Différences n°226 - février 2001

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Sommaire du numéro

n°226 de février 2001

  • Mouvement: objectif, 100 000 signatures (droit de vote des immigrés) par J.M. Janot
  • Séjour à Philadelphie, au nom du comité Mumia Abu-Jamal
  • Israël-Palestine: pour une paix véritable par Yves Marchi et Alexandrine Vocaturo
  • Papon nous défie par Mouloud Aounit
  • Dossier: Caravane de la citoyenneté
    • Rendre illégitimes les discriminations racistes par Dominique Brendel
    • L'école et la formation par Nicolas Grivel
    • Les castrais investissent le terrain (gens du voyage) entretien avec J.P. Lapierre
    • La Seine maritime s'implique sur le long terme entretien avec M. Charlionnet
    • Paris accueille la maison de la justice et du droit, entretien avec E. Le Chevalier
    • Parole: trois questions à Anne Madamme
    • « Discriminations: ouvrons les yeux » entretien avec Laurent Cibien
  • Déclaration du conseil national du MRAP: L'ultime défi du complice de crimes contre l'Humanité, les droits de l'homme (Papon)

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Texte brut du numéro

'Différences Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples Février2001 - W 226 Caravane de la Citoyenneté Contre les discriminations racistes , r .::::~"'"""",JL = Colloque sur l'école ct ( Ure aUli clans ce numéro o Droit de vote des résidents : objectif 100 000 signatures page 2 o Séjour à Philadelphie pour Mumia Abu-Jarnal page 3 o Pour une paix véritable entre Palestiniens et Israéliens page 4 o Déclaration du Conseil national du Mrap page 12 n"""'" 11111111111 la formation à Roubaix = Formation des militants à Paris en régions . :> Permanences d'accueil des victimes à Rouen, Castres, Paris ..

