Différences n°20 - février 1983

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Sommaire du numéro

n°20 de février 1983

  • Edito: Le devoir de savoir par Albert Levy
  • Les déportées du Cap (Afrique du Sud)
  • Comme des étrangers dans la ville (immigrés et municipales) [immigration]
  • Quand l'imam joue au shah (Iran) par Yves Thoraval [Moyen-Orient]
  • Expliquez-moi: les chiffres par Pierre Vandeginste
  • Miami (réfugiés haïtiens) par Robert Pac [U.S.A.]
  • Exodes africains (réfugiés en Afrique) par Mario Granelli
  • Spaghetti grenobloise par Emile Murene
  • Le Brésil démasqué dossier par Véronique Mortaigne
    • Dettes par J.M. Ollé
    • Volta redonda par Pierre Leboulanger
  • Réflexion: l'homme est-il bon, est-il méchant entretien avec Albert Memmi
  • Culture: Wagner est-il coupable par Claude Jallet
  • Dora (Dora Teitelboïm) par René Duchet
  • Histoire: les usuriers du roi Edouard par Micheline Larés
  • En débat: des femmes libres: leïla Sebbar, Giséle Moreau, Danièle Lebrun, Françoise Giroud
  • Amos Gitaï: "L'honneur d'être censuré" propos recueillis par J.P. Garcia
  • Humeur: Super Gotlib, entretien avec Marcel Gotlib

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23 rue du Mail 75002 PARIS Edito DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 LE DEVOIR DE SAVOIR L INCULPATION de Maurice Papon, l'arrestation de Klaus Barbie, le cinquantenaire de la prise du pouvoir par Hitler, la parution d'une collection reproduisant les journaux de la dernière guerre: autant de faits, quoique disparates, qui font resurgir dans l'actualité le temps du nazisme et de l'occupation. Si l'officier SS Klaus Barbie, chef de la Gestapo à Lyon, personnifie sans conteste l'horreur de ces années terribles, l'affaire Papon nous interpelle, en un sens plus directement, car elle éclaire les responsabilités de chaque individu vis-à-vis de l'histoire. Secrétaire Rénéral de la préfecture de Bordeaux, Maurice Papon prenait une part active à la chasse aux juifs. Plusieurs documents revêtus de sa signature témoignent de son zèle dans l'exercice de ses fonctions. Sous son autorité, 1 690 personnes au moins ont été arrêtées et transférées à Drancy, antichambre d'Auschwitz. Parmi elles, 230 enfants dont aucun n'est revenu. Comme beaucoup d'autres serviteurs des nazis et du gouvernement de Vichy ayant trempé dans les persécutions antisémites, Maurice Papon affirme avoir sauvé plusieurs juifs au moment même où il en envoyait des centaines vers les chambres à gaz. S'il a, par ailleurs, coopéré avec la Résistance, ceci efface-t-il cela? Que signifie« résister» si on lefait dans de telles conditions, en livrant des enfants à la mort pour la seule raison qu'ils sont juifs ? .. Et puis, il y a cet éloge des autorités allemandes: Maurice Papon « collabore sans problème avec la Feldkommandantur. Il est rapide et digne de confiance ». La justice est saisie. Ce qui importe surtout, c'est l'invitation qui nous est faite à réfléchir sur les limites à ne pas franchir, même quand on est du côté de la légalité, pour peu que celle-ci bafoue les droits fondamentaux de la dignité humaine. Il est des moments où chacun - fonctionnaire ou pas - doit choisir en pleine conscience, quels que soient les risques. D'ailleurs, le jury d'honneur auquel Maurice Papon avait soumis son dossier, dans l'espoir d'éviter une procédure judiciaire, malgré l'ambigurté de ses conclusions, est net sur un point: « Il aurait dû démissionner de ses fonctions au mois de juillet 1942 » - c'est-à-dire lors de la grande rafle du Vel d'Hiv. Des années plus tard, la France a connu un autre drame: la guerre d'Algérie, avec son cortège de massacres, de tortures, la négation des droits individuels et collectifs d'un peuple. Ilfallait choisir, là encore. Et là encore, nous trouvons Maurice Papon à la pointe de la répression. Préfet de police, c'est sous sa direction que se déchaînent les violences d'octobre 1961 contre les Algériens à Paris: on comptera les morts par centaines. En février 1962, ce sont des gardiens de « son» ordre qui tuent férocement, au métro Charonne, neuf participants d'une manifestation contre les crimes de l'O.A.S. A ces deux époques, Maurice Papon possédait les données nécessaires pour apprécier la signification de ses actes. Il a choisi. Au niveau des gens ordinaires, c'est vrai, souvent on hésite, on comprend mieux après les événements qu'on a vécus. Mais avec plus d'attention, une réflexion plus rigoureuse, une information plus complète, n'y a-t-il pas moyen de faire dès aujourd'hui les choix responsables qui apparaîtront évidents demain ? Chacun de nous ne peut pas être un héros - même si cela advient quelquefois sans qu'on le veuille ou sans qu'on s'en doute. Tout le monde n'a pas l'esprit militant pour combattre l'injustice. Mais chercher à voir clair, ne pas rester indifférent, se placer sans ambage du côté des opprimés, c'est à la portée de chacun de nous. Ille faut pour qu'un jour, pas si lointain, lorsqu'on nous rappellera ce qui se passe maintenant en France et dans le monde - la paix menacée, le racisme, les inégalités criantes nous ne disions pas: 1 « Oui, c'était ainsi, mais je n'ai rien fait, rien dit ». Ou, pire encore: « Je ne savais pas! » ... Albert LEVY Chaque mois, vous pouvez , vous epargner l'exténuante course folle aux kiosques-àDifférences en l'achetant toujours au même endroit ; en nous signalant les points de nonvent; en le réclamant (gentiment) à votre marchand de journaux, Vous pouvez aussi l'épargner à vos amis, en nous indiquant leurs adresses, nous leur enverrons gratuitement un exemplaire pour qu'ils jugent d'eux-mêmes_ Nom ....... Prénom ...... . Adresse .................... . Nom ....... Prénom ...... . Adresse .................... . Nom ....... Prénom ...... . Adresse .................... . Mais si l'hiver vous engourdit, si la paresse vous affaiblit, vous avez TOUJOURS le droit de vous abonner_ Je m'abonne à Différences, le magazine universel o 150 F (1 an) 0 80 F (6 mois) 0 200 F (soutien) NOM Prénom ................................................. Adresse ............................................................................................................. Code postal ................. Commune ............................................................................ . Profession ...... ... ................ ..... .................... .............................. .... ..................... . Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à : Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS.

  • Abonnement 1 an : étranger: 180 F ; chômeur et étudiant: 130 F.

DIF.20 DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 POINT CHAUD 6 , , LES DEPORTEES DU CAP Le témoignage d'une Sud-africaine arrachée, comme des milliers d'autres, à son foyer. ACTUALITÉ 10 COMME DES ÉTRANGERS DANS LA VILLE ... A la veille des municipales, un constat sur la vie des immigrés. ACTUALITÉ 12 QUAND L'IMAM JOUE AU SHAH La persécution séculaire des Baha'is continue sous Khomeiny. Yves THORA V AL EXPLIQUEZ-MOI 15 LES CHI.F}'RES Comment il a bien fallu apprendre à NOTRE TEMPS 18 EXODES AFRICAINS Deux millions d'étrangers expulsés du Nigéria. Un continent entier qui ne sait plus que faire de ses réfugiés. Mario GRANELLI RÉGIONALE 22 SPAGHETTI GRENOBLOISE Comment la communauté italienne conserve ses traditions dans la ville de Stendhal. Emile MURÈNE CONNAITRE 26 LE BRÉSIL DÉMASQUÉ Carnaval ou pas, le pays « éternellement jeune » a pris des coups de vieux. Véronique MORTAIGNE compter avec le zéro. RÉFLEXION Pierre V ANDEGINSTE EXPLIQUEZ-MOI 17 MIAMI La douceur de vivre en Floride Robert PAC 34 EST-IL BON? EST-, IL MÉCHANT? Albert Memmi s'interroge sur les possibles de l 'homme confronté à la différence. CULTURE 36 WAGNER EST-IL COUPABLE? Cent ans après sa mort, le voici accusé d'avoir été apprécié des nazis. Claude JALLET CULTURE:. 39 DORA De Brest-Litovsk à Little Rock, la longue marche d'une poètesse. René DUCHET HISIOIRE 40 LES USURIERS DU ROI EDOUARD Une remise en cause du goût pour la finance habituellement prêté aux juifs. Micheline LARÈS EN DÉBAT 44 DES FEMMES LIBRES Les séquelles de la libération ... Françoise GIROUD Danièle LEBRUN Gisèle MOREAU Leila SEBBAR Débat préparé par Dolorès ALOIA HUMEUR 50 SUPERGOTLIB Le créateur de Gai Luron, de la Rubrique-à-brac et de Superdupont nous parle d'humour. DIFFERENCES, magazine mensuel créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences, 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : 806.88.33 • Abonnement: 1 an : 150 F ; 1 an à l'étranger: 180 F ; 6 mois: 80 F ; étudiants et chômeurs: 1 ans 130 F ; 6 mois: 70 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage), Soutien: 200 F ; abonnement d'honneur: 1 000 F. Vente à l'étranger: Algérie: JO dinars, Belgique: 140 F, belges, Canada: 3 dollars, Portugal: 250 escudos, Directeur de la publication: Albert LEVY - Secrétariat de rédaction et maquettes: Véronique MORTAIGNE • Service photos: Abdelhak SENNA. Ont collaboré à ce numéro: Dolorès ALOÏA, Daniel CHAPUT, René DUCHET, Dominique DUJARDlN, Jean-Pierre GARCIA, Mario GRANELLI, Marcel GOTLIB, Claude JALLET, Micheline LARÈS, Albert MEMMI, Véroniqoe MORTAIGNE, Emile MURÈNE, Jean-Michel OLLÈ, Robert PAC, Yves THORAV AL, Pierre VANDEGINSTE. Administration: Khaled DEBBAH · Secrétariat: Danièle SIMON· Promotion-Vente: Marie·Jeanne SALMON· Publicité: Différences· Photocomposition-Photogravure: PPC: 805.97.36. ·Imprimerie : Marchés de France, 366.44.86 - Diffusion: N.M.P.P. - Numéro de commissioo paritaire: 63.634 • ISSN : 0247-9095. Photo couverture: Véronique MORTAIGNE. 5 Point chaud , , LES DEPORTEES DU CAP Ballotée entre les bidonvilles de la périphérie du Cap et les réserves indigènes, une femme raconte son cauchemar. Faut-il s'étonner que la métropole sud-africaine n'ait pu trouver en Europe qu'une seule ville candidate au jumelage, Nice ? L Aville du Cap, presque naturellement attire les victimes de tous les déséquilibres du pays. Ils viennent s'entasser dans des bidonvilles autour de l'agglomération: Crossroads, Nyanga, Gugulethu. Mais ce qui gênerait tout autre gouvernement ne dérange pas les dirigean ts sud -africains. Quand on veut nettoyer un quartier, on déporte une partie de la population à plusieurs centaines de kilomètres, sans s'embarrasser de motifs comme le travail, le désir de vivre en famille, etc. Nous avons reçu le témoignage d'une femme, Thandiwe Xundu, qui a lutté pour survivre à ces déportations. Du Cap au Transkei « Je suis née en 1956 dans le bidonville Retreat, près du Cap et j'y suis restée un an et demi. Mes parentS- m'ont alors emmenée avec eux au Transkej!. A 12 ans, je suis revenue au Cap avec mon père parce que j'étais gravement malade. Ma mère était morte quand j'avais 7 ans. Au Cap je suis allée à l'école, primaire puis secondaire. A 18 ans, mon père m'a renvoyée au Transkei où il aurait voulu que je continue mes études dans un pensionnat. Malheureusement, je n'ai pu m'y inscrire. Je n'ai pas non plus trouvé de travail. Après deux ans passés à Tsolo, un village particulièrement misérable, j'ai décidé de revenir au Cap en 1975. En 1976, j'ai été arrêtée avec de nombreux autres jeunes. A l'époque, je vivais à Gugulethu avec mon oncle. J'ai été tellement battue en prison qu'en sortant j'ai dû être admise à l 'hôpital. Je suis encore restée quelques temps avec mon oncle mais il y avait d'autres parents qui arrivaient, et pas beaucoup de place. Alors, en 1977, je suis allée à Langa habiter avec mon père qui s'inquiétait beaucoup pour moi. C'était difficile de vivre dans ces logements réservés aux célibataires mais j'aimais beaucoup être avec lui. Quelques mois plus tard je me suis mariée et je suis partie avec mon mari vivre dans une résidence pour célibataires de Langa. C'est illégal mais nous n'avions nulle part où aller. Comme les autres là-bas nous avons dû subir tant de descentes que j'en ai perdu le compte. Le plus souvent, j'ai eu de la chance: j'avais un enfant, je n'ai pas été mise en prison. ~ « Il a jeté nos habits ... » En 1978, un inspecteur des logements nous a tous mis à la porte de cette résidence. Il a jeté dehors nos habits, tout ce que nous avions. Nous sommes restés à la rue quelques jours, puis nous avons trouvé des barraquements vides, et nous nous y sommes installés. Nous y sommes restés un an et demi avant que M. Potgieter ne revienne pour nous dire de vider les lieux. Nous avons refusé, nous avons dit que nous n'avions nulle part où aller. Il est revenu, a jeté nos affaires dehors, et a tout barricadé. Cette fois-ci nous sommes restés à la rue quatre jours, puis le même homme est revenu et nous a conduit à d'autres barraquements. Nous y sommes restés deux mois. Ce M. Potgieter est revenu ensuite avec deux inspecteurs noirs et nous a dit d'aller aux bureaux de Langa où on nous donnerait des billets pour prendre le train pour le Transkei. Nous avons tous refusé, nous lui avons dit que nous mourrions de faim au Transkei, qu'il n'y avait rien à manger et pas de travail. Il est revenu, a de nouveau jeté toutes nos affaires dehors et tout fermé. Nous sommes retournés dans de vieux barraquements. La chambrée où je me suis retrouvée contenait plus de 50 personnes, il y avait beaucoup de rats, une puanteur terrible. Beaucoup de gens dormaient par terre. C'était terrible mais nous n'y pouvions absolument rien. Il fallait bien vivre quelque part. Nous n'étions pas les seuls. Beaucoup de gens nous ont rejoint qui venaient des bidonvilles de Killarney et Hout Bay. En juillet', les raids ont recommencé. On nous a dit de partir. On a jeté nos vêtements dehors, encore et encore, mais chaque- fois nous avons tout rentré. Beaucoup de gens ont été arrêtés et ont dû payer des amendes. Janvier et mars ont été les plus terribles. Les inspecteurs sont venus à 5 heures du matin. Je dormais, puis j'ai entendu des cris et des jurons. Une torche m'a éclairée en plein visage, un des mes enfants s'est mis à pleurer. Je n'ai pas eu le temps d'habiller les enfants qui avaient trop peur. On m'a battue et traitée comme un chien. D'autres aussi ont été battues. Puis on nous a traÎnées devant leurs tribunaux. Maisons de plastique Je me suis retrouvée avec d'autres femmes. On nous a laissées dehors quatre heures d'affilée. J'étais très fatiguée et démoralisée. Très inquiète aussi pour mes enfants, il yen a un qui a la tuberculose. Le soir je me demandais où nous allions pouvoir nous installer. Quel soulagement quant nous sommes allées aux églises St Cyprien et St Francis, tout près, et qu'on nous a permis de reSler. Nous sommes restées là deux mois et puis, toutes ensemble, nous avons décidé d'aller à Crossroads pour être avec les gens qui se battaient comme nous. Nous y sommes allées en mai. Nous étions très heureuses de nous installer à Crossroads où nous nous sommes fabriquées des maisons à l'aide de plaques de plastique. Une semaine après, un représentant du Bureau est venu nous voir avec quelques inspecteurs. Il nous a dit que nous devrions toutes aller au Bureau pour y recevoir des autorisations officielles de rester au Cap et des permis de travail. Quand nous avons 1 accepté, on nous y a emme- 1 nées en camion. Arrivées là, il y avait un homme qui se disait être le Dr Kornhof. Il nous a dit de retourner au Transkei parce qu'il y a trop de monde au Cap et nous allions leur retirer le pain de la bouche. Puis il a séparé celles qui avaient des « pass »3 de celles qui n'en avaient pas . Je n'en avais pas et comme les autres je me suis entendue dire que nous étions en état d'arresta- Le Cap : les sq uatters de Crossroads tion, après quoi on nous a menées devant le tribunal. Le j juge n'a pas été très sympathique. Quand je me suis décla~ rée non coupable, un inspecteur m'a interrogée. Il a dit qu'il m'avait arrêtée. J'étais fâchée puisqu'il savait que nous étions venues de notre plein gré. Je lui ai demandé comment i'étai, arrivée dans le bureau. L'inspecteur m'a dit que je me croyais trop mahgne el 4U'il ne lallait pas lui parler sur ce ton. Je me suis plainte au juge, je lui ai dit que l'interprète ne nous traduisait pas exactement et nous disait de plaider coupa~ ble, etc. Le juge a alors déclaré que j'étais coupable puisque l'inspecteur disait qu'il m'avait arrêtée. Après ça, on m'a emmenée dans une cellule, puis à la station de Police du Cap où j 'ai passé la nuit avec beaucoup d'autres femmes arrêtées en même temps que moi. Le jour suivant, on m'a mise dans un bus avec 24 autres femmes. Faux billets, train de marchandises Le bus est parti pour le Transkei à 8 h 45. Le jour suivant à 3 heures du matin, nous sommes arrivés à Komgha dans le Ciskei, sans nourriture. Une n'avions pas de « pass ». Ils nous ont aussi dit que les billets de train ne nous serviraient à rien. Nous avons marché 56 km jusqu'à Stutterheim. Nous étions fatiguées, nous avions froid et toujours rien à manger. Nos pieds étaient enflés. Nous sommes allées à la gare où on nous a dit qu'il n'y aurait pas de train avant le lendemain. Nous avons alors trouvé un camionneur qui voulait bien nous emmener à Queenstown en nous faisant payer 3 rands par personne. Nous sommes allées à Queenstown, nous n'avions ._------_._----- des femmes était très inquiète parce qu'un de ses enfants était resté là-bas. C'est là qu'on nous a dit de sortir. Nous avons refusé. Ils se sont fâchés, ont appelé deux camions de soldats avec des chiens. Ils sont montés dans les bus et nous en on fait descendre. Ils nous ont donné des billets de train qui se sont, plus tard, avérés faux. Les enfants pleuraient, ils avaient peur des chiens. Il faisait très froid. Les bus sont partis, nous sommes restés à attendre dans la gare. A sèpt heures, il n'y avait toujours pas de train. Il est venu deux voitures de policiers qui nous ont dit de partir parce que nous plus d'argent, rien à manger. A Queenstown, nous sommes allées à la gare attendre un bus . Il y en avait, mais aucun n'a voulu nous prendre parce que nous n'a vions pas d'argent. Nous avons dormi à la gare. Le lendemain, nous avons retrouvé des amies qui avaient été aussi renvoyées au Transkei. Elles nous ont raconté ce qui leur était arrivé: elles aussi avaient été débarquées . A Khomga, on les avait battues dans le bus . Elles avaient dû marcher longtemps, puis elles avaient réussi à monter dans un train de marchandises. Nous nous sommes mises à chanter. Nous avions plus que jamais envie de retourner au Cap, auprès de nos maris. Au Transkei, nous n'avons pas de famille, ni de foyer. Plus tard ce matin-là, nous sommes allées à l'église catholique où une soeur nous a aidées à convaincre un chauffeur de nous ramener au Cap, avec beaucoup de mal, en promettant que nos maris le paieraient à l'arrivée. Dans le bus, nous étions épuisées mais heureuses de rentrer. Malheureusement, nous avons dû laisser certaines d'entre nous à l'hôpital de Queenstown. Le matin suivant, nous sommes arrivées au Cap et nous sommes allées à Crossroads où nous avions convenu de retrouver nos maris. Quand le bus s'est arrêté, nous avons vu l'officier et ses inspecteurs qui nous avaient fait tellement d'ennuis. Il a voulu arrêter le chauffeur qui nous avait conduites alors que nous n'avions pas de « pass ». Nos maris et des amis se sont approchés du bus. Nous avons alors décidé de descendre parce qu'il y avait une femme enceinte de sept mois qui venait d'entrer en travail. « Nous avons vu nos maris» Malgré les inspecteurs, nous avons réussi à sortir et à aller nous cacher dans Crossroads. Les gens nous ont donné à boire et à manger et nous nous sommes senties très fortes et très contentes. Malgré les inspecteurs en surveillance jour et nuit, nous avons réussi à voir nos maris et avec eux nous avons décidé qu'il fallait rester ou mourir. » Le récit s'achève là. A ce jour, le gouvernement n'a pas changé sa position et continue de déporter indistinctement les populations des bidonvilles. On parle périodiquement d'orphelins, séparés de leurs parents déportés, que ceux-ci ne peuvent, ou ne veulent récupérer dans l'espoir de retourner travailln au Cap. l. Région de l'Est, à plusieurs cen· taines de kilomètres du Cap. 2. L'hiver en Afrique du Sud. 3. Laisser~passer auquel sont assu· jetties les populations noires. QUOTAS AMÉRICAINS Me George Pau-Langevin, viceprésidente du MRAP, prend la parole à un meeting organisé à Paris par une association américaine à l'occasion de l'anniversaire de la naissance de Martin Luther King (15 janvier). Au même moment, aux EtatsUnis, le ministère de la Justice s'attaque aux quotas d'embauche pour les minorités en demandant à un tribunal fédéral d'annuler une décision de la police de La Nouvelle-Orléans qui visait à promouvoir un officier noir pour chaque officier blanc jusqu'à égale représentation des deux communautés. Le système des «quotas positifs » qui consiste à respecter dans l'embauche la proportion existante des minorités dans la population, a aidé à l'intégration professionnelle des minorités raciales et s'inscrit dans le droit chemin du long combat mené par le pasteur assassiné. L'administration Reagan, elle, prétend qu'i! «constitue une atteinte injuste aux intérêts d'innocents employés nonnoirs », alors que le dernier rapport annuel de l'Urban League, nous apprend (19 janvier) que la situation des Noirs s'est considérablement dégradée au cours de l'année écoulée et qu'un Noir sur trois vit au-dessous du 'seuil de pauvreté contre un Blanc sur dix. Ceci après que des affrontements entre policiers blancs et manifestants noirs aient fait un mort et sept blessés à Miami (28 décembre). L'APARTHEID EXPORTÉ Avec la mort (29 décembre) de trois détenus, la liste des suicidés dans les prisons sud-africaines s'allonge une fois de plus. Après avoir affirmé qu'ils étaient morts des suites d'une insolation durant des travaux à l'extérieur, le responsable des prisons a indiqué qu'ils avaient peut-être été victimes d'une action irrégulière de la part de leurs gardes. Même s'il subit de sérieux revers du fait de la résistance armée, l'apartheid règne en maître en Afrique du Sud et le ralliement (4 janvier) du parti travailliste métis au)' réformes constitutionnell~u gouvernement minoritaire blanc, ne peut que le renforcer en contribuant à une plus grande division entre les communautés opprimées. Le Mozambique subit lui aussi cette menace de division, du fait de l'appui sans cesse croissant de l'Afrique du Sud à la rebellion armée menée par la RNM (Résistance Nationale Armée). Ce mouvement composé pour une large part d'anciens agents de la PIDE portugaise, de mercenaires et de rescapés de multiples organisations antiterroristes, a enlevé (29 décembre) deux ingénieurs français et tué leurs accompagnateurs. En Namibie la mascarade a cessé avec la démission (10 janvier) du président du conseil des ministres mis en place par l'occupant sudafricain en 1978. Il le fait pour «protester contre la manière humiliante dont l'administrateur général sudafricain et le gouvernement sudafricain avaient récemment traité le conseil des ministres et l'Assemblée nationale namibienne ». En accueillant à sa réunion du Bureau national (8 janvier), le représentant de la SWAPO en France, Tuliameni Kalomoh, après celui de l' A.N.C., Neo Mnumzana, le MRAP préfère croire en l'avenir et faire confiance à ceux qui refusent l'humiliation de composer avec les racistes d'Afrique du Sud. NÉGOCIATIONS AU PROCHE-ORIENT Les négociations israélolibanaises devaient débuter le 24 décembre. Ajournées une première fois, ce n'est que le 28 décembre que les deux délégations se rencontrent. Dès le début il y a désaccord sur deux points : la validité ou non de la convention d'armistice passée entre les deux pays en 1949, et la définition de l'ordre du jour. Au delà des péripéties propres à ce genre de rencontres, on s'interroge sur la volonté de négocier de la part du gouvernement Begin sur les points essentiels aux yeux des Libanais et de la communauté internationale: .-, le retrait des troupes israéliennes et le respect de l'intégrité territoriale du Liban. Les doutes deviennent certitudes en apprenant (21 janvier) que l'envoyé spécial du gouvernement américain au Proche-Orient n'a pas réussi à infléchir les positions du gouvernement Begin en ce domaine. Ces tergiversations ont un goût amer, quand le ministre israélien du Tourisme affirme (13 janvier) que l'OLP avait proposé un accord de non-agression à son gouvernement avant l'invasion israélienne au Liban. On se félicite dans ces conditions des négociations menées à Vienne entre Palestiniens et personnalités israéliennes sur l'échange de prisonniers, négociations révélées par le chancelier autrichien Kreisky (28 décembre). En Israël même l'opposition demeure vive à la politique actuellement menée ; preuve en est la manifestation du mouvement La Paix Maintenant à Efrat, en Cisjordanie, contre les implantations de colons (15 janvier). Le jour où l'organisation d'Abou-Nidal, condamné à mort par l'OLP, revendique la responsabilité de l'attaque d'un autobus à Tel-Aviv, le roi Hussein de Jordanie et M. Yasser Arafat examinent la possibilité d'une participation jordano-palestinienne à des négociations de paix avec Israël (9 janvier). Pour la première fois, M. Arafat rencontre à Tunis trois personnalités politiques israéliennes, le 1 général de réserve Matti Peled, M. Avnery, ancien député, et M. Arnon, ancien directeur général du ministère des Finances (20 janvier). DROITS ET LIBERTÉS Alors qu'Anatole Chtcharanski poursuit sa grève de la faim, son épouse a tenu une conférence de presse à Paris (12 janvier). A cette occasion elle a lancé un appel à M. Mitterrand, pour qu'il intervienne en faveur de son mari. En parallèle on apprend que le nombre de juifs d'URSS autorisés à émigrer a encore diminué en 1982. 2 670 visas ont été accordés, soit 72 % de moins qu'en 1981 et 95 % de moins qu'en 1979, l'année record. A VOS MARQUES , • En ce soir de Noël 1982, la télévision s'illumine de bons sentiments. Sous l'égide de la S.P.A., les vedettes défilent à « 30 millions d'amis », tenant dans leurs bras des chats et des chiens abandonnés. Jean-Claude Brialy, l'animateur, cherche un maître à ces orphelins. Pour informer les spectateurs, il demande à chaque artiste: « Rappelez-moi la marque de votre chien ? » Pas une seule fois on ne dira race: la nuit de Noël, il y a des mots trop lourds pour la fraternité du moment. Comme d'autres évitent de parler de juifs ou de Noirs mais disent israélites ou hommes de couleur (comme si les Blancs étaient blêmes, ou transparents). Teckel, percheron et pur-sang Pourtant, s'il y a des espèces pour lesquelles on doit parler de race, c'est bien celles des animaux domestiques, génétiquement sélectionnés depuis des siècles pour qu'un teckel ressemble à un teckel, et qu'un percheron tire mieux la charrue qu'un pur sang anglais. Une fois de plus, si on évite désormais le mot race, c'est preuve que l'antiracisme progresse. Encore faut-il ne pas se tromper: ce qui nous intéresse, c'est de combattre l'idée de race, et ses attendus hiérarchisants, dans l'espèce humaine. Pour le bien des hommes de toutes marques. DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 Bordeaux, le 19 janvier. Maurice Papon et son avocat se rendent à la salle d'audience. NOUVELLE CALÉDONIE Après la mort de deux gendarmes (10 janvier), lors d'un affrontement avec des Mélanésiens, on saisit la précarité du nouvel équilibre que tente d'instaurer le gouvernement entre les différentes communautés. Les gendarmes avaient été requis, après un référé, pour récupérer dans une scierie du matériel bloqué par des Mélanésiens en conflit avec la propriétaire de l'exploitation. On partage volontiers les inquiétudes du Haut Commissaire de la République lorsqu'il s'inquiète d'éventuelles provocations, et on le suit encore plus volontiers quand il déclare (13 janvier) qu'il « ne règlera pas la situation calédonienne à coups de gendarmes ». Le même jour, dix-huit Mélanésiens sont inculpés à Nouméa pour leur participation à l'embuscade, et le magistrat précise que de fortes présomptions pèsent sur un des inculpés. Le climat de tension ne s'est jamais véritablement relâché dans cette région depuis l'assassinat du secrétaire général de l'Union calédonienne, M. Pierre est à craindre que les immigrés ne Declercq, le 19 septembre 1981. soient plus que jamais la cible des Par certains aspects, la situation racistes. présente des analogies avec M. Maurice Arreckx, maire de l'Algérie d'avant l'indépendance. Toulon, l'a confirmé de manière Il faut souhaiter que les mêmes affligeante en déclarant (8 janerreurs ne se reproduiront pas. vier), au cours d'une réunion Ô CORSE ... Avec la tentative d'assassinat perpétrée (31 décembre) par le FLNC à l'encontre d'un vétérinaire de Corte, originaire du continent, parce qu'il refusait de payer l'impôt révolutionnaire, c'est une nouvelle escalade de la violence en Corse. Le MRAP pour sa part dénonce, dans un communiqué (4 janvier) « la multiplication et l'aggravation des actes de violence en Corse (qui) s'inscrit dans une logique inquiétante de racisme ». Le gouvernement adopte un dispositif de lutte contre le terrorisme et dissout le FLNC (5 janvier). Le MRAP proteste contre l'assassinat d'un maghrébin, abattu par deux hommes à moto . à Ajaccio (24 janvier). PROPOS Durant la campagne électorale des municipales de mars 1983, il 9 publique: «Nous sommes débordés par eux (les immigrés). Il ne faut pas que le droit d'asile se transforme en accueil des chômeurs du monde entier. Il faut refuser d'être la poubelle de la France. » Le caractère injurieux de cette déclaration est évident et tombe sous le coup de la loi française contre le racisme du 1 er juillet 1972 ; le MRAP a décidé de porter plainte avec constitution de partie civile. Il est nécessaire de mettre en garde contre toute tentative de dresser l'opinion contre les travailleurs immigrés. Dans ce sens le MRAP a organisé (17 janvier), à Paris, une réunion publique d'information sur l'immigration et le racisme et sur ses propositions en vue des élections municipales. Celles-ci seront soumises prochainement à tous les partis politiques et à toutes les listes en présence . PAPON (SUITES) M. Maurice Papon pensait s'en être tiré à bon compte quand un jury d'honneur, composé d'anciens résistants, l'avait, en décembre 1981, en partie absout des accusations portées contre lui, suite à la publication de documents compromettants dans le Canard Enchaîné. Ces documents faisaient état du rôle joué par M. Papon, comme secrétaire général de la préfecture de la Gironde, dans la déportation de juifs bordelais jusqu'au camp de Drancy, d'où ils devaient être acheminés vers les camps de la mort. Ce jury d'exception n'a pas empêché qu'une information, judiciaire, elle, soit ouverte après le dépôt d'une série de plaintes avec constitution de partie civile par les familles des victimes. Ces plaintes ont abouti (19 janvier) à l'inculpation de l'intéressé pour crimes contre l'humanité. Outre les documents déjà évoqués, les avocats des parties civiles font état d'autres pièces versées au dossier et jusque là inédites. Actualité ....... ": -"'~~ :. .•.. .. ~. J!II!!!!_~ _ DANS-LAVILLE. .~. ,------------- --- - - - -'---- Beaubour~, 1979 B lENTÔT les municipales. Les diverses parties en présence évaluent les rapports de force et supputent leurs chances de succès. Inflation, chômage, insécurité, les mots se font la guerre dans les colonnes de journaux, à la radio, à la télévision et dans l'arène politique. Etrangère, la presse me raconte à sa manière ma vie d'étrangère: des numéros de carte de séjour, des silhouettes, des visages, des mains crispées sur une truelle ou sur un balai. Dans mon travail, Tunisiens, Pakistanais, Algériens, Maliens et autres, nous nous racontons nos pays avant ce présent à Paris. Et chacun de s'en retourner le soir dans sa chambre, robinet unique et toilettes sur le palier . Il Y a un an, c'était l'espérance. A la veille de ces élections, qu'en est-il aujourd'hui des conditions de vie urbaine des groupes dits minoritaires? Peut-on parler d'une évolution de leur situation sociale? Avant tout, il s'agit de faire une distinction, comme dit Yasmina Attab, militante du MRAP, ceux qui composent les groupes minoritaires ne vivent pas tous dans les mêmes conditons. Il y a ceux dont on parle, «à problèmes » : ils vivent essentiellement dans la périphérie des grandes villes. Tous ces hommes, ces femmes, ces enfants partagent un même sort. Le chômage, ._ .. - _.- ._- _ ._ _._- ------, A .l'approche des muiicipales, un regard. sur les sanrvisages des banlieues « c'est toute une conception de l'urbanisme qu'il s'agit d'élaborer. Les propositions du MRAP (qui seront soumises aux candidats aux municipales) en parlent. L'argument d'il y a vingt ans qui disait que « ces gens» n'étaient pas habitués à un habitat moderne, n'a plus lieu d'exister ». Après les élections Comment envisage-t-on l'avenir après les élections municipales? Ce qui est à espérer, c'est que les élus examinent sérieusement les propositions qui pourraient leur être faites dans le cadre de mouvements ou d'associations en faveur des groupes minoritaires. Il est incontestable qu'il y a eu des tentatives d'amélioration - ne serait-ce que la régularisation des dossiers des travailleurs «sans papiers» et le ralentissement des expulsions. Toutefois, les esprits s'échauffent autour du slogan «délinquance immigration », thème sur lequel l'information brille par sa faiblesse. Bien souvent, des municipalités utilisent cette carte dans la bataille électorale. Yasmina s'explique: « On a trop souvent dit que les immigrés étaient des délinquants en puissance et que «: l'insécurité dans la cité, ~ c'était eux. En fait, si l'on


