Différences n°16 - octobre 1982
Sommaire du numéro
n°16 de octobre 1982
- Edito: la coïncidence par Albert Levy
- Génocide sur ordonnance? (Afrique du Sud) par Abdou Berrada
- La passion du Liban
- L'Eglise, les Juifs et Israël par Jcques Madaule
- Les Juifs, Israël et Begin par J.M. Ollé
- Le Pen sifflera trois fois par Jacques Thevenot
- Le mystère Mistikos (Honduras) par Odile Ambry
- Le Dalaï Lama, dieu errant par Jean Roccia
- Le chant du monde des indiens d'Amérique par Robert Pac
- En débat: faire sauter le droit d'asile: interventions de Henri Noguères, Gerold de Wangen, Marcel Debarge, Guy Ducoloné, J.P. Pierre-Bloch, Gérard Munaut, Jacques Toubon
- Clermont-Ferrand: les oubliés du guide Michelin (immigrés à Clermont-Ferrand) par Dominique Dujardin
- Comment on devient Québecois par Josette Sicsic et Alain Herbeth
- Les vacances des banlieues, retour à la case départ par Pierre Rousseau
- Les gens et leurs gènes: entrtien avec Jacques Ruffié par P.A. Taguieff
- La culture des mondes (maison des cultures du monde) par Anne Laurent
- Au delà de l'Oural: festival de Douarnenez par J.P. Garcia
- Histoire: sacré Charles Martel par Simone Roux
- La parole à Jarko Jovanovic Jagnido (chanteur tsigane)
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Edito LA COINCIDENCE 'un doigtfébrile, vous allumez la télé, et ce sont encore des cadavres qui vous sautent au visage et D au coeur. Jour après jour, depuis des semaines, les morts et les ruines du Libanfont partie de votre existence. Le matin, vous écoutez à trois reprises les informations, vous vous précipitez sur le journal; à midi et le soir, vous revenez aux rendez-vous des images. Jusqu'à quand, jusqu:où, ce suspense, cette tension? Vous vous dites qu'ilfautfaire quelque chose, crier, écrire, descendre dans la rue, est-ce que je sais? Mais à d'autres moments, ça vous étouffe, ras-le-bol, le rire est le propre de l'homme après tout, l'indifférence n'est-elle pas un droit, elle aussi? Détente (au sens de répit, non de gachette). Vous marchez dans les « beaux quartiers». Mais les barrières de fer qui coupent les trottoirs, les policiers en armes au seuil des ambassades ou des compagnies aériennes réveillent votre morosité. Le terrorisme reste présent, pesant, en dehors de ses coups d'éclat. Comme il frappe n'importe où, n'importe quand, vous observez qu'aujourd'hui, on ne peut circonscrire la violence en un seul point de la ville. Ou de la planète. Elle est dans les guerres et les attentats; elle est dans l'oppression et la négation des droits; elle est dans les pressions qui s'exercent sur les consciences. Pour vous désengluer de cette solidarité, de celte responsabilitéforcées, vous pensez aller voir unfilm. Choisirez-vous Tir groupé, Combats de rue, Meurtres en direct, Mad Max, Descente aux Enfers ? ... Enumération banale et tendancieuse, oui. Vous voudriez pourtant mieux pouvoir évaluer comment la fh·tion et la réalité se nourrissent l'une l'autre et dans quelle mesure l'histoire des hommes, de la Guerre du Feu à la Guerre des Etoiles, peut se réduire à un perpétuel cauchemar. Déjà d'autres débats vous assaillent. Votre révolte devant les massacres, votre volonté de justice ne seraient inspirées que par le mensonge et la haine? Défendre les Arabes, ce serait agresser les Juifs? La condamnation de quelques coupables menacerait toute une communauté? Et si vous ne vous taisez pas, le sang de futures tueries retombera sur vous? A l'évidence, on veut vous piéger. Car ce ne sont pas 300 000 antisémites, les Israéliens qui ont mant/esté ce samedi, et dont vous partagez les motivations. Et voilà qu'en Fram~e, on prie pour les assassinés de Beyrouth, et dans les synagogues et dans les mosquées. Vous ne croyez pas beaucoup aux signes célestes, mais cela n'arrive pas si souvent en un siècle, que le Yom Kippour et l'Aït el Kebir tombent le même jour ! Sur cette coïncidence, vous vous prenez à rêver. Dans le tintamarre meurtrier de notre temps, vous vous demandez quelles voix diront sans outrances ce qui est, mais aussi sans mièvrerie ce qui rapprochefondamentalement les humains, et ce qui devrait les unir. Où les entendre, et sauront-elles, loyalement, naïvement, fortifier la raison et l'espoir? Alors, vous tournez la page, et vous vous engagez dans la lecture de Différences. Albert LEVY 3 \11\) II(, 'qU' 1, (1 If ~I,\ ,\\)1 ,f 1 lI(l\ O--u-i,- j-e- d-é-s-ir-e -m--'a-b-o-n-n-er- ------------------------------- Je vous joins un chèque de o 140 F (1 an) 0 75 F (6 mois) 0 200 F (soutien) NOM ________________ _ Prénom _____ -------------___ Adresse _________________________ - Code postal ____ - __ _ Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à : Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS. • Abonnement 1 an : étranger: 170 F, chômeur et étudiant: 110 F DIF 16
SomITlaire 10 janvier 2012 à 15:41 (UTC)10 janvier 2012 à 15:41 (UTC)§~~§ DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 POINT CHAUD 6 GÉNOCIDE SUR ORDONNANCE? En Afrique du Sud, les dirigeants craignent l'explosion démographique des Noirs. De là à les stériliser. .. Abdou BER RADA ACTUALITÉ 10 LA PASSION DU LIBAN Devant le drame de ce pays, les mentalités évoluent. Le point dans les communautés chrétiennes et juives. Jacques MADA ULE et JeanMichel OLLE ACTUALITÉ 13 LE PEN SIFFLERA TROIS FOIS A la fête du Front National, l'extrême droite joue aux cow boys. Jacques THEVENOT ACTUALITE 14 LE MYSTÈRE MISKITOS Nicaragua: Une partie des Indiens miskitos s'est réfugié au Honduras. Le récit exclusif d'un témoin qui revient de leur camp. Odile AMBRY EXPLIQUEZ-MOI 16 LE DALAI LAMA, DIEU ERRANT Chef spirituel du Tibet chinois, il est venu en France en octobre. Jean ROCCIA EXPLIQUEZ-MOI 17 LE CHANT DU MONDE DES INDIENS D'AMÉRIQUE A l'occasion de la Journée internationale de solidarité avec les Indiens, leur message spirituel. Robert PAC EN DÉBAT 18 ,- LE DROIT D'ASILE EN QUESTIONS M. DEBARGE G. D UCOLONÉ G. MUNAUT H. NOGUERES J.P. PIERRE-BLOCH J. TO UBON ~EN RÉGIONALE 22 CLERMONTFERRAO: LES OUBLIÉS DU GUIDE MICHELIN Une enquête dans la première ville portugaise de France. Dominique DUJARDIN CONNAITRE 26 COMMENT ON DEVIENT QUÉBÉCOIS Heurs et malheurs des habitants de la belle province. Josette SICSIC NOTRE TEMPS 34 VACANCES DES BANLIEUES: LE RETOUR A LA CASE DÉPART Après les efforts de l'été, que restet- il de l'expérience anti-été chaud? Pierre ROUSSEAU RÉFLEXION 38 LES GENS ET LEURS GÊNES Autour du centenaire de Darwin, ressurgissent les vieilles lunes de l'élitisme. Une interview exclusive de Jacques Ruffié. CULTURE 41 AU-DELA DE L'OURAL Après le Festival de Douarnenez, contre-plongée dans le cinéma des minorités nationales d'URSS. Jean-Pierre GARCIA CULTURE 43 LA CULTURE DES MONDES A LA MAISON Ce qu'est et devra être la Maison des cultures du monde, qui vient d'être créée à Paris. Anne LAURENT HISTOIRE 44 SACRÉ CHARLES MARTEL! Toute la vérité sur le sauveur de l'Occident chrétien. Simone ROUX DI FFÉRENCES. magazine mensuel créé par le MRAP (Mounment contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par 1. Société des Editions Différences, 89 rue Oberkampf, 75011 Paris, tél. 806.88.33. Abonnement: 1 an : 140 Jo' - t an à l'étranger : 170 F - 6 mois : 7~ F - Etudiants et chômeurs : 1 an: 120 F - 6 mois : 65 F üoindre une photocopie de la carte d'étudiant ou de la carte de pointage). Soutien : 200 FAbonnement d'honneur : 1 000 F. Directeur de la puhl icl lion : Albert Lévy - Secréta ire de rédact ion ct maquettes: Francis Laurent - Service photos: Abdelhak Senna. Ont collahoré à cc numéro: Oolorès Aloia. Odile Ambry. Abdou Berrada. Daniel Chaput. Robert Oécombe. Dominique Dujardin. Jean-Pierre Garcia. Manuel Gracia, Alain Herberth. Anne Laurent. Jacques Madaule. Jean-Michel Ollé. Robert Pac. Jean Roccia. Pierre Rousseau. Jacques Rumé. Josette Sicsic. ,",van Sigg, Pierre-André Taguieff. Jacques Thevenot. Administra tion : Khaled Debbah - Secrétariat : Danièle Simon - Promoti on-Vente: Marie-Jeanne Salmon - Publicité: Différences - Imprimerie: EFIC. 17 rue Richer. 75009 Paris, tél. 824.45.15 - Diffusion : N.M.P.P. Numéro de commiss ion paritaire: 63 . ~34 - ISS N : 0247-909~. 5 Point chaud L es autorités sud-africaines seraient-elles capables de pratiquer un génocide par anticipation contre la population noire? C'est l'accusation lancée par les mouvements anti-apartheid. En 1981, le mouvement britannique anti-apartheid (A.A.M.), déposant devant un groupe d'experts de l'O.N.U., a affirmé que Pretoria administrait aux femmes noires à leur insu,. un produit anti-conceptionnel connu sous le nom de depo pro vera. Ce médicament, disait-il, pouvait avoir des conséquences mortelles pour certaines femmes et, en tout cas, mettre en péril la santé et même la vie d'enfants conçus après que le produit eût cessé de faire son effet. Il pouvait également détruire, selon l' A.A. M., la faculté reproductrice. Les démentis du gouvernement sud-africain ne convainquirent personne. Au contraire, la déclaration du directeur adjoint de la Santé, le Dr James Gilliland, selon laquelle le depo pro vera était effectivement utilisé à Pretoria, eu t des répercussions immédiates dans d'autres pays. Deux gouvernements africains s'apercevant que le produit était en vente chez eux, l'interdirent aussitôt. Ceux qui critiquent le depo duit peut provoquer des cancers du sein et de l'utérus, des hémorragies ainsi que des malformations du foetus s'il est administré à des femmes enceintes. De plus, ajoutent-ils, les conséquences à long terme sur les enfants dont les mères ont suivi, ou suivent un traitement pendant l'allaitement, n'ont même pas été étudiées. Ses partisans ne manquent cependant pas. Parmi eux, au premier plan, l'Agence américaine pour le développement (U.S.A.l.D.) ",insi que la Fédération internationale du planning familial (F.I.P.F.). Cette dernière le recommandait encore dans le dernier document qu'elle a publié à ce sujet. « La pours uite de l'utilisat ion du depo pro vera en tant que contraceptif est un acte responsable », pouvait-on y lire. L'acétate de médroxyprogestérone retard, commercialisé sous le nom de depo pro vera, est fabriqué aux Etats-Unis par la Upjohn Company, l'une des premières sociétés pharmaceutiques américaines. Cette firme du Michigan l'avait découvert, presque par hasard, dans les années 50, en faisant des recherches sur le cancer. Administré sous forme injectable, le depo provera retarde la fécondation. Il est sans conséquence irréversible, disent les fabricants , pour la fertilité de la femme. Les piqûres ne sont administrées qu'une fois par mois, ce 6 Cobaye du Docteur James Gilliland. qui en fait un contraceptif plus pratique que la pilule traditionnelle qui doit être prise tous les jours. Cette caractéristique le rend très intéressant. Le depo provera est «particulièrement utile dans le cas de femmes analphabètes des régions rurales qui refusent les autres moyens de contraception », affirme ainsi la F.l.P.F. L'USAID le trouve également idéal pour les pays en développement. Dans une étude publiée en 1981, la F.I.P.F. a estimé que le depo pro vera a été administré, au moins une fois, à plus de dix millions de femmes depuis 1960. Elle-même distri-. bue un demi million de doses chaque année dans cinquantetrois pays. Au moins trois fois plus de femmes l'utiliseraient aujourd'hui à travers le monde. Le plus grave aux yeux des ad- • versaires du médicament est que les pays qui le répandent dans le Tiers-monde interdisent ou limitent sévèrement son utilisation à l'intérieur de leurs propres frontières . Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (F. D.A.) dont l'autorisation est impérative avant la mise en vente des médicaments, refuse de donne~ son accord pour la diffusion du depo pro vera. La société Upjohn, qui a investi vingt millions de dollars et quinze années de recherches dans ce produit, mène une campagne très active co ntre cette décision . Elle a trouvé un allié de poids dans l'USAID. Les dirigeants de l'agence qui s'interdisent d'habitude de diffuser à l'étranger les produits non-autorisés aux Etats-Unis ont fait une exception pour le depo pro vera. Ils ont décidé de le fournir « à tous les pays qui en feraient la demande ». Ce qui n'est pas bon pour l'Amérique est bon pour l'Afrique. En dehors de la Nouvelle-Zélande, aucun pays développé n'autorise la vente du produit. En Grande-Bretagne, il n'est utilisé que dans le cas où la femme a été vaccinée contre la rubéole ou lorsque le mari a subi une vasectomie. En France, le professeur Dumez, de l'Hôpital Cochin de Paris, affirme qu'il ne l'utilise que « très rarement» et seulement dans le cas « de personnes défavorisées », • notamment en milieu psychiatrique, en tout cas toujours sous stricte surveillance médicale. Deux pays du tiers-monde qui connaissent des conditions de surpeuplement, l'Inde et le Brésil, ne l'ont jamais autorisé. Il est donc facile d'accuser l'USAlO de poursuivre des objectifs inavouables sous le couvert de l'aide au développement. Certains parlent même d'une politique de génocide et accusent les Etats-Unis d'exercer des pressions économiques sur plusieurs pays pour qu'ils autorisent le depo pro vera. On cite notamment le cas de l'Egypte. Les idéologues de l'apartheid ont toujours rêvé de débarrasser l'Afrique du Sud des Noirs, exception faite des Gastarbeiter tolérés pour travailler pendant des périodes limitées et dans des zones précises. Un tel projet peut paraître démentiel dans un pays où les Blancs ne forment que 16% de la population. Pourtant la politique des bantoustans. poursuivie activement par Pretoria , vise précisément ce. résultat. 7 Stériliser la population noire ... L'oeil fixé sur le taux de crois, ance démographique très faible des Blancs (qui avoisine 0,9%), les responsables ne ces, ent de lancer des cris d'alarme. Le maire de Johannesburg a ainsi prédit 1'« extinction de la race blanche» si les femmes blanches continuaient d'utiliser la pilule ... Confrontés à l'écart qui ne cesse de se creuser face à la poussée démographique africaine, peu de responsables blancs oseraient préconiser la stérilisation forcée des Noirs comme le faisait Robbie Leibrandt, dirigeant du Parti national, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Une curieuse enquête sur la «fertilité des ménages » lancée au printemps 1981 par l'ancien ministre des statistiques, Andries Treurnicht, a montré que certains pouvaient encore en rêver. La politique officielle du gouvernement sud-africain est de diffuser massivement le depo pro vera à travers un réseau de cliniques réservées aux Noirs et réparties sur l'ensemble du territoire. Les arguments employés sont des plus persuasifs. Des femmes affirment qu'à la maternité des pressions sont exercées pour les obliger à prendre des contraceptifs. Des lycéennes déclarent avoir reçu des piqûres contraceptives alors qu'elles n'avaient rien demandé. Un dangereux combat d'arrière garde La recherche sud-africaine dans ce domaine est très poussée. Les chercheurs bénéficient de facilités importantes leur permettant des expérimentations à grande échelle. Le South African Medical Journal a révélé en 1981 que l'un d'entre eux, M. Karstadt, menait depuis six ans, en Afrique du Sud et en Rhodésie, des campagnes d'injection de doses massives de depo provera. Son but était de ramener la fréquence des piqûres à deux par an. Les conséquences à long terme d'une telle utilisation ne sont, bien sûr, pas connues. On sait seulement que le triplement de la dose normale, qui est de 150 mg tous les deux mois, rend les femmes stériles beauéoup plus longtemps après la fin du traitement. Des recherches menées en laboratoire sur des animaux ont montré que les risques de cancer sont égaIement plus importants dans ce cas. Certains effets connus du depo provera (saignements excessifs, aménorrhée, conséquences pour des bébés nourris au sein par des mères en traitement), exigent par ailleurs une infinité de précautions qui sont loin d'être respectées lorsque le médicament eest utilisé massivement dans les campagnes. Le gouvernement de Pretoria suivra-t-il l'exemple du Zimbabwe et du Kenya et retirerat- il le depo provera des cliniques d'Afrique du Sud et de Namibie? Les dirigeants de l'apartheid ne nous ont pas habitués à des revirements aussi spectacul~ires . Il faut, au contraire, craindre l'intensification des campagnes d'injection à mesure que monte la paranoïa des autorités face au renforcement des luttes contre l'apartheid. Abdou BERRADA Le Mois 25 AOt; IRLANDE • Un militant républicain nordirlandais est tué à Derry par une patrouille de l'armée lors d'un « incident non élucidé ». 26 AOUT AFRIQUE DU SUD • Deux églises réformées néerlandaises d'Afrique du Sud, accusées de soutenir l'apartheid sont suspendues par 388 des 400 membres du Conseil général de l'Alliance mondiale des Eglises réformées réuni à Ottawa. La plupart des membres du gouvernement sud-africain a ppartiennent à l'une des deux églises suspendues. Un ecclésiastique noir sud-africain est élu à la présidence de l'Alliance. RFA • Le ministre de l'intérieur ouestallemand indique que le nombre des attentats commis par des membres des organisations d'extrême- droite ou néo-nazies contre des étrangers a plus que doublé entre 1980 et 1981. 27 AOUT ISRAEL • A Jérusalem, la police israélienne disperse violemment une manifestation de femmes palestiniennes qui protestaient contre l'implication des Etats-Unis dans la guerre du Liban. TURQUIE • Selon le bureau de coordination de la loi martiale turque, plus de 25000 personnes ont été condamnées par les tribunaux militaires depuis le coup d'Etat du 12 septembre 1980. USA • A New York, des manifestations, parmi lesquels de nombreux Américains d'origine juive protestent devant le bâtiment où M. Sharon est reçu. Ils lui dénient le droit de parler en leur nom. 28 AOUT HAITI • A Port-au-Prince, M. Sylvio Claude, leader d'un parti démocrate- chrétien haïtien et 21 de ses partisans sont déclarés coupables d'avoir insulté le président à vie Jean-Claude Duvalier, et condamnés à 6 ans de travaux forcés. Tous ont déjà passé 23 mois en prison avant d'être jugés. 29 AOUT Mort d'un témoin • En . RFA, décès de M. Nahum Goldmann, président fondateur en 1936 du Congrès juif mondial. ISRAEL • Eli Gozanki, un jeune soldat israélien est condamné à 28 jours de prison pour avoir refusé de servir au Li ban. Il a déjà été condamné par deux fois à 14 jours de détention pour cette raison. FRANCE • A Aniche (Nord), un cafetier tue d'un coup de fusil un client nord-africain qui refusait de quitter son établissement. 1') 0 T LIBAN • Après la mise en place de la force multinationale d'interposition, Yasser Arafat quitte le Liban. USA • Venu à New York pour participer aux travaux du Congrès juif mondial, le grand rabbin de France, le docteur René Samuel Sirat, estime que la communauté juive française et internationale ne doit pas tomber dans le piège de la provocation du terrorisme international, et se félicite de la détermination de M. François Mitterrand. 1 cr SEPTEMBRE LIBAN • Fin de l'évacuation des forces armées palestiniennes de Beyrouth. '1 SE TEMBRE FRANCE • L'organisation à Lourdes, du 31 août au 3 septembre, du 26e pèlerinage des Gitans provoque à nouveau des réactions. Mgr Hermil, évêque des Gitans et le Père Etcheverry, directeur du pèlerinage, demandent que soient organisées des réunions de concertation entre les responsables du pèlerinage et les autorités civiles. RFA • Un mouvement néo-nazi ouestallemand, le Front de libération national-socialiste (NSDBF) menace « d'une vague d'attentats» les ressortissants turcs vivant en RFA, si les travailleurs immigrés turcs ne quittent pas immédiatement l'Allemagne de l'ouest. 3 SEPTEMBRE FRANCE • Mécontent de la création d'un syndicat dans son entreprise, le patron de la boulangerie industrielle Hédé, à Ivry, tire sur un délégué C.G.T. de nationalité algérienne. ISRAEL • A Naplouse, un jeune Palestinien de 17 ans est tué par une patrouille israélienne. 8 19 septembre - Beyrouth. 29 août: Une voix pour la paix s'est éteinte.
