Différences n°32 - mars 1984

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Sommaire du numéro

n°32 de mars 1984

  • Intégration des immigrés: l'opinion des français
  • Racisme: le premier ministre répond (P. Mauroy)
  • Les ghettos de l'apartheid (Soweto) par Yves Laubin
  • Mais comment peut-on être antiraciste? par Pauline Jacob
  • Rendez-vous en ville: on parle des difficultés de cohabitation, mais il n'y a pas que dans les HLM que français et étrangers se rencontrent par M de la Forest, F. Giudice, V Mortaigne.
  • L'Afrique sait écrire par Annie Lauran
  • J'ai pu gagner le droit à l'expression: Isabelle Adjani
  • Ils courent, ils courent les bruits: un sociologue s'interroge sur la vitesse de propagation des stéréotypes par Augustin Barbara
  • Nous vivons le temps des migrations par Antonio Perotti
  • Assimilation ou intégration? par Pierre Emmanuel

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Le magazine de l'amitié entre les peuples r r- , J ( / 1 1iHérences Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences. 89, rue Oberkampf 75011 PARIS Tél. : (1) 806.88.33 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Albert Lévy RÉDACTION Rédacteur en chef .Jean-Michel Ollé Secrétariat de rédaction/maquettes : Véronique Mortaigne Service photos : Abdelhak Senna Culture: Daniel Chaput Relations extérieures : Danièle Simon ADMINISTRA TION /GESTION Khaled Debbah PROMOTION/VENTES Marle-.Jeanne Salmon ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO: Dolorès ALOIA, Isabelle ADJANI, Augustin BARBARA, Pierre EMMANUEL, Marie de La FOREST, JeanPierre GARCIA, Fausto GIUDICE, Pauline JA COB, Annie LA URAN, Yves LA URIN, Robert PA C, Solange OOSTENBROEK, Antonio PEROTTI, PIEM, Alain RA UCHV ARGER, Jean ROCCIA, Jean-Louis SA GOTDUVAUROUX. ABONNEMENTS 1 an : 150 F ; 1 an à l'étranger: 180 F ; 6 mois: 80 F. Etudiants et chômeurs, 1 an : 130 F, 6 mois: 70 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien : 200 F ; Abonnement d'honneur: 1 000 F. Vente à l'étranger: Algérie 14 dinars, Belgique 140 FB, Canada 3 dollars. Maroc 10 dirhams. PUBLICITÉ AU JOURNAL Photocomposition - photogravure impression : C.P. Paris Commission paritaire nO 63634, ISSN 0247-9095. Dépôt légal: 3118 PHOTO COUVERTURE : Michel Zoladz Affiche de Frédérique Sauvestrl! Différences - N ° 32 - Mars 1984 SBMMAIRE! MARS EXCLUSIF & Intégration des Immigrés : l'opinion des Français On dit les Français racistes. Le sondage SOFRES-Différences remet les choses en place. 14 RaCisme : le Premier ministre répond Oui, le racisme est injustifiable et intolérable. Non, il ne faut pas baisser les bras. Pierre MAUROY se confie à Différences. 1& Les ghettos de l'apartheid Un témoignage accablant du secrétaire de la Fédération Internationale des droits de l'Homme sur la vie à Soweto. Yves LAURIN GROSPLAN .................................. . 18 Mals comment peut-on être antiraciste ? Les vraies raisons du militant-type. DOSSIER Rendez-vous en ville Pauline JACOB 20 On parle des difficultés de cohabitation. Mais il n'y a pas que dans les HLM que Français et étrangers se rencontrent. Marie de la FOREST, Fausto GIUDICE, Véronique MORTAIGNE CULTURES ................................ .. 28 L'Afrique sait écrire Un tour d'horizon des nouvelles littératures africaines. cc .J'ai pu gagner le droit à l'expression n Isabelle ADJANI, ou l'orgueil de la différence. RÉFLEXION Ils courent, ils courent, les bruits Un sociologue s'interroge sur la vitesse de propagation des stéréotypes. HISTOIRE Nous vivons le temps des migrations Annie LAURAN 31 34 Augustin BARBARA 3& Jamais l'humanité ne s'est tant déplacée que pendant le xx· siècle. Mais les frontières de l'Europe sont fermées. Est-ce la fin du voyage? Antonio PEROTTI DÉBAT 38 Assimilation ou intégration ? L'écrivain Pierre EMMANUEL de l'Académie Française analyse les deux façons de traiter l'immigration. 3 SUCRE AND SUN ~iielite~ïù.~:· reggae rim, un'f R(·"s:~m. \11.",1 UI ù ' ( 111'.1. ,t Ul~;lIr-d;s«-;lépl1rrt'l1um fli frtllh;tli:' ri ' tll/t'yj.jut' ". - _. - il ll "('xi~/ê~p~n que (/1,1) r amdü ( 1'1'/,h·dU\ •.. Je m'abonne à Différences, le mensuel qui vous fait voyager. o 150 F (1 an) o 80 F (6 mois) o 200 F (soutien) NOM __________________________________ __ Prénom Adres~ ________________________________________________________________________________ __ Code postal _______________________ Commune ----------------------------------------------- Profession ______________________________________________________________________________ _ Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à: Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS. DIFF.32 Abonnement 1 an : étranger: 180 F ; chômeur et étudiant: 130 F. 4 CHERS lECTEURS VIVRE ENSEMBLE AVEC, NOS DIFFERENCES ... h ! oui, de tout temps, la France s'est faite et enrichie d'apports extérieurs, humains, économiques et culturels, à travers une longue histoire de migrations, d'affrontements, de découvertes, de conquêtes et d'échanges, subis ou voulus. Sans remonter aux Romains, aux Francs, Normands, Germains, Sarrazins et autres peuples du Nord et du Sud, qui se sont mêlés sur son sol, il y a des siècles, on peut se souvenir des immigrés, des réfugiés qu'elle a accueillis entre les deux dernières guerres et qui ont contribué à ses progrès comme à sa défense: Italiens, Polonais, Espagnols, Juifs d'Europe orientale et de la Méditerranée, Arméniens .•. La moitié des Français actuels trouvent dans leur famille au moins un étranger en remontant seulement deux ou trois générations. Ce n'est pas original: bien des nations, dans le monde, se sont fondées au cours des âges sur des phénomènes semblables. Aujourd'hui, l'histoire de France continue. Aux Français de souche ancienne, aux communautés régionales issues du passé, se sont joints des immigrés qui concourent à nos activités économiques, sociales et culturelles. Leur proportion (7 à 8 % de la population) équivaut à celle des années trente. La plupart sont ici depuis 10 ou 20 ans, et leurs enfants, souvent de nationalité française, fréquentent les mêmes écoles, partagent les jeux, les inquiétudes, les aspirations de tous les autres. Alors, pourquoi ces attaques, cette méfiance, et parfois cette haine à l'encontre des immigrés, présentés comme responsables de tout ce qui ne va pas ? Et pourquoi prétendre qu'en les « renvoyant chez eux », tout irait pour le mieux ? Pourtant, quand on licencie des immigrés dans une entreprise, une branche industrielle, une région, les travailleurs français ne sont-ils pas également frappés et menacés par la crise et les mutations technologiques ? Dans les « grands ensembles », les causes réelles du « mal vivre» ne sont-elles pas connues: défauts de la construction et de l'urbanisme, absence d'entretien, accumulation des cas sociaux ? La délinquance n'est-elle pas liée à l'échec scolaire, au manque de formation et de travail, au désarroi des jeunes, quelle que soit leur origine ? Si on ne se sent plus « chez soi », n'est-ce pas surtout parce que les évolutions de la vie moderne bouleversent nos habitudes, mettent en cause les idées et les valeurs traditionnelles, engendrent des tensions et la peur de l'inconnu ? N'est-il pas simpliste de tout ramener à l'immigration ? Les immigrés n 'y sont pour rien. Et peut-on envisager vraiment le départ de millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui partagent notre vie, nos préoccupations, nos espoirs? Sans eux, que deviendraient notre économie, notre société, notre avenir ? Qu'en serait-il de la justice et de la démocratie? Imaginer le drame que serait pour la France un tel exode, c'est voir son impossibilité. Face aux difficultés communes, n'est-il pas plus normal d'agir ensemble pour défendre les droits de tous et aboutir, avec lespouvoirs publics, à des solutions positives ? Plut()t que de s'ignorer, se mépriser ou s'opposer, ne vaut-il pas mieux se connaître et se comprendre, se rencontrer et discuter ? Différences - N° 32 - Mars 1984 5 )C1UEl - Sondage SOFRES - Différences - INSERTION DES IMMIGRÉS •• L'OPINION DES FRANÇAIS 4,5,10, 1S %? De TOIJ·a FA (i.oN y' EN AU il.A Une enquête exclusive, commentée par Véronique de Rudder ToujOUQ.$ TQOP 1'.. L es immigrés sont loin d'être des inconnus pour les Français: la moitié d'entr'eux en ont parmi leurs amis; un tiers en compte au moins dans son entourage familial ; un quart pratique une activité de loisir ou militante avec des immigrés. Sans compter ceux qui, sans relation suivie ou établie, en côtoient sur leur lieu d'habitat (44 %) ou de travail (26 %). \' -a-t-il des étrangers ou des naturalisés dans votre famille, y compris parmi vos grandsparents ou votre belle famille ? - Oui, dans ma famille. . . . . . . 24 - Oui, dans ma belle famille................... 9 - Oui, dans les deux. . . . . . . . . 3 - Non... . ... . ... . ......... 63 - Ne veut pas dire .. . ... . 100 % Et pourtant... Le premier enseignement de ce sondage est la méconnaissance du poids et de l'apport réels de l'immigration en France. 3 personnes sur 4 avouent l'ignorer ou se trompent dans leur évaluation du pourcentage d'immigrés. La surestimation est la tendance générale partagée par toutes les catégories de population. On ne sera pas étonné de voir les partisans de l'extrême-droite abonder dans ce sens. Plus intéressants sont les jeunes de 15 à 24;ms qui, pour plus de la moitié d'entr'eux, les surévaluent aussi. Les immigrés ne représentent pas une part plus importante de la population française aujourd'hui que dans les années 30. Mais qui le sait? 7 personnes sur 10 croient qu'ils sont proportionnellement plus nombreux actuellement

