard Cohen. Il y a des choses auxquelles je tiens, comme à l'idée de paix et d'amour. L 'histoire de l'humanité est extraordinairement complexe, je crois que l'homme est condamné à se dépasser. Nous sommes condamnés à nous aimer, à nous comprendre. R nous reste à inventer la justice. L'espoir, c'est peut être la convergence de l'humanité en un point Oméga, l'accession de l'homme à une maîtrise totale de lui-même ». 0 38 Propos recueillis par Julien BOAZ CBURRI "aurès J'avais remarqué avec satisfaction le sous-titre d'un article du n° 31, sous la rubrique« Littérature et colonialisme » dans lequel Jean Jaurès était présenté comme n'ayant « pas toujours eu, face à la poussée coloniale, la lucidité que l'on attendrait (de lui) aujourd'hui ». Je prends connaissance de la réaction à ce sujet publiée dans le numéro 34 sous la plume de Gilles Candar, secrétaire de la Société d'Etudes jauressiennes. Etant donné qu'en 1973, j'ai consacré une étude assez approfondie aux positions des socialistes devant les questions coloniales (réédition en 1979), je suis moi-même en mesure d'assurer, textes à l'appui, que Jaurès exprima longtemps des idées assimilationnistes de contenu colonialiste, de même qu'il se laissa prendre, un temps seulement il est vrai, à l'anti-judaïsme des socialistes d'Algérie à la fin du 19 siècle. Gilles Candar fait mention du discours pour l'Alliance française de 1884 et conteste la date de 1881 que vous avez attribuée pour un extrait de texte de Jaurès. Or, si notre ami avait relu la conférence de 1884, il aurait retrouvé la phrase en question. La controverse sur la date me semble plutôt dérisoire et je la croirais plus fondée si elle portait sur le fond des idées du « grand tribun socialiste». Jaurès luimême revendiquait en 1885-1889 toute sa pensée antérieure comme « profondément et systématiquement socialiste collectiviste» dans l'Introduction à ses « Discours parlementaires ». 0 Jacques JURQUET Marseille Erreur Vous m'avisez que mon abonnement à Différences se termine avec mon prochain numéro. Je ne renouvellerai pas cet abonnement, je reproche à Différences de donner beaucoup d'articles inintéressants (cuisine, tourisme, danse, musique ... ) et par contre de donner peu d'informations concernant la luttre contre la racisme. Cela tient aussi, je crois, au fait que vous avez voulu donner à Différences un aspect attrayant, ce qui à mon avis, est une erreur, car vous n'aurez jamais la clientèle de VSD ou de France Dimanche. 0 A.J. GRAF Grenoble Mémorial Je lis dans le dernier numéro que le Memorial de la déportation de Jérusalem se trouve dans le cimetière juif du Mont des Oliviers. Nonobstant la qualité de l'article, qui rend bien compte de de l'atmosphère qui règne actuellement dans l'État hébreu, je vous rappelle que Yad Vashem, le mémorial en question, n'est absolument pas situé sur le Mont des Oliviers, lieu plutôt chrétien dans la topographie religieuse de Jérusalem. 0 Jeanine COHEN Lyon Torture Nombreux sont ceux qui pensent que la France est envahie par les Arabes. Ces gens qui «mangent le pain des Français» sont répartis un peu partout en France à tel point qu'il n'est pas de Français qui n'a jamais vu (ou parlé à) un Arabe. Par Arabe, une grande partie des Français entend Maghrébin, en l'occurence, Algériens, Marocains et Tunisiens. Les Maghrébins qui, hier étaient exploités chez eux par les colonisateurs, sont aujourd'hui exploités hors de chez eux (dans le pays d'accueil). On leur a acheté (à bas prix) leur force de travail. En ce qui concerne les étudiants maghrébins, ils sont venus en France pour profiter pleinement des conditions favorables qu'ils n'ont pas trouvées chez eux d'une part, et par aliénation culturelle de l'autre. D'ou une certaine perte d'identité culturelle. Les immigrés (travailleurs) ainsi que les étudiants ont trouvé ce qu'ils cherchaient en France, à savoir un peu d'argent largement mérité, les universités, les bonnes