Différences n°68 69 - juin juillet 1987

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Sommaire du numéro

n°68-69 de juin-juillet 1987

  • Pourquoi Le Pen arrange tout le monde ou presque par J.M. Ollé
  • Une constitution controversée (U.S.A.) par Robert Pac
  • Des jeunes gens courageux (écoles militaires)
  • Bibliothèques le sida mental menace Paris (censure) par J. Roccia
  • Lyon sous Barbie par Anne Sizaire (procès Barbie)
  • Dossier: Cisjordanie, Gaza [Moyen-orient]
    • 20 ans d'occupation par V. Mortaigne
    • Des arabes sans terres ni maires
    • Des pacifistes en état de guerre
    • La guerre des 6 jours, l'effet boomerang par N. Haddad
    • Une OLP, une conférence peut-être par M. Alkama
  • Cinéma: Cannes sans indifférence par J.P. Garcia
  • Des livres pour l'été par J. Tavano
  • Les damnés de l'Inde interview de LaxmanMane auteur de OUPRA par R. Garcia
  • Cinq milliards d'hommes: compte à rebours par E. Chikha
  • L'abbé Grégoire, inventeur de l'antiracisme moderne par J. Roccia

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POURQUOI LE PEN ARRANGE TOUT LE MONDE Trente-cinq ans après l'invention du terme par Alfred Sauvy, plus de vingt ans après les premières indépendances, dix ans après le début de la crise économique mondiale, il est temps de faire le pointSur ce tiers monde dont la diversité bien souvent se manifeste plus que son unité. La plupart des « critères » retenus il y a plus de trente ans pour le définir sont aujourd'hui largement contestés par les faits. De même, les théories économiques « explicatives » du sous-développement ne permettent guère de comprendre l'évolution de ces sociétés, et exigent une complète redéfinition. Celle-ci suppose à la fois une ouverture sur d'autres disciplines et une réoganisation des concepts et outils théoriques élaborés dans et pour les sociétés industrielles. L'Etat du tiers monde, créé à l'initiative du CFCF (Comité français contre la faim) et les Editions La Découverte, est le fruit d'une concertation entre experts, militants d'ONG, journalistes spécialisés sur le tiers monde, etc. TI se veut autant une analyse de ce tiers monde pluriel qu'un instrument facilitant les solidarités internationales. Ce livre collectif a été coordonné par Elio Comarin, journaliste à Libération, puis au Matin, travaillant actuellement au Centre de formation des journalistes. 89 francs. Une co-édition La Découverte/CFCF. Î MUST Voici, pour ce mois de garden-parties, nos quelques petits conseils pour être dans le vent, en évitant les erreurs qui risquent de vous faire passer pour démodés. Soyez bronzés, puisque vous revenez de Cannes, où vous aurez vu Me Vergès parader sur la Croisette, il est vrai, sans son client. Nous avons dit bronzés, pas basanés, sinon, gare aux contrôles d'identité. Soyez indignés, puisque vous revenez du procès Barbie. Mais attention: pas indignés des méfaits de l'accusé, mais de l'affront qu'il vous a fait de ne pas paraître à l'audience. Soyez repus, puisque vous revenez de déjeuner avec une personne atteinte du SIDA. Mais attention, pas avec un immigré, ça fait Giscard, très mauvais. Soyez tolérants, puisque c'est le Premier ministre qui l'a dit. Mais pas envers les autres cultures, ou toutes ces choses passées de mode. Non, envers les électeurs du Front national, qui ont bien des inquiétudes, les pauvres. Soyez vigilants, puisque l'été risque d'être chaud, vue la tension actuelle. Nous parlons, bien sûr, des bavures et autres dérapages qui risquent d'avoir lieu autour des candidatures aux présidentielles. Vous pensiez à quoi, vous ? 'Différences JUIN-JUILLET Comme tous les ans, Différences prend ses quartiers d'été. Rendezvous donc au 6 septembre, et bonnes vacances u:I 6 Pourquoi Le Pen arrange tout e le monde ou presque ... u JEAN-MICHEL OLLE

12 Lyon, sous Barbie Capitale de la Résistance, la ville regarde juger son tortionnaire, en silence. ANNE SIZAIRE f5 16 Cisjordanie, Gaza: vingt ans B- d'occupation Il Y a vingt ans, la guerre des Six ~ Jours: Israël investit ce qui est devenu depuis «les territoires occupés ». VERONIQUE MORTAIGNE MOHAMED ALKAMA NORBERT HADDAD ABONNEMENTS 1an:200F. 1 an à l'étranger,' 220 F. 6 mois,' 120 F. Etudian~ et chômeurs, 1 an " 150 F. 6 mois,' 80 F (joindre une photocopie des cartes d'étudiant ou de pointage). Soutien " 240 F Abonnement d'honneur ,' 1 000 F. Algérie,' 15 dinars. Belgique ,' 140 FB. Canada,' 3 dollars. Maroc,' 10 dirhams. Publicité au journal Photocomposition pep, 17, place de Villiers, 93100 Montreuil. Tél. " 42.87.31 .00 Impression Montligeon. Tél. " 33.83.80.22. Commission paritaire n° 63634 1SSN 0247-9095. Dépôt légal,' 1986-12 Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entres les peuples), édité par la Société des éditions Différences 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : (1) 48:06.88.33. l@ 28 Cannes, sans indifférence e_ Accueil chaleureux aux cinéastes africain:;" glacial au scénariste de .... la nouvelle droite. S JEAN-PIERRE GARCIA 32 Des livres pour l'été Si vous ne bougez pas de chez vous, un moyen sûr de s'évader. JOELLE TA V ANO

fi 38 L'inventeur de l'antiracisme li: moderne

l1.li Prêtre, régicide, ami des

hommes de toutes les couleurs, il l'abbé Grégoire est une des

U grandes figures de la Révolution. ~ JEAN ROCCIA Et le courrier, les petites annonces les jeux DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Albert Lévy REDACTION Rédacteur en chef Jean-Michel Ollé Secrétariat de rédactionmaquettes,' Véronique Mortaigne Service photos " Abdelhal Senna ADMINISTRATION/GESTION Khaled Debbah PHOTO COUVERTURE Joss Dray ONT PARTICIPE A CE NUMERO: Jean Roccia, Robert Pac, Rabba Attaf, Anne Sizaire, Norbert Haddad, Bernard Golfier, Joëlle Tavano, George PauLangevin, Dominique Lahalle, Elisabeth Chikha, Yves Thoraval, Pierre Vallée, Mohamed Alkama. La rédaction ne peut être tenue pour responsable • 17 janvier 2012 à 13:52 (UTC)17 janvier 2012 à 13:52 (UTC)~~ ____ ~dCharlesp~h~o~ro~s,~tCharlesre:s~et~d~o~cu~m~e~nCharlesc~on~fi~lé~s. ____________________________________________________________________________ ~ Différences - n'~ 68/69 - Juin/Juillet 1987 UNE CONSTITUTION CONTROVERSEE A Philadelphie, la « ville de l'amour fraternel », les autocars déversent des flots de touristes étrangers bardés d'appareils photo et de caméras, venus voir une vieille maison en briques, flanquée d'une tour rectangulaire et surmontée d'une flèche. C'est là que, le 17 septembre 1787, fut signée par 55 «hommes fatigués» la Constitution américaine dont les Etats-Unis célèbrent actuellement le 200e anniversaire. Les réjouissances ont débuté le 25 mai et se prolongeront jusqu'au 17 septembre. «Nous, peuple des EtatsUnis, afin de former une Union plus parfaite, d'établir la justice, de prévoir une défense commune, de promouvoir le bien-être de tous et d'assurer à nous et à notre postérité les bienfaits de la liberté, instituons et promulguons cette Constitution pour les Etats-Unis d'Amérique ». «Nous, le peuple ... ». Voire ... les 55 « pères fondateurs » n'en faisaient incontestablement pas partie. Parmi eux, aucun ne représentait les petits fermiers, ni les ouvriers des villes. Quatorze d'entre eux (dont Washington) avaient fait des placements en terres, 40 étaient des créanciers de la confédération et 15 d'entre eux possédaient des esclaves. Leur objectif était un gouvernement fort prenant en compte les intérêts de la bourgeoisie naissante. La constitution des Etats-Unis est un «compromis » : établir une république pour s'attacher l'appui du peuple tout en préservant les intérêts des notables. Pour les esclaves africains, on était loin de la démocratie. La constitution autorisait l'importation d'esclaves (jusqu'en 1808 ... ) et décidait de percevoir une taxe sur ces importations pouvant aller jusqu'à 10 dollars par esclave! (Article I, section 9, 1 ec alinéa). Elle précisait aussi que les esclaves qui avaient fui dans des Etats non esclavagistes devaient être restitués à leurs maîtres ... (art. IV, section 2, 3e alinéa). 1 noir 3/5 blanc Lorsqu'il s'agit de calculer le nombre de représentants de chaque Etat à la Chambre basse en proportion de leurs populations respectives, la question se posa: devait-on inclure les esclaves dans les statistiques? Le Sud, qui avait tout à y gagner, était pour ; le Nord était contre. On décida, après de sordides marchandages, qu'un Noir compterait pour les 3/5 d'un être humain! (art. I, Section 2, 3e alinéa). L'esclavage n'est toujours pas complètement aboli aux Etats-Unis de nos jours, puisque le Be amendement qui fut adopté le 18 décembre 1865, au lendemain de la guerre de Sécession, décrète qu'il est aboli « sauf comme punition pour un crime dont l'auteur aura été justement condamné par la loi ». Cela est toujours en vigueur en 1987. Autre discrimination, la Constitution refusait le droit de vote aux femmes. Dans l'International Herald Tribune du 7 mai dernier, Thurgood Marshall, le premier et le seul membre noir de la Cour suprême des La MaisonBlanche