chiffre qui atteint plus de 8 sur 10

chez ceux qui vivent en « proximité non choiEnfm, l'apport des immigrés aux caisses de sécurité sociale et d'allocations familiales est presque totalement inconnu. 86 % des « sondés» l'ignorent, parmi lesquels 53 % pensent que les immigrés coûtent plus qu'ils ne rapportent... 3 personnes sur 10, en moyenne, considèrent que le taux d'immigrés en France ne pose pas de problème. C'est le cas de 5 titulaires d'une instruction supérieure sur 10, proportion qu'ils partagent avec l'extrême-gauche. Tous les autres pensent en majorité que les immigrés sont trop nombreux et c'est surtout le cas de l'extrême-droite, bien sûr (8 sur 10), et de la catégorie « proximité non choisie» (7 sur 10). Contrairement à ce que l'on aurait pu supposer - ceux qui surévaluent la présence étrangère ne la jugent pas toujours trop importante. Pouvez-vous m'indiquer approximativement la proportion d'immigrés et de naturalisés dans la population française? - Moip.s de 4 % ......... . 2 12 } 14 - 4à6 % .............. . -7àlO% ....... . ..... . 25 -llà13% 12 -14à16% Il 42 - 17à 18 % . . ..... ... . . . 7 - Plus de 18 % . . . .. . ... . . 12 Ne sait pas ..... . .... . 19 100 % Aux personnes n'ayant pas cité le taux de 7 à 10 %, il a été précisé: « En fait, il y a actuellement 7 à 8 % d'immigrés dans la population française, et 10 % si l'on compte aussi A votre avis, cette proportion de 7 à 10 % est-elle supérieure, inférieure, ou équivalente à la proportion d'étrangers qu'il y avait en France dans les années 30 ? - Supérieure. . . . . . . . . . . . . 69 - Inférieure ............. Il - Equivalente. . . . . . . . . . . . 9 - Ne sait pas. . . . . . . . . Il 100 % Aux personnes n'ayant pas répondu « équivalente », on a précisé:« Enfait, c'est à peu près la même que dans les années 30. » Diriez-vous que cette proportion d'immigrés et de naturalisés au sein de la population française est plutôt ..• ... trop faible. . . . . . . . . . . . . 2 . .. trop forte. . . . . . . . . . . . . . 58 ... ce n'est pas un problème. 33 - Ne sait pas. . . . . . . . . . . .. 7 100 % Actuellement, y-a-t-il des étrangers ou des naturalisés parmi ... . .. vos voisins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 100 % ... vos collègues de travail. . . . . . . . . . . . . . .. 100 % ... Les gens avec qui vous pratiquez un sport, un loisir ou une activité dans une association . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 100 % ... vos amis. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 % Oui 44 26 28 46 Non 53 49 59 52 Sans opinion 3 25 13 2 Je vais vous citer un certain nombre de communautés vivant en France. Pour chacune d'elles, estimez-vous qu'elle est plutôt bien ou plutôt mal intégrée dans la société française? Plutôt bien Plutôt mal Sans opinion que bien iniegrées. Algériens et Gitans sont seuls à être perçus comme mal intégrés par plus de la moitié des interrogés. Selon que l'on considère que l'intégration est plutôt une question de temps ou plutôt une question de « ressemblance », on manifeste une vision plus historique ou plus « fixiste » des relations entre Français et immigrés. Les réponses sont assez partagées. Les plus âgés, les moins instruits, ceux qui vivent en proxi- Le M.R.A.P. et la S.O.F.R.E.S. ont, pour - Les Arméniens .................. . ... 100 % 37 28 35 l'élaboration de ce sondage, travaillé ensem- - Les EspagnIo s . ...................... 100 % 81 9 10 ble, pour tle" nter d'apporter des éléments nou- veaux sur Image et les opinions de la popu- - Les Africains noirs ................... 100 % 36 48 16 lation de la France concernant les immigrés. - Les Italiens ......................... 100 % 81 9 10 Un critère de « proximité» a donc été cons- - Le s YougoIs aves . . . . . . . . . . . . . ·. . . . . . .. 100 % 43 20 37 truit. D perm. et de distinguer les réponses des personnes mterrogées selon les relations - Les Algériens ................... . .. .. 100 % 21 70 9 qu'elles entretiennent avec des étrangers ou - Les Juifs en provenance d'Europe des naturalisés: celles qui n'en comptent Les opmlOns relatives à l'intégration des de l'Est . ... ....... . ..... . ......... .. 100 % 49 16 35 aucun, ni dans leur famille, ni parmi leurs immigrés offrent deux types d'informations ...:.. Les Portugais ............... .. .. . . .. 100 % 70 18 12 amifs, ~i danls I(eur entourage résidentiel ou indissociables. Elles révèlent l'image que les pro esslOnne «sans proximité »); celles interrogés ont de l'insertion des immigrés - Les Tunisiens ... . ................. . . . 100 % 37 42 21 qui ont des amis ou compagnons de loisir dans la société, mais aussi l'image qu'ils ont - Les Antillais ........................ 100 % 57 20 23 parmi eux ( proximité relationnelle ») ; celd'eux- mêmes, dans leurs attitudes et compor- - Les Turcs . .......................... 100 % 19 43 38 Ibesllqufi en.lclom( ptent dans fileur famille ou leur tements à cet égard. Elles disent ce qui est (ou e e- ami e «proximité amiliale ») et ceux ce que l'on croit être), mais aussi ce qu'on - Les Pieds-Noirs ...................... 100 % 66 21 13 qui n'en ont que parmi leurs voisins ou pense qui devrait être ... Ceci ne va pas sans - Les Polonais ........................ 100 % 75 8 17 compagnons de travail ( proximité non contradiction, ou, au moins, ambivalence... LM· 100 rt1 choisie »). On verra que cette classification Presque toutes les immigrations européennes - es arocams.... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VIO 33 48 19 est significative... . sont, avec les Antillais, considérées comme - Les Asiatiques .................... . .. 100 % 47 25 28 Nous ne dressons ici qu'un tableau encore plutôt bien intégrées. Toutes les immigra- - Les Gitans ....... . ....... . .......... 100 % 21 64 15 grossier des résultats de ce sondage. Une fum~ic~~w~j~~pCharles 12 janvier 2012 à 11:43 (UTC)mal __ L~J~.~p12 janvier 2012 à 11:43 (UTC)rafu~~m~A~ '-s-i_e»_ av_ec_ de_s _im_mig_ré_s. _________l_es _na_tur_ali_sés_ »_. _______~ -----------_________. ..JL_ ses: « Vivre ensemble avec nos différences ». 6 Différences - N ° 32 - Mars 1984 7 mité non choisie avec des immigrés, ceux qui n'en côtoient jamais ( non proximité ») et, évidemment, l'extrême-droite sont les plus enclins à attribuer à une trop grande « différence » une future mauvaise intégration. A l'inverse, les plus instruits et les plus à gauche croient plus à une intégration progressive. L'effort d'adaptation pour vivre « comme les Français» exigé des immigrés par la moitié de la population ne trouve pas son équivalent dans les 31 % qui attendent un effort des Français. Ce déséquilibre est plus accentué chez les plus âgés, les plus à droite, ceux qui vivent sans proximité ou en proximité non choisie avec des immigrés ... Au contraire, les plus jeunes, les plus instruits et les électeurs de toute la gauche souhaitent que les Français fassent des efforts. Ce sont eux aussi qui sont le plus souvent partisans de la discussion commune. A vec laquelle de ces deux opinions êtes-vous le plus d'accord? - La plupart de ces communautés qui vivent en France pourront bien être intégrées dans la société française. C'est une question de temps. . . . . . . . . 43 - La plupart de ces communautés ne pourront pas être intégrées dans la société française car elles sont trop différentes. . . 49 - Sans opinion. . . . . . . . . . . . . . 8 100% Rares sont les partisans du regroupement des immigrés. Et l'opposition regroupement/répartition recouvre un clivage entre l'extrêmedroite et l'ensemble de la gauche, principalement. 80 % des répondants pensent que les immigrés doivent avoir les mêmes possibilités de promotion que les Français, mais ils ne sont plus que 54 % à refuser que le maintien des immigrés dans les emplois les plus dévalorisés soit le prix de leur présence en France. Il y a donc là une contradiction interne pour au moins 26 % de la population. Celle-ci était plus nette encore dans les résultats d'un sondage récent (L'Humanité Dimanche/IFOP, 4 février 1984) : 55 % des Français pensaient que le retour des immigrés dans leur pays résoudrait le chômage, mais 56 % ne croyaient guère que leurs compatriotes accepteraient de faire le type de travail que les immigrés laisseraient ainsi vacants ... C'est que. l'opinion, ici, n'est pas figée. Ambivalente ou contradictoire, seule une analyse en profondeur, et compréhensive, des attitudes pourraient l'expliquer. Voilà une voie de recherche ouverte ... Ce sondage a été effectué pour le M;R.A.P. par la SOFRES du 25 janvier au 4 février 1984. II a été réalisé à p.artir d'un échantillon national de 1 000 personnes, représentatif de la population résidant en France, âgée de 15 ans et plus, selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille) et stratification par région et catégorie d'agglomération. DES D4NS iTIlANGa. n.s HA FArt i t.LE Vous PAS M ' AYEZ Il E C:;AflDi ~ ON FA i ,- pAS DE NiL.ANc:a:. /1 CHiZ MOl oc " Voulez-vous me dire si vous êtes plutôt d'accord ou plutôt pas d'accord avec les affirmations suivantes? Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord Sans opinion - Les immigrés qui travaillent en France doivent avoir les mêmes possibilités de promotion que les Français. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 100 % - Le maintien des immigrés en France ne se justifie que s'ils occupent les emplois dont les Français n'ont pas voulu ........................ 100 % 80 35 15 5 54 11 Quelles sont, selon vous, les deux solutions les meilleures pour améliorer l'entente entre les Français et les immigrés ? - C'est aux immigrés de faire un effort pour vivre comme les Français . . 51 - Il faut que les immigrés soient répartis entre différents logements, différents quartiers, et différentes communes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 - Il faut organiser des discussions entre Français et immigrés dans les quartiers où ils vivent ensemble. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 - C'est aux Français de faire des efforts pour mieux accepter les immigrés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 - Il faut que les immigrés soient regroupés et vivent surtout entre eux .. 12 - Sans opinion ........................................... . 5 % (1) (1) Le total des pourcentages est supérieur à 100, les personnes interrogées ayant pu donner plusieurs réponses. 8 Si l'argent des immigrés (provenant du surplus de leurs cotisations) est considéré comme devant servir à tous (3 personnes sur 10, seulement, jugent qu'il doit financer le logement des immigrés ou la coopération avec leurs pays d'origine) il ne semble pas que ce soit une raison pour vouloir leur accorder le droit de vote aux élections municipales ... Les « légalistes» sont les plus nombreux (36 %) : pour eux, droit de vote et nationalité sont indissociables, et l'accès des immigrés au corps électoral passe par leur naturalisation. Mais ils sont suivis de près par ceux qui jugent qu'un temps de séjour plus ou moins long doit ouvrir ce droit. Restent 17 % de personnes pour lesquels même la naturalisation ne suffit pas à rendre citoyen français ... A propos des cotisations des immigrés aux caisses de sécurité sociale et d'allocations familiales, laquelle de ces deux opinions correspond le mieux à ce que vous pensez ? - Les immigrés payent plus en cotisations qu'ils ne reçoivent en prestations. . . . . . . . . 14 - Les immigrés reçoivent plus en prestations qu'ils ne payent en cotisations. . . . . . . 53 - Sans opinion. . . . . . . 33 100% Aux personnes qui ont choisi la deuxième proposition, il a été précisé: « En réalité, à l'heure actuelle, les immigrés paient plus en cotisations qu'ils ne reçoivent en prestations. » A votre avis, comment devrait-on d'abord utiliser le surplus existant ? - Pour financer des logements et équipements sociaux pour tout le monde . 25 - Pour financer des logements et équipements sociaux pour les immigrés. . . 12 - Pour compenser le déficit de la Sécurité sociale ou de l'assurance chômage. . . . . . . 31 - Pour financer la coopération et l'aide au développement dans les pays d'origine des immigrés. . . . . . . . . . . . . . 18 - Sans opinion . . . . . . . 14 100% Cette réticence politique générale, entachée de nationalisme, ne s'accompagne pas d'une perception machiavélique de l'action des immigrés : 7 personnes sur 10 pensent que les immigrés ne mettent pas en cause les institutions françaises. Différences - N° 32 - Mars 1984 Ceux qui pensent que les immigrés déstabilisent la France sont globalement les mêmes que ceux qui leur refusent définitivement tout droit civique. Ils partagent, semble-toi!, une vision paranoïaque de l'immigration! On trouve là l'extrême-droite, mais il ne faut pas sous-estimer les réticences et l'inquiétude de ceux qui vivent une « proximité non choisie ». Pensez-vous que les immigrés devraient pou-' voir voter en France aux municipales ? - Oui, après un an de séjour en France ................ 10 - Oui, après 5 ans de séjour enFrance ................ 15 33 - Oui, après 10 ans de séjour en France. . . . . . . . . .. 8 - Non, à moins qu'ils ne soient nés en France. . . . . . .. 10 - Non, à moins qu'ils ne se fassent naturaliser. . . . . . . .. 36 63 - Non, en aucun cas .. .. .. 17 - Sans opinion ...... . 4 ~~OO% Information ! Quels enseignements tirer de ces quelques résultats? Il appartient à chacun de les méditer, ce qui sera rendu plus aisé avec l'analyse de détail à venir. En tous cas, l'espoir semble venir des jeunes, et c'est bon signe pour l'avenir, à la condition de savoir que, chez eux aussi, il reste beaucoup à faire. On n'a guère de surprise à l'examen de la relation entre préférence politique et attitude à l'égard de l'immigration, au moins pour ce qui concerne les positions tranchées. Mais nul n'est à l'abri d'une progression des attitudes négatives ou discriminatoires qui, notamment, apparaissent dans l'électorat centriste et chez ceux qui ne se situent guère sur l'éventail droite-gauche (le « marais »). La gauche, pour être moins tentée par de telles attitudes, n'en est pas pour autant épargnée, et d'ailleurs, son degré d'information des réalités reste extrêmement faible. Avec laquelle de ces deux opinions êtes-vous le plus d'accord? - En France les immigrés vivent dans l'insécurité . . . . . . . . 35 - En France les immigrés ne vivent pas dans l'insécurité. . . . . 50 - Ne sait pas. . . . . . . . . . . . 15 100 % 9 Laquelle de ces trois attitudes vous paraît la plus répandue parmi les immigrés vivant actuellement en France? - La plupart des immigrés veulent 'vivre sans histoire, et ne se mêlent pas de la vie politique française. . . . . . . . . 33 - La plupart des immigrés veulent affirmer leurs droits, dans le respect des institutions de la France. . . . . . . . . . 38 - La plupart des immigrés cherchent, par leurs revendications et leurs activités, à déstabiliser politiquement la France............ ....... 18 - Sans opinion. . . . . . . Il 100% Ceux qui échappent à la concurrence réelle ou supposée avec les immigrés sur les marchés du travail ou de logement apparaissent comme les plus ouverts à l'immigration (cadres supérieurs, professions libérales, gros commerçants, industriels, détenteurs d'un niveau d'instruction supérieur. .. ). C'est à eux, ne l'oublions pas, que l'attitude la moins restrictive est la plus facile à adopter. L'effet du niveau d'instruction reste toutefois évident à travers le contraste fréquent qui oppose les opinions de ceux qui n'ont qu'une instruction primaire à ceux qui ont eu accès au secondaire . . 11 faudrait analyser plus en détail les raisons qui poussent ceux qui possèdent une formation technique ou commerciale à de fréquentes positions négatives envers les immigrés. Moi ~ iT'lH COH/'IANDi. PAO. UN l!ou"NOV~E. ? .S MAIASINS R IX vêtements BESANçoN: 1, rue Gambetta LA ROCHE-SUR·YON: 11, rue Stéphane-Gulllemé BESANCON : 1 , rue Gambetta LA ROCHE-SUR-VON: 11, rueStéphane-Guillemé GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES: 72, avenue Gabriel-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72, av. G.-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE FONTAINE: Centre Commercial Record ORGEVAL: Centre Commercial "Les seize arpents" 10 Si le fait d'avoir des immigrés dans sa propre famille améliore le niveau d'information et l'attitude générale à leur égard, tel n'est pas toujQurs le cas lorsqu'on en compte parmi ses amis ou compagnons de leisirs. Ceux qui sont en « proximité relationnelle» avec des immigrés sont ainsi, par rapport aux opinions moyennes, plus enclins à penser que c'est aux Français de faire un effort pour améliorer les relations, à n'être pas gêné à l'idée d'avoir un supérieur immigré, à vouloir utiliser l'argent des immigrés pour l'aide au développement... mais aussi plus « légalistes » quant au droit de vote, plus restrictifs pour les possibilités de promotion et les poursuites judiciaires (limitation aux cas graves et récidives) et plus nombreux à trouver qu'il y a trop d'immigrés. Si vous deviez travailler SQus les ordres d'un contremaître ou d'un ingénieur immigré, quelle serait votre réaction ? - Ça me gênerait énormément.................... 9 20 - Ça me gênerait assez .... Il - Ça ne me gênerait pas beaucoup ................ 16 l 75 - Ça ne me gênerait pas du Î tout ..................... 59 - Sans opinion ...... . 5 100 0J0 Estimez-vous qu'il est juste de poursuivre devant les tribunaux les comportements racistes? - Oui, le plus souvent possible ..................... . - Oui, mais seulement dans les cas graves et les récidives. -Non ................. . - Sans opinion ...... . 32 47 14 7 100 070 Pensez-vous que ces poursuites en justice ... ... permettront de réduire les comportements racistes. . . . . 21 ... en fait, ne servent pas à grand chose .............. 66 - Sans opinion. . . . . . . 13 100 0J0 Différences - N° 32 - Mars 1984 ••• t\AQ:IE culliE C'tiA',T l?ie.1'I UN~ ë.ïQ.PlN"e.Q~, NON? oui ... HAis QUE.t Il. PI )1 0 ~ N E t1 ENi. " C/~!lT &Î E.M Poull. c;.A QU'ON 1. ui Il (,OuPÉ L..' COu •f•f• • Pour finir, je vous propose un petit jeu. Pour chacun des personnages suivants, pouvez-vous me dire s'il avait une origine étrangère (lui-même ou ses parents) ? Origine étrangère Pas d'origine étrangère Sans opinion - Emile ZOLA ........................ 100 0J0 27 40 54 33 31 8 20 9 69 25 - Léon GAMBETTA .. . . . . . . . . . . . . . . .. 100 0J0 15 - PICASSO .......................... 100 0J0 86 6 16 17 26 53 83 45 71 64 - La reine Marie-Antoinette ............. 100 0J0 64 74 5 22 8 41 8 15 - Joséphine BAKER ................... 110 0J0 - Charles MAURRAS .............. ' .... 100 0J0 - CLOVIS ........................... 100 0J0 - Louis PASTEUR .. .. . . . . . . . . .. .. .. .. 100 0J0 9 14 21 21 - Marie CURIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 100 0J0 - Maximilien ROBESPIERRE .......... 100 % - George SAND. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 100 % D'OÙ VIENNENT LES HOMMES (ET FEMMES) CÉLÉBRES? Emile Zola: 1840-1902, d'origine italienne. Outre son oeuvre littéraire, on se souvient de son rôle dans l'Affaire Dreyfus, où il prit la défense du capitaine injustement accusé. Léon Gambetta: 1838-1882, d'origine italienne, un des fondateurs de la troisième République en 1870. Pablo Picasso: 1881-1973, il garda sa nationalité espagnole. La reine Marie-Antoinette: 1755-1793, certains royalistes « nostalgiques » célèbrent encore l'anniversaire de son exécution. Elle était autrichienne. Joséphine Baker: chef d'oeuvre du bon goût français et du bal-nègre réunis, était américaine. J'ai deux amours ... Charles Maurras: 1868-1952, provençal fondateur de l'Action Française, puis pétainiste, puis emprisonné. Clovis: 466-511, roi des Francs ... et belge. Louis Pasteur: 1822-1874, savant français, à qui l'on doit la virologie, et la pasteurisation. Marie Curie: 1867-1934, physicienne d'origine polonaise. Découvre d'ailleurs le polonium, et le radium. La fréquentation non choisie d'immigrés amène des positions « défensives » souvent hostiles à leur endroit. Comparativement à la moyenne, on juge plus souvent le taux d'immigrés trop élevé, l'intégration impossible, on refuse plus souvent le droit de vote, le supérieur hiérarchique, la promotion, etc . Quant à ceux qui n'ont pas d'immigrés dans leur entourage, s'ils sont plus souvent que la moyenne « sans opinion », ils sont aussi plus souvent fermés à l'insertion des immigrés (droit de vote, possibilités de promotion, regroupement des immigrés, répression du racisme ... ). Enfin, malgré une fréquence plus élevée de non réponse, les femmes apparaissent tou- 11 jours comme plus ouvertes et plus tolérantes que les hommes ... Cette « revue de détail» peut paraître pessimiste. Elle ne doit pas masquer les résultats positifs : importances relatives de ceux qui croient à l'intégration avec le temps, qui ne craignent ni les revendications des immigrés ni leur éventuelle promotion, qui souhaitent une lutte juridique contre le racisme .. . Elle indique ainsi les « points noirs », les cibles de notre action, et les points d'appui sur lesquels elle doit compter. Véronique DE RUDDER Sociologue, chargée de recherches au CNRS ILE MDISl Nazisme Selon l'hebdomadaire allemand Stern, Klaus Barbie aurait été mis en contact avec Me Jacques Vergès par un banquier suisse, M. François Genoud, qui par ailleurs ne cache pas ses sympathies pour le nazisme. (10 janvier). Simon Wiesenthal, le chasseur de nazis, a dénoncé la présence au Canada de deux anciens nazis, Anton Shapak et Bogda Babrak, Ukrainiens collaborateurs de l'occupant allemand. Simon Wiesenthal précise que, comme beaucoup d'Ukrainiens catholiques, les deux hommes auraient bénéficié de l'aide du Vatican pour fuir aux Etats-Unis après la guerre. (22 janvier). Beate Klarsfeld arrive à Santiago pour demander au général Pinochet l'extradiction de Walter Rauff, tenu pour responsable de l'extermination de 97 000 Juifs pendant la dernière guerre. Elle est arrêtée quelques heures, à l'occasion d'une manifestation. (31 janvier). L'Etat d'Israël a réclamé l'extradition de Walter Rauff. L'association des fils et des filles de déportés juifs de France, FFDJF, appelle à une manifestation devant l'ambassade du Chili pour soutenir cette action. (2 février). Refusnik a L'épouse d'Anatoly Chtcharanski rencontre M. Robert Badinter, Garde des Sceaux. Dans une conférence de presse, elle accuse les autorités soviétiques de refuser une aide médicale à son mari, toujours incarcéré et très affaibli par sa dernière grève de la faim. (10 janvier). D'après des informations obtenues par la Société internationale des droits de l'homme de Francfort, Anatoly Chtcharanski aurait recommencé une nouvelle grève de la faim pour protester, avec d'autres détenus, contre la dégradation de leurs conditions de détention. (25 janvier). Yossif Begun, condamné récemment à sept ans de camp et cinq ans de rélégation pour son action en faveur d'un développement de la culture juive se voit confirmer sa peine en appel. Il est actuellement en cellule d'isolement. (20 janvier). Fichiers M. Simon Wiesenthal interroge le gouvernement français sur l'éventuelle possession par Interpol, organisation basée à Paris, d'un fichier de juifs, gitans et opposants au nazisme, dit « Fiche S » élaboré par les nazis et récupéré par l'organisation après la senéga gambie autres volsG-- UQJ.~·J\.. MEXIQUE PEROU USA RIO 4300F. 4380 F. 2960"- 5500F. guerre. M. Robert Badinter a demandé au ministre de l'Intérieur de faire la lumière sur cette affaire. (11 janvier). Emeutes de la faim En Tunisie, le Président Bourguiba annule les mesures du relèvement de prix des produits de première nécessité, après les émeutes qui ont eu lieu dans les grandes villes, et qui ont fait 120 morts. (7 janvier). Au Maroc, des émeutes similaires contraignent Hassan II à annuler des mesures semblables. Le roi y voit un « complot marxiste, khomeniste et sioniste ». SelQn les sources, il y aurait eu entre 29 et 400 morts. (22 janvier). Violences Une manifestation des associations de travailleurs marocains à Paris, qui témoignaient ainsi leur soutien aux Marocains tués pendant les émeutes de la faim, est brutalement réprimée par la police à Barbès (29 janvier). Deux personnes se réclamant du Front National sont interpellées à Nantes pour avoir pénétré par effraction dans les locaux du MRAP et de l'Amicale des Algériens en Europe pour y voler les fichiers . (12 janvier). Abdelkader Ben Fargalah tente d'échapper aux policiers qui le recherchent. En voulant enjamber le balcon, il tombe du neuvième étage et se tue. (29 janvier). L'émotion est vive dans la communauté maghrébine et provoque quelques incidents. Afrique du Sud Amnesty International publie le rapport d'une association de parents et amis de détenus, intitulé

