Différences n°24 25 - juin juillet 1983

De Archives
Révision datée du 1 mars 2012 à 10:20 par Pantchovilla (discussion | contributions) (Remplacement du texte — « </div> » par « </div>{{Notes de bas de page}} »)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à la navigation Aller à la recherche

Sommaire du numéro

n°24-25 de juin juillet 1983

  • Edito: cet homme là par Albert Levy
  • Sectes contre tribus: aux amériques certains missionnaires prennent part à l'oppression des indiens par Robert Pac [U.S.A.]
  • Quelle résistance? Les chois de "résistance internationale", une nouvelle organisation de défense des droits de l'homme par A. B.
  • Les faux carnets de Papon par Jean Roccia
  • L'accent pourquoi parle-t-on pointu ou chanté par Louis-Jean Calvet
  • Le désert des barbares. Au cœur du Sahara, les plus grossiers ne sont pas ceux qu'on croit par Jacques Levy
  • Le tourisme cul(turel): en Asie la découverte culturelle a parfois bon dos par Yveline Levy-Piarroux.
  • Les Antilles en technicolor: comment présenter les îles au touriste par Bernard Elissalde.
  • Fugues en Ré: en vacances on n'oublie pas les différences sur les plages de l'île de Ré par J.M. Ollé
  • Vivre au Caire: dans les poubelles de la ville vit tout un peuple par Florence Joalland
  • Éclaircir l'image: concours de dessins MRAP-RFI-Différences par Claude Font
  • Cannes: suites; les films qui vous attendent à la rentrée par J.P. Garcia
  • U.S. Dreyfus: Charles Palant se souvient des Rosenberg
  • Classe contre classe: de l'existence d'un racisme social. P. Bourdieu, C. Candiani, F. Mallet-Joris, J. Pihan. Débat préparé par Dolorés Aloïa
  • Ma parole à Lamine Konté, par Julien Boaz
  • Freud et Moïse propos de R. Dadoun recueillis par J.J. Pikon

Numéro au format PDF

Cliquez sur l'image ci-dessous pour avoir accès au document numérisé. Cliquez ensuite sur l'onglet "précédent" de votre navigateur pour revenir à cette page.

Voir-pdf.jpg

Texte brut

Le texte brut de ce document numérisé a été caché mais il est encore visible dans le code source de cette page. Ce texte ne sert qu'à faire des recherches avec la fonction "rechercher" dans la colonne de gauche. Si une recherche vous a amené sur cette page, nous vous conseillons de vous reporter ci-dessus au document numérisé pour en voir le contenu.

............................ LA DÉCOUVERTE Amériques Bartolomé de Las Casas Très brève relation de la destruction des Indes 1552 Fray Bernardino de Sahagun Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne /529-/590 Christophe Colomb La découverte de l'Amérique 1492-/504 Hernan Cortès La conquête du Mexique /5/9-/52/ Inca Garcilaso de la Vega Commentaires royaux sur le Pérou des Incas /597-1604 Charles-Marie de la Condamine Voyage sur l'Amazone 1743-1745 Joseph-François Lafitau Moeurs des sauvages américains comparées aux moeurs des premiers temps Ludovico Antonio Muratori Relation des missions du Paraguay XVI/' et XVIIIe siècle André Thévet Les singularités d~ la France antarctique le Brésil des cannibales au XVIe siècle. Flora Tristan Pérégrinations d'une paria Voyage au Pérou en /833 Juan Perez Jolote Tzotzil La vie d'un Indien mexicain. XXe siècle. Louis-Sébastien Mercier Le tableau de Paris ... à la veille de la Révolution de /789 Hérodote Histoires ve siècle avant J.-c. Homère L'Odyssée Traduction de P. Jaccottet Denis Diderot Voyage en Hollande 1773-1774 A utour du monde L.A. de Bougainville Voyage autour du monde Sur la frésate La Boudeuse et la flûte l'Etoile. /766-/769 James Cook Relations de voyages autour du monde /768-/799 Jean-François de Lapérouse Voyage autour du monde Sur l'Astrolabe et la Boussole 1785-/788 Charles Darwin Voyage d'un naturaliste autour du monde 1831-1836 La Découverte/Maspero 1, place Paul-Painlevé 75005 Paris Pausanias Description de l'Attique Un itinéraire en Grèce au Ile siècle après J.-c. Flora Tristan Le tour de France Journal /843-/844 Mark Twain Le voyage des innocents /867 Stendhal Promenades dans Rome 181/-/824 Stendhal Mémoires d'un touriste 1837-1838 ~~cid Promenildes d,ns Rmlle Et aussi ... Jean-Henri Fabre Promenades entomologiques /879-/909 René Caillié Voyage à Tombouctou /824-/828 Élisée Reclus l,dM" Marco Polo Le devisement du monde 1271-1295 Ibn Battûta Voyages De l'Afrique du Nord à la Mecque et l'Extrême-Orient 1325-1354 Jean Chardin V oyage de Paris . à Ispahan. 1664-1673 Robert Knox Relation de l'île de Ceylan XVIIe siècle Mary Montagu L'Islam au péril des femmes XVIIIe siècle Jean Thévenot V oyage du Levant Journal 1843-/844 Athanase Nikitine Le voyage au-delà des trois mers 1466-1472 Joseph Pitton de Tournefort Voyage d'un botaniste 1700-1702 Jean-Baptiste Tavernier Les six voyages en Turquie et en Perse 1676-/679 Pierre Teilhard de Chardin Lettres de voyage 1923-1955 Edito §§§§DIFFÉRENCES 0 N° 24/25 0 JUIN/JUILLET 83 • il' . ' \ . " \ . ," , CET HOMMELA Chacu,n de nous est unique. Quel que soit notre interlocuteur, il est donc différent. Mais il est aussi, par bien des aspects, notre semblable. Pourquoi, sans même le connaître, passons-nous parfois sur sa différence, pour, dans d'autres cas, lui en faire grief? La distance géographique ne sùffit pas à l'expliquer. La teinte de la peau est une distinction visible, mais superficielle. La diversité' des civilisations peut exciter la curiosité, pas forcément la haine. En fait, ce sont les vicissitudes de l'Histoire et de la vie sociale qui conduisent les groupes humains à s'affronter. Nations, ethnies, religions, majorités et minorités se voient alors affublées d'un masque horrible ou méprisable, qui abolit toute possibilité de communication confiante et justifie les comportements les plus inhumains. Quand s'exerce ainsi le racisme, l'Autre n'est pas perçu en tant qu'individu, avec se~ qualités et ses défauts particuliers, mais en fonction de son appartenance au groupe honni et de la vision falsifiée qu'on en a ... « Toi, tu n'es pas comme eux» : c'est, à l'inverse, la réflexion classique de celui qui connaît personnellement un membre de l'autre groupe et découvre qu'il n'est pas la reproduction stéréotypée de l'image généralement admise, mais un être humain à part entière. Au fil du temps, la tradition, des idéologues, des organismes politiques s'emploient, délibérément ou non, à maintenir les barrières. Les discriminations concrètes, les violences contribuent plus encore à perpétuer la division, rendant aléatoires les rencontres entre des gens voués à s'opposer et à se méconnaître. Quand le racisme s'institutionnalise, comme en Afrique du Sud, la législation a pour objectif essentiel d'empêcher les contacts ordinaires de la vie. Ségrégation totale dans l'habitat, à l'école et au travail, dans les trains ou dans les stades,. interdiction des rapports sexuels et des échanges les plus normaux. L'amour, l'amitié entre Noirs et Blancs représentent la pire subversion. Le refus d'un tel système a encore coûté la vie, récemment, à trois militants de l'A.N.C., le mouvement de libération, qui veut supprimer les injustices séculaires et prône « une société multiraciale où chacun aura les mêmes droits ». Mais la domination d'un groupe sur l'autre exige que nul lien ne se tisse entre eux. Face à l'apartheid meurtrier qui déchire ce pays, l'attitude de ceux qui font l'opinion en France - passifs jusqu'à la veille du crime, et revenus le lendemain à leur lourd silence - ne laisse pas d'être inquiétante. Sans doute reste-t-il énormément à faire pour vaincre le mythe de la solidarité « raciale» et nous libérer des tabous d'un autre âge. Là-bas, bien sûr, mais également ici. Parce que, plus que jamais, nous connaissons le rejet ~: -irrationnel de l'Autre jugé coupable, menaçant, à raison de ses seules origines. Parce que, si quiconc. que est en droit de s'affirmer différent à condition d'être« bien de chez nous », la différence globale attribuée aux immigrés les dépouille de toute personnalité individuelle: on les situe en dehors de l'humanité commune. Que sert même de se déplacer, si l'on demeure verrouillé dans une carapace de préjugés? L'occasion nous est pourtant donnée par les vacances de la briser. Le racisme, a-t-on pu noter, commence lorsqu'on dit: « Ces gens-là ... » Sachons rencontrer et comprendre cet homme-là, cette femme-là, notre prochain sans pareil, avec son identité complète et véritable. Albert LEVY 3 Voyagez sans devises avec Différences Pour tout abonnement d'un an, Différences offre l'un de ces ouvrages (dalls la limite des stocks disponibles) : (1) L.A. de Bougainville: Voyage autour du monde (2) Hernan Cortès : La conquête du Mexique (3) Denis Diderot: Voyage en Hollande (4) J.F. de Lapérouse : Voyage autour du monde (5) Bartolomé de Las Casas : Relation de la destruction des Indes 1 1 1 i 1 'i -_ ( Je m'abonne à Différences, le mensuel qui transporte. Je désire rec~voir l'ouvrage numéro ... S'il n'est plus disponible, je choisis dans l'ordre les numéros ......... . D 150 F (1 an) D 80 F (6 mois) D 200 F (soutien) NOM ............ . ....................................... Prénom ................... . Adresse Code postal ................. Commune .............................................. . Profession ........................................................................... . Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à: Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS.

  • Abonnement 1 an : étranger: 180 F ; chômeur et étudiant: 130 F.