les EtatsUnis, la justice et le bien-être ... Etats-Unis, déclare: «Ceux qui ont conçu la Constitution à Philadelphie en 1787 n'auraient jamais pu imaginer que le document qu'ils rédigeaient serait critiqué un jour par une Cour suprême comptant dans ses rangs une femme et le descendant d'un esclave noir ». «Nous ne pouvons pas participer aux festivités avec une ferveur complète. Nous devons plutôt commémorer le combat, les souffrances et le sacrifice de ceux qui ont lutté pour que soient éliminées certaines mauvaises dispositions du document original et marquer cet anniversaire avec l'espérance que les espoirs et les promesses non encore réalisés seront exaucés ». ROBERTPAC DES JEUNES GENS COURAGEUX MM. Maignant et Warion, professeurs de classes préparatoires au lycée militaire d'Aix-en-Provence n'ont toujours pas été réintégrés à leur poste, malgré la décision du Tribunal administratif qui cassait la décision de leur renvoi par les autorités militaires. Nous avons retrouvé l'un des quatre élèves qui ont osé s'opposer à la cabale montée contre les professeurs. « Ça a commencé en octobre 1986. Cela impliquait pas mal de monde, les élèves qui ont lancé cela ont été les intermédiaires entre les parents, la direction, les autres profs. Certains élèves nous ont réunis et nous ont fait part d'un plan d'action. Il s'agissait de faire envoyer des lettres La préparation à Saint-Cyr: tout un programme. disant que l'enseignement des Guerre mondiale, genre attendeux professeurs n'était pas tion l'ennemi guette vos confiadéquat. On nous a dit que le dences. On nous a écrit un colonel protégeait tout le verset de la bible sur la porte monde, que c'était lui qui de notre chambre, je me soudirigeait tout ça. On nous a viens, c'est Abdias, chapitre l, donné un modèle de lettre. Verset 1 : « Il te sera fait ce Personne n'a moufté. Moi et que tu as fait ». Sinon, les mes camarades de chambre, conneries habituelles: péon s'est dit après que c'était tards, bombes lacrymos, pas clair, qu'on écrirait pas, seaux d'eau. On a voulu nous que ça sentait la magouille. renvoyer, mais on a tenu. Ils Au début, les lettres sont par- se sont débrouillés pour que ties, il ne s'est rien passé, puis ceux d'entre nous qui étaient ça s'est su qu'on n'était pas admissibles à l'oral se fassent d'accord, on nous a dénoncés planter. Ils ont attaqué une de au colonel, et nous, de notre nos amies. On nous a traité de côté, on a prévenu Maignant tous les noms, communistes, et Warion qui ne se doutaient socialistes-révolutinnaires. de rien. Nous, on n'est pas des reA partir de février, on a belles, mais on est fiers de ce donné nos noms, tout l'éta- qu'on a fait. En fait, dans les blissement nous a montré du élèves, il y avait les meneurs, doigt, on a fait croire aux en face, nous quatre, et au élèves qu'on était des traitres, milieu, le marais, qui ne pendes collabos. A travers les sait rien mais suivait les meélèves, les cadres ont essayé neurs. de nous faire partir. On a eu On nous a convoqués, pour droit à la quarantaine, au nous dire de ne pas nous bizuthage. Mais à quatre, on mêler de tout ça, que ça se sert les coudes, et on a tenu. mettait du désordre. Moi, je En plus, ils ne sont pas très n'ai rien contre l'armée, mais malins. Quand ils organisaient ce lycée, c'est le plus mauvais quelque chose, personne ne se exemple possible. Le lycée est cachait pour le dire. On nous dans la ville, mais c'est un a mené une vie pas possible, milieu complètement fermé, en classe, au réfectoire, et ils ont cru qu'ils pouvaient dans les chambres. C'est faire ce qu'ils voulaient. Pen, ils vont à ses meetings. Le colonel a déclaré être pour l'apartheid. II a interdit aux élèves d'aller au meeting de Le Pen ... en uniforme. J'ai vu des affiches de Pétain, entendu des chants tirés de Chants d'Europe, où il y a des chants nazis. » On vous le donne comme on l'a reçu. Finalement, le plus choquant de tout ça, ce sont les pratiques d'exclusion dans le lycée face à ceux qui ne pensent pas comme « tout le monde ». Et le plus étonnant, c'est le courage de ces jeunes gens. GUY NOREL BARBIE pour , . mem.Olre Pour m'mo .... 110IIII ........ ..-bI6 toute. 1 .. plkH da dOllld ... : crtm .. d. va ....... crtm_ coa_ l'bamaDlt6, collaboraUoa, l'Kydage dM .... auIa, •• me.. • • .,...\8, ."Portatioa d. la • pest. bl'UDe ••.• comme si, ils avaient mis toute C'est vrai, parmi eux, il y a de leur intelligence à essayer de la nostalgie pour les nazis, fNEOOlCND1RS nous nuire. Ils ont retrouvé mais ce n'est pas l'essentiel. p Prix : 70 F Uc Il ~d:es~a~1.fi~ic~h~e:s~d:e~la~S~e~c:o~n~d~e~~C~':es~t~s~u:rt~o~u~t~q~u~'l~·Is~a~d~o~r~e~n:t~L:e~::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::~ Différences - nO' 68/69 - Juin/Juillet 1987 • POURQUOI LE PEN ARR ANGE TOUT LE MONDE L'entrée en campagne présidentielle de JeanMarie Le Pen a semé la zizanie dans les rangs de l'actuelle majorité. S' affron tent actuelle men t trois clans. Ceux qui, localement, ont eu, ou devront avoir, affaire à l'extrême droite pour se maintenir en poste. Ils sont pour l'entente cordiale, c'est le syndrome Gaudin. Ceux qui, par honneur ou par calcul, tiennent à se démarquer à tout prix de l'extrême droite : on avait auparavant dans ce camp presque exclusivement des ressortissants de l'UDF, MM. Malhuret et Léotard en tête. L'avantage était, en jetant l'anathème, de se singulariser du RPR. Mais ce dernier vient d'être à son tour gagné par le problème, en la personne de Michel Noir de «clivage» RPR/UDF se fait désormais au sein du RPR. Au milieu de ces extrêmes, une troisième voie : ne pas se compromettre avec le Front national, mais récupérer par ailleurs ses électeurs en chassant sur ses terres. L'exemple venant de haut, puisque peu ou prou, c'est la thèse du Premier ministre, qui tance Michel Noir pour ses propos et réaffirme fortement qu'on remet en chantier la réforme du Code de la nationalité. Dans les trois cas, de toute façon, M. Le Pen joue gagnant. Ne parlons même pas du premier: cédant à cette hypothèse, on en est déjà à se distribuer les portefeuilles dans les rangs du Front national. Le deuxième pourrait sembler défavorable à M. Le Pen. C'est ignorer sa stratégie d'« homme nouveau ». (Les Français en sont-ils à un tel point qu'un homme comme lui puisse penser une seconde apparaître comme nouveau, tant personnellement que dans les idées qu'il véhicule !) Le Pen, donc, a un besoin crucial de se poser comme l'homme qui attaque autant la droite que la gauche et rassemble, au-delà de l'extrême droite traditionnelle, ceux qui ont à souffrir de la crise et s'aperçoivent que la droite ne résoud pas mieux leur problème que la gauche. M. Le Pen a donc tout à gagner d'une levée de boucliers générale contre lui. Et encore plus d'un anathème lancé depuis les rangs de droite. Troisième cas, troisième profit: pas d'alliance avec le FN, mais une politique qui succombe à ses thèses. C'est le syndrome Pasqua. Là encore, Le Pen a tout à gagner. D'abord, parce qu'il peut, ce qu'il ne manque jamais de faire, crier victoire à chaque projet réactionnaire ou répressif adopté par le gouvernement actuel, et s'attribuer, sans d'ailleurs trop mentir, la pression nécessaire pour le faire voter. Il conforte ainsi a posteriori son électorat à qui il prouve que lui et sa formation sont en mesure de peser sur le gouvernement pour qu'il rejoigne ses thèses. Ensuite parce que les efforts du gouvernement pour plaire à l'électorat du Front national Quand Jean-Marie Le Pen parle du SIDA ... de l'immigration, de la sécurité, tout sur le même ton dangereux Le champion toutes catégories de l'exclusion est entré le premier en campagne, ce qui nous promet un belle fin d'année, si tout le monde laisse faire. sont vains. Une excellente étude de Jérome Jaffré (voir Le Monde du 26 mai) montre que l'électorat du FN n'est pas, ou plutôt n'est plus, celui des RPRIUDF : plus pauvre, plus jeune et moins politisé, il est de toute façon, et quels que soient les efforts du gouvernement pour lui plaire, éloigné de celui-ci. On s'étonne dès lors que tant de bruit soit fait autour de Le Pen dans l'actuelle majorité. Deux explications possibles, qui ne s'excluent pas: difficilement départageables sur leurs options économiques, ou leur absence de, les différentes composantes de la droite règlent leur compte au-dessus de Le Pen, qui ne devient rien d'autre qu'un terrain de manoeuvres où s'affrontent les différentes ambitions en présence. Et puis, et ce n'est pas négligeable par ces temps de mauvais indices, pendant qu'on parle de Le Pen, on ne parle pas du chômage. Deuxième hypothèse : se disputer sur Le Pen entre partis de droite, ou mieux encore, à l'intérieur même d'un parti, permet de ratisser large et de contenter tout le monde. Peut-être se dit-on à Matignon que, faute de grignoter l'électorat du FN, on va au moins réussir à garder captifs les électeurs centristes possiblement séduits par le PS, en faisant donner la jeune garde contre le FN, et les électeurs de la droite dure en ne le condamnant pas. En attendant, le racisme monte en France. La majorité pourrait, autre hypothèse un instant caressée, ignorer le FN. Mais Le Pen existe. Entré le premier en campagne électorale, il a créé l'événement dans une vie politique qui en manque singulièrement depuis des années. Et du coup s'est trouvé des alliés objectifs dans les médias, qui préfèrent au nom de Quand il parle du SIDA, tout le monde y va de leur logique et de leurs impératifs propres, faire du sensationnel avec Le Pen que res- son couplet indigné: ministres, personnalités, sasser la nième petite phrase de Chirac contre Barre, ou inversement. A ce sujet, on ne peut que s'inquiéter, à l'aube de la campagne électorale, de la multiplication des chaînes généralistes: quand on voit les scores d'audience que fait Le Pen à la télé (1), on voit malles direcmédias. Mais sur l'immigration· le grand silence. On se demande pourquoi. teurs de chaînes, qui ne sont pas des philanthropes, ne pas se battre pour avoir leur Le Pen sur leur chaîne. Seul espoir : que l'insondable vacuité du personnage et de son programme finisse par lasser tout le monde, ce qui arrivera. Prions seulement pour que cela arrive avant les élections. Et si, simplement, on baissait le son ? La seule solution serait donc l'isolement total, version médiatique du sidatorium proposé par le FN: plus personne ne se définit par rapport à Le Pen, on ne le passe plus dans le poste. Rappelons qu'avant 1982, ce consensus existait en France : personne ne parlait de l'extrême droite. Il suffit de relire la prose produite par les mouvements s'en réclamant pendant les années 70 : pas une page sans qu'on y fulmine contre l'ostracisme dont on est victime. Et ce n'était pas tous les jours ces gens à la choquant: l'extrême droite télé, on ne leur donne pas est raciste, donc on ne parle d'« Heure de vérité », et ça pas d'elle. On pourra tou- ne choque personne. jours rétorquer aujourd'hui Autre solution possible, qu'on n'a pas le droit d'i- exactement inverse: non gnorer un homme qui repré- plus ignorer Le Pen, mais lui sente plusieurs millions d'é- répondre point par point. lecteurs. Pourquoi ? Il Y a des Dans le numéro de DiITémillions de gens en France rences d'avril, nous vous préqui croient à l'efficacité de la disions, bien avant l'heure de peine de mort ou au débar- vérité, que le SIDA allait quement des Martiens. Ils devenir le cheval de bataille sont bien plus nombreux que du Front national. Ça n'a pas les électeurs du FN, et ce sont manqué: Le Pen a fait son des idées qui ne sont pas plus show sur ce thème. Dès le irréalistes que la« préférence lendemain, tous les 'Chernationale ». On ne passe pas cheurs, le ministre de la Différences - nO' 68/69 - JuinlJuillet 1987 Santé, tous les journaux montraient point par point que tout ce qu'il avait affirmé était faux. Nous avions nousmêmes été frappés, lorsque nous avions repris dans Libération du 13 février des propos de M. Bachelot, sidatologue au FN, de voir le journaliste faire une entorse à la déontologie en publiant, en notes de l'interview, une réfutation des thèses soutenues par l'interviewé, pratiqlle en totale contradiction . avee:::-1a sacro-sainte déontologie de la neutralhé du métier, mais en accord parfait avec l'amour de la vérité. Questions: pourquoi cela n'a-t-il jamais été fait quand Le Pen déblatère sur l'immigration? Pourquoi, à 1'« Heure de vérité », aucun journaliste ne lui demande ses sources ? Pourquoi aucun ministre ne dément ses propos racistes? Pourquoi n'invite-t-on pas les spécialistes de ces problèmes? Pourquoi ne donne-t-on pas la parole à l'immigration ? Réponse générale: parce que cela arrange tout le monde. Opposer diverses catégories de la population, c'est vieux comme le monde et connu de tout dirigeant. Ça aide à régner. Pour l'opposition, crier au loup permet de se dispenser de proposer une réelle alternative. Les medias ne se sentent guère concernés: tout le monde, à Paris, connaît quelqu'un de séropositif, mais il y a peu de journalistes pour avoir un copain arabe qui se fait ratonner au pied de son HLM. Quant aux associations antiracistes, qui pourraient apporter la contradiction, soit elles ont des choses à dire mais n'ont pas encore compris les règles actuelles du jeu de la communication, soit elles ont compris, comme SOS-racisme, mais elles n'ont pas grand chose à dire. Le mal est fait, c'est sûr, Le Pen existe. Mais on se prend parfois à rêver d'un monde où les hommes politiques auraient un programme, les antiracistes leurs entrées, les journalistes une conscience ... et M. Le Pen, une jolie maison de retraite à la Trinité- sur-Mer. 0 JEAN-MICHEL OLLE (1) Audience qui contient à la fois ses partisans et ceux qui jouent à se faire peur en le regardant. .. M. L'ABBE DIT DES BETISES L'abbé Vincent Serralda doit avoir des sous. Non seulement il édite lui-même des plaquettes sur ses sujets de préoccupation, qui sont vastes, puisqu'il a écrit, pêlemêle, sur le Yoga, techniques et lacunes, Le Christ et les Dolices, et Pavlov. Mais en plus, il a les moyens de les expédier à tous les directeurs d'université, grandes écoles, IUT, etc. La dernière s'appelle Le Combat de Mahomet. Elle a pour but, dit l'abbé Serralda dans sa lettre introductive, d'attirer l'attention sur le fait que tout musulman appliqué à obéir est un ennemi mortel de la qualité humaine et que, en bon combattant, il est dispensé de dire la vérité aux ennemis que nous sommes. « Nous en avons quelque deux millions (2000000) de témoins en France, dit l'abbé, les réfugiés arméniens, grecs, juifs, serbes, libanais, coptes, syriens, et nos compatriotes qui avaient relevé la glorieuse Eglise d'Afrique. » Nous sommes donc en danger, nous, l'occident chrétien à cause de nos immigrés. Voici l'appel final à la résistance : « A vons-nous bien vu le grand attrait exercé par l'Islam sur les Occidentaux las d'une trop longue paix. Occidentaux, il semble que ce qui attire nos hommes d' honneur vers la fierté musulmane c'est la joie de guerroyer, c'est la lumineuse gloire de balayer la civilisation, de capter de jolies filles pour les amis, de prendre des garçonnets et de les opérer pour la vente. Ramener tous les peuples au niveau de la Palestine pré-israélienne. Français, Vous avez lu. Vous constatez le désarroi de nos concitoyens abandonnés sous d' humiliantes vexations. Il est manifeste que nos gouvernants, de quelque bord de la République qu'ils soient, méconnaissent totalement l' honneur du peuple civilisé que nous sommes. Ces élus ne sont pas dignes d'être à .la tête d'un Etat. Comment sont-ils encore en place sur notre France ? Un peuple chrétien ne saurait supporter leur indignité. Qui donc balaiera cette maçonnerie inspirée par l'étranger qui méprise notre nation? » Tout y est. 0 VITE, JE M'ABONNE A DIFFERENCES o 200 F (l an) o 120 F (6 mois) o 240 F (soutien) Nom : Prénom: Adresse: Bulletin dûment rempli li retourner. accompagné d'un chèque. li : Différences, service abonnements 89, rue Oberkampf, 75011 Paris .'J,rp" , . .,; ..... LA' GUERRE '.' ... SAINTE A noter dans (A suivre), mensuel de bandes dessinées, un remarquable article sur les affiches pendant l'Occupation. Rappelez-vous, l'Occupation, c 'était il y a quarante ans. Mais visiblement, la guerre n'est pas finie pour tout le monde Ces temps-ci, on a pu voir l'affiche CI-contre sur les murs de La Bocca, dans les AlpesMaritimes. Pas mal, non? AUTISME L'autisme et les psychoses infantiles, qui entraînent parfois de graves troubles de la personnalité chez l'enfant commencent à être mieux connus, ou reconnus. Les enfants atteints sont maintenant mieux pris en charge, notamment dans des centres qui leur permettent parfois de faire des progrès, en tout cas d'épanouir leurs possibilités. Malheureusement, à partir SAUVES! de l'adolescence, les structures d'accueil se font rarissimes. L' ASITP, une association implantée en Languedoc- Roussillon, a décidé d'implanter dans le Gard, à Saumane, un centre d'aide par le travail, et des foyers destinés à des personnes adultes en situation de handicap mental. Pour cela, il faut de l'argent. Aidez-Ies.O (1) Opération «Un toit pour toi,., rens. au 66.22.29.47, ou 66.20.30.01, ou 66.23.58.44. arrivé, une heure avant l'envoi des maquettes, sous la plume de Mme KosienC'est devenu une habitude à rowski.' qui nous signale que la rédaction: chaque mois, contraIrement à ce qu'affirme on se demande ce qu'on va Jean Roccia dans l'article sur bien pouvoir mettre comme AI?i (voir dernier numéro), il erratum dans le numéro qui eXIstait déjà, et depuis 1982, vient. Cette fois-ci , la veille une Place-de-l'amitié-entredu bouclage, pas la moindre le,s-peuples en France, précipetite protestation, aucune seme nt à Fontenay-sousa ' sommation, droit de ré- Bois. Ouf, nous sommes sau- 1-::::::::::~p~o~n~se~:~z:é~ro.~E::t~le~m~i~ra~c:le~e~st~~v~é~s,~~In~o~n~v~ie:u~x~M~i~lo~u~!~O~~ PAS DE FUMÉE SANS FEU La communauté mauricienne e~t maintenant sur le quiVIve. Et pour cause. Début mai, elle a fait les frais d'une rumeur sournoise qui, telle une traînée de poudre, s'est propagée dans toute la région parisienne et même au-delà. Celle-ci promettait aux heureux avertis une régularisation immédiate de leur situation s'ils se rendaient le plus tôt possible à la Direction départementale du travail (OTT) des Hauts-de-Seine. Plusieurs milliers de Mauriciens clandestins se sont bousculés durant plus d'une semaine dans les bureaux de la DDT à Nanterre. Le personnel, entièrement mobilisé pour l'occasion, leur remettait, après vérification d'identité, un questionnaire personnel et un contrat de travail à faire remplir par leur employeur. Il suffisait ensuite de les renvoyer par la poste. Ce qui fut fait : sur 1 500 questionnaires distribués, 1 000 dossiers complets furent déposés. Les Mauriciens sont ainsi venus se jeter dans la gueule du loup, car les responsables de la DDT de Nanterre ont bien l'intention de remplir leur mission : la lutte contre le travail clandestin. Concrètement, comme le confie une responsable du bureau des étrangers, « les patrons vont être poursuivis en justice et ceux qui ont rempli le questionnaire renvoyé à l'île ARTICLES - CADEAUX ••• OOUINERIE SERVIETTES· PORTE-DOCUMENTS Maurice ». Comme ces vingt Mauriciens qui se sont naïvement présentés avec leur dossier sous le bras à la préfecture de Nanterre et qui furent aussitôt expulsés. Il n'y a pas de fumée sans feu. Et pour cette affaire, il semble que la rumeur trouve son origine, par une curieuse coïncidence, dans deux foyers simultanés: la présence du Vice-Premier ministre mauricien, Gaëtan Duval, qui promet monts et merveilles (en l'occurrence, la régularisation d'une dizaine de ses ressortissants) à ses compatriotes à chaque fois qu'il vient en France ; et surtout, le dessein machiavélique du directeur de la DDT des Hauts-de-Seine pour qui tous les moyens sont bons pour coincer les étrangers en situation irrégulière. Ce dernier est d'ailleurs connu c?m~e un fonctionnaire partlcullerement inventif et dynamique dans la lutte contre le travail clandestin. Veut-il se faire «mousser » auprès de sa hiérarchie? Ses collègues ne le suivent apparemment pas sur ce terrain, et pour eux « ce genre de chose ne s'est jamais vu de mémoire d'inspecteur de travail ».Malheureusemen~, la logique pasquaienne a fait mouche et trouvé un relais de choc dans le zèle de la Direction départementale du travail de Nanterre. 0 RABHA ATTAF/ IM'MEDIA GROS 1/2 GROS r~,~,~'-'-H~_ I.. .. "Cf·"l- Société Anonyme au Cepltal de 200.000 Francs 70, RUE DU TEMPLE, 75003 PARIS T6I. : 887.72-11 Différences - nO' 68/69 - Juin/Juillet 1987 " 'HA/NON MANQUANT MENACE PARIS Qu'est-ce qu'un bibliothécaire, pour vous: quelqu'un qui vous attrappe le livre dans une travée trop haute du rayonnage, ou quelqu'un qui vous aide à choisir un ouvrage? Si vous penchez pour la première hypothèse, ne lisez pas cet article, les pratiques actuelles de la mairie de Paris dans ses bibliothèques enfantines ne vous scandaliseront pas. Si, en revanche, vous avez plutôt tendance à penser qu'un bibliothécaire, pardon, un conservateur de bibliothèque, c'est quelqu'un de sérieux, qui connaît son travail et est plus utile qu'un simple escabeau, avancez de trois cases et poursuivez votre lecture. Ecrits pour nuire : le lancement d'une croisade contre « les authentiques horreurs dont on nourrit notre jeunesse ». destruction de l'Occident chrétien. Bon. Le deuxième acte se passe à Montfermeil, charmante bourgade de la région parisienne. En 1986, le maire fait parler de lui en refusant d'inscrire les enfants d'immigrés dans les écoles de sa mairie. Il se fait immédiatement coller un procès par le MRAP. Ceci pour situer le de Montfermeil. Tout histolibéralisme du personnage. rien vous le diagnostiquera: Libéralisme qui va jusqu'à ne quand on commence à dépas surveiller les lectures de truire des livres, c'est que la son épouse, Mme Bernard, démocratie est bien malade. qui, hélas, tombe sur l'édito- Pour mieux comprendre les rial de Louis Pauwels, achète ravages de cette nouvelle male livre de Marie Claude ladie, qui, on le verra, s'éMonchaux, et devient ainsi la tend de façon inquiétante, première victime d'Ecrits revenons à ses sources. Marie pour nuire. Les effets de la Claude Monchaux est auteur contagion ne se font guère de livres pour enfants. Elle a attendre: Mme Bernard deux spécialités: le tronconvainc son mari qu'il faut quage et le prosélytisme. faire quelque chose. Celui-ci, Tronquage pour les besoins touché lui aussi, écrit à ses de sa démonstration. Selon collègues du département elle, de nombreux livres pour qu'il prend désormais la tête enfants contiennent des apod'une croisade contre «les logies de la drogue et du vol, authentiques horreurs dont on d'autres mettent en cause le L'affaire commence en 1985 nourrit notre jeunesse et qui travail, la famille et la patrie, dans les colones du Figaro trouvent une application im- bref, ça subverse. Elle tire Magazine sous la plume de médiate, morale, je dirai une phrase de l'ouvrage en Louis Pauwels. L'homme le même, dans toute cette délin- question et la cite. Exemple: plus contagieux de France quance que nous déplorons.» vous êtes auteur d'ouvrages porte aux nues une étude M. Bernard fait le tour des pour adolescents. Votre but d'une de ses amies, Marie- bibliothèques, s'aperçoit où est de montrer que la drogue Claude Monchaux, qui vient mènent« 50 ans de subver- est une mauvaise solution de publier à l'UNI, syndicat sion marxiste» (la mairie pour la jeunesse. Vous allez étudiant proche, et c'est peu était communiste jusqu'en donc, à un moment où un dire, de l'extrême droite, un 1984), Mme Bernard fonde autre, décrire un «passage livre intitulé Ecrits pour une association, «Bibliothè- de joint». Puis votre héros, nuire. Sous ce joli titre, qui que, lecture, épanouisse- confronté à cette réalité, s'en ne renvoie à ses autres ou- ment» qui luttera contre la détournera. Crac, arrive vrages, Marie Claude Mon- «déstruction systématique Marie Claude Monchaux, et chaux nous dévoile qu'existe de l'âme de nos enfants ». Et ses ciseaux qui extraient les depuis soixante ans un com- à ce stade de la maladie, deux phrases où vous avez plot international visant à l'irréparable se commet : on décrit la scène, les publie pourrir notre jeunesse, via les commence à retirer des livres sans autre explication, et 1II1_ ___________ ~I~iv~r~e~s~d~'en~f~a~n~ts,~à~seule~fin~de_ _~ d~es~ra~y~o~n~s~d~e_I_a _b_ ib_l_io_t_h_è~q~u_e_ __v _o_u_s_a_c_c_u_s_e_d__e _c_ o_rr_o_m~p_r_e _la ___________- J jeunesse. Puis arrivent des Mme Bernard pour dire «Maire-Claude Monchaux, une spécialiste, a dit que », et on supprime l'ouvrage de la bibliothèque. Pour MarieClaude Monchaux, on ne parle pas de la drogue, ou alors, avec des métaphores progressives. On imagine aisément combien nos enfants seront bien mis en garde contre les problèmes actuels de notre société quand ils auront lu qu'il faut se méfier de la petite abeille qui vient butiner les jolies fleurs du cannabis, car elle pourrait bien vous piquer, garnements. Ils pourront toujours raconter ça aux dealers à la sortie de leur école. Deuxième spécialité de Marie-Claude Monchaux, le prosélytisme. Surtout connue dans le milieu pour avoir rédigé d'édifiantes éducations sexuelles à l'usage des enfants, elle fait beaucoup de conférences partout en France, où elle peut à loisir développer ses thèses, à l'aide du procédé déjà décrit. Une commission de censure à Paris, qui distribue les étiquettes « à éviter » : les bibliothécaires n'apprécient guère. On a remarqué ces derniers temps que de plus en plus de parents, justement indignés, mais parfaitement trompés, par son arsenal d'extraits, volent les ouvrages de la liste noire établie par MarieClaude Monchaux, pour les soustraire aux yeux des bambins qui utilisent les bibliothèques publiques. Marie-Claude Monchaux écrit beaucoup aux journaux, aussi. Elle participe à des réunions de professionnels, ou, non sans courage, elle se fait tomber dessus par les bibliothécaires qui n'aiment pas trop qu'on leur apprenne leur métier, surtout de cette façon. Et ça finit par payer. Troisième acte: l'épidémie s'étend. Mme Solange Marchal, élue RPR du XVIe arrondissement de Paris, tombe un jour sur les thèses de M.-C. Monchaux. Ça lui va : ayant Différences - nU' 68/69 - JuinlJuillet 1987 travaillé longtemps avec M. La Tournerie, qui vient de se signaler en voulant faire interdire le Gai Pied et autres publications, elle connaît la musique. Mme Marchal, en décembre 1986, ressort les mêmes extraits en séance du Conseil de Paris. Ça ne fait ni une ni deux, on vote : désormais, on ne laissera pas aux conservateurs des bibliothèques de la ville, qu.i décidément ont trop de liberté, le choix complet des ouvrages qu'ils achètent sous leur responsabilité. On crée une commission, sous la présidence de Mme de Panafieu, élue RPR chargée de la culture à la mairie de Paris. Cette commission comprendra des élus, dont Solange Marchal, des personnali tés extérieures, et des conservateurs, pour la moitié restante, avec, tout de même, voix prépondérante à la présidente, qui n'est pas plus bibliothécaire que vous ou moi. Aujourd'hui, à Paris, capitale de la culture et de tout ce que vous voulez, il y a une commission pour décider si tel ouvrage est bien, tel autre à éviter. Bien entendu, il est vivement déconseillé aux bibliothécaires d'oser acheter les ouvrages sataniques pourvus du label «à éviter ». Pour l'instant, devant la vigueur des protestations de la profession et la campagne de presse qui s'en est suivie, il ne s'est pas passé grand chose, la commission éprouvant toutes les peines du monde à se réunir. Mais ça viendra. A partir du moment où on met en place une commission de censure, on ne voit pas pourquoi elle ne fonctionnerait pas. D'autant plus que les signes avant coureurs d'une mise au pas idéologique des bibliothèques parisiennes ne manquent pas. Par exemple, quelques mois auparavant, on a imposé aux bibliothécaires de n'abonner leur établissement qu'à un seul quotidien du matin « de gauche », puisqu'hormis Le Figaro, obligatoire au même titre que Le Monde, il n'y a qu'un quotidien de droite, du matin, le Quotidien de Paris. Suppression aussi d'un certain nombre d'abonnements, le journal d'Amnesty International, Alternatives. économiques, Gavroche, etc. Les chères têtes blondes ont bon dos : quand Mme Marchal a présenté son projet au Conseil de Paris, elle a cité en exemple uri ouvrage de Didier Daennincx à qui elle reproche, entre autres, le fait d'avoir représenté un braqueur de banque affublé d'un masque de Chirac. On voit où est le débat. Si on continue à écouter Mme Monchaux, on en viendra à interdire Mon ami Fréderic, un des plus beaux ouvrages pour enfants écrits sur le nazisme, qu'elle cite comme trop cru et trop triste. Sans doute là encore faut-il recourir à la métaphore pour raconter le génocide aux enfants. Dans une lettre publiée par l'Enfant d'abord, M.-C. Monchaux se plaint aussi qu'on publie trop d'auteurs étrangers. Or on l'écoutera: déjà le bulletin municipal du XII, il est vrai dirigé par le très réactionnaire général de Bénouville, publie une mise en garde contre la subversion des enfants et recommande la lecture du livre Ecrits pour nuire. On l'écoutera aussi parce qu'une certaine presse en fait l'apologie. On a déjà cité le Figaro magazine, qui a transformé, depuis, M.-C. Monchaux en passion aria de l'ordre moral. Citons aussi Minute, France Soir, et autres. Montfermeil, maintenant Paris: attention, l'épidémie se propage à une vitesse effrayante. Bientôt, une commission ne suffira plus, il faudra brûler les livres en place publique. Ça nous rappellera des souvenirs. 0 JEAN ROCCIA • Il Le palais de justice de Lyon remodelé pour la circonstance. LYON, SOUS BARBIE Lyon, le 12 mai 1987. Le procès de Klaus Barbie s'est ouvert depuis vingt-quatre heures et déjà les bouquets de roses déposés par les communautés juives à la mémoire des victimes se fanent sur les marèhes du palais de justice. Déjà de nombreux journalistes ont déserté la salle d'audience et papotent au centre de presse installé au palais Saint-Jean. Polémique du jour: la réflexion de Claude Sérillon, la veille au journal de 20 heures, jugeant de «pas très bon goût» la malette de bonnes adresses offertes par la municipalité, suivie par un communiqué virulent et indigné de Francis Collomb, maire de Lyon ... Les vedettes médiatiques et politiques, qui ont fait une apparition remarquée à l'ouverture du procès sont, par ailleurs, aujourd'hui invisibles. Le long du périmètre de sécurité entourant le palais, les passants et les habitants du quartier vaquent à leurs occupations coutumières, marquant tout de même un temps d'arrêt devant l'entrée de la cour d'assises, cherchant à deviner ce qui se passe, là-bas, derrière les murs. Pourtant, dans les rangs clairsemés de la salle du tribunal, l'émotion, impalpable et discrète, est présente dans les yeux des anciens déportés, lovée, prête à jaillir. Ils sont là, fidèles au rendez-vous avec leur bourreau, impeccables et droits sur leurs sièges, calmes et attentifs. Ils n'ont rien oublié, aucun détail

Esther Majerowitz, déportée

à Auschwitz à dixneuf ans, entend encore le son de la voix de Barbie quand il l'a arrêtée en plein centre ville. Henri Troussier, 66 ans, résistant déporté à Ravensbrück, a immédiatement reconnu le sourire de son tortionnaire. Insensibles au show médiatico-judiciaire savamment orchestré autour d'eux, ils sont ici pour témoigner d'un passé vivant, main dans la main avec « l'armée des ombres». Ils n'en peuvent plus de regarder l'oiseau du malheur, au costume noir et au visage blafard, recroquevillé dans le box des accusés. Ils regardent cet homme qui ne veut toujours rien voir, et surtout pas leurs visages, cet être vieux, décrépit et malade qui ne leur fait plus peur, mais qui les glace toujours autant. Qu'ils se rassasient de cette image, car dès le surlendemain, 14 mai, Klaus Barbie se réfugiera dans sa cellule et n'en voudra plus sortir. Au fond de la salle d'audience, dans l'étroit périmètre qui lui est réservé, une petite foule silencieuse s'est massée: quelques badauds désoeuvrés, plusieurs immigrés à l'air grave, peu de femmes mais beaucoup de jeunes. Ils écoutent la lecture de l'acte d'accusation qui relatait ce jour-là par le menu, entre autres atrocités, les tortures infligées à Lise Lesèvre. Ni murmures ni frémissements, mais une grande, très grande attention. Ils ne sont, finalement, qu'un petit nombre à s'être déplacés. Mais tous les Lyonnais, à plus ou moindre degré, s'en cachant ou l'affichant, s'informent et suivent de près le procès. Selon un sondage réalisé dans les premiers jours de mai, il ressort que 78 % des habitants étaient favorables au jugement de Barbie pour crimes contre l'humanité et que 75 % n'hésiteraient pas à juger également des Français si, par hasard, l'on découvrait de nouveaux responsables. « Cela montre leur maturité, dit Marc Aron, responsable du Comité de coordination pas douter, certains s'en félicitent dans leurs grands appartements feutrés. D'autant plus que René Hardy a eu l'élégance de mourir à point nommé. Mais d'autres fantômes vont resurgir. Tout se passe comme si, en ville, on hésitait entre l'orgueil de voir Lyon devenir, pour près de deux mois, la capitale de la conscience moderne et l'envie d'en finir au plus vite sans que remonte à la surface de la mémoire l'intégralité de la période, avec le cortège de contradictions et de déchirures qu'elle a amenées. D'où les réactions complexes et ambiguës des Lyonnais qui approuvent le procès tout en des organisations juives de :i -..'---'-'---'-_ .... Lyon. Les Français rejoi- le redoutant ou, au contraire, gnent les Allemands qui veu- en souhaitant vivement que lent assumer leur passé. Les la vérité sorte enfin du fond gens veulent savoir, surtout du puits. Phénomène auquel les jeunes. » il faut ajouter celui des généMais rien n'est aussi simple à Lyon, «capitale de la résistance » peut-être (60 % des habitants refusent de se prononcer sur ce point) mais aussi capitale de tous les secrets et de toutes les ambiguïtés. C'est pourquoi un autre sondage révèle que si 59 % des gens trouvent le procès exemplaire, 39 % estiment qu'il peut être dangereux et réactiver des haines. Ne serait-ce qu'en dévoilant la face cachée de l'iceberg. Derrière chaque crime de Barbie il y a eu, forcément, un ou plusieurs dénonciateurs. Même si l'ombre et l'âme de Jean Moulin seront omniprésentes au procès, on ne parlera pas, ou peu, de l'affaire de Caluire. A n'en rations: Les anciens, ceux qui ont vécu sous le règne de la Gestapo, sont les plus concernés et les plus émus. Comme ce vieux couple de Vaise, arrêté le même jour, en mai 42. A l'apparition du « boucher » dans leur téléviseur, Jeanne Béroud a éclaté en sanglots et Antoine Béroud a violemment rougi. Ce sont aussi les moins virulents par rapport aux éventuels « criminels» français. Car ils savent dans leur chair que ceux qui ont parlé sous la torture étaient aussi des victimes du nazisme. Viennent ensuite les intermédiaires, ceux qui n'ont pas connu l'occupation mais dont l'enfance a été bercée par les récits de leurs parents. Ceuxlà sont les plus indifférents, Différences - n'" 68/69 - JuinlJuillet 1987 saturés peut-être par une ambiance d'après-guerre dans' laquelle ils ont trop baigné. Ce sont par ailleurs, et paradoxalement, les plus convaincus de l'importance du génocide des juifs lyonnais. Comme si, pour eux, la question était évidente et déjà jugée et qu'il soit inutile de s'étendre plus avant. Les jeunes, enfin, ce sont les plus intéressés et les plus radicaux. fIs demandent des comptes et 83 % d'entre eux ne supporteraient pas l'idée que l'on épargne les éventuels complices français de Klaus Barbie. Ils savent que ce procès est aussi celui d'une idéologie et se documentent beaucoup. Nombreux sont ceux qui souhaitent assiter à au moins une audience. A l'opposé, et malheureusement, ce sont certains milieux de jeunes qui véhiculent le plus les thèses révisionnistes. Faurisson a d'ailleurs longtemps craché son venin dans les salles et les couloirs de, comble de l'ironie, l'université Jean-Moulin ... La ville regarde et attend. Le décor est planté. Dans le grand théâtre qu'est devenu le palais de justice, les personages vivants et morts sont là. Au vif désappointement des 800 journalistes-spectateurs (à peine moins qu'au festival de Cannes), le vieux premier s'est enfui par une porte dérobée. Il leur reste Vergès et sa boîte à surprises. Les victimes de Barbie, et du nazisme, vont témoigner d'une incontournable réalité atteignant notre conscience et notre mémoire. La présence physique du bourreau importe peu: les ombres sont là qui le jugent et nous mettent en garde. A quelques centaines de mètres, place des Terreaux, le mémorial des « Enfants du silence» (dédié aux innocents d'Isieu) nous interpelle aussi dans son éclatante blancheur. En présence symbolique de 44 enfants juifs, il a été inauguré en grande pompe deux heures -avant procès par le gratin des politiciens locaux. Ce qui a pu faire dire à Serge Klarsfeld à son ami Marek Halter: « Toute la France y était représentée, y compris celle de "Travail-Famille-Patrie"... » Au-delà des grands discours et des trop bonnes intentions, ce mémorial ne prendra toute sa dimension que dans une perspective d'avenir. Souvenir ce qui a été et ne devra plus jamais être. Rempart de toile fragile contre qui est déjà à nos portes ... Il suffit de citer le saccage du local des JALB (Jeunes arabes Lyon et banlieue), le 9 mai dernier, par un commando qui a laissé bien en évidence une photo de Klaus Barbie. D'autres ont essayé de montrer l'étendue des victimes du nazisme. Au premier jour du procès, une délégation de tziganes de Montpellier est venue en silence jeter quelques fleurs sur le parvis du tribunal, pour rappeler l'extermination des gens du voyage par Hitler. Un procès exemplaire? Reste à savoir si le message passera. Pour Henri Troussier, il est ésotérique et indicible

