Différences n°280 281 - octobre 2011 janvier 2012

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Sommaire du numéro

n°280-281 de octobre 2011 – janvier 2012

  • Edito: le MRAP garde le cap, face aux vents mauvais d'extrême-droite et de droite extrême qui soufflent sur l'Europe
  • La Fédération des Bouches du Rhône et le Comité de Marseille mobilisés contre les propos de Claude Guéant
  • Dépôt de plainte contre Claude Guéant
  • Dossier Extrême-Droite
    • Après les épouvantables tragédies de Norvège, le MRAP en appelle à plus de vigueur et de responsabilité contre la xénophobie et le rejet de l'autre
    • Droite populaire et extrême-droite: l'électorat du Front National par Nonna Mayer
    • Propos racistes ou xénophobes sur le net: en 2010 en France 8000 signalements
    • VISA: lutter contre l'extrême-droite par Paul Ravaux
    • Un solo uppercut à vous remuer les méninges: « Naz » de Ricardo Montserrat
    • Extrême-droite, les scores électoraux en Europe
    • Les nouvelles droites européennes et le rejet de l'Islam par Elif Kayi
    • L'extrême-droite des pays germanophones par Bernard Schmid
    • L'extrême-droite en Europe: un paysage hétérogène
    • Au centre de l'Europe: par Gérard Kerforn
      • le retour des fantômes du passé
      • Les héritiers du fascisme
      • L'héritage national-communiste
      • Un racisme sans garde-fous
      • Un antisémitisme toujours présent et virulent
      • Un racisme généralisé: le racisme anti-roms
      • Nationalisme et racisme régional
    • Le saviez-vous? L'extrême-droite dans les différents pays européens
  • Convention internationale des droits de l'enfant par E. Verlaque
  • Raphaël et les droits de l'enfant: un photographe engagé
  • Il y a seize ans: Srebrenica, la page n'est pas tournée par M.G. Guesdon
  • L'état de Palestine: le nécessaire retour au droit par Bernard Ravenel
  • Flottille de solidarité pour Gaza par Ury Avnery
  • Durban 2001... Dix ans déjà par G. Fattorini
  • Famine dans la corne de l'Afrique, la sécheresse n'explique pas tout
  • USA peuples amérindiens par S. Duez-Alesandrini
  • Échos des comités locaux
    • Groupuscule d'extrême-droite en Franche-Comté
    • Rapport « gens du voyage » pour un statut proche du droit commun
    • Tourcoing: octobre en couleurs: des initiatives pour mieux vivre ensemble par S et A. Charton
    • Nord Pas-de-Calais: les mineurs marocains se confient par F. Lebrun
    • Strasbourg: La situation des Kurdes en Turquie par A. Zimmer
    • La semaine de solidarité internationale à Paris 19e
    • Allier: les femmes immigrées s'invitent dans le théâtre d'Euripide
    • Auxerre: un supporter condamné pour son racisme affiché
    • Nantes: Septembre 2011, situation des Roms à Nantes par F. Thoumas
  • Roms, gens du voyage
    • Les indicateurs de santé des Roms présents sur le territoire sont alarmants
    • Roms: un an après Grenoble
    • Famille Roms en errance; un 11 août à Marseille par E. Verlaque
    • Communiqué: A Marseille les Roms doivent être reconnus comme des citoyens à part entière
    • Une journée fatiguante par Véronique
  • Mémoire et droits de l'homme par Delphine Vallon-Mersali
  • Pas de vacances pour les sans-papiers et leurs soutiens
  • 15 ans après! Hier les sans-papiers à l'église saint Bernard, demain les sans-papiers en campagne pour la régularisation de tous les sans-papiers
  • Un nouvel arrêté contre les travailleurs migrants par Raymond Chauveau
  • 17 octobre 1961 _ 17 octobre 2011 Le MRAP demande la reconnaissance de ce crime d'état

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N°280 1 Octobre' Novembre' Décembre 2011 mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples Janvier' Février' Mars 2012 ffiUffilA ABU-JAffiAL : r espoir La plus haute juridiction des Etats-Unis a annoncé hier qu'elle renonçait à donner suite au recours du procureur de Philadelphie demandant l'annulation de l'arrêt rendu en avril dernier par la Cour d'appel fédérale. Cette dernière avait en effet confirmé sa décision précédente en ordonnant la suspension provisoire de la condamnation à mort. « Cette décision est une grande victoire» ont déclaré les avocates de Mumia Abu-Jamal (Christina Swarns et Judith Ritter), ajoutant « qu'elle met fin à trente ans de litiges sur l'équité des audiences qui ont conduit à la condamnation à mort ». La défense a également précisé que « la constitutionnalitè de la peine capitale étant dèsormais écartée, Mumia Abu-Jamal sera automtiquement condamnè à la peine de prison à vie sans possibilité de sortie conditionnelle, à moins que le procureur ne demande un nouveau procès, avec un nouveau jury, pour tenter d'obtenir une nouvelle décision le condamnant à mort ». Le MRAP se réjouit de cette décision. C'est une première victoire contre l'acharnement politico-judiciaire dont Mumia Abu Jamal est victime depuis 30 ans. C 'est un des combats historiques du MRAP, comme l'a été celui pour tenter d'empêcher l'exécution de Julius et Ethel Rosenberg. Rappelons que le journaliste afro américain, Mumia Abu Jamal, avait été condamné à mort le 3 juillet 1982, par le juge Albert Sabo, à l'issue d'un procès raciste et truqué (subornation de témoins, disparition de pièces du dossier, jurés noirs récusés ... . ). A deux reprises la mobilisation internationale avait arrêté la main du bourreau alors que des arrêtés d'exécution avaient été signés. Le MRAP appelle à renforcer la mobilisation d'une part parce qu'un nouveau revirement est toujours possible, face au déni de justice dont Mumia est victime depuis 30 ans. D'autre part, le MRAP ne saurait admettre qu'un innocent, après 30 ans passés injustement dans le couloir de la mort, termine sa vie en prison. Pour Mumia Abu Jamal, il n'existe qu'une seule justice : sa libération! Mumia Abu Jamal est devenu le symbole du combat pour l'abolition de la peine de mort, le MRAP continuera également ce combat pour l'aboliion de la peine capitale, véritable crime d'état. « DiffêT'ences )) 43. bd de Ma"Qenta - 75010 PARIS Tél.: 01 53 38 99 99 - Fax : 0140409098 Dil'ecteul' de la publication: Jean-Claude Dulieu Rédaction: Jean-Claude Dulieu Assistante de l'édaction : Michelle FOU"Qer on Administl'atl'ice : Marie-Annick Butez Conception/lmpl'ession: Marnat -Tél.: 01 5680 0919 Dépôt lél!al : Juillet 2007 Le MRAP garde le cap face aux vents mauvais d'extrême droite et de droite extrême qui soufflent sur l'Europe © Sculpture de Maurizio Catlelan 1 Photo :Max Braun' Fotopedia De longue date, le MRAP n'a eu de cesse de dénoncer le «tapis rouge» que constituent les politiques et discours anti-immigrés et anti-musulmans, déroulé en France et en Europe, sous les pas des extrêmes droites xénophobes, par des partis de gouvernement de droite et/ou de droite extrême, dans trop de pays du continent. Dès mars 2011, à propos de la mouvance musicale néo-nazi qui cherchait à se produire en concert en FranChe-Comté, le MRAP appelait à la dissolution des réseaux néo-nazis, en rappelant qu' « en libérant la parole raciste dans les plus hautes sphères de l'État, en stigmatisant les immigrés ou les musulmans, le pouvoir actuel offre un appel d'air dans lequel s'engouffrent ces néo-nazis ». Sur fond de propos provocateurs du nouveau ministre de' I'lntérieur, notre mouvement s'élevait peu après contre la tenue d"un énième débat aux relents anti-immigrés, voulu par le parti majoritaire et lançait: « NON au débat du 5 avril «Islam et laïcité» - voulu par l'UMP - NON au discours d'État raciste et xénophobe! ». Anders Behring Breivik (auteur de « 2083, une Déclaration Européenne d'Indépendance », datée de 2011 à Londres) commettait le vendredi 22 juillet 2011 après-midi un double attentat meurtrier à Oslo et dans l'île d'Utoya contre l'université d'été des jeunes du parti travaill iste norvégien (76 morts). Ces actes ont été analysés par le MRAP comme ayant « largement fait appel à des ressources visuelles disponibles dans le marigot internet de l'extrême- droite, notamment française ». Ils ont servi de tragique révélateur à une véritable descente aux enfers des politiques européennes par le biais de partis aux noms pour la plupart bien mal trouvés: en Norvège, 22% des voix aux élections législatives de 2009 pour le « Parti du Progrès », nationaliste et xénophobe; en Suède les "Démocrates suédois" ; le « Parti du peuple danois » (PPD) ; aux Pays Bas, le «Parti pour la liberté» ; le « Jobbik » de Hongrie ou enfin le « Front National » de France, que leurs personnalités s'appellent Siv Jensen en Norvège, Geert Wilders au Pays Bas ou Marine Le Pen. Ou encore Jean-Marie Le Pen, « président d'honneur» du FN et franc-tireur de service, déclarant le 31 juillet « la société Norvégienne n'a pas pris la mesure du danger mondial que représente, d'abord, l'immigration massive ... cause principale, dans l'esprit de ce fou meurtrier. » La dénonciation précoce par le MRAP de ces événements et de leur contexte lui a valu le soir du 25 juillet un communiqué vengeur du Front National annonçant qu 'il « ne laissera bien sûr pas impunie la diffamation dont s'est rendu coupable le MRAP ». Surenchérissant sur les foudres de Marine Le Pen, le député UMP Bernard Carayon, membre de la Droite populaire, appelait le 25 juillet à cesser de subventionner le MRAP «organisation aussi éloignée des valeurs de la République [et qui] «fait preuve d'un mépris scandaleux à l'égard des élus de la Nation et du peuple français qui les a choisis pour le représenter». Ce sont bien une xénophobie et un racisme purs et durs qui n'épargnent pas les franges des partis parlementaires et sont au coeur des mouvances extrémistes, comme l'a démontré la remise à Yannick Noah - avant son concert de fin juillet à Arcachon - d'une balle de 5,56 mm accompagnée des mots: « Les nationalistes sont de retour», «Notre identité nationale, c'est d'abord notre sang « ou encore «Le métissage généralisé détruit la diversité». Face aux obsessions identitaires portées par les droites populaires et popUlistes mais aussi par les droites de gouvernement, qui font en France et en Europe le lit des« extrêmes droites », le MRAP gardera fermement le cap sur l'objectif d'une citoyenneté pleine et égale pour toutes et tous, partout dans le monde. Il est urgent pour l'UE que l'ensemble de ses dirigeants dénoncent la rhétorique xénophobe qui a guidé l'auteur du carnage commis en Norvège. Bernadelte Hétier Jean Claude dulieu Renée Le mignot Gianfranco Faltorini CO'présidents nationaux Bernadette HÉmR Jean-Claude DULIEU Renée LE MIGNOT Gianfranco FATTORINI 3 4 La Fédération des Bou[hes du Rhône et le Comité de Marseille mobilisés [antre les propos de Claude Guéant Le 15 septembre 2011, la fédération du MRAP des Bouches du Rhône ainsi que le Comité de Marseille ont convié les journalistes à une conférence de presse. Elle avait pour but de réagir aux propos inacceptables tenus par le Ministre de l'Intérieur Claude Guéant à l'encontre de la communauté comorienne à Marseille. En effet, invité le dimanche 11 septembre lors du Grand Jury RTL-Le Figaro- LCI, le ministre a affirmé : « Il y a une immigration comorienne qui est la cause de beaucoup de violences. Je ne peux pas la quantifier ». Plusieurs associations, élus, syndicats mais également des représentants de la communauté comorienne étaient présents au côté du MRAP (CGT, Conseil représentatif des Français d'origine comorienne, EELV, Front de Gauche, LDH, PCF, NPA ... ). La Vice-Présidente du MRAP Marseille, Horiya Mekrelouf, a tenu à rappeler les valeurs militantes de l'association en soulignant que « Tout habitant et citoyen a droit au respect et à ne pas être stigmatisé en raison de ses origines ». Maître Myrtho Bruschi, avocate de la fédération et du MRAP Marseille, a confirmé le dépôt d'une plainte pour « diffamation raciale et incitation à la haine raciale ». « Cette plainte se fera conjointement avec le MRAP national » a précisé plus tard la Vice-Présidente. Les élus et les syndicats ont affirmé qu'en stigmatisant la communauté comorienne, le Ministre de l'Intérieur tentait de faire oublier un bilan calamiteux mais aussi de séduire l'électorat de l'extrêmedroite. Ils ont rappelé que les sources de la violence ne peuvent être attribuées à une communauté en particulier. En effet, elles s'expliquent essentiellement par la précarité, le chômage ... des problèmes que les pouvoirs publics ont tant de mal à endiguer à Marseille. DEPOT DE PLAINTE CONTRE CLAUDE GUEANT à la [our de justi[e de la république Après MortIfeuI : Guéant Ils propos des minislns de finlàiar III *nt ct III rasemIIIcnt eJëWr Wl~ffiIx Le MRAP saisi' la justice de la République ~ rnouvement(oIlI~ler.acismettpour ramit~entrtlt'Speupln ~ T"' , C1SJ~"" · W"KW.fl'l.ta;o_1r Lors de son passage à l'émission du Grand Jury- RTL- Le Figaro-LCI, Dimanche 11 septembre 2011, le ministre de l'intérieur Monsieur Claude Guéant avait affirmé à propos de Marseille : « If y a une immigration comorienne importante qui est la cause de beaucoup de violences. Je ne peux pas la quantifier ». Ces propos gravement diffamatoires présentaient un groupe de population - les Comoriens - comme étant la cause de violences du seul fait de leur origine. Mercredi 12 octobre 2.011, à l'occasion du dépôt d'une plainte par l'avocat du MRAP Me Pierre MAIRAT auprès de la commission des Requêtes de la Cour de Justice de la République, a eu lieu - à l'appel du MRAP de Marseille et du MRAP national - un rassemblement / conférence de presse sur l'esplanade des Invalides. Autour d'Horiya MEKRELOUF, présidente du MRAP de Marseille, et pour exprimer l'émotion et la colère provoquées par les intolérables propos ministériels, une importante délégation avait fait le déplacement de Paris. Notamment deux maires adjoints de la cité phocéenne: Haidari NASURDINE (maire adjoint du 1er arrondissement, également porte-parole du Conseil Représentatif des Comoriens de France), Haouaria HADJI-CHIKH (maire adjointe du 14ème) ainsi qu'un représentant de l'association comorienne USHAVADI. Le MRAP national - représenté par deux-co-présidentes, des membres de son conseil d'administration et de nombreux militants de Paris et Région parisienne - s'était aussi mobilisé pour cet important dépôt de plainte contre un intolérable « racisme d'Etat ». B.H. EXTRÊME-DROITE APRÈS LES ÉPOUVANTABLES , ... TRAGEDIES DE NORVEGE LE MRAP EN APPELLE À PLUS DE VIGUEUR ET DE RESPONSABILITÉ CONTRE LA XÉNOPHOBIE ET LE REJET DE L' cc AUTRE » Le MRAP apporte son soutien au peuple norvégien et toute sa compassion aux . familles des victimes si durement éprouvées par les deux violents attentats d'hier samedi 22 juillet 2011 à Oslo, qui auraient fait au moins quatre-vingt-sept morts. Il condamne cet acte horrible commis, selon les informations rendues publique à ce jour, par un fanatique d'extrêmedroite présenté comme un fondamentaliste chrétien, nationaliste et violemment hostile aux musulmans. Mais cette tuerie ne saurait se réduire au seul acte d'un déséquilibré. La mémoire des victimes nous impose de déterminer toutes les causes et responsabilités de ce crime épouvantable. En Norvège, le « Parti du Progrès », nationaliste et xénophobe, à recueilli plus de 22% aux élections législatives de 2009. Sa leader a fait de l'islamophobie - ou plus exactement de la « musulmanophobie » - la matrice de son discours politique. Ceci ne pouvait rester sans conséquences. Dans toute l'Europe, les partis populistes et les extrêmes droites - « Front National » en France, « Parti du progrès » en Norvège, « Démocrates suédois » (parti politique suédois nationaliste), « Parti du peuple danois » (PPD),« Jobbik» de Hongrie ... (que leurs personnalités s'appellent Siv Jensen en Norvège, Geert Wilders au Pays Bas ou Marine Le Pen) - sans oublier en France la droite extrême qu'est la « Droite populaire » de l'UMP qui est présente au gouvernement - portent une lourde responsabilité dans le climat délétère qui pèse sur le continent tout entier. Après cette épouvantable tragédie - qui ne peut être dissociée de cette sombre réalité - le MRAP en appelle à plus de vigueur dans la lutte contre les groupuscules d'extrême-droite racistes ainsi qu'à plus de responsabilité pour combattre des politiques dont on sait qu'elles entretiennent la xénophobie et le rejet de l'Autre. Paris le 23 juillet 2011 5 6 DROITE POPULAIRE ET EXTRÊME-DROITE La droite populaire n'aime vraiment pas [e MRAP, ce qui peut se comprendre. Car [e MRAP combat cette droite extrême passerelle vers ['extrême-droite. Après [a tuerie de Norvège [e MRAP Publiait un communiqué qui précisait: « Dans toute l'Europe, les partis populistes et les extrêmes droites -« Front National» en France, « Parti du progrès» en Norvège, « Démocrates suédois » (parti politique suédois nationaliste), « Parti du peuple danois» (PPD), « Jobbik » de Hongrie ... (que leurs personnalités s'appellent Siv Jensen en Norvège, Geert Wilders au Pays Bas ou Marine Le Pen) - sans oublier en France la droite extrême qu'est la « Droite populaire» de l'UMP qui est présente au gouvernement -portent une lourde responsabilité dans le climat délétère qui pèse sur le continent tout entier. » Cette simple évidence déchaînait [a droite popu[ aire par [a voix de Bernard Carayon : « Il est temps que l'Etat cesse de subventionner une organisation aussi éloignée des valeurs de la République. » Le MRAP peu sensible à ces rodomontades répliquait dans un autre communiqué: « Le Front National ou la « Droite populaire » peuvent menacer le MRAp, celui-ci, conformément à sa mission, continuera a dénoncer la propagande anti-immigrés et anti-musulmans dans toute l'Europe, qui ne peut rester sans effet sur les cerveaux les plus fragiles et les plus déséquilibrés. » Fd transformisme avec la droite populaire L'ÉLECTORAT DU FRONT NATIONAL, DE JEAN MARIE À MARINE LE PEN Par Nonna MayerSciences Po/Centre d'études européennes/CNRS Nonna Mayer , vous avez consacré de nombreuses études à l'électorat du Front National, pouvez-vous nous préciser le profil de cet électorat? Existe t'il une sociologie du vote front national ?, cet électorat est-il devenu un électorat populaire ? Il est parfois présenté comme le premier parti ouvrier de France , qu'en est-il ? [1 n'y a pas « d'électeur type » du Front national. Si ['on s'en tient aux scrutins présidentiels, dès 1988 [e leader du FN prend progressivement des voix dans toutes [es catégories de [a population, coupant à travers [es clivages politiques existants. Il fait d'abord ses meilleurs scores dans [a clientèle privilégiée de [a droite, celle des petits indépendants, puis en 1995 chez [es ouvriers et [es employés, traditionne[ lement ancrés à gauche, et en 2002 i[ perce chez [es agriculteurs jusque-là réticents (tab[eau 1). Quant à parler de « premier parti ouvrier» c'est exagéré, ça dépend des élections. En 2002 c'est ['abstention qui vient en tête chez [es ouvriers, avant [e vote pour [a gauche, [a droite ou Le Pen (respectivement 31, 29, 22 et 18 % des ouvriers inscrits). En 2007, les ouvriers ont été plus nombreux à soutenir Ségolène Roya[, Nicolas Tableau 1. Sociologie des votes Le Pen au premier tour présidentiel (1988-2007) (%) 1 Âge 18-24 ans 14 18 13 10 25-34 ans 15 20 17 .. ; 10 35-49 ans 15 16 18 11 50-64 ans 14 14 20 ".!' ·. 12 65 ans et plus 16 10 15 ,r 9 Prof. interviewé Agricu[teur 10 10 22 10 Patron 19 19 22 10 Cadre, prof. intellectue[[e 14 4 13 7 Profession intermédiaire 15 14 11 f'·,',:;,.5 ", Employé 14 18 22 12 Ouvrier 17 21 23 '. 16 .~ Niveau d'études Primaire 15 17 24 1 - ~ ... Primaire supérieur 17 20 21 ~ . Bac 13 12 15 ;~ Bac + 2 10 13 11 2 Supérieur 9 4 7 4 Enquêtes Cevipof 1988, 1995 ; Panel électoral français 2002 et 2007, vague 1. Chômeurs et retraités sont reclassés en fonction de leur dernière profession exercée. Tableau 2. Probabilités de voter Marine [e Pen en 2012 selon ['âge et le sexe (%) On peut voter pour lui ou contre les autres, pour. qu'il gagne ou juste pour s'exprimer, indépendamment des résultats de l'élection. Probabilités de voter Marine le Pen (de 1 à 10 chances) prédites par un modèle de régression logistique en [es contrôlant par age, sexe, niveau d'études et de revenus et placement sur l'éche[[e gauche droite. Enquête TriE[ec/TNS-Sofres, 6-7 juillet 2011, échantillon de 1009 personnes représentatif de l'é[ectorat inscrit (( Présidentielle : [es préférences »,le Monde, 23 août 2011). Même le 21 avril 2002, quand Le Pen se qualifie pour le second tour, seuls 41% de ses électeurs disent « au fond d'euxmêmes » souhaiter qu'il gagne. Mais c'est plus qu'en 1988 où ils n'étaient que 28%. Sarkozy et François Bayrou que Le Pen (respectivement 26, 26, et 17% contre 16%). Quant aux sondages d'intentions de vote pour 2012, ils montrent que Marine Le Pen arrive en tête chez [es ouvriers, avec des scores aux alentours de 30%, soit dix points au dessus de son score potentiel national. Le FN est-il toujours un parti masculin âgé ou s'est-il diversifié, (femmes, jeunes ) ? Si le centre de gravité de cet électorat varie selon ['élection, il présente toutefois deux constantes. Le Pen hier, comme sa fiI[e aujourd'hui, attirent plus [es peu diplômés, plus réceptifs au discours simple et carré qui fait des immigrés ou des musulmans la cause de tous les problèmes et prône la manière forte pour les résoudre. Et la violence verbale et physique qui entoure le FN tout autant que l'image traditionnelle de la femme au foyer qu'il véhicule font toujours moins recette chez les électrices que chez les électeurs. Marine Le Pen est loin d'avoir levé toutes les réticences de ces dernières. Une enquête menée cet été sur les probabilités de vote pour la présidentielle de 2012 montre que seules les femmes âgées envisagent autant, sinon un peu plus souvent, que les hommes de voter pour elle. Les jeunes électrices y sont beaucoup moins disposées que les hommes du même âge, l'écart atteignant un maximum de 8 points chez les 18-24 ans (tableau 2). Et globalement, quel que soit le sexe, Marine Le Pen trouve plus d'appuis dans un électorat âgé, qui a peur du changement et de l'avenir. Cet électorat repose-t-il sur une idéologie homogène ? est-il fortement structuré autour de références communes ? quelles sont les références communes et celles qui peuvent être contradictoires au sein de cet électorat ? Ces électeurs sont aussi hétérogènes idéologiquement que socialement Sur le plan économique en particulier les petits indépendants sont libéraux, alors que les ouvriers défendent leurs droits sociaux et plus d'intervention de l'État. Mais quelle que soit l'élection, ils se distinguent des autres électeurs par leur attitude xénophObe et répressive (tableau 3). Les lepénistes sont toujours les plus nombreux à estimer qu'il y a trop d'immigrés, qu'on ne se sent plus chez soi en France et qu'il faudrait rétablir la peine de mort. Avec ces trois questions, on peut construire une échelle d'attitude et mesurer le degré d'« ethnocentrismeautoritarisme » d'une personne. Et dans leur livre « Le point de rupture. Enquête sur les ressorts du vote FN en milieux populaires (Fondation Jean Jaurès, 2011, p.12) », Jérôme Fourquet et Alain Mergier montrent qu'en mars 2011, dans les milieux populaires, d'ouvriers et d'employés, la proportion souhaitant que Marine Le Pen devienne présidente atteint 67% (contre 47% dans les catégories moyennes et supérieures). Tableau 1. Evolution des opinions ethnocentriques et autoritaires dans l'électorat (%) Accord avec les opinions Électorat Électorat ÉCART suivantes total Le Pen « Il Y a trop d'immigrés en France» 1988 65 95 + 30 1995 74 97 +23 2002 65 97 +32 2007 56 90 +34 « On ne se sent plus chez soi comme avant» 1988 49 78 +29 1995 57 87 +30 2002 55 84 + 29 2007 48 80 + 32 « Il faudrait rétablir la peine de mort» , 1988 65 95 +30 1995 56 86 +30 2002 51 85 +34 2007 41 75 +34 Enquêtes post-électorales Cevipof 1988 et 1995, vague 1 préé[ectorale du Panel é[ectoral français 2002 et 2007. Plus son score est élevée, plus il y a de chances qu'elle vote pour le FN, dont le score présidentiel passe de moins de 1% à plus de 33% selon qu'elle a la note la plus basse ou la plus élevée. L'électorat est-il toujours essentiellement protestataire ou s'inscrit- il dans une perspective de prise du pouvoir? Le même vote peut avoir des significations multiples. On peut choisir un candidat pour sa personnalité, ses idées, son parti ou tout ça à la fois. Nonna Mayer est docteure en science politique (lEP de Paris, 1984) et directrice de recherche au CNRS. Elle enseigne dans le parcours doctoral « Science politique » de l'lEP de Paris. Elle est présidente de l'Association française de science politique depuis 2005 et direcctrice adjointe du département de Science politique de Sciences Po depuis 2010. Elle dirige la collection « Contester » aux Presses de Sciences Po, consacrée aux transformations des répertoires d'action collective. 7 8 PROPOS RACISTES OU XÉNOPHOBES SUR LE NET : EN 2010 EN FRANCE 8 000 SIGNALEMENTS. La DCPJ ( Direction centrale de la police judiciaire) a pour mission de surveiller et recenser les propos racistes ou xénophobes sur internet. En 2010, elle déclare avoir reçu près de 8 000 signalements sur sa plate-forme de signalement de contenus illicites. Si 57% concernent des escroqueries et 25% sont liés à la pédo-pornographie, il est à noter qu'en 2010, 10% de ces signalements concernent des contenus racistes et xénophobes, pour 4% en 2009. Des propos qui sont souvent le fait de groupes ou per- VISA •• sonnes apparentées à l'ultra-droite ou des nationalistes autonomes. Aux dires des responsables de la DCPJ, « l'expression raciste sur internet se nourrit clairement de l'actualité ... » J.C.D LUTTER (ONTRE L'EXTRÊME-DROITE Pouvez-vous nous présenter VISA ? VISA regroupe des militant(e)s de la FSU, de la CGT, de la CFDT et de SOLIDAIRES (adhérent(e)s de sections d'entreprises, élu(e)s de syndicats nationaux qui, depuis 1996, recensent, analysent, dénoncent les incursions de l'extrême droite et plus particulièrement du Front National sur le terrain social. Plusieurs d'entre eux représentent, au sein de VISA, leurs organisations syndicales : CFDT FGTE (Transport Equipement), SNUI-SUD-Trésor Solidaires (Impôts), SNPES-FSU (Personnels de l'éducation et du social), CGT Finances et Union Solidaires. VISA a pour ambition d'être un outil d'information et de réflexion pour toutes les forces syndicales qui le souhaitent afin de lutter collectivement contre l'implantation et l'audience de l'extrême droite dans le monde du travail. Vigilance et Initiatives Syndicales Antifa scistes n'a de cesse d'alerter le mouvement syndical face à l'offensive que mène le parti lepéniste vis-à-vis du monde du travail. VISA dénonce le discours pseudo social et démagogique de ce parti qui vise à masquer ses véritables orientations antipopulaires et qui prône un capitalisme «français» tout aussi rétrograde que celui représenté par le MEDEF. - C'est le sens de la brochure que nous venons d'éditer: « le FN, pire ennemi des salarié-e-s « et que nous mettons à disposition des syndicats et des salariés. - C'est aussi le sens de l'appel que nous avons initié en ce début 2011 (www.visaisa. org) afin de favoriser la prise de conscience au sein du monde syndical de la nécessité de ne pas baisser la garde, de mener la bataille des idées dans les syndicats et devant l'ensemble des salariés, contre la propagande du FN et contre toutes les politiques qui le banalisent et favorisent la progression de ses idées. Marine Le Pen développe un discours en apparence hostile à la mondialisation, comment convaincre l'électorat que le protectionnisme ne constitue pas un programme antilibéral ? Les principaux arguments du FN sont devenus une petite musique bien connue: le « mondialisme », incarné par l'économie globalisée et les pol itiques de l'Union Européenne, rend la France dépendante des politiques européennes et du FMI. Le FN préconise un retour au protectionnisme, la sortie du FMI, de l'euro, le rétablissement de droits de douanes forts. La réponse frontiste est imprégnée d'une conception nationaliste et identitaire, rendant l'extérieur auteur de tous les maux d'une patrie à sauver. Syndicalistes, nous luttons a contrario contre les ravages d'une politique néolibérale

