Différences n°141 - mai 1993

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Sommaire du numéro

n°141 de mai 1993

  • Edito: mobilisation et dialogue par Mouloud Aounit
  • Après les législatives: premier train de mesures en express par I. Avran [législation]
  • Sécurité et état de droit par I. Avran
  • Les paumés de la modernité: interview d'Alain Bihr par I. Avran
  • Comités locaux: un trimestre d'activités
  • Accueil et aide juridique aux immigrés et aux victimes du racisme par Dominique Lahalle
  • Colloque à Montpellier: vers un antiracisme européen? par C. Benabdessadok
  • Rapport 92 de la Commission consultative des Droits de l'Homme: la lutte contre le racisme et la xénophobie

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1 ED 1 T 0 MOBILISATION ET DIALOGUE Quatre jeunes gens étaient vivants il y a quelques semaines: ils s'appelaient Makomé. Pascal. Rachid. Éric. Ils avaient la vie devant eux: ils SQn! mortS brutalement victimes de la violence meurtrière exercée r.ar des policiers censés protéger les biens et es personnes. et assurer la sécurité de tous. Au-delà de la colère el des craintes que susci tent ces morts violentes, ces faits semblent bien induits par certaines des réalités de notre soçiété: - l'impunité, voire la clémence. dont ont bénéficié dans le passé 10US ces "gardiens de la paix" auteurs de crimes sécuritaires: - le retour à la fois réel et Ô combien symbolique de M. Pasqua qui pourrait avoir libéré les pulsions de ceux qui se croyaient être une fois de plus "couverts": - les excès de :tèle des rafles répétées et alllres contrôles d'identité, fortement médiatisés dans certains quartiers de la région parisienne. Selon le rapport de la Commission n3lionale consultative des droits de l'homme (lire pages intérieures), prês de 62 % des français sont perméables aux idées racistes. Racisme et xénophobie qui se cachent souvent sous le thème du "problème de l'immigration" tarau· dent aussi une partie non négligeable de la police. Bien que les premiers pas du nouveau gouver· nement soient inquiétants. des sanctions normales ont été prises à l'encontre des policiers coupables; c 'était le moins que l'on puisse attendre. Si le gouvernement a salué l'action et la responsabilité du MRAP dans son appel à l'apaisement. le calme reste précaire parçe que les conditions de vic et de travail (il faudrait plutôt dire de chômale!) le sont tout autant Dans son discours à 'Assemblée Nationale. le Premier ministre a dessiné les contours de sa politique en matière d 'immigration (lire article ci-COntre). Le flou demeure dans les contenus des refonnes annoncées (Code de la Nationalité, regroupement familial. lutte contre l"immignttion irrégulière), mais l"intention soulignée e.~t de toute évidence de privilégier le volet répressif au détriment d'une action allant dans le sens que nOus souhaitons: celui d'une lutte contre les discriminations et pour l'accès à la citoyenneté pleine ct entière, partagée par tous. On a beaucoup parlé ces dern ières semaines de tolérance et de lutte contre les exclusions. Nous prenons acte. Nous jugerons sur les faits. Durant ce temps de l'observation, l'ac· tion du MRAP sera ~uidée aussi bien par la vigilance. et la mobllisation que par le dialogue sans compromis. Nous savons que la nouvelle majorité a j;agné plus par défaut que par adhésion massIve à Un programme. Et nous savons aussi que sont nombreux. dans cc pays. ceux qui, sont attachés à la défense et à la promotion des Droits de l'Homme, ainsi qu'.au, principes d'égalité fondés par la Révoluuoo Françatse. Mouwud AOUNIT MAI 1993 - N° 141 - 10 F Après les législatives PREMIER TRAIN DE MESURES, EN EXPRESS Une large victoire de l'UPF, annoncée depuis des semaines, et une première vague de mesures prévues, comme une priorité gouvernementale, à l'encontre de l'immigration au nom de la sécurité de la nation, dont la révision du code de la nationalité ... Un Front national qui, au premier tour, recueille 3.152.543 voix, soit 12, 42% des votants ... Premier point sur les mesures prévues, et interview d'Alain Bihr, sociologue, auteur de POUR EN FINIR AVEC LE F RONT NATIONAL, une analyse rigoureuse des mutations de notre société qui font le lit du F N, parue chez Syros_ I l fau t "réfléchir sans délai aux problèmes de nationalité, d 'immigration, de sécurité, de façon à préparer les décisions du Gouvernement". Le nouveau gouvernement n' aura pas tardé. Dès le 31 mars, telle est en effet la missiOn que confie le Premier ministre Edouard 8alladur au ministre de l' Intérieur Charles Pasqua et au garde des Sceaux, Pierre Méhaignerie. Dans son discours de poli tique générale à l' Assemblée le 8 avril, Edouard Ball adur ins iste de nouveau et fait du contrôle de l' immigration une priorité parmi les priorités autour de deux mots-clés: "l "identité de la Nation" . Faut- il s'étonner que ce soi t immédiatement ap rès le chapitre sur "la délinquance", "la IOxicomanie", "la criminalité organisée" que vienne cel ui sur l'immigration? Au-de là de l'amalgame démagogique pounant si usé, c'est toute une vision de l'immigration qui est ici. de nouveau, révélée. "Notre cohésion sociale est éb ranlée" affirmait r UPF dans son "projet d'Union pour la France", dès la première page. Lire la suite page 4 DEMANDES SOMMAIRE D'AUDIENCE Au moment 00 nous mettons sous pres· se. la direction du MRAP a demandé il. être reçue par le ministre d' Etat et ministre des Affaires sociales, le ministre de l'[nt~rieur, le ministre de la Justice ainsi que par les responsables des groupes parlementaires, afin d'exposer les inquiétudes de l'association et Ses propositions quant aux mesures annoncées concernant notam_ ment "le Code de la nationalité. !"immigration et les problèmes de délinquance liés à la jeunesse et aux quartie rs sensibles des villes'". La ................ _otlllllde_ . , pl/3 pl _ d'AlIIa B8Ir ~ 5 U. br umd'ldiriI&lorIIIs ,;p617 AmIeIotlidejuridlq.. _ •. p7 \lm ....... _H. .o p/eI!·_ ____..~ .. p ll9 _"l'Ip(IOrIdeIo CNCDH ... ..p 111111 AppoIpoor~_de""' .. _". .~ •• .p 12 REPÈRES "SÉCURITÉ" ET "ETAT DE DROIT" "Bavures": Dimanche 4 avr.: Eric, 18 ans, accusé de vol de pneus de voitures, à Bissy, près de Chambéry, meurt d'une balle dans la tempe tirée par un policier lors de son arrestation. 6 avr.: Makomé, jeune Zaïrois de 17 ans, soupçonné de recel, meurt durant sa garde-à-vue au commissariat des Grandes Courrières dans le XVIIIème arrondissement de Paris, d'une balle tirée à bout touchant par le policier qui l'interroge. 7 avr., Wattrelos, près de Roubaix: Rachid, 17 ans, en fuite après un vol de voiture, reçoit une balle dans la tête lors de son interpellation alors qu'il est maintenu à plat ventre, visage contre terre. Le tireur est un policier en état éthylique. Rachid meurt à l'hôpital. 7 avr., Arcachon: Pascal, 32 ans, en état d'ivresse sur la voie publique, meurt peu après son arrestation. L'autopsie révèle un éclatement de la rate, une perforation du lobe du poumon gauche et deux côtes cassées. Des enquêtes sont en cours. Nombreuses réactions d'inquiétude, et condamnant ces "bavures". A la suite de l'assassinat de Makomé, l'Association des juristes africains écrit: "quel qu'ait été le délit reproché à la jewze victime, il n'était sûrement pas passible de la peine de mort". Le Mrap, qui demande des sanctions contre les policiers concernés et une grande fermeté de la Justice, rappelle sa demande d'une présence d'un avocat dès la première heure des gardes-à-vue. 7 avr., plusieurs associations (Mrap, Sos-racisme, fasti, Obu -Organisation des banlieues unies- Ldh ... ) répondent à l'appel de Ras-le-Front, pour un rassemblement dans le XVIIIème. A son issue, quelques pilleurs se mêlent aux jeunes en colère venus, pour beaucoup, de la banlieue parisienne, donnant prétexte à de nouvelles violences policières. Flics en civil. Témoignages accablants sur les pratiques des flics en civil. Relativement jeunes, cheveux coupés courts, foulards ou bandeaux leur masquant le visage, brassard de la police au bras parfois "oublié", matraque à la main (et, selon certains témoignages d'autres policiers, armes non règlementaires), ils sont d'abord pris par les passants et les habitants du quartier pour des casseurs ou des groupes de fashos. Après que certains des leurs ont crié que le pouvoir a changé de mains et qu'on va voir ce qu'on va voir, ils se ruent sur les jeunes plaquant au mur les badauds qui gènent leur passage. Et frappent. En 1986, à la suite de l'assassinat de Malik Oussekine, les PVM (pelotons de voltigeurs motocyclistes) avaient été supprimés. Là, rien. Violences au commissariat. Témoignages tout aussi effarants sur les pratiques du commissariat du XVIIIème. Les arrestations se multiplient dans le quartier. Y compris des résidents descendus prendre le métro ou acheter des cigarettes. Si l'on est jeune et bronzé, on a plus de chance encore de se voir passer les menottes sans autre forme de procès. Selon les divers témoignages, les insultes fusent, lors des arrestations comme au commissariat. Insultes racistes, il va sans dire. Et les coups pleuvent, administrés par des policiers ou des Crs, au nom de fausses accusations: pillage, casse. Nombre de personnes arrêtées s'en sortiront avec des dents cassées, ou auront besoin de points de souture. Ce rodéo se poursuit plusieurs jours. Le 14, c'est un journaliste de Francell qui est molesté. Réaction du SNJ: "si des appels au calme ont été lancés par les familles des victimes des bavures récentes et par des associations responsables, certains policiers semblent ne pas entendre ces appels". Des plaintes sont déposées. Des témoins affirment avoir vu passer à plusieurs reprises le député JeanPierre Pierre Bloch au commissariat. Mais celui-ci, interrogé par un journaliste du Jour, affirme n'avoir rien vu, stigmatise la presse et "certifie que la police a été irréprochable". Pasqua présente les excuses du Gouvemement aux familles des victimes, assure qu' il sera "impitoyable avec ceux qui commettent des fautes" et ajoute: "la nation confie des armes aux policiers pOlir qu'on protège les citoyens, pas pOlir qu'on les agresse". Au lendemain de l'assassinat de Makomé, le policier responsable et le commlsaire sont effectivement suspendus. C'est une première. Rien en revanche à la suite des violences dénoncées dans le commissariat du XVIIIème. Charles Pasqua interdit les manifestations dans le quartier et affirme, faisant .du coup l'amalgame entre casseurs et immigrés, que les casseurs doivent s'attendre à être expulsés. Quelques jours à peine après les rafles de Barbès et de la Goutte d'Or, un climat "insécuritaire" est bel et bien maintenu dans le XVIIIème. I.A 2 CHRONO BOSNIE: SIEGE ET "ÉPURATION" 19 mars: après neuf jours d'empêchement par les forces serbes de Bosnie orientale, les premiers convois humanitaires arrivent à Srebenica assiégée. 