> Film documentaire et dossier

pédagogique pour tous les comités

> Conférence de presse

ce mois à Paris 1 l , • • 1 • Mouvement Objectif: J 00 000 signatures 1 EN DÉPIT de son activité, déployée de puis décembre 1998, le Collectif Même sol, mêmes droits, même voix déplore de n'avoir pu obtenir le droit de vote aux élections locales de 2001 pour les étrangers non communautaires. Ni le Sénat, qui n'a pas jugé bon d'inscrire à son ordre du jour le projet voté par l'Assemblée nationale le 4 mai, ni le gouvernement, qui aurait pu le reprendre à son compte comme ce fut le cas en faveur des communautaires à l'occasion du Traité de Maastricht, n'ont marqué de réelle volonté d'aboutir. Ainsi, lors du scrutin municipal du Il mars, des frontières civiques continueront de passer parmi les habitants d'une même cité. Entre les élecdavantage à construire sur la résidence et le vivre-ensemble plutôt que sur la nationalité, pèserait-il moins sur eux? Ressentiraient-ils mieux la mobilité nécessaire du cadre européen et de la circulation Nord/Sud? Percevraient- ils mieux leur identité, privée et plurielle, à conjuguer avec une citoyenneté, publique, laïque et moins « propriété de l'Etat », mais qui s'exerce là où ils vivent? Quoi qu'il en soit, on ne peut plus s'absenter du débat public imposé par la société civile, au prétexte que l'opinion n'est pas prête! A beaucoup la perspective d'attendre 2007 apparaît presque scandaleuse: « depuis le temps ... »( 1981)! Certes la volonté polititeurs ou électrices français (électeurs et éligibles à tous les postes) et les électeurs communautaires (électeurs mais non éligibles comme maires ou même adjoints, quoique parfois députés repré- Là où je vis, que a manqué, entraînant une certaine déception. Mais la mobilisation de la société a gagné ce débat. Elle a imposé pour la première fois que la question soit posée à la représentation nationale le 4 mai 2000. C'est là un acquis irréversible. Pour le Collectif national et quelque quatre vingt collectifs locaux, déception n'est pas découragement. De même pour d'innombrables autres lieux citoyens où l'on débat d'élargissement de la démocratie participative ou de l'égasentant la France c r. .: :. ...._ ."'"""4~'!l;"'!~ ...... au Parlement:.c ~· :i européen ! ... ) et ~ les non commu- ~ nautaires (rien ~ pour eux). "Notre démocratie / participative continuera donc de s'amputer ainsi de près de deux millions de personnes résidentes, confrontées aux mêmes réalités locales que toutes les autres, et souvent engagées dans les mêmes associations, syndicats, conseils des écoles, là où leurs droits sont reconnus . .. Cela à un moment où l'on déplore le désintérêt pour la chose publique et où l'on redoute, à juste titre, l'abstention qui amoindrit la légitimité des décisions ... Et cependant qu'on exige d'une jeunesse le respect des devoirs sans accorder à ses parents, présents sur notre sol parfois depuis plus de vingt ans, la reconnaissance de leur participation à la construction économique, sociale et culturelle de notre pays ... 56 % des personnes interrogées sur le droit de vote des étrangers aux élections locales y sont favorables, et parmi elles 77 % des jeunes. Partageant déjà les mêmes lieux de travail, d'étude et de loisir, cette façon d'écarter et de catégoriser un nombre parfois important de leurs voisins et proches des décisions qui les concernent, est jugée par ces jeunes peu dignes de leurs aspirations à l'équité, à une égale dignité pour tous. Le passif colonial de la France, avec sa réticence à l'encontre de la citoyenneté modeme qui leur semble 2 Différences nO 226 février 2001 lité civique. Cette revendication est nettement perçue comme partie intégrante des combats en cours contre les discriminations. Le Mrap s'honore d'être parmi les plus déterminés et actifs animateurs de ces combats pour un XXle siècle plus humain, débarrassé de la peur de l'autre. Questionnaire sur la citoyenneté des résidents Un texte présentant quatre questions est envoyé par les collectifs locaux aux maires et têtes de listes. Vous pouvez vous le procurer au siège du Mrap. Il a pour ambition de faire un état des lieux de l'opinion des élus à la veille du prochain scrutin. Vous pouvez vous le procurer au siège du Mrap auprès d'Hélène. Un dossier de presse et une exposition co-réalisée par le Mrap et la Fédération Léo Lagrange sont toujours à votre disposition. Les actions se poursuivent: on signale des débats à Drancy, Paris, Nanterre, Metz, Nantes et ailleurs, pour les trois premières semaines de janvier ... Campagne active des mouvements de jeunes et organisations signataires de l'Appel du Collectifpour l'inscription sur les listes électorales ... Accompagnements de citoyens-résidents dans les mairies, pour s'y faire inscrire (en PACA, ou dans le XVIIIe arr. de Paris, par exemple, dont M. Vaillant est le maire) . .. Actions à inventer! Présence du Collectif au « sommet de Nice » .. .Inscription dans les objectifs affichés par le « sommet de la gauche» .. . La période électorale pour les élections municipales est mise à profit par les collectifs locaux Mêmes sol, mêmes droits, même voix, mais aussi par d'autres qui en partagent l' objectif essentiel, comme Un résident, une voix, émanant d'associations d'immigrés soutenu par des associations par ailleurs signataires de l'Appel Même sol, Mêmes droits, Même voix, pour interpeller sénateurs et têtes de liste, en un questionnaire (voir encadré). Les réponses (et par conséquent les non réponses ... ) seront rendues publiques. Et chacun jugera, quand viendra le temps de constituer les « équipes », de la distance du geste et de la parole et du programme et de la réalisation en actes. Il s'agit dans la constitution des listes de retrouver l'image vraie de la société dans sa diversité, reconnue par la juste place faite aux uns et aux autres. D'y esquisser celle du futur, aussi. Le Collectif national en appelle à chacun pour remplirl' objectif des 100000 signatures d'ici aux municipales ! Quant aux échéances électorales suivantes, présidentielles et législatives, il est d'ores et déjà demandé aux futurs candidats de se prononcer clairement, avec un calendrier d'application. Elargissons donc encore la prise de conscience et le débat public à tous ceux dont la raison s'accorde à leur temps politique ou que leurs sentiments portent à l'équité, à la démocratie partagée, à la reconnaissance égale pour tous ceux qui vivent sur notre sol. L'un n'empêche par l'autre! • Jean-Marie Janod «Moins qu'un chien », c'est le titre de la belle autobiographie du grand jazzman noir américain Charlie Mingus. Nous vous en recommandons la lecture, dont le souvenir nous est revenu - allez savoir - en apprenant l'organisation d'un colloque par le Sénat consacré à la place des chiens citoyens dans nos villes. Séjour à Philadelphie au nom du collectif Mumia Abu-Jamal M UMIA Abu-Jamal n'est pas seule ment le nom d'un homme qui depuis ce mois de décembre 1981 clame son innocence, alors qu'il est accusé de l'assassinat de l'officier de police Daniel Faulkner; Mumia Abu-Jamal n'est pas seulement un prisonnier qui réclame un nouveau procès, mais aussi un écrivain, auteur d'un troisième livre Condamné au silence (1); Mumia Abu-Jamal c'est surtout cet homme qui, depuis le couloir de la mort de la prison de Greene à Waynesburg en Pennsylvanie, dénonce les conditions de vie dont sont victimes les communautés noire, hispanique, amérindienne aux Etats-Unis; c'est cet homme qui se tient au courant des événements du monde et qui les interroge, s'insurge contre l'arrestation de C. Clark Kissinger, journaliste blanc arrêté alors qu'il parlait lors de la Convention de Philadelphie; c'est cet homme qui suit pas à pas les étapes de son « affaire », conseille ses avocats; interrogé par Bernard Birsinger à propos des amici brief (2) pense qu'il faudrait précisément étudier la législation internationale sur le droit des témoins, car a-t-elle été respectée ? Philadelphie, ville au visage de Janus. D'un côté symbole de la liberté: n'est-ce pas là que William Penn fonda la constitution et les lois d'un Etat détnocratique libéral? Et de l'autre, symbole d'un racisme exacerbé où la police s'autorise, le l3 mai 1985, sans avoir jamais été inquiétée par la suite, non seulement à incendier un quartier habité par la communauté de Move - avec laquelle Mumia sympathise et qu'il défendait lors de ses reportages radio - mais aussi à tirer à bout portant sur les enfants et les adultes qui tentaient d'échapper à cet enfer. Venir à Philadelphie, c'était tout cela, mais ce fut aussi tout autre chose. Arrivés de nuit au seul hôtel de Waynesburg, nous n'avons rien vu. Le lendemain matin, la nature était couverte de neige. Paysage calme, blanc, ouaté, un décor comme seuls savent les créer les studios hollywoodiens ... Un panneau indique l'entrée d'un enfer contenu dans un périmètre savamment contrôlé: barbelés, miradors, véhicules de service en ronde permanente, caméras visibles de partout. Nous avions dormi à cinq cents mètres de la prison et nous ne le savions pas ... Nous sommes près de l'endroit où la mort est décidée ... Entrés dans le hall d'accueil, notre regard est accroché par la vue d'un panneau « les discriminations à l'égard des populations incarcérées, pour raisons de race, de sexe, de reli- Les membres du collectif unitaire national « Vie sauve pour Mumia AbuJamal » : Stéphane Pariysky, Mireille Mendes France, Bernard Birsinger (député-maire de Bobigny), Lydia (soeur ainée de Mumia), Jacky Hortaut, Christine Bimbaum, Claude Pujol. Julia Wright (hors photo) faisait également partie de la délégation gion, sont interdites et punies ... » Ceux qui vont visiter Mumia signent les registres, déclinent leur identité, retirent tout ce qui est métallique. Certains doivent repasser plusieurs fois sous le portique: une fermeture éclair, une accroche de soutien gorge, un bouton de jean faithurlerle signal... A 14 heures, changement de brigade. Les gardiens arrivent dans leur uniforme de ville, roulant des épaules et nous dévisageant avec morgue. A leur ceinture, matraque, menottes, pistolet, clés ... Nous comprenons parfaitement que rencontrer Mumia n'est pas indispensable. Ce que nous voyons là est aussi important. Ici c'est déjà« l'ailleurs », mais cela doit être encore pire à l'intérieur, dans l'isolement, le silence des cellules. La folie meurtrière commence à l'entrée de la prison. C'est inscrit sur les murs, c'est cela que nous respirons. Nous repartons pour nous retrouver tous dans un restaurant dont le patron est gardien de prison ... Nous apprenons ainsi que la ville a été construite autour de la prison. Construire des prisons, embaucher des gardiens, enfermer des prisonniers et ainsi une région vit, prospère, les courbes du chômage baissent, l'Amérique est heureuse. Aujourd'hui, près de deux millions de personnes sont sous les verrous aux Etats-Unis - sept pour mille habitants. Cela a triplé en quinze ans. Bientôt une partie de l'Amérique gardera l'autre. Chaque année à New York, 30 000 jeunes de moins de seize ans sortent du système scolaire. Que deviennent ils? L'un des avocats de Mumia, Leonard Weinglass, nous a avoué ne pas comprendre pourquoi le taux de violence n'était pas plus élevé . . .. Nous étions là pour Mumia, au nom du Collectif unitaire constitué de plus de 60 associations et organisations depuis 1995, pour témoigner de l'engagement, de la mobilisation et de l'ampleur de la sensibilisation en France avec Bernard Birsinger, député-maire de Bobigny, venu remettre à Mumia un diplôme de citoyen d'honneur de sa ville. Nous étions là pour dire que nous sommes contre la peine de mort, que nous sommes attachés à l'article 3 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme: « Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sûreté de sa personne », et à l'article 6, alinéa 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques: « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la VIe ». Depuis la loi du 9 octobre 1981, nous faisons partie de ces pays qui ont aboli la peine de mort, alors nous sommes venus, comme beaucoup avant nous, pour dire que le combat mené par les abolitionnistes est un combat fondamental et indispensable dans un pays qui se dit démocratique et qui veut au nom de cette curieuse conception de sa démocratie donner des leçons de « vertu démocratique» au monde entier. .. De plus, aucune statistique n'a jamais prouvé que son application faisait baisser la criminalité, bien au contraire .... Nous étions là pour être auprès de tous ces femmes et hommes de cette Amérique qui se battent, qui luttent, en risquant leur liberté, leur vie, celle de leur famille, de leurs amis, contre la peine de mort, contre une justice raciste, contre les procès truqués, contre les lois bafouées. Ici ils se battent au quotidien pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et tout faire pour que les droits de chacun à l'égalité soient garantis devant la loi sans distinction de race de couleur ou d'origine nationale ou ethnique; ils se battent avec courage et abnégation pour le « droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice» (3). C'est cela aussi que nous avons rencontré à Philadelphie, à New York avec les militants, avec Pam Africa, amie de Mumia Abu-Jamal et l'une des responsables de son comité de défense, ne cédant rien à la radio What, the Voice of the African American-+ Différences nO 226 février 2001 3 Mouvement Israël/Palestine: pour une paix véritable -+ Community qui se retranchait derrière des raisons financières pour ne pas nous recevoir, ou amenant les représentants du maire de Philadelphie à admettre qu'ils ne font pas grand chose pour la communauté noire, en tout cas pas tout ce qu'ils pourraient pour les communautés stigmatisées par la blanche Amérique qui vit toujours au temps du Far West où le colt est le seul droit ... , au point que lors de la marche du dimanche matin pour la libération de Leonard Peltier, nous avions à peu près un policier pour chaque manifestant ... J'ai eu l'espace d'un instant la vision de ces troupeaux de vaches entourés de nombreux cow boys, jouant du revolver, hurlant .... Nous étions dans Madison avenue et pourtant rien n'avait changé. Alors cette Amérique que nous avons rencontrée, celle des cow-boys mais aussi et surtout celle de citoyens impliqués, combatifs pour que les droits fondamentaux de la personne humaine soient respectés, nous force à interroger d'une part, ce qui va se passer dans le monde avec l'investiture de Bush dont le portrait n'est plus à faire et dont les convictions sur la peine capitale ne sont plus à démontrer, et d'autre part, à regarder ce qui se passe en France, en Europe au plan des discriminations dont sont victimes tous les sans voix dont il est fait si peu cas. Alors lorsque nous voyons les principes fondamentaux de respect, de dignité se vider et être vidés de leur sens, que nous vivons dans un « monde de bruit, de fureur et de haine» où tout est fait pour brouiller les cartes, nous avons obligation de dénoncer et de dire non à tout ce qui occulte l 'homme au nom de l'Homme, principe fondateur d'une nouvelle « utopie» qui reste à construire .• Mireille Mendes France (1) La Découverte février 2001 (2) Les amici brief ajoutent des faits majeurs ignorés par les juges lors de l'instruction d'un dossier ou des faits dissimulés lors d'un procès. (3) Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, extrait de l'article 5 Info du comité local d'Albi Le collectifTchétchénie Midi-Pyrénées dont fait parie le comité et hébergé par lui organise le 3 mars prochain un apéritif- concert en solidarité avec le peuple tchétchène. Le bénéfice de cette soirée sera intégralement versé aux familles tchétchènes réfugiées dans la région. Le collectif continue à se mobiliser pour venir en aide à ces vingt familles qui sont totalement démunies et ont toutes besoin d'un soutien psychologiques et matériel. 4 Différences nO 226 février 2001 LORS de notre séjour à l'été 1999, nombre de responsables palestiniens pressentaient déjà l'éclatement d'une nouvelle Intifada sans pouvoir en déterminer ni la forme ni l'ampleur. Les remises en cause par le gouvernement Nétanyahou qui, sous prétexte d'impératifs de sécurité, renégociait sans cesse les accords déjà conclus avaient sérieusement mis à mal la confiance des Palestiniens. Oslo un processus remis en cause. Considérant que les accords intérimaires auraient obligé Israël à rendre des territoires sans contrepartie, Barak adoptera la même logique que Nétanyahou : passer outre aux accords intérimaires pour aborder directement le statut final en ayant concédé le minimum aux Palestiniens. C'est d'ailleurs dans ce souci de conforter encore, en vue de la négociation finale, une position déjà dominante que le gouvernement Barak n'a pas respecté les engagements concernant les redéploiements mais également intensifié la colonisation (1). Par cette politique, il donnait des gages aux colons et s'exposait à leurs surenchères. En Palestine, l'exaspération gagnait du terrain