seuls ceux qui ont vécu

la torture et les camps peuvent le comprendre. Pourvu qu'il se trompe ... D ANNE S/ZA/RE Il POUR MEMOIRE - DEMENTI. Le gouvernement de La Haye dément une accusation du département d'Etat américain selon laquelle des firmes néerlandaises avaient vendu des armes à l'Afrique du Sud, en violation de l'embargo décrété par l'ONU. La France figure aussi parmi les accusés (12 avril). - GREVE DE LA FAIM. A Jouques (Bouchesdu- Rhône), une trentaine de jeunes Français musulmans, fils de harkis, observent une grève de la faim pour obtenir un emploi et des logements décents (13 avril). Aussi bizarre qu'il y paraisse, la campagne de Jean-Marie Le Pen passe par "Afrique. Côte-- d'Ivoire, Gabon, Zaïre, Sénégal ... n s'en va raconter aux hommes d'Etat africains ses thèses racistes et antiimmigrés et, parait-t-i1, il recueille leur approbation. Enfm, pas tous. n s'est dégonflé de se rendre au Sénégal. L'in- - SPRINGBOKS EN R E VO L TE • D 0 uze « springboks» (joueurs de rugby sud-africains) apportent publiquement leur soutien à l'opposition blanche anti-apartheid, représentée au Parlement, à la veille des élections législatives du 6 mai prochain. En outre, ils se déclarent solidaires du grand 'joueur de cricket sudafricain, Graeme Pollock, qui a fait l'objet d'attaques du gouvernement après avoir déclaré publiquement que, dans son domaine, l'intégration raciale était nécessaire (19 avril). LE PARCOURS DU COMBAnANT (SUITE) Keita Mamadou, jeune originaire de Côte- d'Ivoire, qui prépare son bac dans un lycée de Saint-Ouen (24 avril). - MANDELA AU CINEMA. Le premier téléfilm au monde sur la vie du leader noir sud-africain Nelson Mandela, vient d'être produit par les Britanniques et est présenté aux acheteurs du monde entier au MIP-TV de Cannes (24 avril). - RACISME AU VILLAGE. Le' village du Club Méditerranée installé dans les Antilles britanniques, aux' Tuks et Caïques, est fermé et les « gentils membres » qu'un, au monde, ilfaut en profiter pendant que ça dure. » Ouent quotidien dakarois le Soleil avait, dans son éditorial, recommandé le boycottage d'une éventuelle visite de cet hôte indésirable. Brave, mais pas téméraire ... 2" épisode : le passage de Le Pen sur Antenne 2, le 6 mai, fait l'objet d'une formidable campagne de ,promotion de la part des médias «bien,.. Le Monde, Libération, le Matin lui consacrent des pages et des pages. Sur ce terrain bien préparé, Jean-Marie peut pontifier à loisir. Les propos de Le Pen ne soulèvent que de timides protestations de la part de la majorité qui, au lieu de lutter vigoureusement contre les mensonges, semble plutôt soucieuse de faire de la surenchère pour se concilier les électeurs lepénistes. C'est Pasqua qui propose de remplacer les charters par des trains (Il mai). Puis Chalandon qui annonce qu'il va remettre le code de la nationalité sur le tapis (7 mai). En revanche, les présidents ivoirien et gabonais, Houphouët-Boigny et Bongo, pas dégoûtés, n'ont pas répugné à rencontrer le chef du Front national. fis ont eu la faveur du discours suivant : « Il y a des gens qui vivent chez nous sans qu'on le leur demande. 80 % d'entre eux sont entrés de façon illégale et, à partir du moment où ils sont chez nous, . ils se décrètent des droits, des droits qu'ils exigent de plus en plus fort. Et puis, en plus, ils écrivent à leurs parents et amis de venir, parce que les pays aussi couillons que le nôtre, il yen a Les jeunes loups du RPR, menés par Michel Noir, lancent l'offensive contre le FN, mais se font taper sur les doigts par le Premier ministre (14 mai). du Cap, un responsable François Mitterrand. Il de la police annonce que déclare:« Qu'une à la date du 15 avril, conférence interna- 4 244 personnes étaient tionale sur le Prochedétenues en vertu de Orient ne servirait pas la l'état d'urgence. Parmi cause de la paix dans la elles figurent 1 424 en- région ... » (27 avril). fants âgés de 12 à 18 ans, _ INCENDIE MORTEL. dont 219 filles; 2 d'entre eux sont âgés de Un incendie qui s'est moi n s d e 1 2 ans déclaré dans des circons- (24 avril). tances qui restent à établir fait deux victimes, _ JAMAIS VU DEPUIS dont un enfant de LE ViEl-NAM. A Was- 10 ans, dans un imhington, 75 000 per- meuble habité par de sonnes marchent de la nombreux immigrés, rue Maison-Blanche au Ca- des Poissonniers, à pitole pour condamner Paris, dans le 18' arronla politique de l'adminis- dissement (27 avril). tration Reagan en Amé- _ RAMBO DANS LE rique centrale et en MElRO. Le procès de Afrique du Sud. Parmi Bernhard Goetz, le eux, le leader noir Jesse «justicier du métro Jackson (25 avril). new-yorkais» s'ouvre _ PROTESTATION. devant un tribunal de Plus d'un millier de Ma- Manhattan. Il a tiré, le rocains domiciliés aux 22 décembre 1984, dans Pays-Bas, en Belgique une rame du métro newet en RFA, manifestent yorkais, sur quatre à proximité du poste jeunes Noirs qu'il soupfrontière franco-belge çonnait de vouloir l'ade Rekkem, contre le gresser. Une de ses rétablissement des visas victimes est restée paraobi i g a toi r e s pou r lysée. Cette affaire, exal'entrée en France (25 cerbée par son aspect avril). raciste - Goetz est Blanc - provoque aux Etats- - L' 1 M PO S SI BLE Unis un débat sur l'insé- OUBLI. Célébration curité et l'autodéfense et dans toute la France de elle divise les Amérila Journée nationale de cains dont une grande la déportation (26 avril). part considère Goetz comme un véritable - RECONSTITUTION. héros (27 avril). Reconstitution de l'accident où Viviane Bor- - PERSONA NON derie, 42 ans, infirmière GRATA. Le président antillaise, mère de trois autrichien Kurt Walenfants, a trouvé la mort dheim, qui est accusé en gare d'Evry-Cour- par le Congrès juif moncouronnes (Essonne) en dial d'avoir participé à tombant du train après des crimes de guerre une altercation avec les nazis, est placé sur une contrôleurs. Elle a «liste d'observation» permis de confronter les par les autorités amérideux versions contradic- caines, ce qui équivaut à toires de l'accident: lui interdire l'entrée aux celle des contrôleurs qui Etats-Unis (27 avril). affirment que Mme Borderie est « tombée acci- - NAUSEABOND. Pludentellement en voulant sieurs avocats lyonnais descendre de la rame »; chargés de représenter et celle de la famille de les parties civiles dans le la victime dont les dé- procès de Klaus Barbie, _ REQUETE. Rudolf - LIBERATION. L'a- évacués vers New york fenseurs soutiennent reçoivent des tracts Hess, le dernier diri- gence Tass annonce que et Miami. Un incident qu'« elle a été poussée niant l'existence de l'exgeant nazi en prison, le dissident soviétique raciste serait à l'origine par la main d'un des termination des juifs écrit une lettre aux diri- Anatoly Koryaguine a de cette décision. Le agents de contrôle » (26 dans les camps nazis, geants des quatre pays été libéré et autorisé à barman aurait en effet avril). une reprise des thèses alliés de la Seconde émigrer (23 avril). refusé de servir deux de 1'« historien» Iyon- Guerre mondiale, leur _ MANIF. Plusieurs di- Antillais. Le personnel - SHAMIR A PARIS. nais Robert Faurisson demandant sa libération zaines de personnes pro- s'est alors mis en grève, Le Premier ministre ou de son disciple Henri de la prison de Spandau, testent à la préfecture de avec le soutien des habi- israélien tithak Shamir Rocques dont la thèse à Berlin-Ouest. Il sera Sei n e -Sai n t -Den i s, tants de l'île (24 avril). arrive à Paris. Il s'entre- fut annulée par le mi- Il âgé de 93 ans le 23 avril contre les menaces d'es- - EMPRISONEMENTS. tient avec Jacques nistre des universités en (14 avril). pulsion qui pèsent sur Devant la Cour suprême Chirac et rencontre 1986 (27 avril). ~--~----------~----~~------------------~------------------------~--~----~ 13 moi 1987 : Klaus Barbie quitte le box des accusés, refusant ainsi d'être confronté à ses anciennes victimes. Il regagne la prison de Saint-Joseph, en se déclarant « victime d'un enlèvement» de la oort du gouvernement fronçais. Il reviendra pourtant quelques jours plus tard, dons la salle du tribunal où il sera formellement reconnu par ceux qu'il a torturés et déportés. - DROITS DE L'HOMME. De nombreux appels s'élèvent en faveur de la libération de M. Khemais Chamary, secrétaire générai de la Ligue tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH) appréhendé à Tunis (29 avril). - RENCONTRE. Yasser Arafat se déclare « prêt à rencontrer n'importe quel dirigeant israélien sous l'égide de l'ONU, pour parler de l'établissement en Palestine d'un Etat binational palestino- israélien.» 4 mai). - CONGRES. Le Conseils constitutif du Congrès des juifs mondial (CJM) se réunit pendant deux jours à Budapest. C'est la première fois que cette organisation, qui représente 70 communautés israélites à travers le monde, convoque son organisme directeur dans un pays socialiste (6 mai). - MANIF. Quatre cents personnes défilent à Angers pour protester contre le refoulement d'immigrés condamnés pour des délits (Il mai). - AmNTAT. Trois personnes sont blessées. dans un attentat à l'explosif contre la maison de l'Etranger, à Marseille. Celle-ci a une vocation culturelle et sociale, notamment favoriser les démarches des immigrés (Il mai). - LOI SUR L'IMMIGRATION. Entrée en vigueur aux Etats-Unis de la loi sur l'immigration signée le 6 novembre dernier qui va permettre à tous les immigrants illégaux de demander un statut légal, a condition de prouver - MARIAGES MIXTES. qu'ils vivent sans inter- Les mariages entre perruption aux Etats-Unis sonnes de couleur diffédepuis le 1" janvier rente ne sont plus inter- 1982. Cette mesure dits en Afrique du Sud, concerne environ mais l'habitat séparé 4 millions de personnes. des Blancs, des Noirs, A peu près autant de- des métis et des Indiens vraient théoriquement demeure obligatoire! être expulsés (5 mai). Une cinquantaine de Différences - n'" 68/69 - Juin/Juillet 1987 couples «mixtes» ont été avertis qu'ils ne pourront plus conserver leur logement (11 mai). - PROCES. Ouverture à Lyon du procès du criminel de guerre nazi Klaus Barbie (11 mai). Au cours de l'é- Organisation» mission télévisée prépare un autre « Thalassa» du « raid» moto- 22 avril sur FR3, nautique à traon a appris que, vers la forêt non contente de guyanaise, sur continuer à or- les fleuves Maganiser le rallye roni et Oyapok ! Paris-Dakar, Déjà « Survival avec ses destruc- International» a tions, véritable exprimé l'indiin s u /te à la gnation que lui beauté et à la inspire ce projet pauvreté du dé- monstrueux. sert meurtri et Comment peutsouillé par l'ar- on affirmer que g e nt, 1 a l'installation de « Thierry Sabine terrains d'atterrissage pour les hélicoptères, le déploiement d'hommes et de matériels, les ravages et la pollution des engins motorisés ne vont pas dégrader la nature et ces fleuves auxquels l'économie, la culture et la spiritualité des hommes, les Indiens, sont étroitement attachées ? Cela serait un viol ethnocidaire. Heureusement, la « Thierry Sabine Organisation » n'a pas obtenu l'autorisation de réaliser son projet. - GUET-APENS. Des centaines d'immigrés mauriciens se pressent à la préfecture des Hautsde- Seine et à la direction du travail et de l'emploi de Nanterre, attirés par une rumeur qui affirmait qu'on y régularisait la situation des sans-papiers. Résultat: 20 d'entre eux, en situation irrégulière, sont reconduits à la frontière, les autres sont soigneusement fichés. Qui a lancé cette rumeur? (Il et 12 mai). - SUSPECTS. Après le tollé provoqué en Allemagne fédérale par la décision du ministre de l'Intérieur d'autoriser la police aux frontières à interdire l'entrée en RFA aux étrangers « soupçonnés» d'être atteints du SIDA, le ministère a admis que les gardes frontières ne pourront décider seuls de l'expulsion d'un « suspect ». Ces derniers devront en référer à la direction centrale de la police des frontières (BGS) à Coblence (12 mai). D ROBERT PAC Il CISJORDANIE, JERUSALEM-EST, BANDE DE GAIA REPORTAGE: VERONIQUE MORTAIGNE - PHOTOS: JOSS DRAY INGT ANS D'OCCUPATION Différences - n'" 68/69 - JuinlJuillet 1987 1917, déclaration Balfour. 1947 : plan de l'ONU pour le partage de la Palestine en deux Etats. Juin 1967, guerre des Six Jours Israël investit la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. 1987 : vingt ans d'occupation. De la vie quotidienne en Cisjordanie à l'évolution de la gauche israélienne et des Palestiniens, le point sur une des situations les plus chaudes du globe. 1987, la paix maintenant? Trop tassée dans ses murailles, Jérusalem la vieille en déborde par d'étroits passages aux noms de sangsmêlés

porte de Damas, de

Sion, d'Hérode ou de Jaffa. Ce ne sont pas des gens ordinaires qui s'en écoulent, mais des peuples entiers et des religions constituées: Jérusalem est une ville théorique, les politiques et les clergés s'y livrent dispute, leurs éléments les plus maximalistes y ont pris pied. Godefroy de Bouillon a accouché de l'Eglise fondamentaliste américaine, des flancs du mont Sion sont sortis les juifs orthodoxes du Goush Emounim (Bloc de la foi), la grande mosquée al Aqsa distille sa quote-part de musulmans intégristes. Mais, quoi, chacun son mur, son dôme, ou son tombeau, tout paraît encore pouvoir cohabiter. A priori. Mais voilà, les enjeux politiques - ceux de toute une région du monde - ont enflammé la ville trois fois sainte, et les senteurs de fleurs d'oranger, de zatar et de cumin, qui donnent à la Palestine un air si doux, ont prix des aigreurs de poudre à canon. Depuis longtemps, Jérusalem a été la proie des manies conquérantes. Détruite en l'an 70 par Titus, conquise par les Perses en 614, reprise par les croisés en 1099, puis par Sahl el Din (Saladin) qui la leur souffle en 1187, la ville passe, après maintes péripéties, aux mains des Turcs. L'Empire ottoman l'abandonne finalement en 1920 au profit d'un statut baroque: capitale de la Palestine sous mandat britannique. En 1947, l'ONU en décide la partition : l'Est pour la Jordanie, l'Ouest pour l'Etat d'Israël naissant, qui fera de Jérusalem la capitale en 1949. Signe obligatoire d'une métropole partagée: le Mur, ici percé d'un unique et étroit passage, la porte de Mandelbaurn. Puis vint la guerre des Six Jours, il y a tout juste vingt ans. Après le Golan, Gaza et la Cisjordanie, Israël « réunifie » Jérusalem dans la foulée, périphrase pour signifier l'annexion de la partie Est. L'ONU condamne, le Saint Siège réclame l'internationalisation de la ville, les juifs affluent en masse au Mur des Lamentations resté inaccessible depuis la partition. Aujourd'hui, la vieille ville partage son temps entre ses trois quartiers, arabe, juif et chrétien, où se mêlent money Il Il Il III changers, marchands de Christ en bois d'olivier, de tomates et de fallafel, vendeurs de cartes postales ou de kipas. Cette Jérusalem cosmopolite, purifiée par les vagues de charters-pèlerins et assagie par Tsahal, paraît, au premier regard, délivrée de ses démons. Hélas! l'histoire ressemble ici à un destin d'où le partage est banni. En face, le mur occidental du second Temple de Salomon (dit des Lamentations), à deux pas, la mosquée al Aqsa et ses jardins mirifiques, derrière, tortueuse, la Via Dolorosa: hors des sentiers touristiques, la rue el Khaldiyé, étroite venelle du quartier arabe, jouit calmement du soleil filtré de l'après-midi. Les deux militaires israéliens plantés sur leurs chaises, mitraillette à la main, surveillent les allées et 'Tenues des femmes de retour des courses et les enfants qui jouent à la balle sur les terrasses des arrière-cours, saluent les copains qui arpentent la vieille ville en patrouille de quatre ou de six, en buvant du Coca-Cola. }\, quelques mètres, une stèle hâtivement coulée dans le béton alimente le souvenir et la présence des soldats en armes. Le rideau de fer de l'épicerie arabe, un peu plus haut, a été défmitivement clos, sous la menace: c'est de là qu'auraient surgi les assassins de Noham, jeune étudiant de l'école juive orthodoxe Shavo Banim, poignardé l'année dernière, pour une histoire de haschisch. Depuis, les adeptes de Shavo Banim, implantée dans le quartier el

(haldiyé pour affirmer la présence judaïque sur Jérusalem,

d qui compte dans ses rangs un certain nombre de repris de justice en état de repentir, mènent la politique de la terre brûlée, jettent des pierres, « à la Palestinienne », obligent le voisinage à déménager, à poser des grilles aux fenêtres et des portes de fer aux terrasses. Un état de siège

1ew-look, mené de l'intérieur.