29: début de l'évacuation des blessés. Mais aucune protection par l'Onu de la population contre les bombardements: malgré plusieurs cessez-le-feu non respectés, les habitants de Srebenica sont coincés entre l'évacuation ou la mort. Effet limité de la résolution 816 autorisant le recours à la force contre le survol du ciel bosniaque (31): les armes passent par les frontières terrestres, les attaques ont lieu au sol. 20: les Bosniaques demandent la levée de l'embargo sur les armes , pour pouvoir se défendre. Plan de paix Vance-Owen: accepté par les Bosniaques (25), rejeté par les Serbes de Bosnie (3 avr.).6: un an de guerre, plusieurs dizaines de milliers de victimes. 11: Jean-Paul II appelle les responsables des nations à mettre fin à la guerre. SONDAGE A l'occasion d'une session du Haut Conseil de la francophonie, publication d' un sondage de janvier dernier: 50% des Français et 57% des moins de 35 ans sont favorables au droit de vote des étrangers s'ils parlent français ... PAUVRETÉ EN EUROPE: Selon un rapport du Conseil de l'Europe (17 mars), 51 millions d'habitants de la CEE vivent en-deçà du seuil de la pauvreté et entre 3 et 5 millions sont sans abri. SKINS ÉCROUÉS Onze skins de 18 à 25 ans, soupçonnés d'être les agresseurs de quatre Marocains du Puy-en-Velay (16 mars) écroués le18 . ALLEMAGNE: VIOLENCES ET CONDAMNATIONS Prison ferme (5 ans et 9 mois et 2 ans et 9 mois) pour deux incendiaires d'un foyer de demandeurs d'asile et profanateurs d'un monument juif (17 mars), et (9 mois) pour l'auteur d'un salut nazi (6 avr.). Incendie d'un foyer de demandeurs d'asile à Moëlln (19 mars) et passage à tabac de deux jeunes d' un autre foyer près de Giessen, par des skins (10 avr.). EGYPTE: L'ESCALADE Plus de cinquante morts en Egypte depuis début mars (pour une centaine en un an) dans l'escalade de violence qui oppose les militants intégristes du Gamaat islamyia au gouvernement, qui a choisi la répression tous azimuts. ESCLAVAGE Dans son rapport annuel , le Bureau international du travail dénonce la persistance de l'esclavage, y compris d' enfants, en particulier au Soudan et en Mauritanie, de même que la "servitude pour dettes". CONSEIL POUR L'INTÉGRATION Mouloud Aounit nommé membre du Conseil national pour l'intégration des populations immigrées, par arrêté ministériel (JO du 23 mars). AFRIQUE DU SUD Fin mars: vague d'attentats contre des blancs, condamnée par l' ANC, à quelques jours de la reprise (1er avr.) des négociations pour une Afrique du sud démocratique près d'un an après sa suspension. Mobilisation massive de l'armée et des réservistes. Mais l'Anc rappelle que la violence politique a fait plus de 2000 victimes en un an, essentiellement des Noirs. 5 avr.: assassinat de dix militants de l'An dans le Natal. 10: assassinat par des néonazis de Chris Hani, dirigeant de l'Anc, ancien chef d'étatmajor de l'Urnkhonto we sizwe (branche armée de l'Anc) et secrétaire général du parti communiste, l'un des principaux artisans des négociations . Nombreuses manifestations. A Soweto, l'armée tire dans la foule. Plusieurs morts, des dizaines de blessés. JUDAISME EUROPÉEN Réunion à Paris le 23 mars du Conseil européen des organisations juives des douze pays de la Communauté (créé en 1987), avec pour objectif de "fédérer le judaïsme européen". DU MOIS MAL-LOGÉS OU ASSIÉGÉS 24 mars: 23 familles sanslogis s'installent, à l'initiative du DAL ("Droit au Logement") dans les locaux de la Fondation Koppe (XIV ème arrondissement de Paris). Les locaux de ce foyer pour enfants en détresse n'en reçoit plus depuis plusieurs années et sa directrice accueille volontiers les familles. Le Préfet déploie plusieurs compagnies de CRS, pour en bloquer l'accès, Jacques Chirac demande l'expulsion des familles mais est débouté par le TOI de Paris. La ville de Paris, propriétaire du terrain, entend le récupérer. Jugement en mai . Plusieurs centaines de personnalités soutiennent les familles , dont Albert Jacquard, Président du DAL, Léon Schwartzenberg, Monseigneur Gaillot, l'Abbé Pierre, Mouloud Aounit, Fodé Sylla, et de nombreux chanteurs et acteurs. Certains se sont domiciliés au foyer. Dans d'autres quartiers de Paris, plusieurs cas de saturnisme (maladie grave liée aux mauvaises conditions de logement) signalés dans des écoles primaires. OPÉRATIONS "SÉCURITAIRES" Sous prétexte d'intervention rapide contre les trafics de drogue et contre des individus en état d'infraction sur les lois relatives au séjour, opération de police avec grand déploiement de forces dans un foyer de travailleurs immigrés d'Etampes (91), le 24 mars (fête du Ramadan) à 5 heures du matin. Brutalités policières lors des fouilles, selon les témoins. Aucune trace de drogue. Plusieurs dizaines d'interpellations. Protestation du Mrap qui demande "pourquoi faire fantasmer l'opinion publique, lui donner, avant le second tour, un réflexe sécuritaire?" 26 mars: rassemblement à Etampes. ROSENBERG Le 19 juin 1953, en pleine guerre froide, les époux Rosenberg étaient exécutés aux Etatsunis, accusés d'avoir livré des secrets atomiques américains à l'Urss durant la seconde guerre mondiale. Ils avaient toujours clamé leur innocence. Création, sous les auspices d'Albert Lévy, d'un comité pour le réexamen de l'affaire sur laquelle "pèse le doute d'une grave erreur judiciaire". MANIFESTATION XÉNOPHOBE Buhl, village du Haut-Rhin: 200 manifestants assiègent la mairie le 24 mars, contre un projet d'installation d'un centre culturel turc dans une maison que propose d'acheter l'association culturelle turque. Vitres brisées, pneus brûlés, quelques saluts nazis ... Village déchiré en deux. Puis violences contre les maisons des habitants turcs du village (38 personnes sur 2700 habitants), appels anonymes, ainsi qu 'à la mairie. PROCES 31 mars: le tribunal de Lille relaxe deux personnes ayant diffusé un tract raciste. L'avocat de la Ligue des Droits de l'Homme qualifie de très grave cette décision. En revanche, le 23, le TOI de Paris condamne le directeur de publication de L'Empire invisible, auteur d'un article diffamatoire et incitant à la haine, à six mois d'emprisonnement. Le Mrap était partie civile. Le 31, la cour d'appel de Càimar confirme la condamnation d'un ancien responsable du FN à une amende et un an de prison avec sursis pour provocation à la haine raciale PROVOC D'EXTREME-DROITE 31 mars: irruption à l'Université de Tolbiac d'une trentaine de militants d'extrême-droite armés de battes de base-bail, violence contre un rassemblement de 200 étudiants, 2 blessés. Le Mrap demande des mesures du ministère de l'Intérieur pour "mettre hors d'état de nuire ces groupes néonazis ", la dissolution des associations ou organisations de défense de l'idéologie négationniste , la fermeture des librairies diffusant des ouvrages négationnistes. CAMBODGE Après plusieurs mois de campagnes anti -vietnamiennes par les Khmers rouges, et assassinats de Vietnamiens, premiers attentats à la bombe (30 mars) contre des Vietnamiens et contre l' Arpronuc (force de l'Onu) chargée de mettre en oeuvre les accords de Paris d' oct. 1991. Massacres dans les 3 communautés de pêcheurs. 800 bateaux de Vietnamiens quittant le Cambodge signalés fin mars. Boutros Ghali à PhnomPen (7 avr.): les élections auront bien lieu pour mettre un terme à plus de 20 ans de guerre et de massacres malgré les tentatives Khmers de déstabilisation. FACIES Plusieurs contrôles policiers et dizaines d'arrestations d'étrangers pour vérificatons de papiers dans les quartiers de la Goutte d'Or et de Barbès, à Paris, premiers jours d'avril. LIEU DE CULTE ATTAQUÉ 3 avril: attaque contre un lieu de culte de la communauté musulmane de Salon-de-Provence par un commando cagoulé et armé. Le Mrap en~age des poursuites judiCIaires. COMMUNAUTÉ PORTUGAISE Assises de la communauté portugaise (3-4 avr.) à la Défense. Communauté de l'immigration la plus importante de France (18% des étrangers), majoritairement arrivée en France dans les années 60-70, qui a su maintenir (associations ... ) son identité culturelle et l'enseignement de la langue aux jeunes générations. SUSPENSION D'AIDES SOCIALES Roland Plaisance, maire (PC) d' Evreux, suspend l'attribution d'aides sociales municipales à des familles, principalement d'origine marocaine, au nom du fait que des enfants de ces familles seraient coupables de dégradations diverses. "C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour ouvrir le dialogue avec eux. Je ne sais pas si c'est le meilleur, mais on a créé un sursaut favorable dans la population" dit-il, en espérant l'aide d'associations des communautés de l ' immigration pour "règler le problème" et en affirmant ne faire aucune différence entre le jeunes et les familles quelle que soit leur nationalité, française ou non .. De son côté, le Mrap condamne cette décision et souligne qu'une telle mesure risque d'accréditer "l'amalgame insécurité- jeunes issus de l'immigration". REPÈRES FICHIERS La Caisse nationale d'assurances maladie s'oppose (6 avr.) à l'utilisation de ses fichiers par les RG qui souhaitaient contrôler ainsi les assurés sociaux étrangers, sauf cas précis sur commission rogatoire d'un juge d'instruction. FAUT PAS DÉCODER Création (6 avr.) d'un comité "faut pas décoder" à l'initiative de D.Assouline, contre la révision du code de la nationalité, toute restriction du regroupement familial , les risques d'aggravation des doubles peines ... I.A. ALGÉRIE: LOGIQUE D'AFFRONTEMENT Multiplication des attentats contre les forces de l'ordre mais aussi contre des civils par des militants intégristes du Fis. 16 mars: assassinat de l'ancien ministre de l'enseignement supérieur: Djilalli Lyabès et tentative d'assassinat de l'ancien ministre du travail Tahar Hamdi. Deux casernes attaquées dans la semaine du 22. Armes volées. Plusieurs dizaines de morts, de part et d'autre. 