Différences n°246 - avril 2003

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Sommaire du numéro

n°246 de avril 2003

  • Edito de Mouloud Aounit
  • Arrêt immédiat de la guerre contre l'Irak par R. Le Mignot
  • Guerre en Irak: les États-Unis hors la loi
  • Irak: massacre avec préméditation par l'AMFPGN
  • Les conséquences de la guerre en Irak sur les Kurdes par Aziz Mameli [moyen-orient]
  • Les Kurdes d'Irak et la guerre par R. Le Mignot
  • Appel à l'opinion publique mondiale de la part des Palestiniens sous le régime de l'état de siège par Gush Shalom
  • Déclaration israélienne de soutien
  • Voyage en Israël et dans les territoires palestiniens par Martin Hirsch
  • La Tchéchénie dans le broyeur mondial et sous le régime poutinien par François Soltic
  • Dossier: insécurité policière et judiciaire par I. Sirot, M. Lellouche et B. Hétier [législation]
    • Racisme et criminalisation de l'immigration par Christian Poiret
    • Le bruit, l'odeur et quelques étoiles par Eric Pittard
    • Police et code de la déontologie par Alain Huertas
    • Violences policières recensées dans le Nord-Pas-de-Calais
  • L'insécurité, c'est les autres: une nouvelle de Didier Daeninckx
  • La chance de nos différences: un projet d'éducation antiraciste à Vitrolles par E. Verlaque-Pierrot
  • Lutte antiraciste, égalité de traitement et éducation par Abdlaziz Gharbi
  • La censure des bien-pensants par Mouloud Aounit
  • Pérennité, actualité d'une musique par Yves le Sür
  • Interview de Théo Klein, auteur du « Manifeste d'un juif libre » recueilli par Serge Goldberg
  • Charters et développement par Paul Muzard


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Texte brut du numéro

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Justice, paix, démocratie .Guerre en Irak: les Etats-Unis hors la loi! .Irak : Massacre avec préméditation • Les conséquences de la guerre en Irak sur les Kurdes .Appel à l'opinion publique mondiale de la part des Palestiniens sous le régime de l'état de siège .Voyage en Israël et dans les territoires palestiniens • La Tchétchénie dans le broyeur mondial et sous le régime poutinien Dossier 11 • Insécurité policière et judiciaire • Racisme et criminalisation de l'immigration • Le bruit, l'odeur et quelques étoiles ... • Police et Code de déontologie Nouvelle inédite 1 S • L:insécurité, c'est les autres Education 19 • La chance de nos différences: un projet d'éducation antiraciste à Vitrolles • Lutte antiraciste, égalité de traitement et éducation Culture 21 • La censure des bien-pensants • Pérennité, actualité d'une musique Interview 22 .Théo Klein Immigration 23 • Charters et développement Des lecteurs nous ont fait part de leurs encouragements a rès la sortie du Différences de janvier 2003. Nous les remercions de nous avoir ainsi fait part de leurs appréciations ainsi que de leurs propositions. il est en effet primordial que cette fJublication soit en p'hase avec les lecteurs, flu' elle soit leur affaire, autant ~ue faire se p-eut. La décision de maintenir DiHérences malgré les difficultés budgétaires qui nous ont conduits à recourir au concours militant, bénévole, a pu apparaître comme un pari; à ce stade, ~ari n'est certes p-as encore gagné à p-Iusieurs titres. .. ... .. Différences 43. bd de Magenta • 75010 Paris Téléphone: 01 53 38 99 99 • Télécopie: 01 40 40 90 98 E·mcil : joumal.dlfferences@free.fr 6 € le numéro· Abonnement: 21 € (4 numéros par an). Collectif de direction . Différences. : • Directeur de publication: Mouloud Aounit • Coordinateur responsable rédaction (' ) : J-c. Dulieu • Responsable productions (') : S. Goldberg • Administratrice C'): M.-A. Butez • Imprimerie: Impressions J-M Bordessoules - Téléphone: 05 46 59 01 32 • Commission paritaire: n' 0108H82681 • Dépôt légal: 2003/01 • Photos: FR LO. PRESTI (CVT + dossier) - D. AUROI (4.5, 6, 7) (') - Bélléwles • Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n' 246 - Avril 2003 ~------------------------------------------------------- ~----------------~ ----- " t International 1 Dossier Immigration Discri mination! Education Kiosque Edito de Mouloud Aounit Secréta i re généra 1 E 20 MARs 2003, veille du printemps, restera comme un jour de folie, de deuil et de honte pour longtemps. Ce jour-là, l'inouï et l'inimaginable ont été au rendez-vous avec un peuple dont les libertés et droits fondamentaux sont muselés par un despote sanguinaire, saignés par un embargo qui a coûté plus d'un million de victimes (dont 5 000 enfants chaque mois) ; son destin a sombré dans la nuit. Ce jour-là, le droit et la légalité internationale ont délibérément été méprisés, piétinés, bafoués. Les conséquences de ce crime de guerre sont incommensurables pour l'avenir du droit international et le devenir des résolutions des conflits. La dictature de la force s'est imposée comme une inquiétante jurisprudence; elle augure d'autres étapes de coups de force dans la région et dans le monde. Ce qui est insupportable dans cette guerre immorale, illégitime, illégale est le mépris affiché pour son déclenchement: mépris du peuple irakien et de son sort, mépris des institutions internationales, mépris des mobilisations exigeantes, ardentes, mondialisé es des peuples qui refusent cette guerre d'inspiration coloniale et raciste. En effet, les intentions et les objectifs de cette folie meurtrière sont claires: il faut appeler les choses par leur nom. Il s'agit d'une" mégaratonnade » car, en la circonstance, la vie d'hommes, d'enfants, de vieillards est réduite à une quantité négligeable devant les appétits financiers et stratégiques: le contrôle par le sang et le feu des ressources énergétiques de l'Irak et la volonté féroce des Etats Unis d'asseoir leur hégémonie dans la région et de remodeler le monde. Au-delà de l'effroi, de l'horreur, cette guerre est une catastrophe pour la conscience humaine, pour le devenir de l'humanité. Quel que soit le résultat sur le terrain, G.-w. Bush a déjà perdu. Cette guerre entachera pour longtemps l'image des Etats Unis qui, en la circonstance, sont devenus les meilleurs V.R.P. du terrorisme, les complices de tous les intégrismes, de tous les extrémismes. Nul doute aussi que cette folie meurtrière creuse davantage le fossé béant entre les peuples du Nord et ceux du Sud, qu'elle entraîne un peu plus d'incompréhension entre l'Orient et l'Occident, qu'elle rende explosive les conflits dans le monde non encore réglés. Devant cet horizon bouché, sombre, une seule et unique raison d'espérer: les inédites et inattendues mobilisations exceptionnelles, massives des peuples du monde dont l'irruption sera désormais un facteur qui comptera dans le devenir des relations internationales. Certes ces révoltes collectives pour la justice et le droit n'ont pas pu empêcher la guerre. L'histoire retiendra pour longtemps que l'avenir ne pourra plus se dessiner sans eux, sans nous. ," Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 246 - Avril 2003 3 4 -- ~--------------------, ------------------------------------------------------------------ Edito Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Arrêt immédiat de la guerre contre l'Irak ! Justice, paix, démocratie Par Renée Le Mignot (secrétaire générale adiointe) Notre colère est immense devant la guerre que George Bush, et quelques alliés ont décidé de déclencher, pour faire prévaloir leur interprétation inacceptable du droit international au mépris des populations d'Irak, de /'immense majorité des gouvernements, de l'opinion unanime des peuples et des principes de la Charte des Nations-Unies. Notre solidarité va aux populations victimes des bombardements aveugles, prises en otage depuis douze ans par un embargo inique, et soumises à la dictature sanguinaire de Saddam Hussein, longtemps soutenu par les gouvernements occidentaux. Notre résistance à la guerre continue: les bombardements doivent cesser et les troupes de la coalition américaine se retirer de l'Irak. George Bush et ses alliés bafouent l'opinion des peuples qui, très majoritairement, se sont exprimés contre la guerre. Ils ont interrompu les démarches diplomatiques en cours. La prétention d'un pays à mener une " guerre préventive " et à configurer une région, et demain l'ensemble de la planète, selon ses intérêts économiques ou stratégiques est inadmissible. Nous demandons au gouvernement français de prendre les initiatives nécessaires auprès des instances internationales (Assemblée Générale de l'ONU, Cour internationale de justice) pour condamner les agresseurs. Les va-t-en guerre doivent être condamnés et isolés. Nous exigeons du gouvernement français qu'il leur refuse l'espace aérien, les ports ou les bases militaires français. L'Irak subit encore d'atroces destructions, le pays est totalement désorganisé, les conditions alimentaires et sanitaires s'aggravent. L'ONU (PAO, UNICEF, HCR) doit répondre à ces besoins. C'est aux populations d'Irak qu'il appartient de déterminer leur avenir, de construire les conditions futures de leur vie en commun, d'élire leurs dirigeants et de contrôler les ressources énergétiques du pays. Dans cette région maintes fois martyrisée, il est plus que jamais indispensable de donner la primauté aux solutions politiques négociées, au désarmement, à la démocratie et à la paix. Le droit de tous les pays à déterminer librement leur destin doit être enfm garanti. Cela passe par la reconnaissance des droits du peuple kurde. Cela passe aussi par la création d'un Etat palestinien, aux côtés de l'Etat d'Israël conformément aux résolutions des Nations Unies. Une protection internationale du peuple palestinien, très gravement menacé, s'impose d'urgence. La France et l'Union Européenne doivent agir dans ce sens. Le monde que nous voulons et que veulent les peuples qui se sont manifesté massivement refuseront toujours de se plier à la loi du plus fort. Nous aspirons à la paix, à la justice et à la démocratie. Nous condamnons toute utilisation de cette guerre à des fins de racisme, d'antisémitisme, de stigmatisation et de discrimination. Nous appelons à poursuivre et intensifier l'action afin que tout soit mis en oeuvre pour arrêter la guerre. " Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - nO 246 - Avril 2003 , International " Edito l 'ltcrnationa Dossier Immigration 1 Discrimination 1 Education 1 Kiosque Irak • • Massacre avec préméditation Par l'AMFPGN* Malgré un mouvement de protestation sans précédent, malgré l'isolement des Etats-Unis, au mépris de la légalité internationale, au mépris des peuples du monde, sans laisser aux inspecteurs de /'ONU le temps de terminer leur travail, G.-W Bush a ordonné l'attaque de /'Irak. Depuis, un déluge de feu s'abat sur Bagdad et l'ensemble du territoire irakien. Combien de morts déjà? Le mépris affiché pour les centaines de milliers de victimes civiles que cette guerre va entraÎner est le reflet d'une conception raciste intolérable du monde. Les informations données dans cet article sont des extraits de l'étude publiée avant le déclenchement de la guerre par l'Association des Médecins Français pour la Prévention de la Guerre Nucléaire" (AMFPGN), mais hélas les prévisions s'avèrent de plus en plus exactes. Les calculs se basent sur des données provenant de conflits passés (guerre du Golfe, Liban Tchétchénie, ex-Yougoslavie) et sur des simulatiofJs militaires. l 'ONU évalue à 500 000 le nombre de victimes civiles, cette hypothèse ne tient compte ni de l'extension du conflit et de l'embrasement possible à toute la région, ni de l'usage éventuel d'armes chimiques ou nucléaires ni des effets à long terme, non connus d'armes nouvelles comme la bombe Epar exemple (on a vu les conséquences de l'utilisation des bombes à uranium appauvri). La stratégie militaire américaine comprendrait quatre volets principaux qlÙ ne s'enchaîneront pas nécessairement: • Une série d'attaques aériennes continues, particulièrement dévastatrices, sur l'ensemble des infrastructures permettant le maintien du régime irakien, cela inclut le réseau électrique national, les transports, les équipements de communication. Ces cibles sont situées non seulement à Bagdad mais dans toutes les grandes villes. A Bagdad, ce sont 6 millions de personnes qui seront dès le début, privées d'eau et d'électricité. Aux victimes directes des bombardements, s'ajouteront celles dues à la destruction ou à la paralysie de l'infrastructure médicale déjà fragile (les secours seront difficilement apportés aux blessés, les médecins devant faire face au manque criant de médicaments de première urgence), à la pénurie d'eau et de nourriture (sur les 23 millions d'Irakiens, 20 millions dépendent du programme " pétrole contre nourriture " qui sera irrunédiatement interrompu), aux épidémies (choléra, dysenterie). Une étude de l'ONU conclut que l'état nutritionnel de 3 millions de personnes dont 2 millions d'enfants de moins de 5 ans sera désastreux et nécessitera une alimentation thérapeutique. Plus d'un million de personnes pourraient avoir besoin d'une aide médicale urgente qui ne pourra 'être assurée. • Le second volet de la campagne sera le débarquement de forces terrestres et amphibies afin de prendre le contrôle du sud-est de la région productrice de pétrole autour de Bassorah. D'importants bombardements et des combats acharnés sont à prévoir .. Le sabotage éventuel des puits de pétrole aurait de graves conséquences sur l'environnement et entrainerait de nouveaux dégâts sanitaires. • Invasion du Nord de l'Irak pour s'emparer des gisements pétrolifères et prendre le contrôle du Kurdistan irakien. Les Etats-Unis ont établi des accords avec les dirigeants kurdes mais une guerre civile pourrait éclater. La menace d'entrée de troupes turques au Kurdistan entrainera «une guerre dans la guerre", voire une guerre civile aux conséquences humaines dramatiques. • La bataille pour la prise de Bagdad entrainera des pertes militaires importantes des deux côtés. Rappelons qu'à Grozny, les Russes n'ont pu venir à bout de la résistance tchétchéne: la ville a été réduite à un tas de décombres, plus de 2 000 soldats russes et des dizaines de milliers de civils sont morts. Bagdad pourrait un sort identique, Les Etats-Unis prévoient une guerre rapide, une dizaine de jours mais même dans ce cas les effets sanitaires et environnementaux se ressentiront pendant des mois voire des années. DE plus, il est vraisemblable que la guerre durera bien plus longtemps que ne le prédisent les états majors américains. Parmi les conséquences possibles à plus ou moins long terme: guerre civile, famines et épidémies, millions de réfugiés et de personnes déplacées, effets sur la santé physique et mentale et sur le développement des enfants dont les conséquences porteront sur la génération suivante (rappelons qu'au Vietnam des enfants continuent à naître avec de terrible malformations suite à l'usage de défoliants), effondrement économique incluant la faillite de l'agriculture et de l'industrie. Compte tenu de l'état actuel de la population irakienne, il faut s'attendre à des conséquences ultérieures sur leur santé ce qui suggère une croissance exponentielle des dommages prévisibles. Enfin, dans les circonstances extrêmes, le recours à l'arme nucléaire a été envisagé aussi bien par les EtatsUnis que par le Royaume-Uni ou Israël (en cas de frappes irakiennes sur le Koweit ou Israël avec des armes chimiques ou biologiques). Une bombe à fission nucléaire sur Bagdad pourrait tuer entre 100 000 et 300 000 personnes, tandis qu'une bombe thermonucléaire en tuerait entre 300 000 et 3 600 000 sans compter les effets à long terme et autres effets. L'ONU estime à 1 million à 2 millions de personnes le nombre de " déplacés ' de l'intérieur et à 900 000 le nombre de réfugiés hors des frontières. L'Iran a déclaré être prêt à accueillir seulement 50 000 personnes. Des camps d'urgence sont prévus à la frontière, dans quelles conditions seront ils accueillis? De plus, les zones frontalières sont truffées de mines anti personnelles. [ . ..1 (')- AMFPGN, 5 rueLas Cases 75007 Paris, tél/fax: 0143367781-E-mail: siteuX3b: http://perso.club-intemetfr/ amfpgn La 4' convention de Genève rend responsable des populations civiles tout pays qui en occupe un autre. Toute infraction à cette convention est considérée comme crime de guerre, voire crime contre l'humanité si elle vise une population entière. Pour le MRAP, nul doute que c'est un crime contre l'humanité qui est en train d'être commis et que G. Bush devrait être passible de poursuites judiciaires de la part de la communauté intemationa/e. • Différences . - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 5 6