Une stèle coulée dans le béton, une épicerie fermée, des fenêtres grillagées

n plein quartier arabe, les bannières portant l'étoile bleue

d'Israël flottent au grand vent. Shavo Banim, Ateret Coranim: à chaque jour sa nouvelle école, sa maison

achetée, même à prix d'or. La reconquête du quartier

arabe est à l'ordre du jour. Les tenants de la reconstruction du Temple de Salomon, donc de la destruction de la mosquée, édifiée sur ses ruines, grignotent du terrain, m2 par m2. La municipalité travailliste de Jérusalem, si elle a souvent réagi aux provocations du rabbin Kahana, n'en tolère pas moins l'existence d'une officine tenue par la '::lelle-soeur de ce dernier, Young Israël, dans le bureau de poste du quartier juif de la vieillle ville. Cette agence de

ourisme propose, entre autres, des visites guidées, sur
rendez-vous, Présence juive dans le quartier islamique, et

destinées à encourager les juifs américains, de préférence riches et orthodoxes de Brooklyn Heighs (que Kahana n'a quitté qu'en 1974), à acquérir des demeures autour d'al Aqsa. Ainsi, la vitrine de la poste publique s'orne-t-elle d'un

lhotomontage où le Temple a été reconstitué. Sans

mosquée, il va de soi. Les habitants du quartier el Khadiyé ne l'entendent pas de

ette oreille. Plusieurs familles constituées en comité de

quartier fouillent, avec l'aide de juristes, les archives de la ville pour retrouver titres de propriété et textes de loi. Mais l'argent manque. Or la sauvegarde du quartier arabe

(Jasse aussi par sa rénovation. La Jordanie octroie des

subventions pour les seuls lieux « d'intérêts islamiques ». La municipalité de Jérusalem peaufine le quartier juif, devenu modèle de réussite architecturale, de propreté et d'hygiène, le tout pour plusieurs dizaines de millions de dollars Il!' et 3 500 habitants, dont 40 % d'ultra-orthodoxes. Sur le front iii chrétien, rien à signaler. 0 I ____ ~--~~----------------------------------------------------- A gauche : Jérusalem, dans le quartier arabe, les écoles juives orthodoxes plantent \ le drapeau d'Israël pour marquer leur présence. Ci-dessus : Damascus Street, passage obligé pour se rendre au Mur des lamentations. Ci-dessous : la vitrine de la poste du quartier-juif. Un photomontage du Temple reconstitué, sans mosquée. En haut: Des grillages ont été posés, pour protéger la route d'Hébron, en bordure du camp de réfugiés de Deishé, à Bethléem, où vivent 20 000 Palestiniens, depuis 1948 dans leur majorité. En 1967 (photo de droite), plus de 200 000 Arabes de CisjOrdanie s'enfuirent en Jordanie. --- DES ARABES SANS TER RES NI MAIRES Du haut de sa terrasse, le maire destitué contemple Naplouse, sa ville, ensommeillée par le premier jour du Ramadan. Il y a tout juste vingt ans, Tsahal, l'armée d'Israël rentrait en territoire jordanien et Naplouse devenait Sichem. Bassam Chaka'a n'est pas un homme diminué. Il pourrait l'être'. Un attentat, du même acabit que celui qui tua Faad el Kawasmeh, maire d'Hébron, le priva de ses deux jambes. Il ne marche plus depuis six ans, mais son prestige reste intact, et sa mémoire tranchante. Les patrouilles en tenue de camouflage qui sillonnent les rues en jeep, les soldats postés sur le toit de l'hôtel Palestine, le seul de cette ville de 200 000 habitants, capitale de la Cisjordanie désertée par les touristes peu téméraires, la prison cernée de barbelés : les signes ostentatoires de l'occupation alourdissent l'atmosphère, déjà tendue par la présence des colons juifs, qu'ils soient partisans de l'Eretz Israël, le Grand Israël de la Bible, qui du nord du Sinaï atteindrait l'Irak jusqu'au Tigre, ou pauvres bougres installés en territoire arabe faute de terres ou alléchés par les subventions d'Etat. Il serait inexact de dire que les ennuis de Bassam Chaka'a débutèrent avec eux, mais pas qu'il y laissa ses jambes. Les auteurs de l'attentat, membres de l'organisation Terreur contre terreur (TNT) et d'une colonie du Goush Emounim, le Bloc de la foi, implantée sur une des collines qui enserrent Naplouse, ont d'ailleurs été arrêtés et condamnés, à trois ans de prison, ce qui est peu comparé aux peines infligées au commun des Palestiniens: entre l et 10 ans de prison « pour appartenance à une organisation hostile », l an en moyenne pour jet de pierre, le double pour des cocktails molotov, ou encore, au hasard, huit mois pour possession de pistolet (alors que les colons juifs sont armés de mitraillettes), la palme revenant à un jeune homme de Naplouse condamné à un an de prison ferme, plus deux ans avec sursis, pour « avoir cherché à acheter un pistolet» (1). Les territoires occupés sont sous contrôle militaire, et les lois d'exception ne manquent pas : décrets promulgués par Israël depuis 1967, ordonnances héritées du mandat britannique, législation jordanienne... Quatre mille cinq cents détenus « de sécurité» sont actuellement incarcérés dans neuf prisons. 1517-1917 : La Palestine est sous domination turque. 1922 : La Grande-Bretagne reçoit de la SDN mandat sur la Palestine. 1948 : Création de l'Etat d'Israël. 1949 : Première guerre israëlo-arabe. L'Egypte garde Gaza, et la Jordanie, la Cisjordanie et Jérusalem Est. 1967 : Guerre des Six jours contre l'Egypte et la Jordanie. Israël occupe une partie du Golan et du Sinai; Gaza, Jérusalem Est et la Cisjordanie. La Résolution 242 des Nations-Unies demande le r etrait immédiat des territoires occupés. 6 juin 1987 : Vingtième anniversaire de la guerre des Six jours. Bassam Chaka'a sur sa terrasse, à Naphouse. A droite : la mosquée d'Hébron, gardée par des militaires et des colons juifs de Kiriat Arbat. Dans son édition hebdomadaire en langue anglaise publiée à Jérusalem, Al-Fajr cite les résultats d'un sondage réalisé juin 1986 à Gaza et en Cisjordanie (2), où 51 % des personnes interrogées font état de mauvais traitements infligés à des membres de leur famille, de tracasseries et d'insultes à des postes de contrôle militaires (56 %), d'arrestations politiques (47,5 %), de confiscation de biens et de terres (23 %), d'assignation à résidence, de lourdes amendes. «Nous n'avons pas le droit de dormir en dehors de chez nous, ni de conduire une voiture israélienne ni de vendre nos tomates à Tel-Aviv, confie Abd-Latiff Abu ~ Middein, directeur d'une coopérative agricole à Gaza. Pas ' le droit de voter, ni de faire le service militaire. Pour nous déplacer, il nous faut un laisser-passer (3). On nous a confisqué nos meilleures terres pour raison « de sécurité militaire ». On peut nous mettre en prison sous n'importe quel prétexte. Et on s'étonne que les gamins lancent deS' pierres! » En 1976, devant une agitation croissante dans les territoires occupés, le gouvernement israélien décide d'organiser des élections municipales libres, avec l'espoir que les caciques, ceux-là mêmes qui collaboraient avec les Trucs, puis les Anglais, reviendraient sur le devant de la scène. Ces élections suscitèrent un immense espoir dans la population arabe, qui vota en masse, mais les élus ne furent pas ceux qu'on attendait. Bassam Chaka'a refuse dès les premiers jours de son mandat le rôle d'homme de paille. Il accompagnera tous les mouvements qui secouent Naplouse. Les commerçants qui se mettent en grève pour protester contre les taxes et impôts qu'ils doivent acquitter au fisc, bien qu'ils ne possèdent ni la nationalité israélienne, ni le droit d'écouler leurs produits sur le marché national, ni celui de toucher des subventions équivalentes à celles de leurs confrères israéliens. Les étudiants qui organisent des marches pacifiques pour protester contre les fermetures répétées de l'université Al Najah, en vertu d'énigmatiques « military orders », contre l'expulsion à l'étranger du président du comité étudiant, ou l'incarcération de membres présumés du Fatah. cc Bassam, ne VOlIS opposez pas au Goush Emounim ! Il Le maire tombe sous le coup d'un arrêté d'expulsion en 1979, pour «encouragement au terrorisme, activités illicites ». Son fils est arrêté pour «jet de pierres sur des militaires israéliens », sa fille de 10 ans est interrogée pour avoir dessiné un drapeau palestinien, sa femme suivie dans ses moindres déplacements, ses amis menacés. Mais Bassam Chaka'a est populaire. Les autorités militaires font marche arrière. Quelques mois plus tard, le Goush Emounim décide d'établir une nouvelle colonie sur les hauteurs de Naplouse. L'atmosphère se tend, pierres et cocktails molotov reviennent en force. Le coeur de Naplouse bat plus vite. «Weitzman, alors ministre de la Défense me convoqua, Différences - n'" 68/69 - JuinlJuillet 1987 GAZA: UN MAUVAIS TRIP Franchir le poste militaire de la Bande de Gaza, c'est passer des plaines irriguées et des kibboutzin bien rangés d 'Ashkelon, à 'univers survolté d'une terre oubliée. Du mandat égyptien sous lequel elle était placée avant 1961, Gaza a hérité la manie du klaxon à outrance et des blagues politiques, et de la création d1sraël en 1948, les camps de réfugiés. Elle n'en a d'ailleurs pas le monopole puisqu'il en existe 28 dans les territoires ocèupés par Israël pour un total de 791 000 personnes, dont 535 000 pour la seule bande de Gaza, 45 km de long sur 7 km de large. Les camps de réfugiés sont de véritables chaudrons au bord de l'explosion. La misère d'abord, les Arabes des camps qui travaillent pour des salaires très bas en Israël comme manoeuvres, maçons ou ouvriers agricoles, ont été les premières victimes de la crise économique et du chômage, ainsi que ceux qui ont émigré dans les pays du Golfe, en récession. L'entassement ensuite. Au Beach Camp de Gaza, chaque kmz abrite 780 personnes. L'ONU, par l 'intermédiaire de l'UNWRA essaie de pourvoir aux premières nécessités. La répression enfin. Le nombre d'assignés à résidence, d'interdits de sortie, d'emprisonnés atteint des proportions alarmantes. Des initiatives malJleureuses en amplifient la portée, tel ce haut grillage posé tout autour du camp de Daishé à Béthléem, pour éviter les jets de pierre sur la route d'Hébron. Gaza a peu d'espoir: l'Egypte la boude, la Méditerranée l'étouffe, Israël appuie sur le couvercle. La société juive vit sur le séparatisme : les Arabes, ceux de 1948, ceux des territoires occupés et les réfugiés appartiennent à une autre galaxie. A Gaza, on atteint les confins de l'univers.- raconte Bassam Chaka'a, et me dit.' "Bassam, je vais vous parler en hébreu, car je veux choisir mes mots et ne commettre aucun contre-sens.' si vous vous opposez au Goush Emounim, vous risquez des représailles physiques". Quelques jours plus tard, le commandant militaire de la région ajouta.' "La force n'est pas de votre côté. Tant que cela durera, vous ne nous expulserez pas. Quand vous l'aurez, vous pourrez nous rejeter à la mer" ». En 1980, la voiture de Bassam Chaka'a saute. Depuis 1984, tous les maires élus de Cisjordanie et de la Bande de Gaza ont été destitués et remplacés par des administrateurs militaires, et les implantations de colonies se sont poursuivies selon une stratégie géo-politique très déterminée. « A Raffa, fait remarquer l'avocate juive israélienne Felicia Langer, huit colonies isolent Gaza de la presqu'ne du Sinaï; 1200 familles bédouines ont été expulsés à l'occasion. La Bande de Gaza se retrouve coincée entre la mer et la ligne de démarcation.» A Hébron, où le rabbin ultra-orthodoxe Moshé Lewinger a élu domicile, les 6600 colons de Kiriat-Arbat lorgnent depuis 1972 sur la vieille ville édifiée autour des tombeaux d'Abraham, d'Isaac, Rebecca et Jacob, dans la mosquée Haran el Khalil. On y prie à heures séparées, sous la protection musclée des soldats en armes. Les bibles se rangent dans les armoires au moment où ressortent les corans. 111111 Les juifs en kipas et favoris cèdent le terrain aux musulmans portant au front la marque de la prière que la montée du courant intégriste a hissé au rang d'orgueil national. S'appuyant sur un verset de la Bible, par lequel il est écrit qu'Abraham pour 400 sicles d'argent acheta ici une possession en terre de Canaan, Moshé Lewinger revendique la légitime propriété d'Hébron. En 1979, il occupe un ancien dispensaire juif au coeur de la ville arabe avec sept familles. Depuis, Hébron vit sous pression. En 1980, un attentat fait six morts dans la communauté juive. Les lieux du drame, à deux pas du souksont érigés en véritable stèle mortuaire, cerclé de barbelés et gardés par une armada. Sur les hauteurs, à quelques dizaines de mètres de Kyriat Arbat, la mosquée de Khald Ibn al Walid attend le permis de construire des autorités israéliennes pour achever son étage. Stricte réplique de l'Alhambra espagnole, financée par la Jordanie, elle est devenue symbole de la résistance aux colons et de la sauvegarde des valeurs culturelles et religieuses musulmanes. En face de Kiriat Arbat, la mosquée Kllald Ibn al Walid, une réplique de l'Alhambra. Inachevée Avant 1967, il Y avait un million et demi de Palestiniens vivant dans les territoires occupés. Après la guerre des Six jours, cinq cents mille personnes ont pris le chemin des camps de réfugiés ou de l'exil (4). Les partisans de l'occupation de la Cisjordanie et de Gaza voudraient arriver à une population juive équivalente. Pour le. moment, les objectifs officiels, pourtant ramenés à 100000, n'ont pas été atteints. L'installation d'une famille coûte environ 100 000 dollars, et la rigueur budgétaire s'impose actuellement à l'Etat israélien. Pire, les candidats manquent à une époque où le solde d'immigration est négatif pour Israël (5). Les déclarations du ministre de la Défense travailliste, Itzhak Rabin, après l'attentat qui a coûté la vie à une jeune femme de la colonie d'Alfei-Menaché, selon lesquelles les implantations ne sont, somme toute, vitales pour Israël que dans les régions frontalières du Golan et de la vallée du Jourdain, ont suscité un tollé et ouvert la crise au sein de la coalition au pouvoir, sans satisfaire pour autant les Palestiniens qui demandent la restitution des territoires occupés. La mort d'un étudiant à l'université de Bir-zeit en avril dernier, la grève de la faim des prisonniers politiques ont relancé l'agitation sur le terrain. Quarante ans d'existence, dont vingt d'occupation de la Cisjordanie: un mi-chemin lourd à supporter pour Israël. 0 (1) D'après le journal HtuJTez (Indépendant) et l'Agence télégraphique juive, cité également dans la Revue d'études palestiniennes. (2) Enquête menée en août 86, sur un échantillon de mille personnes par le quotidien arabe Al-Fajr, Newsday et Australian Broadcasting Corporation. (3) En Cisjordanie, les Palestiniens possèdent un passeport jordanien et un obligatoire laisser-passer israélien. A Gaza, ils sont porteurs du même laisser-passer, mais d'un passeport égyptien. Les réfugiés de 1948 dans les camps sont apatrides. Les Arabes d'Israël, dits «Arabes de 48,., ont la nationalité israélienne et approximativement les mêmes droits que les juifs israéliens, sauf celui du service militaire (excepté les Druzes), ce qui a de lourdes conséquences sur leur vie sociale. (4) Outre les problèmes de confiscation des terres (lire à ce sujet, Avocate israélienne, je témoigne, de Felicia Langer, aux éd. Sociales), celui des familles séparées vient au premier rang des préoccupations. En effet, outre les Palestiniens en exil pour des raisons d'ordre politique, ceux qui étaient absents des territoires (travailleurs émigrés, étudiants, ou voyageurs) pendant la guerre des Six jours n'ont pas été autorisés à rentrer par la suite. (5) Lire à ce sujet les interviews des yordim, « ceux qui descendent ,., qui quittent Israël, dans le livre très documenté de Maurice Rafjus. Retours d'Israël, éd. de l'Harmattan. DES PACIFISTES EN ETAT DE GUERRE A gauche, Latif Dôri. A droite, Michel Wartschawski, tous deux inculpés, pour cc aide à une organisation ennemie ~~. En haut, manifestation en 1984 contre la guerre au Liban. La fin d'un consensus: depuis l'engagement de son armée au Liban en 1982, l'Etat-soldat a pris du plomb dans l'aile. Les colombes de Chalom Archav (la Paix maintenant) de Yesh Gvoul (Il y a une limite) ou de la Formation progressiste pour la paix, bien que minoritaires, tout comme leurs alliés à l'extrême gauche, ont ouvert une brèche dans le bloc sioniste. En toile de fond, une interrogation lancinante: une société en état de guerre, de défense offensive permanents, jouant la carte de la violence contre la violence, peut-elle survivre sans dommage? La démocratie israélienne est attaquée au flanc par l'idéologie sécuritaire qui permet tous les contrôles, toutes les pressions, et par le régime d'exception qu'elle maintient militairement depuis vingt ans dans des territoires occupés par la force. La lutte antiterroriste et la détection d'éventuelles bombes doit-elle justifier le triple interrogatoire subi par tout un chacun, surtout non-juif, à sa sortie d'Israël? Aucune fouille des bagages, mais un questionnaire très précis sur votre séjour: nom et adresse de vos hôtes, dates, factures d'hôtel ou de location de véhicule. Toute fréquentation à consonance arabe fait de vous un suspect numéro un. Motifs sécuritaires également, J 1 l'omniprésence dans la rue de l'armée et des civils qui portent mitraillette en bandoulière, la censure obligatoire pour la presse, les contrôles d'identité au faciès? Les rares juifs israéliens qui ne souscrivent plus à la thèse selon laquelle «Si Israël dépose les armes, il est détruit dans les vingt-quatre heures qui suivent» s'exposent aux foudres des lois. Michel Wartchawski risque vingt-trois ans de prison, aux termes d'une loi datant de 1948, réactualisée cette année, pour «aide apportée à une organisation ennemie JO. Ce militant du Matzpen, un mouvement d'extrême gauche créé en 1962, a été arrêté il y a quelques mois ainsi que tous les membres du Centre d'information collective et de la revue News trom Within, qu'il dirige à Jérusalem. Tracts et documents de soutien au Front étudiant, organisation possédant un statut légal et autorisé dans les universités des territoires occupés, mais soudainement rebaptisée pour l'occasion «couvertures du FPLP» par la police israélienne, y ont été saisis. Pourtant, la manoeuvre risque fort de faire long feu. «Pour la première fois, commente Michel Wartchawski, nous avons assisté à une levée de boucliers en notre faveur, même au centre, chez les travaillistes. Des avocats de tendance très sioniste se sont proposés pour assurer notre défense. C'est un fait nouveau. Depuis sa création, l'Etat d'Israël a tiré sa force de l'unité nationale, des 99 % d'Israéliens qui s'identifiaient aux idées sionistes. Différences - nO' 68/69 - JuinlJuillet 1987 LA GUERRE DES SIX JOURS : L'EFFET BOOMERANG La guerre de 1967 a suscité de nombreuses vagues antijuives dans les pays arabes. 10 000 juifs ont ainsi quitté la Tunisie. 5 juin 1967. A Tunis, un début de pogrom éclate dans les quartiers israélites. De nombreuses boutiques sont saccagées et incendiées. La grande synagogue, au centre de la ville est profanée, le mobilier détruit, ensuite elle est brûlée devant des badauds qui hurlent leur joie. Tunis a été le théâtre de manifestations antisémites très violentes. Les quartiers juifs ont été livrés aux mains de jeunes qui brisaient tout sur leur passage, aux cris de.' « A mort les juifs! Brûlent les juifs» Le président Bourguiba condamna sévèrement ces violences qu'il attribua à «des énergumènes irresponsables qui méritent la potence» et il rappela que, si la Tunisie s'était déclarée contre Israël, «cette prise de position n'a été dictée par aucun fanatisme ». Le lendemain, M. Bahi Ladgham, secrétaire d'Etat à la présidence, accompagné d'une délégation de hauts dignitaires tunisiens, vint exprimer ses regrets au grand rabbin de Tunisie et promettre que l'Etat dédommagerait toutes les victimes. Ces déclarations courageuses ne parvinrent pas à apaiser les craintes des juifs tunisiens. fls ont été près de 10 000 à quitter le pays entre juin et septembre 1967. Ces tragiques débordements ne constituent pas la seule cause de leur émigration. Celle-ci s'explique aussi par les conséquences des transfonnations de divers ordres - arabisation, planification, nationalisation. Au lendemain des événements de juin 1967, il n'y eut jamais refus de titres de voyage, ceux-ci furent même établis et délivrés dans les plus brefs délais. Mais les juifs quittant la Tunisie devaient produire un billet aller et retour (f) et ne pouvaient emporter avec eux que des objets d'usage courant et une somme d'argent dérisoire, quelques centaines de francs français par famille. Aussi, tous ceux d'entre eux qui partirent sans espoir de retour - et c'était l'immense majorité - durent-ils abandonner leurs biens en les liquidant le plus souvent à bas prix. En vingt ans, plus de cent mille juifs ont quitté, par vagues successives, sans espoir de retour, les rives de Carthage et le port de La Goulette. Malgré les efforts du président Bourguiba pour maintenir une nette distinction entre sionistes et juifs, un courant d'opinion, entretenu par une propagande qui manquait de nuances, tendait de plus en plus à nous confondre dans la même réprobation. L'attitude du président tunisien à l'égard des juifs reposait donc sur le principe maintes fois affirmé que judaïsme n'est pas sionisme. Bien sûr, cela n'empêcha pas l'antisémitisme latent ou avoué. Les israélites tunisiens quittèrent un pays dont la politique de dirigisme et d'austérité se répercuta sur leur activité commerciale traditionnelle, et où ils n'eurent plus leur place. La doctrine officielle était claire.' on ne connaît ni les sévices ni les persécutions religieuses, encore moins les discriminations, mais on ne retient pas, loin de là, ceux qui veulent partir. Bourguiba estima donc qu'il n'existait pas une « question juive» en Tunisie, ou du moins qu'il l'avait réglée dans un esprit de réalisme et d'équité .• NORBERT HADDAD La guerre du Liban, Sabra et Chatila - il Y a eu 400 000 manifestants dans les rues de Tel-Aviv juste après les massacres - ont créé un schisme, une rupture. Jusqu'alors, la repression n'a frappé les militants israéliens antisionistes qu'à de rares occasions. Membres des Panthères noires, du Matzpen, du Rakakh ou de l'aile gauche du Mapam (1) se sont rarement retrouvés sous les verrous, mais se sont heurtés à un ostracisme sans bornes. « Etre antisioniste, poursuit Michel Wartchawski signifiait être rejeté, dénoncé, isolé. De ce fait, ceux qui ont refusé de faire leur service militaire depuis vingt ans se comptent sur les doigts d'une main. » Uri Avneri, directeur de l'hebdomadaire Haolam Hazeh, un des initiateurs de la Formation progressiste pour la paix, se souvient du silence de glace qui accompagna chacune de ses rencontres avec des dirigeants palestiniens partisans du dialogue. Pas un mot dans la presse, ni à la télévision, aucun commentaire officiel, mais de sourdes accusations de traîtrise et de collaboration avec l'ennemi (2). « Provisoire, une Mmpation qui dure vingt ans 1 Difficile à admettre Il « Depuis quatre ans, l'Etat israélien est contraint d'agir différemment. La presse, les universités et une bonne partie de l'intelligentsia ont viré à gauche, commente Marius Shatner, journaliste. L 'impression que l'occupation de la Cisjor danie et de Gaza pourrit la société israélienne se confirme. C'est une impasse. Par ailleurs, la montée de l'extrême droite, en particulier dans la jeunesse, effraie les libéraux. La démocratie est confrontée à de cruels dilemmes: comment peut-on autoriser les manifestations à Tel-Aviv et tuer à l'université de Bir-Zeit? » Pour Ruth, ex-militante du Mapam, « on a cru en 1967 que l'occupation était provisoire. Donc, il n'y avait pas de raison d'étudier un statut particulier pour les Palestiniens. La gauche s'est contentée d'un discours approximatif, du type: "si ça continue ... " Et aujourd'hui, ça continue, mais impossible de persévérer dans la demi-teinte ». Conscients que l'occupation des territoires peut se prolonger encore pour de longues années, juifs israéliens et Palestiniens entrevoient, ensemble ou séparément, une tactique nouvelle: une sorte de lutte pour les droits civiques, cocktail de désobéissance civile, de résistance passive, et d'activisme têtu, terre à terre, pragmatique et quotidien. « Les Palestiniens s'aperçoivent bien de leurs faiblesses ici, face au complexe politico-militaire sioniste. Les juifs progressistes n'imaginent pas que creuser les fossés leur permettent un jour de vivre chez eux en paix. Il devient urgent de se battre pour des droits égaux. » La manifestation du 1er mai à Tel-Aviv a vu apparaître des slogans annonciateurs d'un virage politique: retrait des territoires occupés, exigence d'un Etat démocratique pour tous. Parallèlement, de nombreuses voix s'élèvent contre l'inculpation de Latif Dori, Eliezer Feiler, Yael Lotan et Reuven Kaminer, coupables d'avoir rencontré une délégation de l'OLP à Constanza dernièrement. Côté arabe, des initiatives jusqu'alors marginalisées comme la Ligue de la non-violence, de Moubarak Awad, ont le vent en poupe. La lutte pour la réunification des familles séparées, les droits des femmes palestiniennes, les actions contre les fermetures des unive rsités reviennent au premier plan. Avec pour tous, une même exigence: une extrême patience. - V. M. MER UNE OLP, UNE CONFERENCE, PEUT -ETRE MÉOI TERRANfE o o Légitimement, les délégués et invités à la l8e session du Conseil national palestinien, réuni à Alger du 20 au 25 avril, pouvaient exprimer leur joie. Leurs leaders venaient enfin de surmonter quatre années de divisions. Yasser Arafat, l'incontestable vainqueur de ces assises, garde les mains libres pour continuer à diriger l'OLP dont il est leader depuis 20 ans. Dans le nouveau comité exécutif, composé de 15 membres, le président de l'OLP dispose de la majorité absolue. . D'autre part, pour la première fois, un membre du parti communiste, Souleiman Nedjab, entre dans cette instance. Le conseil central, composé de 75 membres cesse d'être consultatif pour devenir un organe chargé « de surveiller l'application des décisions du CNP et contrôler le foncfJ.onnement des organismes de l'OLP ». Une transformation accordée aux organisations qui exigeaient un contrôle du travail de l'OLP et de son président. La résolution politique et organisationnelle laisse également les mains libres à Arafat. Bien sûr, les condamnations habituelles, devenues litanies, persistent: Camp David, projet Reagan, autonomie des territoires occupés. Le rejet de la Résolution 242 de l'ONU s'accompagne d'une formation suffisamment imprécise, « en tant que base pour la solution de la cause palestinienne », pour qu'une évolution demeure possible. A la condition que l'OLP reçoive en échange un début de reconnaissance, soit des Etats-Unis soit, plus improbable pour le moment, d'Israël. Plus significatif encore, le passage consacré aux relations avec l'Egypte. En renvoyant le dossier au comité exécutif qui compte de nombreux partisans du retour de ce pays dans le giron arabe, le CNP a refusé de suivre les tenants de la ligne dure, l'objectif immédiat étant de réunir au plus vite un sommet arabe, avec deux priorités à l'ordre du jour : l'Egypte et la préparation de la Conférence internationale sur la paix au Proche-Orient. A l'exception de Habache, qui demeure sceptique sur les chances de réussite d'une telle conférence tant que le rapport des forces reste défavorable aux Arabes, toutes les composantes palestiniennes y sont favorables. Leur approche étant par ailleurs identique à celle des Européens et de l'URSS: conférence préparatoire réunissant les membres du Conseil de sécurité, l'ONU come cadre actif de la réunion, décisions contraingnantes pour chaque participant. Sur la participation de l'OLP, la formulation adoptée « l'OLP comme partie autonome et à part égale avec les autres parties en tant que représentant légitime et unique du peuple palestinien» permet d'envisager plusieurs formules (participation de membres de l'OLP à une délégation arabe unique, ou désignation de négociateurs indépendants ayant l'aval de la centrale palestinienne). L'OLP semble avoir fait son deuil d'un rapprochement avec la Syrie à court terme. Elle a pris acte publiquement du refus du président Assad de renouer avec Arafat, malgré les médiations de l'Algérie et de l'Union soviétique. Aujourd'hui, la Syrie apparaît plus isolée que jamais au sein du monde arabe depuis que la Libye s'est rapprochée de l'OLP, en soutenant la réunion d'Alger. Damas demeure le seul soutien de l'Iran dans la guerre qui l'oppose à l'Irak, Près de Bersheva, dans le village bédouin de Laguia. La terre pell-elle se diviser? Dernier jour du Conseil national palestinien : Yasser Arafat, à Alger. Une réussite pour l'OLP. Mais les questions essentielles restent en longuement ovationné. La présence d'opposants au régime de Damas aux travaux du CNP scelle l'état de guerre qui oppose Arafat à Assad. Paradoxalement, en permettant à ses protégés d'Amal d'assiéger les camps de réfugiés de Beyrouth, la Syrie a précipité l'unification des Palestiniens. D'autre part, l'extension de la lutte dans les territoires occupés menée par une génération de militants née après 1967 a fini par convaincre nombre de dirigeants palestiniens que le temps des querelles était dépassé. Le danger de voir un jour le mouvement palestinien coupé en deux, ceux de l'intérieur d'un côté et l'extérieur de l'autre, était latent tout au long des travaux du Conseil. En rendant hommage à ces deux composantes du peuple palestinien et en s'engageant devant elles à conserver l'unité de l'OLP, les dirigeants palestiniens mettaient fin à une «guerre» intestine de quatre ans. Après la bataille de Tripoli, au Nord Liban, livrée du 2 novembre au 20 décem1;re 1982 par l'armée sYrienne et les fractionnistes du Fatah aux camps palestiniens de cette ville, Arafat, expulsé de Damas le 20 juin, quitte le Liban le 20 décembre. Le 22, il fait escale en Egypte, où il rencontre le président Moubarak, devenant ainsi le premier responsable arabe à rencontrer un président égyptien depuis la signature des accords de Camp David. Les dirigeants des autres fractions voient dans cette rencontre une approbation des accords. Georges Habache demande la destitution d'Arafat. Les dirigeants du Fatah réaffirment leur opposition à Camp David, mais soulignent la nécessité de maintenir les contacts avec ce pays, indispensable à l'unité arabe. Trois mois plus tard, le CNP se tient à Amman. Les organisations basées à Damas le boudent. Un « accord de coordination politique» entre la Jordanie et l'OLP, appelé accord de Amman, est signé par Arafat et le roi Hussein. Cet accord, fondé sur l'esprit du plan arabe de Fés, stipule le principe d'une action commune jordano-palestienienne en vue du règlement de la question palestinienne. Parallèlement, le président syrien poussait ses protégés à crééer une OLP bis. Un projet supplanté par la création sous l'impulsion du FPLP et du FDLP (1) de l'Alliance démocratique, susceptible de contrebalancer l'influence du Fatah au sein des organisations palestiniennes. Après plusieurs molS de discussions, et grâce aux médiations de l'Algérie et de l'URSS d'abord, de la Libye ensuite, le Fatah et l'Alliance démocratique se mettent d'accord pour convoquer à Alger la l8e session du CNP, la perspective de la conférence internationale, qui, même si elle n'est pas pour demain, se profile. Après l'OLP, c'est au tour d'Israël d'être la proie des dissensions. Le cabinet est écartelé entre le Premier ministre Shamir, qui privilégie les négociations bilatérales avec les pays arabes pour mieux évacuer la participation palestinienne, et son ministre des Affaires étrangères, Shimon Pérès plus favorable à la conférence. Quant au Conseil de sécurité, deux de ses pays membres entreront en campagne électorale dès l'automne prochain pour l'élection présidentitelle. D'abord la France, ensuite les USA. L'électoralisme et la démagogie ne font guère bon ménage avec une conférence sur la paix. Le dossier du (1) Les Panthères noires, groupe d'extrême gauche, fondé par des jui~s Proche-Orient risque donc d'être gelé jusMqOuH'eAnM E19O8 A9L. K0A MA sépharades, est aujourd'hui dissous. Le Matzpen. rassembl.e u';l ce~ID nombre de militants trotskistes, le Rakakh, ou parti commumste Israelien, (1) Front populaire pour la libération de la Palestine dirigé par G. 1 - compte de' nombreux arabes israéliens. Habache. Front démocratique pour la libération de la Palestine dirigé par III 1~(~2)~U~r~i~A~vn~e~r~i,~M~o~n~f~in~r:e:l'~en~n~e~m~i,~é~d~itI~·o~ns~:L·Ia~~na~L~év~i.~ __________~ __~ 17 janvier 2012 à 13:52 (UTC)17 janvier 2012 à 13:52 (UTC)17 janvier 2012 à 13:52 (UTC)~:;17 janvier 2012 à 13:52 (UTC)~ __ ~ __________________ ~N~a~Q~ef~H~aw~a~t~he~m~o~y~. ________________________________~ Il lm -M u s Q U E COSMOPOLITES s-- CONCERT. Blaque (black, prononcé à la Brésilienne) et tropical, Gilberto Gil revient pour quatre jours à l'Olympia, avec ses grandes chemises à fleurs, ses paillettes sur peau noire et sa guitare. Auteur compositeur, Gilberto est né à Salvador de Bahia, où il fut à l'origine du mouvement Tropicalia, en 1967, aux côtés d'autres grands de la chanson brésilienne, Maria Bethania, Gal Costa, Caetano Velloso, qui voulaient donner à leur musique une touche pop, et une forte coloration « nordestine ». Puis, Gilberto Gil découvre ses racines NADA. D'abord, on a dit « elle» en parlant d'eux. Puis, les « Rita » ; On a cru qu'elle était japonaise, ensuite sudaméricaine quand elle chantait l'histoire du cancer de Marcia enveloppée dans une robe vinyl à fleurs, genre toile cirée de cuisine. Lui, à voir comme ça, on jurerait qu'il est né avec un accordéon dans les bras. Mais non, c'est une guitare. Bref, les Rita Mitsouko ont du talent. Avec No Comprendo, ils introduisent la gouaille, la dérision dans la musique ronron-rock française. Si vous les avez ratés sur scène, achetez leur dernier album, c'est délicieusement éclectique. D No Comprendo, Rita Mitsouko, Virgin. POUF. «Cet enregistrement purement biologique a été conçu sans addition de colorant musical ». Voici introduit Desproges, Pierre, enregistré en direct au théâtre Grévin, l'année dernière. Des classiques, avec, pêle-mêle, des trouvailles acides et des vannes nullardes débitées sur l'air de « Je suis génial ». De Marguerite Duras« qui n'a pas écrit que des conneries - silence - elle en a aussi filmé, aux juifs qui avaient une Gilberto Gil, un grand de la musique brésilienne à l'Olympia. . noires, porte les dreadlocks, retrouve le rythme des dialectes yoruba. En 1985, il passe au français. Impressionné par la fête de SOS racisme à la Concorde, il compose un Touche pas à mon pote retentissant. Dans son dernier album, Em concerto, Gil dresse en direct, et avec ses chansons les plus connues, un panorama de la musique populaire brésilienne depuis plus de vingt ans. Le tout, seul avec sa guitare. D Gilberto Gil, à l'Olympia du 2 au 6 juin Em concerto, disque Ariola. certaine antipathie à l'égard du régime nazi, mais, enfin, ça n'était pas une raison pour arborer une étoile, pour montrer qu'on était différent », des supermarchés aux portemanteaux, ascenceurs et fêtes des mères qui nous empoisonnent la vie, Desproges joue la dérision. Et voilà un disque, Pouf Pouf, qu'on écoute (ce n'est pas évident pour un comique) en disant «Il est nul », avec un grand rire de gorge. D Pouf Pouf, Pierre Desproges, Polygram. CHAUD. Georges Moustaki a des in- ' vités: Les Etoiles, Astor Piazzola, Maxime le Forestier. Cela donne des chansons colorées, bon enfant, espagnoles, haïtiennes, mélangées samba, valse, tango. Il a la voix chaude (pour un printemps pourri, ça colore), et la nonchalence décontractée. S'il l'était moins, disent les mauvaises langues, il ne se contenterait pas de traduire en français des chants d'ailleurs, sans ajouter une note. D Juju, Georges Moustaki. Blue Silver, Mélodie. VERONIQUE MORTAIGNE L'Afrique danse L· Afrique, multiple, immense par ses richesses culturelles jamais complètement dévoilées, ne se laisse pas uniformiser. Pourtant, la Maison des cultures du monde a entrepris le pari de tenter une définition de ce grand continent, en faisant venir 165 artistes des quatre coins de l'Afrique. L'Extra European Arts Comittee et la Villette se sont associés à cette exploration de trois zones de l'Afrique (la zone de langue bantoue, la zone occidentale et la zone sahélienne) à travers la musique, la danse, les masques, les costumes ... • La Tanzanie sera représentée par l'ensemble musical N'goma (1 , 2 et 3 juin, 20 h 30). Les longues trompettes d'ivoire traditionnelles de cette formation rappellent que le territoire fut une terre de pistage et de commerce intense de la matière précieuse. Chez les Makondé du Sud-Est du pays, la danse masquée la plus connue se nomme Mapiku et fait intervenir des tambours ouverts. Les danseurs sur échasses aux masques en bambou appartiennent également à cette tradition. • Le trait commun à la plupart des tribus de l'Ouganda (Rituels musicaux des Baganda et des Masaba " 5 et 6 juin, 20 h 30) résidait dans l'existence de musiciens royaux, liée elle-même à la structure politique, aux activités saisonnières et aux pratiques rituelles. Musique vocale , trompettes à embouchure centrale et mouvements chorégraphiques en cercles, spirales et lignes caractérisant ces groupes. Le groupe tanzanien N'goma -,