études et la possibilité de se cultiver, mais ils ont trouvé à côté une autre chose (nuisible d'ailleurs) qu'est la marginalité présentée sous forme de racisme. Et les Français dans tout cela ? Remontons quelques années en arrière et faisons confiance aux historiens, aux sociologues et aux ethnologues qui disent que, au début, les Français étaient racistes envers les juifs tout d'abord. Avec le temps, ils ont oublié les juifs pour se tourner vers les Polonais et les Italiens. Actuellement, c'est au tour des Arabes de subir cette «torture». Si les Polonais et les Italiens étaient nombreux, leur rejet de la société française était moins évident car ils ont la même religion, le même physique. Il est difficile de reconnaître, à la vue, un Italien, un Polonais, un Anglais, un Allemand... Il faut lui parler pour s'apercevoir qu'il est étranger. En ce qui concerne l'Arabe par contre, celui-ci est «repéré» de loin, il n'est pas nécessaire de lui parler pour savoir si c'est un étranger ou pas. La présence des étrangers en France (mis à part le côté économique) et très bénéfique pour les Français. La multitude des races, des religions, des cultures, des mentalités ... ne peut qu'enrichir la société française. La culture des Français - et des étrangers aussi - deviendrait plus vaste et plus ouverte, chose qui va se répercuter d'ailleurs sur la littérature, le comportement social, la conscience individuelle et collective ... Malheureusement, les personnes aveuglées de préjugés insensés n'en profitent pas, ce qui nous permet de dire que le racisme est purement et simplement une bassesse et une pauvreté spirituelles et intellectuelles. Après les juifs, les Polonais, les Italiens et les Arabes, ça sera qui demain ? Les Asiatiques ? Mustapha MOUZOUNI Paris Où est. Montségur? J'ai aimé votre article sur le Québec où vous dénoncez la voracité des Français. Mais il n'y a pas qu'au Québec que cette voracité se soit exercée. Vous ne parlez pas de mon pays, l'Occitanie, ce pays qui s'étend du Val d'Aoste au Béarn et du Limousin aux Pyrénées et à la Provence, ce pays où la langue d'Oc étouffée par le Français n'en finit pas de mourir. ' Allez donc voir dans nos campagnes. On a réussi à persuader les gens du pays que leur patois (la langue des troubadours !) est une langue vulgaire et que seul le Français est distingué. Et depuis huit siècles, la croisade des Albigeois et les Dragonnades n'ont pas extirpé notre langue malgré l'école obligatoire en français. Camisards, Jacques et Croquants n'ont pas plié. Il a fallu les deux guerres mondiales, désignant un ennemi commun pour arriver à un résultat. Triste aussi quand Daniel Chaput déclare : « Dans la France terre d'asile et d'exil restée fidèle aux idéaux de 1789 ... ». Je dis non. Regardez donc une carte de France et la place de Paris, ce monstre qui dévore l'Occitanie. En 1921 on parlait patois dans la cour de l'école, en 1931, rentrant du service, je suis nommé à mon village natal; un de mes futurs élèves demanda à ma collègue l'institutrice si les garçons allaient faire la classe en patois. Il ne m'avait jamais entendu parler français. Cherchez donc Montségur dans le Larousse en six volumes! Il n'y est pas. Les Français n'ont que ce moyen pour cacher leur honte. 0 Louis DUTREIL Brive Excision En tant que médecin - et femme - je dis bravo à la lettre de Marie Bousquet sur l'excision parue dans le numéro de juin de Différences. Mais j'y ajoute ceci : je trouve raciste de considérer tacitement que ce qui serait abominable. s'il s ' agissait d'enfants blanches européennes est tolérable lorsqu'il s'agit d'enfants africaines. 