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« ' -~ - ~ ~,:Ll2t~rnation~L ': Edito Ilnternatlom 1 Dossier Immigration Discrimination 1 Education 1 Kiosque les conséquences ... de la guerre en Irak sur les Kurdes Par Aziz Mameli (*) Les Kurdes irakiens ont fait l'objet d'une politique de répression intense de la part du régime de Saddam Hussein. L'emprisonnement, la torture, les exécutions et les disparitions ont fait partie hélas, de la vie des Kurdes de ce pays. Durant les campagnes d'Anfal (février/septembre 1988), dont le gazage de la ville d'Halabja (16 mars 1988), est un volet, les Kurdes irakiens ont connu, des crimes contre l'humanité et des tentatives de génocide. Plus de 182.000 personnes sont mortes ou portées disparues. Aujourd'hui encore, d'après le Rapporteur spécial de l'ONU pour l'Irak, M.A. Mavrommatis, l'expulsion des Kurdes par les autorités irakiennes des villes pétrolifères kurdes, laissées au contrôle de Bagdad, continue dans le cadre de la campagne d'arabisation. Plusieurs camps de réfugiés kurdes existent dans les villes d'Erbil ou de Sulémania dans la région autonome du Kurdistan. Les Kurdes irakiens sont conscients que leur sort est lié à l'ensemble des populations irakiennes. Ils veulent vivre en paix avec leurs voisins Arabes, Turkmènes et Assyro-Chaldéens dans le cadre d'un Irak démocratique et fédéral. Ayant démontré leur respect pour le pluralisme politique et la vie démocratique dans la région autonome, ils espèrent pouvoir préserver leurs institutions démocratiques et les acquis politiques, économiques et culturels des douze dernières années. Le congrès de l'opposition irakienne a approuvé le projet de l'établissement d'un régime démocratique et fédéral, mais la réalisation de ces objectifs exige la prise en main par celle-ci de la situation en Irak à la fin de cette guerre. L'occupation de l'Irak sous quelle forme que ce soit est synonyme d'instabilité, et contraire aux principes généraux du droit international. Les Irakiens, une fois débarrassés du régime sanguinaire de Saddam Hussein, doivent reconstruire leur système politique, social, économique et culturel avec l'aide des Nations Unies. L'établissement d'une administration américaine ne pourrait que renforcer l'idée de la conquête et mettre sérieusement en cause les intérêts du peuple irakien. L'éventualité d'intervention des troupes turques met également en péril la stabilité de toute la région. Le peuple Kurde est opposé dans son ensemble à la présence des militaires turcs au Kurdistan irakien, et s'apprête à faire face à la situation. Une guerre entre l'armée turque et les Kurdes pourrait être la conséquence immédiate et inévitable face au débarquement des troupes turques. Certains pays membres de l'Union Européenne ainsi que l'OTAN ont demandé à la Turquie de s'abstenir d'envoyer des troupes au Kurdistan irakien. Le Président Georges- W. Bush a également demandé aux autorités turques de ne pas lancer des offensives militaires aux Kurdistan. Désormais la Turquie a affaire avec toute la communauté internationale et la situation est totalement différente de celle de 1974 lorsqu'elle a procédé à l'occupation militaire de Chypre. Rappelons que l'occupation de tout pays souverain est contraire aux principes du droit international. La Turquie doit respecter l'intégrité territoriale de L'Irak, et l'intangibilité et l'inviolabilité de ses frontières. Par ailleurs, le déroulement et la suite de la guerre en Irak aura des conséquences en Turquie. Les dirigeants turcs ont toujours choisi de régler la question Kurde par la force et les vingt millions Kurdes de Turquie sont privés de leurs droits fondamentaux, tant politiques que culturels. Les réformes annoncées au mois d'août dernier par le Parlement de ce pays, dans la perspective d'obtenir une date d'adhésion à l'Union européenne, sont restées, pour le moment, lettres mortes. Il serait peut-être temps, que les dirigeants turcs révisent leur politique face à la question kurde pour que la sagesse l'emporte enfin sur la force. (') - Aziz Mameli, membre du Congrès National du Kurdistan (Kf.lK). " Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 International Edito 1 lternat'oi'li.-lI 1 Dossier 1 Immigration Discrimination 1 Education Kiosque Appel à l'opinion publique mondiale de la part des Palestiniens sous le régime de l'état de siège Par Gush Shalom L'attention mondiale se focalise actuellement sur l'Irak et sur les effets d'une attaque conduite par les Etats-Unis sur la stabilité de la région. Des millions de personnes dans le monde entier expriment leur opposition à la guerre et tentent de l'éviter. Cependant, le message que nous, population civile palestinienne, recevons des autorités israéliennes est qu'une telle attaque serait lourde de conséquences dramatiques pour nous. Les déclarations faites au cours des deux derniers mois à la fois par les autorités et par les médias israéliens indiquent ce qui est proposé, planifié et dont l'exécution se prépare dans les territoires palestiniens en cas de guerre contre l'Irak. De telles déclarations pourraient être considérées comme de l'intimidation, de la dissuasion ou comme une menace réelle. Vu notre expérience passée et présente, nous, les Palestiniens, avons tendance à les considérer comme une menace mettant en danger notre existence, même sur cette terre qui est la nôtre. Les menaces diffusées tout récemment par les médias israéliens comprennent, parmi beaucoup d'autres: - l'instauration d'un couvre-feu total sur le peuple palestinien et ses territoires; - la déclaration des territoires palestiniens comme zones militaires fermées, empêchant ainsi les journalistes étrangers et locaux d'accéder aux territoires. De telles mesures ont clairement pour but de cacher au public les éventuelles actions israéliennes contre les Palestiniens ; -la poursuite de la pratique israélienne de détention massive sans charges de militants palestiniens et celle de destruction de maisons et de l'infrastructure palestiniennes; -l'éventuel transfert massif de la population civile palestinienne de certaines zones touchant le mur de sécurité israélien prévu. Ces zones appartiennent à la Cisjordanie occupée;

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(;lJERRE C O~TRE L~IRAK .Jl'ST\(T. POUR 1..\ PALESll:\E - les tentatives éventuelles de transférer les Palestiniens des territoires occupés vers des pays voisins; -l'éventuelle élimination du président élu de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, ou sa déportation vers un région éloignée. Les Palestinian Emergency Committees (PEC) ont été créés dans les territoires palestiniens pour entreprendre les tâches spécifiques d'organisation de la communauté pendant une guerre en Irak, et de dégager les besoins des Palestiniens pour qu'ils soient prêts à faire face à de possibles mesures drastiques israéliennes. Les PEC sont une coalition d'ONG, d'organisations nationales, d'associations caritatives, de syndicats professionnels, de partis politiques, de ministères et de personnalités publiques, opérant au travers d'un bureau de coordination à Ramallah ayant des fonctions d'information et de représentation au niveau national. Nous vous demandons de former un comité international pour la protection du peuple palestinien, et de prendre des mesures immédiates afm d'empêcher le gouvernement israélien de profiter de la situation créée par la guerre en Irak. Votre soutien est indispensable et pourrait contribuer à empêcher de nouvelles souffrances, de nouvelles douleurs et la mort de Palestiniens innocents. Pour plus d'informations, veuillez écrire à : protectpalestinians@yaboo. corn Ramallah, Palestine occupée, 3 mars 2003 ffraduit de l'anglais' RM/SWJ " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 7 8 International Edito Ilnternatlo'la l 1 Dossier 1 Immigration 1 Discrimination 1 Education 1 Kiosque Vovage en Israël et dans les territoires palestiniens (28 JANVIER AU 3 FÉVRIER 2003) Par Martin Hirsch Les participants à ce voyage, entièrement autofinancé, étaient en majorité des Français d'origine juive. L'objectif de l'organisation israélienne Gush Shalom, Bloc de la Paix, est de faire constater la situation en Israël et en Palestine par des observateurs étrangers qui en témoignent ensuite. Les Israéliens qui luttent pour la paix, les droits de l'homme, la reconnaissance d'un Etat palestinien viable, sont peu nombreux. Ils veulent alerter l'opinion internationale, notamment celle des Juifs influencés par la propagande favorable au gouvernement Sharon qui bloque actuellement les négociations. Le compte-rendu du voyage présenté ci-dessous a été rédigé par l'un d'entre nous, et approuvé par tous. Il fait partie des multiples exposés et comptes-rendus que nous faisons pour répondre à la demande de nos amis israéliens. Suzanne de Brunhoff Membres de la mission d'observation et de témoignage: Raymond Aubrac, Kenneth Brown, Suzanne et Mathieu de Brunhoff, Sacha Goldman, Stéphane et Christiane Hessel, Martin Hirsch, Jean-Jacques Salomon, Abraham Ségal, Gérard Toulouse, Annick Suzor-Weiner, Michèle Zémor. l e voyage a permis d'alterner des rencontres avec des personnalités israéliennes et palestiniennes qui militent pour la paix, et des visites de sites. L'objectif était de voir les évolutions les plus récentes depuis la deuxième Intifada et de comprendre les difficultés des militants de la paix dans un contexte politique où la question de la paix avec les Palestiniens ne figure plus comme un point important dans les programmes politiques et n'occupe plus de place dans les journaux. Nous sommes arrivés le soir de l'élection et avons pris connaissance de leurs résultats en même temps que nos hôtes. Notamment Uri Avnery, ancien membre de la Knesset, figure emblématique de Gush Shalom, mouvement créé pour prendre le relais des mouvements de la paix dont l'action s'est peu à peu distendue, ainsi que Albert Agazarian, de l'université de Bir Zeit. Le premier jour s'est déroulé à Jérusalem et dans les alentours : la visite des colonies de Cisjordanie les plus proches de Jérusalem nous a permis, avec l'éclairage de Michel Warszawski, de nous rendre compte du maillage du territoire que créent les colonies, leurs nombreux appendices, les routes qui les relient, et de visualiser le mur en construction: un mur de béton que ses bâtisseurs présentent comme une réponse à l'insécurité, mais qui semble davantage conçu comme un obstacle aux déplacements quotidiens des palestiniens que comme une barrière efficace contre d'éventuels terroristes. Plusieurs rencontres : celles d'universitaires, de militants d'une association pacifiste dont l'objectif est de faire obstacle à la destruction de maisons palestiniennes, des parents d'une jeune victime des attentats suicides. Ils ne cherchent pas la vengeance mais ont tendu la main aux Palestiniens pour que cessent les meurtres d'enfants, des deux côtés. Le second jour a été consacré à une visite de Ramallah. Nous avons été guidés par des représentants d'organisations non gouvemementales. Nous avons été reçus par le Président de l'autorité palestinienne et par plusieurs ministres. A Ramallah, on ne vous montre pas seulement les ruines célèbres de la Muqata, maintenues dans l'état de destruction qu'on a maintes fois vu à la télévision. On vous montre également une maison détruite l'avant veille, sans explication, par des soldats israéliens qui ont donné à la famille quelques minutes pour quitter les lieux. On vous montre les bâtiments administratifs, qui ont peu servi avant d'être réduits à l'état de ruine. Nous avons eu plusieurs contacts avec des organisations non gouvernementales palestiniennes, travaillant avec leurs homologues israéliennes, mais confrontées à de nombreuses difficultés et avec la joumaliste israélienne, Arnira Hass, qui travaille à Ramallah après avoir longtemps écrit ses articles depuis Gaza. De retour à Jérusalem, nous avons rencontré quelques représentants du mouvement des soldats qui refusent de servir dans les territoires, « le courage de refuser " et du mouvement Ta'ayush, qui mène des actions humanitaires dans les territoires occupés. Le groupe s'est rendu le troisième jour dans la bande de Gaza, avec un changement obligatoire de véhicule à la frontière et des contrôles prolongés. Rencontre avec la déléguée générale adjointe de l'UNWAR dans la ville de Gaza ; visite de l'imprimerie détruite quelques jours plus tôt par des chars israéliens (on y voyait encore les piles de publications pédagogiques et de CD Rums qui semblaient témoigner d'une activité on ne peut plus inoffensive). A Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, on peut constater le passage régulier des chars israéliens, les dégâts tout récents sur les terrains palestiniens, alors que s'accumulent les décombres d'habitations, notamment tout au long de la frontière avec l'Egypte. La bande de Gaza elle-même ne peut pas se traverser sans passer par des check points, qui compliquent la circulation au sein même du territoire. On voit les Palestiniens faire la queue pour accéder à des points d'eau pour leur usage courant (deux d'entre eux avaient été endommagés par des bulldozers la nuit précédente), alors que les habitations des colonies toutes proches, enclavées dans le territoire, sont elles alimentées en eau potable. Le quatrième jour a été consacré à la visite de Nazareth et de ses alentours. Elle a commencé par la visite de l'un de ces villages arabes qui, jusqu'à une date très récente, n'avaient pas fait pas l'objet d'une reconnaissance officielle par les autorités israéliennes, bien qu'existant avant 1948 ; des villages qui ont donc dû jusqu'à peu se passer de tous les services collectifs (eau, électricité, courrier, transport, ... ) ou de règles d'urbanisme leur permettant de se développer ou d'être rénovés. Le contraste est frappant entre Nazareth- la-Haute, ville où peuvent s'installer les immigrants juifs, notamment russes, et les quartiers voisins, de « Différences « - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 population arabe, beaucoup moins bien pourvus en infrastructures de loisir ou d'éducation, à la voirie en mauvais état, sans zone d'activité économique. Nous avons eu des échanges très intéressants avec des organisations non gouvernementales dont l'activité scientifique ou juridique vise à résorber les inégalités qui jouent au désavantage des populations arabes en Israël. Arrivés à Tel Aviv dans la soirée, nous y avons rencontré Meir Ouziel, éditorialiste à Maariv, qui nous a présenté les positions du « consensus " de droite dominant actuellement l'opinion israélienne, concentrée sur sa « survie ". Lui-même est ouvertement hostile aux accords de paix, au motif que l'objectif des Palestiniens, partagé avec l'ensemble des 22 pays arabes de la région, ne pourrait être que de chasser les juifs de leur pays et de les « renvoyer à la mer ". Le cinquième jour a permis plusieurs rencontres à Tel Aviv : avec le Professeur Oren Yiftachel (géographe à l'université Ben Gurion de Beer-Sheva) a été évoquée la question de la politique foncière d'Israël et de ses effets progressifs sur la propriété de la terre, détenue à 97 % par des juifs. Les populations arabes ne détiennent que très peu de terres, dans des conditions de grande insécurité juridique en Israël ou dans les territoires, comme en témoignent les expropriations autour de Nazareth, par exemple, ou celles liées à la réalisation du mur. L'organisation B'tselem nous a ensuite décrit les violations des droit de l'homme dans les territoires occupés, l'absence d'enquête lorsque sont rapportées des exactions par les soldats israéliens. Certains d'entre nous ont rencontré le professeur Gutfreund, ancien président de l'Université Hébraïque de Jérusalem, qui nous a fait part du désarroi de nombreux universitaires israéliens qui ne parviennent pas à s'organiser contre le « consensus" actuel. La soirée s'est passée à l'ambassade de France, où l'ambassadeur J. Huntziger nous a reçus en présence de Mme Shulamit Aloni, fondatrice du Parti Meretz et qui fut ministre de l'éducation dans l'un des gouvernements travaillistes. Le dernier jour, nous avons visité l'école Bialik située à quelques centaines de mètres de l'ancienne gare routière dans laquelle a eu lieu au mois de décembre un attentat particulièrement meurtrier. Une école qui accueille de nombreux élèves d'origine étrangère, enfants des travailleurs immigrés, d'origine géographique très diverses et maintenus dans une situation économique et juridique particulièrement instable. Ce voyage n'avait pas l'ambition de donner une vision exhaustive de la réalité et de la complexité de la situation, ni la prétention de recueillir la diversité des points de vue des différents protagonistes. Pendant une durée aussi courte et avec des interlocuteurs très engagés dans un mouvement de paix, il ne pouvait avoir comme objectif que de comprendre le message et les difficultés de ceux qui nous recevaient, d'entendre leurs arguments, renforcés par les constats qui pouvaient être faits lors de nos différents déplacements, notamment dans les territoires. Quelques enseignements sont particulièrement importants: • Les militants de la paix israéliens revendiquent d'agir au nom des intérêts de leur pays. Ils affirment leur patriotisme. C'est notamment le cas des soldats qui ont le courage de refuser, qui ne renient pas leur propre passé militaire mais s'insurgent face à des ordres qui leur paraissent incompatibles avec les valeurs qu'ils ont été amenés depuis leur jeunesse à défendre sous l'uniforme pendant leur service militaire ou les périodes de réserve; du côté palestinien, tous ceux que nous avons rencontrés tiennent un langage de paix, malgré le récit des humiliations et l'évocation des multiples difficultés auxquelles ils font face. • Les questions de « sécurité" sont au centre de toutes les préoccupations et on le comprend: nul ne peut défendre les attentats odieux;. Cependant, on ne peut qu'être troublé par les démonstrations selon lesquelles beaucoup des opérations conduites par les Israéliens ne concourent ni directement, ni indirectement à l'objectif d'une protection des populations vis , à vis du terrorisme: qu'il s'agisse d'un International mur, dont il faut rappeler qu'il n'est pas conçu comme un moyen de contrôle individuel mais comme une gêne à la mobilité des personnes ; Qu'il s'agisse des colonies et de leurs appendices; qu'il s'agisse des destructions de lieux qui ne sont manifestement pas des abris de terroristes, ou des dépôts d'armes, comme on a pu le constater pour les destructions les plus récentes. • D'un côté, les Palestiniens accumulent des raisons de se sentir humiliés et voient leur vie quotidienne constamment perturbée, depuis l'absence d'eau potable ou le percement des cuves d'eau sur le toit des immeubles par les tir des soldats israéliens jusqu'aux heures d'attente aux check points qu'il faut obligatoirement traverser pour aller d'un village à un autre, d'une maison à une université