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Différences - nO' 68/69 - JlIinlJlIillet 1987 . .' '."':."0)' ' • Le Mozambique, récepteur d'influence arabe, indigène et portugaise, reste pourtant l'aire privilégiée de 4 styles d'ensemble de xylophones (Ensembles musicaux et choeurs,' 12 et 13 juin, 20 h 30). Ces ensembles alternent avec des formations de violes à une corde, de Mbira (lamellophones logés dans des calebasses). Les choeurs des femmes qui les accompagnent en une sorte de Jodel servent à appeler les esprits des ancêtres. • Le Rwanda, qui a connu de lointaines influences orientales, est composé par des ethnies bantou et nilotique. En 1976, des jeunes, éprouvant le besoin de perpétuer la tradition, ont fondé le groupe Amasimbi N'amakombe (14 juin à 17 heures et 15 juin à 20 h 30). La grâce des danseuses n'a d'égal que le charme de leurs noms: les Souriantes, les Objets de louanges, les Insurpassables, les Radieuses ... • Le Gabon, avec les danses de la forêt et de la savane (16, 17 et 18 juin, 20 h 30) présente le Ngontang, ou rituel de jugement par un masque à 4 faces, le Mbouanda des Galoa avec les danseurs sur échasses à masques blancs, les cérémonies de levée des Banzabi et le Djobi des guerriers Batéké, à la tête et au corps couverts de plumes éblouissantes. Les tambours à lèvres et les percussions verticales rythment les voix suraiguës des femmes. • La Zambie regroupe que lque 70 ethnies témoignant de sa richesse . -;~'; culturelle (danses des Luvale, des Tonga, des Kaonde, des Lozi et des Lupula et rituels masqués des Makishi : 19 et 20 juin, 20 h 30). La musique vocale et la musique instrumentale fonctionnent sur l'échelle heptatonique. Les masques particulièrement impressionnants des Makishi sont destinés à terrifier les jeunes néophytes ! .. . • Les griots du Mali (21 juin à 17 heures et 22 juin à 20 h 30) représentent, dans une société sans écriture, les dépositaires de l'histoire complète des membres d'une famille. Cette position exceptionnelle sur le plan du savoir et de la parole leur confère une place de premier ordre dans la société. • Le Bembeya Jazz National (23 juin, 20 h 30) représente un groupe mythique dans la musique urbaine guinéenne. Le «son » de ce groupe est largement dominé par les cuivres, dont les sonorités sucrées ne sont pas sans évoquer une lointaine parenté espagnole. La voix de Salif Kaba, avec ses tonalités haut perchées, fait penser aux sonorités griotiques mandingues. Le groupe de Fodé Youla, dit Fodé Marseille, qui se produit dans la même soirée, est quant à lui constitué de cinq percussionnistes. BERNARD GOLFIER Ce festival se terminera avec deux grands concerts, les 26 et 27 juin, à la Grande Halle de La Villeue. Tous les autres spectacles se déroulent à la Maison des cultures du monde (tél. " 45.44.72.30) . 1 Festival le quarantième 1 III 1 Wi Kuki Kaa est un acteur maori ; vraisemblablement le premier acteur maori venu à Cannes. Le jour de la présentation de Ngati, dans le cadre de la Semaine internationale de la critique, le ciel était agité par le mistral, les palmiers courbaient leur cimes sur la croisette. Très sérieusement, Wi Kuki expliqua qu'il n'était pas étonné de rencontrer un ciel si tourmenté sur cette rive de la Méditerranée. Cette côte est hantée par l'esprit de toutes les victimes des innombrables batailles qui ont marqué son histoire au temps des Romains et des Carthaginois. Wi Kuki nous donnait une interprétation maorie d'un univers qu'il rencontrait pour la première fois. Cannes, au moment de son Festival du film, c'est aussi ce choc positif des cultures. Souleymane Cissé dont on connaissait déjà Baara et Finye, a été l'acteur d'un événement. Son film, Yeelen (la Lumière) est , à ce jour, le premier film d'Afrique noire présenté en compétition à Cannes. C'est dire que nous attendions tous avec grand intérêt, et le film, et les réactions qu'il susciterait. Yeelen est à la hauteur de l'événement