0 Fanny SCHAPIRA . Paris Les petites annonces de DIFFÉRENCES Une petite annonce dans Différences, c'est facile, c'est pas cher, et ça peut rapporter gros. Profitez-en, mais attention: 30 000 lecteurs vous regardent! A vendre, cause double emploi, Histoire littéraire de la France, Editions Messidor, 12 volumes reliés, nombreuses illustrations, textes et analyses de très grande qualité. Valeur : 6 150 F. Vendue 4 000 F. Possibilité de payer en deux fois. N° 34. Correspondance. J'ai 21 ans, étudiant en psychologie, et souhaite correspondre avec des jeunes sans distinction d'aucune sorte pour échanger des idées. Ecr. à M. Belkacem- Karim Boughida - Cité Mohamed Loucif, bloc 1 A, Constantine (Algérie). n° 36 Dialogue. Jeune détenu sénégalais de 35 ans, recherche correspondarits(es) de tous âges, nations et races, pour le sortir du monde de la prison morale et échanger des points de vue sur l'incompréhension culturelle et le refus du dialogue des civilisations. Ecr. à M. Marne Ibra-Sàne. n° 6864 cel. 31, Maison d'arrêt, B.P. 2517, 545038 Orléans Cedex. n° 37 Logement banlieue. Couple sans enfants, 50 ans, cherche appartement 2 pièces, confort, garage, banlieue Sud. Petit immeuble ou pavillon. Tél. 726.78.14, après 18 h n° 38 Logement Paris. Urgent: recherche 3 à 4 pièces, Paris, entre 3 500 et 4000 F. mensuels. Tél. 222.45.37. Si absent, laisser message. n° 39 Parrainage. Accueil Sans Frontière parraine des enfants au Rwanda, à Haïti. Rens. A.S.F.8, rue Marcel Doret. 34.500 Béziers n° 40 Tarif: 25 FT. T .C. la ligne (26 signes ou espaces) Texte et règlement à Différences: 89, rue Oberkampf 75011 Paris Tél. 806.88.33 Les membres de la Société des amis de Différences bénéficient d'une insertion gratuite par an (maximum 5 lignes) 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 K-- 39 1 'AIiENDA' OCTOBRE 2 Jusqu'au 6, Bernard Lavilliers est à la Maison des Arts André Malraux, place Salvador Allende à Créteil. Rens. (1) 899.90.50. Le 8, il sera au Théâtre Paul Eluard, avenue de Villeneuve-St-Georges, à Choisy-le-Roi. Rens . (1) 890.98.70. 0 2 L'Association Cinéma et Audiovidue/ en Va/ode-Marne organise une manifestation cinématographique consacrée aux sciences et techniques sur le département. Parallèlement se tient une exposition du 15 octobre au 15 novembre dans la salle Jacques Brel de Fontenay-sous-Bois, intitulée « L'histoire de la technologie de l'image vivante: de Louis Lumière au câble . Douze villes participent à cette manifestation. Rens. Cinéma et Audiovisuel en Val-de-Marne, 74, avenue Oudinot, 94349 Joinville-le-Pont. Tél. (1) 283.62.61. 0 Le MRAP (Mouvement contre 6 le racisme et pour l'amitié entre les peuples) sur FR 3 dans Liberté 3, entre 16 h 15 et 17 h 15, avec l'ATMF, la FASTI, InterService Migrants et la Licra. Tous à vos magnétoscopes. 0 Trois jours, autour de la 10 Journée internationale de solidarité avec les peuples indiens des Amériques. Le mercredi 10 octobre, de 14 à 18 h, à la Bibliothèque publique du Centre Georges Pompidou, à Paris, animation enfantine, contes par les Indiens du Québec. Le jeudi Il, à 18 h 30, à la Salle d'actualité de cette même bibliothèque, exposition, débat sur les Indiens d'Amérique du Nord, avec les Indiens. Le samedi 13, de 14 à 22 h à la faculté de droit de Paris l, 12 place du Panthéon, 75005 Paris, « Journée internationale de Solidarité avec les peuples Indiens des Amériques », organisée par le CSIA, Diffusion Inti et le MRAP avec la participation de délégations indiennes d'Amérique du Nord, d'Amérique du Sud, projections de films et de montages non stop, groupes musicaux indiens. 0 Nancy Jazz Pulsations orgaIl ni se une série de concerts au Chapiteau de la Pépinière à Nancy, avec entre autres Ornette Coleman, Touré Kunda, Dédé St Prix, Les Frères Samb (griots du Sénégal). Jusqu'au 21. Rens. Nancy Jazz Pulsations 84, 44, rue Molitor, 54000 Nancy. Tél.: (8) 335.40.86. 0 Tous les lundis, à partir de 15 ce jour, musiques traditionnelles, découverte des patrimoines musicaux d'ici et d'ailleurs, avec Talip Ozkan, Tran Quang Hai, Cheng, Anouar Brahem, Joeffrey Oreyma, Julien Veiss, Steve Leclerc. François Bru, Claire Montoya, et bien d'autres... au Carrefour de la Différence, l, passage du Bureau, 75011 Paris. Tél.: (1) 372.00.15. 