appauvrissement et dévelOppement

« encadré » par le FMI et les « grandes puissances » pour les pays du Sud, pol itiques de réduction des déficits des Etats, de réduction des coûts en terme de masse salariale (tant dans les entreprises privées que dans les entreprises et la fonction publiques) et leurs cohorte de casse des acquis sociau x, les licenciements en masse, la précarité ... Une politique protectionniste n'est pas une solution, car elle ne règle pas les problèmes sociaux au fond. Face à la globalisation de l'économie, le protectionnisme entraîne un pays vers un repli, sans régler les problèmes sociaux: l'augmentation des.droits de douanes n'empêcherait aucune entreprise de délocaliser et favoriserait l'inflation, donc la paupérisation. De plus, cela impliquerait des mesures de rétorsion de la part des autres pays, et par conséquent une guerre économique mondiale. La sortie du FMI n'empêcherait pas le FN, s'il était au pouvoir, de pratiquer une réduction des budgets de l'Etat, entraînant de fait des suppressions d'emplois publics, dégradant les conditions de travail et de vie des salariés du public, mais également du reste de la population du fait de la raréfaction et de l'éloignement de l'ensemble des services et administrations des lieux de résidence. En outre, un programme protectionniste n'empêcherait nullement de réduire les services publics au minimum, renvoyant l'Etat à de simples prérogatives « régaliennes» (police, justice, défense) et aux collectivités locales, voire aux associations, le soin d'assurer la « couverture sociale » Enfin, une pOlitique protectionniste ne règlerait aucunement les problèmes des contrats précaires et des droits sociaux: protection sociale : assurance maladie, assurance chômage, revenu minimal... Ainsi, le F.N. lie les deux « maux », et revient au protectionnisme économique et aux frontières-barricades physiques; il préconise aussi régulièrement le retour au franc comme solution à la crise. La sortie de la zone Euro aurait des conséquences dramatiques au vu de l'imbrication de la France dans cette zone. Si le FN appliquait une politique de retour au franc, outre les rétorsions économiques, lors d'une crise financière majeure comme celle des surprimes qui peut toujours se reproduire, la spéculation sur les monnaies, et sur le franc en particulier, irait bon train, entraînant des dévaluations de monnaies en chaîne ... Et à terme une paupérisation. Ainsi, la volonté obstinée du FN de sortir de la zone euro est une fausse bonne idée. Par ailleurs, de manière régulière, et notamment lors de la campagne des régionales 2010, le FN a eu l'occasion de revenir sur ces deux propositions, intimement liées dans son programme: « La véritable révolution viendrait de l'arrêt du dumping social des pays où la concurrence de la main d'oeuvre ruine des pans entiers de nos industries. Elle viendrait du rétabl issement de nos frontières qui permettrait de réguler ces dumpings sociaux, économiques et environnementaux, ce qui stopperait enfin la mise au chômage de centaines de milliers de nos compatriotes. La révolution viendrait de la fin de l'immigration massive qui pèse à la baisse sur les salaires des travailleurs français au seul profit des grands patrons-voyous ... ». Ainsi à travers les immigrés, le FN s'en prend à la fraction la plus pauvre et la plus fragile des couches populaires qui subissent déjà la précarité, le travail au noir, les expulsions, etc. Par ailleurs sont aussi dans le collimateur du FN les chômeurs à travers sa campagne mensongère colportant des chiffres infondés sur les fraudes aux allocat ions et à la carte vitale. Il est donc complice du patronat qui profite de la division entre les salariés. Plusieurs témoignage attestent que le FN, mais aussi d'autres mouvements de l'extrême droite (voir Philarchein lors des assises sur "l'islamisation") veulent s'investir dans les syndicats. Quelle est la réalité de cet entrisme ? Comment réagissent les syndicats ? Quel est votre argumentaire pour prouver que l'extrême droite n'a pas sa place dans le mouvement syndical? En ce qui concerne Philarcheïn, prétendu « syndicaliste », on voit bien qu'il est en réalité nettement plus un militant de l'extrême droite encarté à la confédération Force Ouvrière (FO). Présenté comme «syndicaliste, professeur de philosophie », il est par ailleurs responsable de Résistance Républicaine - le paravent de Riposte Laïque dans le monde associatif - en Bourgogne. Le même personnage fut explicitement présenté par Pierre Cassen comme « l'aile gauche » du congrès, puisqu'il serait « marxiste » ! En réalité, nous sommes ici en présence d'une classique méthode fasciste tentant de retourner le vocabula ire du mouvement ouvrier. Le même Jacques Philarcheïn n'est-il pas intervenu, le 28 octobre 2010, dans « Le Local » de Serge Ayoub (haut lieu de l'extrême droite activiste situé à Paris 15", Ayoub étant le chef des groupes de skinheads de la région parisienne dans les années 1980, dirigeant aujourd'hui le groupuscule fasciste « Troisième Voie ») sur le thème d'un« syndicalisme national, patriotique et solidaire » ? Le même Jacques Philarcheïn n'a-t-il pas menacé la confédération FO (dans une « Lettre Ouverte d'un syndicaliste FO à l'ex-secrétaire général Marc Blondel » publié sur Le PosUr,) de « sabordage » si elle continuait à avoir des positions « proimmigrés » et droitdelhommistes ? Le même Jacques Philarcheïn, auteur régulier sur Riposte Laïque, n'a-t-il pas plaidé dans ce média pour une « justice d'exception» et l'instauration d'un état d'urgence, abrogeant de fait la démocratie? Par ailleurs, nous analysons l'apparition aux dernières cantonales de candidats FN faisant valoir leur appartenance syndicale plus comme un révélateur d'une Le MRAP conseille à ses lecteurs la consultation ré"Qulière du site V1SA 'Qui représente une source documentaire de première importance: http://www.visa-isa.or'Q/ écoute-approbation de certaines analyses- propositions des fascistes par une frange de salariés que comme le résultat d'un entrisme du FN dans les syndicats. Tous les syndicats hormis la CFTC ont exclu les militants du FN adhérents-militants de leurs syndicats. Derrière le discours, les diffusions de tracts, le programme du FN va à l'encontre des intérêts du monde du travail. Il va fondamentalement dans le sens des intérêts du patronat: - sur la question du temps de travail, haro contre les 35 heures; - sur la que.stion des retraites, hors des fonds de pension, point de salut: « Pour sauver nos retraites, il est évident que l'allongement de la durée de cotisation est nécessaire. Mais dans un contexte de crise aiguë et de désindustrialisation chronique, le nombre de cotisants ne fait que s'effondrer. Or, les syndicats s'efforceront de conserver le système des 35 heures. La seule variable d'ajustement sera donc le montant des retraites qui s'abaissera. Ce sera sur les retraités que pèsera l'effort, d'autant que ce sont eux qui peuvent le moins bien se défendre! » (Jean Marie Le Pen, campagne régionales 2010). Le FN garde le cap : le système des retraites est subordonné au travail. Il faudra donc travailler plus, plus tôt et plus longtemps pour espérer toucher les pensions chèrement gagnées. Dans le programme du FN, les solutions s'apparentent à du libéralisme bon teint, opposant les régimes entre eux, pour terminer par une protection sociale minimale et un recours systématique aux fonds de pension. Sur la question de la représentation des salarié-e-s sur le lieu de travail et des syndicats, le FN reste dans le sillon de l'extrême droite trad itionnelle, dénonçant des empêcheurs de travailler en rond ... Enfin, quand le FN a conquis puis géré des municipalités, une de ses premières décisions a été de fermer les Bourses du travail. En guise de conclusion: Visa est une association qui se prévaut d'un cadre unitaire syndical antifasciste. Nous nous retrouvons face à une immense responsabilité politique. Nous avons diffusé plus de 10000 brochures "le FN pire ennemi des salarié(e)s" aux militants et structures syndicales. Mais VISA n'a pas vocation à se substituer au rôle primordial des syndicats. Des ripostes, réponses spécifiques en fonction de leur secteur de syndicalisation, doivent être élaborées par le maximum d'organisations syndicales, unitairement chaque fois que c'est possible. Cela nécessite une volonté mais aussi une conscience d'un danger qui n'est pas un fantasme mais une réalité particulièrement inquiétante. L'offensive du FN en direction des salariés va s'amplifier dans le cadre de l'élection présidentielle à venir : les organisations syndicales doivent armer leurs militants idéologiquement. Ils doivent s'adresser à l'ensemble des salariés pour dénoncer la propagande et le programme du Front National dont la véritable intention est de les mettre au pas et de s'en prendre à tous les acquis sociaux. Paul Ravaux Président de l'association VISA (Vigilance et Initiatives Syndicale's Antifascistes) 9 10 UN SOLO UPPERCUT À VOUS REMUER LES MÉNINGES « Maz » de Ricardo Montserrat, Compagnie Sens ascensionnels/Christophe Moyer Comment l'idéologie d'extrême droite vient aux jeunes? Pas facile d'en parler. Des jeunes de milieux populaires, assez nombreux semble-t-il, trop nombreux de toute façon même s'ils n'étaient qu'une poignée, se forgent une identité en épousant des idées puisées dans le fonds de commerce des extrêmes droites se revendiquant directement du nazisme ou non ; adoptant des façons d'être et de paraître épisodiques où la violence verbale et physique devient un moyen de se distinguer, de s'identifier dans la société tand is que le reste du temps, ils peuvent se montrer élèves bosseurs et copains sympa ... Encore moins facile d'en faire un objet de théâtre tout en ayant soin d'écarter l'écueil de schématisation ou de généralisation abusive et, plus encore, d'éviter le risque de susciter une quelconque empathie ou l'ostracisme sans autre forme de procès d'une jeunesse qui falsifie son présent par peur d'un avenir qui lui semble se dérober. Suite à une commande d'écriture passée avec la scène nationale Culture commune et l'association arrageoise Colères du Présent, l'écrivain Ricardo Montserrat est allé, dans l'ex bassin minier du Pasde- Calais, à la rencontre de ces jeunes séduits par les mouvements extrémistes. Le metteur en scène Christophe Moyer, dont le travail théâtral avec la Compagnie Sens Ascensionnels mêle engagement citoyen et questionnement du monde contemporain, a ensuite adapté et mis en scène le texte de l'écrivain. Le résultat est un solo uppercut qui vous atteint sans esquive possible et vous remue les méninges en tous sens. Il faut dire que la performance-coup de poing du comédien Henri Botte, mis ici à rude épreuve, est tout bonnement époustouflante, sous forme d'une longue confidence illustrée, encadrée par une préparation physique que ne dédaignerait pas un sportif de haut niveau préparant une compétition internationale. La scénographie toute de blanc immaculé est à l'image d'un ordre méticuleusement impeccable. Culte du corps, culte de la violence, culte des connivences clandestines de quelques purs, supposés résistants de la nouvelle heure européenne ... Le discours laisse entrevoir l'immensité des frustrations et des aspirations dévoyées, la récupération-manipulation du passé d'autant plus facilement tronqué qu'il est mal connu. Jeunesse en déshérence, jeunesse laissée en friche et d'autant plus facilement envahie par les herbes vénéneuses. Le théâtre débat qui nous est ici proposé s'avère de première nécessité. Et sans faire de rapprochement hâtif, ni d'amalgame hasardeux, on peut tout de même ajouter que le massacre qui vient d'être perpétré en Norvège en souligne malheureusement toute l'urgence. Théâtre alerte ! Paul K'ROS Journaliste à liberté hebdo 59/62 le texte est de l'écrivain Ricardo Montserrat à partir d'une enquête qu'il a lui'même effectuée dans le Pas de Calais. le spectacle a donc été écrit à partir de paroles de jeunes du Pas de Calais fréquentant les mouvances extrémistes de droite. Adaptation et mise en scène Christophe Moyer Directeur de la Compagnie Sens Ascensionnels C'est une production de Culture commune-Scène nationale du bassin minier du Pas de Calais contact@sens-ascensionnels.com www.sens·ascensionnels.com EXTRÊME-DROITE: LES SCORES ÉLECTORAUX EN EUROPE APPROCHE CHIFFRÉE Jamais depuis la dernière guerre mondiale, les mouvements d'extrême-droite en Europe n'avaient enregistré de tels résultats électoraux. Au sein de cette mouvance politique, les groupuscules plus marginaux qui ne rentrent pas dans les processus électoraux connaissant eux-aussi un regain d'activité. Le chômage de masse, l'absence de débouchés politiques à l'expression des désarrois sociau x, les politiques gestionnaires de droite comme de gauche qui se soumettent à la logique d'une économie ultra-libérale dévastatrice ont conduit des franges croissantes des électorats et des peuples à se tourner vers la démagogie d'organisations qui se présentent comme hors système. Les digues dressées pour éviter le retour des théories qui avaient conduit au pire, cèdent les unes après les autres. La parole raciste se libère et n'émane plus seulement des cercles les plus extrémistes. QuelQues chiffl'es électol'aux Le cordon sanitaire qui isolait l'extrêmedroite est rompu par des alliances ou des accords tacites entre certains partis de droite ou de gauche et les formations extrémistes. La xénophobie, la stigmatisation deviennent des instruments de gestion pour faire diversion du malaise et des révoltes sociales. La quasi totalité des pays d'Europe est affectée par cette montée de l'extrêmedroite, non seulement les pays qui dans une histoire récente en Europe de l'Ouest avaient connu des régimes fascistes, nazi, ou de collaboration , mais aussi des pays connus pour leurs traditions démocratiques. L'Europe du nord au sud est affectée - sans oublier le réveil de l'extrême-droite dans les pays de l'ancien blog soviétique. Les résultats de l'extrême-droite sont divers. Dans six pays ils se situent sous les 2% tandis que dans 7 autres ils dépassent les 10% . La moyenne de tous les autres s'établissant aux alentours de 3%. Ce serait cependant une erreur de limiter l'étude à une approche globale de l'extrême-droite. Plusieurs critères doivent conduire à différencier les divers courants d'extrêmedroite qui ne s'inscrivent pas forcément dans les mêmes trajectoires. Les contextes historiques et géo-politiques ne sont pas les mêmes. Il convient de distinguer les pays récemment sortis de régime de dictatures (Grèce, Espagne, Portugal) de ceux qui, hormis durant la période de la dernière guerre mondiale, possèdent des traditions démocratiques plus anciennes. De même faut-il distinguer les pays d'Europe Occidentale des pays de l'Est qui subissent encore les séquelles de partages frontaliers qui nourrissent les revendications nationalistes. D'autre part le communisme-national de certains de ces anciens pays est aujourd'hui récupéré par les franges nationalistes radicales de ces pays. Espagne : MSR FE-JONS Democracia Nacional ,. Etc. .. La Plataforma de Catalunya réalise de 5 à 10% dans certaines < 0,5 % (2011 régionales et municipales) communes Portugal: Partido Nacional Renovador 0,32 % (2011 législatives) Toutefois le CDE PP ultra-conservateur atteint 11,7 Italie : destra-flama tricolore 2,47 % (2008) élections générales (0,79 % euro) Léga dei norte 8,30% Belgique Wlaams belang 7,76 % Leg Irlande ED Quasi inexistante Grande Bretagne BNP de Bob Bailey 1,9 % législatives 2010 6,2 % aux européennes Croatie , HSP 3,51% législatives 2007, Pays Bas : parti pour la liberté PVV 9,6 % législatives 2010 Danemark parti du peuple danois 12,3 % législatives 2011 Allemagne Républicaners + NDP 1,9 % Législatives 2009 mais 6 % 2011 Mecklembourg-Poméranie-Occidentale Suède Démocrates de Suède 5,8 % leg.2010 Norvège Parti du progrès 11,5 % locales. 2011 Finlande Parti des vrais Finlandais 19,1 % 2011 Lettonie Alliance Nationale 13,8 % législatives 2011 Lituanie Ordre et justice 12,68 % 1 législatives 2008 Estonie Parti de l'indépendance 0,4 % 1 législatives 2011+ Pologne, droite de la république, autodéfense 2,34 % présidentielles 2011 ROUMANIE Romania Mare 5,56 % Présidentielles Hongrie Jobbik 16,67 % législatives 2010 Slovaquie Parti National Slovaque 50,07 % législatives 2010 Tchéquie Parti National Tchèque 0,26 % législatives Bulgarie ATAKA 9,36 % législatives 2009 Serbie Parti radical Serbe 39,99 % présidentielles 2008- 29,45 % législatives 2008 Slovaquie - Parti national slovaque 5, 07 % législatives 2010 Siovenie - Parti National Slovène 5,45 % législatives 2008 11 12 En france ou ailleurs, l'anli-islam se répand. Présenté par les médias comme un "extrémiste de droite", Anders Behring Breivik, auteur de la fusillade sur l'île norvégienne d'Utoya et de l'attentat à la bombe contre le siège du gouvernement norvégien à Oslo le 22 juillet der- Jèirg Haider, même si ce dernier s'était démarqué de Strache de son vivant. D'autres semblent au contraire innover dans des pays où la tradition politique semblait jusque-là peu encline aux tendances extrémistes de droite, comme éviter la question en la ta xant de position xénophobe, les Démocrates Suédois la mettent en avant, et les gens aiment ça », commente ainsi la journaliste suédoise Marina Ferhatovic. Le parti des Démocrates Suédois a fait une véritable percée lors des législatives au mois de septembre 2010, s'assurant 5,7% des voix en gagnant 20 sièges sur 349, alors qu'aucun parti d'extrême droite n'avait jusque-là réussi à franchir la barre des 4% dans ce pays. Même constat en Autriche, avec Heinz-Christian Strache, même si son prédécesseur Jèirg Haider avait déjà clairement établi le profil du Parti de la Liberté (Freiheitliche Partei Osterreichs ou FPO) avant de le quitter en 2005. « Strache se sert de sujets comme les étrangers, l'immigration ou l'intégration. Mais en même temps, ce sont des sujets importants délaissés par les autres partis », constate la journalise autrichienne Marion Bacher. Les succès électoraux et idéologiques des partis d'extrême droite en Europe au cours de la dernière décennie ne peuvent LES NOUVELLES DROITES EUROPÉENNES ET LE REJET DE L 1SLAM Par Elif Kayi, journaliste, spécialiste de la Turquie nier, se comparait, dans un pamphlet auto-rédigé et publié sur Internet, à un "croisé en lutte contre l'islamisation en Europe". Cette épouvantable tragédie mêlée aux récents succès électoraux de partis européens qualifiés de radicaux, a relancé la polémique autour de ce qu'il est aujourd'hui commun d'appeler les "nouveaux courants" de l'extrême droite européenne. Si les récits de Breivik ne présentaient aucun programme politique sérieux, ses prises de positions rappellent par contre à bien des égards celles de représentants de ces courants. Du côté des partis politiques, si on note dans la plupart des pays européens un net rajeunissement des nouvelles figures de proue, leurs origines et héritages politiques varient sensiblement. Certains marchent dans les pas de leurs prédécesseurs, tout en pratiquant une certaine « politique du ménage » en éloignant notamment les anciens cadres, comme c'est le cas le cas de Marine Le Pen, qui a succédé à son père à la tête du Front National au mois de janvier dernier, ou de l'Autrichien Heinz-Christian Strache, qu'on peut qualifier de successeur de c'est le cas de Geert Wilders aux PaysBas ou Timo Soini en Finlande. Longtemps cantonnés à un strict rôle d'opposition -parfois aussi revendiquéles partis d'extrême droite européens ont franchi une étape supplémentaire, dépassant la simple acceptation de la démocratie parlementaire, en devenant au cours de la dernière décennie des acteurs à part entière de la vie politique de leurs pays, prônant souvent une rhétorique plus populiste qu 'extrémiste et n'hésitant pas à marcher ouvertement sur les plates-bandes de leurs concurrents de la droite classique. Face à une gauche et à des socio-démocrates peinant à offrir un grand projet coïncidant aux changements de la société des dernières années, l'extrême droite séduit aussi par une sorte de « franc-parler », en particulier en matière d'immigration, rendu acceptable et politiquement correct par sa banalisation au sein de l'échiquier politique, toutes tendances confondues. « Les gens ont peur de l'immigration. Pendant que les autres partis préfèrent cependant s'expliquer de manière uniforme et il est tout aussi difficile de classer les différents partis selon des catégories précises, tant les situations économiques, démographiques, historiques et sociétales de chaque pays peuvent varier. Mais un trait commun majeur entre les courants se dessine malgré tout