« Les abus de la police de

sécurité envers les détenus politiques ». Le catalogue des méthodes dénoncées est vaste, de la « gégène » à la suffocation par encapuchonnement avec un sac en plastique. (14 janvier). L'Afrique du Sud, qui porte de plus en plus difficilement le poids économique de sa politique d'agression envers les pays de la ligne de front, semble marquer le pas. Prétoria annonce le retrait progressif de ses troupes d'Angola, avouant ainsi pour la première fois y avoir pénétré. (16 janvier). Des contacts sont pris avec les dirigeants mozambicains, angolais, et la SWAPO. Arménie Le ministère turc des Affaires étrangères proteste auprès de l'Ambassadeur de France à Ankara après les propos de Fran- 12 çois Mitterrand sur l'impossibilité d'« effacer la trace» du génocide arménien. (22 janvier). Les quatre membres de l'ASALA, organisation arménienne, qui avaient en septembre 1981 pris une soixantaine de personnes en otages au Consulat de Turquie et tué un des employés à Paris sont condamnés à sept ans de réclusion. Le verdict est accueilli avec consternation par la communauté. (2 février). Une manifestation de soutien avait été organisée la veille, se traduisant par de très nombreuses interpellations. Sondage Un sondage publié par l'Humanité- Dimanche révèle que 23 070 des Français ne voudraient pas d'un gendre juif, et 53 % d'un gendre arabe. 55 % des Français (contre 51 % en octobre dans un sondage du Parisien Libéré) penseraient que le retour des immigrés dans leur pays serait une solution pour résorber les problèmes du chômage. Mais 56 % des Français refuseraient de faire leur travail, et 82 % pensent que la France est actuellement en danger de racisme. (5 février). Attentat manqué Un jeune Palestinien est tué par les forces de l'ordre dans une manifestation à Naplouse. (29 janvier). Une tentative d'attentat du TNT, un groupe extrémiste sioniste, contre la mosquée de Jérusalem est déjoué par la police israélienne. (29 janvier). Dans une réunion organisée par des intellectuels palestiniens, libanais et israéliens, le général Matti Peled, pacifiste israélien et Amine Abou Hazeiras, adjoint au bureau de Paris de l'OLP ont pu s'entretenir de façon informelle sur la nécessité du dialogue israélo-arabe. (31 janvier). Liban Un raid de représailles de l'aviation israélienne sur Baalbeck fait plus de cent morts. (4 janvier). Les combats reprennent entre les différentes parties au Liban. L'autorité du Président de la République Amine Gemayel est fortement contestée. L'opposition, en particulier Walid Joumblatt lui reproche de ne pas avoir tenu sa promesse d'annulation du traité israélo-américain. (2 février). L'éviction de Gemayel se précise alors même que l'Italie, la Grande-Bretagne et les EtatsUnis semblent se décider à une évacuation de leurs troupes. (9 février). Chaussures MINELLI 120 points de vente dans toute la France Nouvelle collection Printemps/Été 1984 PARIS et BANLIEUE LYON MARSEILLE GRENOBLE STRASBOURG BORDEAUX ROUEN TOURS LILLE REIMS MULHOUSE BREST RENNES CHAMBÉRY VICHY CLERMONT -FERRAND AVIGNON DIJON VALENCE NIMES MONTPELLIER BEZIERS TOULOUSE LENS TOULON CANNES NICE BAYONNE ROUBAIX ALBI CASTRES NIORT EPERNAY AIX-EN-PROVENCE BOURGES NANCY DAX ANGLET PAU LORIENT ANGOULÊME BASTIA CAEN CHERBOURG BOULOGNE SIMER CHARTRES LA ROCHELLE TOURCOING LE HAVRE CHARLEVILLE MEZ. POITIERS AMIENS RODEZ AJACCIO BESANÇON ST-QUENTIN ANGERS ROANNE LIMOGES VALENCIENNES BELFORT LE MANS TROYES BEAUVAIS CAMBRAI LE PUY MILLAU ST-GENIS MONTBELIARD DIEPPE THIONVILLE VERDUN Siège social MINELLI S.A. 2 bd Dubois, 28109 DREUX, tél. : 37/42.10.23. 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Pensez-vous que les dernières immigrations s'inscrivent dans ce processus ou qu'elles posent des problèmes particuliers? Pierre MAUROY: Je suis tout à fait convaincu que les dernières vagues d'immigration ne se distinguent pas fondamentalement, dans leurs causes, des vagues précédentes. La France a, de tout temps, été une terre d'accueil et l'accroissement de notre population a toujours été d'origine migratoire pour partié. Il y a néanmoins une différence dans les conséquences puisque nous observons, à l'heure actuelle, une certaine tension, une certaine intolérance à l'égard des étrangers, notamment des familles qui s'installent en France et qui, naturellement, arrivent en possédant une culture, un mode de vie et une façon d'être différents des nôtres. Je n'ai nullement l'intention de nier le problème. Permettez-moi toutefois de faire appel à mon souvenir personnel. Avant-guerre je me souviens parfaitement des difficultés que rencontraient les immigrés polonais dans le Nord. A cette époque, les bons esprits nous expliquaient déjà que cette immigration était profondément différente des précédentes et ne serait pas assimilée. Aujourd'hui, nous observons exactement le même raisonnement appliqué cette fois aux populations d'origine maghrébine. J'estime que cette intolérance, que j'évoquais tout à l'heure, trouve une partie de son origine dans la crise économique, mais aussi culturelle, que nous traversons. En rendant les Français moins sûrs de leur avenir, elle les rend également moins accueillants. Différences: Pensez-vous que la France soit actuellement en danger de racisme ? Pierre MAUROY: L'intolérance prend souvent - et peut-être de façon croissante - la forme d'un racisme avoué et inavoué, mais toujours odieux et inacceptable. Aucune population n'est à l'abri du racisme. Notre devoir, au gouvernement, est de lutter contre ces manifestations indignes de notre pays. Mais c'est aussi le devoir de tous ceux qui participent au débat public : hommes de presse, responsables d'associations et, bien sûr, l'ensemble des hommes politiques. A cet égard, certains amalgames entre la délinquance et l'immigration, trop souvent effectués durant la campagne des dernières élections municipales, sont préoccupants. Les déclarations de l'extrême droite sur le destin des étrangers constituent, elles aussi, une véritable tromperie. Il faut savoir que la majorité des étrangers installés dans notre pays aspire à s'y insérer et que c'est là l'intérêt bien compris de la France. Différences: On parle de l'aide au retour. Est-il réaliste de penser qu'une concertation avec les pays d'origine est possible, qui prenne en compte à la fois l'aspiration au développement de ces pays et les désirs spécifiques de chaque immigré? Différences - N° 32 - Mars 1984 Pierre MAUROY: La façon dont vous posez la question résume bien la triple contrainte que nous avons à prendre en compte si nous voulons élaborer un dispositif de réinsertion dans le pays d'origine qui ne soit pas un « trompe-l'oeil ». Il faut un triple accord. Celui des intéressés, car le retour ne peut se faire que sur la base du volontariat et je dirai même d'une démarche active de chaque individu. Celui des pays de départ qui peuvent bénéficier de ces retours dans la programmation de leur développement économique, dès lors que les formations accordées aux immigrés qui repartent , correspondent aux besoins de leur pays. « Le racisme est toujours une fatalité si on ne 'le combat pas » Il faut enfin notre accord, et là je dois dire que notre volonté est de favoriser ces retours, dès lors qu'ils s'inscrivent dans le cadre de la coopération entre la France et les pays intéressés. J'estime, quant à moi, qu'un retour bien organisé pour ceux des immigrés qui le veulent est la condition d'une bonne insertion pour ceux qui souhaitent rester en France. Pour reprendre votre expression, j'estime que ce triple accord n'est pas irréalisable. Lors de mes récents voyages 15 au Sénégal et au Portugal, j'ai pu constater que mes interlocuteurs étaient sensibles à nos préoccupations et partagaient, dans une large mesure, notre volonté d'avancer dans ce domaine. Différences: L'hypothèse du retour ne concerne qu'une partie minime des étrangers en France. En période de crise et de mutation technologique et sociale, le racisme est-il une fatalité ou un obstacle à la cohésion nationale? Quels moyens envisagez-vous pour le faire reculer? Pierre MAUROY: Le racisme est toujours une fatalité si on ne le combat pas. Je suis convaincu, pour ma part, que le racisme est un obstacle à la cohésion nationale. C'est bien pour cela qu'il faut agir de façon permanente et diversifiée contre le racisme. Cette action doit venir de l'Etat mais aussi des citoyens. A cet égard, je souhaite rendre hommage à l'activité que déploie le MRAP. Pour ce qui concerne le gouvernement, j'estime que la meilleure façon de lutter contre le racisme est de faciliter l'insertion des travailleurs étrangers et de leur famille, mais aussi de saisir sans relâche la justice lorsque se constatent des manifestations de racisme. C'est dans cette perspective que le gouvernement proposera au Parlement un projet de loi développant la capacité des associations de se porter partie civile devant les tribunaux pour les crimes racistes. Vous savez quel est le souci constant du président de la République, et de moi-même, sur ce point. fACTUEl/ Afrique 'du Sud - Les ghettos de l'apartheid Le témoignage accablant d'un juriste ICharles Johannesburg. Une frontière entre deux mondes. a main-d'oeuvre dont a besoin la L minorité blanche sud-africaine, essentiellement pour l'extraction de l'or et du diamant, provient aujourd'hui de plus en plus largement des bantoustans (1) situés souvent à plusieurs centaines de kilomètres des grandes cités minières où là, une ségrégation gigantesque est mise en oeuvre. En effet les travailleurs noirs et leurs familles - quand ils en fondent une sur place, car les hommes mariés ne sont pas autorisés à quitter les banstoustans avec leurs familles - doivent habiter en dehors des villes dans d'immenses ghettos comme ceux de Soweto et d'Alexandra townships crées à la périphérie de Johannesburg à la fin du siècle dernier. Les Noirs des townships sont munis d'un document particulier ( reference book» ou «pass ») indiquant, outre leur identité, leurs lieux successifs de travail et de résidence qui permettent aux autorités de police de provoquer des contrôles à tout instant dans les villes réservées exclusivement aux Blancs après la journée de travail. A cet égard, on note une surveillance toujours accrue de la population noire des townships, comme le montre l'augmentation des arrestations pour présence illégale à l'intérieur des zones blanches dont le nombre passe de 162 024 en 1981 à 206 022 en 1982. Les conditions de vie à Soweto et à Alexandra illustrent encore de façon spectaculaire la politique de dévelo?pement séparé des races menée en Afnque du Sud. En sortant de Johannesburg pour rejoindre ces townships, on subit tout d'abord le choc que produisent les traversées successives des quartiers blancs - aérés et ombragés, construits de magnifiques villas entourées de hauts murs - et des ghettos noirs où s'entassent des logements misérables. A Soweto, le plus grand ghetto de l'Histoire, 1 500 000 Noirs vivent dans des conditions d'hygiène et de confort effroyables. La propagande sud-africaine y organise des visites touristiques qui rappellent celles qu'organisaient les nazis dans certains camps de concentration, où des bâtiments avantageux étaient montrés, voire visités. La visite ordinaire fait apparaître une réalité toute différente, insupportable. 16 La ville se découvre dans un immense nuage de fumée et de poussière. En effet, les habitants de Soweto, privés d'électricité pour la plus grande part, sont contraints d'utiliser des appareils à charbon pour se chauffer, s'éclairer et faire la cuisine. Seulement 15 070 de la population possède depuis quelques années l'électricité et à l'exception de quelques grands axes éclairés, la ville est entièrement plongée dans l'obscurité la nuit. Par ailleurs, seules les principales routes traversant la ville sont goudronnées. Toutes les autres voies de cette ville ,immense, tracée à angle droit avec un alignement uniforme de plusieurs centaines de milliers de maisons quasi identiques, sont en terre. Il n'existe aucun système collectif pour l'évacuation des eaux usagées et l'eau, froide, doit être prise sur des robinets placés à l'extérieur des maisons. La population vit ainsi, la moitié de l'année correspondant à la saison des pluies (septembre-mars) bien souvent dans la boue, et l'autre moitié dans la poussière. Au-delà de Soweto, d'immenses casernes sont prêtes à intervenir à tout instant pour réprimer violemment toute manifestation comme celle du 16 juin 1976 où plusieurs centaines de Noirs ont été tués, pris sous le feu d'armes automatiques. A Alexandra, la situation est encore pire pour plusieurs dizaines de milliers de Noirs: toute la ville est privée d'électricité et seuls des chemins de terre donnent accès aux habitations, des constructions précaires en planche et en tôle ondulée. Les dépliants touristiques sur Soweto mettent en valeur enfin une caricature de village africain construit dans la ville même, dont une des maisons est surmontée d'une énorme croix gammée. Cette évocation de la culture noire, que domine symboliquement l'emblême nazi, n'a pas été du goût de la population de Soweto qui a banni le concepteur de ce village africain très spécial où se trouve illustré tout le mépris de l'apartheid à l'égard des Noirs. A cet égard les municipalités de Soweto que vantent les autorités sud-africaines n'ont aucune représentativité. Elles sont élues par seulement 6 % de la population qui marque clairement son opposition à la mascarade démocratique que l'on veut lui faire jouer au pays de l'apartheid .(2). 0 Yves LAURIN Secrétaire de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (1) Territoires où Prétoria parque les populations non-blanches. Certains ont accédé à une indépendance totalement artificielle (NDLR). (2) Article tiré d'un rapport de mission effectuée en juin 83 pour la FIDH, présenté à la souscommission des droits de l'Homme de l'ONU en août. 1- - Pari- Mettre sur pied des Assises Lancer une initiative pas comme les autres, pour répondre à un fléau pas comme les autr~s", : les 16, 17 et lB mars, cc Vivre ensemble avec nos dlfferences »». Que faire? Mais que faire? Le racisme ne monte plus en France, il grimpe, plus fort qu'Hinault au temps de sa splendeur dans le Tourmalet. En plus, culpabiliser les gens, leur faire les cornes, leur dire que le racisme, c'est pas beau, ça ne marche plus. On vous écoute poliment, on vous dit « ouioui », et quand on croit que c'est gagné, arrive le « oui mais moi j'ai une cousine (une tante, un neveu, etc.) qui s'est fait voler son sac par un ...... » (je vous laisse remplir les pointillés par la nationalité de votre choix). Ces deux constatations, les militants du MRAP les ont faites dans leur assemblée générale du mois de juin dernier. Que quotidien des gens, dans les associations, les partis, les Eglises, dans les M.J.C., les écoles, sur les marchés, sur le lieu de travail, auprès des municipalités, bref partout où des gens d'origine différente vivent ensemble. Du groupe d'initiation au flamenco au comité de locataires d'un « grand ensemble », voir les problèmes que pose, ou ne pose pas, la vie commune, les initiatives, les solutions, ou même les échecs: bref du concret, du tangible. C'est ainsi que s'est dessinée l'architecture du projet: d'innombrables Assises locales, là où ça vit, çà discute, voire çà s'oppose, dont les débats et les conclusions seront collectés, rassemblés pour « Les militants antiracistes auraient pu rester douillètement entre soi. Mais ['heure est au grand débat. Sinon, c'est Le Pen qui s'en chargera ... » vouliez-vous qu'ils fissent? Qu'ils constatent que les gens sont méchants, et partent cultiver leur jardin ? Est plutôt née l'idée d'« Assises pour vivre ensemble avec nos différences ». Pour échapper au cercle vicieux de l'impuissance, deux seules solutions: d'une part mobiliser l'opinion démocratique, au sens le plus large qui soit, autour d'un projet, cohérent, ambiteux, et efficace. D'autre part faire de ce projet le lieu d'une réflexion en profondeur sur la société française, sur la réalité d'une présence durable des communautés étrangères en France. Dès lors, comment éviter le prêche et les généralités autosatisfaisantes sur le racisme? En allant chercher l'expérience là où elle se trouve, dans le vécu Différences - N° 32 - Mars 1984 de grandes Assises nationales du 16 au 18 mars prochain à l'UNESCO, à l'occasion de la Journée internationale contre le racisme (21 mars). Une accumulation de tranches de vie, dont la somme donnerait une sorte de radiocopie de la vie intercommunautaire en France en 1984. Pendant toute cette préparation locale, des initiatives médiatiques pour la populariser, y amener le plus grand nombre possible d'acteurs: un appel signé par quantité de gens de tous les bords, l'association active, à égalité, de toutes les organisations possibles: partis, syndicats, Eglises, mouvements de jeunesse, associations d'immigrés, associations de solidarité, etc. Des affiches, des millions de tracts. Quand tout cela aura 17 mûri dans toute la France, le temps fort, à la fois convergence des réflexions recueillies, et tremplin pour des actions futures: les Assises nationales. Une inauguration où l'on attend les plus éminentes personnalités, une assemblée plénière, un samedi après-midi et un dimanche matin consacrés à des forums de réflexion, sans doute sur les thèmes suivants: habitat et conditions de vie, école et éducation, entreprise-travailchômage- formation professionnelle, rôle des medias, histoires et cultures, participation à la vie politique et droits civiques. Une clôture le dimanche après-midi, qui mettra en place un certain nombre d'initiatives à envisager dans toute l'année 1984, jusqu'à la Journée internationale des droits de l'Homme, le 10 décembre. Ces assises n'auront de sens que si tout le monde y participe. Les militants du MRAP auraient pu se rassembler douillètement entre soi. Mais l'heure est au grand débat. Sinon c'est Le Pen qui s'en chargera à sa manière, qui n'est pas forcément la bonne. L'appel aux assises se termine ainsi: «Nous sommes convaincus qu'il n'existe d'autre issue, sinon l'affrontement violent et généralisé, que de vivre ensemble dans la connaissance et le respect mutuels de nos différences. La France au fil des siècles a su accueillir de nouveaux arrivants qui sont aujourd'hui nos ancêtres, et, au nom de la plus élémentaire justice, il doit en être de même aujourd'hui ». Vous, lecteurs, sachez que Différences ne veut pas rester sur le quai. Ce que nous pouvons faire, c'est vous exhorter à la participation massive aux Assises, locales et nationales. Plus on sera de fous à croire à la vie ensemble, plus on en fera rire jaune certains. J ean ROCCIA Tous renseignements au comité de préparation des Assises, au 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : (1) 806.88.00. IiRBS PlAN - Introspection - MAIS COMMENT \ PEUT-ON "- ETRE ANTIRACISTE Une enquête sur les raisons qui poussent les gens à lutter contre la haine ? • Gisou, Marc ... 18 n ne naît pas antiraciste, on le O devient par l'alchimie conjuguée des histoires personnelles et collectives. Trois militants témoignent. Ils ont été formés à l'école du syndicalisme, de l'éthique chrétienne et de la démocratie républicaine. Dominique, 36 ans, au MRAP depuis 10 ans, est atteint de la plus noble maladie de l'appareil digestif: la boulimie culturelle. Il a présenté une thèse de doctorat sur le cinéma égyptien, étudié le grec ancien, l'hébreu, le swahili. «Je suis profondément cosmopolite» explique-til. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir son peuple élu: les sémites. « J'ai toujours rêvé d'être petit, brun etfrisé »assure ce grand blond aux yeux bleus, de mère juive polonaise et de père breton. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les militants anti-racistes ne sont pas tous d'origine étrangère ou mêlées. Il y a aussi les « Français bon teint» que les aléas de l'Histoire ont porté vers des groupes humains qu'ils n'auraient jamais eu l'occasion de rencontrer autrement. Chez Alain, 59 ans, fils de militant cégétiste, on habite les faubourgs de Paris depuis des générations. Sans travail au lendemain de la dernière guerre, il s'est engagé dans un service de l'armée américaine d'aide aux civils européens. « Ils étaient noirs à 80%. Pendant huit mois j'ai travaillé à leurs côtés. A l'époque, l'Amérique c'était l'Eldorado. Mes copains m'ont initié au jazz et au ... racisme. Ça m'a fait un choc quand ils m'ont montré leur carte d'identité avec dessus la mention « Noir» ! « A part ~ ça, je ne me considère pas comme un ffi militant an ti-raciste », assure Alain. Il « J'ai des copains noirs et indiens voilà tout! ». Il faut dire qu'il est doté d'un bel esprit de contradiction, ce fils d'une mère ~rrogante dont il avoue volontiers avoir hérité. Sur la cheminée, entre une photo de Sitting Bull et de maman Adèle, un petit carton portant une phrase de Brecht manifestement sortie de son contexte : « Il n 'y a qu'une seule chose à dire: non! ». De fait, si Alain a pris fait et cause pour les Indiens d'Amérique, c'est que leur modèle de société profondément écologique et peu hiérarchisée a séduit en lui le militant communiste. « Philip Deer, un hommemédecine très respecté, m'a enseigné la spiritualité indienne. Chez eux, la terre n'appartient pas à l'homme mais l'homme à la terre. Ils respectent tout, même les cailloux! ». Pour Hélène, 57 ans, professeur d'université en sciences de l'éducation, les dix années passées à enseigner la philo à Madagascar lui ont permis d'étudier le modèle particulier de coexistence pacifique de la société afro-asiatique malgache. « C'est très codifié et donc remar- Différences - N° 32 - Mars 1984 quablement efficace », souligne l'uni- . versitaire. Une nouvelle école de tolérance pour cette femme de la haute bourgeoisie protestante intellectuelle et dreyfusarde. «Mon père, qui était doyen de la faculté protestan te de Paris, n'aurait jamais épousé ma mère si elle n'était pas venue d'une famille dreyfusarde ». Une formation antiraciste idéale : des principes dès le biberon, de la théorie à l'Université et du terrain prolongé. Dominique, lui aussi, a été élevé dans l'orthodoxie démocrate et républicaine d'un père haut fonctionnaire gaulliste et d'une mère agrégée d'histoire proche du Christian et les autres P.S.U. «Leurs idoles, c'étaient de Gaulle el Mendès-France ». Bercé d'humanisme, Dominique s'est illustré au firmament des humanités au très bourgeois lycée parisien Janson de Sailly. «A quinze ans, je faisais du sanskrit au lieu de m'envoyer en l'air! » C'est sans doute en l'air qu'il s'est retrouvé, lorsqu'entendant Oum Kalsoum pour la première fois au Liban, il décida d'apprendre l'arabe. «Moi, j'aime les femmes brunes aux yeux noirs! ». Plus sexy? Allez, une motivation antiraciste en vaut bien d'autres! Par pudeur, Dominique ne m'a pas révélé la couleur des yeux de sa mère. Mais, dit-il:« Je suis très attaché à cette « socialiste échevelée », dommage que mes parents ne se soient jamais entendus ». Coïncidence? Alain, aussi déplore que ses parents se soient toujours « bouffé le nez ». Et les « psy» de constater qu'il y a « chez les enfants de couples désunis, une forte tendance à vouloir réunir ceux qui habituellement s'affrontent ». 19 A preuve, Eric Simon, le pseudonyme de Dominique-auteur, qui tente l'aléatoire réconciliation entre les héritages indoeuropéen ( Eric) et sémite ( Simon ). Ce « juif breton» le reconnaît volontiers, «j'ai trop tendance à vouloir réunir des gens trop différents, cela me joue des tours en société. Je voudrais toujours que les conflits ne soient que pure dialectique! » Voeu pieux d'un intellectuel plus familier avec les argumentations des rhétoriciens de l'Agora qu'avec la distribution de tracts sur les marchés. De fait, il se sent éloigné du militant de base qu'il n'hésite pas à critiquer vertement. «Ce sont souvent des frustrés ayant raté leur vie personnelle. Et puis », souligne l'homme de mesure, «je les trouve plutôt boy-scouts, alarmistes et souvent démagogues. Ils idéalisent volontiers la culture des autres et posent systématiquement les immigrés en victimes. Par exemple, je ne pense pas qu'il faille soutenir aveuglément la régularisation des clandestins ». Tous des frustrés? Alain, aussi, sait se montrer critique visà- vis de ceux qu'attirent la cause indienne. « On récupère tout un tas de cinglés, des mômes fascinés par les cowboys et les Indiens, des restants de soixante-huitards, des babas cool en tous genre ». Enfin, que ce soit Dominique Hélène ou Alain, on ne témoigne pas d'une grande admiration pour les Français, jugés « xénophobes» et plutôt lâches pendant la dernière guerre. Une seule solution, proposent-ils de concert. Faire l'éducation anti raciste des Français. « Il faut donner les moyens d'un contact réel entre les cultures qui résident dans l'hexagone» souligne Hélène... «Je trouve qu'on ne facilite guère l'inscription en faculté des étudiants étrangers et que nos élèves devraient être mis le plus tôt possible en contact avec des enseignants étrangers ». Un projet éducatif qui prend aujourd'hui un caractère d'urgence. Alors, tous des frustrés ces militants anti racistes? C'est vrai, les origines étrangères ou mixtes posent des problèmes d'identité. Les parents désunis induisent chez leurs enfants des conduites de réparation qui peuvent tomber à plat dans la vie sociale ... Les motivations névrotiques de la lutte antiraciste existent. Les grands principes de tolérance du Siècle des lumières aussi. Et même leurs plus grands chantres n'ont pas eu les idées toujours cohérentes. A preuve, notre Voltaire national, te penseur antisémite, plus connu pour avoir ardemment défendu la cause du protestant Callas ... Pauline JACOB [~-~:!,20 :~::Charles 12 janvier 2012 à 11:43 (UTC)-Charles.~-Différences - N °n_~~ BAS 21 fil WENDEZ-vous EN, IIILLE : Voyager -Métro - CORRESPONDANCES SUR TOUTE LA LIGNE Si je vous dis métro, vous me répondrez « heures de pointe, poussezvous, poussez pas, attention mes pieds", ». Ou bien encore « agressions, longs couloirs déserts ». Traquer la convivialité made in RATP, c'est comme aller chercher une aiguille dans une botte de foin. La galère. Après un rapide calcul de probabilité, je choisis une heure creuse - moins pressé, on peut causer - et la plus longue ligne de la capitale, Pont-de-SèvresMairie de Montreuil. Paris loubard, Paris Renault, Paris ville lumière: d'est en ouest, trente-six stations pour découvrir un puzzle fait de maçons portugais, de cadres bon chic d'un sac BHV. A première vue, c'est l'heure des courses. Moi, je meurs d'envie d'aller lui demander d'où il vient. Eh bien, non. Clouée sur mon siège, je reste là à imaginer les paysages tibétains et les plaines de Mongolie extérieure. Aborder quelqu'un dans le métro, dur, dur ... Voltaire, les droits de l'Homme. Une petite pause? Non, trente secondes, comme partout. Je suis déçue, l'oriental descend, je ne saurai jamais. Maraîchers. Je compte. Une vingtaine de personnes rêvassent dans le wagon. Sept apparemment Français, le reste : des Africains en babouches, des Noires aux cheveux tressés, des Maghrébins aux mains de maçon, un Vietnamien avec un sac en plastique de la Nam Soun SARL, produits exotiques. Des Africains en babouches, des Noires aux cheveux tressés, des Maghrébins aux mains de maçon : voici la seconde voiture bon genre, de mémés râleuses, de Noirs en boubou. Dix heures, j'attaque Paris au coeur. Place de la République. Le chanteur aveugle qui imite Sardou n'est pas encore là. Où vais-je, à droite ou à gauche? Les Grands magasins ou Charonne? Je penche côté coeur. Je tourne le dos aux quartiers chics. En avant pour Montreuil. Ma voisine a fait des emplettes chez Tati-République. Curieuse, je me penche sur sa lecture du moment: un tract sur les horaires variables. St-Ambroise. Drapé dans une tunique bordeaux surmontée d'un anorak ton sur ton, un énorme bonhomme s'installe sur un strapontin. Les yeux bridés, la peau très foncée, il s'attire un coup d'oeil sceptique' d'un retraité bricoleur muni 22 Robespierre. « La terreur» titrait France-Soir. La Croix de Chavaux. Un point chaud des faits divers souterrains. Aujourd'hui est un jour sans frisson, sur le quai pas un chat. Les bandes de loubards ne sont pas au rendez-vous. La rame accélère la cadence, le terminus approche. Mairie de Montreuil. Je change de quai et m'installe près d'une petite dame, la soixantaine sage, le manteau poil de chameau et le parapluie imitation panthère. Sa copine exhibe un faux Vuitton. Et ça repart dans l'autre sens. Un Antillais en dread-locks jette un oeil désabusé sur la publicité. «Il est minuit, comte Dracula - Bon sang, c'est l'heure idéale pour un onglet aux échalottes!» Ah! l'humour occidental! Rue des Boulets, Montreuil. Ça monte, ça descend, des Noirs, des Jaunes, des Arabes et des Français aux fins de mois difficiles. Oberkampf. Tiens, tiens, deux branchés, tout de gris vêtus, look années 50. Le onzième, un des derniers quartiers ouvriers de Paris, rajeunit. Impression confirmée à République. Une grande blonde en écossais sort Passion. Le journal des Américains à Paris. Très mode. Dans les voitures, pas d'orage dans l'air. On roule, ensemble. Tout est dans le regard, furtif, évaluateur, parfois curieux, jamais plus. Strasbourg-St-Denis, le grand carrefour. Quand les Antillais sont aux tambours, l'Américaine au violon, l'aveugle à l'accordéon, miracle, on s'arrête au croisement des couloirs. Rue Montmartre. Le Palace, les fast-food. Trois Beurs montent en rigolant. A côté, trois nanas, juste un peu loubardes, un peu auto-stoppeuses, un peu aguicheuses, se racontent des histoires en verlan. Qui fera le premier pas ? Personne. Richelieu-Drouot. Le premier cadre de la journée, costard Trocadéro. La vraie fourrure remplace les cols en imitation loutre. Rue de la Pompe, on prend le métro comme on achète son champagne chez Petrossian. La Muette. Ma voisine de gauche porte un turban immaculé et des lunettes noires. Une rentière en toque de fourrure cotoie un quinquagénaire grisonnant qui écoute la FM sur son Walkman. Pas sérieux s'abstenir. .. Trois femmes de ménages portugaises piquent un fou rire. L'envie de parler m'a passé. Exelmans. RAS, rien à signaler. Billancourt. Chez Renault, on travaille, pas l'ombre d'un ouvrier à cette heure-ci. Pont-de-Sèvres. Voilà une heure que je n'ai pas bougé de mon siège. Je repars dans l'autre sens. Le même scénario se répète inlassablement. Deux heures. Je suis aussi bloquée que les autres. Je brûle de le leur demander, mais je ne sais toujours pas ce que font ces gens dans le métro à une heure où tout le « Nous faisons chacun de notre côté un petit bout de chemin ensemble ». gris et serviette noire. Les banques ne sont pas loin. Chaussée d'Antin, Grands magasins. Ma voisine et son parapluie descendent. Havre-Caumartin. Le temps d'une portière ouverte et refermée, je change de monde. Clean, BCBG, complets stricts, femmes d'affaires. Le seul étranger du wagon, un Arabe portant gourmette, sort le Financial Times de son attachécase. Ici, sitôt assis, on lit Le Point, Le Nouvel Obs, Les Echos. Miromesnil. Cravates Cacharel et jupes Kenzo. Un clochard raccomode son blouson sur le quai. Un joueur de banjo fait la manche. Un cadre inquiet se ronge les ongles. Des touristes italiens consultent un plan de métro, ne sachant plus très bien de quel côté est la Seine. Différences - N° 32 - Mars 1984 23 monde est censé travailler. J'ai croisé une vingtaine de nationalités différentes, peut-être plus. J'ai entendu des langues inconnues et bizarres. Sans agressivité, nous avons fait un bout de chemin ensemble. J'ai la tête pleine de mélanges. Mélange de races, mélange de genres, mais pas de classes. Havre-Caumartin marque une frontière infranchissable entre deux mondes. Je me prends à rêver d'ailleurs. Ma ligne, je la voudrais comme une gourmandise. Buzenval deviendrait Alcantara, Miromesnil Mamoudzou, St Augustin Shangaï. On y boirait de la cachaça du Brésil et du thé de Chine. Et Paris sans son métro deviendrait une ville sans nerfs. D Véronique MORTAIGNE ....... ENDEZ-vOUS EN oe se LII ILLE : distraire - Zinc- , LES FRATERNITES DES COMPTOIRS PARISIENS Ce zinc-là est circulaire, panoptique. La salle en épouse la moitié et le couve. Au centre du cercle, obstruant la vue entre comptoir à tabac et salle, une colonne. Il faut bien une colonne pour retenir le plafond de cet enfer intime. Enfer pour les breilles d'abord. Le quatuor patronal, féminin, crie, dès six heures et jusqu'à minuit. Les raisons de crier ne manquent pas : il y a les deux chiens qui tournent comme loups en cage, que l'on a toujours entre les jambes ; il yale stress de la patronne principale, en mouvement perpétuel du tabac à la cuisine, de la cuisine à la cave et de là au marbre ou au zinc ; il Y a la lenteur au travail des jeunes femmes salariées qui se succèdent au comptoir avec une fréquence soutenue. Celle qui a tenu le plus longtemps a disparu un beau samedi d'hiver après deux mois de travail et de cris; arrivée du Cantal à l'automne, elle avait pris chambre dans un garni proche, mais son regard était trop rêveur quand elle essuyait les soucoupes. « VOUS n'êtes pas poulet, vous, non ? » Le Commandant rêve d'ailleurs accoudé au zinc. Un jour, les patronnes ont téléphoné à l'hôtel. Pas de « petite ». Envolée donc la brune: avec elle disparaît le climat magique des matins noirs où se croisaient, furtives, éphémères et déjà rituelles, ses nostalgies à elle et celles des oiseaux de passage, tous ces hommes seuls dans leurs petites chambres qu'ils ne pensent qu'à fuir dès que la rue frémit et que chaque prétexte est bon pour continuer le voyage : travail, café, cigarettes, loto, ou tout cela à la fois. « On ne sait jamais », comme dit le Sénégalais qui dépose, avec huit francs, le bulletin du hasard, dûment crucifié de bas en haut. Envolée la brune, la blonde est arrivée, de l'Est. Angoissée, godillote, victime. Au fil de la journée continue, elle s'enfonce toujours plus dans la panique, sous les cris de la patronne. 24 La haine du zinc, la femme slave qui poireaute sur le trottoir, elle connaît bien: elle la pratique tous les jours. Le mari, Algérien, boit tranquillement son apéro du soir avec son ami. Elle, dehors, croule sous ses sacs d'emplettes et son ventre, gros de huit mois. Devant elle, un landau, autour d'elle, quatre enfants. Eux font la navette entre elle dehors et lui dedans. On attend le père. Il se décide enfin à la rejoindre, elle proteste, il s'explique, elle repart pour la laverie, il retourne au zinc, où l'animation de l'instant est assurée par la « dame patronesse » : 71 ans en drapeau, chignon et grand manteau, elle . trempe des gâteaux dans son demi et les fourre dans la bou~ che de l'autre Algérien, dont les protestations et l'invocation de ses maux de dents ne servent à rien. Ici, la bonne humeur a toujours son grain de folie. ....... ENDEZ-VOUS Témoin le Commandant, autre pilier du lieu. Dès notre pre- EN mier contact, il m'a raconté l'essentiel, après s'être assuré: « Vous n'êtes pas poulet, vous, non? ». Le cheveu, court, est noir, le visage, comme il se doit, buriné, le pantalon ILLE: travailler gris; le blazer, bleu, s'orne au revers de l'insigne des paras et de trois fines décorations: Indochine, « c'était la fin », Maroc, Tchad. « Toute mafamille a été tuée par les Allemands, mon grand - Beaubourg _. - frère, il était cultivé, il a fait les écoles, a disparu avec son avion près de Saigon. Ma deuxième famille, c'était Pau. Tous les garçons tués à Beyrouth, je les connaissais bien, • Monsieur ». Alors, « avec tout ça, comment voulez-vous En t r p r se que ça ne travaille pas là-dedans » (il tapote son crâne du e 1 doigt). Pensionné après vingt-cinq ans de service - «je . gagne bien plus que vous » - il est employé par une société de gardiennage où il ne dure pas : deux ans plus tard, à 45 ans, il est« invalidiséà 100 % ». La tête.« Mon psychiatre multle natle onale me demande: « Vous regardez la télé? ». Bien sûr, ilfaut bien se tenir au courant des événements du monde. Il me dit: « Je vous interdis de la regarder, ça vous fait du mal ». Et moi je lui réponds: « Mais qui est-ce qui est fou ici ? ». Il rêve aussi d'ailleurs, le Commandant: « S'il n'y avait pas ma femme, mais j'irais vivre dans un gourbi comme eux, mais c'est le paradis, là-bas! » Eux, il les aime et il les aide, à sa manière. Le jeune Arabe à ses côtés, frisé, pas rasé, l'oeil inquiet, finit sans mot dire le sandwich offert par le Commandant, qui lui a donné 50 F et lui a fait la leçon : « Il faudra te raser avant d'y aller ». Il lui écrit une recommandation pour la société de gardiennage. « C'est normal, quand je vois un jeune qui arrive, comme ça, je l'aide. Noirs, jaunes ou verts, pour moi c'est la même chose! ». Et il repart, après son troisième pastis, tirant son petit chien, rendre visite à sa femme à l'hôpital. Il y a quelques jours, elle a été attaquée et dépouillée dans la rue. Un bras est cassé. Chez le Commandant, aucune trace de ressentiment. De quoi le faire passer pour fou... 0 Fausto GIUDICE A Barbès Différences - N° 32 - Mars 1984 2S Beaubourg. Lieu cosmopolite par excellence, « must » pour les touristes, au même titre que la Tour Eiffel, beaucoup plus que le Louvre. S'y croisent chaque jour des gens de tous horizons et de toutes couleurs. Ils se croisent, bon. Mais se parlentils ? Parmi le personnel même du centre, on trouve de nombreux étrangers. L'administration qui emploie plus de mille personnes, reste très discrète sur leur nombre. « De toute façon, affirme la direction, il n'y a aucune discrimination envers les étrangers " ils ont même parfois de meilleurs postes que les Français. » Renseignements pris, il s'agit des chercheurs de l'INRA (recherche musicale), d'origine anglo-saxonne, qui bénéficient effectivement de statuts privilégiés. Mais ce ne sont pas les seuls étrangers. Alors, les autres? On dit que Beaubourg est une bonne adresse pour les réfugiés politiques chiliens. « Il y en a deux ou trois seulement» déclare la direction. En réalité, ils sont une bonne dizaine, répartis dans les divers services du Centre. Arrivés il y a plusieurs années en France, ils ont trouvé à Beaubourg un accueil et surtout un travail. Mais ces exilés n'exercent guère de fonctions honorifiques. Intellectuels brillants pour la plupart, ils sont agents de sécurité ou renseignent les visiteurs. G. était professeur d'université au Chili: « A Beaubourg, il ne fait pas bon avoir des diplômes. J'ai dû les cacher pour obtenir du boulot; j'ai été embauché comme gardien et je le Editions du Progrès _ 1 il lûtn ma:OE I~: I:J III i:I .• Des chrétiens dans le combat Pour la décolonisation Contre tous les racismes Pour la paix Contre le surarmement Pour le développement du tiers Monde. • 42 ans au service de la dignité de l'Homme. • Une équipe de journalistes qui, chaque semaine, analyse l'actualité politique, sociale, économique, culturelle et religueuse avec un regard « différent ».