il marquera de son empreinte

l'histoire du cinéma africain. Yeelen retrace un parcours initiatique dans l'univers Bambara. C'est un film intemporel qui nous conduit au Mali, un pays grand comme trois fois la France, un de Cannes Tombouctou. Yeelen c'est la mystique bambara exprimée dans la confrontation entre un père et son fils, entre l'enfance et l'âge adulte. Le jeune Nianankoro va recevoir le savoir magique qui se transmet dans sa famille depuis la nuit des temps. Son père supporte mal de voir son fils devenir son égal. Pour échapper à la folie meurtrière de son père, Nianankoro entreprend un long voyage au cours duquel il va acquérir les éléments ultimes de la connaissance. Au bout du voyage est la confrontation irrémédiable avec le père. Le film de Souleymane Cissé met à mal nos catégories européennes tant il est difficile de le comparer à une autre oeuvre, de l'intégrer' dans le cercle commode de nos critères cinématographiques. Il faudrait regarder du coté du Japon de Mizoguchi pour retrouver des émotions comparables à celles engendrées par Yeelen. Nous n'avons pas fini de parler de ce film phare. Le Burkina qui fut à l'honneur lors du lOe Fespaco à Ouagadougou faisait son entrée à la Semaine internationale de la critique avec le premier long métrage d'Idrissa Oudraogo Yam Daabo (le Choix). Yam Daabo c'est d'abord une. caméra solidement plantée sur la terre d'Afrique et qui regarde en face le Sahel et ses sécheresses, sa grande soif et ses aides internationales. Ce regard direct et sans complaisance donne un caractère hiératique et quasi documentaire au premier mouvement du film. Le sujet est grave en effet, c'est celui du nécessaire départ, de la coupure radicale avec la terre des ancêtres, un monde empreint de signes et de références fondamentales. Le choix que doivent opérer les paysans mis en scène par Idrissa Ouedraogo est plus émotif et culturel qu'économique ou politique; il est ouverture à une nouvelle vie et reconstruction des relations hommes-femmes, parents-enfants, anciens-jeunes. Avec beaucoup de souplesse et de liberté dans l'expression cinématographique, ce jeune réalisateur burkinabé nous conduit d'une zone aride à un territoire quasi édenique où va se définir, symboliquement, une autre approche du discours amoureux: passage des terres ocres et caillouteuses à un paysage verdoyant, découverte de l'eau qui coule en abondance, renaissance au langage et au rire, au jeu. Point de discours convenu, donc, dans Yam Daabo malgré l'universalité de l'histoire d'amour contrarié qui s'y développe (un père « borné» un amoureux jaloux et menaçant, un couple à l'amour triomphant). Ngati : la naissance du cinéma maori Kapua semble être un village du bout du monde, coincé entre falaise et océan. Un vieux bus brinqueballant est le seul lien régulier avec la ville des Pakehas (les blancs) ; les habitants de Kapua sont maoris et parlent un anglais bien à eux, une langue créole née en 1870 avec leur défaite face à l'armée britannique. La caméra pénètre dans un intérieur maori. Un enfant est malade. Les adultes entourent son lit et chantent une mélopée étonnante que l'on devine d'inspiration religieuse. Un monde différent et mystérieux s'affirme à notre regard étranger. .. Le réalisateur Barry Barclay va nous faire osciller de manière permanente entre monde de l'intérieur et monde de l'extérieur. Ngati signifie tribu: c'est le lieu spirituel et le lien à la terre qui dit l'identité maorie. Ngati est le premier long métrage de fiction écrit par un Maori Différences - nO' 68/69 - JuinlJuillet 1987 (Tama Poata) et réalisé par un Maori (Barry Barclay). Ces références donnent d'emblée le ton du film, son rythme et son genre. On est loin, en effet, d'un certain cinéma néo-zélandais (ou australien) qui a bâti sa réputation sur la violence - de l'image et du montage -. Barry Barclay a décidé de retourner aux sources du renouveau culturel maori ; pour cela il situe son film en 1948, une période qui vit naître un large mouvement de réaffirmation de l'identité des premiers occupants de la Nouvelle-Zélande. Ngati est donc recherche et questionnement; référence à l'expression traditionnelle des Maoris mais aussi à la nécessaire intégration du langage cinématographique dans leur culture actuelle. Une telle démarche n'est pas seulement esthétique; elle s'est traduite dans les mois qui ont précédé le tournage de Ngati par la formation aux métiers de l'image . d'une dizaines de jeunes Maoris. Certains d'entre eux figurent au générique du film. Rien d'étonnant à cela puisque toute l'équipe du film (scénariste, réalisateur mais aussi producteur) est engagée dans la cause maorie. Le rêve américain On parle souvent des jeunes auteurs du Tiers monde qui vivent en Occident ; parfois pourtant des auteurs consacrés s'exilent, par choix, par nécessité économique, par goût de l'errance créatrice aussi. Louis Malle entre peut-être dans ces trois catégories à la fois. Il proposait dans le cadre de la section Un certain regard un documentaire consacré aux immigrants actuels aux Etats-Unis: La poursuite du bonheur. Il est loin le temps du Melting-pot fécondant et fondateur de l'Amérique du Nord. Aujourd'hui les derniers arrivants se fixent par communautés dans des zones urbaines précises : Cubains à Miami, Vietnamiens à Houston, etc. Les rêves des exclus du tiers monde viennent se cogner contre ceux des exclus de l'American way of life. Louis Malle a saisi de l'intérieur et sans voyeurisme les facettes multiples de ces migrants assoiffés de réussite sociale. Il brosse une série de portraits chaleureux et humains, surprenants souvent, critiques parfois. Comme il le fit brillamment dans God's country (à propos de l'univers rural américain) Louis Malle, encore une fois, nous invite à une plongée en profondeur dans les paradoxes contemporains du mythique nouveau monde. Pierre et Djamila a provoqué des tempêtes dans le Bunker cannois, et bien au-delà des terrasses des cafés que peuplent entre deux séances les festivaliers hagards. Ici Mohamed Lakhdar Hamina apostrophe Gérard Blain, là un journaliste de Mosaïque polémique fermement avec un collègue du Quotidien de Paris ... Pierre et Djamila est une version moderne de Roméo et Juliette. Les Capulet sont algériens, les montaigu français, ou vice et versa. L'histoire n'en baigne pas pour autant dans l'innocence des amours adolescentes, encore moins dans la sérénité. Le film par qui le scandale arrive Le cinéma d'abord. Le film n'est pas passionnant; il est même, en maints endroits, ennuyeux et froid. Le discours ensuite. Il émane au départ du scénario et on ne saurait, quelle que soit l'estime que l'on porte pour l'oeuvre de Gérard Blain, ignorer la personnalité de l'un de ses auteurs, à savoir Michel Marmin, fondateur du Club de l'horloge et zélateur convaincu de la nouvelle droite. Le résultat c'est un film fasciné par l'intégrisme religieux, celui du frère ainé de Djamila qui confond à l'évidence sauvegarde de son identité et conservatisme castrateur. Au-delà des deux jeunes et de leur touchante histoire d'amour, s'affirme un discours mystificateur sur les relations interculturelles dans la France d'aujourd'hui et sur l'avenir des jeunes issus de l'immigration. Pour Gérard Blain dans Pierre et Djamila, deux sociétés existent, qui au fond ne peuvent se mêler. Mieux, ce sont les Algériens qui prônent le retour au pays comme seule solution qui semble fasciner le réalisateur. De là à dire qu'il n'y a de bons Algériens qu'en Algérie, le pas peut être franchi. On voit poindre le discours d'un ex-lieutenant de l'armée française en Algérie et aujourd'hui candidat aux élections présidentielles. Les propos sur. les mariages mixtes, la place de la femme dans les sociétés musulmanes (en immigration ou dans les pays d'origine), la question incontournable des mariages forcés, relèvent d'analyses et d'engagement sérieux qui ne sont pas pris en compte dans le film de Gérard Blain. Cet auteur dont l'oeuvre et les engagements antiracistes passés ne sont pas contestables, s'est pourtant bel et bien trompé ; il apporte aujourd'hui de l'eau au moulin de ceux qui ont compris qu'un racisme primaire anti-immigrés ne paye plus autant qu'auparavant. C'est navrant et dangereux. D JEAN-PIERRE GARCIA LE TOUR DU MONDE EN QUATRE-VINGTS HEURES Et pour moins de mille francs: c'est l'occasion que nous vous offons avec ces romans du monde entier Où partir en vacances ? ... Voyons, réfléchissons, la question est épineuse. C'est qu'il ne s'agit pas d'aller n'importe où et de faire profiter n'importe quel petit dictateur de ses belles devises. Allons, allons, il faut un minimum de conscience politique ... Alors voilà, Messieurs, Mesdames, moi, pour moins de mille francs, je vous propose un superbe voyage autour du monde, le tout sans quitter votre chambre! Pendant ce voyage, vous découvrirez l'Europe, l'Asie, l'Amérique et bien d'autres choses encore. Alors, attention, bouclez vos bagages, on part! Première destination : le vaste continent africain. Le choix abonde et beaucoup de pays seront visités. Commençons avec un voyage dans le temps et dans l'espace avec le roman de Tchicaya U Tam'si, Ces fruits si doux de l'arbre à pain ou le Congo dans les années soixante, juste après la colonisation. L'Afrique hésite entre tradition et modernisme. Le juge Raymond Poaty est un juge honnête et un père de famille traditionnel. Soudain, il se retrouve confronté à un crime qui tient du sacrifice rituel et de la magie. Que doit-il faire? N'est-ce pas trahir des traditions et des croyances qui lui sont proches que de s'occuper de cette affaire hors du commun? Avec un langage haut en couleur, truculence, humour et poésie, Tchicaya U Tam'si nous brosse le portrait de la société africaine en pleine mutation, au sortir de la décolonisation. .. ~ Pour ceux qui n'aimént pas voyager sans une sérieuse documentation, Denoël vient de publier deux essais fort intéressants. Saint-Louis du Sénégal de Jean-Pierre Bondi fait revivre dans le détail cette ancienne capitale du Sénégal, supplantée aujourd'hui par Dakar. Depuis plus de trois siècles, Saint-Louis a joué un rôle des plus importants dans l'histoire du Sénégal. André Picciola, lui, a choisi un autre thème pour nous parler de l'Afrique de la colonisation: Missionnaires en Afrique - 1840-1940. Quel fut le rôle exact joué en ue occidentale par les Missions de Lyon, les Pères du SaintEsprit et les Pères Blancs ? Comment ces missionnaires modifièrent-ils le comportement de l'homme africain? Et quelles furent donc les réactions de Rome ? André Picciola a le mérite de répondre avec clarté à toutes ces questions quelquefois bien embarrassantes. Le continent africain sans Wole Soyinka ne serait probablement pas tout à fait le même. Avec les Interprètes, le dernier prix Nobel nous emmène à Lagos, grande ville africaine, capitale du Nigéria, haut-lieu de l'Afrique en pleine mutation, ville confrontée au modernisme. Les personnages de Wole Soyinka évoluent dans un monde qui se modifie à tout allure. Mais à force de se modifier, de « progresser », ne perd-on pas, peut à peu, la signification du monde même et les clés qui permettent de décrypter la réalité? Le monde ne devient-il pas terriblement abscons et le rôle des interprètes n'est-il pas d'essayer de donner un sens à cette réalité qui, telle un puzzle, semble éclater dans toutes les directions ? Il est des pays qu'il vaut mieux découvrir par la lecture que par le voyage. Inutile d'insister, mon charter ne vous emmènera pas en Afrique du Sud. L'Afrique Blanche de Pierre Haski nous donne les moyens de comprendre, et ce depuis les débuts de la colonisation, le pourquoi et le 'comment de l'apartheid, la « forteresse blanche » ainsi que « la longue marche du nationalisme noir ». Sept misères Quittons maintenant l'Afrique pour l'Inde. Oupra de Laxman Mané est le premier livre jamais écrit par un Kaikadi, caste proche des Intouchables. Laxman Mané nous conte l'histoire d'un enfant Kaikadi et son combat incessant pour le droit aux études puis le droit au mariage hors-caste et son rêve d'accéder enfin à la dignité d'homme à part entière. Si ce roman peut paraître quelquefois un peu maladroit, il n'en demeure pas moins un témoignage bouleversant sur la vie misérable des Intouchables en Inde (voir pages suivantes). Les Antilles sont également représentées. N'oublions pas le très beau livre de Patrick Chamoise au paru au début de l'année: Chronique des sept misères. Fort-de-France et ses marchés qui disparaissent après avoir connu une période faste. Et avec la disparition des marchés c'est tout un petit peuple qui meurt peu à peu, ses légendes et ses traditions qui sombrent dans l'oubli. Le djobeur (portefaix retribué par une clientèle de vendeuses) est le personnage indispensable, l'âme même du marché. Pendant que le marché somnole dangereusement pour, sans doute, ne jamais se réveiller, Pipi, le roi des djobeurs est parti à la recherche - par désespoir d'amour - du dangereux trésor d'Afoukal.. . Drôle et tragique, Chronique des sept misères devrait être exigé dans les valises de tout voyageur qui met, ne fût-ce que le bout du pied, en Martinique. Paru fin 1986, le livre de Maryse Condé Moi, Tituba, sorcière noire de Salem débute également aux Antilles, à la Barbade plus précisément. Tituba ou la sorcière oubliée de Salem qui, emmenée en esclavage de la Barbade au village de Salem finira par retourner pour le meilleur et pour le pire dans son' île natale ... Après ces deux intermèdes, revenons à l'actualité littéraire et pensons à ceux qui fatigués, éreintés par une année qui n'a rien de lumineux aimeraient bien se distraire. A ceux qui, férus d'aventures ne peuvent concevoir des vacances sans rêver de bandits, de chercheurs d'or, de grands espaces désolés et d'exotisme ... 10/18 a eu la bonne idée de rééditer quelques romans du mystérieux Traven dont le célèbre Trésor de la Sierra Différences - n'" 68/69 - Juin/Juillet 1987 Madre, roman à lire sans arnerepensée, comme un pur roman d'aventures. Le Mexique et ses chercheurs d'or, l'homme et la solitude, un trésor qui existe mais qui n'est que mirage avec, en prime, le regard désabusé d'Humphrey Bogart en couverture, dans le non moins célèbre film de John Huston adapté de ce roman. A dévorer d'une seule traite et avec beaucoup de plaisir. A ceux enfin que la seule idée de voyager et de prendre l'avion rend malades, nous proposons une promenade érotique et sensuelle dans Paris et plus spécialement les 18 et 20e arrondissements. Habibi de Gilles Leroy est une histoire d'amour, amour violent et tragique entre un jeune juif et un jeune arabe. Ce qui aurait pu être scabreux ou banal devient évident et nous parle de notre condition à tous. Habibi est le premier roman de Gilles Leroy. Un écrivain est né! Tout le monde descend. Nous espérons que vous passerez un agréable séjour !D JOELLE TAVANO Ces fruits si doux de l'arbre à pain, de Tchicaya U'Tamsi, éd. Seghers. Saint-Louis du Sénégal. Mémoires d'un métisse, de Jean-Pierre Biondi, éd. Destins croisés/ Denoël. Missionnaires en Afrique 1840/1940, de André Picciola. Destins Croisés/ Denoël. Les Interprètes, de Wole Soyinka. Présence africaine. L'Afrique Blanche, de Pierre Haski, éd. du Seuil. Oupra, de Laxman Mané, éd. Maren Self et Cie. Chronique des sept misères, de Patrick Chamoiseau, éd. Gallimard. Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, de Maryse Condé, éd. Mercure de France. La Révolte des pendus, Le Trésor de la Sierra Madre, Le Vaisseau des morts, La Charrette, de Traven, 10/18, domaine étranger. Habibi, de Gilles Leroy, éd. Michel de Maule. REVISIONS. Petit livre écrit en un langage très clair, le Tiers monde, d'Henri Rouilé d'Orfueil rend accessible des notions, des schémas, des repères historiques dont nous sommes amenés à entendre parler sans pouvoir précisément les situer. L'auteur explique l'origine du concept, la formation du tiers monde, en fait une présentation géographique et économique. Exposant le défi démographique qui est posé aujourd'hui, il souligne justement que la progression démographique, dans les années à venir, sera le fait des pays du Sud, les pays européens étant appelés à ne plus représenter que 10 % de la population mondiale, même si, aujourd'hui, le phénomène d'expansion démographique dans le tiers monde tente à se stabiliser. L'équilibre difficile entre la croissance économique et le contrôle démographique dans ces pays a une incidence directe sur l'exutoire que constitue l'immigration internationale ou interne. Il explique également le phénomène de faim dans le monde qu'il décrit et pour lequel il envisage un certain nombre de solutions, notamment par la modernisation des agricultures et la lutte contre l'érosion. Il pose également les éléments du débat concernant l'industrialisation du tiers monde et analyse ces recherches de voies originales dans la situation difficile que constitue la crise aujourd'hui. Il rappelle, en effet, que si, à partir de 1945, l'expansion de l'industrie au Nord a amené à rechercher à l'extérieur de nouveaux travailleurs et de nouveaux débouchés, depuis 1981-1986, la violente restructuration de l'économie mondiale s'opère par un surcroît de protectionnisme décidé au Nord, et un surcroît de libéralisme imposé au Sud, en sorte que les pays du tiers monde qui avaient tenté l'aventure de l'industrialisation se retrouvent aujourd'hui totalement endettés et insolvables. 0 GEORGE PAU-LANGEVIN Nous avons demandé à quelques spécialistes de l'immigration leur choix pour s'instruire pendant les vacances. Pierre George, membre de l'Institut, ancien professeur de géographie à la Sorbonne, auteur d'un petit Que sais-je ? sur les mi g rat ion sin ter n ationales, paru en 1979, vient de publier un ouvrage intitulé L'immigration en France, faits et problèmes, dont les principaux mérites sont la clarté, la concision, la qualité de la présentation, notamment les cartes de la population, et les références documentaires bien à jour. Ouvrage de géographie, il souligne le fait que derrière les statistiques nationales plutôt «rassurantes» (la proportion de population étrangère en France n'est guère supérieure à ce qu'elle était il y a cinquante ans) apparaissent de grandes disparités entre les régions, les villes, les quartiers, les professions. Au·point qu'on peut se demander si on ne glisse pas vers la constitution de minorités allogènes à l'intérieur d'une société multinationale. Un exposé détaillé et bien illustré par des cartes de l'implantation des populations de différentes origines dans différentes villes conduit l'auteur à une analyse, trop rapide celle-là, des problèmes de logement et de scolarisation. Gérard Fuchs, député socialiste et ancien président de l'Office national de l'immigration a choisi un titre et un dessin de couverture plus provocants

Ils resteront, le défi de l'immiCamus

affirmant qu'il ne croit qu'aux différences, car elles sont « les racines sans lesquelles l'arbre de la liberté, la sève de la création et de la civilisation se déssèchent ». Réponse aux fantasmes sur lesquels s'appuie la propagande du Front national et le racisme, l'ouvrage s'attaque de front aux problèmes les plus actuels : les difficultés de vivre ensemble, les impasses de la politique gouvernementale actuelle. Gérard Fuchs conclut son livre en soulignant l'importance et les limites du rôle de l'Etat, des institutions d'aide et des organisations de solidarité et en faisant ressortir le rôle décisif d'une prise en main, par les immigrés eux-mêmes, et leurs enfants, de leur destin. Le défi de l'immigration appelle en réponse une politique d'intégration de l'ensemble des exclus de notre société. Beaucoup des observations et des conclusions de l'auteur rejoignent notre propre réflexion. Notons enfin, pour terminer cette chronique, le manuel intitulé Droit de l'immigration publié par Christian N'guyen Van Yen, maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris. Un ouvrage de référence, à jour des derniers textes, excellent instrument de travail pour ceux qui veulent défendre les immigrés contre les pratiques souvent arbitraires des administrations. D DOMINIQUE LAHALLE gration, avec un dessin de Plantu L'immigration en France, faits et représentant un travailleur immigré problèmes, P. George, éd. Armand assis dans le vide, les deux pieds Colin. écartelés entre deux chaises dont les Ils resteront, le défi de l'immigration, dossiers représentent la France et G. Fuchs, éd. Syros. METAPHORE. Ezzedine Mestiri propose une approche de l'autre au sens le plus vaste du terme; celui qui est différent: l'immigré, le tiers-monde étranger à notre richesse, nous-mêmes étrangers pour l'étranger etc. ; car nous sommes tous l'autre de quelqu'un et tous des immigrés; cet ouvrage le démontre remarquablement. Séduisant croisement de parcours personnel, où l'auteur nous livre son expérience d'immigré nord-africain en France, avec un essai de démonter la machine infernale aux noms divers - racisme, xénophobie, intolérance - qui tente de nier l'autre. Témoignages personnels, information scientifique, culturelle, socio-économique .. . Ce livre englobe le problème, c'est ce qui fait son poids. Les pages s'ouvrent sur l'auteur, jeune Tunisien au regard tourné de l'autre côté de la Méditerranée. La France, c'est son Amérique à lui. Il _ part. Rêves et mirages éclatent contre la dure réalité. Bouleversement ; il est pris à la gorge, pour cible. Il écrit son quotidien, celui de ses frères immigrés, victimes de l'indifférence, de l'égoïsme et même d'une haine trop souvent meurtrière. Alors face à cet abîme, le vertige et le besoin de comprendre et d'expliquer le mal. L'auteur apporte les témoignages de nombreuses personnalités : généticien, philosophe, juristes, sociologues, économistes, démographes, biologistes, écrivains; des hommes de terrain: médecins, enseignants et politiques ainsi que des hommes d'église. A. Jacquard, P. Tort, Casamayor, D. Langlois, P. Seguin, A. Sauvy, J. Ruffié, R. Escarpit, B. Clavel, H. Bazin, R. Ikor, Mgr Delaporte et beaucoup d'autres.D ELISABETH CHIKHA A propos de l'autre. L'Immigré comme métaphore, d'Ezzedine Mestiri. Editions Bayardère. QUESTION BRULANTE Deux ouvrages de référence qui viennent de sortir, à l'usage des militants de l'immigration: le dossier du MRAP sur la Loi de 1972, dite loi contre le racisme (MRAP, 48.06.88.00) et l'ouvrage collectif sur le Code de nationalité paru chez L'Harmattan (43.54.79.10), seul à faire le point sur cette question brûlante. D Il l'Afrique. Dès la première page, le Droit de l'immigration, C. N'guyen Charlest~o~n~e~s~t~d~o~n~n~é~:~u~n~e~cl~'ta:t~io~n~d~'A~lb~e~rtCharles 17 janvier 2012 à 13:52 (UTC)a:n~~:en~,~éd:.~P~U~F~. ______________ ~~ LES DAMNES DE L'/NDE Témoignage poignant sur la condition des tribaux en Inde, Oupra, de laxman Mane, est devenu le symbole de cinquante millions d'exclus en lutte pour leurs droits civiques. Il nous en parle. Différences: Laxman Mane, Oupra, c'est vous? Laxman Mane: Oui c'est moi, c'est la vie de ma famille, de ma tribu sans fard, ni honte. Il faut que le monde sache que nous vivons comme des animaux et c'est pour retrouver ma dignité d'homme que j'ai écrit ce livre. Vous venez d'accomplir une marche de protestation en Inde. L. M. : Nous sommes partis de l'est du Maharashtra jusqu'à Bombay, parcourant 1 500 km en 45 jours. Je menais ce ~ groupe d'une centaine de marcheurs ~ avec différents chefs de tribu. Notre but ~ était de faire prendre conscience aux ~ membres des tribus de leurs droits. On s'arrêtait dans les villages et on s'adressait à la population. Nos revendications sont: le droit de vote, le droit d'avoir une résidence fixe et le droit au travail, nous voulons bénéficier de la protection que la Constitution nous accorde. A combien s'élève la population tribale en Inde? L. M. : Environ 45 à 50 millions. Au Maharashtra, il y a 42 tribus qui regroupent 8 millions de personnes. Ces populations vivent pour la plupart dans les montagnes comme les Bhils, mais certaines tribus descendent à proximité des villages pour survivre. Ma tribu, les Kaikadi, fabrique des objets de vannerie. Nous jouons aussi de la musique pendant les mariages. Ce sont les femmes qui se chargent du troc. Si cela ne suffit pas, elles mendient. Beaucoup vivent ainsi de mendicité. Ces tribus nomades - il y en a 28 au Maharashtra - ne sont pas intégrées dans le système des castes (assimilées aux intouchables), mais comme elles ont quitté les montagnes, elles sont également sorties du système des tribus ,sédentaires . . Mendiants-nomades, elles sont complètement en marge et repoussées même par les intouchables, qui eux font partie de la société villageoise. C'est pourquoi elles ne sont répertoriées nulle part et leurs membres ne sont même pas comptabilisés dans la population indienne. Ces tribus ont leur propre gouvernement

le conseil de tribu ...