de nombreux déçus du processus commençaient

à établir une comparaison entre ce qu'avait obtenu au Liban le Hezbollah grâce à la lutte et ce que les négociations avaient fait perdre à Arafat. Ainsi, bien avant la provocation d'Ariel Sharon sur l'Esplanade des mosquées la situation était-elle déjà porteuse de dangers. Camp David, « à deux doigts de la paix» ? Deux mois auparavant, malgré les réticences palestiniennes, et alors que les Israéliens étaient toujours loin d'avoir tenu l'ensemble des engagements de la période intérimaire, le président Clinton, à la demande de Barak, convoquait Camp David. Cette réunion au cours de laquelle ont été abordées les questions du statut final répondait ainsi et à la conception du processus que les Israéliens voulaient imposer et à leur volonté d'arracher aux Palestiniens de nouvelles concessions Et même si les propositions israéliennes ont pu évoluer, il n'a jamais été fait référence, - saufpar la partie palestinienne - , aux résolutions internationales comme base de discussion. C'est certainement sur le dossier des réfugiés que l'échec fut le plus complet. Refusant toujours de reconnaître et d'assumer leur responsabilité dans l'exode des Palestiniens, et craignant en outre « la perte de la judéité» de leur l'Etat, les Israéliens se déclaraient prêts à n'accepter que le retour de quelques milliers de personnes étalé sur dix ans. Sur la question des colonies, Israël prévoyait toujours l'annexion de 10 à 15 % de la Cisjordanie, ce qui aurait eu pour conséquence de morceler le futur Etat palestinien en trois voire quatre parties et de mieux s'en assurer le contrôle (2) tout en gardant la mainmise sur Khader Shkirat directeur de Law association palestinienne de défense des droits de l'Homme (à gauche) et RonDubaide B'tselem - association israélienne contre les violations des droits de l'Homme dans les territoires occupés, au cours d'une rencontre organisée au siège du Mrap le 20 janvier 2001 les réserves hydrauliques. De plus, les propositions israéliennes n'offraient pas les conditions minimales pour que les Palestiniens puissent exercer leurs droits à la souveraineté sur Jérusalem-Est.(3) Et pourquoi avoir voulu dès lors faire croire que l'on était « à deux doigts» de la paix? Le comportement des Américains, qui ont exercé l'essentiel des pressions sur la partie palestinienne et qui l'ont rendue responsable de l'échec, a une nouvelle fois confirmé que les Etats-Unis ne sont toujours pas des médiateurs impartiaux. De nouvelles perspectives? Alors que les Palestiniens ont plusieurs fois reporté la proclamation de leur Etat, de nouvelles règles de jeu semblent se mettre en place. Elles institueraient le découplage entre les notions d'indépendance et de souveraineté: le nouvel Etat palestinien indépendant, sans posséder la souveraineté sur l'ensemble des territoires du 4 juin 67, déclarerait alors occupées les zones qui ne seraient toujours pas sous son contrôle. Cette « solution» laisserait néanmoins des questions essentielles en suspens. Le processus d'Oslo semblant moribond, l'Europe se doit de sortir de sa réserve, - on peut à ce sujet regretter que l'Europe ait manqué de courage politique et se soit montrée incapable de donner suite à sa propre déclaration de Berlin. Avec l'arrivée d'une nouvelle administration aux Etats-Unis et les prochaines élections en Israël (NDLR ce texte a été rédigé fin janvier), la situation peut connaître des changements. L'administration Bush, proche des lobbies pétroliers, peut modifier son attitude. La situation politique en Israël même reste imprévisible et les sentiments qui agitent les électeurs sont souvent contradictoires. Entre retour au calme et paix véritable. Aujourd 'hui, Israël est en crise profonde. A cet égard, les violences dont les citoyens palestiniens d'Israël ont été victimes témoignent d'une inquiétante crispation. Dans ce climat, nombre de citoyens et parmi eux des militaires ou même des responsables des services de sécurité qui se disent favorables à la paix « investissent» plus dans un retour au calme que dans une paix véritable. A côté d'un Mouvement de la Paix en perte de vitesse et victime de sa trop grande institutionnalisation se développent de façon plus radicale diverses initiatives pacifistes qui se refusent à admettre selon la formule de Meron Benvenisti l'instauration d'une « paix qui sent l'apartheid ». A Tel Aviv par exemple, soixante quinze peintres juifs israéliens mettent en vente leurs oeuvres pour venir en aide aux hôpitaux palestiniens. C'est la multiplication de telles initiatives ouvrant la voie à la future réconciliation qui permettra à terme aux Israéliens d'obtenir dans la région la légitimité qui leur fait toujours défaut et que seules les victimes peuvent accorder. Le Mrap doit faire connaître les initiatives des pacifistes israéliens comme il doit aider les P lestiniens à développer leur audience. La m se en oeuvre d'une solidarité active ne doit p s être oubliée, d'autant que la situation é onomique dans les territoires est des plus p écaires (4). Tant par le concours qu'ils peuvent apporter à l'organisation d'une solidarité matérielle, que par la prise en compte de la question du Proche-Orient dans le débat politique, les élus ont un rôle à jouer. A nous de les presser à s'engager .• Yves Marchi et Alexandrine Vocaturo (1) En 1980, la résolution 465 du Conseil de sécurité a demandé à Israël de démanteler les colonies. (2) Cf. les cartes dans Le Monde diplomatique, décembre 2000. (3) Lire à ce sujet la relation de Camp David par Akram Haniyyé dans la Revue d'Etudes palestiniennes de l'automne 2000 (4) D'après les déclarations de M. Roed Larsen, envoyé spécial de l'ONU pour le Proche , Editorial Papon nous défie Décidément Maurice Papon continue ses ravages. Suite au recours de son avocat auprès de la Cour européenne des Droits de l'Homme pour traitement inhumain et dégradant en prison, traitement qui nécessiterait sa libération anticipée, et suite à l'expression de Robert Badinter à ce sujet, une polémique s'est déclenchée, sur le bien-fondé et l'opportunité d'une telle mesure. Soyons clairs: jamais l'expression du Mrap n'a été aussi incomprise. En effet, jamais le Mrap n'a demandé la remise en liberté de M. Papon. Ce n'est ni notre compétence, ni notre souhait. Comment pourrions-nous éprouver compassion, condescendance ou pardonner à l'endroit de celui dont les exactions à Bordeaux et le massacre opéré à Paris le 17 octobre 1961 représentent la négation absolue des Droits de l'Homme? Nous nous sommes simplement exprimés dans le cadre d'une polémique, par un rappel fidèle à la position du Mrap, qui s'est donné comme vocation à porter toujours haut la reconnaissance des droits de l'homme. A savoir: l'oeuvre essentielle de la réparation fut obtenue par la condamnation de Maurice Papon pour complicité de crime contre l'humanité, sentence dont la portée historique et pédagogique jette sur lui le déshonneur, l'opprobre et le discrédit. Pour avoir soutenu dès les premières heures les familles des victimes, le Mrap comprend la souffrance et la douleur des familles qui exigent une exécution intégrale de la peine. Cependant, hier comme aujourd'hui, le Mrap s'est interdit d'être comptable du quantum et de l'exécution des peines. Nous avons rappelé au cours de cette interpellation un principe fondamental: les Droits de l'Homme sont indivisibles, universels et ne peuvent souffrir d'aucune exception de lieu, de domaine ou de Orient, en raison des bouclages et des blocus, le taux de chômeurs atteignait 45 % fin décembre, et celui de pauvreté plus de 30 %, la moitié des Palestiniens vivant avec moins de 2,1 dollars par jour. A cela s'ajoutent les dégâts causés aux infrastructures et l' assistance à plus de 10 000 blessés personne. Principe qui vaut pour tous les hommes, Maurice Papon ne pouvant en être exclu. Non seulement nous n'acquittons d'aucune manière Maurice Papon, mais de surcroît nous voulons que la justice soit rendue complètement, pour d'autres crimes contre l'humanité, pour: lesquels il n'a jamais rendu compte, et notamment en sa qualité de Préfet de police le 17 octobre 1961. Nous pensons par ailleurs que nous n'avons rien à gagner dans le jeu de la victimisation d'un « criminel » des Droits de l'Homme, qui se présente depuis le début comme une victime des associations, des médias, de la Justice, de l'abandon des siens et maintenant des Droits de l'Homme. Nul doute que perdre sur ce dernier terrain concourrait à atténuer dangereusement le jugement. Maurice Papon ne peut être une exception. Il y a en prison beaucoup d'oubliés des Droits de l'Homme: malades en fin de vie, victimes du Sida, malades mentaux, jeunes incarcérés dans les quartiers diSciplinaires qui se suicident, et qui ne peuvent se prévalOir ni de soutiens, ni de protecteurs. Une mesure exceptionnelle si elle ne concernait qu'un seul