4 DIFFÉRENCES D N° 24/25 D'JUIN/JUILLET 83 POINT CHAUD 6 SECTES CONTRE . TRIBUS Comment s'y prennent les sectes des trois Amériques pour casser du PeauRouge. Robert PAC ACTUALITE 10 QUELLE , RESISTANCE? Les choix de « Résistance Internationale », une nouvelle organisation de défense des droits de l'homme. A.B. ACTUALITE 13 LES FAUX CARNETS DE PAPON Différences aussi a voulu avoir son « faux ». Mais hélas, les faits sont vrais. Jean ROCCIA EXPLIQUEZ-MOI 14 L'ACCENT Pourquoi parle-t-on pointu, ou chanté. Louis-Jean CALVET NOTRE TEMPS 16 LE DESERT DES BARBARES Au coeur du Sahara, les plus grossiers ne sont pas ceux qu'on croit. Jacques LEVY NOTRE TEMPS 18 LE TOURISME CUL(TUREL) En Asie, la découverte culturelle a parfois bon dos. Yveline LEVY -PIARROUX NOTRE TEMPS 20 LES ANTILLES EN TECHNICOLOR Comment présenter les Iles au touriste. Bernard ELISSALDE REGIONALE 22 FUGUES EN RE En vacances, on n'oublie pas les différences sur les plages de l'Ile de Ré. Jean-Michel OLLÉ CONNAITRE 26 VIVRE AU CAIRE Dans les poubelles de la ville, vit tout un peuple. REFLEXION Florence JOALLAND 34 ECLAIRCIR L'IMAGE Claude Font, responsable national du S.N.E.S. et membre du jury du concours de dessins MRAP-RFIDIFFÉRENCES, fait le point. CULTURE 36 CANNES (SUITES) Les films qui nous attendent à la rentrée. Jean-Pierre GARCIA HISTOIRE 41 U .S. DREYFUS Trente ans après leur exécution, Charles PALANT se-souvient des Rosenberg. EN DEBAT 44 CLASSE CONTRE CLASSE? De l'existence d'un racisme social.Pierre BOURDIEU Clara CANDIANI Françoise MALLET-JORIS Abbé Jean PIHAN Débat préparé par Dolorès ALOÏA DIFFERENCES, magazine mensuel créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences, 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. : 806.88.33. Abonnement: 1 an : 150 F ; 1 an à l'étranger: 180 F ; 6 mois: 80 F ; étudiants et chômeurs: 1 ans 130 F ; 6 mois: 70 F (joindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien: 100 F ; abonnement d'honneur: 1 000 F. Vente à l'étranger: Algérie 14 dinars, Belgique 140 FB, Canada 3 dollars. Directeur de la publication: -Albert LEV~ - Secrétariat de rédaction et maquettes: Véronique MORTAIGNE - Service photos: Abdelhak SENNA. Rédacteur en chef: Jean-Michel OLLE. Administration-comptabilité: Khaled DERBAH. Ont participé à ce numéro: Dolorès ALOÏA, A.B., Julien BOAZ, Louis·Jean CALVET, Daniel CHAPUT, Christiane DANCIE, Bernard ELISSALDE, Claude FERRAN, Claude FONT, Jean-Pierre GARCIA, Catherine HELBERT, Claude JALLET, Florence JOALLAND, Jacques LEVY, Yveline LEVY -PIARROUX, Rohert P AC, Charles PALANT, Jean-Jacques PIKON, Jean ROCCIA, Yves THORAVAL. Secrétariat: Danièle SIMON - Promotion-Vente: Marie-Jeanne SALMON - Publicité: Différences - Photocomposition-Photogravure: PPC: 805.97.36. -Imprimerie: Marchés de France, 366.44.86 - Diffusion: N.M.P.P. - Numéro de commissioo paritaire: 63.634 - ISSN : 0247-9095. 5 Point chaud §§§§§§§§§§§§§§§§§ DIFFÉRENCES 0 N° 24/25 0 JUIN/JUILLET 83 L ,EGLISE des mormons ( Eglise de J ésus-Christ des saints des derniers jours »), qui compte 3 millions et demi d'adeptes dans le monde, dont 10 000 en France, est une importante force financière et politique aux EtatsUnis. Les mormons sont créateurs de l'Etat de l'Utah dont ils constituent 75 070 de la 3 population. L'Eglise est très ~ riche. Ses seuls revenus:;; annuels produits par les 10 % ~ que chacun de ses membres ~ doit lui verser sur ses revenus :. sont évalués à 100 milliards d'anciens francs. Elle a encore d'énormes capitaux investis dans de nombreuses entreprises financières et industrielles dont le rapport est à prendre en considération. Charbon, uranium et religion L'Eglise mormonne est Mormons à Salt Lake City nium au prix de la déportation de 10 000 Navajos. L'actualité dramatique du Guatemala a fait connaître au monde entier l'Eglise du Verbe divin, une secte californienne dont est membre Efrain Rios Montt, le « président ». Cette secte est sérieusement infiltrée par la C.I.A. février 1981 avoir été un indicateur somoziste, les moraves, exploitant certaines erreurs politiques et culturelles des sandinistes à l'égard des Indiens, ont entraîné avec eux 10 000 Miskitos au Honduras. Plusieurs centaines de Miskitos s'enrôlaient dans les lorsque la C.I.A. n'a plus eu besoin d'eux. Nous souhaitons que les Miskitos ne subissent pas le même sort. » Depuis près de cinq siècles, à cause de la rage d'évangélisation des colonisateurs espagnols et portugais et de ceux qui leur ont succédé, les Indiens des trois Amériques ont vu déferler sur leur sol les jésuites, les franciscains, les· salésiens, les moraves, les mormons, les adventistes ... et nombre d'autres sectes dont la liste n'est jamais complète. Bien que les premiers jésuites soient arrivés en Amérique du Sud en 1550, ils ne commencèrent leurs explorations de la Haute Amazonie qu'à partir de 1615. En 1683, ils se partagèrent avec les franciscains les zones à évangéliser. Leur mission était d'enlever les Indiens de leurs petits villages dispersés dans la forêt et de les concentrer dans des est considérée comme l'expression des sentiments religieux de l'Eglise baptiste du Sud. « Contrairement aux autres sectes missionnaires, le W.B.T. / S.LL. considère que sa tâche première est de traduire la Bible dans toutes les langues du monde.» « La traduction est confiée au W.B.T, qui est également chargé de réunir les fonds aux Etats-Unis, pendant que le S.I.L. mène actuellement le travail missionnaire. » Unde Cam Depuis 1934, année de sa création par William Cameron Townsend (connu aussi sous le nom de Uncle Cam), son action évangéliste s'est développée et étendue de façon étonnante. Le W.B.T / S.LL. s'est répandu sur toute la planète. Arcand 3 cite le cas des Indiens Cuiva de Colombie chez lesquels les missionnaires du S.I.L. ont introduit la notion de profit et de capital à partir des cultures, ce qui a amené un désintérêt des Indiens pour la chasse. On a constaté alors une rapide diminution très dommageable de la valeur protéique de leur régime alimentaire. « A long terme, on risque la destruction complète de l'économie cuiva, avec toutes les conséquences que cela implique pour les relations sociales. traditionnelles et leur remplacement par une économie privée fondée sur l'individualisme et menant inéluctablement vers l'exploitation. » Ainsi que le dit Vicente Mariqueo Q., le W.B.T. / S.I.L. apparaît souvent dans des régions renfermant de grandes ressources naturelles . Ses membres servent sou- CONTR E TRIBUS parmi les organisations qui se SEC TES chargent de l'éducation des • enfants indiens aux Etats- Unis. Ces enfants, on les . enlève à leurs familles sous prétexte de programmes d'assistance sociale. Ils sont pris en charge en dehors des réserves par des familles et des internats «blancs» qui les placent dans un environnement culturel non indien dans l'espoir de leur faire perdre • leur identité propré. Aux Etats-Unis, ce système offre aussi l'avantage de fournir au . Bureau des affaires indiennes (B.LA.) nombre de ses fonctionnaires indiens tout dévoués, en particulier ces présidents de Conseils tribaux tant honnis par les Indiens. C'est du plus grand intérêt pour les mormons qui, avec les compagnies Boyden et Peabody, exploitent les mines de charbon à. ciel ouvert de Black Mesa, dans la réserve Navajo, proche de Salt Lake City, et qui, grâce à la complicité du B.LA. et de ses présidents de Conseils tribaux circonvenus, sont à la base de l'affaire de Big Mountain, la montagne sacrée des Indiens, où la Peabody a décroché la concession d'un fabuleux filon d'ura- A~x Amériques, certains « missionnaires» prennent part à l'oppression des Indiens. RIOS Montt répète souvent groupes armés somozistes qui qu'il n'a été porté au pouvoir mènent des actions meurtrièni par des élections ni par les res sur le territoire nicaraarmes, mais par la volonté de guayen à partir du Honduras Dieu. Cet assassin, imposé où ils sont équipés et entraîpar une armée de barbares, nés par des «conseillers» « réductions» sur la rive des affluents de l'Amazone, afin de faciliter leur cathéchisation et les tenir à l'écart des « colons» agriculteurs qui s'installaient dans leur région. essaie ainsi de manipuler les américains. sentiments d'une partie de la population. En même temps, il massacre, torture, réprime, terrorise. Les Indiens sont les principales victimes de ce tyran, car, pour la première fois dans l'histoire de l'Amérique latine, ils participent de façon déterminante aux luttes révolutionnaires au Guatemala. Une fraction de la population indienne est contrainte à la conversion sous la menace. L'entreprise actuellement menée par les Etats-Unis pour déstabiliser le jeune gouvernement sandiniste du Nicaragua a mis en évidence le rôle joué dans ce processus par la secte des Frères Moraves. Avec à leur tête le pasteur Steadman Fagoth, qui a reconnu en 6 Anti -sandinistes La délégation de l'International Indian Treaty Council des Etats-Unis,.durant la 38e session de la Commission des Droits de l'Homme des Nations unies à Genève en mars 1982, déclarait: « .. . Notre principale préoccupation concerne les Miskitos qui ont été manipulés et qui sont maintenant utilisés par lei forces antisandinistes. Nous gardons le souvenir de minorités qui ont été utilisées par la C.I.A. au Laos et au Vietnam et qui ont été ensuite proscrites par leur propre peuple Les sectes d'aujourd'hui s'attachent toujours à cette mission, à cette différence près que maintenant les « colons » ont été remplacés par les grandes sociétés multinationales minières et pétrolières qui sucent les « veines ouvertes de l'Amérique latine» . En Amérique centrale et du Sud, la secte la plus connue par son action ethnocidaire est la Wycliffe Bible Translator (W.B.T.) / Summer Institu~ e of Linguistic (S.LL.) (ahas Instituto linguistico de Verano) qui est la société missionnaire protestante la plus importante par le nombre de ses membres envoyés hors des frontières des Etats-Unis. Elle « L'expansion et le succès du W.B.T. / S.LL. sont sans aucun doute le résultat de son habileté à jouer de sa double identité. D'une part, l'aspect missionnaire du W.B.T. qui lui ouvre bien des portes ... et des financements; de l'autre, le S.LL. qui cultive son image scientifique. » Les membres du W.B.T. / S.LL. sont des citoyens blancs des Etats-Unis qui sont formés à l'International Linguistic Center du S.LL. à Dallas, affilié à l'université du Texas à Arlington. Les missionnaires s'attachent à détruire les structures sociales et économiques des communautés indiennes en leur faisant substituer des cultures individuelles aux cultures collectives traditionnelles ou en supprimant le partage égal des produits des cultures, quelle que soit la production de chaque individu. Bernaf(~ vent d'interprètes officiels des gouvernements auprès des populations indigènes lors de la mise en oeuvre de leurs programmes éducationnels ou économiques fondés sur l'assimilation de ces populations ou leur éviction au profit des non-Indiens. Au Mexique, en 1961, le président Adolfo Lopez Mateos déclara au W.B.T. / S.LL. : « Votre travail a permis à mon gouvernement d'obtenir des succès très importants et il continuera à soutenir votre tâche. » «Toujours au Mexique, dans les années 40 et 50, les missionnaires ont persuadé les Indiens ChoIes et Tzeltales de ne pas lutter pour obtenir de plus grands «ejidos » et de ne pas se joindre au profond mouvement d'opposition qui se levait dans le milieu rural mexicain contre les mesures agraires conservatrices du gouvernement et sa 7 politique économique. De même, lorsque les instituteurs et les travailleurs des plantations de café dans le Chamula tentèrent de protester contre les méthodes des patrons et la corruption politique, le S.I.L. s'employa à les convaincre que de telles initiatives n'étaient pas justifiées et qu'elles étaient de toute manière sans espoir. » Services de renseignements Reste le caractère des liens du W.B.L/S.LL. avec les gouvernements des Etats capitalistes. Dans le contexte latino-américain, il s'agit de sa collaboration avec l'impérialisme des Etats-Unis. Le ~ .LL. y est considéré comme étant en permanence en quête d'informations politiques et militaires au profit des compagnies multinationales. « Il y a une incontestable affinité idéologique entre le S.LL. et l'impérialisme des Etats-Unis. L'anti-communisme des missionnaires est indéniable. L'indentification de Satan avec le communisme et de Dieu avec l'Amérique rend les idéologies politiques et religieuses inséparables, ainsi que cela a été montré clairment durant la guerre du Vietnam, lorsque le S.LL. a intensifié son action parmi divers groupes ethniques au Vietnam et au Cambodge. » Cette évidente correspondance d'intérêt entre le W.B.L/S.LL. et les EtatsUnis ne permet cependant pas de conclure à une association, mais il est certain que le S.I.L. a fait de l'espionnage. Dans quelle mesure est-ce au profit de la C.I .A. et des Etats-Unis? On ne peut le savoir exactement. Ce dont on est sûr, c'est que le S.LL. a aidé les armées des pays latino-américains en leur fournissant des renseignements, des relevés topographiques et des pistes d'atterrissage dans des régions pratiquement inexplorées. On sait aujourd'hui avec certitude que c'est une mission du S.LL. qui a dépisté Che Guevarra en Bolivie et qui a donné au gouvernement bolivien les renseignements grâce auxquels il put liquider le « Che» et les guérillas. C'est aussi le S.LL. qui a fourni au gouvernement colombien les photos aériennes qui lui ont permis de localiser Dumar Aljure, le chef des guérilleros dans les « Llanos », les plaines de l'Est colombien. Aujourd'hui, le W.B.T.I S.LL. s'attaque à la langue et à la culture des Indiens Mapuche du Chili, déjà menacés par les plans d'anéantissement de Pinochet. Ce projet a été scellé par un accord de quatre am signé entre le S.I.L. et le Bureau de coordination technique du Chili. En signant cet accord avec le coordinateur technique du S.I.L., le recteur de l'université de la Frontière a déclaré: « Nous avons l'espoir fondamental que le travail des académiciens des deux institutions nous mènera à des réalisations d'une importance significative, non seulement pour avoir une meilleure compréhension de l'esprit araucanien, mais aussi pour faciliter la dissémination de son langage et assurer son intégration complète dans les tâches régionales et nationales qui font partie, je le répète, d'un objectif important de notre gouvernement, et le S.I.L. a assumé la responsabilité d'interpréter et de collaborer avec ces tâches d'une manière fidèle. » Les Indiens mènent une lutte persévérante contre le W.B.T.lS.LL., ·et ils trouvent parfois paradoxalement des alliés en la personne des gouvernements qui cherchent toujours à les faire disparaître, mais dont les intérêts ne coïncident pas toujours avec ceux des grandes compagnies multinationales américaines. C'es le cas des Yaneshas au Pérou, des Shvars en Equateur, etc. Ces premières victoires sont importantes pour tous les Indiens du continent américain et vont favoriser leurs luttes contre toutes les tentatives impérialistes qui visent à leur destruction physique et culturelle. Robert PAC Le Mois TÊTE DE KURDES Trente-cinq membres présumés du parti des travailleurs kurdes (P.K.K.) condamnés à mort par la cour martiale de Diyarbakir, dans le sud-est de la Turquie. La cour juge depuis avril 1981 quelque 572 membres du P .K.K. dans un de ces procès de masse dont la Turquie offre le spectacle depuis le coup d'Etat militaire du général Evren en 1980. (24 mai). LES CARNETS DU FÜHRER Au terme de deux ans et demi d'enquête, des Mémoires d'outre-bunker, « signées Hitler », sont découvertes en Allemagne de l'Est par Gerd Heideman, journaliste du Stern, sous la forme d'une soixantaine de cahiers. (25 avril). Trois journaux se portent acquéreurs des droits de reproduction de ces carnets le Sunday Times (exclusivité pour les pays du Commonwealth), Paris-Match (pour la France et l'hebdomadaire Panorama pour l'Italie. (26 avril). Stern commence la publication des textes de ce qu'il affirme être le journal d'Adolf Hitler. Dans un communiqué, Stern ajoute que «ses rédacteurs en chef, directeurs de la publication et éditeurs estiment superflues toutes les discussions » . (4 mai). Franz Josef Strauss (C.S.U.) adjure le magazine de suspendre la publication des « carnets » pour ne pas « donner une mauvaise image de l'Allemagne à l'étranger ». (5 mai). « L'affaire» prend une dimension policière et judiciaire, deux rédacteurs en chef du magazine Stern démissionnent et la direction du journal porte plainte contre son reporter, Gerd Heidemann, pour « escroquerie ». (9 mai). Le journaliste déchu du Stern , Gerd Heidemann, donne une conférence de presse et précise que «les faux carnets de Hitler proviennent des milieux d'extrême-droite R.F.A. ». (10 mai). en . mes contré l'humanité entre 1941 et 1944, Heinz Barth, ancien lieutenant SS dans la division Das Reich, comparaît devant la chambre criminelle de Berlin-Est. (25 mai). Deux cents journalistes du magazine ouest-allemand occupent les locaux du journal et demandent la démission du directeur et du président de la maison d'édition qui publie Stern pour leur «lourde responsabilité» dans l'affaire des faux carnets . (16 mai). terreur du régime en Afrique du Sud et en Namibie». (20 mai). 14 chasseurs-bombardiers sud-africains Impala III décollent de leur base au nord du Transvall. Objectif: Le calme revient peu à peu au magazine Stern, la fronde des rédacteurs s'achève sur un compromis et le magazine allemand amorce le récit de la falsification. (19 mai). PAIX DE PAPIER La Knesset (Parlement israélien) approuve par 57 voix contre 6 et 45 abstentions l'accord sur le retrait des forces étrangères du Sud-Liban. (16 mai). Le Parlement libanais adopte à l'unanimité de ses 80 membres l'accord sur le retrait des forces israéliennes. (16 mai). Ce texte de 12 articles, mis au point à l' issue de 37 rencontres et de 138 jours de négociations, est signé successivement à Khalde (Liban) et à Kiryat-Chmona (Israël) ; il stipule la fin de l'état de guerre entre les deux pays, l'engagement conj oint à régler les litiges par voie pacifique, le retrait des forces israéliennes dans un délai de huit à douze semaines. Depuis, quotidiennement, des attentats ont lieu contre les forces israéliennes d'occupation. PHILADELPHIE Wilson Goode remporte les primaires démocrates pour la mairie de la quatrième ville des Etats-Unis. Ce qui lui donne toutes les chances de rejoindre, en novembre prochain, la liste des quinze maires noirs de villes de plus-de 100 000 habitants. CRIMES CONTRE L'HUMANITE Accusé d'avoir commis en Tchécoslovaquie et en France, notamment à Oradour-sur-Glane, des cri- 8 Le tribunal correctionnel de Marseille se déclare incompétent, pour juger l'ex-C.R.S. Paul Taillefer qui a tué, le 1'8 octobre 1980 un jeune Maghrébin de dix-sept ans au cours d'un contrôle d'identité . (17 mai). J'ACCUSE Le conseil municipal de Pretoria, tenu par les représentants du parti gouvernemental, décide par 23 voix contre 7, d'interdire l'entrée de 17 jardins publics. aux Noirs, à l'exception des employés municipaux chargés de l' entretien des parcs et des « nounous» noires accompagnées des enfants de leurs maîtres blancs. (29 avril). Une voiture bourrée d'explosifs explose · dans Chur ch Street, l'artère centrale de la capitale à proximité du Q.G. de l'armée de l'air: 18 morts et 217 blessés. L'attentat, revendiqué par l'A.N.C., constitue une « évolution de sa stratégie ... contre des installations militaries, partie intégrante de l'appareil de répression et de Maputo, la capitale mozambicaine située à quelques minutes de jet; bilan: 6 morts et 30 blessés mozambicains. (22 mai). Un débat s'ouvre au Conseil de Sécurité sur l'indépendance de la Namibie à New York à la demande du groupe africain. Sam Nujoma, le leader de la S.W.A.P.O. accuse les EtatsUnis d'avoir encouragé «l'attitude offensive» de Pretoria. AH ! ÇA IRA, ÇA IRA! De violents incidents opposent de jeunes manifestants aux forces de l'ordre à Londonderry et à Belfa:st, à l'occasion du deuxième anniversaire de la mort de Bobby Sands, premier des dix militants de l'IRA à avoir succombé aux grèves de la faim entreprises entre mai et octobre 1981 par les détenus de Long Kesh en riposte à la suppression de leur statut de prisonnier politique. (5 mai). IMMIGRES, A VOS RAQUETTES ! N OAH, t'es le plus beau ». D'immenses panneaux sur les murs de Paris, avec cette ~ phrase à côté d'une photo du champion en actwn, tresses rastas au vent. 1: 'imaginaire f rançais se modifie ces temps-ci. On ne tarIt plus sur la grâce féline de Noah, Toko, Touré ... Mem,e le !rès réservé Monde parlait d'une demi-finale troplcale a Roland-Garros, et il ne décrivait pas que la chaleur. La France découvre deux choses en ce moment il est vra~ d'importance inégale: c'est qu'actuelleme~t ses mellleurs athlètes sont d'origine étrangère, comme beaucoup d 'autres avant eux. Et que la France de demain sera plurielle. C'est une idée qui progresse. La peur qu'elle provoque aussi, d'ailleurs. Une proposition pour accélérer les choses: que tous les manoeuvres immigrés troquent leur pelle pour une raquette. Que les O.S. se mettent au foot Les immigrés-qui-volent-Ie-pain-des-Fra~çais deviendro~ t alo,:s d'authentiques champions-français-d'origine- etrangere. Allez les pas-blancs, tous en short, vous serez les plus beaux ! Nathalie Phan-Than, Tarik Benhabilès, Yannick Noah: deux espoirs et une vedetle Ju tennis français. Tous trois d'origine étrangère. ETUDIANTS ... DlANTS DlANTS Quelques milliers d'étudiants en droit, sciences économiques et médecine, organisent une grande manifestation contre le projet de loi Savary, de la Sorbonne aux Invalides. L'extrême droite déborde, dépave et scande : « C.R. S. -gauchistes-occupezvous des bougnoules! ». (30 avril). Dans un communiqué, le MRAP condamne vivemènt ces manifestations de racisme : « Nous ne pouvons tolérer ces tentatives de semer la confusion, la discrimination et la haine, tandis que se multiplient des violences dangereuses pour la démocratie. » LES IMMIGRE~ DE L'INTERIEUR M. Raymond Courrière, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale chargé des Rapatriés, demande aux commissaires de la République réunis au ministère de l'Intérieur d'accorder une attention « prioritaire» aux problèmes que continuent de connaître les Français musulmans rapatriés d' Alg,érie et leurs enfants. Il est vrai que le sentiment d'injustice et de désespoir habite généralement cette population «nantie» d'un véritable statut de citoyens de deuxième catégorie. (10 mai). LE MRAP EST « STIPENDIE» PAR MOSCOU C'est ce que pense et écrit Jean-Claude Goudeau, directeur de l'hebdomadaire Minute. Les esprits de la droite bienpensante peuvent faire valoir qu'il s'agit là d'une qualification objective qui n'a rien d'injurieux ni de diffamatoire. Pour le MRAP, il y a diffamation. Alors, on met en marche l'appareil judiciaire qui, par l'organe des magistrats composants la 17e Chambre correctionnelle de Paris, a déclaré le 28 avril dernier Goudeau coupable de diffamation. La condamnation est malgré tout faible : 1 200 F d'amende. Notre association obtient 3 000 F et la publication du jugement dans deux journaux au choix. '9 JUSTICE . Marc Fredriksen, pris en sa qualité de journaliste, et Domino, en tant que responsable de la publication de l'organe de l'ex-FANE Notre Europe, ont, sur poursuite du Parquet et constitutions de parties civiles du MRAP et de la LICRA, été traduits devant la 17e Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris. Le 25 mai, les magistrats ont relaxé Fredriksen du chef des poursuites. Domino a par contre été condamné pour diffamation à quatre mois de pfison avec sursis, 4 000 F d'amende, 6 000-F à payer au MRAP, et publication du jugement dans deux journaux. BRIS DE VITRES Attentats contre le siège du comité local du MRAP de Mantes-la-Jolie, place HenriDunant. Des vitres sont cassées, des croix celtiques sont inscrites sur les murs en guise de signature. Cet attentat fait suite à la campagne menée par le Front national auquel la municipalité vient de refuser une salle pour organiser un meeting. (13 mai). APPEL Au lendemain de l'Assemblée Générale du MRAP des 4 et 5 juin, centrée sur l'analyse des données actuelles du racisme et l'adaptation des structures du Mouvement à la nature de son aàion, une conférence de presse est donnée, au cours de laquelle Albert Lévy: - dénonce la banalisation de la xénophobie dont la campagne électorale a été le tremplin, et l'insuffisance des moyens mobilisés par le gouvernement en réponse à cette offensive raciste ; - appelle à une large mobilisation des forces antiracistes afin de faire reculer les préjugés et la haine et de répliquer sans faiblesse aux attaques racistes. Malgré l'appel lancé en présence de Néo Mnunzana représentant l'A.N.C. à Pari~ pour sauver les militants antiracistes sud-africains, Simon Thelle Mogoerane, Marcus Thalo Motaung et Jerry Semano Mosololi, condamnés à la pendaison le jeudi 9 juin, pour avoir lutté contre l'oppression du régime d'apartheid, sont exécutés (9 juin). UDITEURS des A radios nationales,' télespectateurs, lecteurs de la grande presse, saviez-vous que vous n'étiez que d'innocentes victimes d'un énorme complot visant à vous préparer insidieusement à accepter sans résistance le totalitarisme soviétique ? Ridicule, direz-vous? Pourtant c'est bien ce que croient les promoteurs d'une Internationale de la résistance qui s'est créée au mois de mai à Paris. Une telle entreprise aurait seulement prêté à sourire si, parmi les personnalités qui l'ont portée sur les fonts baptismaux, on ne trouvait des hommes et des femmes politiques :onsidérés jusqu'ici comme des gens sérieux, tels : Mmes Simone Veil et MarieMadeleine Fourcade ou M. Bernard Stasi. Selon cette organisation, il y a en Afrique trois pays qu'il faut libérer de toute urgence. Vous allez penser que devrait comparaître dans ce lot au moins l'Afrique du Sud, où 4,5 millions de Blancs dictent leur loi à 25 millions de Noirs, , et la Namibie qui vit depuis trop longtemps sous le joug du colonialisme de Pretoria. Eh bien! Vous n'y êtes pas du tout. ILS SO'NT MORTS 9 juin ::; des églises de Soweto sonnent à la volée. Il est cinq heures trois hommes viennent d'être pendus dans l'enceinte de la prison centrale de Pretoria : Thelle Simon Mogoerane 23 ans, Jerry Semano Mosololi Quelle résistance ?• Une nouvelle internationale est née. Conférence de presse de Résistance Internationale: A. Valladarès, v: Boukovski. S. Veil. Pour l'Internationale de la résistané'e, il s'agit de l'Angola, du Mozambique et... du Cap-Vert. Pourquoi ces trois pays? Parce qu'ils seraient, tout simplement, dominés par Moscou. Sans vergogne, les représentants de l'Union nationale pour la libération totale de l'Angola (UNKA), créée en 1966 en accord avec les troupes d'occupation portugaise, et ceux de la Résistance nationale mozambicaine (RNM), créée de toute pièce par l'Afrique du Sud en 1977, sont venus parler « au nom de leur peuple» et exiger le droit à la liberté. Quant au porte-parole du Cap-Vert, il n'a finalement Jerry Semano, Marcus Thal. 0 Motaung et Thelle Simon Mogoerane. -, 25 ans et Marcus Thabo Motaung 28 ans, reconnus, coupables de «haute trahison )) par la Cour Suprême de Prètoria. « Le régime de Pretoria a commis aujourd'hui à l'aube un meurtre de sang froid », commente le secrétaire général de l'A.N.C. en exil 10 Alfredo Nzo, «l'exemple et le sacrifice de nos camarades sera pour nous un appel à la lutte et ceux qui ont commis ce crime devront rendre des comptes. » La veille, on avait manifesté à Paris à l'appel du M.R .A.P . et de plusieurs organisations. pas osé se présenter, allant même jusqu'à se cacher derrière un pseudonyme. Nous n'avons pas la preuve qu'une telle organisatin a été créée à l'instigation des services secrets américains et sudafricains, mais il ne faut pas être grand clerc en tout cas pour voir quels intérêts elle sert. . A.B. Dans un communiqué le M.R.A.P. déclare: «La gloire des martyrs survivra longtemps à leurs bourreaux » ... « Plus que jamais, la France se doit de cesser toute collaboration nucléaire, économique, technique et scientifique avec l'Afrique du Sud. » Bobby, Francis, Ray, Patsy et les autres -. ~; Pour qu'on n'oublie pas l'été 81, où mouraient l'un après l'autre les militants natiQnalistes irlandais en grève de la faim. M ONDE à part, où les , message s circulent sur des feuilles de papier à cigarette, cachées à l'intérieur même des corps nus. Monde de graffiti, de communications nocturnes, qui élabore une écriture jour après jour pour reconquérir une liberté, un territoire libéré. Ultime expression de l'âme gaélique, celle de l'Oiseau-Roi des temps anciens qui chemine sans jamais trouver de point d'ancrage. ::l La résistance s' organise ~ dans les H. blocks (1), s'érige ;a entre les fouilles de plus en plus fréquentes, les brimades, les visites refusées sans raison, les insultes et les brutalités. Les informations passent de cellule en cellule, criées par levant le local du Sinn Fein, à Falls (West Belfast), sur le mur: « Treize sont partis et n'ont pas été oubliés. Nous en fvons eu dix-huit et Mountbatten ». le judas d'un combat sans sommeil des emmurés de Long Kesh, grévistes de la faim . Les corps convulsés se vident, vomissures, excréments sur les murs. Atroce mécanique de la révolte déclenchée en 1976 à la suite de la suppression du statut politique des prisonnières d'Armagh et de ceux de Long Kesh. Infra-rouge Patsy O'Hara, Joe Mcrionnell, Martin Hurson, Kevin Lynch, Kieran Doherty, Tom Mc Elwee et Micky Devine. Depuis douze ans, l'armée britannique est présente partout en Irlande du Nord. Dans les rues des villes et des villages, elle circule, elle patrouille nuit et jour à pied, en blindés. Les quartiers catholiques de Derry sont quadrillés de caméras à infra-rouge, d'hélIcoptères munis de projecteurs, faisceau tournant, état d'alerte. Les catholiques d'Irlande du Nord vivent un Dix hommes-couvertures, véritable apartheid, une situarefusant le port du vêtement tion coloniale, un état légal carcéral, sont allés jusqu'à la d'exception, avec torture et mort, entre le 5 mai 1981 et te internement massif sans pro- 20 août de la même année. cès, sous couvert de deux lois Bobby Sands d'abord, l'un «très spéciales)) qui légitides leaders de l'IRA (Irish misent la répression (2). Republican Army) qui décla- . La ségrégation régne, et rait sur le chemin de la dans l'espace et sur les lieux lumière noire : «Il n 'JI aura de travail. A Belfast, les quarjamais de paix en Irlande,' , tiers catholiques sont de véritant que la présence étrangère tables ghettos, les immeubles de l'oppresseur britannique 1 sont vétustes, insalubres et durera et emvêchera le veuvle 'surpeuplés de chômeurs. Sur irlandais de décider de son i le chantier naval, première destin en peuple souverain.» industrie de la province, qui Puis neuf autres, Francis emploie quatorze mille Hugues, Ray McCreesh, Q.uvriers, on n'a. jamais 11 compté plus de. quatre cents catholiques à la fois, alors qu'ils représentent le tiers de la population totale de l'Ulster, qui compte elle-même quelque deux cent cinquante mille habitants. Les catholiques se voient même refuser le droit de vote, sur la base de réglementations 'machiavéliques en matière d'habitation. Tout y passe : tracasseries administratives, menaces et vexations. Les nationalistes républicains, les catholiques irlandais, réclament la réunification de leur pays, divisé artificiellement depuis 1920. L'inconciliable Deux ans après le cauchemar de Long Kesh, la situation eil Irlande du Nord n'a guère évolué ; on en reste à l'inconciliable, à la parole errante, à l'instar du Labyrinthe (~td' Armand Gatti. Dàns un pays où James Joyce a pu écrire : «Enfant de Caïn, huitième merveille de l'Irlande» (4), les blessures sont à la fois celles d'une guerre de religion e ll -davantage encore - celles d'un violent conflit de classes depuis les massacres de Drogheda, au XVIIe siècle, où Cromwell est allé jusqu'à mettre au point un véritable plan d'extermination de la population irlandaise catholique, asservie et révoltée. Même si les petits de l'Oiseau-Lyre vont de défaite en défaite depuis quelques siècles, il s'en trouve toujours un pour conter l'événement et retrouver le fil d'Ariane, ne serait-ce qu'avec un violon dans un pub à Twinbrook : « Je l'écris en rimant Mac Donagh et Mac Bride et Connoly et Pearse maintenant et dans les jours à venir partout où le vert est arboré tout est changé, totalement changé une terrible beauté est née ». (W.B. Yeats) Daniel CHAPUT (1) Quartier de haute sécurité. (2) Le Northern Ireland Emergency Provisions Act de 1973 et le Prevention of Terrorism Act de 1976. (3) Pièce de théâtre sur la situation en Irlande du Nord. (4) Finnegans Wake, p.80. Langelot, le héros d'une série la bibliothèque verte signée Lieutenant X Î \ 1 l, QUI EST LIEUTENANT X ? • Sous le pseudo, Volkoff ... SI vous avez moins de trente ans, il y a de grandes chances pour que vous ayez vibré au moins une fois à la lecture des aventures du blond et juvénile sous-lieutenant Langelot, publiées chez Hachette dans la Bibliothèque verte, non sans rêver sur le mystérieux pseudonyme de l'auteur: Lieutenant X. On ne fait décidément pas assez attention à ce que lisent les enfants, car, dans les oeuvres du Lieutenant X, on peut trouver ceci à propos d'un étudiant noir: « Il différait nettement de ses camarades par son allure de primate africain : le front bas, les coudes écartés, les bras ballants, il ressemblait à un orang-outang . » (Langelot et l'inconnue). «Mme Schaasch» à « l'ongle acéré », à « la main aussi crochuè qu'une serre d'oiseau », liée «aux, .petits tripotages financiers Ohnn » (Langelot et le satellite)": \ ' Un agent secret fràriçais déguisé en émir arabe qui pour faire plus vrai« tonitrue et proteste contre l'indignité qui lui est faite à lui prince arabe, cousin du prophète au cent quatre-vingt-douzième degré, milliardaire en milliards, producteur de pétrole» (Corinne et l'as de trèfle). Comme on le voit il y en a pour tous les goûts, et la liste n'est, hélas, pas exhaustive. Avec une certaine prédilection pour l'Afrique (nostalgie colonialiste ?), l'auteur accumule tous les poncifs du racisme, depuis une sommaire physiognomonie, jusqu'à la dérision des cultures et des coutumes, tout cela culminant dans Langelot et la présidentissime, où un potentat africain directement inspiré d'Idi Amin Dada démontre à quelles aberrations peuvent se livrer ces nègres frustes si on leur laisse le pouvoir ! Faut-il donc brûler Langelot? Certes la matière est suffisante. Pourtant une lecture attentive signale que les distinctions opérées par Lieutenant X suivent un réseau sinon plus subtil, en tout cas, plus diversifié que celui des races. La vision de l'étranger n'est pas uniformément négative, témoin ces deux portraits : M. Tambara « vieux monsieur noir, les cheveux grisonnants, la barbe bouclée, un regard d'une grande bonté et d'une grande intelligence ». Que cela relève du vieux postulat selon lequel chaque raciste connaît son bon Noir ou son Arabe, c'est certain, mais au-delà il apparaît que . 12 l'univers de Lieutenant X s'organise autour du héros en «bons et méchants» tout court. Et chaque personnage arbore clairement, surtout dans son apparence physique, les signes distinctifs de son appartenance à l'un ou l'autre camp. Alors, sommes-nous dans le vert paradis de la littérature enfantine, un paradis qui ne pècherait que par excès de simplicité? Pas si simple. Qui sont au fond les bons et les méchants? Les quelques valeurs qui servent de signe de ralliement sont apparemment très neutres: le courage, la droiture, la fierté, mais elles s'organisent, surtout quand l'intrigue se déroule autour d'une certaine idée de la France, celle-ci beaucoup moins neutre, puisqu'il s'agit de défendre à tous crins l'idée de notre présence bienveillante, indispensable au développement . indépendant de nos anciennes colonies. Les méchants, sanguinaires, barbares, le teint basané, sont comme par hasard les défenseurs d'une Afrique unifiée, et se revendiquent comme anticolonialistes. Le message humaniste sert aussi à défendre, au mépris de toute approche historique, la valeur civilisatrice que semble avoir eu en tous lieux et de tous temps pour Lieutenant X la présence européenne à l'étranger. Révolutionnaires et méchants Ainsi en Amérique centrale, la «barbarie» de la religion aztèque sert-elle à glorifier l'action des Espagnols. Toujours en Amérique centrale, dans un ouvrage publié en 83, les «méchants» se recrutent largement chez les révolutionnaires, qui, quand ils ne sont pas sanguinaires, sont au mieux d'une imbécillité crasse. Voici par contre le portrait d'un chef d'Etat d'une république autoritaire: « Tout cela ne parvenait pas à dissimuler le pétillement du regard ni le pli, gentiment ironique, de la bouche. On avait l'impression de voir un homme brave, décidé, très sûr de lui mais capable aussi de voir les côtés amusants de la vie» (Corinne et l'as de trèfle). Au-dessus de tout cela, non plus le bon, mais le « meilleur »: l'homme d'action, celui qui a des muscles et qui s'en sert pour la bonne cause précédemment définie. On le recrute évidemment en tout premier lieu dans l'armée, et l'appartenance à certains corps d'élite comme la légion délivre à elle seule toutes les garanties nécessaires. Comment s'étonner dès lors que les méchants ou les ennemis soient si souvent le juif cupide ou le noir bestial « qui n'aurait jamais dû sor. tir de sa brousse », mais aussi l'intellectuel? Etudiants et mal rasés Voici comment Lieutenant X voit les étudiants à la Sorbonne

« Les poitrines creuses

et les épaules obliques, les regards méfiants. » « Un étudiant 'mal rasé, une fille à la voix hystérique aux cheveux sales et mal peignés », et Langelot de se dire : « Grâce au ciel, je ne suis pas de ceux qui doivent passer la moitié de leur vie à apprendre comment vivent les autres plutôt que de vivre eux-mêmes. » Non, Lieutenant X ne raconte pas aux enfants de trépidantes aventures dont les protagonistes se révéleraient dans une évidence radieuse et moralisatrice «bons» ou « méchants ». Derrière le sourire juvénile, la mèche blonde et les yeux bleus de Langelot, c'est l'Occident en culottes de peau contre tous ceux qui ne se rangent pas sous la bannière de l'ordre et de l'action, tous ceux qui ne sont pas de «bons» Français. Il paraît que sous le pseudonyme de Lieutenant X se cache honteusement Vladimir Volkoff, vous savez, l'auteur du Retournement, qui prétend démontrer que tous les intellectuels progressistes sont des marionnettes dont les fils sont tirés par Moscou. Qui a parlé de manipulation ? Catherine HELBERT §§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§DIFFÉRENCES 0 N° 24/25 0 JUIN/JUILLET 83 LES FAUX CARNETS DEPAPON Différences publie aussi son faux. Mais avec d'authentiques citations ... ET si Maurice Papon avait tenu son journal ? Comme Stern et Paris-Match, Différences a voulu avoir son «faux ». Mais nous n'avons pas les moyens de faire écrire des carnets fantaisistes lancés à grand renfort de pub. Nous avons donc repris des textes produits par l'ex-secrétaire général de la préfecture de la Gironde, inculpé de crimes contre l'humanité. 1942 5 juin: installation au poste de secrétaire général de la préfecture de la Gironde. Mi-juin : Me Merdjan demande la libération de ses deux fils: «Il ne m'appartient pas de statuer sur cette demande puisque la police française a remis les intéressés entre les mains de l'occupant, et qu'ils ont vraisemblablement été jugés par le tribunal de la Feldkommandantur pour tentative de franchissment de la ligne de démarcation. » (1). Fin juin : « Par ordre téléphonique de la 1re division, les internés de race juive, Librach Léon, né le 31.5.16 à Varsovie; Goldenberg Robert, né le 26.8.03 à Paris; Braun Victor, né le 11.9.00 à Varsovie, doivent être tenus à la disposition de la gendarmerie pour être transférés le 8 juin au camp de Drancy. » (2). 3 juillet: mise au point de mesures en vue d'organiser une rafle de quelque 400 juifs réclamée par les autorités allemandes, «mesures dont l'exécution dans le laps de temps imposé est difficile, mais possible ». Il faut d'« importantes forces de police afin d'assurer les arrestations à Bordeaux et dans le département, de surveiller les gares et les grandes voies de communication, le transport, l'hébergement des:, enfants de tous âges se trouvant seuls après l'arrestation de leurs parents, enfin l'aménagement du camp et le ravitaillement du convoi... Il est à déplorer que les autorités allemandes ne paraissent pas dans ces opérations, ce qui peut causer des réactions fâcheuses dans la population» (3). 26 août: mission accomplie, après « un examen sommaire contradictoire, exemptant quelques personnes de la mesure, dont des mères de famille allaitant un enfant ainsi que leur bébé ... Au terme de ce tri, quatre cent soixante-trois personnes parmi lesquelles cent quatre-vingt six Français doivent être transférés au camp de Drancy. Les intéressés sont de tous âges et de toutes nationalités ... »(4). 14 septembre: Irma Reinberg s'est échappée du convoi. Elle « devra être conduite, dès guérison, au camp d'internement de Drancy» (5). 31 décembre: aux sous-préfets: « Vérifier si la carte d'identité -est bien revêtue de la mention « Juif» réglementaire, et dans la négative, m'informer d'urgence pour chaque cas ... » (6). 1943 2 février: déportation à Drancy d'une centaine de juifs parqués à Mérignac. Pas facile: «les trains «Petite vitesse » subissent des arrêts prolongés de 1 à 4 heures dans les gares de triage, loin de tout secours, au milieu des voies et des rames de manoeuvre, rendant la surveillance de nuit très difficile » (7). 10 mars: il faut « la mise en service de trains express ou de messagerie rapide 13 afin de remédier aux inconvénients signalés, notamment en matière de surveillance des internés ... » (8). 1944 Janvier: «La discrimination entre juifs et aryens étant faite et ayant donné satisfaction et les cas douteux étant, je pense, en voie de règlement, il faut aborder, maintenant les interventions «intuiti personnae ». Je veux dire qu'il faut essayer de libérer ou à défaut laisser à Mérignac les juifs intéressants: titulaires de la Légion d'Honneur à titre militaire, croix de Guerre, mutilés, femmes de prisonniers (par exemple Mme Bibal). L'arrestation du 12 janvier a soulevé dans le département une émotion d'autant plus vive qu'aucune raison particulière ne l'a expliquée, et que la police française y a participé dans des conditions que la population. ignore, mais qu'elle interprète différemment » (9). (1) Lettre à Mme Merdjan. (2) Note manuscrite. (3) Rapport de Maurice Papon au préfet. (4) Compte-rendu de l'opération du 26 août au secrétaire d'Etat à l'Intérieur. (5) Lettre au préfet du Loiret. (6) Rappel aux sous-préfets. (7) Rapport aux autorités allemandes. (8) Lettre au commandant Luther. (9) Note manuscrite à M. Dubarry, fonctionnaire chargé des questions juives. Tous ces textes ont été recueillis par Michel Slitinsky, qui a été victime d'une des rafles organisées à Bordeaux pendant que Maurice Papon ét~it secrétaire général de la préfecture de Gironde. Ils sont reproduits avec l'autorisation de l'auteur et celle . de l'éditeur de son livre L'affaire Papon (Alain Moreau, éditeur) que M. Maurice Papon a tenté, sans succès, de faire saisir. L'ACCENT Ce que parler veut dire ... D ANS la pièce de Bernard Shaw, Pygmalion, et dans le film que Cukor en a tiré, My Fair Lady, on voit Henry Higgins, professeur de phonétique, situer l'origine géographique de quelqu'un à six miles près rien qu'en écoutant sa prononciation. Qu'est-ce que l'accent? Le Petit Robert le définit comme 1'« ensemble des caractères phonétiques distinctifs d'une communauté linguistique considérés comme un écart par rapport à la norme ». Littré est pour sa part plus direct et commence sur les chapeaux de roues : « a-ksan ; ne prononcez pas a-san comme font les Méridionaux ». Il poursuit de façon . assez neutre : « Inflexions particulières à une nation, aux habitants de certaines provinces », pour entrer ensuite en pleine idéologie : « Prononciation des personnes de province par rapport au parler de la capitale. Pour bien parler, il ne faut pas avoir d'accent; cette phrase veut dire qu'il faut donner l'accent consacré par le bon usage parmi ceux qui parlent bien» et l'accent provincial, « qui est l'intonation propre à chaque province et différente de l'intonation du bon parler de Paris, prise pour règle » . . Comme à la Samaritaine, on trouve tout dans les dictionnaires, et ceux-ci nous fournissent ·quelques directions intéressantes de réflexion. Pour le Robert comme pour le Littré, l'accent est un «écart» par rapport à une « norme », celle-ci étant précisée par le second «le bon parler de Paris» ; nous pouvons bien entendu en conclure que les Parisiens n'ont pas d'accent, puisque« pour bien parler il ne faut pas avoir d'accent ». Pour le Littré, l'accent est en outre défini dans deux directions différentes, une direction géographique (la province contre Paris) et une direction sociale ( le bon parler» impliquant qu'il en existe un autre). Du Robert au Littré et Bernard Shaw, la notion d'accent peut donc être résumée en quelques propositions simples: - l'accent est un fait de périphérie, la capitale n'a pas d'accent; - l'accent est un fait de classe: les gens bien parlent bien, et, même en province, le bourgeois a un accent plus distingué que l'homme du peuple; - il Y a des accents nobles, charmants, délicats, et d'autres lourds, grossiers, vulgaires ; - enfin, dans notre propre langue, il y a des accents étrangers plus acceptables que d'autres (on aimera selon les cas l'accent italien ou anglais en français, on détestera l'accent allemand ou maghrébin). Dans tout cela, n'apparaît nulle part une définition à peu près scientifique de l'accent. Il devrait être présenté comme un substrat, c'est-à-dire comme la trace, dans la prononciation d'une langue, de celle d'une autre langue, soit maternelle (l'auteur de ces lignes a bien sûr un accent français lorsqu'il parle anglais), soit régionale, parlée ou non (l'accent méridional est un substrat occitan), soit étrangère (l'accent pied-noir, marqué par l'arabe). De ce point de vue, il est bien évident que nous avons tous un accent, et que cet accent fait du sens : il indique notre origine. Pour un observateur un peu averti, il est facile de reconnaître l'origine géographique d'un locuteur à quelques indices phonétiques, comme 14 on distingue au vêtemeril une bonne soeur d'un officier de police. Et cela ne nous apporte guère qu'une information objective: c'est une bonne soeur ou il a l'accent pied-noir, elle est parisienne, il est strasbourgeois, etc. Mais l'ennui, avec l'idéologie, c'est qu'elle déteste se présenter à visage découvert, car si elle se donnait comme telle, comm& idéologie, elle perdrait le bénéfice de l'universalité à laquelle elle prétend souvent. C'est pourquoi, comme l'écrivait Roland Barthes, elle tend à masquer son caractère culturel (ou acquis) sous un prétendu naturel (ou innéisme). Ainsi dira-t-on que l'accent allemand est lourd, plutôt que d'avouer détester les Allemands, ou que les Maghrébins attentent à la beauté de notre langue plutôt que d'avouer son racisme. Il en va de même pour la vision verticale, sociale du problème. Considérez, par exemple, l'accent méridional: on l'accepte chez une poissonnière du port de Marseille parce qu'il dénote en même temps un statut géographique et un statut social. C'est charmant, mais chez une poissonnière. En revanche, quiconque tente de monter dans l'échelle sociale s'efforcera de le perdre, et Gaston Defferre, par exemple, homme politique de longue date, a un statut très particulier qui témoigne bien du problème : pour ses électeurs marseillais, « il parle pointu », alors que pour ses collègues parisiens il a un accent légèrement marseillais. D'ailleurs l'adjectif est souvent inutile. On dit il a un accent, phrase stupide, tautologique si nous acceptons l'idée que nous avons tous un accent, mais qui signifie autre chose: au mieux, il n'a pas le même accent que le nôtre, au pire et le plus souvent, il n'est pas de chez nous, d'où sort-il? etc. Ainsi, de la même façon que les faits divers se gargarisent de descriptions bizarres (individu de type maghrégin, basané, etc.), pourrait-on imaginer des descriptions de voix au téléphone qui signifient à la fois la postulation d'une origine géographique et le rapport idéologique que nous avons à cette origine. Pas de chez nous Ce qu'il y a d'encombrant dans la morale, chantait naguère Léo Ferré, c'est que c'est toujours la morale des autres. De la même façon, ce qu'il y a d'encombrant dans l'accent, c'est que c'est toujours l'accent des autres. " T,ouis JeanCAT,VRl LE 4 JUILLET La déclaration d'indépendance des Etats-Unis