0 Jusqu'au 26, à la Bibliothè- 19 que d'Hérouville St-Claire (Calvados), exposition sur l'esclavage aux Antilles. Autour de cette exposition se tiendront diverses manifestations. Le 19, Nuit Antillaise, avec les groupes Wouspel et Mandinga, au Hall Albert Soral de Caen. Le 21, cinéma et animation avec le film Vivre libre ou mourir et trois films pour enfants (l'Aube Noire, l'Atelier du diable et j'ai une île dans la tête) au Café des Images, 303 la Cité, à Hérouville. Dans le même Café des Images aura lieu le 26 la projection du film Dérives ou la femme jardin (suivie d'une animation musicale). A l'amphi Pierre Daure, de Caen : le 22, Mamito et Toutes les Joséphines ne sont pas impératrices avec un débat sur la condition féminine aux Antilles. l,.e 23 : Coco La Fleur, débat avec le réalisateur Christian Lara. Le 24: conférence débat avec Daniel Maximim : Culture et Littérature Antillaises et le 25, spectacle de musique antillaise avec Guy Konkett. Rens. au CITIM (Coordination Informations Tiers-Monde, 58, rue Caponière, 14000 Caen. Tél. : (31) 85.20.78. 0 20 Et 21, Politique de l'immigration et communauté nationale est le thème d'un colloque organisé par le Service natio- . nal de la Pastorale des Migrants et le Centre Sèvres. Le colloque débute par un exposé introductif qui reprend les travaux du séminaire qui s'est tenu l'hiver dernier au Centre Sèvres et sera suivi de ' quatre ateliers de réflexion sur les thèmes: L'école (animateur Antonio Perotti, direct'eur du CIEM), le travail (animateur : Jean Weydert, économiste, CERAS), la diversité culturelle et la communauté politique (animateur

Catherine de Wenden,

politologue, CNRS). Enfin, perspectives démographiques et désé- 40 quilibre économique dans le contexte mondial actuel (animateur

André Costes, responsable

du Service national de la Pastorale des Migrants). Rens. Pastorale des Migrants, 269 bis, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75011 Paris. Tél.: (1) 372.47.21. 0 8 L'appel des Cent organise 2 une marche dans Paris pour la paix et le désarmement. Deux rassemblements prévus: région Nord-Est et région Sud-Ouest de Paris. Rens. Appel des Cent, 67, rue de l'Aqueduc, 75010 Paris. Tél.: (1) 203.15.33. 0 NOVEMBRE 2 Les sixièmes Rencontres avec le cinéma méditerranéen, se déroulent à Montpellier (Hérault), organisées par le ciné-club Jean Vigo, du 2 au Il novembre. Au programme : le western italien et le cinéma méridional des années 1930. Un hommage à Fellini, cinéaste et dessinateur. Une rétrospective Siobodan Sijan, cinéaste yougoslave et Pupi Avati, cinéaste italien. Une découverte du cinéma toscan et de films des pays de la Méditerranée. Rens. La Cinémathèque, 20 rue Azéma, 34100 Montpellier. Tél.: (67) 42.35.42. 0 4 Dernière du nouveau récital d'Anna Prucnal «Qui j'aime» au Théâtre de Paris, 15, rue Blanche, 75009 Paris. Rens. (1)874.10.75. 0 6 Quatrième Festival du Théâtre de Bayonne-Boucau, au Théâtre des Chimères, chemin d' Ibos, 64100 Bayonne. Ce festival à un objectif: devenir - en raison de sa situation géographique - le premier lieu de rencontre du théâtre des régions de France et d'Espagne. Jusqu'au 11, des troupes théâtrales espagnoles et de Périgueux, Pau, Nantes, Arcachon, Bressuire, Paris, Poitiers , Bouxwiller, BoucauTarnos, Le Bugue ainsi que d' Italie se ' rencontrent. Rens. Théâtre des Chimères, tél. : (59) 26.70.60. 0 10 Dernière de La Cage, pièce de théâtre argentine, en création mondiale au Carrefour de la Différence. C'est une farce tragique sur la situation de l'Argentine pendant les années de la dictature. Tous les jours à 20 h 30, le dimanche à 15 h. Rens. Carrefour de la Différence, 1 passage du Bureau, 75011 Paris. Tél.: (1) 372.00.15 0 ET ENCORE VOYAGES. Le CEVIED (Centre d'échanges et de voyages internationaux pour études et développement) propose pour cet automne et cet hiver des voyages en Egypte, Inde du Nord et du Sud, Sri Lanka, Madagascar et Haute-Volta. Rens. CEVIED, 8, quai Maréchel Joffre, 69002 Lyon. Tél.: (1) 842.95.33. 