prisonnier serait proprement scandaleuse. Enfin pourrions-nous à la fois dénonce~ cette sentence barbare, moyenâgeuse qu'est la peine de mort et accepter et souhaiter la mort lente en prison ou la prison jusqu'à la mort? De même celui qui nous a servi à faire reconnaître sur I~ terrain juridique que le 17 octobre a été un massacre, va-t-il nous faire renoncer nos principes? Maurice Papon nous défie dans notre cohésion et notre conscience. A cet égard toute concession, toute faiblesse, toute incohérence en la matière risque de fragiliser nos futurs combats en faveur des droits et libertés fondamentales de la personne humaine. Notre expression publique a troublé certains de nos adhérents, comme l'atteste votre courrier; nous sommes profondément attristés d'avoir bien involontairement pu 'laisser supposer une infidélité à nos valeurs communes. Nous vous demandons de nous le pardonner. Mouloud Aounit Différences nO 226 février 2001 5 DOSSIER Rendre illégitimes les discriminations racistes LA CAMPAGNE de lutte contre les discriminations, appelée « Caravane de la citoyenneté» a connu son prologue à Roubaix le 13 janvier (lire article page suivante). Différences se propose d'informer tous les adhérents et militants de l'esprit, des objectifs, de l'état d'avancement du projet, du dispositif mis en place, puisque impliqués ou pas, tous les comités doivent pouvoir y trouver ressources et matière à mener leurs propres actions. - La concertation et le partenariat tous azimuts en fonction des thèmes traités, des situations rencontrées, etc ... - Les comités, fédérations ont déjà reçu de nombreux documents qui précisent le cadre de ce projet. A ce stade, il semble important d'inviter les militants à une forte mobilisation. Les discriminations sont l'expression la plus insidieuse, la plus diffuse et la plus diffusée, la plus complexe du racisme; elle est au coeur même de notre engagement. Lutter contre cela demande de la détermination, de la clairvoyance, et de l'organisation, en plus de la sensibilité dont les militants ne manquent pas généralement. C'est pourquoi le Mrap a voulu proposer à ses militants un outil qu'il espère efficace, dont les premiers comités ou fédérations inscrits dans le projet se sont déjà emparé, et qui doit, à terme, répondre, en partie, à la volonté de tous d'être présents et combatifs Sur ce terrain là aussi. Rappelons tout d'abord les grandes lignes de la « Caravane» : - Une campagne nationale déclinée localement, tant sur l'approche des différents champs de la discrimination raciste, que dans un travail de proximité auprès des victimes. - Une campagne de sensibilisation destinée aux victimes pour les inciter à se manifester et se faire entendre, ainsi qu'aux agents volontaires et involontaires de discrimination. - Une assistance et un accompagnement des victimes, que ce soit sur le plan juridique, ou dans une éventuelle médiation. Il faut insister sur le volet formation inclus dans le projet, formation juridique, et con- Ce guide est édité par La Documentation française 6 Différences n° 226 février 2001 Jean-Michel Belorgey, président de la Mission interministérielle pour la célébration du centenaire de la loi de 1901 et Jean-Louis Bianco, président du Haut Conseil de la coopération internationale, entourés d'Hubert Prévost et d'Edith Arnoult-Brill (CNVA), ont donné une conférence de presse le 16 janvier pour présenter ce « Guide de la liberté associative - Les législations des sociétés civiles dans 138 pays », réalisé par Michel Doucin pour le compte du Haut conseil de la coopération internationale. Cet ouvrage qui a pour ambition d'inventorier le droit associatif sur tous les continents est structuré en six sections géographiques: Afrique, Amérique latine/Caraïbes, Amérique du Nord, Asie/Océanie, Maghreb/MoyenOrient, Europe. Chaque chapitre est composé de trois parties: une introduction décrit la place des ONG dans le contexte politique du continent ou sous-continent, une synthèse analyse de façon comparée les différents droits nationaux et cherche à mesurer l'espace de liberté qu'ils offrent, enfin des monographies par pays représentent le droit des ONG, la fiscalité qui leur est applicable, leurs relations avec l'Etat et leur impact sur la société. Il permet de se faire une idée de la place de la société civile dans la vie politique, économique et sociale des différents pays. Par ailleurs, la Mission pour la célébration de la loi de 1901 organise une série de rencontres tout au long de l'année dont une de dimension européenne et quatre colloques à Paris au mois de juin. naissance des phénomènes et mécanismes discriminatoires, ainsi qu'une formation à l' accueil des victimes, ce qui ne va pas de soi, quelles que soient les qualités des militants. Qu'il me soit permis, à ce propos, de faire le lien avec le prochain centenaire de la loi 1901 sur les associations. Un appel à bonnes volontés a été lancé dans un numéro précédent pour qu'un groupe de travail se constitue sur la préparation de ce centenaire et des positions du Mrap sur ce sujet. Ce groupe ne s'est toujours pas constitué. Or, dans les différentes prises de position sur ce sujet, y compris par le groupe de travail constitué par le gouvernement, il est rappelé que les militants associatifs acquièrent une réelle qualification au travers de leurs diverses activités (pour mémoire, voir la compétence des militants des permanences juridiques), et que cette qualification devrait, pour le moins, être reconnue. L'ambition, pour le Mrap, est bien de se montrer présent, reconnu et efficace sur ce terrain de la lutte contre les discriminations, que ce soit dans le cadre même des villes accueillant la Caravane, ou dans l'ensemble du Mouvement bénéficiaire indirectement des méthodes, résultats et moyens mis en oeuvre .• Dominique Brendel Demandez la flclte d1accuell Le service juridique du Mrap a élaboré pour lancer et faire vivre le projet ({ Caravane pour la citoyenneté - Rendre illégitimes les discriminations» une fiche d'accueil au service des comités locaux et fédérations du Mrap. Ce document de liaison et de travail entre les structures locales et nationale a été conçu de telle sorte qu'il peut à la fois servir de première évaluation des actions et projets pour chacune de nos structures, mais aussi d'outil de relation avec la Codac, de moyen de rassembler les informations au plan national pour s'orienter vers une communication forte et de support pour renforcer les relations entre les structures militantes et le service juridique. Elle peut de surcroît servir autant pour les cas de discrimination que pour les accueils dans d'autre domaines. Elle est à votre disposition sur simple demande auprès de Yannick Lechevallier au 01 53389991 (yannick.caravane@freeJr) ou de Nicolas Grivel au 01 53 38 99 99 (nicolas.caravane@free.fr). ] A l'heure où nous mettons ce J numéro sous presse la Caravane de la citoyenneté, axée sur les problèmes de discrimination, dispose d'un certain nombre de cadres et d'outils de travail qui la font entrer dans sa phase de réalisation. Un comité de pilotage est chargé d'encadrer cette action - qui devrait s'installer dans la durée - sur le plan national, d'accompagner tous les comités locaux et les fédérations départementales qui le souhaitent, et d'aider tous ceux qui voudraient y participer. Le lancement officiel aura lieu avant la fin du mois de février avec une conférence de presse et la présentation du film réalisé spécialement pour cet événement <lire page 10), Une première journée de formation s'est déroulée au siège du Mrap le 13 janvier sur la législation contre le racisme et les discriminations en présence d'un certain nombre de militants qui assurent des permanences d'accueil des victimes, une seconde devait avoir lieu les 10 et Il février en direction des responsables de la mise en place de ces permanences. D'ores et déjà des comités et fédérations ont émis le souhait d'organiser des formations dans leur ville afin d'en faire bénéficier l'ensemble des animateurs de permanences. Selon des informations encore provisoires, huit fédés ou comités disposent ii déjà d'une permanence (voire pages 8 et 9) tandis qu'une dizaine d'autres sont en voie de constitution. Enfin, un colloque s'est dérou lé à Roubaix dont Nicolas Grivel présente ci-contre un compte-rendu circonstancié. OE~- ~~ ~~ p "- II aravane de la C itoyenneté L1école et la formation· DANS le cadre de la « caravane de la citoyenneté », la fédération Nord- Pasde- Calais du Mrap a organisé le 13 janvier 200 1 un colloque sur les discriminations à l'école et dans la formation. Ce colloque s'inscrit au sein de nombreuses initiatives de sensibilisation des comités locaux de la région Nord- Pas-de-Calais: un trimestre d'actions, jusqu'au 21 mars, avec des débats, des expositions, des spectacles (théâtres-forums ... ), la diffusion du film du Mrap « Discriminations