27, Alger rompt ses relations diplomatiques avec Téhéran, accusée, comme Khartoum, d'aider le Fis. 22, marche de protestation contre le terrorisme de plusieurs dizaines de milliers d'Algérois, avec le soutien appuyé de l'Etat, autres manifestations dans plusieurs villes de province, les premières autorisées depuis plus d'un an. Le Haut Comité d'Etat a choisi la méthode répressive, contre le Fis, mais aussi, malgré un "dialogue national" avec les partis et associations, contre l'opposition démocratique: interdiction de journaux ... Aussi, face à l'actuel affrontement armée/Fis, une "transition démocratique" semble peu probable. Certains craignent même un renforcement du pouvoir militaire. ApRÈs LES LÉGISLATIVES PREMIER TRAIN DE MESURES, EN EXPRESS Suite de la page I "Le laxisme de la politique d'immigration entretient la crise d'identité de notre pays". Quelques pages plus loin, sous le titre "reconstruire l'Etat et partager les responsabilités ", le projet envisageait "un Etat qui maîtrise l'immigration". "Notre cohésion nationale est aujourd'hui menacée par le sentiment que la France ne maîtrise ni l'intégration de ses immigrés, ni l'arrivée de nouveaux immigrés ", lisait-on. La recette est connue qui, naturellement, fait rimer insécurité avec immigration. Mais dès lors qu'il s'agit de "cohésion nationale",I'équilibre voire l'essence même de la nation seraient en cause. Difficile d'imaginer pires maux ... Et Edouard Balladur de décider les grands remèdes. L'OMBRE DE LA LOI PASQUA Adoptée en 1986, dès le début de la première cohabitation, la "loi Pasqua" visait à faciliter l'expulsion hors du territoire français d'étrangers coupables de délits, y compris d'infractions aux réglementations concernant le séjour des étrangers, à rendre plus expéditives les reconduites à la frontière d'étrangers en situation irrégulière, notamment en les plaçant sous contrôle des préfets et non des juges, et à remettre en cause les conditions de délivrance et de renouvellement de la carte de séjour de dix ans. La seconde mesure restée alors à l'état de projet (mais adoptée, modifiée, en 1990 par le Sénat), concernait la nationalité: le projet Chalandon prévoyait en effet de restreindre l'accès à la nationalité (voir Différences N°140). Cet esprit restrictif et répressif semble bel et bien présider au projet du nouveau gouvernement aujourd'hui. L'UPF prévoit en effet d'appliquer plus strictement les lois répressives existant d'ores et déjà (notamment quant aux reconduites aux frontières) voire d'en accroître la panoplie, de remettre en cause le code de la nationalité, de revenir sur le regroupement familial, de développer à l'école une conception "qui favorise la transmission d'une morale, de valeurs et d'une culture communes, et non le "multiculturalisme" ", de contrôler plus strictement l'attribution des certificats d'hébergements, les mariages mixtes ... Edouard Balladur, le 8 avril, annonce à l'encontre de l'immigration un train de mesures hélas attendues: celles de son programme ... PLUS DE RÉPRESSION Changement de cap radical par rapport à la précédente législature? On retiendra de celle-ci qu'elle ne fut pas non plus celle d'un débat sans démagogie sur l'immigration. Autour de la mise en place des accords de Schengen, notamment, l'idée d'une nécessaire Europe-forteresse aux frontières convenablement gardées (se protégeant de ce que Valéry-Giscard d'Estaing a appelé "l'invasion ", des étrangers) n'a pas aidé à dissiper certains fantasmes de notre société, pas plus que le débat entamé par Edith Cresson sur les meilleurs moyens de transport en cas d'expulsions... Et Michel Rocard n'a-t-il pas accusé récemment Edouard Balladur d'être le descendant politique de Georges Pompidou dont il faudrait retenir, dit-il, qu'il a favorisé ... l'immigration massive? Curieuse accusation ... On retiendra de cette précédente législature la Loi Sapin, de décembre 1991, contre le travail clandestin, et les lamentables péripéties de "l'amendement Marchand" en 1992, qui 4 a créé pour les demandeurs d'asile les zones d'attente aux frontières pour une durée maximale de vingt jours (et non trente comme initialement prévu). Avec un garde-foujuridique: la possibilité, durant 24 heures, de déposer un recours. On retiendra aussi les interminables grèves de la faim des demandeurs d'asile déboutés ... On retiendra aussi la loi Joxe, adoptée en août 1989, pour remplacer la Loi Pasqua, avec notamment: retour aux règles de 1984 pour l'attribution de la carte de dix ans, maintien des expulsions en "urgence absolue ", mais révision à la baisse du nombre de catégories d' expulsables. Les nouvelles mesures qui s'annoncent visent donc essentiellement à renforcer l'appareil répressif, à faire sauter quelques rares garde-fous juridiques, et par ailleurs à remettre en chantier le projet de nouveau code de la nationalité: débat prévu à l'Assemblée le 5 mai. Parmi les mesures souhaitées: soumettre le regroupement familial à l'accord des maires, assorti à un certain nombre de conditions, (séjour régulier en France non plus d'un an mais de trois, "compatibilité" du logement d'accueil avec les "objectifs d'urbanisation de la commune", donc risque majeur de voir ébréché le "droit au respect de la vie familiale" prévu dans les Conventions européennes des droits de l'Homme); diminuer les mariages blancs, formule qui jette a priori la suspicion sur les mariages mixtes en général, augmenter les reconduites aux frontières ... Marcel Hoeffel, ancien sénateur du Bas-Rhin aujourd'hui ministre délégué à l'aménagement du territoire, évoque même la possibilité d ' assortir l'expulsion d'une interdiction de 10 ans du territoire et de condamner à des peines de prison d'un à cinq ans toute personne déclarant un faux état -ci vil. Tandis que Simone Veil, à la tête d'un ministère qui regroupe la politique de la ville et les affaires sociales a aussi sous sa responsabilité la Direction de la population et des migrations, c'est cependant à M. Méhaignerie et à M. Pasqua que Balladur confie de dessiner les contours de la réforme. Charles Pasqua, qui s'est entouré, au sein de son cabinet, d' hommes comme Patrick Gaubert, de la Licra, mais aussi, pour les questions de l'immigration, de Jean-Claude Barreau, ancien Directeur de l'OMI dont il a été retiré en octobre 1991 par Jean-Louis Bianco avec l'approbation de Philippe Séguin à la suite d'un pamphlet controversé sur l'Islam; et, pour les relations avec les collectivités territoriales, d'Alain Robert, ancien des mouvements d'extrêmedroite du Gud, d'Occident, et d'Ordre Nouveau (dissous par le gouvernement en 1973), ainsi que du Front national dont il fut l'un des dirigeants à sa création. Charles Pasqua, durant ces dernières semaines plutôt chargées en matière de violence policière (voir la chrono du mois), vient pourtant de critiquer les limites imposées par la loi aux contrôles d'identité systématiques (au faciès?), la complexité des procédures de reconduites à la frontière, d'exprimer le voeu d'un cadre juridique rénové pour les reconduites aux frontières et les gardes à vue, (conférant davantage de pouvoirs non à l'appareil judiciaire, mais policier), soulevant une protestation du syndicat de la magistrature. Tout va donc très vite. Avec des risques de surenchère dès l'étape du 5 mai: une étape dangereuse. I.A. LES PAUMÉS DE LA MODERNITÉ UNE INTERVIEW D'ALAIN BIHR Différences: Un constat devenu banal: le Front national existe depuis plus de vingt ans et, depuis 1984, il s'enracine. Son discours, dites-vous, n'a pratiquement pas changé. La société, elle, est en mutation. Alain Bihr: Le FN a fait plus de 3 millions de voix lors de ces législatives. Son résultat de 1984, plus de 2 millions de voix, n'était pas un feu de paille. Il a dépassé les 4 millions aux présidentielles de 1988 et confirme aujourd'hui son enracinement même s'il fait un peu moins qu'aux régionales de 1992. Il Y a effectivement banalisation du FN. Il dispose de candidats, et de militants qui effectuent un travail quotidien, sur les marchés, au porte-à-porte ... Différences: Vos analyses des résultats de ces dernières années font apparaître nettement deux groupes sociologiques qui composent l'électorat du FN: les classes moyennes traditionnelles et les salariés: prolétariat et encadrement. Alain Bihr: Il s'agit là simplement des résultats des