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l'inflation, la poussée de jeu- dortoirs dont on attend la nes marginaux ont peu à peu transformation. Bien que les secrété la hargne, puis la pouvoirs publics aient été haine, puis le rejet. Rarement alertés depuis très longtemps, la compréhension. Agres- les cités de transit continuent sions , insécurité, problèmes d'abriter, vingt ans après leur de l'emploi, le Français arrivée en France, des gens moyen, sinon le Français qui ne devaient y vivre que conscient en rejette la respon- deux, trois ans, en attendant sabilité sur les immigrés, voire d'être logés. Le résultat: une seulement les Maghrébins. concentration massive Urgence « Il y a vingt ans, dit Yasmina, que l'on aurait dû étudier le problème. Aujourd 'hui, cela se pose en termes d'urgence ». Où est le point névralgique? On cherche aussitôt dans ces périphéries où abondent cités de transit, cités- . d'immigrés . Entre le camp de concentration et le ghetto, la différence est que les barbelés d'hier sont aujourd'hui la boue, les lignes de chemin de fer ou des murs d'usines. Au fil de ces dernières années, le cercle infernal s'est de plus en plus resserré autour des habitants des ghettos pour en faire les marginalisés dont on ne se souvient que lorsque l'on veut bien. Même lorsqu'on tente, dans certaines municipalités, de faire un pas pour améliorer une situation se dégradant sans cesse. Ce sont elles qui ont relogé la majeure partie des immigrés, municipalités bien souvent impuissantes dans la mesure où le problème vient des offices de HLM, des préfectures, voire des régions. Les cités de transit de la région parisienne sont un exemple: les terrains, sur lesquels certaines sont situées, appartiennent à la ville de Paris, laquelle ne fait rien pour remédier tant soit peu aux conditions de vie des immigrés, «laissés pour compte ». Ainsi, dira Yasmina, criminalité dans la population étrangère et dans la population française, le premier est très en-dessous de la moyenne. Il est vrai que dans la petite criminalité, les enfants d'étrangers ont leur place, mais rien de plus». Le rapport Mangin ne manque pas d'ailleurs de mettre les choses au point à ce sujet. De la suppression des ghettos à la réhabilitation de certains quartiers dits difficiles, il n'y a qu'un pas, bien que ce ne soit pas là la meilleure solution, car le problème de fond n'est pas posé. Il n'et pas évident que la diminution de la concentration d'immigrés abolisse le problème de cohabitation entre Français et étrangers. Il y a problème II parce que, d'une part, cette concentration s'est effectuée dans des conditions très difficiles et, d'autre part, parce que rien n'est fait pour qu'il y ait des échanges entre les individus. Il y a autant d'enfants étrangers dans la cité Gutenberg de Nanterre que d'enfants de diplomates étrangers à Neuilly avec cette différence que ces derniers ne connaissent pas de problèmes d'échec scolaire. En fait, c'est bien le lieu de résidence qui crée les difficultés