les yeux ouverts », etc. L'organisation

d'un tel temps de débat et de confrontation des idées illustre l'ambition de réussir à allier, dans la lutte contre les discriminations, la réflexion, indispensable à la connaissance de phénomènes complexes, et l'action, nécessaire pour faire avancer l'égalité de tous. Ouvert par Jean-Claude Dulieu, président de la Fédération et secrétaire général-adjoint, et clos par Mouloud Aounit, secrétaire général, le colloque s'est articulé autour de six ateliers de travail, consacrés à la scolarisation des tziganes et gens du voyage, à la discrimination sociale, à l'accès au stage et à la formation, à l'accueil des primo-migrants, à l'orientation scolaire, et enfin à l' ethnicisation des rapports scolaires. Ensuite a eu lieu la représentation par le Théâtre du Lien de la pièce « Je m'appelle Mohamed », sur le thème de la confrontation soudaine d'un jeune issu de l'immigration aux problèmes de la discrimination. Les débats ont été d'une grande richesse et ont mis en évidence que la question des discriminations à l'école était reliée à de nombreux autres défis auxquels est confronté le système scolaire: inégalités des établissements, problème de la carte s : aire et de son respect, problématique de l'école à deux vitesses, laïcité et place de l'islam . .. Il est en tout cas évident que l'école n'est pas imperméable aux phénomènes sociaux, au contraire. Elle est comme le reste de la société la proie de représentations sociales, de préjugés. Même si elle n'a pas un comportement raciste et discriminatoire en tant qu' institution, il est indéniable que comme partout ailleurs des discriminations racistes y sont produites. Or il existe souvent un certain tabou sur cette question, et il est indispensable de réfléchir sur les discriminations à l'école et dans la formation, car il s'agit d'un phénomène complexe et une prise de conscience collective s'impose. Les débats ont confirmé le constat établi par les chercheurs: à niveau social égal, les jeunes issus de l'immigration réussissent mieux que les autres à l'école; mais à niveau de qualification égal, ils ont plus de difficultés à trouver un emploi et à accéder aux formations les plus proches de l'entreprise. Une grande partie des échanges a tourné autour de l'idée que le système scolaire produit involontairement les discriminations qu'il anticipe. Ce phénomène contribue en outre à engendrer une attitude intériorisée des jeunes issus de l'immigration, qui s'autocensurent en prenant en compte dans leur choix d'orientation, de stages ou de formations les discriminations auxquelles ils pourraient s'exposer dans le futur. Discrimination indirecte, discrimination positive, discrimination préventive, discrimination involontaire. Loin d'être exclusivement sémantique, cette question récurrente autour du phénomène discriminatoire est particulièrement prégnante autour des discriminations à l'école et dans la formation. Elle a été centrale notamment dans les ateliers « accès aux stages et à le formation» (avec en particulier l'intervention de Philippe Bataille), et« orientation scolaire ». Elle repose sur l'idée d'une discrimination systémique, qui n'est pas produite par des acteurs racistes, mais par des intermédiaires (professeurs , conseillers d'orientation, responsables de formation . .. ), lesquels anticipent une discrimination potentielle et en deviennent par leur intervention les auteurs indirects. On parle alors de discrimination indirecte. Ce phénomène pose clairement problème en particulier parce qu'il engendre une production institutionnelle de la discrimination, sans que les acteurs présumés racistes (employeurs, clientèle ... ) aient même à entrer en jeu et à adopter un comportement discriminatoire. Face à ce constat, nombre d'enseignants, de formateurs, de conseillers d'orientation s' interrogent

quelle réaction adopter? Effectivement,

il est parfois préférable de préserver un jeune, surtout s' il est déjà fragilisé par l' échec scolaire, d'un comportement raciste et discriminatoire d'un employeur particulier, ou d'un secteur d'activités en général. Il faut veiller à ne pas pénaliser les jeunes. Mais il apparaît indispensable de ne pas se limiter à cette attitude certes protectrice mais également porteuse d'une banalisation et d'une perpétuation fataliste des discriminations. Les débats de ce colloque de Roubaix ont fait ressortir la nécessité de : - former et sensibiliser les professeurs, les formateurs, les équipes syndicales - tout faire pour porter le débat dans l' espace public: dénonciation du cercle vicieux des discriminations et des préjugés racistes qui dominent dans certaines professions - toujours laisser le choix au principal intéressé (le jeune en l'occurrence), même en -+ Différences nO 226 février 2001 7 DOSSIER -+ éclairant ce choix: il serait injuste et dangereux de faire ce choix pour lui - d'aider les victimes, en les soutenant par exemple au travers d'un témoignage devant lajustice ... Il est en outre indispensable d'avoir conscience du fait que les intermédiaires qui dans un but protecteur, produisent de la discrimination, peuvent eux-mêmes être victimes de préjugés: ils peuvent anticiper une discrimination qui dans les faits n'aurait jamais eu lieu, comme le montre un témoignage entendu dans un atelier de travail du colloque: une jeune femme noire, qui avait été embauchée sans entretien préalable comme infirmière dans une maison de retraite accueillant un public assez aisé, a raconté qu'elle avait parfaitement senti à son arrivée que ses supérieurs étaient surpris par sa couleur de peau et ne l'auraient certainement pas engagée s'ils l'avaient rencontrée auparavant, pour la protéger des réactions présumées racistes des personnes âgées. Or, elle n'a eu aucune difficulté pour travailler, à partir du moment où elle a fait ses preuves et montré ses compétences, et elle est restée longtemps dans cette maison de retraite. Cet exemple illustre parfaitement les impasses et les effets pervers d'une « discrimination préventive» qui engendre elle-même la discrimination qu'elle est supposée éviter. Enfin se pose le problème de la discrimination « protectrice » employée comme alibi; il s'agit en effet d'un argument trop facile mis en avant pour reporter la responsabilité d'un acte discriminatoire sur quelqu'un d'autre: clientèle, employeur. .. Il est de plus souvent difficile de faire la part entre celui qui cède à la pression raciste environnante et celui qui ajoute à cette pression son racisme et ses préjugés propres. Ces débats à Roubaix ont montré l'interférence apportée sur ces questions par la notion de discrimination positive, qui repose néanmoins sur une idée différente: il s'agit de faire plus pour ceux qui ont moins. Cette conception est très présente par certains aspects dans l'éducation et la formation, no- Les Castrais investissent le terrain LA PERMANENCE d'accueil du comité de Castres (Tarn) se tenait une fois par semaine jusqu'en septembre dernier; depuis, elle a lieu deux fois par semaine. Les plaignants sont reçus par deux militants. Les militants qui l'animent affirment avoir découvert une réalité qu'ils méconnaissaient. Deux procès sont en cours d'instruction avec le concours d'un avocat. Le premier concerne un arbitre de football qui a été insulté et frappé par deuxjoueurs refusant le cartonjaune qu'il leur avait infligé; d'ores et déjà, alertée, la fédération de football a décidé de suspendre les deux agresseurs pour une période de dix mois concernant l'auteur de l'insulte et de trois ans pour celui qui a porté les coups. Autre dossier: deux soeurs malgaches sont les victimes de leur voisine qui ne supporte pas leur emménagement dans une maison qu'elle souhaitait acquérir ; du coup, elle a tenté de leur rendre la vie impossibles, harcèlement, insultes ... Les deux soeurs ont voulu porter plainte auprès du commissariat mais en vain, les fonctionnaires de police les en ont dissuadées. Aussi, après les avoir reçues à la permanence, deux militantes les ont accompagnées, ce qui a manifestement rendu la procédure possible: une plainte a été déposée avec constitution de partie civile. 8 Différences n° 226 février 2001 Les militants castrais s'investissent essentiellement dans un travail de terrain en particulier auprès des Gens du voyage qui disposent d'une importante ère d'accueil mais dans des conditions d'une extrême précarité (deux points d'eau pour 70 caravanes, pas un WC !). Récemment, ils se sont battus pour le relogement d'une famille de six personnes vivant dans un espace de l ,50m sur 2. Le père avait introduit une demande de relogement en HLM, en vain. Peu à peu, les militants du Mrap ont acquis l' intime conviction que cette famille n'avait pas accès à un logement décent du fait de sa différence: « le relogement ne réussirait pas» leur disait-on, « ils ne s'adapteront pas» ... Le comité a porté ce cas auprès du collectif qui prépare et suit l' activité autour Qi D .~ ftamment depuis les années soixante-dix. Mais aujourd'hui, le terme de discrimination positive recouvre aussi d'autres réalités, en lien avec les problématiques étasuniennes : il implique souvent la notion de communautarisme et l' utilisation de quotas. En outre, il s'agit d'une traduction assez contestable de l'expression « affirmative action ». Du fait de la connotation négative que comporte en français le terme discrimination, il apparaît nécessaire d'utiliser de préférence des formules du type « actions positives» pour désigner les réalités des actions renforcées pour ceux qui en ont le plus besoin. Ce colloque a, sur la méthode, montré l'utilité de confronter les points de vue, d'analyser les phénomènes et de faire progresser la réflexion grâce aux paroles des victimes, témoins, professionnels, chercheurs .. . Cette démarche peut être à la base d'une action plus efficace dans la lutte contre les discriminations, enjeu central de la Caravane de la citoyenneté . • Nicolas Grivel des Journées contre la misère, ont demandé au maire d'intervenir. Lorsque la famille a enfin obtenu un logement en HLM, ce sont les voisins qui s'y sont opposés en diffusant une pétition qui a été signée par deux cents personnes. Là encore les militants du Mrap ont investi le terrain: ils ont engagé durant quinze jours un dialogue sur les lieux, avec les habitants, le comité de quartier, l'assistante sociale. Le comité participe à de nombreux collectifs, notamment un collectif Droits de l'Homme avec l' Acat, Amnesty international, la LDH, Solidarité chômage et Solidarité ex-Yougoslavie. C'est avec ce collectif et ses interlocuteurs que se prépare un événement original: l'inauguration d'un chemin des droits de l 'Homme sur 44 km entre Castres et Albi. Ce sentier piétonnier, ouvert aux VTT, devrait être inauguré au mois de mai avec l'aide et le concours du Conseil général, des mairies de Castres, d'Albi et des autres communes avoisinantes, ainsi que des associations de randonneurs. Il faut encore signaler que le comité animera le 30 mars un débat sur les discriminations dans le cadre du café-citoyen mensuel co-réalisé par Attac et Solidaritéchômage de même que le 17 mars une projection des courts-métrages « Pas d'histoiresdouze films contre le racisme» suivie d'un débat sera organisée à Mazamet. • Entretien avec Jean-Pierre Lapierre