de l'autre, les Israéliens ne donnent

aucune justification de leurs actions, ne présentent que les soldats comme interlocuteurs, ne procèdent à aucune enquête lorsqu'il leur est reproché des exactions qui, telles que décrites, sont d'une extrême gravité; on a d'un côté des témoignages de victimes; de l'autre le silence des accusés, au nom de la « raison d'Etat de guerre"; avec parfois cette indifférence ou ce silence si surprenants des Israéliens face à l'occupation militaire et la colonisation. • Les Palestiniens sont manifestement maintenus dans une situation d'instabilité juridique permanente. Chacun des droits que l'on peut considérer comme élémentaires, peut être à tout moment remis en cause: droit de propriété, droit d'aller et venir, droit du commerce, droit de travailler, droit de se soigner. Ces atteintes ne touchent pas une fraction de la population, mais l'ensemble des territoires occupés. Il est difficile de relier ces comportements d'occupant à un impératif de sécurité. Il est difficile de ne pas partager l'idée que ses comportements ne se justifieraient pas si les autorités israéliennes acceptaient réellement l'idée d'un Etat palestinien viable. Les répercussions sur la vie quotidienne palestinienne des mesures prises en Israël sont très fortes : il en va ainsi quand les palestiniens de la bande de Gaza n'ont plus droit du jour au lendemain de travailler en Israël ou quand des universités sont soudainement contraintes à la fermeture. • Les militants de la paix, qu'ils soient israéliens ou palestiniens, se définissent aussi comme des résistants. Ils en appellent à la communauté internationale. Non pas pour avoir des armes, mais pour qu'on comprenne leur cause, qu'on l'explique, qu'on la soutienne, qu'on en débatte. Les arguments qu'ils développent, les réalités qu'ils montrent sont bien plus convaincants que les positions de principe qui sont prises en France, à l'issue de débats biaisés par la force des sousentendus, le soupçon lancinant des arrière-pensées. Nous en témoignons à notre retour et nous appelons d'autres personnes à se rendre sur place : si les citoyens Israéliens n'ont pas le droit, à cause de leur gouvernement, d'aller dans les territoires qu'ils occupent, les citoyens d'autres pays démocratiques peuvent s'y rendre, se rendre compte et rendre compte. 13 février 2003 NB: ce texte ne mentionne pas l'ensemble des personnes rencontrées et des visites iffectuées par k groupe. « Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 9 10 International Ed ito 1 International 1 Dossier i Immigration 1 Discrimination 1 Education 1 Kiosque la Tchéchénie dans le broyeur mondial et sous le régime poutinien Par François Soltie (*l Il est une loi non dite mais qui règle le sort des peuples. Au delà d'un nombre d'êtres (entre 2 et 10 millions), un peuple peut être considéré pour son aspiration à /'indépendance. En deçà, il n'a droit qu'à la négligence et à la compassion lointaine: J'extermination n'est alors qu'évidence et son existence une provocation. Il ya, pour celui-ci, d'abord une phase généralisée du droit à J'indécision suivie d'une éventuelle décision Il morale Il qui ne se déclenche que lorsque le I( seuil génocide Il est arbitrairement accordé. Et c'est ce que J'on ne fait pas pour la Tchétchénie. Il y a pourtant une définition et des signataires, et elle y correspond horriblement. Article la Les parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit conunis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir. Article II Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, conune tel : - meurtre de membres du groupe; - atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; - soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; - mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; - transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. (La Convention pour la prévention des génocides de 1948 complète sur : http://rights.free.fr/sierra_leone/genocidejr. htm) Mais conune pour la Bosnie, avec 10 ans d'écart, il y a une complicité et aucune prise de responsabilité. Si, de plus, la culture sociale et religieuse diffère radicalement de celles qui font ce monde de spectateurs lassés d'indécisions politiques et des politiques sans imagination soumis à la machine économique, alors vous êtes en dehors des grands mouvements qui enthousiasment péniblement la planète. En Tchétchène, on ne dit pas "portetoi bien" mais" sois libre ", ni " bienvenue" mais" que la liberté entre avec toi". La structure sociale subdivisée en clans (taïeps) n'est pas hiérarchisée. Les femmes sont les égales des honunes et ne portent pas de voile. Elles affichent une certaine fierté à combattre même si personne n'en a un désir naturel. Une tradition de résistance aux invasions explique plus que tout ces guerres contre les Russes. Aucune trace de haine du Russe même s'ils ont été poussés à des attentats suicide par une armée stalinienne (camps de filtration, tortures, aviation contre piétaille, nettoyages ethniques - zatchisky - explosions par groupes attachés en fagots pour dispersion des chairs, divers gaz, bombes à fragmentation et à déplétion, même des missiles sol-sol). Toute la panoplie militaire du savoir faire poutinien : et nous sonunes en 2003, XX' siècle. Ce système régulateur qu'est le KGB, sévit non seulement en Russie mais dans toutes les Républiques de la " Fédération ". Même si les Tchétchènes sont musulmans, ils n'ont qu'un très faible soutien de leurs coreligionnaires. Les Wahhabites, très peu nombreux, ont le financement de l'Arabie saoudite et une conviction messianique, conviction totalement étrangère aux Tchétchènes. Abandonnés, par absolument tous les Etats, les Tchétchènes sont contraints d'accepter leur aide même s'ils les rendent responsables du déclenchement en 1999 de la 2ème guerre avec une incursion avec Chamil Bassaïev au Daghestan voisin et la prise en otage d'un hôpital. Ils purent passer le long d'une rivière que les troupes du FSB (le KGB actuel) d'habitude gardaient, mais pas ce jour là. L'explosion d'immeubles (300 morts) compléta ce scénario tout près de Moscou, scénario que Sergueï Stepashine, ancien ministre, avait dénoncé comme ayant été préparé par Vladimir Poutine et exécuté par le FSB. Ce que confirme Aleksandar Litvinenko un Colonel du FSB, passé à Londres en Novembre 2000. Les sondages de l'époque corrèlent à 100% l'accession au pouvoir de Poutine grâce au déclenchement de la guerre. Des témoins de ' Mémorial" rapportent que, dans la période électorale, les affiches du parti de Poutine comportaient un Tchétchène le couteau entre les dents et avec seul slogan "défendons la Russie ". C'est un peu court conune argument électoral. Et il avait fait un peu plus de 50 %. Le financeur de Bassaïev n'est autre que l'ex-Conseiller à la sécurité de Boris Eltsine, Boris Berezovsky, magnat industriel (qui avait déclenché la première guerre pour les 150 km de pipe-line traversant la Tchétchénie), aujourd'hui évincé de sa part de gâteau et tentant une revanche à partir de Londres. Poutine avait besoin du pouvoir et pour cela il a créé un prétexte " politique " : la Russie était attaquée, il serait là pour la défendre. Le nombre de morts ne compte pas, seuls les buts ont une raison d'être. Cela s'est confirmé encore avec la méthode appliquée, sous le contrôle du chef du FSB Nikolaï Patroushev, pour la " libération" des otages au Théâtre nord-est à Moscou: 120 otages gazés par le FSB, un seul tué par les Tchétchènes, qui réclamaient le départ des troupes russes de Tchétchénie. Mais qu'a donc de si particulier l'Islam des Tchétchènes pour qu'on veuille les éliminer? Eh bien, cet Islam est Soufi. C'est à dire une transposition mystique des paroles du Coran, apparue en Iran vers les IX'-X' siècles, notanunent avec Abû'l-Hasan Kharaqâni (352-425/960-1033), existant ici à l'échelle de tout un peuple. Alors que dans les Mosquées et dans les Eglises on enseigne une morale et une croyance, chez les Soufis l'enseignement est fondamentalement émancipateur, imaginatif, et comporte une multitude d'invitations à ne pas croire mais à raisonner, à chercher et à faire sa propre expérience de Dieu, au travers de situations souvent joyeuses ou incongrues. Pas de dévotion donc, même pour le spectacle, et un amour de la liberté qui nous rappellerait bien, à nous Français, un certain passé, trépassé, plus déclamatoire que réel, mais aussi un élément plus récent de ce mélange détonnant, celui de l'éphémère émancipation de 68. Toute honte bue, c'est quand même un lourd rappel à la mémoire. Notre dépendance européenne à 60 % du gaz et des contrats de pétrole pour la mer Caspienne, font que Chirac, comme les autres européens, acceptent, ont -ils déjà déclaré, que le 23 mars un" référendum" changeant la constitution tchétchène en pleine guerre soit un outil pour éliminer " légalement" Maskhadov et lier à jamais ce peuple. Du 31 mars au 4 avril, le Conseil de l'Europe examinera à Strasbourg le principe d'un Tribunal international ad-hoc, comme pour l'ex-Yougoslavie. S'il est adopté, il n'a aucune chance d'être créé, nécessitant l'aval du Conseil de Sécurité dans lequel la Russie possède un veto. Ne parlons pas de la CPI, nouvellement mise en place. Ni la Russie ni Israël, conune les Etats-Unis, ne l'ont ratifiée. Jamais mise à l'ordre du jour au Conseil de Sécurité, la question ne le sera de sitôt. Le Il septembre fait un alibi minable mais c'est un alibi grand public. Et c'est ce qui compte pour justifier l'injustifiable absence de décision politique. (*) - Membre du Comité Tcbétchénie 21 ter, me Voltaire - 75011 PARIS site' http./ltchetchenieparisfreefr " Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 246 - Avril 2003 Par Isabelle Sirot, Monique lelouehe, Bernadette Hétier Depuis les événements tragiques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, le sentiment d'angoisse face au terrorisme, qui s'est étendu au continent européen, a été instrumentalisé et récupéré, servant de matrice à J'élaboration de discours de plus en plus sécuritaires. C'est dans ce contexte que l'insécurité a été placée au coeur de la campagne présidentielle, au point d'en devenir J'enjeu majeur. Jacques Chirac en a fait son thème phare, talonné par Lionel Jospin qui a même confessé lors d'une émission de télévision que sa politique avait été Il trop naïve Il à ce sujet. Ce climat de psychose aura fait le jeu de l'extrême droite qui construit son discours sur la peur et sur l'équation" délinquance = inunigration ". Monsieur Le Pen a lui-même déclaré, pendant la campagne, qu'il n'avait pas besoin de s'exprimer sur ce sujet puisque d'autres le faisaient à sa place. Une logique' sécuritaire La lutte contre l'insécurité est plus que jamais une priorité du gouvernement actuel. Il a choisi d'axer sa politique sur la répression , au risque de détruire tout travail de prévention et d'éducation. Il crée de nouvelles catégories de délits tout en stigmatisant l'ensemble des étrangers et les jeunes des banlieues et de l'immigration. Le ministre de l'Intérieur fonde sa politique sur des résultats statistiques pré- Dossier Edita ! International i D05si i Immigration Discrimination 1 Education 1 Kiosque Insécurité policière et iudiciaire Photo: FR Lü.PRESTI sentés comme objectifs et prétendument incontestables alors qu'ils ne mesurent que l'activité répressive de la police, c'est à dire essentiellement l'élucidation de plaintes déposées par les victimes et les flagrants délits relevés par la police elle-même. M. Sarkozy, conune l'ensemble du gouvernement, estime que l'avenir politique de l'actuelle majorité dépend de ces performances arithmétiques. C'est donc sans états d'âme que la circulaire du 24 octobre 2002 a mis un coup d'arrêt à la police de proximité. Même si les résultats qui en étaient escomptés n'étaient pas atteints, l'objectif était d'établir un contact entre les policiers et la population, de lier prévention et répression. Mais, le ministre de l'intérieur à lui-même déclaré que " la police ce n'est pas du social, vous êtes là pour arrêter des voyous ". L'aspect " prévention ", qui peut éviter la commission des délits, n'est évidenunent pas chiffrable. Cette " politique du résultat ", imposée aux forces de sécurité (police et gendarmerie), entraîne de graves risques de dérapages puisque la force ne peut, dans un tel contexte, que primer sur les droits et libertés fondamentaux des citoyens. .. D'ailleurs, la loi sur la sécurité intérieure, récenunent votée au parlement, et la loi sur la criminalité organisée (Perben), en préparation, vont renforcer considérablement le pouvoir policier, au détriment de la justice ellemême, pourtant garante des libertés. Ces nouvelles dispositions criminalisent les mendiants, les gens du voyage, les sans papiers, les prostitué(e)s, les jeunes des quartiers populaires, particulièrement lorsqu'ils sont enfants de migrants. Cette politique ignore volontairement, aujourd'hui comme hier, les conditions de vie des personnes visées. A terme, elle crée de nouvelles catégories d'exclus, les met au ban de la société, en fait de nouveaux" délinquants" et les condamne à des peines de prison fermes de plus en plus longues. Elle s'attaque par choix aux conséquences et non aux causes de la délinquance dont non sait pourtant que, d'une façon ou d'une autre, elles sont avant tout sociales. Les opérations de " descente policière" dans les quartiers sont révélatrices de cette conception très particulière des droits de l'honune. Ce raisonnement, fondé sur la " criminalisation de l'étranger ", n'est à vrai dire guère très éloigné de celui de l'extrême droite. Une politique qui stigmatise les immigrés et les jeunes issus de l'immigration Dés son arrivée au gouvernement, M. Sarkozy a choisi de privilégier la politique spectacle et de médiatiser des actions coup de poing comme l'action des GIR dans les quartiers; ensuite sont venues les évacuations musclées de Rroms (mobilisation de centaines de policiers, brutalité disproportionnée), puis la répression accrue des Sans Papiers. Récemment, deux étrangers (situations de double peine et de refoulement de zone d'attente) sont morts dramatiquement asphyxiés au cours d'opérations d'éloignement forcé et brutal du territoire français. Le gouvernement clame haut et fort que la police doit " reprendre certains quartiers ". Or ces démonstrations de force de la police contribuent à créer un climat parfois plus explosif encore. Trop souvent, les policiers envoyés dans ces quartiers sont ceux qui ont le moins d'expérience professionnelle (en début de carrière les policiers n'ont pas le choix de leurs affectations). Les contrôles d'identités répé- « Différences « - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 246 - Avril 2003 11 12 Edito 1 Intern at ional 1 Dosslf 1 Immigration 1 Discri mination 1 Education Kiosque titifs ciblent une frange bien particulière de la population: de jeunes français, le plus souvent enfants de migrants, qui vivent ces contrôles comme une injustice et une stigmatisation