        • ***********

.****

LES ETATS-UNIS d'Amérique . sont nés le 4 juillet 1776, date à laquelle fut signé leur certificat de naissance, la Déclaration d'Indépendance, dont l'anniversaire est devenu la fête nationale du pays. Cette Déclaration d'Indépendance proclame les treize colonies américaines indépendantes de l'Angleterre. Elle exprime les plus beaux idéaux humanistes révolutionnaires du XVIIIe siècle, qui n'étaient cependant pas nés en Amérique. Elle était inspirée par John Locke, l'Anglais, et Jean-Jacques Rousseau. Elle est cependant considérée comme ayant été à l'origine de tous les mouvements démocratiques, à commencer par la Révolution française, jusqu'à la Révolution d'octobre. « Nous tenons ces vérités pour évidentes que tous les hommes ont été créés égaux; qu'ils sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables; qu'au nombre de ces droits sont la vie, la liberté et la poursuite du bonheur. Que pour garantir ces droits, des gouvernements sont institués dont le juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Que chaque fois qu'un gouvernement vient à détruire cesfins, le peuple a le droit de le modifier ou de l'abolir et d'instituer un nouveau gouvernement qu'il fondera sur de tels principes et dont il organisera les pouvoirs selon telles formes qui lui paraîtront les plus aptes à assurer sa sécurité et son bonheur.» C'est parce que l'Angleterre n'a pas respecté ces droits que les colonies d'Amérique se sont érigées en «Etats libres et indépendants ». Ce texte ne tend qu'à justifier la « rébellion ». A aucun moment, ce document capital ne met en cause le principe de l'esclavage qui avait pourtant commencé à susciter des polémiques à cette époque dans les Etats. Thomas Jefferson condamnait bien l'esclavage dans le projet initial qu'il avait rédigé, mais les passages s'y rapportant furent retirés de la Déclaration finale. Ce fut d'ailleurs le seul changement important qui y fut apporté, à l'aide de quatre-vingt-six amendements que Jefferson jugea « déplorables »: «Il (le roi d'Angleterre) a mené une guerre cruelle contre la nature humaine elle-même. Violant les droits les plus sacrés de la vie et de la liberté aux dépens d'un peuple lointain qui ne l'avait jamais offensé, il l'a capturé et emmené en esclavage dans un autre hémisphère, à moins qu'il n'ait connu une mort misérable pendant son trajet. Cette f!uerre de piraterie. opprobre des nations infidèles, c'est celle qu'a menée le Roi chrétien de Grande-Bretagne. Décidé à maintenir un marché sur lequel/'homme pourrait être acheté ou vendu, il a prostitué son droit de veto pour empêcher toute tentative d'interdire ou restreindre par la loi ce commerce exéi.'I'able. » Suppression par complaisance Jefferson expliqua dans son autobiographie que ce paragraphe fut supprimé «par complaisance envers la Caroline du Sud et la Georgie, qui E n'ont jamais cherché à restreindre ~ l'importance des esclaves, mais au con- ~ traire souhaitaient la poursuivre ». ~ Il expliqua ensuite que les délégués ~ du Nord sympathisaient avec les sudis- ~ tes propriétaires d'esclaves, car «bien ~ que chez eux on n'ait que peu d'escla- 6 15 ves, ils avaient participé de façon non négligeable au transport de ces esclaves pour les autres ». Washington et surtout Thomas Jefferson s'étaient bien rendus compte de la contradiction entre la démocratie, sacralisée dans la Déclaration d'Indépendance, puis dans la Constitution de 1787, et le maintien de l'esclavage. Mais ils étaient dans une situation inconfortable, étant eux-mêmes propriétaires d'esclaves! Il en allait de même d'ailleurs pour beaucoup d'autres dont les noms sont demeurés liés aux mots liberté et démocratie : James Madison, John Adams, Tom Paine, Patrick Henry· et Benjamin Franklin. Washington se contenta d'affranchir tous ses esclaves noirs sur son lit de mort. Quant aux Indiens, la Déclaration décide qu'ils resteront « les sauvages et impitoyables Indiens dont la règle de guerre bien connue est de détruire tous les êtres sans distinction d'âge, de sexe et de condition ». C'est ainsi que, dès les premiers jours de la nouvelle république, il y eut un double modèle: pour les Euroaméricains, les principes du droit à la vie, à la liberté, à la recherche du bonheur, à l'indépendance nationale ; mais pour les Afroaméricains l'esclavage et pour les Amérindiens la violation de la souveraineté nationale, l'ethnocide et le génocide. L'esclavage ne devait être aboli que le 18 décembre 1865, à l'issue de la guerre de Sécession, par le 13e Amendement à la Constitution, «sauf comme punition pour un crime dont l'auteur aura été justement condamné par la loi ». Cette exception est toujours légale de nos jours. Le 4 juillet, une fête nationale. R. P. , VACANCES MODES D'EMPLOI LE DESERT DES BARBARES Le Sahara est à la mode. Encore faut-il savoir le regarder. L orsque, délaissant la Normandie ou les Baléares, on décide d'aller passer ses vacances au Sahara, on est bien obligé de changer peu ou prou sa manière de voyager. On doit abandonner au garage la caravane et oublier le rêve de la grande bouffe, du club ou de l'hôtel de luxe, si agréable - et si bon marché - dans les pays du tiers monde. Il faut accepter le bivouac, le tapecul cinq heures par jour en Land Rover et la cure de conserves. Surtout, dans un pays où l'eau, l'ombre et les pompes à essence ne courent pas les regs. On doit bien admettre de restreindre sa liberté touristique et d'en passer par son plus grand ennemi: l'organisation. Qu'on se rassure cependant: l'individualisme ne perd pas ses droits. Le voyage en groupe offre des occasions sans cesse renouvelées de «râler». Contre d'inacceptables modifications d'itinéraire qui font baisser le « rapport qualité/prix» : on aurait quand même pu prévoir le vent de sable, le retard de l'avion et le caillou qui a osé crever la roue de notre voiture ; contre un autre membre du groupe qui s'est emparé de notre matelas: « J'ai cinq enfants, tous mariés, j'ai droit à des égards! » ; contre le guide-chauffeur targui l, qui ose considérer que le thé est un rite d'hospitalité et non un gadget compris forfaitairement dans la pension complète : ici, on ne se laisse pas démonter, on a vécu en Algérie de nombreuses années, avant 1962, et on sait « leur » parler. C aricatural? Oui et non. Tout cela existe mais, heureusement, tout le monde n'est pas comme ces voyageurs qui, semble-t-il, se sont trompés de page dans la brochure de l'agence. Les touristes français, dans les pays lointains en tout cas, se distinguent souvent des simples consommateurs de 4S 2 par leur attrait pour le « culturel» sous toutes ses formes, de l'archéologie (Mexique, Pérou, Egypte) à la politique (Cuba, Chine) en passant par l'ethnographie (Inde, Afrique noire, Indonésie). Ce tourisme d'un nouveau type, fondé sur la découverte des peuples, de sociétés différentes, se développe, et l'on ne peut que s'en réjouir. Mais pas trop vite, car l'opposition entre prolos colonisant la Costa Brava et intellos dialoguant avec les Peuls ou les Lacandons cache une partie de la réalité. Un cocktail qui fait mal Dans le second cas comme dans le premier, on risque fort de retrouver à la sortie les idées reçues qu'on avait inconsciemment mises au départ. Avec, en plus, l'illusion qu'on n'a fait que regarder. Empirisme du visuel et imprégnation idéologique : des siècles de récits d'exploratems nous ont montré que ce cocktail pouvait faire très mal. Avant de partir, on s'informe: lecture de -guides, voire d'ouvrages scientifiques. Et puis, on a déjà « fait» de nombreux autres pays. Aussi aborde-ton la réalité locale avec des yeux éclairés. Une bonne chose? Sans doute, sauf si cela transforme le voyageur en rédacteur de Que choisir ? Les oasis du Hoggar sont jugées « décevantes» par rapport à celles du Sud marocain. C'est vrai: peu de palmiers à ces altitudes et des constructions en dur qui remplacent peu à peu les zénibas (huttes) traditionnelles. Mais, au fait, sur quelle échelle peuton réaliser cette comparaison? En fonction d'une hiérarchie esthétique a priori ? En raison inverse du prix du voyage? Comment peut-on juger d'un fait, d'une image, indépendamment de son contexte historique et actuel, du mouvement de la société dans laquelle 16 tel monument, tel paysage est rencontré ? Comment peut-on être déçu par quelque chose qu'on n'a jamais vu ? C' est que notre « tourisme culturel» emprunte à l'ethnographe un certain goût de l'immuable. Il préfère le dromadaire, qui tend pourtant à devenir le poney-du-J ardin-d'acclimatation du Sahara, à la Land Rover, bien que celle-ci soit désormais, de très loin, le moyen de transport le plus courant. Que les Touareg continuent d'utiliser les outres en peau de chèvre, accrochées au toit de la voiture, pour maintenir fraîche l'eau à boire, il le voit comme la trace d'un pittoresque, mais fuyant, passé. N'est-ce pas plutôt l'expression d'une richesse précieuse: celle de l'évolution, contradictoire, des groupes humains? Quand on a payé cher pour aller dans un désert, on n'est déjà pas très heureux de rencontrer des gens ; ne demandez pas en plus que l'on admire la construction d'écoles ou d'hôpitaux. Tamanghasset est devenue une vraie ville, avec de avenues bordées d'arbres, des cafés, des frigos et des bidasses qui regardent les filles avec envie... Quelle tristesse ! Quelle « perte de substance »! Quelle banalisation ! Car dans la mythologie du « tourisme culturel », il n'y a pas de place pour le progrès. Renvoyant dos à dos colonisation et développement, il ne fait que déplorer la destruction des « sociétés traditionnelles », autrement dit des belles cartes postales qui sont accrochées, bien en vue pendant l'année de travail, dans un coin de son cerveau. «Ne touchez à Tien, j'arrive! » Que n'entend-on pas, par exemple, sur la situation de la femme ! Avant les Arabes et l'islam, tout allait bien. La transmission matrilinéaire des Touareg Dans le Sahara algérien et les maigres droits des femmes dans cette société - situation comparable au demeurant à celle des autres sociétés précapitalistes - sert de prétexte à la glorification de la femme targui qui bénéficierait d'un statut privilégié. C'est évidemment faux, même si l'on ne tenait pas compte de toutes les autres inégalités sociales (exploitation des sédentaires par les nomades, esclavage ... ). Je ne sais si Claire Brétecher a inventé son histoire de voyageuses cherchant un groupe « Femmes » en Afrique noire, mais la réalité rejoint la fiction : les touristes de cette espèce, qui pratiquent allégrement un ethnocentrisme «de gauche» tout aussi dangeureux que celui de droite, existent

j'en ai rencontré.

Comme par hasard, en effet, tout retombe sur les Arabes. Ce sont eux qui ont introduit l'islam - ce dont s'indigne déjà le colonialiste Petite Planète (3) sur le Sahara - et ont ainsi asservi des femmes jusque-là indépendantes. C'est oublier un peu vite que toutes les religions, notamment les grandes religions monothéistes, ont véhiculé, et souvent véhiculent encore, l'idée d'une infériorité essentielle de la femme. Si l'on se mettait à porter un jugement « globalement négatif» sur l'Occident chrétien du Moyen Age, ou même du Xlxe siècle, sur le seul critère du statut de la femme, chacun s'indignerait, à juste raison. Car une civilisation, c'est un tout et un tout en mouvement. Qu'il y ait dans l'islam des forces qui tirent en arrière, c'est évident; mais malheureusement, il y en a aussi hors de l'islam et pas loin de nos yeux. Mais justement. ce sont les Arabes qu'on accuse (l'OPEP n'est pas loin) - comme naguère on cherchait à isoler Kabyles et juifs du reste de la population algérienne, arabisés contre « arabisateurs ». Et si l'on découvre au hasard d'une conversation avec une étudiante algéroise en vacances que, dans les grandes villes du Nord, le mariage arrangé par les parents laisse peu à peu la place à un véritable choix des mariés, ce ne sont plus les Arabes, ce n'est plus l'islam, c'est 1'« occidentalisation », synonyme méprisant de ce que les 17 locaux appellent « progrès ». Ce n'est évidemment pas un progrès, puisque cela diminue le pittoresque et qu'on a payé pour voir du pittoresque. ,. I f 1 1 Y a parfois d'insolites convergences. La Cina è vicina, mais les Indiens (les Sahraouis) sont encore loin. Le consommateur éclairé qui vient prendre possession de son produit aura-t-il remarqué, lors de son escale dans la capitale, qu'Alger la Blanche mérite mieux son nom depuis les récents ravalement~. que les rues sont propres et que des villeschampignons éclatent dans tous les coins de la banlieue ? Aura-t-il vu quele désert s'anime de chantiers et de routes goudronnées, que les villages s'y éclairent maintenant à l'électricité et que les pompes remplaçent les pùi!$ ? Ah, commes les gravures rupestres -Sont belles! elles ne réclament pas dé stylo, comme les enfants nouvellement scolarisés des oasis. Le Sahara se devait d'être pur, comme l'Himalaya de Tintin au Tibet: il ne l'est plus. Alors, dans la tête de notre voyeur défilent les images rayées d'un rêve déçu, celui, annoncé par les brochures, du « triomphe du minéral absolu» ; certes, il aura tâté du minéral mais aussi approché quelques hommes qui dérangent les idées bien reçues et bien classées, quelques hommes qui font aussi des rêves - comme celui de l'enfant d'Hirafok qui, chaque fois qu'il reçoit en pleine figure le nuage de poussière d'une Land Rover, imagine qu'il sera un jour au volant, « guideroute » dit-il. De ces deux rêves, j'avoue que le préfère le second. Orly-sud, retour de vacances. Dans la queue de taxis, une famille tout droit sortie de l'hôtel de la Plage raconte son séjour à Nabeul, Tunisie ( Le dernier jour, il nous ont fair bouffer les restes »), à un couple miraculeusement réchappé du Hoggar : « On nous a f~it manger de ces choses ... , dit l'infortunée, cherchant à inspirer crainte et pitié à la fois, on nous fait boire des eaux ... A la limite du raisonnable. » « A la limite du raisonnable », répètet- elle sentencieusemenLUne limite bien délicate à franchir, en vérité, car, au-delà, les préjugés, comme les chèques-restaurant, ne sont plus valables. Jacques LEVY (I) Singulier de « touareg », l'un des peuples du Sahara. (2) « Sea, sand, sun and sex » (Mer, sable, soleil et sexe); formule de base des clubs de vacances. (3) F. Vignaud, Le Sahara, Coll. Petite Planète, Seuil, Paris, 1959. Au pied de la Soufrière, en Guadeloupe. ! , .. ' -' Les -:tntilles, c'est loin. MeUre en avant le mythe de l'Ailleurs pour attirer une clien- ' tèle peu informée demeure chose facile. Aussi les dépliants rivalisent-ils de qualificatifs pour décrire une Nature ployant sous l'abondance. Cette utilisation systématique d'un vocabulaire illustratif où reviennent sans cesse «l'opulence », la «luxuriance », voire « l'exubérance» de la faune et de la flore crée une ambiance . propre à écarter le touriste de toute sensibilisation aux problèmes de ces régions. Débarrassée des cyclones et du volcanisme, cette nature tropicale, nourricière et accueillante, présente tous les aspects du paradis terrestre. Partir vers ces contrées équivaut pour le touriste à retrouver un paradis perdu. Là-bas, loin des sociétés industrielles de l'Europe, le touriste-Robinson redécouvrirait le bonheur et le vrai contact avec la «nature encore vierge ». L'insularité des Antilles renforce 18 encore cette illusion. L'isolement par l'élément aquatique garantirait une plus grande préservation contre tous les maux des sociétés développées. Ainsi l'île Moustique devient « un paradis resté à l'état de nature» et, dans l'archipel des Saintes, «à l'ombre des feuillages épais qui veillent sur le sable blond vous oublierez complètement la turbulence des villes et la grisaille du ciel européen » (Planète) ; dépaysement et préservation confèrent à ces îles tous les aspects d'un espace onirique. P our le grand public, tout ce qui est au sud est synonyme de chaleur et de sécheresse. Le souci d'exactitude est superflu. Ces particularités sont noyées dans un épais brouillard cartographique. On peut ainsi, sur un air de béguine dansé par des vahinés, promouvoir un jus d'oranges au nom rappelant les milieux désertiques. Ce qui compte c'est de suggérer. Exemple: le sourire d'une métisse sur fond de voilier et de baril de rhum (Nouvelles Frontières), le tout relevé de « noms aimables au parfum des flibustes» (Jet Tours), qu'est~e que ça t'évoque, Doudou, dis donc? Les romans et les films d'aventure ont laissé des traces. L'ambiguïté des désirs du touriste transparaît également dans les catalogues sur un autre mode: l'ambivalence dépaysement/habitudes. L'importance que revêt pour certains touristes le bien-être à l'européenne transporté sous les Tropiques peut se lire à la taille des photos et à l'abondance des renseignements concernant les hôtels comparées à la quantité de lignes consacrées au pays. La station ou la région finissent ainsi par être identifiées au nombre d'étoiles de l'hôtel. L'exotisme à lui seul ne suffit pas. Les références prestigieuses sont indispensables. Aussi aux Grenadines, on vit «24 heures sur 24 dans une ambiance de paradis terrestre matinée (sic) Hollywood 1930» (Planète) et l'île de Saint-Barthélémy devient le « Saint- Tropez des Antilles» (Rev' Antilles). Toutes ces précisions rassurent, car le touriste tropical n'échappe pas à l'esprit casanier du touriste en général, campeur ou autre. Le Français part en vacances sous les Tropiques avec son bérêt, constatent les auteurs d'Au coin de la rue, l'aventure qui voient dans les habitudes des « villages» du Club Méditerranée, tous organisés selon le même modèle, « le mariage parfait de l'exotisme et du chauvinisme, on se déplace mais on n'a pas bougé... » Dans cette optique, la Guadeloupe et la Martinique ne présentent que des avantages pour une clientèle métropolitaine hésitant entre l'exotisme et son chez-soi, puisque là-bas c'est la «France sous les Tropiques» (Jet Tours). Comme pour toute destination du tourisme lointain, les catalogues sur les Antilles expriment l'attente d'une clientèle aisée d'être servie et comblée dans ses besoins de détente. Dans le cas des populations de couleur, le service attendu pai le touriste tend à transformer l'autochtone en animateur ou en serviteur, quelle que soit son occupation, il contribue à des degrés divers à la satisfaction du vacancier. A lire les dépliants, les Antillais paraissent aussi attirants que leur environnement. Les textes sont bourrés de remarques, rien moins qu'innocentes, sur la soidisant «psychologie» des peuples. L'astuce consiste à retourner en arguments publicitaires, propres à séduire le touriste potentiel, des clichés datant des conquêtes coloniales. On trouve pêl?-~êle : - le mi,inque d'ardeur au travail des gens de cQuleur: «Aux Antilles, on vit au ralenti» (Touropa) ; - leur côté « cigales » : « On danse et on chante à tout propos» (Jet Tours) ; - leur innocence un peu simplette : les habitants sont toujours « gais et souriants », ou encore, en Haïti, on insiste sur la « gentillesse d'une population particulièrement accueillante» (Rev'Antilles) ; - leur mentalité un peu infantile : « Ce peuple a le génie de la fête et du jeu» (Jet Tours). En complétant par d'autres catalogues sur le tiers monde, on pourrait construire une division internationale des vocations naturelles des peuples digne de M. Perrichon. Dommage que cette présentation idyllique ne corresponde pas toujours à la réalité, compte tenu des réactions que suscite souvent le développement brutal du tourisme de masse. Un rapport destiné au secrétariat d'Etat au Tourisme en 1982 avançait comme explication au manque de réussite du tourisme aux Antilles françaises par rapport au reste de la mer des Caraïbes « la faible implication de la population locale» et « le manque de chaleur de l'accueil ». Comment pourrait-il en être autrement dans la mesure où les relations entre touristes et autochtones se limitent le plus souvent à des rapports marchands ? Au contraire, ces catalogues sont particulièrement peu prolixes sur le passé de ces îles ou sur leur actualité politique. Dans le grand déballage des identités culturelles qui accompagne la présentation de ces contrées, Haïti est ainsi riche de marchés colorés, de «Tap 19 . Tap », de combats de coqs et du culte vaudou, mais en oubliant les Tontons Macoutes, pourtant tristement célèbres. Le sous-développement des Antilles justifie-t-il de présenter les activités de ces régions uniquement sous les traits de l'archaïsme? Scènes agricoles, pêches avec des embarcations traditionnelles, artisanat, et naturellement photos de marchés semblent composer l'essentiel de la vie économique. Comme le notait B. Lerivray à propos des guides, les catalogues touristiques n'ont retenu de la vie quotidienne que ce qui est insolite. Le contraste, en tout cas, est frappant entre les performances des habitants qui «lancent leurs filets mieux que les Saints Apôtres » (Planète) et leur absence de valorisation pour tout ce qui touche à la modernité. Transposition touristique de leur capacité à n'occuper que cer-tains emplois en métropole? Punch et pantoufles Dans cé contexte, les hommes sont réduits à n'être que des objets de curiosité et, comme le note Roland Barthes pour le Guide Bleu, ils n'existent plus en tant que tels mais ne servent qu'à composer un décor au même titre que les paysages ou la flore; exemple : «Les Martiniquais dont l'accent est aussi succulent que les fruits tropicaux. » Enfin, en présentant ces populations uniquement occupées d'artisanat, de pêche ou de petit commerce, on aggrave dans l'esprit du touriste l'écart objectif de condition et de niveau de vie entre lui et l'autochtone. La description de cette économie « retardataire » le conforte dans la croyance en l'immuabilité de cet écart de richesse; par extension elle semble démontrer la supériorité de l'Européen se divertissant du spectacle de ces peuples différents. Telle cette description du dialecte des îles : « Le créole ... vous amusera » (Touropa). Ce type de représentation place de fait la relation entre le touriste et l'autochtone sous un rapport dominant/dominé . Au total, le regard porté sur les Antilles par les brochures de voyages repose sur une imposture: faire passer pour le vrai visage d'une région ce qui -n'est que le masque façonné par des décennies d'images d'Epinal. A sa manière ce genre de « littérature » tout ristique participe au jeu de miroirs auxquels se livrent visiteurs et visités ; elle nous en dit plus sur les fantasmes métropolitains que sur les réalités antillaises. Bernard ELISSALDE ~ ~