fl « Les militants du Mrap ont acquis

~ l'intime conviction 9u 'une famille de ~ gens du voyage n'etait pas relogée ~ par discrimination» .. @~"';WJ ' . t! aravane de la C itoyenneté La Seine-Maritime slimplique sur le long terme A PRÈs avoir créé une permanence, la fédération de Seine-Maritime caresse l'idée d'en multiplier le nombre, en partenariat avec les municipalités; des contacts ont été pris en ce sens. Un objectif raisonnable serait d'en assurer cinq dans l'agglomération d'ici la fin mai, dont une serait réservée aux Gens du voyage qui rencontrent des problèmes spécifiques

des rencontres d'information devraient

se tenir très prochainement sur les trois aires d'accueil avant de les amener à se rendre à la permanence lorsque des problèmes surgissent; pour cela, le comité a sollicité l'aide des travailleurs sociaux. Les trois autres structures d'accueil de- .----- - ---

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face ~, aux , discriminations racistes ! / i j/ / 1 vraient être implantées dans des endroits proches de la population, dans les quartiers dits sensibles ; là, explique Matthieu Charlionnet, nous souhaitons aider les jeunes, qui réagissent par la violence aux discriminations dont ils font l'objet, à construire avec eux des comportements plus civiques en s'adressant aux associations et en portant plainte lorsque cela est possible ». Parmi les projets élaborés dans le cadre de la caravane, il faut signaler la conception et la réalisation d'un cd-rom structuré en cinq parties