sa situation géographique

(la périphérie), l'absence de structures permettant des échanges, la position difficile des enseignants face à des enfants de nationalités différentes dont ils ignorent souvent les cultures, des enfants dépossédés de leur langue, l'absence d'insonorisation et enfin l'hygiène. Il est normal, dans ce cas, que « de telles conditions produisent la délinquance, que l'on soit fils d'immigré ou fils de Français ». Parqués en des carrés uniformes défigurés par la boue et la tôle, isolés du reste de la commune, étiquetés, les immigrés sont les inconnus dans la ville, une ville pour laquelle ils travaillent. Pas une solution en soi De ces inconnus, on ne connaît que la colère et les actes de violence - quand ils ne sont pas assassinéstranscrits et transmis dans les journaux, par la télévision. Les médias, dans des quartiers où les esprits sont polarisés sur des actes de violence individuelle, montent en épingle l'événement et confortent, ainsi, des gens dans leurs attitudes racistes. « Le « seuil de tolérance », c'est une notion dangereuse car, dit Yasmina, celui qui tire sur un jeune, pourquoi aurait-il tort, puisque les médias rapportent qu'avec 20 % d'étrangers dans la cité, il est normal qu'il y ait des problèmes ». A quel moment et dans quelle conjoncture est-on amené à se référer au seuil de tolérance? Bon nombre de maires arguent, en disant « insécurité immigration », d'une excessive concentration d'immigrés dans certains quartiers pour expliquer l'insécurité. Carte électorale peu honnête et que le MRAP a, entre autres, toujours dénoncée. «La notion de seuil de tolérance est injustifiée, il n y a pas de corrélation entre l'attitude des gens et le pourcentage d'immigrés dans la ville ». Tout casser ... « Ce qui est positif, estime Yasmina, c'est qu'il y ait des immigrés ayant des revendications de qualité. C'est le cas, en particulier, des jeunes qui ne quémandent pas la charité ou le paternalisme, mais exigent l'égalité et la dignité. Les jeunes se défendent de vouloir « tout casser» - ce que la presse s'est pourtant empressée d'affirmer - mais réclament ce que tout le monde en France revendique légitimement: une carte de travail, une égalité de droits en matière sociale et syndicale ». Les commissions extramunicipales qui se sont parfois crées dans les villes à titre consultatif peuvent amener une évolution. Elles peuvent réunir des immigrés et des non immigrés. Si elles ne représentent pas une solution en soi, elles sont un moyen à utiliser et à parfaire. Un moyen qui ne doit pas empêcher les immigrés de faire partie d'autres commissions telles que les commissions de logement, culturelles, scolaires. D'autre part, il s'agit d'éviter que les immigrés ne soient cantonnés dans ces commissions au rique d'être encore plus marginalisés . Il appartient aux immigrés de se faire reconnaître en prenant part pleinement à la vie locale. N.C. Ceintures Elie 147 rue St Martin 75004 Paris . - - 'iSPfisoDnniers. L'IMAM 6" deS baba ";,en 1S2 , Del~ 1~'- 1~.~ SOUS KhomeintYin, uent ' D es informations en provenance d'Iran, depuis la révolution islamique, et, particulièrement, depuis l'arrestation, en août 1980, des neuf membres de l'assemblée spirituelle nationale baha' ie d'Iran, dont on est sans nouvelles depuis, font état de persécutions systématiques de cette minorité religieuse du pays, la plus importante de toutes avec 500 000 adeptes estimés. Le rapport 1982 d'Amnesty International dénombre 97 exécutions et assassinats connus de baha'is depuis 1979. De nombreuses personnes ont disparu, d'autre sont emprisonnées sans jugement, torturées ou même exécutées secrètement. Exclus de la vie publique par la constitution, privés de leurs droits civiques et d'emplois, mis hors la loi, leurs biens pillés ou confisqués, les baha'is traversent, dans la République islamique de l'Imam Khomeiny, des heures très sombres. Les véritables pogroms anti-baha'is qui s 'y déroulent ne sont, hélas, que la suite aggravée de ce que cette communauté a connu à ses débuts, avec, au 12 . ns COn leS exécutlO avant. comme temps du dernier Shah, des pointes meurtrières en 1955., 1963, 1978. Répression Les instances internationales n'ont pas cessé de dénoncer, depuis trois ans, la répression cruelle et sanglante qui s'abat sur une communauté religieuse pacifique, partie intégrante du peuple iranien (et qui a, par prosélytisme, nous le verrons, essaimé dans le monde entier). Les exactions dont elle est victime ne sont pas sans rappeler fâcheusement celles dont ont été victimes les juifs de l'empire tzariste ou de l'Allemagne hitlérienne à ses début: confiscation de biens, boycott des commerces, fermeture ou exclusion de la fonction publique, de l'armée, de l'enseignement, tentatives de conversion forcée, profanation des lieux de culte et des cimetières, confiscation des biens communautaires, et, cette fois dans un tout autre contexte, accusation de collusion avec le sionisme ou le capitalisme étranger. Les Iraniens ne sont pas plus intolérents que d'autres peuples et l'Islam, dans son histoire, s'est souvent montré plus tolérant que d'autres religions, le christianisme en particulier. Que l'on se souvienne que les musulmans ont su ne pas imposer leur foi à des chrétiens qui sont aujourd'hui des millions en terre d'Islam (Egypte, Syrie, , Liban, Irak), ont su également accueillir les juifs d'Espagne (sépharades en hébreu) lorsqu'ils ont été chassés par la Reconquête chrétienne. En Iran même, comme dans tous les pays islamiques depuis la conquête qui a suivi la mort de Mahomet, les Gens du livre (la Bible), juifs et chrétiens voient leur religion et leurs droits communautaires respectés. Plus même, l'Iran a montré sa tolérance jusqu'à inclure parmi les religions « officielles» du pays, le judaïsme et le christianisme, à côté de l'Islam très largement majoritaire, le Zoroastisme, religion de la Perse préislamique qui compte quelques dizaines de milliers d'adeptes. Or l'Iran refuse la dernière venue, pourtant la plus importante parmi ses religions minoritaires, et de beaucoup. C'est que, née au siècle dernier, elle a commis au moins deux péchés originels aux yeux de l'Islam. Le bahaïsme s'inscrit bien dans le contexte d'attente prophétique du Mahdi (Sauveur) de très nombreux shiites. En effet, son fondateur, Mirza Ali Muhammmad (1820-1850), proclame en 1844 qu'il est le Mahdi, annoncé par le Coran et la tradition de l'Islam, porteur d'une révélation nouvelle, pour régénérer la religion établie, en renversant une théologie désuète et proclamer des vérités essentielles à toutes les religions révélées. Surnommé le Bab, .(la Porte vers la connaissance) il va délivrer son message syncrétiste à La Mecque. Son message touche des milliers de personnes dans l'Empire persan, dans toutes les couches sociales et ethniques de la population. II est arrêté. Emprisonné, torturé, il est fusillé à Tabriz en 1850, sur l'ordre du Shah et les hauts dignitaires religieux, alors que des milliers de ses coréligionaires sont torturés, convertis de force à l'Islam, assassinés en masse. Son disciple Baha'ullah (1817-1892), né dans une famille de ministres du Shah, établit l'indépendance de la nouvelle religion babiste en 1848. Emprisonné en 1852, il est exilé dans l'Empire ottoman à Bagdad, puis à 'Andrinople, jusqu'en 1868, avant d'être enfermé dans la forteresse de Saint Jean d'Acre en Palestine, où il écrit des milliers de pages sur les préceptes nouveaux. II retournera en Perse, où il mourra en 1892. Son fils, Abdul Baha (1844-1921) continuera son oeuvre, pour propager une religion qui a pris le nom de bahaïsme (d'après son nom et celui de son père) et approfondir la doctrine, lui donnant un aspect résolument moderniste qui prêche l'amour du travail, le nonengagement politique absolu, De plus, les baha'is oeuvrent pour un gouvernement universel, l'égalité des sexes, des races, des cultures, l'éradication de la pauvreté, l'harmonie entre la science et la religion, la mise au point d'une langue mondiale. Le premier 13 DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 péché originel aux yeux de l'Islam est que le Bab fondateur a déclaré qu'il venait clore la mission du Prophète Mahomet, pourtant considéré par les Musulmans comme le sceau des Prophètes, c'est-àdire qu'il était le dernier à apporter sa révélation avant le jugement dernier. Par ail, leurs, deuxième scandale aux yeux des Musulmans: si Baha'ullah intègre parmi les grands prophètes de son panthéon Abraham, Moïse, Jésus qui sont révérés par les Musulmans eux-mêmes, Zoroastre même, ce qui pouvait très bien passer en Perse, il leur adjoint Krishna et Bouddha, entre autres, selon le principe que : la vérité religieuse n'est pas absolue mais relative. Son fils Abdul Baha s'établit à Haifa, près du mont Camel, où, conformément aux instructions paternelles, il fait transférer de Perse les restes du Bab supplicié, pour les déposer dans un superbe mausolée, qui reste jusqu'à nos jours, le centre spirituel de la communauté baha'ie mondiale, Ce choix de Haifa vaut d'ailleurs à celle-ci, de la part de ses détracteurs, aussi bien du temps du Shah que de Khomeiny, l'accusation de collusion avec le sionisme, d'autant plus absurde que cette installation auprès du mont Camel date de ... quatre-vingts ans avant la création de l'Etat d'IsraëL 5 millions d'adeptes, sur tous les continents Le petit-fils d'Abdul Baha, Shoghi Effendi (1897-1957), va assurer un rayonnement mondial à la religion baha'ie, en mettant notamment sur pied les organismes administratifs et spirituels locaux et nationaux, destinés à construire la Maison universelle de justice. Finalement inaugurée en 1982 à Haifa, elle est dirigée par neuf membres élus. On estime que la communauté baha'ie compte aujourd'hui 5 millions d'adeptes sur tous les continents, avec une très importante proportion d' Américains et d'Européens, ce qui n'est pas sans enlever au bahaïsme à la longue, d'une manière alarmante, la tonalité orientale des sources spirituelles de ses origines. Mais le message de tolérance universelle, et, en même temps, son ouverture sur les problèmes de la société moderne lui ont valu, ces cent dernières années, l'admiration déclarée d'illustres personnages comme Renan, Tosltoï, Bergson, Benès et Masaryk, de Tchécoslovaquie, de Gandhi qui écrivait à son sujet: Le message de la foi baha 'ie est la consolation de l'humanité. Pour l'anecdote, rappelons que cette religion a compté parmi ses adeptes la reine Marie de Roumanie, une fille du Président américain Wilson, le jazzman Dizzy Gillepsie, etc ... Bouc émissaire? Aujourd 'hui les baha'is sont persécutés en Iran, bien qu'ils se soient toujours montrés des citoyens loyaux, d'ailleurs très peu engagés dans la vie politique, puisqu'un tel engagement équivaut à une exclusion immédiate de la communauté. A ces persécutions, faut-il donner, une fois encore, l'explication tristement « classique» du bouc émissaire sans défense donné en pâture à la vindicte de la foule et des tribunaux, pour détourner l'attention d'un peuple lassé des privations, des gaspillages et des excès ? Dans ce cas, on pourrait se poser une question: à quoi sert de faire une révolution contre un pouvoir détestable, si c'est pour instaurer une répression encore plus féroce qu'avant contre des catégories entières de la population ? Yves THORA V AL Encyclopédie de l'Islam: article Baha'i Le prisonnier de St-Jean d'Acre, par A, Brugiroux (éd. Les Insomniaques, 234, Bd Raspail, Paris 14') Les baha 'is. ou victoire sur la violence, par Christine Hakim (éd. P.M. Favre, 4 rue Férau, Paris 6') et surtout: Assemblée des Baha'is de France, II rue de la Pompe, Paris 16' : « Iran, persécution des 8aha 'is, un livre blanc ». 14 N EUF fois quatre j j t:ente s~, je p'0se , , SIX et Je retiens trois ... », quoi de plus évident? Mais les hommes ont-ils toujours et partout écrit les nombres de la même façon, selon le même système de numération? Celui que vous et.moi utilisons quotidiennement a supplanté en Europe la notation en chiffres romains au XIIe siècle. On parle à son sujet de chiffres arabes: c'est que cette technique a été empruntée à la civilisation islamique, qui l'avait elle-même importée d'Inde quatre siècles plus tôt. Un texte en sanskrit daté de l'année 458 de notre ère constitue la plus ancienne attestation de l'utilisation de ce système. Bien entendu, quinze siècles plus tard, les astronomes indiens ne reconnaîtraient pas les symboles qu'ils utilisaient dans nos chiffres actuels. En ce sens, ces derniers sont donc plutôt arabes, et les règles d'écriture auxquelles obéissent les épiciers parisiens leur sont bien redevables. Positions Notre système de numération est dit positionne! parce que la signification de chaque chiffre y dépend de sa position. Lorsque nous écrivons 3042, le chiffre 3, parce qu'il occupe la quatrième position à partir de la droite, représente trois milliers. En troisième position, le chiffre 0 repré sente l'absence de centaines. Des systèmes antérieurs à l'apparition du zéro utilisaient un espace au lieu de ce chiffre, ce qui provoquait parfois des confusions lorsqu'il devait apparaître plusieurs fois consécutives dans un même nombre. C'est à cet inconvénient que le zéro doit sa promotion au rang de chiffre (mot dérivé de l'arabe « sifr» qui signifie zéro, littéralement « vide »). 3042 désigne la somme des quantités représentées par ces quatre chiffres. On obtient ces dernières en multipliant respectivement 2, 4, 0 et 3 par un, dix, cent et mille, les quatre premières puissances de dix. Car ce système utilise la base dix. Tout autre nombre ferait l'affaire, mais l'Histoire a fait le tri parmi un petit nombre de solutions dictées par des contraintes et considérations locales et momentanées. Le grand nombre de diviseurs de 12 et de 60 explique en partie le succès relatif de ces deux solutions. Les sytèmes à base cinq, dix et même vingt, tel celui-employé par les civilisations précolombiennes, LES CHIFFRES Sans le zéro, nous ne serions rien. Aide-mémoire maya destiné aux prêtres-devins. n'auraient pas eu un tel aveniI"; si nous n'avions eu cinq doigts à chaque main. Avant les astronomes indiens, dont nous sommes les débiteurs, leurs collègues mayas, précédés par ceux de Babylone, avaient découvert indépendamment les immenses avantages, notamment pour l'exécution des calculs, du principe de la numération positionnelle. Auparavant, de longs tâtonnements avaient partout précédé cette révolution. Les premières tentatives de l 'homme pour écrire les nombres remontent vraisemblablement à vingt ou trente mille ans. Des séries d'entailles, relevées sur des os remontant à cette époque, ont été interprétées dans ce sens. L'encoche constitue, en effet, le premier signe, relevant de l'écriture, susceptible de représenter une valeur numérique. A partir de ce procédé, qu'il nous arrive encore d'employer en alignant des bâtons pour compter, la 15 notion de chiffre intervient lorsque l'on imagine de remplacer certaines successions de bâtons par de nouveaux symboles. On applique alors le principe additif, puisqu'un nombre est représenté par la somme directe des valeurs des symboles utilisés pour le représenter. Ainsi, les chiffres romains résument III II II II II II en XIII. Ces systèmes de numération utilisent une série de symboles désignant généralement des puissances successives d'une base initiale, parfois des valeurs intermédiaires. L'être et le néant Le principe multiplicatif constitue une voie de transition vers la numération positionnelle, puisqu'il ramène toute succession de symboles identiques à un exemplaire unique précédé d'un véritable chiffre indiquant le nombre d'exemplaires ainsi substitués. Par exemple, « 342 » n'est plus représenté par les symboles « cent, cent, cent, dix, dix, dix, dix, un, un », mais par « trois centaines, quatre dizaines, deux unités ». Notre numération orale actuelle utilise ce principe. On dit : trois cent quarante deux. Le passage à la numération de position consiste alors à remplacer la représentation explicite des rangs (centaines, dizaines ... ) par la seule position des chiffres. Ce qui suppose de disposer d'un moyen de représenter l'absence de l'un d'entre eux. On imagine mal l'incongruité qu'a pu constituer l'idée de représenter cette absence par la présence d'un symbole, d'abord conçu comme un simple signe de ponctuation. Le néant étant opposé à l'être, il était difficile d'en faire l'égal des autres chiffres. Certaines cultures ont su franchir ce pas décisif. Les nombres, petits ou grands, sont devenus des outils maniables, banals, grâce au zéro. Pierre V ANDEGINSTE 23 RUE PHILIBERT-DELORME 75840 PARIS CEDEX 17 TÉL. 766 52 62 LA BAGAGE1IE ~~tk~ 12 RUE TRONCHET - 74253.40 41 RUE DU FOUR - 54885.88 74 RUE DE PASSY· 527.14.49 TOUR MONTPARNASSE - 538.65.53 PARIS LYON - LA PART-DIEU NEW-YORK - 727 MADISON AVENUE TOKYO - 5-5 GINZA 16 89, bis rue Lauriston 75116 Paris Métro Boissière HI--FIVIDEO 7 quai de l'Oise 75019 Paris Métro: Crimée NOUS IMPORTONS ET VENDONS DIRECTEMENT AU PUBLIC HI-FI VIDEO L1GHT - SHOW CADEAt:X TELEPHONES SANS FIL TELEPHONE LONGl:E DISTANCE (plus de 20 km) PROMOTIONS PERMANENTES Une visite s'impose !!! Garantie S.A. V. assurée Mise au point et réuarations d'émetteurs récepteurs professionnels et grand public M IAMI, principale ville de la Floride, est la plaque tournante entre les Etats-Unis, les Caraïbes et l'Amérique latine, tant sur le plan politique qu'économique. C'est devenu la base de départ de toutes les entreprises pour assurer l'hégémonie des Etats-Unis dans ce secteur. De plus, son véritable statut de zone franche y a attiré les banques étrangères, au moins 45, ainsi que les 40 plus grosses banques américaines et les sièges sociaux de 200 des 500 premières entreprises des Etats-Unis qui ont des intérêts en Amérique latine. Miami est aussi aujourd'hui le premier marché mondial de gros de la drogue. Selon la Drug Enforcement Administration, 70 070 des drogues importées passent par ici. Soleil et plaisir « S'il n 'y avait qu'un état dont le nom se confondrait avec le soleil et le plaisir des vacances, ce serait bien la Floride. Beaucoup d'Américains s'y retirent pour savourer son style de vie détendu et son air embaumé. Beaucoup d'autres y viennent passer leurs vacances». Comment ne pas le croire, puisque c'est l'Office du tourisme américain qui le dit dans ses brochures: «Miami Beach associe l'activité débordante de Broadway à la langueur d'une île des Tropiques». Et puis, il y a, pas très loin, Watt Disney World, les plages de Daytona Beach, Palm Beach, Fort Lauderdale et, l' Everglades National Park, « dernier bastion de lafaune et de la flore subtropicale aux Etats-Unis ». Voilà pour le touriste qui fait la Floride en suivant les circuits, bien incomplets, semble-t-il. L'actualité se charge de combler leurs lacunes. La presse internationale relate que les 28 et 29 décembre 1982, de violents incidents « raciaux» ont eu lieu dans le ghetto noir de Overtown, dans le cnetre de la ville. Des policiers qui effectuaient un contrôle de routine dna sune salle de jeux électroniques, ont abattu un jeune Noir de 21 ans, parce qu'« il avait fait un geste brusque ». Des habitants d'Overtown, qui s'étaient rassemblés pour protester contre ce crime furent attaqués par la police. Les incidents très violents des deux jours suivants firent encore un mort et une vingtaine de blessés parmi les Noirs. En 1980, à Liberty City, une protestation du même type avait fait 18 morts. Dans Overtown et Liberty City, comme à Harlem et dans tous les ghettos noirs, la population noire des Etats-Unis sombre dans la détresse. La Commission américaine des Droits civiques parlait à propos des émeutes de Miami en 1980 de « la colère et la frustration» des Noirs «exclus d'une pleine participation à la vie économique et sociale de la cité». Deux ans après, rien n'a changé. Pire, sur l'ensemble des Etats-Unis, le taux de chômage est deux fois plus élevé chez les Noirs que chez les Blancs : 21 % con tr e 1 0 %. Dans les ghettos, 70 070 des jeunes sont sans travail. En moyenne, les revenus d'une famille noire ne représentent que 56 % de ceux d'une famille blanche. Contre 62 % en 1975. Miami est aussi la deuxième ville cubaine du monde. Au moins 700 000 latino-américains (les «Iatinos ») dans le comté depuis l'exode massif des Cubains autorisé par Fidel Castro en 1979, soit plus de 40 % de la population. Pour la plupart, Une situati. on t r ès . tendue entre les communautes. DIFFÉRENCES N° 20 FÉVRIER 83 des professions libérales ( liberaies ») ou d'anciens propriétaires fonciers. A Miami, ces réfugiés, jouissant de totue la sollicitude des autorités, se sont emparés des commerces des ghettos et des meilleurs emplois accessibles au Noirs, exacerbant ainsi les sentiments de frustration et créant une situation très tendue entre les deux communautés. Boat people Depuis deux ans, les côtes de la Floride ont été abordées par des « boat people» qui fuyaient le régime de Jean-Claude Duvalier et ses «tontons macoutes». L'exode atteignit son apogée en juillet 1981 avec 4 000 Haïtiens débarqués au cours du mois. Ils sont maintenant 50 000. On ne leur a pas réservé le même accueil qu'aux «réfugiés» anticastistes. Ils furent parqués dans de véritables camps de concentration, tels le camp de Krome, au sud-ouest de Miami. Si le combat des défenseurs des réfugiés haïtiens a contraint le juge Spellmann à ordonner au service de l'immigration de fermer les camps de détention en octobre dernier, la situation des réfugiés haitiens n'en demeure pas moins très précaire: leurs cas vont être examinés un par un par la justice américaine qui a d'ores et déjà décidé qu'ils n'avaient aucune raison politique de quitter Haïti! Logiquement, il ne peut donc être question de leur accorder l'asile politique. Actuellement, l'exode des « boat people» continue, mais la marine américaine veille tout au long des côtes de la Floride, arraisonnant les frêles embarcations bondées de réflll!ié , :1ff:llllé, et de cadavres. Les prisonniers sont ensuite remis entre les mains des autorités haïtiennnes. Les bateaux de fortune font souvent naufrage et leurs passagers se noient, comme le 26 octobre 1981 où les vagues déposèrent sur la plage de Hillsboro 33 cadavres. Les premiers habitants de la Floride, les Indiens Séminoles ont trouvé refuge dans les marais du sud où ils vivent toujours. Dans la pauvreté, mais dignes. Et toujours Indiens. Robert PAC -Deux millions d'immigrés chassés d'un Jour à l'autre du l Nigéria. Cette goutte d'eau ne/era 18 Un des onze mille cinq cents Sud-Africains réfugiés au Lesotho sieurs dizaines de milliers de personnes. on retrouve ces Equato-Guinéens au Gabon et au Cameroun, quoique ce dernier pays ait été, en 1978, le théâtre d'émeutes xénophobes qui ont contraint de nombreux réfugiés, béninois et équato-guinéens, à chercher un autre lieu d'accueil. Enfin, la guerre civile du Tchad, douloureuse illustration de la cohabitation de peuples ennemis à l'intérieur des mêmes frontières, reste une source importante d'exil. En avril 1979, 90 000 Tchadiens fuyaient N'Djamena pour se réfugier au Cameroun. Nomades et paysans Sans conteste, la région la plus touchée par le problème des réfugiés est la Corne de l'Afrique. Près de la moitié des réfugiés africains y sont concentrés. A elle seule, la Somalie, qui occupe le treizième rang des pays les plus pauvres du monde2 , en accueille plus d'un million et demi - pour une population d'à peine quatre millions de personnes, composée à 80 % de pasteurs nomades et de paysans. La petite République de Djibouti reçoit, quant à elle, plus de trente mille réfugiés, pour une population à peine supérieure à trois cent mille âmes. Le Soudan pour sa part abrite près d'un million d'exilés. L'immense majorité de ces réfugiés vient d'Ethiopie. Les cortèges d'exilés se succèdent depuis plus de vingt ans, époque où le mécontentement a commencé à prendre des proportions inquiétantes dans le plus vieil Etat d'Afrique. La splendeur des palais avait de plus en plus de mal à se marier avec la misère des masses. Le coup d'Etat manqué de décembre 1960 poussera les premiers Ethiopiens hors de leur pays, vers le Soudan et Djibouti. Au début des années 70, la sécheresse et la famine s'abattent sur le pays: 40 000 morts et une deuxième vague de départs. En septembre 1974, Haïlé Sélassié est renversé par les militaires, l'exode s'amplifie; d'autant plus que depuis 1969, le Front Erythréen de Libération multiplie ses actions contre les forces éthiopiennes. En 1978, c'est le conflit somaloéthiopien, qui deviendra la guerre de l'Ogaden: un million de personnes au moins s'enfuient. On retrouve plus de trente mille Ethiopiens à Djibouti (30/6/82). Au Soudan, --l qui accueille par ailleurs cent quarante ~ mille Ougandais, ils sont plus de quatre

n cent mille. Ils fuient le service militaire

6 ou les persécutions politiques. ~ Dans cette région, la situation a pris des proportions dramatiques. D'abord par la puissance des vagues de réfugiés éthiopiens, qui déferlent dans les pays voisins; mais aussi à cause de la pauvreté extrême des pays d'accueil, où les zones désertiques occupent l'essentiel du territoire. Les populations se concentrent dans des régions particulières où la surpopulation est devenue un problème fondamental. La promiscuité rend propice le développement de maladies et les conflits internes. Environ soixante mille personnes sont venues s'agglutiner ces vingt dernières années dans la région de Port-Soudan, sur les bords de la mer Rouge, où les réfugiés représentent aujourd 'hui 70 070 de la population. Sur la rive orientale du Nil, toujours au Soudan, la population réfugiée (46 000 personnes environ) dépasse de deux fois la population locale. A Djibouti, où les réfugiés représentent 10 % de la population, la capitale abrite 50 % de la population totale du pays. En Somalie, la proportion est de un réfugié pour quatre habitants. Les problèmes qui se posent sont nombreux

les pays d'accueil sont déjà souvent

dans l'impossibilité de garantir un emploi à leurs ressortissants ; comment pourraient-ils le garantir aux réfugiés de la faim ? Pour les réfugiés de la guerre, essentiellement des enfants, des personnes âgées et des handicapés, les pays d'accueil se trouvent face à une population en grande partie improductive qui apporte beaucoup plus de bouches à nourrir que de bras pour travailler. Enfin, la fuite entraîne la dislocation sociale des groupes réfugiés, que la transplantation ne fait qu'aggraver. Démunis de tout, les réfugiés de la Corne de l'Afrique arrivent dans les pays d'accueil avec pour simple bagage ce que leur tête ou leur dos peuvent porter. Ils dépendent entièrement des aides internationales. Du fait du climat, les communautés rurales sont difficiles à installer. Sur les cent quarante mille Ougandais réfugiés au Soudan, la plupart ont dû errer deux ou trois mois dans la brousse. 21' Les plus faibles ont été abandonnés en chemin, épuisés, malades et affamés 3 . Regroupés dans des camps de fortune, les réfugiés sont exposés à la maladie, aux épidémies. Il y a quelques années, en Somalie, dans les .:amps d'Halba, près du fleuve Juba, vivaient soixante mille réfugiés. Trente enfants en moyenne mouraient par jour, terrassés par la dysentrie, la tuberculose et la rougeole 3 • En Somalie toujours, une enquête effectuée par le docteur Macha - ophtalmologue - sur une période d'un an dans une région, conclue que 25 % de l'ènsemble de la population souffre de trachome (maladie des yeuxp. L'incessant va et vient des Rwandais En Afrique de l'est, le problème a longtemps été dominé par les conflits opposant Hutu et Tutsi, peuples du Rwanda et du Burundi. Organisée en une société hiérarchisée, dominée par les pasteurs Tutsi, l'ancienne colonie belge a été divisée en deux Etats: le Rwanda, avec une forte proportion de Hutu (80 % de la population), et le Burundi, où les Tutsi sont majoritaires. Dans les deux pays, Hutu et Tutsi entrèrent en violente opposition. Au Rwanda, les massacres ravageaient les Tutsi alors qu'au Burundi, le régime du colonel Micombero organisait de sévères purges visant à liquider les populations hutu. Le résultat fut le même dans l'un et l'autre camp et contraignit à l'exil l'essentiel des populations minoritaires. Les Tutsi du Rwanda s'enfuirent en Ouganda et en Tanzanie. Les Hutu du Burundi cherchèrent refuge au Zaïre et en Tanzanie. Les années ont passé. Aujourd'hui, on affirme de part et d'autre avoir dépassé ces querelles. Mais, prenant prétexte de la densité de population (176 ha au km2 - la plus élevée d'Afrique - les deux Etats n'encouragent pas vraiment les exilés à revenir dans leur pays. Installés depuis vingt ans (et plus pour certains) dans un autre pays, Tutsi et Hutu eux-mêmes ne souhaitent pas trop retourner chez eux. Les risques de nouvelles persécutions sont trop grands. Pourtant, sont-ils mieux ailleurs? Récemment, le régime de Kampala (Ouganda) a lancé une vaste campagne xénophobe à l'encontre des populations rwandaises réfugiées dans le sud du pays, en les accusant de brigandage. Une véritable chasse s'est engagée contre eux, obligeant hommes, femmes et enfants à reprendre le chemin de l'exil. Au Zaïre, que le général Mobutu a conduit à une situation de faillite, les aides du H.C.R. se multiplient pour tenter de DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 former des communautés rurales qui s'auto-suffisent. En Tanzanie, les réfugiés sont disséminés dans l'ensemble du pays où des terres vierges leur ont été allouées. Ils yont organisé de véritables coopératives avec l'aide du gouvernement et du H.C.R. Mais surtout, la Tanzanie est le pays d'Afrique qui accorde le plus facilement la nationalité tanzanienne aux réfugiés. Ils cessent d'être des exilés et peuvent jouir des mêmes droits que les nationaux. Razzia et enlèvements Le nombre global de réfugiés en Afrique australe diminue, du fait de la libération de l'Angola, du Mozambique et du Zimbabwe. Pourtant, c'est la région d'Afrique où la situation des réfugiés est la plus menacée. La guerre qui ravage l'Angola contraint un bon nombre d'Angolais à l'exil. Ils fuient les attaques de l'U.N.I.T.A. et de l'Afrique du Sud. Leur terre d'accueil est le Zaïre. La Namibie et l'Afrique du Sud - opprimées par le régime raciste de Prétoria - sont, par excellence, des centres importants de départs. Le flot de réfugiés namibiens, dont le nombre est évalué à soixante mille, s'écoule lentement, mais depuis longtemps. Ils sont pris en charge par le H.C.R. et la S.W.A.P .0. (Organisation du Peuple du Sud-Ouest Africain) dans des camps répartis en Angola, en Zambie et en Tanzanie. Les massacres de Sharpeville (21/3/60), ont marqué la première vague d'exode de Sud-Atfl.:ams; la sewnde taIsant suite aux soulèvements de 1976, déclenchés le 16 juin par les étudiants de Soweto. Cette année-là, note le H.C.R., 90 % des réfugiés sud-africains étaient âgés de 16 à 22 am. Les victimes de l'apartheid s'exilent principalement dans les pays voisins: Botswana (700), Lesotho (11 500), Swaziland (5 500) et Zambie4 • Leur situation est des plus fragiles. Le raid organisé en décembre dernier, par le régime sud-africain, dans la capitale du Lesotho (43 morts) illustre dramatiquement cette fragilité. Cette attaque n'est pas la première. Il y a quelques années, l'attaque du camp de Nyazonia (Mozambique) faisait 800 morts. Une autre à Kassinga (Angola) en avait fait 400; ces deux camps étaient peuplés de civils, comme l'a confirmé le H.C.R. Les centres urbains des pays limitrophes sont proches des frontières sud-africaines, ce qui favorise razzia et enlèvements organisés par les forces sud-africaines. Les réfugiés d'Afrique australe se heurtent un peu aux mêmes problèmes que les exilés des autres régions. CelUI du travail n'est pas le moindre, surtout lorsque l'on sait que 60 % de la main-d'oeuvre du Lesotho doit chercher du travail en Afrique du Sud. En Zambie, 33 % de la population est sousemployée ou au chômage. Le manque de travail, note Mme Magubane, conseillère en orientation sociale au H.C.R. à Lusaka, entraîne «une augmentation Spectacle habituel dans la Corne de l'Afrique: des Ethiopiens gagnant la Somalie ~I des cas d'alcoolisme, de maladie mentale et de violence ». Pour sa part, le représentant du H.C.R. au Lesotho reconnaît : « Beaucoup de réfugiés pensent qu'en tant que réfugiés, ils ont droit à des prestations en espèces et ne s'intéressent pas aux activités créatrices de revenus ». Les erreurs de l'homme La responsabilité de cette situation incombe, certes, aux dirigeants des Etats concernés. Certains d'entre eux n'oeuvrent pas toujours dans l'intérêt de leurs peuples, et ceux qui les ont installés sont les maîtres-d'oeuvre de cette catastrophe du xxe siècle. Il serait donc pour le moins normal que les responsables de la misère de ces peuples s'attachent, dans les années à venir, à rétablir un climat de paix et de justice ; d'autant plus qu'apparemment, tout le monde est convaincu de la justesse de vue de M. Aga Khan, ancien Haut Commissaire aux Réfugiés, qui disait: « Le réfugié est le produit des erreurs de 1 'homme. Sa détresse porte en elle la condamnation de notre conduite en tant que peuple et nation ». Mario GRANELLI N.B. Les chiffres de population concernant les réfugiés ont été fournis par le R.e.R. 1. Addis Abéba, 20 juin 1982. 2. Source AtIaséco. 3. Source R.e.R. 4. Le R.e.R. évalue à 58 300 le nombre de réfugiés installés en Zambie. GRENOBLE vient-il de Grès Noble, la Pierre magnifique, le rocher des Seigneurs? Peut-être, toujours est-il que Grenoble a une longue histoire de liberté, d'indépendance, de tolérance ... Situé au carrefour du Graisivaudan, de la Vallée du Drac, de la cluze de Grenoble et du Bas-Dauphiné, la ville est située au seul endroit où se puisse aisément jeter un pont. Il était naturel, dès lors, que le site devienne un lieu de passage important. Passage, oui, mais ne s'y fixait pas n'importe qui. .. Des Romains aux nazis, les envahisseurs en firent toujours la sévère expérience. Par contre, les proscrits, les révoltés, les malheureux, qu'ils soient juifs, protestants, mandrinistes, garibaldiens ou gitans ont toujours trouvé là un havre de paix ... Au tout début, Grenoble s'appelait Cularo. C'était la capitalie des Allobroges, peuple indépendant qui s'opposa au passage des Alpes par Hannibal, ses éléphants et ses Carthaginois. Puis vinrent les Romains . Alliés aux troupes de Vercingétorix, les Allobroges combattirent César et ses envahisseurs. Après la défaite, le territoire Allobroge fut anneXé et devint province romaine. Cularo s'appela alors Gratianopolis, puis Grenoble. Avant la guerre, déjà Evéché au Ive siècle, Grenoble ne resta pas longtemps aux mains des évêques. Elle devint capitale du Dauphiné quand les Dauphins eurent brisé le pouvoir temporel des religieux. Après la première guerre mondiale, Grenoble accueillit de nombreux immigrés, notamment des Italiens qui fuyaient le fascisme mussolinien. Avec la proximité du Vercors, Grenoble fut, au cours de la seconde guerre mondiale, un des hauts Heux de la Résistance française. Le soleil était au rendez-vous lorsque je suis arrivé. La neige depuis trois jours était enfin tombée sur les montagnes. Les skieurs étaient nombreux à la gare routière. Des jeunes, des moins jeunes, des familles entières, sac au dos et skis sur l'épaule se précipitaient vers les cars. Grenoble, c'est la ville du ski. Mais c'est aussi la plus italienne de nos cités. Clément Vanasson, président de l'Association pour l'entente franco-italienne m'attend rue Haugulin, près de la place Notre-Dame avec quelques uns de ses compatriotes. C'est un personnage à Grenoble, et dans le département. Résistant dans l'armée de Tito, il est, depuis, installé en France. L'implantation italienne dans Grenoble et sa périphérie remonte à bien avant la guerre. Alors qu'on recense environ cinquante mille habitants d'origine italienne sur le département de l'Isère, Grenoble à elle seule en compte vingt-cinq mille. Sur ces cinquante mille, trente mille détiennent encore un passeport italien, treize mille ont choisi la double nationalité. L'immigration s'est réalisée en deux temps. Les premiers immigrants furent principalemerit des ouvriers du nord de l'Italie, Piémontais, Vénitiens, Bergamasques venus faire le maçon en France. Avant la guerre, bon nombre d'entre eux durent quitter le pays d'origine pour cause antifasciste. Nombre d'entre eux ont rejoint l'armée française et participé activement à la Résistance. La plus ancienne amicale grenobloise fut créée par des exilés politiques. La deuxième immigration a commencé après la guerre: principalement des Tarentais et des Siciliens. Ils ont immigré essentiellement pour des raisons économiques. Le plus gros contingent sicilien a quitté la péninsule à la suite de la fermeture des mines. Si les premiers immigrants ont été nombreux à s'installer à Grenoble, peu à peu cette colonie s'est installée dans la corn': mune de Fontaine où le marché du travail et les conditions d'accueil sont plus favorables. On dit que les premiers Siciliens, venus en train, furent embauchés à l'usine Bouchayer-Viallet, alors à Fontaine . Ils étaient une centaine qui formèrent dès lors le premier noyau de la communauté. Aujourd'hui, ils sont sept mille. Les Italiens du nord, eux, sont surtout à Saint-Martin d'Hères. Grenoble est plus cosm9polite de ce point de vue. Rien de méchant L'arrivée de ces différentes communautés étrangères a-t-elle provoqué des réactions racistes ou xénophobes ? En fait, cela a varié selon leurs origines. C'est ainsi que l'intégration des Italiens du nord fut progressive et relativement aisée. Evidemment, la différence de tempérament, des traditions a provoqué quelques heurts. Même aujourd'hui, nous ne sommes pas à l'abri de quelques sautes d'humeur. Mais en tout cas rien de méchant. Cela s'explique par l'existence de points communs entre Italiens du nord et Français: l'habitude de la vie 4en milieu industrialisé, une certaine proximité culturelle. Sans parler .. de la lutte antifasciste, qui a aidé au rapprochement. Clément Vanassori ne manque 22