û sur le monument aux morts élevé à la mémoire des Résistants et des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) dans le cimetière central de Toulon et sur le mémorial de la ~ déportation. 28 août: Les risettes de Bébé Doc. REPUBLIQUE 4 SEPTEMBRE FRANCE • Deux ans après l'affaire de Vitry, qui avait opposé la municipalité à trois cents travailleurs maliens transférés de Saint-Maurdes- Fossés, une rencontre amicale réunit les intéressés au foyer des travailleurs célibataires de l'ADEF. AFRIQUE AUSTRALE • Les chefs d'Etat des pays de la « Ligne de front» (Angola, Botswana, Mozambique, Tanzanie et Zambie) se réunissent à Lusaka à la demande du Mozambique, pour traiter de l'intensification de l'agression sud-africaine et de la question namibienne. RFA . • Plus de 50000 catholiques manifestent pour la paix et le désarmement à Dusseldorf. HOLLANDE • 12000 personnes à Rotterdam et 4000 à Groningue manifestent contre les armes nucléaires de l'OTAN. 5 SEPTEMBRE FRANCE • Dans la nuit du 4 au 5, des inconnus tracent des inscriptions nazies (( gloire aux S.S. ! », « Hei/ Hitler! », « Charlemagne S.S. ! ») DOMINICAINE • Une cinquantaine d'exilés haïtiens sont arrêtés à Saint-Domingue. La police les accuse d'organiser une incursion armée dans leur pays natal, afin de chasser JeanClaude Duvalier. Près de 500 000 Haïtiens vivent dans la République dominicaine qui partage avec Haïti l'île d'Hispaniola. ISRAEL • Quelques jours seulement après que M. Ronald Reagan ait demandé à Israël de cesser toute implantation dans les territoires qu'il occupe depuis 1967, le gouvernement Begin annonce la création de sept nouvelles colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie, et d'une à Gaza. USA • Réunies à Stone Mountain, en Géorgie, sept factions du KuKlux- Klan des Etats-Unis et du Canada se groupent dans une Confédération de Klans. Don Black, de l'Alabama, est élu grand mage de la confédération. 8 SEPTEMBRE MAROC • Ouvert le 6 septembre, le sommet arabe de Fes s'achève Sur un accord de tous les pays présents (la Libye et l'Egypte n'y participaient pas) sur un plan de paix au Proche-Orient présenté par la Tunisie et l'Arabie Saoudite. 27 septembre: Aïd Kbir et Kippour sont fêtés le même iour. 9 SEP SRE FRANCE z z Ul Il • L'hebdomadaire Révolution publie une enquête sur la mort de Henri Curiel, militant du Mouvement de libération des pays du tiers monde, assassiné en mai 1978 à Paris. Le journal est en mesure de révéler que « l'examen minutieux des documents officiels remis enfin par la DGSE et laDST au juge d'instruction Joly lave Henri Curiel des accusations d'être un agent du KGB portés contre lui par une certaine presse, Le Point et Minute en particulier. Révolution met en cause certains responsables de la DST. 10 SEPTEMBRE ISRAEL • L'armée israélienne réprime les manifestations populaires au Liban et en Cisjordanie. Six mille Palestiniens et Libanais sont détenus depuis le début de l'invasion du Liban. Il SEPTEMBRE Les voix de la paix en RF A • A Bochum, dans la Rhur, plus de 200000 personnes participent à une grande fête pour le désarmement intitulée Artistes pour la Paix avec la participation de Myriam Makeba, Harry Bellafonte et Mikis Theodorakis entre autres. • A Francfort, plus de 20000 manifestants, pour la plupart des ressortissants turcs, protestent contre le régime militaire turc à l'occasion du deuxième anniversaire du coup d'Etat de l'armée. FRANCE • Le Conseil des ministres adopte le projet de loi relatif à l'adaptation aux départements d 'outre-mer de la loi de décentralisation. 12 SEPT'EMBRE AFRIQUE DU SUD • A Soweto, la ville noire aux portes de Johannesburg, la population commémore le 5e anniversaire de la mort du patriote noir Steve Biko, considéré comme le fondateur de Conscience noire, assassiné en prison le 12 septembre 1977. Le même jour, l'hebdomadaire britannique l'Observer désignait nommément les deux responsables sud-africains de cet assassinat qui appartiennent toujours à la police sud-africaine. TURQUIE • L'un des 34 prisonniers kurdes qui observent depuis le 15 juillet une grève de la faim illimitée à la prison de Dyarbakir en Turquie, meurt après deux mois de souffrances. 13 SEPTEMBRE ISRAEL • Le contingent français de la force multinationale d'interposition quitte Beyrouth. • L'aviation israélienne reprend ses bombardement sur neuf régions du Liban. 14 SEPTEMBRE LIBAN • Le président nouvellement élu au Liban, Béchir Gemayel, est tué dans un attentat qui détruit presque complètement le siège des Forces libanaises (les Phalanges) dont il était le chef. 15 SEPTEMBRE FRANCE • Le recteur de la mosquée de Paris, Si Hamza Boubakeur, confirme qu'il a démissionné depuis le te' septembre pour raison de santé. Il sera remplacé prochainement par un recteur de nationalité algérienne désigné par le gouvernement algérien. • Au cours d'une cérémonie à la grande synagogue de Paris, le rabbin René Sirat rappelle que cette année marque le quarantième anniversaire de la première déportation des juifs en France et évoque le martyre de 6 millions de juifs morts en camp de concentration: Le Président de la République et le Premier ministre étaient représentés à cette cérémonie. • Le Secrétariat d'Etat annonce que la régularisation des travailleurs immigrés sans papiers, qui avait commencé en août de l'année dernière, est pratiquement terminée. 105000 cartes de séjour 9 DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 et de travail d'un an vont être ainsi délivrées. Ces documents peuvent être prorogés pour trois ans et ensuite dix ans. ITALIE • Après avoir été accueilli par la Conférence mondiale interparlementaire devant laquelle il a présenté un plan de paix à Israël, le président de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat rencontre ensuite le Pape au Vatican. 16 SEPTEMBRE LIBAN • Les troupes israéliennes entreprennent l'occupation systématique de Beyrouth-Ouest. PAYS-BAS • Plusieurs milliers de personnes manifestent à La Haye contre l'installation du député du Centrum Partij (extrême droite), M. Hans Janmaat, élu lors du scrutin du 8 septembre et qui avait fait campagne pour le renvoi des immigrés vivant aux Pays-Bas. Massacres à Beyrouth • Des centaines d'hommes, femmes, enfants, vieillards sont massacrés dans les camps de Sabra et Chatila, contrôlés par les forces israéliennes. Dans un communiqué, le MRAP condamne vigoureusement cet acte de terrorisme et rappelle qu'« une fois de plus se pose la nécessité urgente de mettre fin aux injustices qui ensanglantent le Proche- Orient, favorisent les provocations, rendent impossible le dialogue et exacerbent les haines racistes ». 17 SEPTEMBRE FRANCE • Une voiture piégée explose rue Cardinet, dans le 17e arrondissement de paris, devant le lycée Carnot. Les trois occupants de la voiture, de nationalité israélienne et deux enfants sont grièvement blessés. Cet attentat fait au total 51 blessés. LIBAN • Les forces israéliennes occupent la totalité de Beyrouth-Ouest dans laquelle elles font régner la terreur. Le gouvernement français condamne la violation des accords et demande le retrait des troupes israéliennes. Après deux jours de débats, le Conseil de sécurité des Nations unies, réuni à la demande du Liban, adopte à l'unanimité de ses 15 membres une résolution jordanienne qui condamne « la récente incursion israélienne dans Beyrouth en violation des accords de cessez-le-feu et des résolutions du Conseil de sécurité» et demande « un retour immédiat aux positions occupées par Israël avant le 15 septembre 1982». Le représentant américain vote cette résolution .. 18 SEPTEMBRE BELGIQUE • Un homme tire au fusil mitrailleur sur la grande synagogue de Bruxelles gardée par plusieurs policiers en civil et en uniforme, et blesse quatre personnes, dont deux sérieusement. 20 SEPTEMBRE FRANC}; .• Dans toute la France, les Français manifestent leur indignation contre les massacres de Beyrouth et leur soutien aux . populations palestiniennes. A Paris, à l'appel de nom breuses organisations, dont le MRAP,plusieurs dizaines de milliers de Parisiens défilent de la Nation à la République. Manifestations également à Lyon, Quimper, Valence, Saint-Etienne, Roanne, Grenoble. Les manifestations se poursuivent dans les jours suivants dans les autres villes principales de France. LIBAN • Les gouvernement italien, américains et français décident l'envoi d'une nouvelle force multinationale d'interposition à Bçyrouth. 21 SEPTEMBRE ISRAEL • En Israël même, la responsabilité de l'armée et du gouvernement dans les massacres sont dénoncés. 22 SEPTEMBRE ISRAEL/BEYROUTH • Au cours d'un débat houleux à la Knesset, le ministre de la Défense, le général Sharon avoue que l'entrée des miliciens plalangis tes dans les camps palestiniens avait été approuvée par les plus hautes instances d'Israël. Par 48 voix contre 42, la Knesset rejette la proposition portant sur la constitution d'une commission d'enquête. Dans les territoires occupés, des grèves et des manifestations marquent le deuil et la colère. A Nazareth, la police ouvre le feu sur un cortège de 8 000 manifestants, blessant une vingtaine de personnes. 26 SEPTEMBRE ISRAEL • Un rassemblement sans précédent dans l'histoire de l'Etat d'Israël réunit 300 000 personnes à Tel Aviv pour protester contre l'attitude du gouvernement Begin au Liban. FRANCE • A l'appel de plusieurs organisations juives de gauche, et en coordination avec le rassemblement de Tel Aviv, un millier de persones se sont rassemblées à Paris, pour réclamer notamment une commission d'enquête sur les massacres de Sabra et Chatila. L'EGLISE, LES JUIFS ... ETISRAEL Le 15 septembre, Jean-Paul II reçoit Yasser Arafat au Vatican. LAPASS ON La visite fait resurgir d'anciens griefs. Pour y répondre, Jacques Madaule analyse les rapports des juifs et des chrétiens depuis un demi-siècle. L e 30 janvier 1933, il Y aura bientôt un demisiècle, Hitler devint chancelier d'Allemagne avec un programme violemment antisémite. Cette date peut être retenue comme le début d'une révision par les Eglises, et en particulièrement par l'Eglise catholique, de leurs positions traditionnelles sur les juifs. Les violences qui s'annoncaient (et qui ne tardèrent point à être commises) amenèrent les Eglises à s'interroger sur leurs propres responsabilités dans ce hideux déferlement. C'est dans ces conditions que Pie XI, pape de 1922 à 1939, publia en 1937 sa fameuse encyclique en allemand contre le nazisme, Mit Brennender Sorge et prononça le mot fameux
- « Spirituellement, nous
sommes des sémites». Son successeur Pie XII, ne manifesta pas, durant la guerre, la même énergie et s'abstint de condamner formellement la solution finale, bien qu'il n'ait pu l'ignorer. Il est vrai que beaucoup de chrétiens firent preuve d'une profonde fraternité à l'égard des juifs persécutés et ce fut là, sans aucun doute, l'accentuation d'un changement d'attitude, amorcé par Pie XI. Aussitôt après la guerre, Jules Isaac interpella vigoureusement les chrétiens dans son ouvrage fameux Jésus et Israël. Il s'en prenait particulièrement à l'accusation traditionnelle de déicide, sous laquelle depuis des siècles la chrétienté accablait les juifs; et aussi à ce qu'il nommait très justement l'enseignement du mépris. On ne saurait exagérer l'influence de son livre et de l'ardente activité d'Isaac pendant près de vingt ans. Il ne semble pas douteux que l'action d'Isaac ait été pour une grande part à l'origine de la déclaration votée par le Concile en 1965 sur-la religion juive. Si elle ne condamnait pas formellement, comme on l'eût souhaité, la thèse du déicide, elle en faisait néanmoins justice et reconnaissait pour la première fois l'authenticité religieuse du judaïsme. Plus tard, en 1973, une déclaration de l'épiscopat français alla beaucoup plus loin dans ce sens. Mais il faut reconnaître que, depuis 1967, c'est-àdire depuis la guerre dite de Six-Jours et la rétention par l'Etat d'Israël d'un grand nombre de territoires acquis par la force, notamment Jérusalem, l'attitude de l'Eglise catholique s'est quelque peu durcie, ce qui vient d'aboutir à la réception d'Arafat par le pape Jean-Paul II en ce mois de septembre 1982. Distinguer les juifs et l'Etat d'israël Il faut soigneusement distinguer ici deux points de vue: l'un humain et religieux, qui concerne les rapports entre chrétiens et juifs sur le plan privé et sur le plan collectif; l'autre politique, qui est l'appréciation que l'on porte sur la conduite de l'Etat d'Israël. Ceci n'a aucun rapport avec cela: pour tout non-juif, même chrétien, l'Etat d'israël est un Etat comme les autres, qui doit être soumis aux mêmes critères que tous les autres. il n'a ni plus ni moins de droits qu'aucun d'entre eux et il peut, comme eux, soulever à tort ou à raison, la sympathie ou l'antipathie selon les actes qu'il commet et l'appréciation que ces actes provoquent. Par exemple, le massacre qui s'est produit récemment dans les camps palestiniens de Beyrouth et la responsabilité qu'y ont endossée les autorités israéliennes suscite à bon droit la plus véhémente indignation. . Mais il importe de ne pas condamner pour ce motif les juifs en général, ni même l'Etat d'Israël en soi. 10 Le problème de Jérusalem L'Eglise n'a pas accepté facilement la souveraineté israélienne sur la vielle ville de Jérusalem, qui contient la presque totalité des Lieux Saints. Elle n'a pas avec l'islam le même genre de contentieux qu'avec le judaïsme. A défaut d'une souveraineté chrétienne israélienne et quoique l'accès aux Lieux Saints soit aussi parfaitement garanti que possible dans le régime actuel,l'Eglise ne s'en satisfait point et rappelle de temps à autre sa revendication primitive pour une internationalisation de Jé rusalem ct de ses êïwirons, qui s'accorde beaucoup mieux avec les réclamations islamiques qu'avec les proclamations israéliennes. Mais il y a plus prQfond. Et ici, ce n'est plus ni le judaïsme, ni la judéité, ni l'Etat d'Israël en lui-même qui sont en cause, mais l'idéologie sioniste. Elle a prétendu être une réponse nationale à la situation des juifs dans les Etats nationaux d'Europe et d'Amérique au lendemain de l'émancipation. Une nation juive, un Etat juif en Palestine et la question était résolue partout dans un monde où l'entité suprême était l'Etat-nation! Le melheur fut que les choses étaient beaucoup plus complexes, aussi bien en Palestine que dans les Etats-nations, L'expérience, depuis cinquante ans et en particulier depuis cette guerre de 1967 qui a non seulement donné à Israël de vastes territoires, mais encore démontré la supériorité régionale de leur armée, l'expérience a montré qu'il en allait tout autrement et que le statut même des juifs se trouvait altéré dans l'ensemble du monde par l'existence de l'Etat d'Israël, tel qu'il se conçoit. Il faudrait que les juifs qui restent attachés à quelque titre que ce soit à leur appartenance, reconsidèrent leur situation dans le monde tel qu'il est en cette fin du xxe siècle. S'ils parvenaient à s'accorder sur ce point, je crois que le problème de leurs rapports avec les Eglises chrétiennes ne souffrirait plus de difficulté et qu'une des sources les plus perverses du racisme serait alors tarie. Jacques MADAULE LES JUIFS, ISRAEL ... Officiellement, il y a 700 000 juifs en France, chiffre donné par les porte-parole de la communauté. Après les tragédies de ces dernières semaines, on doit s'interroger sur la nature de cette communauté, et ses rapports avec les institutions qui la représentent. Les éhiffres sont contradictoires. Les dirigeants ont estimé à 100 000 le nombre de fidèles réunis pour les offices de Yom Kippour cette année. On peut contester cette évaluation. En 1967, pendant la guerre des Six jours, c'est-à-dire au mo'ment où l'émotion et la mobilisation ont été les plus fortes, 70 000 personnes ont cotisé au Fonds social juif unifié, ce qui reste la seule éxpression mesurable du sentiment d'appartenance. Dernièrement, la manifestation du Renouveau Juif a rasemblé un millier de personnes pour condamner les massacres de Sabra et Chatila et soutenir moralement Israël. - Même nombre pour la manifesta::;; tion des juifs progressistes du 25 ~ septembre où pour la première o fois en France était remise en cause la politique israélienne. L'incohérence de ces chiffres montre la difficulté de cerner les concours de la communauté. Seule certitude: à travers l'inquiétude actuelle des porte-parole attritrés de la communauté se révèle l'attachement fondamental de beaucoup de juifs à l'Etat d'Israël, et la crainte que toute attaque - portée contre lui ne mette en cause
- son existence. Cet attachement in~
quiet, qui déborde largement le cadre des seuls juifs communautaires se manifeste sous diverses formes (religieuse, historique, gé- · opolitique, ou toutes à la fois) mais de façon affirmée ces derniers temps; c'est ainsi qu'au lendemain des massacres, Alain de Rothschild, président du Conseil représentatif des institutions juives en France, déclarait :
- « Une fois de plus, on veut faire
13 mettons solennellement en garde ~ l'opinion française et les pouvoirs publics contre les dangers qu'une telle situation porte en germe ». M. Rosenne, ambassadeur d'Israël en France, en a profité pour lancer cet anathème: « Ce qui se passe dans les médias depuis quarante-huit heures est un appel au meurtre contre tout Israélien et toU/juif. » L'outrance est délibérée, et mêle juif, gouvernement et peuple israéliens, en ~ se fondant sur la peur, constante
- et justifiée de l'attentat antisé~ite
/J on a vu, à Kippour, la commu- 11 ET BEGIN Sabra et Chatila ont bouleversé la communauté. Il lui faut distinguer maintenant Etat, peuple et gouvernement. nauté déployer d'imposants services d'ordre pour protéger les fidèles. Ce soutien de principe n'a pourtant pas empêché la révélation du massacre de plonger la communauté dans un véritable état de choc, au moment où se préparait la célébration du nouvel an. Un universitaire, membre du MRAP nous déclarait: « Lesjuifs n'en dorment plus, ils souffrent énormément.» Dans Tribune Juive du 24 septembre: «Au jour du Kippour, le-juif humble et repentant entend partager avec l'ensemble de la communauté d'Israël le pesant fardeau de péchés, que cette dernière, directement ou non, a commis ». Cependant, au même rythme que croissait la consternation, se développait une méfiance à l'égard des résurgences possibles de l'antisémitisme, mettant en cause la gauche française. Avec elle, le contentieux s'est épaissi depuis le 10 mai 1981. Les dirigeants de la communauté, et ce n'est guère étonnant de la part de M. de Rothschild, ont fait depuis longtemps campagne pour séparer la population juive de la gauche. -Il est vrai que certainés positions extrêmistes et antisionistes, dans certains cas à la limite de l'antisémitisme, ont pu favoriser les amalgames abusifs. On cite beaucoup le soutien de Faurisson par une certaine ultra-gauche, ou l'antisionisme manifesté par une partie de l'extrême gauche et certains chrétiens dans des formes ambiguës. Autre reproche beaucoup entendu ces derniers temps: on aurait plus fait contre Israël que contre la Pologne et l'Afghanistan, ce qui reste à prouver. Au fond, ce qui est visé par de tels discours, c'est la reconnaissance des droits des Palestiniens, considérée par les dirigeants israéliens comme une négation d'Israël. Sur ce point, la manifestation gigantesque de Tel Aviva clarifié le problème en réclamant, pour la première fois avec tant de force, l'ouverture de négociations avec l'O.L.P. La tentation du repli n'est pas générale. Pour la première fois, la séparation entre Israël et son gouvernement s'est imposée à l'esprit de beaucoup. Condamner Begin n'est plus un sacrilège. Il a, sans le vouloir, mis fin à certaines confusions. Dans un article paru dans Débats juifs, Jean Libermann explique qu'un nombre grandissant de juifs décident, à des degrés divers, de ne plus donner un blancseing au gouvernement israélien, au nom précisément d'une certaine éthique juive. Begin ne pourra plus aussi facilement taxer d'antisémite toute critique à sa politique. -Dans notre courrier, de nombreuses personnes refusent d'ailleurs avec violence le droit aux porte-parole de la communauté de les représenter. D'autant plus que la manifestation de Tel-Aviva ouvert de nouvelles perspectives: l'honneur d'israël s'y retrouve. Annie Goldmann, dans Le Monde, interprète cette manifestation comme une leçon de morale. Pour beaucoup, la mise en place de la commission d'enquête, bien qu'on se méfie un peu du degré de publication de ses résultats, a été un vif soulagement. La communauté est divisée, pourrait- on dire. En fait, on peut s'interroger sur la nature de cette communauté. Elle n'est certes pas aussi soudée que les porte-parole veulent bien le déclarer. Ce serait oublier tous ceux, comptabilisés comme juifs par leur naissance, et qui dans leur vie quotidienne, sociale, politique et même dans leurs positions face à l'Etat d'Israël, ne se réfèrent pas à la communauté, pas même pour se situer en marge d'elle. Nombre d'entre eux étaient dans les manifestations des syndicats et çies partis de gauche. Tout le flou actuel, entretenu à dessein, se dissipera quand Israël sera véritablement devenu un Etat comme les autres, et les juifs une communauté comme les autres. Jean-Michel OLLE 89, bis rue Lauriston 75116 Paris Métro Boissière HI--FIVIDEO 7 quai de l'Oise 75019 Paris Métro : Crimée NOUS IMPORTONS ET VENDONS DIRECTEMENT AU PUBLIC HI-FI VIDEO LlGHT - SHOW CADEAUX TELEPHONES SANS FIL TELEPHONE LONGUE DISTANCE (plus de 20 km) PROMOTIONS PERMANENTES Une visite s'impose !!! Garantie S_A. V. assurée Mise au point et réparations d'émetteurs récepteurs professionnels et grand public TELEPHONE 874-4547 52 RUE TAITBOUT PARIS 75009 MEUBLES Avenue d'Orléans, 28011 CHARTRES "" (37) 28.09.37 ET MAINE-MONTPARNASSE Société anonyme au Capital de 250 .000 francs 41 RUE DU SENTIER PARIS 2C TELEPHONE 2338243 / C.C.P. PARIS 7456-42 henri klajnbaum THERMO-COLLAGE à façon Société à Responsabilité Limitée au Capital de 30.000 Frs. 19 bis, rue de la Cour des Noues - 75020 Paris Tél. : 636.22.55 R.C. 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On va le scapler, ici. - Oh, tu trouverais pas grand chose à bouffer en dessous. )) Au Saloon, il y avait confé-· rence. André Figuéras, rédacteur de Monde et Vie, publication d'opposition nationale discutait avec la foule et dénonçait les complots internationaux que seuls lui et quelques amis avaient le courage de dévoiler: l'assassinat de Jean-Pauli er par les bolchéviques infiltrés au Vatican. Avec les confidences personnelles de Jean-Paul Il: « tu sais, je n'ai que quelques mois ... le Vatican est infesté ... J'aurais leur peau ou ils auront la mienne ... )). On intervenait dans la salle: « Dans la crèche où va mafille, Monsieur, il faut dire ces choses et je les dis, il y a quatre blancs sur quarante enfants. Nous SOl/1Ines envahis. Seulement, personne nef ait rien, ça vote pour Millerrand et ses cocos qui ouvrent lesfrontières. On est la poubelle de /' Europe. - Les Français sont des boeufs, acquiesce le jeune homme du service d'ordre. )) Dans la rue de la banque, ça s'est un peu calmé. Les cowboys morts se sont relevés, la foule est revenue: loubards tout cuir et clous, croix nazie en breloque, bourgeois proprets et assurés. Des beaufs aussi, comme l'homme au chien-loup: « J'ai jamais de problèmes quand je rentre le CE -r .. -tOMME. » ,.. 4' . ' t ~ . . , ~ -00000 " 1 0: ( é4 -te l (1(1 (Ut(~" ') ai o .. __________ ~\~_-~~ ___ .. ~3~ ........... o Un jeune homme comme il faut. Dans le stand des rapatriés ... soir chez moi, je lâche Rex et il m'ouvre le passage. - FaU! dire que dans ta banlieue ... )) Noyé au milieu des blazers bon chic-bon genre, l'aryen très grand et très blond, cheveux ras et imperméable de l'armée se raréfie. Les gens changent. .. Sauvé par les paras Le long des barrières du corral, un homme au sourire très doux m'accoste: « Savez-vous, Monsieur, que nous sommes les seuls à détendre les Français ? IIfaut àdhérer, vous savez ... )) On discute gentiment des immigrés: - Entendez-moi bien, Monsieur, nous ne les critiquons pas en tant que race, mais il faU! bien dire que dans leurs pays, ils ont des habitudes de vol et de mensonge qui ne sont pas les nôtres, c'est tout. - C'est tous racaille et compagnie )), ajoute un jeune homme qui passe. Je n'adhérerai pas: je suis sauvé par les paras promis au programme. En sautant, ils déploient sous leurs parachutes un immense drapeau français à l'emblème du F.N. C'est beau. Allons, tout n'est pas pourri dans le royaume de France. Au bar de la section du XVIe arrondissement, les cow-boys prennent un pot, ça va bientôt être l'heure du grand meeting. Les dirigeants arrivent à la tribune. Un grand reporter qui revient des îles nous prédit un putsch à l'algéroise en Nouvelle Calédonie, pour sauver l'honneur de la France. Puis J.c. Stirbois, le petit jeune qui monte au Front National, vient réciter un long discours hystérique sur les immigrés, à coups de faits divers: « If 27 juin à Lyon, une vieille dame est agressée et dépouillée de son sac. Nom du délinquant,' Mohamed Alaoui. - Dehors les bougnoules!)) crie la foule qui a bien compris la démonstration. 13 Attention, sous marins On est loin du Far-West: ces gens menacent, hurlent dans le micro, vocifèrent en se penchant sur le pupitre. A croire qu'ils cherchent à recréer un style perdu. Mais la salle boude un peu, réclame le Shériff: « Le Pen - Le Pen - Le Pen )) Enfin le voilà. D'immenses haut-parleurs beuglent le choeur des Hébreux de Nabucco pendant qu'IL s'avance lentement sous les projecteurs bras levés. C'est l'extase chez les PeauxRouges! Devant moi, un jeune homme très bien, très propre sur lui: vous lui auriez donné Sciences Po sans confession. A l'arrivée du chef, il fait le salut nazi, comme un certain nombre de ses petits camarades. Sa maman lui fait baisser le bras: « Tu ne vas pas déconsidérer notre mouvement aux l'eux de tous les sous-marins qui sont ici.)) Il tient bien son petit monde, le chef. Sans d'ailleurs s'en cacher dans son discours: « Un chef politique, ce doit être un voyant, un guide ... )) Au soir du Grand Soir, quand Le Pen sifflera trois fois, sa petite troupe ne l'abandonnera pas. En attendant, pendant le discours, la pluie a trempé les amorces des pistolets. C'est plutôt rassurant. Jacques THEVENOT Odile Ambry,d'Enfants réfugiés du monde, revient d'un camp d1ndiens miskitos réfugiés au Honduras. Elle s'interroge sur l'exploitation d'une situation qu'elle ,:,ous livre dans sa complexité. Mocoron, petit village de Miskitos du Honduras à quelques cinquante kilomètres de la frontière du Nicaragua. Début 1982, la population est passée de six cents personnes à dix mille, sous l'afflux de réfugiés miskitos en provenance du Nicaragua .. L'histoire remonte au fameux Noël Rouge du 24 décembre 81, ainsi baptisé par la presse américaine. Ce jour-là, cinquante à soixante-dix Indiens auraient été massacrés par l'armée sandiniste à Leimus, village-frontière sur les rives du rio Coco (1). En quelques semaines, le camp de Mocoron accueillait 8500 réfugiés, 2000 autres préférant s'établir par petits groupes dans les villages voisins. A l'origine de cet exode, il y a la peur de subir le même sort que les habitants de Leimus, mais ce n'est pas tout. Cette région de la Mosquitia, de part et d'autre du rio Coco, est devenue, au lendemain de la révolution sandiniste, un des principaux fiefs de la contra (contre-révolution regroupant les anciens gardes somozistes réfugiés au Honduras). Les affrontements entre l'armée nicaraguayenne et les bandes armées qui traversent la frontière avec l'accord tacite des autorités honduriennes se sont multipliés dans cette zone. Ces incursions, souvent fatales pour l'un ou l'autre camp, ont très vite posé des problèmes de sécurité aux Miskitos qui peuplent cette région. Le gouvernement nicaraguayen a donc pris, fin 1981,la décision de les déplacer vers l'intérieur de la Mosquitia, à 150 km au sud. C'est le déplacement et les conditions dans lesquelles il s'est effectué qui ont aussi amené les Miskitos à quitter leur terre, leur village et leur bétail. Mais une question reste en suspens: l'attachement à la terre peut justifier un refus de la quitter, même dans des conditions de sécurité difficiles. Comment expliquer alors que ce refus se soit traduit par un départ dans des conditions bien plus dramatiques