sondages à la sortie des urnes. Ces données étaient disponibles: on n'en a pas tiré rapidement les conclusions ... Ces législatives ont confirmé ces tendances: l'on retrouve les deux massifs qui composent l'électorat traditionnel du FN, avec un renforcement du second pôle, celui des ouvriers et employés. Le vote de cette catégorie socioprofessionnelle est totalement éclaté entre la gauche, la droite et l' extrêmedroite. L'extrême-droite l'emporte d'une courte tête . L' effort d'implantation du FN est sélectif. Il a par exemple relativement peu d'audience parmi les enseignants. Pour ce qui concerne les classes moyennes tradi tionnelles, l'émergence du FN s'explique dans une continuité historique. La flambée poujadiste a été l'une des failles d'un système d'alliances noué depuis la Troisième République, qui a commencé à se défaire avec le régime giscardien, à la fin des années 70, après la stabilité des Quatrième et Cinquième Républiques. Différences: vous l'analysez comme consécutive de l'apparition ou du renforcement d'une bourgeoisie financière ... Alain Bihr: Celle-ci se constitue dès le XIXème siècle. Mais à la fin des années 70, elle est en mutation: ses intérêts sont transnationalisés. Il lui devient de plus en plus difficile de ménager ses intérêts propres et de maintenir ses alliances avec des couches dont l'intérêt se limite à l'espace national: les agriculteurs, les artisans et commerçants ... L'intégration économique télescope leurs intérêts. Les petits commerçants avaient obtenu dans les années 70 un sursis avec la loi Royer. Ce n'était qu'un sursis. Les grandes surfaces elles-mêmes sont talonnées par la concurrence européenne. C'est la même chose pour ce qui concerne les transports, ou les compagnies d'assurance, ou d' autres professions libérales. Ces catégories sont appelées à se reconvertir ou à disparaître et sont confrontées à une instabilité économique accrue. La perception qu' elles en ont est tout aussi importante que leur situation elle-même. Elles ont un sentiment de décadence, avec un effacement des relais traditionnels. Elles ont choisi d'autres représentations politiques , puis se sont retrouvées sans représentation. Le programme économique du FN en 78 était conçu explicitement en direction de ces catégories. Différences: Cette analyse des évolutions sociales et des types d'alliances sociales et politiques laisse supposer que ce que l'on peut appeler la bourgeoisie financière n'a pas intérêt à une alliance avec le FN, qui se situe sur un terrain d'opposition? Alain Bihr: Elle n'a pas intérêt pour l'instant à gérer avec le FN. Il faut être attentif au fait qu'une grande part de la bourgeoisie est frileuse face aux vents du large, à l'intégration européenne, mais une droite plus puissante que jamais vient d'être élue ... Différences: Vous consacrez tout un chapitre à la crise du mouvement ouvrier. Alain Bihr: Une crise profonde, qui s'accompagne de celle de ses représentations. Il n'est qu'à voir les crises qui ont affecté les régions mono-industrielles: c'était un monde qui s'écroulait, dans tous les sens du terme: non seulement le travail, mais même le paysage, l'environnement immédiat, assorti d'une disparition des encadrements syndicaux, d'un effondrement des valeurs ... Il y a eu effet de largage, avec le sentiment qu'aucune alternative n'était possible. Et une partie de ces catégories se sont raccrochées à ce qui leur apparaissait comme le nouvel homme providentiel. Différences: Vous dites: "les deux panacées proposées par le FN se nomment nation et marché. Nationalisme d'une part, 5 ultra-libéralisme de l'autre constituent les références-clés de son programme économique et social". Mais l'incapacité d'un tel programme de répondre aux besoins et aspirations de ces catégories ne suffit pas à en faire un repoussoir ... Alian Bihr: Non, pas suffisamment. Mais il est nécessaire de le faire connaître ... Ceci dit, le FN n'en est pas à revirement près. Il a pour l'instant abandonné sa volonté de démanteler la Sécurité sociale, de revenir sur la Sème semaine de congés payés ... et s'engage dans un programme de plus en plus corporatiste, avec un projet nationaliste: "les Français d'abord". Différences: A l'inverse du MSI italien, le FN ne s'investit pas dans les syndicats. Alain Bihr: Il n'a jamais osé avoir son syndicat, à la différence des partis fascistes classiques. Il tente en revanche de s'infiltrer dans certains syndicats . Il est important de remarquer que dans les villes où il dispose d'élus municipaux, le FN demande à siéger dans les commissions sociales ou culturelles: il veut y mettre en oeuvre sa politique de "préférence nationale", et se crée des liens avec le milieu associatif, voire une "clientèle". Les résultats sont difficiles à mesurer aujourd'hui, sans enquête plus approfondie. Différences: Vous évoquez les différentes crises qui secouent notre société. Celle d'une "légitimité de l'idée nationale", celle d'une légitimité des représentations politiques, des partis, des hommes, des discours ... Vous écrivez que le FN profite de la "crise de sens" dans le monde actuel et qu'il se comporte en "metteur en scène du ressentiment". Pouvez-vous préciser? Alain Bihr: Il s'appuie sur une rage impuissante. Ressentiment de ceux qui enragent de ce qu'ils deviennent, sans possibilité de modifier efficacement le cours des choses, et cherchent des coupables, présumés. Cette culpabilité à l'égard de ce qui est enduré génère une agressivité reportée vers des boucs-émissaires. On retrouve la crise économique derrière ces affects de culpabilité, d'angoisse. Et une crise de sens, masquée par l'euphorie de consommation des années 60-70: avec la crise, le miroir aux alouettes est aujourd'hui brisé. La société est incapable de donner sens à l'existence. Ce qui donnait sens aux générations antérieures, dans le travail, le quartier, le mouvement associatif, autour de perspectives historiques ... se délite, comme s'il n'était d'autre perspective que de reproduire l'existence. Le repli sur le ressentiment naît de ce sentiment d'impuissance à s'en sortir seul, et d'absence de perspective de lutte collective. Les "paumés de la modernité" craignent d'être largués par les mutations sociales actuelles. Ces craintes animent leur univers mental et leurs pratiques sociales. Le Fn sait orchestrer cela à travers le thème des "Français d' abord", mais aussi à travers des thématiques comme la décadence, l'insécurité ... Différences: Vous insistez sur un aspect souvent oublié des ambitions du Fn: l'Europe. Vous rappelez que le FN joue un rôle fédérateur de l'extrême- droite européenne, en particulier au Parlement européen. N'est-ce pas contradictoire aux positions du Fn sur le traité de Maastricht? Alain Bihr: C'est une question importante, qui engage probablement l'avenir du FN. Tant que l'Europe renforce les traits nationaux, le FN Y est favorable. Et inversement. L'extrême-droite européenne, dont le FN se veut fédérateur, est traversée de contradictions. D'un côté, les nationalistes: FN, Fpoe autrichien ... De l'autre, les "régionalistes": le Vlaams belge, les ligues lombardes . Le cas allemand est hybride. Cependant, si l'on a fait attention au danger national, on ne s'est pas assez préoccupé du danger à l'échelle européenne, ni d'ailleurs à l'échelle locale. Différences: A l'issue des élections législatives, qui confirment vos analyses antérieures, pensez-vous que l'extrêmedroite tente de se présenter à terme comme une relève possible? Alain Bihr: Le FN va jouer la carte d'un échec de la droite, notamment quant aux questions du chômage et de son cortège de misère, face à une gauche qui aura du mal à s'en remettre. Je crois que la droite a compris que la meilleure résistance est de couper les ponts, de n'accepter aucune complaisance. En revanche, lui faire des concessions sur son programme ne peut que le renforcer. Pour "en finir avec le FN", je dirais que l'on fait du moral et de l'humanitaire, quand on ne sait plus faire du politique. Il faut réapprendre ... Propos recueillis par I.A. COMITÉS LOCAUX En une série de flashes classés par thèmes, nous vous proposons un bilan global de l'activité des comités locaux durant ce premier trimestre 1993. Nous nous excusons auprès de ceux qui auraient été oubliées. Nous encourageons chaque Comité à nous faire parvenir un compterendu détaillé et, si possible analytique, de leurs activités, accompagné de documents (articles de presse, tracts, affiches, photos ... ). Nous poursuivrons, en effet, ce travail de bilan dans le numéro de juin, en présentant les activités de formation et les créations de comités. SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE PALESTINIEN Le droit doit être respecté. Les résolutions de l'ONU doivent être appliquées ont rappelé les manifestants de plusieurs villes. Le retour immédiat des 415 Palestiniens bannis de leur patrie, la levée immédiate du couvre-feu et du blocus israélien dans les territoires occupés, le respect par Israël du Droit International et notamment des conventions de Genève sont réclamées. Nantes, le 19 janvier, manifestation de soutien pour les Palestiniens expulsés, \eur retour a été exigé. Poitiers, le 26 janvier, participation à la manifestation de soutien aux 415 Palestiniens expulsés par Israël. Dans de nombreuses conversations, la question palestinienne est abordée, mais qu'en savonsnous au juste? Quelle est l'histoire de cette région ? Quels sont les enjeux actuels? Pendant plusieurs semaines, différents spécialistes en la matière ont tenté d'apporter une mei Heure connaissance et cela dans de nombreuses villes, en présentant au public l'exposition "Palestine

vivre et résister".