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elle est calme et fait bien le inarché
ce n'est pas une question de jalousie

mais la femme doit cuisiner et servir l'homme. » Il n'y a de mariage qu'à l'église. On s'épouse encore entre cousins, après négociations des intermédiaires. Des cours de langue, des vacances au pays Le parcours est donc difficile, avec quelques embûches mais il se fait pas à pas avec l'aide, le dévouement, l'acharnement au travail des membres des différentes associations. « Depuis longtemps déjà nous n'entendons plus: « tiens v'là un macaroni », de la part des Français », dit un militant. Il faut dire que les activités ne manquent pas, notamment en ce qui concerne la culture. Des efforts particuliers sont réalisés afin de permettre aux immigrés de conserver ou d'apprendre leur langue d'origine au détriment de l'italien stricto sensu. Il est courant également qu'un écoles françaises, assurés par huit enseignants rétribués par le gouvernement italien. Les cours sont dispensés en plus du programme traditionnel. Seize autres cours non intégrés sont créés par l'association au sein du Centre culturel italien. Je me souviens, combien j'enviais à l'école mes camarades étrangers qui avaient la chance de pouvoir parler, si 25 jeunes, deux langues. La réalité est moins simple. Bien souvent ces jeunes enfants apprennent le patois de la ville d'origine au détriment de l'italien stricto sensu. Il est courant également qu'un enfant choisisse dans l'enseignement traditionnel, l'anglais en deuxième langue plutôt que l'italien. Restent les vacances en Italie. Une initiative de l'association qui rencontre un franc succès. L'occasion chaque année de retrouver la famille, les amis de là-bas ou tout simplement, lorsqu'on est un jeune italien né en France, le plaisir de découvrir le pays de ses parents, et peutêtre de connaître enfin son grand-père. On rapportera du pays ce qu'on ne trouve pas en France. Comme chaque année, dès le 25 avril, Grenoble changera de visage, pour le festival des peuples et des travailleurs. Une fête grandiose qui durera quinze jours. Chacune des diverses communautés, Portugais, Italiens, Maghrébins, Espagnols défileront à l'unisson dans les rues fleuries. On parlera du pays, de l'histoire de son peuple, de ses croyances, ses opinions politiques, ses coutumes .. . Depuis deux ans, pour le festival, les Italiens ont choisi de manifester à la date du ~ mai afin de raviver dans les esprits leur lutte commune avec le peuple français contre le fa';l·i,me. Cette année, comme toutes les autres, on évoquera les souvenirs de lutte, les faits d'armes, les sacrifices ... On décorera les héros de la Résistance. L'après-midi, fanfare en tête, on dansera. Emile MURÈNE , , , Carnaval là-bas, valse des lieux communs ici '(déguisements, buildings et favelas). Ce pays éternellement jeune a pris ~ des coups de vieux.


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26 Itaipu, le plus grand barrage du monde M ARINGA tire son nom d'une chanson à la mode il y a trente ans, lors de sa fondation par une poignée de colons aux dents longues. Aujourd'hui, ses deux cent mille habitants tournent en rond les dimanches, vont au « club », au parc zoologique et rêvent d'évasion. Maringà, ville échouée au milieu de terres à café, ne sait que faire de ses places circulaires toutes identiques, de ses arbres fleuris. Les immeubles de trois ou quatre étages, ternes, couverts de la poussière ocre des rues, se rehaussent sur l'avenue principale pour abriter les banques et les deux cinémas voués au bang-bang Oe western) et au porno. Un quartier résidentiel, où s'éparpillent des 'maisons neuves, disparates, dorées, coûteuses. Le calme plat. Un désert culturel. Seul le quartier populaire et ses maisons de bois, construites par les premiers colons, gardent un arrière-goût d'aventure et d'animation. Dans l'Etat du Paranà, au sud de Saô-Paulo, des dizaines de villes ont été conçues sur le même modèle. Sans caractère, sans projet architectural. Des villes bâties pour faire fortune et s'en aller ailleurs. Jeanne est fille d'Italiens. Comme ses cinq soeurs, elle est née à Maringà. Son père Carlo, un maçon calabrais, est venu pour s'enrichir. Dix fois, il a changé de métier. Depuis quelques années, il défriche à coup d'explosifs et de bulldozer les terres fertiles qui permettront aux compagnies de faire pousser du café ou du soja. Il a fini par monter son entreprise, mais les affaires vont mal, la forêt recule trop loin. Les colons: Italiens, Allemands, Japonais sont installés et l'aventure bat de l'aile. A 55 ans, Carlo va devoir aller la chercher plus à l'Ouest, dans le Mato-Grosso, ou bien se reconvertir, à la force du poignet, puisqu'ici retraite et droits sociaux sont réduits à leur plus simple expression. Même en laissant Descartes au placard, peut-on savoir sur quel pied danser ? Devant un demi-litre d'Antarctica, la bière brésilienne, Jeanne me parle du carnaval. « Tu sais, ici, c'est pas terrible. on va danser chez l'un chez l'autre, on boit un coup au Garrafaô (un bar « in »où l'on sert, à l'américaine, dans les voitures). Maringà, c'est pas Rio ». La grand'rue et son église moderne sont là pour le rappeler. Plus attirantes, les maisons en planches que les pionniers ont désertées après avoir amassé quelque argent. Mais Jeanne n'y va pas, même pour la grande fête du MardiGras. « Tà doida, sa lem preto» (T'es folle, y'a que des noirs) » répond-elle, et du coup, part faire la bise à un métis plutôt foncé! Est-il blanc, est-il noir? Même en laissant Descartes au placard, peut-on savoir sur quel pied danser? Décqncertant, paradoxal, fascinant, le Brésil est certes à la hauteur de son mythe. Préjugés et règles morales me semOlinda, viDe « historique» à quelques kilomètres de Recife. blent exister que pour être transcendés. Il faut se marier vierge, mais le plaisir est un culte; l'homosexualité ~s~ un péché, mais se pratique à visage découvert ; les reh?;ron~ africaines font peur, mais chacun plante un pied de plgnao devant chez soi pour éviter le mauvais oeil. Jeanne appellera le serveur en sifflant entre ses dents, comme tous les Brésiliens, et, s'il tarde à venir, lui lancera un « nego » rageur. Mais quand sa meilleure amie, Adriana, arrivera au bar, elle l'accueillera, tout sourire, par un « Oi, nega » plein de chaleur et d'affection. Dualité du langage, dualité des comportements. « Je n'ai rien contre les noirs, mais coucher avec, non alors!» Pourquoi? «Parce qu'ils n'ont pas d'instruction ! » rétorque Adriana qui fréquente assidûment un cursinho, un de ces cours du soir privés, où se pressent des millions de candidats au bac, de 20 à 77 ans, avides de savoir et d'élévation sociale. Certains d'entre eux savent à peine écrire, mais vont chaque soir apprendre la chimie, la physique et le français. « Je ne suis pas venu sur cette terre pour être une pierre » Avec sa misère endémique, ses 80 milliards de dollars de dette extérieure, ses smicards à 400 F par mois, le Brésil continue « d'aller de l'avant », comme le clament les slogans officiels. Désireux d'exploiter ses richesses, mais acceptant de se vendre au plus offrant, ce pays grand comme seize fois la France ressemble à ces grands cerfsvolants bariolés vendus sur les plages de Rio: prêts à se libérer des fils qui les retiennent à terre, puis à s'écraser sur les mornes au premier grand vent. Macounaïma, un héros national né de l'imagination d'un des plus grands écrivains brésiliens de ce siècle, Mario de Andrade, illustre à merveille ce mélange d'atavisme et de volonté de dépassement. « Ici bas, il n'y a que du tracas, ce monde est invivable, je pars pour le ciel », déclare Macounaïna, à la fin du roman. « Il planta une graine de liane-matamata-fille-de-la-lune, et tan- 28 dis que croissait la plante, il prit un caillou pointu et sur la face lisse de la pierre tombale, qui avait été une tortue autrefois, il écrivit: « Je ne suis pas venu sur cette terre pour être une pierre ». Puis s'accrochant à la liane, il monta au ciel où il se transforme en constellation - la Grande Ourse . Plus terre à terre, la construction de la Transamazonienne et celle d'une nouvelle capitale, Brasilia, ont fait resurgir de l'imaginaire brésilien cette volonté de faire reculer les frontières. « Nous le peuple mulâtre, le peuple tropîcal, ce peuple souffrant, nous avons réalisé l'humain à son niveau le plus élevé », disait l'écrivain Darcy Ribeiro à propos de Brasilia. Fille des songes de Dom Bosco, un moine du XIIe siècle, née d'un rêve des années 50, cette ville a surgi du désert comme un signe des temps nouveaux. Lorsqu'il accède au pouvoir en 1956, deux ans après le suicide du dictateur Gétulio Vargas, Juscelino Kubitschek, trentième président de la République fédérale du Brésil, Rio, la capitale, étouffe entre ses mornes. Kubitschek ouvre les portes au capital étranger et met en branle le fameux « modèle de développement économique » encore en vigueur à l'heure actuelle. Le Brésil devait montrer à la face du monde qu'il était civilisé. Quoi de mieux qu'une ville pour ce faire ? Brasilia naîtra de sa rencontre avec un urbaniste visionnaires, Lucio Costa. Celui-ci en dessinant Brasilia en forme de croix, puis d'oiseau aux ailes déployées, concrétise un des mythes profondément ancrés dans la mentalité brésilienne : la conquête de l'intérieur, l'espace, le gigantisme. Il reprend également des croyances mystiques, selon lesquelles seul le centre du Brésil, délimité par trois grands fleuves, le Saô Francisco, le Parana et l'Araguaia, serait sauvé de l'Apocalypse. Dès 1929, une « pierre fondamentale» avait été apposée à 30 km de l'actuelle Brasilia. Référence biblique, geste rituel. Pourtant, en 1975, lorsque Kubitschek meurt dans un stupide (ou mystérieux) accident de la route, les langues se délient: avant d'officialiser le projet de construction d'une nouvelle capitale, le président aurait acheté de nombreuses terres au nom de sa femme pour les revendre à l'Etat, quelques années après, dix fois plus cher. La société Novacap, Dans les favelas, à Rio qui s'était octroyé le monopole de la construction de Brasilia, sans véritable appel d'offre, comptait dans ses rangs de nombreux familiers de Kubitschek . « L'argent de l'Etat a servi à acheter un sac de ciment pour la capitale, et un sac pour le président », m'explique Renato, professeur de Lettres à l'université.. . «Corruption? Non, jeitinho, le système D à la brésilienne. La débrouille fait partie du « génie» de notre peuple. Elle permet à chacun de s'en sortir en conciliant intérêt privé et intérêt public, plaisante-t-il.. . Kubitschek possédait un certain talent en la matière. Populaire, charismatique, il a de toutefaçon réussi à réveiller l'enthousiasme des foules. Le Brésil entier, même parmi les plus pauvres, s'est investi dans Brasilia ». La nouvelle capitale, Brasilia, coûte cher aux garçons de café. De fait, chaque Brésilien a contribué, de près ou de loin, à la construction de la nouvelle capitale. De nombreux ouvriers ont quitté leur Nordeste natal, chassés par la misère et la faim, travaillant jour et nuit pour l'édification d'une cité que le monde entier regardait croître, espérant y trouver fortune et solidarité, comme le laissait entendre la propagande de l'époque. Beaucoup d'autres, plus ou moins volontairement, ont financé ce projet grandiose. Les caisses de retraite, organisations corporatistes, furent mises à contribution pour donner l'argent qui servit à édifier les murs. Cette sorte « d'impôt-construction» causa la faillite de nombreuses caisses, dont celle des chauffeurs de bus et des garçons de café. Janio Quadros, qui succède en 1961 à Jubitschek, déteste Brasilia. Il coupe tous les crédits et transmet sa répulsion aux fonctionnaires, habitants forcés de la nouvelle capitale fédérale . Le président Jaô Goulart rétablit les crédits un an plus tard, notamment pour la construction du « gratteciel » de la Banque du Brésil. Il ouvre la porte aux entreprises privées, distribue gracieusement les quadras les mieux situés à quelques privilégiés (hauts fonctionnaires, militaires, ou plus simplement cousins et beaux-frères). DETTES ... D ÉCOUVERT EN 1500, le Brésil colonisé par les Portugais s'est lentement étendu jusqu'à ses limites actuelles. Premier pays à gagner son indépendance, la République y est proclamée en 1889. Fédération regroupant 21 Etats, pour une superficie de 8~5 millions de kilomètres carrés (seize fois la France), il subit depuis 1964 la dictature des militaires sous la conduite à cette époque du maréchal Castelo Branco, actuellement du général Figueiredo. Pourtant, les institutions républicaines n'ont jamais été abolies, et pour la première fois en 1982, des élections à peu près libres ont pu avoir lieu. A cette réserve près que le Parti communiste brésilien, toujours interdit ne pouvait sy présenter sous son nom. L'opposition a recueilli les deux tiers des voix des Etats industriels du sud. ATLANTi Pendant la colonisation, l'activité du Brésil était; classiquement, centrée sur l'échange du sucre contre des esclaves, l'extraction minière et la production de café, puis la cueillette du caoutchouc. La première guerre mondiale a permis au pays, relativement épargné par le conflit, de recentrer son économie, mais à l'aide de capitaux étrangers. Pendant la deuxième, la production de biens d'autoconsommation s'est développée, toujours grâce aux mêmes aides. Ce qu'on a appelé le miracle des années 1965-1976 a surtout vu l'implantation d'unités de production à capital étranger (USA, RFA, surtout) ce qui a mené à l'endettement catastrophique d'aujourd'hui (80 milliards de dollars). A ce développement, a correspondu l'extension d'une bourgeoisie locale, fondant son pouvoir sur l'agriculture et les mines, mais restée à l'écart du développement économique moderne. De sorte que la société brésilienne semble vivre de la marginalité, voire du parasitisme, de la petite délinquance des plages de Rio au grand commerce du sexe des motels de Saô Paulo. L'action de l'Etat ces dernières années n 'afait qu'accroÎtre les inégalités, bien que les quelques signes de crise (émeutes de la faim dans le Nordeste, constitution d'un syndicat ouvrier unitaire, victoire de l'opposition aux dernières élections) l'ait amené à prendre de timides mesures de redistribution, en particulier en matière de logement. Jean-Michel OLLE Certains ouvriers, qui, lassés des maisons de planches du Nucléo Bandeirante, la ville pionnière, avaient construit des baraquements sur les berges du lac artificiel, sont chassés à plusieurs dizaines de kilomètres du centre. Les résidences de ministres et de nouveaux riches, prennent alors leur place, et avec eux apparaissent les premiers promoteurs privés. En 1964, les militaires prennent le pouvoir. Au lendemain du coup d'Etat, leur chef de file, le maréchal Castello Branco se trouve bien embarrassé. « Que pouvait bien faire un général d'armée d'une capitale perdue au milieu du « serrado » (la véRétation rase du plateau central), reliée aux centres industriels et stratégiques du pays, Rio, Saô Paulo, par deux routes, entièrement dépendante des télécommunications par micro-ondes, elles-mêmes à la merci des orages magnétiques ? » Un retour de la capitale à Rio était exclu, ne serait-ce qu'en vertu des efforts que l'Etat avait dû déployer pour attirer ses propres commis et les diplomates étrangers, révoltés contre l'abandon de Rio-la-pulpeuse (le «meneur» était alors l'ambassadeur du Saint-Siège ... ) Castello Branco pèse le pour et le contre. Contrôler le centre du pays demeure un objectif important. «Et puis Brasilia avait ses charmes, poursuit Renato. Le secteur militaire, avec le ministère de la Guerre, doté d'une magnifique esplanade pour défilés, protégé par un cornet acoustique où, grâce à l'écho, les pas crépitent comme des mitraillettes, a exercé une attraction irrépressible sur les militairesputschistes ». Mais où est donc passé le rêve communautaire ? A l'époque où les écrits de Carlos Marighela commencent à circuler sous le manteau, Brasilia offre des garanties non négligeables contre la guérilla urbaine: de larges avenues, des appartements répertoriés, habités par des policiers, des employés de l'Etat, une université facile à encercler en quelques minutes ... Hygiène sanitaire, hygiène politique: la capitale devient la forteresse où s'enferment le~ ~ardien~ de la « sécurité nationale ». Une base de Mirage français s'installe bientôt à une centaine de kilomètres de Brasilia ... Mais où est donc passé le rêve communautaire? A\.:oeptant de tracer, quelque vingt ans après, le bilan d'une de ses plus grandes oeuvres, l'architecte, Oscar Niemeyer, a lui-même révélé que les germes de l'échec de Brasilia existaient en son sein. « Tout se déroula bien jusqu'à un certain point, explique-t -il. Du temps du président Juscelino Kubitschek, il y avait une certaine unité dans la conception. On pouvait sentir que la ville se développait avec harmonie et rigueur, selon une idée directrice. Les immeubles s'entremêlaient. Puis, peu à peu, insidieusement, des modifications commencèrent à surgir. La première dispute éclata à propos de l'aéroport. Déjà à cette époque, il y avait des pressions. J'avais conçu, et mon plan avait été approuvé, un aéroport circulaire, estimant ainsi que l'espace était mieux utilisé. Mais les gouvernants et les dirigeants de la Novacap, décidèrent qu'un aéroport devait être extensible, donc de forme plus classique. Une fantastique lutte d'influence se déclencha alors, sous prétexte que l'aéroport devait être l'entrée principale de Brasilia. Puis un jour, il fut décrété que l'aéroport devait avoir une fonction militaire. Le processus était enclenché. » Peu à peu, les bâtisseurs de la cité furent éloignés et relégués dans les villes-satellites, distantes d'une quarantaine de kilomètres du Piano Piloto, le centre de Brasilia. « Ceux qui ont construits les palais, les théâtres, les cinémas, les écoles ne les fréquentent pas», remarque Oscar Niemeyer avec amer- 30 tume. « L'architecture, ajoute-t-il, représente toujours le milieu dans lequel elle est réalisée. Dans les pays capitalistes, elle reflète les contrastes entre riches et pauvres. C'est ce qui caractérise actuellement l'architecture brésilienne, nous ne pouvons y échapper, mais il est de notre devoir de concevoir des solutions pour le futur ». Vouées au culte de l'automobile, les larges avenues de Brasilia se croisent et s'entremêlent sur des dizaines de kilomètres. « Une maquette grandeur nature» notait Simone de Beauvoir dans la Force des choses: «Quel intérêt trouverait-on à flâner entre les quadras et les super-quadras de six à huit étages ... La rue, ce lieu de rencontre n'existe pas à Brasilia ... La ségrégation sociale est plus radicale ici que n'importe où ailleurs ... Les enfants de riches ne côtoient pas les pauvres sur les bancs de la classe, ni au marché. ni à l'église. la femme du haut fonctionnaire ne frôle celle de l'employé ». L'espace a parfois besoin de se rétrécir... «L'angoisse, me dit un fonctionnaire, c'est de. passer les vacances ici. Il n'y a rien à faire ». Malgré une architecture fascinante et une qualité de vie certaine (pas de bruit, pas d'embouteillages, tout à portée de main), à la veille du carnaval, les Nordestins repartent « prendre l'air» à Recife, les Bahianais à Salvador, les Cariocas à Rio. La vie, Brasilia la retrouve, tant bien que,. mal, dans ses villes-satellites, villes métisses où la misère se perpétue, mais ne se montre plus. Ségrégation sociale et prix prohibitifs (Brasilia est une des capitales les plus chères du monde) ont rejeté ceux qui avaient rêvé d'une vie meilleure. Ici, le ministère de la guerre à Brasilia et la ville de Saô- Paulo Les autobus vétustes et surchargés qui mènent à Taguatinga tinga a, quant à lui, la nostalgie des fêtes de la Saint-jean (80 000 habitants), Gama (40 000), ou au Nucleo Bandei- qui célèbrent à la fois l'équinoxe d'automne et la récolte d~ nante (30000) rappellent les pau de arrara du Nordeste, ces maïs. « A Nova Cruz (son village, dans l'Etat du Cearà), on caI?ions bondés de travailleurs agricoles (les boias frias), danse autour des feux de joie, au son de l'accordéon, de la qUI se renversent sur le chemin des plantations faisant des Saint-Pierre à la Saint-Jean. On mange de la canjique (à dizaines de morts, chaque année. Ils rappelledt également base de maïs), on se déguise paysans» (chemises à carreaux les trains de banlieue à Rio, où, faute de places et d'argent, chapeaux de paille). ' les plus pauvres s'agrippent aux portières et aux fenêtres. La magie et la violence du Brésil se retrouvent ici aussi. FeAte Brésil mulâtre, Brésil souffrant. Lumena m'emmène chez elle, à Taguatinga. Née à Pirenopolis, dans l'Etat de Goias, elle est « montée» à Brasilia attirée par les lumières de la ville, l'envie d'aller à l'éCOle: celle de vivre comme dans les novelas, ces feuilletons télévisés qui font vibrer chaque soir le Brésil tout entier. Pour le carnaval, elle ira rejoindre sa famille à lafazenda, la ferm~, « On tue des porcs, des poulets, on danse sur la place d~ v,ll/age, ~ntre nous ». Mais, à Pirenopolis, petite ville llIchee au pIed des Monts Pyréneus, le carnaval colle peu aux traditions des fêtes populaires. La vraie fête, c'est en mai. L.es cavalha,das, célèbres dans toute la région, mettent aux pnses les meIlI~urs cavaliers du canton, masqués, munis de lances et parodiant les tournois à cheval d'antan. En décembre, le jour du solstice d'été, toute la ville va passer la nuit dehors, à grand renfort de cachaça et des centaines de feux s'allument dans les monts Pyréneus. Lumena n'a jamais raté aucune de ces fêtes, « 100 kilomètres en autobus, c'est vite fait ». Silvo, son voisin à Tagua- 31 paie~~e, née du ,syncrétisme de la religion catholique, des tradItIOns europeennes et des mythes africains, le carnaval demeure, au Brésil, essentiellement urbain. Brasilia n'a pas ODEURS DE CUISINE Le Vatapa-(Bahia) • Laisser macérer 200 gr. de pain dans de l'eau et du lait. • Fai~e revenir 500 gr., de poisson en tranche dans l'huile d'olive, avec des oIgnons et du persil chinois. Ajouter un verre d'eau, puis deux tomates. • Lorsque le poisson est cuit, joindre 400 gr. de crevettes cuites mettre le tout de côté en gardant le jus. ' • Ajout~r au pai". détremp~ 200. gr. de cacahuètes et de noix de cajou passées a la moulmette, pUIS le JUs de poisson. • :asser ~e tout à la moulinette, incorporer deux cuillères à soupe de lmt de nOIx de coco. Remettre sur le feu, ajouter eau et sel laisser bouillir en remuant avec une cuillère de bois. Le Vatapa, doit avoir la consistance d'une bouillie épaisse. • Après avoir retiré les arêtes, y joindre le poisson, les crevettes le piment et deux cuillèes à soupe d'huile de palme. Mélanger. Servir dvec du riz blanc. . su l'absorber. Un carnaval réussi demeure le lot de ces villesfournaises qui bordent la côte atlantique. Rio, où le carnaval de rue n'existe déjà plus, mais où les traditions demeurent, Salvador, ville noire à 80 0/0, Recife aux portes du sertaô. Vivre le carnaval : un fantasme tropical et nécessaire. A quelques kilomètres de Recife, Olinda, une des villes « historiques » dont le Brésil a le secret, construite par les premiers colonisateurs portugais et hollandais, attire touristes étrangers et Brésiliens du sud. Ses rues escarpées, bordées de maisons blanches, roses, vertes, sa cathédrale noyée dans les cocotiers et surplombant la mer, possèdent un charme et une saveur incomparables. S'arrêter à Olinda, attendre l'arrivée de « l'Homme de minuit» qui ouvre le carnaval au son du frevo (ici la samba est d'arrière-garde), c'est, pour un Européen, l'impression de réaliser un fantasme tropical et nécessaire. C'est, pour un Brésilien, l'impression - délicieuse - de n'avoir jamais été autant brésilien. Mais pour Hildegarde, une jeune femme médecin, « a situaçaô aqui està muita preta (tout est noir, tout va mal), les gens ont faim, l'inflation atteint 100 %, même les classes moyennes sont à présent atteintes par la crise. L'année dernière, un père de famille, complètement désespéré, a jeté ses deux enfants dans le fleuve Capibaribe, en plein centreville: il ne savait plus comment les nourrir ». Pourtant, à Boa Viagem, quartier résidentiel de Recife, les immeubles en front de mer se dressent face à l'océan comme des signes de prospérité. Derrière ces façades attachantes - vitres fumées, pare-soleils et larges balcons -, se cachent les bidonvilles les plus sordides du Brésil. Alors qu'un tiers de la population vit dans les beaux quartiers, 60 % des habitants de l'Etat de Pernambouc r estent analphabètes, gagnent le salaire minimum (400 F environ par mois) et souffrent de malnutrition. Les bidonvilles, ou favelas, de Recife, construits sur des marais, avec de vieux cartons, des bouts de tôles, sont de véritables foyers de misère humaine. Produits d'une croissand~ ultra-rapide et de l'enrichissement exclusif d'une classe sociale privilégiée, les favelados (habitants des bidonvilles) viennent de loin. L'intérieur du Nordeste, le sertaô, ou polygone de la faim, est une des régions les plus sèches du monde. Colonisée dès les premiers temps de la conquête portugaise, déboisée à outrance, elle s'est transformée en un désert traversé de temps à autres par quelques vallées fertiles . Traditionnellement voué à l'élevage, le sertaô est dominé par les « latifundia », grands domaines entre lesquels les petits propriétaires cultivent quelques arpents de manioc. Structure sociale figée , mysticisme supersticieux, le sertaô encercle la culture et le peuple brésiliens à la manière d'une couronne d'épines. Lorsque, comme ces deux dernières années, la pluie tarde à venir, des milliers d'animaux meurent de soif, et des milliers d'enfants ont le ventre gonflé par la faim. Parfois, c'est la révolte : en 1981, des magasins, des silos à grains ont été pris d'assaut par les paysans . La police a riposté ... Souvent, c'est l'exode. Une longue procession de retirantes, quittant une terre craquelée, se dirigent vers la ville où ils iront grossir des bidonvilles marécageux. Les autorités brésiliennes se sont penchées sur la question pour parer au plus pressé, sans qu'il soit question de remettre en cause l'ordre social. Objectif immédiat: vider les centre-villes de ces baraquements de fortune, ne plus permettre la concentration sauvage de cette population d'origine rurale: question d 'image de marque ... Pour mieux cacher ses plaies ouvertes du miracle économique, une politique du logement social à été en place depuis 1970 : des cités-dortoirs alignent à présent de minuscules maisons blanches (une ou deux pièces pour une famille de 10/ 15 personnes) à quelques dizaines de kilomètres des centre-villes. Ces banlieues sont souvent dépourvues d'écoles, de terrains de jeux et d'égouts. Les transports y sont rares et chers, et si un rideau d'arbres les abrirent des regards indiscrets, leurs habitants ne voient guère leur condition de vie s'améliorer. Un autre ennemi guette les favelados .' le promoteur, qui règne en maître sur le destin des « géantes» brésiliennes. VOLTA REDONDA QUAND JE SUIS REVENU pour la dernière fois dans ce quartier périphérique de Volta Redonda, apparemment peu de choses avaient changé en six ans.' quelques maisons en dur, quelques barraques en planches, une boulangerie et même une boucherie ... Un terrain vague qui s'aménage peu à peu, un terrain de football né de la coupe du monde 1978, un dépôt de matériaux de construction, une petite cité construite par un entrepreneur local en quête de profit ... Mais toujours la même poussière de ciment rejetée par la fabrique voisine et qui donne à la végétation ce ton gris indéfinissable, ces « rues» ravinées qui montent à l'assaut de la colline, cette gadoue qui donne l'impression de marcher sur de la savonnette, deux pas en avant, un pas en arrière ... D'ailleurs le bus ne se hasarde pas à pénétrer au coeur du quartier quand il pleut. Et chaque jour le va et vient des travailleurs au rythme des 3/8 imposé par le complexe sidérurgique, la lutte pour la vie des innombrables sans travail à la recherche de « biscates » (bricoles occasionnelles), des mères de famille, aux prises avec les problèmes de santé, d'eau, d'école, et de simple survivance. Les enfants aussi s'emploient à la ville dans les heures creuses, récupèrent les emballages, vendent des glaces, cirent les chaussures. Petit peuple ingénieux, il veut vivre. Plus encore il s'organise. Et parce qu'en son sein se sont levés quelques hommes et quelques femmes plus conscients, petit à petit ils sont allés frapper à la porte des autorités responsables. Sinon, pourquoi y aurait-il aujourd'hui ce groupe scolaire ? Pourquoi ce téléphone public? Pourquoi auraiton aURmenté le nombre des bus et amélioré les horaires? Petit à petit, la conscience est née.' on y peut quelque chose. Des impôts, des taxes payées, nous devons demander des comptes. Fait notable.' aux dernières élections municipales, le quartier a élu un de ses leaders. Seul de son parti, le parti de Lula, le syndicaliste bien connu du grand Saô Paulo, il continuera à défendre comme il en a déjà donné la preuve, ses compagnons de destin. Peutêtre même arrivera-t-il à faire en sorte que son quartier soit tout en tier reconnu comme faisant authentiquement partie de la cité de Volta Redonda ... Car jusqu'ici les deux communes voisines ne se sont pas mises d'accord sur leurs limites respectives ... Pierre LEBOULANGER