- traversée du rio à la
nage, de nuit, n'emportant que leur argent et les vêtements qu'ils portaient sur eux? « Nous ne voulions pas partir », nous expliquaient les réfugiés de Mocoron, « nous étions chez nous, sur nos terres, et personne n'avait le droit de nous en chasser». « Pour mieux le prouver, vous en êtes partis ? ... leur répondions- nous. Alors, la discussion repartait inévitablement sur les massacres, et nous essayions de faire la part des choses, de recouper des témoignages, des chiffres ou des anecdotes, nous reposant éternellement la même question: s'est-il réellement passé quelque chose de grave? Et si oui, qui a été tué ... et par qui? Pas de travail d'explication La thèse officielle accréditée à Managua est d'une toute autre nature. D'une manière générale, le gouvernement du Nicaragua justifie la nécessité de déplacer rapidement les populations indiennes de la Mosquitia par les raisons de sécuri- 14 DIFFÉRENCES N°16 - OC:rOBRE 82 Dispensaire de fortune. ~ LE S'TE té évoquées plus haut. Il admet aussi que ce déplacement ne s'est pas fait sans difficultés. Sans parler de déplacement forcé des populations, les Nicaraguayens ne nient pas qu'un travail d'explication aurait dû avoir lieu, pour permettre à la population de maîtriser les événements et de pouvoir assumer cette nouvelle situation. Dans certains villages, les soldats sont allés vite en besogne, pressés d'accomplir les ordres qu'ils avaient reçus, sans se soucier vraiment des Miskitos et de leur opinion. Pour ce qui est des événemàents de Leimus, ce fameux Noël Rouge, Raymond Bonner, dans son article du 13 août du New York Times, en donne une toute autre version, plus proche de celle des autorités nicaraguayennes. Selon lui, deux cents Indiens miskitos venant de Mocoron et très probablement encadrés par d'anciens gardes somozistes (2), auraient fait une incursion armée dans le village. L'armée nicaraguayenne au courant de leurs intentions, aurait investi la place pendant les jours précédents pour les attendre. A leur arrivée, une bataille aurait eu lieu, faisant soixante-dix morts dans les rangs des Miskitos venus de Mocoron et de la partie des habitants de Leimus qui avait pris fait et cause pour les assaillants. Bonner évoque également les camps d'entraînement militaires miskitos, dans lesquels des centaines d'Indiens sont encadrés par l'armée régulière hondurienne. La confrontation de ces deux thèses pose, bien évidemment, une série de problèmes plus généraux, à commencer par la notion de manipulation idéologique d'un événement. L'administration Reagan n'a jamais fait mystère de ses craintes concernant l'évolution politique de l'Amérique Centrale. Chacun sait que le Salvador et le Guatémala sont des poudrières, et tous les yeux sont tournés vers le Nicaragua et son gouvernement. De même, ce dernier a conscience de la fragilité de son régime, et s'attend à un isolement politique prolongé. Or, le gouvernement américain a, pour la première fois dans son histoire, choisi de s'intéresser au sort de populations indiennes, parlant sans sourciller, de génocide perpétré par les sandinistes. Même si la thèse américai?e était corroborée, nous sen ons encore très loin du génocide. Il est très clair que les USA veulent, en termes crus, la peau des sandinistes. Que l'on se rappelle seulement les photos truquées du Figaro Magazine (3) et l'empressemeI1:t de M. Haig à les brandir devant le Congrès américain, comme autant de .~ II 1. ~ preuves irréfutables de la cruauté des nouveaux dirigeants nicaraguayens. Quels témoignages? Mais les Américains ont fait des émules en France, comme en témoigne l'article de Gilles Bataillon dans le numéro de juillet,août de la revue Esprit, repris sous forme d'encadré dans Le Monde du 18/ 08 / 82 et ce, à la suite de deux excellents articles de P. Boggio et M. Niedergang portant sur le même sujet. C'est toute la notion d'enquête journalistique qui est là mise en cause: Bataillon, affirme, avec les précautions oratoires d'usage, que des massacres, des viols et autres exactions ont été commis pendant ce fameux Noël Rouge. Mais sa seule base pour porter des accusations aussi graves sont des témoignages de réfugiés miskitos recueillis à Mocoron et là-bas seulement. Il n'a pas traversé la frontière. Il y a certes un problème, une juste cause à défendre, même si l'on refuse de se joindre aux adversaires malveillants du gouvernement du Nicaragua. Une révolution a eu lieu dans ce pays, et les Miskitos n'y ont pas ou peu participé. Priorité a été immédiatement donnée à l'alphabétisation, mais on a imposé dans un premier temps une campagne en espagnol aux Indiens, alors qu'un faible pourcentage d'entre eux le parle. Après les protestations de leurs leaders, une éducation bilingue a été dispensée, et beaucoup de jeunes Miskitos ont pris part à la campagne. Le problème de la réforme agraire est du même ordre, et relève d'une volonté de centralisation du pouvoir et d'intégration rapide de toutes les minorités à la société. Le Nicaragua est aujourd'hui très seul, au milieu de cette Amérique Centrale, terrain de chasse des Etats-unis. La révolution sandiniste avait refusé de fusiller les gardes de l'ancien dictateur Somoza, elle les retrouve maintenant, armés et entraînés, à ses frontières. Ce sont eux qui manipulent ces Indiens miskitos, leur donnant l'illusion que cette guerre est la leur, cette guerre que les Miskitos ne peuvent pas gagner. Odile AMBRY (1) D'autres sources ne citent que dix morts. D'autre part, Marie-Chantal Barre (Afrique Asie n" 264) parle de plusieurs dizaines de victimes depuis le début de l'année. (NDLR). (2) Sous l'autorité morale du pasteur Ste ad man Fagoth... et de la CIA (NDLR). (3) En janvier 1981, le Figaro Magazine publiait les photos de cadavres en train de brûler, et attribuait le massacre aux troupes sandinistes. En fait, les photos dataient de l'époque de Somoza. C'était la Croix Rouge qui, pour des raisons d'hygiène, brûlait des cadavres en décomposition. 15 V~TEMENTS : - CUIR - MOUTON RETOURNÉ - FOURRURE Village de Mocoron. TOS CRÉATIONS PARIS-CUIR 44RUE .des Vinaigriers dans la cour 75010 PARIS Tél. 206.89.17 206.19.37 Expliquez-moi LE DALAI L , DIEUE T Ces jours-ci, le Dalaï Lama descend du Toit du monde pour visiter les communautés tibétaines d'Europe. Une occasion de s'ouvrir à cette région secrète. En plus, un génie sur chaque épaule Malheur sur toi, Sahib, si toi passer à droite du chorten, dit Tharkey le sherpa au capitaine Haddock dans. Tintin au Tibet. - Pourquoi, je risque une contravention? Cest un sens interdit? En Europe, on n'en sait guère plus que le capitaine sur le Tibet et sa religion. Pour beaucoup d'entre nous, ça reste le pays de l'Himalaya, des sherpas qui portent le matériel de nos glorieux alpinistes. On ne sait pas qu'en plus du pa- Descendu du Toit du monde quetage, ils ont un génie sur chaque épaule, l'un qui comptabilise les bonnes actions, l'autre qui note les méfaits. Ils contourent pieusement le chorten parce que c'est pécher qu'ignorer ces petits temples. . Les génies perchés sur leurs épaules symbolisent le Karma, la loi générale qui régit les êtres et les choses dans le bouddhisme tibétain. Tout au long de ses réincarnations, l'être tend vers le Nirvana, retour au néant du non-désir. Les sherpas et le peuple ne peu- 16 vent guère y prétendre, seuls l'atteignent les moines. Les autres se contentent de pratiquer une religion à visage humain, ni volontariste ni fataliste, mais qui s'inscrit dans une hiérarchie sociale présidée par le Dalaï Lama, dieu vivant réincarné qui diffère sa fusion dans le Nirvana final pour guider les hommes. Nul ne sait si le Dalaï Lama a lu Tintin au Tibet. Peut-être n'y reconnaîtrait guère son pays. Mais sans doute plus rien ne l'étonne, tant il a vu le monde chan- Un siècle difficile pour les dieux vivants ger. A l'âge de trois ans, les très précieux sont venus le chercher, pour le mettre sur le trône du royaume à la fois théocratique et féodal du TÜJet : à la mort du Dalaï Lama précèdent, les oracles du palais Potala l'av\ient désigné comme la réincarnation suivante du Dieu. Mais le siècle est difficile pour les dieux vivants. Concrétisant une domination chinoise déjà ancienne, Mao Dsé Dong annexe le Tibet à la République Populaire de Chine en 1950. Après quelques années de compromis et une sanglante révolte contre les chinois, le Dalaï Lama s'exile en 1959, et s'installe à Dharamsala dans le Tibet indien. A partir des années 60, la révolution culturelle met le bouddhisme tibétain à rude épreuve. Le culte est interdit, les monastères fermés. Depuis, les choses ont changé. Le Dalaï Lama, océan de sagesse, semble prêt à abandonner au régime chinois la direction des affaires temporelles. De leur côté les dirigeants de Pékin ont réautorisé la pratique de la religion, et cherchent à renouer le contact avec le dieu vivant. Une convergence étonnante de deux mondes radicalement différents s'amorce, même si pour l'instant le Dalaï Lama refuse de rentrer au Tibet. On peut rêver d'une nouvelle version de Tintin au Tibet, où le capitaine rencontrerait un fonctionnaire du culte épanoui, n'ayant· plus le souci de gérer une société féodale que les Tibétains auraient prise en main, et ne guidant plus que la lente progression des âmes qui voudraient encore tendre au bonheur suprême du désir vaincu. Jean ROCCIA. Toute l'histoire des Indiens d'Amérique depuis leur premier contact avec les blancs est celle d'un génocide. Ils ont vu leur peuple massacré, leur pays soumis au pillage de ses ressources naturelles, à la dégradation de son environnement. Pourtant, « Il y a une autre voie, ' lit-on dans le rapport final de la commission culturelle de la Conférence internationale sur les peuples indigènes et la terre des Nations Unies (Genève, septembre 1981). C'est la voie traditionnelle indienne. C'est la voie qui sait que les hommes n'ont pas le droit de dégrader la Mère la Terre, qu'il y a desforces que l'esprit des Européens n'a pu concevoir, que les' hommes doivent vivre en harmonie avec tout leur environnement. Pour les Indiens américains, l'idée que l'homme doit vivre dans une nature hostile et qu'il doit la soumettre est une idée absurde. Ils n'arrachent pas ce dont ils ont besoin à la Terre, c'est la Terre qui le leur donne. Penser que les hommes puissent s'approprier la Terre est aussi incongru que vouloir diviser entre eux l'air qu'ils respirent. DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 LE CHANT DU MONDE ES INDIENS D'AMERIQUE Un regard la spiritualité indienne « Saviez-vous que les arbres parlent? Ils le font pourtant! Ils se parlent entre eux et ils vous parleront si vous écoutez. L'ennui avec les Blancs, c'est qu'ils n'ecoutent pas!». (Taganta Mani, Indien Stoney du Canada, 1871-1967). us savons au moins ceci: la Terre n 'appartient pas à l'homme : l'homme appartient à la Terre. Cela, nous le savons. Toutes choses se tiennent, comme le sang qui unit une mêmefamille. Tout ce qui arrive à la terre arrive aux fils de la Terre. Ce n'est pas l'homme qui a tissé la trame de la Vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu'il fait à la trame, il le fait à lui-même )). (Réponse du Chef Seattle au gouvernement américain qui lui proposait, en 1854, d'abandonner sa terre aux Blancs). « Comment pouvez-vous acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre ? L'idée me paraît étrange. Si nous ne possédons pas lafraîcheur de l'air et le miroitement de l'eau, comment pouvezvous nous les acheter ?)). Cette conception de l'Univers fait que l'Indien n'établit aucune hiérarchie entre tout ce qui constitue cette trame de la vie : les éléments, les plantes, les animaux et les hommes, qu'il traite avec le même respect. Fondée sur cette spiritualité, la société indienne est forcément une société parfaitement égalitaire où les notions de propriété privée et de compétition entre les hommes sont étrangères. Il n'y a ni riches ni pauvres, mais l'égalité sociale, sans lois de classes ni répression. Au plan politique, c'est la participation directe de tous les membres de la tribu, sans délégations de pouvoir. Les décisions sont soumises à l'avis de tous et adoptées par consensus. Le vote majoritaire est une notion inconnue. Les Indiens sont favorables au 17 droit des peuples à disposer d'euxmêmes, ils le montrent aujourd'hui en soutenant les luttes des autres peuples autochones du monde. Le respect des traités est pour eux chose sacrée et ils n'admettent pas leur annulation unilatérale. Pour qu'un pacte soit rompu, il faut qu'il le soit par les deux parties contractantes. « Nous ne dissocions pas nos vies individuelles et communautaires de l'existence de la Lune, du Soleil, de l'eau, de la terre, des arbres. Ainsi, nos cultures sont - elles bâties sur un rapport avec la nature et non sur des concepts qui sont devenus bien souvent aliénants et oppressifs. La courte vue des exploiteurs Maintenant, nous actualisons ces vues à l'intérieur des relations politiques du 20e siécle ; nous ôtons ces lunettes d'exploitation et de colonialisme que porte l'Occident depuis des siècles et des siècles pour l'amener à voir la réalité de la même façon que nous )). ((John Mohawk, rédacteur en chef du journal iroquois Ackwesasne Notes). Le rapport de la commission culturelle de la Conférence de Genève de 1981 analyse ainsi l'ethnocide dont sont victimes les Indiens: « La relation de la vie spirituelle des peuples indigènes des Amériques avec la Mère la Terre a de profondes implications. Elle signifie, par exemple, que séparer les Indiens de la terremême si on leur donne de l'argent en échange - est une forme concrète d'ethnocide et de génocide. ... Les oppresseurs des Indiens connaissent bien souvent cefait et le vol des terres aux indigènes est le plus souvent un acte prémédité d'ethnocide. Les gouvernements succeSSifs ont tenté de forcer les Indiens à abandonner leur organisation collective et à partager la terre en parcelles individuelles, violant ainsi leurs croyances religieuses )). « Pourquoi veulent-ils notre terre? )) demandait Me Tallchief, un avocat indien lors de la même conférence à Genève. « Parce qu'ils la trouvent belle ? Parce qu'ils aiment le vert des prés, le bruit de l'eau sur les galets, la pureté du ciel, le bruissement des arbres ? Non. Ils la veulent pour la défoncer, la piller, l'épuiser. Afin de réaliser des profits )). « La société technologique est dans un cul de sac )), déclara à Genève en 1977 Russel Means, un Sioux leader de l'American Indian Movement (A.LM.). « Elle est en train d'épuiser les ressources de la planète. Il faut apprendre une nouvelle façon de vivre, qui respecte la terre, l'espace, l'eau. Nous autres, Indiens, connaisseurs de la nature, nous sommes bien placés pour aider les autres peuples à découvrir cette façon de vivre )). Ainsi donc, c'est au moment d'une crise aigüe de la pensée moderne, que la voix de l'Indien s'élève pour nous demander de réfléchir sur le sens profond de la vie. Robert PAC 1 [1 En débat ~ ~~ propos recueillis par Dolores ALOIA C'est le scandale de l'automne: MM Defferre et Badinter n'auraient pas la même conception du droit d'asile. Vous ne l'apprendrez pas ici: sans doute pour ne pas eQ.venimer le débat qui semble opposer les traditions d'accueil de la France et sa sécurité, ils ont décidé de se taire pour l'instant. Pourtant, après la série tragique d'attentats qui ont secoué le pays cet été, la tentation a été grande pour certains de rendre le droit d'asile, garanti par notre Constitution, responsable de la recrudescence du terrorisme en France. Doit-il être revu et corrigé? C'est la question que Différences a soumise à plusieurs personnalités. '1':"1 ", C .~ Q Henri NOGUERES Président de la Ligue française des droits de l'Homme «S'en prendre aux réfugiés revient à désigner un bouc émissaire» L e Droit d'Asile est un acte de droit interne qui trouve sa source dans la constitution. L'asile ne confère aucun statut particulier ni aucune prérogative spé- 18 ciale. Il peut être retiré à tout moment par le gouvernement. Le réfugié politique quant à lui , dépend de la Convention internationale de Genève que la France a signée. Il concerne toute personne qui, subissant des persécutions d'ordre politique, religieux ou racial dans son pays, sollicite le bénéfice du statut de réfugié politique. Ce statut, fixé par une Convention internationale qui oblige notre pays. est reconnu ou refusé au demandeur par rOFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides). La quasi totalité des actes de terrorisme commis en France cette dernière décennie n'ont pas été le fait de réfugiés ou d'asilés politiques. S'en prendre aux réfugiés ou asilés politiques revient à désigner un bouc émissaire, pratique déjà détestable en soi mais franchement inadmissible lorsqu'elle ne recouvre aucune réalité. Enfin, on ne saisit pas très bien les raisons qui conduiraient à renforcer l'obligation de réserve qui incomberait aux réfugiés. D'une part on ne trouve aucune disposition légale établissant cette « obligation de réserve ». D'autre part, le problème se pose au niveau de quelques personnalités, souvent bénéficiaires de l'asile politique en vertu d'une décision du Gouvernement français et n'ayant pas le statut de réfugiés politiques, avec lesquelles seule une négociation intuiTU personnae peut donner des résultats. Agrandir ce « devoir de réserve » paraît donc là aussi relever de la pratique du bouc émissaire, que rien ne saurait justifier. Gerold de WANGEN Secrétaire général de France Terre d'Asile «Respecter le droit d'asile est tout à l'honneur d'un peuple» A France Terre d'Asile, nous voyons dans le droiT d'asile l'un des droiTS imprescripTibles de la personne humaine: le respeCTer eST donc TOUl à l'honneur d'un peuple. Le mOTifprincipal de la confusion vient de ce que nos compaTrioTes d'abord voient dans l'asile une affaire interne: inscriT depuis 1793 dans la Constitutionfrançaise, le droit d'asile serait un droit purement national, donc à mettre en oeuvre par nos gouvernants. C'est oublier que depuis cette époque le monde a évolué et que la France a ratifié la Convention internationale de Genève de 1951 et le Protocole de Bellagio de 1967 qui s'imposent donc à notre pays et priment le droit interne. Or, ces textes donnent du réfugié une définition précise et stipulent le statut dont doivent bénéficier les per sonnes à qui cette qualité est non pas « accordée», « octroyée» par l'Etat accueillant, mais simplement « reconnue», car elle existait antérieurement à toute la procédure. Donc même si l'asile territorial, c'est-à-dire la délivrance d'un titre de séjour, continue à rester du ressort exclusif de l'Etat, celui-ci ne peut qu'aller au-delà, sûrement pas en deça des conventions internationales. Que le Gouvernement envisage de restreindre le droit d'asile en ce qu'il permet d'introduire la demande de statut de réfugié, autrement dit qu'il limite à ceux le désirant la possibilité de devenir réfugié en France, cela ne peut être, et ne serait en aucun cas adm issjble. Marcel DEBARGE Sénateur de la Seine-St-Denis (PS) « Cette fidélité à l'idéal démocratique, à un idéal moral ne souffre pas de remise en question» Le droit d'asile trouve son inspiration dans le principe de liberté même. C'est parce qu'ils ont conscience qu'ils ne peuvent rester indifférents devant ceux qui sont bannis en raison de leur action pour la liberté, que les législateurs révolutionnaires proclament dans la Constitution de 1793 le droit d'asile. Ce principe est réaffirmé par les constitutions de 1946 et de 1958. Cette fidélité à l'idéal démocratique, à un idéal moral, ne souffre pas de remise en question. D'ailleurs, le gouvernement a dès son arrivée au pouvoir, clairement affirmé que la France avait volonté d'être terre d'asile. Le problème se pose, en fait, entre l'application de cette nouvelle politique de générosité humaine et la législation relative à l'extradition des étrangers, telle que la définit la loi du 10 mars 1927. De là, des procès de laxisme sont faits au gouvernement devant la vague de-terrorisme international qui déferle sur la France après ou en même temps que dans d'autres Etats européens. Se pose également la question de l'harmonisation judiciaire européenne, là encore, une conception socialiste ne peut s'accommoder de l'esprit qui présidait à l'espace judiciaire tel que l'entendaient les gouvernants précédents. De plus, le droit actuel reste flou sur ce point fondamental quant à la conception du droit d'asile. Le droit d'asile est dans certains cas une manière de solidarité humaine, et dans d'autres, l'affirmation de la tolérance et du pluralisme de pensée; mais son respect implique aussi de fermes et solides exigences face à ceux qui, en bénéficiant. enfreindraient les lois françaises. Le droit d'asile est un symbole généreux mais il n'est pas synonyme de laisser-faire. Guy DUCOLONÉ Vice-président de l'Assemblée Nationale « Ce sont les combats menés: luttes anti-fascistes, anti-impérialistes, d'indépendance nationale ou de justice sociale qui dictent notre attitude envers les réfugiés politiques » L alongue tradition française du droit d'asile est, pour les communistes, synonyme de lutte pour les libertés et de solidarité internationale. Affirmé dès 1789, le droit d'asile doit être accordé, aux termes de notre Constitution, à tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté. Les données du problème semblent donc claires, mais elles sont obscurcies par le développement du terrorisme. 19 L'inquiétude croissante née de la multiplication des actes de terrorisme dans le monde et en France, conduit à exiger que des mesures soient prises pour poursuivre et châtier les auteurs de ces actes. Ces mesures peuvent apparaître comme concurrentes avec le droit d'asile, mais retenons qu'en général celui-ci est demandé par des militants qui ne nuisent pas à leur combat politique par des actes sauvagement inutiles. Le débat mené en 1976 autour de la convention européenne de Strasbourg « sur la répression du terrorisme » a démontré l'impossibilité de déterminer avec précision les limites du droit d'asile face au terrorisme. Concrètement, le débat porte sur les notions de lutte pour les libertés et d'extradition. La loi du 10 mars 1927 constitue le droit commun applicable, sauf dérogation d'un traité bilatéral ou multilatéral. L'extradition refusée pour les infractions politiques est réservée aux seules infractions de droit commun. C'est, à l'exception de certains cas (crimes contre l'humanité), en considération des mobiles de l'acte criminel, que la qualification d'infraction politique est retenue en ce domaine. En définitive, ce sont les combats menés: luttes antifascistes, anti-impérialistes, d'indépendance nationale ou de justice sociale qui dictent notre attitude envers les réfugiés politiques. Pour rester un Etat de droit, pour rester fidèle à sa tradition de terre d'asile, la France doit amplifier son action en faveur des peuples ou minorités opprimés et continuer à accueillir sur son territoire tout individu menancé en raison de son combat pour les libertés. Au nom de ces convictions, je considère qu'en dépit de ses imperfections, il serait dangereux de modifier, dans un sens restrictif, notre droit d'asile. • Une revue mensuelle pour participer au développement de la lecture, de l'édItion et de la Iitterature. Une revue qui concerne les parents, les enseignants, les élus, les b,· bllothécalres. les animateurs. Pour connaître et choisir les livres pour les jeunes. BULLETIN D'ABONNEMENT ET DE COMMANDE Nom Adresse Code postal Ville Commande . Un specimen gratuit 0 Un abonnement d 'un an a la revue Trousse-livres 0 mensuel - France 95 F - Ëtranger 105 F Que Je règle par chèque postal ou bancaire Joint. au nom de la Ligue française de l'enseignement. 3, rue Récamier, 75341 Paris Cedex 07 - CCP 4143-80 U Paris, en précisant Trousse-Livres sur l'enveloppe et le talon. 