~BONDECOMMANDE--------------

. Je souscris un abonnement d'essais de 3 mois à T.C. 3 mois France 13 numéros 65 F. ADRESSE: .. . ..... .. .... . . .. . ... . . . ..•........... • .. . . . . .. . ..... Ci-joint mon règlement libellé à l'ordre de ETC (ou CCP 5023 99 S PARIS) 49, rue du Faubourg Poissonnière 75009 PARIS. 1 foyer sur 6 esAdhéren. à France Loisirs • un catalogue trimestriel gratuit • plus de 400 livres reliés, des disques, des jeux • des prix exceptionnels . • des achats «à la carte» par correspondance ou dans nos 190 boutiques près de chez vous FRANCE LOISIRS - Service 1000 - B.P. 6 -75759 PARIS CEDEX 15 26 suis resté cinq ans. Comme mon âge ne me permettait plus de continuer, j'ai maintenant un emploi de bureau, c'est plus calme et un peu plus intéressant ». Les rapports avec les collègues français? Pas de problèmes, « nous, les Sud-américains, on a plus ou moins le type européen, alors ... »Quelques réfugiés tchèques, naturalisés, travaillent aussi à Beaubourg. Chacun compare, avec beaucoup d'humour, le régime qu'il a fui. De ce côté-là, visiblement, beaucoup de chaleur et d'amitié, solidarité entre exilés oblige ... «Nous sommes tous des étrangers, Bourguignons, Bretons. Auvergnats, Guadeloupéens » plaisante un gardien. On aperçoit, ça et là, derrière quelques bureaux, ou tenant le vestiaire, des Noirs. Pas toujours enchantés de leur sort. « Je suis naturalisée française, dit une jeune femme noire, mais ce qui compte pour les gens, c'est ta tête, tes cheveux ... Dès qu'il y a un incident, on en vient très vite aux arguments racistes. Je sais qu'il y a des collègues qui ne m'aiment pas. » Pourtant le personnel du centre est formel : du racisme à Beaubourg? Personne n'en a entendu parler. Des agents de sécurité aux hôtesses d'accueil, tout le monde affirme qu'il règne une ambiance cordiale entre autochtones et allogènes. « Nous sommes tous des étrangers, plaisante un gardien, Bourguignons, Bretons, Auvergnats, Guadeloupéens ... » Certains se plaignent de la paranoïa de touristes : « Si on fait une remarque, même tout à fait justifiée, à quelqu'un de couleur, tout de suite on nous accuse de racisme ! » L'optimisme règne aussi chez les monteurs d'exposition, en majorité immigrés. L'un deux affirme que, pour qu'il y ait racisme, il faut être deux. « Un qui se croit inférieur et un. qui se croit supérieur; nous on ne se sent jamais inférieurs, alors le racisme, on connaît pas ». Doit-on en déduire qu'à Beaubourg, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ? Pas sûr. En flânant quelques heures dans le centre, on finit par apercevoir, présences discrètes et laborieuses, quelques blouses bleues au visage venu de loin. Différences - N° 32 - Mars 1984 27 « Le personnel d'entretien» n'est pas facile à rencontrer, les chefs veillent et on ne fait pas la causette pendant les heures de travail. Pour parler, il faut attendre l'heure de la pause, descendre dans les sous-sols, traverser de longs couloirs, et s'installer dans le local syndical. Ils arrivent bientôt, un par un, s'assoient, mais ne parlent pas. Ils··ont tous les yeux rivés sur un homme en blouse rouge. Celui-ci, gêné, finit par sortir. Les visages s'éclairent et les langues se dénouent. « Lui, c'est le chef, il est du côté des patrons, et ici les patrons ~a veut dire bosse et tais-toi ». Le ton est donné. Ils sont soixante-quinze environ, pratiquement tous maghrébins, à assurer la propreté de cet énorme édifice. Avec des moyens plutôt artisanaux si l'on en juge par leurs nombreuses revendications. La principale pourtant, c'est leur rattachement au centre. Ils appartiennent en effet à des sociétés de sous-traitance, passant d'une société à l'autre (le contrat prévoit de conserver le personnel). «Nous n'avons pas d'interlocuteur, tout le monde se cache derrière tout le monde. On nous traite comme des moins que rien, même quand il y a des situations scandaleuses. Le dernier patron s'est sauvé avec la caisse! Tous éclatent de rire. Pourtant, la réalité n'est pas gaie. « Nous sommes très isolés, le personnel du centre ne nous soutient pas, nous sommes étrangers, et nous nous permet- A l'intéritur, ou sur le parvis, un mélange de nationalités impressiormant. tons de faire la grève! Ils nous font sentir ou nous disent carrément que nous prenons la place des Français. On fait pourtant un boulot dégoûtant. Mais avec la crise, tout le monde en veut aux étrangers. On les comprend les Français, remarque ... » La crise : la grande responsable et surtout la meilleure excuse pour tous ceux qui ne parviennent pas à accepter de n'être pas « entre soi ». L'autre grand accusé à Beaubourg reste le public. En apparence, le mélange se fait, mais en apparence seulement. Des étrangers qui viennent régulièrement à la Bibliothèque par exemple se plaignent de ne pas arriver à nouer de contacts. «Les Français ne sont pas sociables» dit pudiquement un jeune ingénieur algérien. Crise, difficulté de communication entre les gens, racisme parfois, Beaubourg dans le fond, ce n'est pas différent d'ailleurs. On peut être déçu... D Marie de la FOREST CULTURES - Nouveau , L'AFRI UE SAIT ECRIRE Gontard, présentant une collection d'ouvrages maghrébins francophones répond: «Cette littérature ne nous permet-elle pas de découvrir de nouvelles écritures romanesques ou poétiques, de nouveaux modes d'expression capables d'ébranler les formes sclérosées du discours littéraire dominant [ ... f Confrontés avec leurs problèmes spécijïques, les romanciers africains se détachent progressivement de la littérature française traditionnelle et tentent d'élaborer un nouveau langage ». Ainsi que le dit Wereweke Liking : « Oui ça me plaît/Elle me plaît l'idée d'un nouveau langage/Un langage qui s'adaptera à notre société de mutants/Un langage plein et agressif qui s'adresse à tous nos sens, à toutes nos facultés ... » L a littérature africaine, qui avait eu longtemps pour sujet principalla décolonisation, semble au premier abord, avoir dépassé ce stade. Et pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est toujours l'un des thèmes que traitent avec prédilection les jeunes auteurs. Mais, désormais ils s'attachent à en étudier les méfaits à long terme sur l'âme africaine. Méfaits, qui, pour la plupart d'entre eux, sont toujours réels. Préfaçant le roman de Boubacar Boris Diop, Le temps de Tamango, le grand écrivain camerounais Mongo Beti s'interroge: «Pourquoi la décolonisation a-t-elle été un tel échec dans la portion de l'Afrique marquée par la colonisation française ? Pourquoi vingt ans après, sommes-nous toujours, nous autres «francophones », soumis à une colonisation qui ne se donne même pas la peine de dissimuler ses desseins et ses méthodes ? .. Jusqu'à quels insondables abîmes la domination française a-t-elle réussi à se frayer une voie aux tréfonds de nos âmes? Jusqu'à quel point nous a-t-elle détraqués en tentant de nous remodeler à sa guise ? Ne nous a-t-elle pas livrés à une démence durable sinon irréversible? » Chez les jeunes auteurs, cette dénonciation ne se sépare pas des problèmes politiques et sociaux des· Etats africains. Mais il est frappant de constater que la plupart des romans traitant ce sujet l'abordent par le biais de la politiquefiction (Sembène Ousmane, Le dernier de l'Empire, Boubacar Diop, Le temps de Tamango). Certains auteurs, eux, rapportent leur lutte personnelle contre la dictature et la répression de leur pays (Ibrahim Ly, Toiles d'araignées). Le journal en a parlé De nombreux ouvrages évoquent la croissance trop rapide des villes africaines, entourées presque constamment d'une ceinture de bidonvilles où vien- Un tour d'horizon d~!s nouveaux thèmes de la lit~ érature alri :aine . Le temps de tamango, de B.B. Diop. nent s'entasser les paysans déracinés et tout un peuple de marginaux que la nouvelle société n'a pas réussi à intégrer. Aminata Sow Fal évoque cette situation avec un humour cruel: «Ce matin encore, le journal en a parlé: ces mendiants, ces talibés, ces lépreux, ces diminués physiques, ces loques, constituent des encombrements humains. Il faut débarrasser la ville de ces hommes - ombres d'hommes plutôt - déchets humains qui vous assaillent, vous oppressent, n'importe où et n'importe quand ». Ismaïl Samba Traoré, aussi (Les rochers de la capitale): «Au fil des années, inexorablement, la cité s'était clochardisée, mendiants, paysans transplantés et sans travail, jeunes délinquants, prostituées y avaient élu domicile. Tout cela s'était fait en moins d'une génération, faisant des cités accrochées au flanc de la ville comme des millions de ruches assiégeant un arbre esseulé et mort ». Dans cette rapide esquisse, on oubliera les auteurs largement connus du public, que nous avions déjà évoqués (1), ne retenant que leurs plus récents ouvrages, comme Le pleurer-rire d'Henri Lopes et 28 Les deux mères de Guillaume Ismaël Dzewatama, futur camionneur de Mongo Beti. Le premier, c'est un thème politique traité avec humour et violence

une république africaine imaginaire,

la dictature exercée par un ancien militaire qui rappelle à la fois Bokassa et Mobutu. Le ciel avait troqué son boubou Mongo Beti lui, évoque la lutte des intellectuels contre les dictatures et décrit les relations d'une Française, femme d'un fonctionnaire africain, avec le fils de celui-ci. Peut-être l'auteur partage-t-il avec son héroïne la conviction que si le néo-colonalisme est encore vivant, les progressistes du pays sont en partie responsables du tragique de la situation : « C'est vrai que pour vous maintenir éternellement où vous êtes, c'est-à-dire au plus bas de l'échelle des peuples, les Blancs d'ici semblent résolus à ne s'interdire aucun sabotage. Mais vous, enface, êtes-vous aptes à mener la grandiose bataille finale ? ». On retrouve là une constante de la littérature africaine actuelle: la lucidité volontairement critique des auteurs visà- vis d'eux-mêmes. Autre thème, cher celui-là aux Africaines modernes: la condition de la femme. Dans un très beau roman, Mariama Bè (Une longue lettre) écrit : « Je t'envie de n'avoir mis au monde que des garçons. Tu ignores les transes qui me saisissent avec les problèmes des filles... J'insiste pour que mes filles prennent conscience tout de même de la valeur de leur corps ... Que tires-tu du plaisir, un vieillissement triste et avilissant ». Quand à Werewere Liking, dans son dernier ouvrage, Elle sera de jaspe et de corail, (qu'elle sous-titre Journal d'une misovire), en évoquant Lunaï, « Village merdeux et merdique », elle montre la femme africaine jugée par « l'Homme» : «le plus laid, le plus vulgaire, le plus démuni stupide ne s'inquiète pas de faire des avances à la meilleure des femmes ... A la différence de l'homme, la femme multiplie les efforts pour plaire, pour toujours offrir et être à la hauteur du compagnon ». Nous ne dirons qu'un mot de la littérature maghrébine contemporaine de langue française, très appréciée et connue du public. Les thèmes traités récemment sont assez proches de ceux que nous a montrés la littérature africaine proprement dite: une déception profonde devant l'évolution politique depuis l'indépendance (Maroc et Tunisie) et le sentiment que la décolonisation a été inachevée (Désenchantement national, de Hélé Bégé). Nous avons retenu Moi, ton enfant Ephraïm, de Souhel Dib, qui expose l'enrichissement né du contact entre la culture juive et la culture musulmane traditionnelle (très belle évocation poétique de Tlemcen). Je voudrais, d'autre part, insister sur l'intérêt qu'apporte La parole confisquée, recueil de lettres, poèmes, dessins de certains prisonniers politiques marocains. Ces textes, magnifiques, ne sont pas sans évoquer les écrits de la Résistance française. Ismaila Samba Traoré Différences - N° 32 - Mars 1984 Toiles d'araignées d'I. Ly. Et, de fait, on est frappé de découvrir, dans certains textes, une sorte de tension: d'un côté un style qui, il faut l'avouer, véhicule des clichés empruntés à une littérature occidentale dépassée et de l'autre, une richesse verbale, un lyrisme hérités de la tradition culturelle africaine: la citation suivante illustre cette tension : « Le ciel avait troqué son boubou, couleur cendre chaude. Le grand tambour résonnait. Le tonnerre tonnait. Il pensa un moment: « La terre est une peau tendue sur la grande calebasse céleste. Le soleil, absent en ce moment est le foyer qui réchauffe le tam-tam de la vie. Mon soleil à moi vient de s'éteindre ». La lune apparut tel un diadème ... » (Ibrahim Ly, Toiles d'araignées). De même on a pu dire qu'Henri Lopes « mêlant grâce et trivialité, fiction et réalité, citations et parodie, tente de renouveler l'écriture romanesque qui devient ici le lieu où diverses formes de langage se répondent, s'entrecroisent ... » Les littératures africaines et maghrébines, en traitant des problèmes spécifiques à leur pays, contribuent, sans doute, à enrichir notre patrimoine national. A nous de le savoir. D Parmi les romans qui doivent sortir très prochainement, celui de Fatima Touati qui met en scène plusieurs générations d'une famille algérienne, expose avec réalisme les difficultés rencontrées à l'heure actuelle (et peut-être plus encore que naguère) par les femmes et leur lutte pour défendre droits et liberté. En dehors de son intérêt intrinsèque, on peut se demander dans quelle mesure cette nouvelle littérature apporte une contribution à la langue française. Marc Annie LAURAN (1) L'après Senghor. Différences, mai 1982. Boubacar Boris Diop 29 Bibliographie Le temps de Tamango, de Boubacar Boris Diop, éd. L'Harmattan - 1981 Le dernier de l'Empire, de Sembène Ousmane, éd. L'Harmattan - 1981 La grève des Bàttu, de Aminata Sow Fal, éd. Les nouvelles éditions africaines - 1980 Les ruchers de la capitale, de Ismail Samba Traoré, éd. L'Harmattan - 1982 Le pleurer-rire, de Henri Lopez, éd. Présence africaine - 1982 Les deux mères de Guillaume Ismaël Dzewatama, de Mongo Beti, éd. Buffet Chastel - 1983 Une longue lettre, de Mariama Bé, éd. Les nouvelles éd. africaines - 1983 Elle sera de jaspe et de corail, de Werewere Liking, éditions L'Harmattan - 1984 Désenchantement national, de Hélé Béji, éd. Maspéro - 1982 Moi, ton enfant Ephraiin, de Souhel Dib, éd. L'Harmattan - 1983 La parole confisquée, éd. L'Harmattan - 1983 Toiles d'araignées, de Ibrahima Ly, éd. L'Harmattan 1982 ICUlTURES! ri ci - Cuba si- Les bannières de l'aube, de Jorge Sanjines Le festival de La Havane On y a retrouvé tout le cinéma militant, à côté de Hitchcock, de Bergman et des dernières réalisations du continent sud-américain. De La Havane, restent des images (pas étonnant pour qui s 'y est rendu pour assister à un festival de cinéma) et des musiques métisses. Sonorités et couleurs mêlées d'Afrique et de vieille Europe, sourires de ces enfants qui envahissent la place de l'antique palais du Gouverneur espagnol, gosses noirs et blancs qui se donnent la main ... naturellement. A La Havane, passent dans les cinémas de la ville, à côté d'Hitchcock et de Bergman, le dernier film de Jacques Rouffio, La passante du Sans-souci. Je regrette de n'avoir pas le temps d'interviewer les jeunes qui se bousculent pour essayer de saisir comment, en 83 sous les 30 Tropiques ces jeunes qui se pressent devant les salles appréhendent la réalité du nazisme? En quelques chiffres, La Havane, cinquième festival du nouveau cinéma latino-américain: 200 films, 500 professionnels du cinéma, 45 pays représentés (dont 18 d'Amérique latine). Un immense succès public, avec un intérêt indéniable pour tout le cinéma, quel que soit le genre. Le cinéma d'intervention a, il est vrai, toute sa place au festival de La Havane, tant sont nombreux les problèmes rencontrés par ces peuples. Il n'est pas étonnant qu'à bien des égards, cette manifestation soit antiraciste