Nord-Pas-De-Calais, en janvier, une semaine d'informations, de réflexion et de débats sur la question palestinienne, avec la participation d' A. Khenniche, membre du Bureau National et des personnalités palestiniennes. Epinay-Sur-Seine, Villetaneuse, le 26 février, débat animé par R. Le Mignot, Secrétaire Nationale et plusieurs intervenants. Stains, l'exposition "Palestine, vivre et résister" présentée dans le hall de la mairie a remporté un franc succès. Roubaix, 19 mars, projection du film de Simone Bitton, intitulé: "La Palestine, histoire d'une terre", suivie d'un débat animé par un militant du Mouvement. AMITIÉ ENTRE LES PEUPLES Montpellier, le 20 mars, projection du fIlm "Incident à Oglala", débat animé par Ronald Greagh, professeur à l'Université, Paul Valéry "La discrimination raciale et les Indiens d'Amérique aux U.S.A.". Angoulême, le 21 mars, parcours de l'amitié à Saint-Yrieix, le but : courir suffisamment de km pour relier symboliquement Angoulême à l'Afrique du Sud. CRISE DE L'EX-YOUGOSLA VIE, VERS QUELLE ISSUE? Les conflits militaires dans l'exYougoslavie ont fait naître de nombreuses interrogations. Recomposition de l'ancien bloc de l'Est, causes de l'implosion, rôle des nationalismes et "purification ethnique", mais aussi : enjeux stratégiques et répercussions sur l'ensemble des Balkans, choix politiques des pays européens, rôle de l'humanitaire et éventualité d'une intervention militaire. Menton, le 30 janvier, conférence- débat avec Catherine Lutard, journaliste au "Monde Diplomatique". Creil, conférence sur la situation dans l'ex -Yougoslavie présentée par B. Dréano au CEDETIM qui a exposé les origines historiques du conflit. Cartes de géographie à l'appui, il a brossé un tableau rigoureux de la situation. Dreux, lettre ouverte dans la presse locale de S. Maudry, Président du MRAP local. Il se dit interpellé par les massacres dans l'ex -Yougoslavie et souhaite que le Mouvement contribue à rétablir avec les Bosniaques, les Croates et les Serbes de bonne volonté les conditions d'une entente entre les peuples de l'exYougoslavie. Rennes, conférence prononcée par Souleyman Soldin, journaliste de Télé-Sarajevo. Agen, réunion sur le thème "La situation dans l'ex-Yougoslavie": historique et essais d'analyse". Dans l'ex -Yougoslavie, sous le nom de "purification ethnique", des actions inhumaines s'accomplissent: viols de femmes et d ' enfants, maisons brûlées , 6 UN TRIMESTRE terres volées avec exode forcé, camps de détention Ces méthodes et leurs conséquences sont abominables. Que les armes se taisent et que l'intelligence et le coeur l'emportent. Grenoble, le 21 janvier, la Bosnie, c'est notre problème. Il faut briser le silence. Cette manifestation pacifique sera renouvelée chaque mardi et samedi, Place F. Poulat. Lille, le 20 mars, sur la Grande Place, opération "silence". Le Collectif (dont le MRAP) pour l'ex- Yougoslavie réunit des citoyens révoltés par le drame yougoslave. Par ces gestes simples, ils manifestent \eur solidarité aux victimes de ce drame. Agen, le 20 mars, rassemblement chaque samedi, place des Laitiers pour protester contre la purification ethnique en ex-Yougoslavie. Symboliquement des bougies seront allumées. Pau, tous les vendredis, rassemblement devant la Préfecture pour protester contre la purification ethnique en ex-Yougoslavie. INFORMATION ET SENSIBILISATION DE L'OPINION PUBLIQUE Inquiétude des antiracistes au regard des profanations de synagogues, de cimetières juifs ou musulmans, des agressions ouvertement motivées par la xénophobie et le racisme qui se multiplient en France ainsi qu'en Allemagne. Fait plus aggravant : la banalisation de tels actes, de telles idéologies est telle qu' un récent sondage constate que 41 % des Français se déclarent ouvertement aujourd'hui "un peu, ou plutôt raciste". Comment peut-on lutter contre le racisme, en France, aujourd'hui? Nantes, le 12 janvier, Albert Jacquard, spécialiste de la génétique des populations et militant antiraciste, a participé à plusieurs conférences réunissant des adultes et des lycéens. Dans un langage aisément accessible à tous les publics, il a décrit les lois de la génétique avec les accents d'un poète. Roubaix, le 13 janvier, organisation d'une table ronde contre la double peine. La suppression de cette mesure particulièrement injuste a été demandée. Cette initiative s'inscrit dans la marche régionale lancée par cinq jeunes sur les deux départements du Nord et du Pas-De-Calais, que le MRAP soutient. Paris, le 14 janvier, participation de Mireille Maner, Secrétaire Nationale, au week-end de formation organisé par Amnesty International, "Mieux connaître les autres O.N.G., pour comprendre notre complémentarité et agir ensemble!" Annecy, le 15 janvier et Marmande, le 5 mars, C. Liauzu, historien et universitaire, auteur de "Race et civilisation", a traité de l'antisémitisme et de la xénophobie anti-arabe comme les deux éléments qui fondent actuellement le racisme dans notre pays, C. Liauzu a décrit celui-ci comme significatif des problèmes et des doutes qui assaillent notre société et son ciment social. A partir de ce constat, il prône une intégration sur la base d'une redéfinition de la citoyenneté, elle-même liée à la construction d ' une nouvelle conscience à l'échelle de la société mondiale appelée à naître. Stains, le 22 janvier, animation d'une soirée d'information en direction des jeunes, par P. Gaumet et N. Haddad. Créteil, le 28 janvier, à l'LU.F.M. , dans le cadre d'un stage "éducation aux droits de l'homme et de la citoyenneté" en direction des enseignants du 1er degré, participation de N. Haddad qui a présenté les missions et les actions du Mouvement. Chelles, le 29 janvier, en ces moments difficiles où le racisme se développe, le Comité a présenté le film "Les oubliés de l'histoire" lors du débat qui a suivi l'assemblée générale. Il lui a paru important de se remémorer cette période ... Orléans, le 30 janvier, journée de formation des comités de la région Centre sur l'approche juridique du droit d'asile, du droit au séjour, de l'usage de la loi française contre le racisme. Animation assurée par F. Prunet, Secrétaire National. Paris XIV-XVème, le 31 janvier, conférence autour des thèmes "Racisme, histoire et églises" animée par Pierre Pierrard, historien. Orléans, réunion contre le racisme et pour l'exigence de l'égalité des droits à l'initiative de la Licra, de l'Asti et du MRAP. Roubaix-Tourcoing, le Comité a présenté une vidéo intitulée "lettre à un xénophobe", le thème : dans les conversations défilent de petites phrases révélatrices de l'intolérance larvée. Comment les combattre? Un débat a suivi cette projection. 1 D'ACTIVITÉS Belfort, débat sur le thème "vers une nouvelle citoyenneté", avec la participation d'Albano Cordeiro, chercheur au CNRS. Pau, janvier, un concours de dessins contre le racisme à l'initiative du Comité. Les productions primées ont été éditées sous la forme de cartes postales. Nanterre, le 3 février, la faculté s'est mobilisée contre le racisme et pour l'égalité des droits. Meeting passionnant et passionné qui réunissait le Président de SOS-Racisme et M. Aounit Secrétaire Général. Montreuil, les 4, 5, Il et 12 février au lycée Condorcet, exposition de peintures de Bruce Clarke, artiste et militant du RNCA. Participation au cycle des débats de la quinzaine des Droits de l'Homme de R. Le Mignot et N. Haddad. Lille-Roubaix, le 4 février, conférence sur le thème "libertés et justice", le 2 février, tableronde sur la question de l'amitié entre les peuples . Toute une semaine autour des "libertés plurielles". Le Havre, le 13 février, à l'Université, Forum des droits: la police et la justice face à l'immigration. Trois ateliers: "loi antiraciste, double peine ... quelles lois ? pour quelle justice ?" "La police, les étrangers, les jeunes ... Quel vécu dans les quartiers?" "La police et l'extrême-droite", Liliane Lainé, Membre du Bureau National, a participé au premier atelier et pris des contacts pour relancer le Comité du Havre. Grenoble, le 16 février, soirée d'information avec Gérard De Berris, économiste sur "l'annulation de la dette, pour une nouvelle organisation économique mondiale". Aurillac, le 29 mars, débats organisés à l'école autour du film "les oubliés de l'histoire". Drancy, le 31 mars, rendez-vous des parents et des élèves au collège J. Jorissen. Fête de l'amitié entre les peuples. Débat avec M. Aounit, Secrétaire Général. Poèmes, chants, sketches, réalisés par les élèves. Soirée avec spécialités de tous les pays aux couleurs du Monde. Bagnolet, le 31 mars, exposition "les oubliés". Conférence-débat sur l'immigration avec M. Souguir, chercheur à Paris IV-Sorbonne. DROITAU LOGEMENT Comment faire valoir un droit aussi fondamental que celui du logement? La dignité avant tout. Paris XXème, au 36 rue de La Mare, une vingtaine d'enfants sont atteints du saturnisme, la maladie des mal-logés. Le Professeur Schwartzenberg, à l'invitation du DAL et du MRAP, s'est rendu sur place. Paris XIV ème, le 24 mars, une action exemplaire organisée par le DAL et soutenue par de nombreuses personnali tés et associations. 23 familles sans logis, soit 79 personnes dont 42 enfants se sont installés, entre les deux tours des élections législatives, dans l'immeuble de la Maison maternelle, un ancien orphelinat du 41 av. R. Caty. Parmi ces familles, toutes en situation régulière et demanderesses de logements sociaux, 6 sont françaises, et 17 se répartissent en 8 nationalités différentes, la majorité sont africaines. RÉACTIONSMANIFESTATIONS Cannes, le 1 er janvier, Béchir Karmous est assassiné par un vigile. Quel que soit le passé de la victime, le mouvement a réagi avec indignation à ce nouveau crime sécuritaire. Il a exigé une réglementation plus sévère de la vente des armes. Les militants de Menton ont distribué 2500 tracts et participé au rassemblement devant la mairie. Mont de Marsan, le 9 janvier, près de 400 personnes ont manifesté dans les rues de la ville en protestation contre l'agression raciste dont a été victime un jeune montois: utilisant barres de fer, battes de base-baIl et pistolet à grenaille, avec la volonté de "se faire le premier arabe venu", trois skinheads ont envoyé Hocine sur un lit d'hôpital. Reims, le 12 février, à l'initiative du MRAP et de SOS Racisme, une centaine de personnes se sont réunies devant le palais de justice de Reims, pour marquer symboliquement le quatrième anniversaire de la mort d'Ali Rafa, tué le 12 février 1989 par M-L Garnier, la boulangère acquittée en novembre dernier par les Assises de la Marne. Nantes, le 12 février, 1500 manifestants ont défilé contre le racisme et l'exclusion. Le but recherché par les organisateurs a été atteint: ils entendaient ainsi protester contre la venue du président du FN dans leur ville. 7 COMITÉS LOCAUX Toulouse, le 13 février, rassemblement au Capitole pour dénoncer l'attitude du maire. Il différait les mariages d'étrangers sans carte de séjour, ce qui est une entrave à la liberté fondamentale, celle de s'aimer et de se marier. M.Aounit a déclaré lors de cette manif "ne laissons pas bafouer le droit de s'aimer". Etampes, le 26 mars, rassemblement à l'appel du MRAP avec la participation de M.Aounit et de R.Le Mignot. 