la prise de distance face à ce que ces

partis qualifient de « société multiculturelie » et surtout, un profond ressentiment à l'égard de l'Islam en tant que vecteur identitaire d'un groupe minoritaire de personnes. Partant de ce constat, le Néerlandais Geert Wilders, avec son Parti pour la liberté (PVV), peut être qualifié de leader de cette tendance, même si certains préfèrent le qualifier d ' « ovni » pOlitique, tant ses positions en matière de politique économique et d'évolution des moeurs diffèrent de l'extrême droite traditionnelle. Wilders s'appuie notamment sur des thèses économiques libérales, alors qu'une partie des autres figures de l'extrême droite européenne prône un programme économique plus social. Il se réclame aussi volontiers de la libre expression et du droit des homosexuels. Son site Internet se présente comme « Le site officiel du combattant néerlandais pour les droits de l'Homme Geert Wilders ». Un autre point qui le démarque de l'extrême droite traditionnelle est la revendication de son attachement à l'Etat d'Israël. Wilders s'est en effet rendu une quarantaine de fo is dans le pays depuis l'année qu'il a passée dans un kibboutz et prétend aussi entretenir de bons rapports avec les services secrets israéliens. Cette position n'est pas sans rappeler celle de certains néo-conservateurs américains comme le journaliste Daniel Pipes. Mais si Wilders prône ouvertement le libéralisme au niveau économique et se targue de positions plutôt philosémites, il est avant toute chose un fervent opposant à tout ce qui a tra it à l'Islam, et ce dans un pays longtemps caractérisé par ses valeurs d'ouverture et de tolérance. Et témoigne, la polémique autour de son court-métrage « Fitna » (guerre civile en arabe), sorti en 2008, dans lequel il décrit l'Islam comme une idéologie « fasciste » et compare le Coran à « Mein Kampf ». Cette comparaison lui a d'ailleurs été inspirée par Pia Kjaersgaard, fondatrice du Parti du Peuple Danois. Wilders a écopé d'un procès pour incitation à la haine, provisoirement clos au mois d'avril dernier. Cette attitude se démarque de l'opposition classique à l'immigration au sens large et se dématérialise de ses protagonistes directs. Pour Jean-Yves Camus, chercheur auprès de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et spécialiste de l'extrême droite, le rejet de l'Islam est devenu une composante principale de ces nouveaux courants européens. « Ce qui est aujourd'hui perçu dans le monde occidental comme une menace est l'Islam en tant que religion. Le changement notoire est que l'extrême droite dite « moderne» attaque l'Islam, prétendant que celui-ci porte atteinte aux libertés civiles », explique Camus. Même en Finlande, dans un pays où seulement 4% des personnes nées sur le territoire sont d'origine étrangère, et où l'attrait pour les questions liées à l'immigration reste limité, le facteur islamophobe se retrouve au sein du parti des Vrais Finlandais - dernier arrivé sur le devant de la scène politique européenne, en troisième position lors des élections législatives d'avril dernier avec 19,1% et 39 sièges- à travers, entre autres, la présence parmi ses élus de Jussi Alla-Aho, condamné en 2009 pour avoir déclaré que le prophète Mahomet était pédophile. Le chef du parti, Timo Soini, prend cependant soin de ne pas trop heurter l'électorat finlandais, peu habitué aux polémiques liées aux problématiques migratoires. « Les Vrais Finlandais aiment clamer le fait que leur opposition à l'immigration non-européenne n'est pas une démarche raciste, mais liée au fait que le marché finlandais est saturé et qu'il n'y a pas besoin de main-d'oeuvre étrangère », note Jean-Yves Camus. Au sein des partis plus « traditionnels », et parallèlement au glissement opéré entre « immigrés-musulmans-Islam », une sorte de « nettoyage » s'opère. Changer l'image du parti, c'est ce à quoi s'est attelé par exemple le Suédois Jimmie Akesson avec son parti des Démocrates Suédois. Bien que ceux-ci aient officiellement rejeté le nazisme en 1999, les Démocrates Suédois, dont le parti a été fondé en 1988, trouvent leurs racines dans la mouvance du fascisme suédois. Souèieux de se libérer de cette image les cantonnant à la marginalité, Akesson s'est chargé, une fois à la tête du parti en 2011, de supprimer les passages racistes du programme des Démocrates Suédois. La même année, le parti mettra officiellement un terme à tout lien avec sa fraction la plus radicale. Beaucoup d'autres partis européens ne sont pas en reste en ce qui concerne le rejet de certaines positions traditionnellement associées à l'extrême droite, à commencer par l'antisémitisme. On peut citer ici le cas de Marine Le Pen. Opposée un temps à Bruno Gollnisch pour la présidence du parti, député européen et conseiller régional de la région Rhône-Alpes, qui avait été suspendu en 2005 pour une durée de cinq ans par le conseil disciplinaire de l'Université Jean Moulin de Lyon suite à des propos révisionnistes tenus lors d'une conférence de presse l'année précédente, la nouvelle présidente cherche à se démarquer de ce passé, symbole d'une vieille garde pétainiste. Marine Le Pen s'efforce d'adopter un discours plus policé, prenant soin d'éviter tout dérapage antisémite et isolant les anciens poids lourds du parti. Retenons juste ici l'exception hongroise avec le Jobbik de Krisztina Morvai, dont les positions antisémites et ouvertement racistes défraient régulièrement la chronique, dans un pays où le travail de mémoire sur l'héritage national-socialisme et la Shoah reste à faire. La concentration sur l'Islam, en tant qu'entité éthérée, permet de rendre les attaques à l'encontre des populations immigrées plus acceptable dans le cas de partis classiques comme le Front National, soucieux de se racheter une image et d'élargir son emprise, tandis qu'elle correspond à une véritable idéologie, comme c'est le cas pour Wilders. Mais au final, il semble que la majorité des partis d'extrême droite, que ce soit par idéologie ou par un certain opportunisme, aient compris que leur avenir passait par ce type de discours, reflet d'un monde occidental toujours aux proies à un après-9/11, et plongé dans une situation de marasme économique sans véritable signe concret de reprise à moyen ou long terme. Elil KAYI 29 août 2011 Elif Ka yi est journaliste, spécialiste de la Turquie. Elle collabore régulièrement au site d'information « mediapart Sur le site euroduvillage elle a publié le document « Extrême-dro ite : ces nouveaux visages qui défient » http://www.eurosduvillage.eu/Extreme-droiteces- nouveaux,4856.html 13 14 L'EXTRÊME DROITE DES PAYS GERMANOPHONES LES EXEMPLES DE L'A UTRICHE, DE L'ALLEMAGNE ET DE LA FLANDRE .. 00uifd1e! lllt~rt OEud}t Dans les pays à langue germanique (allemand, néerlandais, langues scandinaves), l'extrême droite présente un profil et un ancrage fort différents entre les Etats concernés. Nous allons nous concentrer, dans les passages qui suivent, sur le cas de l'Allemagne, de l'Autriche et de la partie nord - né'erlandophone - de la Belgique. L'extrême droite des pays « nordique », Pays-Bas et Scandinavie, sera à son tour abordé dans notre article consacré à la comparaison à l'échelle européenne : « L'extrême droite en Europe, un paysage hétérogène ». Le cas de l'Autriche, d'abord. Nous sommes ici confrontés à un parti d'extrême droite parmi les plus forts du continent hors Europe de l'Est (ensemble avec le FN français). Il s'agit du FPOe ou Freiheitliche Partei Osterreichs, dont le nom signifie littéralement « Parti de la liberté d'Autriche ». L'ancrage extraordinairement fort de cette extrême droite s'explique en partie par le« double visage» qu'elle présentait historiquement, pendant une très longue période. En Autriche - pays qui est l'héritier de l' « Empire austro-hongrois », monarchie multinationale disparue à la suite de la Première guerre mondiale -, il n'existait historiquement pas de parti de la bourgeoisie nationale. La droite« classique », telle qu'elle est née à partir du 19" siècle, se définissait par ses liens avec l'Eglise catholique et donc avec Rome, son identification à la monarchie et son ancrage local ou régional. Elle n'était pas nationaliste, l'Empire luimême n'étant pas un État-nation mais un édifice multinational, menacé dans son existence par les aspirations nationales (des Tchèques, Hongrois etc.). La deuxième grande force était le mouvement socialiste ou social-démocrate, qui ne Des extrêmes-droites de sinistre mémoire se définissait pas d'abord par le nationalisme, non plus. Ainsi naquit, au 1ge siècle, ce qui a été désigné par le terme - aujourd'hui encore utilisé - de Orittes Lager ou « Troisième Camp ». Celui-ci comprenait à la fois des libéraux, aspirant à un État-nation plus ou moins républicain, et des précurseurs du nazisme. Le FPOe est né tardivement après la Seconde guerre mondiale (en 1956) en raison de l'interdiction - prévalant pendant la période d'occupation alliée, de 1945 à 1955 - d'activité politique d'inspiration nazie ou pro-nazie. Le parti revendique, parfois, le terme historique de « Troisième camp ». Pendant les 30 premières années de son existence, le FPOe oscillait entre un profil d'« authentique» parti libéral, gouvernant le pays même avec les socialistes entre 1983 et 86, et un parti continuateur d'une tradition liée au nazisme. Or, le « putsch» interne de Jërg Haider, qui prit la présidence du parti en septembre 1986, mit fin à cette ambiguïté. Le FPOe devint clairement un parti d'extrême droite et passa dans l'opposition. A partir de là et jusqu'en 1999, ses résultats électoraux ne faisaient que croître. Parti en apparence le plus « dynamique» du pays, le FPOe arrivait à exploiter toutes les frustrations présentes dans la société. Après les élections du 03 octobre 1999, où il finit pour la première fois non pas à la troisième mais à la deuxième place (27 % des voix), le FPOe entra au gouvernement en février 2000, dans une coalition avec la droite classique du OeVP (<< Parti du peuple autrichien », 26,9 %). Mais il ne sut pas gérer sa participation gouvernementale. Miné par les contradictions internes, il tomba jusqu'à 6 % des voix aux élections européennes de juin 2004, puis fut déchiré par une scission en 2005. Celle-ci donna naissance au BZOe (<< Alliance Avenir Autriche »), rassemblé sous le dirigeant historique Jërg Haider, mais qui comprenait paradoxalement la partie la plus « modérée ». Haider avait trouvé plus extrémiste que lui, le futur dirigeant du FPOe « maintenu », le jeune et bouillonnant Heinz-Christian Strache (<< HC »). Haider lui-même mourut dans un accident de voiture en octobre 2008, ce qui marqua le déclin définitif du BZOe. Le FPOe, désormais parti incontesté de son « camp », qui a su se régénérer dans l'opposition, est actuellement crédité de 25 % à 30 % des voix selon les sondages. Dans l'Allemagne, voisine de l'Autriche, l'extrême droite n'a pas - à l'heure actuelle - cette force-là. L'une des raisons est que, dans un contexte différent de celui de l'Autriche (libéralisme, nationalisme et extrême droite fasciste n'y ont pas la même proximité historique, sauf avant 1918 aux marges du « Parti nationaHibéral »), elle n'arrive pas à sortir de l'ombre du nazisme historique. La première force de l'extrême droite allemande demeure le NPD (<< Parti national- démocratique de l'Allemagne »), fondé en novembre 1964 par une fusion de plusieurs petits partis post-nazis et! ou revanchards par rapport aux résultats de la Seconde guerre mondiale. Ce parti, capable de réunir environ 2 % des voix au niveau national, mais un peu plus de 5 % dans certaines régions de l'ex-Allemagne de l'Est, rappelle le nazisme historique dans beaucoup de ses symboles et dans son langage. Un parti concurrent, la DVU (<< Union du peuple allemand »), a disparu cette année et ses restes ont été absorbés par le NPD. A la fin des années 1980, un autre parti, issu d'une scission de la droite classique - de l' « Union chrétienne-sociale » (CSU) en Bavière -, a tenté de sortir du « ghetto» pro-nazi en s'inspirant des succès du FN français. Entre 1989 (année de son entrée au Parlement européen où il allait rester cinq ans) et 1992, le parti « Die Republikaner » - « Les Républicains» - obtint des résultats électoraux importants à certains scrutins, européens et régionaux. Or, il est devenu la « victime» historique de la « réunification» allemande, l'absorption de l'ancienne RDA par l'Allemagne fédérale en 1989/90. Ce processus, conduit par le gouvernement en place, a suscité un réflexe légitimiste dans l'électorat d'extrême droite, ne souhaitant pas s'écarter de « l'oeuvre d'édification de la nation» en cours et votant à l'occasion pour les grands partis. Aux élections fédérales de décembre 1990, le parti loupa l'entrée au Bundestag, le parlement national. Plus tard, il fut miné par des dissensions internes, sur fond de divergences stratégiques : discours de« protestation sociale» ou profil « respectable », tirant vers une alliance avec la droite classique? Des succès provisoires de ce parti - qui est, aujourd'hui, un champ de ruines - naquit un parti à ancrage régional, en Rhénanie, aujourd'hui connu sous le nom de « Pro Këln » (Pro Cologne). Ce parti, adoptant un langage en apparence « modéré» et concentrant le tir sur le seul « problème de l'islam » à l'instar de l'extrême droite néerlandaise p.ex., a connu des succès sur le plan local: 5 % aux élections municipales de Cologne. Cependant, il manque cruellement de personnel - de cadres - et, dès lors qu'il tente d'organiser des manifestations de rue ou d'autres apparitions publiques, se fait remarquer par son dilettantisme organisationnel. Son « congrès européen contre l'islamisation », annoncé de façon grandiloquente pour le 20 septembre 2008, fut ". tMit Mn ft,.,. .. fIS ItitltlloU Affiche contre le Vlaams Belang un échec retentissant: 100 participants réunis sur une place publique à Cologne, 200 autres bloqués à l'aéroport, et 25.000 contre-manifestants bloquant le centre-ville ... Tant que ce parti ne réussit pas à dépasser sa « cellule» organisationnelle - dont l'embryon est constitué par un cercle d'anciens étudiants en droit (aujourd'hui avocats) entré au parti « Die Republikaner» en 1989 -, il n'arrivera pas à constituer une formation de masse. En Flandre, la partie nord de la Belgique, le parti « Vlaams Belang » (Intérêt flamand) est le continuateur du « Vlaams Blok» (Bloc flamand), interdit de fait en 2004 pour racisme caractérisé. Ce parti était né en 1979 d'une scission du grand parti nationaliste flamand, la « Volksunie » (Unité du peuple). Ses racines plongent dans un nationalisme flamand ayant largement opté pour la collaboration avec l'Allemagne nazie, au cours 'de la Seconde guerre mondiale. Porteur d'un héritage séparatiste - visà- vis de la ~elgique -antisémite et négationniste, le parti tente de faire une mue depuis 15 à 20 ans. Reléguant l'antisémitisme clairement au second plan et concentrant le tir sur l'immigration musulmane, il tente d'échapper aux assimilations à l'extrême droite historique. Paradoxalement, les succès galopants du nationalisme flamand depuis 2006/07 - le royaume de Belgique étant aujourd'hui largement paralysé au profit des régions, et un éclatement réel du pays n'étant plus exclu à l'heure actuelle - accompagnent aujourd'hui la relative marginalisation du « Vlaams Belang ». En effet, le parti est tombé de 25 % des voix obtenues en Flandre il y a quelques années à 12 % (2009). Actuellement, il est plutôt sur le déclin, électoralement. La raison est l'émergence d'une nouvelle force, de droite dure, nationaliste et opposée à la Belgique fédérale, mais qui n'a pas les mêmes racines fascistes que le « VB » : il s'agit de la « Nouvelle alliance flamande » (ou N-VA). Ce parti revendique lui aussi une amnistie totale pour les Flamands ayant collaboré avec l'Allemagne nazie, mais n'est par ailleurs pas un parti de tradition fasciste, étant plutôt situé dans le sillage des droites dures et néo-libérales existant ailleurs en Europe. Bernard Schmid, Service Juridique MRAP national 15 16 L'EXTRÊME DROITE ·EN EUROPE: UN PAYSAGE HÉTÉROGÈNE PARTlJ VOOR DE VRIJHEID Des logos et des pays différents, mais toujours le même discours ... Contrairement à ce qu'on pourrait penser - par facilité - , l'extrême droite n'est pas du tout un phénomène politique qui ait été étudié une fois pour toutes, connu dans toute son essence et donc facile à décrire et à reconnaître. L'écrivain italien Umberto Ecco a choisi la métaphore suivante pour la décrire : « Prenons une séquence de sons A-B-C, puis une séquence B-C-O, ensuite une séquence C-O-[, une séquence O-[-F et ainsi de suite. Alors, la dernière séquence étudiée semble, à première vue, ne rien avoir en commun avec la première. Or, il Y a bien une logique commune, un mode de construction commun. » L'extrême droite est une réalité politique très muable. Elle arrive parfois à s'adapter, tel un caméléon, aux circonstances sociales et politiques du moment ainsi qu'en fonction de son public, des milieux auquel elle s'adresse. Néanmoins il existe une logique commune et constante. Le coeur du discours, de l'idéologique de l'extrême droite, c'est toujours la phrase: « Les êtres humains sont inégaux par nature, certains nous sont naturellement plus proches que d'autres. » A partir de là, différentes constructions politiques et idéologiques sont possibles. En effet, quoi de commun - par exemple - en France, à première vue, entre un Philippe de Villiers et le « couple » politique Alain Soral/Dieudonné M'bala M'bala, en termes de public, en termes de discours social, en termes d'impact sur la droite « classique» ? Deux entrées en matière, deux approches fondamentales peuvent être retenues en ce qui concerne les discours (différents) de l'extrême droite. Une première approche pourrait être caractérisée par l'idée: « Nous ne voulons pas payer pour eux ! » « Eux », çe peuvent être les immigrés, les demandeurs d'asile ; mais aussi « les fainéants dans le Sud du pays » dans le cadre de discours rég ionalistes ou séparatistes. Ainsi c'est le cas de la « Ligue du Nord » en Italie (<< les barbares, ça commence au sud de Rome ») ou du nationalisme flamand en Belgique. En général, ce discours s'adresse à des possédants, « grands » ou « petits ». Il s'agit souvent d'une protestation de couches moyennes se disant « asphyxiées par les impôts » mais ne tendant pas à formuler leurs revendications en termes d'augmentation des salaires. Dans ce discours, la dimension anti-fiscaliste - le refus de payer des impôts, très caractéristique p.ex. du poujadisme français des années 1950 (un phénomène différent des extrêmes droites actuelles), mais aussi des partis d'extrême droite scandinaves nés à partir des années 1970 tel que le « Parti du progrès » en Norvège - est primordial. Parfois, la cible, ce sont les pauvres en général. Mais pour ouvrir sur une dynamique politique propre à un « mouvement » d'extrême droite, un discours trop clairement et uniquement anti-pauvres est plutôt inopportun; il ne permettrait pas tellement de rallier une partie des couches populaires. Ainsi ce discours est mieux adapté s'il s'accompagne d'une « ethnicisation », contre les immigrés ou les gens du Sud etc. Une autre approche, c'est: « Ceux qui nous gouvernent ne sont pas des nôtres, ils ne peuvent pas représenter nos intérêts

ils sont là parce qu'il y a un complot

contre notre nation! » C'est le discours classique sur le « complot », juif ou franc-maçon notamment. Ce discours peut se présenter comme (pseudo-)révolutionnaire, il ne clamera pas d'abord la défense des possédants, mais il attaquera les « fausses élites ». Le pseudoanticapitalisme perverti, qui était inhérent à l'antisémitisme depuis le 19" siècle, dénonçant « les rois de l'argent» et « les faiseurs de la haute finance », ouvre sur cette dimension. Ici, les cibles attaquées ne sont pas visées parce que « ces gens nous sont inférieurs » ou « ... doivent s'assimiler chez nous », à l'instar du discours anti-immigrés classique. Elles sont visées parce qu'elles sont « toutes puissantes », mais « dissimulées » au sens commun. En matière de pOlitique internationale, ces clivages jouent aussi. Le Néerlandais d'extrême droite Geert Wilders est ainsi fanatiquement pro-Israël, dans le cadre de son obsession sur la « menace musulmane ». D'autres forces d'extrême droite, surtout celles qui privilégient l'antisémitisme, peuvent au contraire avoir des affinités avec le régime iranien. C'est le cas pour le courant des « nationalistesrévolutionnaires » ou pour Alain Soral. En France, Jean-Marie Le Pen a cultivé dans le passé des contacts avec ce régime