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La police spéciale s'entraînant à la lutte anti-terroriste Un terrain occupé par un bidonville est un profit perdu pour l'immobilier. A Rio, ville complètement défigurée par les poussées anarchiques d'immeubles tassés les uns contre les autres, les favelas sont peu à peu éliminées et remplacées par des gratte-ciel. Quelques-unes ont résisté, comme celle du centre. Ses habitants ont voté en masse, lors des élections générales de novembre 1982 (les premières depuis dix huit ans) pour Leonel Brizzola, le nouveau gouverneur de l'Etat de Rio. Le leader du P leur avait promis de ne pas les déplacer, mais d'améliorer les réseaux d'égouts, de construire des écoles .. . Tiendra t-il parole? A Recife, fief du parti gouvernemental, une seule solution de rechange: déménager d'un bidonville à l'autre. Et si par bonheur il parvient à accumuler un pécule suffisant, le favelado nordestin pourra échanger son baraquement de tôle et de carton pour un dessous de pont à Saô-Paulo (12 millions d'habitants, 60000 nouveaux arrivants par mois). Il peut passer de la pêche aux crabes à la fouille systématique des poubelles. Balloté, livré à la misère, le favelado n'a pas d'avenir. Ce sont les USA qui aident le gouvernement brésilien à réaliser un autre aspect de sa politique de « défavelisation », en lui fournissant gratuitement des moyens contraceptifs puissants dont il est difficile de mesurer l'impact. Se heurtant à l'opposition du clergé, cette politique de stérilisation, parfaitement raciste (la population des bidonvilles est métissée) fait des ravages. « L'augmentation de l'indice de natalité parmi les Noirs et les mulâtres menace, au Brésil, l'hégémonie de la race blanche. Je propose donc tout simplement la stérilisation », a récemment déclaré un économiste brésilien, Benedito Pio da Silva, à l'occasion d'une bourse aux idées organisée par le gouverneur de l'Etat de Saô-Paulo. La querelle entre malthusiens et natalistes est pourtant loin d'être close. 33 DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 « Le taux de mortalité est de 180 pour 1 000 au Nordeste. Quand tu demandes aux femmes combien elles ont d'enfants, ajoute Hildegarde, elles répondent invariablement.' quinze, dont dix vivants. L'augmentation du taux de mortalité reste pourtant préoccupant ». Selon le sociologue Josué de Castro, le manque de protéines favorise la fertilité de la femme. Dans les régions du Nord, où la pilule reste souvent un péché, l'homme, imprégné du machisme sud-américain, affirme sa virilité par un nombre élevé d'enfants. Autant de raisons pour grossir encore des familles déjà nombreuses ... Un fait est certain: la population se répartit extrêmement mal sur cet immense territoire. Sur 8.516.037 kilomètres carrés (4 315 kilomètres du Nord au Sud, soit Paris-Dakar) 80 % des Brésiliens vivent dans la zone côtière. La conquête de l'Ouest qui a débuté avec la construction de Brasilia, puis avec la construction de la route Belem-Brasilia (2 200 kilomètres à travers la forêt) bat son plein dans le Brésil d 'aujourd 'hui. « L'oxygène du monde, c'est nous! » Les 4 000 kilomètres de la Transamazonienne ont détruit sans discrimination arbres, singes et travailleurs, coupant des réserves indiennes en deux, et ouvrant les appétits des mutlinationales . Les petits colons, les posseiros, à qui la propagande officielle avait fait miroiter un nouvel Eldorado (un lopin de terre en bord de route) se sont heurtés aux hommes armés (les pistoleiros) des gros propriétaires, aux aléas du climat, aux difficultés de transports. Inondée par les pluies, absorbée par des milliards de mètres cubes de végétation, la Transamazonienne est un échec. Pourtant, le projet Perimetral Norte (Il 000 kilomètres de route sur les frontières amazoniennes de la Bolivie, du Pérou, de la Guyane, du Vénézuéla) n'est toujours pas rentré dans les cartons. « L'oxygène du monde, c'est nous. Sans l'Amazonie, les Européens ne pourraient pas respirer ». Eugenio, qui possède une scierie sur les bords de la Belem-Brasilia ne se sent pas gêné part la contradiction. Dans trente ans, plus d'Amazone, disent les experts? « Besteira ! » (des bêtises) Les arbres que l'on coupe? « Une éraflure! » Les Indiens? « Des sauvages! J'en ai vu en allant chercher un jacaranda. Presque tous nus, pas des êtres humains. Et puis, ils ont tué des Blancs. La prochaine fois, je tire ». « Le Brésil n'est pas raciste », dit-on officiellement. Sur les dix millions d' Mricains réduits en esclavage de 1500 à 1870, 38 % ont été absorbés par le Brésil, contre 6 % aux EtatsUnis. Depuis 1950, ni les statistiques, ni les recencements ne prennent en considération la couleur de la peau. Les derniers chiffres founis pas l'Institut brésilien de statistiques (lBGE) indiquent cependant clairement que les Noirs et les Métis sont les plus pauvres et les moins instruits!. Le Movimento negro unificado (MNU), qui a organisé la première manifestation Black à Sao-Paulo en 1978, se bat pour la réintégration de ce critère dans les recencements, « faute de quoi, la communauté noire sera toujours niée ». Marli, une jeune fille de la Baixade Flumineuse, la banlieue pauvre de Rio, a dénoncé l'assassinat de son frère et de son ami par la 'Main Blanche, une organisation d'extrême-droite issue de l'Escadron de la mort. Elle a brisé le mur du silence: on s'est aperçu que sur les 300 victimes d'expéditions punitives revendiquées par la Main Blanche, 250 étaient des Noirs, et 20 des métis. Véronique MORTAIGNE 1. Voir à ce sujet le numéro spécial «Brésil » de la revue Autrement. Albert Memmi IFFÉRENCES: On parle beau- D coup aujourd'hui de différence. Le mot est à la mode à propos du ra-:I~me comme de beaucoup d'autres problèmes. Votre mérite a été dans la définition du racisme que vous avez donnée il y a très longtemps déjà, dans les années 60, de montrer que la différence est le pivot du problème. Albert Memmi : Avec la notion de différence, je crois que nous avons mis la main sur une bombe. Je m'explique: dans le cadre de l'oppression, il est clair qu'un homme ou un groupe dominés sont soumis par là-même à une éradication, à une négation. Une négation de leurs valeurs, de leur personnalité; dans le meilleur des cas, par une assimilation au dominant. Il faut donc affirmer les différences. A partir du moment où quelqu'un se révolte, c'est pour se rétablir dans son intégrité, dans son intégralité. Il est vrai aussi que-le racisme fonctionne aussi en fonction de l'affirmation d'une différence. Lorsque quelqu'un est raciste, est dominant, il a tendance à insister sur sa différence, sur ce qui est bien cn lUI Cl ~ur la différence de l'autre dans ce qu'elle a de négatif. Le concept vaut dans les deux sens. C'est peut-être un Pour Albert Memmi, l'homme est capable à la fois d'accepter et de rejeter l'autre ... EST-IL BON EST-IL ? • iMÉCHANT ? • des risques de la tendance actuelle à un renouveau des cultures latines. Il n'est pas sûr non plus que le Tiers Monde soit exempt de ce péché. Il peut arriver à un ancien dominé qui, en se libérant, a repris sa culture en main, de dire A partir de maintenant, ma culture est positive