collectives (une population, un quartier). Ces jeunes, qui vivent dans des quartiers de plus en plus transformés en , ghettos urbains " déjà victimes de discriminations sociales subissent de plein fouet les discriminations racistes. Sans travail de fond en matière d'éducation et de prévention, les liens sociaux se trouvent ainsi de plus en plus coupés entre une partie de la jeunesse et le reste de la population, ce qui engendre fatalement des tensions. Des policiers mal formés et/ou mal encadrés Un Etat de droit a besoin de règles pour organiser la vie publique et les forces de l'ordre sont là pour faire respecter une loi qui, au sein de la République, doit être la même pour tous. Toute transgression de la loi par ceux-là mêmes qui doivent la faire respecter est d'autant plus inacceptable et lourde de dangers pour la démocratie. Le policier a tout pouvoir quand il interpelle ' au nom des citoyens , ; il se doit donc d'avoir un coinportement irréprochable. Or il apparaît que des comportements discriminatoires se multiplient (contrôles d'identité au faciès et répétitifs, harcèlement, humiliations et insultes, poursuites pénales systématiques pour outrage et rébellion, sans oublier les courses poursuites qui, tout récemment, ont donné lieu à plusieurs cas successifs de tirs mortels sans que semble pouvoir être invoquée la ' légitime défense ,). Il est donc urgent que les policiers soient formés pour, en toutes circonstances, respecter la loi, les droits de l'homme et le code de déontologie de la Police. Les mêmes exigences civiques s'appliquent d'ailleurs tout autant à la gendarmerie. Selon des syndicats de policiers, l'arrivée de M. Sarkozy, ce fut le cas pour M. Pasqua a une autre époque, a créé un sentiment d'impunité chez certains policiers, ce qui ne peut qu'entraîner les pires dérives. Ces policiers se sentent couverts par la politique sécuritaire. Depuis longtemps, les ministres de l'intérieur minimisent les comportements discriminatoires des policiers. En cas de propos ou d'acte raciste, l'institution policière ne joue pas la transparence et l'esprit de corps fait couvrir, par la hiérarchie elle-même et par les autres policiers, ceux qui ont une attitude déviante. Un rapport du GELD (et sa note de synthèse) sur la sensibilisation aux discriminations dans la police, daté du mois d'août, a vu sa publication , bloquée ' par la Direction de la Population et des Migrations (DPM). li en ressort cependant (Le Monde du 22 octobre) que pour 8 % des fiches de signalement du 114, la police est mise en cause. Après un travail d'enquête détaillé, ce rapport faisait apparaître un constat essentiel : un manque de formation des policiers sur le racisme et la xénophobie. Ces deI1Ùers auraient une vision fondée sur ' la folklorisation de l'immigration , et, disent les rédacteurs: ' L'imagerie coloniale pèse encore fortement dans la représentation des étrangers qu'ont les fon ctionnaires de police , ; , Les policiers ont encore une vision binaire marquée par la guerre d'Algérie: c'est eux ou nous ". Insécurité policière et judiciaire Les personnes victimes de dérives de la Police vivent d'autant plus douloureusement l'injustice qu'il est extrêmement difficile d'obtenir réparation. Les commissariats refusent très souvent d'enregistrer les plaintes et la plupart du temps les personnes se retrouvent elles-mêmes condamnées pour outrage et rébellion à la suite de poursuites policières. Le parquet très souvent classe les affaires sans suite. L'I.G.s ou l'I.G.P.N., quand elles sont saisies, n'effectuent pas toujours d'enquête. La commission nationale de déontologie de la Police ne peut être saisie que par un député ou un sénateur. De plus, elle ne peut intervenir dans une procédure déjà engagée photo: FR. Lü.PRESTI devant une juridiction, ce qui réduit regrettablement son champ d'intervention .. Aujourd'hui, les étrangers et les jeunes français de familles migrantes vivent un sentiment parfois extrême d'insécurité policière et judiciaire. Le MRAP agit donc pour que la police et la justice soient au service de tous. Devant la difficulté de porter plainte, le MRAP accueille et assiste les victimes et se porte partie civile à leurs côtés quand cela s'avère possible et nécessaire. C'est pour toutes ces raisons, que nous avons choisi de consacrer à ce thème le " Dossier , de Différences de ce trimestre. Les exemples des fédérations MRAP des Bouches du Rhône et du Nord-Pas de Calais témoignent, parmi beaucoup d'autres, de certains comportements inacceptables de la Police. Eric Pittard nous montre l'itinéraire de jeunes du quartier de la Reynerie à Toulouse après le meurtre d'un des leurs par la police : de la révolte à la prise de conscience politique. Les victimes sont toujours les mêmes, les étrangers et leurs enfants : cette " criminalisation de l'immigration , est analysée dans l'article de Christian Poiret de l'URMIS. L'une des façons de sortir de cet engrenage est de développer une ' école du citoyen ' comme l'écrit Abdelaziz Gharbi. • Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 ~ l t Edito 1 International 1 Dossier 1 Im migration 1 Discrimination 1 Education 1 Kiosque Racisme et criminalisation de l'immigration Par Christian Poiret (*) Dans un contexte de surmédiatisation des questions de Il délinquance et d'insécurité Il, en mars 2002, l'URMIS (1) a organisé une journée d'étude qui fait l'objet aujourd'hui d'une publication dans la revue Hommes et Migrations (2). Nous souhaitions alors changer les termes d'un débat Il préformaté Il en réfléchissant, avec des chercheurs de différentes disciplines, à la Il criminalisation de /'immigration Il c'est-à-dire à l'attribution d'une criminogénéité intrinsèque aux membres d'un groupe ethnicisé ou racisé. Nous avons donc amorcé une approche que nous présentons ici brièvement et qui vise à articuler deux processus distincts d'ethnicisationracisation et de criminalisation. Eth n icisation et criminalisation Les processus d'ethnicisation ou de racisation aboutissent à dénier l'universalité des individus qui en sont victimes et qui ne sont plus perçus que comme l'incarnation de leur groupe d'appartenance (revendiqué ou non). Il s'agit donc de dynamiques de construction de frontières symboliques (mais qui ont des conséquences très matérielles) qui, en manipulant des traits culturels (réels ou inventés), définissent des groupes sociaux, les ,nous>, et les , eux, (les, Noirs " les , Musulmans ' ... ), afm de les inclure dans une Photo: FR. LO.PRESTI organisation sociale plus ou moins inégalitaire (3). Le concept de criminalisation désigne lui aussi une dynamique qui, en labellisant des individus et des groupes déviants, produit de la déviance. Contrairement à une idée reçue, le respect de la loi est l'exception tandis que la délinquance est fort bien partagée. Tous, nous commettons des transgressions qui varient avec notre situation sociale. Ainsi les cadres supérieurs peuvent-ils commettre de tout autres abus de biens sociaux que le simple employé qui 'emprunte' stylos et papeterie pour son usage personnel... Cependant, toutes les transgressions ne sont pas traitées de la même manière: d'une part, leur importance sociale ne dépend pas directement de leurs conséquences objectives pour la société; d'autre part, le lien entre certains types de déviance et les caractéristiques sociales de leurs auteurs n'est pas systématiquement transformé en problème social. De la sorte, bien que son coût soit infmiment plus élevé que celui des petits délits de rue, la délinquance fmancière ne focalise pas le débat public ; et surtout elle ne donne pas lieu à un ciblage systématique des populations qui pourraient en être prioritairement suspectées (cadres supérieurs, chefs d'entreprise, politiciens .. .). C'est donc la caractéris' tique des processus de criminalisation que de combiner la production de normes incriminantes spécifiques (criminalisation primaire) et leur application par le dispositif légal sur des groupes particuliers, explicitement ciblés (criminalisation secondaire). En établissant un lien entre certains groupes et certains types de délit, elle permet de "faire accepter des rationalisations spécifiques qui en font (. J un peuple à part nécessitant un traitement à part (4) '. Le « clandestin Il et le « jeune des cités» La criminalisation des migrations se focalise aujourd'hui, sur fond de "menace islamiste " autour de deux types principaux : le ' clandestin ' et le " jeune des cités ". Le point commun à ces deux figures relève d'une précarité et d'une marginalité partagées. L'un comme l'autre semble destiné aux emplois précaires et mal payés, ou à pourvoir aux besoins en main-d'oeuvre de l'éconoI1Ùe souterraine. En France, depuis une dizaine d'années, on assiste à une réorientation conjointe du travail social, pour inciter à s'adapter aux contraintes du marché du travail, et de l'appareil judiciaire, vers un contrôle accru des jeunes des classes populaires (5). Cette pression pénale et sociale ne laisse guère d'autres choix que d'accepter des emplois précaires ou de risquer la prison, avec ses effets paupérisant sur le détenu, durablement stigmatisé, et sur son entourage. Tout particulièrement pour les jeunes, socialisés en France mais qui ne sont pas considérés comme de " vrais Français ", il en résulte un décalage structurel entre les objectifs valorisés par la société et les moyens légitimes pour y parvenir. Face au constat de l'impossibilité de réussir socialement par des voies régulières, ressentie comme une profonde injustice, le retoumement du stigmate et l'intériorisation du modèle déviant restent parmi les rares possibilités qui leur soient encore ouvertes. Chasse aux sans-papiers, qui fragilise l'ensemble des immigrés, et chasse aux jeunes descendants de migrants postcoloniaux, la criminalisation de l'immigration peut aussi être analysée comme une forme particulière de discrimination, un traitement inéquitable. Criminalisation et discrimination institution nelle De nombreux exemples montrent que nombre de discriminations sont nichées dans le fonctionnement routinier des institutions. L'essentiel du " racisme ordinaire " est ainsi fait de discriminations considérées comme normales, naturelles, qui se cumulent et finissent par former un système. C'est le cas des processus de criminalisation comme formes de discrimination institutionnelle, c'est-à-dire produites collectivement par le fonctionnement d'une institution, mais aussi relevant de comportements individuels abrités et couverts par cette institution. Le cas des procédures pour , outrage et rébellion , permet d'illustrer ce phénomène. Souvent, ces procédures font suite à des contrôles d'identité visant quotidiennement les mêmes individus dans les quartiers " sensibles '. Ce ciblage répétitif ouvre la voie à des dérives individuelles et peut fmir par placer les jeunes contrôlés et les policiers contrôleurs dans une situation qui ressemble à une rivalité de bandes pour le contrôle d'un , Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 13 14 Dossier Edito International Immigration Discrimination Education 1 Kiosque territoire. Mais cette fausse symétrie s'arrête quand des poursuites sont engagées, puisque les sanctions qui en découlent sont unilatérales. Ces pratiques ne peuvent que nourrir les doutes de ceux qui en sortt victimes sur leur droit à bénéficier des principes républicains de liberté (d'exister dans l'espace public), d'égalité (face aux contrôles policiers) et de fraternité (dans leurs rapports aux représentants de l'État). Ces doutes se transforment en certitudes lorsque la différence de traitement apparaît au grand jour dès lors que les personnes contrôlées sont des personnages éminents. La presse s'est ainsi faite l'écho d'altercations impunies entre des policiers et différents hommes politiques furieux d'être (exceptionnellement) rappelés à la règle commune. Ces discriminations institutionnelles sont d'autant plus importantes que c'est à travers elles que le racisme produit ses effets socialement les plus structurants. Car ces institutions fabriquent quotidiennement des catégories de classement officieuses, qui servent à orienter et à justifier l'action de leurs agents. Elles expriment ainsi une vision ethnicisée du monde qui bénéficie d'une part de l'autorité et de la légitimité inhérente à l'action des pouvoirs publics. Face à ce phénomène, l'approche restrictive du racisme qui domine aujourd'hui en France, évite de penser les modalités de construction des groupes collectivement discriminés. Les - différences , sont traitées comme si elles existaient en soi. A contrario, la criminalisation peut aussi être analysée comme un processus contribuant à délimiter, à produire et à reproduire des minorités que l'on appelle" Blacks ", " Beurs -, "Jeunes des quartiers " ... Manipulation des classements sociaux et légitimation du racisme Le double processus de criminalisation de l'immigration et de construction de l'insécurité comme problème social et politique aboutit à une configuration de sens qui lie immigration et insécurité. Sur cette base, on assiste à la production d'un discours de mise en ordre du monde. Une des propriétés remarquables du discours sécuritaire est de permettre toutes sortes de manipulations des jeux de classement sociaux. Ainsi, lorsque Nicolas Sarkozy, explique que sa politique, ouvertement répressive à l'égard des -jeunes des quartiers- et des "clandestins" bénéficie d'abord aux classes populaires, il oppose implicitement une ligne de clivage ethnico-générationnel à un clivage de classe. De la sorte, il renforce le poids de la dimension ethnique dans les configurations de rapports sociaux (de classe, de genre sexué, de génération ... ) qui structurent la vie sociale. Plus encore, il apporte une part de légitimité supplémentaire à une vision racisante du monde qui nous entoure. Car l'analyse de la criminalisation de l'immigration et de sa constitution en enjeu politique peut s'inscrire dans la question des formes de légitimation du racisme. En effet, le racisme contredit les valeurs universalistes, égalitaires et "méritocratiques>, qui fondent les sociétés démocratiques. Comprendre la prégnance durable du rapport social raciste suppose donc de s'interroger sur les modalités de sa légitimation. Or ces modalités doivent être, au moins formellement, compatibles avec nos grands principes normatifs tout en rendant acceptable, et donc durable, ce rapport de domination. Fabienne Brion (6) a écrit que " le crime a cette vertu, toute politique, de signer la sortie du politique. De la signer du fait de l'exclu ". Il y a lieu, en effet, de s'interroger sur la contribution du champ judiciaire à la mise hors la loi et hors la citoyenneté des minoritaires constitués en classe dangereuse ethnicisée ou racisée. (') - Sociologue, maître de conférences, Université Rennes2 (1)- Unité de Recherche Migrations et Société (CNRS- Universités Paris 7- Palis 8 - Nice). (2) - Numéro 1 241 (Janviet!FéUlier 2(03). (3) - Pour une analyse de ces processus