200 gendarmes mobiles ont investi aux aurores les chambres du foyer COMMISSION Sourdiata occupées par des résidents d'origine sénégalaise et mauritanienne. Caen, le 26 mars, solidarité et soutien à l'action menée par des étudiants marocains. Rassemblement devant le palais de justice avec la participation de N.Haddad, car la préfecture du Calvados a le triste privilège en France d'appliquer avec un zèle orienté la "circulaire Marchand". A ce jour, une trentaine d'étudiants régulièrement inscrits à l'Université de Caen ont été expulsés. Norbert Haddad IMMIGRATION ACCUEIL ET AIDE JURIDIQUE AUX IMMIGRES ET VICTIMES DU RACISME Ce n'est pas faire au gouvernement un procès d'intention que de penser que les immigrés, les réfugiés et les Gens du Voyage vont se trouver en butte à un nombre grandissant de difficultés et d'injustices. La modération des déclarations de M.Balladur est largement à relativiser par le fait qu'il ait choisi comme ministre de l'Intérieur l'homme du "Charter des Maliens" et des déclarations musclés amalgamant immigration et délinquance. Le MRAP et ses comités locaux doivent se préparer à répondre à une politique qui va tendre à l'exclusion d'un nombre grandissant d'immigrés. Nous allons devoir apporter une solidarité effective aux victimes de la politique du gouvernement français car le racisme ne s'exprime pas seulement par des injures, des écrits, des discours ou des actes de violence tombant sous le coup de la loi de 1972; il atteint le plus souvent ses objectifs par le moyen de textes législatifs ou réglementaires, de rigidité ou d'abus administratifs, ou encore par l'étroitesse de vue des agents d'exécution de l'Etat ou des collectivités locales. C'est pour faire face à cette situation que le Conseil national du MRAP a pris d'importantes décisions concernant l'accueil, la solidarité et l'aide juridique aux immigrés, Gens du Voyage et victimes du racisme. Pendant des années, ce type d'action était confié, en ce qui concerne notamment la région parisienne, à la Permanence juridique du siège. Lorsque, dans une localité, des immigrés ou d'autres victimes du racisme s'adressaient au MRAP, le Comité local faisait appel à la Permanence. Mais avec l'aggravation de la situation, la Permanence n'arrive plus à répondre à la demande. Le Conseil national a donc décidé de réorganiser l'aide juridique et de faire appel à la mobilisation des militants en vue d'apporter aux immigrés, au niveau des localités, l'accueil et l'aide qu'ils doivent attendre d'un mouvement antiraciste. OBJECTIF: DIX PERMANENCES L'objectif est de créer une dizaine de permanences d'accueil dans la région parisienne et dans les centres de province où se trouvent concentrés de nombreux immigrés; il n'est pas utopique à la condition que le MRAP se sente tout entier mobilisé d'une façon durable. Les présidents des Comités locaux ont reçu une circulaire détaillée portant sur les objectifs, les moyens et la formation des militants. Un Vade Mecum-Memento est en cours d'édition. Une première réunion de militants parisiens s'est tenue à la fin du mois de mars. Les militants intéressés par cette initiative peuvent s'adresser à leur Comité local ou à la Commission Immigration. Dominique Lahalle UN COLLOQUE A MONTPELLIER Un colloque co-organisé par la Commission des Communautés et le CERCOP (Centre d'Etudes et de Recherches comparatives constitutionnelles et politiques) de l'Université de Montpellier s'est tenu dans cette ville en février dernier. Le Comité local du MRAP y était invité ainsi que Différences. Cette rencontre s'appuyait sur l'élaboration d'un rapport de la CEE intitulé Moyens juridiques pour combattre le racisme et la xénophobie. Ce rapport avait été commandé par le Conseil européen dans sa résolution du 29 mai 1990. La Commission européenne a donc été chargée de faire élaborer une recherche de droit comparé sur les moyens juridiques mis en oeuvre dans les différents Etats membres pour combattre toutes formes de discrimination, de racisme, de xénophobie, d'incitation à la haine et à la violence raciale. Le but déclaré de la Commission étant de contribuer à l'amélioration de la diffusion d'informations sur les moyens juridiques. Cette étude(I), livrée durant le colloque, a été réalisée à partir des douze rapports nationaux commandités par la Commission, laquelle était notamment représentée par Annette Bosscher, responsable de la Division "Libre circulation et politique migratoire". Une première lecture, profane, de ce rapport très juridique, fait ressortir les conclusions et constats suivants: LA DIFFICULTE DE DEFINIR LE RACISME ET LA XENOPHOBIE La majeure partie des pays européens disposent de textes juridiques qui permettent de sanctionner la discrimination. Le racisme et la xénophobie relevant de croyances (en la supériorité "raciale" notamment), difficiles à circonscrire de manière rationnelle, des efforts sont faits à travers le droit pour interdire ou rendre délictueuses les manifestations de haine ou de préférence fondées "sur la race, la couleur, la généalogie, ou l'origine nationale ou ethnique ". Sont donc sanctionnés les comportements et les expressions et pas les croyances elles-mêmes. Les Etats européens sont divisés sur l'opportunité de reconnaître des droits à des groupes, alors que presque tous ont pris ou envisagent de prendre des mesures limitant l'immigration et le droit d'asile. DISTINCTION ENTRE NATIONAUX ET ETRANGERS D'après ce rapport, "en ayant pris des dispositions qui étendent considérablement les droits et les libertés des étrangers et qui suppriment dans une large mesure les distinctions traditionnelles entre les citoyens et étrangers, la France et le Luxembourg font figure d' exception". (. .. )" Ainsi le Code civil grec stipule que toutes les personnes qui administrent des associations doivent être des citoyens grecs ". La loi établit des quotas : outre le fait qu'elle restreint l'accès à certaines professions (telles que celles d'avocat, de notaire, de médecin, etc), "les établissements privés d' enseignement des langues peuvent recruter et employer des étrangers dans la limite d'un professeur étranger pour 10 professeurs grecs". 8 VERS UN ANTIRA EGALITE ET DISCRIMINATION Tous les Etats disposent de pétition de droit constitutionnel s'opposant à la discrimination et affirment les principes universels d'égalité. Néanmoins, pour traiter de la discrimination, trois approches se dessinent: 1) une approche assimilationiste ou individualiste; 2) une approche pluraliste; 3) une approche de refus ou de négation de la nécessité d'une politique appropriée. Ainsi, la France se base sur la reconnaissance et le respect des droits individuels et du principe d'égalité de chaque personne; l'existence de cultures et de groupes est reconnue par la société mais "niée sciemment et à dessein par le droit". Dans ce contexte, la France dispose d'une législation particulière destinée à sanctionner les manifestations racistes et discriminatoires. L'Allemagne (où vivent 6 millions d'immigrés) "nie l'existence d'une discrimination raciale et d'une xénophobie de grande ampleur et juge donc superflue une législation spéciale ". Ce pays dispose d'un article constitutionnel qui interdit la discrimination aussi bien négative que positive. La position belge semble médiane dans la mesure où elle interdit toute discrimination raciale, mais ne pose pas le principe de l 'égalité des chances quelle que soit la "race", tout en adoptant récemment une politique spéciale destinée à favoriser l'intégration des étrangers qui constituent près de 30% de la population. Le Royaume-Uni dispose à la fois d'une législation antiraciste ancienne et importante et de mesures dites de discriminations positives destinées à la promotion économique, politique et culturelle des "minorités ethniques" reconnues en tant que telles. Les Etats qui ne disposent pas d'une législation particulière et complète contre la discrimination se mettent en contradiction avec l'article 2 de la Convention internationale des Nations-Unies sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale (21 décembre 1965). DELITS, JURISPRUDENCE ET SANCTIONS "De façon générale, les lois contre le racisme et la discrimination interdisent ou déclarent illégaux l'ensemble ou certaines des trois catégories suivantes d'actes: - comportement discriminatoire, au travers d'actes ou d'omissions, par des agents de l'Etat dans l'exercice de leurs fonctions; - discrimination commise par des particuliers ou des institutions dans différents domaines: logement, emploi, éducation et formation, fourniture de biens et de services; - parole, actes, publications, matériel audiovisuel et organisations incitant à la haine, à la violence ou à la discrimination raciale. Dans tous les cas, les obligations de la Convention des Nations unies sur le racisme ont eu d'importantes répercussions sur la législation des Etats membres. (. .. ) Dans pratiquement tous les Etats, l'absence de jurisprudence limite l'évaluation de l' efficacité des mesures existantes. Les points de vue concernant les causes du nombre très limité d'affaires sont opposés. Par exemple, il a été déclaré que les lois existantes sont efficaces, que de fortes sanctions sont contreproduc- CISME EUROPEEN? tives et n'aboutissent qu'à de rares poursuites et condamnations et que les obstacles d'ordre procédural et l'absence de soutien de la part de la police et de l'accusation entravent l'exécution et empêchent les victimes d'obtenir réparation. Chacune de ces explications peut être vraie pour un ou plusieurs Etats ou, pour certains, les lois peuvent avoir un fondement réel". SANCTIONS PENALES "Les sanctions pénales pour actes illégaux de discrimination, racisme ou xénophobie incluent des amendes, des peines d'emprisonnement, des rétractations publiques en cas de publications diffamatoires, la dissolution d'organisations racistes et la privation de libertés civiles. Le montant des amendes et la durée des sentences sont très variables ( ... ). De façon générale, les rapports indiquent que peu d'affaires sont introduites et que les peines prononcées sont dans l'ensemble légères, bien que la sévérité augmente à mesure que les juges prennent les affaires plus au sérieux et que les organes législatifs augmentent les sanctions applicables. La peine d'emprisonnement n'est pratiquement jamais prononcée, sauf s'il y a agression violente contre la victime. Dans ces cas, la condamnation est générale ment conforme aux lois sur les voies de fait, l'homicide, l'incendie volontaire, etc., et non conforme aux lois sur la discrimination raciale. Le montant des amendes prononcées varie énormément. Les peines les plus originales ont été promulguées récemment dans certains pays. En France, les personnes condamnées peuvent être tenues d'accomplir un travail d'intérêt général; les journaux peuvent se voir imposer la publication de rectifications ou de réponses rédigées par des associations s' occupant de racisme. Un grand nombre de pays ne font état d'aucune affaire de poursuite pénale pour délit raciste. Les raisons n'en sont pas claires et sont attribuées à l'efficacité des lois (Royaume- Uni), à l'effet dissuasif découlant de la difficulté à prouver la motivation raciste (France), à un manque d'assistance de la part de la police et au moment des poursuites (Belgique, PaysBas, 1talie), à la contre-productivité d'affaires pénales très médiatisées (qui entraÎnent une sympathie