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LILLE - LONGWY - ROUEN - LORIENT - LYON - MARSEILLE - MONTPELLIER - BORDEAUX - TOULOUSE - POITIERS - PÉRIGUEUX - MONTLUCON 20 Jean-Pierre PIERRE-BLOCH Président de l'association « Sécuritécitoyens » « Le droit d'asile est bafoué» Par principe le droit d'asile est un droit sacré. JI permet aux personnes poursuivies pour leurs idées politiques, de pouvoir se réfugier dans un pays comme la France. Malheureusement, depuis quelques années, le droit d'asile est ha(oué. Ainsi, en profitenr des Ghanéennes, qui exercenr pour toute profession la prostitution. C'est également le cas des travestis brésiliens. De plus, le droit d'asile est dévoyé par des pseudo-réfugiés politiques qui se servenr de la France comme base du terrorisme inrernational. JI n'est pas concevable que des gens, comme les terroristes basques par exemple, puissenr se servir du droit d'asile quand ilsfont des attentats et tuent des gens. Le droit d'asile c'est également le bureau de l'DLP à Paris. /1 n 'a pas été oUl'ert par le gouvernement socialiste, mais par la majorité à laquelle j'appartenais. Je m'y étais opposé. Un certain nombre d'attentats antisémites sont commis par des gens du Moyen-Orient qui en débarquant en France bénéficient de bases, telles que le bureau de l'OLP ou certaines ambassades. Aménager le droit d'asile c'est le remettre en cause. Je ne le conteste pas, mais je dis seulemenr qu 'ilfautfaire at tention à qui l'on remet la carte de réfugié politique. Ceux qui abusent du droit d'asile sont certains réfugiés politiques d'Amérique du Sud et du Moyen-Orient. Les réfugiés politiques ne doivent pas se mêler de politique intérieure. En venant sur notre sol ils acceptent une obligation de réserve. Le danger, c'est l'amalgame entre le réfugié politique et le terroriste. Gérard MUNAUT Secrétaire général du Syndicat National Autonome des Policiers en Civil « Les actions terroristes et les attentats de ces derniers mois devraient sans aucun doute inciter les hauts responsables de notre pays à réviser leur jugement» La Constitution de la République Française stipule.' « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». Ce principe constitutionnel est généreux et libéral puisqu'il ne donne pas les limites à l'admission des personnes qui ont quitté leur pays pour éviter des persécutions ou une condamnation ou pour fuir un danger .. cependant, cette division de la Constitution est limitée dufait qu'elle ne peut être citée que par les réfugiés qui seront évalués pour connaître s'ils ont lutté pour la jouissance des droits appartenant à chaque citoyen, appréciation adoptée selon l'idéologie et les partis politiques au pouvoir. Les actions terroristes et les attentats de ces derniers mois devraienr sans aucun doute inciter les hauts responsahles de notre pays à réviser leur jugement car: - Comment solliciter la mise en place d'une juridiction européenne ; - Comment coordonner et lutter efficacement contre des individus sans scrupules qui n'hésitent plus à tuer des personnes innocentes si l'on poursuit la politique du droit d'asile envers nos partenaires de la communauté européenne. Une des possihilités serait sans aucun doute la ratification de l'accord de Duhlin par le Parlement Français; en eflet. cette cOnl'enlion confirmée authentiquement par les pays du Conseil de l'Europe énonce les conditions dans lesquelles s'efleClue la répression du terrorisme. Ce pacte n'autorise nullement l'extradition sans la participation d'une volonté délihérée puisque les pays de réception disposent de textes qui leur permettent de décider et de condamner les terroristes traqués dans la Communauté. Cet' accord précise égaIement que la procédure judiciaire s'effectuera selon les lois et règlements en vigueur dans le pays d'accueil. 21 DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 Jacques TOUBON Député de Paris (RPR) « Il s'agit de définir ceux qui peuvent en être bénéficiaires et les facultés et protections qu'il comporte» One parle des chemins de fer que lorsqu'un train déraille, on n'évoque le droit d'asile qu'à travers les décisions d'expulsion ou d'extradition. Communément c'est donc les accidents de la chose qui nous font prendre conscience de la chose; de quoi dérouter la définition et biaiser le débat! De surcroît, la conjoncture conduit à mêler dans l'opinion publique le droit d'asile et le terrorisme. Il faut au contraire affirmer avec force que les deux questions doivent être considérées indépendamment l'une de l'autre. Des réfugiés peuvent agir comme des terroristes certes; on ne peut faire aucune assimilation systématique. Pour ma part je crois que le droit d'asile recouvre au moins deux notions indiscutables: - le désintéressement ; en quoi l'action du réfugié politique s'oppose à celle du criminel de droit commun. - l'existence dans le pays d'origine d'un environnement antidémocratique, de droit ou de fait. D'un autre côté, le principe indiscutable des relations internationales de la France est que nous connaissons les Etats et non pas les gouvernements. D'où, pour servir l'intérêt national, des décisions d'ordre diplomatique qui, comme· dans la chanson de Béart font bon marché des principes. Il y a donc loin de la pratique d'aujourd'hui à l'absolu de l'asile qu'à l'origine les églises procuraient. Mais il ne s'agit pas d'« aménager ~~ le droit d'asile. Il s'agit de définir ceux qui peuvent en être bénéficiaires et les facultés et protection qu'il comporte. Régionale Portugais, Maghrébins, , et autres Auvergnats... n plus ce qu'elle était, la petite ville modèle du paternalisme social. On y vient travailler, puis on s y installe. Rien que pour ça, elle vaut le détour De l'usine à la vieille ville. Clermont-Ferrand, année 1982. Peut-on présenter la métropole auvergnate en se référant à cet ouvrage mondialement connu, le Guide Michelin? Ses inventeurs auraient certainement beaucoup à dire sur une ville qu'ils ont façonnée, voulue exemplaire et représentative de l'esprit qui animait les tenants d'un « capitalisme social» où l'homme, sa vie durant, avait comme point de ~epère unique et constant le grand ordonnateur: M. Michelin, employeur, logeur, éducateur, animateur, etc .. . Ce serait, bien sûr, faire injure à toute une région de prétendre que la ville n'était rien avant Michelin et qu'elle ne s'est toujours pas dégagée des serres du paternalisme. Mais laissons aux fiers Auver- 22 les oubliés du Guide Michelin. gnats le SOIn d'évoquer leur passé glorieux. Quant à ce paternalisme aujourd'hui honni, soyons honnêtes et réjouis à la fois: les temps ont changé. Pourtant, si les mentalités ont bien évolué, si le tissu industriel s'est modifié et étoffé, la région ne supporterait pas sans drames un effondrement ou même de sérieux revers du groupe qui a connu des hauts et des bas durant ces dernières années. Il conditionne par son bon fonctionnement la survie de nombreux soustraitants et celle, en partie, du commerce local. Or, comme le fait remarquer Alain Martinet, responsable de la C.F.D.T., « on est à la limite du point de rupture avec près de 1500 emplois supprimés en un an et 50% de diminution dans la soustraitance ». Le plan de mise à la retraite anticipée d'un certain nombre d'employés empêchera, peut-être, que la situation n'empire. Sur fond de crise économique et de l'emploi, mais aussi de réaménagement et de concentration des activités industrielles, il convient de tenter l'approche d'une population immigrée importante, qui donne un certain cachet à la ville et à sa périphérie : en effet, Clermont-Ferrand 23 est le premier centre portugais de l'Hexagone. Doit-on écrire: ClermontFerrao? On peut, une fois de plus, y déceler la griffe Michelin. Il y a presque une vingtaine d'années maintenant, dans une période de forte expansion, les dirigeants de la firme sont allés recruter au Portugal une main d'oeuvre réputée docile et travailleuse, plus précisèment dans le , . UJ Z
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De ménage en ménage. Nord, région connue pour son conservatisme social et religieux. C'était créer une dynamique migratoire qui ne s'est pas limitée à un seul secteur: le bâtiment a largement profité de ce flux. Cela n'a pas été sans incidences sur l'environnement et l'habitat: des villages de la montagne proche de Clermont-Ferrand, tels Volvic, Blanzac, ont été entièrement transformés, repeuplés par les nouveaux arrivants Approcher le corps du châtiment La communauté portugaise tient une place à part au sein de l'immigration. Ceux qui en sont proches insistent sur ce particularisme. C'est le cas d'André Signoret et de René Wackenier, tous deux prêtres à la Délégation diocésaine à l'immigration. « D'abord, il y a un véritable culte du travail, une mystique même. On en retrouve la trace jusque dans la langue. Quand les Portugais parlent du travail, c'est d'un moment qui va de sol à sol, c'est-à-dire du lever au coucher du soleil, ou encore y aller, c'est approcher le corps du châtiment ». Dans les faits, il s'agit d'une durée encore plus longue car le travail de nuit est chose fréquente. « Mais, poursuit René Wackenier, ce qui est une quasi-constante, c'est le double emploi. Il n'est pas rare de voir des hommes, après huit heures chez Michelin, aller faire quelques heures dans de petites boîtes, souvent au noir. Même pression chez les femmes, qui vont fàire des ménages à raison de dix ou douze heures par jour, plus le temps de transport. Le retour au pays, un autre mythe, est la principale cause de ce phénomène qui consiste à amasser de l'argent pour rentrer construire une maison au mépris de la vie sur place, et surtout au mépris de la santé ». UJ Z o
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u 1 , ~:rt ~ t - l Pour ne plus être clandestins ... Mais les enfants, souvent nés en France et de toute façon assez bien intégrés, vivent plus difficilement l'idée du retour. Dans la grande majorité des cas, la France est désormais leur pays. Même la langue que l'on continue à parler au foyer s'appauvrit et ne constitue plus le passeport nécessaire à un retour réussi. Les mariages mixtes, de plus en plus fréquents, renforcent cette tendance. Double emploi, travail au noir (surtout chez les femmes), travail des enfants parfois et par suite, accidents du travail, c'est la dure réalité à laquelle est confrontée la communauté portugaise et qui ne lui assure pas une position confortable dans la société. Même si d'aucuns, devant l'absence de drames criants, pensent que son intégration est une réussite. « Une certaine conception, le faible taux de syndicalisation, nous dit Josette Boudaire de la c.G.T.,favorisent cet état de choses. C'est un grand handicap. Ilfaut, bien sûr, en rechercher les causes dans le mode de recrutement. Mais la prise de conscience est bien difficile ». Ont-ils pour autant le sentiment d'être exclus? Il faut comprendre que, malgré cette idée répandue du retour au pays, la plupart d'entre eux resteront dans la région avec leurs familles, une fois l'âge de la retraite atteint, parce que les moyens manquent ou qu'après un si long séjour en France, les conditions de réadaptation seraient trop difficiles. « Les Portugais, dit ,René Wackenier, vivent mal l'exclusion, le mépris, voire le racisme. Mais, piètre consolation, ils s'estiment mieux traités que les Maghrébins sur qui est dirigée l'essentiel de la violence quotidienne. Et puis s'exprime de plus en plus le sentiment d'avoir fait la richesse de la France, qui leur permet de relever la tête. Enfin, les enfants s'intègrent mieux et c'est un espoir ». 24 Mieux traités que les Maghrébins, l'expression est révélatrice et traduit parfaitement un état de fait. Il ne s'agit pas d'établir des hiérarchies où il y aurait de bons et de mauvais immigrés, et de jus tifier par là la ségrégation dans la ségrégation. Mais parce que leur séjour n'est pas de même durée, que leurs situations personnelle et familiale sont encore plus précaires, que le racisme à leur égard est plus prononcé, le quotidien des Maghrébins, des Yougoslaves, des Turcs, et d'autres, appelle en effet un peu plus notre attention. La partie visible de l'iceberg Les habitants ont encore en mémoire la grève de la faim des huit Turcs en mars 1980, qui avait à l'époque servi de révélateur de la situation intolérable dans laquelle étaient tenus les travailleurs clandestins. Ce n'était malheureusement que la partie visible de l'iceberg. L'opération de régularisation des sans-papiers décidée par le gouvernement visait à régler une fois pour toutes cette épineuse question. Elle s'est déroulée de façon relativement satisfaisante, de l'avis des responsables du C.L.I.M.E., une association qui apporte une aide importante aux immigrés de la région, notamment dans leurs démarches administratives, véritable dédale dans lequel ils sont nombreux à se perdre. « Selon moi, nous dit Mlle Terran, une de ces responsables, les différents cas soumis à la Commission ont été examinés avec bienveillance. Ce qu'il faut craindre c'est que cette opération n'ait elle-même engendré un nouveau trafic. Certains signes donnent à penser que de nouveaux clandestins sont arrivés dans la région ». Il faut sans doute se féliciter de cette bienveillance qui n'était après tout qu'un juste retour des choses quand il s'agissait ) ni plus ni moins de supprimer une des formes modernes de l'esclavage. « Mais, comme le souligne Josette Boudaire, /'information sur l'opération a-t-elle été bien faite, et est-elle seulement parvenue auprès des clandestins qui, par nature, sont difficilement joignables et peu enclins à évoluer au grand jour ? ». Il reste de nombreux cas en suspens qui n'ont même pas fait l'objet d'une demande de régularisation. « Je crains, nous dit à son tour Alain Martinet, que le dossier chaud de la rentrée ne soit la question des nouveaux clandestins ». Si, comme on peut le craindre, des mesures d'expulsion sont prises, c'est pour ne pas être pris au dépourvu et pour mieux affronter une telle perspective que les organisations syndicales le MRAP, le C.L.I.M.E., l'A.S.T.I., et d'autres se concertent pour définir une position réaliste et ferme sur ce point. Certes, le travail clandestin ne traduit pas à lui seul le vécu professionnel de tous les immigrés. Le privilégier par rapport à d'autres situations, où tout n'est pas rose non plus, c'est parer au plus pressé. Sommeil à vendre Les situations face au logement sont, elles aussi, très disparates. Quoi de commun en effet entre le quartier du Mazet dans le vieux centre-ville où, dans des maisons délabrées, des logements insalubres sont source de profits assez confortables pour les marchands de sommeil, et le nouveau foyer de la rue Cadenne appartenant à l'Association pour le Logement des Travailleurs Migrants de Clermont-Ferrand? Que dire de plus sur cet habitat vétuste des centreville qui n'ait été dit: il contribue à exploiter encore un peu plus une catégorie qui n'en peut plus. Mais le souhait de la municipalité est d'y mettre fin, tout en ne Place de Jaude, un dimanche comme les autres. rejetant pas les locataires actuels à la périphérie, où les problèmes ne manquent pas non plus. Les solutions existent quand on veut accorder au temps passé hors travail toute l'attention qu'il mérite. Le foyer Cadenne en est la preuve. Avec l'aide de l'O.P.A.C. et de la municipalité, il a été possible de rénover un petit immeuble ancien de taille modeste, et d'en faire une unité où seize personnes maximum disposent dans des chambres à une ou deux places de tout le confort nécessaire et de locaux communs étudiés selon leurs besoins, tout ceci à portée immédiate des commodités en tout genre offertes par la ville. Le plan de rénovation entamé auparavant par la même association dans le foyer de l'Hôpital Général, prend ici valeur d'exemple et innove par rapport aux pratiques antérieures en matière de foyers de travailleurs ... Mais ceci ne concerne que les travailleurs isolés. Ceux qui sont venus avec leurs familles, pour l'essentiel, se partagent avec les familles françaises modestes les cités périphériques, Croix Neyrat, Flamina. Comme celles des autres villes, elles cumulent les erreurs de conception, les inconvénients nés de l'éloignement du centre, la quasi-inexistance de vie communautaire, même si des travailleurs sociaux, il faudrait dire des militants, font un travail colossal pour pallier à ces manques. Ne parlons pas des structures scolaires, alors que l'encadrement est inadapté pour des classes qui peuvent regrouper des enfants de cinq ou six nationalités différentes, et parfois plus. Chacun s'accorde à dénoncer ces concentrations inhumaines dans lesquelles les pro blèmes nés de la cohabitation d'ethnies diversifiées ne sont que peu de chose comparés à ceux nés d'une conception aberrante de l'urbanisme po- 25 pula ire. La réflexion désabusée d'une conseillère municipale: « La seule vraie solution serait de tout raser», en dit long sur la complexité des réformes à entreprendre, de leur caractère presque désespéré. Pas de « limonade» pour les Maghrébins On comprend mal alors l'acharnement de certains à jeter de l'huile sur le feu qui couve. De ces patrons de bar, par exemple, qui refusent l'accès de leur établissement aux immigrés, surtout s'ils sont jeunes. Bizarrement, ce ne sont pas eux qui sont sanctionnés au nom de pratiques discriminatoires. Mais les jeunes et sy~pathiques gérants du « Flore», qui avalent fait de leur établissement un lieu où les jeunes Maghrébins, et pas uniquement eux, pouvaient se retrouver en toute confiance, n'ont pas pu renouveler leur bail; leur pratique de la limonade j~rait, aux yeux du propriétaire des lieux, avec celle des autres tenanciers. Sans compter la sollicitude de la police locale dans ses contrôles que la presse a étalés dans ses colonnes avec une mauvaise foi évidente. Cela s'est terminé par une fermeture administrative, sur laquelle les autorités, pressées par les responsables locaux du MRAP sont revenues, reconnaissant même de façon implicite qu'il y avait eu abus de la part de fonctionnaires un peu zélés. Il faudra probablement encore de nombreuses semaines pour l'amitié entre les peuples, plusieurs quinzaines du cinéma pour l'amitié entre les peuples, comme celles organisées par le MRAP de Clermont-Ferrand en mars 1982, avec le soutien de nombreuses associations pour convaincre ceux qui en ont le plus besoin. Un difficile combat d'avant-garde ... Dominique DUJARDIN UJ Z o f5 z o
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Après plus de deux siècles d'anglais forcé, la belle province a retrouvé sa langue et son identité. Les gens d'ailleurs, en arrivant, tentent de sy faire. COMMENT ON DEVIENT Une croix géante au sommet du Mont-Royal teinte de chrétienté l'atmosphère de Montréal. Sur les bords du Saint-Laurent, l'immense métropole étale ses avenues interminables et consciencieusement symétriques ... SainteCatherine, Maisonneuve, Sherbrook ... Deux millions huit cent mille habitants. Une même ville, un même nom d'un bout à l'autre, incapable de refléter l'antagonisme des quartiers dont les façades n'ont rien de commun et dont les populations rivalisent farouchement depuis des siècles. Population anglophone à l'ouest (40% de la population montréalaise et 20% de la population québécoise) vautrée dans le confort, le luxe et la satisfaction que lui a longtemps procuré sa situation de peuple dominateur. A l'Est, les populations francophones qui redressent timidement leurs têtes d'anciens «porteurs d'eau» opprimés, d'anciens « nègres blancs» de l'Amérique. Elle n'a pas été rose, la vie de tous les Français qui, sur les pas de Cartier, traversèrent l'Atlantique. Ils s'établirent sur les étendues blanches et inhospitalières de la Nouvelle France. Il fallut d'abord livrer bataille aux Indiens (ou se mélanger en catamini) ; puis croiser le fer avec les Anglais pour qui l'Empire britannique n'était jamais trop grand. Vite écartés de toutes les activités industrielles naissantes et refoulés dans les 26 campagnes, ils ne sont plus, quelque temps après, que les canadiens français d'un pays anglicisé. Le terme aujourd'hui fait sourire par sa désuétude : car dans l'est de Montréal, « tabernacle de calice! », on ne se sent plus ni canadiens, ni français mais bel et bien québécois ! Rue Saint Denis C'est la rue St Denis, autrefois triste et délabrée, mais orientée nord-sud (donc française à ses deux bouts), qui reflète aujourd'hui le mieux le renversement de situation dont le Québec est le théâtre. Ses multiples boutiques, la dégaine de ses passants expriment la libération de toute une jeunesse issue de la « révolution tranquille» et fière de son identité québécoise. Maisons roses, vertes ou bleues posées comme de gros gâteaux à la crème entre les arbres, anoraks, bonnets, cheveux longs, moustaches presqu'américaines, presque européennes, la rue Saint-Denis déborde aussi de galeries de peinture, de librairies, d'ateliers, de cafés où il fait bon « ëmmener la blonde avec qui on est en amour quand dehors l'hiver s'étire et qu'ilfait ben trop frete pour sortir ». Les boîtes à chansons, que le souvenir de Félix Leclerc et du Petit bonheur ne hantent plus depuis que des trombes d'autres musiques s'y Poulets au sirop d'érable Préparation: 25 mn - Cuisson: 1 h. 3 poulets (poussins) - 80 g beurre -50 g farine - sel - poivre - 120 g d'oignons - 2dl sirop d'érable - anis - sarriette en poudre - 2 dl eau. Prendre des poulets très jeunes. Plumer, vider et couper chaque poussin en 4 morceaux. Passer les morceaux dans la farine. Mettre le beurre dans une sauteuse et faire dorer les morceaux de poulets, sel, poivre, les retirer et les disposer dans un plat allant au four. Faire rissoler dans le beurre de cuisson les oignons épluchés et coupés en rondelles. Verser sur les poulets. Assaisonner et saupoudrer avec un peu d'anis et de sarriette en poudre. Napper chaque morceau avec du sirop d'érable. Déglacer la sauteuse avec 2 décilitres d'eau, faire chauffer. Arroser le plat et mettre à four moyen non couvert, pendant 30 à 40 minutes. Un habitant du nouveau monde. déversent, sont aussi un signe évident de l'émancipation des francophones et de l'explosion de leur culture. La chanson québécoise tiraillée entre le folklore, les courants musicaux américains et la chanson française classique s'est faite symbole. Jean-Pierre Ferland, Gilles Vigneault, Diane Dufresne, Pauline Julien ou Charlebois sont, depuis une dizaine d'années, les meilleurs ambassadeurs de la Belle Province à l'étranger et les plus beaux exemples du réveil d'un peuple avili qui n'avait plus que sa terre et sa langue comme garants de la survie. Ah ! le français, la belle langue héritée des lointains ancêtres coureurs de bois, paysans et aventuriers, comme ils y tiennent ces Québécois pure laine aux noms . fleurant bon notre terroir et comme ils s'en sont faits d'ardents défenseurs face au redoutable ennemi que constitue l'anglais! « Used Cars », « Chars Usés » ... Et voitures d'occasion Depuis 1974, le Français est enfin devenu la langue officielle du Québec. « de plus en plus, au Québec, c'est enfrançais que ça se passe », et « lefrançais,je le parle par coeur » scande Télé Université. De quoi exaspérer les anglophones obstinés, refoulés dans leurs maisons cossues de Westmount (les Québécois refusent souvent de s'adresser à eux en anglais !) et de quoi. remettre sur le droit chemin les franglophones maladroits dont l'esprit de conciliation avait abâtardi la langue. Progressivement les panneaux se sont francisés: Used cars est devenu chars usés puis voitures d'occasion. Le Québec est le seul endroit au monde où la pancarte stop est doublée de sa traduction: « arrêt! » Les nègres blancs, autorisés à parler le français dans leurs activités professionnelles, peuvent enfin dire « merde » à leurs patrons anglais, sans ne plus bafouiller une vague excuse! Las de voir leurs librairies envahies par nos romans hexagonaux et une littérature assimilée au seul souvenir de Maria Chapdelaine, les Québécois se sont mis à écrire. Délaissant 28 leurs forêts natales, ils ont abordé des thèmes nouveaux: des écrivains tels que Vallières, Godbout, Méron ... ont fait de la littérature québécoise une littérature engagée, dès les années 50, dans les luttes politiques que le gouvernement n'osait mener. Et puis, et puis ... dans les cafés et dans les rues de l'est de Montréal, à Québec ou en Gaspésie, les filles, les Québécoises, n'ont-elles pas soudain la démarche et le look de femmes épanouies, enfin bien dans leur peau? Signe des temps, retombées d'un mouvement général dans. le monde occidental, les Femmes du Québec se sont libérées. Leur révolte a été la résultante d'une explosion générale des moeurs et l'expression d'un mouvement profond de ras le bol après des siècles de main-mise totale de l'Eglise sur l'éducation. Il faut vraiment les entendre évoquer leur jeune enfance entre prières et mères supérieures, pour apprécier le pas énorme qu'elles ont accompli en 15 ans. 15 Novembre 76: « Le Grand Soir» « Je n'ai jamais pensé que je pouvais être aussi fier d'être québécois que ce soir », clame René Levesque le 15 novembre 1976, quelques heures après la victoire de son parti, le Parti Québécois. L'émotion que trahit ses paroles est loin de masquer sa surprise considérable de voir le P.Q. porté soudain à la tête de la province: un mois plus tôt rien ne le laissait présager. Tout s'est passé très vite. Robert Bourassa, premier ministre libéral de la province depuis 1970, croit le moment venu, en octobre 76, de dissoudre l'Assemblée et de provoquer des élections. Le parti Québécois entreprend une virulente campagne contre le parti libéral, fédéraliste et réactionnaire, pour la victoire de ses idées sociales-démocrates et indépendantistes. En quelques jours, Montréal et le reste de la province se couvrent de slogans et d'affiches favorables au P.Q. Les Québécois semblent se mobiliser et prendre conscience de la formidable occasion qui leur est offerte d'assainir la situa- Un optimisme un peu précoce. tion financière catastrophique de la province et de prendre en main sa destinée sans toujours recourir aux autorités fédérales. Au matin du 15 novembre, tandis que la première neige tombe sur Montréal, rien pourtant n'est encore sûr. A 20 heures, les Québécois et les canadians (anglophones) attendent anxieusement devant leur télévision. Et brusquement, bien que le système de sondage n'existe pas au Québec, les premiers résultats se révèlent favorables au P.Q. La joie explose dans les foyers et déferle quelques minutes plus tard, dans les rues glacées, en direction du centre sportif Paul Sauvé, dans l'est de la ville, où les chaines de télévision leur ont donné rendez-vous. Les Québécois, badges à la boutonnière: « Je suis fier d'être Québécois», affluent en masse, acclament les personnalités du parti qu'ils viennent de porter au pouvoir. Cris d'allégresse, discours, musique, ils reprennent en choeur, en guise d'hymne, la chanson de Vigneault : « Gens du pays, ("est notre tour de se faire parler d'amour ... » Tard dans la nuit, tous repartent vers la rue St Denis, danser