et une discussion des concepts utilisés pour les comprendre par la sociologie des relations inter-ethniques, cf De Rudd(i/; Poiret, Vourc'h, L'inégalité raciste. L'universalité républicaine à l'épreuve, Paris, PUF (2000). (4)- " A. Réa in Mon délit? mon origine. Oiminalité et criminalisation de l'immigration " De Boeck Université, Bmxelles, 2001. (5)- Loïc Wacquant, "Les prisons de la misère ., Liber-Raison d'agir, Paris, 1999 (6) - Fabienne B/ion, "Immigration, Grime et discrimination. Du doute méthodique au doute radical· in Fabienne Brion et alii (coord), Mon délit? Mon origine. Criminalité et criminalisation de l'immigration, De Boeck uniw" Sité, Bruxelles, 2001. le bruit, l'odeur et quelques éloiles ... Séquence inédite Par Eric PiHard C'est le titre d'un film sorti au cinéma à l'automne dernier que j'ai réalisé. Le bruit et l'odeur, c'est aussi le titre d'un album de Zebda mais c'est surtout deux mots terribles martelés par Chirac dans un discours tristement célèbre : Comment voulez-vous que le (( travailleur français qui travaille avec sajemme et qui, ensemble, gagnent environ 15000 francs et qui voit sur le bas du palier à côté de son HLM., entassée, une famille, avec un père de famille, 3 ou 4 épouses et une vingtaine de gosses et qui gagne 50000 francs de prestations sociales, sans naturellement travaillet~ Si vous ajoutez à cela le bruit et l'odeur, et bien, le travailleurfrançais, sur le palle!; il devient fOtI. Et, ce n'est pas être raciste que de dire cela ... » j'ai tourné ce film à Toulouse à partir de la mort d'Habib, tué à bout touchant par un policier. C'était un dimanche. Il était trois heures du matin. C'était le 13 décembre 1998 et il ne faisait pas chaud. Deux gosses sont en train de voler une BMW. La voiture est stationnée sur le boulevard Déodat de Séverac dans le quartier du Mirail. Quatre policiers patrouillent à proximité. Ils tombent sur ces deux jeunes qui tentent de forcer la portière de la voiture. Plusieurs coups de feu tirés par les policiers retentissent dans la nuit. L'un des deux jeunes est atteint par une balle. Il s'appelle Habib. Il venait juste de fêter ses 17 ans. Il court sur une centaine de mètres et s'écroule mortellement blessé. il se vide de son sang et gît entre deux voitures qui stationnent sur le boulevard. Pendant ce temps, les quatre policiers reprennent leur véhicule de service et rejoignent le commissariat sans établir un procès-verbal comme le règlement les y obligent, ni même signaler les coups de feu tirés. Ce n'est qu'au petit matin, qu'une passante découvre le corps sans vie. Elle alerte Police Secours qui fera les premières constatations et préviendra le parquet qui, de son côté, nommera un juge d'instruction pour démarrer l'enquête. Avant de tourner le film avec principalement trois de ses copains, les musiciens de Zebda et plein d'autres personnages, j'ai passé beaucoup de temps dans le quartier où vivaient Habib, sa famille et ses copains pour écrire le scénario. Il y a des choses qu'on écrit et qu'on ne tourne pas, des séquences qu 'on tourne et qu'on ne monte pas dans le film. C'est ainsLAujourd 'hui, je voudrais vous offrir une séquence inédite du scénario écrite dans le quartier de la Reynerie quelques mois après la mort d'Habib. la Reynerie. en chemin vers l'école ... Je ne sais plus comment continuer cette histoire. Les Zebdas n'arrêtent pas de chanter , Tomber la chemise» conune une note de bonheur forcé : « Ce que le béton a fait de meilleur. .. >. j'attends la date du procès où le policier auteur du coup de feu mortel sera jugé, en correctionnelle, pour homicide involontaire. Les trois copains d'Habib croupissent chacun dans une prison du centre de la France. Nous sonmles à la fm de l'autonme et dans » Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 246 - Avril 2003 les journaux, à la radio, à la télé, les journalistes parlent de plus en plus d'insécurité. Quelques temps auparavant, j'avais rencontré une institutrice qui travaillait dans une école primaire de la Reynerie. Elle voulait me montrer des dessins que les gosses avaient dessinés dans sa classe. J'ai rendez-vous à l'école. Je traverse la place. Il y a des travaux aux alentours. Des semi-remorques débarquent des tonnes de gros cailloux. Les grues font un bruit assourdissant. Elles prennent des gros blocs de pierre et les posent, une à une, sur le pourtour des espaces verts, devant les parkings. Je croise Djelloul avec l'un de ses collègues, Biquet, que l'on surnomme aussi Coquelicot. C'est un ancien plombier qui travaille à la régie de quartier. Il est surnommé Coquelicot parce qu'il a la fibre libertaire et qu'il croit dur conune fer aux lendemains qui chantent : " Un joli coquelicot, Madame, un joli coquelicot... '. Coquelicot rouspète. Djelloul sourit de voir Coquelicot rouspéter. Biquet! Coquelicot interpelle les ouvriers du chantier : - A quoi ça va servir vos blocs de cailloux? On n'aura même plus la place pour passer la tondeuse ! - C'est pour empêcher les rodéos sur les pelouses. - Biquet, leur prend pas la tête, il y a bien assez de place pour la passer, ta tondeuse. - Je ne prends pas la tête. C'est une question de principe. On plante des arbres. Ca commence à prendre, c'est joli et là, ils foutent des caillasses qùi dénaturent le paysage. Ils auraient pu mettre des petites bordures en bois. Non, ils t'interdisent la vue. - C'est déjà pas mal. Les pierres, c'est mieux que du grillage. - Au moins, ils auraient été logiques avec eux-mêmes. Tu vois ça, sur la place du Capitole, mettre ces blocs pour empêcher les voitures de circuler. On n'est que de la merde, pour eux. Tu ne crois pas qu'il y aurait d'autres choses à faire que mettre des flics et ces blocs dans le quartier. - Les jeunes pourront s'asseoir dessus. - Djelloul, me prends pas pour un con. - Biquet, tu perds ton sens de l'humour. - Va te faire foutre! Je continue mon chemin. Véronique me reçoit dans l'enceinte de l'école. Les petits sont dans la cour de récréation. - Je vous ai préparé les dessins. Je les ai mis sur une table de la cantine, vous Dossier Edito , International l' Sil Immigration Discrimination 1 Education ' Kiosque serez plus tranquilles. En ce moment, l'école est un peu perturbée car nous faisons circuler une pétition pour demander des postes et des moyens supplémentaires. j'espère que les parents vont bouger avec nous parce qu'on se sent un peu isolé en ce moment. Le ministère parle de réformes mais, nous ici, on est la dernière roue du carrosse. L'école est classée en ZEP, zone d'éducation prioritaire, mais en un an, nous n'avons eu droit qu'à des grilles surélevées autour de la cour de récréation. Je vous laisse, il est temps de rentrer les enfants. Je m'installe dans la cantine. Je tire une chaise aux dimensions minuscules pour un adulte. Il y a une cinquantaine de dessins, à la gouache, à la craie grasse, aux crayons de couleur. Ils sont rangés dans des chemises sur lesquelles sont inscrites des dates et des prénoms: janvier 1999, mai, décembre, Mehdi, Rachida,Jérémie, Leïla, Hamzane, Jennifer, Hakinl, Johnny ... Ce sont des dessins de gosses. Il y a des soleils énormes, des papas et des mamans avec toute la famille qui se tiennent côte à côte. Il y a des mains enduites de peinture et posées telles quelles sur les feuilles blanches et puis il ya le reste, comme une freS>que sans logique où la guerre citadine se dessine à coup de crayons malhabiles. Il y a des Pipo (s) en profusion, allongés au sol avec des gros gribouillis sur le corps, des taches rouges. Pipo c'est Habib. C'est le surnom que lui donnaient ses copains du quartier. Sur les dessins, Pipo n'a pas de visage, juste un ovale vite dessiné. Son corps n'est qu'une silhouette horizontale. C'est le gribouillis rouge ou la tache de peinture sur le corps allongé qui prend le regard. Ils ont dessiné la présence des policiers, debout, l'arme au bout du bras, proéminente comme un appendice manuel. li y a des dessins preS>que abstraits. On n'y repère rien de prime abord. C'est gris, c'est noir. Un trait de couleur. Une lueur rouge violente. En bas du dessin, l'instit a marqué: bombes lacrymogènes, Rachida, décembre 98. Il y a des maisons HLM, sommairement esquissées. Elles sont rayées, barrées, grattées et toujours des flics en tout petits, en pieds avec à chaque fois des pistolets dessinés comme des mandibules. Et ces soleils que l'on retrouve partout ou presque sur chacun de ces dessins. Et puis, il y a les choses plus pédagogiques où l'on devine, des enfants noirs, blancs, jaunes, rouges qui se tiennent par la main. Il y a même un chameau solitaire qui se trouve devant un immeuble. j'ouvre une autre chemise. C'est toute une série de visages. Les premiers dessins paraissent appliqués. Des gommettes de couleur prennent la place des yeux. D'un trait droit ou courbe, dans un sens ou dans un autre, les gosses ont joué à animer l'expression du visage. Sourire, rire, peine et tristesse. Puis, les dessins, un à un, déjantent. Il n'y a plus de gommettes, plus de contours préétablis. Les têtes sont en deux, trois parties. Des mains sont rajoutées, des bras, des jambes disloquées. C'est très griffonné. Il y a une peinture très curieuse. Le corps est tout petit. Il est entouré de deux immenses bras, l'un tient une fleur, l'autre au bord gauche, semble être attaché à quelque chose que je ne comprends pas. Cette attache, une menotte? Je devine les ronds d'une chaîne. Le papier est plié. Je tire la partie cachée. La main est attachée à un homme peint en noir. C'est un flic cagoulé. Je le reconnais à l'embryon d'un pistolet tendu. Il y a un sapin de Noël dans le coin du dessin, à l'endroit où le policier en noir est esquissé. Un sapin de Noël avec des boules et des guirlandes. Un sapin petit, de la taille du corps écartelé entre la fleur et le flic. Je n'ai jamais tourné cette séquence mais ces dessins me restent toujours en tête. La tache de sang sur le corps d'Habib, dessiné, écrasé à gros trait. Ces HLM tracés comme les grilles d'une prison qui barrent l'horizon. Cette profusion de coups de crayon qui décrivent un à un le quartier dévasté par les émeutes et les violences policières qui ont suivies la mort de Pipo, comme les dessins d'une guerre qui ne veut pas dire son nom. Les gosses de cette petite école vont grandir. Ils vont devenir des ados puis des adultes, des femmes et des hommes. Est-ce qu'ils pourront oublier ce qui ne peut pas s'oublier. La véritable insécurité est là quand l'expression des petits n'est faite que de violences, de la mort tragique d'un autre de ces gosses et quand jamais la justice n'accepte la faute policière. Sans justice, il ne peut y avoir de paix. Il en va de notre liberté à tous. Pipo, 17 ans, pas eu le t(i//1PS de voir la vie, pas le temps de toucher le soleil, toucher le soleil et pourquoi, ils l'ont laissé par terre, on l'enterre, obliger de se taire, obliger de faire la guerre, une vie volée pour une voiture volée. Je ne sais plus quel enfant j'étais.j'ai connu la rue. Elle m'a eue. PS: le polici(i/; auteur du coup de fl?l.l mortel a été condamné à trois ans avec su/"Sis. Il n'aura pas fait un seul jour de prison. " Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n" 246 - Avril 2003 IS 16 Dossier Edito 1 International "oss c Immigration 1 Discrimination 1 Education Kiosque Police et Code de la déontologie La BAC intervient avec une violence inqualifiable dans la cité La Castellane au sein des quartiers nord de Marseille Par Alain Huertas Cité La Castellane, dimanche 16 février 2003, c'est le début de l'après-midi, Acene et Tahar, deux frères, finissent l'entretien de leur scooter. " fait un peu froid, ils décident de rentrer le scooter à l'intérieur du hall de leur immeuble qui communique avec la cave collective, pour finir de remonter les caches moteurs qui sont dans la cave. Deux fonctionnaires de police de la B.A.C, intetviennent alors, pour un contrôle des deux frères. Tahar indique qu'il habite dans l'appartement juste au-dessus et qu'il va chercher les papiers du scooter. Pendant ce temps, un des deux policiers se croit obligé d'appliquer avec force sa tonfa sur la poitrine d'Acène qui 'essaie d'en alléger la pression, et indique que le scooter est en règle et leur appartient. Cela a le don d'énetver le policier, qui frappe Acène sur la tête ... Acène saigne abondamment, il repousse le policier, prend un coup sur le tibia, Tahar qui revient avec les papiers, demande ce qu'il se passe ... il reçoit pour toute réponse deux coups de matraques sur les bras. Leur soeur, Nadia qui entend crier, arrive et demande des explications, Tahar fait sortir des personnes qui s'étaient attroupées, un des policiers sort son arme de setvice et braque les personnes présentes, le deuxième tire avec son flash-bail et atteint Nadia en haut et à l'arrière de la cuisse gauche, elle lui tournait donc le dos. Un deuxième coup de flash-bail part, sans toucher personne, les policiers doivent alors s'enfuir à cause d'une miniémeute, crée par la stupidité de leur Photo: FR. LQ.PRFSTI intervention, sous une pluie de pierre qui brise la lunette arrière de leur véhicule de service. La famille appelle les pompiers et Acène et Nadia sont amenés par ceuxci aux urgences de l'Hôpital Nord. Acène, n'as pas le temps de descendre du fourgon des pompiers, qu'un policier en civil entre dans celui-ci, le gifle et le menace « tu vas voir ce que l'on va te faire à l'Evêché)), devant un pompier qui rassure Acène « ne t'in· quiète pas, le médecin ne va pas te lâcher comme ça ... )). A l'issue de la visite médicale, après la pose de points de suture sur son tibia, Acène est arrêté, transféré a l'Evêché et placé en garde a vue. Durant son transfert, Acène est insulté et menacé par un policier armé d'un flash-bail" si tu bouges je te tue, j'ai l'ordre du Préfet, Mitterand est mort, c'est plus pareil maintenant, si tes collègues nous font barrage, je te tue encore plus, bâtard, fils de pute ... )) Acène répond que ses collèges ont tiré sur sa soeur « ta soeur c'est une pute,je m'en bat les couilles ... )). Arrivé à l'Evêché, lors de sa fouille il est de nouveau frappé, sa tête à deux reprises cognée sur le banc, coups de poings sur les côtes, torsion d'oreille et de nouveau traité de fils de pute ... et un refus de desserrer les menottes, alors qu'il a les mains violettes. Après une première audition qui s'est passée normalement, le lundi matin vers 10 heures une nouvelle audition où il subit une pression de la part du fonctionnaire qui l'interroge et le traite de menteur «je ne te crois pas, tu es un menteur,je ne crois rien de ce que tu dis ... arrête de me prendre pour un jambon, jusqu'à maintenant on ne t'as pas frappé, je vais t'en coller une si tu continues ... )). Acène est accusé d'avoir frappé les policiers avec une clé à molette, outil dont il n'avait pas besoin pour intervenir sur son scooter, lors de l'intetvention des policiers son frère Tahar n'avait en main qu'un tournevis qu'il a déposé a la demande des policiers. Durant cet interrogatoire, Acène assis, est menotté à une