pour les auteurs des délits, France, Allemagne), Ç/insi qu'à l' existence d'autres voies de recours auxquelles va la préférence (Danemark, Royaume- Uni). Dans certains pays, toutes les raisons susmentionnées ont joué un rôle important. Un autre problème en matière d'enregistrement est le fait que les poursuites pour voies de fait, homicide et autres délits pénaux ne sont généralement pas classées comme délits racistes, même si la motivation est connue. Cela pourrait expliquer le fait que de nombreuses agressions racistes ne sont pas enregistrées comme telles ". LIBERTE D'EXPRESSION ET REPRESSION DU RACISME Les institutions et les valeurs démocratiques exigent que soit respectée la liberté d'expression. Celle-ci repré- 9 UN COLLOQUE A MONTPELLIER sente un acquis essentiel de la modernité; même si elle ne préserve pas à elle seule la démocratie, elle en est un indicateur essentiel. La protection de la liberté de la presse entre parfois en contradiction avec la répression de "l'expression raciste". Dans certaines circonstances, lorsque la liberté de la presse est fortement contrôlée, ce sont les journalistes, même lorsque leur bonne foi n'est pas en doute, qui subissent injustement l'effet de la répression. VERS UNE LÉGISLATION ANTIRACISTE COMMUNE L'implication de cadres juridiques communautaires dans la lutte contre le racisme parait indispensable à tous les participants. Elle induirait la réactivation de la convention européenne des droits de l'Homme et une charte sociale européenne plus précise. Les intervenants au colloque soulignent qu'une politique commune de l'immigration ne peut pas aller sans la promotion d'une législation commune de lutte contre les discriminations racistes. Une proposition a notamment été faite dans ce cadre. Il s' agissait d'adopter un protocole additionnel à la Convention afin de donner droit de plainte aux instances de la Cour des Droits de l' Homme de Strasbourg. Six domaines d'intervention ont été présentés comme relevant de la Commission: une harmonisation législative, un travail de prévention, le développement des outils et des structures de l'information, un volet "formation-éducation", un soutien logistique aux opérateurs sur le terrain, la continuation du travail d'étude et de recherche. Selon Madame Bosscher, la législation commune n'est pas à l'immédiat ordre du jour. Mais on peut envisager qu'à l'horizon 1997, une base juridique puisse donner forme à une directive communautaire qui serait contraignante pour les Etats concernés. Pour l'instant, il reste que l'information ne circule pas assez entre les différents pays quant à l'état du racisme et de la xénophobie propre à chaque contexte et aux moyens juridiques mis en oeuvre pour y remédier. Elle devrait s'articuler en particulier sur le travail des associations antiracistes nationales qui, selon plusieurs participants au colloque, ont un rôle essentiel à exercer. Il reste, comme l'affirme John Rex (2) que "c'est seulement quand nous comprendrons pleinement la puissance aussi bien structurelle qu'idéologique du racisme que nous serons capables de trouver des moyens réalistes de le combattre". Ce combat aurait pour finalité de donner toute leur plénitude aux droits nationaux et les dépasser lorsque cela est rendu nécessaire par la mondialisation des rapports économiques et culturels. Ce combat revêt un caractère essentiel dans la mesure où s'intègreraient, dans un même sens, lutte pour la démocratie et affirmation identitaire. Chérifa Benabdessadok ( 1 )Rapport de synthèse rédigé par Diane Sheldon et Richard Veches de l'Institut International des Droits de l'Homme, Strasbourg (2)"Stratégies antiracistes en Europe ", in "Racisme et modernité", ouvrage collectif sous la direction de Michel Wieviorka, Ed. La Découverte. LE RAPPORT 1992 DE LA COMMISSION NATIO NALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME LA LUTTE CONTRE LE RA CISME ET LA XENOPHOBIE Exclusion et Dr oits de l'Homme C'est un volumineux dossier de près de 700 pages qui a été rendu public et publié cette année. En plus des rubriques habituelles qui ont gagné en qualité, un travail de premier plan fort utile aux militants antiracistes dans un chapitre coordonné par Jacqueline Costa-Lascoux intitulé "le droit à l'expression religieuse dans une société laïque". Nous reviendrons sur cette question qui met nécessairement en scène l'Islam et la communauté musulmane de France, dans notre prochaine publication. Pour l'heure, Différences offre quelques extraits fort instructifs de ce rapport, qui n'est qu'un rapport, mais qui a le mérite d'exister et de fixer quelques contours sérieux aux problèmes difficiles du traitement du racisme et de la xénophobie. Il faut noter que toutes les contributions du Mrap ont été reprises dans ce rapport. 1990-1992 : LES FRANÇAIS, LE RACISME ET LA LUTTE ANTIRACISTE Une étude de M. Roland Cayrol, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques «Depuis le mois de février 1990, l'Institut CSA a réalisé quatre sondages nationaux sur des échantillons représentatifs des Français, pour le compte de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme(l). Une bonne part des questionnaires d'enquête ayant été barométrisée, on dispose ainsi, sur une durée de près de trois ans, de données précises, importantes et répétées, permettant de faire le point sur l'état du racisme dans la société française, son évolution récente, et les souhaits de nos concitoyens en matière de lutte contre le racisme. LE DIAGNOSTIC DES FRANÇAIS: DIMENSIONS ET PERMANENCE DU CONSENSUS Neuf Français sur dix s'accordent à le constater à chaque interrogation: le racisme est une chose répandue en France(2). Invités, sur une liste, à désigner les principales victimes de ce racisme dans notre pays, ils citent, presque dans les mêmes proportions, avec la même constance, les Maghrébins en tout premier lieu, puis, à nette distance, les jeunes Beurs français d'origine maghrébine, précédant eux-mêmes nettement les Noirs d'Afrique. On le constate (à la lecture du tableau 1) : pour les Français, le racisme est, chez eux, anti-africain, et surtout anti-maghrébin. Il n'est qu'accessoirement synonyme d'hostilité aux Gitans (cités cependant par près d'une personne sur trois) ou d'antisémitisme (mentionné néanmoins par près d'une personne sur quatre). Quant aux autres catégories proposées (Asiatiques, Antillais, Européens des pays méditerranéens), elles ne paraissent pas, d'après les personnes interrogées, souffrir du racisme de leurs hôtes: le racisme anti-Arabe éclipse largement toute autre forme de discrimination. TABLEAU 1 POPULATIONS CONSIDÉRÉES COMME LES PRINCIPALES VICTIMES DU RACISME EN FRANCE (EN %) Février Octobre Novembre Novembre 1990 1990 1991 1992 Les Maghrébins 83 85 83 83 Les jeunes Français d'origine maghrébine (Beurs) 58 59 57 65 Les Noirs d'Afrique 38 35 37 38 Les Tziganes, Gitans, Gens du Voyage 37 1 24 29 Les Juifs 18 24 20 23 Les Asiatiques 9 7 7 7 Les Antillais 11 7 7 6 Les Européens de pays méditerranéens (Espagne, PortugaL) 8 6 4 5 Compte tenu de ce diagnostic, consensuel pendant toute cette période, que convient-il de faire, et de ne pas faire? 10 Plus des deux tiers des Français s'accordent, pendant ces trois années, sur des mesures qui leur semblent utiles pour lutter contre le racisme. Il s'agit, dans l'ordre, (voir tableau 2) d'empêcher d'entrer en France de nouveaux immigrés en situation irrégulière et d'éviter les concentrations trop fortes d'immigrés dans certains quartiers, puis d'enseigner la tolérance dans les écoles, de renvoyer chez eux les immigrés reconnus coupables de délits et aussi ceux qui se trouvent en situation irrégulière, de faire des campagnes d' information dans les médias, et de renforcer les lois condamnant la propagande et les actes racistes : telles sont, en 1990-1992, les bases permanentes d'un accord consensuel des Français, qu'on a peut-être parfois sous-estimé. TABLEAU 2 MOYENS JUGES UTILES POUR LUTTER CONTRE LE RACISME (en %) Février Octobre Novembre Novembre 1990 1990 1991 1992 Renforcer les lois condamnant la propagande et les actes racistes 68 69 69 69 Enseigner la tolérance dans les écoles 84 87 86 85 Faire des campagnes d'information dans les médias (presse, radio, T.V.) 65 65 64 70 Renvoyer chez eux tous les immigrés en situation irrégulière 73 74 79 76 Construire des lieux permettant aux immigrés de mieux se sentir chez eux en France (mosquées, cercles de rencontres) 39 35 36 40 Faire connaître les coutumes des Maghrébins, des Africains, des Asiatiques par des enseignements à l'école 53 52 46 51 Faire en sorte que les immigrés trouvent plus facilement un logement 52 60 59 56 Renvoyer chez eux les immigrés reconnus coupables de délits 76 79 80 81 Eviter les concentrations trop fortes d'immigrés dans certains quartiers 85 90 91 86 Accorder le droit de vote pour les élections municipales aux étrangers résidant en France depuis un certain temps 35 39 33 38 Empêcher de nouveaux immigrés en situation irrégulière non proposé 88 92 89 Une majorité absolue, mais qui n'atteint pas la même proportion, se retrouve également d'accord, pendant toute la période, pour estimer utile de faire en sorte que les immigrés trouvent plus facilement un logement, et de faire connaître les coutumes des Maghrébins, des Africains ou des Asiatiques, par des enseignements à l'école. En revanche, deux solutions sont repoussées à la majorité absolue, là encore avec une grande permanence: construire des lieux permettant aux immigrés de mieux se sentir chez eux en France (mosquée, cercles de rencontres) et accorder le droit de vote pour les élections municipales aux étrangers résidant dans le pays depuis un certain temps. Tout cela, dira-t-on peut-être, concerne des mesures au plan institutionnel, qui n'engagent guère les gens dans leur vie quotidienne. Notons toutefois qu'à côté de mesures répressives concernant les immigrés délinquants ou en situation irrégulière, à côté d'orientations généreuses difficiles à rejeter (enseignement de la tolérance à l'école, campagnes médiatiques d'information), une majorité de Français approuve, tout au long des trois ans, l'idée d'un enseignement des coutumes des pays de provenance des catégories victimes du racisme, et se prononce pour un accès plus facile des immigrés à des logements. Mais, on a également demandé aux personnes interrogées ce qu'elles étaient personnellement prêtes à faire pour lutter contre le racisme. Les chiffres sont évidemment moins impressionnants (voir tableau 3). TABLEAU 3 ACTIONS DE Ll.JTTE CONTRE LE RACISME AUXQUELLES LES FRANÇAIS SE DECLARENT PERSONNELLEMENT PRETS (EN %) Février Octobre Novembre Novembre 1990 1990 1991 1992 Signer des pétitions 50 54 54 51 Participer à une manifestation 22 28 28 25 Porter le badge d'une campagne contre le racisme 25 29 "2 7 23 Boycotter des commerçants condamnés pour acte raciste 34 37 35 35 Adhérer à une association antiraciste 18 22 21 21 Aider financièrement une association de lutte contre le racisme 19 21 22 20 Il est loin d'être négligeable qu'un Français sur deux s'affirme prêt à signer des pétitions contre le racisme, un sur quatre à manifester, un sur trois à boycotter des commerçants condamnés pour actes racistes, un sur cinq à aider financièrement une association antiraciste. Ce sont même là des chiffres tout à fait significatifs. Mais