et boire de la bière Molson. Pour clôturer cette nuit de fête, les plus vaillants tentent une percée dans l'ouest afin de narguer par leurs cris de joie, les anglophones assoupis dans la morosité et la déception. Les yeux lourds de sommeil, la voix cassée par cette nuit historique, tandis que la neige tombe toujours sur la ville, les Québécois voient apparaître, au matin, les premières pancartes sur les demeures des anglophones: For sale (en vente). Les mois qui suivent sont marqués par un départ massif des Canadians vers les provinces anglophones; un mouvement qui continue aujourd'hui enc'ore ... Les avatars d'une révolution tranquille En fait, cette victoire est l'aboutissement d'un long processus amorcé dans les années soixante. A cette époque, l'industrialisation avait pratiquement achevé de désarticuler la société québécoise traditionnelle. Dans leur 29 grande majorité, les habitants se sont retrouvés dans les centres Industriels comme cheap-Iabor. Duplessis, le patron de l'Union-Nationale, qui avait régné en maître sur le Québec pendant seize ans, ne pouvait plus malgré l'aide du clergé, maintenir les Québécois dans l'ignorance, au' fond de leur campagne. Il ne pouvait plus empêcher les gens de se poser des questions et de vouloir commencer à vivre autrement. En 1956, Pierre E. Trudeau décrivait les Canadiens-français comme un «peuple vaincu, occupé, décapité, diminué en influence dans un pays qu'il a pourtant découvert». Pierre Vallières, lui, se souvient d'un pays « muet, immobile comme un grand corps exsangue, (où) des vivants s'interrogeaient tout à coup comme s'ils étaient en danger de mort ». Depuis, les choses ont vite changé. En 1960 débute une phase d'expansion économique. Ce qu'on a appelé la révolution tranquille en est l'expression politique. Le Parti Libéral, dirigé par Jean Lesage, arrive au pouvoir, cette année-là, après un hiver où le chomâge a atteint 14%, jusqu'à 20% dans les régions périphériques comme la Gaspésie; un hiver au plus profond de la récession. Avec la reprise, les artisans de la Révolution tranquille se lancent dans une série de réformes qui visent, avant tout, à moderniser les structures de la société québécoise pour les adapter au stade de développement atteint par le capitalisme. Les li béraux, insistant sur le rôle de l'Etat, le présente comme un outil de contrôle de l'économie du Québec par les Québécois, plus précisément par les Québécois francophones. Le fameux slogan: « MaÎtres chez nous» ponctuera la campagne électorale en faveur de la nationalisation de l'électricité en novembre 1962, à l'initiative de René Levesque. L'hydroQuébec avait vu le jour en 1944, sous le gouvernement libéral de Godbout, lors de l'étatisation de la Montréal Light, Heat and Power. La nationalisation de tout le réseau permettra de rendre le service plus accessible (et c'est indispensable dans une province aux dimensions du Québec) et même d'en diminuer le coût en certains endroits, tout en favorisant la promotion de cadres francophones à l'Hydro-Québec. Boulevard Dorchester (Montréal) 30 L'Etat québécois, comme on dit déjà à cette époque, multiplie ses interventions. Il crée la Caisse de dépôts et placements, la Société québécoise d'exploitation minière ou d'initiatives pétrolières ... Bref, il multiplie ce qu'il présente comme des leviers de l'économie québécoise. Cet envol commence à s'essoufler dès 1964. Un divorce se prépare au sein du Parti Libéral, entre une aile plus conservatrice et fédéraliste, dirigée par Jean Lesage, et l'autre plus réformiste et nationaliste, animée par René Levesque. Les libéraux garderont le pouvoir jusqu'en 1966. Ils céderont la place à Daniel Johnson et à l'Union Nationale qui opère ainsi un dernier « comme-back » Mais la révolution tranquille reste surtout dans les mémoires comme la fin de l'ère Duplessis et de son régime paternaliste, assez proche, finalement, de celui d'un Salazar. Elle se traduit 'surtout par l'effervescence des idées et une floraison de projets, dont l'idée même d'indépendance. Dès 1960, le Rassemblement pour l'Indépendance Nationale voit le jour. Il recueillera 10% des voix en 1966. Entre temps, le terrorisme indépendantiste éclate. En 1963, le Front de Libération du Québec (F.L.Q.) fait exploser sa première bombe devant un bâtiment de l'armée canadienne. En 1968, la loi martiale sera proclamée, et le ministre Laporte assassiné. Cette année-là, les idées indépendantistes se concrétisent: conduits par René Levesque, les transfuges du Parti libéral fondent le Mouvement Souveraineté-Association (MSA), qui devient le Parti Québécois (P.Q.) Le P.Q. va absorber, sur sa gauche, les militants du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) qui se dissout, et, sur sa droite, le Ralliement National (RN). Deux ans plus tard, en 1970, le P.Q. recueillera 24% des voix lors des élections d'avril. Depuis le P.Q. a remporté par deux fois les élections provinciales, en 1976 et en 1981. « Gens du pays » ... Et d'ailleurs Les francophones du Québec semblent être sortis de leur traversée du désert et avoir pris leur destinée en main. Reste à régler le grave problème des immigrants qui, bien que détendeurs de la nationalité canadienne au bout de trois ans de résidence, sont encore loin de faire partie intégrante de la population québécoise: « J'ai beau avoir un passeport canadien et être née au Quebec, avoue Anastasia, une jeune fille dont les parents grecs ont immigré il y a 30 ans, je me sens étrangère! » Elle n'est pas la seule dans ce cas, puisque tous les étrangers rassemblés sous le nom de Néo-Québécois ressentent avec acuité leur isolement. Pourtant, le terme de Néo-Québécois devrait convenir à tous les habitants du Québec à l'exception des Amérindiens, comme le soulignait, un jour, un jeune Indien Montagnais: « Nous sommes les seuls Québécois véritables» disait-il, et sans doute n'avait-il pas tort. Mais la question indienne mériterait un autre développement. ... Si les rues de Montréal ou de Québec expriment une libération générale, elles reflétent aussi, le problème complexe des immigrés. Le long du Saint Laurent, les Pizzas Napoli voisinent avec les restaurants Plaka, les Peluquerias Bilbao et la chaîne de magasins Steinberg. C'est peut-être un Haïtien à l'accent chantant qui vous conduira dans les ruelles étroites de Chinatown. Comme à New-York, il est possible à Montréal de parler sept ou huit langues différentes au cours de la journée, toutes ces minorités ayant gardé l'habitude de conserver dans leur langue maternelle. Voltaire ou Shakespeare? Depuis le début de son histoire, la province québécoise accueille les immigrés de toute nationalité, désireux de s'y établir. En 1831, les étrangers sont déjà 5000, pour 660.000 Français et 215.000 Anglais. Depuis la guerre, les immigrés -
~- -~~--~-~-- --------------------------------"""!"'\ Chinatown (Montréal) arrivent au rythme de 25.000 par an et sur les 63 millions d'habitants que compte le Québec, aujourd'hui ils représentent environ 1 million de personnes appartenant à 80 groupes ethniques différents. La plupart se sont naturellement installés à Montréal ou à Québec, délaissant la province où il leur était difficile de trouver un emploi. Selon leur origine, leur religion, leur activité professionnelle, le lieu de l'époque de leur arrivée, ils ont choisi l'anglais ou le français comme langue quotidienne. Ainsi les Italiens qui constituent un groupe énorme de 180.000 personnes et dont les restaurants jalonnent presque toutes les rues des grandes villes, ont volontiers appris l'anglais en s'installant à Montréal. Mais ceux qui ont choisi de vivre à Québec, ville profondément francophone, ont dû apprendre le français. Les Portugais spécialisés dans le commerce de l'épicerie, de la coiffure ou de la chaussure sont à peu près 50.000. Une grosse majorité d'entre eux parlait le français en arrivant au Québec pour l'avoir appris en France, où ils avaient immigré dans un premier temps. Ceux qui les ont suivis ont donc naturellement aussi appris la langue de Voltaire plutôt que celle de Shakespeare. 31 Les grecs eux, ont afflué au Québec dès la fin du 1ge, sur les pas de l'un d'entre eux, Gerassimos, qui fonda dès son arrivée un restaurant du même nom. 5000 de leurs restaurants offrent aujourd'hui aux Montréalais moussaka et souvlakis. Mais n'étant pas catholiques, ils n'ont pu bénéficier à leur arrivée de l'enseignement des écoles françaises puisque celles-ci étaient entièrement contrôlées par l'Eglise. Ils ont donc appris l'anglais, la langue du commerce, et aujourd'hui, même dans les quartiers francophones, les serveuses québécoises doivent transmettre en anglais les commandes aux cuisiniers grecs! Très attachés à leur pays (ils ont combattu pendant la guerre des Balkans et pendant la campagne d'Asie mineure, aux côtés des leurs), les Grecs vivent entre eux dans un des quartiers les plus pauvres de Montréal et leurs enfants continuent de parler grec avec eux. A l'heure actuelle, les Asiatiques constituent le gros de l'immigration. Les dernières statistiques indiquent que, sur 22.500 immigrants entrés au Québec, l'année dernière, 16% étaient Vietnamiens, 10% venaient du Kampuchea et 7% du Laos. Les derniers arrivés sont naturellement obligés d'apprendre le français en vertu de la loi 101 sur la francisation de l'enseignement. Mais jusque là, étant donné leurs activités, ils Il' DES CHI F'FRES ... En 1535 Jacques Cartier découvre le Canada. Se servant des Iroquois comme guides, il remonte le fleuve SaintLaurent jusqu'à Hochelaga, l'actuel Montréal. Bien plus tard, en 1603, arrive Champlain, le véritable père de la Nouvelle France. En 1608, il fonde la ville de Québec, deux ans après le début des hostilités avec les Anglais. Montréal, ancienne Ville-Marie, n'est fondée qu'en 1643. Un siècle après l'arrivée de Cartier, la colonie ne compte que 2500 habitants blancs. Colbert décide alors de réorganiser cette nouvelle possession: des colons sont expédiés OutreAtlantique (soldats, filles du roi, en fait prostituées raflées dans les grandes villes, comme Manon Lescaut, déshérités, déclassés ... ). En 1750, la Nouvelle France englobe toute la vallée du Saint-Laurent, les Grands Lacs, la vallée du Mississipi, jusqu'au golfe du Mexique et compte 85.000 habitants. La nouvelle Angleterre est vingt fois plus petite mais compte un million et demi d'habitants. La suite est logique. En 1759, Québec tombe, puis les forts de l'Ohio et des Grands Lacs, enfin Montréal. La défaite consommée, les administrateurs français rentrent en France. Restent les « habitants» ( paysans », en québécois) : des soldats, quelques petits seigneurs et commerçants, et le clergé qui va servir d'intermédiaire entre vaincus et conquérants. Il devient le roi-nègre de la colonie. Forts de la collaboration du clergé, les Anglais laissent libre exercice à la religion catholique dans toute l'étendue du Canada, alors réduit à la taille de l'actuel Québec. En 1791, ils séparent le Canada en Haut-Canada, à majorité anglaise, et Bas-Canada afin de sur-représenter sa minorité anglophone. En 1792, par exemple, sont élus 35 députés de langue française et 15 députés de langue anglaise ... alors que les Anglais 'ne forment qu'un quinzième de la population. L'anglais devient la langue officielle dans les deux Canada. En 1837, face aux menaces de plus en plus précises de génocide culturel, les francophones déclenchent ce qui restera dans l'histoire de Québec la révolte des patriotes. Révolte qui échoue et qui va se payer au prix fort: pendaisons publiques, arrestations, loi martiale ... C'est le début d'un exode qui va faire fuir un demi million de Québécois entre 1837 et 1910. «Peuple sans instruction, sans histoire, sans littérature», selon le gouverneur Durham, les frantOphones du Canada, les futurs Québécois, vont entrer dans la nuit de l'histoire. Ils n'en sortiront qu'un siècle plus tard. Entre temps, en 1867, les co.lonies britanniques de l'Amérique du Nord se sont réunies pour former la Confédération canadienne sur la base d'une Constitution adoptée par l'Angleterre. ... ET DES DATES L e Québec est la plus étendue des 10 provinces canadiennes. Sa superficie de 1,5 million de km2 est deux fois supérieure à celle de la France et 7,2 fois à celle de la Grande-Bretagne. Les hivers sont, en général, très froids et très longs. Avec 6 millions d'habitants (23 millions pour l'ensemble du Canada) la province est peu peuplée. 54% de la population est concentrée à Montréal et dans sa périphérie. 70% des habitants sont âgés de moins de 40 ans. 40% de moins de 20 ans. Les Québécois francophones représentent 80,7% de la population. Les anglophones moins de 20%. Le Québec est très riche en réserves minérales. La forêt qui couvre la moitié du territoire a fait naître une industrie très puissante, celle de la pâte à papier. L'a2riculture n'emploie que 8% de la population. Le Québec est au 2e rang en ce qui concerne le revenu par habitant. Par son PNB, il est au 23e rang des nations. Il est au Il e rang pour le revenu national par habitant. A.H. 32 DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 Un long combat ... préféraient parler la langue du commerce grâce à laquelle ils pouvaient traiter sans problème avec leurs partenaires anglophones, à l'intérieur et à l'extérieur du Québec. Quant aux quelques 100.000 Noirs, ils ne vivent pas, eux, regroupés. Eparpillés à travers la ville, certains viennent des U.S.A. et plus particulièrement des provinces du sud dont le racisme leur est devenu intolérable. Ceux-là parlent l'anglais. D'autres, arrivés des Antilles, parlent le Français, langue généralement apprise par les immigrés de Saint-Domingue ou de Porto-rico. Mais les plus nombreux sont aujourd'hui les Haïtiens. Fuyants un pays où les conditions de vie sont devenues insupportables, ils sont à peu près 30.000. Nombre d'entre eux ne parlent que le créole et les enseignants s'emploient à leur inculquer des rudiments de français. Les seuls véritables francophones dès leur arrivée au Québec, ce sont les Belges (400 l'an dernier), les Libanais (700) et les Français (1500). Pour ces derniers, le Québec demeure une sorte de terre promise surtout depuis un certain nombre d'établissements leur ont été vendus. Quant aux véritables anglophones, il en arrive toujours des Etats-Unis et les J:es Britanniques, mais depuis la victoire du P.Q., ce mouvement semble se ralentir et la communauté anglaise a tendance à diminuer. Les toques noires des Hassidim sur la neige ... Dans le quartier de Jeanne Mance, recouvert d'une mince couche de neige, les redingotes et les toques noires des Hassidim forment un étrange contraste avec le blanc omniprésent. A la porte des synagogues, en ce samedi matin, ils sont nombreux à se dire quelques mots avant de regagner leur foyer. Exilés de Pologne, de Russie et de Hongrie au début du siècle, ces croyants aux vêtements étranges sont, aux yeux de beaucoup de Montréalais, les seuls représentants de la communauté juive. Pourtant, au Québec, les juifs sont aujourd'hui 130000. Loin de constituer un groupe homogène, ils sont, eux aussi, divisés selon leurs origines et principalement en deux grandes communautés rivales: l'une ashkénaze et anglophone, l'autre séfarade et francophone. Arrivés au Québec dès la fin du 1 ge, les ashkénases, n'ont pas ... pour quel avenir? eu le choix: ils ont dû fréquenter les écoles protestantes anglophones. Cette obligation leur convenait d'une certaine façon puisque leurs profession impliquaient l'usage de l'anglais. Entre eux, ils continuèrent de parler le yiddish. De nos jours encore, cette communauté extrêmement conservatrice vit repliée sur elle-même, au coeur des ghettos dorés qu'elle s'est construits dans l'ouest de Montréal. La communauté séfarade est venue en grande majorité du Maroc depuis 20 ans. Elle a choisi le Québec pour des raisons linguistiques évidentes. Il n'était pas question pour elle de faire apprendre à ses enfants une autre langue que le français. Elle n'a que peu de rapports avec les ashkénazes .. « Nous ne parlons pas la même langue, m'explique un juif hongrois, et nous avons des coU/urnes différentes sur le plan religieux ». Pendant que les Ashkénazes fêtent Hanouka autour de la carpe farcie dans les salons de leur centre communautaire, les Séfarades s'assemblent dans le leur autour d'un couscous, en échangeant des nouvelles de la famiiie et des amis demeurés à Marrakech ou à Rabbat. La «souveraineté association»? Peut-être ... A l'exception de quelques groupes, plus soudés que les autres, les Néo-Québécois ne forment pas un ensemble cohérent. Le bilinguisme, officiel au Québec jusqu'en 1 974, n'est pas étranger à ce phénomène. Mais depuis que le Parti Québécois est au pouvoir, que la charte de la langue française a été votée, nulle hésitation ne subsiste. Selon cette charte, l'enseignement doit se donner en français dans les écoles maternelles, primaires et secondaires du Québec. Dérogation ne peut-être accordée qu'aux enfants dont les parents ont reçu un enseignement primaire en anglais, et à ceux qui fréquentaient,déjà des écoles anglaises avant août 77. Tous les nouveaux immigrants doivent donc apprendre le français. Cela n'est pas au goût de tous. Ce qui l'est encore moins, c'est le projet de souveraineté assuciation. Il vise à assurer la souveraineté politique du Québec, à en faire un Etat indépendant, mais associé économiquement au reste du Canada, comme la France peut l'être 33 au reste du Marché commun. Or c'est le Canada que de nombreux immigrants ont choisi comme mère patrie, même s'ils se sont installés au Québec, ils se plaignent de voir le gouvernement changer les règles du jeu. De plus, nombreux sont ceux qui ont voulu fuir, avec leur pays, les luttes nationalistes. Ils ne voient pas d'un bon oeil se déchaîner autour d'eux de nouveaux affrontements politico-ethniques. Ces réactions, souvent irrationnelles, ont entraîné une défaite du P.Q. lors du référendum de 1980 sur le problème de la souveraineté association. Mais René Levesque, profondément attaché à son projet, n'a cependant pas abandonné la partie. En 1981, le P.Q. a remporté un véritable triomphe aux élections provinciales
- fort de ce succès, il a réaffirmé, lors de son dernier
congrès, en décembre, son attachement à l'idée de souveraineté québécoise ... Reste à déterminer par quel moyen, et on n'a pas fini d'en discuter. Josette SICSIC avec la collaboration de Alain HERBETH lIOII Délégation générale lIkJII du Québec Services culturels 117. rue du Bac. 75007 Paris Téléphone . 222.50.60 Un lieu de rencontres avec les différents aspects, les diverses disciplines de la vie culturelle du Québec. Expositions (peintures, sculptures, photos environnements). Lancements d'ouvrages québécois récents. Projection hebdomadaires de fi/ms québécois. Une importante Bibliothèque (plus de 11.000 vol.). Une Cinémathèque de plus de 250 titres (fi/ms, vidéos, diaporamas). Les Services Culturels participent également à des manifestations cultureUes présentées en territoire français et touchant le Québec. Les colonies Defferre-Trigano, vous connaissez sans doute. Mais il n'y a pas qu'elles. Pendant l'été, les jeunesses ont voyagé, en France et à l'étranger. Que reste-t-il de leurs rencontres? LES VACANCES DES BANLIEUES: RETOUR A LA CASE DÉPART. Invitation au voyage pour 15000 jeunes. A part Pierre Perret, on n'avait guère l'habitude, en France, de parler des colonies de vacances. Cet été pourtant, elles ont eu les faveurs de la presse. Le gouvernement a lancé -bruyamment - une campagne antiEté chaud vers les enfants défavorisés des banlieues, une catégorie qui rassemble, on s'en doute, beaucoup d'enfants d'immigrés. Un mois après la rentrée, nous avons voulu mesurer les acquis, vérifier si les vacances avaient été un lieu où se rencontrent les cultures (ou les non-cultures). Pour ouvrir ce débat, nous avons choisi trois types d'expériences: l'opération ministérielle, une colonie normale, et un voyage d'adolescents en Tunisie. Les colonies Defferre- Trigano ont beaucoup fait parler d'elles. L'expérience débordait de bons sentiments, de moyens et de publicité. 340 jeunes, supposés prédélinquants, ont quitté leurs banlieues, lyonnaise ou marseillaise, pour l'Ardèche. Du ballon de foot à l'ordinateur, tout était là pour les accueillir: cinquante animateurs du Club Méditerranée ou des services sociaux de la police et une équipe de télévision pour filmer le tout. A voir les gamins chanter du disco en play-back dans un spectacle qu'ils organisaient, on se sentait un peu mal à l'aise. Dans l'ensemble, Antillais, Maghrébins et Européens semblaient recevoir collectivement une masse alléchante de divertissements baifalisés, où toutes les différences culturelles étaient mises à plat, gommées par cette télé-culture. Les vacances terminées, ils ont dû rendre les amplificateurs et rentrer dans leur banlieue. L'opération était certes méritoire, mais menée dans ces conditions irréelles, elle ne pouvait qu'être un changement de décor sans lendemain. Pour quelques jours, on oubliait la zone pour un club Méditerranée version économique. De vraies vacances, certes, mais incapables de modifier les rapports des différentes communautés urbaines. « Une réussite» cependant pour Pierre Mauroy et Edwige Avice, qui ont constaté que le calmé a régné cet été dans les cités assez agitées l'an dernier. Au total quinze mille jeunes qui n'avaient eu ni vacances ni loisirs s'en sont vu proposer. Indéniablement, cela crée un choc psychologique qu'il s'agit d'amplifier par de nouvelles mesures. Ils croient que là-bas, c'est le désert partout Jean-Pierre R. n'a pas d'ordinateur. Depuis 18 ans, il se débrouille autrement. D'origine antillaise, il recrute pour les 34 colonies qu'il organise des animateurs étrangers. Banlieue pour banlieue, ses adolescents viennent de Bezons (Val d'Oise). La moitié sont d'origine immigrée, mais « avec ma tête et celles de mes animateurs, ' les enfants comprennent vite que ce n'est pas une colonie ordinaire ». Je l'ai rencontré avec Rachid et Zora, deux moniteurs algériens: « Laprésence d'animateurs algériens est capitale pour les enfants maghrébins, parce que Rachid et Zora sont à l'image des succès de leur pays. Rachid est ingénieur et Zora professeur,' les enfants ont sous les yeux une réussite potentielle. » Rachid ajoute: « Les enfants peuvent se référer à nous et sont étonnés. Ils ont entendu que là-bas, c'est le désert partout et que tout le monde crève de faim . » Zora: « Ilfaut dire qu'ils ne connaissent pas l'Algérie. Pour ceux qui y vont, ça signifie un passage à Alger, et de longues vacances au village, où ils s'ennuient entre les parents et les visites de lafamille; pas grand-chose d'autre, en fait, qu'à Bezons ». L'opération, comparativement, semble là, plus fructueuse. Les enfants immigrés se sentent valorisés, fiers d'être étrangers, les Français curieux d'apprendre les chants arabes des moniteurs. Dans un contexte où les activités les pé- Rester dans la zone. na lisent moins que, par exemple, l'enseignement du français au collège, les enfants étrangers peuvent vivre sur un pied d'égalité avec les autres, ce qui crée les conditions d'un échange culturel. Le remède n'est pas universel. Tous reconnaissent qu'une telle action nécessiterait un suivi, un développement pendant l'année des activités péri-scolaires et sportives, ce qui suppose une attention particulière des pouvoirs publics. L'initiative ministérielle, à ce titre, est un espoir. Mais à Bezons, certaines barrières tombent: les contacts de vacances ont débordé le cadre de la cité, voire du bloc de bâtiments, l'information a circulé, on a un peu appris les autres. Tous les pays du Maghreb ont bénéficié dans l'esprit des enfants, du prestige des animateurs algériens. De pays supposés, presque naturellement, inférieurs et assistés, ils sont devenus source de curiosité et de fierté culturelle. Du coup, les enfants prennent conscience de la valeur de leur pays. Pour les immigrés de seconde génération, c'est un capital de culture qu'ils acquièrent, monnayable d'égal à égal. A court et moyen terme, c'est un gain. Reste la troisième expérience: ne pas attendre que le pays étranger vienne à vous, mais aller à lui. Nous publions le journal réalisé par un groupe d'adolescents en voyage en Tunisie. Nous n'avons pas cherché à arrondir les angles de ce récit. Le contact des cultures s'y avère parfois un peu rude, mais on voit que ce sont précisément ces interrogations qui font avancer la reconnaissance mutuelle. Depuis leur retour de Tunisie, les adolescents de Dreux mettent sur pied une exposition qui rendra compte de leurs contacts. En tout· état de cause, la réflexion reste ouverte. Au moment où il paraît de plus en plus vital de favoriser l'amitié entre les peuples, il faut attirer l'attention des pouvoirs publics sur l'éducation des jeunes, et surtout réfléchir aux moyens les plus adéquats pour l'assumer. M. Pierre Beregovoy le soulignait en tirant les conclusions -de l'expé-rience de l'été (Le Monde, 16 / 09 / 82): « entre l'été 1982 et l'été 1983, il faut qu'il se passe quelque chose. Les suites de l'opération s'appellent insertion, formation, lutte contre le chômage. » Pierre ROUSSEAU JOURNAL .DE BORD Lundi 5 - Arrivée à Tunis Mercredi 7 - Départ pour Tabarka. Au départ de Tunis, trois compagnies de car se sont disputées notre clientèle: 15 pas~ sagers d'lin coup ; une aubaine. Nous avons obtenu une réduction de 10 dinars, même les tarifs publics peuvent être marchandés. Dans le car, Brahim était assis près d'un oi vieillard tunisien, qui a voulu engager la ci •• ___ L. __ " de tapis conversation en arabe. Brahim ne pouvait que répondre: « Mais je suis fran- nous lancer des pierres, des bouteilles. çais, moi .. . non, moi je suis français» Après discussion avec le directeur de la avec un beau sourire et beaucoup de M.J.C., il semble que la délinquance juconviction. Mais, ce n'était pas suffisant vénile existe en Tunisie. Il se bat sans pour cet homme, un Arabe ne pouvait arrêt contre les déprédations, les vols que parler arabe. dans son établissement. Et, pourtant les Tunisiens ne sont pas des immigrés, Vendredi 9 - Sylvie est allée remercier le transplantés dans des cités H.L.M. , coudéputé de Tabarka qui s'était occupé de pés de leurs racines, agressés par une nous réserver les paillottes au village-va- société de consommation. Alors? cances. Il avait des amis de passage. Une Dimanche 12 _ Arrivée à Sousse. Ce soir, des invitées