seule main au sol, par une chaîne très courte dans une position très inconfortable et les policiers refusent de desserrer ses liens. Il est accusé de rébellion, une fonctionnaire de police lui dit «comme ça tu as dit à l'avocat que tu as été frappé ... )) à sa réponse affirmative, un autre policier lui rétorque «de Il à 77 ans, ils vont tous moifler à la Castellane parce que l'on arrive partout à s'imposer sauf là-bas ... )). Le mardi 18 février en début d'aprèsmidi, Mouloud, frère d'Acène et de Nadia est devant son bloc toujours dans la même cité, lorsque arrivent deux véhicules de la B.A.C dont sortent six policiers, trois avec un flashbail en main ... Deux passent devant Mouloud sans lui parler, le troisième, toujours sans lui parler lui relève les deux bras et le fouille en l'accusant d'être un vendeur de chit... Mouloud demande que se passe t-il «ferme là, ferme là ... )), un quatrième policier lui dit « quand tu es à 30 tu fais le mac ... )) on lui demande son identité, il la décline, « c'est le frère du bâtard qui est en garde à vue ... )) Celui qui l'a fouillé lui dit «j'ai envie de te crever, de te crever, ça me fait plaisir. .. Tu as vu ce qu'il a fait ton frère il a envoyé mon collègue dans le coma ... !, rentre dans le bloc ... )) son collègue intervient « rentre le dans le bloc on va le crever. .. )). Mouloud refuse de rentrer dans le bloc, est giflé, ses cris alertent son père, ses soeurs et belle soeurs qui à la fenêtre demandent aux policiers d'arrêter, ceux -ci s'éloignent non sans avoir précisé à Mouloud « la famille H ...... on va tous vous crever de toute façon tous les melons de la Castellane ... )) Mouloud est traité de bâtard, le con de ta mère, va travailler fainéant, bâtard d'arabe, il dit à son père, je vais appeler l'avocat, réponse du policier « appelle ton avocat et je l'encule ... )). A ce stade du récit, il est possible pour le lecteur d'ouvrir la fenêtre et de respirer un peu d'air pur ... La fédération des Bouches du Rhône est intervenue auprès du Préfet, sans que celui-ci ne daigne se manifester ni accéder à la demande d'une ren- " Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 contre avec le MRAP et la famille ... Par l'intermédiaire de Mouloud Aounit le MRAP a saisi le ministre de l'Intérieur. Dans la presse locale, le quotidien La Provence dans un premier article Remous autour d'une intervention policière indiquait qu'à la Préfecture ... aucun élément à ce jour, ne laissait penser à un quelconque dysfonctionnement... et indiquait que trois fonctionnaires avait été blessés (10, 6 et 4 jours d'ITD, un responsable de la BAC nord renchérissait en disant que l'histoire des propos racistes, c'est la riposte systématique ... alors que ni le compte rendu de la fédération 13, ni le courrier au ministre de l'Intérieur ne font état de propos racistes, mais seulement de propos insultants et divers .... Ce même article fait apparaître que d'après les policiers la cave abritait, quatre autres personnes en train de bricoler des deux roues avec des outils, du matériel hifi et d'autres objets ... Il faut savoir que c'est une cave collective où sont stationnés des vélos et scooter, un vieil ordinateur qui ne fonctionne plus, une Playsta- 1 Dossier Edito : International Jos i 1 Immigration 1 Discrimination 1 Education 1 Kiosque tion et une télé branchée sur lesquelles jouent les enfants qui ont installés également un fauteuil. Après une enquête journalistique plus poussée, le même journaliste de ce quotidien écrivait le lendemain « Eéquipage de la Bac serait-il allé trop loin? )) et d'indiquer que cette affaire semblait mettre plutôt mal à l'aise les autorités qui ont en charge les suites de cette enquête et que si le Préfet Marion n'a pas vu ces habitants de la Castellane, il a bien demandé aux services de la police de le tenir rapidement au courant de ce délicat dossier. Les fonctionnaires ont-ils outrepassé leurs droits, la bac nord est-elle allée trop loin? Poussé par une hiérarchie qui demande à ses équipages de faire du chiffre 1 De sources proches de l'enquête, on n'est pas loin de le penser... Le journaliste précise que les fonctionnaires pensaient manifestement avoir affaire à des trafiquants de scooter et qu'en fait il s'agissait des propriétaires ... Pour justifier de l'emploi du flash-bail, les policiers disent qu'il voulaient se dégager qu'il y avait un attroupement et que leur voiture a volé en éclat. Le journaliste écrit ; que si la jeune femme( Nadia) a été blessée à l'arrière de la cuisse gauche, c'est qu'elle devait tourner le dos au fonctionnaire. Où est alors le danger potentiel pour les forces de l'ordre ? Ont-elles fait usage de leur arme un peu vite 1 L'on apprend également qu'un des fonctionnaire blessé et bénéficiant de 10 jours d'ITT aurait repris dès le lendemain son travail pour interpeller des gamins dans des conditions également musclées ... Peuton parler alors de provocation policière 1 Et il terminait son article par des paroles de flics « Les bacs sont faites pour interpeller des délinquants en flagrant délit ;pas pour créer une infraction et faire augmenter de façon artificielle les statistiques. Dans une cité, on doit faire preuve de psychologie et ne pas se conduire comme de Zorros. La majorité des Bac le savent, mais il y a aussi des cow-boys dans leurs rangs >J. Le Code de déontologie de la police à été malmené par ces fonctionnaires, la violence, les insultes, les coups et les menaces proférées à l'encontre de citoyens, en font des délinquants. L'article 7 du Code de déontologie de la police à été allègrement bafoué : (Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d'une manière exemplaire. Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale etc .. .) et l'article 10 superbementignoré (Toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police; elle ne doit subir, de la p'art de fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni traitement inhumain ou dégradant etc ... ). La hiérarchie doit prendre la mesure de ces infractions et sanctionner d'une manière exemplaire les fonctionnaires indignes qui portent gravement atteinte à l'Institution de la Police, ternissent son image auprès de nos concitoyens et mettent en danger leurs collègues. Pourla fédération du MRAP 13 " Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 17 18 24 janvier 2012 à 13:44 (UTC):'::ê;~ ._),;~.~ ;~;Charles ,Nouvelle inéditè~< _ •• __ "' _ :. r -.'" Jo,. '""'f",_ #' ~ Edito 1 International Dossier Immigration Discrimination 1 1 Kiosque l'insécurité, c'est les autres Par Didier Daeninckx Je suis d'un naturel anxieux: il suffit que je lise une enquête à propos d'une nouvelle maladie pour en découvrir chacun des symptômes sur ma propre constitution. Si je traverse un cimetière, impossible de lire les dates, sur les tombes, sans faire les soustractions et d'évaluer le maigre temps qui me reste à vivre. Regarder le journal m'est une épreuve: pas une ligne qui ne me ramène à ma condition, et c'est bien pire quand délaissant le papier imprimé je presse le bouton de la télécommande. C'est bien simple, de Pernaud en Bilalian, on me tue dix fois par jour, et si par miracle j'en réchappe, le sort de grabataire qui m'est promis dans des hôpitaux surpeuplés n'est guère plus enviable que celui de viande froide. A la télé, au travers des histoires des autres, il ne se passe pas une seconde sans que l'on me manque de civilité, qu'on m'insulte, qu'on me bouscule, qu'on me diffame, qu'on me frappe, qu'on m'humilie, qu'on me dépouille de mon autoradio, qu'on me déleste de mon portefeuille, qu'on crache sur ma femme, qu'on viole ma fille, qu'on vole à l'arraché la pension de ma belle-mère, qu'on me souffle au visage des bouffées de cigarettes au shit, qu'on graffite mon ascenseur, qu'on chie sur mon paillasson, qu'on me vole mes nains de jardin. Et même si je ne suis pas marié, si je ne possède pas de voiture ni de carré de verdure, c'est à moi qu'on fait çà. A moi et à personne d'autre! Dans la rue, je l'avoue: j'ai appris à avoir peur. Quand je les croise, je lis sur le visage de ces Photo: Jacques SASSIER jeunes dont les pères sont venus d'ailleurs, la jouissance de cette peur qu'ils m'inspirent. Tous leurs chiens sont des pit-bulls, même déguisés en caniches. j'ai l'impression de me comporter en collabo quand, tard le soir, taraudé par le manque, je descends acheter un pack de bière à l'Algérien du coin. Derrière son sourire de Kabyle, je vois le couteau. Je me soulage, une fois tous les cinq ans, en glissant dans l'urne, comme on jette une bombe, comme on refile le sida, le bulletin qui les condamne tous à la peine maximale. Pas besoin de signer de son nom, ça libère autant que quand on écrit une lettre anonyme, que quand on passe un coup de téléphone, d'une cabine publique, pour dénoncer un Noir qui bosse au black L'isoloir, c'est un peep-show, on y bande, on y jouit, et il y a même une poubelle pour se débarrasser des papiers tachés. Quand le type de l'urne me dit " a voté ", j'entends" s'est vengé ". L'autre jour, au zinc du " Balto ", je grattais des Morpions quand un type a commencé à éplucher les causes des meurtres, lentement, posément, comme on bouffe un artichaut, feuille après feuille. j'ai tendu l'oreille. j'étais assez d'accord avec sa première phrase. Il disait: " A la télé, ils ne racontent pas que des conneries, mais il faut reconnaître qu 'ils en laissent passer quelques-unes... ". Il a bu une gorgée de bière avant de continuer: " Le nombre des assassinats est à peu près stable, depuis une dizaine d'années, 1 500 bon an, mal an ... Tout le monde croit que les victimes prioritaires, ce sont les caissiers, les flics, les 171/' ~' transporteurs de fonds, que l'endroit le plus dangereux c'est un hall de banque, ou un sombre quartier de banlieue ... En fait, le véritable coupegorge, statistiquement, c'est la paisible maison familiale. C'est là qu'on s'assassine, qu'on s'égorge, qu'on se coupe en morceaux, qu'on s'étripe ... Plus de la moitié des meU/1res est à ranger dans la catégorie" passionnelle". Il est scientifiquement prouvé qu'il est moins dangereux de se balader à Pigalle, la nuit, que de rentrer à l'improviste dans sa chambre à coucher 1 ". Je me suis fait la réflexion que j'avais bien fait de ne pas me marier et je me suis rapproché. Le type poursuivait. " Aujourd'hui, tout le monde a peur de se faire cambrioler; de se faire piquer son portable, mais je ne connais personne qui chie dans son froc en montant dans sa voiture. Le fait de s'asseoir au volant, c'estpowtantjouer à la roulette russe: 8 000 morts par an, des centaines de milliers de blessés, une industrie du fauteuil roulant florissante ... Mais c'est pas vécu comme un risque. Bien au contraire, c'est un exploit de jouer à trompe-la-mort en grimpant à 180 dans le brouillard ... Et c'est rien, la route, vous savez ce qui fait le plus de dégâts, en vies humaines, chaque année? " Pour me marrer j'ai levé mon verre et j'ai dit" l'alcool ". Il a souri. " L'amiante et l'alcool, on va les mettre de côté et rester sur ce qui fait couler le sang à gros bouillons. 15 000 m011s, soit 40 par jour rien qu'avec le syndrome Claude François ... " Tout le monde a voulu savoir de quoi il parlait, si c'était une épidémie de meurtres de Claudettes. Il a haussé les épaules. " Le syndrome Claude François, c'est les accidents domestiques, le type qui change une lampe pieds mouillés, le bricola qui tombe de son échelle, le môme qui avale de l'eau de javel, le chasseur qui flingue son fils, la mère qui ébouillante son bébé, Nicolas le jardinier qui se coupe la guibolle avec sa tronçonneuse, le skieur qui embrasse un sapin. .. Comme à Vidéogags •. J'ai gratté mon ultime Morpion, (encore perdu 0, quand le type a entonné son dernier couplet. " Tout ça, on fait comme si ça ne comjr tait pas, parce que c'est trop proche de nous. On n'en cause pas pour pas que ça nous arrive. On est superstitieux, rien qu'en parler, c'est attirer le malheur. On exorcise. Je suis sûr qu'ici, vous êtes tous au courant d'une tentative de suicide, d'un suicide réussi... Il yen a près de 12 000 qui nousfaussent compagnie chaque année en se pendant, en se jetant sous le métro, en se faisant sauter le caisson ou en avalant des cachets ... Là encore, on fait comme si ça n'existait pas. On se met la tête dans le sac pour ne pas entendre les cris de ceux qui vont vraiment mal. On ne veut pas savoir que pour la première fois, en France, le nombre des suicidés chez les jeunes hommes est passé devant celui des personnes âgées ... On est devenus aveugles, on ne regarde plus sa propre famille. On préfère penser que l'insécurité, c'est les autres ". J'ai soufflé sur le zinc, pour virer les débris d'encre des Morpions, ramassé ma monnaie, et je suis sorti. En rentrant à la maison, j'ai récapitulé mentalement tout ce qu'il fallait faire pour rester en vie: revendre la voiture, virer les détergents, résilier l'abonnement au gaz, à l'électricité, renoncer au ski, à la chasse, au bricolage, au jardinage, démonter la baignoire ... A la fm, j'avais tellement le cafard que j'ai eu envie de me foutre en l'air. Je me suis arrêté devant la vitrine de l'armurier, et sur fond de flingu es, j'ai regardé mon reflet dans les yeux en me souvenant des dernières paroles du type, au zinc. Je faisais beaucoup plus que mes soixante piges. De la ride, de la poche, du pli aux commissures ... Statistiquement, je n'avais plus l'âge de débrancher la ligne, j'étais devenu trop vieux pour effacer cet étranger qui me faisait face. « Différences . - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 Edito International 1 Dossier Immigration : Discrimination l ,l'Célti!:'O 1 Kiosque la chance de nos dinérences Un projet d'éducation antiraciste à Vitrolles (13) Par E. Verlaque-Pierrot (*) Paradoxalement, nos plus beaux projets sont nés alors que nous nous sentions vraiment seuls. Sous gestion F.N. puis M.N.R., tout nous a manqué, subventions, salles de réunion, cinéma ... Nous vivions dans un monde adverse préoccupé surtout de répression partisane. Au milieu de ces soucis, nous avons constaté que d'autres réfléchissaient dans le même sens que nous : beaucoup d' enseignants, spontanément, s'étaient mobilisés pour travailler sur les valeurs perdues, justice, égalité, anti-racisme, tolérance. Une stratégie différente s'élaborait selon les difficultés vécues dans les établissements. En R.E.P. (réseau d' éducation prioritaire), ressortait une tension nouvelle: privées de la médiation associative par la fermeture des maisons de quartier, des familles d' enfants en rupture reportaient leur agressivité sur l'Ecole et les enseignants. Notre projet éducatif s'est ancré sur cette première nécessité : réconcilier au mieux certains parents avec le milieu scolaire. Cette approche nous plaçait, et nous place toujours , au centre de problèmes relationnels très délicats à gérer. L' appui remarquablement confiant de l' LD.E.N. (inspecteur départemental de l'Education nationale), M. Jallet, a permis d'officialiser un ample partenariat