1/ Les discriminations racistes (définition,

la répression par la loi, des exemples) ; 21 Faire reculer les discrimination (le film du Mrap, contacter le Mrap, le rôle des Codac, le 114) ; 31 Des jeux autour des personnages célèbres - Nelson Mandela, Martin Luther King, Victor Schoelcher - et un bref inventaire des préjugés racistes qui alimentent les discriminations; 41 Les liens utiles sur Internet; 51 et pour clore une ouverture vers d'autres formes de discriminations : les roux, les handicapés, les gros, les homosexuels(les), etc. Ainsi que la conception et la production d'une série de reportages radiodiffusés durant trois mois par HDR (Hauts de Rouen99.1) .• Entretien avec Matthieu Charlionnet Paris accueille à la Maison de la justice et du droit UNE PERMANENCE d'accueil est organisée par la Fédération de Paris à la Maison de la justice et du droit du lOe arrondissement (1) tous les mardis de 13 à 18 h depuis le début du mois de février. Elle est animée par cinq militants. Une permanence supplémentaire aura lieu le 21 mars après-midi dans le cadre de la journée contre les discriminations organisée par la Mission Droit et ville (ministère de la Justice). La FD a établi de bonnes relations avec la Codac qui dispose de cinq commissions plus ou moins actives dans les domaines de l'emploi, du logement, de l'éducation des jeunes, de l'accès aux droits, et enfin de la formation. Une quarantaine de dossiers pour lesquels le Mrap étaient le référent ont été traités dans le cadre du 114. Des contacts sont pris pour la mise en place d'un double référent Médiateur de la RATP pour l' accueil du publiclMrap. De manière plus prospective, la FD a l'intention de s'engager à travailler spécifique sur les discriminations dans les domaines du logement et de la santé. Il s'agit en particulier d'élaborer des chartes de bonne conduite et de les proposer aux bailleurs de logements publics et privés en concertation avec la Codac et en partenariat avec la Confédération générale du logement. • Entretien avec EmmanueUe Le Chevalier (1) 15/17 rue du Buisson Saint Louis. La Fédération fait savoir que toutes les bonnes volontés sont les bienvenues pour mener ce travail et le rendre pérenne. Paroles Trois questions à Anne Madamme Depuis quand et pour quelles raisons vous êtes-vous engagée dans la permanence d'accueil de Rouen? Nous avons commencé la permanence d' accueil en novembre 2000. Pourquoi m'y engager? Je suis intéressée par le monde du travail depuis touj ours, consciente depuis longtemps qu'on ne sait pas grand chose de ce qui se passe dans les entreprises. Les permanences d' accueil sont une occasion de soulever le mur du silence autour d'un sujet particulièrement tabou par un travail d' équipe. Accueillir, c'est montrer modestement qu'on s'oppose aux discriminations. Quelles sont, selon vous, les qualités essentielles pour réaliser ce travail ? Nous avons décidé « d'écouter» à deux, pour ne pas introduire trop de dimension affective et poser des questions plus facilement, de façon plus complète: on ne voudrait pas être trop inquisiteur, mais il faut entrer dans un univers professionnel dont on ne sait rien, et faire préciser beaucoup de points. La sympathie semble a priori un atout. Notre position est délicate, mais la rencontre avec d'autres « écoutants » et des employés de la préfecture (Codac) fait penser qu'il n'y a pas de procédé-type, qu' il faut être réceptif, s'adapter à chaque personne, et confronter ensuite les expériences et les témoignages recueillis. Qu'avez-vous pensé de la formation dispensée au siège samedi 13 janvier? La formation juridique du samedi 13 janvier a été très appréciée par les quatre participants du comité local rouennais: un accueil sympathique, une journée dense, bien organisée, des exposés clairs précis, accessibles aux non juristes, complétés par des documents aisément utilisables. Un regret, néanmoins: nous n'avons pas eu le temps de parler davantage de cas concrets, mais c'eût été prématuré, et ce sera toujours possible par écrit. Nous avons l'intention d'élargir le cercle des bénéficiaires et de proposer une formation à Rouen. © Le dessin ci-dessus est de JeanPierre GaÜzère. Différences nO 226 février 2001 9 DOSSIER ,,,,,,,,,,' , .......... Produit par le Mrap et réalisé par Laurent Cibien (lire entretien cicontre), ce film intitulé « Discriminations: ouvrons les yeux» est une invitation à faire face aux discriminations racistes. Le spectateur y découvrira l'expression la plus banale du racisme et les répercussions dramatiques sur la vie et les sentiments de celui ou celle qui s'y trouve confronté(e). Plus d'une dizaine de personnes ont eu l'élégance et le courage de parler à visage découvert devant la caméra. Pourtant l'exercice n'est pas facile. De Jean Guénifi, un homme âgé qui rapporte comment l'insulte raciste - « bicot» ou « bougnoule» - a toujours fait partie de son univers et Bahia Idoudjène, diplômée de l'ENA, qui a reçu l'acte discriminatoire dont elle a été l'objet comme une claque en pleine figure, en passant par Fouad Yamani qui a pris « un coup de poignard dans le dos », c'est la même souffrance et le même déni de justice qui sont exposés. Mais, aucun ne baisse ni les bras, ni la tête; ils veulent et parfois ont obtenu que justice soit faite, mais souvent une profonde insatisfaction demeure. Abdel et ses amis jurent que leurs enfants ne vivront pas « ça » ! Sont égaIement interviewés le coordinateur du 114, des sociologues, le directeur de la formation de la police nationale, la substitut du procureur de la République de Marseille, un responsable de formation du Greta ... L'ensemble forme une bonne introduction aux débats et événements organisés dans le cadre de la Caravane. Un dossier pédagogique est en cours de réalisation. ~fP ~aravane de la C itoyenneté Un documentaire pour ouvrir les yeux De quelle façon avez-vous travaillé pour réaliser ce film ? Laurent Cibien : L'essentiel a consisté à identifier les personnes susceptibles d'accepter de témoigner de la blessure qu'ils ont subie. Parmi la vingtaine de personnes avec lesquelles j'ai pris contact, celles qui ont accepté de témoigner à visage découvert ont toutes eu d'une façon ou d'une autre un rapport avec le Mrap. Les autres acceptaient de parler mais pas devant la caméra. Ce n'est pas toujours facile d'entrer dans le vif du sujet, il faut parfois tourner longtemps autour du pot. Nous avons donc eu des conversations téléphoniques ou des rencontres préalablement au tournage. Il fallait rechercher ensemble tous les détails qui construisent une histoire. C'est aussi cela la discrimination, un ensemble de détails qui font une histoire qui fait mal. Ensuite, selon la personnalité de chacun, on axe l'entretien sur tel ou tel aspect: la restitution, l'analyse, etc. L'une des témoins, Ouarda, m'a proposé de rencontrer son père, j'étais très content car c'est son intervention qui ouvre le film en évoquant le passé et le clôt en abordant l'avenir. Avez-vous découvert un monde à part ? J'étais bien sûr sensible à cette question mais je l'ai découverte concrètement en réalisant ce film. J'ai découvert comment le fait discriminatoire incriminé est comme un basculement, comme la goutte d'eau qui fait déborder le vase. En fait, je suis dans la même position que le spectateur qui appartient à la classe urbaine, blanche, bourgeoise, de gauche, qui condamne les discriminations mais qui sait que cela ne peut pas le concerner exactement de la même façon. J'étais aussi en quête de sentiments universels: la discrimination est une exclusion, une gifle, un rejet que chacun peut vivre dans d'autres types de situation. J'espère que chaque spectateur pourra s'identifier à la souffrance de la victime et à sa demande de réparation. Quel bilan tirez-vous de cette expérience? Ce film est important pour moi; il m'a obligé à travailler sur mes propres représentations et à me poser la question suivante: suis-je sûr que moi, je n'ai jamais eu de comportement discriminatoire, et je n'ai jamais blessé personne? Est-ce que je ne nourris pas des réflexes emprunts de préjugés? Je pense que chacun devrait se poser ces questions. Audelà du légitime combat global qu'il faut mener contre les discriminations et de la condamnation morale, il fallait montrer que ce sont des personnes bien réelles qui sont ainsi blessées du fait de leur origine, parfois de façon irréversible. Les victimes qui parlent dans ce film sont des gens parfaitement insérées dans la société, on n'est pas dans la problématique récurrente et réductrice des «jeunes de banlieue» ou des «quartiers difficiles» .• Propos recueillis par Chérif a Benabdessadok Des mots pour dire Samira Zaoui « Quand on est victime d'une discrimination, il faut prouver qu'on est une personne correcte, qu'on peut vivre normalement dans un appartement » Bahia Idjoudène « Une page ne peut être tournée que si elle a été lue, je suis en train de me battre pour que cette page soit lue» Abdel « On fait le travail que nos parents n'ont pas fait, j'irai jusqu'à cinquantaine ans à faire du testing, mais mes enfants ne vivront pas ça » Gaston Dioulo « Après vingt ans de doute, j'ai eu confirmation de l'existence du racisme ». Charles Rojzman « Il y a nécessité d'un changement dans les institutions au sein desquelles les agents de terrain se transforment en agents volontaires ou involontaires de la discrimination» Voix off « Il y a toujours un avant et un après l'acte discriminatoire consciemment vécu comme tel ». Comment se procurer ce film pour animer vos débats? Format Béta NT pour projection en salle de cinéma: location 200 F (prévoir chèque de caution) Cassette VHS : prix de vente 100 F (comités locaux), 200 F (autres organisations) Bon de commande auprès de Yannick ou de Nicolas l 0 Différences nO 226 février 2001 FictiolJ ,-t: Cie Kiosques Jean Hatzfeld Dans le nu de la vie Ri CÎIs lies marais rwandais Seuil Dans le nu de la vie-Récits des marais rwandais, Jean Hatzfeld, Seuil, 2000 « Al' église, j'ai vu que la férocité peut remplacer la gentillesse dans le coeur d'un homme, plus vite que la pluie l'orage. C'est une pénible inquiétude qui m'égare maintenant. », ainsi s'exprime l'un des rescapés du génocide rwandais que l'auteur a rencontrés. Plus que rencontrés, car ce grand reporter pour la presse écrite les a d'abord persuadés de la nécessité de raconter leur calvaire. En effet, « au lendemain d'un génocide », remarque- t-il en préambule, « les survivants aspirent étrangement au silence. Leur repliement est troublant ». Mais Jean Hatzfeld a su acquérir la confiance de Cassius Niyonsaba (écolier de 12 ans), de Jeannette Ayinkamihe (cultivatrice de 17 ans), de Francine Niyitegeba (commerçante et agricultrice de 25 ans) et de toutes les autres personnes qu'il a écoutées et dont il rapporte les propos avec humilité et sobriété. Le résultat est effectivement troublant. D'abord par l'étrange beauté de la langue utilisée, fourmillant de métaphores, et donnant au texte un envollittéraire inattendu. Et puis ce livre est essentiel par les psychologies des rescapés ainsi révélées, les analyses qu'ils formulent sur ce qui leur est arrivé. « Ce qui s'est passé à Nyamata, explique Jean-Baptiste Munyankore (enseignant, 60 ans) dans les églises, dans les marais et les collines, ce sont des agissements surnaturels de gens bien papiers sont rassemblées dans cet ouvrage qui fait se rencontrer des parcours de vie difficiles et des écrivains engagés. Confirmés ou méconnus, les auteurs (dont on citera au hasard Brigitte Aubonnet, Abdelkader Djemaï, Valère Staraselki, Mounsi, et bien d'autres) offrent leurtémoignage ou leurs souvenirs. Inspirés de faits réels ou totalement imaginaires, ces nouvelles offrent un riche panorama social. Certains textes sont de vrais petits joyaux. Les parcours décrits ., ou suggérés sont romancés mais _____ ..1 les sans-papiers et ceux qui les Ecrivains/Sans-papiers, co-édtion MraplBérénice, préface Mouloud Aounit Trente quatre nouvelles inspirées par les situations faites aux sansaident dans leurs démarches savent que la réalité de la chute dans la« clandestinité » dépasse parfois la fiction. En vente au siège du Mrap. C.B. naturels. ». Il est vrai que sur les ,-------:----==------=-:-= tudes déviantes et aux incivilicollines de la commune de Nyama- Partaq. du lVoÎr " ,.. 