a voulu l'inviter à Sousse, chez elle, pour discuter de la condition l'air décontracté, nous nous sommes dide la femme tunisienne. Par politesse, rigés vers un hôtel: piscine, gazon et SylVi.e a commencé à décim. er l'.mv.lt a- e'clal' rage nocturne. Nous voulions y tion_ « Ah, vous les Européens, com- prendre un pot et jouer aux touristes ment vous faire comprendre? Si je vous argentés. A la porte, deux gardiens nous propose de venir, c'est que cela me ferait ont dévisagés mais nous devions avoir. plaisir. Sinon, je serais folle! Venez si ça l'al-r de vacancl-ers '. nous sommes passés vous fait envie, le dérangement, c'est sans pièce d'identité. Il n'en fut pas de même pour Khaled et Mohamed, nos mon problème. animateurs tunisiens: « Pas de tunisiens Samedi 1 0 - A Kairouan, on nous a mis ici». . en garde contre les marchands de tapis. Pour la première fois, nous avons pris Ils les achètent pour 70 dinars, et veulent conscience que les touristes en Tunisie vous faire faire une affaire en vous les r e ven dan t 200 (2500 f ra n c s vivent dans un milieu aseptisé. Ce ne français) ... ! sera pas la dernière. Les femmes sont payées un dinar de Mardi 14 - Nous sommes allés manger le l'heure, et il faut entre 50 et 100 heures de couscous comme prévu chez la Tunitravail pour en finir un. On est loin du sienne rencontrée à Tabarka. S. M. I.G. !... Nous avons beaucoup parlé de la condiIci, ce sont les femmes qui gagnent l'ar- tion de la femme en Tunisie. Les avis gent de la famille. Près de 15.000 étaient très différents, mais quand hommes sont au chômage ... « Et nous on même. Aucun pays du Maghreb n'a une n'est pas payés quand on est au chô- législation aussi avancée pour la défense mage », nous disent les Tunisiens. des droits de la femme: monogamie, diUn match de foot devait avoir lieu entre vorce, égalité des droits, etc .. . l'équipe de la M.J.C. et nous. Il a été Pourtant, la virginité reste une valeur interrompu par une bande de jeunes qui absolue aux yeux de tous. Au point qu'il sont venus nous injurier (paraît-il !) et existe des cliniques où les jeunes femmes 35 vont se faire refaire leur virginité avant le mariage! De même, pour les jeunes musulmanes intégristes, c'est un label supplémentaire que de porter les longues robes strictes, mais au tissu chatoyant, et ce tchador dont ne se privent pas les filles désireuses de se marier. C'est toute une comédie sociale qui se joue autour de cette virginité avec la complicité active des jeunes, filles ou garçons, et cela vraiment nous stupéfie. Merçredi 15 - Même les trains ne respectent pas les horaires. Il n'yen a pourtant que six par jour sur chaque ligne. Nous avons attendu plus de 40 minutes à Sousse le train pour Gabès. Salah n'a pas été étonné : en Tunisie quand on veut qu'une personne soit à l'heure, on lui précise que c'est un « rendez- vous français » ... Vendredi 17 - Nous sommes dans le sud. Ce ne sont plus les mêmes tunisiens. Le ramadan les rend sans doute plus irrascibles et ils supportent mal de nous voir boire dans la rue. Les animateurs ont demandé aux couples du groupe de ne plus s'embrasser dehors et même d'éviter de se tenir par la taille. En effet, plusieurs fois il y a eu des prises de bec entre des Maghrébins de notre groupe (marocains et Algériens) et des gens d'ici. Comme nous ne comprenons pas l'arabe, nous sommes des témoins impuissants et ce n'est pas agréable. Dimanche 19 - Oh, ces transports en car! Aucun n'aurait le droit de rouler en France ... Hier une plaque était dévissée. Elle voletait à 15 cm du sol pendant tout le voyage. Comme il fait très chaud, que les cars sont bondés, bien des voyageurs sont malades. Pas question de s'arrêter ou de prendre l'air. Ils écartent leurs jambes - ça tombe par terre, et quand on s'asseoit on n'a qu'à faire attention ... Lundi 20 - En allant à Matmata, dans le car, un Tunisien a invité Chouchou à se rendre dans un village berbère, hors des circuits touristiques. Matmata ! Une piste cahoteuse et poussiéreuse nous conduit à travers un paysage de désert montagneux. Un vrai dépliant touristique... Nous avons l'impression de ne jamais arriver tant notre voyage en bétaillère nous semble peu confortable. Nous visitons (nous sommes quand même là pour « voir» !). Une « vieille» femme à même le sol carde la laine des tapis dans un recoin de rocher, seule pièce de « la maison »; plus loin, un âne dans une obscurité pesante tourne inlassablement, depuis des générations nous semble-t-il, la meule du pressoir à h~ile. Rendez-vous à la tunisienne. Un très long tronc de palmier, par un système de levier, écrase les noyaux d'olives pour extraire l'huile. Le propriétaire nous en fait la démonstration, pas très concluante: le tronc sort de son axe, manque d'écraser Elisabeth contre le mur, meurtrit le doigt de son maître; plutôt dangereux ce système! Mardi 21 - Notre restaurant était accolé à une mosquée. Nous avons commencé à nous installer au chant du muezzin et, pendant ce temps, le canon a tonné. Il a fallu attendre que nos serveurs se soient restaurés pour manger. L'islam est partout, même dans la construction des villes qui se groupent par quartiers autour d'un minaret, pour respec;ter les capacités phoniques des imams. Retour aux sources de l'oasis. 36 Mercredi 22 - A Gafsa, les Tunisiens de Dreux nous attendaient. En deux jours, nous avons visité une usine de phosphate, découvert un oued et une oasis, mangé le couscous chez le président de l'association des Tunisiens et vu comment se passait la fête des morts. Tout le monde sort, le soir. Le cimetière est illuminé de lampions de toutes les couleurs. Les gens s'assoient sur les tombes, discutent, s'interpellent. On se croirait dans une kermesse. Il paraît même que les jeunes filles viennent là parce que cela leur donne l'occasion de se faire voir des garçons. On se presse dans les allées, on attend à la porte des marabouts, rien à voir avec la solennité et la tristesse d'usage à notre Toussaint. Jeudi 23 - Les jeunes Tunisiens sont de plus en plus désagréables avec les filles du groupe. Pourtant, elles s'efforcent de ne pas être provocantes: ni short, ni décolleté. Apparemment, cela ne suffit pas. Sans arrêt, dans la foule, elles sont frôlées, des mains s'égarent. A se demander ce qu'ils pensent des femmes françaises. C'est un jeu, certes, où nous ne risquons rien et surtout pas d'être violées mais c'est aussi agaçant que les mouches ou les moustiques, à ceci près qu'on ne comprend pas pourquoi ils ne comprennent pas ... Même les garçons du groupe découvrent ce qu'une attitude « macho» peut être désagréable. Salah et Khaleb voulaient à tout prix oi que nous fêtions la fin du ramadan, chez ci eux, dans leur village. Ils nous avaient expliqué que cette fête était un moment important - beaucoup de réceptions, beaucoup de nourriture ... Nous rêvions un peu au faste des mille et une nuits. En fait, ce n'est pas du tout cela. Leur famille est très modeste, leurs moyens financiers dérisoires à côté des nôtres et les quelques biscuits qui attendent les visiteurs n'ont aucun rapport avec ce qu'on avait imaginé. Ils sont huit enfants chez eux. Les deux aînés, l'un flic, l'autre technicien des forêts, sont mariés. Ensuite, il y a Salah, directeur d'école, qui nous accompagne; Ali qui fait des recherches en physique nucléaire aux Etats-Unis grâce à une bourse du gouvernement tunisien. Khaled, notre deuxième animateur, est maître- assistant en biologie à Tunis. Restent deux frères, encore lycéens, et Nora. Elle a 14 ans, 'elle entre en 4ème, elle parle un peu français et rêve de venir visiter la France. Mais que se passera-t-il dans sa tête? Elle tait tout chez elle, sa mère est très fatiguée: courses, ménage, cuisine .. A part ça, elle va au lycée et rentre. Elle n'est jamais allée au cinéma de sa vie, ne fréquente pas la Maison des Jeunes de Fériana, etc ... Son univers, c'est la cuisine. Une petite pièce basse avec une porte comme source lumineuse, un trou au plafond pour les fumées, des étagères dans le mur. Le sol est cimenté, on s'asseoit par tere avec un très grand plateau en cuivre pour éplucher et manger. L'évier, depuis quelques années, est monté à hauteur d'homme et prolongé par une planche sur laquelle est posé un réchaud-deux feux, alimenté par une bouteille de gaz. C'est tout. te dénuement (le reste de la maison est composé de deux pièces où se trouvent un grand lit, un lit pliant, un matelas par terre, un coffre, une table T. V., deux chaises et une table en formica) a beaucoup frappé le groupe. '" Et nos jeunes Tunisiens vivant en France ci Bienvenue chez nous tous des « têtes », et pourtant ils ne sont pas riches ... ». C'est vrai, en France, les Tunisiens vivent souvent plus confortablement, et cela n'empêche pas certains jeunes d'avoir plein de problèmes, à l'école entre autres. Et ici au contraire, parce qu'ils n'ont rien ... Le soir, à la Maison des Jeunes de Fériana, quand on leur a demandé ce qu'ils faisaient de leurs loisirs, les Tunisiens nous ont expliqué que c'était une notion qui leur était inconnue. Ils font leurs études, avant tout; et pendant leur temps libre, ils cherchent souvent à gagner un peu d'argent de poche. Aller en boîte, draguer, c'est du temps perdu. Vendredi 24 - Nous sommes arrivés à Nefta, aux portes du désert, c'est superbe, malgré la chaleur. Nous nous sommes entassés sur la plateforme d'un camion pour aller rencontrer les mirages. Au retour, toujours en plein désert, le chauffeur nous a arrêté devant un groupement d'étals: roses des sables, cris~ taux de roches, vraiment nous avions le n'arrêtent pas de dire: « quelle famille: Un camion pour un mirage 37 DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 choix. Une affiche proposait même « du thé à la menthe à l'eau pure minérale ». Ah, le tourisme! ... Samedi 25 - C'est le retour. Dommage! Mais jusqu'au bout les Tunisiens nous auront étonnés. Un car fait la liaison Nefta-Tunis dans la Nuit. Le responsable de la compagnie nous avait recommandé d'arriver un peu plus tôt pour fixer nos sacs à dos sur le toit. Quand les autres voyageurs nous ont vu arriver, ça a été l'émeute. Par les fenêtres qu'ils ont ouvertes de l'extérieur, ils ont commencé par balancer leurs sacs pour réserver des sièges. Puis ils ont même essayé d'entrer par les fenêtres et quand la porte du car a été ouverte, tout le monde poussait tellement que personne n'avançait. Nous n'avions jamais vu ça. Le éar est parti archi-bondé; il s'est quand même arrêté en cours de route et ce sont des grappes humaines qui se sont accrochés à lui. Il devait y avoir deux fois plus de passagers debout qu'assis. Ah, les pelotages! Ils s'en sont donnés à coeur joie. Après le sud, ses détritus, sa pauvreté, Tunis nous est apparue bien plus riche et urbanisée qu'à notre arrivée. Et puis on peut se promener dans les souks sans se faire agresser. En fait en Tunisie nous avons rencontré deux mondes: une société européanisée, très francophile, qui nous a reçu les bras ouverts avec une spontanéïté et une générosité que nous ne connaissons pas en France; et puis l'autre, proche du tiers monde, en voie de développement, qui bénéficie incontestablement des efforts gouvernementaux en matière d'éducation et de santé (il y a quand même quelques mendiants) mais qui ne comprenait pas ce que venait faire notre groupe mixte chez eux. Et leur inquiétude pouvait facilement passer pour une attitude raciste à notre égard. C'était bien que nous vivions cela ainsi. LES GENS ET LEURS GÈNES Pierre -André TAGUIEFF : vous avez placé votre dernier ouvrage, Traité du vivant, sous le signe de Darwin, dont on célèbre cette année le centenaire. Vos prises de positions face à la sociologie et à ses récupérations politiques n'ont~elles pas joué un rôle dans cette réflexion encyclopédique ? Jacques RUFFIÉ: J'au rais très bien pu en rester à mes conclusions de 1976. (1) Mais alors que la génétique progressait et montrait bien l'importance du polymorphisme génétique dans toutes les espèces et donc l'inanité du racisme, surgissait au même moment un mouvement de pseudo-scientifiques qui essayaient de trouver des arguments dans une soi-disant science naturelle rénovée, pour prendre des positions maurrassiennes, enfin des positions fascisantes . P.-A. T: Comment donc a pu s'opérer ce renversement radical du statut de la théorie darwinienne (renversement que ' vous mettez en valeur dans votre dernier ouvrage). D'un corps d'hypothèses ayant valeur de mise en cause des vieux dogmes fixistes, comment s'est-elle métamorphosée elle-même en dogme, avec ses grands prêtres sourcilleux? (2) Jacques RUFFIÉ: Vous voulez parler de la sociobiologie. C'est, finalement , un retour en arrière. Il ya une chose dont le grand public ne se rend pas compte : c'est que la plupart des sociobiologistes, je parle des scientifiques, et pas des politiques, sont des gens qui viennent de l'entomologie, dont l'idée formelle est l'étude des sociétés d'insectes. Or, le terme de société n'a pas la même valeur sémantique si l'on parle de l'insecte ou si l'on parle de l'homme, puisque l'insecte a essentiellement des comportements innés. Autrement dit, la ruche et l'abeille ne forment qu'un seul et même animal, en somme fragmentaire, puisque constitué de plusieurs animaux, mais renvoient à un seul programme g~nétique, alors qu'une société dite primate, humaine surtout, est une société qui ne vit pas seulement par un programme génétique, mais qui obéit à des comportements essentiellement appris. Ce n'est pas par hasard si K. Escherich, entomologiste et dignitaire de l'Allemagne nazie dès 1933, proposait l'organisation de la termitière comme modèle de la société idéale (3). Mais, je ne connais aucun généticien qui soit sociobiologiste, ni ici, ni aux EtatsUnis, ni en Grande-Bretagne, ni en Italie. P.-A. T.: En quelque sorte ce serait la projection d'une idéologie professionnelle, d'une tradition mentale propre à une région bien définie du savoir, érigée abusivement en norme, voire en principe d'une conception du monde. Jàcques RUFFIÉ: Exactement. Pourquoi ont-ils connu ce succès dans les milieux non scientifiques? Je pense qu'il faut apporter une réponse simple et très claire : cela arrange les idéologues et les politiques en permettant de justifier les tensions internationales. En cas de situations critiques telles qu'on en rencontre aujourd'hui, il faut légitimer la position des forts et la position des faibles. Il est clair que le darwinisme a légitimé l'Angleterre victorienne et que la sociobiologie est apte à légitimer Yalta, ou du moins fournit tous les arguments requis. ,"N ( ... ) P.-A. T. : Que reste-t-il, aujourd'hui, du darwinisme? Jacques RUFFIÉ: Il reste la pression les oiseaux sont faits pour vivre dans sélective, et ce n'est pas un vain mot. La l'air, et cela suppose une pression sélecpression sélective, c'est un fait. Il est clair tive. Mais sur le plan génétique, la presque les poissons sont adaptés à la vie sion sélective aboutit à la diversité, et dans l'eau et quand l'homme a voulu celac'est cela qui est important, qui fait construire des sous-marins, il leur a don- la vie. La richesse d'un groupe, ce n'est né la forme des poissons. Il est clair que pas la richesse de posséder tel gène, c'est 38 Darwin a de mauvais dèves :forts de son centenaire, les sociobiolog~tes tentent de lui faire parrainer leurs thèses Uitistes. Pour les véritables chercheurs il n 'esl plus temps de se taire. 1 celle de posséder beaucoup de gènes différents. Car l'unité vivante, ce n'est pas tellement l'individu, c'est la population, . c'est-à-dire la masse de gènes. Au fond , tout mon livre repose là-dessus, parce que c'est une notion qui est assez nouvelle. Ce qu'on appelle la niche écologique (c'est-à-dire la fraction d'espace-temps et de comportements qui forme, en somme, le réceptacle d'une espèce) ce n'est que la projection des capacités génétiques de cette espèce qui supporte telle chaleur, tel froid, tel nourriture, qui peut lutter efficacement contre tel virus ou contre tel prédateur, etc .. . La niche écologique, c'est la projection de l'équipement génétique. Il est clair que plus cet équipement génétique est varié, plus les réponses sont possibles, plus la niche écologique est grande. Entre deux populations de même effectif, l'une qui serait faite d'individus tous semblables, et l'autre d'individus tous différents, les pro babilités de survie seraient totalement différentes. Dans le premier cas, celui des individus ayant des sommes génétiques semblables, tous auront les mêmes certitudes, tous travailleront à la même heure, tous voudront être actifs au même' moment, voudront habiter au même endroit. Autrement dit, dans une niche écologique très restreinte jouera une compétition terrible. Alors que si vous prenez une population de même effectif, mais avec des individus très variés, il y en a qui sont actifs quand il fait chaud, d'autres quand il fait froid, certains la nuit, d'autres le jour, certains qui sont végétariens, d'autres qui sont omnivores, certains qui aiment les blondes, d'autres les brunes, etc ... En bref, vous avez une niche écologique beaucoup plus grande, avec des frontières qui reculent et de ce fait une compétition qui joue moins. Il ne faut donc pas confondre la sélection avec la compétition, ce sont deux choses différentes. Je pense que la sélection naturelle pousse à la non-compétition. P.-A. T. : C'est une pensée tout à Ht intéressante, et qui dérange bien .des.Iieux communs du darwinisoe vague faisant aujourd'hui office d'idéologie dominante. Jacques RUFFIÉ: Justement, c'est un peu pour cela que j'ai écrit ce livre. INTERVIEV, EXCLUSIVE DU PROFESSEUIJACQUES RUFFIÉ P.-A. T.: Comment penser la séction à partir de votre thèse du polymorphisme génétique? cles naturels: un glacier qui se formera, Jacques RUFFIÉ: La sélection favorise un volcan qui sera en éruption, que saisIes gens qui ne se marchent pas sur les je encore? Il Y aura une interruption de pieds. Voyez les populations hétéro- gènes entre sujets différents, mais qui gènes, il y a des sujets qui aiment aller au sont encore de la même espèce. Si cette Sud, d'autres au Nord, certains à l'Est, interruption d'échanges génétiques est d'autres à l'Ouest. Parce que les bar- suffisament prolongée et si la pression rières écologiques ne sont pas les mêmes. sélective pousse chacun d'un côté, à la Prenons les espèces du Nord, ceux qui longue la divergence peut-être telle que sont adaptés au froid , ils ont une fron- les deux groupes deviennent stériles, ne tière que leur équipement génétique per- peuvent plus se croiser. L'espèce peut met de dépasser. Il arrive que quelques alors éclater en espèces différentes. sujets dépassent cette frontière et, par Mais ceci n'est jamais arrivé chez des remaniements génétiques, sous l'ef- l'homme parce qu'il a toujours su s'afet du hasard, puissent s'installer défini- dapter au milieu, ou plutôt, transposer tivement au-delà. Si l'installation défini- avec lui son milieu. Quand vous venez tive est réussie à ce moment-là, les deux dans ce bureau en hiver, il y a de la glace groupes, le groupe migrant et le groupe dans les ruisseaux de Paris, mais nous familial - le grou pe parental - peuvent sommes à peu près dans l'ambiance être séparés par exemple, par des obsta- d'aujourd'hui, c'est-à-dire une ambiance tropicale dans laquelle l'homme s'est fait. Sous les vêtements de l'esquimau, si l'on fait des mesures de températures et des mesures d'humidité, on découvre que entre la peau de l'esquimau et ses fourrures, il y a exactement une humidité de température tropicale. Dans son igloo, il est comme nous. P.-A. T. : Comment repensez-vous, à partir du polymorphisme génétique, les notions politiques, juridiques et ethiques d'égalité et de différence ? Quel sens peut avoir aux yeux du biologiste, le problème de la conciliation de l'égalité des droits et du droit à la différence? Jacques RUFFIÉ: Le polymorphisme a l'avantage énorme d'élargir la niche, donc d'élargir les ressources, et donc de diminuer les compétitions. Le polymorphisme humain fait que la communication logique prend une importance très grande. Le polymorphisme, au lieu de profiter individuellement aux polymorphes, profite à tout le monde en ce sens qu'une réponse face à une question , ou une solution face à une contrainte, découvertes par un seul, peuvent profiter à tous. Je pense que le véritable sens moral du polymorphisme se rencontre au niveau humain, où il prend une dimension collective. C'est ce qu'avait bien compris et senti mon maître Vandel, et c'est pourquoi je lui avais dédié mon premier ouvrage. Vandel disait ce qu'il y a de plus extraordinaire chez l'homme, ce n'est pas qu'il soit intelligent, c'est que i vA-N ces hommes intelligents puissent communiquer entre eux et mettre en commun leurs expériences. P.-A. T. : Si j'ai bien compris, lorsque vous fondez le polymorphisme culturel sur le polymorphisme génétique, vous développez une des thèses fondamentales de ce que vous nommez « biosociologie », par opposition à la sociolobiologie ! Jacques RUFFIÉ: C'est très important. des échanges. Je pense que la chance de ~n est passé progressivement du biolo- l'humanité est d'être un groupe génétiglque au culturel grâce au développe- quement très polymorphe et de pouvoir ment de l'intelligence du groupe social, échanger. P.-A. T.: Le concept anthropologique de race semble n'avoir plus guère de sens à partir de la thèse du polymorphisme génétique. Jacques RUFFIÉ: Au niveau humain cela n'a aucun sens, aucun. P.-A. T. : A vous suivre, la faillite du concept de race va de pair avec la faillite de la pensée typologique? Jacques RUFFIÉ: A coup sûr, et je m'en explique longuement dans mon dernier ouvrage. Ca peut exister, une race, mais je dirai de la race ce que Louis Jouvet, en jouant le docteur Knock, disait de la santé : « c'est un état précaire qui ne présage rien de bon. » Tout à l'heure,j'évoquais ce groupuscule d'animaux qui allaient au froid, qui dépassaient la frontière et qui s'adaptaient. Ça peut devenir une race, la race d'adaptation au froid , mais cela ne va pas durer
- ou bien l'isolement est réussi et cette
race devient espèce et ce sera une autre espèce, ou bien ça ne réussit pas et elle disparaît ou bien elle continue à faire des échanges génétiques et elle reste fusionnée dans l'ensemble de l'espèce. L'humanité a fait une tentative de raciation à l'époque où les groupes étaient peu nombreux, où la pression sélective jouait encore fortement. On ne savait pas alors faire du feu, etc. Mais depuis 500.000 ans ou 300.000 ans, je crois que l'on a exactement renversé la vapeur: on tend beaucoup plus à se mélanger et heureusement. Car le mélange, comme je l'explique dans mon livre, est un bienfait du ciel, cela vous permet d'avoir un grand nombre de registres de réponses variées. On dit que certains milieux de droite considèrent que la venue des NordsAfricains, des Portugais, ou des Noirs en France est une catastrophe. Mais c'est une chance historique inouie ! Lorsqu'ils sont vraiment intégrés, cela permet de ranimer une flamme, d'injecter quelque chose de nouveau dans un vieux peuple. Regardez l'Amé.rique! L'Amérique du Nord, avec ses défauts et ses qualités, c'est quand même un foutu pays! P.-A. T.: Nous sommes donc littéralement embarqués dans le mé- 39 lange. Mais vous montrez surtout que le m.é!issage? loin d'être u.n processus de dégradation, va dans un sens. posItif et c!ea~eur. Les vrais racistes, aujourd'hui en France, I~s ra~l~tes doctrmalfe~ S~)flt to~s eugénistes. Devant le constat de la disparItion des races, qu Ils mterp~etent comme un déclin, ils veulent recréer des lignées pures. Certams rêvent d'un surhomme bio-technologique. (4) Jacques RUFFIÉ: Ce qui est absurde. taire. C'est à dire que si vous les lâchez Théoriquement, ce n'est pas impossi~le, dans la nature, elles se font croquer sans c'est même faisable, mais vous aboutirez attendre. aux lignées pures de souris de labora- P.-A. T. : Est-ce le même homme qui fait des rec.herches .e~ hém~totypologie et qui écrit De la Biologie à la Culture, le TraIte du vIvant, L 'Histoire de la louve? Il Y a en vous un philosophe et il y a un scientifique. Jacques RUFFIÉ: Ecoutez,je ~rois qu.e c'est le même homme et que c est vraiment indissociable. Il fut un temps où l'on considérait que chaque secteur scientifique avait son autonomie, restait dans son coin. Il faut bien dire qu'aujourd'hui ce temps est révolu. Einstein et bien d'autres scientifiques se sont préoccupés des problèmes posés par l'aven!r du monde, et de l'humanité. Je ~rols qu'actuellement il ne peut pll:'s y aV,o~r u,n seul biologiste conscient qUi se desmteresse de ces problèmes. On ne peut plus rester au labo, c'est fini, il faut parler. Il faut s'adresser aux gens, hors de la tour d'ivoire, et sans ceinture de sécurité. Propos recueillis par Pierre-André TAGUIEFF (1) Jacques Ruffié -De la Biologie à la Culture. Paris - Flammarion 1976 (2) Cf E.O. Wilson - Sociology- Thenew Synthesis - Cambridge USA 1975. ~ . NON A LA CE\NTURE AU LABO 1 (3) Karl Escherich - Termitenwahn. München - 1934. . (4) cf. l'expert en eugénisme de la nouvelle droite Y. Christen, collaborateur régulier du Figaro Magazine. 40 DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 .