Le R.E.P. (réseau d' éducation

prioritaire), la plupart des écoles primaires, deux centres sociaux. Du côté de notre association nous avons reçu beaucoup d' aide, après une journée de formation, conçue en synergie avec la commission éducation du M.R.A.P. national, à l'automne 2002. Plusieurs comités et fédération, Montpellier, Grenoble, Nord de la France, nous ont proposé des améliorations et ça nous a vraiment fait plaisir. Tout s' est bien enchaîné : nous avons renouvelé le stage à Vitrolles, à l'intention des enseignants, cette fois Qournée du 10 janvier 2003, à l'Inspection Départementale : ' publications antiracistes pour la jeunesse. ,,). Ainsi, s'est construit un projet d'envergure, résolument tourné vers des valeurs positives : « La chance de nos différences. » Nous avons choisi une démarche : l'autonomie des équipes. Elles travaillent, selon la spécificité de leur environnement mais à partir de matériel commun, par exemple la belle exposition éditée par" Rue du Monde , : La Terre est ma couleur. Nous prévoyons des activités identiques pour donner aux enfants une expérience complice. La plus réussie est l'organisation de goûters équitables 100 % droits de l'enfant, qui éveillent à la solidarité internationale à partir de conférences " Artisans du Monde ,. Enfin, des moments de rencontres à la symbolique forte devraient lier, dans les souvenirs, convivialité et tolérance. Nous avons ainsi retenu deux dates: • Pour le 21 mars 2003, journée internationale contre le racisme, un hommage à l' amitié, avec présentation d' une frise artistement réalisée par sept classes de CM2. Un album sur le même thème , en format 50 x65, nous 'a réservé la surprise de participations 21 /lHl...t:) 2003 -*'- ' cm' Ùil~ot.Lcj supplémentaires ( collège Simone de Beauvoir, association A.TD. quart - monde .. .). • Le 21 juin 2003, fête de la musique anti-raciste avec les , classes chantantes '. Le lieu, proposé par la nouvelle municipalité (élue fin 2002), est le domaine de Fontblanche. Tout un symbole de renaissance pour ce magnifique centre culturel délaissé pendant des années. Et maintenant, notre marraine MarieFrançoise Delarozière, écrivain et artiste plasticienne, nous révèle, dans ses beaux livres, l'imagination de créateurs surprenants: enfants, cuisiniers, artisans à travers le monde. Vous adorerez, pour ne citer qu' eux : ' Jouets des enfants d'Afrique " (Edisud !UNESCO), ,Cuisines d'Afrique " (Edisud) et, bien sûr, le magnifique ' Herbier vagabond" (Edisud), écrit en collaboration avec Claude Meslay, botaniste et trésorier de notre comité local. Grâce à Marie- Françoise, notre projet s' est infléchi sur l' art, apte à éveiller chez les enfants un imaginaire hors- préjugés. Pour que la fée des contes ne soit pas invariablement blonde! Symboliquement, nous sommes donc partis à la rencontre d' autres enfants, scolarisés dans le :XX' arrondissement de Paris, école Olivier Metra. Un CM2 poète, participant au printemps du même nom. Passerelle : un atelier d' écriture ' Amitié " là- bas et ici. Passerelle: entre nos comités locaux, Paris :XX' et Vitrolles , pour l' organisation de cette journée, le 17 mars à Paris, en ouverture de la semaine d' éducation contre le racisme. Il ne vous reste plus qu' à venir chez nous jouer à Mixpopuly, le 5 mai: un jeu créé par le MRAP de Montpellier et interprété, en version , enfants ", par les jeunes Vitrollais. , Pour l' amitié, pour le dialogue, des ponts, partout des ponts , (A. Monjo). Vous êtes d' accord, bien sûr ? (') - Pour le comité local de Vitrolles • Différences . - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 19 20 Education Edito ! International Dossier Immigration 1 Discrimination ! ducatlo, ! Kiosque lutte antiraciste, égalité de traitement et éducation Par Abdlaziz Gharbi (*) La lutte contre le racisme en France, doit aujourd'hui être résolument axée vers la création de droits conditionnés par la résidence et non plus la nationalité. La démocratisation des rapports sociaux, nécessaire à la cohésion sociale de notre pays, n'est possible qu'en ces termes. Il est illusoire de penser que l'antiracisme peut se fonder et agir grâce aux thèses intégrationnistes. C'est un écueil. L'expérience de SOS Racisme comme instrument de lutte contre le Front National le démontre. Au contraire, la lutte contre le racisme doit avoir pour objectif l'égalité et non cautionner, à l'instar de l'intégration, une inégalité de traitement, une discrimination en vertu des réalités économiques justifiant le traitement méprisant des sans- papiers ou des immigrés, ou sociales, comme le sentiment d'insécurité autorisant de nombreuses interventions policières telles que les contrôles au faciès et les fouilles de véhicules conduits par les maghrébins, africains ou assimilés. Actuellement, la lutte contre le racisme doit de plus considérer la redéfinition de l'espace public (particulièrement les phénomènes de ségrégation) opéré par les politiques de logement, la politique de la Ville et les lois sécuritaires à l'échelon local et national, comme un obstacle à l'égalité de traitement et à l'exercice des missions sociales éducatives de protection des enfants pauvres. Antiracisme et Sécuritaire peinent à cohabiter. Ce n'est pas le cas des thèses intégrationnistes qui s'avèrent être un excellent vernis pour les politiques sécuritaires tandis que l'antiracisme renvoie à l'égalité de traitement. L'objectif de la lutte antiraciste est l'instauration de l'égalité de traitement L'égalité de traitement est la raison d'être et l'aboutissement du combat pour l'égalité. Cette lutte est légitime, elle nourrit le fait démocratique et pérennise le principe de laïcité qui alimente la cohésion sociale. C'est pourquoi militer contre les discriminations pour l'égalité de traitement équivaut, non pas à une option politique incidente, mais à un autre projet de société en adéquation avec l'application des valeurs universelles de liberté, de justice et de paix communes à tous les peuples contenus dans les textes fondateurs de notre République. Pourtant le racisme en France est d'ordre structurel. Il se manifeste certes dans des attitudes extrêmes, mais surtout dans des textes. Les Ordonnances Royales de Louis 14 instituant l'esclavage appelé communément Code Noir, comme instrument de la traite du Peuple Noir, le Code de l'Indigénat pour s'accaparer les richesses des colonies et réduire les indigènes au quasi statut d'esclaves après les avoir exterminés, le Gouvernement de Vichy avec les lois anti-juives de 1942, la déportation. Tous ces textes attestent de pratiques discriminatoires institutionnelles. La pratique discriminatoire est à ce titre une tradition administrative qui opère toujours dans les relations entre l'usager immigré, ou assimilé comme tel, et les services publics en France. Les exemples sont en la matière foisonnants si l'on se réfère à la pratique du contrôle d'identité, des emplois publics réservés, voire à l'ordonnance de 1945 conditionnant l'accès au droit à la résidence en France pour les étrangers hors , UE '. Cette réalité doit être prise en compte dans la lutte contre le racisme. Aucun service public n'est épargné et certainement pas l'école qui aujourd'hui devient le théâtre de nombreuses discriminations formalisées notamment par l'expulsion massive du système scolaire d' enfants d'immigrés ou pauvres. Instrument et cadre de la lutte contre le racisme: l'éducation Les faits précités indiquent l'école comme lieu d'activité privilégié pour les militants de l'égalité de traitement. La lutte contre la discrimination est un enjeu politique, c'est aussi un défi éducatif. La création des conditions d'émergence et de pratique de l'égalité de traitement s'inscrit dans la promotion de principes de reconnaissance grâce à l'enseignement de l'histoire, du droit, à la lecture et à l'écriture. Cette entreprise de valorisation peut être formalisée par un cours d'histoire populaire de la France relatant et expliquant les luttes démocratiques populaires menées, contre l'arbitraire institué, par les esclaves, les ouvriers ou les indigènes pour l'émancipation et la justice. Ce procédé a le mérite de restituer une identité plus juste et plus riche aux élèves concernés par cette histoire. De fait l'élève enfant d'ouvrier, d'immigré, ou de chômeur ne se perçoit plus exclusivement comme sujet mais comme acteur. Si au lieu et place de la défiance ou du silence, l'espace public fait place à cette identité, l'élève disposera d'un modèle. Dans cette mesure le jeune européen pourra découvrir que son camarade de classe malien, algérien ou rom est issu d'un peuple, d'une civilisation et qu'à ce titre, tout comme lui, ce sont les dépositaires d'une histoire. De la sorte la déconstruction du préjugé est plus aisé. C'est un premier pas dans la déconstruction du préjugé. Hormis ce procédé de reconnaissance, il est aussi nécessaire de promouvoir l'accès à l'enseignement et à la pratique du droit, de l'écriture, de la solidarité comme outils d'expression dans l'établissement et dans la société. Promouvoir de tels procédés dans l'école permet aussi à l'élève d'identifier la citoyenneté comme élément pratique de transformation de son environnement et de la sorte de seresponsabiliser. Non seulement l'acte éducatif s'en trouve enrichi, car il donne les moyens à l'élève de transformer sa réalité et de donner corps à la notion de perfectibilité, d'émancipation et de solidarité. Le terrain éducatif est précieux pour la lutte contre le racisme en faveur de l'égalité de traitement devant la loi. Cependant la lutte contre le racisme l'est tout autant pour l'éducation car elle préserve ses vertus émancipatrices et l'autorité de ceux qui en ont la charge. Au delà, elle répond au besoin de respect et d'égalité manifestée par les élèves dans leur réactivité. De la sorte, l'éducation est un terrain privilégié du combat pour l'égalité. Agir auprès des profs, et des élèves est en premier lieu une contribution pour l'émergence de nouveaux acteurs politiques locaux porteurs de nouveaux besoins. C'est aussi un bon déclencheur pour instaurer des logiques de lecture et d'écriture chez les élèves les plus en difficulté. Investir le domaine de l'éducation sociale peut aussi permettre aux éducateurs de rue, aux assistantes sociales d'enrichir leur arsenal pour effectuer leur travail d'insertion et de lutte contre la discrimination en faveur de la jeunesse ou des familles en difficulté qu'ils accompagnent. La promotion de l'égalité peut aussi s'intégrer à des logiques d'alphabétisation afin de permettre aux parents primo arrivants d'être informés sur les questions sociales et de pouvoir agir dans le cadre de collectifs citoyens locaux pour la défense de leurs droits et de se socialiser sans culpabilité. La lutte contre le racisme doit donc être aussi une lutte axée vers l'analyse des conditions d'émergence de droit et d'égalité grâce à la déconstruction du préjugé au moyen de l'histoire, de la promotion de l'accès au droit et à l'expression. C'est à cette seule condition que l'égalité de traitement pourra devenir pratique, car il s'agit de la rendre opérante dans les rapports sociaux au sein de l'institution et plus généralement dans l'espace public. L'Ecole des Citoyens depuis 1998 dans ses interventions quotidiennes s'attelle à cette pratique pour développer une citoyenneté tendue vers la solidarité et non plus inspirée par la peur de l'autre. (~- Membre fondateur et concepteur de l'action de L 'EDC Mèl :azouzedc@hotmail.com. Tél. .' 01 42 788356 • Différences . - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 Edito International Dossier 1 la censure des bien-pensants René Ménard et Emmanuelle Duverger personnalités respectables de par leurs engagements en faveur des droits de l'homme, viennent de publier un essai, « La Censure des bien pensants: liberté d'expression, !'exception française. )) Au premier abord, ce texte bien documenté a le mérite d'éveiller la curiosité sur les lois françaises, mais aussi américaines. Il pose avec pertinence le problème de la censure littéraire dans le domaine littéraire qui peut criminaliser certains auteurs de fiction. Il dénonce utilement " l'opacité si commode aux petites affaires de ceux qui nous dirigent ". Mais ici s'arrête l'utilité de cet ouvrage. Le reste est une plaidoirie agressive en faveur du droit de tout dire partout n'importe quand et sur tout s~jet. C'es; un hymne à la gloire de l'ultralibéralisme des Etats-Unis, reléguant, en les singeant, les organisations de défense des droits de l'homme dans le camp des totalitarismes qualifiés de " censeurs ridicules ", de bien pensants, et ' d'apprentis inquisiteurs ". Cette confuse contribution au débat nous inquiète. Elle brouille les données et bêche dangereusement le terrain de nos ennemis communs. Suivre les auteurs dans leur logique, c'est de fait accepter que le racisme soit une opinion comme n'importe quelle autre, c'est tolérer, au risque de la banaliser que l'on crie publiquement et impunément" mort aux juifs" ou " mort aux arabes ", c'est faire de " sale negro " une expression du vocabulaire admissible. Eh bien, non! Car si liberté d'expression est un élément constitutif de la démocratie, elle demeure incomplète si elle n'oeuvre pas au respect de l'égale dignité de chaque être humain. Les auteurs oublient qu'une victime du racisme est une personne qui, sous l'injure humiliante, blessante, est seul. D'autant plus quand l'offense est distillée à travers des écrits publics ou des émissions de télévision. Jamais nous n'avons conçu la loi contre le racisme comme une camisole qui étouffe les libertés. Elle représente pour nous ce qui permet à la solidarité de s'exprimer publiquement et aux victimes de s'organiser pour laver l'affront fait à des être humains parce que nés ... Evidemment les gens peuvent penser ce qu'ils veulent, écrire dans leur journal intime leur haine des juifs, des musulmans, des émigrés, des tsiganes ... Cependant, dès que cela devient public, il y a danger pour autnü. Le dire encourage le faire. Rappelons-nous de ce qu'il advint de Brahim Bouaram dont le inalheur, parce que né marocain, fut de croiser sur son chemin des individus abreuvés de haine venant du cortège du Front National ; rappelons-nous Ibrahim Ali, jeune comorien assassiné d'une balle dans le dos par des colleurs d'affiches du même Front National. Rappelons-nous des victimes de Robert Brasillach, rédacteur en chef de ce torchon antisémite qu'était je suis partout. Ces vies arrachées, qu'est-ce sinon la tragique démonstration que la parole qui se sédimente se transforme, aujourd'hui comme hier, en arme qui tue. La seule exception admise par les auteurs est imaginée en ces termes: , Si vous arrivez au milieu d'une foule en colère, une corde à la main et si vous désignez un noir en criant '. Pendez- Ie , alors vous méritez d'être poursuivi ". Or, c'est bien de prévenir et d'anticiper le pire que la loi, à cet égard, est utile. Bien sûr, nous aimerions, à l'unisson des auteurs, , parier sur l'intelligence ' de chacun. Et nous n'avons par la naïveté de croire que l'unique . judiciarisation • du racisme le terrasserait ou le préviendrait. A ce propos nous ne pouvons que regretter que les auteurs aient oublié le fil rouge du travail quotidien de nos, militants, les actions de solidarité humaine envers toutes les victimes du racisme, l'investissement sur le terrain de l'éducation, les actions collectives en faveur de l'égalité des droits menées quotidiennement par le MRAP. Je tenninerai en disant heureuse exception française qui fait de l'expression publique du racisme un délit et non hlne opinion. Nos deux auteurs, qu'ils le veuillent ou non, oeuvrent à instaurer un droit à l'expression du racisme. L'histoire a trop montré en Europe et ailleurs les ravages du racisme, pour que l'on permette, au nom d'une liberté d'expression abstraite, le déni d'humanité à quiconque. Mouloud Aounit I.e 3 février 2003 • Différences· - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 21 22 r ..... ... 11ilJ(~ Edito 1 International Dossier 1 mnlgratio - 1 Discrimination 1 Education Kiosque Théo Klein Avocat, ex-président du CRI F (1) Auteur du « Manifeste d'un juif libre » (2) Propos recueillis par Serge Goldberg Différences: « Dans votre ouvrage, vous dites ne pas croire à un sursaut de l'antisémitisme en France .pouvezvous nous dire pourquoi? » On constate d'abord que les événements se sont produits à compter d'octobre 2000, début de la seconde intifada, c'est-à-dire que le calendrier correspond aux événements du Proche- Orient. Ceux qui prennent les juifs comme cibles regardent les images télévisées. Qui commet les actes? Les violences émanent d'une jeunesse généralement maghrébine, dans des lieux où la présence juive est visible (synagogue, écoles, kipas .. .). La position juive n'est pas violente à la différence de la jeunessse maghrébine. Il y a donc incontestablement des violences contre les juifs, que ces derniers qualifient d'antisémites. Mais quand on analyse les faits, on s'aperçoit que cela n'entre pas dans le cadre habituellement défmi comme antisémite, car c'est un phénomène qui n'entraîne pas le peuple français dans sa globalité. Par ailleurs, je crois que l'antisémitisme est dangereux non pas individuellement mais au niveau d'une organisation qui voudrait se servir de ces réactions au plan politique. Je ne constate rien de ce genre en France, puisque même Le Pen a cessé d'utiliser l'antisémitisme comme outil de progression. Il n'en a pas besoin. Ce qui m'effraie dans la réaction de la communauté juive, c'est une réaction du ghetto. J'aurais compris que le président du CRIF dise au Premier Ministre qu'une , violence, dont les juifs sont victimes, se développe dans les banlieues ... que faites-vous contre cette violence? '. Au lieu de réagir en citoyens, on a réagi en juifs. Pourquoi nous mettre à part ? Dernier argument : tout mouvement antisémite a toujours été anti-démocratique, et notre devoir quand nous sommes les premières victimes est d'avertir tout le monde. Alors que notre réaction est politiquement stupide puisque nous disons à la population française, c'est nous! ". Différences : « Dans la seconde partie de votre ouvrage, vous défendez comme nous une solution négodée au Proche-Orient, sur la position " deux peuples, deux états " ... Comment cela est possible dans l'avenir? Je pense qu'il faut prendre le problème à son point de départ. Dans l'Empire Ottoman les juifs et les arabes vivaient ensemble, et la guerre de 14-18 a amené les puissances anglaise et française à chasser l'Empire de ces lieux. C'était une période intéressante où les arabes étaient très impliqués dans l'avenir de ce territoire, et des documents prouvent que les arabes avaient compris l'intérêt de l'apport des juifs (traité Fayçal-Weizmann) et l'existence d'une certaine parenté. Pourquoi tout cela a mal tourné ? A cause de deux phénomènes: - la présence de la puissance coloniale anglaise ; - le fait que les juifs ont construit les structures d'un futur état, et que les l arabes se sont bloqués sur le rêve d'une grande nation arabe, sans rien construire. Les historiens conclueront que le nationalisme palestinien est né au contact du nationalisme israëlien, et aujourd'hui on se trouve face à un problème très difficile : les israëliens n'ont pas vu clair dans la revendication d'un état palestinien. Pour moi, la meilleure solution serait une fédération, mais la nécessité est de commencer par deux états indépendants. Il est urgent d'accorder aux palestiniens le respect et la nation qu'ils méritent, d'autant plus que les israëliens se rendent compte de la nécessité d'une nation juive. Comment refuser aux autres ce qui a tant de prix pour soi? (1) - Conseil Représentatif des Institutions juives de France. (2)-EditionsLianaLévi, 143pages, 12€. " Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 I .------------------------------------------~------------~' ----· 24 janvier 2012 à 13:44 (UTC) "- -". .... 1r-.-.I-.-.ll·~H.m Edito International i Dossier 1 mmigl'atiOP 1 Discrimination i Education 1 Kiosque Chaners et développement Par Paul Muzard (*) Après l'expulsion de 30 ivoiriens et 24 sénégalais reconduits dans leurs pays respectifs par charter affrété par le ministère de /'Intérieur conjointement avec le gouvernement allemand, et encadrés par 89 policiers, le MRAP a condamné une opération contraire à la Convention européenne des droits de l'homme qui stipule que Il les expulsions collectives d'étrangers sont interdites Il. u-delà d'une illégalité qui ne semble déranger aucun gouvernement et aucune majorité, les associations craignent des pratiques scandaleuses, inefficaces, démagogiques et dangereuses. A juste titre. Quand ces hommes arrivent dans leur pays comme des délinquants, les policiers français qui les encadrent ne sont pas accueillis à Abidjan ou à Dakar, comme l'a été à Alger la délégation qui accompagnait]. Chirac; ils sont même traités de ' blancs" plutôt que de français, par référence bien sûr à la colonisation et à l'interventionnisme encore actuel de l'armée française. Comme les autres anciens colonisés ou non, des algériens font l'objet de refoulements pour divers motifs. Ce qui n'a pas empêché des jeunes - au courant des expulsions de sanspapiers,- de réclamer bruyamment à Jacques Chirac, parfois avec humour, des visas pour venir travailler ou étudier en France. Peut-être de futurs clandestins ! Si la dénonciation des vols par charters, - vols dont les ministres de l'intérieur successifs se vantent, - est justifiée, elle semble cependant s'en prendre davantage, ou - trop uniquement,- au comment plus qu'au pourquoi. Les militants des associations des droits de l'homme, COmme on les nomme parfois, dénoncent les expulsions opérées après des maintiens, sans droits, sur le territoire français, dénoncent des procédures variées selon les préfectures, dénoncent l'envoi par charters pour désengorger les zones d'attente - ce qui n'est pas un motif de droit -, parfois sans que soient sérieusement examinés les réels motifs de ceux qui sont venus en France pour solliciter une protection en raison des menaces qu'ils subissent dans leur pays d'origine, parfois sans que soient prises en compte des maladies graves qui ne peuvent être traitées efficacement au coeur de l'Afrique, en particulier cette maladie grave qu'est la faim qui les affecte eux-mêmes et leurs familles. Comme certains des refoulés résistent à leur embarquement, ils subissent des violences dont certains en sont morts. L'embarquement par la force est une violence. Le fait que le ministre de l'Intérieur décide de réserver une place à un représentant d'association qui pourra constater que, dans chaque vol groupé, tout se déroule dans des conditions strictement conformes à la législation, ne changera rien à l'affaire; l'expulsion sera toujours une violence à l'égard de gens menottés ou attachés, coupables d'avoir appelé au secours, sans avoir reçu d'autre réponse à leur question. Et desserrer les menottes ne les supprimera, ainsi que l'humiliation qui est attachée à ce genre d'instrument. Les dénonciations de tous ceux qui manifestent leur opposition à ces mesures sont donc légitimes, parce qu'elles touchent aux droits humains fondamentaux qu'on appelle les droits de l'homme. Les charters sont des instruments sans mémoire. Aussi les refoulés sont traités comme des délinquants puisqu'ils résistent à des injonctions décidées au nom des lois de la République, au nom du peuple français. Parce que, répète-t-on, la République ne peut pas accueillir toute la misère, ou tous les malheurs, du monde. Tout ce premier processus ne concerne pourtant que le comment de ce voyage de retour. Mais soyez rassurés, braves gens; le ministre de l'Intérieur sera strictement en règle avec la loi et vous n'aurez donc plus aucun motif de dénigrer ces vols groupés, ni de les contester devant les tribunaux. Le comment de ces voyages garantit, on vous l'assure, la sécurité de tous. Mais quoi qu'en dise le Ministre, l'éloignement, répétons-le, est en lui-même une violence. Et aucune réponse fondamentale n'est donnée par le gouvernement sur le pourquoi de ces charters. Pourquoi une véritable misère du monde nous