0 MARCHE. Le carnet de route de Bouzid - qui fut l'un des portes-paroles des « Marcheurs » pour l'égalité et contre le racisme -; La Marche, avec quarante et une photos de Farid L'Haoua, autre «marcheur », vient de paraître aux Editions Sindbad, dans la collection Les Grands documents, au prix de 78 F. Les associations qui commandent dix exemplaires et plus bénéficient d'une remise de 15 070. Rens. Editions Sindbab, 1 et 3, rue Feutrier, 75018 Paris. Tél.: (1) 255.35.23. 0 FORMATION. L'Institut national d'Education populaire organise de janvier 85 à décembre 86 une formation supérieure des responsables de l'animation (Education populaireJeunesse). Cette formation, agréée au titre de la Formation professionnelle s'adresse à des animateurs en situation depuis au moins trois ans, âgés de plus de vingt-cinq ans et titulaire du DEFA ou d'un diplôme estimé équivalent. Le projet de programme (contenus - méthodes - déroulement), ainsi que le dossier de candidature, sont à demander à l' Institut National d'Education Populaire, Il, rue Willy Blumenthal, 78160 Marly-le-Roi Uoindre 2 timbres tarifs rapides) . 0 COURS. La délégation du CLAP-Ile de France organise des formations continues sur l'analphabétisme et la formation d'adultes. Cette formation s'adresse aux moniteurs de cours d'alphabétisation, débutants ou non, aux animateurs, permanents d'associations, français et immigrés. De janvier à juin 85, sur 72 heures (1 séance de 6 h ou 2 x 3 h, tous les 15 jours, en semaine ou en week-end). Rens. Comité de liaison pour l'alphabétisation et la promotion, 8 avenue de Choisy, Tour Rimini, 75643 Paris Cedex 13, Tél. : (1) 585.67.21. 0 Agenda réalisé par Danièle SIMON Il Quelques exemples d 'humour noir américain WINNERs • « Je vais faire mon possible pour t'attendre, mais reconnais que cent ans c'est long ». « La déclaration est O.K. pour votre indépendance. Où parle-t-on de la mienne? ».' Différences - N ° 38 . Octobre 1984 41 © Ebony « VOUS perdez votre temps à chanter le blues ici, M. Smith » (Sur la porte : Percepteur). « Allo, chérie, quel est le prix du manteau de fourrure dont tu as enV.i e.? ». (Sur le mur : « Devis gratuit sur l'heure »). Attention aux mots (Suite de la page 32) P.-A. Taguieff : J'attaque la Nouvelle Droite en l'étudiant de près et en stigmatisant, c'est vrai, une certaine ignorance de la gauche, voire, un « aveuglement ». Exemple : les mots fascistes et raciste y sont largement employés' comme étiquettes disqualifiantes sans être réfléchis en eux-mêmes. Et c'est ce qui permet aujourd'hui à Le Pen de gagner certains de ses procès contre ceux qu'il appelle des « diffamateurs ,». Il a fallu artendre très (trop) longtemps en France pour qu'il y ait un débat sur ce qu'est le fascisme, sur sa véritable historiographie. Pour établir enfin la différence essentielle entre le nationalsocialisme qui est un racisme d'Etat et le fascisme (de type italien par exemple) qui est un nationalisme autoritaire. Ce que personnellement je souhaite, c'est que l'on sorte enfin de ce que j'appelle «l'anti-fascisme commémoratif ». Nous ne sommes plus dans les années 30. Fabius n'est pas Léon Blum ... Différences: A travers toute votre analyse passe une critique des « manques-à-penser » de la gauche (au sens large). Allons-y tout de go : cette critique s'applique-t-elle aussi à la revue Différences qui vous interviewe en ce moment? P.