le chef du FN de l'époque fut invité

à l'ambassade d'Iran, à Paris, en janvier 1998 pour célébrer le jour-anniversaire de la « Révolution islamique » (en janvier 1979). Puis, en juin 1998, Le Pen père et Bruno Gollnisch assistèrent au match de football de la Coupe du monde opposant Iran et USA, qui se déroulait à Lyon, en étant invités d'honneur à la tribune ... iranienne. Une « sympathie » dans la sphère internationale qui n'a jamais empêché, bien évidemment, le FN de semer la haine contre les musulmans vivant sur le sol français. Évidemment, il existe des variantes intermédiaires entre ces différents types de discours. Certains partis d'extrême droite sont clairement fixés à l'un des deux pôles marqués par ces discours opposés. Les principales forces de l'extrême droite scandinave sont ultra-libérales en économie, « pro-occidentales » (en soutien aux USA et à l'État d'Israël notamment), opposées à l'impôt et à « l'État-providence ». Même si, dans la dernière période, elles ont - tel que le « Parti du progrès » norvégien ou le PVV de Geert Wilders aux Pays-Bas - aussi intégré, dans leur discours, la défense de certains acquis sociaux dont elles revendiquent que « les étrangers » en soient exclus ». A l'inverse, des « mouvements » d'extrême droite se présentant sous un jour rebelle, voire pseudo « révolutionnaire » de type nazi (tel que le NPD allemand), sont plutôt « anti-mondialistes », adoptent un discours très antilibéral, voire prétendument « anticapitaliste », et surtout anti-mondialisation. Certains partis ont longtemps oscillé entre ces deux profils. C'est le cas du FN français, qui a migré d'un discours propatronal et anti-impôts dans les années 1980 vers un discours plutôt « national et social » (ju stifié par l'opposition au « mondialisme triomphant ») dans les années 1990. B.S. AU CENTRE DE L'EUROPE •• LE RETOUR DES FANTÔMES DU PASSÉ. Manifestation de la « Garde de fer» roumaine, 1942. Il semblerait qu'après quelques décennies de régimes staliniens, la pendule de l'histoire ait remonté le temps, d'anciens sigles, d'anciens noms compromis dans les horreurs du passé retrouvent un lustre nouveau. Le touriste qui conduit ses pas vers les monastères du Bucovine, guidé par les fascicules touristiques, ne remarquera sans doute pas que dans l'allée qui conduit au monastère de Putna, entre les stands d'objets pieux, de lunettes en plastique, de tee-shirts ou foulards faux Chanel, ceux de grillades et de sarmales, se glissent ici ou là les étalages beaucoup moins spirituels ou commerciaux de Romania Mare, le parti fasciste. Entre les ouvrages du poète Mihai Eminescu, véritable icône nationale et authentique antisémite (<< Quant aux Roumains, l'égalité de droits de 600.000 sangsues et boutiquiers est pour eux une question de vie et de mort...) s'alignent les biographies du Conducator Antonescuce. Dans ce simple témoignage apparaît toute la particularité de l'extrême-droite en Europe de l'Est. Elle semble avoir ressorti les drapeaux des anciens régimes fascistes de la naphtaline. Réhabilitant les noms condamnés par l'histoire, reprenant parfois les mêmes uniformes, avec des milices reconstituées. LES HÉRITIERS DU FASCISME En Europe de l'Ouest. les groupes d'inspiration fasciste se sont «groupuscularisés », laissant la première place à des formations d'extrême-droite populistes de type ethnico-culturel qui s'opposent à une société jugée trop multiculturelle et à l'immigration. Par contre en Europe de l'Est, les partis d'extrême-droite apparaissent beaucoup plus fidèles à des fondamentaux fascistes hérités de la première moitié du XIX" siècle et à des nationalismes enkystés dans des conflits frontaliers toujours vivaces. SI le Parti de la Grande Roumanie (Partidul România Mare - PGM ) a assoupli son discours après quelques déboires Vadim Tudor, leader de Romania Mare électoraux, il apparaît toujours comme l'héritier politique du régime dictatorial du Conducator Antonescu qui instaura un redoutable régime fasciste de 1940 à 1944. Ce régime collabora avec Hitler et les puissances de l'axe. Les troupes roumaines représentaient d'ailleurs les plus forts contingents après ceux de l'Allemagne. Cet État fasciste se distingua par une violence extrême exercée par les milices des « gardes de fer ». La Roumanie s'est d'ailleurs distinguée des autres dictatures puisqu'elle a conduit une politique autonome de génocide des juifs et des roms, ceci dès le début années 40, précédant en cela le génocide commis par les nazis. Vadim Tudor, le leader de Romania Mare, même s'il tente de modérer son discours la milice du JOBBIK dans la dernière période, s'inscrit toujours dans la lignée d'Antonescu. Son programme est un mixage de socialisme national, de racisme essentiellement anti-juif et anti-roms et d'un conservatisme radical associant la défense de la patrie, de la famille, de la religion (orthodoxe) et de violentes diatribes homophobes. Son discours populiste oppose le « petit » contre le grand corrompu, reprenant en cela l'un des thèmes préférés d'un Le Pen qui fut d'ailleurs l'invité de Romania Mare. Comme son homologue hexagonal qui dénonce la « ripoublique », Tudor s'en prend à la corruption qui pénètre les classes dirigeantes du pays. Ce qui n'empêche pas Romania Mare d'avoir comme responsable national Gheorghe Funar qui fut, comme maire de Cluj, l'un des principaux soutiens d'une escroquerie monumentale « Caritas » qui absorba prêt de 20 % de l'économie roumaine au début des années 90. Le Jobbik de Hongrie est le parti d'extrême- droite de l'est de l'Europe qui affiche le plus ostensiblement son héritage fasciste, au point de reprendre les insignes, les uniformes et le décorum du régime nazi d'Horthy, dictateur sanguinaire des années 40. Le Jobbik dispose d'une milice héritière de la garde d'Horthy et de Ferenc Szalasi : les croix fléchées, supplétifs particulièrement actifs des nazis dans l'extermination des juifs de Hongrie. Dissoute en 2007, la garde Magyare du Jobbik s'est reconstituée immédiatement en une kyrielle de milices nationales et locales qui se livrent à la chasse aux roms. Ces milices envahissent des villages (Tatarszentgy6rgy, Tiszal6k, Kiskunlachaza ... ) là où vit la minorité tzigane et paradent dans les rues au pas cadencé, entrainant ainsi la terreur des populations. Outre la démonstration de force, le JOBBIK et ses bandes fascistes réalisent des opérations médiatiques après des faits divers impliquant des 17 18 Roms, et se présentent alors comme garantes de l'ordre contre la « criminalité tzigane ». Cette année, dans la petite ville de Gy6ngy6spata dont le maire est Jobbik, il a fallu, devant la menace de centaines de fascistes en uniforme de la garde, évacuer par car 260 roms, femmes et enfants. Le Jobbik est issu d'une scission d'un autre parti fasciste aujourd'hui marginalisé, le MIEP, dont le vice-président proposait de « parquer les Juifs à part .... parce que sinon ils prendront notre place! ». Outre ces deux partis d'extrême-droite en Hongrie et Roumanie, très ancrés dans les références au passé, d'autres d'extrêmes-droites développent des filiations historiques. Le Parti National Slovaque, (siovenska narodna strana - sNs) affirme reprendre l'héritage historique du parti SNS créé en 1871, lorsque la Slovaquie était encore intégrée à l'empire austro-hongrois. Même si le lien avec les leaders de l'éphémère République de Slovaquie fondée en 1939 et état satellite de l'Allemagne n'est pas clairement établi, les déclarations de Jan Siota, leader du parti d'extrêmedroite SNS, sont sans équivoque. Il affirmait en 2000 que Josef Tiso, chef de la République slovaque antisémite, marionnette des nazis et responsable de la déportation des juifs, était l'un des plus grands fils de la nation slovaque. Son conseil municipal de Zilina avait par ailleurs voté l'édification d'une stèle en mémoire de Jozef Tiso pourtant condamné à la libération pour haute trahison et exécuté malgré les protestations du pape. Comme en Roumanie et en Hongrie, les vieux fantômes sont de retour du côté de Bratislava. Le parti national tchèque (Narodnf strana) n'a pas la surface politique de ses homologues de Slovaquie, Hongrie et Roumanie puisque qu'il ne réalise que des scores électoraux dérisoires, mais son ancrage fasciste beaucoup plus que populiste ne fait aucun doute. Il s'est doté d'une garde nationale qui va patrouiller à la sortie des écoles pour surveiller les enfants romps. L'exemple hongrois avec les démonstrations de masse de milices magyares invite à surveiller l'évolution de cette formation radicale. Jusqu'en 2008, le Parti Radical Serbe était le deuxième parti du Pays, mais une scission (le SNS) devenu le principal parti d'opposition et évoluant vers le populisme plutôt que le nationalisme extrême l'a affaibli (le SNS est favorable à l'adhésion à l'UE). Néanmoins ce parti demeure l'un des partis d'extrême-droite les plus représentés au niveau parlementaire. Il a été fondé en 1991 par la fusion du Parti Radical du peuple et du Mouvement Tchetnik serbe, impliqué étroitement dans la purification ethnique lors de l'éclatement des Balkans. Son leader Vojislav Seselj, est poursuivi par le TPY pour meurtres, tortures et persécutions. Le parti Ataka en Bulgarie a repris le titre d'un journal antisémite des années 30, Ataka publié à Sofia. Ce parti se revendique d'un nationalisme anti-turc forcené, renvoyant ainsi à l'occupation ottomane de cette région de l'Europe (la minorité turque représente 10% de la population totale de la Bulgarie). En Croatie deux partis, le HSP (parti du droit) et le HSP1861 (une scission), se rattachent par leur dénomination à l'histoire du mouvement fasciste Croate. Ante Pavelic fut secrétaire, puis vice-président du HSP d'avant-guerre. Il fut ensuite fondateur du mouvement oustachi génocidaire. Ce mouvement oustachi issu du HSP fut le supplétif des nazis dans l'extermination de juifs et des tziganes avec toutefois un génocide autonome et indépendant des nazis, celui des populations serbes. Après sa recréation en 1990 et pendant la guerre des Balkans, ce parti s'était doté d'une branche paramilitaire dont l'apparat ressemblait étrangement à celui des oustachis. Cette milice de type oustachi a attiré durant la guerre un certain nombre de fascistes européens dont des français de la FANE entre autres. A la fin de la guerre plusieurs dirigeants du HSP ont été inculpés, car soupçonnés de vouloir prendre le pouvoir dans le nouvel État croate. L'H ÉRITAGE NATIONAL-COMMUNISTE Mais les filiations avec l'extrême droite historique se conjuguent aussi, dans certains cas, avec l'héritage du nationalcommunisme qui a marqué l'évolution de certains de ces pays. Le leader de Romania Mare, Vadim Tudor, poète ayant contribué au culte de la personnalité, est un pur produit du régime de Ceausescu. Après la chute du « Génie des Carpathes », le nouveau président roumain Illiescu, lui-même issu de la nomenclature national-communiste - bien que dissident depuis les années 80 - n'a pas hésité à faire alliance avec l'extrêmedroite en faisant entrer Romania Mare au gouvernement dans les années 90. En 2012 le PSD d'illiescu a conclu un accord avec le Parti d'Extrême-droite pour une candidature unique à la mairie de Bucarest. En Bulgarie, les héritiers du fascisme historique se sont coalisés au sein d'Ataka avec une partie des anciens nationaux-communistes, notamment des dignitaires des services de sécurité et des forces armées; ou encore avec le cercle ZORA pro-communiste qui, bien que s'étant retiré de la coalition depuis, a quand même contribué à la création de cette mouvance fasciste. En Slovaquie la compromission entre les fascistes et la gauche est encore plus marquée. De 2006 à 2010, le parti national slovaque a fait partie de la majorité gouvernementale avec le SMER (socialdémocrate) ce qui a valu au SMER d'être exclu de l'Internationale socialiste. Cette dernière décidément peu regardante a réintégré depuis lors le parti d'extrême-droite au motif qu'il avait signé, avec le SMER, une lettre attestant qu'il respecterait le droit des minorités. Une affiche violemment anti-roms, publiée depuis, prouve la duplicité de la formation fasciste ainsi que l'irresponsabilité de l'Internationale socialiste qui a légitimé le parti d'extrême-droite (voir l'affiche ci-dessous) . Le Parti National Slovène, que son programme raciste situe pourtant clairement à l'extrême-droite, refuse cette étiquette et s'affirme de gauche dans un héritage titiste - ce qui prouve la perméabilité entre le national-communisme et l'extrême-droite dans cette partie de l'Europe. En Pologne le leader du parti d'extrêmedroite « autodéfense» qui a obtenu 15,1 % à la présidentielle de 2005 a été fondé par Andrzej Lepper qui était membre du parti stalinien et dirigeait une ferme d'État. UN RACISME SANS GARDE-FOUS Si, en Europe de l'Ouest, le racisme se développe sous les effets conjugués d'une extrême-droite décomplexée et de politiques d'État qui entretiennent les stigmatisations, des garde-fous, notamment législatifs, contiennent cependant l'expression la plus violente du racisme. Il n'en est malheureusement pas de même dans les pays de l'est de l'Europe où l'explosion du racisme rappelle la période qui a précédé l'avènement du fascisme et du nazisme. Contrairement à l'Europe de l'Ouest, ce ne sont pas les populations extra-européennes, ni les populations musulmanes qui subissent le plus la haine de l'extrême-droite, mais à nouveau les populations juives, tziganes ou homosexuelles et turques dans le cas de la Bulgarie. Mais un autre racisme, qui provient d'un nationalisme exacerbé, vise les minorités géographiques qui sont issues des partages parfois hasardeux, hérités des guerres du passé et des accords internationaux. La guerre des Balkans en fut l'illustration la plus tragique, mais d'autres tensions ethniques sont instrumentalisées aujourd'hui par l'extrême-droite. UN ANTISÉMITISME TOUJOURS PRÉSENT ET VIRULENT L'antisémitisme demeure un des thèmes structurants de Romania Mare, même s'il en a atténue la violence à partir de 2005 lorsque ce parti a demandé son adhésion au PPE du Parlement européen (adhésion qui lui a été refusée). Sur un plan international, Tudor s'est longtemps présenté comme antisioniste. Il s'est rendu en Libye chez Khadafi dont il vantait les mérites au nom de la lutte contre les USA et Israël. De fait, l'antisonisme de Vadim Tudor n'était qu'un habillage de son antisémitisme, la cause palestinienne n'étant pas sa préoccupation première. Mais si Romania Mare a pu pendant une quinzaine d'années se livrer à un antisémitisme qui s'inscrivait dans l'héritage d'Antonescu, c'est aussi parce que la société roumaine, notamment ceux qui étaient à la tête de l'État, tenaient un discours ambigu en ce qui concerne la périOde de la dernière guerre mondiale. Durant les années qui ont suivi le renversement de Ceausescu, il était en effet impossible d'effectuer un travail de mémoire sur le génocide des juifs et des tziganes, sans procéder à la dénonciation des crimes contre l'humanité commis par le Maréchal Antonescu devenu une icône pour l'extrême-droite nationaliste qui soutenait le nouveau pouvoir. Une bonne partie de la société roumaine se refusait à ce travail de mémoire. En Bulgarie le leader du parti Ataka, Volen Siderov , outre le fait que son mouvement a repris le titre d'un journal antisémite du passé, a écrit deux livres dont le contenu antisémite ne fait aucun doute «Le boomerang du mal» et« Le pouvoir du Mammon ». Extraits: « Coloniser d'autres peuples a toujours été l'objectif des juifs» ; « Le génocide contre les Russes, les Bulgares et d'autres peuples orthodoxes a été effectué sous la surveillance directe des cercles occidentaux Talmudic, menés par la famille Rothschild» ; « le pouvoir de Mammon ». Les fascistes hongrois ne sont pas en reste, et reprennent presque intégralement la logorrhée antisémite du régime d'Horthy et des croix fléchées. Pour le Jobbik, les conséquences de la crise économique résultant de la politique ultralibérale et du FMI sont l'oeuvre d'un projet juif qui entend acheter l'économie hongroise. Le Jobbik, à l'instar de Vadim Tudor, masque cet antisémitisme sous un vague antisonisme ; Israël rachèterait les biens hongrois par l'entremise d'Allemands que se « nommeraient Samuel ». (Voir l'excellent article de VISA http://www. visa-isa.org/node/451) Mais le Jobbik n'est pas seul dans ce marigot de la haine antisémite. Le MIEP dont il a fait scission, mais avec lequel il 'est associé politiquement, dénonce dans sa revue Magyar forum un prétendant au poste de premier ministre, Gyorgy Suranyi, en l'encadrant d'une étoile de David surmontée de cette légende « le danger Suran yi, » (voir photo ). Montage antisémite contre un candidat au poste de premier ministre. Un autre mouvement plus minoritaire, mais ayant des liens avec les réseaux identitaires français, le Mouvement de jeunesse des 64 comtés (allusion à la grande Hongrie) diffuse le même antisémitisme. En Croatie, même si l'extrême-droite cible aujourd'hui les minorités géographiques internes et les roms plus que les juifs, le nom du parti HSP (parti du droit) n'est pas neutre. Il rappelle le parti d'extrême-droite d'avant-guerre dont le génocidaire Anté Pavelic et ses oustachis étaient issus. La situation en Pologne était extrêmement inquiétante jusqu'en 2005, puisque l'extrême-droite représentée par le mouvement « Autodéfense» et la Ligue des familles polonaises, tous deux très antisémites, réunissaient près de 20% des suffrages. Maciej Giertych, député et père du président de la LPR, écrivait ainsi: « Les Juifs développent des différences biologiques ... Ils préfèrent volontairement vivre séparés des communautés qui les entourent ( ... ) et forment eux-mêmes des ghettos ». Mais des scandales successifs et leur participation au gouvernement des frères Kaczynski eux mêmes très peu zélés pour combattre l'antisémitisme, les ont affaiblis, leur score n'atteint même plus 3%. Mais ces formations politiques antisémites ayant recueilli tant de suffrages il y a peu, les préjugés concernant les juifs doivent être demeurés très vivaces et l'extrême-droite risque de rebondir sur l'antisémitisme. 19 20 UN RACISME GÉNÉRALISÉ : LE RACISME ANTI-ROMS De l'est à l'ouest de l'Europe, le racisme le plus partagé est sans conteste le racisme anti-roms. Chacun connaît le traitement réservé aux Roms en France ou en Italie, mais en Europe de l'Est, un stade supplémentaire a été franchi avec la multiplication d'actions violentes, voire de meurtres. En Hongrie, le Jobbik, le MIEP, le Mouvement des 64 comtés se livrent à des provocations incessantes contre les RomS. Le climat de haine est tel qu'en 2009, 10 Roms ont été assassinés dans des conditions qui laissent entrevoir l'action d'une organisation paramilitaire. La garde Magyar, puis après sa dissolution, les milices qui en sont issues, ont été et sont toujours organisatrices de provocations et démonstrations de masse dans des villages ou quartiers tziganes. En 2011, à Gyongyospata - dont le maire est jobbik - et à Hejoszalonta, les milices en uniforme ont bouclé les entrées de la ville et défilé dans les rues, les autorités ont dû procéder à l'évacuation préalable des Roms par crainte d'explosions de violence. Prenant prétexte d'actes de délinquance dans un contexte économiqwe où les Roms sont les principaux laissés pour compte de la libéralisation de l'économie, les fascistes usent de la démagogie de la stigmatisation et rencontrent alors un écho certain auprès d'une frange de la population. Le Jobbik est ainsi le troisième parti hongrois avec 16% des suffrages. Il n'existe par ailleurs aucune protection, aucun garde-fou, permettant de limiter l'expression du racisme anti-rom qui s'exprime au grand jour et de façon massive. L'Union Commerciale des Officiers de la Police Hongroise écrit ainsi dans un tract : « Une guerre entre les gitans et les Hongrois est envisageable, guerre qui sera fomentée par les juifs qui sentent la haine tout en se frottant les mains avec contentement ». Mais le Jobbik bénéficie de la politique réactionnaire de Victor Orban, leader de la droite extrême. Dans ce pays où 50% des Roms sont au chômage, le FIDESZ au pouvoir prend exemple sur le maire Jobbik de Gyongyospata et prévoit l'ouverture de chantiers pour ceux qui bénéficient d'allocations sociales du travail. Il est même prévu de faire surveiller ces chantiers par des pOliciers retraités. Le projet est de mettre 300000 personnes au travail ! Bien évidemment, cette mesure vise essentiellement les Roms qui se verraient privés de toute aide s'i ls ne se pliaient pas à cette règle et cette surveillance policière. En Bulgarie le racisme anti- rom n'est pas moindre. Le parti fasciste Ataka dirigé par Volen Sidérov développe une campagne haineuse digne de la propagande nazie. Durant la campagne électorale de 2006, Siderov proposait « de transformer les tziganes en savon » et un « programme gouvernemental de lutte contre la criminalité des Gitans ». En 2006, à propos d'une députée au Parlement européen d'origine rom, nommée par ses pairs « Meilleur parlementaire 2006 », Dimitar Stoyanov, député et observateur au Parlement européen, écrivit dans un mail adressé à tous les parlementaires « Dans mon pays il y a des dizaines de milliers de filles tziganes plus belles que cette honorable-là », ajoutant qu'il est possible de « s'acheter une femme aimante de 12 ou 13 ans », sachant que « les meilleures d'entre elles sont très chères,' jusqu'à 5 000 euros pièce ». Cet individu siège aujourd'hui dans l'assemblée parlementaire de l'Europe! Durant la dernière période, en septembre 2011, en période électorale, le racisme anti-rom a atteint une ampleur inégalée. ATAKA organise des manifestations antiroms avec malheureusement le soutien d'une partie de la population bulgare qui ethnicise ses difficultés de vie. 14 villes du pays ont connu des rassemblements et à Sofia, 2000 personnes se sont réunies dans un stade pour crier leur haine des tziganes avant de partir dans la rue. En Roumanie, le Parti Romania Mare apparaît toujours comme le parti le plus virulent à l'égard de la population rom. Mais ce racisme bénéficie du soutien implicite ou du laxisme des autres partis, de droite comme de gauche, avec lesquels PRM s'est tour à tour allié. En réponse à certains actes de délinquance, le ministre des affaires étrangères Adrian Cioroianu avait déclaré qu'il songeait à acheter un morceau de désert pour y déporter les Roms (le propos est rapporté par Rencontres tziganes). De simples excuses formulées ultérieurement ont dû suffire puisqu 'il n'a pas été destitué par le Premier ministre. Il est vrai que le Président Basescu luimême s'est illustré par un « sale tzigane » adressé à une journaliste. Les Roms ne bénéficient pas d'un meilleur traitement de la part de l'extrême-droite de Slovaquie puisque les campagnes électorales du Parti National Slovaque sont basées sur la haine à leur égard. Une affiche violemment raciste (voir photo) invitait à « ne plus nourrir ceux qui ne veulent pas travailler» tandis que Jan Siota, président de la formation fasciste et député, hier encore allié au SM ER socialdémocrate, déclarait à propos des Roms « Leur [les Roms] seule activité est de se reproduire. Et ils sont très actifs. »1 En TChéquie, le parti Narodnf Strana (parti national), s'inscrivant dans cette haine régionale contre les Roms, a proposé dans un clip de campagne destiné à la télévision « une solution finale pour les Roms ». En Serbie, Croatie, Slovénie, les Roms subissent aussi les campagnes de haine de l'extrême-droite. NATIONALISME ET RACISME RÉGIONAL Il existe une autre forme de racisme dont les groupes d'extrême-droite sont les porteurs, celui qui vise les minorités régionales. Si le phénomène existe en Europe de l'Ouest (Italie ou Belgique), ces tensions prennent un aspect beaucoup plus violent dans les pays d'Europe de l'Est ou centrale. Ces tensions racistes régionales sont d'ailleurs un obstacle majeur à la convergence de ces extrêmes. Si, dans les pays issus de l'ancien bloc soviétique, le racisme anti-rom pourrait jouer le rôle fédérateur que représente le racisme antimusulman en Europe de l'Ouest, les tensions racistes régionales viennent contrecarrer toute velléité de rapprochement entre formations extrémistes nationales. S'il est possible à Riposte Laïque et au bloc identitaire de réunir dans une même enceinte les extrêmes droites italienne, britannique, fran çaise , suisse et belge il est beaucoup plus difficile de réunir les fascistes hongrois, bulgares, slovaques, croates ou serbes dans les mesure où les antagonismes rég ionaux les divisent encore plus que le racisme anti-rom ne les unit. Entre la Hongrie et la Roumanie, le passif est historique. Les séquelles du traité du Trianon en 1920 qui a conduit à la redéfinition de la frontière entre ces deux pays sont profondes: la Roumanie a en effet récupéré la Transylvanie qui comporte une forte composante hongroise. L'extrême-droite roumaine du PRM est violemment hostile à la minorité hongroise, considérée comme une cinquième colonne. Vadim Tudor s'est fait une spécialité de diatribes anti-hongroises d'une extrême violence : «le RMDSZ (parti de la minorité hongroise) est un nid de terroristes, sans appel 1 Imaginez-vous qu'une telle Sème Colonne, séparatiste, ségrégationniste, antinationale, aurait pu se créer en Israël, en France ou aux Etats-Unis ? Elle aurait été réduite, comme le disait mon père bien-aimé, en amas de poussière. » L'octroi de la double nationalité aux Hongrois dit « de souche » vivant dans les pays limitrophes, Roumanie, Slovaquie, Serbie, Ukraine, Croatie et Autriche a ravivé les tensions historiques, car plusieurs millions de Hongrois vivent dans ces pays limitrophes. De fait, la mesure initiée par le FIDESZ s'inscrit dans la pression nationaliste exercée par le Jobbik ; elle remet indirectement en cause les traités du Trianon et déchaîne les passions chez les voisins. Le parti Jobbik, mais aussi le mouvement des 64 comtés surfent sur ces mesures nationalistes et s'inscrivent dans la perspective d'une reconstitution de la grande Hongrie englobant donc les régions de Roumanie, Slovaquie, Serbie, Ukraine, Croatie et Autriche où vivent des Hongrois. Voir l'affiche électorale de l'extrême-droite qui représente la grande Hongrie. D'autres pays limitrophes ne sont pas en reste avec la poussée nationaliste qui sévit en Hongrie. Une affiche du Jobbik Hongrois militant pour la reconstitution de la «Grande Hongrie». regroupant des régions de pays limitrophes, attise les fureurs nationalistes et racistes chez ses voisins. La minorité hongroise de Slovaquie (10% de la population) ne peut ainsi bénéficier d'une reconnaissance officielle de sa langue. Les déclarations racistes de Jan Siota, président du parti national Slovaque, aggravent encore les tensions inter-ethniques lorsqu'il décrit les Hongrois comme une« tumeur cancéreuse venue du désert de Gobi. » Et qu'il en appelle, dans certaines déclarations, à leur expulsion vers la Hongrie. S'inscrivant dans cette spirale nationaliste infernale, le Parlement slovaque a voté en 2010 le retrait de la nationalité LE SAVIEZ VOUS 7 Slovaque à tout membre de la minorité hongroise qe Slovaquie qui accepterait la citoyenneté hongroise. Ces tensions envers les minorités régionales ne se limitent pas à celles qui s'inscrivent dans une contestation du traité du Trianon. En Bulgarie, la minorité turque subit des brimades héritées d'un esprit revanchard suite à l'occupation ottomane. Les droits de la minorité turque avaient déjà été largement rognés du temps du national-communisme qui sévissait en Bulgarie. Dans les années 80, le régime communiste a en effet instauré une « campagne de bulgarisation ». Les noms turcs ont été interdits et la minorité turque a dû adopter des noms bulgares: même les pierres tombales ont été modifiées et la langue turque quasiment interdite. À la chute du communisme, au début des années 90, les Turcs ont pu récupérer leurs noms et la langue a retrouvé droit de cité dans l'école. Mais cela a entrainé les premières contestations nationalistes. Ataka, créé en 2005 a fait de ces droits accordés aux Turcs un motif de propagande raciste contre la turquisation de la Bulgarie. Cette formation fasciste a manifesté une violente opposition à la restitution des noms turcs et en 2011 lançait des actions violentes contre les Turcs. G.Kerform L'EXTRÊME DROITE DANS LES DIFFÉRENTS PAYS EUROPÉENS. Depuis 2009, Le Pen et ses homologues de l'extrême droite européenne ont fondé une alliance présentant les immigrés comme des sources de problèmes sociaux, d'insécurité, voire de perte d'identité nationale. Norvège: Le Parti du progrès est le second parti en Norvège. Il compte depuis 2009 41 sièges au parlement sur 169. Première force d'opposition aux travaillistes, il a réalisé 23% aux élections sur la base d'un programme xénophobe et anti musulman. Suède: Depuis sa création en 1964, le Parti des Démocrates de Suède se rapproche de l'extrême droite. Il a fait son entrée au parlement en 2010. Il compte 20 députés sur 249. Finlande: Le Parti des Vrais Finlandais a obtenu 19% aux dernières législatives en multipliant par 4 son score précédent. Danemark: Le Parti du peuple danois est la troisième force du parlement. Il compte 25 députés sur 179. Hongrie: Depuis sa création en 2003, le virulent parti Jobbik compte 47 députés sur 386. Autriche: Le FPO, n'est certes plus au gouvernement, mais il a obtenu 27% aux municipales de Vienne en 2010. Pays Bas: Le Parti pour la liberté est la troisième force du pays depuis 2010. Il compte 24 députés sur 150. Suisse: L'Union démocratique du centre compte 58 élus sur 200 au Conseil national suisse. Italie: La Ligue du nord, alliée de Berlusconi, compte 59 députés sur 630 et dirige 3 régions depuis 2010. J.C.O 21 22 (ONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'ENFANT : FÊTONS LE 20 NOVEMBRE ! Vitrolles, Le Pétunia: « article 31 l'enfant a droit aux loisirs, au jeu et à la participation à des activités culturelles et artistiques» Les grands enjeux Combien d'enfants ignorent encore ce que signifie « avoir des droits» ? Combien d'adultes évaluent mal les liens entre droits de l'enfant et développement des sociétés, ignorant que l'indice de développement humain (IDH), instrument de mesure créé par l'ONU, prend en compte le taux d'alphabétisation à côté d'autres critères comme l'espérance de vie à la naissance ou la richesse nationale? Chaque année la journée symbolique du 20 novembre permet d'informer sur les grands enjeux de la Convention internationale des droits de l'Enfant. Adoptés par l'ONU en 1989, ses 54 articles sont déclinés dans les législations nationales de 193 Etats, à travers le monde. Des exceptions ? Deux pays, la Somalie et les USA, la rejettent pour conflit avec certaines de leurs lois nationales. Des progrès à accomplir? Oui, car il reste beaucoup d'enfants de l'ombre, petites victimes du racisme, des discriminations, de la guerre, des violences, de la faim ... Un questionnement et un défi pour le MRAP : comment mieux sensibiliser l'opinion pour qu'elle se mobilise davantage en faveur de la défense des enfants? « Paroles d'enfants », projet 2011 du MRAP-Vitrolles Soucieux de favoriser chez les jeunes et leurs familles la pratique du dialogue et du débat (article 13 : liberté d'expression), les militant(e)s de Vitrolles ont choisi comme support une exposition photographique qui interpelle et permet une réflexion « Ici et là-bas ». « OUAG QUEBEC » est l'oeuvre d'un jeune photographe, Raphaël Bianchi. Ses prises de vue dans un village du Burkina Faso mettent en scène le quotidien de jeunes enfants : exploités dans une mine d'or, propriété d'une entreprise québécoise; peinant pour la corvée d'eau potable; en proie à de multiples tracas pour leur survie. Une trentaine d'enfants et d'adolescents (3 à 13 ans) inscrits en antennes sociales (Pétunia et Bartas) pour les vacances d'octobre s'approprieront iEU cette exposition lors d'ateliers avec Raphaël, les animateurs sociaux, et Maïssara Mradabi, juriste MRAP13 qui les aidera à imaginer un quiz. « Paroles d'enfants» sera leur propre création, textes, photos et arts plastiques, à exposer pour la fête des enfants en novembre, au cinéma Les Lumières de Vitrolles. Une belle fête en perspective! Et si vous n'avez pas encore vu le documentaire animé « Les petites voix », Pequenas Voces (Jarrio Carillo et Oscar Andrade, 2010, couleurs, 80 minutes), faites comme nous, allez au cinéma! Vous découvrirez, à travers leurs dessins, le quotidien d'enfants-soldats de 9 à 12 ans en Colombie. Dessins si réalistes dans leur simplicité narrative! Jeunes enfants blessés ou invalides qui reprennent malgré tout goût à la vie avec une énergie positive. Un film chargé d'émotions profondes, au service de notre prise de conscience à toutes! Evelyne Yerlaque. présidente MRAP'Yitrolies RAPHAËL ET LES DROITS DE L'ENFANT UN PHOTOGRAPHE ENGAGÉ •• Raphaël, un atelier va avoir lieu à Vitrolles avec un public adolescent qui revisitera les photographies de l'exposition « Ouag Québec ». Ce dialogue entre tes photos et des créations qui s'en inspirent renforce la dimension militante de ton oeuvre. Comment définirais-tu le travail d'un photographe engagé? « J'ai commencé à photographier il y a une quinzaine d'années avec un bOÎtier Nikon argentique. Sans me destiner à devenir un professionnel de l'image, le monde de la photo me permettait de fixer l'évènement. C'était un moyen, plus qu'une finalité. Saisir l'air du temps social. Je m'étais inscrit en fac d'histoire et je ne cessais de remercier in petto tous ces photographes amateurs qui avaient pris soin d'appuyer sur le déclencheur lors d'un rassemblement, d'un meeting ou tout simplement lors de leurs premiers congés payés, à cheval sur un tandem dans les Alpes, comme l'avait fait mon grand oncle. Ces clichés élimés permettaient de rapprocher deux époques, celle de l'évènement photographié