envahit-elle ? en quoi nous concernet-

elle au point de nous en rendre responsables? Le monde relativement riche dans lequel nous vivons nous appartient, ne l'avons-nous pas construit avec nos bras et surtout avec notre intelligence ? Mais tous ces étrangers, pourquoi viendraient-ils, - véritables sans-gêne et pique-assiettes - se mettre à table ? ... chez nous? De quel droit ? Cette question demeure sans réponse car nous sommes frappés d'amnésie et sans mémoire. Nous vivons dans l'abstraction du moment, ou de l'instant. Oui! sans Mémoire nous vivons! sans Mémoire, comme si le monde dans lequel nous vivons était sans passé, sans histoire. Nous connaissons pourtant les ravages de la mondialisation libérale, ou plutôt nous commençons à en entendre parler, un peu, et à découvrir à voix basse comment les pays riches s'attachent méthodiquement à endetter les Périphéries. Nous devrions connaître par coeur les mécanismes de ce qu'on appelle la dette qui résulte de prêts consentis à des taux usuraires, dont les pays débiteurs s'imaginaient pouvoir s'acquitter par un échelonnement, puis par d'autres rééchelonnements de remboursements, avec chaque fois les Programmes d'Ajustement Structurel, savamment concoctés par les riches prêteurs. Hélas beaucoup ne le savent pas, parce qu'ils ne doivent pas savoir, il ne faut pas qu 'ils sachent. Or le résultat de ce système, est qu'en effet l'Ajustement en question, est un véritable pillage qui ne laisse plus, aux gouvernements dépendants, de disponibilités pour le développement, en particulier pour l'instruction, pour la santé, pour la nutrition, etc. Les pays pauvres sont ainsi en panne de développement ' désajusté ". De plus, les pays riches, comme les Etats-Unis et même l'Union européenne, n'ont aucun scrupule à subventionner leurs agriculteurs pour concurrencer des produits des Périphéries, comme leurs céréales ou leur coton ; des pratiques qui ont été violemment dénoncées par les pays pauvres - les 77 - au Sommet de la Terre, à Johannesburg. En vain. Les riches tiennent bon. Et que dire des engagements de verser 0,70 % du P.I.B. pour l'Aide Publique au Développement, dont les pays riches ne s'acquittent que très partiellement: la France ou l'Union Européenne: 0, 30 %, les Etats-Unis: 0,1 %, la règle étant le plus souvent de ne jamais respecter des engagements pris quand il s'agit de la vie des pauvres. A quoi, il faut encore ajouter cet autre pillage, celui de toutes les richesses du sous-sol ou autres qui sont l'objet d'une véritable rapine, appropriées par de grandes Sociétés transnationales qui corrompent des chefs d'Etats, pendant que les peuples crèvent de faim, complètement dépouillés de leur patrimoine national. Pendant ce temps les pays riches peuvent assurer, eux, leur développement industriel... Appauvrissement encore par le biais du Commerce. Aux mains des pays riches, l'organisation Mondiale du Commerce règne sur l'organisation des prix de sorte que les pauvres sont contraints de vendre à bas pris les produits qu'ils vendent et de payer très cher les importations de ce qu'ils doivent acheter. Entr'autres motifs des vols groupés, selon M. Sarkozy, est la peur qu'il nous fait de la montée du Front National. Renvoyer ces clandestins serait un argument d'expulsion; autrement dit, il faudrait organiser des sondages pour savoir à partir de quel nombre l'extrême droite ne serait plus un danger, et plutôt que de lutter de front contre l'extrême droite, s'en prendre aux victimes de la misère du monde dont nous sommes collectivement responsables. Alors, dans ces conditions, quelle issue ont les paysans africains, appauvris à n'en plus finir? Où aller? Aller se concentrer dans des villes déjà surpeuplées? ou aller en Europe, dans ces pays dont, par paraboles interposées, ils découvrent le luxe vanté par les riches publicités, et en rêvent. Alors beaucoup tentent un voyage dont le coût les endette un peu plus, et au bout duquel ils se retrouvent délinquants, avec pour accueil un·charter qui les attend, pour un retour vers l'enfer. Beaucoup de ces clandestins le sont en raison de la colonisation qui les a domestiqués et de l'exploitation qu'ils ont subie et subissent encore. Un engrenage inexorable. Ils sont donc pauvres, mais cependant pas totalement démunis, car le machiavélisme de l'usurier se garde en réserve de quoi prolonger le pillage. Les charters sont l'un des moyens de maintenir une domination camouflée. . Car si, par hypothèse un peu farfelue, les pays pauvres, endettés ou spoliés, venaient, par une absurde émigra- • Différences · - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 246 - Avril 2003 23 " Immigration Edito International Dossier Discrimination Education Kiosque tion clandestine, récupérer partiellement leur patrimoine, ce serait tout le système qui serait compromis. Aussi est-il important de criminaliser au maximum ces hommes toujours en transit, d'en faire des délinquants, pour masquer ce qu'est le véritable commerce international. Alors quand nous dénonçons les méthooes employées pour se débarrasser des ivoiriens, des sénégalais, des algériens et autres clandestins, dénonçons cet engrenages implacable. Et si quelquefois des policiers ou des juges ont des difficultés à identifier ces . pseudo-délinquanls, qui perdent \'OJontairemcnt [ews papiers, leur identité, conseillons à nos élus ou à nos gouvernants, d'aller flâner dans ces pays où les enfants meurent avant l'age de 5 ans. Surtout ne nous taisons pas, car c'est là qu'est le lieu de la véritable action politique. Sinon le véritable objet1if des chanciS pourrait bien être un calru] machiavélique consistant à nous faire apitoyer sur le sort de ces pauyres clandestins, victimes de passeuiS sans scrupules ct insaisissables. Or, c'est le trafic véritable des hommes et leur endettement qui est le véritable jeu clandestin. Cette action - (X>litique - es! difficile car le camouflage qui es! dressé (X>ur cacher la vérité, bloque la Mémoire, de telle sorte que nOire peuple soit maintenu dans l'ignornnoe, dans les médias, dans l'enseignement, et ailleuiS. Aussi la justice ou l'égalité entre les nations, nanties ou pauvres, dans le contexte des mouvements de populations, ont besoin d'une politique de l'immigration repensl>e ; nous disons bien une politique, et non d'une police répressive, aveugle par définition. C'est ce qu'a très bien dit réoemment Bernard BiiSinger, maire de Bobigny en Seine-Saint-Denis:. Il y a des milliers de sans-papiers en Seine-Saint-Denis, cela prendrait des années (X>ur renvoyer tout le monde. Cette (X>litique ne tient pas debout. La (X>lilique d'immigration doit t1rc pensée autrement qu'à travers l'irisécurité. On ne peut pas rester entre deux eaux. Les quatre dllquièmes de la popu(atioll mondiale crèvent de faim alors que 90 miUianIs de dollars par an pendant dix ans suffiraient pour répotuire aux besoim de la planète. Cest de oela qu'üfaut parler. Et de ce que coûtent la mobilisation militaire contre llmk ou un sous-marin nucléaire par exemple .... Il faut passer de véritables accords avec ces pays et traiter la question du développement économique .• (1 - Membre de la présidence du Ml/AP Kiosque Engrenage et dynamique du racisme UII livre édité par le ii/RAi> Auteur: P.lIIuzard critique: • Aujourd'hui, féprOlJ\'e le désir imcnse d'encourager les leeteulS du . réveil des combattants - a acquérir et à lire ce livre. Un livre de plus penserez vous! Je me permet5 d'insister. Ce livre peut el doit être pour nous un outil pour faire pièce aux idées reçues SUI le • pr0- blème des étrangelS • qui emfX.>isonnent la vie démocratique en France ... Ce livre est d'une lecture facile avec un argumentaire simple et beaucoup de textes de référt"flCe qu'il serait dommage d'ignorer... Il nous rend bien conscients que les crimes du colonialisme continuent dans les discriminations d'aujourd'hui ... • • """"" """"In rMlIcJellr m c/Nf du jourotll • rét'ell des CQtI!Ml/al/lS '. Pnisideut de /ltRAC PlusÎeurs ouvrages ont ete recemment republies sur la periode 1939-1945, en format de poche. Le témoin imprévu Témoignage -J'ai Lu Auteur :]o Wassbiat En octobre 1944 ,Jo Wassblat , un iuif polonais de 15 ans, es! poussé dans la chambre à gaz, la (XKte s'est refemlée". Puis rouverte sur ordre de Mcngele. Survivam de Birkenau, il al!endra plus de cinquante ans (XlUr révéler son secret. Ce témoin imprbu JXIrle de 50Il expérience exoeptionnell , mais également des personnages qui l'ont marqué. Une hisloire à découvrir. • La cliente Romall Folio Auteur :PieTWAssotllil1e En poursuivant des recherches sur la vie d'un écrivain, un biographe découvre par hasard des milliers de lettres de Pierre Assouline La cliente dénonciations. Ecrites sous l'occupaticln. elle SOnt en principe inconsultables. l'une d'entre elles concerne ["un de ses propres amis , un commerçant dont la famille a été déportée ... Méditation sur la banalité du mal, ce rédt est celui d 'un obsessionnel que la volonté de comprendre a failli faire basculer de ["autre côté du miroir. • le pianiste Biographie ltxket Auteur :W1ad)'sJaw SzpilmaJ/ Septembre 1939 : Varsovie est é<:rasé sous les bombes allemandes. Avant d'être réduite au silence la radio nationale réalise la dernière émission . Les aoeuds du • Nocturne en ut dièse mineur . de Chopin s'élè\"enl. L'interprète s'appelle Wladyslaw Szpilman. Il est juif. l'our lui, c'est une longue nuit qui commence". Un oOEcier allemand, un juste, hanté par I"atrocité des aimes de son peuple, le protègera et le sauvera. Après avoir été directeur de la radio nationale polonaise, Szpilman a eu une carrière intcmàtionale de compositeur et de pianisle, avant de mourir à VaISOvie en juillet 2000. Il aura fallu plus de cinquante ans pJUr redécouvrir ce texte, à la fois sobre et émouvant. Le succès du film de Polanski a hâté sa me en livre de po;.:he et multiplié sa vente . • C'est en hiver que les jours rallongent Editiolls du Seuil Auteur :josepb Hialol Joseph BiaiOI est écrivain, auteur de nombreux récits de fiction (la plupart aux Editions du Seuil). Ici il évoque son vécu 11 Auschwitz, sa libération et les jours qui ont suivi . Un récit très fort sur le • réel . de la déportation • l'espèce humaine Galimarrl Auteur: Robert Allt~me Ce récit édité pour la première fois en 1947 par un inleUeauci fran~is déporté politique, a été le texte Je plus imfX.>rtant sur la déportation, après la libération. l'expérience d'Antdme qui fut celle de l'homme réduit à l'irréductible, plus encore, toute l'existence humaine affrontée 11 l'indicible, représente dans la littérature française ce que fut Primo Lévi dans la littérature italienne et européenne. • Quoi de neuf la guerre? Romall Folio AI/teur: RobertBt:JWr Cet ouvrage est sous titre - un monde presque paisible " film récent de Michel Deville. librement inspiré de cet ouvrage de Bober &lité en 1S93 chez Gallimard.,\'ous sommes en 1945-46 dans ["atelier Robert Bober Quoi de neuf sur la guerre? "~._.~::g ~.. l, Ill&. PRESQUE PAISIBLE l' . . ~ .. . , .. ,.,,1. ' •• . -'~~-i~"':;;' ""'~ de confection pûllr dames. de Paris. Dans l'atelier de m. Albert, on ne parle pas vraiment de 13 guerre. on tourne simplement autour même si parfois, sans prévenir, elle fait imJplion. Il y a aussi de l'autobiographique chez Bober, rescapé d'Auschwitz ou ses parents Ont péri. • _ DUférenoes . _ Mouvement contre te racisme et pour l'amitié des peuples - n' 246 - Avrit 2003

Notes

<references />

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