1 ta environ 50 000 Tutsis sur une tes qUi caractenseralent eurs frères, « malgré» la tentation de population d'environ 59 000 ont été Nacira Guénif Souilamas l'islam et la fidélité identitaire. Au massacrés à la machette en 1994 contraire N acira Guénif entre le lundi Il avril à Il heures et Des «beurettes» Souilamas place son sujet sous le samedi 14 mai à 14 heures par aux descendantes le signe de l'ambivalence, du des miliciens et voisins hutus. Les d'immigrants 1 d 1 récits sont discrètement illustrés « et. .. et» p us que u « ma - nord-africa ins gré », rendant compte de logipar des photographies de Ray- ques familiales, scolaires, de mond Depardon. Chérira Benabdessadok quartier, de travail, culturelles, avec lesquelles se composent des trajectoires personnelles, faites de refus et d'acceptations, de contraintes et de libérations, de réussites parfois. On regrettera le faible éventail d'interviews - moins d'une quinzaineGrasset 1 f,mond. qui sert à étayer l'analyse, le dis- '---__________ --' cours savant prenant parfois l'al- 27 février - 7 avril La Maison des cultures du mon- marionnettes et jeux magiques du de, haut lieu parisien de Nigeria), suivi les 6 et 7 mars de l'ouverture culturelle et artistique danses japonaises, puis de danses sur la planète, présente du 27 fé- et rituels du Sri Lanka ... Sont égavrier au 7 avril son se festival de lement programmées des journées l'Imaginaire. On pourra décou- de l'ethnoscénologie, du 2 au 6 vrir des spectacles (à noter un avril, dont l'ambition est d'étudier cycle Etats-Unis et un autre inti- des formes et des phénomènes tulé «extase et possession) spectaculaires du monde en faisant venus de tous continents, des appel à des chercheurs de plu- Des « beurettes » aux descendantes d'immigrants nord-africains, Nacira GuénifSouilamas, Grasset / Le Monde, collection Partage du savoir, 2000 Tiré d'une thèse de sociologie sous la direction de Michel Wieviorka, cet ouvrage intelligent tord le cou aux nombreuses idées reçues sur les « beurettes », censées mieux réussir à l'école, échapper aux attilure d'un remplissage. Mais Nacira Guénif Souilamas, chercheuse au Cadis l'équipe d'Alain Touraine où l'on retrouve, outre Wieviorka, quelques figures comme Farhad Khosrokhavar ou Danilo Martuccelli, s'appuie à la perfection sur une bibliographie sociologique riche et fournie, où Abdelmalek Sayad est à 1 'honneur. Un livre ardu mais brillant. Laurent Canat concerts, une exposition «Vête- sieurs disciplines ... Une belle façon ,--___________________ ___ ----, ments et jardins », des films, des d'accueillir le printemps. rencontres. Coup d'envoi des concerts et spectacles les 2 et 4 Renseignements au 01 45 4472 30 mars avec Kwagh Hir (masques, Site internet: www.mcm.asso.fr Le Haut conseil à l'intégration a rendu public un rapport sur « L'islam dans la République », compte-rendu dans notre prochaine livraison. Différences nO 226 février 2001 l l Actualités Déclaration du Conseil national du Mrap 27 janvier 200 J Le Conseil national du Mrap, qui regroupe les élus de l'ensemble des fédérations (comités locaux) responsables de commissions, a adopté la déclaration suivante: L'ultime défi du complice de crimes contre l'humanité : les droits de l'homme Il appartient aux défenseurs des droits de "homme de dénoncer sans répit le sorl aujourd'hui réservé dans les prisons de la République à toutes les personnes fragilisées ct affaiblies dans leur corps comme dans leur espri t, pour qui la prison n'est plus qu'un lieu d'expiation. Il est intolérable pour la défense de droits de l'homme, par essence universels el indivisibles de voir maintenus en prison aujourd'hui les détenus malades en phase terminale, les malades mentaux laissés à la solitude de leur souffrance, les femmes qui accouchent, seules ou non, derrière les barreaux, les jeunes incareérés dans les quartiers disciplinaires qui sc suicident, les vieillards qui meurent seuls en cellule sans le soutien de leurs proches ou doivent partager de force cette dernière épreuve avec un co-détenu qui en restera marqué à vie ... Parmi les détenus de France, Maurice Papon, condamné pour complicité de crime contre l' Humanité, marqué à jamais du sceau du déshonneur et l'indignité, est de ceux qui portent la responsabilité des crimes parmi les plus odieux ct, à ce titre, mériterait plus que tout autre de les expier jusqu'au bout. Tel est le dèfi et le redoutable paradoxe auquel nous renvoient le recours en grâce pour raisons médicales ct la requête présentée en son nom à la Cour Européenne des Droits de l' Homme, pour c( traitement inhumain et dégradant )). Ainsi, pour la France, signataire Rendez-vous à La Villette Dans le cadre de l'exposition « Quel travail? Images d'hier, questions d'aujourd'hui» la Cité des sciences et de l'industrie organise une série d'activités sur les discriminations tout au long du mois de mars. Notamment: ~ une conférence publique le 15 mars è 18h30 sur le thème « Comment construire une politique de lutte efficace c0ntre les discriminations au travail? » Q uneprojection-débataniméeparAiain Pellé destinée aux collégiens et dont l'objectif est de les familiariser avec la loi contre le racisme dans le cadre d'une recherche de stage ou d'un emploi ~ projections de films Pour plus d'informations appeler au 0140057284 de la CEDH, l'expiation ne peut prévaloir sur la reconnaissance de l' universelle et indivisible dignité humaine. S'il en allail autrement, le Mrap renoncerait à son engagement pour les droits fondamentaux de tous. Le MRAP luite pour qu 'à travers le monde, il soit mis un terme à la barbarie de la pcine de mort : cette lutte inclut le refus de la « prison à mort )). Pour autant, tout au long de 17 années de procédure, Maurice Papon n'a cessé d'opposer aux familles des victimes arrogance et mépris, sans la moindre expression de remords ni demande de pardon pour les arrestations, séquestrations et déportations d'enfants, de vieillards, de femmes ct d'hommes qu'il a orchestrées lorsqu ' il était secrétaire général de la Préfecture de Gironde. Malgré des complaisances infâmes, des complicités et des appuis politiques de tous bords, malgré l 'habilité de ses conseils qui firent tout pour retarder, voir empêcher, cc procès, l'ancien prefet de la Gironde, ancien préfet de police du Général de Gaulle, ancien ministre du budget de Giscard d 'Es taing, fut condamné à l'automne 1998 par la Courd' Assises de Bordeaux à dix années de réclusion criminelle pour « complicité de crimes contre l'humanité) et, après une brève ( cavale », incarcéré. L'oeuvre de justice est passée, seule susceptible de clore le tragique dossier et d'apporler réparation. Encore faut-il ajouter que celle « cristallisation ) sur Maurice Papon fait un peu trop rapidementlitiêre d'autres responsabilités qui n'ont pas été relevées et que le Mrap a le devoir de stigmatiser dans un souci de justice et de véri té. N'aura-t-il pas fallu attendre cinquante ans pour que la France reconnaisse enfin la responsabilité de l' « État français ) comme collaborateur des nazis, ct donc complicede leurs crimes contrc l'Humanite? N'y a-t-il pas eu des responsables politiques à tous les niveaux et de tous bords qui ont contribué à masquer cette période sombre de l'histoire de France et, pour certains, à freiner les poursuites contre les Papon, Touvierou Bousquet? Les familles de victimes ou des rescapés des déportations et de la Shoah, à jamais habitées par une indicible et inextinguible souffrance, ont pOrlé avec obstination, en tant que parties civiles au procès, cette exigence de justice et de vérité historique. Nombre d'entre elles ne peuvent accepter aujourd'hui la pensée que Maurice Papon puisse bénéficier d'une mesure d'élargissement pour raison médicale ou parce qu'il est un vieillard. Le Mrap, pour sa part, comme d'autres associations qui se sont donné pour vocation de défendre les droits de l'homme, a contribué, à sa place, à cc travai l de justice et de vérité qui a pcrmis non seulement la condamnation de Maurice Papon mais aussi celle de l'État français et, surtout, la reconnaissance par la France de sa responsabilité dans la commission de ces crimes contre l'Humanité. De même devrait-il en être pour l'odieuse nuit du 17 octobre 1961 qui vit l' interpellation violente ct l'acharnement meurtrier de policiers sous les ordres du préfet de police de Paris Maurice Papon contre une manifestation d' Algériens pacifiques qui avaient osé braver le couvre-feu pour défendre leur droit à la dignité. Pour la mOrl de quelque deux cents d'entre eux qui périrent noyés dans la Seine, Maurice Papon doit encore répondre de ses actes, restés à ce jour niés et impunis, devant la Justice de la République et la France reconnaître, là encore, sa responsabilité. Papon n'en a pas tenniné avec l'H istoire que les silences complices de l'État couvrent encore. S'il réaffinne inlassablement l'indivisibilité et l'universal ité des droits de l'homme, le Mrap refuse singulièrement que la violation de ses droits fondamentaux transfonne aujourd'hui Papon cn martyr. Le MRAP refuse aussi avec force de se voir détourner de ses valeurs originelles au prétexte de la requête des défenseurs de Maurice Papon. C'est le travail de vérité ct de mémoire, au nom des droits de l'homme universels et indivisibles, qui permettra. au Mrap de rester fidèle au sennent de ses fondateurs, il y a un peu plus de cinquante ans au Cirque d'Hiver : « Plus jamais ça )). ~"""'.A" 43 bldde Magenta 75010 Paris - T: 01 53389999 VIII "'1H~ Télécopie: 01 404090 98 - E.mail: journal.dilTerences@frcc. fr 13 F le numéro - Abonnement 135 F (11 nQ'/an) Directeur de pUblication : Mouloud Aounit. Gérante bénévole: Isabelle Sirot. Rédactrice en cbef - mise en page: Chérifa 8enabdcssadok. Directeur administratif: Florence Festas. Abonnements : Isabel Dos Manires. Impression : Monlligeon T : 01 33 85 80 00. Commission paritaire n0 63634 0247-9095 Dépôt légal 2001-02 l 2 Différences nO 226 février2001 ___________________________________ _

Notes

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