cinéma des peuples en lutte pour

leur indépendance, dénonciation du racisme anti-indien ou anti-noir, mise en cause du néo-colonialisme. Du point de vue de la qualité cinématographique, le festival a surtout été marqué par les productions cubaine et brésilienne. La Bolivie de son côté a produit cette année deux oeuvres de grande qualité: Misocio, de Pablo Aray, et Les bannières de l'aube, de Jorge Sanjines, qui avait été présenté en avant-première au festival d'Amiens. Citons Inocencia, de Walter Lima Junior, l'adaptation d'un classique du roman populaire brésilien du XIX· siècle, et Bar Esperanza, de Hugo Carvanna, une peinture du petit monde des intellectuels couche-tard de Rio. Enfin, Parhyba mulher macho (Paraiba, femme macho) de Tizuka Yamazaki, la réalisatrice de Gaijin. Le cinéma cubain a véritablement triomphé dans ce festival avec Hasta cierto tiempo (Jusqu'à un certain point) de Thomas Gutierrez Alea, une fiction qui intègre, avec une grande maîtrise, des éléments vidéo sur la vie des dockers du port de la Havane. Ces dockers, réputés bons travailleurs, ont une deuxième particularité, celle d'être de solides tenants du machisme cubain. C'est en tout cas, ce que disent . dans le film des cinéastes qui veulent tourner un film sur ce sujet. Oscar, un scénariste, part donc en enquête du côté du port. Il va remarquer Lina, une jeune ouvrière mère célibataire. Histoire d'amour sur fond d'enquête. Mais Oscar et le réalisateur vont se trouver en désaccord sur le contenu du film, surtout sur les rapports entre cinéma et réalité. Le projet de film échouera, de même que la relation entre Oscar et Lina. Gutierrez Alea, dont on a récemment remarqué en France La ultima cena, est un cinéaste qui sait allier avec talent son engagement profond dans la société cubaine et un langage cinématographique parfaitement maîtrisé. Hasta cierto punto, à juste titre, a remporté le Grand prix du festival. J.-P. G. 1 IlA PARBlE A/ . g;: i Il 0.0.: ..!.: Isabelle Adjani ~~--------------------------------------------------------------------------------------------------~ « J'ai pu gagner le droit à l'expression » V ivre ensemble, c'est sûrement possible, à condition d'y mettre infiniment de précautions, de ménage- . ments, de diplomatie organisée. Cette attention, c'est au pays d'accueil de la porter. Car on peut difficilement la demander aux étrangers : on imagine mal ce que c'est que la fatigue morale, physique, quotidienne de l'exil. La difficulté d'être d'ici, de n'être plus là bas. D'autant plus qu'à ce jour, tout est fait, comme avant, pour les confiner dans leurs travaux pénibles, pour réduire toute leur personnalité à leur seul statut d'hommes de peine. On ne peut pas demander des efforts de compréhension à des gens qui vivent une telle épreuve. On ne peut guère exiger d'eux qu'ils aient l'instinct de s'intégrer. C'est aux populations d'accueil de faire l'effort de comprendre. Une origine étrangère, ce peut être une richesse, comme un handicap. Mes parents étaient, aux yeux des Français, un accouplement curieux. De sorte que mon père algérien, ma mère allemande ont tout de suite tenté de cacher leur différence, de gommer ce qui faisait, intimement, leur richesse et leur légitime fierté. J'ai pu suivre le chemin inverse, gagner le droit à l'expression. Mais il m'a fallu d'abord saisir mes chances professionnelles pour prendre conscience de certai- Différences - N° 32 - Mars 1984 31 nes de mes différences. Ça a été comme un luxe. Je peux maintenant m'affirmer: parisienne, mais pas française, une immigrée post-natale, une identité déracinée; Je tiens à cet écart. Pouvoir le revendiquer, et se faire entendre, c'est une façon de lutter contre le totalitarisme de la pureté, du « bien d'ici» qui a produit les abominations que l'on sait. Ma réussite m'a permis de réhabiliter cette fierté de l'ailleurs que mes parents avaient dû étouffer devant ceux qui portaient la voix plus haut qu'eux. D'oublier ce complexe d'infériorité que leur donnait le sentiment légitime, mais impossible à dire, de la richesse de leur différence. Les Français ne sont sans doute pas plus ·xénophobes que les autres, sauf peut-être cette morale bornée, meurtrière, qui les a fait agir au nom de leur bon droit. Ainsi pour la guerre d'Algérie. Je suis toujours sidérée par l'absence de rancune des Algériens. Pour nous, si je peux dire « nous », elle existe: c'est comme si nous étions rancuniers à leur place, comme si notre société portait en elle, silencieusement, le déchirement d'une guerre civile, dont on ne doit pas parler. Propos recueillis par J .M.O. Vl Vl "0': "- .d: "- ~ L-______________________________________________________________________________________________________ __ 32 Toni, réalisé en 1934 par Jean Renoir : Ces premiers plans nous plongent dans la mémoire du pays natal. Toute la mise en scène s'appuie sur une réalité sociale, celle de l'immigration

les personnages sont d'authentiques

ouvriers hormis les quelques acteurs principaux (C. Blavette, E. Delmont, Max Dalban ... ). Toni, comme de nombreux films de Jean Renoir, s'achève sur la mort. Les films consacrés à l'immigration aussi. Notre propos, ici, n'est pas de répertorier l'ensemble des oeuvres qui lui ont été consacrées ces dernières années. Ce qui est remarquable et mérite analyse, c'est l'émergence de l'immigré de la deuxième génération dans le cinéma de fiction destiné à un large public. C'est la reprise logique de ce personnage de Mohamed Travolta (dans le film de Jean-Pierre Cohen, du même nom, production ICEI-Mosaïque, 1979). Alors, immigré superstar ? Il faut savoir que 60 070 des personnes vivant en France ne vont même pas une fois par an au cinéma; l'essentiel du public se compose de jeunes de moins de 25 ans fréquentant régulièrement les salles obscures. Le cinéma étant conçu comme une activité de délassement, donnant l'occasion d'une sortie en groupe, loin de la cellule familiale. On comprendra donc que nombre de réalisateurs (et surtout de producteurs) bâtissant leur carrière (comme d'autres une entreprise commerciale) proposent des produits cinématographiques collant au maximum aux «goûts » supposés du public potentiel. Ces éléments précisés, nul ne s'étonnera de la présence de plus en plus importante du jeune conçu comme acteur des fictions projetées. Cette autre constante du cinéma français en période de crise qu'est le polar comme recours magique pour faire s'emplir les salles, nous explique également comment un certain nombre d'oeuvres récentes intègrent la figure du jeune immigré. Si peu de films opèrent clairement l'équation: jeune immigré insécurité, nombre d'entre eux utilisent pourtant le « moderne» personnage du mauvais garçon au teint foncé et au langage non moins coloré. Ils ne font en cela qu'emboîter le pas au grand frère hollywoodien dans la représentation stéréotypée du méchant: Noir, Portoricain, Chicano, Italien, tous non-W.A.S.P. (1). Les cheveux crépus partent en dreadlocks, le dealer est jeune, il a la fantaisie d'un jeune rasta, c'est de la marijuana qu'il revend; les gros marchands, eux, sont maghrébins (à l'abri de la respectabilité d'une épicerie de Barbès). Quand on aura dit que la musique du film bat le pavé du XVIIIe arrondissement de Paris Différences - N° 32 - Mars 1984 et qu'elle est signée Bernard Lavilliers vous aurez reconnu Neige, de Juliet Berto. Ce film, pourtant, est une des rares oeuvres qui, dans cette veine, échappe à une critique sévère. Le regard porté sur l'univers de ce jeune métis antillais est généreux, relativement lucide et non manipulateur. Peut-être est-ce là l'effet conjugué de la musique et de la poésie dans laquelle baigne le film. On ne peut cependant en dire autant de l'avant-dernière oeuvre de Francis Girod Le Grand Frère. Attardons nous un peu sur le synopsis. «Le salaud m'avait piégé en Afrique. Une balle dans le corps. Il m'avait abandonné blessé à mort dans la jungle.( ... ). Enfin une nuit, un parking désert à Marseille et mon couteau dans le dos de ce salaud. C'aurait pu être un crime parfait... Mais il y avait un témoin, et quel témoin! Un môme de 13 ans, Ali. Un enfant de la zone, des bidonvilles, et puis sa soeur. Deux orphelins en manque d'amour et qui comptaient sur moi pour jouer au grand frère. Du moins, je l'ai cru. Mais, allez donc deviner ce qu'Ali avait dans la tête ... » Finie, la dégaine du truand immigré? Le Grand Frère ne manque pas de laisser un impression désagréable, au-delà de tout jugement sur l'esthétique du film. On se sent manipulé. Tout est si évident dans les réactions d'Ali. Le personnage - et le public qui voit le film dans la salle de cinéma - fonctionne à partir des principaux stéréotypes du jeune immigré de la seconde génération: débrouillardise et vol systématique, réactions amorales et sources permanentes de désordre, etc ... Francis Girod a de la sympathie pour son « héros », on ne saurait dire qu'au premier degré il le traite d'une manière raciste. Au contraire. Il charge le personnage d'Ali d'une façon paternaliste et valorisant l'individu Ali, il fait de lui en quelque sorte le prototype du jeune immigré. On arrive aisément dans la tête des gens à l'effet inverse de celui souhaité ou affirmé au départ. C'est un peu la même question que nous pose Interdit aux moins de 13 ans de Jean-Louis Bertucelli (auteur on s'en souvient du magnifique Remparts d'argile). A la nuance près qu'il montre la zone des deux côtés de la barrière : Français et immigré. Il a voulu redéfinir son écriture, allant jusqu'à travailler avec de nombreux acteurs non professionnels, en tout cas avec des acteurs très peu connus. Les personnages, cependant, ne parviennent pas à trouver toute leur dimension. Ce film, s'il avait eu une diffusion grand 33 public comme Le Grand Frère, aurait pu conforter les spectateurs dans leurs préjugés sur les jeunes de la deuxième génération. Le film de Girod apparaissait complètement comme une fiction, celui de Bertucelli fonctionne lui, quasiment comme un documentaire. Cet effet amplifié par le côté «film à petits moyens », confère en effet un certain vérisme à l'image donnée sur les jeunes nés de l'immigration. Claude Berri dans Tchao Pantin s'attaque à la même problématique que Francis Girod. Deux personnages .face à face. En apparence un même genre, le polar. Une vedette (Coluche) et un jeune acteur assez peu connu (Richard Anconina). Avec les mêmes ingrédients, il réussit pourtant à « faire prendre la sauce ». Sur au moins une bonne moitié de Tchao Pantin, il parvient à nous intéresser véritablement au sort du jeune arabo-juif, à sa psychologie, à ce qui se passe dans ses tripes. Claude Berri fait se rencontrer deux solitudes, l'une qui se noie dans l'alcool, l'autre qui s'envole en fumée. De fait il situe bien la marginalisation du jeune immigré dans notre société, il nous montre aussi qu'à bien des égards le personnage de Coluche (ancien flic, ancien Français moyen, homme désespéré par la mort d'un fils qu'il n'a pas su comprendre) est plus proche de Bensoussan que des jeunes punks aux cheveux blonds. Rendons justice également à un film qui s'est trompé de public, La Baraka, de Jean Valère. Roger Hanin, bien malgré lui, a donné à ce film un label pied-noir qui l'a réellement desservi. La Baraka est aussi l'histoire de la rencontre de deux hommes apparemment inconciliables, un restaurateur pied-noir (Roger Hanin), prétentieux gueulard, un jeune immigré (Gérard Darmon) qui vit en ermite. La Baraka sait retourner complètement les situations nées du racisme et des préjugés. Les jeunes de la deuxième génération ne s'y sont pas trompés à Marseille, ils ont applaudi le film. D'autres oeuvres mettent en avant l'immigration. Nous les attendons avec impatience. Il s'agit de Laisse béton de Serge le Péron et de Thé à la menthe de B. Bahoul. Costa-Gavras quant à lui va réaliser prochainement un film d'après le roman de Medhi Charef, publié au Mercure de France, Le thé au harem d'Archi Ahmed. Gageons qu'ils ne tenteront pas de nous faire croire à un pseudo-antiracisme et qu'ils considéreront l'immigration autrement que comme la moderne défroque du truand, si nécessaire à ceux qui veulent vendre leurs films. Jean-Pierre GARCIA (1) W .A.S.P. : White anglo-saxon protestant. /REflEKIDlI.l - Rumeur publique - Ils courent, ils courent, Comment se répandent les stéréotypes : un sociologue raconte. Î~ Ça circule ». Il s'agit bien de " cela. Et le ça correspond aux profondeurs de l'inconscient. Simple énonciation individuelle, ne trouve-t-elle pas des résonances collectives? Il se forme alors un nuage consistant de mots, de phrases, de stéréotypes - qui correspondent tous à une réponse qu'attendent ceux qui les ont émis et répandus: c'est la rumeur publique. Elle est moins dangereuse que la rumeur privée - privée de sa reconnaissance publique qui fait sa légitimation sociale. Quand la rumeur a ses cercles, ses clubs privés, elle a toutes les chances de se diversifier, de se réformer et en même temps de prendre de la force. La rumeur publique peut se dissoudre, se diluer dans le flot et même perdre de sa force, de sa qualité et se démentir elle-même dans ses excroissances verbales - alors que la rumeur privée est sourde et concerne un public sélectionné; elle est dangereuse, car son efficacité se mesure au petit nombre qui la connaît, la partage ... Sorte de complot qui, dans un cercle bien choisi, peut faire alors plus de mal qu'une rumeur publique qui n'est là que pour la soutenir, l'assister. La rumeur privée acide se diluerait avec le temps dans l'eau de la rumeur publique. Complémentaires, certes, elles ne sont, hélas, pas ennemies. L'une apparaît avant l'autre, mais elle a tout intérêt à ne pas devenir publique trop vite pour être plus destructrice dans le cercle des pairs, où l'on procède aux réglements de compte « entre soi ». La rumeur privée a une progression verticale, la rumeur publique a une progression par cercles concentriques horizontaux avec de temps en temps à autre quelques foyers de résurgence ... L'une et l'autre sont deux phases d'un même phénomène. Coeur et foyer d'un volcan qui jaillit d'une part et projectiles ou laves qui se répandent dans le public d'autre part. « On » a dit « les Pieds-noirs» - et « on » ne sait plus qui ils sont réellement (1). On : ce sont les Français de France. « Les étrangers ont souvent envie de passer entre le mur et l'affiche pour ne plus être l'objet des rumeurs ». Donc les Français de France ont désigné de façon massive de « Pieds-noirs + les Français d'Afrique du Nord - et plus particulièrement ceux d'Algérie - depuis le début de la guerre d'Indépendance. « J'ai su quej'étais un Pied-noir, par des copains du contingent en 1955, c'est d'eux aussi que j'ai entendu pour la première fois le mot Bougnoule. » (2) (Un Français d'Algérie). Ce Français d'Algérie sait qu'il est pour les autres un « Pied-noir ». Quand on questionne des Français de France sur cette désignation, les réponses les plus évasives, les plus 34 contradlctOIreS fusent, se situant d'ailleurs beaucoup plus sur le « pourquoi» que sur l'origine: «parce qu'ils étaient des colonisateurs, parce qu'ils faisaient suer le burnous des Arabes, parce qu'ils étaient très riches ». Effet boomerang La même rumeur disait qu'en face des Pieds-noirs il y avait aussi des Bougnoules ... Et c'est bien des fils de Bougnoules qu'il est question en France quand on les désigne d'enfants de la deuxième génératian ... La rumeur les met en scène et les classe ainsi, sans se douter que la plupart sont nés et ont toujours vécu en France. Ainsi, c'est toujours le besoin de se démarquer, de se distinguer de ceux qui ont une mauvaise image de marque nationale, qui pousse à désigner l'autre d'un disqualificatif, comme si la logique de la rumeur dis qualifiante avait un effet boomerang qualifiant celui qui l'a lancée. « On dit que je suis enfant de la deuxième génération, je ne sais pas ce que cela veut dire », disait cet enfant de travailleur marocain. D'emblée, on lui attribuait les stéréotypes qui traînent partout sur les enfants d'étrangers maghrébins. C'est un applatissement de l'identité individuelle et une inculcation des images de soi, imposées de l'extérieur, sans donner le temps à l'enfant de se construire sa propre image. Il entend partout, à la radio, chez les enseignants, il lit partout qu'il fait partie de cette deuxième génération qui se constitue une identité immigrée parce que la majorité est au chômage, est mal logée, vit très tentée par la délinquance dans les ZUP. Il ne se reconnaît pas dans ce portrait-type construit par la rumeur publique ... « mais il sait qu'il est celuilà, pour les autres », comme dit la majorité. Il est, indépendamment de lui, aligné sur un groupe dont on s'est construit une image à un moment donné. En fait, il en a une forte intériorisation et il aura bientôt des « problèmes» qu'il ne soupçonnait pas ... «puisqu'ON a dit que j'étais de la deuxième génération ... »La rumeur simplifie et a besoin de désignations qui enferment. En effet, la désignation généralise, banalise et écrase la différence de l'autre en la situant sur un terrain disqualifiant. .. Bref, une rumeur circule. Il paraît que des hommes et des femmes et aussi des enfants ... , des familles entières prennent le bus, le métro très tôt le matin; ils travaillent, certains sont au chômage ; les enfants vont à l'école: ils font leurs courses, font une cuisine différente; ils ont des pratiques religieuses différentes. Bref, on les aperçoit - il paraît que ce tant... Là aussi le stéréotype les classe bien comme des être à part. « L'immigrage » (3) fait recette et n'a pas évolué depuis Charlie Chaplin ... image dominante d'un émigré venant quémander du travail. .. même s'il nous vend du pétrole ou du gaz. De même l'image du juif Süss a laissé des traces dans notre inconscient - là aussi la rumeur a été efficace. Rumeur publique et privée : ils sont. .. ils sont... Six millions sont morts en camp, et la rumeur circule encore. La rumeur publique n'a-t-elle pas soutenu, renforcé la rumeur privée qui poussait à dénoncer son voisin et à l'envoyer en camp? C'est ce qui s'est passé. \ _ La dérive Un autre exemple situera bien cette logique de la rumeur: à propos des mariages mixtes, il existe tant de réticences, tant de jugements défavorables. C'est bien parce que des scientifiques du siècle dernier ont classé les hommes en races que des rumeurs de mélange, de métis- Les couples mixtes : des réticences héritées du siècle dernier. sont des étrangers ... Ils sont quatre millions. Pourquoi ne feraient-ils pas comme nous ? Cela simplifierait les problèmes. Les étrangers savent tout cela; aussi réclament-ils quelquefois non pas le droit à la différence, mais bien le droit à l'indifférence. N'ont-ils pas envie souvent de passer entre le mur et l'affiche pour ne plus être l'objet des rumeurs qui circulent sur eux ? D'ailleurs, ils auraient beaucoup de choses à dire sur certaines affiches électorales (notamment de gauche) les représen- Différences - N° 32 - Mars 1984 sage ont circulé, ont pris corps et que remarqués (et non remarquables) - des couples sont devenus mixtes. La politique a classé les hommes en groupes nationaux, en nations politiques