-A. Taguieff: Je n'ai jamais caché aux journalistes de Différences que je récusais l'antiracisme inopérant. Ainsi, la gauche n'a pas sû barrer la route électorale à Devedjian à Antony, alors que c'est un bel exemple de militant d'extrême-droite reconverti dans l'ultralibéralisme. Qu'aujourd'hui, avec les meilleurs arguments, on soit inefficace, c'est quand même extraordinaire!. .. Les auto-critiques ne servent à rien: mais je crois qu'il faut savoir se méfier des « effets pervers» de la notion de différence et des idées reçues sur le racisme. Qu'il faut s'interroger surtout sur les différences d'identité et de citoyenneté. Ça remonte à loin, historiquement, en France (au centralisme 'monarchique, puis jacobin). On a fini par institutionnaliser l'identification entre citoyenneté française et appartenance culturelle française; identification aujourd'hui mise en échec par la présence de millions d'hommes qui travaillent en France, mais qui ne sont ni de citoyenneté ni de culture françaises. Il faudrait donc repenser ce concept de citoyenneté face à cette « différence », sans créer de ghettos ni de rejets et d'exclusions. C'est très compliqué ... Puisque nous parlons aussi de votre revue Différences, dans le numéro daté de septembre mon ami Joseph Algazi, interviewé, déclare: «Pour moi le facisme est un microbe » ... Non!! Le Juif dans l'atmosphère hygiéniste de la fin du XIX· siècle était aussi traité comme « un microbe ». Méfions-nous de ce genre de métaphore car, là, on intériorise le mode d'argumentation qu'on prétend justement combattre. Il faut donc être très vigilant sur les effets « racisants» de notre propre antiracisme. Différences : Revenons, à la stratégie de la Nouvelle Droite. Un ancien article de Libération (de 1979 signé Guy Hocquenghem) était quasiment élogieux pour elle. P.-A. Taguieff : La Nouvelle Droite se présentait d'abord comme méta-politique. En fait, elle tente très subtilement de « jeter des ponts» entre elle et la Nouvelle Gauche et ce, contre « vieille droite» et « vieille gauche ». Quelque chose qui pourrait être l'alliance des « Nouveaux» contre les ringards, les dépassés, les archaïques. A cet égard, Libé qui s'est toujours voulu antiringard et résolument post-moderne est un bon reflet des courants culturels actuels où on assiste à la défection des grandes idées, des croyances au socialisme ... Différences: Le périodique l' Idiot International refait justement surface aujourd'hui avec de drôles de «collisions » de plumes: Edern Hallier, Baudrillard, Caton, Sollers... Cette reparution en 84 me paraît très bien illustrer vos propos et vérifier vos thèses. P.-A. Taguieff : L'intellectuel classique français - disons de Voltaire à Sartre en passant par les intellectuels dreyffusards - était un « intervenant » au regard de certaines normes universelles. Mais, dans les années 70 et sous le coup du nihilisme gauchiste, un processus de dévalorisation des grandes causes est apparu. Rien d'étonnant qu'aujourd'hui, des interférences idéologiques droite/ gauche se manifestent. Là aussi des « effets pervers» seraient à approfondir. 0 Propos recueillis par Jean-Jacques PIKON équipements Bas·lc® espaces gares gamme 42 Valoriser l'image de marque de la SNCF. Mieux accueillir sa clientèle. JOURNEE INTERNATIONALE DE SOLIDARITE AVEC LES PEUPLES INDIENS DES AMERIQUES organisée par l e C.S, I,A" Dittusion INTI et l e M,R . A,P. parra i née et subventionnée par le Mi nistère de la Culture PARTICIPATION DE DELEGATI ONS I NDIENNES d'Amérique du Nord d 'Amé rique Centrale d'Amé r i que du Sud PROJECTIONS DE FILMS ET DE MONTAGES NON STOP GROUPES MUSICAUX INDIENS EXPOSITION - VENTE d'artisanat de livres de brochures d'affiches PLATS ET BOI SSONS TYPIQUES 13 OCTOBRE 1 9 8~ DE 14 A 22 HEURES FACULTE DE DROIT PARIS l 12 place du Panthéon 75005 Paris Différences - N ° 38 - Octobre 1984 43 LES PIEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre 53 bd de Strasbourg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, du 38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT : SULL Y, 85 rue de Sèvres, Paris 6' 5 % sur présentation de cette annonce IDEAL CUIR 41, Avenue Mathurin Moreau 75019 Paris ~ 205.76.51 205.90.80 Télex: 290163 - Porte 122 EN LIBRAIRIE L'AFRIQUE CÔTÉ URBAIN 320 PAGES, 75 F. ~ PARIS-LYON. 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Notes

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