puis ensuite
Elle est belle; et puis

ensuite : elle est plus belle que celle des autres. Différences: Est-ce qu'on ne peut pas dire que la différence en elle-même est neutre? Ce qui est important, c'est l'interprétation qu'on en fait: une forme de hiérarchisation, de cloisonnement ou au contraire l'occasion d'une recherche de l'échange. Albert Memmi : Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dite~ que la différence est neutre. Elle ne l'est certainement pas, mais je suis d'accord pour dire que c'est une affaire d'interprétation parce qu'il y a toujours interprétation. La différence c'est quelque chose qui nous surprend, qui est de l'ordre de l'inconnu. Elle surprend agréablement ou désagréablement. L'exotisme c'est une différence surprenant agréablement. J4 Le tourisme c'est de l'exotisme, c'est la recherche d'un exotisme positif. Mais l'inconnu donne en même temps de l'appréhension. Quand on se trouve dans une ville qu'on ne connait pas à la tombée de la nuit, on n'est pas à l'aise. On revient au connu. On recherche le syndicat ou le parti, ou les gens de l'enseignement si on est professeur, ou les Francs-Maçons du coin si on est franc-maçon. Au fond, on essaie de ramener l'inconnu à du connu. A première vue, la différence n'est pas neutre, elle est inquiétante, C'est ça le drame. Ensuite, c'est une affaire d'interprétation. Vous pouvez à partir de cela considérer que vous voulez vous enrichir de la différence, vous en réjouir et en jouir au plus. Vous pouvez aussi la combattre: Je ne veux pas de gens qui mettent la perturbation dans mon ordre habituel. Différences : Vous insistez dans votre livre sur l'aspect instinctif. Vous dites par ailleurs qu'existent chez les hommes à la fois le racisme et l'antiracisme, comme réaction à la différence. Albert Memmi : Le phénomène est tellement complexe qu'il faut l'étudier sous plusieurs niveaux, dont la psychologie. Il est clair que l'individu humain contient potentiellement les deux directions. C'est à la fois inquiétant et rassurant. La première étape c'est la relation d'hostilité, de peur, de rejet ou d'agression. Pourquoi? Parce que l'individu nait faible et désarmé. L'animal humain est moins exposé que les animaux mais fondamentalement c'est un animal en danger qui, donc, a peur. Je m'empresse d'ajouter qu'au niveau individuel, il y a quand même des relations positives. Pourquoi? Parce que l'animal humain est aussi secouru. Comme il est immédiatement secouru, l'espoir c'est l'autre. Il y a en nous une tendance qui est à chercher l'autre, au niveau des enfants si on est père, au niveau des parents si on est fils, etc. Il y a donc ces deux potentialités. Il suffit d'appuyer sur l'une ou sur l'autre. Soit pour provoquer la panique chez les gens en faisant appel à leur sentiment d'insécurité, soit au contraire pour faire appel à leur sentiment d'amour, de dévouement, d'élévation, de solidarité, d'entraide. Différences: Il semble que dans votre livre, le racisme apparaît trop comme une erreur individuelle, les attitudes racistes comme une interprétation erronée de la différence au plan individuel. Ce qui n'apparaît pas assez clairement, c'est la volonté de certains, au plan politique, d'utiliser le racisme de façon indirecte. Il est clair par exemple pour exploiter les Noirs en Afrique du Sud, il faut que les gens soient convaincus de la supériorité des Blancs. Cela c'est un aspect direct. Mais dans ce pays aussi, le racisme n'a pas pour but seulement d'exploiter les Noirs mais d'inférioriser également les Blancs. Par exemple, en France, nous avons toujours dit, et les syndicats avec nous, que le racisme ou la surexploitation des travailleurs immigrés était dirigé aussi contre les travailleurs français ; que les dirigeants se servaient du racisme non pas seulement pour mieux justifier l'infériorité d'un groupe mais aussi pour dominer un autre groupe, de sorte que le raciste lui-même est une victime dans la mesure où il cède à cette idéologie. Albert Memmi: Vous me reprochez avec justesse de ne pas avoir suffisamment développé une sociologie du racisme. De fait, elle est développable à partir de la notion de profit. J'ai peutêtre eu tort de choisir ce mot qui a une physionomie économique trop marquée. Mon acception est beaucoup plus large. Par exemple, les anglais qui jouaient au polo en Inde, indépendamment des avantages économiques et DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 sociaux qu'ils avaient, en retiraient un sentiment de supériorité très profitable. C'était une affirmation de soi très agréable, qui rejetait les autres dans les ténèbres, et procurait non seulement des profits économiques, mais des profits psychologiques aussi. Nous passons de là à l'idée que chaque peuple se pense spirituellement meilleur. Chaque peuple croit qu'il possède des valeurs inaliénables, spécifiques, qu'il apporte un message très. particulier, ce qui n'est pas totalement faux en plus. C'est vrai par exemple que le christianisme est une chose originale. Mais en même temps, existe la tentation de faire de ces traditions spécifiques quelque chose de supérieur. Voilà où commence le dérapage de la notion de différence. Il y a évidemment un deuxième aspect, celui de l'utilisation contre les était naïvement rousseauiste. L'homme est pluriel. A partir de là, ou bien nous avons une philosophie du constat accepté: l'homme est méchant, les relations entre les peuples sont des relations de conflit, il faut nous installer dans une société de force et de conflit et nous en accommoder. Ou alors, à partir du même constat, on lutte pour décourager ou sublimer les pulsions agressives, et encourager les relations positives, les échanges, tout ce qui peut apprivoiser et reconnaître la différence ; ce qui est fort délicat, mais qui reste la seule issue. Pour le traitement, si cette description est correcte, il y a trois niveaux: individuel, sociologique et philosophique. Plutôt qu'aller devant les tribunaux pour attaquer les racistes, il faut enseigner la différence. « La différence, c'est quelque chose qui nous surprend, qui est de l'ordre de l'inconnu ». Blancs eux-mêmes. Vous avez totalement raison : le racisme peut être utilisé par des dominants contre des dominés. Quand des petits blancs, qui ne sont pas des exploiteurs, comme des petits commerçants par exemple, trouvent le moyen de mépriser la concierge portuguaise d'à côté: qui leur achète des crayons, c'est dérisoire. C'est vrai qu'il peut exister une espèce de super racisme volontariste, un troisième larron qui tire les ficelles. Bien que les grands capitalistes, dit-on, ne soient pas racistes. Mais ils laissent faire, ils ne vont pas confondre le monde qui leur convient. On peut admettre chez ces gens une sorte de racisme au deuxième degré. Ils sont plus malins que les racistes habituels, ils se servent d'eux, donc ils ne le sont pas . Différences: Nous nous rendons compte qu'il ya des facteurs aggravants du racisme, qui sont des facteurs économiques et politiques qui sont manipulés. La lutte contre le racisme n'est pas seulement nécessaire au niveau des individus, mais au niveau de ces facteurs, que le gouvernement précédent avait su utiliser, par exemple en accusant les pays arabes producteurs de pétrole de désorganiser l'économie française. Albert Memmi : Sans doute le gouvernement actuel est en progrès sur ces questions-là, du moins je l'espère. Cela dit, il existe une philosophie du racisme, qui est une philosophie de l'ordre. Nous constatons que l 'homme est à la fois bon et mauvais, nuisible et utile. Peut-être que l'erreur de beaucoup d'entre nous était de penser qu'il suffisait bien voter pour que l 'homme demeure bon, ce qui 35 Deuxième niveau, celui de la sociologie et de la politique. On peut faire une politique défensive: toute lutte contre l'oppression, qui empêche qu'on utilise une différence afin de léser quelqu'un, va dans le sens de l'antiracisme. Je ne pense pas qu'il suffise de faire une bonne politique pour que les gens cessent d'exploiter les autres. Mais si les conditions sociales changent, si les gens ne peuvent plus, ou moins, opprimer quelqu'un d'autre, ils ont moins besoin de se servir de ce mécanisme destructeur qu'est le racisme. Sur le plan philosophique, enfin, l'antiracisme rejoint la vieille doctrine, tellement bafouée, tellement abimée, qu'est l'humanisme, et qu'on croyait finie. Différences: L'humanisme a bien servi aussi aux pires choses ? Albert Memmi : Nous vivons dans un monde truqué où tout sert à tout. Différences : Vous insistez sur le fait que le raciste reçoit un profit de son attitude. Le raciste n'est-il pas aussi une victime de son racisme? Albert Memmi: Certainement. Dans cette relation entre le dominant et le dominé, il se produit deux choses : une destruction lente du dominé, une intériorisation de l'oppression qui fragilise la victime, et la transforme. Mais le dominant est aussi transformé, il ya un effet de « feed-back », il s'accorde sur sa victime. Se trouvant dans un état de violence de fait, il devient violent, se dégrade. Il y a une transformation réciproque des deux partenaires, pas dans le bon sens d'ailleurs. Culture WAGNER EST-IL COUPABLE EUT -on tenir coupable, donc P condamnable, un créateur dont la postérité utilise les oeuvres à des fins particulières? Si ces fins sont justiciables doit-on remonter au créateur et en faire, partant, le procès? Les nazis avaient-ils le droit d'interpréter les écrits théoriques et leur résonance dans l'oeuvre musicale du maître de Bayreuth ? Faut-il voir en Richard Wagner un précurseur de l'idéologie nationalesocialiste? On peut douter qu'une oeuvre d'art, en l'occurence un drame musical, soit porteuse d'un sens, qui ne varie pas au fil des époques et des contextes socio-politiques dans lesquels elle est représentée. Tombant dans le domaine public à sa création, à son apparition, la postérité doit-elle la « respecter », en conserver, en protéger la forme, le contenu, le sens? Métaphore et trahison Un premier exemple non-wagnérien, donne un embryon de réponse. Aïda de Giuseppe Verdi fut créée au Caire en 1871. Le compositeur de Bussetto, ami de Garibaldi, passait depuis son Nabucco de 1842 pour un des chantres du nationalisme italien, du retour à l'intégrité territoriale, culturelle et politique de la péninsule italique, morcelée par des pouvoirs politiques étrangers et antagonistes. Vint le Risorgimento. On chantait le choeur des prisonniers juifs captifs à Babylone ( Va, pensiero» extrait de Nabucco) comme le peuple français chantait La Marseillaise. Or, le livret d'Aida présente comme argument principal la volonté de conquête de l'Ethiopie par les armées pharaoniques. Lorsque Mussolini décida de créer la saison d'été à l'Opéra de Rome, En 1937, aux Thermes de Caracalla, quel opéra choisit-il, au moment même où les ambitions coloniales italiennes se portaient sur la Lybie et l'Ethiopie? Aïda, bien sûr, pour en faire la métaphore de ses visées militaires. y avait-il là interprétation ou trahison du sens de Cent ans après sa mort, on accuse encore son oeuvre d'avoir plu aux nazis ? • l'oeuvre? N'était-ce pas plutôt un déplacement dans le temps, l'espace et le contexte idéologique ? Aida, au Caire en UnI, exaltait le nationalisme égyptien, faisant remonter l'unité et la puissance de ce peuple à l'époque pharaonique. Il y avait symbole. Aida, En 1937 à Rome, ne peut plus être un symbole. Et si rhétorique il y a, l'opéra est devenu une métaphore, décryptable uniquement par une intelligentsia cultivée ou par un peuple fanatisé et endoctriné par ailleurs et par avance par des tribuns démagogues et puissants. Il n'y a donc pas interprétation du sens de l'oeuvre (quand bien même on aurait affublé les soldats des pharaons de chemises noires!) mais déplacement d'un sens qui, dans la structure de l'oeuvre n'a pas varié. Rencontre ou coïncidence ? Qu'en fut-il de l'interprétation, de la récupération du contenu de l'oeuvre de Wagner par Hitler et les Nazis? A l'origine, un homme, Adolf Hitler: artiste raté et frustré, puis qu'il a été refusé par l'Académie des Beaux-Arts à Vienne en 1908 ; autodidacte, sans jugement critique, dans le domaine artistique. Démagogue astucieux et tribun hors-pair, dans le domaine politique. Il aime Wagner et sa musique, jusqu'au point de, comme le rapporte Auguste Kubizek, dans Adolf Hitler, mon ami d'enfance, «s'approprier littéralement la personnalité de Wagner, comme pour en faire une partie intégrante de son individu ». Comment expliquer cette rencontre, cette coïncidence entre deux personnalités si différentes? On peut souligner les principaux points de coïncidence. Antisémitisme du compositeur (Le Judaïsme dans la Musique), influence de Nietzsche, Shopenhauer et Gobineau sur les idées du maître de Bayreuth. Doctrines aussi mal comprises par lui que par les nazis: Nietzsche et Gobineau n'approuveront pas les dernières oeuvres du musicien, et les nazis seront obligés d'adapter, par d'intéressantes coupures, les textes de ces penseurs, pour les rendre publiables et utilisables. Dans l'oeuvre musicale, la question est plus délicate à aborder. La pureté du sang Seuls quelques drames musicaux, les plus joués à Bayreuth pendant le nazisme, peuvent fournir matière à analyse. Tristan und Isolde, d'abord. Au départ, c'est un mythe celtique, très tôt germanisé, une histoire montrant que l'amour est salvateur pour les coeurs purs, puisque ni Tristan ni Isolde ne sont coupables de leur passion interdite. Ils sont victimes d'un sortilège, d'un filtre qui les a empoisonnés. Ils meurent purs et sont ainsi sauvés : thème de la pureté du sang, et partant, de la race. Cette interprétation, possible, se situe au niveau du symbole, mais semble un peu tirée par les cheveux. Parsifal, l'ultime drame, le mystérieux, la longue cérémonie mystique est plus difficile à décoder. Certes, on y trouve l'image du héros puissant (mais non guerrier) parce qu'il refuse l'impureté de l'amour charnel et de l'inceste (les Filles-Fleurs, Kundry, l'orientale, descendante d'Hérodiade, donc non aryenne). Il porte la lance et le cratère de sang pur, celui du Christ (?), donc un sang juif. On sait que cet opéra eut bien du mal à tenir l'affiche de Bayreuth, puisque, de fait, il en disparut de 1939 à 1947, au grand dam de la prêtresse du lieu, nazie bon teint et belle-fille du compositeur, Winnifred Wagner. Dans ces deux oeuvres, les nazis pouvaient-ils trouver matière à symbole ou à métaphore des idées maîtresses du nationalsocialisme ? On voit très vite où le bât blesse. L'optimisme de la rédemption par l'amour (Tristan) ou par la pureté mystique (Parsifal) ne pouvaient que rebuter le Führer et les têtes pensantes du nazisme, tournés entièrement vers les concepts de volonté de puissance et d'avènement de la suprématie d'une race guerrière et pure sur le monde occidental, et cela non par l'amour ou la religion, mais par la force et la violence. Il était possible de présenter soit d'une manière symbolique soit d'une manière métaphorique des significations si évidentes. Rien n'était interprétable, à plus forte raison récupérable; sauf, à trahir l'oeuvre de Richard Wagner et l'énigme de la Tétralogie. Les confusions du ~ Crépuscule" ' . A un premier niveau, la concordance entre le contenu signifiant des quatre drames (L'Or du Rhin, La Walkyrie, Seigfried, Le Crépuscule des Dieux) et l'idéologie nazie paraît facile à appréhender. C'est l'histoire d'une lutte tripartite: le pouvoir (l'or) est l'enjeu du conflit entre les Nains (Nibelungen),les Géants et les Dieux. Deux groupements d'êtres vils (les Nains) ou monstrueux (les Géants) mettent en péril la puissance de Wotan et des Dieux. Deux héros, au service du roi des Dieux, Wotan: Son « petit-fils» Siegfried, qui sera anéanti par la ruse des inférieurs et sa fille, Brünhilde, la walkyrie, qui au moment de la destruction du Walhalla, séjour des dieux, se sacrifiera sur un bûcher. Une rédemption par l'amour, qui annonce une ère nouvelle. Ainsi les héros et les walkyries guerrières n'auront pas pu rétablir l'ordre dans cette cosmologie mythique. Une trame bien confuse, dont 37 la signification est peu claire, même lorque l'on essaie de clarifier les thèmes: un meneur de jeu tout puissant mais surtout rusé et machiavélique: Wotan. Des Dieux et héros aux coeurs purs, menés par l'amour (fût-il incestueux) et la volonté de supprimer les méchants, de race inférieure (Nains et Géants), mais qui périssent tous pour laisser la place à un monde nouveau. Lequel? Héros sacrifiés Hitler ne dut pas avoir grand mal à établir un processus d'indentification entre Wotan et le Führer et à métaphoriser le reste : les races inférieures à anéantir, les Nains et les Géants, images des juifs et des slaves; les héros et les guerriers sacrifiés au nom de l'amour: les aryens luttant et donnant leurs vies à la cause du Pangermanisme raciste, la chute du Walhalla pouvant même représenter cette vieille Allemagne décadente, pourrie par trop de pactes passés avec les ennemis des aryens. Mais enfin, ce Crépuscule final n'est-il pas posé par Wagner en forme d'énigme? Quelle sera la nouvelle ére annoncée et le nouveau héros que l'on attend ? Dans la logique du discours et de l'oeuvre wagnériens, il ne peut s'agir que de Parsifal, dont on a vu plus haut les problèmes qu'il posa à l'idéologie nazie. Or, si le monde nouveau des nazis devait se construire sur les ruines d'un Walhalla à jamais disparu, il devait être le fait d'un héros guerrier, de race aryenne, donc suprême, asservissant, voire exterminant les ethnies prétendument « inférieures ». Rien de tel dans la Théologie ni dans Parsifal. Wagner achève son oeuvre par des points de suspension. Si, le déplacement métaphorique pouvait satisfaire la mégalomanie hitlérienne et les théories racistes du national-socialisme, il ne pouvait se produire qu'auprès d'un public capable d'effectuer ce décodage et, donc, déjà endoctriné par la propagande démagogique des penseurs du régime. Sans ces tiraillements admis d'avance par les spectateurs, l'oeuvre de Wagner ne pouvait raconter l'Allemagne nazie. Dès lors, Wagner peut-il être considéré comme un penseur précurseur du nazisme? Il y a plutôt là un déplacement de sens, confinant à la trahison, et on pourrait accuser Hitler d'avoir feint de ne pas comprendre le contenu de l'oeuvre dramatique du compositeur. Les nazis seraient justiciables alors de machiavélisme pour l'utilisation qu'ils ont faite de ce contenu. Claude JALLET Faites le point avec des documents écrits et une iconographie de qualité. 1 Pour $ouscrlre un abonnement: Tarif annuel (35 numéros par an) C.N.D.P. Abonnements Départements B.P. 10705 continentaux 124.00 75224 Pari. Cedex 05 Étranger 147.00 Ne joindre aucun titre de paiement, une facture sera envoyée. TÉ III IlE ~I ÉliE L'actualité politique, économique, sociale et religieuse, analysée par des journalistes chrétiens. TC s'engage dans tous les combats contre l'exploitation de l' homme par l' homme, en fid.élité à l'Eglise, pour la vérité et la justice. • TC, le journal qui reconnaît les différences comme une vraie richesse, • TC, le seul hebdomadaire chrétien dans la gauche, • TC, la voix des ~ans-voix. Je m'abonne, à l'essai à TC pour 3 mois. 13 numéros: 65 F. Nom ................... ... ...... . Prénom ................. . ........ . Adresse .. . ....................... ' Code postal ... : . . .. .. .. . Joindre votre règlement par Chèque bancaire à l'ordre de ETC ou par CCP (3 volets) n° 5023-99 S Paris. ETC 49, rue du Fg Poissonnière, 75009 PARIS. 38 DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 DORA Brest-Litovsk, New-York, Little Rock: l'itinéraire d'une poétesse sous les rafales de ce siècle. QUAND on rencontre Dora Teitelboïm, on voit d'abord ses yeux: pétillants, étincelants, malicIeux, débordant de vie ... Et puis on entend sa voix, douce et ferme, tendre et passionnée ... Et l'on est emporté dans un monde de rêve et de lutte, d'amour et de combat, de tendresse et de cruauté, d'humour et de poésie .. . Car Dora Teitelboïm est poétesse ... ! « Quel juste langage, quelle ardeur, quelles paroles - écrit d'elle Pierre Seghers - Rarement un poète m'a donné une telle impression d'être exceptionnellement vrai en réinventant un langage direct et humain qui est écrit de la conscience, un jaillissement volcanique, une présence, immédiatement poignante ». De l'usine à l'école Dora est née à Brest-Litovsk (Pologne - aujourd'hui URSS) dans une famille ouvrière pauvre. A douze ans elle écrit ses premiers poèmes. A 17 ans, son père l'envoie en Amérique pour qu'elle puisse étudier, Là, elle vit la dure existence des émigrants. Elle travaille dans une usine de confection, milite dans le mouvement ouvrier, suit et même dirige plusieurs grèves. Elle devient institutrice. Mais les enfants l'accaparent trop, elle ne peut plus écrire. Alors, elle retourne à l'usine. « Là au moins, je pouvais penser à mes' poèmes pendant que je travaillais. Avec les enfants, c'était le contraire ». C'est en 1940 que ses premiers écrits sont publiés aux USA. Son expérience des ateliers de confection et du prolétariat juif urbain lui inspire de nombreux poèmes. Son lyrisme social frappe par la spontanéité des sentiments et l'originalité de l'expression. Sa poésie yiddish assimile certains américanismes, certaines formes de langage empruntées au parler des juifs new-yorkais. De New-York, elle assiste impuissante à la deuxième guerre mondiale, à l'extermination de toute sa famille restée en Pologne... Sa plume devient alors mémoire, arme du combat: « Lafoudre a déchiqueté les arbres dans la vallée sombre. Est-ce sur son propre malheur que le vent sanglote tout bas? Nous sommes la cendre des Juifs que l'on brûla, nous sommes l'ombre. De tant d'enfants qui n'avaient fait dans la vie que leurs premiers pas. Nous chevauchons les vents, les rafales et lefumées Et nulle porte désormais ne saurait nous être fermée Car de six millions de morts nous sommes les cendres o monde nous venons attirer ta conscience ! »(1) Quelques années plus tard, elle est à Little Rock (Alabama) quand explose la violence contre les Noirs à la conquête de leur dignité. Les fantômes blancs du K.K.K. ressemblent étrangement aux monstres noirs du National-Socialisme. Leurs torches ont les mêmes lueurs de haine. Là aussi, c'est l'homme contre la bête. Dora est là. Elle regarde, elle écrit... Est-ce un poème en forme de reportage? Est-ce le contraire? En tout cas c'est un implacable réquisitoire. « Il fallait - écrira Charles Dobzinski qui a traduit cette « ballade de Little Rock» - à ce carrefour tragique de la résistance raciste la plus acharnée et de la dignité noire, qu'une voix s'élevât, une voix blanche témoignant pour l'avenir. Et que ce cri de l'éclair au milieu de l'orage, ce voile déchiré de la honte et de la fureur, ce nom comme un défi à la face de lafolie, du mensonge, de l'injustice, se soit inscrit dans un poème lancinant, comme le cheminement de la douleur et l'air repris d'un négro-spiritual, cette ballade de Dora Teitelboiin ». En lisant la « Ballade de Little-Rock» (2) en effet, on est là-bas, ce jour terrible du deux septembre avec la petite fille et son père, en marche vers l'université interdite. « Jim le concierge Poursuit son chemin à pas mesurés Comme s'il avait depuis longtemps Calculé son allure Les yeux remplis de rêve et les lèvres Serrées ... Mais voici que la voix de sa fille L'éveille « Quand bien même j'irais en classe A vec les blancs Alors Ma peau changera t-elle ? » Vingt-cinq ans après la Ballade, Dora Teitelboïm vient de publier son dernier recueil de poèmes. C'est toujours la même Dora qui lutte qui se bat, et toujours, contre les mêmes ennemis, contre les mêmes fléaux : Viens David! Sors de la Bible Et apprends-moi à jeter des pierres Car Goliath d'aujoud'hui est à Plusieurs visages ... Vient David! Sors de la Bible Et apprends-moi à jeter des pierres A vant le coucher du soleil ». Indomptable Dora... Encore lutter, encore se battre, en souriant...(3) René DUCHET (1) Le vent me parle Yiddish - Pierre Seghers 1963 (2) Ballade de Little Rock - Armand Henneus 1959 (3) Les clés du Miracle - Nouvel/es Editions Latines. Décembre 1982 QUAND Shakespeare décrivait le juif Shylock dans Le marchand de Venise, il n'y avait plus de juifs en Grande-Bretagne depuis trois bons siècles, excepté quelques marranes, commerçants et médecin~. acctl('il1i~ comme victimes de l'ennemi commun: l'Espagne. Par ailleurs, l'usure était non seulement tolérée, mais officiellement admise depuis Henri VIII, et réglementée, depuis 1571, par la Reine Elizabeth 1. Outre les nécessités écono- 11114U\'!: lll,,:ullLOurnables (et le fait qu'il n'existait plus dans la société anglaise de non-chrétiens susceptibles d'endosser les activités interdites aux chrétiens puisque les juifs avaient été expulsés du royaume en 1290), l'interdiction de l'usure se trouvait refoulée dans l'arsenal des réglementations papistes honnies par la Réforme anglicane. Le phénomène Shylock reste bien un phénomène de théâtre. Je voudrais retenir ici autre chose que le stéréotype, quelques réalités attestées dans la période médiévale, et qui seules peuvent apporter des rectifications à l'image-source de l'usurier. Du côté juif, les rabbins de la péliode médiévale se sont partout interrogés sur le prêt à intérêt, essentiellement à partir de trois passages du Pentateuque!. Ces passages-clés ont toujours été l'objet de controverses parfaitement explicables, compte tenu des difficultés d'interprétations textuelles et d'applications sociologiques qui s'y attachent; la diversité et les fluctuations des opinions dans cette casuistique est impressionnante. Pour certains, le prêt pouvait être prati- 40 qué envers des étrangers (à condition d'assimiler le chrétien d'Occident à l'étranger de la Bible). Pour d'autres, le prêt à intérêt devait être accepté comme condition de survie dans des sociétés où en particulier l'exigence du serment chrétien interdisait aux juifs l'acquisition de terres, l'accès aux professions, ou l'accès aux conditions nécessaires à leur exer-' cice (par exemple l'embauche de main-d'oeuvre chrétienne). Du côté chrétien, une attitude de principe est adoptée : interdiction aux chrétiens de pratiquer le prêt à intérêt ; et en contrepartie, autorisation accordée, ou pratiquement, imposée aux juifs, d'exercer ce prêt à intérêt à l'usage des chrétiens (qui, clercs comme laïcs, peuvent de moins en moins s'en passer). C'est dans ce contexte que va éclore l'image de l'usurier juif, et l'image du juif identifié à la pratique de l'usure. Il faut bien entendu nuancer toutes ces approches. L'usure n'a pas été partout ni tout le temps la dominante professionnelle des juifs en milieu chrétien. On ne cesse de découvrir par l'étude d'archives médiévales locales, que telle ou telle activité professionnelle pouvait être accordée aux juifs (comme celle des teinturiers dans le Midi de la France). Sous le règne d'Henri II (1154-1189), à la fois Roi d'Angleterre, Duc de Normandie, Comte d'Anjou et Duc d'Aquitaine, l'usure chrétienne est mieux que tolérée. Avant même la floraison des prêteurs chrétiens lombards et leur installation en colonie dans la ville de Cahors (d'où le nom « cahort; j -J -J o

U'"l (;) o '" Histoire sin» qui désignera les prêteurs chrétiens à partir du XIIIe siècle), des notables chrétiens vont s'instituer, dans la pratiqu~, grands prêteurs de l'Angleterre angevine. Certains sont -or~g~naires du continent: William Trentegeems, de Rouen, WIllIam Cade, de St Omer. D'autres sont d'origine géographiquement incertaine: Robert Fitz Sawin, Ralf Waspail. D'autres encore, des notables anglais de première grandeur