c: o

E

z

.. ,

Prostitués thaïlandais. LE TOURISME CUL(TUREL) On va de plus en plus loin se donner du bon temps. Avec par,fois de bonnes excuses ... V oyager est un plaisir.' De là à voyager pour le plaisir sexuel, il y a cependant un pas . Pourtant cette pratique commence à se développer. Oh, ce n'est pas nouv~au, et les Américains qui aJlaient à Cuba savaient bien que l'île était un bordel, de même que les gens qui visitent les Eros Centers de Hambourg et de Rotterdam savent ce qu 'ils ~ peuvent y consommer. Ce qui est nouveau, peut-être, c'est que ces pratiques touchent de nouvelles catégories d'hommes, ni marins, ni militaires, ni hommes d'affaires, recrutés dans les couches de la population pour qui le voyage s'est « démocratisé », des touristes qui vont de plus en plus loin, et du coup, parce que ce sont rarement des défavorisés - culturellement parlant, même ~i financièrement ils ne sont pas très riches - , de nouveaux masques idéologiques viennent parer le visage honteux de ce qui n'est jamais qu'une pratique de la prostitution. «A Bangkok, ne reste pas tout seul! Va dans un bar à Patpong, il y a plein de jolies filles. Tu peux en emmener une chez toi pour le temps que tu veux. Elles parlent anglais, elles ne sont pas emmerdantes. Et attention, c'est pas des putains! Si tu ne leur plais pas, pas question! Tu la loges et la nourris, un cadeau de temps en . temps, ça fait une compagnie. » La grande astuce consiste à croire et 20 à se faire croire que ces filles de paysans misérables sont attirées par la civilisation que chaque Européen promène avec lui, et pas par ses traveller's. Pourtant, quelle différence entre celleci et celle qui travaille à l'abattage dans des arrière-boutiques, comme des magazines de photo nous les montrent (1)? C'est toujours le même métier, le plus vieux du monde. L a prostitution est fille de toutes les misères, on le sait bien. Il est plus mystérieux que des hommes qui ne fréquentent guère les « rues chaudes » de leur pays aillent plus que volontiers dans celles du bout du monde. Curiosité de voya- . geur ? Pourquoi pas ? Mais la consommation est plus qu'une visite. Elle suppose l'acceptation du système. Entre le Français qui « vit avec» une Thaïlandaise quinze jours et le Japonais qui paie 200 dollars VS pour deux nuits et trois jours en Corée du Sud, rapports sexuels inclus, il n'y a que la différence entre la mauvaise foi et la franchise, entre deux formes de commerce qui aboutissent au même résultat. Mais la mauvaise foi justement est plus retorse. Elle dissimule le cynisme sous des arguments humanitaires: « De toute façon, cette fille crève de faim si elle ne se vend pas: moi je suis gentil avec elle, je la traite bien, c'est mieux pour elle. » Dans certains pays, faire l'amour est un acte qui n'engage pas comme dans notre culture. Et les voyageurs d'en profiter, essayant même d'obtenir la « chose» gratuitement. D'ailleurs, il existe des guides pour les aider en la matière, guides « gay » notamment. On trouve dans l'un d'eux, à l'article « Colombie» : «La vie homo est tout simplement merveilleuse dans ce pays. ( ... ) Le sexe est facile et il se pourrait que le bel et attirant garçon que vous avez rencontré en pieine rue soit « vénal ». ( ... ) Pourtant les gens qu'on rencontre aux bains s'adonnent sans paiement ni arrière-pensée aux joies sexuelles .. ,» Ce commentaire est cependant suivi de vingt lignes de conseils sur l'art et la manière de planquer son argent et de laisser sa montre au coffre de l'hôtel! Sans légende. L e touriste est fat: il veut qu'on l'aime pour lui-même et pas pour ses dollars. Mais il veut aussi de l'exotisme à travers les corps. N'aiment-ils la différence que pour la posséder? ... Quand une « hétaïre» de Genève, dans un autre guide des plaisirs sexuels, se vante ainsi: « Venez chez. une malicieuse petite Sud-Américaine chercher des plaisirs exotiques », elle joue consciemment sur sa différence (et sur le double sens du mot « exotique »), elle sait que ça attire. Dans les « maisons » du XIxe siècle, il y avait la juive, la rousse, la normande blonde, la brune latine, la grosse et la maigre, la géante et la poupée. Aujourd'hui on fait du Tiers Monde un bordel: choisissez votre destinatior;'selon vos fantasmes préférés! Et puis, dans les pays occidentaux;' les femmes commencent à se libérer. Pour des hommes parfois inquiets de leur pouvoir, quelles vacances qu'une fille obéissant au doigt et à l'oeil, avec le sourire en prime (contre un petit pourboire supplémentaire?)! Ici on lutte pour des rapports égalitaires et les mâles iraient chercher ailleurs ce que leurs compagnes leur refusent désormais? Vive l'internationalisation des rapports s~uels ! Le voyage est une possibilité de rencontres. Rencontrer un pays, un peuple, se faire des amis, et, pourquoi pas, tomber amoureux. Dans son Journal (2), Mauriac notait: «J'ai peine à croire à l'innocence des êtres qui voyagent seuls.» Sans aller jusqu'à un doute généralisé, il faut bien constater que certains n'apprécient dans la culture que la première syllabe du mot. - - --Y-ve-line LÉVY-PIARROUX (1) On peut d'ailleurs 'se demander pourquoi ces revues montrent des putains au travail à Manille et pas à Barbès, et s'il s'agit de dénon· ciation ou de voyeurisme. Il semblerait que le: tourisme français vers Manille ait augmenté de. 15 à 20 070 depuis l'émission de télé « Les Trot· toirsde Manille », qui avait déchaîné quelque passion. FILLES A SOLDATS A TAHITI D V 6 au 16 avril 1983, s'est tenue à Rotterdam une conférence organisée et préparée par Catherine Barrie, auteur de L'Esclavage sexuel de la femme (trad. René Bridel, Stock 1980), sur le thème «Tourisme et prostitution ». Cette conférence fait suite à la Conférence internationale des femmes (Mexico, 1975) où les questions de la prostitution avaient commencé à être abordées, et au Forum international des femmes (Copenhague, 1980). Elle a réuni des participantes de tous les continents, et une bonne vingtaine de pays y étaient représentés. M. T. Daniels, épouse d'un anthropologue qui participa à l'expédition du Kon-Tiki, réside à Tahiti depuis 33 ans. Elle évoque les problèmes cruciaux posés à la société de l'île par le développement de la prostitution: « On a de la femme tahitienne une image qui est fausse. La libre vahiné est un rêve publicitaire. Les femmes à Tahiti sont traditionnellement très religieuses, très réservées. Il y a toujours eu des jeunes femmes pour aimer boire et danser avec des hommes et finir la nuit avec un d'entre eux. Mais l'arrivée des 15 000 militaires de la base atomique a complètement bouleversé la situation. Des femmes sont allées vivre avec des soldats, il y a eu des bagarres violentes entre militaires et Tahitiens. Certaines sont maintenant entretenues par les soldats, mais ce n'est pas tout à fait une prostitution réglementée, il n 'y a pas de souteneurs: A vrai dire, il y a un manque de femmes tel que les jeunes garçons se prostituent avec succès, avec des lieux réservés, les bars par exemple. Les bateaux de pêche coréens ou japonais font escale à Papeete pour que les hommes se « reposent » : il a fallu instaurer un quota de bateaux autorisés à relâcher dans le port. Les marins veulent des filles très jeunes et on trouve des gamines de douze ans qui se vendent pour une assiette de soupe. La vie traditionnellement paisible de l'île a été bouleversée par tout cela, et on assiste désormais à des viols entre Tahitiens, viols collectifs par des bandes de jeunes garçons par exemple, ou abus des filles par les pères abandonnés par leur femme. Mais il faut savoir aussi que, si la loi 21 française est officiellement appliquée à Tahiti, en fait, et pour une politique de bonnes relations avec l'Eglise catholique, elle ne l'est pas réellement: ainsi la loi sur l'avortement n'a pas été promulguée. Par ailleurs, à cause de résistances masculines notamment, le Planning familial ne peut s'implanter efficacement. Les femmes peuvent obtenir la pilule ou le stérilet, mais cela coûte cher. Les avortements sont nombreux et clandestins pour la plupart, quand ils ne sont pas effectués par des médecins, à des tarifs prohibitifs, de notoriété publique ... » Le « tourisme sexuel» est une réalité encore récente et qui n'a fait l'objet de pratiquement aucune étude. Quelques faits isolés peunnt être observés cependant: les « sex-tours » des Japonais en Corée du Sud, où les attendent quelque 8 000 femmes prêtes à toutes les amabilités: ( On vante la pratique kisaeng - c'est leur nom - si altruiste et si dévouée qui fait que lorsqu 'un homme l'amène 'une fille à son hôtel, elle lui lavera son linge moyennant un pourboire supplémentaire », cité par Kalhleen Berry, L'Esclavaf(e Iexuel de la femme. Stock, 1979. trad. 1982, p. 117). De même un Britannique, O'Brien, raconte dans un livre récenl. Plaisirs sans frontières, comment il a fail le tour du monde en ne vivant qu'avec des prostituées. Il a eu quelques mésaventures, mais dans l'ensemble il se montre très satisfail de leur gentillesse ... 12 000 habitants l'hiver, 200 (XX) l'été: l'Ile de Ré, c'est un de ces lieux où la France va en vacances. On y retrouve tout le monde, enfin, tous ceux qui peuvent : les jeunes, les vieux, les moches, les beaux, les riches, les pauvres. Même les étrangers. Alors, finies les différences, on s'aime tous, on se baigpe ensemble, c'est l'assimilation par le maillot de bain ? Même pas: sur les plages, il y a les « textiles », ceux à maillot, et les autres, les « tout-nus, », ceux qui viennent depuis toujours, qui connaissaient l'île « avant l'invasion ». Bon, on peut se dire que ce n'est pas un maillot ou son absence qui vont · diviser une population en vacances, chacun ses goûts, etc. Mais la division en clans vestimentaires cache mal (ou pas du tout) des différences plus solides

il suffit de regarder vivre une

plage pour s'en apercevoir. Les toutnus, ce sont les vieux routards du libéralisme, ceux qui connaissaient l'île quand elle n'était encore qu'une côte d'azur atlantique réservée à quelques privilégiés. Les textiles, ce sont les 22 «touristes sociaux» : le parasol, la '" glacière, la grand-mère, le chien et le transistor. Avec toute la gamme entre ·les àeux clans, et beaucoup de mépris' de part et d'autre. Les tous-nus restent entre eux, sur qu'elques plages à l'accès mal connu, et mourraient de se mélanger. Quand ça arrive parfois, on voit encore des textiles pour s'étrangler d'indignation. Au milieu, une brigade de gendarmes blasés qui apaisent une mère de 'famille, font remettre un maillot. ' « Il faudrait décréter l'Ile de Ré réserve naturelle de gens riches et beaux. Rien de plus facile on trie au passage du bac tous les gens qui ont du goût, et on envoie les autres à Oléron. » La boutade est intéressée : celui qui dit ça tient un restaurant aux prix confortables. Oléron, c'est l'îlejumelle, l'exemple-repoussoir d'un endroit qui a choisi depuis très longtemps d'attirer un tourisme de masse. C'est que, pendant les grandes migrations de l'été français, s'opère une sélection des espèces, attirées dans des niches écologiques précises. Le cas de l'Ile de Ré n'est pas isolé. Une île kaleïdoscope, qui rassemble, le temps de vacances, les d(fférences de la société .française. Mais le peu de surface de la réserve entraîne la cohabitation de migrateurs aussi éloignés «dans le civil» que l'acteur « branché» et l'O.S. fatigué. 'Bien sûr, des' lois tacites protègent le territoire de chacun. Mais l'accumulation des espèces ici entassées montre le kaléïdoscope des différences sociales, et les difficultés de communication qu'elles provoquent. Une analyse naturaliste séparerait grosso modo l'île en deux: au sud, près du débarcadère, la zone pauvre ; 23 Plages désertes en hiver, bondées en été. Au sud, les campings. Au nord, grandes maisons cachées sous lespins. les immenses campings bondés, les colonies de vacances, les supermarchés géants. C'est l'empire des caravanes. Au nord, près des plus belles plages, la zone riche ; grandes maisons cachées sous les pins, petits "illages protégés, belles autos ... C'est une inversion de l'histoire. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, l'île était franche. Profitant de l'absence de droits de douane, les grands négociants achetaient le cognac de Charente et le vin de Bordeaux, pour les revendre aux pays nordiques. C'était alors la splen·· Cl ?'

'1 " 1 ! AMICALE FRANCO-ITALIENNE 56, rue des Vinaigriers, 75010 Paris Tél. : 206.70.64 Pour la défense de vos droits. Pour la culture, l'école et la différence. Pour la paix et l'amitié entre les peuples. Pour la solidarité et l'entraide entre les hommes. Adhérez à l'amicale. Ecrivez-nous. Abonnez-vous à notre journal l'Emigrante. LES PIEDS SENSIBLES c'est l'affaire de SULLY Confort, élégance, qualité, des chaussures faites pour marcher 85 rue de Sèvres 5 rue du Louvre . ". 53 bd de S trasbou rg 81 rue St-Lazare Du 34 au 43 féminin, du 38 au 48 masculin, six largeurs CATALOGUE GRATUIT: ~ULL Y. 85 rue' de Sèvres, Paris 6- 5 % sur présentation de ~~tte annonce. ETABLISSEMENTS ilTEX 70, rue du Molinel - LILLE Tél. : 54;86.21 BONNETERIE GROS ET DEMI-GROS Ets MARCEL CAHN 6, rue Gambetta - 57000 METZ . Tél. : (8)766.33.64 gO, rue du Fg Saint-Honoré 75008 PARIS TéI.265.26.93 24 2222733 Le reFUGe sporTS LEREPUGE 46, rue Saint-Placide 75006 Paris 11 janvier 2012 à 15:10 (UTC)11 janvier 2012 à 15:10 (UTC)11 janvier 2012 à 15:10 (UTC)11 janvier 2012 à 15:10 (UTC)11 janvier 2012 à 15:10 (UTC)§DIFFÉRENCES 0 N° 24/25 0 JUIN/JUILLET 83 1 , j ~ "R deur du sud, là où étaient les ports. A La Flotte ou à Saint-Martin, survivent les vieilles demeures ventrues des négociants. Une lucarne dans le toit, orientée vers la mer, d'où on voyait arriver les bateaux. Au nord de l'île, on vivait tant bien que mal du sel dont les prix se mouraient, dans des villages modeste, façades blanches, volets verts. Depuis, les petites maisons sont devenues pittoresques: le tourisme a fait basculer l'équilibre de l'île. Les gens aisés sont venus acheter autour des plages du Nord, attirés par quelques « locomotives » comme la reine de Hollande, ou Suzy Solidor, gloire de la chanson ' récemment décédée. Une fois les terrains achetés et le site protégé, les touristes moins argentés se sont tassés di:ms les campings proches du débarcadère. On a là un premier effet de différenciation écologique: les gens les plus favorisés, culturellement et économiquement, ont préféré les petits villages déserts et déshérités par l'histoire de l'île: Les Portes, Ars-en-Ré, SaintClément. Les moins favorisés sont allés au plus commode et au moins cher: les gros bourgs où le ravitaillement était plus facile et les prix plus praticables. Sur l'île subsistent encore la v ieille-ép i ceri e-o ù -on -trou ve-detout, tellement sympathique (mais où les prix sont multipliés par deux), à côté du grand supermarché comme dans les villes. Mais cette différence disparaît: les prix tendent à s'aligner sous la pression de la foule (et du profit !). En fait, les courses du soir sont le seul moment où se côtoient réellement les espèces (comme vont ensemble boire au fleuve le lion et la gazelle ?). C'est là que se manifestent les écarts les plus sensibles: les commerçants repèrent les bons clients et les autres. Dans un village, deux bouchers voisins, qui vendent la même viande, se sont partagé la clientèle: à l'un les touristes-chics, à l'autre les touristes-chocs. Une forme d'apartheid souriant, en somme. Murs blancs et volets verts Parlons plutôt, pudiquement, de développement séparé: cette frontière entre deux mondes traverse aussi la culture. Coexistent dans l'île le peintre qui tente de rendre la fabuleuse lumière de l'île et vend cher ses toiles sur châssis aux touristes éclairés qui visitent son petit atelier perdu dans un hameau à l'écart de la route, et celui qui peint à la chaîne des « paysages typiques de l'île » sur des toiles non moins pittoresques: on peint d'abord vingt murs blancs, puis vingt volets verts, vingt ciels bleus et vingt mouettes. Cinquante francs, dans une boutique de la grande rue commerçante. Même ségrégation de fait dans les restaurants: à quelques centaines de mètres de distance, la grande brasserie à steaks-frites, et le petit restaurant nouvelle cuisine. Personne ne force personne, mais les prix sont là ; de plus, les « chics» ne se hasarderaient pas à entrer dans un restaurant grande diffusion, et les « chocs» égarés dans un bistrot chic se plaignent de l'absence de frites et ne reviennent pas. Concours Ricard La nuit ne gomme pas les différences: sui·{.ant son appartenance, on va danser dàns une boîte de nuit « à campeurs » où Ricard organise des concours de rock récompensés par des lots publicitaires jetés dans la foule, ou bien on se retrouve au bar des boîtes bon chic-bon genre, sans musique disco mais avec des consommations deux fois plus chères. Aussi peu de chances de se croiser que sur la plage, où la foule s'agglutine aux entrées bétonnées, et ceux-qui-savent s'entassent sur de minuscules plages supposées isolées. Cette ségrégation laisse beaucoup de traces dans le discours : à tant se concentrer, il faut bien se singulariser - on entend chez les chics des tonnes mépris pour les textiles. Chez ces derniers, mais à moindre dose, beaucoup de mépris pour les snobs. Deux composantes non isolables dans le tissu infiniment plus complexe de la vie sociale « normale », mais qui se radicalisent et se repèrent d'autant mieux dans l'univers concentrationnaire des vacances . Jusqu'aux vêtements qui ne sont pas les mêmes. Par réaction contre le short et les sandales traditionnellement attribués au campeur, certains jeunes gens vont en pull à la plage, ce qui par 35° C, suppose quelque courage dans l'affirmation de son identité. La cohabitation d'espèces migratrices différentes a transformé le paysage de l'île. Le P.O.S. (plan d'occupation des sols) a depuis longtemps déterminé, de façon très restrictive, le terrain à bâtir. Les quelques espaces dégagés par le plan: ont très vite été investis par les primo-arrivants. Mais les..agriculteurs qui possédaient la terre orlt su trouver d'autres solutions: il suffisait de morceler la terre agricole, et de la vendre par parcelles. Administrativement, de telles zones ne peuvent bénéficier de l'électricité et de l'eau courante. Ont fleuri alors des abris à caravanes: partout dans l'île, on peut 25 voir au milieu d'un champ un bout de terrain de quinze mètres sur vingt, enclos de barbelés, qui protègent un auvent où s'encastre la caravane, et une petite cabane de sanitaires, faite de bric et de broc. Depuis quelques années, les municipalités se sont aperçues qu'elles gâchaient ainsi le capital paysage de l'île, et ont tenté d'y mettre un frein. Le tourisme, perçu pendant des années comme la manne céleste, est devenu un danger. Car au-delà des migrateurs, il existe une autre espèce, beaucoup plus difficile à cerner, celle des sédentaires. Des agriculteurs aux retraités en passant par les néo-Rhétais (tous ceux qui sur la queue de la comète soixantehuitarde sont venus changer de vie en s'installant ici), la population de l'île elle aussi se transforme. Actuellement, la séparation se fait sur la façon d'envisager l'avenir touristique de l'île, et elle n'est pas étrangère aux différences de clientèle: d'un côté ceux qui veulent un tourisme de masse, de l'autre ceux qui rêvent d'un tourisme choisi, pour ne pas dire de luxe, ce qui suppose la prise en compte de critères écologistes. L'accord se fait de toute façon sur la nécessité, devant le succès de l'île, de restreindre le flot estival, qui est tel qu'il supposerait un réaménagement total, et onéreux, de l'infrastructure: il faut actuellement deux heures pour parcourir l'été les trente kilomètres de l'île. L'administration est d'ailleurs parfaitement consciente du problème, qui freine depuis longtemps les appêtits de profit. C'est là que se pose la question du pont. Parce qu'au-delà des sentiments de différence, très marqués entre les touristes et les Rhétais, et entre les touristes eux-mêmes, il existe une différenciation encore plus forte, celle qui oppose les Rhétais, de souche, de choix ou de passage, au « continent », pensé comme le lieu de la foule et du vulgaire. Construire un pont, c'est détruire cette différence symbolique, faire de Ré un Oléron ou un Noirmoutier. Pourtant, le pont est devenu une nécessité, et sera d'ailleurs construit. Mis à part l'inquiétude des gardiens de la réserve ornithologique (réelle cellelà) des Portes, il n'y a d'ailleurs plus grand-monde pour s'y opposer. La grand-peur, c'est que le pont en finisse avec la légendaire douceur de l'île, et que celle-ci devienne la banlieuedortoir de La Rochelle, la métropole qui la guette. Jean-Michel OLLÉ (1) A noter enfin, ,uprêm~ diHér~lIc~, IIU'OII distingue les juilletistes (louristes chic,) d~s aoûtielli (touristes l'hoc,,) ~t lIu'au-dessus de tout cela, tnÎllent les privilégiés de juin et S~IJI~mbre, les plus beaux mois de l'Île. 26 27 .----~ Il était une fois l'Egypte des dieux et de~ pharaons, ses temples grandioses et ses palais de lE;~~ \\~ fraîcheur, fastueux séjours de délices et de L...,;;;;;;;:.J puissance. Il e~l cnwre une Egypte de rêve, hôtel de luxe pour les touristes attirés par ces vestiges comme des mouches par la mort. Il est des mouches aussi, qui vrombissent autour de la misère. Le Caire: dix millions d'habitants, une fourmilière humaine ... Contraste entre les vieux quartiers sombres aux immeubles qui s'écroulent et les quartiers modernes, 'OL s'étale le luxe froid. Dans les rues, la foule déambule, dense, colorée, cosmopolite, nonchalante. Là, se côtoient pyjamas à rayures, gallabeyyas et pantalons à l'européenne ... , éternelles robes noires dont l'ampleur ne laisse que deviner des formes féminines, voiles opaques, bonnets de laine, longs voiles noirs transparents qui coquettement laissent voir un foulard vert vif à fleurs rouges, jupes courtes, cheveux teints. Vêtements poussiéreux comme les ruelles sous la chaleur, ou boueux les jours de pluie; vêtements déchirés ou grossièrement rapiécés, tachés ou d'un blanc éclatant qui réfléchit la lumière; nouveauté dernière mode ramenée de Paris par ces dames de la bourgeoisie qui, dans ce mélange hétéroclite, ne semblent même plus anachroniques. On se tord les chevilles sur des trottoirs mal pavés qui font la fortune des médecins ... On s'embourbe quand les canalisations d'eau éclatent: trop forte pression pour une infrastructure si faible ... Dans une ruelle sale, des gamins jouent au football avec une vieille boîte de conserves. On escalade les tas d'immondices qui gisent sur les bascôtés des routes. Les mendiants pouilleux, borgnes ou aveugles, unijambistes ou culs-de-jatte qui tendent la main, les marchands qui envahissent les trottoirs de livres saints, de copies de bijoux anciens, de friandises salées ou sucrées, de stylos ou de peignes en plastique. Les bus font la course aux taxis ... Hamdu Lillah ! On est vivant. «Allah w Akbar », l'appel à la prière descend du minaret. Un regroupement s'opère autour de la mosquée. On délace ses chaussures, on s'affaire auprès des robinets - les ablutions sont de rigueur - et l'on entre communier avec la pureté divine : « Besm IIlah el Rahman el Rahim » (au nom de Dieu clément et miséricordieux) ... D'autres continuent leur nonchalante activité; ils prieront plus tard ou ils ne prieront pas. A la terrasse d'un café, des hommes jouent aux dés ou aux cartes. D'autres sirotent un thé à la menthe, en fumant le narguilé. On saute dans un bus en marche, ces vieux bus rouges qui font la course aux taxis noir et blanc. Scènes cocasses, jusqu'au jour où un pneu éclate ou qu'on passe par dessus un pont. « Hamdu Lillah », on est vivant! Il n'est pas rare d'attendre des heures devant la station d'autobus. On s'occupe en discutant avec son voisin ou en regardant les affiches publicitaires des derniers films sortis. Beaucoup de mièvrerie sentimentale qui fait pleurer les salles, ou de l'humour égyptien ... Le cinéma est célèbre dans tout le monde arabe, et la production de quelque vingt films par an ne suffit guère à satisfaire les besoins de la population qui est attirée aussi par les « navets» occidentaux .. . Pendant les projections, tout juste si le bruit du public ne couvre pas le son du film. On croque des lebb', ces pépins de citrouille grillés, on discute. 1 ,1 '( 1 1 ~ i i «

:;

Z Il f} '~" Il 0.. z . ,. ~ i_'J\~·"' ,'.~ '."'· '"Il Y '0: '- ""'iH'~ nt?!"li,""' Le Caire: dix millions d'habitants, une fourmilière humaine, où l'on prend pourtant le temps de vivre. Le bus arrivé, on grimpe avant même que les autres aient fini de descendre. On se pousse, on se bouscule, certains s'accrochent aux fenêtres . .. Si on a une place assise, on se retrouve souvent avec un bébé dans les bras . La mère est debout un peu plus loin, coincée entre un colis volumineux et lin petit vieux au regard pétillant qui fume une « zuba Kilopatra » (super-Cléopatra : les cigarettes nationales) . .. Le contrôleur se fraie un pass'age en frapp ant son stylo sur une petite boîte de bois. 5 piastres (35 centimes), c'es! le prix du voyage . Si l'on se lasse d'attendre - si le chauffeur a faim, il. arrive qu'il s'arrête pour acheter quelques taameya (boulette, cie l é~ lIm e~ ) ou un ~andwich de fèves - . alors. on es;aie de héler un taxi. Cacophonie de voix qui hurlent « Tahrir », « Ab~ssia », « Ataba », « Zamalek », selon le quartier où il, vont. Si c'est sur le chemin du preinier ta.\i qui passe, il s'arrê te et on [)artage avec deux ou trois autres personnes ... Sinon, 0 n recom mence à hurler en gesticulant... Le so lei l se couche. « Allah w Akbar », éters:

- i!j i? tlelle [)rière. .. Les marchés s'illuminent de

9 ','C" '"\ "h- !1etites lam nes à gaz qui donnent aux fruits et l\!..:III))~;r v _ _~_ aux légumes des couleurs encore plus fantastiqul: ~ , Sur la corniche du Nil, c'est la promenade des amoureux. Des marchands ambulants leur proposent des glaces et des jus de mangue qu'ils tran s[)ortent dans des glacières en plastique. Le trafic est toujours aussi dense. C'est le paradis des klaxons. Un âne passe, chargé de marchandises. Son maître le frappe pour le faire aller plus vite, avec un long fouet de cuir, au risque de décapiter un malheureux piéton. Mais l'âne prend son temps. L'Egyptien aussi. Il n'aime pas la vitesse. Durée moyenne du travail effectif: 57 minutes par • jour. On prend le temps de vivre. On laisse venir les choses sans les précipiter et, traditionnellement, on ponctue ses phrases d'Inch Allah (si Dieu le veut). 28 Le gouvernement, lui, essaie de se dépêcher, de rattraper le retard du pays. Il n'y a guère que lui qui s'active. Et le tourisme, qui au passage bouscuie bien des mentalités. Le palais Maniai : quelques hectares de verdure ceints


_._-,--_. __ ._---------- ----

Les touristes ont de l'argent, s'habillent en short et mini-jupes, ils ignorent la crise. d'une épaisse muraille, au coeur même d'un quartier populaire du Caire. A l'extérieur de l'enceinte, les pauvres sont au labeur quotidien: échoppes minables et petits ateliers crasseux. A l'intérieur, les touristes visitent une autre Egypte : piscine creusée parmi les fleurs, bungalows confortables, méchouis organisés, spectacles de danse du ventre ... Quand sortent les étrangères, certaines sont décemment vêtues; elles ont gagné leur droit à voir les pyramides. D'autres décident de ne pas tenir compte de la culture en laquelle elles se trouvent. Chevelures blondes défaites sur les épaules nues, mini-jupes, cuisses alléchantes. Elles ne sont même plus huées par les vieilles Egyptiennes voilées qui n'en restent pas moins outragées dans leur" pudeur. Les hommes, eux, qui ne connaissent que leur bobonne de 80 kilos et le voile des autres femmes, ont une réaction d'attirance que les touristes baptisent agression. Qui agresse l'autre? Les jeunes filles aussi sont attirées par ce libéralisme, elles qui n'ont guère le droit de sortir sans leur père avant leurs fiançailles ... Pour toute la jeunesse, les touristes sont devenus un modèle de liberté des moeurs. Et puis, l'argent sort à profusion de leurs poches ... Les jeunes ne songent plus qu'à quitter l'Egypte, attirés par l'éclat de la société de consommation à l'occidentale. Que feraient-ils en France ou ailleurs? Cela, ils ne le savent pas. Pour eux, l'Occident offre ses richesses à quiconque y réside. Ils ignorent la crise. A vrai dire, ils ne voient que ce qu'on leur montre, dans la rue et dans les films: larges artères bordées de magasins de luxe, places, salles de bains royales ... Ici, presque tout le monde a la télé et un magnétophone, mais seulement 40 070 des habitations sont pourvues d'eau courante, à l'intérieur ou à l'extérieur. On s'y lave tant bien que mal dans un recoin. Un mince filet d'eau coule d'un robinet archaïque. On fait chauffer dans une grosse marmite, et puis on mélange le chaud et le froid dans une cuvette en plastique, et on s'asperge à l'aide d'un broc. Les toilettes: les mouches montrent le chemin. La cuisine est du même style. Dans la cage du vieil escalier sombre dont la rampe s'est écroulée et qu'on n'a jamais réparée, poules et chats font bon ménage près des poubelles ... (7:::::; ';;' -c; Dans les quartiers riches, de somptueuses .;;.Al::.-_-' ~'~',,-' maisons se dressent, domaines des grandes '-tl~~ ~ ~ familles égyptiennes et des parvenus plus L:::~~ récents. Pas mal de coptes ... Ils font leurs études au lycée français ou à la Deutsche Schule, chez les frères ou chez les soeurs, où ils reçoivent une éducation à l'occidentale, parmi les Libanais, les Italiens et les Grecs installés en Egypte. Chacun a sa bonne, son cuisinier, son chauffeur. Il ne leur reste d'égyptien que le goût pour les ragots. Eux aussi, un jour, quitteront l'Egypte. Du temps de Sadate, ils étaient rois. Aujourd'hui, ils perdent leurs privilèges et leur fortune. L'Egypte, ils y retourneront en vacances, jouir du soleil et des plages privées de la côte méditerranéenne. Ils regretteront la vie si peu chère ... Le pain est au même prix pour tous: 1 piastre (7 centimes). Il est subventionné par l'Etat. Moubarak avait pensé supprimer ces subventions pour les transformer en une allocation pour les plus démunis. Une riche idée qui n'a pas abouti ... Ces inégalités sociales et l'emprise occidentale, des groupes extrémistes les combattent, rejetant ce qu'on appelle «progrès» et « modernisme » ... Ils prônent un retour en arrière. A bas la télé, la musique américaine, la jupe courte et les cheveux au vent. Retour au voile et à la tradition. On tombe d'un extrême à l'autre. Bien sûr, l'occident apporte des devises, des techniques, des équipements, Les enfants du Caire. des usines clefs en main ... Mais l'Egypte n'est plus guère qu'une marionnette dont l'étranger actionne les ficelles. La dépendance économique et le trouble jeté dans les mentalités ne sont-ils pas un avatar du colonialisme? Les Frères musulmans veulent rendre l'Egypte aux enfants du pays. Mais eux aussi boivent du Coca Cola ! Mais si l'Egypte est à 90 070 musulmane, les Egyptiens sont aussi coptes, chrétiens d'Orient héritiers des pharaons, et ceux-là supportent mal le poids de l'islam. En effet, le droit égyptien est à 25 % du droit anglais, 25 % du droit français, et 50 % de loi coranique! De là des frictions entre une majorité écrasante et une minorité qui détient l'instruction et les finances, mais qui n'a guère de statut. Ces conflits internes n'arrangent rien. Même les paysans quittent leurs terres pour l'attrait du Caire. On espère trouver mieux et on s'entasse dans des bidonvilles à la périphérie des cités ... Ceux qui restent se sont reconvertis dans la culture industrielle du coton ou de la canne à sucre. Dans le delta, riz et sorgho sont en expansion, au détriment des cultures traditionnelles: céréales, fèves, oignons, courges .. 25 000 km2 de terres cultivables, réduites au delta et à la vallée limoneuse du Nil, sur une superficie totale d'un million de kilomètres carrés, c'est peu. Bien sûr, il y a eu Nasser et le barrage d'Assouan ... Mais il s'avère plus dangereux qu'efficace. Il eût fallu disposer de capitaux énormes pour continuer, les travaux de construction d'un réseau 30 d'irrigation beaucoup plus dense. Il faudrait encore emprunter à l'étranger. Une dépendance passagère qui, elle, aurait pu conduire à l'autosuffisance et, par là même, à une relative indépendance. Le domaine médical, lui aussi, a été oublié ... Beaucoup de médecins, peu qualifiés, font des erreurs de diagnostic. Quant aux hôpitaux, on n'opère pas dans les conditions d'hygiène réglementaires! Les mouches font bon ménage avec les chirurgiens, et les chats attendent en miaulant qu'on leur donne à manger. Sadate a préféré investir dans la guerre. Il y a perdu de l'argent et des hommes. De la paix, il a fait sa réputation de grand homme. Mais qui s'est soucié alors de la crise intérieure ? L'élite à l'occidentale qu'il avait créée dans son entourage cachait la misère de la masse, plus grande encore ... Les citoyens ordinaires, il n'a fait que les détourner de leur identité, que les laisser croupir dans l'insalubrité l'ignorance, et le doute quant à la valeur de leur culture. ' . Qui connaît l'existence de léproseries gigantesques? QUl a entendu parler des 12 000 Cairotes qui vivent des ordures qu'ils ramassent ? .. Les mauvaises langues appellent ce lieu « Azbet el khanazir », la ferme aux cochons, parce qu'ils y élèvent des porcs ... Ils, ce sont les zabbelin, les chiffonniers du Caire; leur village, c'est la décharge à ordures. Le vrai nom de cet endroit, c'est « Nawara », ou « lumineuse ». Ça n'a rien de lumineux; c'est plutôt d'une puanteur terne: un amoncellement de détritus où grouillent les rats et les puces et vrombissent les mouches. I~ avaityeut-êtr,e ~ente-cinq ans ... C'est là que j'ai rencontre Hab~b. n. a 1 aIr heureux ... Je lui ai demandé de me parler de IUl, et Il m'a raconté sa vie, sa vie de chiffonnier. o~ô «.L:his~oire de ma vie? Moi, je suis de la ~j),,--_..;:~:;..;.;,,~, generatlOn des bidonvilles. J'y suis né. Mon i~!~~ ~ ~ pè:e m'a demandé de quitter l'école pour tra- . . _ , vailler dans les poubelles. A partir de ce moment- la, li n 'y a plus eu d'avenir pour moi... Notre travail eS,t déte~té du gouvernement parce qu'on a des porcs. S'il n y avait que les poubelles, ce serait acceptable, mais avec l~s porcs! Pourtant, des poubelles naissent les porcs. Ici, c e~t un p~ys musulman, nous sommes proscrits parce qu on travaIlle avec les porcs~ Bien que nous soyons musulmans aussi. Enf~n, il y a des coptes qui vivent ici également. - N'y a-t-Il pas de ce fait des problèmes d'intolérance entre les deux groupes, au sein du bidonville? ~ N~n, pas de racisme. On n'est pas assez instruits pour etre racIstes. On est de bons analphabètes. Si tu avais affaire à des universitaires, tu verrais la différence. Les études cela rend raciste. Ce n'est pas toujours bon de savoir tr~p de choses. 31 - Comment on vit, à Nawara ? L'homme, il travaille une fois par jour seulement il ramasse l~ poub~lles, mais il se fatigue dur. Ce sont 'les fem~es qUl fourmssent un effort énorme et constant. Elles travaIllent plus que les hommes. Lui part avec sa charrette et ses deux ânes, i~ fait des kilomètres pour ramasser les poubel~ es dans des Immeubles à étages, et il doit faire tous les palIers P?ur p~endre la poubelle de chaque habitation. Au retour, c est tres dangereux, parce qu'on n'a pas de lumière aux charrettes, et parce qu'on est fatigué, alors on peut « La police est venue me voir. Au début, j'ai paniqué. » avoir des accidents. On donne les ordures aux femmes' .' c'est elles qui les trient. Elles donnent ce qui peut se minge; aux cochons, et elles trient aussi les choses comme le plastique, le verre, les boîtes en fer, parce qu'on les revend. C'est la femme qui fait tout cela; elle doit aussi s'occuper des enfants. Quand on a fini le travail, nous les hommes on va au café. On joue de l'argent aux jeux de hasard on boit de l'alcool, et on fait des choses pas bien... ' C.e ~'est pas.u~ endroit bien. C'est plutôt malsain. n y a des cnmI~e~s qUl VIennent se réfugier ici, parce qu'on n'est p.as controle. Ceux qui v~ulent échapper à la justice, les trafiquants de drogue, Ils VIennent ici... Et même s'il vient des Les chiffonniers vivent de la rÎ'cupération dans les immens,es dépôts d'ordures qui entourent la capitale. inspecteurs, ils ont peur d'entrer, parce que c'est un lieu dangereux, surtout à cause de la mauvaise odeur. Dans les cafés, on voit des gens qui fument le haschisch, qui trafiquent. Il n'y a pas de gouvernement ici. Il n'y a ni mosquée ni église ici. Mais on a une salle où on peut prier. Tu sais, au début, il y avait la guerre avec Israël. La police se méfiait de nous, ils suspectaient la soeur (voir encadré) d'être un agent d'Israël, parce qu'ils ne comprenaient pas ce qu'elle faisait chez les chiffonniers. Un jour, des gens du service des. renseignements sont venus me voir. Au début j'ai paniqué et j'ai eu peur pour elle, mais je leur ai dit qu'elle était venue pour nous aider tous, les chrétiens comme les musulmans. Comme un docteur regarde les hommes et les femmes, elle « Autrefois, la femme n'allait jamais voir un médecin homme. » soigne les maux des chrétiens et des musulmans. Cela n'a pas d'importance, elle travaille pour nous tous. La police l'a contactée ainsi que les bénévoles qu'elle avait réunis pour l'aider" et ils leur ont dit qu'il serait préférable d'arrêter tout cela. Surtout pour la soeur qui vivait complètement avec nous, ils lui disaient qu'on allait la tuer. .. Elle est restée. Maintenant, il yale dispensaire, il y a les classes, le centre artisanal où on apprend des petits métiers, les femmes font 32 de la couture, des choses comme cela, beaucoup de progrès ... » L'ambition de soeur Emmanuelle, c'est un peu grâce à cela, d'insérer le maximum de jeunes dans la société. Habib doute de son succès : « Elle ne'peut qu'améliorer nos conditions de vie sur place. Si tout le monde sortait d'ici, qui s'occuperait des po~b~lles ~ ,?'est notre vie je crois. De toute façon, les gens qUI VIvent ICI y restent... Autrefois, il y avait une douzaine d'enfants par famille; maintenant, c'est réduit de moitié. La soeur a fait le recensement des familles qui vivent ici. Elle envoie un maximum de femmes au dispensaire pour prendre la pilule, mais seulement celles qui le désirent y vont. Avant, reprend Habib, les femmes n'allaient pas voir un médecin homme, surtout à cause de leur mari. La soeur pouvait faire tout son possible pour leur faire comprendre, leur promettre de les accompagner, rien à faire. La femme pouvait avoir un enfant tous les ans, son mari persistait à refuser qu'elle soit vue par un médecin homme. Alors, la soeur a dû faire venir une doctoresse. Maintenant, elles y vont plus facilement. Les télés qu'on a marchent avec des piles parce que, ici, il n'y a pas d'électricité. Certainement, on voit ce qui se passe dans le monde, mais on ne peut pas sortir de notre vie de chiffonniers. On n'a pas de papiers; on n'est donc pas des citoyens à part entière. On ne peut pas sortir dans les rues du Caire sans la charrette de chiffonnier. Ainsi, les gens savent qui on est. Sinon, si la police nous demande nos papiers, on est en situation illégale, et ils peuvent nous arrêter. Si on a la charrette, c'est différent, personne ne nous demande rien mais personne ne nous respecte non plus. Si tu me demandes pourquoi on n'a pas de papiers, c'est essentiellement parce qu'on ne veut pas faire le service militaire . Il dure trois ans; et pendant ces trois ans, qui va nourrir notre femme et nos enfants? On vit au jour le jour ; l'homme doit être là pour ramasser les poubelles. Si on était fonctionnaires, on serait subventionnés par l'Etat. Non, on ne peut pas sortir des ordures. On n'a ni l'occasion, ni la possibilité de sortir. On ne connaît pas Le Caire ! Seulement les quartiers où on travaille. Si tu demandes à quelqu'un ici où est la place Tahrir, il te dira à Paris ou en Belgique ! » Habib n'est pas particulièrement révolté par sa différence de condition. « A la télé, bien sûr, on voit des choses très belles et très propres, mais on se dit que c'est de ces endroits-là que vient soeur Emmanuelle, et on l'aime encore plus d'être venue vivre avec nous, c'est tout. .. De toute façon, ici, on n'a pas le temps de parler ni de Sadate, ni de Moubarak. On travaille toujours, alors la politique 1. .. Et après le travail, c'est le calé. On s'iIlléresse plutôt a la vie du bidonville, voir si le gouvernement commence à s'intéresser à notre sort. Au contraire, le gouverneur du Caire dit qu'il n'y a pas un seul pays au monde où le ramassage des poubelles se fait d'une manière aussi sale; il trouve répugnant le spectacle de nos charrettes tradées par des ânes ! Il a le projet de mettre à la disposition des Cairotes des caisses en plastique pour mettre leurs déchets. Et qu'est-ce qu'on va devenir, s'il s'en mêle? Le gouverneur peut organiser le travail des chiffonniers, mettre à leur disposition des voitures automobiles, mettre les ordures ailleurs, mais les gens qui y travailleraient ne seraient ni habitués ni formés pour cela, et les vrais chiffonniers, nous, que deviendrionsnous? On n'a pas d'autre métier! Et si les autorités de la ville poussaient le raisonnement plus loin en nous interdisant d'habiter sur les poubelles, où irions-nous vivre? » Tous les mois, Habib va demander un peu d'argent aux familles dont il ramasse les poubelles. Dix à quinze piastres, qui vont au patron qui dirige un groupe de six à sept chiffonniers. Restent les cochons et la récupération des métaux. A écouter Habib, on sent une résistance forcenée aux efforts du gouvernement Moubarak pour faire évoluer la situation. Eternelles contradictions des pays pauvres, d'autant plus vives ici que l'Egypte en général et Le Caire en particulier restent à l'écoute attentive d'un Occident mythique, qui lui envoie ses émissaires en chemisette. LJ Florence JOALLAND r---- ODEURS DE CUISINE ----, RAMlA. gombos à l'égyptienne Si l'on utilise des gombos secs, il faut les faire macérer pendant 20 h à l'eau froide. S'ils sontfrais, pratiquer des lavages prolongés sous un filet d'eau courante, puis égoutter pour les débarrasser de ['excès de mucilage. Faire chauffer l 'huile dans une cocotte, y faire revenir 700 g de gombos; ajouter l'ail haché, trois tomates coupées en morceaux et 400 g de poitrine de mouton coupée en cubes de 2 centimètres de côté. Assaisonner avec sel, poivre. Mouiller avec un décilitre d'eau. Couvrir et cuire àfeu doux pendant une heure et demie. 33 DIFFÉRENCES 0 N° 24/25 0 JUIN/JUILLET 83 « Il Y en a qui vont s'en sortir» S , OE UR EMMANUELLE, religieuse d'origine belge, est installée chez les chiffonniers du Caire depuis 1970. Elle a notamment créé un centre médico-social. Le dispensaire traite deux cents à trois cents malades par semaine. Le jardi n d'enfants s'occupe de deux cents enfants, dont cent cinquante de chiffonniers. Je l'ai rencontrée : « On a commencé par l'ouvroir, où les femmes apprennent à coudre. C'est très important pour elles. C'est aussi un lieu de réunion où elles peuvent s'exprimer, discuter, chanter ou pleurer... On a aussi ouvert un dispensaire qui s'améliore tous les jours. Le manque Maintenant, on a un cabinet de dentiste. On a même une salle d'opération et une maternité toutes neuves, mais on attend l'autorisation pour les mettre en service... II manque tout de même un service d'ophtalmologie, poursuivait-elle, avec le soleil et toutes ces mouches, ils attrapent toutes sortes d'affreuses maladies des yeux. » Elle me parla aussi de la planijïcation familiale: « C'est difficile, disait-elle, la pilule, elles oublient de la prendre, et le stérilet, c'est impossible; comme elles ne sont pas propres, el/es s'infectent facilement ... » ... « Tu vois, les enfants, ICI, cela pousse comme des herbes folles, personne ne s'occupe de leur éducation. Ce sont des petits sauvages; ils s'élèvent tout seuls, à coups de jeux de couteaux ... » Et elle me racontait de tragiques batailles d'enfants: le sang se mêle souvent à la misère ... et comment, grâce à Dieu, elle récupérait les petits criminels. «J'ai eu l'idée de créer un groupe de scouts. Oui, c'est très important; ils apprennent à dominer leur instinct et à respecter tous les membres du groupe. Cela leur donne des activités saines. Cet été, nous somme allés au bord de la mer. Si tu avais vu comme ils étaient heureux 1 eux qui n'avaient jamais quitté leur univers de poubelles. Et puis ils ont un uniforme propre. Souvent on fait des fêtes, c'est très important, la fête 1» C'était justement le 31 décembre. Une veillée était organisée où les petits chiffonniers se mêleraient aux enfants du village VOISin. L'ouverture ? « Et puis, j'emprunte aussi des films aux centres culturels de la ville. Ah, cela les intéresse; il yen a même qu'ils revoient plusieurs fois avec le même plaisir. Et maintenant, on a une école. 1/ y en a qui réussissent très bien. Mais ce fut difficile au départ de convaincre les parents de les y envoyer. Maintenant, cela marche bien; j'ai de l'espoir. 1/ yen a qui vont s'en sortir. On a même un jeune qui fait des études de médecine à l'université ... , mais le soir, il travaille comme chiffonnier. Est-ce possible de s'en sortir, et le veulent-ils vraiment ? Leur gros problème, ce sont les papiers. J'essaie d'en obtenir le plus possible, mais il y a aussi le service militaire qu'ils refusent, et sans papiers, ils y échappent. C'est toute une affaire, tu sais ». F.J. Réflexion~~ Claude Font, responsable national du S.N.E.S., est professeur à l'Ecole supérieur des arts appliqués Boulle. A ce titre, il fait partie du jury du concours international de dessins organisé par Différences, Radio France Internationale et le M.R.A.P. Différences a fait avec lui un tour d'horizon des images du monde. Claude Font: Exception faite de quelques moyens d'expression tels que le cinéma, les images qui nous viennent du Tiers Monde sont actuellement relativement décevantes. En général ces pays nous offrent de prestigieux témoignages du passé mais les productions contemporaines sont souvent assez discutables et semblent s'articuler autour de deux axes. Soit on s'inspire du modernisme occidental, ou plus exactement d'un «style moderne» dépassé et même oublié ici depuis des décennies. Dans ce cas, il est difficile de parler d'assimilation, de récupération critique de modèles étrangers car le plus souvent il s'agit de démarches mimétiques, de reproduction,voire de décalque servile. Soit, mais c'est la même attitude, on se tourne vers le passé en tentant de reproduire un art de l'antiquité à l'identique en utilisant des techniques complètement inadaptées. L'exemple de l'Egypte que ma femme et moi avons visitée il y a quelques années illustre assez bien ce qui précède. Le responsable de la Culture, qui nous avait gentiment accueillis et se disait poète, composait les paroles et la musique de tangos qui n'avaient rien à envier aux bals musettes des années trente. A l'inverse, nous avons trouvé fréquemment des peintures de chevalet tentant d'imiter sur la toile des fresques de l'Egypte ancienne. Dans les deux cas c'est la reprise d'expressions issues de sociétés ou de civilisations historiquement marquées et... dépassées. Rares sont ceux qui évitent cet état de fait car on se trouve, au moins pour l'Egypte, en face d'une sorte de mouvement artistique officiel qui organise en quelque sorte la recherche. Comment échapper, dans un contexte économique difficile, à ces tendances? Est-ce que dans un cadre dit « libéraI » -il y a d'autres solutions? C'est difficile à dire. Nous connaissons tous des gens de talent, des novateurs, qui ont les pires difficultés à se faire entendre. On a les mêmes exemples, toutes proportions gardées, de suivisme dans les pays « libres ». A commencer par le nôtre où l'on est plus ou moins à la remorque des Etats-Unis. ' Le concours de dessins continue. Un des membres du .iury .fait le point sur, les choix esthétiques, ici et ailleurs. ECLAIRCIR L'IMAGE Différences: Peut-on isoler le même phénomène en France dans la mode actuelle qui se réfère aux années 50 ? Claude Font: Cet alignement des images, particulièrement dans la publicité l , sur les années 50, pourrait être la traduction du désir de donner un coup de balai sur un quart de siècle ' d'histoire et de rechercher des racines, après tout pas si lointaines. Mais en fait ce qu'on retient de cette époque, le matériau formel, les images, les couleurs, tout cela nous venait déjà d'outre-Atlantique. Aujourd'hui comment se traduit ce phénomène? On a là une couverture d'un mensuel fémi- 34 nin particulièrement significative: on va jusqu'à reproduire les caractéristiques des mqyens techniques imparfaits dont on disposait à cette époque. Sachant bien pounant qu'une image, notamment pour la couverture d'une revue comme celle qu'on a sous les yeux, est directement issue de la. technologie dont on dispose au moment où on la produit. Pour obtenir une telle ressemblance, il faut se ' priver d'une partie des moyens actuels, de façon à offrir des images désuètes. C'est net dans cette couverture, le choix des couleurs, le détourage de la photo fait à l'emporte-pièce, tout cela n'a aucune qualité par rapport à ce que l'on sait faire maintenant. C'est très négatif comme démarche. §§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§DIFFÉRENCES D N° 24/25 D JUIN/JUILLET 83 S'inspirer d'un répertoire appartenant au passé proche ou lointain, ou à d'autres cultures, comme a pu le faire Picasso par exemple avec les masques nègres, ce n'est pas négatif en soi. Des retours en arrière dans l'histoire de l'art, il y en a beaucoup,mais ils débouchaient sur une nouvelle génération d'images, nouvelle parce que mettant en oeuvre des techniques nouvelles et s'appuyant sur des objectifs nouveaux. Mais là, on ne prend pas appui, on imite, sans doute parce que c'est plus facile à digérer, ça ne bouscule pas grand-chose. Ce ne sont pas seulement les moyens techniques qui som mis en cause, mais finalement une pratique culturelle. Si on regarde encore cette couverture, elle fait « comme si » on ne savait pas composer une page, ni ce qu'est une couleur, ni utiliser l'objet. Ça semble être l'oeuvre d'un analphabète de l'image. Une couverture caricaturale. Différences: Peut-on alors dire qu'il s'agit là d'une régression? Claude Font: Cette mode des années 50,sous couvert de désinvolture dénote en réalité une pseudo décontraction. Il est permis de penser que c'est un peu dangereux d'utiliser ces signes de « décontraction» par rapport à nos connaissances, parce qu'en même temps, on bloque une situation, Différences: Tout ce travail de blocage est subi par la majorité de la population. Est-ce qu'il y a des solutions ? Est-ce qu'on peut par exemple enseigner l'image? Claude Font: Bien sûr! Si je ne le pensais pas je changerais de métier. On peut apprendre le langage plastique, développer la créativité, étudier l'aspect technique; l'analyse de fabrication. Si on développait, notamment à l'école, chez les jeunes, une attitude critique par rapport à l'image en leur donnant les moyens, les outils pour la recevoir, la mettre en cause, en découvrir les véritables intentions, on ferait un travail très positif. Malheureusement, c'est tout le contraire qui se passe depuis des années. Nous sommes dans ce domaine un des pays les plus mal placés d'Europe. Différences: Dans un enseignement idéal, est-ce qu'on peut supposer qu'un enfant à qui l'on aurait donné ces moyens puisse comprendre les différences qui marquent les cultures et intégrer, assimiler, et non plus subir ces différences ? Claude Font: Pour moi, c'est évident. A partir du moment où je suis persuadé qu'on peut former les jeunes au langage de l'image, je ne limite pas cette formation au langage national ! Et l'attitude critique dont je parle doit pouvoir s'exercer de deux façons: par rapport à la production contemporaine, nationale et internationale, et par rapport à la production passée. Ce que nous vivons en ce moment, ce retour vers un passé récent, une culture historique permettrait de l'analyser. Il faut armer nos contemporains pour qu'ils «n'avalent» pas n'importe quoi. A cet égard ce n'est pas seulement l'enseignement artistique qui est. concerné mais l'ensemble des discipli- ' nes. Si on arrête de juxtaposer, de morceler les formations comme on le fait, et si on développe des buts communs qui sont stimuler des possibilités d'analyse, de réception, de création, de dialogue, alors les disciplines artistiques joueront un rôle fondamental. Différences: Le fait d'apprécier des oeuvres étrangères appartenant à une culture qui n'est pas la sienne nous . amène-t-il à penser qu'on pourrait parIer d'une universalité du langage de l'image? Claude Font: Je suis toujours frappé du fait que des oeuvres reconnues à apparaissent, à nous aussi, comme des oeuvres importantes et novatrices.