évidemment, ils ne traduisent pas une mobilisation d'une ampleur comparable à celle qu'on recommande à l'Etat, à l'école ou aux médias. Les études réalisées pendant cette période et portant, par exemple, sur l'environnement, montrent que d'autres actions sont jugées plus mobilisatrices par les citoyens. Tout se passe comme si le racisme était considéré par une majorité, certes comme un problème sérieux pour la société, appelant donc des mesures, mais pas comme un objet de forte attention personnelle. D'ailleurs, interrogés dans notre baromètre sur les menaces pesant aujourd'hui sur le monde, auxquelles ils sont personnellement le plus sensibles, les Français ne mentionnent le racisme qu'en cinquième position sur la liste (sixième en février 1990), fort loin derrière la faim, le SIDA, mais aussi la pollution. ( ... ). LE DÉVELOPPEMENT D'UN RACISME DE PROXIMITÉ, À RACINES ÉCONOMIQUE ET /DENTITAIRE Lorsque nous avons demandé aux Français eux-mêmes s'ils se considéraient comme "racistes", le total de ceux qui se reconnaissent "plutôt racistes", ou "peu racistes" représente - la proportion fait réfléchir, mais au fond ne surprend guère, compte tenu des pourcentages égrenés jusqu'ici - quatre personnes sur dix: 42% en octobre 1990,41% en novembre 1991,40% en novembre 1992 (question non proposée en février 1990). Ce qui est peut-être ici surprenant, c'est la fin d'un autre tabou verbal: ces personnes se reconnaissent pour telles dans un question- 11 naire de sondage ... On peut donc désormais, sans état d'âme, s'avouer plutôt, ou un peu raciste. De fait, malgré un climat devenu progressivement plutôt favorable à l'intégration, nos enquêtes font apparaître, dans la population, le maintien - voire l'approfondissement - d'attitudes de méfiance, de discrimination ou d'hostilité à l'égard des immigrés. Mais il semble - c'est du moins une hypothèse qui paraît suggérée par nos données - que le racisme et la xénophobie d'une partie des Français aient progressivement tendance à se déplacer. La population française connaît des difficultés socio-économiques croissantes, elle regarde ce qui se passe autour d'elle et dans les médias: tout cela affecte sa vision de l'immigration. Et cette vision est volontiers craintive. De plus en plus, avec le développement de la crise économique, les Français sont, par exemple, persuadés que les travailleurs immigrés représentent "une charge" pour l'économie française: la majorité absolue le pensait déjà il Y a deux ans, ils sont aujourd'hui les deux tiers à l'affirmer. On voit monter parallèlement la proportion de ceux qui, sans être hostiles par principe à l'accueil de réfugiés en France, souhaitent que le tri soit bien effectué, et que l'on refoule les réfugiés qui ont en réalité des problèmes économiques dans leur pays. ( ... ) Ils sont quasi-unanimement favorables au renforcement des lois antiracistes et très massivement à l'obtention de facilitées de logements pour les immigrés ou à leur accession au vote municipal. Chez eux, une majorité absolue se dit prête aux différentes formes d'adhésion ou de manifestation de la lutte antiraciste. ( ... ). EN GUISE DE CONCLUSION Bien du travail d'analyse reste à accomplir pour comprendre des phénomènes d'opinion aussi complexes et parfois contradictoires, que ceux qui touchent au racisme et à l'immigration. Disons, à titre d'hypothèse interprétative à l'issue de ce survol rétrospectif de nos données, que la société française, consciente de l'existence du racisme en son sein - et d'abord d'un racisme anti-maghrébin -, se laisse pourtant aller dans des proportions qui ne laissent pas d'inquiéter, à des attitudes de caractère franchement raciste (un cinquième de la population) ou en tout cas tentées par le racisme, à l'égard des Maghrébins ou des personnes d'origine maghrébine. Cette dérive, facilitée par la crise économique (d'abord l'emploi), et par la crispation identitaire qui l'accompagne (on se sentirait de moins en moins chez soi en France ... ), a amené sur les rivages d'opinions discriminatoires des jeunes ou des sympathisants de gauche, jusque là rétifs ou incertains. La situation de l'opinion est donc préoccupante. En même temps, les Français ne sont pas devenus inhumains. A l'égard de toutes les populations étrangères ou d'origine étrangère vivant sur le territoire, c'est la sympathie qui l'emporte chez les citoyens dans leur majorité. La méfiance, la tentation de la discrimination, voire l'hostilité, lorsqu'elles existent, ne sont pas fondées sur le mépris, la déconsidération, la haine, pour des ethnies ou des groupes; elles se rattachent aux difficultés de l'heure. Et puis, les Français sont majoritairement d'accord, tout au long de ces trois dernières années, pour un dispositif de lutte antiraciste qui joue sur le triple volet de la répression (clandestins, irréguliers, délinquants), de la législation (sévérité accrue pour les actes racistes) et de l'insertion sociale (aide au logement des immigrés). Les Français ne sont pas devenus racistes (même si un cinquième d'entre eux mérite sans doute cette dénomination), mais, travaillés par les difficultés de la crise et par les changements culturels de leur société, certains d'entre eux sont devenus plus perméables à certaines opinions et comportements à caractère raciste, tout en souhaitant que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin aux problèmes nés de l'immigration.» 1. Sondages respectivement réalisés du 12 au 15 février 1990 sur 1013 personnes, du 25 octobre au 8 novembre 1990 sur 1002 personnes, du 21 au 25 novembre 1991 sur 1990 personnes, et du 9 au 14 novembre 1992 sur 1017 personnes. Echantillons nationaux représentatifs de la population ,gée de 18 ans et plus. Méthode des quotas (sexe, ,ge, catégorie soGio-professionnelle du chef de ménage), statification par région et taille d'agglomération. 2. A la question "Diriez-vous qu'en ce moment le racisme est en France une chose très répandue, plutôt répandue, plutôt rare ou très rare?" 90% ont répondu "très" ou "plutôt répandue", en février 1990, 94% en octobre 1990, 90% en novembre 1991,89% en novembre 1992. COURRIERS APPEL pour la tenue d'une rencontre internationale SUR LE DROIT DE VIVRE EN FAMILLE DES IMMIGRES EN EUROPE Dominique Lahalle, membre de la Commission immigration du MRAP et ['association participent à cet appel. En voici quelques extraits qui définissent les raisons pour lesquelles le droit de vivre en famille est en danger, et les objectifs de la rencontre internationale. L'amélioration relative du statut des migrants internes européens, qui doit être apportée par le marché unique et la libre circulation des biens et des personnes au sein de la Communauté Européenne, risque de se faire au détriment des immigrés des pays "tiers", Au lieu d'aller vers une harmonisation positive grâce à laquelle les réglementations communautaires el nationales des Etats de la Communauté s'aligneraient sur celles des pays socialement les plus avancés et s'i nspireraient des princ ipes recommandés par le Conseil de l'Europe, on sen t la menace d' une remise en cause de certains droits accordés, dont les migrants elltra communautaires seraient parmi les premières victimes. Parmi ces droits menacés figu re le Droit de vivre en famille: le droit de fonder une famille, le droit au regroupement familial et le droit à la protection sociale de tous les membres de la famille_ La Communauté européenne s'est préoccupée de l'hannonisation du Droit communautaire et de la législation et de la pratique des Etats-membres en matière de Regroupement fam ilial (Document de travail des services de la Commission: V/384192). Cependant l'attitude de certains gouvernements européens à ce sujet est ambiguë: au niveau des déclarations de principes, on affirme quïl s'agit d'un droit fondamental, reconnu par les conventions internationales et les législations nationales, qu'il ne peut être question de remettre en cause: au niveau des réglementations, on pose des conditions te lles que l'exercice du droit reconnu devient impossible pour beaucoup; au niveau des pratiques, elles sont souvent restrictives, quand elles ne sont pas franchement contraires aux principes affichés. C'est pourquoi les organisations et les personnes soussignées, lancent un appel pour que des représentants du mouvement familial, du mouvement syndical et du mouvement associati f immigré en Europe (communautaires et extra-communautaires), des représentants des principales fam illes spirituelles (rel igieuses et laïques). et des universitaires se réunissent avec des représentants qualifiés des institutions européennes et nat ionales compétentes afin de rénéchir aux di fférents aspects de ce gr,we problème. Elles ont décidé d'organiser à cet effet une rencontre internationale qui devrait se tcnir à Bruxelles en novembre 1993. L'objectif de cette rencontre sera triple: - Rassembler et échanger une infonnation précise sur les réglementations, les pralÎques administratives ct consu laires et les pratiques des tribunaux. relatives aux droits des familles immigrées dans les principaull pays européens. (Le document de travail des services de la Commission des Communautés Européennes -V/384192 - ainsi qu'une enquête e ffectuée auprès des associalÎons serviront de base à l'examen de ces questions). - Préparer tes bases d'une platefonnc minimale commune sur le Droit de vivre cn famille en Europe (droit de se maricr, droit au regroupement fami lial, droit au logement, droit à la protection MESSAGES A LA MEMOIRE DE JACQUELINE GRUNFELD De nombreux messages à la mémoire de Jacqueline GRUNFELD, ex-présidente de la Commission Anti-apartheid, nous sont parvenus: de Simone Monnerie à Mâcon, de Jean Charbonnier (C.L. Besançon), de Jacques Chevassus (Limoges), de Maïmouna Diallo-Seydi (Abidjan), de M. et Mme Blum (Mont·De-Marsan) et de M. et Mme Duron·Camus (La Roche·Sur· Yon). Qu'ils soient remerciés pour la fraternité qu'ils ont témoignée à la mémoire de Jacqueline et de sa famille. 12 sociale, droit à l'éducation etc.) susceptible d'être adoptée par le plus grand nombre possible d'associations et de mouvements, au niveau eu ropéen et dans les pays de départ des immigrés. - Adopter une déclaration ou un appel, invitant les institutions et les personnalilés concernées à se prononcer et à agir ensemble en vue de défendre et de faire respecter le droit de vivre en famille. LA LETTRE D'ARTICLE 31 Le périodique d'informations sur l'edrême-droite Article 31, livre dans son dernier numéro. un article de fond sur la COCA - Confédération de Défense des Commerçants et Artisans - , offic ine d'elltrêmedroite. Cette publication est parrainée par de nombreuscs personnalités dont M. AOUNIT. Pour tout renseignement: Article 31. B.P. 423. 75527 PARIS Cedcll I l. 89, ruc Oberkampf 75543 Paris Cedell 1 1 Tél.: 48068800 Télécopie: 48 06 88 01 • Directeur de la publication Mouloud Aounit • Gérant bénévole Martial Le Nancq • Rédactrice en chef Cherifa Bcnabdessadok • Administration· gestion Patricia Jouhannet • Journaliste Suivi de fabrication Isabelle Avran • Publicité aujoumal • Abonnements Isabel de Oliveira • MIse en page Areo - Tél.: 48 50 1811 • Impression Momligeon Tél. : 33 83 80 22 • Commission paritaire n" 63634 ISSN 0247-9095 Dépôt légal 1992·\0

Notes

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