Différences - nO' 68/69 - JuinlJuillet 1987 Vous êtes le chef de votre tribu ou l'un des membres de son conseil ? L. M. : Non. Le conseil m'a même exclu deux fois de la tribu. La première fois parce que je me suis marié avec une femme de caste supérieure, une Kshatriya (2). Les règles de la tribu imposent à ses membres de se marier au sein de la communauté. J'ai donc été banni avec toute ma famille. Plus personne ne venait nous rendre visite, ne mangeait avec nous. Un jour mon oncle vint me supplier d'aller demander pardon au conseil parce que plus une fille dans notre famille ne pouvait se marier. Il existe une clause d'adoption dans la tribu, alors je suis allé trouver le conseil et j'ai fait adopter ma femme, puis je me suis remarié avec elle, mais cette fois selon les règles de la tribu. La seconde fois, c'est à la suite de la parution de Oupra. Il est tabou d'apprendre à lire et à écrire et surtout de dévoiler nos règles, comment se règlent les mariages, les divorces ... Le conseil régit la vie de toute la tribu, décide qui va mendier dans tel ou tel village, combien de temps ils y resteront, qui chantera, qui jouera de la musique et quand se fera le grand rassemblement annuel. A l'occasion de la grande fête à la Déesse, on égorge des milliers de chèvres. On peut aussi hypothéquer et vendre les femmes auxquelles la vie tribale ne concède ni honneur ni respect. Cependant, les femmes ont le droit de divorcer si le conseil entérine cette décision. La Constitution reconnaît les tribus? L. M. : Oui, comme scheduled cast (intouchables et tribaux), mais, dans les faits, ces lois ne prennent en compte que les intouchables. Pour nous, nomades, ce sont des mots qu'aucun acte ne suit. Echappant au recensement nous ne votons même pas, c'était une des raisons de cette marche, inciter les gens à aller s'inscrire sur les listes, qu'ils connaissent leurs droits. En 1860, après la révolte des Cipayes, les Anglais ont liquidé les derniers petits royaumes indépendants et les territoires contrôlés par les tribus qui restaient autonomes. Elles ont résisté aux Britanniques qui, en 1871, votèrent un « criminal act» (loi sur les criminels), jugeant comme criminelles les tribus qui leur opposaient une résistance. Tous les gens de la tribu devenaientcriminels de père en fils. Les Kaikadi qui vivaient alors au Tamil Nadu ont été déportés dans des camps au Maharashtra. Une centaine de tribus a été déplacée de cette manière d'un bout à l'autre de l'Inde. Nous avons été astreints par la suite à un contrôle policier très serré. Les tribus nomades devaient se déclarer dès leur arrivée dans un village à l'autorité coloniale. Il nous fallait l'autorisation de la police pour quitter les lieux, elle relevait trois fois par jour nos empreintes digitales. Cette loi a été abrogée en 1951, elle nous considérait comme des assassins et des mendiants. Faites-vous partie d'une organisation? L. M. : Je dirige une association pour la défense des droits des tribaux et je suis membre du Cast Seva DaI (mouvement pour l'abolition des castes). Ce mouvement veut éduquer les enfants et s'adresse à eux. Nous allons dans les villages, réunissons les enfants et discutons avec eux. Nous essayons de faire tomber les barrières de castes. D Interview recueillie et traduite du hindi par RICHARD GARCIA Oupra, de Laxman Mane, éd. Maren Sell & Cie. (1) Deuxième grande caste dans la hiérarchie, les 1 Kshatriya sont du statut guerrier. Il AGENDA 1 au 17 juin, Eastern spaghetti, présentation de pièces de théâtre, groupe de musiques, troupes de cabarets et de danse venues du Japon à la Maison de la culture de Bobigny. Rens. au 48.31.11.45. 3 Pendant cinq jours, Nîmes se met en musique. Pour cette Feria 87, un programme de choix : du flamenco-rock (Ricky Amigos) de la salsa (gagna-Brava), des vedettes: Dédé Saint-Prix, Gilberto Gil, et Doudou N'Diaye Rose, une école de samba, du steel-band et des groupes français. A Nîmes, toujours, mais en juillet, du 15 au 20, un festival de jazz, avec Dexter Gordon, Gilles Pie et Lavilliers. Gâtés les Nîmois ... 3 De juin jusqu'au 13 juillet, Sorciers et guerriers du Japon antique, les Haniwa de Shibayama, au Grand Palais, une exposition organisée par la Maison des cultures du monde qui montre des figurines japonaises de terre cuite datant des débuts de notre ère. L'exposition sera ensuite visible à Nice. Rens. au 45.44.72.30. 7 Nuit du rock contre le racisme à Beausoleil. Avec les Fourmis volantes, Passager clandestin, et de très nombreux groupes de rock de la région. Rens. auprès du MRAP de BeausoleiUCap-d'Ail. 9 Le Portugal à l'honneur à l'Olympia, jusqu'au 21 juin, avec le Grand musichall du Portugal. Rens. 47.42.82.45. 1 0 A Lille, colloque national organisé par la Fédération nationale travail et culture, sur le thème Mutations technologiques et enjeux culturels. Rens. au 43.55.48.00. 13 Du jambon-beur au chichkebabblues, cuisine et musique pour Melting-pote au Centre de loisirs de la Barthelasse d'Avignon. Tél. : 90.82.91.82. 15 Inauguration de la nouvelle exposition Chef-d' oeuvre du musée de l'Homme, qui accompagne la restauration du hall du musée de l'Homme à Paris et présente les pièces les plus remarquables jusqu'ici conservées hors de vue du public. Rens. au 45.53.70.60. 15 Fin de l'Exposition sur la résistance organisée par l'ANACR à Lyon pendant le procès Barbie. 66 bis, rue SaintJean, 69001 Lyon. 1· 9 Colloque sur la loi de 1972 contre le racisme, à l'occasion du vingtcinquième anniversaire de sa promulgation, à la cour de Cassation à Paris. Rens. au MRAP, 48.06.88.00. 19 Le Cirque d'hiver se réchauffe avec Franco et ses vingt-cinq musiciens. Le Zaïre, toute une nuit. On mange, on boit, on danse. Cirque d'hiver, tél. : 48.06.02.02. 19 Paco de Lucia et John McLaughlin, au Grand Rex à 20 h 30. Loc. FNAC et Clémentine. s P E C TAC L E 'DANSE-THEATRE s LA NOCE AU CHATEAU. Le château de. Vizille, dans l'Isère, fut le berceau de la Révolution française. C'est là que se réunirent le 21 juillet 1788, dans la salle du Jeu de Paume, les représentants dauphinois du tiers état, de la noblesse et du clergé. Après seize heures de délibération, ils demandèrent solennellement le rétablissement des parlements et la convocation c,les états généraux. C'était le commencement de la Révolution française. Voilà pourquoi, en 1988, Vizille fêtera avec panache le bicentenaire de la Révolution, un peu en avance sur les manifestations prévues au niveau national pour commémorer l'événement. Le château de Vizille, dans l'isère. En prélude, le 14e Festival de théâtre de Vizille donne le ton. Du 9 au 20 juin 1987, il propose une adaptation du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Renata Scant, du théâtre Action de Grenoble, signe la mise en scène de cette pièce coquine et cocasse. « D'une gaieté irrésistibLe, cette fête de l'imbroglio, ingénieuse mécanique théâtraLe, ce grand tourbillon joyeux, est aussi une pièce d'une insoLence formidable ». On y met en cause la justice, on dénonce des censures et des privilèges. Le « droit de cuissage », notamment. Ambiance 18e siècle garantie pour ce Festival 1987. La population costumée (du moins une partie !) se rendra au château à cheval, en charrette, en carriole pour assister au mariage de Suzanne et de Figaro. Les enfants préfèreront grimper sur les chars à foin. Les spectateurs seront eux-mêmes les invités privilégiés de cette noce joyeuse, de cette fête un peu folle et sensuelle. Quinze comédiens et une cinquantaine de figurants orchestreront les festivités. Et lorsque après moult rebondissements la noce aura enfin lieu, les spectateurs, les acteurs, les amateurs, les musiciens se mêleront pour partager les mets du banquet (une gratinée, nous dit-on) et danser la gigue et la bourrée au son des violons. Un grand moment de s;onvivialité. 0 C. L. Parc du château de Vizille. Du 9 au 20 juin (relâche Les 14 et 15 juin), à 20 h 30. Réservation: 76.68.27.07. SUPER. Ceux qui me connaissent pas encore la troupe 4 litres 12, ce trio de comédiens infernaux qui voient la vie comme un théâtre délirant, bourré d'imagination, et qui ·n'ont pas peur de s'exhiber, loufoques, absurdes et impudiques, ont une chance de se rattraper en courant voir leur nouveau spectacle, 4 litres BLues au théâtre de la Tempête. 0 4 litres Blues, par 4 Litres 12, théâtre de La Tempête, jusqu'au 5 juillet. TéL.: 43.74.94.07. DIMANCHE. Jérôme Deschamps a-t-il quelque chose contre les jours de la semaine? Ce spectacle s'efforcera, en tout cas, de montrer tous les avantages du dimanche, grâce aux tentatives aussi désespérées que musicales de trois personnages appliqués à fabriquer un instant de bonheur. Si comme eux, vous n'aspirez qu'à la béatitude du jour dominical, rêvez un peu: C'est dimanche. 0 C'est dimanche, de Jérôme Deschamps, théâtre des Amandiers de Nanterre, jusqu'au 20 juin. TéL. : 42.21.18.81. MATEZ MA METISSE. F. Fengas, à cause d'une enfance et d'une adolescence africaines, se définit comme métisse culturelle, profondément impliquée dans l'histoire et le devenir de l'Afrique, haute terre de mémoire et d'exil à la fois. Intérieur, jour, qui est le deuxième texte de cet auteur monté par Myriam Boullay, est donné jusqu'au 22 juin ... en appartements ! 0 Intérieur jour, de F. Fengas, tous renseignements au 46.27.08.50. DU PREMIER GENRE. Le texte, dû à Gilles Aillaud, de Vermeer et Spinoza, pièce superbe sur la tolérance et sur la pensée et l'histoire de Spinoza, philosophe rejeté par ses ennemis de tous bords et qui fût donnée au théâtre de la Bastille en 1984, est enfin publié. A lire. 0 Vermer et Spinoza, de Gilles AiLLaud, éd. Christian Bourgeois. Réalisé par BERNARD GOLFIER 8 LOC-NOTE s ,YVES THORAVAL G UENIZA. Ce n'est pas le nom d'une Orientale, mais un nom commun de la civilisation juive. Une gueniza, c'est une chambre secrète, un débarras, une pièce murée où, dans le passé, les juifs conservaient leurs papiers portant le nom de Dieu, que l'on ne pouvait donc pas jeter. La plus célèbre gueniza est celle du Caire, de Fostat plus exactement, qui précéda la Qahira (la victorieuse) d'aujourd'hui. Découverte par un érudit de Cambridge, à la fin du siècle dernier, celle-ci renfermait près de 200 000 feuillets, de certains écrits de l'immense Maimonide aux lettres de change, contrats de mariage et autres documents quotidiens de la communauté d'Egypte et de celles de Méditerranée, de 960 à la fin du Be siècle. Il fallait bien qu'un jour ce sublime fatras inspirât les romanciers ! C'est chose faite avec La Gueniza, de Sylvie Crossman et Michel Gabrysiak (éd. du Seuil) qui nous livre à la fois une chronique de la décadence fatimide et un entrelac d'intrigues, d'amours, de complots dont les protagonistes sont des Juifs, des Chrétiens et des Musulmans, sur un fond de palais, de sectes et de caravanes allant, au-delà du Sahara, vers les royaumes africains de l'or. Un roman pour l'été, mais ... qui passera sûrement la saison. 0 S OUWERES. C'est pas du français ça ! Si, justement, cela veut dire « sur verre» en sénégalais artistique. C'est aussi le titre d'une exposition: Souwères : peintures popuLaires du SénégaL, présentée par l'ADEIAO au musée des Arts africains jusqu'à la rentrée de septembre. En plein essor depuis les années 30, l'école sénégalaise de peinture sur verre, illustrée en particulier par Babacar Lo et Gora M'Bengue puise à une tradition vivante qui essaime au Mali, au Niger et jusqu'à la lointaine Somalie et semble en rapport avec la pénétration de l'Islam en Afrique occidentale. On trouvera donc des thèmes islamiques traités en imagerie populaire, mais également des thèmes tirés de la vie populaire sénégalaise, des portraits, parfois loufoques, souvent fins et faisant montre d'un goût très sûr pour les coloris. Cet art jubilant nous fait renouer avec une technique très en vogue en Europe aux XVIIe et XVIIe siècles et maintenant bien oubliée ici. 0 FIGURINES. Haniwa, hommes et animaux de terre du Japon : Trop courte, cette exposition présentée par la Maison des cultures du monde au Différences - nO 68/69 - Juin/Juillet 1987 Haniwa, hommes de terre du Japon. Grand palais jusqu'au 13 juillet, nous permet une découverte : celle de figurines d'argile rituelles, placées près des tombeaux japonais des VIe et VIle siècles, venues de Shibayama, une localité située près du gigantesque et hyperpolluant aéroport de Tokyo, comme pour rappeler que sous la démesure technologique d'aujourd'hui, les témoins de l'histoire, de la vie passée, veillent ! 0 HOMO QUINQUAGENAIRE. Le musée de l'Homme fête ses cinquante ans et s'offre le Pérou, jusqu'en janvier 1988 avec une exposition : « Ancien Pérou: vie, pouvoir et mort », dont le noyau est ses propres collections péruviennes riches et trop méconnues. Grâce à de précieuses pièces prêtées par le Museo Oro de Lima et à des trésors archéologiques (textiles, poteries, objets métallurgiques) d'autres musées péruviens et sud-américains, à la lumière des résultats fournis par les méthodes archéologiques nouvelles, on découvre le grand Pérou, éphémère (deux siècles et demi) berceau de la très originale civilisation Inca, détruite par les « conquistadores» espagnols. Mal connue en France, peu représentée dans nos musées, la culture inca a marqué de sa griffe la civilisation mondiale. Voici une occasion de la découvrir au Trocadéro .. . à moins de s'envoler vers l'Altiplano. 0 ADE/AD (Association pour Le déveLoppement intercuLtureL au musée des Arts africains) : on peut y adhérer, vite. Musée des AAD, 293, avenue Daumesnil, 75012 Paris. TéL. : 43.43.14.54. Musée de l'Homme, pLace du Trocadéro, exposition tous Les jours, sauf mardi, de 9 h 45 à 17 h 45. TéL. : 45.53.09.16. La Gueniza, par S; Crossman et M. Gabrysiak, éd. ·du Seuil. 2 0 A partir de 21 h, à la cinémathèque de Chaillot, Nuit d'hommage à Samia Gamal et à la comédiemusïcale igyptienne. Attraction et buffet orientaux sur place. Rens. au 45.53.21.86. 23 Au Centre d'action culturelle de . Sceaux, soirée de gala au profit de la fondation Jean-Luc Lahaye pour commémorer le XX' anniversaire de la Création des orchestres de jeunes Alfred Loewenguth. Au programmé: Mozart, Rossini, Berlioz et Roussel. Rens. au 46.60.05.64. 2 . · 4 Jusqu'au 12 juillet, VU' Festival international de la danse de Montpellier, avec de nombreuses troupes de tous les pays, et notamment du Ballet national de Caracas, de celui du Mali, de Mexico, et une apparition de Rudolf Noureev. Rens. au 67.52.97.26. 24 Jusqu'au 21 septembre, Les Iles, exposition réalisée par la bibliothèque des enfants de la BPI de Beaubourg en collaboration avec le British Council. Invitation au voyage, elle est réalisée à la manière d'un journal de bord. Rens. à Beaubourg au 42.77.12.33. 25 Début de l'exposition consacrée à Vlaminck, le peintre et la critique, au Musée de Chartres. Rens. au 37.36.41.39. 27 A Bobigny, Journée d'étude sur le Proche-Orient organisée par le MRAP. Une confrontation des différents points de vue sur les conflits actuels du Proche-Orient et les moyens d'en sortir. Rens. au 48.06.88.00. 28 Fin de l'exposition des peintures de Ottaviano à la salle d'exposition du musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne. Rens. au 48.81.00.80. 29 Michel Petrucciani, superbe . pianiste, porte-parole du jazz français, pour deux soirées au New-Morning. Rens. : 45.23.56.39. 3 juillet, Halle That jazz, à la VÜlette, avec l'Art ensemble de Chicago, René Urtreger et Herbie Hancock. Tél. : 42.49.30.80. 7 Deux rois de la musique brésilienne : Antonio Carlos Jobim et Astrud Gilberto. Indispensable. Au Grand Rex à 20 h 30. Billets FNAC et Clémentine. 8 et jusqu'au 6 août, création de Le . monde est là Mandela, pièce de André Benedetto, un texte forttendre et humoristique, au festival d'Avignon. Rens. au 90.82.20.47. 1 0 jusqu'au 19, Festival pour la paix de Matha, festival annuel sur le thème enfance et paix, avec des enfants du monde entier. Rens. au 46.93.37.78. 15 et jusqu'à la fin août, l'Afrique et sa lettre à la bibliothèque du centre Beaubourg. Première expo du geme, elle s'attaque au préjugé voulant qu'il n'y ait pas d'écriture en Afrique. Elle recense 50 systèmes utilisés pour certains depuis 5 000 ans. Rens. au 42.77.12.33. Cinq milliards d'hommes Le 11 juillet, ou à peu près, naÎtra le cinq milliardième homme. Difficile de dire sa couleur, mais il a neuf chances sur dix de voir le jour dans un pays en voie de développement. Une occasion de réflechir sur le destin de l'humanité. Cinq milliards d'êtres humains sur la terre en 1987. Personne ne sait où ni quand exactement naîtra l'enfant qui nous fera franchir ce cap. Le Fonds des Nations unies pour les activités en matière de population (FNUAP) pensant que l'événement se situera au milieu de l'année, propose de fixer le 11 juillet comme Journée des 5 milliards. Le bébé naîtra probablement dans un pays en voie de développement, comme 9 enfants sur 10 de nos jours. Selon qu'il naîtra dans une maison sans eau courante ni électricité, dans un abri de boue séchée ou dans un berceau douillet, bardé de couches-culottes, son avenir risque d'être fort différent. Surmontera-t-il les dangers des premiers mois de la vie? Apprendra-t-il à lire et écrire et développerat- il ses capacités ou bien sa vie ne sera-t-elle qu'une lutte pour se nourrir? Le 11 juillet sera un jour de réjouissance, comme pour toute naissance mais il sera aussi l'occasion d'une réflexion sur l'histoire et l'avenir de l'humanité. Comment s'est développée la population sur cette terre bientôt saturée ? Le survol de l'histoire des hommes est vertigineux. Albert Jacquard dans son livre Cinq Milliards d'hommes dans un vaisseau (1), un chefd'oeuvre d'information scientifique pour tous, décrit comme une palpitante histoire de science-fiction l'aventure humaine depuis le big bang jusqu'aux perspectives d'avenir. L'espèce humaine s'est développée très lentement. L'auteur distingue quatre révolutions démographiques. Il devait y avoir quelques centaines de milliers d'hommes à l'époque de la découverte du feu. Entre 40000 et 30000 ans avant J-C, avec l'introduction de l'agriculture, l'effectif passa en quelques milliers d'années à 50 puis 100 millions. L'appropriation des terres entraîna des conflits dévastateurs

la naissance des villes vit apparaître des épidémies.

Pendant les dix-huit premiers siècles de notre ère, la population est passée de 200 milions d'êtres humains à 800 millions. La dernière révolution démographique, présentée comme celle de l'industrialisation, résulte en fait surtout d'une meilleure connaissance du corps humain, ce qui entraîne un rapide recul de la mortalité. Comme les précédentes, elle comporte plusieurs phases pendant lesquelles on quitte un équilibre pour aboutir à un autre. Nous avons passé la phase de recul de la mortalité (moins de décès de bébés et de jeunes enfants et allongement de la durée moyenne de vie) entraînant un accroissement de population et sommes dans celle de recul de la fécondité qui devrait stabiliser l'effectif. Mais cette dernière révolution, contrairement aux précédentes, se caractérise par une extrême brutalité. Il a fallu attendre le XVIII· siècle pour que commence une augmentation du taux de croissance de la population ; il s'est accéléré très fortement après la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est qu'au XIX· siècle qu'on a atteint un milliard d'hommes, mais le deuxième milliard l'a été en un peu plus de cent ans. A présent la population augmente en moyenne d'un milliard tous les douze ans, de plus de 80 millions par an. Un emballement numérique sans précédent Cet emballement numérique est pour le moins déconcertant. Le progrès médical a bouleversé la terre en moins d'un siècle. L'explosion démographique touche les pays du tiers monde car la deuxième phase, le recul de la fécondité, y est à peine amorcée alors que la première est presque terminée. L'Asie comptera sans doute 4 milliards d'habitants avant 2020 ; quant à l'Afrique, en 1950, sa population équivalait à environ la moitié de celle de l'Europe; en 2050 elle sera sans doute près de trois fois supérieure. Jusqu'au début du siècle dernier, une grande partie de la population mondiale se concentrait en Europe. Ce n'est donc pas seulement le nombre mais aussi la répartition et la structure de celle-ci qui évoluent. Modification du poids des divers groupes, qu'ils se définissent par leur origine géographique ou leur âge. On est saisi par le contraste entre deux ensembles de pays. Dans les régions « développées », la population s'accroît très lentement, avec un vieillissement, l'augmentation du nombre des personnes à charge va aller en s'accentuant. Dans les pays en voie de développement, l'accroissement est trois fois plus important

la population étant très jeune, le taux de dépendance

va aller en diminuant. Jusqu'au milieu du XVIII· siècle, les gens vivaient surtout à la campagne. Aujourd'hui dans les pays industriels, près des trois quarts vivent en ville ; seulement un tiers dans les pays en voie de développement alors qu'ils rassemblent la plupart des grandes villes du globe. Le paysage de la terre s'est déjà modifié, mais les changements les plus décisifs sont à venir. Les démographes estiment que les 6 milliards seront dépassés en l'an 2000. Au cours du siècle prochain le rythme d'accroissement se ralentirait peu à peu et l'effectif se stabiliserait à 11 milliards avant l'an 2100. Donc la terre portera au milieu du siècle prochain deux fois plus d'hommes qu'aujourd'hui. Nous pouvons difficilement imaginer quelle réalité correspond à ces chiffres. L'événement primordial pour A. Jacquard est la saturation progressive de notre planète. Face à cette réalité démographique, comment notre planète affronte-t-elle le présent et prépare-t-elle l'avenir? Il est évident, malgré les belles déclarations des droits de l'homme des pays développés, que les hommes ~ ne vivent pas égaux, les ri- Q:j tion démographique, affirme que les fortes pressions démographiques freinent la progression économique et que les pays qui réussissent sont souvent ceux qui ont adopté une telle planification. Cette politique démographique est bien sûr nécessaire mais non suffisante pour garantir la suppression de la pauvreté. Ce rapport déclare aussi que la surpopulation n'est pas neutre pour l'environnement : dans beaucoup de régions du monde, la concentration humaine a entraîné un manque de terres et la destruction des forêts. Autre conséquence du surpeuplement de certaines régions