Mais c'est, dans le fond, une démarche

qui est du même ordre que notre approche des oeuvres du passé. Après tout, il y a autant de décalage entre l'Art Roman et nous qu'entre l'art japonais contemporain et nous'. ur, le décalage culturel, de quelque ordre qu'il soit, n'empêche pas la reconnaissance de la va leur plastique de l'oeuvre. Je suis assez poné à dire qu'en effet il y 35 a un langage universel mais en cernant bien ce dont il s'agit: la mise en oeuvre et l'exploitation de moyens plastiques, les proportions, les rapports, les valeurs, les couleurs, les matières, etc. Bien entendu, cela suppose que nous fassions l'effort dans cette première approche de nous dépouiller de tout ce qui relève d'un èode, d'éléments locaux. Si on prend par exemple la perspective issue de la Renaissance comme une vérité absolue en matière d'art, on va se couper, s'écarter de toutes les formes d'expression qui ne l'utilisent pas. C'est l'attitude des académistes. On a eu des exemples relativement récents d'un dogmatisme artistique tentant de bloquer toute évolution. J'ai en mémoire les éditions du journal L'I//ustration d'influence pétainiste « Pour une renaissance de la peinture française» qui, rejetant toute la production picturale depuis Ingres, prônant le retour à un art « véritable» néo-classique, concluaient l'ouvrage ainsi : « Arrière toute! L'Art doit être . sauvé par une volonté unanime. » Il faut pouvoir se libérer de tout ce qui est code, et code local, et on pourra dialoguer avec les artistes de tous les pays, j'en suis persuadé. Cela m'amène à rajouter un élément nécessaire à la formation : la disponibilité. Elle n'est pas inscrite dans la nature humaine, elle s'apprend et elle s'enseigne. Surtout en période de crise. Différences: Vous avez défini troh types de relations: reproduire à l'identique, sans qu'il y ait création, des images existantes, envisager les oeuvres, comme le fait l'académisme, à partir de ses propres canons, et un troisième qui permettrait le dialogue entre les expressions artistiques de différentes cultures, mais aussi la maîtrise et la compréhension de sa propre culture, à condition de faire l'effort d'ouverture nécessaire et de s'en être donné les moyens théoriques. Claude Font: Dans le domaine artistique, si un professeur exhibe des codes et des certitudes, il ne remplit pas son rôle. Je pense qu'il faut au contraire s'efforcer de ne pas empiéter sur la culture de l'autre, de reconnaître et de comprendre sa valeur culturelle. C'est ce que j'essaie de faire 1 par exemplel avec les étudiants étrangers, et d'ailleurs pas seulement avec eux. C'est dans une certaine mesure, valable pour nous tous. 1. Voir actuellement les publicités Miko, Ricqlès. Chaque année, les hasards de la production cinématographique donnent une tona- ' lité particulière au Festival de Cannes. L'an '-_______ -' dernier avait été marqué par une invitation au voyage, une rencontre avec les hommes de pays et de cultures différentes. Ce trentième festival peut être justement qualifié de « Festival des différences » tant les conduites en rupture avec les attitudes ou pratiques dominantes y furent évoquées sur un mode quasi documentaire jusque dans les oeuvres de fiction. Le cinéma du Tiers monde n'a pas eu la place - exceptionnelle il est vrai - qui fut la sienne l'an dernier, mais il assure cependant sa présence par des films forts, et donne des rendez-vous intéressants pour l'avenir. Un festival qui nous promet quelques beaux ,films pour la rentrée. ce qui concerne les mentalités que les conduites individuelles: à Java, dans un camp de prisonniers, durant la Seconde Guerre mondiale, Britanniques et Japonais sont face à face. Le choc des cultures occidentale et japonaise est dépeint, par Oshima, à travers l'affrontement de deux officiers britanniques et de leurs geôliers japonais. Cette relation arrivée à son paroxysme fera craquer les conventions sociales de chacun des protagonistes. La question de l'homosexualité n'est, à la limite, qu'un élément de la dramatisation de la situation, le point sa sobriété et de son respect des êtres) délicat et profond sur la passion et les souffrances d'un frère et d'une soeur qui s'aiment comme mari et femme: les Récidivistes de Zolt Kezdi Kowacs. C'est un film qui nous amène à la surface des choses, à l'endroit où se rencontrent les impulsions et la morale sociale. La passion de Youri et Julie, parce que fraternelle et amoureuse à la fois, va se heurter aux gens et aux lois qu'ils se sont données. Il ne leur est pas facile de faire comprendre que leur amour est quelque chose de simple et de très beau, un sentiment d'une évidence telle CANNES· (SUITES) Le Japon a fourni deux oeuvres marquantes, à l'image de la production antérieure des deux réalisateurs qui le représentaient: Nagisha Oshima avec Furyo et Shoheï Inamura avec la Balade de Narayama. Chacun connaît maintenant la thématique de la Balade couronnée par la Palme d'or: dans un village du Japon millénaire, toute personne atteignant l'âge de soixante-dix ans doit se rendre au sommet de la montagne et y attendre la mort. Orin, la mère, a atteint soixante-neuf ans et vit son dernier été ... Au-delà de la réflexion sur le difficile équilibre de la vie en milieu rur:al et sur les lois que se donne un groupe pour survivre, c'est la place de la vieillesse dans toute société qui est admirablement restituée par Inamura. Le regard respectueux porté sur les rites et les rythmes de la vie de ces villageois constitue l'autre grande qualité d'un film justement primé à Carmes. On ne peut se retenir de songer à cette autre grande oeuvre japonaise (co produite avec l'U.R.S.S.), Dersou Ouzala ' d'Akiro Kurosawa. . Furyo (Merry Christmas, Mr Lawrence) est beaucoup plus directement encore centré sur la différence, tant en d'orgue de la révélation de deux êtres, le major Jack Celliers et le capitaine y onoï, personnages interprétés avec nuance et conviction par David Bowie et Ryuichi Sakamoto. C'est Anguelos (Ange) de Georges Katazoukinos, premier long métrage de ce jeune metteur en scène grec, qui a marqué toute la Quinzaine des réalisateurs du sceau de la réflexion contre les mécanismes d'exclusion et de marginalisation de l'homosexualité. Katazoukinos déclare en préambule : « Ce film est pour moi un choix moral et militant face à l'intolérance et au "fascisme quotidien". Dans cette Méditerranée des passions et des certitudes, choisir le thème de l'homosexualité comme véhicule de mes idées et de mes sentimenfs était un défi qui donnait une dimension humaine au "droit à la différence ". » Anguelos est un film sans complaisance, lucide et tendre à la fois. Anguelos est aussi une réflexion sur la passion en même temps que sur la prostitution dans les milieux homosexuels. Le cinéma hongrois proposait en compétition un film (malheureusement passé inaperçu, à cause, peut-être, de 36 que leurs étreintes nous le disent beaucoup plus que leurs paroles. Point de discours culpabilisant entre eux, rien de cette morale chrétienrie étouffante dans leur relation; ils s'aiment et veulent vivre leur passion avec détermination. Ce beau film hongrois nous confirme que ce pays n'hésite pas à traiter tous les sujets considérés comme tabous. On l'avait vu dans Un certain regard l'an dernier, cela apparaît de nouveau avec les Récidivistes de Zolt Kezdi Kowacs. Chronique villageoise Une déception pourtant dans ce festival, le film de Robert Duvall, Angelo my Love, consacré aux gitans des USA. L'auteur a une grande amitié pour cette communauté - marginale parmi les marginaux - d'un pays qui en compte tant. Mais il ne réussit pas, semble-t-il, à échapper à l'anecdotique, voire même au cliché habituellement répandu sur tout le monde gitan. Ce n'est pas pour autant un film raciste, il s'en faut. David Bowie et Rynichi Sakamoto dans Furyo de Nagisha Oshima. La Mort de Mario Ricci de Claude Goretta aborde avec subtilité et sans manichéisme la relation Occident Tiers monde au travers d'une enquête effectuée par un journaliste de télévision. Racisme ordinaire et réflexion sur la faim dans le monde alimentent cette chronique villageoise marquée par la forte personnalité de Gian Maria Volonté. Trente ans de cinéma africain Le Tiers monde a été présent à Cannes à travers une oeuvre percutante de Mrinal Sen, Kharij (Affaire classée), un film algérien de Mohamed Chouikh, Rupture (les prémices de la révolution dans la région de Mostaganem), au langage maîtrisé et au discours politique clair. L'Amérique du Sud qui refuse l'asservissement, celle qui dit non à tous les esclavages, s'est exprimée par la voie du film lyrique et réaliste à la fois, la Rose des vents de Patricio Guzmann, réalisateur chilien exilé à Cuba. Cette présentation ne saurait être complète si n'était évoquée une oeuvre qui fera date dans l'histoire du cinéma africain. Ferid Boughedir, journaliste tunisien, professeur de cinéma et réalisateur, a tourné Caméra d'Afrique, véritable somme de trente années de cinéma africain. Les moments historiques des caméras étouffées, toutes ces oeuvres qui ne trouvent quasiment pas de distributeurs du fait de la double censure, et politique et commerciale, sont montrés et célébrés dans le film référence de Ferid Boughedir. Qui veut connaître le cinéma africain ne saurait faire l'impasse sur ce film. Jean-Pierre GARCIA 37 Irène' Papas, vedette de Erendira de Ruy Guerra 'd'après Gabriel Garcia Marquez FREUD ET •• MOISE Différences: Enfant, Freud lit la Bible dans une édition illustrée. Adulte, il écrira que la Bible n'a cessé d'orienter son intérêt. En quoi? Roger Dadoun: Les références bibliques sont très importantes, très prégnantes dans l'oeuvre freudienne. Mais un problème que j'aborde dans mon livre repose sur la question: qu'est-ce qui a bien pu se passer en profondeur et travailler ainsi l'imaginaire de Freud ? .. A mon sens, il y a à partir de cette lecture de la Bible (la Bible illustrée dite de Philippson) une sorte de socle nourricier de la pensée de Freud ; une sorte de musique hébraïque fondamentale. Mais plus archaïque que rigoureusement juive. Différences: Mais Freud se quali· fiait lui-même de «juif infidèle ». Comment interpréter cette auto· définition ? Roger Dadoun: Une manière d'exprimer que sa judéité n'était pas celle de l'adhésion à une religion et à des rituels. Alors, dira-t-on, en quoi Freud était-il juif?.. Ce qualitatif d'infidèle, cette notion d'infidélité ne doivent pas être pris dans un sens négatif. Tout en désignant sa non-pratique religieuse, Freud revendique une judaïté. Différences: C'est la thèse de Moïse... l'Egyptien. A partir de laquelle vouS semblez tirer de considérables implications ... Roger Dadoun: Moïse, nous dit Freud, ce personnage le plus prestigieux du peuple juif, le fondateur du judaïsme et de l'identité juive, est d'origine égyptienne: un prêtre égyptien. C'est donc aussi: l'autre, le différent. C'est la thèse de Moïse et le monothéisme publiée en 1939. Une thèse qui fait singulièrement bouger le concept oz 0'": Dansson récent livre sur Sigmund Freud, Roger Dadoun dresse un parcours - vie et oeuvre ---:- dU fondateur de lapsychanalyse*. Un parcours non-réservé,aux th~oriclel1s du «divan». Avec! 'hypothese: Freud, juifmals.:. « égyptien » pensée. Roger Dtldolilt ~'~ 'en explique. Roger Dadoun d'identité par rapport à l'idée du « compact» et de « l'homogène », laquelle implique toujours un principe d'exclusion. Par rapport à l'affirmation « massive» : nous sommes tel groupe, telle race, tel parti politique, telle collectivité, etc., Freud met en jeu une réflexion fantastiquement et radicalement différente. Freud a donné là une oeuvre remarquable et apte, justement, à exprimer les caractéristiques d'un groupe humain qui sécrète dans son identité même un sens profond de la différence à travers son histoire et sa diaspora. Qui remet en question les frontières, les limites et les enfermements. Et à mon sens, dans une large mesure, le peuple juif a fonctionné comme ça. Selon ce principe mis en lumière par Freud: l'altérité dans l'identité. C'est cela, je crois, que manifeste le Moïse freudien, le Moïse égyptien de Freud. Différences: Dans son livre, Freud penseur d'un Moïse différent devient un peu lui-même un Freud ... « égyptien » ? Roger Dadoun: C'est une hypothèse, bien sûr; mais je crois qu'elle fonctionne. Je mets en scène un Freud libertaire, capable justement de penser la différence à l'intérieur de l'identité. L'obsession généralisée de la quête d'identité (à travers des langages redondants et des formules figées) peut être dangereuse dans certains cas. Lorsqu'il ne s'agit pas d'une légitime revendication de droit à l'existence, voire de survie ou de défense. Placé comme fondement de la construction du groupe social, c'est un ,concept ambigu et qui peut être - historiquement - redoutable. Se percevoir identique à soi-même dans un monde où règne la différence, c'est - implicitement - exclure cette différence. Et, sur le plan individuel, il s'agit de percevoir _ comment le 38 « sujet» tout en étant identique à luimême est également porteur de différences. C'est ce que Freud a magistralement introduit dans le domaine de la sexualité. En montrant qu'à l'intérieur du masculin, il y a la dimension de la féminité. C'est la thèse de la bisexualité. Nous sommes porteurs au plus profond de nous-même, à des degrés divers, de la différence. Lorsque Freud dit que : «Le moi n'est pas maître dans sa propre maison», il ouvre grandes les portes aux recherches et aux découvertes de la psychanalyse tout en y inscrivant une réflexion généralisée sur la culture et l'histoire. Différences: D'où, selon vous, l'importance de la pensée de Freud dans le contexte contemporain ? Roger Dadoun : Si l'on établit que tout individu est porteur de dimensions différentes dans son existence et sa sexualité, porteur aussi de certaines structures de l'histoire de l'espèce humaine comme de celles de sa microhistoire familiale, parentale, etc., l'intrication de tous ces éléments rend la pensée de Freud très vitale aujourd'hui. Dans un temps où les totalitarismes se multiplient même sous des formes masquées ; dans une humanité où la notion -de totalité est devenue particulièrement oppressante à travers les systèmes de pouvoir. A partir de son exigence d'analyse, l'oeuvre et la pensée de Freud sécrètent encore l'énergie de construire en nous-même la réponse aux sombres défis (agents de mort, de destruction) que nous lance le monde actuel. Propos recueillis par J.J. PIKON (*) Freud, par Roger Dadoun. Dossiers Be/fond. ~ ~

e .~ 0.. ,~ ~ Véronique Diestehy et P. Luigi Pizzi, deux des principaux rôles. 17 3 5 à l'Académie royale de musique: c'est la création des Indes galantes, opéra-ballet en quatre entrées (1) et un prologue; livret de Louis Fuzelier; musique de Jean-Philippe Rameau. La structure de l'oeuvre est dans la tradition des grandes oeuvres versaillaises : un prologue mythologique et allégorique adressé au Prince (Lours XV) et une situation (historique, s'entend) puis une action qui l'illustre. Pourquoi ,Rameau et Fuzelier situent-ils leur oeuvre dans ces Indes, divisées alors en Occidentales (Amérique du Nord et d~ Sud) et en Orientales (Turquie, Perse ... ) ? A-t-on sacrifié . au goût déjà affirmé du public pour les sujets exotiques: récits des grands voyageurs, traduction récente des Mille et Une Nuits? Le compositeur et le librettiste, tous deux au fait de la naissante Philosophie des Lumières, n'ont-ils pas voulu faire oeuvre vraiment nouvelle en soulignant les similitudes et les différences entre diverses cultures que leurs contemporains n'étaient pas à même de percevoir? L'Europe est en guerre. Dans le prologue, Hébé, déesse de la Jeunesse, incite des troupes de jeunes Français, Italiens, Espagnols et Polonais (la reine est Marie Leszinska) à danser, chanter et s'aimer aux sons joyeux des musettes. Bellone, déesse de la Guerre, intervient, tambours battants, et rappelle les jeunes gens à leurs devoirs guerriers. Hébé et Amour vont inciter la jeunesse à « conduire les plaisirs dans les climats lointains ». C'est un appel au pacifisme, à la désertion, à l'aventure et à la découverte. Prologue subversif ? Oui, si l'on se souvient du récent: «Faites l'amour, pas la guerre!» Prologue qui va conduire à différentes découvertes et constatations: l'antiracisme et la vertu « chez les autres» (Entrée 1), la lutte contre les croyances et superstitions théocratiques (II), l'égalité sociale (III), la liberté sexuelle (IV). Le Turc généreux La musique reste en deçà des prétentions du livret, ou au-delà peut-être, dans le droit-fil des opéras-ballets précédents, superbe, grandiose, probablement insurpassable. Titre de la première entrée : Le Turc généreux. Dans l'imagerie populaire, jusqu'au début du XVIIIe siècle, le Turc (l'Ottoman) est un être sanguinaire et brutal, immoral et dépravé (envié aussi, car il est polygame et attiré par les jeunes garçons), guerrier et pirate, hypocrite et vénal. J'ai dû en oublier! Et le voici devenu, par la grâce de Fuzelier et Rameau, généreux au même titre qu'un Auguste ou qu'un Titus, figures éternelles de la clémence occidentale. En effet, il rendra, malgré sa souffrance, Emilie, la belle esclave provençale qu'il aime, à son fiancé, Valère, travesti en esclave. Deuxième et troisième entrée : Les Incas au Pérou,. Les Fleurs, Fête persane. Pourquoi deux coups pour rien : ce sont les deux entrées les plus réussies musicalement, mais ce sont aussi celles dont les arguments sont les plus ténus et les plus discutables. Dans Les Incas au Pérou, Phani, jeune Inca, est amoureux d'un beau conquistador, Don Carlos. Huascar, grand prêtre du soleil, l'aime et est jaloux. Il va provoquer une éruption volcanique pour persuader la jeune fille que les dieux désirent leur alliance. Don Carlos découvre le pot-aux-roses et le volcan détruit Huascar. Ce qui est intéressant, c'est que là où le livret nous irrite, dans ce tableau de clichés colonisateurs, le compositeur n'hésite pas à attribuer à Huascar les moments musicaux les plus émouvants et à le rendre ainsi sympathique au public. Rameau, amis des Encyclopédistes, a-t-il senti le piège tendu par le livret et a-t-il voulu le détourner par la musique? Probable; écoutez donc, entre autres, la scène VI : « Que l'on est criminel, lorsqu'on ne plaît pas ». Dans Les Fleurs, fête persane, on « exotise» simplement le thème de l'inversion des rôles sociaux. Guère plus qu'un prétexte à l'une des plus belles suites de symphonies et d'airs de Rameau. Vient la quatrième entrée, Les Sauvages. Inutile de commenter les connotations racistes du libellé. Une belle Indienne, Zima; deux beaux soupirants européens, Damon, le Français cynique et Alvar, l'Espagnol passionné. Leur rival, Adario, le chef de la tribu pour lequel brûle Zima. L'entrée est courte, grâce à son héroïne qui a vite fait d'expliquer à ses soupirants quelques vérités qui ne supportent pas de réplique: ni libertinage, ni amour éternel, il suffit de suivre le penchant de la nature (liberté sexuelle, jusqu'au mariage cependant). (Sc. III. Zima) : - Le coeur change à son gré dans cet heureux séjour. (Sc. VI. Zima) : - La nature qui fit nos coeurs Prends soin de les guides sans cesse. Des sauvages « rousseauistes » ? Plutôt encyclopédistes, c'est-à-dire déployant les fastes supposés de civilisations idéalisées par l'Occident, mal connues et mal comprises. Les Indes galantes de J.P. Rameau, si l'on ajoute à l'analyse succincte du livret le style de la musique qui n'a rien d'exotique dans sa pompe versaillaise, sont plutôt un code de galanterie idéale à l'usage des contemporains. Mais au-delà 'de ces limites, s'ouvrent quand même les portes de l'Orient. Claude JALLET (1) Entendez : actes. Reprise des Indes galantes (1735) au T.M.P. (ex-Châtelet) du 24 mai au 4 juin. Différences : La postérité pèse plutôt lourd quand il s'agit de Gobineau signataire de l'Essai sur l'inégalité ... Jean Gaulmier: Un titre absolument... malencontreux; pour ne pas dire plus. Alors que le propos de Gobineau était de traiter des « différences » de l'histoire des races humaines, avec, bien sûr, les données anthropologiques de son temps. GOBINEAU , , A l'époque et depuis Kant, on vivait culturellement sur « l'idée» des trois races. Gobineau voyait en chacune d'elles des spécificités, des qualités fondamentales et intrinsèques liées à trois polarités: l'art, le commerce, la civilisation. REHABILITE ?• Il attribuait à la race blanche des vertus de civilisation et de rationalité; à la jaune, celles du sens pratique et du commerce; à la noire, celles de l'émotivité et du sens artistique ... Mais il ne faudrait pas se méprendre sur cette notion de rationalités civilisatrices. C'était celle de l'Europe du XIxe siècle

ni plus ni moins; celle qui traverse

aussi la pensée de Renan et du très démocrate Michelet. Si l'Essai de Gobineau avaiL paru un siècle plus tôt, on l'aurait certainement placé dans la lignée de l'oeuvre de Rousseau. Différences: Iriez-vous jusqu'à dire qu'il y a une certaine filiation, une parenté théorique entre Rousseau et Gobineau? Jean Gaulmier : Ce n'est sans doute pas pour rien que les gens de l' Actio~ française avaient horreur de GObl- ~ neau, qualifié avec mépris par Maurras ~ de ... « genti/lâtre rousseauiste ». ~ .Si chez Rousseau, la décadence 0 mor~le provenait de l'abandon histori- ~ que de l'homme naturel, chez Gobineau cette décadence est un peu de même source. Mais dans une dimension tragique du «mélange» des races, de la perte de leurs valeurs resrective~ et ;récifiqlle~. Il y a pour Gobineau un « déterminisme du sang» quasi obsessionnel et qui vaut d'être analysé avec circonspection (2). 11 Y voyait un mécanisme de l'Histoire universelle. C'était finalement un romantique attardé. Pour lui, depuis la fin de la chevalerie, la décadence s'était déjà irrémédiablement installée. D'où son profond pessimisme et son individualisme forcené. Différences: Mais celle aversion à l'idée de « mélange» des races, cette notion de décadence et de nostalgie des anciennes valeurs, ça fait quand même un drôle de terreau. Celui d'où, plus d'un demi-siècle après sa mort, on a pu voir resurgir certaines «thèses» de L ECRIVAIN et diplomate Gobineau (1816-1882), auteur, 'entre autres, de l'Essai sur l'inégalité des races humaines, - aux extraits repris par la propagande du Ille Reich et les collabos français - vient d'entrer au petit panthéon des livres: la Bibliothèque de la Pléiade (1). Principal« maître d'oeuvre» et préfacier de cette édition, Jean Gaulmier nous incite à relire aujourd'hui Gobineau. Sans masque déformant. Gobineau: à relire Gobineau brandies du côté raciste et nazi ... Que dire, par exemple, du trajet historique de cette petite phrase: « L'existence de l'âme dépend de la pureté du sang» ? Jean Gaulmier : Qu'on en a éludé tout le contexte... On a, hélas, vu plus d'une fois ces sortes de «prélèvements ». Alors qu'on trouve aussi dans Gobineau des phrases aussi étonnantes que: « Il n'y a eu d'art qu'à partir du moment où du sang noir est venu féconder les blancs »... En matière de récupération idéologique de l'oeuvre de Gobineau, il y a eu un criminel: son petit-fils, Clément Serpeille, qui fut un nazi notoire. Il faut le dire, Gobineau n'était ni germanophile ni antisémite. Ses amitiés et toute une partie de sa correspondance le prouvent. 40 Différences: Vous écrivez dans votre préface: « Cet homme que la légende classe à droite n'était pas conservateur et pas nationaliste. » Une « légende », vraiment? Jean Gaulmier : L'oeuvre de Gobineau relève un peu de ce qu'en pharmacie on appelle .... « l'armoire aux poisons ». Un texte comme l'Essai sur l'inégalité des races nécessite d'évidence une « remise en perspective» et des explications in situ. Mais en contrepoids de ces relectures tendancieuses, il y en a heureusement d'autres, peu suspects d'extrémisme ou de racisme. De Camus à Michel Leiris qui n 'hésite pas à qualifier l'écrivain Gobineau « d'illustre magicien ». Ce contemporain des frères Goncourt et de Zola est, je crois, un grand nouvelliste méconnu, un conteur de la taille d'un Mérimée. Il faut y aller voir par soi-même et lire aujourd'hui Gobineau sans oeillères ni distorsion. C'est du moins ce que je souhaite. Propos receuillis par Jean-Jacques PIKON (1) OEuvres de Gobineau (tome 1: incluant l'Essai sur l'inégalité des races humaines), Bibliothèque de la Pléiade. Ed. Gallimard. Tome II à paraître en septembre (incluant le cycle iranien). (2) Note sur le thème du sang chez Gobineau; par Jean Gaulmier (revue Romantisme nO 31 ; 1981). Histoire U.S • DREYFUS Il Y a trente ans, mouraient les Rosenberg. Charles Palant, alors secrétaire général du MRAP, se souvient de l'action menée en France en leur faveur. La manifestation du 17 juin 1953 à la Nation D IX-NEUF juin 1953. Trente ans se sont écoulés depuis qu'Ethel et Julius Rosenberg sont morts sur la chaise électrique de Sing-Sing, aux U.S.A. dans un climat d'hystérie «anti-rouges », conséquence de la' guerre froide et de la chasse aux sorcières qui sévissait alors, menée par un inquisiteur en chef Mac-Carthy, sénateur de son état. En France, la campagne pour soustraire les Rosenberg à la mort dura près de deux ans. Elle fut conduite par lè Comité français pour la défense des Rosenberg, créé en 1951, à l'initiative du MRAP. Ces années furent sans doute les plus dures de ce qu'on 41 a appelé la guerre froide, issue de la rupture de la coalition anti-hitlérienne. Le monde est alors divisé en deux blocs, cristallisés d'une part autour des Etats-Unis d'Amérique et de l'autre autour de l'Union Soviétique où le « culte» de la personnalité de Staline a pour effet la violation des règle, les plus élémentaires des droits inscrits dans la Constitution. Condamnations et exécutions de « traitres » se mutiplient dans les pays du camp socialiste, en proie aux menaces répétées de la destruction atomique. La méfiance et l'hostilité entre ces deux blocs ont eu leurs prolongements au sein des peuples concernés et parfois jusque dans les familles. LES FAITS 6 aôut 1945 : première bombe atomique sur Hiroshima. 23 septembre 1949 : le présiden Truman déclare que d'après les renseignements en sa possession, les Soviétiques sont désormais capables de fabriquer la bombe. 25 juin 1950 : début de la guerre de Corée, à laquelle participent les Etats-Unis. 17 juillet 1950 : Julius Rosenberg, petit industriel newyorkais, est arrêté par le FBI. Sur la dénonciation de son beau-frère David Greenglass, il est accusé d'avoir livré le secret de la bombe atomique aux Soviétiques. 11 août 1950 : sa femme Ethel est arrêtée pour le même motif. 5 avril 1951 : à l'i$îue de leur procès, Julius et Ethel sont condamnés à la chaise électrique. 20 janvier 1953 : le président Eisenhower remplace Truman. 19 juin 1953 : Julius et Ethel sont exécutés à Sing-Sing. Les Américains qui possédaient d'abord seuls l'arme atomique se posent en champions du « monde libre », investis en quelque sorte par la Providence du leadership sur l'Occident. Aux Etats-Unis, la peur des « rouges» suscite une chasse aux sorcières qui n'épargne aucun milieu et frappe l'employé de bureau comme le savant prix Nobel. La délation est organisée à une échelle difficile à imaginer aujourd'hui, sous la houlette du sénateur Mac-Carthy. Tel est le climat aux U.S.A. lorsque, à la fin de 1949, les Soviétiques ont également réussi à produire la bombe atomique! L'idée répandue alors par les milieux dirigeants des U.S.A. dans l'opinion publique, c'est que les Russes n'ont pu produire la bombe que parce que des espions leur en ont livré le secret. A cette époque, peu de gens savent ce que le secret atomique représente de connaissances et de progrès accomplis dans les domaines de la science et de la technologie, résultant du travail de milliers de savants et de chercheurs. C'est cette ignorance du grand public, bien naturelle à l'époque, qui rend crédible l'accusation portée Le crime impossible contre les Rosenberg d'avoir livré le secret atomique aux Russes. Jusqu'au bout de leur calvaire, les Rosenberg resteront isolés aux Etats-Unis, exceptés quelques amis lucides et . courageux dont les appels, souvent déchirants, nous parviendront en France, stimulant notre action. Lorsque nous découvrons, en France, l'affaire Rosenberg, Ethel et Julil!" ' 1111 dé' ifl condamnés à mort. Qtlelqlle~ échos ont été publiés dans la-presse sur le thème du ~ crime impossible ». Un avocat français a pu se procurer le compte-rendu du procès qu'il porte à Pierre Biquart, compagnon de Joliot-Curie. L'illustre atomiste n'en croit pas 42 ses yeux: comment peut-on condamner à la peine de mort deux êtres humains, accusés d'un crime impossible? Une journaliste, Catherine Varlin, se passionne pour l'affaire. Dans une remarquable série d'articles que publie L 'Humanité, elle décortique le procès, en démontre les incohérences et dénonce la tragique injustice de la double sentence de mort. L'opinion française s'émeut. A la direction du MRAP 1 nous nous interrogeons sur l'urgence d'engager une grande campagne en faveur des époux Rosenberg à propos desquels, dans certains journaux aux U.S.A., on n'hésite pas à recourir aux plus bas arguments antisémites. En novembre 1951, au cours du gala annuel du MRAP, dans l'allocution prononcée au nom du Bureau National, j'annonce la création du Comité français pour la défense des Rosenberg et la tenue prochaine d'un grand meeting à Paris. Le public ovationne la décision. Dès les premiers jours, dix mille cartes postales de ~outien nous parviennent. De nombreuses familles françaises proposent d'accueillir Michael et Robby, les enfants des Rosenberg. Partout, dans les villes grandes ou petites, des comités se créent qui recueillent des signatures par milliers. D'innombrables meetings se déroulent en présence de foules de plus en plus nombreuses auxquelles prennent part orateurs et personnalités d'horizons les plus divers. Les clivages de la guerre froide Dans la France de cette époque, que n'épargnent pas les clivages de la guerre froide, se soude pour la défense des Rosenberg une union souvent plus large encore qu'au temps si proche de la Résistance. Sur les listes de pétitions adressées à Washington. dans les délégations qui se rendent à l'ambassade des U.S.A., et en province auprès des consulats et des divers services américains, reviennent de plus en plus nombreux les noms d'élus de tous les partis, sans distinction et de gens connus ou inconnus, de convictions fort diverses. A mesure que nous parviennent des Etats-Unis l'annonce du' rejet des recours et appels nombreux que le systême judiciaire américain offre aux justiciables, notre action en France redouble d'énergie, inlassablement. Alertés, sollicités par nous, des parlementaires, des ministres, finalement le président de la République, Vincent Auriol, interviennent en faveur de la grâce pour les Rosenberg. Nous voilà au début de juin 1953. Dans un climat de tension dramatique, la campagne pour les Rosenberg entre dans sa phase ultime. D'Amérique, nous parvient l'écho d'un appel à la clémence envoyé à la Maison-Blanche par d'éminents Américains, y compris Albert Einstein, Harold C. Urey et plus de trois mille prêtres de vingt-six confessions. Le Pape à son tour intervient. A Paris, pour le 17 juin, le Comité français appelle à un grand rassemblement sur la place de la Nation à 18 heures. La veille, jusque l dans la soirée, nous avons négocié le déroulement de cettel manifestation avec la Préfecture de police. Annoncé le ' matin même par la presse, ce rassemblement comptera plus de cent mille participants qui adoptent une supplique desti- , née au Président des Etats-Unis, en fonction depuis quelques mois, le Général D. Eisenhower, celui-là même qui avait commandé 'en chef le deoarquement libérateur en Europe, le 6 juin 1944. Le surlendemain, 19 juin 1953 se déroule· dans l'enceinte historique du Vélodrome d'Hiver, un dernier grand meeting auquel se pressent vingt-mille parisiens. . A la tribune, sont présentes des dizaines de personnalités