Gervase de Cornhill, homme de loi et shériff à Londres

sous Henri II. Et surtout William Fitz Isabelle, shériff de Londres à quatre reprises, dont une période de neuf ans. Notons simplement au passage que l'usure chrétienne était couramment camouflée sous des étiquettes diverses: indemnités ou amendes pour délai ou retard de paiement (poenae), loyer de l'argent, etc. Quant au degré de tolérance dont les pr~teurs d'argent chrétiens pouvaient bénéficier, il dépendaIt en général de la personnalité du roi, qui souhaitait se soumettre plus ou moins strictement aux traditions aux injonctions et aux rappels à l'ordre émanant de Rome. C'est au cours du XIIIe siècle que le système usuraire va, en Angleterre, s'institutionnaliser à la fois en marge et dans la chrétienté - puis, paradoxalement (mais, comme on va le voir, selon la logique d'une certaine morale) et dans un second temps, en marge des communautés juives. On dispose entre autres documents, des rôles de l'Echiquier des juifs en Grande-Bretagne qui donnent un aperçu tout-àfait concret des affaires de créances juives en Angleterre au XIIIe siècle. Nous savons par ailleurs que le Roi est le grand usurier du royaume, que les jJifs font office de vache à lait du Roi, que les usuriers juifs acculés à cette profession ne sont pas maîtres de leurs biens (leurs enfants n'en peuvent hériter) mais simplement gérants au bénéfice du pouvoir royal. Suicide collectif et protection" royale Métier impopulaire s'il en est. D'où la tradition de mise à sac des maisons appartenant à des juifs, et des meurtres qui leurs sont associés, permettant de liquider à la fois la reconnaissance de dette et le témoin à charge qu'était le créancier juif. Ce système de récupération criminelle des créances explique en grande partie, par exemple, le drame qui ensan- 2:1anta la ville d'York en 1189 (suicide collectif des juifs réfugiés dans la citadelle). Les rois, premières victimes (économiques) de ces agressions, devaient alors veiller à ce que les documents attestant les opérations de prêt à intérêt so~ent re~opié~, et que des exemplaires (chirographae) en sOient preserves dans les archives royales, dans des coffres (a,:cae) réser.v~s à cet effet. On confie à des responsables JU.Ifs et chretIens la gestion de ces archives, rédigées en hebreu, en latin ou en français (la langue juridique du temps). Ce~te ;lfganisation fonctionne, dans l'ensemble, de façon satIsfaIsante, et dure tant que les rois prennent en mains et privilégient l'usure pratiquée par les juifs. C'est dans la seconde moitié du XIIIe siècle et surtout dans son dernier quart, sous le règne du roi Edouard 1 que le système de l'usure royale confiée à des juifs va s~bir des vicissitudes surprenantes à première vue. On va voir Edouard 1 (sur les traces de Louis IX de France qui en avait donné l'exe~p!e quelques ~écennies plus tôt) se préoccuper du. salut des JUifs compromIS par le péché d'usure. On pouvaIt en effet se demander comment un chrétien concevait du point de vue de l'éthique, l'attitude qui consistait à fair~ faire par quelqu'un d'autre ce que l'on considère comme répréhensible pour soi-même. Evidemment les sanctions ecclésiastiques ne pouvaient pas toucher u~ non-chrétien, 41 mais le problème moral restait posé. Pour éclairer cela, on peut donner l'exemple de deux attitudes extrêmes. Dans le premier cas, on considère qu'il n'y a pas lieu d'avoir des scrupules à ce sujet, et c'est ce que déclare Guillaume de Chartres: on peut autoriser les juifs à pratiquer l'usure puisque de toutes façons, ils sont damnés. Dans le second cas, on doit considérer que le juif n'est pas irrécupérable et c'est dans cette catégorie que s'inscrivent certains efforts menés au XIIe siècle pour freiner l'encouragement et la gestion de l'usure juive par les rois chrétiens. Citons parmi les cas les mieux étudiés à l'heure actuelle, celui du diocèse de Narbonne sous le règne de Louis IX. Et le cas de la Grande- Bretagne doit ici retenir notre attention. Deux « tables » de feutre jaune Le Statut concernant les juifs de Grande-Bretagne promulgué autour de 1275 (Statutum de IudeismoF fait le point sur la politique nouvelle adoptée par Edouard 1 en matière de système usuraire. « Le Roi s'étant aperçu que beaucoup de maux et de déshérences touchant les hommes de bien de son royaume se sont produits à cause des usures pratiquées par les juifs dans le passé, et comme beaucoup de péchés en ont résulté - bien que lui-même ou ses ancêtres aient tiré grand profit de la communauté juive tout le temps passé -, néanmoins, en l'h~nneur de Dieu, et pour l'avantage commun du peuple, le ROI a décidé et arrêté qu'aucun juif désormais ne fasse prêt à usure ni sur une terre ni sur une rente ni sur quoi que ce soit d'autre, et qu'aucune usure ne coure à partir de la prochaine fête de Saint Edouard ... Et que tous les juifs demeurent dans les villes et les bourgs appartenant en propre au Roi, où les coffres de chirographes des communautésjuives se trouvaient habituellement: et que chaque juif, une fois qu'il aura passé sept ans, porte une marque sur son vêtement de dessus, à savoir une marque en forme de deux tables de feutre jaune assemblées de la longueur de six pouces et de la largeur de trois pouces. Et que chacun, une fois qu'il aura passé douze ans, paie trois deniers par an de taille au Roi dont il est le serf, le jour de Pâques, et que cette mesure soit entendue aussi bien pour les femmes que pour les hommes ». Ces extraits du Statutum de Iudeismo montrent comment l'interdiction d'usure se trouve assortie d'une réactivation de l'obligation de la rouelle. Le port de l'insigne en question avait déjà été l'objet d'un rappel en 1253, en Angleterre. Nous insistons sur ce point pour montrer que la tradition de ségrégation par l'insigne n'était pas restée étrangère au pays concerné, même si elle n'était pas régulièrement observée, et que la relance de ce mode de discrimination en 1275 n'était pas - c'est le moins qu'on puisse dire - faite pour favoriser l'intégration économique des juifs préconisée par la suite du texte. Nous citons largement la fin du texte, dont tous les éléments sont importants, pour montrer la contradiction fondamentale qui marque l'attitude, et la politique, d'Edouard 1. Sains et saufs « Et comme Sainte Eglise veut et permet qu'ils vivent et soient gardés, le Roi les prend sous sa protection et leur accorde sa paix, et veut qu'ils soient gardés sains et saufs par ses vicomtes, ses baillis et Ses féaux. II ordonne que personne ne leur fasse de mal et ne leur cause de tort ou de dommage ni en leur personne, ni en leurs biens meubles ou immeubles, qu'Us ne plaident et ne soient mis en cause devant aucune cour, si ce n'est à la cour du Roi dont ils sont les serfs, et qu'aucun ne soit soumis à juridiction ni à service ni à redevance le droit de la Sainte Eglise étant sauf. Le Roi leur accorde qu'ils vivent de loyal commerce et de leur travail et qu'ils s'entendent avec les Chrétiens pour faire leur commerce loyalement en vendant et en achetant, pourvu que sous ce prétexte ni sous aucun autre, aucun chrétien ne prenne sa résidence parmi eux. Et le Roi ne veut pas que, pour leur commerce, ils soient soumis à tribut, taxe ou impôt avec les habitants des villes ou des bourgs où ils demeurent, étant donné qu'ils sont imposables par le Roi, comme étant ses serfs, à l'exclusion de toute autre personne que le Roi. De nouveau le Roi leur accorde le pouvoir d'acheter maisons, jardins dans les villes et bourgs où ils habitent, et qu'ils les possèdent ainsi immédiatement du Roi sauf services dûs et impôts seigneuriaux. Et qu'ils puissent acquérir et acheter fermes ou terres pour une durée de dix ans ou moins sans prendre foi ni hommage ni telle forme d'engagement des chrétiens, et sans avoir besoin de recourir à la Sainte Eglise, afin de gagner leur vie dans le siècle, s'ils ne savent faire du commerce, ou s'ils ne peuvent travailler; et il ne leur accordera que quinze ans à dater de maintenant, pour exploiter des terres ». Nous avons fait allusion à l'attitude et à la politique d'Edouard 1. Concernant son attitude, on ne peut, par principe, lui faire un procès d'intention; on peut seulement évoquer les cas de figures (et l'éventuel amalgame de certains d'entre eux) dont cette attitude a pu relever dans le meilleur des cas, attitude à certains égards humanitaire (mais bien tardive et indiscutablement associée à un manque de lucidité, de réalisme et d'information sur la situation réelle du juif dans la société d'alors). Dans le pire des cas, hypocrisie, réserve sournoise sur le calendrier, et sur l'issue de cet essai d'intégration (quinze ans plus tard, tous les juifs seront expulsés du royaume d'Angletrre, à moins d'accepter le baptême). Quant à la politique (sinon la stratégie) énoncée dans le texte qu'on vient de lire, les événements en consacreront l'échec. L'intégration économique ne se fera pas plus que l'intégration sociale. Contraintes canoniques En effet, dès 1275, dans la ville d'Hereford, interdiction est faite aux chrétiens d'assister à des mariages juifs'. En 1283, . le « statut d'Acton Burnell » exclut les Juifs des protections accordées aux marchands anglais et étrangers. Sur le plan ; religieux, on assiste au démantèlement systématique des oratoires privés dans les communautés juives. En 1287, une , lettre du Pape Honorius aux archevêques de Canterbury et York vient renforcer les décisions concilaires du Latran, suscitant, l'année suivante, le Synode d'Exeter: les con- · traintes canoniques se resserrent ou sont réactivées, ce qui va éminemment en sens contraire de l'intégration socioéconomique préconisée par le Statutum d'Edouard 1. Un élément non moins important est un projet de loi, jamais appliqué mais extrêmement significatif, daté de 1289 (l'année précédant l'expulsion) : il s'agissait d'autoriser les juis à pratiquer certaines formes d'usure, limitées et contrôlées, afin d'empêcher les risques de fraudes qui étaient depuis 1275 de constants sujet de conflits, de poursuites et de condamnations. Il est évidemment impossible de faire ici la part des accusations fondées et de celles qui ne l'étaient pas, mais les accusations abusives avaient constitué un phénomène suffisamment gênant pour que, en 1279, la justice royale se soit préoccupée d'interdire les poursuites non fondées sur des témoignages sérieux. La liquidation des fonc- 42 DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 tions officielles d'usurier avait de toutes façons déclenché, alors que la reconversion professionnelle des prêteurs juifs s'avérait impossible, des accusations de fraude (en particulier pour des monnaies rognées) entraînant des procès, des exécutions, des expulsions d'autant plus meurtrières que le libre mouvement des juifs à travers le pays était illégal. Notons que les mesures contre l'usure chrétienne avaient également été renforcées: en 1274, les banquiers florentins et les usuriers anglais de Londres avaient été l'objet de mesures et de menaces. Mais le problème de la subsistance en milieu chrétien se posait différemment pour les juifs qui, contraints par ailleurs, depuis 1280, à écouter régulièrement des sermons conversionnistes (Bulle papale Vineam) , se trouvaient de surcroît attaqués sur le plan religieux. Confrontés à l'alternative mort économique ou apostasie religieuse, l'usurier juif de Grande-Bretagne était en tout cas mort en tant qu'usurier, trois siècles avant la naissance de Shylock. Micheline LARÈS 1. Principalement dans le Deutéronome, 23, 20S99. 2. Annales du C.E.S.E.R.E. dépôt au Nouveau Quartier Latin (N.Q.L.) 78, boulevard St-Michel, 75006 Paris. 3. Cela établit, en contrepartie, que cette forme de fraternité se pratiquait. Nous avons par ailleurs des traces de l'accueil bienveillant que certaines abbayes anglaises réservaient aux juifs : un document atteste les plaintes de riverains chrétiens scandalisés de voir des petits juifs jouer dans une chapelle jusque derrière l'autel. Ce sont des indices très limités, mais c'est le contraire qui surprendrait: la bienveillance envers les juifs étant mal perçue en chrétienté, qui en aurait prêché l'exemple? Et quand bien même les marques de fraternisation eussent été abondantes, il était peu souhaitable d'en parler - à plus forte raison d'écrire à ce sujet. Lu Vu Entendu LIVRES o Fès, joyau de la civilisation i,slamique, par Attilio Gaudio, Ed. UNESCO/NEL, cartes, photos, plans. Ce gros livre illustré vient de paraître, pour sensibiliser le lecteur aux problèmes de sauvegarde (par l'UNESCO, entre autres) d'une ville prestigieuse qui a certainement, jusqu'à nos jours, le mieux préservé l'organisation de la cité musulmane traditionnelle

Fès, l'une des quatre

villes « impériales» du Maroc. Il arrive à point nommé, malgré le désordre hétéroclite des informations qu'il renferme, tant la cité est aujourd'hui menacée par la ruine de son parc immobilier délabré et surpeuplé, et par l'affaissement du sol de la vallée dans laquelle elle est située. A la suite d'une petite encyclopédie des absurdités que le genre a produit depuis l'antiquité et une analyse systématique des mécanismes qui sont à l'origine des «déraillements de la pensée» habituels en la matière, l'auteur montre comment les théoriciens du don ne font qu'appliquer au domaine de l'intelligence une certaine conception de la «nature humaine» servant elle-même de rempart contre la critique de la société en vigueur. Une analyse des « tests d'intelligence» et des Q.I. nous est proposée ensuite ainsi qu'un démontage en règl~ de quelques travaux à prétention scientifique dont ceux du célèbre faussaire Sir Cyril Burt. Pour finir, Michel Schiff décortique pour nous les travaux qu'il a dirigé sur «le cursus scolaire et les notes de Q.I. d'enfants de travailleurs manuels adoptés par des cadres ». Les conclusions de cette étude, première du genre, sont formelles: «Ce n'est pas dans la génétique du Q.I. qu'i! faut chercher des éclaircissements sur la reproduction des inégalités sociales ». Michel Schiff nous propose des éléments de réflexion « pour une approche intelligente et humaine de l'intelligence humaine» pour conclure cet ouvrage qui fait oeuvre de saine vulgarisation. P.V. L'auteur s'attache à donner un bref historique de la ville, depuis sa création au VIlle siècle jusqu'à nos jours, en passant par la brillante période « andalouse» qu'elle a connue, les arts qui y ont fleuri, ses principaux monuments et montrant la place capitale qu'elle a encore pour l'artisanat dans l'Afrique du Nord d'aujourd'hui. Il donne d'utiles informations sur les caractéristiques des familles fassies et des corporations qui continuent d'exister sur les bords de la « rivière aux perles ». Y.T. o New-York, Los Angeles, San Francisco, par Pierre Brouwers. o Des Chiliennes. Ed. des Fem- Ed. Focale 5. mes. Tiraillée entre l'oppression brutale, l'exploitation effrénée et le poids du machisme, la voix des femmes chiliennes monte des « poblaciones» (bidonvilles) pour la première fois. Un regard un peu neuf sur la société américaine par le truchement de gros plans sur trois de ses mégapolis. DIFFÉRENCES N° 20 FÉVRIER 83 graffiti aux accents de l'ultime expression de la révolte contre une société si indifférente à l'égard des plus démunis de ses membres. Une Amérique qui nous guette qui s'exporte déjà, celle de Dal~ las, du jogging, celle de Hare Krisna, du smog et du roller skate. Une Amérique fascinante violente d'elle-même et de se~ préjugés. Une société américaine que Pierre Brouwers prend soin d'écrire au pluriel, avec les images de son reportage et où pour quelques dollars de plus on vous tatoue les dents si le coeur vous en chante. D.C. MUSIQUE o Guerre à la guerre. Musique et poésie à l'UNESCO. En invitant une vingtaine de poètes de toutes les régions du monde à venir s'exprimer contre les forces toujours agissantes, de l'oppression et de la destruction l'UNESCO et l'association Poly~ phonix, animée par Jean-Jacques Lebel, entendaient déclarer « Guerre à la guerre ». II y a plus de cent ans, Rimbaud écrivait « Je suis une bête un nègre ». Cette clameur, pe~ l'entendirent alors, il fallut plus d'un siècle pour que la notion même de colonisation fût déférée à la barre des consciences. Lawrence Ferlinghetti, Jayne Cortez, Allen Ginsberg et tous les autres étaient là pour en témoigner sur une musique d' Akendengué. Quelle soirée, quelle force malgré l'absence de celui que tout le monde attendait Breyten Breytenbach auquei Leslie Caron a prêté chaudement sa voix, à l'occasion du trentequatrième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. D.C. CINÉMA o Le vent, par Souleymane Cissé (Mali). Des femmes de dockers, de mineurs, de chômeurs, s'organisent collectivement dans les « Centros de Madres» qui dispensaient à l'origine un enseignement de la doctrine chrétienne et qui peu à peu sont devenus des foyers de lutte puis de résistance à la dictature de Pinochet. D.C. New-York de Wall Street à Bowery, des milieux de la finance internationale au quartier des paumés de la dernière frontière, de la dernière limite, au-delà le ticket n'est plus valable. De Chinatown à Harlem, de Little Italy à West Side, les communautés vivent retranchées dans leur identité et l'univers hallucinant du métro. Une parabole sur le modernisme les nouveaux chefs, la répression: dénonce vigoureusement les moeurs des sociétés industrielles. Le film a été tourné en Argentine sous Videla. J .-P . G. o L'intelligence gaspillée de Michel Schiff. Ed. Le Seuil. 1 Ce livre s'attaque à toutes les idées reçues, mais aussi aux théories pseudo-scientifiques qui expliquent, pour la justifier, la reproduction des inégalités sociales par une « génétique de l'intelligence ». L'auteur, chercheur en psychologie au C.N.R.S., s'acquitte de cette tâche avec la rigueur scientifique nécessaire, mais aussi avec l'ironie que provoque chez lui la bêtise des arguments adverses. Los Angeles où tout est si loin de tout, que l'âme et les charmes de la cité des anges sont vendus à « l'automobile way of life ». La pratique du Drive-in peut vous conduire tout aussi bien au cinéma, à la banque qu'à la blanchisserie et même à l'église. San Francisco la ville qui monte et qui descend, où le futur se dégIi~gue et le rétro tient le coup. La Ville dont les héros sont les pompiers et où un tremblement de terre ne manque pas de donner un peu de piment à l'existence. Une Amérique aux murs peints une Amérique explosante d~ 43 Un film-bilan sur vingt ans d'indépendances africaines. J.-P. G. o La barque est pleine, par Markus Inhoof (Suisse). Pendant la guerre un groupe de fugitifs réussit à traverser la frontière allemande et espère trouver asile en Suisse. L'accueil qui leur est réservé dément avec amertume la légende d'une Suisse hospitalière, ultime refuge des pourchassés. Un film à l'humour décapant. J.-P. G. o Le temps de la revanche, par Adolfo Aristarain (Argentine). Fable cinématographique qui o Journal de campagne d'Amos Gitai. t Aux aurores un groupe de femmes palestiniennes se lamentent sur la mort des oliviers, qui symbolisent la paix, « nos ancêtres ont travaillé cette terre, ils ont semé, cultivé» disent-elles. Les dés sont jetés. Journal de campagne est un film d'Amos Gitai, partie prenante en Israël d'un courant d'opinion en.faveur d'une autre solution au conflit que la guerre perpétuelle. D.C. Notes de Daniel CHAPUT, Yves THORAVAL, Pierre V AN DEGINSTE DESFEMMES LIBRES Emancipées, libérées, bloquées ... ? Les femmes ont gagné des batailles. Ont-elles gagné la guerre? Différences relance le débat. Leila SEBBAR écrivain Pour les filles c'est l'an 1 de la libération, juste après l'année zéro. L Y a toujours, dans une fratrie maghrébine en immi- 1 gration, des soeurs, parfois jusqu'à sept. .. Presque une génération entre l'aînée et la plus jeune. D'une famille à l'autre, la fratrie des soeurs est archétypique. Cas de figures qui se répètent jusqu'à l'hallucination. A ne pas oublier: l'homme du clan, présent même absent, pour surveiller et punir, filles, cousines, nièces, femmes, soeurs... et une femme, la mère pour faire respecter la loi du père patriarche. L'aînée des filles suit la voie tracée, reproduction fidèle de l'histoire maternelle. Instruction minimale, mariage traditionnel, enfants suivant la coutume. Une fille ou deux, si la fratrie est nombreuse, pour franchir un jour (et déjà dans la tête) les limites du territoire, se protéger dans les murs de l'école jusqu'à l'université, quitter enfin la famille sans hystérie: c'est la voie royale de la liberté. Cet itinéraire exemplaire et rare éveille les soeurs intermédiaires, soumises trop souvent à la coercition du père, de l'oncle ou du frère aîné qui exerce malgré lui et par procuration l'autorité classique. Ces soeurs du milieu, divisées entre ce despotisme et leur désir d'ailleurs, se laissent mutiler et se font violence à elles-mêmes: suicidaires ou psychotiques, définitivement recluses dans les jupes de la mère, la chambre-cellule, la folie. Lorsque l'une des soeurs paye de son corps le prix de la tradition, les autres, sans quitter la famille, prennent la liberté de la vie active: usine, ménage, coiffure, dactylo, attendant le mari de leur choix, travaillant elles-mêmes à leur dot. Et puis, inévitablement, sursaut de violence pour la vie et une certaine idée de la liberté, hors famille, hors tradition, hors la loi, la soeur fugueuse. Pas ou peu de familles nombreuses du Maghreb immigré sans fugueuse. La fugueuse c'est la honte ... On dira qu'elle est dans la famille à Metz, Marseille ou mieux en-Algérie, au Maroc. Une fille dehors, dans les rues de la ville, sans la protection du clan, une fille libre à coups de violences contre la famille, n'est plus une fille. Elle est maudite, ensorcelée si elle n'est pas déjà une pute. Une fille est mineure de la naissance à la mort, l'oublier c'est être criminelle. Si elle refuse la réclusion, elle sera exclue, à jamais, contrainte à la seule liberté de disparaître, mieux de mourir pour sauver l'honneur. Si la soeur fugueuse résiste au souteneur, au gentil protecteur, au dealer insistant, c'est avec d'autres filles, ses soeurs de fugue qu'elle dira en public: j'existe, je suis libre, belle et jeune pour moi seule ... Les dernières petites soeurs de la fratrie feront les frais de la fugue déshonorante ou, suivant les cas, en tireront les bénéfices ... Pour les filles, c'est l'an 1 de la libération, juste après l'année zéro. Gisèle MOREAU secrétaire du Comité Central du P.C.F. Sur le chemin de leur émancipation, elles rencontrent des obstacles, produits d'un vieil ordre social fondé sur l'exploitation et l'oppression. UJOURD'HUI les femmes de notre pays veulent A vivre mieux, libres et égales. Cette volonté s'est traduite, durant les vingt dernières années par leur entrée massive dans la vie sociale, les luttes; ce que nous considérons comme un des faits majeurs de notre époque. Mais cela ne signifie pas pour autant que les femmes soient d'ores et déjà libérées. Sur le chemin difficile de leur émancipation, elles rencontrent les obstacles qui sont le produit d'un vieil ordre social fondé sur l'exploitation et l'oppression,' difficultés de vie, discriminations, mentalités rétrogrades. Après 23 ans de pouvoir la droite laisse un très lourd héritage " les femmes représentent la majorité des chômeurs. A travail égal, l'écart moyen entre les salaires masculins et féminins est de 33 %. 80 % des ouvrières sont OS. Mais aujourd'hui, avec le gouvernement de gauche, il y a de nouvelles possibilités pour avancer vers l'égalité. Déjà, des décisions ont été prises qui concernent l'égalité des femmes,' mesures contre toutes les discriminations dans la Fonction publique, efforts pour les 16/18 ans, loi pour l'égalité professionnelle, relèvements du SMIC et des allocations familiales ... C'est dans ce sens qu'il faut poursuivre. Bien entendu, le grand patronat, les forces de la réaction ne restent pas l'arme au pied. Ils utilisent tous leurs moyens pour faire échec à tout progrès, à la politique nouvelle. Et notamment, ils veulent à toute force maintenir les femmes dans une situation d'inégalités qui leur profite. . . Par leur participation, leur intervention, pour faire avancer la politique nouvelle et pour le succès de la gauche, les femmes - j'en suis sûre - feront échec à tous ceux qui leur contestent le droit de conquérir la liberté et l'égalité. Danièle LEBRUN comédienne Les femmes gagn~nt des postes importants, pas des postes clés LA lutte de la libération des femmes a pour moi l'aspect d'un ballet - deux pas en avant un pas en arrière - pour grignoter quelques avantages avec de grandes victoires enfièvrées et des lendemains qui déchantent. Oui, les femmes arrivent à gagner des postes importants - pas des postes clés. Oui, elles envahissent cer- 45 tains secteurs (éducation, médecine) mais jamais le pouvoir (pouvoir financier, pouvoir politique). Oui, il y a des victoires jurudiques, très vite à reconquérir, mais les livres de classe 82 marquent encore la ségrégation homme-lecture femme-vaisselle (livre de 6e) et le « cela va de soit» est encore plus évident. Ce qui change très très lentement : les têtes ! Et à voir la difficulté qu'il y a à changer une parcelle d'idée reçue sur les femmes dans un crâne d'homme on peut mesurer le courage qu'il faut pour survivre moralement et physiquement dans certains pays au delà de notre « hexagone privilégié », là où l'on danse: deux pas en arrière et rien en avant. Libérées ! nous sommes loin du compte mais ce n'est pas une utopie que d'y rêver! Françoise GIROUD journaliste Les femmes ont commencé d'acquérir le l!oit de choisir là où elles n'ont eu longtemps que le droit de subir. V OUS me demandez si les femmes sont libérées ... Libérées de quoi ? De qui ? Elles ne sont pas plus libérées des hommes que les hommes ne le sont des femmes, et c'est bien heureux! Mais une chose est de vivre avec un tyran - par hypothèse - parce qu'on l'aime, une autre et de supporter sa tyrannie parce que, sinon, comment paierait-on le loyer ... Elles ne sont pas libérées de la maternité et c'est un grand privilège. Mais une chose est d'avoir l'enfant que l'on souhaite, une autre de se faire engrosser. En d'autres termes, ce que les femmes ont commencé d'acquérir, c'est le droit de choisir là où elles n'ont eu longtemps que le droit de subir. Il leur reste, et ce n'est pas simple, à se libérer d'une illusion " on ne peut pas manger le gâteau et le garder. La parole a" ... _____________________, Amos Gitaie

« L 'honneur d'être censuré » Une scène de Journal de campagne. Amos Gitai' est ce cinéaste israélien qui tente depuis son premier film, The House, d'analyser les rapports entre ses compatriotes et les Palestiniens. n parle de sa dernière oeuvre. OURNAL de campagne, c'est mon troisième film qui traite .~u .conflit J israélo-palestinien. Son titre signifie aussi bien la caml!agne mliltal~e lJ.ue géographique. Le Journal diffère des autres, c'est une reponse, une reac~on à la montée de la violence. Dans un sens, c'est unfilm utile. Nous avons e~saye de montrer la banalité, le quotidien des soldats. Dans l'une des courtes sequences ui font le film, un soldat déclare qu'il faut traquer les Arabes et les ch~ss~r du

ays. Dans une autre, un autre soldat dit qu'il faut le~r rendr~ lef'l~ terrztOlr~ et