l'émigration, qui semble avoir un bel avenir : les pays

riches les moins peuplés seront un pôle d'attraction. Sur le plan culturel, la place occupée par les populations dont la culture est proche de la nôtre sera beaucoup moins importante dans un sicècle. Or parmi les nombreuses cultures des hommes aujourd'hui, la nôtre est-elle plus capable de faire de chaque homme un sujet? A. Jacquard répond par la négative. Sans nier les avantages et réussites de notre civilisation, il pense qu'il est urgent de prendre conscience d'une caractéristique qui la mine intérieurement et qui représente un danger pour tous les peuples de la terre : « Sa propension à faire de chacun de nous un objet et un objet satisfait de l'être, un individu standardisé, classé, prêt à consommer. » chesses étant très inégale- t;l ment réparties. C'est même l..~":""-______________________ ' Chaque civilisation a certes ses tares; c'est pourquoi le choc des rencontres donnera la chance d'une remise en cause. Les cultures isolées perdent tout dynamisme créateur et finissent par s'effondrer dans l'autosatisfaction et l'intolérance. Une société vivante est celle capable une banalité de le dire ; on de poursuivre son évolution s'est accoutumé à ce scandale: des hommes ont faim; un homme sur cinq au moins souffre de sous-alimentation. Les enfants squelettiques qui demandent la charité sur les panneaux publicitaires côtoient allègrement les pubs de l'abondance. Mais est-il tolérable, surtout les victimes supporteront-elles longtemps, qu'une minorité de plus en plus réduite vive dans le confort et le gaspillage ? En effet à la fin du XXI· siècle, 90 % des . êtres humains appartiendront au tiers monde. Cependant les quantités de nourriture disponibles sur la terre sont tout à fait suffisantes. Les stocks alimentaires atteignent des niveaux sans précédent; dans les pays riches, de nombreux agriculteurs doivent être payés pour ne pas produire davantage et on se lamente des suproductions invendables. Les pays « développés» (Amérique du Nord, URSS, Europe, Japon) représentent moins du quart de la population mondiale, mais leur PNB atteint 80 % du total. Ce n'est pas un problème de production mais de répartition. Il faut produire au bon endroit et faire parvenir la production à ceux qui en ont besoin. La solution paraît simple par sa logique, mais elle suppose tout simplement une réorganisation, un nouvel ordre mondial. Les pays privilégiés ne sont cependant pas à l'abri d'une forme de pauvreté nouvelle : le chômage. Quelles solutions aux problèmes démographiques et économiques ? En ce qui concerne le déséquilibre numérique, le rapport du FNUAP préconise une politique de planifica- Différences - nO' 68/69 - JuinlJuillet 1987 qui nécessite échanges et confrontations avec d'autres. Il y a encore un siècle les divers groupes d'hommes pouvaient s'ignorer, aujourd'hui ils sont tous en contact et le seront plus encore à la fin du siècle prochain. Le plus grand risque pour beaucoup de scientifiques, dont A. Jacquard, est celui du suicide nucléaire. Ils considèrent comme tout à fait envisageable cette fin de l'humanité. « Celle-ci ne sera plus bientôt qu'un cadavre si les choses continuent sur leur lancée actuelle. ». Urgence de regarder cette réalité en face. Les armes nucléaires apportent une possibilité d'action totalement nouvelle. « La course folle se poursuit. » . « Le peloton de tête des deux grands est suivi par quelques nations, dont la France, qui croiraient perdre leur importance sur la scène mondiale si elles ne participaient pas au club nucléaire. » Or 2 % du potentiel de destruction actuellement existant suffirait à faire disparaître la quasi-totalité des êtres vivants. A. Jacquard décrit l'apocalypse qui résulterait de l'utilisation de ces armes: l'hiver nucléaire. La possession de l'arme nucléaire supprime la notion du plus fort. « Dès que chacun a dépassé le seuil de puissance lui permettant de détruire totalement l'autre, il n'y a plus de hiérarchie entre leurs forces », surtout en raison de l'effet boomerang des explosions nucléaires. Impossible de détruire l'autre sans se détruire soi-même. A. Jacquard dénonce en particulier cette guerre des étoiles au nom trompeur car les échanges de coups (Suite p. 42) Il CELUI QUI A INVENTE L'ANTIRACISME MODERNE: L'ABBE GREGOIRE On nous prépare de grandes fêtes pour commémorer la Révolution, si possible amputée de ses « excès ». Différences a choisi son héros: l'abbé Grégoire, certes régicide, mais instigateur du décret d'émancipation des jUifs, et de l'abolition de l'esclavage. Tout le monde sait que Victor Schoelcher réussit en 1848 à faire abolir l'esclavage par la jeune Seconde République. Tout le monde sait aussi que la Convention l'avait déjà aboli en 1792. Ce dont on ne se souvient jamais, c'est qu'il fallait bien, entre ces deux dates, que quelqu'un le rétablisse. C'est à Napoléon, ou plutôt à Bonaparte, que revient cette honte, en 1802. Contre l'avis de l'abbé Grégoire à qui revient le mérite d'avoir, au terme d'une longue lutte, imposé son abolition à la Convention. Curieux homme que Henri Grégoire. Curé d'Emberménil, il est déjà connu avant la Révolution. Participant à un de ces concours comme les aime l'Université au XVIIIe siècle (on se souvient du Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes, de Jean-Jacques Rousseau), il a gagné celui organisé par l'académie de Metz en 1785. La question en était : « Est-il des moyens de rendre les juifs plus heureux et plus utiles en France? ». L'intitulé même de la question permet de se rendre compte de l'étendue des préjugés à leur égard à l'époque, qui n'ont rien à envier au XXe siècle et sont particulièrement répandus. Au siècle précédent, Mme de Sévigné, la bonne marquise, se demande d'où vient cette puanteur qui les caractérise; quant à Voltaire, le. défenseur des opprimés, il parle dans le Dictionnaire philosophique de leur sordide avarice, ce qui est amusant quand on connaît celle du patriarche de Ferney, qui, pour n'être pas sordide, n'en était pas moins solide. L'abbé Grégoire gagne le concours de l'Académie en soutenant cette thèse: « Soyons justes envers eux (les juifs) pour qu'ils le deviennent envers nous. » Publié peu après, l'Essai sur la régénération physique, morale et politique des juifs vaut une certaine notoriété au curé d'Emberménil. Elu député du clergé aux Etats généraux, il sera l'un des trois prêtres à rejoindre les députés du Tiers Etat dans la salle du Jeu de Paume pour le Serment que l'on sait. Secrétaire de l'Assemblée constituante, l'abbé Grégoire emploiera toute sa fougue pour faire voter à cette assemblée le décret d'émancipation des juifs, qui les délivre d'un long ostracisme et les admet au rang de citoyens. Premier « antiraciste polymorphe », l'abbé Grégoire est en même temps un des animateurs de la Société des amis des Noirs, société fondée en 1788 et qui regroupe des noms prestigieux comme Brissot, Clavière, Mirabeau, Condorcet, La Fayette, etc. Aux premiers temps de la Révolution, dans la réunionite qui sévit alors, la société se réunit toutes les semaines. Objectif: obtenir aux mulâtres déjà libres les mêmes droits qu'aux ressortissants blancs de la colonie, entendez les Antilles actuelles plus SaintDomingue, future Haïti. C'est qu'il ne faut pas commettre de contresens historique. Il. Les quelque 500 000 Noirs vivant en esclavage aux Antilles sont encore considérés comme trop primitifs pour qu'il soit ,-------------------------------------------~~----~--~--~ possible de leur octroyer d'un seul coup l'indépendance. On sort du XVIIIe siècle, on porte aux nues la civilisation de la raison, à laquelle il faut amener progressivement les populations abruties par l'esclavage avant de leur octroyer les droits, mais aussi les devoirs de l'homme libre. Seuls les mulâtres déjà libres et propriétaires, c'est-à-dire ayant accédé au statut d'hommes raisonnables, doivent, mais là, c'est impérieux, avoir les mêmes droits, et par conséquent la même représentation dans les assemblées, que les colons blancs. Paradoxalement, ce combat qui sera extrêmement difficile face au lobby colonial, très puissant en France, dépassera sont but initial puisque cinq ans après, la _ Convention décrétera: « L'esclavage est aboli sur tout le territoire de la République. » Y compris donc les colonies, dont nul ne pense d'ailleurs qu'elles doivent, en quoi que ce soit, accéder à l'indépendance. Combat difficile car l'adversaire est puissant: les Blancs installés aux colonies, alors très prospères par la vente du sucre, ont de nombreux alliés en France, et dans tous les partis. De plus, négociants et armateurs français font d'énormes profits non seulement sur la traite des Noirs, mais aussi grâce au système dit de l'exclusif, qui oblige tout le commerce antillais a se faire par et pour la France. Combat difficile aussi parce que les préjugés sont forts : il faudra une lutte parlementaire de tous les instants pour que l'abbé Grégoire, au fil des assemblées qui se succèdent, parvienne à convaincre les parlementaires de la Révolution. Les convaincre non pas de l'égalité théorique des Blancs et des Noirs: paradoxalement, l'Ancien Régime finissant n'est pas raciste. Mais le règne de la raison a une manie, la classification : les Noirs ne sont pas assez policés pour mériter d'être citoyens, voilà tout. COMMENT ECHAPPER A LA DEFAITE CONTRE L'ANGLETERRE ? SIMPLE: MONTER LES ESCLAVES NOIRS CONTRE ELLE Après de longues manoeuvres, qui se doublent d'une montée croissante des aspirations à la liberté dans la colonie, l'abbé Grégoire et ses amis finiront par imposer la participation des mulâtres et de partie des Noirs à la Convention. Le 5 février 1794, trois députés de SaintDomingue, Dufay, un Blanc, Mills, un mulâtre, Belley, un Noir, parviennent enfin devant la Convention. C'est après un discours mémorable qu'ils feront voter dans la liesse l'abolition de l'esclavage sur le territoire français. Comment en est-on arrivé là ? C'est que les ténors du comité de salut public, dont l'abbé Grégoire est membre, lui qui a présenté deux ans auparavant à l'Assemblée législative le décret d'abolition de la royauté, ces Robespierre, Danton et autres, se sont aperçus que le seul moyen d'échapper à la défaite contre l'Angleterre, c'est de monter contre elle les esclaves noirs en sa possession. Et quel moyen plus sûr de gagner ces populations à la France que d'abolir l'esclavage? Danton le dit à la tribune, ce jour-là: « Lançons la liberté dans les colonies : c'est aujourd'hui que l'Anglais est mort. » Acquis dans la crainte de l'ennemi anglais et la vague égalitariste du moment, le décret d'abolition de l'esclavage fait même un peu peur à Grégoire, qui pourtant y a consacré sa vie, tant sa brutalité lui fait craindre une radicalisation et une explosion dans les colonies. Mais immédiatement, en France, le décret est accueilli avec une énorme sympathie. Partout la loi est fêtée, célébrée. On organise des concerts, les chansonniers écrivent des paroles Différences - n'" 68/69 - JuinlJuillet 1987 « négrophiles» sur des airs connus, que l'on reprend partout. Partout sont imprimés des dessins, des gravures, représentants des images d'Antillaises en madras, légendées

« Moi libre comme toi. »C'est que le peuple de Paris

ne s'y trompe pas : la dernière des aristocraties, 1'« aristocratie cutanée », comme on dit alors, vient de perdre ses privilèges. La suite est moins enthousiaste: l'abolition de l'esclavage est immédiatement suivie de décrets d'application qui en réduisent considérablement la portée, et la Convention ne survit pas longtemps à ses louables efforts. Paradoxlliement, la loi sur l'abolition de -l'esclavage va prendre, et en particulier grâce à Grégoire, qui ne ménage pas ses efforts, une sorte de caractère tabou qui empêchera le Directoire, malgré ses tentatives de revenir dessus. Il faudra attendre le Consultat, et le despotisme napoléonnienne pour qu'en 1802, l'esclavage soit rétabli. L' ABBE INVENTE LE SERVICE DE PRESSE EN ENVOYANT SON LIVRE « A TOUT CE QUI COMPTE DANS CE MONDE }) Grégoire, inlassablement, continue son oeuvre. Surnommé l'ami des hommes de toutes les couleurs, trop connu pour être inquiété malgré l'animosité de Napoléon, il publie,en 1808, le premier ouvrage de «Positivisme antiraciste » : il ne s'agit plus de demander uniquement l'abolition de l'esclavage, il semble que le combat soit provisoirement perdu, mais d'informer les lecteurs du temps sur ceux qu'ils considèrent à nouveau comme leurs inférieurs. Titré De la littérature des Nègres pour ne pas trop choquer la censure, le livre porte en sous-titre : Recherches sur leurs facultés intellectuelles, leurs qualités morales et leur littérature. Rassemblant l'immense documentation qu'il s'est procuré ces dernières années, notamment auprès des puissants abolitionnistes anglais, le livre milite pour les capacités intellectuelles des Noirs, montrées au moins aussi grandes que celles des Blancs. Le tout dans une langue merveilleuse: «L'opinion de l'infériorité des Nègres n'est pas nouvelle, la prétendue supériorité des Blancs n'a pour défenseur que les Blancs juges et parties. C'est le cas de rappeler l'apologue du lion, qui, à l'aspect d'un tableau représentant un animal de son espèce terrassé par un homme, se contenta de faire observer que les lions n'ont pas de peintre. » Propagandiste infatigable, l'abbé Grégoire invente au passage le service de presse : il envoie son livre « à tout ce qui compte dans le monde », notamment au président américain Jefferson, cherchant à l'extérieur des appuis qu'il n'a plus en France. Mis à l'écart, déchu de son archevéché, l'abbé Grégoire continuera son combat, mais verra peu à peu s'effondrer les conquêtes de la Révolution. Plus encore que l'esclavage, la traite des Noirs reprendra. Il n'est guère qu'en Haïti, qui a conquis son indépendance, qu'il sera adulé à l'égal d'un saint. Peu de temps avant de mourir, l'abbé Grégoire lègue une petite somme pour la création d'un prix littéraire, qui doit revenir à celui qui répondra le mieux à cette question : « Quel serait le moyen d'extirper le préjugé barbare et injuste des Blancs contre la couleur des Africains? ». En 1839, le prix est attribué à un certain Victor Schoelcher. Mais l'ami des hommes de toutes les couleurs est mort depuis 1831.0 JEAN ROCCIA 2 3 4 5 6 7 8 9 10 non CRoi5ÉJ .'..\ ..~ ~. ..\ :. ~ ...... ... ... . / ................ , ' ...•..........: :• ........... . '. ........................................................... ........ .... . ..... .............. ' ....... . .. .. .~ HORIZONTALEMENT: 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1. Ville thermale des Vosges - 2. Les premières arrivées. - 3. Entièrement. - 4. Article indéfini. Dieu marin. - 5. Versant exposé au soleil. Note de musique. - 6. Se rende. Cube. - 7. Pas sain. A les moyens.- 8. Préposition. En bon état. Lettre grecque. - 9. Sert à lier. Paradis perdu. - 10. Col alpin. Habitués. VERTICALEMENT: Î 1. Des troupeaux y broutent l'herbe. - 2. Le roi , des animaux. Ignorants entêtés. - 3. Possèdent. D'un auxiliaire. Règle double. - 4. Nombreux pour la Seine. - 5. Fera l'agneau. Recueil plaisant. - 6. Grossit le Rhône. Négation. 7. Gaz des marais. - 8. L'or fut la sienne. Tête de liste infinie. A payer. - 9. Unités de capacité. - 10. Position. CHAINE DE MOTS Il s'agit de passer du premier mot déjà indiqué au deuxième mot dejà indiqué en changeant une seule lettre à la fois, sans changer l'ordre des lettres dans le mot. Les formes variables et les noms propres usuels sont admis. Les suffues, préfues, symboles, sigles et abréviations ne sont pas admis. PIC LIT ARE NEZ 1 1 1 1 2 1 2 2 3 2 3 3 4 3 4 4 5 SOL GAL COU CUL SOLUTIONS DES JEUX PRECEDENTS Mots croisés: Horizontalement: 1. Stérilités. - 2. Aurores. Na ! - 3. Vendeurs. - 4. Orées. Ri. - 5. Niée. Fèves. - 6. Ne. Soulées. - 7. Asa. Ur. Ira. - 8. EteL - 9. Efendi. Lit. - 10. Sire. FéaL Verticalement: 1. Savonnages. - 2. Tueries. Fi ! - 3. Ernée. Amer. - 4. Rodée~. Ne. - 5. Ires. Oued. - 6. Leu. Furtif. - 7. IsraëL - 8. Veilla. - 9. En. Réer. IL - 10. SalIssant. Mots cassés: Les 29 agglomérations urbaines ayant un réseau métropolitain sont :. . . Amsterdam Athènes Bruxelles, Chicago, Glasgow, Hambourg, KIev, Lemngrad, LIlle, Lisbonne, Londres, Lyon, Madrid, Marseille, Mexico, Milan, Moscou, Munich, Oslo, Paris, ~ 1_ _________________________J L_ _________P_ é_k_in,_P_h_il_adel~phl·e_, _R_o_m_e_,_R_ot_te_rda_m_ ,_ Sto_c_k_ho_l_m_,_T_b_ilis_si,_T_o_k_y_o_, _V_ie_n_n_e,__VV_a_s_h_in_g_to_n_. _______~ Volontaires? Le Front national, re- ~ layé par la droite dite ~ « classique» répète ~ sans arrêt que l'acces- ~ sion à la nationalité ~ ~ française est un honneur, qu'elle doit se mériter et faire l'objet d'une déclaration. Remarquons tout d'abord que, contrairement aux affirmations hâtives, le jeune né en France de parents étrangers peut refuser cette nationalité dans l'année qui précède sa majorité. Mais les « purs » français, leur a-t-on demandé leur avis à leur naissance et leurs ancêtres avaient-ils fait acte d'allégeance volontaire à la nation française ? Revoyons un peu notre histoire de France. Qu'elle était petite la France de Philippe Auguste, vers 1180, du nord de Paris à Nevers, d'Orléans à Troyes. Que de mariages entre princes étrangers, que de guerres, d'héritages, d'achats, de dons, pour agrandir peu à peu ce petit domaine et rendre françaises des populations .. . sans les consulter! Que savaient ces pauvres serfs du haut Moyen Age, des batailles entre le roi et ses vassaux ? Ils savaient seulement qu'ils appartenaient à une terre, seigneuriale ou abbatiale et qu'ils seraient vendus avec elle. La Bretagne, berceau de M. Le Pen, n'est devenue française qu'en 1532. Il n'y a que quatre siècles et demi, par un legs d'Anne de Bretagne à son beaufils François, fils de Francois le. Les Bretons auraient-ils été consultés ce jour-là par référendum? La Franche-Comté est devenue provisoirement française en 1316, par le mariage de Jeanne de Bourgogne avec le roi de France. Elle a été ensuite possession germanique, puis espagnole et c'est seulement en 1678 qu'elle fut annexée à la France par un traité signé, faut-il le dire, entre les puissants du moment. On n'avait pas demandé l'avis des survivants des guerres. L'histoire de l'Aquitaine est riche en péripéties génératrices de guerres et de souffrances pour les habitants victimes des caprices des grands. Elle appartint successivement aux comtes de Poitiers, à la maison d'Auvergne, au duc de Toulouse. Elle devint française quand Aliénor d'Aquitaine apporta sa province en dot au roi Louis VII. Les époux ne s'entendirent guère. Différences - n° 68 - JUin 1987 Le roi dut réunir un concile en 1152 pour être autorisé à répudier sa femme. Deux mois plus tard, Aliénor épousa Henri II Plantagenet qui devint roi d'Angleterre en 1154. L'Aquitaine, ainsi devenu anglaise, fut âprement disputée pendant deux siècles entre la France et l'Angleterre et c'est en 1469 qu'elle devint définitivement française , Louix XI l'ayant donnée en fief à son frère Charles. Que dire des Flamands ballottés entre les Anglais, les Bourguignons, les Habsbourg et qui auraient souhaité tout simplement l'indépendance de leurs cités? Combien d'autres populations furent le jouet des grands des royaumes: Dauphinois vendus par leur prince en 1349 pour 300 000 florins, Provençaux légués en 1481, Corses achetés à la République de Gênes en 1768. M. Pasqua aurait-il des ancêtres génois? Les Niçois et les Savoyards semblent favorisés . On leur aurait demandé de décider par plébiscite, en 1860, le rattachement à la France. Hélas! Le plébiscite était une opération de propagande, montée par Napoléon III et qui entérinait des décisions prises selon les bonnes vieilles méthodes de la diplomatie traditionnelle, fort peu soucieuse des opinions des habitants des régions négociées. Voilà un aperçu très bref de la formation cahotique, hasardeuse du territoire français pendant l'actuel millénaire. Au cours de ces siècles, que de soldats bourguignons, flamands, espagnols, anglais, autrichiens ont dû traverser l'Hexagone... en y laissant de beaux petits rejetons bien blonds ou bien bruns ou bien roux.. . sans compter les descendants laissés sans doute aussi par l'invasion arabe au VIne siècle. Et non seulement cette histoire relativement récente a juxtaposé des populations d'origines géographiques différentes, de religions différentes, de cultures différentes, mais ces populations étaient elles-mêmes le résultat d'un métissage commencé bien avant l'ère chrétienne : - Ibères, dont on ignore l'origine installés dès le néolithique en Aquitaine. - Celtes venus de l'Europe centrale vers 2000 avant J .-C. et dont la croix fournit un emblème à certains éléments d'extrême droite qui les considère sans doute comme des « produits du sol» ; - Ligures du bassin Méditerranéen . - Phocéens venus de Grèce et fondateurs de Marseille. - Conquérants romains, euxmêmes. mélange d'Etrusques et de Latins, installés en Gaule avec leurs légionnaires asiatiques, africains, égyptiens, germains. - Ostrogoths originaires des rivages de la mer d'Azov et qui, vaincus par les Huns venus de l'Est, les suivirent en Europe occidentale. - Wisigoths des régions du Dniepr et du Danube. - Francs venus de la mer Baltique, Normands de Scandinavie, Burgondes. Ce passé, riche d'intégrations successives grâce aux nombreux mariages mixtes (qu'aucune loi ne contrôlait), est la tradition de l'histoire. Jamais l'accès à la nationalité française n'a été le résultat d'un acte volontaire. Bretons, Comtois, Aquitains, Dauphinois, Savoyards sont devenus français quand leur terre est devenue française. C'est donc le sol, le lien au sol qui a permis d'accéder au cours des siècles, sans conditions, à la nationalité française. 0 Gaby ROUSSILLA T Ghislaine GABOREAU r--------i[ Les Petites Annonces de Différences Jt--- Bijoux anciens - Bijoux Berbères: passez me voir pendant vos vacances ! Ben Mohamed Boubaker, 4260 Douz (Tunisie) (n° 291). Disque Wilca: histoire d'un jeune Indien inca, racontée par E. Gautier, jouée par Micamac. Prix: 85 F + port. E . Gautier, Benon, 17170 Courcon (n° 292). A vendre: lit (avec matelas et draps), poussette, baignoire enfant, tableau surréaliste et un GWO KA (tambour antillais) . 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Texte et règlement à Différences: 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : 48.06.88.33 Les membres de la Société des amis de Différences bénéficient d'une insertion gratuite par an (maximum 5 lignes) L 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1-.-1 L 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 L 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 L 1 1 1 1 1 1 1 1 I -L 1 1 1 1 .L 1 1 1 1 1 1 1 I...LJ L 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 III Cinq milliards d'hommes (suite) auraient lieu dans l'espace terrien et bien loin des étoiles. « Par milliers, des savants de toutes nationalités, de tous bords lancent le même cri d'alarme et signent l'engagement de ne pas participer à cette entreprise qu'ils estiment démente ... Malgré cela, les crédits sont distribués et la course à la mort collective s'accélère. Le pas que l'humanité s'apprête à franchir est peut-être décisif, moins du fait de l'accroissement effroyable des moyens de destruction qui va être réalisé dans les années prochaines que du fait de la délégation de la décision fatale à une machine », celle-ci déclenchera l'apocalypse. «D'ailleurs cette décision de supprimer l'humanité, c'est aujourd'hui que les Etats du club nucléaire la prennent en acceptant d'accumuler les armes qui rendent l'événement possible. » Dans une déclaration solennelle faite en janvier 1985, les dirigeants de l'Inde, de l'Argentine, de la Grèce, du Mexique, de la Suède et de la Tanzanie déclaraient « l' humanité entière est enfermée dans la cellule des condamnés à mort, attendant le moment incertain de l'exécution ». Mais les Etats sont si peu nombreux à s'être joints à cet appel.. . Même actuellement, le surarmement entraîne des conséquences catastrophiques. «D'après l'ONU, deux fois plus d'hommes consacrent leur intelligence et leur énergie à produire des armes, à s'entraîner à leur emploi, à surveiller l'ennemi potentiel, qu'à enseigner et soigner... C'est donc l'organisation actuelle du monde qui est directement responsable de la mort de tant d'enfants faute de nourriture et de soins. » Le diagnostic de la terre est alarmant. Sur le plan économique, culturel et politique, il y a urgence, sous peine de graves conflits, à rechercher un nouvel ordre mondial. Certains spéculent déjà sur la prochaine révolution démographique qui pourrait se caractériser par un âge maximal reporté à 140 ans. Qu'importe. L'essentiel est ailleurs. Il est vital de regarder la réalité en face, d'être conscient et de faire partager cette prise de conscience ; c'est difficile surtout lorsque tout évolue si vite. C'est pourtant indispensable si nous voulons garder la maîtrise de notre aventure individuelle et collective. D'abord être conscient que nous sommes tous solidaires, interdépendants non par choix mais à cause de notre nombre et des bouleversements technologiques; l'actualité nous prouve chaque jour que les erreurs commises par quelques-uns sont ressenties par des milliers d'autres. « Or, nos réflexes et ceux des décideurs restent dictés par de vieilles recettes valables à une époque où cette solidarité n'existait pas ou ne concernait que quelques groupes d'hommes fort limités » . Il ne s'agit plus de chercher à préserver ses privilèges de nantis. Il faudra partager. Nous devons tous être hantés par un danger: la disparition de tous les hommes. Nous devons aussi nous regarder lucidement les uns les autres, or nous vivons dès maintenant un « hiver affectif» ; prenons garde de « ne pas nous enfermer dans une prison où transis par la peur les uns des autres, animés seulement par la haine, nous n'aurions d'autre espoir que de survivre quelques années à nos ennemis ». Chacun n'a à craindre que lui-même, ses réactions de rejet, d'égoïsme et de peur. Refusant de nous réfugier dans un abri où toute évolution serait bloquée, il nous faut affronter le monde, c'est-à-dire être front à front, intelligence à intelligence et non force contre force, pour tenter de continuer envers et contre tout à construire l'humanité. 0 ELISABETH CHIKHA (1) Ed. Seuil, coll. Point Virgule. Les phrases entre guillemets sont extraites Petites annonces (suite) Rencontre chanson en Provence. La Sainte-Baume, du 2 au 11 août. « De l'écriture jusqu'à la scène » , 15 ateliers, spectacles, tremplin, forum. 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