l'économie en riches et pauvres;

les religions en croyants d'une confession ou d'une autre. Tous ces clivages prennent, à certains moments, une force et une efficacité séparatrices et révélatrices de réelles différences qu'il Qe s'agit pas de nier naïvement. Ce n'est pas la différence en elle-même qui est mise en 3S question ou discutée, mais le discours idéologique visant à la transformer en inégalité, quand il prend appui sur des rumeurs, des stéréotypes. Nous assistons, à travers toute une série d'expressions, à un « processus de dérive de la différence à l'inégalité ». La différence est déformée et devient une inégalité (une disqualification ou une discrimination); ou plus exactement la différence est transformée. Le mariage avec un étranger rompt toujours un éq'Uilibre dans un groupe familial ou social, et les futurs conjoints doivent affronter des opinions souvent défavorables de leurs amis ou relations. Elles prennent appui sur des rumeurs relevant des stéréotypes sur les différences raciales, sociales ou religieuses. « On a du mal à croire que son père est Algérien tellement il est comme les autres ». (Un enseignant du primaire). L'expression de cet enseignant résume bien comment, à partir de stéréotypes, de jugements a priori, on déforme une réalité et comment on construit des jugements a posteriori. Pourquoi cela? Mais parce que la rumeur dit, depuis des décennies, que les Algériens sont des ... que se marier avec c'est... qu'un enfant issu de ce type de mariageest..., aura des difficultés insurmontables : autant de jugements rationalisés après-coup parce que l'on sait. On donne du même coup peu de chances à ceux qui veulent tenter l'expérience. «Ah, tiens, je n'aurais pas cru que vous fussiez Algérien ... Mais vous n'êtes pas comme les autres» (4). Puisque la rumeur disait que le groupe était « comme-ci, commeça » ... Il faut bien des exceptions pour confirmer la règle générale. Les stéréotypes sont les autoroutes de la rumeur. (5) D Augustin BARBARA (1) Plusieurs explications sont à l'origine de cette désignation. Selon Germaine Tillion, « cette expression a pu être empruntée au vocabulaire de la marine, où elle désigne les chauffeurs qui ont les pieds dans le charbon, par opposition aux mécaniciens, dits "chiffons gras" » in Les ennemis complémentaires, Paris, Ed. Minuit, 1960, p. 131. Par ailleurs, en Algérie même, le Français de France était désigné de Francaoui (Français de France) ou Patos (canard en Espagnol). Ces termes ne se sont pas répandus comme le terme « Pied-noir ». (2) Terme désignant les Africains noirs - et apparu en Algérie à partir de 1954. Il semble qu'il fut transporté dans le langage des militaires ayant commencé leur carrière en Afrique Noire. (3) Immigrage : de « image» et de « immigré ». Façon stéréotypée de représenter visuellement l'étranger. (4) Dans le même genre, le « Vous êtes bien sympathique pour une Bretonne »... s'oppose connotativement aux stéréotypes de la Bretonne, femme de ménage, prostituée ou encore la Bécassine ses bandes dessinées. (5) D'après la revue « Pour », na 92. .1 HIS TB IRE - xxe siècle - ~amais on n'a tant bougé que depuis la dernière guerre. Antonio Perotti, directeur du Centre d'information et d'études des migrations, nous explique pourquoi. . population. d ne C lasse de travailleurs isolés devtent une Quan u NOUS VIVONS LE TEMPS DES MIGRATIONS Les migrations de notre temps ont entraîné des brassages de populations d'un type tout à fait nouveau dans l'histoire du monde. A l'intérieur même des mouvements migratoires du xxe siècle, les différences sont grandes. Ainsi, les vingt-cinq dernières années, s'est dessiné un profil tout à fait nouveau du travailleur étranger. Recruté dans le pays d'origine, il est installé en Europe avec un rôle bien précis à jouer dans la croissance économique: un travailleur sans formation, voué aux tâches répétitives, en équipe, de nuit ou en 3 x 8. Une personne qu'on a pu gérer 36 de façon tout à fait spécifique, à tous les moments de sa vie. Pendant cette période le patronat organisait son travail, mais aussi son logement, voire son transport. Le travailleur était cantonné dans des espaces bien précis, protégés, qu'on a appelés « l'enfer de la protection ». Au contraire, avant 1960, les besoins européens en main d'oeuvre étaient quantitatifs et disséminés: la main d'oeuvre se faisant rare, tous les secteurs réclamaient des travailleurs étrangers, qui du coup se disséminaient dans tous les secteurs de la production et toutes les régions. Depuis 1960, la production et, du coup, l'habitat des travailleurs, se sont fortement concentrés, aboutissant aux ghettos sociaux et économiques d'aujourd'hui. Cette concentration a abouti à une gestion ségrégative des immigrés. Or maintenant nous vivons une troisième phase, une métamorphose. Une classe de travailleurs isolés devient une population, avec femmes et enfants. La fermeture des frontières, en bloquant les nouvelles arrivées de travailleurs , a provoqué une croissance endogène des étrangers déjà présents, favorisée par le regroupement familial, et les naissances en pays d'accueil. De réduction en réduction Cette transformation de classe en population est mal supportée par les populations locales. D'autant plus qu'en France, les Français identifient de plus en plus cette population aux nouvelles couches de jeunes qui n'ont pas intériorisé le statut infériorisant des parents, qui pensaient qu'il fallait se taire. De réduction en réduction, on assimile ces jeunes aux délinquants. Les rapports sociaux se dégradant dans les grandes villes européennes, on assimile cette dégradation à la présence de jeunes étrangers/jeunes délinquants/jeunes maghrébins . La métamorphose est compiète: on est passé de travailleurs solitaires et isolés, répartis un peu partout, à une population nouvelle. Attirés dès les années 60 par les économies européennes qui ont dû se concentrer pour conquérir de nouveaux marchés après la décolonisation, ils ont joué leur rôle. Mais cette concentration même, puis la fermeture des frontières interdisant le retour désormais définitif,les ont fixés sur place. De sorte qu'aujourd'hui, alors qu'à nouveau les structures économiques se transforment, si l'immigration semble faire problème, c'est qu'elle offre un profil complètement décalé du marché du travail. Dans les années 60, l'immigration collait à la production; il n'y a avait pas de chômage possible pour elle. Maintenant, il y a 250.000 chômeurs étrangers en France. La population étrangère s'est à la fois transformée qualitativement et éloignée des stricts besoins de la production. Elle ne correspond plus au rôle que lui avaient fixé les années de croissance économique. C'est pourquoi aujourd'hui les migrations se posent en termes plus culturels qu'économiques. Avant 1960, deux ministères, l'Intérieur et le Travail, pouvaient, en Franèe, gérer les étrangers. Actuellement, ce sont tous les services, et toute la population, qui sont interpellés - et c'est normal - par l'immigration. Le voilà, le temps des migrations. Ce n'est plus le mouvement, qui est terminé, mais l'arrivée à la surface de toute une population, qui aspire aux mêmes droits que les autres, précisément au moment où la société en crise a du mal à satisfaire ses justes besoins. Ne serions-nous donc pas en train de vivre la fin des migrations ? C'est l'échec des thèses soutenues pendant la croissance qui préconisaient une mobilité des populations à l'américaine. Voilà ce qu'on a sans doute pensé dans un certain nombre d'instances nationales et internationales en Europe. Un éventail d e droits Les différents pays se sont aperçus que le rôle classique de profit économique attribué à l'immigration naguère ne peut plus être tenu. Car il existe un éventail de droits sociaux et culturels qui diminuent un profit escompté, d'autant plus que la population se modifie. On s'est aperçu que faire venir de la main d'oeuvre qui s'installe, cela coûte cher. Beaucoup craignent aussi que le multiculturalisme déstabilise nos sociétés. On est donc plus réservé, et sans doute ne reviendra jamais le temps des migrations massives, le temps où la Différences - N° 32 - Mars 1984 37 Suisse, la France, l'Allemagne et même l'Angleterre se livraient à une concurrence acharnée dans la chasse à la main d'oeuvre étrangère. Pourtant, si l'on veut contrecarrer l'immigration clandestine et sauvage, il faut trouver les moyens d'assouplir le marché du travail. Le système de mobilité de ces dernières années s'est rigidifié

une économie souterraine illégale s'est alors développée,

qui ignore tout du code du travail, des droits sociaux ... et de la fiscalité . Je pense qu'on sera obligé d'en revenir à une certaine élasticité, qui doit, je ne dis pas réouvrir les frontières, mais aboutir à une réglementation concertée avec les pays du tiers-monde, avec les syndicats, etc. Le temps des migrations n'est pas terminé, mais il y aura des modifications qualitatives, un changement de profil des travailleurs migrants. Le décalage Nord-Sud s'aggravant de jour en jour, il faudra en arriver à une nouvelle conception de l'équilibre international, pour le profit de tous. La France par exemple, pourrait investir dans un plan de formation des travailleurs étrangers, capables ensuite de se réinsérer dans leur pays, ce qui éviterait à notre pays de subir la pression des pays d'origine. Toute l'Europe a intérêt à développer certains secteurs de son économie dans le but d'une cooperation accrue avec les pays d 'origine, coopération dont on aurait changé les termes. Il ne faut pas être naïf, il y a toujours un déséquilibre entre le Nord et le Sud, et les industriels ne sont pas des philantropeso Mais on peut très bien concevoir une harmonisation des profits des pays européens, des pays d'origine et des travailleurs migrants, qui pourrait passer par la formation et la réinsertion. 0 Editions KARTHALA 22-24, bd. Arago 75013 Paris Plus de 100 titres sur l'Afrique Ldee mSaahinel . ~ .. ---? Le Sahel fut autrefois le domaine des grands empires réputés pour leur richesse en or. Pourquoi le Sahel est·iI devenu le symbole du sous·développement ? La région esl·elle condamnée à la famine? 336 p. 75 F L'Islam est présent au sud du Sahara depuis dl. siècles : il apparalt maintenant comme un élément déterminant de la vie • sociale en Nrlque sud·saha· rlenne. Quel est son poullOlr réel? 176 p. 64 F Catalogue complet sur demande Nom: ........... .. ........ . .. .. ... . Adresse: ........... . .. . ........... . Ci-joint mon réglement par chèque bancaire ou postal à l'ordre des Editions Karthala . 1 EN BEBAT - Vivre ensemble - , INTEGRATION OU ASSIMILATION Que doit demander notre société aux immigrés ? D'être Une brillante analyse de Pierre Emmanuel sur les diffé- Pierre EMMANUEL Ecrivain, de l'Académie française « Les Arabes en France se sentent implantés dans notre soL .. » L a Communauté maghrebine est traversée de courants contradictoires. On ne peut s'interroger sur une éventuelle intégration des Maghrebins, sans saisir la réalité totale du monde arabe. Ils se sentent partie intégrante de la nation arabe comme d'une certaine façon les juifs d'aujourd'hui se sentent plus ou moins engagés par l'histoire du peuple juif telle qu'Israël la manifeste aujourd'hui. Les Arabes en France se sentent, pour des raisons économiques, familiales, affectives, implantés dans notre sol. A la deuxième génération, leurs enfants commencent à s'intégrer. Mais ils se sentent aussi liés à la nation arabe, dont ils partagent les contradictions. Les pères, surtout, vivent cette contradiction. Cela pose un problème pour la compréhension générale de cette communauté. En plus, en France, où il y a quelques-uns des meilleurs islamologues, on ignore tout deI 'Islam, des rapports de ses lois avec le monde. Du coup, nous avons de nos immigrants une vision très simplifiée: ils sont venus travailler en France, ils sont payés pour ça, alors qu'ils ne pouvaient gagner leur vie dans leur pays. Nous leur avons offert la possibilité de vivre mieux, et pour ceux qui resteront ici, anciens harkis ou immigrés économiques, dont les enfants de nationalité française vivent et grandissent chez nous, où ils vont à l'école, on se prend à penser que dans un temps déterminé, ce contact continuel avec nos formes d'éducation, de vie, de culture, permettra une assimilation qui se fera à la deuxième, voire troisième génération. C'est-à-dire que nous évacuons complètement la réalité de l'Islam, parce que cela nous paraît aussi inutile historiquement qu'à Clermont-Tonnerre où à l'abbé Grégoire l'identité juive comme peuple en 1789 (1). L'assimilation est une solution implicite plus efficace parce que simplifiée, et simplificatrice. 0 (1) « Etre juif dans la Société française », éd. Montalba. 38 L'intégration, c'est souvent un voeu pieux Rebecca, 32 ans, universitaire Assimilation ou intégration? Manifestement, l'intégration. La déculturation n'est jamais très agréable. C'est malheureusement souvent un voeu pieux, parce que les modalités pratiques de conservation de sa propre culture ne sont pas toujours évidentes. Il faut voir ce que la culture dominante offre comme possibilités d'intégration, de conservation de modèles culturels différents. D'une culture à l'autre, c'est plus ou moins possible, suivant la distance qu'il y a entre culture d'origine et culture dominante. Les Espagnols installés dans le Languedoc sont plus intégrés qu'assimilés, d'autant plus que la distance culturelle est faible