et la mienne. C'était aussi à mes yeux une source historique plus parlante et digeste que, par exemple, un texte de loi - instructif certes, mais parfois obscur et alambiqué ... Le monde de l'image a des entrées multiples. Et après mes études d'histoire et des années de cohabitation avec mon Nikon, l'idée d'une formation dans l'audiovisuel pour devenir cameraman a subitement germé. C'était au final ajouter du son et du mouvement, mais avec la même idée de départ. Appareil photo et caméra sont très proches, le travail en studio et l'éclairage se ressemblent beaucoup. RAPHAËL BIAIliCHl Sans lâcher mon appareil, j'ai fait l'expérience des petites chaînes de télévisions locales sur Toulouse. Peu concluant. La photo tolère beaucoup plus de souplesse et d'improvisation. Elle permet aussi de travailler seul. Je m'y suis donc consacré pleinement depuis quelques années, jusqu'au point de franchir le pas et d'en faire mon métier. » 23 IL Y A SEIZE ANS. SREBRENICA •• LA PAGE N'EST PAS TOURNÉE. En présence de dizaines de milliers personnes, 613 corps ont été inhumés ce 11 juillet au cimetière du Mémorial de Potocari, près de Srebrenica (BosnieHerzégovine), où reposent désormais 5137 personnes. Parmi ces 613 victimes du génocide, on compte 69 mineurs et 24 personnes âgées de plus de 65 ans (le plus jeune avait 11 ans en 1995, le plus âgé 82 ans). Tous sont de sexe masculin, à l'exception d'une jeune fille de 20 ans qui a voulu suivre son père et ses trois frères dans leur fuite. Deux de ses frères ont survécu. Arrivée des cercueils sur le lieu d'inhumation à Potocari Photographie de Marie ponchelet 24 Pourquoi tant d'inhumations ont-elles lieu seize ans après le crime ? Il faut savoir que les victimes du génocide de Srebrenica ont été exécutées du 11 au 17 juillet, soit en masse comme dans les fermes de Branjevo et Pilica près de Zvornik où ont été commis respectivement 1200 et 500 meurtres, soit en petits groupes dans toute la zone et jusqu'à 70 km de Srebrenica. D'autres ont été atteints par des tirs, des bombardements, des mines, sur le chemin vers Tuzla, souvent en forêt, alors qu'ils formaient une colonne de 15 000 personnes, tentant de rejoindre la zone non contrôlée par les Serbes. Une grande partie de la population ava it tenté de se réfug ier à la base de Potocari où un bataillon hollandais des Nations Unies était censé la protéger, et où les hommes furent séparés des femmes puis exécutés. A fin de dissimulation, les charniers massifs ont été vidés, les corps ont été déplacés, parfois à plusieurs reprises, dans des fosses dites «secondaires» ou «tertiaires». On découvre encore des charniers de petites dimensions dans la région, et 242 nouveaux dossiers d'identification ont été ouverts en 2010 par l'Institut des personnes disparues de Bosnie-Herzégovine et l'ICMP (International Commission on Missing Persons). De nombreux squelettes exhumés sont incomplets. Des ossements sont identifiés par ADN et des familles attendent que d'autres restes soient retrouvés pour les inhumer. Il arrive aussi que des corps se trouvent dans un lieu inaccessible parce que miné. Le film Nino's place (1), retrace le combat - inachevé à l'heure actuelle- de Hajra Catic, présidente de l'association des Femmes de Srebrenica, pour que soit exploré le terrain où son fils a trouvé la mort. Des inhumations de quelques centaines de personnes auront donc lieu encore quelques années puisque plus de 8000 hommes ont trouvé la mort près de Srebrenica en juillet 1995. Comme chaque année depuis 2003, près de 7000 personnes, dont une cinquantaine d'internationaux, ont participé à une « Marche de la paix» et emprunté pendant trois jours les chemins qui, sur 110 km, séparent Nezuk de Srebrenica. Pour la mémoire, la solidarité et la justice, ce chemin est fait en sens inverse, et la marche se termine au mémorial de Potocari. Un « Chemin pour la paix », consistant en l'aménagement des chemins (balisage, entretien, ouverture de chambres d'hôtes et de gîtes d'étape) est en projet sur ce parcours (2) . Cette année, le dernier des responsables du génocide recherchés, Ratko Mladic, a été enfin arrêté. Il sera jugé par le tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie qui siège a La Haye pour génocide, crimes contre l'humanité et violations des lois ou coutumes de la guerre, commis lors du « nettoyage ethnique » en Bosnie-Herzégovine, lors du siège de Sarajevo, de la prise en otage de membres de l'ONU en 1995 et du génocide de Srebrenica. Mais ce que nous avons dit ci-dessus montre que la page n'est pas tournée. Les corps des disparus n'ont pas été tous retrouvés, à Srebrenica comme dans bien d'autres régions (3). En Bosnie Herzégovine, les résultats de la conquête guerrière et de la « purification ethnique » ont été entérinés par les accords de Dayton, qui ont découpé en deux entités le pays dont la vie politique et économique se trouve paralysée. L'arrestation de R. Mladic, comme celle des criminels qui l'ont précédé, ne semble pas suivie, en Republika Srpska comme en Serbie, d'une volonté de rupture avec le passé. Des images de manifestat ions contre l'arrestation de R. Mladic ont montré de trop nombreux jeunes, qui n'étaient que des enfants pendant la guerre de 1992-1995, tenant des portraits de celui qu'ils considèrent comme un héros. Si le gouvernement de Serbie a pris ses distances en arrêtant et transférant à la Haye les dernières personnes recherchées (R. Mladic et G. Hadzic, accusé de crimes commis notamment en novembre 1991 à l'hôpital de Vukovar en Croatie), et considère avoir ainsi satisfait à une demande qui conditionnait l'entrée du pays dans l'Union Européenne, il tente parallèlement de minimiser les crimes commis et sa responsabilité. Des archives d'État serbes faisant état de la responsabilité de l'État notamment lors du génocide de Srebrenica avaient été utilisées par le TPIY lors du procès contre Siobodan Milosevic. Marche de la paix 2011 Photographie de Jacques'Olivier David La Serbie a obtenu du TPIY qu'ils ne soient pas divulgués à la Cour Internationale de Justice au nom de son «intérêt vital national». Elle a ainsi échappé à une condamnation et à l'obligation de réparations envers les victimes. Florence Hartmann, qui a dénoncé ce fait dans son IL Y A SEIZE ANS, SREBRENICA : LA PAGE N'EST PAS TOURNÉE. livre Paix et châtiment(4), a quant à elle été condamnée par le TPIY pour outrage à une amende de 7000 euros, confirmée en appelle 20 juillet dernier (5) . L'arrestation de Jovan Divjak à Vienne en mars 2011 sur requête de la Serbie relève aussi de l'intention de présenter l'ensemble des Serbes comme victimes de crimes de guerre à égalité avec les Musulmans de Bosnie. Jovan Divjak, ancien général de l'armée yougoslave, d'origine serbe, fut dès 1992 l'un de défenseurs de Sarajevo contre les nationalistes serbes. Il a été libéré le 29 juillet, les juges autrichiens ayant estimé la demande d'extradition de la Serbie irrecevable, comme des juges londoniens l'avaient fait pour Ejup Ganic un an plus tôt. J. Divjak était accusé d'avoir participé, le 3 mai 1992, rue Dobrovoljacka à Sarajevo, à l'attaque d'une colonne de l'ex-armée yougoslave pour laquelle un passage avait été négo- ., cié, où 43 soldats avaient trouvé la mort (6). J. Divjak a pu rejoindre, à Sarajevo, l'association «L'éducatiOn construit la Bosnie-Herzégovine» qu'il dirige et qui finance des bourses et des séjours d'été pour des enfants principalement victimes de la guerre, ou handicapés, ou encore membres de la communauté Rom qui rencontrent des difficultés particulières dans l'accès à la scolarité. Parmi les objectifs programmés de cette association, on lit: «développer la conscience et le sens de la participation à la société civile dans les collectivités locales et insérer les jeunes gens dans la société civile». Un objectif à soutenir, dans un pays où les élèves de Republika Srpska utilisent des manuels produits à Belgrade, ceux des zones à population majoritairement croate de la Fédération de Bosnie Herzégovine des manuels produits à Zagreb, où l'éducation est trop L'ETAT DE PALESTINE LE NÉCESSAIRE RETOUR AU DROIT En adoptant à l'unanimité, au cours de son assemblée générale annuelle du 6 juin dernier, une motion « demandant solennellement au gouvernement français de reconnaître sans condition l'État de Palestine tel qu'exigé par le droit international et de voter dans ce sens à la prochaine Assemblée générale de l'ONU et au Conseil de sécurité », la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine avait la conviction de représenter non seulement le point de vue de la très grande majorité de la société civile organisée, mais aussi celui de la grande majorité de la société française. En même temps la Plateforme voula it rappeler aux autorités françaises qu'en mars 1999, à Berlin, les États de l'Union Européenne - et donc la France - avaient déclaré leur « disposition à considérer la reconnaissance d'un État palestinien le moment venu » et qu'enfin le moment était venu ... après 11 années de mauvaise foi. En effet, depuis onze ans, de septembre 2000 à aujourd'hui, toutes les initiatives lancées par la « communauté internationale » ont été incapables de contenir, encore moins de résoudre, le conflit né de la faillite du processus d'Oslo. Cette incapacité a eu des conséquences graves sur le conflit en cours en permettant de fait l'escalade, le faisant passer de conflit « à basse intensité» à une guerre véritable mais toujours asymétrique, comme l'a montré l'opération « Plomb durci ». Tout ceci a beaucoup contribué à faire revenir en arrière les horloges de l'his' toire politique internationale. L'ONU avait tenté de consolider, en particulier après la guerre froide, une sorte de cultu re de résolution pacifique des conflits (cf. l'Afrique du Sud) et une conception non militarisée de la sécurité, en partie fondée sur les droits humains et le développement social (processus de Barcelone) La raison de cette inefficacité est assez simple et il faut la rechercher d'abord dans la politique américaine de l'après 11 septembre 2001 où toutes les initiatives pour la solution du conflit israélo-palestinien ont été liées à la guerre contre le « terrorisme global » soutenue avec enthousiasme par Ariel Sharon, devenu Premier ministre en Israël. Dans ce cadre géostratégique, l'Union européenne fut incapable de renverser la logique du conflit et de corriger la lecture américaine des intérêts stratésouvent prétexte à la promotion des identités nationales. M.G GUESDONG MRAP.CAd (1) Nino's place. Aude-Léa Rapin, Adrien Selber!, 52 mn. Atelier des images, 2010. (2) Informations sur la Marche de la paix: www.marsmira.org. (3) A Visegrad notamment. On peut consulter sur le site du TPIY (www.icty.org) des « Fiches informatives» reprenant l'essentiel des faits pour chaque affaire. (4) Paix et châtiment : les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales. Paris, 2007. (5) Préserver la justice interna tionale - Comité de soutien à Florence Hartmann www.preserverlajusticeinternationale. org. (6) Une vidéo tournée lors des événements le montre appelant les attaquants à cesser le feu. Elle a été reprise dans le film Yougoslavie, suicide d'une nation européenne, P. Mitchell, 5h. Brian Lapping, BBC, 1995. •• Mahmoud Abbas, Président de l'Autorité Palestinienne giques occidentaux après le 11septembre, y compris au moment de l'adoption du plan de paix saoudien par la Ligue arabe à Beyrouth en 2002. Elle n'a jamais voulu utiliser les pressions concrètes dont elle disposait pour bloquer l'escalade de la violence israélienne. Lâchés par la communauté internationale, les Palestin iens ont été contraints de poursuivre une pseudo-négociation qui visait à masquer la continuation de la colonisation. Mais, parallèlement, l'idée que l'échec de la gestion diplomatique 25 26 L'ÉTAT DE PALESTINE : LE NÉCESSAIRE RETOUR AU DROIT (SUITE) du conflit réside dans la mise à l'écart du corpus de la légalité internationale, à partir duquel devrait se mener toute tentative de résolution du conflit, s'est développée, en particulier dans la société civile avant qu'elle n'imprègne le monde politique. L'évolution du rapport des forces au niveau international au détriment des États-Unis et d'Israël (montée en puissance de nouveaux États comme la Turquie ou le Brésil, mais aussi de l'opinion publique dans le monde, en faveur de la cause palestinienne, sans oublier bien sûr le printemps arabe) a permis aux Palestiniens de desserrer l'étau dans lequel le gradualisme du processus d'Oslo les avait enfermés et empêchés d'arriver à leur objectif fondamental: l'exercice de leur droit à l'autodétermination avec la création de leur État souverain qui ne dépend d'aucune négociation avec qui que ce soit. En sortant du processus d'Oslo pour lequel ils avaient été contraints de situer leurs exigences en deçà du droit, les Palestiniens, en s'adressant à l'ONU, en reviennent aux exigences qui sont celles du droit international, qui leur permet de proclamer leur État et de demander son admission à l'ONU sans attendre l'accord d'Israël qui ne viendra jamais. Et c'est à partir de cet État indépendant que devra se négocier avec l'État d'Israël un accord de paix définitif sur la base du droit international. Renforcé et conforté sur le plan juridique et politique par cette légitimation internationale que constituerait l'admission de l'État palestinien à l'ONU, le mouvement national palestinien devrait bénéficier d'un soutien planétaire qualitativement très supérieur pour la réalisation de ses objectifs, tels qu'ils ont été reconnus par le droit international. Face à deux membres de l'ONU égaux en droit dont l'un occupe le territoire de l'autre, ., FLOTTILLE DE SOLIDARITE POUR GAZA Voilà une devinette : quelle flotte n'a pas atteint sa destination tout en remplissant sa mission ? .. Eh bien c'est la flottille de solidarité envers Gaza de cette année. de Uri Avnery, écrivain et journaliste israélien, pacifiste et militant des droits pour les Palestiniens On pourrait dire, bien sûr, que cela est aussi vrai de la « petite flotte» - c'est ce que le mot signifie en espagnol comme «guerilla» signifie « petite guerre» - de l'année dernière. Elle n'a jamais atteint Gaza, mais le commandant des forces israéliennes pourrait très bien s'attribuer les paroles de Pyrrhus, le roi d'Épire, dont la victoire contre Rome a été si coûteuse qu'il s'est exclamé, dit-on: « Une autre victoire comme celle-là et je suis perdu!» La première flottille n'a pas atteint Gaza. Mais l'attaque du commando naval qui a coûté la vie à neuf militants de la paix turcs a soulevé une vague d'indignation telle que notre gouvernement a été forcé d'alléger le blocus de Gaza de manière significative. Cette attaque a encore aujourd'hui des répercussions. La relation privilégiée entre les armées turque et israélienne n'a pas été rétablie et les Turcs continuent de demander des excuses et des indemnités. Les familles des victimes ont intenté des poursuites criminelles et pénales dans plusieurs pays. Un vrai casse-tête pour Israël. L'aventure de la seconde flottille s'est terminée avec l'énorme opération navale qui a abouti à la capture d'un seul petit yacht français et la détention des marins, journalistes et militants qui étaient à bord - 16 personnes en tout. Nos médias pourtant soumis ont commenté ironiquement: « Pourquoi n'ont-ils pas envoyé un porte-avion? ». il sera difficile pour la « communauté internationale» poussée par une opinion publique de plus en plus exigeante de ne pas prendre ses responsabilités ... De surcroît pour tous les Palestiniens, où qu'ils soient, l'existence de leur État leur permettra enfin d'avoir la nationalité palestinienne et de bénéficier d'un passeport palestinien. On le voit, seul le respect du droit permettra la solution du problème palestinien (La paix par le droit est le leitmotiv de la Plateforme). Et aujourd'hui après soixante-trois ans de négation des droits des Palestiniens, le droit international est bien l'enjeu central du conflit. Bernard Ravenel Président sortant de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine Les 14 bateaux qui ont été empêchés de partir et celui qui a réussi à partir n'ont pas seulement tenu toute notre marine en alerte pendant des semaines, ils ont aussi permis de garder le siège de Gaza à la une de l'actualité. Et c'était après tout le but principal de toute l'entreprise. Qu'est-il arrivé aux 14 bateaux qui n'ont pas pris la mer? Aussi incroyable que cela puisse paraître, la marine et les garde-côtes grecs ont empêché par la force les bateaux de quitter les ports grecs. Cela sans aucun fondement légal et sans même s'embarrasser à simuler un semblant de légalité. Il ne serait pas exagéré de dire que la marine grecque agissait sur ordre du commandant en chef israélien. Une nation de fiers navigateurs, héritière d'une histoire maritime (le mot «nautique» est d'ailleurs d'origine grecque) qui remonte à des milliers d'années, s'est abaissée à commettre des actions illégales pour donner satisfaction à Israël. Elle a aussi ignoré les actes de sabotage commis par des commandos de la marine - devinez laquelle - contre les bateaux amarrés dans des ports grecs. Au même moment, le gouvernement turc, le sponsor intrépide du Mavi Marmara, le bateau sur lequel les militants FLOTILLE DE SOLIDARITÉ POUR GAZA (SUITE) turcs ont été assassinés l'année dernière, a empêché le même navire de prendre la mer cette année. Au même moment encore, des groupes de militants pro-palestiniens qui essayaient d'aller en Cisjordanie par avion ont été arrêtés en route. Comme il est impossible d'aller en Cisjordanie par la terre, la mer ou les airs sans passer par le territoire israélien ou les check points israéliens, ils étaient obligés de passer par l'aéroport international Ben-Gourion, la porte israélienne du monde. La plupart n'ont pas réussi à y arriver: sur instruction de notre gouvernement, toutes les compagnies aériennes internationales ont bloqué ces passagers à l'embarquement en utilisant une «liste noire» que leur avait donnée notre gouvernement. Il semble que le bras long de notre diligent Service de Sécurité ait des ramifications partout et que ses ordres soient obéis dans tous les pays, grands et petits. Il Y a cent ans, la police secrète du Tsar russe, la terrible « Okhrana » a forgé un document appelé le Protocole des sages de Sion. (A cette époque, la police secrète s'appelait encore partout Police Secrète, avant d'être promue au rang de « services de Sécurité ».) Le document parlait d'une réunion secrète de rabbins dans le vieux cimetière de Prague pour élaborer une stratégie qui donne aux juifs le contrôle du monde. C'était une grossière falsification, qui reprenait des passages entiers d'un roman écrit des dizaines d'années plus tôt. Rien de ce qui était écrit dans ce texte n'était vrai, car en réalité les juifs de l'époque n'avaient pas le moindre pouvoir. De fait, quand Adolf Hitler - qui a utilisé le Protocole pour sa propagande - a mis en place la Solution finale, presque personne dans le monde entier n'a levé le petit doigt pour aider les juifs. Même les juifs étasuniens avaient peur d'élever la voix. Mais si les auteurs du faux document revenaient aujourd'hui sur le lieu de leur crime, ils se frotteraient les yeux de stupéfaction: le fruit de leur imagination malade semble être devenu la réalité. L'État juif, comme les sionistes l'appellent, peut donner des ordres aux autorités de la marine grecque, faire renoncer les Turcs à leurs projets et ordonner à une douzaine de pays européens d'arrêter des passagers dans leurs aéroports. Comment cela se peut-il? La réponse est simple et comporte trois lettres: USA. Israël est devenu une sorte de portier kafkaYen du seul super pouvoir qui reste dans le monde. Grâce à son immense influence sur le système politique étasunien et surtout sur le Congrès, Israël peut lever un impôt politique sur tous ceux qui ont besoin des USA. La Grèce est en faillite et a désespérément besoin de l'aide des USA et de l'Europe. La Turquie est un partenaire des USA dans l'OTAN. Aucun pays européen ne veut de problèmes avec les USA. Donc: ils doivent tous nous donner un petit bakchich politique. Pour cimenter cette relation, Glenn Beck, le détestable protégé de Rupert Murdoch, nous a rendu visite et a été reçu à la Knesset où il nous a dit « de ne pas avoir peur» parce que lui (et par voie de conséquence la Fox et toute l'Amérique) nous soutenait à fond.C'est pour ça que quelques lignes écrites cette semaine dans le New York Times ont presque semé la panique à Jérusalem. Le NYT est peut-être le journal le plus « pro Israël » du monde entier, Israël compris. Les antisémites l'appellent le « Jew York Times ». Un article qui critique la politique d'Israël n'a quasiment aucune chance d'y être publié. Il n'y a jamais été fait mention des douzaines de manifestations israéliennes contre la deuxième guerre d'Israël contre le Liban, ni de l'opération « Plomb durci» (décembre 200B-janvier 2009). L'autocensure règne en maître. Mais cette semaine, le NYT a publié un éditorial cinglant contre Israël. La raison: la « Loi sur le Boycott» que la majorité de droite de la Knesset a votée et qui interdit aux Israéliens d'appeler au boycott des produits en provenance des colonies. L'éditorial répétait pratiquement ce que j'avais écrit dans un article de la semaine CJernière : à savoir qu'il s'agissait d'une loi clairement antidémocratique qui viole des droits de l'homme les plus élémentaires. D'autant plus qu'elle vient couronner tout une série de lois antidémocratiques votées ces derniers mois. Israël est en danger de perdre son titre de « seule démocratie du Moyen-Orient ». Tout à coup, tous les feux rouges à Jérusalem se sont mis à clignoter furieusement. Au secours ! Nous allons perdre notre seul soutien politique dans le monde, le pilier de notre force, la base de notre sécurité nationale, le rocher de notre existence. Le résultat a été immédiat. Mercredi, la clique de droite qui contrôle actuellement la Knesset, sous la direction d'Avigdor Lieberman, faisait voter une résolution qui nomme deux commissions d'enquête des ressources financières des ONG des droits de l'homme. Pas toutes les ONG, seulement celles de « gauche ». Cela constituait une mesure supplémentaire dans la longue liste des mesures maccarthistes dont beaucoup ont déjà été votées et beaucoup d'autres attendent de l'être. Le jour précédent, Binyamin Netanyahu était venu spécialement à la Knesset pour dire à ses supporters qu'il approuvait et soutenait sans réserves la loi sur le Boycott. Mais après l'éditorial du NYT, quand la résolution sur la commission d'enquête a été présentée, Netanyahu et tous les ministres de son cabinet ont voté contre. Les factions religieuses ont disparu de la Knesset. La résolution a été rejetée par une majorité des deux tiers. Mais la sinistre réalité qui est apparue, c'est que, à part Netanyahu et ses ministres captifs, tous les membres du Likoud présents ont voté en faveur de la résolution. Y compris tous les jeunes leaders du parti, la future génération de patrons du Likoud. Si le Likoud reste au pouvoir, ce groupe d'extrémistes de droite sera le gouvernement d'Israël dans les dix ans qui viennent. Et le New York Times pourra aller au diable. Heureusement, il ya des signes que quelque chose de nouveau se prépare. Cela a commencé innocemment avec une grève réussie des consommateurs de fromage blanc pour forcer un cartel de vaches grasses à diminuer les prix. Puis il y a eu l'action de masse des jeunes couples, principalement des étudiants des universités, contre les prix élevés des appartements. Un groupe de manifestants ont planté leurs tentes dans le centre de Tel Aviv et y vivent depuis plus d'une semaine. Peu après, des campements similaires se sont installés partout dans le pays, de Kiryat Shmona à la frontière libanaise à Beer Sheva dans le Negev. Il est beaucoup trop tôt pour dire si c'est une protestation ponctuelle ou le début israélien du phénomène de la place Tahrir. Mais cela montre clairement que la prise du pouvoir en Israël par un groupe de néo-fascistes n'est pas encore une chose acquise. La lutte a commencé. Et peut-être - seulement peut-être !- que même le New York Times pourrait se mettre à dire la vérité sur ce qui se passe dans ce pays. Ury Avnery , 26 juillet 2011 27 28 DURBAN 2001... DIX ANS DÉJÀ ! Le 22 septembre, l'Assemblée generaie des Nations Unies, à l'issue d'une réunion de haut niveau convoquée afin de célébrer le dixième anniversaire de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui lui est associée(1), a adoptée une déclaration politique dans laquelle les Etats participants réaffirment leur volonté de créer un monde libre de toute forme de racisme, discrimination raciale et xénophobie. Comme à Genève en avril 2009, à l'occasion de la Conférence d'examen de la mise en oeuvre des engagements pris à Durban, plusieurs Etats (occidentaux et Israël) ont décidé de boycotter cette célébration. Un sujet fort délicat Il faut le reconnaître, le racisme est un sujet extrêmement délicat à aborder par la communauté internationale. Les deux Conférences mondiales tenues à Genève en 1978 et 1983 avaient elles aussi donné lieu à de vives pOlémiques. Tout prétexte est bon pour éviter de devoir s'engager effectivement sur ce terrain. Seuls Israël et les Etats-Unis d'Amérique avaient boycotté la Conférence de Durban prétextant l'inclusion de la question du conflit israélo-palestinien dans les documents soumis à adoption. Cinq paragraphes sur les 341 que comptent ces documents invitent les parties au conflit à trouver une solution pacifique! Rien d'étonnant donc à ce qu'Israël boycotte la Conférence d'examen de Genève en 2009 et cela aurait été surprenant que la nouvelle administration Obama décide d'y participer : il y a là une logique compréhensible (mais pas nécessairement justifiable) dans la démarche de ces deux Etats. Beaucoup plus surprenante a été la posture adoptée par plusieurs pays européens qui ne se sont pas contentés d'annoncer leur boycott, mais ont entamé une véritable campagne de lobbying auprès des autres pays membres de l'UE pour qu'ils en fassent de même. Parmi ces acteurs clé : les Pays-Bas, l'Italie et la République Tchèque (à l'époque président en exercice de l'UE !) ... autant dire des pays dans lesquels les idéologies xénophobes ont trouvé un terrain fertile au sein de la classe politique dirigeante et, par conséquent, de la population. Les tours jumelles s'écroulent Trois jours après la clôture de la Conférence de Durban, le monde assiste stupéfait à l'attentat contre World Trade Center de New York. Les effets positifs escomptés pour la lutte contre toutes les formes de racisme sont réduits à néant par cet acte terroriste. Une nouvelle forme de racisme s'est développée dans les sociétés occidentales sous l'impulsion d'une administration étasunienne décidée à imposer son hégémonie dans une région géostratégique extrêmement sensible du monde : l'islamophobie. Phénomène que le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines du racisme, DoudouDiène, a analysé profondément tout au long des rapports qu'il a rendu à la Commission et au Conseil des droits de l'homme, ainsi qu'à l'Assemblée générale des Nations Unies!ZI. Les acquis de Durban Les polémiques alimentées au fil du temps autour de la Conférence de Durban ne doivent pas faire perdre de vue le travail accompli par les différentes conférence régionales de préparation qui l'ont précédée et surtout les acquis inhérents aux documents adoptés. Ceux-ci dressent un tableau détaillé des différentes formes de racisme, de discrimination (y compris multiples) et de xénophobie, de leurs victimes et de leurs causes profondes, historiques, sociales, économiques; ils indiquent enfin les pistes à sui vre et les moyens à employer pour les combattre. Le premier d'entre eux est la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale!3!, à laquelle la quasi-totalité des Etats ont adhéré, mais trop souvent en émettant des réserves - et c'est le cas de la France. Trop nombreux sont également les Etats qui ne se soumettent pas à l'obligation de présenter un rapport périodique au Comité d'experts pour l'application de la Convention ou qui n'appliquent pas les recommandations émises par ce même Comité. La Conférence de Durban a donné lieu à la création, au sein des Nations Unies, d'un Groupe de travail intergouvernementale sur l'application effective de la Déclaration et du Programme d'action qui tout au long de ses réunions a passé en revue les différents domaines de discrimination : éducation, travail, santé, etc. et a également proposé des recommandations pour prévenir et combattre ces discriminations. Un Groupe de travail sur la personne d'ascendance africaine, composé de cinq experts indépendants, a également vu le jour, à la demande de la Conférence de Durban. Là aussi, les études menées ont conduit les experts à formuler des recommandations. Enfin, un Comité ad hoc sur l'élaboration de normes internationales complémentaires sur le racisme a été créé. C'est certainement l'organe qui rencontre les plus grandes difficultés à développer ses travaux, compte tenu des oppositions persistantes, tant sur le fond que sur la forme, formulées par les pays occidentaux. Les blocages d'une nouvelle impulsion La Conférence d'examen de Genève devait être, dans l'esprit de ses promoteurs, l'occasion pour renforcer la volonté politique de combattre les phénomènes de racisme et de xénophobie. Les conférences préparatoires, notamment en Amérique du Sud et en Afrique, ont été l'occasion encore une fois d'une réflexion commune approfondie et ont offert un grand nombre de propositions concrètes. La Haut-Commissaire aux droits de l'homme, pour qui la lutte contre toutes les formes de discrimination est un des objectifs principaux de son action, avait présenté diverses propositions dont la création d'un observatoire mondiale des phénomènes racistes et xénophobes. Les manoeuvres dilatoires, d'obstruction, voire de sabotage de la part de bon nombre des Etats occidentaux non seulement n'ont pas permis la mise en oeuvre de ce projet novateur, mais elles ont failli provoquer un échec de la Conférence ellemême que seul l'obstination de quelques diplomates expérimentés ont pu éviter. Le rôle déterminant de la société civile La Conférence de Durban avait permis à chacun d'évaluer le degré de volonté politique que les différents Etats étaient prêts à investir pour combattre le fléau du racisme, depuis lors toutes les instances, politiques ou techniques, y compris la Conférence de Genève de 2009 et l'Assemblée générale des Nations Unies en ce mois de septembre, ont inlassablement réaffirmé que cette volonté doit être renforcée. Il appartient à chacun des militants anti-racistes de s'approprier les documents adoptés par les Gouvernements et d'exiger de ces derniers qu'ils mettent en oeuvre les engagements pris. Dans le contexte de l'élection présidentielle toute proche, la tenue d'assises permettant d'établir l'état des lieux des phénomènes de racisme et de xénophobie en France serait un acte fort permettant de s'attaquer aux formes structurelles du racisme, combattre la banalisation des idéologies et politiques racistes et xénophobes et de stimuler cette volonté politique qui semble faire cruellement défaut. Gianfranco FATTORINI (1) http://www.un.org/french/WCAR/durbanJr.pdf (2) http://www.ohchr.org/EN/lssues/Racism/SRRacism/ Pages/ReportsHRC.aspx et http://www.ohchr.org/EN/ Issues/Racism/SRRacism/Pages/ReportsAG.aspx (3) http://www2.ohchr.org/french/law/cerd.htm FAMINE DANS LA CORNE DE L' A.FRlaUE, LA SECHERESSE N'EXPLlaUE PAS TOUT 1 925 millions d'êtres humains souffrent de sous-alimentation dans le monde dont près du quart en Afrique subsaharienne. La famine touche 12.4 millions de personnes dans la Corne de l'Afrique (la Somalie, l'Éthiopie, le Kenya et Djibouti). Le chiffre est passé de 9 à presque 13 millions en quelques semaines. Près de la moitié de la population somalienne est en danger actuellement, dont un million d'enfants. Ce drame passe au second plan dans la presse et les médias en cette période de crise financière frappant à nouveau l'Europe et les États-Unis. Pourtant, c'est un drame humain à grande échelle, plus meurtrier encore que les révoltes en Syrie ou en Libye. Et lorsqu'on en parle, c'est pour évoquer une cause: la sécheresse sans précé- Aucune famine n'est inéluctable ... sauf lorsque les marchés financiers décident que les profits valent plus qu'une vie. dent depuis 60 ans. Or, comme le déclare Jean Ziegler (*), « ne parler que du climat est une hypocrisie totale ». La première raison est l'absence de réserve. Pourquoi ces pays n'ont-ils plus de réserves? Parce que les prix alimentaires des aliments de base (riz, maïs, céréales) ont explosé en raison des spéculations des « hedge fund » et des grandes banques. Lors de la crise financière de 2008-2009, les spéculateurs financiers se sont tournés vers les Bourses des matières premières agricoles. La tonne de riz et la tonne de blé ont doublé en un an, celle du maïs a augmenté de 63%. Les agrocarburants sont aussi cause de cette hausse faramineuse des prix. En 2010, les États-Unis ont brûlé 138 millions de tonnes de maïs pour cet usage. Brûler de la nourriture quand un enfant meurt de faim toutes les 5 secondes faute d'aliments, c'est un crime. La deuxième cause est le surendettement de ces pays ; exemple : 3,8% des terres arables d'Éthiopie sont irriguées (contre 60% en Europe). L'Éthiopie n'a pas l'argent nécessaire, en raison de la dette, pour puiser l'eau. La troisième cause est l'accaparement des terres: en 2010, 41 millions d'hectares ont été soustraits à l'usage des paysans d'Afrique subsaharienne. Les paysans sont expulsés et vont s'entasser dans des bidonvilles aux périphéries des villes, dans une misère extrême. Un enfant sous-alimenté peut être sauvé par de la nourriture thérapeutique intraveineuse