---MAISONS----, RECOMMANDÉES CREATIONS BERL Y 22, rue de Poitou 75003 Paris MURIEL BERTALIS 35-37, rue Réaumur 75002 Paris MARYLOUISE CHAUSSURES 55, rue Meslay 75003 Paris JAC EVE CONFECTION POUR DAMES 24, bld Poissonière 75010 Paris CREATIONS NORY PRET A PORTER FEMININ 249, rue Saint Denis 75002 Paris OBJET TROUVE 5, rue Frédéric Sauton 75005 Paris TEM'S 6, rue du Commerce 75015 Paris STE POLA 15, rue Beauregard 75002 Paris FRIED FRERES 13, rue du Caire 75002 Paris PARFUMERIE MOZART 26, av. Mozart 75016 Paris SODIMEUBLES 71, bd Barbès 75018 Paris Culture Viendra peut-être le temps où les cultures passeront facilement les frontières. En attendant, la création à Paris d'un lieu de rencontre permanent, la Maison des cultures du monde, peut y aider. LA CULTURE DES MONDES A vivre à Paris, dans son métromelting pot par exemple, si on n'est pas complètement envahi par la paranoïa de peur de l'étranger distillée par ceux qui y ont intérêt, on se prend parfois à rêver à un avenir radieux: que la ville devienne une cité du monde, à la croisée des chemins, à la croisée des civilisations, où les hommes d'un même exil auraient la possibilité de se regrouper sans pour autant construire un ghetto, et aussi la possibilité de croiser et rencontrer les autres hommes sur des agoras démocratiques. La Maison des Cultures du Monde, qui ouvre ses portes pour la première fois cet automne, pourrait être un peu comme le point d'ancrage de cette philosophie de la ville. « Au départ c'est la nécessité de créer à Paris, defaçonpermanente un lieu qui puisse accueillir toutes les formes d'expression du monde entier, dit Chérif Khaznadar (1). Et quand il s'agit de spectacles contemporains, le plus vite possible après. /eur apparition dans leur pays d'origine, et pas des années après. « II y a certes dans cette initiative les nostalgies du Théâtre des Nations qui, à la fin des années 50 et au début des années 60, fit découvrir à l'Occident l'Opéra de Pékin ou le Berliner Ensemble, ou les cultures du TiersMonde. Mais ces démarches étaient ponctuelles. C'est la permanence qui fait l'originalité de cette Maison des Cultures du Monde. Cela lui permettra une sorte de mise à jour constante des communications entre la France et le reste du monde. A l'affût du monde Pour cela les moyens sont multiples. Il y a évidemment les liens avec les différentes structures institutionnelles de l'univers international: UNESCO, Institut du Commonwealth, Atelier de recherches musicologiques de Genève, Centre de recherche théâtrale de Milan, etc., ainsi que les services culturels des ambassades et les ministères des gouvernements étrangers. « Il y a aussi un réseau d'amis et de correspondants constitué depuis de nombreuses années, à l'affût, à l'écoute de ce qui se passe partout dans le monde et qui nous le signalent immédiatement. Ce qui nous permet de faire de véritables découvertes. Quand cela nous semble nécessaire, nous vérifions les propositions qui nous sontfaites cifin d'en tester la qualité et la conformité à /'état d'esprit dans lequel nous travaillons, soit en allant voir le spectacle sur place, soit à l'aide de la vidéo. La programmation n'est jamais hasardeuse. Il y a actuellement dans le monde tellement deformes de création, tellement de choses étonnantes que c'est plutôt l'embarras du choix. La vraie difficulté en mat ière de programmation, c'est surtout d'arriver àfaire venir les spectacles, à les sortir de leur environnement sans trop les déformer, sans les trahir. C'est surtout problématique dans le cas de formes traditionnelles et populaires, précise Chérif Khaznadar. Pour éviter cet écueil, la Maison travaille avec des spécialistes. La sensibilité et le respect des autres ne sont pas toujours suffisants. Et il est souvent nécessaire, face à une production culturelle étrange, de savoir des choses, afin à la fois de reconnaître son authenticité, de la manipuler avec les précautions adaptées, et aussi de la présenter et la faire comprendre par le public français. Sociologues, historiens, musicologues, critiques, ethnologues commencent à travailler. Ils seront aussi partie prenante de l'autre projet qui va se mettre en place: l'édition de documents, livres, disques, enregistrements sonores et audiovisuels, qui permettront de favoriser tous les travaux de recherche. Attention, carrefour Un des buts premiers de cette vaste entreprise est évidemment d'être un carrefour qui permette aux créateurs de toutes disciplines, théâtre, danse, musique, cinéma, de trouver des voies nouvelles. Depuis les relations privilégiées qui se sont établies entre l'art primitif et les surréalistes, on sait combien les confrontations de tous ordres peuvent nourrir la création contemporaine. Mais le public n'est pas fait que de créateurs, et chacun doit aussi y trouver un aiguillon à sa curiosité pour les cultures différentes. On sait combien le dévelop- 41 pement des voyages a pu favoriser l'ouverture d'esprit à l'autre. C'est vrai que la séparation entre la scène et la salle, définition même, tous comptes faits, du spectacle, peut développer un goût pour l'exotisme qui n'entraîne pas pour autant celui de vivre ensemble. Pourtant le regard est déjà un mouvement, un désir, et beaucoup seront touchés. Il est souhaitable enfin que cette Maison aille plus loin que toutes les Maisons de la Culture, pleines de bonnes intentions à l'origine, et qui n'ont qué très partiellement réussi: qu'elle accueille d'autres classes et d'autres races que les habituels privilégiés de la classe culturelle. Quand on présente les conteurs du Zaïre, il faudrait que les Zaïrois de Paris soient informés et soient dans la salle le soir. Une politique d'animation, en tous cas est prévue et le directeur compte beaucoup sur les médias, surtout sur la télévision. Sur cette partie du programme, souhaitons- lui bonne chance, car les dernières années l'ont montré, la tâche n'est pas aisée. Où et quoi? La Maison des Cultures du Monde a établi son infrastructure - légère - à l'Alliance française (2). Elle aura bientôt des locaux destinés à la documentation. Mais ses spectacles, eux seront proposés un peu partout: Carré Silvia Monfort, Chaillot, Seine-Saint-Denis ... La saison a commencé dès le mois d'août, avec Macunaïma (Brésil) et Le Livre des Mort Tibétains (coproduction nippo-japonaise). On pourra rencontrer les Bauls du Bengale, fous de Dieu, une secte tantrique composée de moines errants en couples mixtes et exprimant leur magie par la musique et la danse, le Théâtre National du Zaïre, les chants et danses du Rajasthan, le Pansori de Corée (théâtre épique musical). Pour l'avenir tout est possible. Jean Duvignaud, qui est le président de cette Maison, souhaite pouvoir en développer les manifestations dans les sens les plus divers: « montrer le travail des femmes chiliennes aussi bien que les oeuvres des enfants désadaptés ... Il faudrait s'arracher au parisianisme; dit-il, tenter de saisir cette phase de mélange, de mixte qui caractérise aujourd'hui la rencontre des cultures du Monde. » (3) Anne LAURENT (1) Chérif Khaznadar, directeur de la Maison des Cultures du Monde. (2) Alliance française, lOI, bd Raspail, tél. 544.72.30. (3) Extrait du Nouvel Observateur N° 933 septembre 82. L'URSS est un pays que nous connaissons peu ou mal. Le 5e festival des minorités nationales de Douarnenez a eu, comme les années précédentes, le mérite de donner à voir une réalité soviétique autre que russe ou ukrainienne. L'URSS groupe en effet 91 nationalités reconnues en tant que telles dont 50 environ ont plus de 100000 représentants. Cent vingt langues' sont parlées et utilisées dans l'enseignement et la vie publique, dont 65 à la radio et 19 à la télévision. Cette diversité linguistique mais aussi religieuse sert de base à la différenciation nationale. C'est l'héritage direct de l'histoire aussi complexe que relativement récente de l'empire tsariste. ~ Le choix des cinématographies d'Arménie, de Géorgie et de Kirghizie effectué par les organisateurs du Festival de Douarnenez s'est avéré judicieux tant par la qualité des films présentés que par l'éventail des nationalités présentées. L'expérience de Douarnenez mérite d'être renouvelée voire même simplement reprise en une formule allégée, ces films étant en grande partie disponibles en France. Il est particulièrement intéressant de voir comment des cultures souvent orales ont pu, après l'alphabétisation menée depuis 1917, passer les limites étroites d'une contrée pour parfois atteindre une diffusion internationale. En cette fin de l'été 1982, à Douarnenez on se prenait à rêver à l'avenir de la littérature et du cinéma breton. Tendresses géorgie~'mes Ce n'est que dans le courant des années soixante que l'on découvrit véritablement l'importance du cinéma des minorités nationales en URSS. Cependant, en Géorgie comme en Kirghizie des réalisations originales avaient été menées à bien dès le début du siècle. En Géorgie, en liaison avec une vie culturelle particulièrement riche, vont se manifester avec beaucoup d'originalité les premiers éléments d'un cinéma authentiquement national. Dans le creuset de Tbilissi où se retrouvent des intellectuels de toutes origines et de toutes les écoles s'est organisé un cinéma associant la culture rurale populaire géorgienne et les influences occidentales. De cette rencontre entre modernisme et enracinement culturel vont naître des oeuvres importantes pour le septième art d'avant guerre. La période stalienne marquera aussi le cinéma géorgien. A partir des années cinquant~ s'opère un renouveau qui laisse aparaître tous les espoirs que confirmeront des jeunes auteurs comme Iosseliani G. Ghenguelaia et M. Kokotchvili. En 1973 est créé un institut géorgien du cinéma formant lui-même ses propres réalisateurs, ses scénaristes et acteurs. C'est Iotar Iosseliani l'auteur de La §§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§ DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 blanc (l'histoire d'un petit garçon dont le père doit revenir un jour sur le bateau blanc qu'il voit loin sur le grand lac; la confrontation entre l'univers des adultes et de l'enfance), Le vol des cigognes et Coups de feu au col Karach (au Kazakhstan d'avant la révolution, toute la vie s'articule autour des chevaux, le vol de ceux-ci a une signification sociale autre que celle en cours en Europe ... ) de B. Chamcheiev. Le 1 er maître. Le cinquièmefestival de Douarne11:rz s'est penché en septembre sur le cinéma dfS minorités ~ natiQnales d'URSS. Trois Républques soviétiques étaient représentées, la Géor(ie, la Kirghizie et l'A rménie Deux autres films, Le féroce et le ciel de notre enfance de Tolomus Odeev sont particulièrement empreints de la relation de l'homme kirghize à la nature et du désespoir de celui-ci face à des traditions qui se perdent inexorablement. Arménie Ils ne sont aujourd'hui que six millions. Depuis 1920 la république socialiste soviétique d'Arménie n'occupe qu'une partie de l'ancienr.e Grande Arménie. Les descendants des victimes du premier génocide de ce siècle, quand ils n'habitent pas l'Arménie soviétique vivent dispersés aux quatre coins du monde. Pourtant ce peuple que les militaires turcs avaient voulu anéantir et couper complètement de ses racines fait preuve d'une vitalité extra ord inaire. L'Arménie soviétique est devenue au fil des ans le musée, le foyer où la conscience nationale se conserve. Chaque année des milliers d'Arméniens du monde entier vienchute des feuilles, Il était une fois un merle chanteur, La pastorale dont nous évoquerons essentiellement l'oeuvre, fort représentative au demeurant, dans ce court dossier sur la Géorgie. Ce pays est fait de gens particulièrement sensibles à la durée de l'existence, à sa briéveté et donc à la nécessité de la vivre avec le plus d'intensité possible, même si cela doit parfois se faire au jour le jour. Il est vrai que cette partie de l'actuelle URSS fut de tout temps l'objet de convoitises et donc d'invasions aux temps des empires russe, perse et turc. La chuté des feuilles pose un regard narquoi et tendre à la fois - désenchanté? - sur une petite ville au moment des vendanges. C'est la rencontre que font avec la vie deux jeunes, Otar et Niko, au sortir de l'institue d'agronomie. Iosséliani commence par une longue ouverture muette dans laquelle il célèbre les vendanges. Chaque jour sera représenté et marqué ensuite par des chants, témoins de l'évolution des sentiments des personnages. Une petite église de campagne constituera l'image « sur laquelle s'achève le film. Les qualificatifs ne manquent pas pour dire la valeur de Il était unefois un merle chanteur, film capricieux, nonchalant, tout à la fois curieux et ironique, bref, à l'image du personnage de Guja, percussionniste dans un grand ensemble symphonique. Guja est un doux réveur, un individu instable qui traverse la vie comme un funambule, toujours disponible pour les autres, toujours prêt à rendre service. Sous le regard de Guja, Tbilissi prend l'allure d'une cité méditerranéenne. Pastorale, déjà diffusé en France, est une autre approche du monde rural traditionnel de Géorgie. C'est l'intrusion de l'univers citadin dans une vie qui ne semble pas s'être considérablement modifiée depuis longtemps. Quatre musiciens ar- 42 rivent de la ville pour achever leur répétitions avant un grand concert, ils vont loger chez l'habitant. Différences a déjà recommandé ce film de Géorgij Sengelaja. Cette ballade autour de la vie d'un peintre naïf géorgien de la fin XIX siècle est un véritable petit chef d'oeuvre. Sengelaja maîtrise tellement la peinture et la personnalité de Pirosmani que son film est comme une série de tableaux, authentiques et colorés. Du conte au film De notre imaginaire n'émergent du continent soviétique que quelques noms ; Moscou, Léningrad, le Transsibérien et Vladivostok. Les autres cultures ne sont perçues que d'une manière vague et confuse. Parmi celles-ci la Kirghizie. A Douarnenez il s'est passé quelque chose. Ce n'était pas le regard voyeur ou paternaliste d'un public plus ou moins cinéphile, ce fut un véritable échange et une découverte, dans les deux sens. La haute stature de l'acteur Tchonorov (certains l'ont déjà vu dans le film de Kurosawa Dersou Ouzala, où il tenait le rôle du géographe) penchée vers l'océan restera gravée dans beaucoup de mémoires bretonnes. La Kirghizie est passée en quelques décennies d'un mode de vie nomade à une société structurée par le mode de vie soviétique et les progrés économiques et sociaux du xxe siècle. La tradition des conteurs itinérants ou attachés à la personne d'un riche chef de tribu s'est transformée petit à petit et a favorisé l'éclosion de multiples autres formes d'expressions artistiques, dont le cinéma n'est pas la moindre. « Qui sait en France, que l'une des trois grandes épopées de l'histoire de l'humanité, dira à Douarnenez le réalisateur Chamcheiev, est le Manass, poème de plusieurs centaines de milliers de vers, comparable à l'Odyssées d'Homère. » Un bureau, d'actualités est crée à Frounzé, la capitale, en 1 930, mais ce n'est qu'en 1942 que sont fondés les studios de Kirguisfilm. Les réalisateurs ne sont pas encore kirghizes, leur rôle n'en sera pas moins important puisqu'ils formeront sur le terrain les premiers réalisateurs nationaux. Le renom du cinéma Kirghize n'est dû aujourd'hui qu'à ses propres cinéastes dont T. Okeev, B. Chamcheiev, G. Bazarov. Bolotbek Chamcheiev a précisé sa conception du cinéma lors d'une rencontre avec le public. Elle s'articule autour de deux axes fondamentaux, la préservation d'une culture et la volonté d'aller vers de nouvelles relations entre individus. S'il produit peu, le studio Kirghize s'appuye sur la tradition orale et sur le dynamique travail théâtral accompli sur place, ce qui permet l'émergence d'étonnants acteurs dans une si petite cinématographie. Un tour d'horizon, aussi succint soit-il de ces réalisations, ne pourrait se faire sans évoquer le rôle et la personnalité considérables de Tchinguiz Aïtmatov, écrivain de renommée internationale et directeur artistique des studios Kirguizfilms. A Douarnenez ont été présentés des films réalisés par des soviétiques non kirguizes, Djamilia et Le premier maître d'après des scénarios de T. Aïtmatov et des oeuvres pleinement Kirghizes; Le bateau . nent se tremper aux sources de leur culture, quelles 'tue soient d'ailleurs les sentiments qu'ils éprouvent envers l'Union soviétique, et son régime. A Douarnenez, deux films arméniens ont particulièrement suscité l'intérêt, Sayat Nova de Serguei Paradjanov et Naapel de Henrik Malian. Trois films de Jacques Kebadian, réalisateur français d'origine arménienne, ont également été proposés; Arménie 1900, Buvards .et Colombe et Avédis. Le public connaît les deux oeuvres de S. Paradjanov Les chevaux de feu et Sayat nova; la diffusion de ce dernier vient d'être rendue possible en France. La puissance allégorgique de Sayat nova le relie à ce qu'il y a de plus profond dans l'âme et la tradition arménienne, de la vie quotidienne au rituel religieux. Sayal nova ne se résume pas. C'est une oeuvre dans laquelle il n'est pas facile d'entrer mais dont la riche onirique et poétique est envoûtante. Naapet d'Henrik Malian nous plonge 6 films pour connaître les minorités nationales en Union Soviétique Il était une fois un merle chanteur - Géorgie Pirosmani - Géorgie Le premier maître - Kirghizie Le bateau blanc - Kirghizie Sayat nova - Arménie Naapet - Arménie Distribution; Films Cosmos, 25 rue d'Astorg - 75008 Paris - Tél. 268.08.79. 43 dans le génocide arménien. Ce n'en est pas pour autant un film marqué par la violence et le drame. Un homme, Naapet, retourne dans un village de l'arménie soviétique. Il ne parle à personne. Sa vie se passe dans de longues méditations entrecoupées d'images de son passé. L'extermination de son village revient lentement en sa mémoire. Avec pudeur et délicatesse H. Màlian nous entraine au plus profond du drame d'un individu et de tout un peuple. Naapet est un' excellent film pour une approche de la question arménienne et du génocide. C'est aussi un film d'espoir. Espoir manifesté par tous à Douarnenez pour Serguéi Paradjanov, actuellement emprisonné en URSS. Sa libération doit intervenir rapidement. L'un des hommes phares du cinéma arménien ne saurait continuer à vivre sans créer. Le seul exil tolérable est l'exil intérieur. Jean-Pierre GARCIA Histoire « Le 25 octobre 732, les A rabes sont battus à Poitiers », apprendon à l'école. Une petite victoire d~ rien du tout, suivie d'un long coup de pub à travers les siècles. Non, Charles Martel n'est pas Jeanne d'Arc. ~ «SACRE CHARLES MARTEL 44 L a victoire de Charles Martel à Poitiers le 25 octobre 732 remportée contre les Arabes venus d'Espagne, est l'une de ces dates que chaque Français naguère apprenait à l'école primaire. Pas tout à fait aussi célèbre que Marignan 1515, on la retenait bien car elle faisait partie des piliers de l'histoire républicaine et coloniale de la France du XIxe siècle: elle rappelait aux enfants qui regardaient sur la carte la large tache de l'empire colonial, les glorieux et lointains épisodes annonciateurs de la suprématie chrétienne et occidentale sur le monde. Avec Roncevaux, l'événement de Poitiers se parait de couleurs gràndioses en débutant la guerre entre la Croix et le Croissant par la première victoire sur l'islam. Les faits eux-mêmes sont, en gros, connus. En 711, des troupes arabes, sous la direction de Tarik Ibn Ziyâd, passent d'Afrique en Espagne (le djebel Tarik a donné le nom de Gibraltar). En moins de quatre ans, ils se rendent maîtres de presque toute la péninsule. Les rivalités internes des clans qui gouvernaient le royaume chrétien wisigothique ont facilité leur conquête. Seuls quelques chrétiens réfugiés dans les montagnes du nord ne sont pas soumis, mais ils n'intéressent guère les nouveaux maîtres de l'Espagne. La conquête, peu coûteuse et facile, se révèle solide: presque tous les cadres du royaume de Tolède passent au service des Ommeyades, sans grands heurts de conscience. Une aventure aussi fructueuse encourage les Arabes à pousser plus loin. D'autant que le sud de la Gaule, qui au ve siècle avait été englobé dans le royaume wisigothique semble un pays rattaché à l'Espagne. Dès 718, commencent les premiers raids. En 725, Narbonne, Nîmes, Carcassonne sont atteintes. Les Arabes menacent Toulouse et lancent des expéditions vers le Rouergue et le Velay. La Bourgogne n'est pas épargnée: en 725 (ou 731), Autun est incendié. Ces chevauchées rapides ne rencontrent guère de résistance. L'entreprise interrompue en 732 se rattache à cette politique d'expansion et de pillage commune à tous le monde arabe, que pratiquent (et pratiquèrent par la suite) d'autres peuples: les Vikings, les Hongrois et bien entendu les Fr5lncs. Les raisons de cette expédition sont connues. Le duc d'Aquitaine Eudes, s'était remarié à la fille d'un chef berbère révolté. Eudes s'était compromis dans ces intrigues et c'est pour le châtier que le gouverneur arabe de l'Espagne, Abd er Râhman el Gaafeki décide d'aller en Aquitaine. Il traverse la Gascogne, pille Bordeaux, contourne Poitiers et vise Tours, la cité de saint Martin. Eudes est affolé et fait appel aux armées de Charles Martel, maire du palais d'Austrasie. C'est ainsi que les troupes franques interceptent l'armée d'Abd er Rhâman sur la route de Poitiers. Abd er Rhâman est tué lors de l'affrontement. Les Arabes se replient alors en bon ordre vers la Narbonnaise. Mais les raids sont loin d'être terminés. Les Arabes concentrent ensuite leurs razzias sur le sud-est de la Gaule et la vallée du Rhône. En 734, Arles est pillée. En 737, la Bourgogne leur fournit, de grandes troupes d'esclaves, une des principales richesses recherchées dans ce genre d'expéditions. Dans la première moitié du VII le siècle les musulmans avaient de la sorte soumis la majeure partie du Languedoc, base de leurs raids. Ce n'est que sous Pépin III le Bref qu'ils quitteront le pays (752-759). Un raid qui tourne mal Replacée dans la succession des événements, la bataille de Poitiers apparaît comme un simple épisode, un raid qui tourne mal à côté d'autres comme celui d'Autun, qui tournent bien. C'est ainsi que le jugèrent les Arabes. Ni sur le moment, ni dans les ouvrages postérieurs, les auteurs musulmans, attentifs pourtant à rapporter leur histoire, y compris ses défaites, ne mentionnent l'événement mineur à leurs yeux: il fait partie du train ordinaire des razzias et de la conquête. Ce qu'il est si on le replace dans la seconde phase d'expansion territoriale de l'empire ommeyade. La Gaule en effet est la limite extrême où s'essouffle l'effort de conquête. En Orient par contre les historiens consignent le souvenir, beaucoup plus amer, de leurs échecs devant Constantinople. Au moment de la bataille de Poitiers l'empire s'étendait à l'est, atteignant la Tansoxiane et l'Inde. C'est un énorme empire, gouverné de Damas, qui domine une multitude de peuples et de civilisations. A cette échelle, l'Aquitaine apparaît alors comme une petite province lointaine de peu d'importance aux confins d'un extrême Occident. A cette période,la famille de Pépin de Herstal rassemble dans ses mains les richesses (les terres) et donc la puissance. Charles, fils bâtard de Pépin II, maire du palais, reconstitue par les armes l'unité de la Gaule. Du temps de leur puissance, les Mérovingiens avaient soumis les pays méridionaux. Mais Bataille de à la faveur des luttes qui suivirent, l'Aquitaine avait repris une indépendance qui contrecarrait la politique de Charles Martel. Celui-ci répond bien à l'appel d'Eudes, remporte une victoire mais en profite pour remettre le duché sous son autorité. De 736 à 739 il fait de même en Provence et en Bourgogne. La célébrité historique de la bataille de Poitiers ne réside pas dans l'événement lui-même. D'ailleurs, ni Charles Martel ni les Francs n'eurent le sentiment d'avoir arrêté une grande invasion arabe qui menaçait d'islamiser toute la Gaule du Sud. Les musulmans négligèrent répisode. Quant aux Méridionaux, beaucoup jugèrent sur le moment que le seul choix qu'ils eussent aimé faire était de rester maîtres chez eux. Alors, comment en est-on venu à mettre en lumière cette bataille? Il faut bien y voir le résultat d'une utilisation politique sciemment opérée par la famille carolingienne qui s'imposait alors. On pourrait croire que la propagande orchestrée date du développement des grands Etats modernes, qu'elle a proliféré avec l'essor des grands moyens d'information et de communication. En fait, on constate que très tôt, dès qu'il y eut des écrits, des gens pour les lire et les diffusèr, les puissants ne négligèrent jamais l'appui que pou- 45 DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 vait leur apporter une histoire convenablement présentée pour les besoins de leur cause. Avec les Pépinnides, nous en avons un bon exem'ple. Durant toute la première moitié du VIJIC siècle, Pépin de Herstal, Charles Martel et Pépin le Bref ont travaillé à concentrer en leurs mains tout le pouvoir. Charles Martel passe pour avoir imposé des transformations décisives. Pour se procurer des terres qu'il distribuait à ses fidèles, noyau solide de ses armées, il n'hésita pas à reprendre les terres que détenaient églises et monastères. C'est à son époque que se diffusa l'emploi de l'étrier qui donnait au cavalier plus d'assise dans le combat à la lance. Ce qui entraîna l'emploi de la cavalerie lourde qui assura aux armées franques une réelle supériorité. Arranger l'Histoire Les Pépinnides ne visaient pas seulement la conquête du pouvoir. Ils voulaient aussi le titre de roi. Mais, depuis le VIe siècle, les Francs choisissaient leurs rois dans la famille des Méroving,iens. Rompre ces traditions sacrées, voire magiques, qui avaient l;l.ssuré la suprématie des Francs étaient une entreprise à ne pas tenter à la légère. Ce n'est qu'en 751 que Pépin II 1 se jugea assez fort pour tenter le coup d'Etat. Ille réussit et se fit sacrer. Toutefois, la nouvelle dynastie devait se consolider. Toute une propagande anti-mérovingienne s'employa à expliquer que les nouveaux rois avaient accompli les desseins de la Divine Providence qui les avait choisis. L'élimination des Mérovingiens en devenait normale. Erinhard, le biographe de Charlemagne, petit-fils de Charles Martel a ainsi lancé le slogan des « rois fainéants» dont on connaît le succès. Les partisans des Carolingiens en vinrent à chercher dans l'histoire de la famille tout ce qui pouvait confirmer cette haute destinée de rois chrétiens choisis par Dieu. Ecoutons Eginhard: « Cette charge (le pouvoir) ... était remplie par Pépin (le Bref) père du roi Charles (Charlemagne) en vertu d'un droit d~ià (on admirera l'adverbe) presque héréditaire. Elle avait été exercée avant lui par cet autre Charles (Martel) ... qui se signale en abattant les tyrans (entendez les autres grandes familleS aristocratiques qui guignaient aussi le pouvoir) et en forçant les Sarrazins par deux grandes victoires, l'une en Aquitaine à Poitiers l'autre près de Narbonne, à renoncer à l'occupation de la Gaule et à se replier en Bpagne» Ainsi Eginhard (et d'autres bien sûr) commence à construire cette histoire de la lutte contre les Sarrasins. Pendant longtemps son oeuvre fut souvent citée, rarement critiquée. Les conflits en Italie du Sud, en Espagne, les croisades alimentèrent ensuite cette histoire simplifiée et adaptée qui assigne à l'Occident chrétien la tâche de défendre contre l'infidèle. Que ce stock d'images et de faits, sortis de leur contexte, ait pu accroître la méconnaissance, le mépris, est incontestable. Que le Moyen-Age ait apporté sa large part dans ce mélange de légendes hostiles, de calomnies et d'épisodes historiques est tout aussi assuré. Mais il serait inexact de s'en tenir là. Tout au long du Moyen Age, en particulier du XIe au XIIIe siècle, coexiste, à côté de cette vision du Sarrasin qu'il faut vaincre par l'épée, l'image respectée du savant et du médecin, du philosophe et du musicien arabes. C'est dans les pays musulmans, en Espagne notamment, que les chrétiens viennent chercher les grands textes de l'Antiquité et qu'ils découvrent la splendeur de la pensée et de l'art des musulmans. Le qualificatif d'arabe est prestigieux. L'Occident se met à l'étude auprès de maîtres musulmans. L'on prend encore mal l'exacte mesure de cette influence, mais il est bien certain que ces échanges et cette admiration ont aidé au redémarrage de l'Occident, ont favorisé son essor culturel aux XIIe et XlJle siècle. Riche de ses composantes variées, vigoureuse et puissante la civilisation musulmane a exercé un attrait fructueux pour une Europe encore mal dégrossie et ignorante. Simone ROUX Lu Vu Entendu • Shérazade, dix-sept ans , brune, frisée, les yeux verts, par Lena Sebbar. Ed. Stock. Un roman difficile, qui ne tente pas de composer avec l'utopie de rapports naturels entre personnes de cultures différentes. De fait, les confrontrations entre Julien, fils de rapatriés qui vit l'Algérie à travers son amour pour la peinture orientaliste, et Shérazade, immigrée de deuxième génération vite marginalisée, sont marqués par l'incompréhension. A lire absolument