même religion, même cuisine, des langues respectivement

compréhensibles. C'est une intégration à peu de frais. Mais pour un Africain pauvre au milieu du XVIe arrondissement, c'est un peu gratuit de parler d'intégration. 0 Les Basques et les Bretons se regroupent bien entre eux ... Monique., 28 ans, dactylo Les immigrés, c'est à eux de décider s'ils veulent s'assimiler ou pas. Quand on voit débarquer des gens de province à Paris, on les retrouve dans les maisons de Basques, d'Auvergnats, de Bretons, etc. Je crois que dans l'ensemble les gens ont le désir de conserver leur spécificité culturelle. Le mot assimilation, en lui-même, est choquant. lJ comme tout le monde ? De rester différents ? rentes façons d'envisager l'Islam. Le problème, ce n'est ni l'intégration, ni l'assimilation, c'est le déracinement Abdelkader, 25 ans, chômeur I ls doivent s'intégrer, c'est dans l'intérêt des deux communautés. Ce qui ne les empêche pas de conserver leurs racines et leurs cultures d'origine. Les femmes musulmanes, c'est un autre problème. Il leur est tout à fait possible de vivre à l'occidentale sans avoir l'impression de trahir quoi que ce soit. Il y en a beaucoup qui le font. Le problème actuel, ce n'est ni l'intégration, ni l'assimilation. Pour la deuxième génération, c'est le déracinement, tout le monde le sait. Parce que les jeunes n'appartiennent ni à une culture, ni à l'autre, alors que leurs parents vivent sur un mode ancestral. Il faut bien voir que ceux qui sont venus travailler en France, c'étaient les plus pauvres, disons les moins avancés. Ils sont restés avec leurs idées, parce qu'il n'y a plus eu le moindre échange, ni avec la culture d'origine, ni avec la culture d'arrivée. Il suffit de retourner en Algérie, par exemple, pour s'apercevoir que les immigrés en France ne sont pas représentatifs des transformations de leur pays. 0 On vit sa vie Ali, 45 ans, 1 OS. Je ne suis pas d'accord avec tout le bruit qu'on fait autour des immigrés. C'est vrai que les Français ne nous ont jamais demandé d'être comme eux, et qu'on n'en a pas envie. Ce n'est pas nouveau. Chacun sa place, chacun sa vie. 0 Différences - N° 32 - Mars 1984 39 « ... mais on aurait tort de croire à l'assimilation progressive » Je crois que nous avons tort de croire à l'assimilation progressive. D'abord, il n'est pas si sûr que les enfants ne suivront pas l'exemple des pères. On voit bien des cas de révolte, en particulier des filles. Mais de toutes manières, l'assimilation totale se ferait au prix d'une perte historique et psychique difficile à évaluer. Plus que des déracinés, cela produirait des non-êtres, sans appartenance et conscients de ce manque, d'autant plus qu'ils se trouvent souvent dans des non-lieux, du point de vue de la structure urbaine qu'ils habitent. Ils vont dans une école où ils apprennent une histoire qui n'est pas la leur, ils acceptent la langue parce qu'elle leur permet de communiquer. Mais tout ce qui fait leur être profond est évacué. Est-ce que cela peut durer? Beaucoup d'entre eux ne sont-ils pas sensibles à la propagande fondamentaliste qui se développe? Avec cette idée simpliste de l'assimilation, on en ferait non pas des Français comme les autres, mais des êtres ayant effacé leur identité, celle de leurs pères. Or cet effacement me paraît encore plus difficile à concevoir en Islam que pour les juifs. L'Islam est lié à une histoire énorme, à une tradition tellement ancrée dans un sol, dans un certain nombre de formes de vie, de règles, dans un rapport essentiel avec la transcendance, que je vois mal comment tout cela pourrait disparaître facilement. Le problème est immense, et sa solution n'est certainement pas dans le retour au pays d'origine. Je ne crois pas à l'assimilation, je crois à l'intégration, qui est la citoyenneté plus la différeDce. La plus grande difficulté, c'est la loi coranique qui vient parfois en contradiction avec la loi française. Ce problème ne peut être traité qu'à l'échelle nationale, dans une large concertation qui mettrait au point un modus vivendi, explicite et reconnu par tous, ce qui suppose que les Français acceptent l'idée d'une France pluri-ethnique. Pour cela, plus encore que des lois, c'est une véritable prise de conscience nationale qu'il nous faut. 0 ~~fMJoe. DES HOMMES QUI SOULEVENT , DES MONTCharles!~: vous qui allez 'P'ver ou aU So/~I/, aux sports d hl pays lointain, vacances ~ me dans un e ou me en F~anc . Europ AssistanCe; Agences de adherez ~ ns les Banques, es et dans les ahez les assure~rs voyages, c e EcureUIl. Caisses d'Epargn europ assistance 285.85.85 INTfRfTS PflOGRESSIfS 13 OI (rAUX ACrIJARJE1 BRUr DE 3 MOIS A 5 ANS J/JSQU'A IO l'OUR UN PLAOEMENr A SANS) UN PLACEMENT SÛR ET SIMPLE. 40 Anthropologie de l'espace Marion Segaud, univ. Paris X, Françoise P.- Lévy, univ. de Besançon. Des fleurs au balcon? Le recoin profond d'unefenêtre? Une marche séparant la courde l'entrée ou l'entréede la pièce principale? Un sol deterreou de planches? Une porte qui s'ouvre à l'est? Rien ne semble autrement devoir retenir l'attention. Et pourtant, lorsque de cette banalité on cherche à rendre compte, tout un univers surgit, surprenant: le vôtre, le nôtre, l'autre. Les textes d'ethnologues, d'historiens, de sociologues, prestigieux ou moins connus, groupés dans Anthropologie de l'espace font apparaître la multiplicité de dimensions de l'habiter, la multiplicité des formes de l'esprit humain. 352 pages; format: 12,3 x 19. Prix: 25 F. Entre Paris et Bacongo Justin-Daniel Gandoulou, université de Paris V Sorbonne. Les" Aventuriers", ces Congolais venus essentiellement du quartier Bacongo de Brazzaville, vous les avez certainement rencontrés, vers Beaubourg, ou vers la place de la République, mais vous n 'y avez remarqué que les rastas aux bonnets verts, jaunes, rouges. Carcomment se souvenirde ces jeunes gentlemen de couleur, d'une élégance si fabuleuse qu 'e//e en est invisible quand ils "sapent" vraiment? écrit Jean Rouch dans sa préface à l'ouvrage. Ce sont des marginaux de l'émigration africaine en France: pas trace chez eux de la recherche d'un horizon économiquement prometteur jusque dans les emplois les moins qualifiés, mais un réel voyage initiatique, des comportements ritualisés, la quête patiente de la gamme de vêtements de luxe qui permet la consécration du retour au pays avec le statut de "Parisien". Ils ne sont qu'une centaine à Paris; c'est leur itinéraire que nous rqconte Justin-Daniel Gandoulou. 224 pages; format: 12,3 x 19. Volume simple, 25 F. Enfants d'immigrés maghrébins Des jeunes d'origine maghrébine réagissent face aux problèmes d'insertion qu'ils rencontrent en prenant l'initiative. Ils inventent des formes d'expression originales dans le théâtre, la danse, la musique, ils interviennent sur le terrain des médias, ils se lancent dans la création d'entreprise. Interviewés ici par deux chercheurs, eux-mêmes d'origine maghrébine, la troupe du théâtre des Flamants à Marseille, le groupe des Rockin' Babouches, les ballets Jazz Art, l'équipe du fast-food California Burg, l'agence IM'média, l'Association nouvelle génération immigrée, et quelques autres, témoignent directement et racontent ce qu'ils vivent, ressentent, souhaitent et proposent... Des immigrés et des villes Rechercher. les conditions d'un meilleur accueil des immigrés dans la ville, reconnaître leur identité propre, la multiplicité des itinéraires individuels et collectifs, penser autrement les relations entre minorités culturelles et culture dominante, répondre à leurs demandes sans concevoir les solutions à leur place ... un certain nombre de municipalités, d'associations travaillant en direction de l'immigration, de groupes de quartiers s'y sont essayé. Logement des célibataires immigrés à Grenoble, Centre culturel islamique à Rennes, enseignement à Paris rue de Vitruve, à Saint-Quentin-en-Yvelines, dans les quartiers Nord de Marseille et ailleurs, sont des expériences parmi d'autres proposées dans cette brochure. Vente en librairie (diffusion Flammarion) et par "Correspondance auprès du service commercial du Centre Georges Pompidou, 75191 Paris Cedex 04. Centre de Création Industrielle ~ Centre Georges Pompidou Du bon usage des différences par o , /. ( . h J , 1 , / l , , /, , ., , ,// . ~--- -- '" ----... - , ... f f RESERVf. "\ ') \ ~ '" '" , 1 1 f)f~ '\ ) " l' '\ ......... '1 1 AU ~ V BLANC / Charles 1--9-- Différences - N ° 32 - Mars /984 41 AIiENDA MARS 6 au jeudi 22, Elisabeth Wiener, et du lundi 26 au jeudi 29, Joao Bosco, chanteur brésilien, au Théâtre du Forum des Halles, niveau 3, 15, rue de l'Equerre d'Argent, 75001 Paris. Tél. : (1) 297.53.47. 0 10. Clôture à la M.J.C. d'Oullins (69600) des journées consacrées à la Guadeloupe, Martinique et Guyane et cotpprenant une exposition de peintures et lithographies et la présentation du court métrage d 'Euzhan Paley, l'Atelier du Diable et du film Mamito de Christian Lara. Un exposé-débat sur les problèmes liés à la diffusion de la culture antillaise animé par Greg Germain, comédien, aura lieu à l'issue de la projection. Rens. M.J.C. La Renaissance, 10, rue Orsel, 69600 Oullins. Tél. : (7) 851.04.24. 0 13 au 27, les Troisièmes journées cinématographiques du Valde- Marne contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples seront consacrées aux cinémas d'Afrique noire. La soirée inaugurale aura lieu le mardi 13, au Théâtre Jean Vilar à Vitry-surSeine. Les projections de films seront suivies de débats et auront lieu dans une douzaine de ville de ce département, en coopération avec le Conseil Général du Valde- Marne, différents Ministères, RFI et les comités locaux du MRAP Rens. Cinéma La Lucarne. M.J.C. du Mont-Mesly - 100, rue Juliette Savar, 94000 Créteil. Tél. : (1) 377.50.56. 0 20. A 21 h, au Théâtre de Sartrouville, rue Louise Michel, Brenda Wooton, avec les chansons de Cornouaille, les 23 et 24, l'humour de Sol, et le 27, Touré Kunda et sa musique afro-beat. Rens. (1) 914.23 .77. 0 23. Jusqu'au 8 avril, au Théâtre des Amandiers, 7, av. PabloPicasso, 92000 Nanterre, Journées de musiques arabes, Il concerts ayant pour objectif de montrer les différents aspects des musiques arabes du Maroc, de l'Algérie, de la Lybie, de la Tunisie et de la Mauritanie. Rens. (1) 72l.18.81. 0 30 au 30 avril, exposition de dessins à l'encre de chine et au fusain d'Henri Guédon sur le thème des musiciens et formations de jazz, et les 30 et 31 mars, deux concerts exceptionnels d'Henri Guédon avec 12 musiciens, standards latin-bee-bop arrangés à la mode Guédon, chansons frottées aux arrangements pour grand orchestre et percussions en délire, au , New Morning, 7/9, rue des PetitesEcuries, 75010 Paris. 0 ET ENCORE DOSSIERS. Après le dossier sur Gandhi et Martin Luther King, publié en 1982, la rédaction de Non-violence politique vient de faire paraître un deuxième dossier sur le thème : Résistances civiles et défense populaire nonviolente. Ce document de cent pages est disponible, au prix , de 30 F (port compris) à Nonviolence politique, 20, rue du Dévidet, 45200 Montargis. Tél. : (38) 93.13 .73. 0 Un nouveau dossier Cinéma et animation Tiers-Monde, entièrement actualisé a été élaboré en 1983 par l'Association des Trois Mondes, le Centre de documentation Tiers-Monde de Paris, la Cimade et l'U.C.J.G. Ce dossier regroupe 140 films en fiches techniques. Chaque fiche donne un résumé, un commentaire et les noms des distributeurs. La diffusion du dossier est assurée par l'Association des Trois Mondes, 63 bis, rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris, au prix de 30 F + frais de port (9,20 F). Tél. : (1) 354.33.38. 0 VOYAGES. Le CEVIED (Centre d'échanges et de voyages internationaux pour études et développement) propose des voyages dans certains pays. Ces voyages sont basés sur le respect dû à la différence. Une rencontre de préparation est prévue avant chaque voyage. Au printemps: Egypte, Tunisie, Algérie, Madagascar, Turquie. En été: Cameroun, Haute-Volta, Sénégal, Brésil, Colombie, Mexique, Nicaragua, Inde (du Nord et du Sud), Thaïlande, Chine. Pour mieux comprendre les réalités agricoles du Tiers-Monde le CEVIED organise des week-ends ruraux en France. Sont prévus: la Chartreuse en marS, le Doubs en avril. Rens. CEVIED (7) 842.95.33. 0 CONCOURS. Le CIFORDOM, Centre d'Information, de Formation, d'Insertion, Rélnser- ' 42 tion, Recherche et Développement pour les Originaires d'Outre-Mer, organise du 17 janvier au 24 mai 1984, un concours de dessins d'enfants sur le thème: Un regard sur l'OutreMer, auprès des classes primaires. Ce concours est réalisé avec , l'accord des Recteurs d'Académie de l'Ile-de-France. Les dessins doivent être d'un format 30 x 40 cm et représenter : la vie quotidienne, la faune, la flore, etc. Le règlement est à demander au CIFORDOM, APV, rue du Languedoc, 91300 Massy. 0 L'Association des Femmes immigrées maghrébines Les yeux ouverts tient des permanences d'informations juridiques et sociales, tous les samedis de 14 à 16 h à la Maison des travailleurs immigrés, 46, rue de Montreuil, 75011 Paris. Tél. : (1) 372.75.85. 0 YIDDISH. Tous les lundis et mardis, de 18 h 30 jusqu'à 20 h 30, cours de Yiddish au M.J.P., 14, rue de Paradis, 75010 Paris. Rens. (1) 272.06.83 M. Librach. C Du 16 au 18 mars, à l'occasion de la Journée internationale contre le racisme du 21 mars. se déroulent à l'UNESCO, place de Fontenoy, Paris 7e, les Assises nationales sur le thème : « Vivre ensemble avec nos différences ». Le samedi après-midi et le dimanche matin seront consacrés à des forums de réflexion : habitat et conditions de vie, école et éducation, entreprise- tra vail-chômage-formation professionnelle, rôle des medias, histoires et cultures, participation à la vie politique et droits civiques. La clôture le dimanche après-midi mettra en place un certain nombre d'initiatives à envisager dans toute l'année 84 jusqu'à la Journée internationale des droits de l'Homme, le 10 décembre. Rens. Comité de préparation des Assises, 89, rue Agenda préparé par _ Oberkampf - 7050 11 Paris, Tél. : Danièle SIMON L-(1_) 80_6_.8_8_.0_0. _____ -----' BILLET D'ALGER Port d'Alger, 3 janvier 1984, huit heures du matin: je m'étais imaginé, j'avais rêvé ..• enfin peut-être ... Au lieu d'engins roulants à deux, quatre, six et dix roues, seraient sortis du ventre des gros ferrys blancs des hommes et des femmes, jeunes et vieux, arrivant d'horizons aussi lointains que divers. J 'aurais vu et reconnu des Brestois, qui m'auraient fait examiner un biniou (tiens, mais c'est le mezoued (1) de nos hauts-plateaux) ; des Bruxellois me parlant en arabe marocain, avec l'accent de Scharbeek (2). La belle caravane de joie et d'amitié aurait été là, et moi debout près d'une banderole - où se seraient détachés les mots « La Paix maintenant» et « O.L.P. » - leur montrant au loin, Riadh-el-Feth (3), symbole de la reconnaissance de notre peuple à la paix chèrement retrouvée ... Mais non, ce fut tout autre chose ... des « trials» 550 gonflés à 750 cm J, des « lands », des camions semi-remorques, des milliers de litres d'essence, des tonnes de bouffe plastifiée acheminée à chaque jour-étape par avion. Dans cette caravane, on parlait « sponsor », budget... et puis tout se passa très vite, « on » partit à l'assaut du désert ... Et moi, qui attendais d'autres hommes, d'autres machines, d'autres sponsors et surtout d'autres mots (autre chose que: « C'est peut-être leur seule distraction de l 'année et ils aiment visiblement Paris-Dakar »). Enfin, que la paix soft quand même avec vous, M. Sabine et les autres! Le Rallye-caravane est passé et nos chiens n'ont pas aboyé! (1) Mezoued : cornemuse des hauts-plateaux algériens. (2) Scharbeek : le Barbès Bruxellois. HAMID (3) Riadh el Feth : tombeau du martyr algérien, érigé sur les hauteurs d'Alger. PARIS 6e - 54, rue Bonaparte PARIS 16e - 23, Av. Victor Hugo ENGHIEN - 24, rue Charles de Gaulle MONTPELLIER - Il, rue de l'Argenterie LYON - 15, cours Villon BORDEA UX - 54 bis. rue Port~ Dijeaux TOURS - 8, rue des Hal/es Différences - N ° 32 - Mars 1984 boutiques 43 BRUXELLES - 227, GalerieLouise GENEVE - 13, rue de Rive MONTREAL - 2070 CRESCENT HOUSTON - 5360 WESTHEIMER NEW YORK - 711, Madison Avenue at 63 RD Street LUXEMBOURG - 20, Place d'Armes - -- - - • en vente chez votre spécialiste pour enfants -

Notes

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