il n'y a pas d'argent pour ce type de

soins. Le budget du programme alimentaire mondial (PAM) a été réduit de moitié, mais pour sauver les banques grecques (et non le peuple grec), l'Union Européenne a dépensé 162 milliards d'euros et combien coûtent les guerres en Afghanistan, en Lybie ? Un enfant qui meurt de faim, ce n'est pas une fatalité climatique, c'est, comme le dit Jean Ziegler, « un crime contre l'humanité. » Hypocrisie supplémentaire, les réfugiés de la faim que l'Occident a fabriqués sont rejetés à la mer par Frontex, cette agence qui « contrôle» les frontières de l'Europe! En 2011, ce sont plus de 2000 migrants qui ont péri en Méditerranée! Déclaration de l'AFASPA du 4 août 2011 Une nouvelle fois les médias affichent à la Une des enfants faméliques aux yeux révulsés. Messages d'appel à la générosité publique et bientôt apparaîtront des affiches sur les panneaux publicitaires. Voudrait-on culpabiliser le lecteur ou le téléspectateur en lui cachant l'origine du mal, qu'on ne s'y prendrait pas mieux. Car ils ne sont pas légion les articles ou les émissions qui traitent de la politique agricole qui prévaut sur le continent africain, perpétuant son pillage. Pourtant ce ne sont pas les sources d'information qui manquent. En mai 2009 un rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentat~ on et l'Agriculture) pointait la progression des transactions de terres agricoles depuis 2004 en s'interrogeant sur leur finalité : accaparement ou opportunité de développement ? ... De nombreuses ONG ont alerté sur les drames qui apparaissent déjà: Via Campesina, CCFD Terre Solidaire, Oxfam Grande Bretagne... Les terres agricoles africaines sont devenues l'objet d'énormes profits d'exportation dans l'alimentaire et l'agro carburant. Madagascar, le Mali, le Mozambique, le Soudan, le Ghana, le Kenya sont dépecés de terres agricoles ... en Éthiopie, l'État a accordé 3,6 millions d'hectares de terres dans l'Ouest du pays pour des périodes de 30 à 100 ans contre un loyer annuel dérisoire de 4,3 euros par hectare. Cette razzia s'effectue sans consultation des paysans et au mépris de leurs droits légaux ou coutumiers. Elle est cause de l'envol des prix des produits agricoles et conduit à des spéculations criminelles au moment de la période de soudure. C'est ce qui contraint actuellement les Somaliens à quitter leurs régions pour rejoindre les points de distribution des donateurs comme en ont témoigné des déplacés au micro de RF!. Il existe pourtant des pare-feu aux sécheresses qui ne sont pas nouvelles en Afrique. Ce n'est pas le manque de denrées qui cause la situation actuelle, mais elles sont trop chères pour les populations. Les spéculateurs constituent des stocks lors des récoltes pour faire danser les prix à l'époque de la soudure. Les céréales ont augmenté de 270% dans la région où la famine sévit. Pourtant il est possible d'effectuer des investissements non spéculatifs pour revendre ces prOduits ultérieurement à des prix abordables ; mais cela s'organise, et c'est de la responsabilité des pouvoirs publics locaux et d'une véritable politique de coopération en développant les infrastructures et l'agriculture vivrière. Pour sa part la communauté internationale devrait tirer enseignement de cette situation pour se saisir sérieusement de la question de l'accaparement des terres qui est cause des famines et des conflits dans cette région de l'Afrique. Une situation qui pourrait aussi se propager ailleurs en Afrique et dans le monde. Il est donc nécessaire de mettre fin au dumping agricole que l'Europe mène et qui contribue à détruire la paysannerie africaine. Dans l'immédiat, il convient de porter secours d'urgence aux populations en grand danger. Pour toute la région les besoins sont estimés à 1,2 milliards de dollars. Les fonds devraient être trouvés aussi facilement que pour les bombardements en Libye et autres terrains d'interventions armées pour lesquels aucun appel aux dons n'a été nécessaire. Une crainte: la situation actuelle et les commentaires des médias rappellent étrangement l'année 1992 au cours de laquelle Bernard Kouchner avait lancé son opération écran de fumée «un sac de riz pour la Somalie». Elle visait en réalité à préparer le débarquement militaire américain filmé (par des cameramen présents sur la plage avant même l'arrivée des porte-avions). Serions-nous à la veille d'une nouvelle intervention occidentale dans cette région de l'Afrique où la misère et le sous-développement ont entraîné la déliquescence de l'État somalien et conduit des pêcheurs sans perspective à trouver ressource dans les actes de piraterie et les prises d'otages

  • Jean Ziegler a occupé la fonction de rapporteur spécial

pour le droit à l'alimentation au Conseil des Droits de l'Homme de l'ONU de 2000 à 2008. 29 30 LÉONARD PELTIER, UN DES PLUS ANCIENS PRISONNIERS POLITIQUES AU MONDE, EST EN DANGER! « Je n'ai pas de présent Je n'ai qu'un passé et, peut-être, un futur. On m'a pris mon présent» - Léonard Peltier Léonard Peltier, Indien Anishinabe/Lakota- Sioux, est incarcéré depuis 1976 aux USA pour un crime qu'il n'a pas commis. Amnesty International le considère comme un prisonnier politique, qui «devrait être libéré immédiatement et sans condition». Il est une des victimes de la guerre cachée menée par le gouvernement américain et le FBI contre l'American Indian Movement (Mouvement Indien Américain - AIM), un mouvement militant amérindien, inspiré par les pratiques des Black Panthers. Au début des années 1970 le FBI, utilisant son programme de contre-espionnage interne (le COINTELPRO), entreprend de déstabiliser et neutraliser l'AI M, dont Léonard Peltier est l'un des dirigeants. Le 26 juin 1975, une fusillade éclate, après l'intrusion illégale de deux agents du FBI, sur une propriété de la réserve de Pine Ridge (Sud Dakota), où se trouve un campement de l'AIM. Les deux agents ainsi qu'un jeune amérindien membre de l'AIM trouvent la mort. Léonard Peltier est arrêté, inculpé des meurtres des agents et condamné à deux peines de prison à perpétuité alors qu'il n'existe aucune preuve de sa culpabilité. Depuis 1976, Léonard Peltier clame son innocence. En 1981, grâce à la Loi de Liberté d'Information, sur les centaines de milliers de pages sur l'affaire détenues par le FBI, ses avocats obtiennent la déclassification de 12000 pages. Dans ces documents se trouvent de nombreuses preuves de malversations du FBI, dont un rapport balistique stipulant noir sur blanc que l'arme attribuée à Léonard Peltier n'est pas l'arme du crime. A la vue de ces nouveaux éléments, une demande pour l'obtention d'un nouveau procès est déposée. Le gouvernement américain, par la voix de son procureur, reconnaît alors qu'il « ne peut pas prouver qui, en particulier, a tué les agents. » Malgré cela, à cause d'une «technicité judiciaire», la demande d'un nouveau procès est rejetée par plusieurs Cours d'appel successives. Léonard Peltier est devenu le symbole de la résistance des peuples indigènes au USA , PEUPLES AMERINDIENS niveau international. Il est soutenu par Nelson Mandela, Desmond Tutu, Rigoberta Menchù, Robert Redford, le Souscommandant Marcos, Madame Danièle Mitterrand, le Parlement Européen et par plusieurs millions de personnes à travers le monde. Aujourd'hui le calvaire de Léonard Peltier s'intensifie. En juin dernier, alors incarcéré dans la prison fédérale de Lewisburg en Pennsylvanie, il a été mis à l'isolement carcéral sans raisons majeures. Agé de 65 ans, ayant passé plus de la moitié de sa vie en prison et souffrant de problèmes de santé importants (diabète, insuffisance cardiaque, problèmes de vision et à la mâchoire ... ), Léonard Peltier est en danger, selon ses proches et son équipe légale. Tout l'été dernier, il a été enfermé 23h sur 24. La température dans sa cellule (où la fenêtre ne pouvait pas s'ouvrir) a varié de 38 à 40 degrés, poussant tous les prisonniers mis en isolement à dormir par terre, la tête contre le sol, afin d'essayer de trouver une peu de fraîcheur. Un prisonnier, incarcéré dans les mêmes conditions, a tenté de se suicider pendant les mois les plus chauds de l'été. Cette situation peut être considérée comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant, interdit par l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. A la fin de son isolement carcéral, Léonard Peltier a été transféré le 15 septembre dernier, dans le secret le plus total, au pénitencier fédéral de Coleman en Floride (à 3300 km de sa réserve, de sa famille, de son équipe légale et de son comité de défense, le Léonard Peltier Defense/ Offense Committee - LPDOC). Dans cette prison, les guerres de gangs font rage: en mars dernier, toute la section de « Coleman 1 » a été mise en isolement complet à cause d'une bagarre entre différents gangs. Cette dernière n'avait cessé qu'après des tirs à balles réelles des gardes en faction sur les prisonniers présents dans la Cour de promenade. Ce pénitencier est aussi connu pour le cas d'Erin Sharma, une gardienne de la prison qui a été condamnée en 2009 à perpétuité pour avoir organisé le tabassage à mort d'un prisonnier avec lequel elle avait eu un différend. Afin de briser le silence autour de la situation actuelle de Léonard Peltier, son Comité de défense lance une nouvelle campagne internationale (récolte de dons pour soutenir l'équipe légale, une marche pour la justice qui traversera les Etats-Unis d'Ouest en Est et qui devrait se terminer devant la Maison Blanche à Washington DC, une nouvelle demande de grâce présidentielle ... ). En janvier 2001, le président Bill Clinton, cédant à la pression du FBI, n'avait pas eu le courage politique de rendre la liberté à Léonard Peltier, en évitant de lui accorder une grâce le dernier jour de son mandat. Espérons que le Président Obama, qui a aujourd'hui tous les pouvoirs pour réparer les erreurs commises par le gouvernement américain par le passé contre les peuples amérindiens, aura lui ce courage politique. La libération de Léonard Peltier serait un pas important vers la justice, la réconciliation, l'amitié entre les peuples et un message fort pour la reconnaissance des peuples amérindiens et de leur histoire passée et présente au sein de la société américaine. Comme le disait Martin Luther King : (( Une injustice quelque part dans le monde est une menace pour la justice où qu'elle soit. ». Il est temps d'obtenir justice et liberté pour Léonard Peltier. Sylvain DUEZ'ALESANDRINI Membre du Comité de solidarité avec les Indiens des Amérique (CSIA-Nitassinan) et coordinateur en France du Groupe de soutien à Léonard Peltier (LPSG) ACTION Pour de plus amples informations sur le cas Peltier, pour rejoindre son comité de soutien ou faire un don à la campagne aux USA (chèque à l'ordre du « CSIA », mention « Peltier» au dos), vous pouvez contacter: Groupe de soutien à Léonard Peltier cio Comité de soutien aux Indiens des Amériques, 21ter rue Voltaire, 75011 Paris Téléphone : 0143730580 - Email : freepeltier@no-Iog.org - www.csia-nitassinan. org Site du LPDOC - aux USA (en anglais)