- pour se rapprocher, il faut
d'abord évaluer les distances. • Déraciner les racismes, de Jules Gritti, aux Editions SOS. C'est l'entreprise d'un chrétien de notre temps qui pose un regard opiniâtre sur les mécanismes pathologiques du racisme et de l'an ti-sémitisme. Là où le Jaune apparaît comme l'héritier de Gengis Khan, là encore où le Ni Noir, Ni Blanc, le Nord-africain, plus spécialement l'Algérien, est resté dans les consciences l'ancien fellaga. Là enfin où dans la haine dujuif, la sexualité joue un rôle déterminant: la circoncision, ce rite énigmatique, éveille la peur de la castration et renvoie aux origines de sa propre identité. En un mot, un livre, une invitation à être plus que jamais à l'écoute des différences dans uns société plurielle. • Histoires ordinaires du féminin présent. Denise Breton. Temps Actuels. A travers quelques histoires ordinaires du féminin présent, des femmes aux origines diverses témoignent de leur condition avec le même accent d'authenticité. Elles mettent en commun la mémoire de leur détresse, de leur destin. Eduquées pour obéir, elles se souviennent des grossesses répétés, non désirées. Elles se souviennent de la guerre, du nazisme, du génocide, du racisme ordinaire. Elles se souviennent de l'usine, des conditions de travail, des brimades, des vexations. Elles se souviennent du terrorisme marital, de leur révolte, du déchirement , de la douleur , de l'isolement. Elles nous racontent par le biais d'images multiples que l'amitié se conjugue aussi au féminin. Elles se souviennent surtout de cette solidarité naissante, de cette confiance retrouvée, puisée dans le regard et l'écoute des Femmes ... • Un excellent dossier dans le numéro 135 (juillet-août 1982) de la Recherche; Les races humaines existent-elles? Une mine d'arguments antiracistes pour s'opposer à la fausse scientificité du nouveau racisme. Demander le numéro à : La Recherche 57 rue de Seine, 75280 Paris cedex 06. • Le Salon de Musique, du cinéaste indien Satyajit Ray rediffusé le 24 septembre sur A2. Méditation sur un monde qui meurt, symbolisé par la lente déchéance d'un vieux seigneur. Il faut lire à ce propos les Ecrits sur le cinéma que vient de publier Satyajit Ray. • Le Grand Frère de Francis Girod, avec Gérard Depardieu, Soand Amidou et Hakim Chanem. Il faut saluer le premier film grand public à situer son action en milieu immigré, et décrire les oppressions qu'il subit. On regrettera simplement qu'à travers une intrigue manichéenne réapparaissent un certain nombre de stéréo-... types: attribution de la direction de la famille au garçon, même s'il n'a que treize ans, désir irrépressible de se venger par tous les moyens, écrasement des femmes ... La dernière scène est à ce titre parfaitement ambiguë : n'y a-t-il d'autres solutions aux difficultés des immigrés que de rentrer au pays et d'endosser le costume traditionnel? • KlIlers of Sheep. Primé au Festival de Berlin en 1981, réalisé par Charles Burnett. On parle de nouveau cinéma noir américain. • Yol film de Yilmaz Güney. Cinq prisonniers viennent d'obtenir le renouvellement de leurs permissions. L'itinéraire de ces cinq détenus est l'occasion pour Yilmaz Güney de nous faire pénétrer dans les profondeurs de la vie contemporaine en Turquie : poids de la morale patriarcale et de ses interdits, place de la femme dans une telle société, oppression du peuple kurde ... Le Film de Y. Güney primé à Cannes cette année, est fait à la fois de réalisme et de poésie, de misère et de tendresse. Chacune des histoires, chacun des personnages est riche de plusieurs 46 DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 sens, de plusieurs lectures. Ainsi cette admirable scène dans la neige Seyit Alit (interprété magistralement par Tarik Akan, l'exAlain Delon turc, aujourd'hui emprisonné pour cause d'allergie à la dictature) s'écrie « mon fils, bats ta mère car si elle s'endort elle mourra ». Images symboliques d'un pays pris dans le coup d'Etat faciste et donnant la mesure, à la fois de l'espoir, et de la longue marche encore à accomplir. Un film à né pas manquer. A voir prioritairement en version originale. Performance : Arborigenal embassy • Le rire dans le désert, une tentative d'écriture de Michel Potage sur la mémoire tatouée des Aborigènes du coeur de l'A ustralie, avec la complicité de Short y O'Neil, ambassadeur pour l'Europe de l'ensemble de ces populations. Sable, transparence et lumière, un univers symbolique que la proximité d'un peuple a fait surgir de l'inconscient de notre voyageur émigré de l'intérieur. Il a découvert là-bas un racisme aussi violent qu'en Afrique du Sud à l'encontre de ces peuples parqués par le colonialisme blanc et qui mènent l'ultime combat de leur survie dans un temps et dans un espace qui ne s'organise pas selon les lois du capital. C'est ainsi que récemment :s arborigènes nomades ont dressé une tente devant le Parlement australien de Camberra, comme siège de leur ambassade ... Réveille-toi l'Egypte • Cheikh Iman chante Ahmed Fouad Negm - 33 tours Apia. Un cri rauque s'élève des geôles égyptiennes. Cest le message de Fouad Negm que psalmodie Cheikh Iman sur son luth, ponctué par les percussions de Mohamed Ali. C'est la voix de l'Egypte opprimée qui s'agrippe à sa liberté. Les mots éclatent, durs, arides; la musique inspirée du folklore égyptien est sans fioritures. La poésie de Negm, écrite en ar~be populaire, dénonce avec force la torture, l'exil, la souffrance, l'oppression. C'est le chant d'un oiseau blessé, symbolisant un Tiers Monde affaibli par la répression. La complicité réunit Iman et Negm tout au long de ce disque. L'un est aveugle, l'autre est emprisonné, mais rien ne peut les empêcher de crier leur soif de vivre dans un monde meilleur. notes réalisées par Daniel CHAPUT, Mariette HUBERT, Jean-Pierre GARCIA, Jean-Michel OLLE. Jacques Ruffié Traité du vimnt JacqueS Ruffié Traité duviVttlJI DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 Cette fable fut dite dans un conseil où la majorité ne voulait pas venir en aide à une tribu voisine menacée par les Danikills. L 'histoire des zébus changea la majorité. Dans une forêt vivaient bien unis trois zébus grands et forts. L'un était noir, un était roux, l'autre était blanc. Un lion vint habiter dans ces parages et se montra très aimable, bien qu'il eût décidé de les tuer. Quand il fut ami avec eux, il prit à part le zébu noir et lm dit: « Le zébu blanc se voit de trop loin quand nous paissons. Il serait mieux qu'il meure sans trop tarder . Qu'en dis-tu? )). Le zébu noir fut de cet avis. Le lion alla trouver alors le zébu roux et lui dit la même chose. Le zébu roux trouva que le lion avait raison. Le lion se jeta donc sur le zébu blanc, le tua et le dévora sans que les autres vinssent pour le défendre. Le noir, consulté à nouveau, laissa tuer le zébu roux, de couleur trop voyante disait le lion. Enfin, il se trouva seul, sans défenseur, en face du lion qui lui dit: « Tu vas mourir. Fais ta prière, car je ne t'ai jamais aimé. - Crois-tu donc me surprendre, animal sans pitié,' ce n'est pas à ta méchanceté ni à taforce que je dois ma mort, mais plutôt à ma bêtise. Je me suis condamné à mort le jour où j'ai laissé tuer mon frère blanc, puis mon frère roux )). Zébus, restez unis comme de vrais frères, ou le lion rugissant vous mangera. MAROOUINERIE EN GROS SACS FANTAISIE CUIR ET MA TlERES MODE les fabriques du temple Téléphone 272 17 34 272 99 15 87, rue du Temple, Paris-3° 3, rue Michel-le-Comte, Paris-3° 47 recueillie par E. DUCHENET INeTITUT "ATIOMAL DU TAPie WJ: 100· 102. bd. de MIgcnl3
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REVETEMENT, EN TOUS GENRES MOQUETIES LAINE ET TOUTE TEXTURE TEXTILES MURAUX. TAPIS CONTEMPORAINS, CLASSIQUES, INSPIRATION ORIENT TAPIS ORIENT, ROUMAINS, CHINOIS IMPORTATION DIRECTE ETUDES ET DEVIS GRATUITS - POSE PAR SPECIALISTES LIVRAISONS PARIS ET BANLIEUE EXPEDITION DANS TOUTE LA FRANCE La parole à ... Jarko Jovanovic Jagdino « Chanter la joie des chemins» Jarko est Tsigane. Depuis cinquante ans, il promène sa balalaïka en Europe, pour faire connaître la culture de son peuple. A l'occasion de son entrée au comité d'honneur du M RAP, il a accepté de confier quelques mots à Différences. Opre Roma : ça veut dire Debout Tsiganes. La roue que vous voyez au milieu a seize dents, chaque dent vaut cent ans. Comptez vousmêmes, cela fait 1600 ans que nous avons quitté /'Inde, 1600 ans que nous sommes du voyage. Vous nous appelez tsiganes, gitans, manouches, gypsies, bohémiens ou romanichels, mais, au fond, c'est toujours le même peuple. J'ai commencé à travailler, àjouer de la balalaïka en 1946 à Belgrade. Je n'ai jamais perdu l'enthousiasme pour ça. J'avais été partisan. A vant, j'avais fait trois camps de concentration. Dans le dernier, on travaillait dans une mine de charbon. Je me suis enfui, sinon je serais mort maintenant. Les Roms ont toujours été dans la première charrette, partout. Quand les nazis me frappaient, je levais le bras pour me protéger. Près de quarante ans plus tard, j'ai toujours mal au bras. Je suis venu en France, comme tous les artistes à ce moment là. Je ne venais pas en France, je venais à Paris. Je n'ai pas de pays, Paris est mon pays. Ma richesse est dans mes doigts et mon instrument. Je joue chez Jo Goldenberg. ça m'afait de la peine quand il a sauté. C'est toujours la même chose qui recommence. Mais Georges Demeter, un tsigane, est mort dans l'attentat, et ça, on ne l'a pas J,it. Moi,je veux chanter lajoie des chemins, faire entendre les voix' de mon peuple. Oue ce soit autre chose dans la tête des gens que les Gitans professionnels qui font la manche dans le métro. Ceux-là nous font du tort. Je veux chanter pour que l'on soit content de voir arriver les tsiganes sur la place de son village. Je tiens beaucoup aux multiples décorations que j'ai reçues en France, aux marques d'estime qu'on me donne. A travers moi, c'est une reconnaissance et nous avons besoin d'être reconnus. Ça commence à venir: lafemme de monfils est professeur de russe à la Sorbonne. Dans les pays de l'Est, il y a des juges tsiganes. C'est important parce que pour l'instant, il faut encore être tsigane pour nous comprendre et nous juger. Ça changera. Nous, nous sommes ouverts à toutes les rencontres. Le tsiganes sont toujours de la religion des pays qu'ils traversent, c'est la leçon que nous pouvons donner. Je chante la liberté de monpeuple,l'égalité de tous les peuples. C'est mon message quotidien au peuple de France. Propos recueillis par J.M.O. 48 A vec de la haine, on n'arrive à rien Je suis d'origine juive avec une éducation juive, roumaine et française. H y a de quoi s'y perdre, mais je me sens vraiment française et n'ai rien à voir avec M. Begin. Dans mon enfance,j'ai appris la générosité, l'amour du prochain et le respect de toutes les traditions, races et religions. Ayant beaucoup souffert du racisme, je me suis juré de ne jamais en faire et de ne pas me laisser influencer par qui que ce soit. Je vous supplie de bien vouloir publier cette lettre dans votre journal afin que les gens comprennent bien qu'être juif n'est pas une nationalité mais une religion ou un état d'âme.Je me sens proche de chaque personne qui souffre. Je ne veux pas savoir son origine et je condamne l'assassinat des innocents du Liban. On a voulu l'extermination des Palestiniens parce qu'ils sont courageux et qu'ils ont lutté pour leur survie comme les juifs pendant la dernière 'guerre 'mondiale et les Indiens en Amérique; nous sommes tous coupables, le monde entier peut rougir de ne pas avoir fait assez vite pour sauver du massacre des femmes et des enfants innocents. Il faut le faire rapidement et ne pas fermer les yeux sous prétexte que nous sommes assez loin. Je suis une personne âgée, j'en ai pas mal vu dans ma vie. Depuis ma naissance, je souffre du racisme, alors je dis :çasu.f~ fit, plus de tueries. Et sije peux contribuer à ce que les gens comprennent qu'avec la haine, on n'arrive jamais à rien, je serai la plus heureuse. Je compte beaucoup sur vous car la France que j'ai connue en 1926 à mon arrivée était généreuse et elle a eu des grands hommes pour lutter contre le racisme comme Jean Jaurès et Emile Zola, entre autres. Mme BRONSTEIN Ivry Un club Différences Je suis professeur de lettres, au collège Edgar Quinet de Saintes, et l'an dernier j'ai monté avec un collègue, un club D(fférences dans le but de faire mieux connaître ' et comprendre les autres, à partir notamment des enfants d'origine étrangère qui sont au collège. ous avions eu une trentaine d'enfants venant assidûment au club. Nous avons pu parler du Maroc U'y ai vécu 18 ans pour ma part), montrer des diapos, des costumes, des bijoux. M. Nejjari (professeur d'arabe) est venu montrer l'écriture arabe et enseigner quelques mots de cette langue aux enfants. Puis nous avons eu une petite fête où nous avons goûté des gâteaux marocains et bu du thé à la menthe. Ensuite nous avons parlé de la Guadeloupe (une de nos collègues étant créole), du Cambodge (un collègue marié avec une Cambodgienne et ayant vécu là-bas a faitune projection de diapos et répondu aux questions). Nous avons parlé égalementdu Portugal, de l'Espagne et avons projeté le film A cloche-pieds sur les frontières . A. FOURNIER Saintes Non, la carte n'était pas truquée Je vous livre mes réactions de géographe à la lecture de l'article La carte était truquée, publié dans votre numéro de septembre. Ce texte se fonde sur un postulat qui me paraît complètement erroné: la projèction de Mercator serait utilisée dans l' « immense majorité» des planisphères destinés au public. Cela n'est pas vrai aujourd'hui: feuilleter n'importe quel atlas ou entrer dans n'importe quelle classe d'histoire géographie vous en convaincra. Cela n'a pas non plus été vrai dans le passé. Il existe en effet deux grands types de projection
- conforme, qui resteurs
d'idées simples, il n'y a pas de rapport entre la domination impérialiste et l'absence de continents au sud du 55 ilS (à part l'Antar.ctique, ce vaste pays du Tiers-Mondi si maltraité par les cartes !). Il ne faut pas non plus voir d'arrière- pensée dans la variation d'échelle en latitude: c'est la formule la plus simple pour le lecteur. Derrière les protestations indignées et l'attaque autoflagellante contre l'eurocentrisme « (l'Europe se trouve au centre de la carte, ce qui est inexact dans la réalité, sic») l'idéologie pointe le bout du nez. Au détour d'une phrase, on nous propose une définition du Tiers-Monde: « pays proches de l'Equateur ». Audelà de l'erreur, que les Argentins, les Turcs et les ... Chinois . apprécieront, on voit se profiler une image de l'espace mondial qui remplace l'échange inégal par une géographie éternelle. Parler géopolitique: d'accord, mais celle d'aujourd'hui; les superficies y ont moins d'importance que les situations, les situations que les ressources, les ressources que les productions, les productions que les potentialités de production. Mais alors nous sortons d'un vague droit à la d(ffërence, pour entrer dans le domaine de la lutte contre les inégalités. A moins que - et j'ai oesoin que, sur ce point, D(ffërences me rassure par des articles un peu moins farineux - ce ne soit la même chose. Jacques LEVY Paris Néo-nazis et forces de paix pecte les angles, et dont la Je suis tout particulièrement ,Mercator est un exemple; dèçu par Différences parce équivalente, qui respecte les que vous continuer à renforcer superficies. une image de mon pays, la RéCe sont deux manières de trai- ,publique Fédérale d'Alleter le problème (insoluble) de magne, qui est très fausse dans la représentation sur un plan le sens où vous en parlez seuled'une surface sphérique. Or la ment quand les néo-nazis et deuxième, équivalente, a été autres forces fascistes et rainventée par le Français Nico- cistes font leurs attaques. Je ne las Sanson, dès le dix-septième sous-estime en rien ce danger siècle et, sous la forme San- dans mon pays. Mais d'après son-Flamsteed ou celles de ses les seules choses que vous ravariantes, s'est largement ré- contez à vos lecteurs, ils vont pandue depuis. Il ne faut pas penser que les Allemands sont assimiler toute la cartographie des réactionnaires, les éternels au planisphère scolaire mural, nazis. Vous ne comprenez pas il est vrai largement diffusé en que la situation est beaucoup son temps, de Paul Vidal de la plus compliquée et complexe Blache, grâce à notre mouvement pour Dommage pour les ama- la paix qui est de très loin plus DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 important que celui aujourd'hui en France. Le sentiment que plus jamais une guerre ne doit partir de notre sol est une clé de la conscience de millions d'Allemands. A ne parler que des nazis de mon pays aujourd'hui , face à la lutte de millions d'Allemands pour la paix, vous renforcez des préjugés, des sentiments anti-Allemands, le chauvinisme contre tout un peuple et vous n'apportez sûrement rien à la compréhension et à l'amitié entre les peuples. Doris PUMPIiREY Levallois Expier le déicide L'article Les Juifs du Pape porte des attaques contre ce peuple, soit-disant mystérieux, que l'église catholique cherche tant à comprendre pour le bien de l'humanité. Il y a de quoi s'étonner : qui ne sait pas que les juifs ont vécu d'usure et de l'exploitation du pauvre catholique? L'église s'est pourtant chargée de le dire pendant des siècles et Hitler en profita pour exterminer six millions de juifs. En ce qui concerne l'amélioration de la situation de ceux-ci, autant en France qu'à travers le monde, l'église catholique n'y est vraiment pour rien. Si cela n'avàit dépendu que d'elle ces mystérieux individus, ces usuriers croupiraient encore de nos jours dans de sinistres ghettos en train d'expier le crime de déicide dont elle les accuse. Jacques ZABA WN Y Paris Des Français plus égaux' que les autres Je crois à l'égalité de tous les hommes, à la dignité de tous les Français, mais j'ai parfois le sentiment, depuis la création d'Israël à ce qu'il me semble, qu'il y a des Français plus' égaux que d'autres, qui ont le droit de constamment menacer leurs compatriotes des plus viles vilénies chaque fois qu'ils estiment qu'Israël se voit contesté dans certaines de se pratiques politiques ... Je sais gré à Dijfërences d'avoir dénoncé le fait que l'antiracisme était plus vigilant à l'égard des juifs qu'à l'égard des arabes. En gros en effet, on pourrait dire qu'il vaut mieux dans ce pays tuer un Arabe qu'un Juif : ça fait moins de 49 bruit, ça suscite moins de mobilisation, occupe moins de place dans les journaux. Pourtant on a tué depuis la guerre en France plus d'immigrés arabes que de Juifs. Combien de manifestants après Coper~ nic et combien après le plasticage du consulat algérien à Marseille? Je me réjouis de la mobilisation des Français ' après Copernic mais en même temps je fais observer que les médias ont essayé dans un premier temps, une fois de plus, de nous culpabiliser. Il y a en France près de 500000 Français musulmans (les harkis et leurs nombreux enfants) : on n'en parle jamais, on ne les voit jamais dans les médi&s, on ne lit pas leur signature dans les journaux, etc, etc. J'entends bien que la différence des situations peut ·s'expliquer pour des raisons historiques et culturelles mais . on peut faire remarquer ce fait, injuste (et dont tous les Français, juifs ou pas juifs, sont responsables en grande partie). Avec mes meilleurs sentiments pour Diffirences. Roland MIREMONT Paris Divergences Je suis abonnée à D(ffërences depuis quelques mois. J'apprécie beaucoup votre mensuel qui documente ses lecteurs sur des pays dont parlent trop peu nos journaux et nos 'médias: Guatémala, Salvador, Afrique du Sud et autres, où règne l'impérialisme capitaliste, ses crimes et son racisme. Mais alors que la grande presse nous sensibilise surtout sur ce qui se passe dans les pays de l'Est, je constate que votre revue, à l'inverse des . autres, ne fait jamais allusion' aux problèmes du racisme et des droits de l'Homme dans le .bloc socialiste. En particulier dans la rubrique Le Mois, je n'ai jamais trouvé d'informations ou de statistiques sur ces pays (Pologne, U. R.S.S., Bulgarie, etc.). J'aimerais savoir pour quelles raisons? Peut-être depuis que je suis abonnée, rien de très important n'a été à signaler? Ou peut-être voyez-vous les choses sous un angle qui m'échappe? Mme DERBEZ Nyons Agenda 23 septembre/21 novembre • La photographie contemporaine en Amériq ue Latine au Centre Georges-Pompidou, salles contemporaines. 24 septembre/24 octobre • Les visions insolites insolentes des Frères Bourdon,expositionde peintures et dessins au Musée d'Art et d'Histoire de Meudon. Rens. au 872.71.06. 30 septembre/II octobre • Une série d'interventions et de conférences est prévue pourla mission nationale du MRAP en Corse. 5 octobre • Le racisme, parlons-en ! Sur ce thème le MRAP organise à travers la France une série de réunions publiques portant sur tous les aspects du racisme et de l'action pour le combattre. La première a lieu le 5 octobre à Roanne, avec Albert Levy. 5 octobre/9 janvier • Les peintres Haïtiens naïfs et modernes, à la Galerie Cujas, II, rue Cujas, Paris 5c . Tél. : 326.24. 16. 7 octobre • Ouverture aux Services Culturels du Québec, 117, rue du Bac, Paris 7e, d'une permanence du cinéma québecois qui commencera par une rétrospective de l'oeuvre de Denys Arcaud . NOM ADRESSE NOMBRE D'EXEMPLAIRES Ci-JOint , mon rtgl~mcnt dt 9 octobre • Journée internationale de Solidarité avec les peuples indiens des Amériques, organisée par le M RAP, le Comité de Soutien aux Indiens des Amériques, Diffusion INTI et parrainé par le ministère de la Culture, àl'Universitéde Paris l, 12, place du Panthéon, de 14 h à 22 h. Y participeront des délégations indiennes du Canada, des Etats-Unis et de la Bolivie. Expositions, films, groupes musicaux, et... plats typiques. • A Nantes, un colloque sur les handicapés, auquel le MRAP participe, accueillera l'écrivain algérien Nabile Farès. 9/24 octobre • Culture sans frontières, c'est le thème de l'animation organisée par la municipalité de Tremblayles- Gonesses et l'ensemble des associations dont le M RAP. Rens . au 861.96.71. 10/20 octobre • Premier festival du film des cultures méditerranéennes à Bastia avec un hommage particulier au cinéma marocain. Il octobre • Journée de solidarité avec les prisonniers d'Afrique du Sud. 12 octobre • Une Tribune Libre pas comme les autres, à 18 h 55, sur FR3. Invitées par le M RA p, de nombreuses personnalit és. dont fram-s. DIFFÉRENCES N°16 - OCTOBRE 82 Albert Memmi, viennent donner leur point de vue sur le racisme. 13/22 octobre • Une diza ine pluri-culturelle dans les Alpes de Haute-Provence à l'initiative de nombreuses associations dont le MRAP. Spectacles à Sisteron, Châteaux Arnoux, Saint Auban. Rens. : Mme S. Gherrack, le Mas de Vial, Châteauneuf Val Saint Donat, 04200 Sisteron . Tél. : (92) 34.08.60. 14 octobre • A Chelles, le Chemin au pieds nus, un spectacle sur les Gitans par le groupe Théâtre PataOeur. Tél.: 421.20.36. 15 octobre/31 décembre • Une journée particulière : le merveilleux film de E. Scola est adapté au théâtre par Ruggero maccari et Gigliola Fanton. Un spectacle du Théâtre de la Ville, monté au Théâtre de Paris. 16/17 octobre • Cycle de formation au Centre le Cénacle (341, Chemin de RoucasBlanc, 13007 Marseille), sur les conditions du dialogue NordSud, cycle assuré par l'Institut d'Etudes politiques de Lyon. 16/30 octobre • A la maison des jeunes de La Rochelle, exposition La Chine vue par les Chinois, la production photographique en Chine. 20 octobre/27 février • De Carthage à Kairouan, 2000 ans d'histoire en Tunisie. Plus de trois cents oeuvres venues des principaux musées de Tunisie, quelques pièces des Collections du Louvre. Au Petit Palais, av. Winston Churchill, Paris 8e . 25 octobre • Pour 3 jours, à Paris, Liheratian Opera contre l'partheid, du pianiste Sud-Africain Abdullah Ibrahim (DoUar Brand) à l'Elysée Montmartre. 26 octobrej31 décembre • Pour la première fois au Musée de l'Affiche, 18, rue de Paradis, Paris 10c, l'exposition internationale d'affiches contre l'apartheid sera inaugurée par M. Jack Lang, ministre de la Culture. Quatrevingt pays témoignent. 5 novembre • L'Association des Travailleurs Portugais à Paris, présente Sud express, une pièce sur l'immigration portugaise au Centre d'Animation Mathis, 15, rue Mathis, 75019 Paris. Tél. : 241.50.80. 6 novembre • Lamine Konte chante à la Maison des Arts A. Malraux à Créteil. Tél. : 899.94.50. 53, rue /(odier 75009 _ PARIS METRO A N VERS - BUS 85 . 54 . JO TEL : 878.75.81 coiffure ASTON fbORENT 50 ~ &!3!l!li liJ&id ~MAROQUINERIE 30, rue du Temple - 15004 PARIS GROS - DEMI·GROS IMPORT . 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CETAT DU MONDE 1982 annuaire économique et géopolitique mondial sous la direction de François Gèze, Yves Lacoste, Alfredo Valladêio 68 F, 640 pages format de poche, couverture cartonnée François Maspero
Notes
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