dirigeants politiques et syndicaux, éminents savants

écrivains, avocats, artistes, prêtres. ' Tandis que les orateurs se succèdent, les « flashes» nous parviennent qui relatent les derniers préparatifs pour l'exécution des condamnés de Sing-Sing. Le meeting s'achève et nous regagnons en hâte les bureaux du MRAP, alors situés rue de Chateaudun où se pressent militants et amis. Il est deux heures et plus dans la nuit. Encore une fois le téléphone sonne. Je décroche, c'est un journaliste qui de la rédaction de L 'Humanité nous lit le télex qui vient de tomber: « Ethel et Julius Ros;nberg sont morts exécutés l'un après l'autre à trois minutes d'intervalle ... » Dès l'aube par centaines les Parisiens iront spontanément vers l'ambassade américaine gardée par les gendarmes mobiles, deposer sur la place de la Concorde des gerbes de fleurs. Les fleurs de la colère et du chagrin qu'aujourd'hui, trente années après, éprouvent encore ceux qui comme moi se souviennent d'Ethel et de Julius. Il nous reste à accomplir avec tous les hommes, toutes les femmes épris de fraternité et de paix, la promesse qu'Ethel, avant de mourir avait faite à ses fils, en ces vers inoubliables : La Terre sourira, mes fils, elle sourira, Et la verdure s'épanouira sur notre tombe, Les tueries cesseront, le monde connaîtra l'allégresse Dans la fraternité et la paix. Travaillez et construisez, mes fils, construisez Un monument à l'amour et la joie, A la dignité humaine, à la foi Que nous avons conservée pour vous, mes fils, pour vous. Charles P ALANT CE QU'ETAIT LE MACCARTHYSME Ben Barzman, scénariste du Petit garçon aux cheveux verts en fut victime. R raconte. · Ben Barzman est ce scénariste qui a commencé à travailler à . 1 Hollywood dans les années 40 et que le maccarthysme con- . duisit à s'exiler en Europe. Automne 1947, à Washington: la Commission des Activités anti-américaines présidée par le juge Parnell Thomas entame les premières auditions concernant l'industrie du cinéma. Deux questions à ceux qui viennent témoigner : « Etes-vous ou avez-vous été membre d'un syndicat? Etesvous ou avez-vous été membre du Parti Communiste? ». « L'Attorney général (équivalent du ministre de la Justice), explique Ben Barzman, avait une liste de plus de cinquante organisations suspectes, il suffisait d'en avoir un jour été membre pour être convoqué devant la Commission ». Les auditions se multiplient, les pressions des chefs des studios, des impresarii se font plus fortes à l'encontre de ceux qui refusent de venir témoigner, comme Groucho Marx, Lauren Bacall, Humphrey Bogart: « Les pressions étaient telles, explique Barzman, que vous n'aviez que deux possibilités: moucharder ou perdre votre emploi ». Le petit garçon aux cheveux verts de Joseph Losey pour lequel Ben Barzman écrit le scénario est de 1948. C'est le dernier travail qu'il fait aux Etats-Unis. Un petit garçon se réveille un matin avec les cheveux verts et se trouve en butte à toutes sortes de vexations. «C'était, de manière très symbolique, unfilm contre le racisme. A un certain moment quelqu'un demandait: « Tu laisserais ta soeur épouser un type aux cheveux verts? ». Il y a eu Gentleman's agreement et Crossfire qui s'attaquaient à l'antisémitisme, mais les studios n'aimaient pas trop aborder ce thème / Au moment du tournage du Petit garçon, Howard Hughes avait déjà racheté la RKO. Dean Stockwell, le petit garçon, dit: « La guerre est néfaste pour les enfants ». Et Hughes voulait qu'il ajoute: « Aussi il nous faut l'armée, l'aviation, la marine les plus fortes du monde ». Stockwell a dit: « Non, ça n'est pas le sujet du film» et il a refusé de dire ce que voulait rajouter Hughes. Ils ont dépensé des milliers de dollars à essayer d'imiter sa voix pour le doubler. Ça n'a pas marché ». 43 Edward Dmytryk ne pouvait plus travailler aux Etats-Unis, il est parti en Angleterre. C'est là que nous l'avons rejoint pour faire « Donnez-nous aujourd'hui ». Cela se passe dans les années trente, un garçon italien aux US~ meurt en tombant dans le béton, un Vendredi saint, d'où le titre que le film a eu dans certains pays: Le Christ du ciment. Le film a été très bien accueilli partout. Ici en France, à Vichy où il a otbenu un prix, à Venise et au festival de Karlovy Vary. Là les journalistes des pays de l'Est nous ont interrogés: comment avions-nous pu faire un film sur la crise dans un pays capitaliste, c'était donc que nous avions plus de libertés qu'ils l'auraient cru / '. Quand ma femme s'est présentée à l'ambassade américaine, ici à Paris, onlui a retiré son passeport et reproché d'avoir un mari qui écrivait des films avec des Américains pauvres et qui donnait l'image d'une Amérique en crise. Les copains nous avaient dénoncés. Ils ont raconté n'importe quoi, sur une période où je n'étais même pas encore à Hollywood. Nous n'étions pas des militants mais nous avions le sens de notre responsabilité vis-à-vis du cinéma. C'est une question que l'on m'a souvent posée, comment, quelle torture ont pu subir ces gens pour donner les amis. Le fait est que le cinéma a été très lâche devant Mac Carthy. Pour la presse, ça s'est passé autrement. Sterling Hayden a pu écrire: « J'ai trahi le meilleur de moi-même et les meilleurs de mes amis ». C'est vrai, nous aVQns perdu l'amitié pour des années, de gens quelquefois extraordinaires ». Sydney Pollack avec The way we were et Martin Ritt dans The Front (Le prête-nom) ont parlé de cette époque de la chasse aux sorcières. « Aucun film qui aborde réellement cette période, affirme Barzman. Ils ont peur. Les grandes compagnies ne veulent pas admettre toute la vérité: c'était une période minable ... ». Le sénateur Joseph Mac Carthy est mort, alcoolique, en 1957, désapprouvé par son parti. Christiane DANCIE En débat CLASSE CONTRE CLASSE ? • Alors que les démonstrations de racisme et de xénophobie abondent, il est une discrimination qui ne dit pas son nom et qui pourtant sévit: le racisme pour appartenance à une classe sociale. Pierre BOURDIEU Sociologue Tout racisme est un essentialisme E voudrais dire d'abord qu'il faut avoir à l'esprit qu'il J n 'y a pas un racisme, mais des racismes : il y autant de racismes qu'il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d'exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes . Il me semble très important de porter l'anàlyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénon~ées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du raCIsme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l'intelligence. Le racisme de l'intelligence est un racisme de classe dominante qui se distingue par une foule de propriétés de ,ce que l'on désigne habituellement comme racisme, c'est-à-dire le racisme petit-bourgeois qui est l'objectif central de la plupart des critiques classiques du racisme, à commencer par les plus vigoureux, comme celle de Sartre. Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d'être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l'intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une «théodicée de leur propre privilège », comme dit Weber, c'est-à-dire une justification de l'ordre social qu'ils dominent. Il est ce qui fait que les dominants se sentent d'une essence supérieure. Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l'intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d'une classe dominante dont le pouvoir 44 repose en partie sur la posséssion de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d'intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l'accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse. 0 Clara CANDIANI Journaliste QUI est-il cet «, autre» qui est rejeté de notre toit ou de notre table, sans connaître de lui que la couleur de sa peau, la consonnance de son nom; la forme de son vêtement, l'usure de ses chaussures, le Dieu qu'il adore ou m.e .? ... L'attitude de rejet de la minorité par la majorité vient davantage, souvent, me semble-t-il, de la différence de culture et de milieu que de la couleur de la peau. Cependant, la pauvreté exclut autant que la race ... L'attitude proJectrice, donc maladroite, du visiteur d'hôpital ou de prison, rempli pourtant de bonnes intentions, peut être ressentie comme une insulte par celui ou celle à qui il croit apporter le meilleur de lui-même. C'est la chaleur humaine qui crée la fraternité entre les êtres, donc l'égalité. Reconnaître l'autre dans sa dignité d'homme. Accepter d'avoir besoin de cet autre, le lui prouver en lui demandant un service, même minime. J'ai souvent découvert que cette relation entre individus efface des barrières qui semblent d'abord infranchissables. Chacun d'entre nous, plus ou moins classé, étiqueté, a besoin d'être reconnu comme l'égal de l'autre. A nous de le démontrer. Cette approche de notre semblable· peut être longue et difficile. J'avais souvent à l'esprit, quand j'abordais, en La pauvreté exclut autant que la race tant que journaliste, un inconnu, qui ne savait rien de moi, alors que je savais l'essentiel sur lui,le dialogue du Petit Prince: « Apprivoise-moi! dit le Renard. Il n'existe pas de marchands d'amis. Il faut être très patient. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. « Mais chaque soir, tu pourras t'asseoir un peu plus près ... Le lendemain revint le Petit Prince. « Il eût mieux valu revenir à la même heure. Si tu viens, par exemple à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être heureux ... Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux ... » 0 Françoise MALLET -JORIS Écrivain Au-dessus d'un certain niveau social l'individu échappe au racisme S ,il y a un racisme social? Sans nul doute. Le racisme est partout, depuis le roman du XIxe siècle où la « Femme en cheveux» (c'est-à-dire sans chapeau) et l'homme en casquette étaient, avec dédain ou avec paternalisme, classés sur leur seule apparence, jusqu'au snobisme apparemment innocent d'aujourd'hui, ou les mots « bourgeois » ou « intellectuel» ont pris une signification péjorative qu'adoptent bourgeois et intellectuels eux-mêmes. En fait, il n'y a pas de catégorie de racisme: tout ce qui classe, répertorie, étiquette, est racisme. Mais il est bien certain qu'au-dessus d'un certain niveau social,l'individu y échappe. Un roi du pétrole sera rarement traité de « bougnoule », une star au train de vie fastueux de «bourgeoise ». Ils ont dépassé le clivage; il serait à souhaiter que ce dépassement se fasse par le talent ou par le coeur. 0 Abbé Jean PIHAN Membre du comité d'honneur du MRAP BIEN sûr, hélas! Du moins si l'on donne au mot racisme par analogie, une extension qui déborde son sens premier. De même parlera-t-on de racismes antijeunes, anti-femmes, anti-flics ... Le fonds commun, c'est toujours le mépris de l'autre, qui se conjugue souvent avec la peur et qui peut aller jusqu'à la haine, par incapacité de se mettre à la place de l'autre, d'en reconnaître la valeur et les valeurs. La charge péjorative du mot racisme est telle qu'on a fini par lui faire désigner toutes ces sortes de mépris. 45 Le racisme social est un racisme, au sens large. des plus répandus Le racisme social, qui est alors un « racisme de classe» - on pourrait dire: le c1assisme - est certainement un « racisme-au-sens-large» des plus répandus. Comme le « racisme-au-sens-strict », on le rencontre chez des gens de toutes classes sociales. Et comme le «racisme-au-sensstrict », on trouve ce vice, ou cette maladie, en bien des gens qui ne se doutent pas qu'ils ont cela au creux de leur inconscient et qu'ils le propagent. La « lutte des classes» : voilà une expression qui fait hurler. Mais quifait hurler qui? Toujours les mêmes: ceux qui ne se sont jamais rendu compte qu'ils sont les fauteurs de cette lutte. «Pourquoi toujours parler de luttes? », disent-ils. Il réprouvent la violence qui « se bat» et ils en ont peur. Ils sont incapables de voir qu'il y a une autre violence, celle qui étouffe, qui annihile, qui réduit des masses d'hommes à une condition précaire et au servage, et ils se scandalisent lorsque les masses explosent, ne pouvant plus supporter leur condition. Ils crient « au feu» mais ils n 'ont jamais décelé les asphyxies tout aussi mortelles que le feu. C'est l'inconscience tranquille des nantii; des possédants, des très petits possédants parfois, qui est grosse de ce racisme social. Les moins atteints d'entre eux sont « paternalistes », et ils s'étonnent, eux qui se croient si bons, si « charitables », que leur altitude fasse se serrer ou se dresser les poings devant eux. Comprendront-ils jamais? Dominants-dominés, nobles et manants, bourgeois et ouvriers, gens de la ville et gens de la campagne (les «péquenots », les « bouseux ») ... La question n'est pas si simple. Qui décrira les subtiles nuances à l'intérieur du monde dit «indépendant »,' de l'aristocratie à la néobourgeoisie d'affaires, en passant par les« petits cadres» et les commerçants ? Qui dira, sinon quelques romanciers et cinéastes, sur quoi l'on se fonde pour dire: « ces gens-là ne sont pas de notre monde» et pour leur fermer la porte du salon? La classe ouvrière est-elle indemne du racisme social ? Ne soyons point manichéens! mais c'est difficile à dire parce qu'aujourd'hui le mépris, en monde ouvrier comme ailleurs, se fixe à l'encontre des travailleurs immigrés. On taxe cela de racisme. Les antiracistes s'émeuvent et crient: « Français, immigrés, même combat! » Et c'est vrai que, chez les travailleurs « conscientisés » par le syndicat, le parti, voire les convictions religieuses, on se refuse à cette forme de racisme. Mais à la base? J'ai recueilli bien des confidences attristantes. C'est plus de la xénophobie, du chauvinisme, du nationalisme, que du racisme. Et c'est d'ordre« social », parce qu'il y a une différence de niveau de vie entre le travailleur immigré et le travailleur français, et plus encore une différence de style de vie. Comme tout serait simple « si les autres vivaient comme nous» ! 0 La parole a, ... ________________________________________________________, Lamine Konté Artiste, chanteur, il descend d'une famille de musiciens traditionnels du sud de la Casamance, au Sénégal. Son instrument de prédilection est la kora, une harpe africaine à vingt-huit cordes. L E mot racisme est une invention de l'Occident, c'est une peur installée, entretenue par un système dont le moteur est le profit et donc l'exploitation. Le racisme en France est « vivable », cela n'a rien à voir avec les EtatsUnis ou l'Afrique du Sud. Si je suis en France, c'est pour m 'y faire reconnaître et, à travers moi, faire connaître les réalités africaines, qui peuvent aujourd'hui passer par la musique et le chant. Le griot s'attache à faire rêver; selon la tradition, c'est un conteur, c'est un personnage qui, chez nous en Afrique, conserve malgré la modernité et les séquelles du colonialisme une place tout à fait honorable dans la société. La musique africaine évolue; je ne joue pas comme le père de mon grand-père, même si comme lui je puise mon inspiration là-bas. Je fais un travail personnel pour m'adapter aux signes de notre temps. . « Afrique, mon Afrique », quand je t'évoque, je respire l'odeur verte de la « Casa di Mance », nom mi-portugais, mi-mandingue qui sonne, comme une musique et qui signifie « la Maison du Roi ». Maison où de nombreux musiciens et chanteurs viennent depuis des générations des con~ fins du Mali, de la Guinée ou de la Gambie. La musique africaine ne dédaigne pas le mélange des genres, colonisation oblige. La musique traditionnelle ne craint pas de faire entrer dans son concert l'accordéon, l'harmonica et la guitare. Ma musique est celle des clairs de lune, celle des places publiques, d'où s'élève la voix des griots, instant magique où crépitent tam-tams et balafons en une louange permanente des vivants et des morts. Le poète a dit : « L'avenir de l'homme, c'est la femme. » Moi je dis l'avenir de l'homme, c'est l'homme. Tant que l'homme ne fera pas confiance à l'homme, l'avenir sera bouché. Propos recueillis par Julien BOAZ ARION disque: « Afrique, mon Afrique» Kora et chants du Sénégal. Lamine Konté. 46 Courrier~~§ê§§j§§jêꧧj§§§§§§§§§§j§§j§§j§§DIFFÉRENCES 0 N° 24/25 0 JUIN/JUILLET 83 Malentendu Dans un article, par ailleurs fort intéressant, de votre dernier numéro, intitulé « La nouvelle droite se pousse du col », votre collaborateur Bernard Deljarrie évoque la campagne menée par la nouvelle droite contre les contenus de l'enseignement. Notre surprise a été grande de constater qu'aux titres cités de la presse de droite et d'extrêmedroite (Minute, Aspects de la France, Le Figaro Magazine, etc.) était mêlé celui de L'Ecole et la Nation, mensuel du PCF consacré à l'enseignement. Or l'article incriminé paru en septembre 82 visait justement à contrebattre la campagne haineuse orchestrée par la droite. Il ne peut donc s'agir que d'une regrettable confusion de votre collaborateur mais dont l'importance nécessite selon nous qu'elle soit rapidement portée à la connaissance de vos lecteurs. Afin de les éclairer sur la nature de cet article de Lucien Sève, membre du comité central du PCF, nous vous le faisons parvenir, persuadés que son contenu intéressera vos lecteurs et participera de notre combat commun. Francis CHOUAT Directeur adjoint de L'Ecole et la Nation Vie en rose et ballets bléus Je voudrais intituler mon propos