www.whoisLéonardpeltier.info

Vous pouvez également venir chaque mercredi, de 18h à 20h, au rassemblement de soutien à Mumia Abu-Jamal et Léonard Peltier, ainsi que pour l'abolition de la peine de mort, devant le Consulat des Etats-Unis, place de la Concorde (angle rue de Rivoli/Jardin des Tuileries), à Paris. Pour en,savoir plus sur le cas Peltier: lisez cc Ecrits de Prison-- Le combat d'un Indien », de Léonard Peltier, Éditions Albin Michel --14,50 Euros Echos comités locaux Franche-Comté GROUPUSCULE D'EXTRÊME DROITE EN FRANCHE-COMTÉ Un beau matin de février 2010, après la Suisse et son référendum contre les minarets, la Franche-Comté voit apparaître des affiches de la Ligue Comtoise sur les murs des villes :« La ligue Comtoise, NON aux mi~arets ! » présente une liste pour le Doubs aux élections du Conseil Régional. Bien sûr, le Comité local du MRAP proteste par voie de presse, demande aux pouvoirs publics une plus grande vigilance et rappelle que les propos incitant à la haine raciale, à la violence ou à la discrimination peuvent être poursuivis en justice. Un beau matin de janvier 2011, apparaissent de larges banderoles au dessus des autoroutes de Montbéliard, Sochaux et de la région: « Rejoins les tiens: www. front-Comtois.com », appel accompagné du sigle d'Occident. Ceci après des provocations à Besançon contre le droit d'avorter et à Sochaux et Belfort contre la construction d'une mosquée. Sous couvert d'une association de défense du patrimoine (sites, vins, fromages ... ), le Front Comtois est enregistré en sous-préfecture comme association Loi 1901. Il réserve une salle municipale à Montbéliard et invite Serge AYOUB (alias BATSKIN), sulfureux néo-nazi, à y tenir une conférence. De plus, la ville se couvre d'affiches: « Ici, c'est le Comté, pas Alger. », « Islam hors d'Europe! » ou autres slogans du même genre. Bien sûr, le MRAP proteste, mais cette fois, il n'est plus seul: un collectif de 12 associations, partis, syndicats se forme et organise une manifestation contre la venue de S. Ayoub et la tenue de cette conférence. La municipalité (socialiste) prend enfin conscience de l'enjeu et envoie la pOlice pour éviter l'affrontement. Ambiance lourde, tendue. À 23h30, le clan Ayoub quitte la ville et chacun rentre chez soi. Quelques visites du site Internet du Front Comtois, quelques réunions et rencontres, et nous envoyons une plainte au procureur pour incitation à la haine raciale par voie d'affiches ainsi que par site Internet. Le temps passe. Les affiches disparaissent. Le site ne présente plus les insultes et propos diffamants habituels. Puis nous apprenons que le Procureur de la République a ouvert une enquête contre le Front Comtois. Début juillet, les signataires de la plainte envoyée au procureur reçoivent un AVIS d'AUDIENCE pour le 8 septembre 2011 pour y être entendus en qualité de victimes dans la procédure concernant Gaëtan PERRET, président de l'association « Front Comtois » et 7ème sur la liste de la Ligue Comtoise ... Juillet est mouvementé: départs en vacances, réunions, réflexions, recherche d'un avocat, décisions: nous appellerons à un rassemblement devant le tribunal, nous organiserons une conférence de presse auparavant, nous confectionnerons des banderoles ... Jeudi 8 septembre: grand pique-nique des opposants au Front Comtois devant le Tribunal. Une centaine de personnes sont venues nous rejoindre à midi, avant de retourner au bureau, à l'école ou à l'usine, montrant ainsi le même attachement que nous aux valeurs qui fondent notre République. 14h : nous entrons dans la salle d'audience avec notre avocat, mais la partie adverse n'est pas là : personne pour représenter le Front Comtois. Leur avocat n'aurait pas eu le temps d'étudier le dossier ... Renvoi au 8 décembre 2011. Nous nous préparerons; et nous serons là chaque fois qu'ils colleront des affiches dans nos rues, chaque fois qu'ils voudront faire une réunion dans nos salles, soutenus par un collectif déterminé. À suivre, bien sûr! RAPPORT «GENS DU VOYAGE : POUR UN STATUT PROCHE DU DROIT COMMUN» Le rapport « Gens du voyage: pour un statut proche du droit commun» a été remis le 28 juillet 2011 au Premier ministre par le sénateur Pierre Hérisson, président de la Commission nationale consultative des Gens du voyage. « A l'automne je ferai une proposition de loi afin de replacer toutes les questions relatives aux Gens du voyage dans le cadre de la loi Besson révisée », déclare le parlementaire en mission en précisant: « Je ne sais pas si le gouvernement s'emparera ou non de ce dossier ». Les 24 propositions de ce rapport de 60 pages passent en revue le principe d'une loi unique englobant tous les aspects de la vie des Voyageurs par une révision des lois du 5 juillet 2000 et du 3 janvier 1969. Les communes de rattachement, le droit de vote, les titres de circulation, les aires d'accueil, les terrains familiaux, les aires de grands passages, les compétences des intercommunalités, l'éducation, les assurances, la gouvernance et un débat sur la reconnaissance du génocide tsigane pendant la seconde guerre mondiale forment les grandes parties de ce rapport. Sur certains points il s'appuie sur des revendications d'associations d'élus, sur d'autres il prend en compte des remarques d'associations d'usagers. Nos interrogations portent tout d'abord sur la façon de concevoir le « droit commun » et nous attendons de voir comment et dans quels délais il sera présenté pour un éventuel projet de loi. Nous reviendrons sur ce rapport quand nous aurons les réactions et les analyses des différents intéressés. Vous pouvez trouver ce rapport sur le site de « Dépêches tsiganes» http://www.depechestsiganes.fr/?p=1106 31 32 Echos comités locaux Tourcoing OCTOBRE EN COULEURS : DES INITIATIVES POUR MIEUX VIVRE ENSEMBLE Chaque année à Tourcoing, des hommes et des femmes de toutes conditions, de toutes origines, prennent des initiatives pour la citoyenneté. Dans les quartiers, dans les écoles, dans les associations, tous se mobilisent pour mieux vivre-ensemble. Ce mois d'octobre 2011 vit un programme riche en couleurs. 8 octobre, MJC du Virolois : projection-débat autour du film« Barcelone ou la mort» d'Idrissa Guiro. 14 octobre, Village associatif« citoyenza»: animation autour du jeu « Latcho Drom» ; 19h30, Maison des services : projectiondébat avec les réalisateurs du film « Les jardiniers de la rue des martyrs ». Echos comités locaux Bassin minier « Nord Pas-de-Calais» 17 octobre 19h30, Cinéma les Ecrans, espace St Christophe: commémoration du 17 octobre 1961 ; projection-débat autour du film« Ici, on noie les algériens », documentaire de Yasmina Adi. 19 octobre, MJC du Virolois : visioconférence Tourcoing/Gaza. Serge et Annie Charton LES MINEURS MAROCAINS SE CONFIENT ... Un arrêt de la Cour d'Appel de Douai a confirmé ce printemps un jugement prud'homal alignant la condition des mineurs dits « marocains» sur le statut générai des mineurs (en termes de gratuité de logement et chauffage, spécialement). Ces décisions s'appuient expressément Echos comités locaux Strasbourg sur un avis de feu la HALDE, lequel énonçait que cette différence de statuts constitue bien une discrimination. Cette actualité méritait que le MRAP vînt à Méricourt (27 juillet 2011) mettre en lumière les mineurs marocains, leur vécu, leurs combats. Il le fit à travers deux films de Louisette Faréniaux, engagés et sensibles, laissant la part belle à la parole libérée: « Sur le Carreau» et « Au Pays des 1001 Puits ». Parmi les invités, Abdellah Samate, président de l'AMMN (Association des Mineurs Marocains du Nord). Mais aussi des enfants de mineurs d'origine européenne (évidemment nombreux dans la région). Au fil des interventions, tous étaient à l'unisson. Sujet sensible dans le Bassin Minier où les divisions ont été entretenues sur fond de « mort annoncée » des mines. Aujourd'hui la mine, vivace dans les coeurs, constitue une réalité sociologique - que n'ont pas enterrée les programmes pOlitiques - portant un vivreensemble, évident ce soir-là. Abdellah Sa mate, mutilé dans sa chair par la mine, vibre d'humanité en évoquant son inlassable chemin vers ses « frères mineurs ». Ce témoignage qui a« réconcilié» chacun vaut bien des débats dialectiques auxquels nous assigne souvent le FN. Fabrice Lebrun LA SITUATION DES KURDES EN TURQUIE Le 6 octobre « Les Amis du peuple Kurde »,« La maison de Mésopotamie », le comité local du MRAP de Strasbourg et d'autres associations organiseront une réunion - débat qui portera notamment sur la situation des Kurdes en Turquie. Des Syriens ont assisté au débat sur la Libye, puis sur la Syrie au Parlement européen grâce à un travail du MRAP. Le comité local a signé l'ap- Photo de Atmf Strasbourg -Rassemblement: Solidarité avec le peuple syrien 14.9.11 pel des Syriens à ma n ifester deva nt le Parlement européen à l'occasion du débat et du vote d'une résolution par cette assemblée. En tant que membre du MRAP, j'ai contacté le bureau de la députée européenne Nicole Kill-Nielsen (Europe Ecologie-Les Verts) et j'ai réussi à faire admettre une délégation comprenant 8 Syriens et moi-même pour assister à la séance. Alfred Zimmer, président du comité de Strasbourg Echos comités locaux Paris 19· - Paris 20· LA SEMAINE DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE À PARIS (1ge) DU 12 AU 21 NOVEMBRE 2011 Pour la 3ème année consécutive le comité local Paris 19-20 participera à la semaine dans le 19ème_ Après le thème du développement en Bolivie en 2009 et l'eau en Palestine en 2010, le comité local du MRAP 19ème - 20éme a choisi cette année pour thème: « La situation des Roms, hier et aujourd'hui ». Le comité local présentera deux initiatives: En primeur, l'exposition sur les Roms que les membres de la Commission TGV (Tsiganes, gens du voyage) du MRAP préparent pour compléter et réactualiser celle autour des Gens du Voyage. L'exposition présentée du mardi 15 au samedi 19 novembre à la Maison des associations ,22 rue Edouard Pailleron Paris 19° (métro Bolivar ou Jaurès) Le comité va également s'investir auprès de classes pour sensibiliser les Echos comités locaux Allier élèves et présenter la nouvelle exposition notamment durant cette semaine, mais aussi, au-delà. Contact: mrapI9-20@laposte.net La troupe nantaise « Théâtre d'ici et d'ailleurs » présentera son nouveau spectacle: « À Ciel ouvert », le samedi 19 novembre à 19 heures au Centre d'animation de la Place des Fêtes. 2 rue des Lilas Paris 19ème (métro place des fêtes). Entrée gratuite. « À Ciel ouvert» est un bouquet drôle et émouvant de témoignages mélangeant Roms migrants de Roumanie et militants, citoyens, enseignants, personnel soignant, et enfants d'ici ou d'ailleurs... Des chants traditionnels Tsiganes et deux extraits relatifs au génocide nazi viennent illustrer ces paroles «à ciel ouvert» dont la folle LES FEMMES IMMIGRÉES La compagnie « À ciel ouvert » Par le filtre du théâtre, il s'agit de rendre vivantes toutes ces paroles croisées afin de mieux les entendre car le propos est bien de provoquer par une restitution diversifiée, un échange entre toutes les parties pour mieux se connaître. Le spectacle sera suivi d'un débat avec les comédiens, des militants du MRAP et d'autres membres du réseau Migreurop. S1NVITENT DANS LE THÉÂTRE D'EURIPIDE. La compagnie A VOIX HAUTE revendique un théâtre interactif et trouve dans les pièces antiques, matière à une réflexion pour aujourd'hui: les femmes dans la guerre, les femmes otages, les femmes soumises aux plus forts, les femmes sacrifiées. La pièce « les TROYENNES» a été adaptée par la troupe pour accueillir la parole et les chants de deux femmes immigrées, une congolaise et Echos comités locaux Auxerre une marocaine qui pleurent dans leur langue maternelle, la perte de l'enfant sacrifié. La force de la parole a impressionné un public porté par l'intemporalité des vers d'EURIPIDE. Les Cassandre, polyxène, Andromaque, Hélène ne sont elles pas des femmes d'aujourd'hui, discriminées,séquestrées, violées, sans droits, dans beaucoup de pays. UN SUPPORTER CONDAMNÉ POUR LE PORT D'UN BLOUSON ET SON RACISME REVENDIQUÉ AUXERRE, 23 juil 2011 (AFP) Le tribunal correctionnel d'Auxerre a condamné jeudi un supporter de l'AS Saint-Etienne à un an d'interdiction de stade pour avoir porté un blouson de la marque Lonsdale, prisée des néonazis, et revendiqué son racisme, a-t-on appris samedi de source judiciaire. Le jeune homme de 21 ans a été reconnu coupable de « port, dans une enceinte sportive, de signes rappelant une idéologie raciste ou xénophobe », comme le rapporte le quotidien l'Yonne Républicaine. L'infraction était constituée à la fois par le port de son blouson, sur lequel figurait en grosses lettres le nom de la marque Lonsdale, et par les propos qu'il a tenus aux policiers sur sa haine de personnes d'origine étrangère. Une telle condamnation en lien avec une marque vestimentaire est rare, a souligné le parquet d'Auxerre à l'AFP. Le supporter avait été arrêté avant un match de l'ASSE contre l'AJA, le 9 avril dernier, à Auxerre. La marque britannique de vêtements et équipements de boxe Lonsdale, créée dans les années 1960, est prisée des jeunes sympathisants d'extrême droite car le sigle qu'elle contient, NSDA, évoque celui du parti nazi allemand NSDAP. Lonsdale tente de lutter contre cette image. 33 34 Echos comités locaux Nantes SEPTEMBRE 2011 SITUATION DES ROMS À NANTES. •• En 2007, de 1000 à 1500 personnes Roms de Roumanie sont arrivées dans l'agglomération nantaise.Beaucoup d'entre elles venaient d'Italie dont elles avaient été chassées par le gouvernement Berlusconi. Elles se sont installées« illégalement» sur des terrains appartenant souvent aux collectivités territoriales: mairies, conseil général. .. Après bien des difficultés et des négociations difficiles (des comités de soutien en lien avec les associations s'étaient constitués), la Ville de Nantes avait créé 3 terrains dits conventionnés où 20 familles disposaient de mobil-homes et d'un accompagnement social (accès aux soins, à la scolarisation des enfants, accès à une formation professionnelle et à la recherche d'emplois). Les personnes qui n'avaient pu bénéficier de ce dispositif vivaient dans une très grande précarité, allant de terrains en terrains au gré des expulsions. Actuellement, ces 20 familles se répartissent en 3 groupes: - certaines sont « intégrées « : accès à un logement pérenne, à un travail, - d'autres sont reparties en Roumanie, - les dernières sont encore sur le terrain conventionné qui doit fermer prochainement. On ne sait rien de leur avenir. Depuis leur arrivée, les associations ont tissé des liens avec les Roms. La défense de leurs droits n'a jamais cessé . Quels en sont les résultats? La population Rom dans l'agglomération serait actuellement d'à peine 1000 personnes. 8 petites communes de la périphérie nantaise ont accepté de créer des terrains où des mobil-homes ou des caravanes permettent un hébergement décent. destiné chaque fois à un petit nombre de familles (de 2 à 9). Ceci s'accompagne d'un suivi social assuré surtout par des associations de bénévoles et des voisins de bonne volonté: alphabétisation, recherche de travail, soutien scolaire, accès aux soins ... Cela représente en tout une cinquantaine de familles. A Nantes et dans certaines "grosses" communes périphériques, la situation est bloquée: refus, voire hostilité des maires à toute solution d'installation pérenne. Les familles Roms occupent des terrains squattés dont elles sont expulsées régulièrement. D'où des déménagements incessants avec des caravanes plus que branlantes, vers des terrains de plus en plus éloignés et dispersés : difficultés d'accès à l'école ... Médecins du Monde assure le suivi pour les soins. Mais tout devient de plus en plus difficile. En conclusion, là où les mairies sont partie prenante, il y a des perspectives positives qui s'élaborent, malgré les difficultés d'accès à l'emploi, l'isolement. Ailleurs, les collectifs et associations dépensent beaucoup d'énergie à essayer de dialoguer avec les maires, à gérer les conséquences des ordres d'expulsion: le travail du réseau d'avocats qui défendent les étrangers permet quelquefois d'obtenir des délais prononcés par le Tribunal. Il Y a aussI a gérer évidemment le stress des personnes Roms. La plupart d'entre elles expriment leur volonté de vivre en France pour y trouver un emploi, y élever leurs enfants. Elles souhaitent des logements; bref, elles voudraient bien vivre « comme tout le monde ». Le collectif Romeurope de l'agglomération nantaise vient de s'adresser aux élus municipaux du département. Alors que le Conseil de l'Europe insiste sur « l'importance de l'action locale et régionale pour améliorer la situation des populations Roms », les fonds consacrés à leur intégration ne sont pas utilisés car il existe des blocages tant au niveau national que local. Le collectif Romeurope demande que les élus développent « des projets innovants, pragmatiques et respectueux des Droits de l'Homme». Françoise Thoumas D'après un communiqué de Médecins du Monde de juillet 2011, les indicateurs de santé des Roms présents sur le territoire français sont alarmants. Les chiffres de l'enquête réalisée par cette ONG auprès de 281 Roms entre juillet 2010 et juin 2011 font froid dans le dos: - Seulement 38 % des personnes rencontrées possèdent un carnet de santé et 8 % ont leurs vaccins à jour. Selon Md M, cela tient à un manque d'informations, mais aussi à des déménagements forcés et répétés. - Seulement une femme sur dix est suivie pendant sa grossesse. - La mortalité néonatale (0 à 1 mois) est neuf fois supérieure à la moyenne nationale. - Des cas de tuberculose extrêmement nombreux sont relevés. L'organisation dénonce par ailleurs une «politique affichée de restriction des droits» en référence au fait que l'Aide Médicale d'État (AME) dont relèvent les Roms est payante (30 euros environ) depuis le 1er mars. 77% des Roms rencontrés par MdM n'ont pas ouvert de droit à l'AME. LES INDICATEURS DE SANTÉ DES ROMS PRÉSENTS SUR LE TERRITOIRE SONT ALARMANTS. Devant une telle situation dénoncée par Médecin du Monde comme participant d'une «intention délibérée de nuire», la riposte s'organise. A Ivry par exemple, pour subvenir aux besoins de santé dans un terrain qui abrite environ 200 personnes, Roms de Roumanie, deux événements ont été organisés: ils ont permis de recueillir des fonds importants qui seront spécifiquement dédiés à l'achat de médicaments, à des dépenses d'urgence, des soins dentaires et éventuellement au paiement du droit à l'AME. Le 9 avril, une grande journée de solidarité tsigane avec la participation bénévole du cirque et de l'orchestre Romanès a réuni 500 personnes dans une grande convivialité. Le 16 juin dernier, un autre bel exemple de solidarité a eu lieu. En effet lors de l'incendie à l'origine de la constitution de ce lieu de vie, un Rom avait perdu son instrument de travail, l'accordéon qui lui permettait de subvenir aux besoins de sa famille. Alerté par une copine du comité de soutien, Titi Robin et son ensemble sont venus jouer bénévolement dans la salle de concert du Hangar, ce qui a permis entre autres de pouvoir racheter un accordéon neuf à leur compagnon d'infortune. Mais pour autant la solidarité ne suffit pas à régler les problèmes. La sortie par le haut de cette situation est évidemment liée à des décisions politiques, en particulier l'accès au travail de ces Européens qui sont soumis à des «mesures transitoires » rendant l'accès à l'emploi pratiquement impossible avant 2014, sinon pour une liste de métiers qui vient d'être encore réduite. Ils sont privés de leurs droits fondamentaux comme l'accès à l'éducation, à la santé et au logement. Les élus locaux et départementaux se sont adressés au Préfet pour lui demander la tenue d'une table ronde avec les Roumains et leurs soutiens afin que des propositions de vie dignes soient trouvées de toute urgence. Cette démarche a été appuyée par la remise d'une pétition parrainée par de nombreuses personnalités. ROMS, UN AN APRÈS GRENOBLE ••• Le 21 juillet dernier, le Collectif National Droits de l'Homme Romeurope, dont le MRAP fait partie, organisait une conférence de presse: Roms, un an après Grenoble: hors caméras, les discriminations et les expulsions continuent... Le discours tristement célèbre tenu à Grenoble le 30 juillet 2010 par Nicolas Sarkozy stigmatisait en particulier les Roms et annonçait une vaste campagne de démantèlement des « campements illicites ». Si elle était pour la première fois exprimée au plus haut niveau de l'État, cette pression sur les Roms n'était pas nouvelle: les bidonvilles sur lesquels ils s'installent sont régulièrement démantelés, ce qui condamne les familles à une errance perpétuelle, s'oppose à leur insertion, à leur prise en charge sanitaire, à la scolarisation des enfants, etc. Rappelons que, depuis plusieurs années, ces citoyens de «seconde zone» représentent 30% des étrangers «éloignés» du territoire. La pression policière, les expulsions systématiques - parfois extrêmement violentes et à la limite de la légalité - se sont intensifiées. Loin de mettre fin à la précarité, aux bidonvilles, à la misère, cette politique ne fait qu'aggraver les difficultés sociales des Roms. Depuis l'été dernier, nombreux sont ceux qui n'ont pas pu rester spectateurs devant une politique d'exclusion de familles parmi les plus fragiles d'Europe. Des comités de soutien plus nombreux ont développé avec les familles roms des actions importantes pour s'opposer aux expulsions, apporter des soutiens humanitaires et pour tenter de développer des projets d'insertion avec des collectivités territoriales. Depuis l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l'Union européenne le 1er janvier 2007, les Roms migrants, originaires pour la plupart de ces deux pays, ont le droit de vivre et de circuler en Europe. Contrairement à la majorité des pays membres de l'Union, la France maintient des mesures discriminatoires à leur encontre. Ces dispositions transitoires rendent pratiquement impossible l'accès au travail et limitent leur droit d'installation. Elles les contraignent de fait à la précarité et sont aujourd'hui le principal obstacle à l'insertion sociale des Roms. Alors que les mesures transitoires pourraient prendre fin le 31 décembre 2011, le gouvernement français a d'ores et déjà annoncé sa volonté de les prolonger jusqu'en 2014. Par cette décision, le gouvernement français maintient délibérément des populations dans la précarité et favorise le développement des bidonvilles, de la misère sociale et de conditions de vie indignes.C'est pourquoi, avec Romeurope, le MRAP réclame la levée immédiate des mesures transitoires qui est la condition indispensable pour l'accès des Roms au droit commun. 35 36 FAMILLES ROMS EN ERRANCE : UN 11 AOÛT À MARSEILLE, D'EXPULSION EN EXPULSION ... A 6 heures 30 du matin, les familles Roms ont été chassées de Porte d'Aix, à Marseille, suite à un arrêté du tribunal donnant raison à la Municipalité de la ville. Expulsées. Pour nulle part. Et broyées, les affaires impossibles à porter sur soi. Étape suivante: le parvis de la Cathédrale Major, et nouvelle expulsion! Pas de violence. Juste la force de l'injustice. Et heureusement, le soutien d'associations, Rencontres tsiganes, et de politiques qui ont oeuvré pour une audience à la Mairie. Une proposition d'accueil en centre d'hébergement à la Madrague est examinée: elle convient peu aux familles, car l'accueil y est individuel et les horaires correspondent mal au travail des Roms (qui vivent de nos poubelles !) Par fatigue, cette proposition est finalement acceptée, les 20 familles seront accueillies dans des Algeco pour un délai de 7 jours. Douche et repas chaud ce soir du 11 août! Pendant ce temps, des élus (Conseil régional et élu municipal tendance PCF et Parti de gauche) se démènent pour trouver une voie de dialogue avec la municipalité marseillaise. Une audience est obtenue à l'Hôtel de ville, à 18h, avec Madame Servant, adjointe déléguée au droit des sols et des autorisations de construire. Les associations ne sont pas acceptées, seulement les élus et l'avocat des Roms. 18 : devant l'Hôtel de ville, les associations de soutien sont présentes, comme le 10 août où l'audience avait été refusée. Rencontres tsiganes, LDH, Médecins du Monde, MRAP, RESF ... 3 fourgons d'Emmaüs augmentent la visibilité. Présence du PCF et du Parti de gauche. 19 heures: la délégation sort, 3 élus et Dany Cohen, avocat des familles. Christian Pellicani, conseiller municipal PCF, fait un compte rendu de l'audience en soulignant le changement de ton de la Municipalité depuis la veille, changement positif qui sera confirmé par Dany Cohen. On s'achemine vers une table ronde avec les partenaires (associations ... ) pour trouver une solution pérenne à des familles qui, en Roumanie, n'étaient pas nomades, et qui, à Marseille, ont erré depuis des semaines. Le côté pédagogique à prendre en charge vis-à-vis de la population, quartier par quartier de Marseille, est mis en avant. Le projet de «Marseille 2013 capitale de la culture» l'a emporté, notamment grâce à l'idée de ville métisse. Concept à valoriser, pour gagner l'opinion! Une élue Parti de gauche au Conseil régional appelle à être très vigilants sur la tenue effective des tables rondes, car Madame Servant a bien dit que c'était J.c. Gaudin qui en déciderait au final. Donc il ne faut pas croire que c'est gagné. Nous sommes dans un rapport de forces du simple fait de la politique UMP de la Municipalité de Marseille qui applique les objectifs du gouvernement, impitoyable envers les étrangers, les pauvres, les étrangers-pauvres. Compte'rendu MRAP13, Evelyne Verlaque,le 11 août 2011 À MARSEILLE LES ROMS DOIVENT ÊTRE RECONNUS (OMME DES (ITOYENS À PART ENTIÈRE L'expulsion d'une centaine de Roms, dont une trentaine d'enfants de la Porte d'Aix le jeudi 11 août, a suscité une forte mobilisation des médias, des associations qui soutiennent les Roms et de certains élus de gauche révoltés par cette situation. Cette expulsion faisait suite à un arrêté municipal validé par le tribunal administratif. Il faisait état de «conditions d'indignité, d'une extrême précarité, d'insalubrité, sans eau ni sanitaires». Ces familles étaient arrivées là le 12 juillet ne sachant plus où aller, la plupart des espaces possibles leur étant un à un interdits. Depuis plusieurs mois, expulsion après expulsion, les conditions de survie de ces familles se sont dégradées. Comment peut-on infliger un tel traitement à des êtres humains et à leurs enfants sans qu'aucune solution alternative ne soit recherchée? A bout de forces, certaines familles ont accepté de se rendre à l'Unité d'hébergement d'urgence pour SDF de la Madrague Ville, même si ce lieu n'est pas adapté à leur situation. Elles ne pourront y rester qu 'une semaine. Suite à une mobilisation importante, un dialogue s'est engagé avec les autorités municipales. Il est urgent qu'une table ronde puisse se tenir, réunissant l'ensemble des acteurs publics du territoire ainsi que les partenaires associatifs, pour rechercher une solution pérenne à la situation dramatique de ces familles. Marseille, « ville métisse », se doit de ne pas aggraver la précarité de citoyens européens empêchés d'accéder au travail par des mesures transitoires visant les seuls Roumains et Bulgares, discriminés par des restrictions de leur liberté de circulation au point de représenter la moitié des expulsés du territoire français en 2010. Le MRAP dénonce la politique antisociale, répressive, d'expulsion des Roms mise en place en France par le président de la République et son ministre de l'Intérieur qui n'a eu pour résultat que de rejeter ces migrants européens dans une précarité encore plus grande. Au delà, une chose est sûre: le « régime transitoire» auquel la France soumet ces populations se terminera fin 2013. Dès 2014, ils devront être traités comme les autres européens: il est temps de préparer l'avenir! Le Conseil de l'Europe s'en inquiète: la Déclaration de Strasbourg sur les Roms, adoptée par la Réunion de haut niveau des États membres du Conseil de l'Europe le 20 octobre 2010, a insisté sur l'importance de l'action locale et régionale pour améliorer leur situation. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe organisera bientôt à Strasbourg un congrès des maires pour traiter de la situation des Roms et des Gens du voyage. Nous souhaitons que ce sommet apporte des réponses pour lutter contre la discrimination croissante à l'encontre des Roms en Europe et à leur marginalisation économique et sociale. Le MRAP fera tout ce qui est possible pour que les Roms soient reconnus comme des citoyens à part entière. Communiqué de la Commission Roms, Tsiganes et Gens du Voyage UNE JOURNÉE FATIGANTE ... T éréza C. m'a appelée ce matin vers 7 h, car la police était en train de la déloger. Sa fille ainée était très inquiète, parce qu'elle avait peur de perdre la valise où elle a tous ses documents médicaux (suite à une tumeur, elle a été opérée d'un oeil et elle porte une prothèse provisoire). Je suis passée les voir. Les deux petits étaient près du Magic cinéma, rangés dans un caddie de supermarché, emballés dans des couvertures, avec Nicolae (6 ans). lova (9 ans) gardait tout le monde. Téréza ne savait où aller, alors je lui ai proposé de s'installer sur la pelouse devant le terrain de foot qui jouxte l'école, le temps de trouver autre chose. Un jeune couple, intéressé par la situation, est venu filmer (elle fait un reportage, apparemment, mais dans l'urgence je n'ai pas eu le temps de prendre ses coordonnées: il semble qu'elle connaisse des membres du collectif). Immédiatement, des gens ont appelé la Mairie et la Mairie a appelé l'Inspection. J'ai eu l'Inspectrice en ligne dès le milieu d'après-midi pour me demander si je logeais des Roms dans l'école. Une famille est même allée voir la Police pour se plaindre de l'école qui ne s'occuperait que des Roms et pas des autres élèves. Une autre m'a téléphoné pour demander que leur fille soit assise loin des élèves roms de la classe. A 17 h, la police était là, pour déloger Téréza de la pelouse. J'ai pris le temps de discuter, d'expliquer et pendant que je leur faisais cours sur l'histoire des Roms au travers des siècles, Téréza a trouvé moyen de déménager en me criant de loin que P. (chargé de mission à la Mairie de Bobigny) avait trouvé une solution. Je ne sais pas ce qu'il en est, mais pour Nicolae qui rentre en CP, c'est très violent. Téréza a une tente, et je pense qu'elle va trouver un lieu où la poser. Mais j'admire son courage et sa ténacité. Amicalement. Véronique, 13 septembre 2011 .. ........................................................................................... ~ ... 37 38 , MEMOIRE ET DROITS DE L'HOMME Par Delphine Vallon-Mersali, militante du Mrap et enseignante au Lycée Pierre Mendès France à Vitrolles (13) Comment se souvenir de nos défaites ? Des moments honteux de notre histoire? Des zones d'ombre et de déshonneur ? Est-ce que l'histoire n'est pas toujours celle des vainqueurs? Est-ce que commémorer ne revient pas à réécrire l'histoire? Ce sont quelques-unes des questions que je me suis posées en assistant au superbe colloque organisé le 8 juin 2011 à la Mairie de Paris sur un thème difficile « Lieux d'internement, lieux de mémoire »*. Toute la journée, historiens et chercheurs se sont relayés pour nous présenter les différentes populations qui se sont succédé dans des camps français de 1938 à nos jours: réfugiés espagnols engagés dans la lutte contre Franco en 1938, Juifs (allemands d'abord, puis venus de toute l'Europe), Tziganes, prisonniers allemands, Indochinois entre 1939 et 1952 (ils sont à l'origine de la culture du riz en Camargue 1) et anciens supplétifs de l'armée française. Je m'attendais à ce que les débats soient centrés sur le sort des Harkis et j'avais relu 1. - ux de mémoire lieux dinternement, le , L'ut;lisation f orcee des Travailleurs indochinois en Camargue Pendant la Seconde guerre mondiale Colloque du 8 juin 2011 à l'hôtel de vIlle de Paris à la hâte le très beau livre de la présidente de l'association organisatrice Harkis et Droits de l'Homme (HDH), Fatima BesnaciLancou, intitulé « Fille de Harki ». En réalité, il ne s'agissait pas d'une journée de réflexion sur l'internement des seuls Harkis mais sur l'internement de toutes les communautés qui ont connu un sort comparable dans des camps français au cours de notre histoire. Et elles ont été très nombreuses. Les circonstances et les conditions de leur internement nous ont été exposées, à la fois par des chercheurs, des témoins comme les mil itants de la CIMADE et des descendants de victimes. C'était passionnant parce que certains de ces groupes sont très peu connus, comme par exemple les enfants issus d'unions entre des soldats français et des Indochinoises. Mais ce qui a retenu toute mon attention et qui m'a le plus touchée, a été de voir comment une association culturelle pouvait ainsi dépasser les limites de l'action communautaire pour aller à la rencontre des autres et interroger l'humain à travers cette expérience inhumaine qu'est l'internement. Plusieurs intervenants ont d'ailleurs salué HDH pour avoir fait le pari de l'intelligence et de la rigueur scientifique contre celui de la concurrence mémorielle. Le souci de tous les intervenants était de lutter contre une « simplification de l'histoire », de mettre en évidence une communauté de malheur, certes, mais surtout d'informer, de rappeler les faits sans hiérarchiser les drames. Différents types de camps ont été définis selon leurs fondements juridiques et leur fonction. On a ainsi distingué entre camps de concentration, camps de « relégation », d' « assignation », de « transit », de travail et aussi camp militaire (comme cela a été le cas pour les Vietnamiens, placés sous la tutelle du Ministère de la Défense et du Travail). Le flottement terminologique observable dans les textes officiels et les r circulaires administratives traduit bien le malaise idéologique des gouvernements français successifs sur la question des « étrangers indésirables» et témoigne du racisme qui a longtemps prévalu. Ainsi, un des objectifs avoués aux premières heures du regroupement des Harkis dans des camps comme st Maurice l'Ardoise ou Rivesaltes était de « protéger» ces populations, mais aussi et surtout de protéger l'ordre public. On notera que le fondement juridique à cet internement massif n'est autre qu'un décret de 1938 qui vise des personnes non pour ce qu'elles ont fait (ou sont présumées avoir fait) mais pour le danger potentiel qu'elles représentent aux yeux de l'Etat du seul fait de leur présence sur le sol français. Ce n'est qu'en 1974, avec la révolte des enfants de Harkis, que le grand pUblic découvrira dans quelles conditions déplorables cette communauté a été maintenue en marge de la société française. Le sort des autres populations internées en France au cours du XXème siècle reste toutefois peu documenté et on ne peut que saluer l'initiative de HDH qui a contribué en organisant ce colloque à faire connaître leur histoire. J'ajoute que ce colloque s'est tenu début juin, alors que les images des réfugiés de Lampedusa en Italie étaient encore dans tous les esprits. Pourtant le débat est resté en grande partie tourné vers le passé. Personne n'a souhaité faire le lien entre ces camps d'internement et nos centres de rétention actuels. On peut se demander si c'était pour éviter de prendre position sur un sujet d'actualité trop brûlant, celui de l'immigration, ou par peur d'être récupéré politiquement. Pour compréhensible qu'elle soit, cette méfiance envers la classe et l'actualité politiques m'a posé problème. A mes yeux, cela risque de dissuader les enfants des ex-colonisés de prendre la place qui leur revient dans les institutions politiques françaises et par là de les écarter de l'exercice du pouvoir. Or la mémoire est un enjeu de pouvoir, il suffit pour s'en convaincre de voir l'émoi qu'a suscité à Marignane le démantèlement d'une stèle érigée à la gloire de militants de l'OAS ou le choix de certains noms de rue à Vitrolles. En Espagne aussi, la basilique franquiste de la Valle de los Caidos fait actuellement l'objet de vives polémiques, et rappelons qu'en 2006, dans la foulée de la loi mémorielle de 2005 sur les bienfaits de la colonisation, la ville de Marseille avait envisagé de construire un mémorial national de la France d'Outre-mer. A l'époque, le MRAP s'y était opposé en dénonçant un outil idéologique qui risquait d'enflammer la guerre des mémoires. A l'occasion d'un colloque qui s'était tenu le 21 octobre à la Faculté st Charles, nous avions plaidé pour un projet différent qui inclurait l'histoire des colonisés et remplirait une véritable mission scientifique. C'est précisément en organisant des journées d'échanges entre chercheurs, témoins et acteurs de notre histoire comme le colloque « Lieux d'internement, lieux de mémoire» que pourront émerger les conditions nécessaires à la réconciliation et au vivre ensemble. Gageons que les membres du conseil scientifique du futur centre pédagogique du Camp des Milles situé à quelques kilomètres de Marseille et d'Aix-en-Provence auront à coeur de réussir le même pari. · pour consulter la liste des intervenants et lire un résumé des interventions: http://www.harkLnet:article_print.php?id=561 BIBLIOGRAPHIE de Fatima Besnaci-Lancou : Fille de harki, Éditions de l'Atelier, (2003), 2005 (préface de Jean Daniel et Jean Lacouture, postface de Michel Tubiana). Témoignage et regard d'écrivain, dans Lila Ibrahim-Lamrous, Catherine Milkovitch-Rioux (dir.), Regards croisés sur la guerre d'Algérie, collection « littératures », Presses Universitaires Blaise Pascal, 2005, pp. 245-249. Nos mères, paroles blessées - Une autre histoire de harkis, Éditions Zellige, 2006 (préface de Claude Liauzu). Treize chibanis harkis, éd. Tiresias, 2006 (préface de Gilles Manceron, postface d'Amar Assas). Avec Gilles Manceron, Les harkis dans la colonisation et ses suites, Éditions de l'Atelier, 2008 (préface de Jean Lacouture). Avec Abderahmen Moumen, Les harkis, Éditions Le Cavalier Bleu, collection « Idées reçues », 2008. Le rapatriement vu par une femme de harki, témoignage recueilli par Fatima Besnaci-Lancou, dans C. Harrir, J.J. Jordi, A. Perroy (dir.), Les valises sur le pont - La mémoire du rapatriement maritime d'Algérie - 1962, Marines éditions, 2009. Des vies - 62 enfants de harkis racontent (dir.), éd. de l'Atelier, 2010 (préface de Boris Cyrulnik). Avec Benoit Falaize et Gilles Manceron (dir.), Les harkis, Histoire, mémoire et transmission, préface de Philippe Joutard, Ed. de l'Atelier, 2010 39 40 PAS DE VACANCES POUR LES PERSONNES SANS PAPIERS ET LEURS SOUTIENS 1 Pendant l'été, dans la région nazairienne, les Collectifs de Soutien aux Personnes Sans Papiers (CSPSP) et Uni-Es Contre une Immigration Jetable (UCIJ) n'ont pas chômé! Alors que nous apprenions, par la coordination grand-ouest des sans-papiers, l'arrestation et la conduite en Centre de Rétention Administrative (CRA) de familles entières, les Collectifs nazairiens se sont mobilisés à deux reprises pour protéger deux familles demandeuses d'asile et habitant Saint-Nazaire. Il s'agit de deux familles aux histoires un peu similaires car venant d'Azerbaïdjan et avec un des parents d'origine arménienne. Ces deux familles ont été en butte dans leur pays à des persécutions qui vont parfois jusqu'à l'assassinat. De nombreux rapports internationaux mettent en évidence le racisme entre azéris et arméniens s'exprimant avec une grande violence dans leurs pays. L'histoire de ces pays, avec la guerre du Haut- Karabagh en toile de fond, peut nous éclairer sur cette situation. Et pourtant. l'asile a été refusé à ces deux familles, les preuves (personnelles) apportées n'étant pas estimées suffisantes par l'Office Français de Protection La manifestation du 19me anniversaire de l'évacuation de l'église Saint Bernard du samedi 27 août 2011 a rassemblé environ 1500 personnes qui ont marché de la place de la République jusqu'à l'église Saint Bernard sous une pluie battante, ce qui n'a pas découragé les manifestants. Beaucoup de forces policières aux abords de l'église. Les manifestants scandaient des slogans comme: « Arrêt des contrôles au faciès », « Arrêt des expulsions », « Régularisation de tous les sans des Réfugiés et Apatrides (OFPRA). C'est lorsque ces familles reçoivent le dernier refus que le Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile (CADA) leur envoie un courrier leur demandant de quitter aussitôt leur logement! - Où peuvent aller ces familles, l'une avec deux filles de 9 et 2 ans, l'autre avec 3 enfants de 5 ans, 3 ans, 9 mois alors qu'elles n'ont ni autorisation de travail, ni revenu et qu'elles risquent la mort en retournant dans leur pays? - Comment peuvent-elles continuer leurs démarches pour régulariser leur séjour? Et notamment faire un ré-examen des demandes d'asile, de nouvelles preuves leur étant parvenues entre temps. Après le 22 mars 2011, ce fut une nouvelle fois le 8 août, la presse étant présente y compris FR3, que les Collectif UCIJ et CSPSP ont pu mobiliser une trentaine de personnes au pied des immeubles des quartiers ouest de Saint-Nazaire. Elles ont bloqué l'accès au logement. Les personnes représentant le CADA venues pour obtenir les clefs et faire l'état des lieux n'ont pu que constater qu'elles ne pouvaient pas pénétrer dans les appartements pour ce faire ! Soulagement des familles! Même si, dorénavant, elles doivent toujours vérifier avant d'ouvrir leur porte, si ce n'est pas la police qui vient les chercher! Angoisse perpétuelle ! Mais elles savent que nous répondrons présents pour empêcher l'inacceptable. Le Collectif UCIJ a également été à l'initiative d'un parrainage républicain le 1er juillet à la mairie de Saint-Nazaire, avec le soutien et la participation des élus du Parti Socialiste, du Parti Communiste, des Divers Gauche et d'Europe Écologie Les Verts, en présence de nombreu-ses-x militant-es. Il a sollicité également le soutien de nombreux élus (députées nationale et européenne, Président de Conseil Général). Les Collectifs nazairiens sont heureux de constater que la solidarité est toujours à l'oeuvre, même en plein été! Ils savent néanmoins que la mobilisation ne doit pas faiblir car il reste à obtenir dans un premier temps la régularisation de ces familles, alors que les restrictions au droit d'asile et à l'accès au séjour sont de plus en plus fortes de la part du gouvernement. Ceci sans perdre de vue l'objectif final: le droit de circulation et d'installation pour tous et toutes, revendication qui cimente nos Collectifs nazairiens. Marie·Elisabeth Allaire .... 15 ANS APRES! HIER LES SANS PAPIERS À L'ÉGLISE ST BERNARD DEMAIN LES SANS PAPIERS EN CAMPAGNE 2012 A L'ÉLYSÉE POUR CC LA RÉGULARISATION DE TOUS LES SANS PAPIERS » papiers par la délivrance de la carte de 10 ans» et '« Fermeture des Centres de Rétention Administrative» (C.R.A). Quelques dates essentielles de 1996 : Le 18 mars, 300 personnes (hommes, femmes et enfants) en situation irrégulière qu'on surnommera bientôt les sanspapiers de st Bernard, décident de sortir de l'ombre en occupant successivement l'église Saint Ambroise (18 au 22 mars 1996), le Gymnase Japy (24 au 25 mars 1996), la Librairie de la LCR (du 25 au 26 mars), le siège de Droits Devant (26 au 27 mars), le local paroissial de st J.B de la Salle (27 au 29 mars 1996), les locaux de SUD PTT (du 29 mars au 10 avril), la Cartoucherie de Vincennes (du 10 avril au 28 juin), les Entrepôts SNCF de la rue pajol et l'église Saint Bernard (28 juin au 23 août). Le 23 août, la Police défonce à coups de hache la porte de l'église Saint Bernard pour déloger, sous l'oeil des caméras, les dix grévistes de la faim et les familles qui LES SANS PAPIERS DE SAINT BERNARD y campent depuis plus de 50 jours. Cette évacuation brutale par 1 000 CRS reste gravée dans toutes les mémoires. La solidarité active avec les sans papiers s'amplifie alors tant parmi les associations de défense des droits de l'homme, que parmi les syndicats, les partis politiques, les artistes et les intellectuels. Le 20 juillet, 50 participants représentant 14 collectifs de sans papiers et collectifs d'associations qui les ont soutenus répartis sur 13 départements se constituent en Coordination Nationale des collectifs de sans papiers. Une conférence de presse a été organisée le 25 août 2011 pour rappeler le 15ème anniversaire de l'évacuation de l'église Saint Bernard et la création de la Coordination Nationale des Sans Papiers. Une militante du MRAP, présente lors de l'occupation et de l'évacuation de l'église Saint Bernard, a mis à la disposition du collectif ses archives personnelles et a conçu une exposition de 46 panneaux avec des photos et des articles de la presse de l'époque : on y voit l'Abbé Pierre, les Professeurs Léon Schwartzenberg et Théodore Monod, aujourd'hui décédés, combattants infatigables aux côtés des sans papiers, Stéphane Hessel, animateur du « collège des médiateurs des sans papiers» qui, à 93 ans, nous demande de nous indigner par une insurrection pacifique, aussi bien que Marina Vlady, Emmanuelle Béart. Depuis lors, en France, cette lutte pour la régularisation de tous les sans papiers n'a jamais cessé. Diverses actions collectives ont été menées (grèves des travailleurs sans papiers, manifestations, occupations) : 2002 : Occupation de la Basilique de St Denis ; 2002: Marche de Marseille à Paris; 2003: Marche du Havre à Rouen; 2004: Marche de Bruxelles à Paris; 2006: Lutte des 1000 de Cachan; 2008: Occupation de la Bourse du travail; 2009 : Occupation de la CPAM, rue Baudelique à Paris; 2010: Marche de Paris à Nice à l'occasion de la Commémoration de l'indépendance de 13 pays africains; 2011 : Participation au Forum Social Mondial de Dakar. Ces diverses actions ont permis de nombreuses régularisations, mais la lutte doit continuer afin d'obtenir: - la régularisation globale de tous les sans papiers par la délivrance de la carte de 10 ans; - la fermeture des C.R.A. ; - l'arrêt des contrôles au faciès; l'arrêt des expulsions; - l'abrogation des lois composant le CESEDA; - la suppression des Accords bilatéraux de réadmission; la reconnaissance de la liberté de circulation et d'installation. Les Sans Papiers et leurs soutiens ne sont pas résignés. Ils lutteront jusqu'au bout pour demander la régularisation globale de tous les Sans Papiers. Et maintenant chantez avec nous, « Laissez passer les sans papiers », le célèbre titre écrit par Gainsbourg, chanté par Régine et détourné pour la cause. N CAMPAGNE (SUITE) Laissez passer les sans papiers Les oubliés, les délaissés, Les exploités, les refoulés Du monde entier. Laissez passer les clandestins, Toujours cachés, c'est leur destin, Ici, ailleurs, et comme partout On les rend fous. Laissez passer les sans papières Les déplacées de toutes les querres Toujours violées ou prostituées, Mais révoltées. Laissez passer les clandestines Mariaqe forcé, toujours victimes Les excisées, les violentées Mais révoltées. Donnons-leur au moins des papiers Pour l'honneur et la liberté Éqalité, fraternité Enfin trouvées. Mettons fin à cet esclavaqe Douleur sans fin, c'est d'un autre âqe La peur de l'autre est révolue On n'en veut plus! Laissez passer Les sans papiers Les oubliéEs Les mépriséEs Les exploitéEs Les refouléEs Du monde entier Accueillez tous les Sans Papiers De la plac', il y en a assez Fraternisons, Réagissons RÉAGISSEZ 41 42 UN NOUVEL ARRÊTÉ (ONTRE LES TRAVAILLEURS MIGRANTS ! Le 12 août 2011, le Journal officiel publiait un arrêté portant sur la diminution du nombre de métiers ouverts aux étrangers - primo arrivants - des pays tiers pour lesquels l'administration ne pouvait pas opposer « la situation de l'emploi ». C'est-à-dire des métiers pour lesquels les employeurs ne trouvent pas à embaucher. Initialement cette liste de 30 métiers et d'autres de ce type a été élaborée dans le cadre de la politique dite de « l'immigration choisie» au lendemain de la publication de la loi modifiant le Ceseda de novembre 2007. Les organisations syndicales tout comme la HALDE s'étaient prononcées contre le principe de ces listes de métiers. Ne pouvant ignorer la réalité de l'immigration dans l'économie française, N. Sarkozy avait tiré un trait sur le concept « d'immigration zéro ». Sur la base de ces métiers dits « en tension », comme sur celle des accords de réadmission signés avec des pays tiers, il tentait d'organiser la captation des compétences et des qualifications des pays d'émigration. Cette liste des 30 métiers très qualifiés (géomètre, cadre de l'audit et du contrôle comptable ... ) n'a jamais recouvert la réalité du travail des travailleurs immigrés, avec ou sans papiers, embauchés dans notre pays. D'autre part, et les statistiques du Ministère de l'Intérieur en apportent la preuve, de toutes les cartes « salarié» délivrées sur l'année 2009, 81% d'entre elles l'ont été à des travailleurs migrants déjà présents sur le territoire. Effet direct et indirect de la force du mouvement de grève des travailleurs sans papiers engagé depuis 2008. Les déclarations de C. Guéant au printemps sur la « limitation de l'immigration de travail» ont donc fini par trouver un premier point de chute avec la révision de cette liste des 30 métiers. Peu importe que très peu de métiers occupés par les travailleurs migrants soient concernés par cette liste! Par contre, le bUll médiatique organisé autour de cette révision accrédite l'idée en direction de toute une frange de l'électorat de droite et d'extrême droite que C. Guéant est bien à la manoeuvre. Au passage en supprimant dans la nouvelle liste, les métiers de chefs d'équipe et de chef de chantier dans le bâtiment, les grands groupes du BTP bénéficient d'un effet d'aubaine à bon compte. Ils peuvent contraindre leurs chefs de chantier et conducteurs de travaux de terrain à continuer d'être payés comme manoeuvres. L'autre effet, déjà programmé par C. Guéant et repris par X. Bertrand, va se faire sentir en direction des demandeurs d'emplois : puisque le gouvernement a limité le nombre de métiers directement ouverts aux travailleurs migrants, il n'y aurait plus aucune raison pour que les chômeurs « nationaux » refusent les postes de travail qui leur seront proposés aux conditions de salaire, de travail et de flexibilité imposées. Il faut refuser avec force cette politique de mise en concurrence des travailleurs les uns contre les autres. C'est tout le sens du mouvement engagé depuis 2008 et c'est tout le sens des combats à venir. Raymond Chauveau Collectif Confédéral Cgt « Migrations/Droits des migrants ». 17 OCTOBRE 1961 - 17 OCTOBRE 2011 LE MRAP DEMANDE LA RECONNAISSANCE DE CE CRIME D'ETAT A la suite du couvre-feu raciste décrété par le Préfet de Police Maurice Papon à l'encontre des Algériens travaillant en Région Parisienne, le FLN organisa le 17 octobre 1961 une manifestation pacifique pour marquer son refus de cette mesure discriminatoire et pour l'indépendance de l'Algérie. Cette manifestation fut férocement réprimée : des centaines d'Algériens furent tués, noyés dans la Seine, en particulier au pont Saint-Michel. Le 50ème anniversaire du massacre du 17 octobre 1961 se doit de revêtir un caractère particulier. Ce Crime d'Etat n'a toujours pas été reconnu comme tel, ni condamné par les plus hautes autorités de la France. Nos gouvernants n'hésitent pourtant pas à donner, à travers le monde, des leçons de droits de l'homme, comme si la France constituait un modèle en la matière. Il serait grand temps que le Président de la République, son Premier Ministre, s'expriment enfin sur ces sombres événements de notre histoire. Dès la publication du couvre-feu raciste, le 5 octobre 1961, puis le lendemain même du massacre, le 18 octobre, le MRAP réagissait, notamment par la diffusion de tracts, et s'élevait contre les discriminations à l'encontre des « Français musulmans » (selon les termes de l'époque) et contre la répression. Face à l'amnésie générale, le MRAP a été et demeure l'une des organisations moteur pour que ce crime d'Etat ne soit pas oublié. Depuis 20 ans, ses militants sont présents, chaque 17 octobre, au Pont Saint Michel à Paris. Cette année 2011 ne sera pas seulement marquée par un rassemblement. Le lundi 17 octobre à 18h00, une manifestation partira du REX, sur les Grands Boulevards, là où s'abattit une répression particulièrement féroce, puis le cortège se rendra au Pont Saint Michel. Le MRAP prend une part active dans la nécessaire mobilisation en proposant un autocollant et une affiche disponibles à son siège. Dans le livre « Le 17 octobre 1961 par les textes de l'époque» publié en septembre dernier par l'Edition «Les Petits Matins», la post-face signée de notre Camarade Henri Pouillot en tire les conclusions et les enjeux pour aujourd'hui. Le MRAP, pleinement engagé dans cette campagne du 50ème anniversaire, se réjouit de l'écho qu'elle suscite. Il soutient les nombreuses initiatives qui se multiplient tant à Paris qu'en Région Parisienne ainsi qu'en Régions (voir le site http:// www.170ctobre61.org). A l'heure où un vent mauvais souffle sur la France et l'Europe, entretenant le racisme, la xénophobie et le rejet de l'Autre, le devoir de mémoire s'impose plus que jamais pour rappeler que le racisme a toujours conduit aux pires horreurs. Le MRAP est totalement solidaire de l'appel du « Collectif 17 octobre 1961» : On ne construit pas la démocratie et on ne bâtit pas de relations amicales entre les peuples sur des mensonges et des occultations. 50 ans après, il est temps: - que les plus hautes Autorités de la République reconnaissent comme Crime d'Etat les massacres commis par la Police Parisienne le 17 octobre 1961 et les jours suivants; - que la « Fondation pour la Mémoire de la Guerre d'Algérie» soit refondée sur des bases totalement différentes; - que la liberté d'accès aux archives devienne effective pour tous: historiens et citoyens; - que la recherche historique sur ces questions soit encouragée, dans un cadre franco-algérien, international et indépendant. Paris, le 5 octobre 2D11 43 Âgissez contre le racisme ÂClhérez au - ~ .!>./~" '<' Charles. , - mouvement contre le racisme et pour l'a mitié entree .!l~e~~sCharles:~eles 43 boulevard de Magenta - 75010 Paris - Tel. : 01 53 38 99 99 - Fax : 01 40 40 90 98 - Ac i < , "<.., .. . . ~p

Notes

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