faire la paix. Là est la contradiction. On sent un ~Ialogue mterzeur au, film, contradictoire, et qui met les Israéliens très mal à l'OIse da~s la mesure ~u lis se voient comme une grande famille qui ne devrait pas exhiber ses conflits hors d'Israël. . 1· d 1 '[" D epul.s The House, J·'ai l'honneur d'être un des ra..r es Jou'r[na" I.stte st r ed ta· te e 1a être censuré. Mes films ne sont pas présen~és, en Israe~. La te e etaz a 1 IOnn,e .- lement ouverte au débat, mais depuis l'arrzvee de ~egm, les ~hose~ on~ cha~~e" li y a tout un système de moyens techniques pour s opp?,.ser a la, diffuslO,! d Idees un peu dissidentes. Notamment, les bud~et~, au lieu ~ ~t~e. votes ~ne fOls par an~ le sont tous les trois mois. Le directeur general de la televl~l~n qUI e~t une p'erson nalité politique, est devenu le rédacteur en chef des actualltes. L.es/ournallstes ne p uvent filmer à Gaza ou dans Jérusalem-Ouest sans sa permiSSIOn expresse. e Cela dit, il y a toujours eu un couran~ en ~s~aël, qui est ouvert au dialogue et veut faire autre chose. Je ne suis pas tres orzgmal. Les réactions du public français sont très complexes. B~aucoup ~e gens pensent qu'il ne faut pas critiquer Israël en ce moment. J~ croIs que ce n ~st p~ une bonne attitude, cela revient à soutenir des gens qUI font d~ tort .d 1s~ael. Deux journalistes d'Antenne 2 m'ont dit à la pr~jection qU,e .B~gm avait rOlson: et que mon film n'était que de la propagande. C est caracterzstique de cette attitude. Or, personne n'est à l'abri de la critique s'il fait quelque chose de mal: Israël n'échappe pas à ce principe. . Cela dit, j'ai trouvé les moyens de travailler en France, avec FR3 et les Films d'ici. . .,. , Dans le film passé fin janvier au Nouveau Vendredi, J ~' voul~ montrer, ~ travers l'histoire de l'ananas, ce fruit de luxe, les rapP?rts econo.mlqu~s et politiques entre les USA, Hawaï et les Philippines. Je prepare aussI un film sur le mythe de la Terre Sainte et de sa permanence actuelle. Propos recueillis par Jean-Pierre GARCIA 46 1 Courrier Charlesb 11 janvier 2012 à 14:57 (UTC)Charles DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 Germes Quand même, vous exagé~ez ! Obtenir que les fidèles des dIverses religions se supportent d'abord, s'aiment s'il se peut, c'est très bien, et j'aurai toujours estime et respect pou~ le MRAP qui arrive à faire travailler ensemble juifs et musulmans, ce qui doit quelquefois relever du tour de force. Que ces fidèles puisent dans leur foi le principe du respect mutuel, rien de mieux. Mais on peut tout de même leur rappeler que trop souvent, ce sont les religions qui ont dressé les peuples les uns contre les autres. Et je parle au présent: le Proche-Orient, l'Iran, L'Irlande ... Pierre Paraf a de la tendresse pour Jésus, c'est fort bien, mais cela lui fait oublier que le Jésus de Renan, jugé révolutionnaire en 1854, n'est qu'un roman, le moins valable de ses ouvrages historiques. Que Zola ne parle de Lazare qu'en pleine affabulation, les évangiles aussi, d'ailleurs. - Que Guignebert, Jules Isaac, Edmond Fleg, en reconnaissant avec juste raison le caractère juif du Christ des évangiles n'ont pas fait à l'époque plaisir à tous les chrétiens. Que Barbusse n'exalte en Jésus que l'homme contre le dieu ... Il y a dans tous ces récits (il faudrait d'ailleurs distinguer èntre un historien comme Guignebert et un poète comme Barbusse) des germes de fraternité, mais aussi des germes de haine: ils ne valent que ceux qui les lisent, et Pierre Paraf, président d'honneur du MRAP, vaut certainement mieux au point de vue moral, que Renan, ce grand bourgeois réactionnaire. Nous autres incroyants, n'avonsnous pas droit aussi à notre « différence»? N'avons-nous pas, sinon les premiers - je n'oublie ni l'évêque Las Casas, ni l'abbé Grégoire - du moins à notre tour, et largement, prêché la tolérance au sens le plus noble (on l'a rétréci depuis) et une fraternité entre les peuples qui ne doit rien à aucune croyance religieuse ? Loecuménisme actuel ne s'entend-il pas trop souvent contre l'incroyant? A ce momentlà, où est le respect de l'autre. Jacqueline MARCHAND Paris Le fonds commun Une affirmation surprenante et dangereuse se trouve signée par Jeanine CuinatTripoteau, directrice d'établissement (scolaire ?) dans le numéro de décembre. D'après elle, il faut proscrire à tout prix les démarches lénifiantes ou paternalistes de type « on est tous pareils ». C'est là une interprétation abusive du titre et de l'objet de la revue Différences. Faudrait-il faire croire qu'entre les races il n'y a que des ditlérences? Il est vrai que l'étude des différences est un moyen d'enrichissement de l'esprit par la connaissance, l'assimilation et la compréhension sympathique des diverses cultures. Mais les hommes de tous les peuples ont en commun un monde vaste et profond, celui des valeurs qu'ils pensent essentielles: bon sens, loyauté, hospitalité, amitié, amour familial, dignité humaine. Ces valeurs sont reconnues même par les hommes dont le comportement individuel va à leur encontre. Les différences de culture sont des habits variés qui recouvrent, ou sont l'expression particulière de ce fonds commun. C'est lui qui est la base de la vie en société, et qui reste l'espoir d'un élargissement de la société à l'échelle mondiale. Ne pas l'enseigner, sous prétexte que ce serait une atteinte au culte des différences, c'est se méprendre sur l'objet de ce culte, c'est risquer d'enraciner le racisme. Raymond LAZARD Périgueux Ne mélangeons pas tout Votre revue a beaucoup de qualités: bonne présentation matérielle, lecture agréable, des enquêtes intéressantes sur les autres cultures, ce qui est son objectif. Mais elle n'est pas assez engagée, trop éclectique, sans fil directeur, écrite sur un ton trop « moraliste », humaniste alors que selon moi, le racisme est dans son fond un problème politique. Il faudrait plus insister sur les racines économiques, sociales, politiques du racisme. Ceci est particulièrement visible pour le nazisme, et l'apartheid d'Afrique du Sud. Pour mieux équilibrer vos analyses, je pense qu'il serait bon que vous parliez des pays socialistes (URSS, RDA, etc.) où il n 'y a pas de racisme d'État. Ne mélangeons pas tout. En RDA, des lois existent qui sanctionnent sévèrement tout ce qui renvoie à la propagande de guerre et au racisme. Vous ne pouvez réduire l'URSS à l'affaire Chtcharanski, qui est d'ailleurs un dossier compliqué. Il n'est pas sûr que ce soit une atteinte « aux droits de l'homme ». Un citoyen, même juif et savant peut avoir désobéi aux lois de son pays, et avoir travaillé contre la sécurité de celui-ci. En tout cas, nous n'avons pas de preuves certaines. Le racisme n'existe pas en URSS et tout est fait pour éduquer les enfants dans l'amitié pour tous les peuples. Comment expliqueriez-vous que tant de peuples puissent vivre en bonne entente dans ce vaste continent? C'est à mon sens le résultat spectaculaire de ce pays, qui au temps des tsars a connu les pogroms et l'oppression des minorités. Voyez la réussite en quarante ans de l'Ouzbekistan, des républiques d'Asie Centrale. Une très belle émission à la télé sur les Esquimaux montrait clairement la différence de vie entre ceux du Canada et ceux de Yakoutie, aidés par l'URSS. Ceci dit, continuez, sans oublier que le racisme actuellement est moins antisémite qu'anti-arabe. MmeJ. WEILL Paris Je m'accuse Je m'a~\:use d'être ce que je suis, Je m'accuse d'être un dépravé, un pourrisseur, un détraqué, un dingot sexuel, un malade, un maniaque et un pervers, Je m'accuse d'aimer et de désirer des enfants, d'éprou- -n ver mes plus pures émotions, mes plus pures joies, mes plus grandes peines grâce à eux, Je m'accuse d'employer les mots « pures », « émotions », « joies» comme si j'étais un être humain, Je m'accuse de ne plus pouvoir me taire après « Manille» et le « Coral », Je m'accuse de relever la tête, Je m'accuse d'écrire une lettre nécessitant l'ouverture d'une enquête judiciaire, Je m'accuse d'avoir peur de la prison, du déshonneur, du chômage et de l'exclusion sociale, Je m'accuse d'être à priori coupable, lâche et menteur, Je m'accuse d'avoir commis, n'importe où, n'importe quand, tous les attentats à la pudeur et les excitations de mineurs à la débauche qu'il vous conviendra d'imaginer, Je m'accuse d'être pire qu'un nègre, un arabe, un juif ou un communiste-pas-français, Je m'accuse d'avoir l'hypocrisie de militer dans des organisations défendant la dignité humaine des autres, Je m'accuse d'être volontairement resté des mois sans faire l'amour, par respect de la Loi et de la Morale, et de n'avoir plus de raison aujourd'hui de m'astreindre inutilement à cette résolution, Je m'accuse de suivre depuis plusieurs années une psychanalyse sans être encore normalisé, Je m'accuse de n'avoir jamais sodomisé d'enfants, Je m'accuse de ne pas savoir, en mon « âme» et « conscience » si faire l'amour avec un enfant est, pour lui, dramatique et dangereux, Je m'accuse de respecter infiniment la personnalité, la liberté et le choix de l'enfant, Je m'accuse de ne pas être conforme au portrait robot diffusé par les média, Je m'accuse d'avoir incendié le Reichs tag, Je m'accuse de provoquer en vous de la haine et du mépris, Je m'accuse de mériter le sort que la société me réserve, Je demande le rétablissement de la Peine de Mort pour les sales types dans mon genre. Stéphane LORNE Paris Inutile Je vous envoie ce petit mot en réaction à l'article du n° 18 de Différences, Etes-vous raciste, que je trouve regrettable. La forme choisie pour présenter des réactions racistes ne laisse pas la place à l'explication de leurs origines, aux arguments qui permettent de les combattre. Faire le constat de ces lieux communs n'est guère utile pour un militant et un lecteur du magazine de l'amitié entre les peuples attend de nous plus que ce constat. P. Yves ROUSSEL Lyon Lettre à Marco Qui sont ces «spécialistes» en Indiens que tu dis s'être partagé les Indiens selon leurs fantasmes (politiques)? Moi qui soutient la lutte des Indiens pour leur indépendance et leur auto-détermination, je me trouve le plus souvent seul, face à ces « spécia-listes » qui ne se partagent pas les Indiens, mais forment au contraire un bloc uni pour mettre en accusation les mouvements de libération nationale et les gouvernements révolutionnaires, et tu ne peux l'ignorer. Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul gouvernement révolutionnaire en place sur le continent américain : celui du Nicaragua qui est la cible privilégiée actuellement de ces «spécialistes» : certains mouvements de soutien, des « ethnologues » très connus, certains journalistes en mal de sensationnel ou satisfaisant leurs fantasmes politiques, eux. Pour beaucoup d'entre eux, leur discours est bâti sur une trame politique globale, car leurs attaques sont surtout dirigées contre les pays socialistes à travers celles des gouvernements révolutionnaires. La question indienne leur sert de prétexte à ces attaques et la cause des Indiens ne paraît être qu'accessoire. Robert PAC DENVER NOUVELLE SOCIÉTÉ FORTEX MANUFACTURE DE VETEMENTS SIÈGE SOCIAL ET USINES • 69000 GUERINS • 135, rue Lamartine 35400 SAINT-MALO 69654 VILLEFRANCHE-SUR-SAONE • 50300 AVRANCHES Tél. 16 (7) 465.56.25 • 42320 GRAND CROIX Telex 340 543 • 42400 SAINT-CHAMOND o 17 janvier-17 avril A Bourges le Musée du Berry organise une exposition sur l'Art populaire de la Khirghizie. o 2-23 février A la Maison internationale du Théâtre, exposition de photographies de Nicolas Treatt, tous les jours de 15 h 30 à 20 h30, sauf le lundi. Rens. Théâtre du Rond Point Renaud-Barrault, av. Franklin Roosevelt Paris 8e• 2-28 février Le service municipal d'Arts plastiques de Choisy le Roi propose une exposition Travaux sur papier, Photos et Objets qui se tiendra au Théâtre Paul Eluard -4 av. de Villeneuve St-Georges. Tél. 890.89.79. o 4-11 février Le comité du MRAP de Limoges organise une semaine de rencontres autour du Bassin méditerranéen. Vendredi 4 février de 18 à 24 heures, au CCSM Jean Gagnant, projection des films: le Pigeon de Mario Monicelli, Amiki Bobo de Manoel de Oliviera, Omar Gataito de Merzak Allouache. Samedi 5 février à 20 h 30, à la Maison de Peuple, concert de musique traditionnelle du Maghreb avec Kahlaoui et ses 6 musiciens. Mardi 8 février, à 20 h 30, au CCSM Auditorium, table ronde publique sur les castras chanteurs, en présence de Rophée, castra contre-alto et de Henry de Rouville, alto masculin. Mercredi 9 février, à 21 h. en l'Eglise Ste-Marie, concert exceptionnel donné par Rophée, castra contre-alto, Henry de Rouville, alto masculin et Martine Chappuis, claveciniste. Vendredi 11 février, à 21 h. au CCSM Jean Gagnant, récital de piano avec Hélène Mouzalas, pianiste grecque qui interprètera des oeuvres de Soler, Litz et de compositeurs grecs. o 5 février Clôture du 5e Festival du Courtmétrage de Clermont-Ferrand organ isé par l' associat io n « Sauve qui peut le court métrage »» en collaboration avec du Cercle cinématographique universitaire de ClermontFerrand. Pour tous rens . JeanLuc Mathion (73) 93.71.80 o 8 au 13 février o 9 février Clôture du Festival du film ibérique de Bordeaux. Rens. Université de Bordeaux, 3, Institut d'Etudes Ibériques - 33405 Talence Cedex. o 9 au 19 février Une trentaine de films au Théâtre de l'Alliance Française, pour retracer 1 'histoire des rapports du cinéma avec la danse à travers des documents ethnologiques et historiques. Rens . Maison des Cultures du Monde: 544.72.30. o 10-12 février Le chanteur Michel Buhler sera à l'Ensemble Dramatique de Metz - Les Trinitaires, 10-12 rues des Trinitaires à Metz, pour trois représentations. Rens. (8) 775.59.13. o 11-28 février Jean Gaudin présente son spectacle de danse Les Autruches au Théâtre Dejazet, 41 bd du Temple à Paris 3e , du lundi au samedi à 20 h 30, le dimanche à 15 h 30, relâche le mercredi. Rens . 887.97.34. o 14 février De 19 à 21 h. débat sur le thème: Une relation nouvelle: quand le Sud (Brésil) travaille avec le Sud (Afrique), avec Marcos Guerra, expert de projets de développement en Amérique latine et en Afrique. Rens. Foi et Solidarité des Peuples, 14 rue St-Benoît, 75006 Paris. Tél. 260.34.17. o 15 février A la Maison de la Culture d'Amiens, 2 place Léon Gontier, concert de musique contemporaine par le Groupe Intervalles, 20 h 30. Rens. 255.92.39. o 15 février Clôture des 5e rencontres cinématographiques internationales de Saint-Etienne. Rens. Maison de la Culture de St-Etienne - 42030 St-Etienne Cedex. Tél. (77) 25 .35.18. o 15 février-6 mars DIFFÉRENCES N° 20 - FÉVRIER 83 de Carrière sous Poissy, l'Attroupement de Lyon nous convie à entendre La chorale des pêcheurs d'éponges de Yannis Ritsos, (le 20 matinée à 15 h 30). Rens. C.A.C. de Poissy-Carrière, tél. 074.70.18. o 19-20 février Le Théâtre Femilla, 8 rue de Grassi à Bordeaux, accueillera le Festival International du Cinéma Juif. Le Festival s'ouvrira la 19 février, à 20 h 30, par une soirée de gala présentant le film de Moshe Mizrahi : La maison de la rue Chelouche. Le 20, à 15 h. sera présenté Rosa je t'aime de Moshe Mizrahi, à 18 h.,Mamère de Michal Bat-Adam et à 20 h 45, Nahum Glodmann de Isidro Romero. Ce Festival est organisé par le Festival International de la Culture Juive. Rens . (1) 805.93.07. o 19 février-17 août 1982 Le Muséum National d'Histoire Naturelle organise dans la Salle d'exposition de la Galerie de Zoologie une exposition intitulée

Chine: Les fresques du

désert de Gobi, la Route de la Soie au Jardin des Plantes. Rens. Geneviève Boulinier 336.14.41 poste 54. o 22 février Le Centre des Hautes Etudes Internationales pour le Développement (C.H.E.I.D.) organise une réunion de recherche sur Le nouvel ordre économique international et l'emploi animée par Guy Caire, Professeur à l'Université de Paris X Nanterre, au Collège de France, amphithéâtre du Chimie, Il place Marcelin Berthelot, 75005 Paris. Rens. 633.73.42. o 22-25 février A 20 h 45, au Théâtre d'Enghien, création de la pièce de Le 16 MARS 83 ... Catherine Paysan: Attila Dounai; mise en scène de Jean-Pierre André. Rens. Théâtre municipal du Casino d'Enghien, 3 avenue de Ceinture 95880 Enghien, tél. 412.90.00. o 22 février-4 mars Le Grenier de Toulouse reprend La cuisine d'Arnold Wesker, dans une nouvelle version française de Philippe Léotard et Keith Gore. Mise en scène: Maurice Sarrazin. Pour tous rens. Théâtre Daniel Sorano (61) 52.95.50. o 26 février A 21 h. Djamel Allam chantera à la Salle Polyvalente de Vernouillet. Rens. C.A.S. de PoissyCarrière, tél. 074.70.18. o 28 février Un concert de jazz est prévu à l'Ensemble Dramatique de Metz - Les Trinitaires avec Antony Davis (piano), James Newton (flûte), Abdul Wadud (violoncelle). Rens . (8) 775.59.13. o 4 mars-4 mai Le Théâtre de l'Aquarium présente, à la Cartoucherie de Vincennes, Histoires de famille d'après Anton Tchekhov, dans une mise en scène de Jean-Louis Benoît. Spectacle tous les soirs à 20 h 30, relâche lundi et jeudi. Rens. 374.99.61. 0 5 mars l'Usine Théâtre de Poissy - 27 av. des Ursulines, accueille un spectacle de Jean-Roger Caussimon, à 21 h. Rens. C.A.C. de PoissyCarrière,_ tél. 074.70.1 Il 0 7 mars Fin de l'exposition L'Amérique regarde la France: Time 1923- 1983, à la salle d'actualité du Centre Georges Pompidou à Paris. Tél. 277.12.33. TOUS AUX ABRIS! l'humour noir leplus apocalyptique depuis Dr. FOLAMOUR ... Au Théâtre de la Ville à Paris, spectacle de danse à 20 h 30. Le Tanzthater de Wuppertal (R.F.A.) interprète deux oeuvres de Pina Baush. Rens. 274.22.77. La Maison de la Culture de la Seine-Saint-Denis, en corpoduction avec le Théâtre de Liberté et la Maison de la Culture de Nantes, présente à la Maison de la Culture d 'Aulnay-sous-Bois -134 rue Anatole France: Les âmes mortes de N. V. Gogol, dans une mise en scène de Mehmet Ulusoy et une scénographie de Joseph Svoboda. Pour tous rens. 868.00.22. o 17-20 février ,/~~ r 20 6. ruedeCharenton. 75012 Pari s . 344.16.72. A 21 h. à la Salle Louis Armand 49 HUM/

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'//~ , ---- __ o. , ------- ~ SUPER GOTLIB L'auteur de la Rubrique-à-brac, coresponsable de Superdupont, que vient de monter Jérôme Savary, nous parle d'humour. S UPERDUPONT, ("est qui? Marcel (jotlib : Superdupvnl, il y 11 Y 1111::', I1U depl1rt, c'était une parodie de Superman au premier degré, sans arrière-pensées. C'était un super-héros français, et tous les clichés de Superman étaient francisés. La collaboration avec Lob puis avec Solé, a enrichi le personnage, il est devenu plus épiqùe. On a pris plus tard un troisième larron, Alexis, puis Solé après sa mort, qui faisait les dessins. Différences: Qui sont ses ennemis ? Marcel Gotlib: L'Antifrance. Il y a la notion d'étranger dans l'Antifrance. Son seul but est de nuire au prestige de la France, ternir les notions sacrées. L'Antifrance n'est pas l'étranger total, il y a même des bons étrangers: les touristes avec qui il faut être aimable, et ceux qui achètent nos produits nationaux. L'Antifrance, ce sont les mauvais étrangers. Avec Solé, le concept s'est élargi à certaines catégories françaises: Riri le Punk est une victime de l'Antifrance, qui lui injecte de la musique étrangère. Superdupont le sauvera en lui injectant de la musique de chez nous, RTL et Europe 1. Savary a encore élargi, en incluant dans l'Antifrance les pédés, les juifs, les drogués, etc. Ce n'est plus l'Antifrance au sens nationaliste, c'est l'anti-norme, tout ce qui est« différent ». &"eKV~py îil~l/ HOP,! Différences: Superdupont c'est donc le Français moyen? Marcel Gotlib: C'est le super-Français moyen, tel qu'on le représente dans la mythologie des nations: Ecossais radins, Américains grands-enfants, etc. Dans les films américains, le Français porte baguette et bérêt basque, et roule des galoches à sa petite amie sur fond de Tour Eiffel et d'accordéon. Superdupont, c'est ça, multiplié par ses super-pouvoirs. ..J « l«i ..J \J UJ Cl S ci 50 Différences: Le mythe du « Français moyen» est-il encore d'actualité? Marcel Gotlib: Non, c'est sans d~ute pour ça que Superdupont évolue dans le sens de l'abandon de cette notion de super-beauf. Le mot beauf a des connotations postsoixantehuitardes très dépassées. On va cesser de parler de camembert et d'accordéon-musette. Ça reste toujours un bastion pour défendre le pays. Mais les Punks font maintenant partie de l'Antifrance. Dans le sabir de l'Antifrance pourrait rentrer un langage loubard, un langage de grande folle, etc. En fait les marginaux sont intégrés à l'Antifrance, marginaux rejetés par le bon Français moyen, par xénophobie et chauvinisme, qui s'en méfie au même titre que des étrangers, par opposition à tout ce qui diffère. Mais cette crainte de l'autre, elle n'est pas française, elle est humaine, primitive. Ce n'est plus du nationalisme, c'est de la pulsion. Tout antiraciste peut se surprendre à cette crainte de l'Autre, noir ou juif, du moment qu'il n'est pas comme lui. Différences: Est-ce qu'on peut plaisanter sur tout? Marcel Gotlib: Il ne devrait pas y avoir de limites à l'humour. Dans Superdupont, j'ai placé cette réplique dans la bouche d'un ministre japonais: « Hiroshima -Poitiers, même combat ! » C'était horrible, mais quand on fait de l'humour, on ne peut pas dire: « Attention! limite! » On ne peut pas dire: « On rigole pas avec ça », sinon on ne rigole sur rien. Les histoires juives sur les camps de concentration que les juifs se racontent entre eux sont innombrables. Il y a l'humour, et puis l'esprit de bon goût, celui qui fait sourire finement et fait dire: «Ah, ah, pas mal! » L 'humour c'est ce qui fait rire, c'est pulsionnel, c'est basé sur l'agression, sur l'exorcisme d'une angoisse. Différences: La peur de l'Autre peut-elle être exorcisée par l'humour? Marcel Gotlib: C'est un des moyens, mais la peur de l'Autre a surtout besoin d'être analysée, décortiquée. Le problème, c'est que cette mécanique intellectuelle ne se met pas souvent en marche . Différences: L'esprit, c'est la reconnaissance ? Marcel Gotlib: Tel que j'en parle, c'est se reconnaître dans l'Autre. « Ah, ah, pas mal! », cela veut dire: il n'y a pas d'autre, on est de la même famille, on se reconnaît entre soi. L'esprit c'est culturel, fermé. J'ai l'impression, au contraire, que l'humour, c'est une ouverture non douloureuse vers les autres. L'humour, c'est l'intelligence du pulsionnel. Du coup, quelqu'un qui a de l'humour est plus ouvert! Sans doute, de façon indirecte: on ira demander s'il bosse à un bossu. L'autre va être reconnu, ne plus être nié, on ne va plus dire « chut! », détourner les yeux et ignorer pudiquement son handicap. C'est la différence en douceur. 4 Magasins 1\ • pour etre toulours à la mode BESANÇON: l, rue Gambetta LA ROCHE-SUR-YON: 11, rue Stéphane-Guillemé GRENOBLE ST-MARTIN-D'HÈRES:' 72, avenue Gabriel-Péri GRENOBLE ÉCHIROLLES: Grand Place LES PLUS BEAUX PAN'ALONS. PAN'AMOD ••• DES MILLIERS DE PAN'ALONS DANS 6 POIN'S DE VEN'E ! GRENOBLE ST·MARTIN-D'HÈRES : 72, avenue Gabriel-Péri GRENOBLE ÉCHIROLLES : Grand Place GRENOBLE FONTAINE : Centre Corn, Record BESANÇON : 1, rue Gambetta LA ROCHE·SUR· YON : 11, rue Stéphane-Guillemé ORGEVAL : Centre Commercial « Les seize arpents » DUIIOIfDI Plantu Les cours du caoutchouc sont trop élastiques En J 28 pages ... le tiers monde en noir et blanc. Plantu, collaborateur du journal Le Monde, a rassemblé ici ses dessins les plus récents. Plusieurs d'entre eux sont inédits, d'autres 'sont parus dans Le Monde, Le Monde diplomatÎque. Croissance des jeunes narions, La Vie, Presses de l'Unesco. Phosphore. etc. Hors collection. format 16,5 X 24, 48 F. Critiques de l'économie politique nO 20 Coopération et dépendances La France socialiste face au tiers monde Le premier bilan cnlique de la politique de coopération avec le tiers monde du gouvernement de François Mitterrand. Un bilan qui n'ignore pas les limites héritées du passé colonial. mais aussi sans complaisance pour les insuffisances et les ambiguïtés. Revue trimestrielle. 40 F. ~ë -.. -_------........ -.~... trlC_otal '.' Famines ct ptnuries .~.. &.i rn o.r. k """"" ~- N __ fl François Maspero Sous la direction de François Gèze, Yves Lacoste, Alfredo Valladao L'état du monde 1982 Annuaire économique et géopolitique mondial Après le succès de J'édition 1981 (40000 exemplaires vendus), voici J'édition 1982 de L'état du monde, complètement renouvelée, actualisée et augmentée. 129 articles de fond, 157 tableaux de statistiques fiables et récentes, 80 cartes et 800 adresses utiles. 640 pages, 68 F, Tricontinental 1982 Famines et pénuries /...Q faim dans le monde et les idées reçues 30 millions de morts de faim par an? Le Sud nourrit le Nord? l'aide au développement insuffisante ? Autant de questio'ns dont les réponses sont moins évidentes qu'il n'y parait. Dans ce dossier, 15 auteurs - dont Susan George, Jacques Chonchol, François de Ravlgnan, François Partant - proposent une approche du drame de la faim dans le monde en rupture a,'ec le discours moralisateur trop habituel, qui rend mieux compte de la dimension politique du problème, de sa complexité, et des véritables responsabilités. Petite collection Maspero, 30 F.

Notes

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