« La vie n'est pas roselpour

les ballets bleus! » \ Bravo en tout cas pour l'article qui fait le point sur nos luttes homosexuelles, je n'y ai relevé que peu d'erreurs, par exemple au sujet d'Arcadie. Le club Arcadiea. çessé d'exister en 1982 et a été créé par Anaré Baudry en 1954 ... et non pas 1964. Une de vos illustrations est sous-titrée: «La théorie de l'amalgame: homosexualité, pédérastie, pédophilie » et vous faites allusion à l'affaire du Coral qui n'aurait rien à voir avec l'homosexualité. Je voudrais préciser aux lecteurs que les homosexuels, les lesbiennes, les pédérastes et les pédophiles (s'il faut faire la distinction !), comme d'autres groupes ou individus ayant des sensibilités affectives & sexuelles hors normes, ne constituent des « gens à part » et ne sont victimes de racisme que parce que nos civilisations normatives empêchent tout autre expression qu' hétér06exuelle. Il faut. indiquer que, fort à propos, les mouvements homosexuels dont vous parlez soutiennent également les luttes des pédophiles, minorité la plus réprimée et la plus incomprise. Il faut que cela soit très clair: toute préférence et différence sexuelle et affective, se réalisant sans violence non consentie est respectable et défendable! L. MALLET Paris A titre d'exemple C'est avec beaucoup d'intérêt et de surprise que j'ai lu le nO 23 de votre journal qui m'a été envoyé. Ce journal satisfait mon désir d'information sur d'autres sujets et sur un autre mode que les autres journaux largement diffusés nationalement. Je regrette de ne pas en avoir eu plus tôt connaissance, c'est pourquoi je me permets de vous suggérer d'en envoyer un exemplaire à des amis que je juge susceptibles d'être également intéressés par votre journal. Avec tous mes voeux de poursuite pour votre combat. Claire RIEUSSEC Grenoble « Israélite» et « Juif» Mille félicitations, chers amis, aux responsables de Différences. Que de thèmes à réflexion, à discussion, dans la perspective actuelle de certains problèmes. Par exemple, cette « question juive» qui, dans mon enfance et longtemps après, ne concernait que la religion ; on disait « les protestants comme les israélites », laissant le terme de « juif» aux antisémites. Et il semble étrange, si unis soient-ils et doivent-ils être, de confondre toutes les victimes du racisme. Autre observation, n'éliminons pas pour l'avenir des immigrés, parmi les diverses solutions, celle de l'intégration qui doit rester ouverte. Il faudrait un nouveau rayonnement de l'humanisme français dans la pensée, dans le style... Où en est-il en 1983 ? Pierre P ARAF Paris Autour du ghetto A propos de l'insurrection du ghetto de Varsovie, quelques précisions sur l'aide qu'auraient apportée les maquis de l'intérieur. Lesquels? Le A.K., le N.S.Z., le A.L.? Les maquis de l'A,K. se trouvaient sous le commandement du général Bor-Komorowski, ravitaillés en armes et subventionnés en argent par le gouvernement polonais en exil à Londres. Ce furent les continuateurs de la politique fasciste et judéovore de Pilsudski de Rydz-Smigly de Vitos et Grabski. Le suicide de M. Zig elbaum, représentant du Bund auprès de ce gouvernement en exil, illustre parfaitement la situation dramatique. Il voulait par son sacrifice attirer l'attention du monde sur la politique anti-juive que mena le gouvernement polonais en exil et en Pologn~ occupée. De par sa mort il accusa aussi le gouvernement polonais d'avoir reçu un million de dollars, pour fournir des armes au ghetto avant l'insurrection. Il ne livra pratiquement pas grand-chose, et comptabilisa six cent mille dollars seulement. Les maquis N.S.Z. furent d'obédience catholique, pour qui la question de venir en aide aux Juifs du ghetto ne se posa même pas. Reste le A.L. les maquis de l'armée du peuple. Avec la meilleure volonté ils ne pouvaient faire grand-chose, pour des raisons bien simples: ils n'avaient pas suffisamment d'armes pour leurs propres combattants et les maquis de Bor-Komorowski les pourchassèrent, une lutte sans merci se poursuivit entre eux. Pour des raisons sociopsychologiques ils ne pouvaient se « compromettre »... Il ne viendrait à l'idée de personne d'impartial de nier l'aide apportée par l'armée du peuple aux insurgés du ghetto, mais n'exagérons rien. La plupart des armes furent achetées au prix fort. Pour étrange que cela puisse paraître, il y eut des Allemands qui vendirent des armes aux insurgés juifs. Malgré certains reproches, justifiés, rendons hommage au gouvernement polonais actuel qui ne fait pas d'amalgame et ne banalise pas l'insurrection du ghetto de Varsovie. Ce gouvernement considère ces combattants comme des héros nationaux de ce pays, des héros d'une nation qui honore les meilleurs de ses fils par l'érection d'un tertre. Jusqu'à l'insurrection, on n'en comptait que quatre dont un pour le roi Sobieski. Ces tertres se trouvent près de Cracovie. Actuellement il y en a un à Varsovie, à l'emplacement approximatif du 18 de la rue Mila où siégeait et luttait l'état-major de cette poignée d'homm~, décidés à mourir pour la liberté et la dignité des hommes. De par leur combat et leur mort, ils infligèrent une déroute morale à une armée qui, en un mois à peine, écrasa la France, la Belgique, la Hollande. Eux, tel les défenseurs de Stalingrad, luttèrent pendant de longs mois, sous les décombres d'une ville, la leur, pour une vie meil- 47 leure. Ce ne furent pas des suicidés de Massada. Ayons au moins ce courage de reconnaître la haute signification de leur lutte et de leur mort. Ils doivent servir de phare pour les générations à venir et éclairer les choix dans la lutte pour la vie. De grâce! n'amalgamons pas et ne banalisons pas le sacrifice des hommes pour la dignité et la Ii berté. ·M. Begin sur le retour des Juifs 'd'U .R.S.S. en Israël. Du premier cité, quand on songe à ce qu'il représente, à ce qu'il dit et fait, aux personnages notoirement racistes qui l'entourent, cette interview est une véritable insulte envers tout anti-raciste. Et du second, je ne vous apprendrai rien en vous disant que c'est un grand criminel. D'une part, pour prendre la défense des Juifs d'U.R.S.S. ou d'ailleurs, il y a certainement mieux. D'autre part, pour accueillir tous les Juifs en Israël, il va falloir pousser les frontières et exterminer les autres. N'est-ce pas le grand dessein de Begin et consorts? Jacques ZABAWNY Paris Place aux autres Cela fait bientôt un an que je lis votre mensuel et je dirais que globalement j'en suis satisfait. Par ces articles que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Par sa présentation très simple. Par la multitude de sujets abordés chaque mois tous aussi intéressants. Et c'est pourquoi je renouvelle mon abonnement. Gl06alement, car j'aurais quelques critiques à formuler. Différences est trop axé sur une sç:,ule forme de racisme: l'antisémitisme. Il est vrai que c'est un problème sérieux, vu la résurgence du nazisme. Mais à en faire trop, ne conduirait-il pas au contraire espéré? En sachant, que la plupart des JUIfs len particulier aux U.S.A.) soutiennent le gouvernement d'Israël en collectant des sommes importantes pour ce pays. Qu'Israël jouit d'une impunité sans limite de la plupart des gouvernements avec le soutien inconditionnel des U.S.A. Que ce gouvernement commet des atrocités au nom du peuple juif, dignes des méthodes nazies (colonisation de pays, génocide du peuple palestinien, soutien de dictatures sanglantes ... ). Que les grands moyens d'information donnent une place incomparable aux attentats contre les Juifs, alors qu'ils taisent ou tronquent les faits pour les attentats tout aussi odieux contre les Arabes,ntsans parler des violences commises contre les Noirs. A en faire trop, on risque de développer la haine envers les Palestiniens et par là le racisme envers les Arabes. A en faire trop on risque de cacher que le racisme actuellement est essentiellement anti-arabe. Se référer par exemple à la dernière campagne électorale. . Différences se veut un mensuel de toutes opinions mais il y a quand même des limites à ne pas dépasser. Et ces limites ont été dépassées par deux fois, en mars en donnant la parole à M. Chirac sur le problème «insécurité et immigrés », et en avril en citant Bernard LABEYRIE Sarcelles Tradition? Il existe un article 5 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme qui dit « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », or ces traitements existent sur des millions d'individus qui ont le malheur de supporter le poids d'une différence essentielle: ce sont les femmes excisées et cousues. Je ressens profondément l'injustice et les douloureuses conséquences de ces pratiques et je serais très contente de connaître votre point de vue sur cette différence essentielle. Pourquoi personne n'a le courage de soulever à fond ce problème? Ni l'OMS, ni l'UNICEF (enfants torturés), ni Amnesty International (tortures), ni la Ligue des Droits de l'Homme (et les femmes ?) Avant de s'en occuper, il convient d'être informé, et pas seule!llent . de savoir que deux petites Maliennes on'!, 'été; eri France, saignées à mort. Je ne comprends pas votre indignation sélective, s~r les autres injustices dues à la couleur de la peau, à la caste sociale, à la religion différente. On 'nous parle de tradition; les sacrifices humains, l'anthropologie, l'esclavage furent,· et dans certains endroits ,demeurent, des traditions. Faut-il tout excuser ? tout accepter ? se voiler pudiquement la face? Certes, j'ai lu dans Différences (n° 14-15) un début d'approche. Ce n'est pas suffisant. L'horreur est trop répandue! Dans ce n° 14- 15, Jean Dausset a écrit, et il voudrait nous voir « cultiver et chérir » la différence. Que pense-t-il de celle dont je m'indigne? Mme DESORMONTS Biarritz Lu Vu Entendu LIVRES n Diviser pour régner. Albert Martens, Luk Walleyn, Veerle Hobin, Guido Muelenaer. Editions ouvrières. Le racisme n 'est pas seulemem cette espèce de représentation de la race inférieure, qui a atteint son apoj!ée 'ou, l'empire du nazisme, de la Race des Seigneurs. C'est aussi le noeud gordien d'un ensemble de stratégies coloniales et impérialistes qui entretiennent un « racisme économique», dont la. fonction essentielle est de produire de l'argent, beaucoup d'argent. Diviser pour régner est un ouvrage collectif, une mise en garde contre l'évolution de la Belgique vers un régime d'apartheid. Un livre qui pose la question du sens, du pourquoi et du comment, qui dévoile les multiples facettes du racisme comme mode de gestion politique où les juifs d'hier sont les immigrés d'aujourd'hui, c'est-à-dire des boucs émissaires dans la conscience de l'homme de la rue, exploité lui-même qui trouve dans le racisme une façon valorisante de gérer son propre sentiment d'infériorité. Un livre très documenté, qui introduit au débat sur la légitimité des immigrés à participer à la gestion de la structure politique de base, en appelant à la constitution d'un front contre le racisme autour d'un authentique projet de société plurielle, « afin d'unir ce qu'on a divisé », ceux qu'on a divisés. D.C o Le Livre de la Migration. Adonis. Luneau Ascot éditions. 9, rue Ampère 75017. A l'évidence, la poésie est l'une des fonctions de l'imaginaire. Adonis le magicien, de son vrai nom Ali Ahmad Saïd Esber, la mène au plus haut de ses accents sémites, au-devant de «nos désirs, de nos regrets, de nos très humaines et très quotidiennes nostalgies» . Le Livre de la Migration est le livre des pierres et des saisons, celui des métamorphoses et de l'amour, il est le livre des contrées du jour et de la nuit en même temps que celui des caravanes qui portent en Occident les moissons de l'Orient. D.C. o Et plus vif est le trait, plus se creuse le vide. Lotus Engel, Daniel Boukezzoula. Distribué par PALM association 1901. 42, rue des Perchamps 75016. Lotus Engel «signe en rouge sur le blanc» une poésie qui se promène du «seuil de nos mémoires» à la conscience d'un «monde qui s'écroule quelque part ». Une écriture du voile, de l'ombre et de la lumière qui vient de loin, d'une mère indienne, d'un père breton. Elle est née aux Antilles. L'auteur nous .Io1111e à \ oiJ quelques photos réalisées par Daniel Boukezzoula, où la simplicité triomphe, plus belle que jamais. Et à entendre le reflet de son être, celui d'une voix tout entière tendue vers l'Exil, l'Amour et peut-être l'Espoir. « Laisser jouer la louve avec l'agnelle l'ivraie avec le grain ... ... Et le chant ... Renaîtra. » D.C. o L'Europe musulmane. Gabriele Crespi. Editions Zodiaque, Weber diffusion. 330 p., ill., cartes . ~50 F. « Nos ancêtres les Arabes? » On pourrait le dire en partie, tant l'Europe, en particulier méridionale, doit beaucoup à la présence, pendant des siècles, d'établissements arabes durables, dont l'exemple le plus frappant est l'Espagne, où les musulmans se sont maintenus pendant huit siècles, marquant d'une manière indélébile la langue, les coutumes, la mentalité, bref la culture au sens large, du peuple espagnol. Mais la pénétration des Arabes et des Berbères musulmans ne s'est pas limitée à la péninsule ibérique et, dès le VIIe siècle, ils avaient tenté des incursions en Sicile, occupant l'île de Pantelleria. L'auteur apporte, sans panégyrique, comme c'est parfois le cas, une contribution à une meilleure connaissance des relations entre islam et chrétienté, à une époque où, aux chocs guerriers sporadiques, se superposaient des échanges interculturels de première importance dont les effets se sont gravés dans .la pierre, mais également dans les mentalités du Sud-Européen. o Les Brigades noires. Serge Dumont. Editions ouvrières. Y.T. Un ouvrage remarquable sur l'extrême-droite, qui vient éclairer les liens idéologiques, financiers, personnels qui peuvent exister entre les extrêmes-droites française et belge d'une part, et l'extrême-droite, la droite et la nouvelle droite d'autre part. Un 48 livre qui pulvérise l'idée encore fort répandue qui consiste à penser l'extrême-droite française comme une sorte d'excroissance dangereuse mais sans rapport avec le reste du corps social. o Moi, Rigoberta MenchU. Une vie et une voix, la révolution au Guatemala. Traduit de l'espagnol par Michèle Goldstein. J.R. Editions Gallimard, collection Témoin/Gallimard. Voilà un témoignage par une femme indienne, guatémaltèque authentique sur la vie et les coutumes des communautés indiennes dans ce pays, leur résistance à l'exploitation des « ladinos », leur prise de conscience et leur participation à la lutte armée actuelle contre la tyrannie sanguinaire. La description ethnologique par une Indienne lui donne une dimension inhabituelle. Pour la première fois, peut-être, on entend la voix de 1'« autre» Amérique latine. R.P. o Rapport annuel 1982 de Survival International (France). A commander à Survival International (France). 28, rue Saint-Guillaume 75007 Paris. La section française de Survival International publie le Rapport annuel 1982 de son activité durant cette année en faveur de la défense des peuples indigènes du monde entier. Une source inappréciable d'informations sur toutes les entreprises d'acculturation et d'ethnocide dont ils sont victimes actuellement et sur les luttes des populations indigènes pour leur identité culturelle et nationale. R.P. o Guatemala. Survival International (France). A commander à Survival International (France), même adresse. Survival International vient de publier également un très intéressant document (le premier d'une série à venir) sur le Guatemala aujouÎ:d 'hui. Cette brochure comprend une présentation de la « question indienne » au Guatemala, le rapport de Survival International (U .S.A.), rédigé sur la base d'une mission effectuée à la frontière MexiqueGuatemala en août-septembre 1982 R.P. o Les Bandits de l'Atlas. Azzédine Bounemeur. NRF. Gallimard. Chronique des années de disette dans un monde rural et archaïque, à l'image d'une Algérie violemment colonisée. D.C. THEÂTRE o Transat. Théâtre Ouvert:lu Jardin d'Hi ver 4 bis, cité Véron 75018. Un face à face entre une femme et un homme qui joue à l'enfant, troublante proximité. Christiane Cohendy et André Marcon sont en scène, et tourne le manège de Michèle Marquais, tout autour de la production d'un collectif de dix femmes, celui des Téléfériques. Atelier d'écritures animé par Madeleine Laïk. Un vrai régal que l'histoire d'une femme triste tombée amoureus~ d'une valise. Tout est dans l'invention du langage, même si les fils sont parfois un peu noués. ,- D.C. o Le Devoir. Abdurrahman Pazwak. Théâtre de la cité internationale. 589.38.69. Un homme part à la guerre, laissant l'aimée ... Et sans trompettes en reviendra ... Elle lui claquera la porte au nez... Dur, dur .. . Le Devoir, d'Abdurrahman Pazwak, est une de ces légendes rapportées de bouche en bouche, au fil des siècles. Une tentative du théâtre de l'Herma, sur une mise en scène très dépouillée; on attendait peut-être trop de la traduction et encore plus de la musique. D.C. CINÉMA o Vieillir autrement. 24 rue Jean-Moulin 59800 Lille . Distribution: le Grain de sable. Ce n'est pas une histoire COIltruite sur le principe de la narration traditionnelle, c'est plus que ça, c'est une aventure, c'est une mosaïque de couleurs, de sentiments, de rythmes et de sonorités. C'est un film sur le « vieillir », qui laisse la parole à l'imaginaire, où le travail de chacun, comédiens, techniciens, réalisateur, converge en une grande complicité vers la création d'une autre dimension, d'un autre espace. « On met des années à devenir jeune », aimait à dire Picasso; Patrick Brunie , Rufus, Brigitte Fossey et toute l'équipe en font l'étonnante et magique démonstration pour le compte de l'association Vieillir autrement. D.C. Notes de Daniel Chaput, Jean Rocda, Yves Thoraval, Robert Pac. o 14 MAI/11 JUILLET Exposition d'affiches contemporaines d'Allemagne, Belgique, France et Pologne sur des thèmes culturels, sociaux et politiques à la Maison de la culture d'Amiens, place Léon Gontier. Rens. (22) 91.83.36. o 6 JUIN /15 JUILLET Huiles sur toiles et acryliques sur papiers de Kay Van Baudissin. Exp~)sition ouverte du lundi au vendredi de 8 h 45 à 17 h 30, à l'Espace AGF-Richelieu, 87 rue de Richelieu. Paris 2e. Rens. (1) 244.13.12. o 13/30 JUIN A la MJC de Neuilly, exposition des oeuvres de Olivier Suire Verley, peintre de l'Ile de Ré (voir régionale), tous les jours sauf le dimanche, de 10 h à 22 h, MJC, place Parmentier, 92200 Neuillysur- Seine. Tél. 624.03.83 . o 14 JUIN /3 JUILLET A l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, 11 quai Malaquais, 75006 Paris, de 12 h à 20 h (samedi et dimanche de 10 h à 20 h), expOSItIOn d'oeuvres d'arts-plastiques avec la participation d'artistes grecs, ivoiriens, espagnols, hollandais, allemands belges et d'Amérique centrale. Différences sera présent. Rens. Roberto Gutierrez. Tél.: (1) 322.47.68. o 15/21 JUIN Tournée du 5e Festival international de fùms de femmes: à Oyonnax, au Centre culturel communal et à Reims à la M.J.C. Maison Blanche, du 22 au 29 juin à Joeuf, à la M.J.C. Rens. (1) 660.05.64. o 15 JUIN/19 SEPTEMBRE Exposition de photographies « Brésil des Brésiliens», à la Galerie BPI du Centre Georges Pompidou. Rens. (1) 277.12.33. o 16/25 JUIN Dans toute la France, grande campagne d'affichage du MRAP pour lutter contre le racisme, et pour la reconnaissance du droit à la .différence. o 18 JUIN /3 JUILLET La mairie de Mably, près de Roanne (Loire) organise une exposition sur l'apartheid et l'Afrique australe. Rens. Mairie de Mably (77) 71.64.57. §§§DIFFÉRENCES 0 N° 24/25 0 JUIN/JUILLET 83 o 19 JUIN Fête pour la Paix, et le désarmement à l'appel des Cent, au bois de Vincennes à Paris. A 12 h pique-nique géant,- participation de plusieurs artistes notamment Dick Annegarn (Pays-Bas), Lucilla Galeazzi (Italie), Rachid Barhi (Algérie), Catherine Ribeiro (France), Myriam Makeba (Afrique), Sapho (France), Brenda Wootton (Cornouailles); à 17 h 30.: appel final des Cent et lâcher de ballons. o 21 JUIN/14 JUILLET res de cours tous niveaux. Rens. Alphatis-Maghrebin, 27 rue de Chartres, 75018 Paris. o 2 JUILLET/27 AOUT Le 8e Festival Méditerranéen dé musique classique, jazz et folkrique aura lieu dans 17 villes et 7 départements du Midi, de Beaulieu sur Mer à Perpignan, avec la participation entre autres de: particulièrement centrée sur une formation en navigation côtière, une découverte du milieu marin et une information « in vivo» sur les loisirs et le système éducatif en Algérie, pour permettre une plus large rencontre entre jeunes Algériens et jeunes Français en Algérie même. Rens. Tél. (68) 25.22.03. o 26/30 JUILLET Les 2e Rencontr-es du spectacle «Le Milieu du monde» se déroulent à Billom (Puy de ' Dôme) à 25 km de ClermontFerrand, avec des spectacles de Hongrie, Suisse, Afrique, Hollande, Angleterre, Brésil, EtatsUnis. Rens. rue des Boucheries, 63160 Billom. Tél. (73) 68.33.68. Rostropovitch, Ménuhin, Montserrat Cab aile , Ruggero Raimondi, Miguel-Angel Estrella, Alexandre Lagoya, Archie Shepp, Randy Weston, Mercedes Sosa, Atahualpa Yupanqui. Rens. Festival méditerranéen. Tél. (42) 86.82.14 ou 86.84.71. o 10/17 JUILLET Université d'Eté homosexuelle à Marseille : des ateliers, des spectacles, des conférences, des fêtes, une semaine du cinéma homosexuel. Rens. (91) 48 .36.19. 48 rue de Bruys, 13005 Marseille. Rèncontre islamo-chrétienne au Centre St-Dominique, La Tourette-Eveux, 69210 L'Arbresle, sur le thème: « Chrétiens, musulmans, vivre sa foi dans un monde pluraliste et sécularisé ». Rens. (74) 01.22.74. Suite aux demandes de renseignements de nos lecteurs au sujet de l'exposition « Rupture» (voir Différences n° 23), nous publions ' les coordonnées de Son créateur : Antoine de Bary, Chaudenaysur- Dheune, Chagny 71150, tél. : o 23 JUIN 87.05.96. A Paris, au Théâtre du Forum (niveau 3 - porte Rambuteau) spectacles «Apartheid not ». Rens. (1) 544.55.31. o 23 JUIN/26 SEPTEMBRE A la Grande Galerie du Centre Georges Pompidou à Paris, « Présences polonaises - L'art vivant autour du Musée de Lodz ». Rens. Centre Georges Pompidou. Tél. (1) 277.12.33. o 25/26JUIN Festival international d'accordéon qui rassemblera 40 représentants venus de 10 pays, à la fête du Conseil général de SeineSaint- Denis, sous le patronage de la Maison de la culture et de TSF 93. o 29 JUIN /16 OCTOBRE Le Musée de l 'Homme présente une exposition «Poupée-jouet, poupée reflet», . tous les jours sauf le mardi de 9 h 45 à 17 h 15: Les thèmes abordés présentent un kaléidoscope des poupées depuis la préhistoire, leur utilisation à fonction rituelle, d'apprentissage et d'enseignement, de mythe, d'origine, de réalité sociale d'une aire culturelle. Musée de l'Homme, Palais de Chaillot, place du Trocadéro à Paris. Rens . (1) 553 .70.60. DIer /13 JUILLET Session intensive d'arabe dialectal maghrebin à Paris 18e, 6_0 heu- 49 o 15 JUILLET Clôture du concours mondial, lancé par l'ONU, en vue de la 0 1er/7 AOUT et 23/ 29 AOUT sélection d'un emblème symboli- Stages d'initiation à la kena (flûte sant la résistance des femmes andine) à Rognes (20 km d'Aixd'Afrique du Sud et de Namibie. en-Provence), animé par Una Les oeuvres seront exposées au Ramos . Rens. Christiane Isoard. siège de l'ONU à New-York le 9 (1) 607.95.20. août pour marquer la Journée de solidarité avec la lutte des fem- 0 29 AOUT/2 SEPTEMBRE mes d'Afrique du Sud et de .,. Namibie. Un prix de mille dollars ~ Le Groupe Fr:nçals d .EducatJ?n récompensera le lauréat. Pour Nouvelle .R~one-~II?es .orgamse toutes participations s'adresser un .stage re~lOnal m~ltule « Consau Centre d'information des ~rulre demam ~u present» ouvert Nations Unies . Tél. (1) atousceuxqUl~eulent.mettr~en 577.16.10. place des pratIques edu~~tJves nouvelles pour tous. PartIcIpent o 18/21 JUILLET" A Paris, Nord-Sud Formation propose un stage « Découverte de l'Amérique latine». R~ns. Nord-Sud Formation, 9 rue de Savoie, 75006 Paris, tél. (1) 326.80.68. o 22/30 JUILLET A 20 h 30, au Théâtre Noir, rue Louis Braille, Paris 12e, Barkane, théâtre silencieux . présente « L'arme à l'oeil». Cette pièce témoigne d'événements forts de la rencontre entre Européens et Noirs. De l'allégresse villageoise aux tensions de la grande yille les humiliations et les révoltes du peuple sud-africain. Rens. Ali et Amid. Tél. (1) 355.06.02. o 23 JUILLET / 15 AOUT Le Foyer d'éducation populaire, Le Viguier, de Carcassone, organise une traversée GruissanAlger, -sur deùx bateaux, plus aux travaux: Mme E. Charmeux, auteur de « la lecture à l'école» et « l'orthographe à l'école », animatrice d'un groupe de recherche à l'INRP, M.C. Comiti, responsable de l'Institut de formation des maîtres (UER de Grenoble) et chercheur en mathématiques, et M. Michel Schiff, auteur de « L'intelligence gaspillée ». Rens. M.P. Canard. Tél. (74) 94.22.91. o l er/3 SEPTEMBRE Stage d'initiation aux réalités du Tiers monde (sous-développement, nouvel ordre économique, aide) organisé à Paris par NordSud Formation. Rens. Nord-Sud Formation. Tél. : (1) 326.80.68. o 11 SEPTEMBRE Fête de la Négritude et des droits de l'homme à Champagney dans la liaute-Saône. Rens. André Olivier; Maison de la Négritude, 70290 Champagney. Humeur11 janvier 2012 à 15:10 (UTC)~ Mots croisés Horizontalement : 1 - Leurs relations ne s'arrêtent pas aux frontières bien qu'elles aient souvent des choses importantes à déclarer. II - Entré dans le grand monde. Un caractère de la Grèce qui commence en musique. Un facteur de consolidation des constitutions gnlçe à une politique de stricte surveillance ... III - Des couleurs sans nuances qui s'amènent en descendant. Un symbole bien matinal, de Rome à Londres. IV - Elément d'un plan d'évacuation bien pacifique. Elle n'a donc aucune raison d'être admise parmi nous. V - C'est peut-être le résultat du feu vert dans la zone bleue. Forme de devoir assez exigeante. Elles ont donc quitté leur mère pour venir nous rejoindre. VI - On les a dans la peau dès qu'ils entrent en contact avec nous. Accroche-coeur. VII - Des signes précédant la venue de Jésus-Christ. Regardèrent avec des attentions remarquables, mais pas tout à fait amicales. VIII - On le lance entre amis pour récolter du blé. Elle confirme que la culture perd du terrain en Bretagne. Touchée, mais probablement pas par des gestes d'amitié. IX - Chef d'ambassade. Confièrent ou abandonnèrent. X - Mises à jour ou fin de fournées. L'objet d'un célèbre échange fraternel. Porteur de charge. XI - Donne des mines peu réjouissantes (init.). Employé, il entre au service de tout le monde. Une noix dans l'assiette anglaise. XII - Ça vaut de même. Ils sont en consigne ou en retenue, mais pour rendre service. Des signes qui nous permettent d'avoir une certaine contenance. XIII - Dont la griffe a donc déjà été posée sur le poulet. Il nous satisfait, mais on cherche quand même toujours à le transformer. XIV - Sa présence est nécessaire pour représenter valablement la droite. Des cardinaux qui ne peuvent pas se voir, mais qui se retrouvent côte à côte grâce à l'oecuménisme. Abandonné. XV - Une femme qui peut fendre le coeur lorsqu'elle fait une touche. Crier comme ceux qui supportent tous les jours un massacre. Verticalement 1. Il réclame son identité et espère être reconnu par ses voisins. - 2, Une façon d'agir conformément à un état qui ne milite pas en faveur de la paix. Suit le docteur, SOLUTION I Il III IV V VI VII IX X Xl XII XIV XV mais commence en espérant. - 3, Les grands ne sont pas amicaux, si l'on se fie aux apparences. Domestiques, elles nous sont fidèles et se comportent en amies. - 4, Fera en sorte que personne ne puisse le sentir avec plaisir. Modifier les timbres pour qu'ils aient leur cachet définitif. - S, Lancer un mouvement de revendication en imitant les postiers. Bonne pomme, elle est belle à croquer. C'est personnel et n'intéresse pas les autres. - 6, Elles ont démissionné de leur place dans la société, peut-être par manque d'amitié. -7, En un sens, c'est un Etat qui atteint la cinquantaine dans tous ses états. Un cri lancé au monde. Un grave problème qui met à sec les économies africaines. - 8, Ils peuvent accélérer les procédures de naturalisation, mais ils nous laisseront sur la paille. - 9, Un bail réduit de moitié qui commence illégalement. Elles font donc feu d'artifices. Elles tranchent dans le vif du sujet de façon peu amicale. - 10, Mise au courant lorsqu'elle est épuisée, elle permet de siffler dans le désert. Sans effets ordinaires, ils risquent de faire des effets spéciaux. Chef de Service. - 11, Signes permettant de poursuivre un poulet que l'on a pourtant déjà achevé. D'importantes pressions destinées à resserrer des liens d'amitié. - 12, Ils furent élus par un sanglant dictateur qui ne supportait pas le suffrage universel. Organiser un soulèvement qui pourra révolter. - 13, Il faisait bonne mesure en Chine. Firent perdre l'équilibre ou. agirent de façon blessante. Sort de l'eau. - 14. Laissée en plan, même si c'est une bonne pâte. A l'intérieur de Londres, c'est vraiment à la mode. Dessous de table permettant de rééquilibrer une situation instable. - 15. Mis en terre pour nourrir le monde. Un tel produit a fait avancer l'humanité grâce à-la force de ses explosions. Hubert LUCAS ·1:lHo1:)?d ·SjlUl:lS 'SI - ·:lIll::: ·uI ·:ljlIRltI 'f'l - ':lns ·lU:l1~Sjl'l 'n 'n - ·1:lSSno1l, ·SU:lÂlY 'lI - ·S:llUp1ltI ·~rN 'n - ·:lS ·snN ·:lllno '01 - ·s:ljldg ·s:ljlsn"M ·n '6 - ·S:llSIUl1:lPIXRl, 'S - ·jl1IPPY 'jlH ·n'S·Y'L - ·S:lI -RPOSSY '9 - ·loS 'ldy ·l:ln"M 'S - ·l:lnw ·R1:l1S:ldUlg 'f' - ·S:l198 ·Sl!V 'f - ·sg ·lU:lUl:lSn:lA1:lN 'Z - ·:llSllURpU:ldjlpUI '1: (tIJ!J.laA ·l:ljl"M ' :lsn:lUlI1:lsg - AX ·jlIn:lssg ·O·g .jll, - AIX '!Rssg ·jlslAsns - lUX .1"::: ·SlgdjlQ 'Ul:lH - IIX ·!Rssg ' jl1lsn ·l,·N'l, - IX ·uoI ·Slg ·S:ljlN - X ·lU:l1~SS!R'l ·RqUlY - XI ·:lP1ffi:lW ·RI"M .jlQ - IUA ·lU:l1~ldg ·S·N - liA ·:lssg ·S:lq:lR1sng - lA ·S:ljlN ·:lnQ ·sl:ld - A ·:lIT:ljlllI ·sl:lIAg - AI ·W·Y ·xnR:ldR1Q - III . ·jl1pqHRS ·nw ·jlN - Il ·S:lIRUOllRUl:l1UI - 1 : 18JuozJ.l0H 50 DES MAlA S R DES IX vêtements BESANÇON: 1, rue Gambetta LA ROCHE-SUR·YON : 11, rue Stéphane..Gulllemé BESANCON : 1 , rue Gambetta LA ROCHE-SUR-YON: 11, rue Stéphane-Guillemé GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES: 72, avenue Gabriel-Péri -, GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72; ~v. G.-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place ,,, " . • , .-"

/.

·.Z / • ' . Pour tous renseignements contacter le (1) 203.96.16*

Notes

<references />

Catégories